L’Encyclopédie/1re édition/PLANTE
PLANTE, s. f. corps organisé, composé essentiellement d’une racine, & vraissemblablement d’une graine, & qui produit ordinairement des feuilles, un tronc ou une tige, des branches, & des fleurs destinées par la nature à quelque usage.
On peut définir une plante d’après Boerhaave, un corps organisé, composé de vaisseaux & de liqueurs ; qui a une racine, ou une partie par laquelle il s’attache à un autre corps ; & particulierement à la terre, d’où il tire pour l’ordinaire sa subsistance & son accroissement. Voyez Végétal.
Les plantes sont distinguées des fossiles, en ce qu’elles sont des corps organisés, composés de vaisseaux & de liqueurs (voyez Fossile) ; & des animaux, en ce qu’elles sont toujours attachées à quelque corps d’où elles tirent leur nourriture. Voyez Animal.
Plante est un nom général sous lequel sont compris tous les végétaux, comme les arbres, les arbrisseaux & les herbes. Voyez Arbre, Arbrisseau, Herbe.
Par les observations de Malpighi, du docteur Grew, de MM. Reneaume, Bradley, & d’autres auteurs, il paroît que le méchanisme des plantes est fort semblable à celui des animaux : les parties des plantes semblent avoir une analogie constante avec les parties des corps animés ; & l’économie végétale paroît formée sur le modele de l’économie animale. Pour donner une idée de cette ressemblance, il est nécessaire d’expliquer & de décrire les parties dont une plante est composée.
Les parties des plantes sont : 1. la racine, corps spongieux, dont les pores sont disposés de la maniere la plus convenable pour recevoir certains sucs préparés dans le sein de la terre. La qualité de la racine dépend en effet beaucoup de la grandeur des pores & des vaisseaux qu’elle contient, comme le prouve l’expérience. Boerhaave considere la racine comme composée d’un nombre de vaisseaux absorbans, analogues aux veines lactées des animaux ; & M. Reneaume prétend qu’elle fait la même fonction que toutes les parties de l’abdomen, destinées à la nutrition, comme l’estomac, les intestins, &c. Voyez Racine.
2. Le bois, consistant en tuyaux capillaires paralleles entr’eux, qui partent de la racine & s’étendent le long de la tige. Les ouvertures de ces tuyaux sont ordinairement trop petites pour être apperçues, excepté dans un morceau de charbon de bois, de canne, ou d’autres plantes semblables. M. Bradley appelle ces tuyau, des vaisseaux artériels, parce qu’ils servent à porter la seve depuis la racine jusqu’au haut. Voyez Bois.
3. Outre cela, il y a des vaisseaux plus larges, disposés au-dehors de ceux-ci, entre le bois & l’écorce intérieure, & qui descendent depuis le haut de la plante jusqu’à la racine. Le même auteur appelle ces tuyaux vaisseaux veineux, & croit qu’ils contiennent le suc liquide qu’on trouve dans les plantes au printems. Voyez Veine, Seve, &c.
4. L’écorce qui est un corps d’un tissu spongieux, & qui passant entre les arteres par plusieurs petits filets, communique avec la moëlle. Voyez Écorce.
5. La moëlle ou pecten, qui consiste en petits globules transparens, joints ensemble à-peu-près comme les bouteilles dont l’écume d’une liqueur est composée. Voyez Moëlle.
On peut ajouter que le tronc & les branches d’un arbre ont quelque ressemblance avec les parties & les membres extérieurs d’un animal, sans lesquels l’animal peut absolument subsister, quoique la perte de ces membres, ou les accidens qui leur arrivent, occasionnent souvent la destruction entiere de l’animal ; dans les arbres qui ont été endommagés, ou blessés, ou ébranchés, on observe des effets semblables à ceux qui arrivent aux membres des corps animés, comme l’extravasation, le calus, &c.
Economie ou usage des parties des plantes. La racine s’étant imbibée des sucs salins & aqueux que la terre renferme, & s’étant remplie de la matiere qui doit servir à la nourriture de l’arbre, ces sucs, ou cette matiere, sont mis en mouvement par la chaleur, c’est-à-dire sont changés en une vapeur, qui partant de la racine, entre par les ouvertures des vaisseaux artériels, & monte en-haut, avec une force proportionnée à la chaleur qui la met en mouvement. Par ce moyen cette vapeur ouvre peu-à-peu les petits vaisseaux roulés en bourgeons, & les épanouissent pour en former des feuilles.
Or comme toutes les vapeurs se condensent par le froid, la vapeur dont il s’agit étant arrivée à l’extrémité des arteres, c’est-à-dire aux bourgeons, & trouvant en cet endroit un air froid, se condense en une liqueur, & sous cette forme, elle retombe par son propre poids vers la racine ; en traversant les vaisseaux veineux, & laissant après elle une partie de sa substance, telle que le tissu de l’écorce puisse la conserver, & la retenir pour sa nourriture.
Cette liqueur continue donc ainsi à circuler, après quoi le froid de l’hiver la congele & la réduit en une sorte de gomme qui demeure stagnante au-dedans des vaisseaux ; elle reste en cet état, jusqu’à ce que la chaleur renaissante du printems la mette en mouvement de nouveau. Alors la plante se remet en vigueur, pousse de nouvelles branches & de nouvelles feuilles, &c.
Cette exposition abregée de l’économie végétale demande d’être expliquée plus au long, parce qu’elle renferme plusieurs points curieux, intéressans, & dignes d’être approfondis. La cause par laquelle la racine oblige à monter la liqueur dont elle s’est chargée, n’est pas encore bien connue. Quelques auteurs l’attribuent à la pression de l’athmosphere, comme l’élévation de l’eau dans les pompes : mais cette opinion est fondée sur une hypothese gratuite, savoir que les petits tuyaux de la plante sont vuides d’air. D’ailleurs la pression de l’athmosphere ne pourroit élever la seve à plus de 32 piés ; au-lieu qu’elle s’éleve beaucoup plus haut, voyez Athmosphere. D’autres ont recours au principe de l’attraction, & croient que la force qui éleve la seve dans les plantes est la même qui fait monter l’eau dans les tuyaux capillaires, ou dans des monceaux de sable, de cendre, &c. Mais cette force ne suffit pas non plus pour élever la seve jusqu’au haut des arbres. Voyez Attraction, Ascension, Capillaire, &c.
On peut donc croire que la premiere réception du suc nourricier, & sa distribution dans le corps de la plante, est produite par différens moyens, ce qui est confirmé par l’analogie des animaux. Voyez Nourriture, Chaleur, Nutrition, &c.
Le mouvement du suc nourricier des plantes est produit comme celui du sang des animaux, par l’action de l’air. En effet, on remarque dans toutes les plantes quelque chose d’assez semblable à la respiration. Voyez Respiration.
Nous devons cette découverte à l’admirable Malpighi qui a observé le premier que les végétaux sont composés de deux suites ou ordres de vaisseaux, savoir. 1. Ceux dont nous avons parlé ci-dessus, qui reçoivent & portent les sucs destinés à la nourriture de la plante, & qui répondent aux arteres, aux veines & aux vaisseaux lactés des animaux. 2. Les trachées ou vaisseaux qui reçoivent l’air ; ce sont de longs tuyaux creux, qui pompent & chassent continuellement l’air, c’est-à-dire qui sont dans une inspiration & une expiration continuelle. Ces trachées, selon la remarque du même auteur, renferment toutes les autres especes de vaisseaux. Voyez Trachée.
De-là il s’ensuit que la chaleur de l’année, & même celle du jour, ou d’une heure, ou d’une minute, doit produire un effet sur l’air renfermé dans ces trachées, c’est-à-dire qu’elle doit le raréfier, & en conséquence dilater les trachées ; ce qui doit être une source perpétuelle d’action pour avancer la circulation dans les plantes. Voyez Chaleur, Raréfaction, &c.
Car par l’expansion des trachées, les vaisseaux qui contiennent les sucs sont comprimés ; par ce moyen les sucs que ces vaisseaux renferment sont continuellement poussés & accélerés, & par cette même impulsion les sucs sont continuellement raffinés, & rendus de plus en plus subtiles, & par conséquent capables d’entrer dans des vaisseaux de plus en plus fins ; tandis que leur partie la plus épaisse est séparée & déposée dans les cellules latérales ou vésicules de l’écorce, pour défendre la plante contre le froid, & contre les autres injures de l’air. Voyez Ecorce.
Le suc nourricier étant ainsi parvenu du bas de la racine jusqu’à l’extrémité des plus hautes branches, & même jusqu’à la fleur, & ayant durant ce tems déposé une partie de la matiere qu’il contient pour nourrir & défendre les parties de la plante, le superflu passe dans l’écorce, dont les vaisseaux s’inserent dans ceux où la seve monte ; & ce superflu redescend ensuite vers la racine à-travers les vaisseaux de l’écorce, pour venir regagner la terre. Telle est la circulation qui se fait dans les plantes. Voyez Circulation de la seve.
Voilà ce qui se passe dans les végétaux pendant le jour, sur-tout lorsque la chaleur du soleil est considérable. C’est ainsi que les vaisseaux destinés à charrier la seve sont comprimés, que la seve est élevée en-haut, & que les vaisseaux qui la contiennent s’en déchargent. Pendant la nuit, les trachées étant resserrées par le froid de l’air, les autres vaisseaux se relâchent, & se disposent ainsi à recevoir de nouveau suc nourricier, pour le digérer & le séparer le lendemain : on peut donc dire en ce sens, que les plantes mangent & boivent pendant la nuit. Voyez Nutrition.
Les vaisseaux ou les parties des plantes ne sont que de la terre liée & conglutinée, pour ainsi dire, avec une huile ; cette huile étant épuisée par le feu, l’air, l’âge, &c. la plante se réduit en poudre, ou retourne de nouveau en terre. Ainsi dans les végétaux brûlés par le feu le plus violent, la matiere des vaisseaux se conserve entiere, & est indissoluble à la plus grande force ; par conséquent cette matiere n’est ni de l’eau, ni de l’air, ni du sel, ni du soufre, mais de la terre seulement. Voyez Terre.
Le suc nourricier ou la seve d’une plante est une liqueur fournie par la terre, & qui se transforme en la substance de la plante ; elle est composée de quelques parties fossiles, de quelques autres fournies par l’air & par la pluie, & de quelques autres encore qui viennent de plantes & d’animaux putréfiés ; par conséquent les végétaux contiennent toutes sortes de sels, de l’huile, de l’eau, de la terre, & probablement aussi toutes sortes de métaux, d’autant que les cendres des végétaux fournissent toujours quelque chose que la pierre d’aimant attire. Voyez Fer, Aimant, &c.
Le suc nourricier entre dans la plante sous la forme d’une eau fine & subtile, qui conserve d’autant plus de sa propre nature qu’elle est plus près de la racine ; plus elle s’éloigne de la racine, plus elle souffre d’altération, & plus elle approche de la nature du végétal. Voyez Digestion.
Par conséquent lorsque le suc nourricier entre dans la racine, dont l’écorce est remplie de vaisseaux excrétoires propres à rejetter les parties excrémenteuses de ce suc ; il est terreux, aqueux, acide, a peu de substance, & ne contient presque point d’huile. Voyez Suc.
Il commence ensuite à se préparer dans le tronc & dans les branches ; cependant il continue encore à y être acide, comme on le voit lorsqu’on perce un arbre dans le mois de Février ; car le suc aqueux qui en découle a un goût acide. Voyez Percer.
Le suc nourricier étant porté de-là jusqu’aux boutons ou bourgeons, il s’y cuit davantage ; & ayant développé les feuilles, elles lui servent comme de poumons pour y circuler & pour y recevoir une nouvelle préparation ; car les feuilles encore tendres étant exposées à l’action alternative du froid & du chaud, des nuits humides & de la chaleur la plus considérable du jour, se contractent & se dilatent alternativement, ce qu’elles peuvent faire avec facilité à cause de leur tissu réticulaire. Voyez Feuille.
Par tous ces moyens le suc nourricier se digere & se prépare de nouveau, & il reçoit encore une nouvelle perfection dans les pétales ou feuilles des fleurs qui transmettent aux étamines ce suc encore subtilisé de nouveau. Les étamines communiquent le suc à la farine ou poussiere des sommets, où ayant reçu un nouveau degré de maturité, il se répand sur le pistil ; là il acquiert le dernier point de perfection, & donne la naissance à un nouveau fruit, ou à une nouvelle plante. Voyez Pétales, Étamines, Sommets, Farines, Pistil, &c.
La génération des plantes a aussi une analogie parfaite avec celle des animaux, sur-tout de ceux qui n’ont point de mouvement local, comme on le remarque d’une infinité de poissons à coquillage qui sont hermaphrodites, & sont à-la-fois mâles & femelles. Voyez Hermaphrodite.
La fleur de la plante paroît être le pudendum ou le principal organe de la génération dans la plante, à cause de ses divers ornemens ; mais l’usage de ses différentes parties & la maniere dont s’opere ce méchanisme n’est que fort peu connue. Nous en donnerons un exemple dans une tulipe.
La fleur est composée de six pétales ou feuilles, du fond desquelles s’éleve au milieu une espece de tuyau, appellé pistil ; autour du pistil sont disposés des filets, appellés étamines, qui s’élevent aussi du fond de la fleur & qui se déterminent en-haut par de petites bosses appellées sommets, remplies d’une poussiere très-fine qu’on nomme farine. Pour avoir une connoissance plus étendue des parties de la génération des plantes, voyez Pistil, Etamine, Farine, &c.
Telle est la structure générale des fleurs des plantes, quoique diversifiées d’une infinité de manieres, de façon que certaines ne paroissent point avoir de pistils, & d’autres point d’étamines ; que quelques-unes ont des étamines sans sommets, & qu’enfin ce qui est plus singulier, quelques plantes n’ont point du tout de fleurs. Mais il faut convenir que la structure générale, dont nous venons de parler, est de beaucoup la plus commune ; & si on suppose que dans les plantes où on ne la voit point, elle est seulement insensible, quoiqu’existente, on pourra expliquer dans ce système la génération des plantes. Le fruit est ordinairement à la base du pistil, de sorte que quand le pistil tombe avec le reste de la fleur, le fruit paroît à sa place. Le pistil est souvent le fruit même ; & quand il ne l’est pas, le pistil & le fruit sont tous deux placés au centre de la fleur, dont les feuilles disposées autour du petit embryon semblent n’être destinées qu’à préparer une liqueur fine dans leurs petits vaisseaux, pour conserver & nourrir le fruit autant de tems qu’il est nécessaire. Cependant M. Bradley croit que le principal usage de ses feuilles est de défendre le pistil. Les sommets des étamines sont de petites capsules ou sacs pleins d’une espece de farine ou de poussiere, qui tombe lorsque les capsules deviennent mûres & se crevent. M. Tournefort croyoit que cette poussiere n’étoit que l’excrément de la nourriture du fruit, & que les étamines n’étoient qu’une sorte de conduit excrétoire, qui filtroient cette matiere inutile, & en déchargeoient l’embryon. Mais M. Morland, M. Geoffroi, & d’autres donnent de plus nobles usages à cette poussiere. Selon ces auteurs, c’est la poussiere qui féconde le grain ou le fruit en tombant sur le pistil où il est renfermé, & pour cette raison on l’appelle farina fœcundans. Ainsi l’étamine est dans leur système la partie mâle de la plante, le pistil en est la partie femelle, la poussiere en est le sperme, & l’on peut regarder la corolle comme le lit nuptial.
M. Bradley a observé au fond du pistil d’un lys un vaisseau qu’il a appellé uterus ou matrice, & dans lequel il y a trois ovaires pleins de petits œufs ou principes de semence & commencemens de graine semblables à ceux qu’on trouve dans les ovaires des animaux ; il ajoute que ces œufs diminuent continuellement & s’anéantissent enfin, à-moins qu’ils ne soient impregnés de la farine de la plante ou de quelque autre de la même espece. Les étamines, suivant cet auteur, servent à porter la graine mâle de la plante dans les sommets pour y être perfectionnée. Quand ces sommets sont mûrs, ils se crevent & répandent la graine en poussiere très-fine, dont quelques grains tombent sur l’ouverture du pistil, & sont portés de-là à l’utricule pour féconder les œufs femelles où demeurent dans le pistil, & par leur vertu magnétique attirent des autres parties de la plante les parties convenables à la nourriture de l’embryon, ce qui fait croître & grossir le fruit.
La disposition du pistil & des sommets qui l’environnent est toujours telle que la poussiere ou farine peut tomber sur l’ouverture du pistil. Il est ordinairement plus bas que les sommets ; & quand on le trouve plus haut, on peut conjecturer que le fruit a déja commencé à se former, & qu’il n’a plus besoin de la poussiere des étamines. A quoi il faut ajouter que dès que la génération est finie, les parties mâles tombent avec les feuilles, & le tuyau qui mene à l’uterus commence à diminuer. On doit aussi remarquer que le haut du pistil est toujours couvert d’une sorte de membrane ou tunique veloutée, ou qu’il est parsemé d’une liqueur glutineuse, pour mieux conserver la poussiere qui tombe des sommets. Dans les fleurs qui se tournent vers la terre, comme l’acanthe, le cyclamen & la couronne impériale, le pistil est beaucoup plus long que les étamines, afin que la poussiere des étamines puisse y tomber en quantité suffisante.
Ce système nous donne une grande idée de l’uniformité que la nature observe dans tous ses ouvrages ; il a même plusieurs caracteres de vérité ; mais l’expérience seule peut le constater.
M. Geoffroi, qui l’a adopté, dit que dans toutes les observations qu’il a faites, les plantes sont devenues stériles, & les fruits n’ont été que des avortons, lorsque le pistil a été coupé avant que d’avoir été impregné de poussiere ; & ce fait est confirmé par d’autres expériences de M. Bradley.
Dans plusieurs sortes de plantes, comme le saule, le chêne, le pin, le cyprès, le murier, &c. les fleurs sont stériles & séparées du fruit ; mais ces fleurs, comme M. Geoffroi l’observe, ont des étamines & des sommets dont la farine peut aisément impregner les fruits qui n’en sont pas éloignés.
Il faut avouer qu’il est un peu difficile d’accommoder ce système à deux especes de plantes, dont l’une porte des fleurs sans fruits ; l’autre de même genre & de même nom porte des fruits sans fleurs, & qui, pour cette raison, ont été appellées mâle & femelle, comme le palmier, le peuplier, le chanvre, le houblon : car comment la farine de la plante mâle peut-elle impregner la semence de la plante femelle ?
M. Tournefort conjecture que les filamens très fins, & l’espece de coton ou de duvet qu’on trouve toujours sur les fruits de ces plantes, peut tenir lieu de fleurs & servir à l’impregnation : mais M. Geoffroi croit plutôt que le vent fait l’office de véhicule, & porte la poussiere des mâles aux femelles.
Il confirme son opinion par un fait qu’on lit dans Jovianus Pontanus. Cet auteur rapporte que de son tems il y avoit deux palmiers, l’un mâle, qu’on cultivoit à Brindes, l’autre semelle, dans le bois d’Otranto, éloigné du premier de 15 lieues ; que ce dernier fut quelques années sans porter du fruit, jusqu’à ce qu’enfin s’étant élevé au-dessus des autres arbres de la forêt, de sorte qu’il pouvoit, dit le poëte, voir le palmier mâle de Brindes, il commença à porter des fruits en abondance.
Aussi M. Geoffroy est persuadé que le palmier femelle ne commença à porter du fruit que quand il fut assez élevé pour que la poussiere du mâle lui fût apportée par le vent.
Sur la maniere dont la poussiere rend les arbres féconds, M. Geoffroy avance deux opinions : 1°. que cette poussiere qui est toujours d’une nature sulphureuse & pleine de parties subtiles & pénétrantes, comme il paroît par son odeur forte, tombe sur la partie des fleurs, & s’y resout en petites parties, dont les plus subtiles pénetrent la substance du pistil & du fruit encore tendre, & excitent une fermentation suffisante pour ouvrir & développer la jeune plante enfermée dans l’embryon de la graine. Dans ce systeme on suppose que la graine contient la plante en petit, & pour ainsi dire, qu’elle n’a besoin du suc nourricier que pour en développer & en faire croître les parties.
La seconde opinion est que la poussiere de la fleur est le premier germe ou le premier bourgeon de la nouvelle plante, & qu’elle n’a besoin, pour être développée & pour croître, que du suc nourricier qu’elle trouve préparé dans les embryons de la graine.
Le lecteur peut remarquer que ces deux théories de la génération des végétaux ont une analogie très-exacte avec les deux théories ordinaires de la génération des animaux ; suivant l’une, le petit animal est dans la semence du mâle, & n’a besoin que des liqueurs contenues dans la matrice pour se développer & pour croître ; suivant l’autre, l’animal est renfermé dans l’œuf de la femelle, & n’a besoin de la semence du mâle que pour exciter une fermentation. Voyez Conception, Génération, &c.
M. Geoffroy croit que la propre & véritable semence est plutôt dans la poussiere des étamines, parce qu’avec les meilleurs microscopes on ne peut découvrir la moindre apparence d’aucun bourgeon dans les petits embryons des graines, lorsqu’on les examine avant que la poussiere des étamines se soit répandue. Dans les plantes légumineuses, si on ôte les feuilles & les étamines, & que le pistil, ou la partie qui se change en cosse, soit regardée au microscope avant que les fleurs soient épanouies, les petites vésicules vertes & transparentes qui doivent se changer en graines paroîtront dans leur ordre naturel ; mais on n’y voit encore rien autre chose que la simple tunique ou peau de la graine. Si on continue cette observation plusieurs jours de suite, on verra qu’à mesure que ces fleurs avancent, les vésicules s’enflent & se remplissent par degrés d’une liqueur limpide, dans laquelle, lorsque la poussiere s’est répandue & que les feuilles de la fleur sont tombées, on remarque une petite tache, ou un petit lobule verdâtre, qui y flotte en liberté. D’abord on ne voit aucune apparence d’organisation dans ce petit corps, mais ensuite à mesure qu’il croît, on commence à y distinguer deux petites feuilles, comme deux cornes. La liqueur diminue insensiblement à mesure que le petit corps croît, jusqu’à ce qu’enfin la graine devient entierement opaque ; alors si on l’ouvre, on trouve son intérieur rempli par une petite plante en miniature, consistant en un petit germe, une petite racine & les lobes de la seve ou du pois.
Il n’est pas difficile de déterminer la maniere dont le germe contenu dans les sommets des étamines entre dans la vésicule de la graine. Car outre que la cavité du pistil s’étend depuis le haut du pistil jusqu’aux embryons des graines, ces graines ou vésicules ont une petite ouverture correspondante à l’extrémité de la cavité du pistil ; de sorte que la petite poussiere ou farine peut aisément tomber tout le long de cette cavité dans l’ouverture de la vésicule qui est l’embryon de la graine. Cette cavité ou cicatricule est à-peu-près la même dans un grand nombre de graines, & on peut sans microscope la voir aisément dans les feves, les pois, &c. La racine du petit germe est précisément vis-à-vis cette ouverture, & c’est par-là qu’elle passe quand la petite graine commence à germer.
Ce procédé de la nature dans la génération des végétaux, & les différens moyens qu’elle emploie pour cela sont si curieux & si peu connus, qu’il ne sera pas inutile de l’expliquer plus au long par le secours de quelques figures. Nous prendrons pour exemple le melon, dans lequel les parties de la génération sont fort distinctes. On doit remarquer en passant, que quoique le melon ait les deux sexes, cependant la disposition de ses organes est différente de la disposition générale que nous avons expliquée ci-dessus, en parlant de la tulipe. En effet, il y a dans le melon deux fleurs distinctes, dont l’une fait l’office de mâle, l’autre de femelle, & que nous appellerons pour cette raison, l’une fleur mâle, l’autre fleur femelle.
Dans les Planches d’Histoire naturelle, on voit la fleur mâle de la courge dont les feuilles sont ôtées du cercle FF ; ABE représente la tête placée au centre de la fleur, formée de la circonvolution des sommets B, & soutenue par quatre colonnes GGGG. La partie B de la tête représente les circonvolutions des sommets, tandis qu’ils sont fermés, & la partie E les représente ouverts, & parsemés de la poussiere qu’ils renfermoient auparavant, & qui s’est répandue au-dehors quand la plante est parvenue à sa maturité. Chaque sommet forme une sorte de canal séparé en deux. D représente un grain de poussiere. H représente le pédicule qui soutient la fleur, & qui dans la fleur mâle ne produit rien.
La fig. suiv. représente la fleur femelle de la courge, ou celle qui porte le fruit. Les feuilles sont ôtées du cercle FF, comme dans l’autre, pour mieux laisser voir les parties intérieures. Le nœud de la fleur, ou l’embryon du fruit est représenté par A, le pistil est représenté par BB, & n’est qu’une continuation de l’embryon du fruit A. Le sommet du pistil se divise en BB en plusieurs corps oblongs, dont chacun peut se séparer en deux lobes. Ces corps sont fort raboteux ; ils sont garnis de poils & de petites vesicules, ce qui les rend propres à garder la poussiere de la fleur mâle, & à la conduire jusqu’à l’ouverture des canaux qui communiquent entr’eux aussi loin que les cellules des graines contenues dans le fruit encore tendre. Si on coupe le pistil transversalement dans sa plus petite partie, on trouve autant de canaux qu’il y a de divisions à la tête du pistil ; & ces canaux correspondent à autant de petites cellules dont chacune renferme deux rangs de graines ou de semences placées dans un placenta spongieux.
Cette théorie de la génération des plantes peut nous faire entrevoir comment on altere & on change le goût, la forme, les fleurs & la qualité d’un fruit en imprégnant la poussiere de ce fruit de la poussiere d’un autre de la même classe.
C’est à ce mélange, & pour ainsi dire cet accouplement accidentel, qu’on doit attribuer non-seulement les variétés sans nombre qu’on observe dans les fruits & les fleurs nouvelles que la terre produit chaque jour, mais encore beaucoup d’autres phénomenes du regne végétal. Voyez Mulet.
La perpendicularité qu’observent & qu’affectent en quelque maniere les troncs ou tiges des plantes, aussi bien que leurs branches & leurs racines, est un phénomene fort singulier, auquel on n’a pris garde que dans ces derniers tems. La cause en est fort délicate, & a exercé la sagacité de différens philosophes, principalement de MM. Astruc, Dodart, la Hire & Parent. Voyez leurs différens systèmes à l’article Perpendicularité.
Le parallélisme constant que les touffes des arbres observent avec le sol ou le terrein sur lequel ils sont plantés, est aussi un phénomene digne d’attention. Voyez Parallelisme.
Sur la fécondité des plantes, voyez Fécondité.
Les plantes, eu égard à leur maniere d’engendrer, peuvent se diviser en :
1. Mâles, qui ne portent point de fruit ni de graines, & qui n’ont que l’organe masculin de la génération ; savoir, les étamines de cette espece sont :
Le palmier mâle, le saule mâle, le peuplier mâle, le chanvre mâle, l’ortie mâle & le houblon mâle.
2. Femelles qui portent du fruit, & qui ont l’organe féminin, savoir, le pistil, ou uterus, mais n’ont point d’étamines :
Tels sont le palmier femelle, le saule femelle, le peuplier femelle.
3. Hermaphrodites, qui ont à-la-fois les parties mâles & les parties femelles, c’est-à-dire le pistil & les étamines.
Cette derniere espece se subdivise en deux autres. 1. Celles dans lesquelles les fleurs des deux sexes sont unies, comme les lis, la giroflée, la tulipe, & la plus grande partie des especes végétales, dans lesquelles le pistil est environné d’étamines. 2. Celles dont les parties mâles & femelles sont distinguées & éloignées les unes des autres : telles sont la rose dont l’uterus est au-dessous des pétales, le melon & toutes les especes de concombres dont les fleurs mâles & femelles sont séparées, & tous les arbres qui portent du fruit, des noix & du gland ; comme la pomme, le prunier, le groseiller, le noyer, le noisettier, le chêne, le pin, le hêtre, le cyprès, le cedre, le genievre, le mûrier, le plantain, &c.
On peut encore distinguer les plantes eu égard à la maniere dont elles se nourrissent & à l’élément où elles vivent, en terrestres, c’est-à dire celles qui ne vivent que sur terre, comme le chêne, le hêtre, &c. aquatiques, qui ne vivent que dans l’eau, soit dans les rivieres, comme le lis d’eau, le plantin d’eau, &c. soit dans la mer, comme le corail, la coralline : amphibies, qui vivent indifféremment sur la terre & dans l’eau, comme le saule, l’aune, la mente.
On divise encore les plantes eu égard à leur âge ou périodes, en
Annuelles dont la racine se forme & meurt dans la même année ; telles sont les plantes légumineuses, le froment, le riz, &c.
Bisannuelles qui ne produisent de grains & de fleurs que la seconde ou troisieme année après qu’elles se sont élevées, & meurent ensuite ; telles sont le fénouil, la mente, &c.
Eternelles, qui ne meurent jamais dès qu’elles ont une fois porté de graines. De ces plantes quelques-unes sont toujours vertes, comme la violette, &c. D’autres perdent leurs feuilles une partie de l’année, comme la fougere, le pas d’âne, &c.
On divise encore les plantes, eu égard à leurs différentes grandeurs, en
Arbres, arbores, comme le chêne, le pin, le sapin, l’orme, le sycomore, &c.
Arbrisseaux suffrutices, comme le houx, le buis, le lierre, le genievre, &c.
Herbes, comme la mente, la sauge, l’oseille, le thym, &c. Voyez Arbre, Arbrisseau, Herbe, &c.
On les divise de plus, eu égard à certaines qualités remarquables, en
Sensitives, qui semblent donner quelques marques de sentiment.
Ces plantes étoient appellées par les anciens plantes æchynomeneuses, du verbe αισχυνομαι, être honteux, & par les modernes elles sont nommées plantes vivantes, ou mimiques.
Mais ces divisions sont plutôt populaires que justes & philosophiques. Les Botanistes ont fait des distributions plus exactes & plus délicates du regne végétal, en classes, genres, especes, &c. eu égard à la nature, & au caractere des différens végétaux. Ils ne sont point encore d’accord entre eux sur ce qui doit principalement constituer la différence des genres. Quelques-uns, comme Gesner, Columna, Tournefort, choisissent la fleur & le fruit ; d’autres prennent les racines, les feuilles, les tiges, &c. Voyez l’article Genre, &c.
L’ingénieux botaniste anglois, M. Ray, distribue les plantes en 25 genres ou classes, sous les dénominations suivantes.
1. Plantes imparfaites, qui paroissent n’avoir ni fleur ni graine. Telles sont les coraux, les éponges, les fungus, les truffes, les mousses, &c. Voyez Corail, Eponge, Champignon, Truffe, & Mousse.
2. Plantes qui produisent une fleur imparfaite, & dont la graine est trop petite pour être discernée à la vûe simple : telles sont la fougere, le polypode. Voyez Fleur.
3. Celles dont les fleurs sont sans pétales ; telles sont le houblon, le chanvre, l’ortie, la patience. Voyez Pétale, Houblon, &c.
4. Celles qui ont une fleur composée, & desquelles il sort une liqueur laiteuse quand on les coupe ou qu’on les rompt : comme la laitue, la dent de lion, la chicorée. Voyez Fleur composée.
5. Celles qui ont une fleur composée en forme de disque, & dont la graine est ailée & couverte de duvet : comme le pas d’âne, l’herbe aux puces, &c. Voyez Ailé.
6. Herbæ capitata, ou celles dont la fleur est couverte d’une peau écailleuse, & composée de longues fleurs fistuleuses, qui se terminent par une tête ronde formée de leur réunion, comme le chardon, la grande bardane, le bluet, &c.
7. Les plantes corymbiferes, dont la fleur est en forme de disque, mais n’a point de duvet : comme la marguerite, le mille-feuilles, le souci. Voyez Corymbus.
8. Les plantes umbelliferes, qui ont une fleur de cinq pétales & deux graines à chaque fleur. Voyez Umbellæ. Ce genre qui est fort étendu, se subdivise en sept especes ; savoir, celles dont la graine est large, mince, & semblable à une petite feuille, comme le panais sauvage de jardin ; celles dont la graine oblongue & large, s’enfle dans le milieu, comme l’herbe de vache.
9. Celles dont la graine est plus petite, comme l’angélique ; celles dont la racine est pleine de tubérosités ; celles dont la graine est petite & striée, comme le saxifrage, & la pimprenelle ; celles dont la graine est raboteuse & velue, comme le persil, & la carrotte sauvage ; celles dont les feuilles se subdivisent en dentelures ; comme la sanicle.
10. Plantes étoilées, dont les feuilles croissent autour de la tige à certaines distances les unes des autres, & forment des especes d’étoiles, comme la garance. Voyez Etoile, &c.
11. Plantes qui ont leurs feuilles placées alternativement, ou irrégulierement autour de la tige, comme la langue de chien, l’oreille de souris, &c.
12. Plantes suffructices ou verticillées, dont les feuilles viennent par paires sur leurs tiges, l’une précisément vis-à-vis de l’autre. La fleur de ces plantes est monopétale, & ordinairement en forme de casque, comme le thym, la mente, le pouliot, la verveine. Voyez Verticillée.
13. Plantes polyspermes, dans lesquelles la fleur est suivie de plusieurs graines nues, au nombre de cinq, comme la renoncule, la mauve de marais, le quinte feuille, la fraise, &c. Voyez Polyspermes.
14. Plantes bacciferes, qui portent des bayes, comme la brione, le chevre-feuille, le sceau de Salomon, le lis des jardins, la belle de nuit, l’asperge. Voyez Baccifere, & Baye.
15. Plantes à plusieurs cosses, ou plantes à cornes, dans lesquelles la fleur est suivie de plusieurs cosses longues & minces, où la graine est contenue ; comme le chicotin, le nombril de Vénus, la branqueursine, la colombine, &c. Voyez Plante à plusieurs cosses.
16. Plantes vasculiferes, à fleur monopétale, dont la fleur est suivie d’une espece de vaisseau avec son calice, qui renferme la graine ; comme la jusquiame, le volubilis, la réponce, la gantelée, l’eufraise, &c. Voyez Vasculifere.
17. Celles qui ont une fleur uniforme & tétrapétale, & qui portent leurs graines dans des cosses oblongues ; comme la giroflée, la moutarde, la rave, &c.
18. Les plantes vasculiferes, dont la fleur semble tétrapétale, mais est d’un genre incertain & anomale, & n’est en effet que monopétale, toutes les feuilles étant rassemblées en une ; comme la véronique, le plantain, le pavot jaune & sauvage, &c.
19. Les plantes vasculiferes avec une fleur pentapétale à cinq têtes ; comme l’œillet virginal, l’herbe de poulet, le moût de saint Jean, le lin, la primerose, l’oseille de bois.
20. Les plantes légumineuses ou qui portent des légumes, avec une fleur papilionacée, composée de quatre parties jointes ensemble par leur tranchant ; comme les pois, les feves, les vesses, l’ivraie, les lentilles, le tréfeuille, &c. Voyez Légumineux.
21. Les plantes qui ont une racine vraiment bulbeuse ; comme l’ail, l’asphodele, l’hyacinthe, le saffran, &c. Voyez Bulbe.
22. Celles dont les racines approchent sort de la forme bulbeuse ; comme la fleur de lis, la pinte de coucou, l’ellébore bâtard.
23. Les plantes culiniferes, qui ont une feuille, & la fleur imparfaite, dont la tige est longue, creuse, coupée par les jointures, & accompagnée des deux côtés d’une longue feuille pointue & piquante, & dont la graine est renfermée dans une cosse pleine de paille ; comme le froment, l’orge, le ris, l’avoine, & plusieurs sortes d’herbes. Voyez Calmiferes.
24. Les plantes dont la feuille est herbeuse, mais qui ne sont point culmiferes, & qui ont une fleur imparfaite ou staminée ; comme le jonc, la queue de chat, &c.
25. Les plantes qui croissent dans des endroits incertains, principalement les plantes aquatiques ; comme le lis d’eau, la queue de souris. Sur la transmutation d’une espece de plantes, en une autre espece, voyez Transmutation, Dégénération, &c.
Quelques naturalistes ont remarqué que les propriétés & les vertus des plantes, ont de l’analogie avec leurs formes. Dans les Transactions philosophiques, on lit un discours de M. Jacques Pettivier, où cet auteur se propose de faire voir que les plantes de même ou de semblable figure, ont des vertus ou des usages qui sont les mêmes, ou qui sont semblables. Ainsi la tribune, bellifere, dit cet auteur, a un goût & une odeur carminative, est bonne pour chasser les vents, & en général pour les maladies venteuses. L’espece galeate ou verticillée, a un degré de chaleur & de force de plus que la précédente, & par conséquent elle peut être réputée aromatique, & bonne pour les maladies des nerfs. L’espece tétrapétale est chaude comme les deux autres ; mais elle exerce sa vertu d’une autre maniere ; savoir, par un sel volatil, diurétique, qui la rend bonne pour les maladies chroniques, les obstructions, les cacochymies, &c. (Chambers.)
Plantes, (Bot. méth.) on sait sur le rapport de plusieurs auteurs anciens, que l’on s’appliquoit à la connoissance des plantes dès le tems de Pithagore, qui avoit lui-même écrit sur ce sujet ; mais il ne reste aucuns des ouvrages qui ont été faits sur les plantes avant Hippocrate : ce grand médecin a traité de leurs vertus, relativement à la Médecine. Il n’y avoit alors qu’un petit nombre de plantes connues ; Théophraste qui suivit de près Aristote, n’en connoissoit qu’environ cinq cens ; Dioscoride n’a fait mention que de six cens. Ces progrès étoient fort lents, puisqu’en quatre siecles qui s’ecoulerent depuis le tems de Théophraste jusqu’à celui de Dioscoride, on n’ajouta que cent nouvelles plantes à celles qui étoient déja connues. Dans les quatre ou cinq siecles suivans, & du tems de Galien dans le second siecle de notre ère, la botanique ne fut guere plus avancée ; elle n’avoit point de principes fixes. Les médecins qui étoient les seuls botanistes, & qui n’avoient en vue que les proprietés médicinales des plantes, en découvrirent dans un très-grand nombre ; puisqu’à présent même nous ne connoissons pour le nombre guere plus de plantes usuelles, quoique la découverte du nouveau monde nous en ait procuré beaucoup que les anciens ne pouvoient pas connoître. Mais ces mêmes médecins ne prenoient aucunes précautions pour assurer la connoissance des propriétés des plantes par celle des plantes mêmes ; ils n’en faisoient point des descriptions exactes ; ils se contentoient d’indiquer celles qui étoient généralement connues, & ils leur rapportoient celles qui l’étoient moins, en les comparant les unes aux autres. Dès ce tems, les noms se multiplierent pour chaque plante ; à mesure que l’on en faisoit mention dans les écrits, pour constater & confirmer les propriétés connues, & pour en faire connoître de nouvelles, on rendoit ces mêmes propriétés inutiles, faute d’indiquer clairement, & de décrire exactement les plantes qui en étoient douées. Oribase, dans le troisieme siecle, Paul d’Egine & Aëtius, dans le cinquieme, traiterent des propriétés des plantes ; mais ils ne penserent pas à transmettre à la postérité par de bonnes descriptions la connoissance des plantes que les anciens avoient connues. Les médecins arabes Serapion, Rahzès, Avicennes, Mesué, Averroés, Abenbitar depuis le huitieme jusqu’au treizieme siecle, répandirent encore une nouvelle obscurité sur la nomenclature des plantes, en traitant de leurs vertus. Après ces médecins arabes, l’ignorance répandit ses ténebres sur la connoissance des plantes, comme sur les autres depuis le commencement du treizieme siecle jusqu’à la fin du quinzieme. On en a pour preuve les œuvres de quelques auteurs qui écrivirent dans ces tems de barbarie. Au commencement du seizieme siecle, & même dès la fin du précédent, on reprit du goût pour la botanique avec celui des lettres en général ; plusieurs auteurs cultiverent cette science ; mais ils suivirent une très-mauvaise méthode dans leurs études ; ils entreprirent de restaurer la botanique des anciens, en interprétant & en commentant leurs ouvrages : aucun ne s’avisa de consulter la nature par préférence aux auteurs anciens, & d’observer des plantes, au lieu de feuilleter des livres. Quelles connoissances pouvoit-on tirer de ces ouvrages qui étoient devenus fautifs & incomplets par le laps des tems, & qui n’avoient jamais contenu que des noms de plantes ou des descriptions si imparfaites qu’il n’étoit pas possible d’y reconnoître la plûpart des plantes dont on y avoit fait mention ? Il auroit fallu parcourir, comme on l’a fait dans la suite, les pays que Theophraste, Dioscoride & les autres auteurs anciens avoient habités, & observer les plantes qui s’y trouvent, pour reconnoître celles qu’ils avoient eu pour objet dans leurs livres ; la tradition du pays pouvoit avoir conservé les anciens noms de quelques-unes de ces plantes, ou la connoissance de leurs propriétés anciennement connues. Mais n’y avoit-il pas en Europe un assez grand nombre de plantes pour occuper les botanistes, indépendamment de celles de l’Asie ? Au moins falloit-il commencer par connoître les caracteres distinctifs des plantes qui étoient sous leurs yeux, avant de rechercher celles dont les anciens ont fait mention. On prit ce parti sur la fin du seizieme siecle ; Dodonée, Césalpin, Clusius, Lobel, Colomna, Prosper Alpin, les deux Bauhins, &c. firent des recherches sur les plantes d’Europe, & leurs observations furent les vrais fondemens de la botanique.
Les matériaux s’accumulerent bientôt ; mais l’ordonnance manquoit à l’édifice. Après avoir décrit exactement un grand nombre de plantes, il falloit encore combiner leurs caracteres, pour trouver des signes distinctifs auxquels on pût les reconnoître aisément chacune en particulier ; ces signes devoient être établis sur des caracteres constans, & sur des différences invariables entre diverses especes de plantes, pour prévenir les erreurs que des variétés dans les individus d’une même espece auroient pû causer. Il y a plus de deux cens ans que Gesner donna la préférence aux caracteres pris sur les fruits, les semences & les fleurs ; Césalpin, environ vingt ans après Gesner, fut de la même opinion, en disant « que l’un avoit eu raison d’établir plusieurs genres de plantes sur la production & sur la structure des fruits, &c. » Voyez Genre, Methode, Botanique. Au commencement du dix-septieme siecle, Colomna pensa, comme Gesner & Césalpin « qu’il falloit juger des caracteres génériques par la fleur, par la capsule, ou pour mieux dire, par la semence même. » Mais ce plan de méthode pour la nomenclature des plantes fut négligé jusqu’à la fin du siecle dernier ; alors cette méthode fut renouvellée par Morison, & Rai l’a suivi dans son histoire des plantes ; il les distribua en vingt-huit genres. Comme ces divisions méthodiques des productions de la nature en différens genres sont toujours établies sur des conditions arbitraires, on peut faire grand nombre de ces méthodes sur les mêmes principes, c’est-à-dire, en tirant les parties génériques des mêmes parties des plantes ; aussi en a-t-on déja fait plusieurs sur les parties de la fructification. Les méthodes de M. de Tournefort & de M. Linnæus sont les plus célebres ; nous avons suivi celle de M. Tournefort dans ce Dictionnaire. Ce grand botaniste a été le premier qui ait distribué les genres des plantes en classes, comme on avoit déja avant lui distribué les especes en genres. Voyez les élémens de la Botanique 1694.
Nous allons donner quelqu’idée des principes & de la division générale de la méthode de M. Tournefort. « Une plante, selon cet auteur, est un corps organisé qui a essentiellement une racine, & peut-être une semence : & ce corps produit le plus souvent des feuilles, des tiges & des fleurs. » De ces cinq parties M. Tournefort préfere les fleurs & les fruits pour caractériser les genres, ainsi les plantes dont les fleurs & les fruits ont la même figure & la même disposition, sont du même genre. On prend dans chaque genre pour especes distinctes celles qui different les unes des autres pour les racines, les tiges ou les feuilles. Voyez Racine, Tige, Feuille. Lorsque les fleurs & les fruits ne suffisent pas pour déterminer quelques genres, l’auteur emploie des caracteres pris non-seulement sur les racines, les tiges ou les fleurs, mais il admet aussi les propriétés de la plante, sa maniere de croître & son port. Les classes sont établies sur les différences des figures des fleurs. Voyez Fleur.
Ces classes sont au nombre de vingt-deux : la premiere comprend les herbes & tous arbrisseaux à fleur monopétale en forme de cloches & de rosettes.
La seconde, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs monopétales, en forme d’entonnoir ou de rosette.
La troisieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs monopétales anomales.
La quatrieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs monopétales labiées.
La cinquieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs polipétales, en forme de croix.
La sixieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs polipétales, en forme de rose.
La septieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs polipétales, en rose & en ombelles ou parasol.
La huitieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs polipétales, en forme d’œillet.
La neuvieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs, en forme de lis.
La dixieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs polipétales légumineuses.
La onzieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs polipétales anomales.
La douzieme, les herbes & sous-arbrisseaux dont les fleurs sont composées de fleurons.
La treizieme, les herbes & sous-arbrisseaux dont les fleurs sont composées de demi-fleurons.
La quatorzieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs radiées.
La quinzieme, les herbes & sous-arbrisseaux à fleurs, sans pétales ou à étamines.
La seizieme, les herbes & sous-arbrisseaux dont on ne connoit pas les fleurs, mais seulement les semences.
La dix-septieme, les herbes & les sous-arbrisseaux dont on ne connoit ni les fleurs ni les fruits.
La dix-huitieme, les arbres & les arbrisseaux dont les fleurs n’ont point de pétales.
La dix-neuvieme, les arbres & les arbrisseaux à fleurs à chatons, sans pétales.
La vingtieme, les arbres & les arbrisseaux à fleurs monopétales.
La vingt-unieme, les arbres & les arbrisseaux à fleurs en roses.
Enfin la vingt-deuxieme classe comprend les arbres & arbrisseaux à fleurs légumineuses.
Ces classes sont divisées en sections, & les sections en six cens soixante & treize genres. Elem. de bot. par M. Tournefort.
La méthode de M. Tournefort a été adoptée par plusieurs botanistes qui y ont rapporté grand nombre de genres nouveaux. Ces botanistes sont, le P. Plumier, minime, dans le livre intitulé, nova plantarum americanarum genera. in-fol. 1703, in-4o. Pontedera, professeur de botanique à Padoue, dans le livre qui a pour titre : Pontederæ anthologia, sive de floribus naturæ. Micheli, botaniste du grand duc de Toscane, dans le livre intitulé : nova plantarum genera, juxta Turnefortii methodum disposita, & c. in-fol. 1729.
On a fait des objections contre la méthode de M. Tournefort, & il y en aura toujours à faire contre les méthodes ; celle de M. Tournefort n’est pas universelle, puisqu’elle est établie sur des caracteres qui manquent dans plusieurs plantes ; il s’en trouve où on n’apperçoit ni fleurs ni semences ; M. Tournefort a été obligé d’en faire des genres à part. La fleur & le fruit ne lui suffisent pas toujours pour caractériser les genres ; il faut admettre d’autres caracteres : on ne peut faire usage de cette méthode que dans les tems où les plantes portent des fleurs ou des semences, &c. La méthode de M. Tournefort est sans doute défectueuse à bien d’autres égards ; mais au lieu d’insister sur cette critique, considérons que la nature se refuse aux conventions des hommes, & que les lois sont indépendantes des méthodes qu’ils peuvent imaginer pour la division de ses productions, en classes, en genres, &c. Pour juger du mérite de celle de M. Tournefort, il faut la comparer aux autres ; on verra que la célébrité de l’auteur & de son ouvrage est très-bien fondée.
M. Linnæus travaille chaque jour à perfectionner son système de distribution méthodique des plantes, qu’il appelle méthode sexuelle, & dont il a déja donné dix éditions depuis quinze ans avec des corrections & des augmentations à chaque édition.
Cet auteur distingue dans les plantes, six parties principales ; savoir, les racines, le tronc, les supports, les feuilles, les fleurs & les fruits. Voyez Racine, Tronc, Support, Feuille, Fleur, Fruit.
« Les plantes portent des fleurs visibles ou presque invisibles.
» Les fleurs visibles sont ou hermaphrodites, c’est-à-dire, garnies chacune d’étamines & de pistils en même tems ; ou d’un seul sexe, c’est-à-dire toutes mâles, lorsqu’elles n’ont que des étamines sans pistils, ou toutes femelles quand elles n’ont que des pistils sans étamines.
» Les étamines sont détachées les unes des autres, ou unies, soit entr’elles par quelques-unes de leurs parties, soit avec le pistil.
» Les étamines ne gardent entr’elles aucune proportion exacte de longueur, ou bien il y en a constamment un certain nombre qui sont plus courtes que le reste.
» Les classes dans la méthodes sexuelle de M. Linnæus, sont établies sur ces principes, & renferment les plantes suivant le nombre, la proportion & la situation des étamines. Savoir,
» Pour les plantes qui portent des fleurs hermaphrodites.
» I. Monandria, monandrie, une étamine.
» II. Diandria, diandrie, deux étamines.
» III. Triandria, triandrie, trois étamines.
» IV. Tetrandria, tetrandrie, quatre étamines.
» V. Pentendria, pentandrie, cinq étamines.
» VI. Hexandria, hexandrie, six étamines égales, ou alternativement plus longues & plus courtes.
» VII. Heptandria, heptandrie, sept étamines.
» VIII. Octandria, octandrie, huit étamines.
» IX. Enneandria, ennéandrie, neuf étamines.
» X. Decandria, décandrie, dix étamines.
» XI. Dodecandria, dodécandrie, douze étamines.
» XII. Icosandria, icosandrie, plus de douze étamines attachées aux parois internes du calice, & non pas au placenta.
» XIII. Polyandria, polyandrie, plus de douze étamines attachées au placenta.
» Pour les plantes qui portent des fleurs dans lesquelles il se trouve constamment deux étamines plus courtes que les autres.
» XIV. Didinamia, didinamie, deux étamines plus longues.
» XV. Tetradynamia, tetradynamie, quatre étamines plus longues.
» Pour les plantes dont les étamines sont unies, soit entr’elles par quelqu’unes de leurs parties, soit avec le pistil.
» XVI. Monadelphia, monadelphie, toutes les étamines réunies par leurs filets en un seul corps.
» XVII. Diadelphia, diadelphie, toutes les étamines réunies par leurs filets en deux corps.
» XVIII. Polyadelphia, polyadelphie, toutes les étamines réunies par leurs filets, en trois ou en plusieurs corps.
» XIX. Syngenesia, singénésie, toutes les étamines unies par leurs sommets en forme de cylindre.
» XX. Gynandria, gynandrie, les étamines portées sur le pistil même, & non pas sur le placenta.
» Pour les plantes qui ont des fleurs de différent sexe.
» XXI. Monœcia, monœcie, fleurs mâles & fleurs femelles, sur le même individu.
» XXII. Diœcia, diœcie, fleurs mâles & fleurs femelles, chacune sur des individus séparés.
» XXIII. Polygamia, polygamie, fleurs hermaphrodites avec fleurs d’un seul sexe mâles ou femelles, sur le même individu.
» Pour les plantes dont les fleurs sont presques invisibles.
» XXIV. Criptogamia, criptogamie, fleurs renfermées dans le fruit, ou que leur petitesse empêche d’appercevoir.
» Les ordres ou sous-divisions des classes sont établis sur les pistils, comme les classes le sont sur les étamines.
» Le nombre des pistils se prend à la base du stile, & quand il n’y a point de stile, on compte les stigmates.
» Les ordres des treize premieres classes, sont :
» 1. Monoginia, monoginie, un pistil.
» 2. Digynia, digynie, deux pistils.
» 3. Triginia, triginie, trois pistils.
» 4. Tetraginia, &c.
» Polyginia, polyginie, pistils sans nombre.
» La 14e classe (didynamie) se divise en deux ordres.
» 1. Gymnospermia, gymnospermie, quatre graines à découvert au fond du calice.
» 2. Angiospermia, angiospermie, les graines renfermées dans un péricarpe.
» La 15e classe (tétradinamie.) se divise aussi en deux ordres.
» 1. Siliculosa, à silicules, péricarpe sous-orbiculaire garni d’un stile à-peu-près de même longueur.
» 2. Siliquosa, à siliques, péricarpe très-long avec un stile peu apparent.
» La 19e classe (singénésie) se divise en cinq ordres ».
» Poligamia, poligamie, fleurs composées de plusieurs fleurons.
» 1. Poligamia aqualis, poligamie égale, fleur composée de fleurons hermaphrodites, tant dans son disque que dans sa circonférence.
» 2. Poligamia superflua, poligamie superflue, fleur composée de fleurons hermaphrodites dans le disque, & de fleurons femelles à la circonférence.
» 3. Poligamia frustranea, poligamie fausse, fleur composée de fleurons hermaphrodites dans le disque, & de fleurons neutres à la circonférence.
» 4. Polygamia necessaria, polygamie nécessaire, fleur composée de fleurons mâles dans le disque, & de fleurons femelles à la circonférence.
» 5. Monogamia, monogamie, fleur qui n’est point composée de fleurons.
» La 16e classe monadelphie ; la 17e, diadelphie ; la 18e, polyadelphie ; la 20e, gynandrie ; la 21e monœcie ; la 22e, diœcie ; & la 23e, polygamie, établissent leurs ordres sur les caracteres des classes qui les précedent.
» Enfin la derniere classe, cryptogamie, se divise en autant d’ordres qu’il y a de familles qui la composent. » Flor. par. prod. pag. 48. & suiv. par M. Dalibard.
Plantes, nombre des (Botan.) il y a dans les lettres philosophiques de Rai, un morceau curieux sur le nombre des plantes, & comme ces lettres n’ont pas paru en francois, nous allons donner dans cet ouvrage un extrait des réflexions de ce savant botaniste, sur cette matiere.
S’il n’est pas absolument impossible, dit-il, de marquer précisément le nombre des plantes, il est du moins moralement impossible de le faire ; mais sans nous arrêter à proposer des conjectures sur le nombre des plantes, il est nécessaire d’examiner deux questions. 1o. Si la terre a produit de nouvelles especes de plantes, ou si elle en produit tous les ans, outre celles qui furent créées au commencement du monde. 2o. Si quelques especes de plantes ont péri, ou s’il y en a qui puissent périr : si l’on peut assurer l’une ou l’autre de ces deux choses, il seroit inutile de faire des recherches sur le nombre des plantes, puisque ce nombre seroit incertain, qu’il varieroit tous les ans, & que la différence en pourroit être fort grande ou fort petite, car les causes de cette destruction, ou de cette nouvelle production étant accidentelles, il n’y a aucune raison qui puisse nous faire croire que l’un balance l’autre exactement, ou dans une assez juste proportion.
Ceux qui soutiennent l’affirmative de la premiere question, alleguent en leur faveur l’expérience commune : chaque année, disent-ils, ne produit-elle pas de nouvelles especes de fleurs & de fruits, & par conséquent de nouvelles especes de plantes ; nos jardins ne sont-ils pas enrichis tous les ans de nouvelles especes de tulipes par exemple, & d’anémones, & nos vergers de nouvelles especes de pommes & de poires ? Nos jardiniers ne les vendent-ils pas sur le pié de nouvelles especes, & les herboristes ne les mettent-ils pas dans le même rang ? Les livres de botanique ne font-ils pas les œillets, par exemple, & les violettes à fleur double, des especes différentes de celles qui n’ont qu’une fleur simple ?
L’auteur répond que cela est vrai ; mais si l’on examine en quoi consistent ces différences, on aura lieu de douter que ces plantes soient des especes distinctes ; & l’on en conclura plutôt qu’elles ne le sont pas. La principale, pour ne pas dire la seule différence qui se trouve entre ces prétendues nouvelles especes, & les anciennes, consiste dans la couleur de la fleur, ou dans la multiplicité de ses feuilles ; or il est évident que ni l’une ni l’autre de ces deux choses ne suffit pour établir une différence spécifique, à moins que l’on n’admette qu’un européen & un éthiopien sont deux especes d’hommes, parce que l’un est blanc & l’autre noir, ou qu’un européen & un indien sont aussi deux différentes especes, parce que l’un a la barbe épaisse & l’autre n’en a point du tout, ou qu’il n’a que quelques poils au lieu de barbe. La diversité dont nous parlons, vient uniquement du climat, du terroir, ou des alimens, comme l’on voit dans les autres animaux.
Il y a deux manieres de produire ces différences dans les plantes. La premiere en mettant la semence d’une plante dont on souhaite avoir une nouvelle espece, dans un terroir fertile, ou différent de celui dans lequel cette plante croît. Si l’on met dans un bon terroir la semence de certaines fleurs simples, elle produira outre plusieurs racines qui ne porteront qu’une fleur simple, quelques autres racines qui porteront des fleurs doubles, & d’une couleur différente de leurs meres plantes. Les plantes qui se diversifient aisément de cette façon, sont les anémones, les primeveres, les marguerites, les violettes, &c. c’est la maniere ordinaire d’avoir des fleurs doubles de toutes les sortes. La plûpart des fleurs rouges & pourprées, & quelques fleurs jaunes, en répandant leur graine dans un jardin, produisent quelques fleurs blanches & de différentes couleurs : & même dans les champs, à peine trouve-t-on une plante à fleur rouge, pourprée, ou bleue, qui ne varie en quelque lieu, & qui ne produise une fleur blanche ou de différentes couleurs. Les plantes à fleur jaune ne varient presque jamais dans les champs.
La seconde maniere de diversifier les plantes, est de les transporter souvent d’un lieu dans un autre. C’est ainsi que le chevalier Plot faisoit porter des fleurs doubles à des plantes qui n’ont que des fleurs simples : ce moyen paroît naturel, parce les plantes qui sont long-tems dans un même lieu dégénerent insensiblement, ne portent qu’une fleur simple après avoir porté des fleurs doubles, & perdent leurs couleurs rares, qui sont suivies de couleurs communes.
Quoi qu’il en soit, toutes les variétés des plantes ne prouvent point que ces plantes soient des especes distinctes ; & c’est ce qu’on peut confirmer par deux raisons. La premiere est que si ces plantes sont long-tems dans un même lieu sans être cultivées, elles dégénerent comme nous venons de le dire, elles perdent la beauté de leurs couleurs, & ne portent qu’une fleur simple au lieu d’une fleur double. La seconde raison est que la graine de ces plantes ne donne que des plantes qui n’ont qu’une fleur simple, & d’une couleur commune, si elle est semée dans le lieu & dans le terroir qui leur est naturel.
Pour ce qui est des arbres fruitiers, M. Ray observe que la principale différence qui se trouve entre les prétendues especes de ces arbres, consiste dans la figure & le goût du fruit, ce que l’on doit aussi attribuer à la différence du terroir, & aux différentes manieres d’enter. Le seul moyen, selon l’auteur, d’avoir de nouveaux fruits, est de semer dans un terroir des pepins de pommes & de poires, qui produiront des fruits sauvages d’une autre figure & d’un goût différent des premiers fruits ; mais on pourra leur donner un meilleur goût, & les perfectionner si l’on ente les arbres qui les produisent.
A l’égard des plantes dont les feuilles ont diverses couleurs, comme le houx, l’alaterne, le romarin, l’hysope, la menthe, le thim, elles sont encore moins de différentes especes que les fleurs & les fruits dont nous venons de parler ; leurs diverses couleurs ne sont que les symptômes d’une mauvaise constitution ; & quant à la différence de grosseur & de petitesse qui se rencontre entre plusieurs plantes de la même espece, l’on ne doit attribuer cette différence qu’a la fertilité ou à la stérilité du terroir, à l’humidité ou à la sécheresse de la saison, à la froideur ou à la chaleur du climat, à la culture plus ou moins savante, ou à quelqu’autre accident.
La seconde question est, si quelques especes de plantes ont péri, ou s’il y en a qui puissent périr. L’auteur répond, 1o. que quoiqu’il soit possible absolument & physiquement que certaines especes de plantes périssent, cela est pourtant fort improbable ; 2o. que si quelques especes de plantes périssoient, il seroit moralement impossible de s’en assurer.
Il est peu vraissemblable qu’aucune espece de plantes ait péri. M. Ray ne sauroit se persuader qu’il y ait dans le monde aucune espece locale de plantes, c’est-à-dire si particuliere à un lieu, qu’on ne sauroit la trouver ailleurs ; il n’a observé en aucun endroit de la Grande-Bretagne, aucune plante qu’il n’ait vûe dans les pays étrangers, ou du moins en divers lieux de la même latitude au-delà de la mer.
Quelques botanistes prétendent que certaines plantes sont particulieres à certains lieux, comme le baume, par exemple, à la Judée, &c. mais M. Ray demande qu’il lui soit permis de s’éloigner de leur sentiment, jusqu’à ce qu’ils aient de meilleures preuves qu’un argument négatif. D’ailleurs, supposé qu’il y ait des plantes locales, on ne sauroit prouver qu’elles pussent périr, à moins qu’elles ne soient dans des îles englouties par la mer. Si les plantes locales étoient détruites par les hommes, ou par quelqu’accident, comme diverses graines resteroient dans le terroir où ces plantes croissent, ce terroir produiroit de nouveau les mêmes plantes ; & si le baume est une plante originaire de la Judée, supposé qu’on l’eût transporté en Egypte ou ailleurs, son ancien terroir l’auroit reproduit, à moins que la constitution de ce terroir n’eût été fort altérée par quelqu’accident, ou par quelque cause surnaturelle.
Secondement, si quelques especes de plantes périssoient, il seroit moralement impossible de s’en assurer. On ne peut savoir qu’il y ait des plantes locales, à moins qu’on n’ait visité toute la surface de la terre, ou qu’on n’en soit informé par des personnes très-intelligentes qui connoissent sans exception les plantes de tous les pays ; mais ces deux choses sont absolument impossibles. S’il n’y a point de plantes locales, comme M. Ray en est fortement persuadé, il est presqu’impossible que certaines causes concourent pour faire périr quelque espece de plante que ce soit ; & supposé que cela arrivât, personne ne pourroit le savoir, à cause de la vaste étendue de la terre, dont une très-grande partie est ou deserte ou habitée par des nations barbares qui n’ont aucune connoissance de la Botanique. Bibl. angl. tom. IV. p. 27-40. (D. J.)
Plante capillaire, (Botan.) On appelle plantes capillaires, celles qui n’ont point de tiges principales, & qui portent leurs semences sur le dos de leurs feuilles. Ce nom leur a pû être donné, par ce que leurs racines sont garnies de fibres chevelues ; la fougere, le polypode, la langue de cerf, l’osmonde & autres, sont des plantes capillaires. L’adiante de Montpellier, celui du Canada, l’adiante noir, le blanc, le rouge, le jaune, la sauvevie, le céterac, sont les plantes capillaires des boutiques de Pharmacie. L’Amérique est féconde en plantes capillaires, & tous les Botanistes savent que le P. Plumier en a fait une excellente histoire qu’il a intitulée, hist. des fougeres. Dans le repli de leurs feuilles sont contenues des capsules membraneuses, très-petites, qui s’ouvrent par la contraction d’un anneau élastique ; & on a découvert par le microscope, qu’elles sont pleines d’une fine poussiere, mais on dispute encore si cette poussiere est la semence, ou une poussiere d’étamines semblable à celle qui se trouve dans les sommets des étamines des autres fleurs. (D. J.)
Plantes eschynomeneuses, voyez Æschynomeneuses.
Plantes étoilées sont celles dont les feuilles naissent sur la tige à de certaines distances, en forme d’étoiles avec des rayons : ou ce sont des fleurs qui ressemblent à des étoiles, ou qui sont remplies de boutons semblables à des étoiles sur le bord. Voyez Plantes.
M. Ray range ces sortes de plantes dans la dixieme classe des plantes d’Angleterre : telles sont les plantes appellées cross-wort, mollugo, garance sauvage, asperula ou woodruff, gallium ou ladies bed-straw, aparine ou cleavers, rubia tinctorum, ou garance des teinturiers, auxquelles il ajoute, comme approchantes de ce genre, le nasturtium indicum, le cresson des Indes ou pié d’allouette jaune.
Plantes à plusieurs cosses sont les mêmes qu’on appelle autrement corniculatæ plantæ, & qui après chaque fleur ont diverses cosses pareilles à celles des légumes, toutes distinguées les unes des autres, menues & fréquemment courbées, où leur graine est renfermée. Quand ces cosses sont mûres, elles s’ouvrent d’elles-mêmes, & laissent tomber la graine. Voyez Corniculate & Action de semer. Voyez aussi Plante.
Plantes marines, productions de la mer qui sont formées par des insectes, & qui doivent par conséquent faire partie du regne animal. Cependant ces productions ont tant de ressemblance par leur forme avec les végétaux, qu’on les a prises pour des plantes, & qu’on les a placées pendant long-tems dans le regne végétal. Il n’est pas surprenant qu’il y ait dans la nature des especes de choses d’un même genre, ou des genres d’une même classe dont les caracteres distinctifs soient équivoques ; mais on croiroit que l’on ne pourroit pas se tromper dans la division générale des trois regnes de l’Histoire naturelle, au point de prendre des animaux pour des minéraux ou des végétaux. Tous les Naturalistes ont pourtant été pendant long-tems dans cette erreur ; on a cru que le corail, les madrepores, &c. étoient des pierres, des substances qui s’endurcissoient lorsqu’elles étoient hors de l’eau, ou des plantes qui devenoient pierreuses ; & en observant de plus près, on se persuada de plus en plus que c’étoit de vraies plantes. En 1706, M. le comte de Marsigli sembla en donner des preuves convaincantes, lorsqu’il découvrit sur le corail de petits corps organisés & découpés en plusieurs parties, dans lesquels il cru trouver tous les caracteres des fleurs : ces prétendues fleurs avoient environ une ligne & demie de longueur, & étoient soutenues par un calice blanc, duquel partoient huit rayons de la même couleur ; ces rayons étoient de la même longueur & à la même distance l’un de l’autre, formant une espece d’étoile. Il suivit ces recherches, & il vit encore de ces prétendues fleurs sur des productions de même nature que le corail, appellées plantes pierreuses, & sur beaucoup d’autres, dont quelques-unes sont molles, & qui toutes ont été mises au rang des vraies plantes. On ne doutoit plus que le corail, les madrepores, les litophites, &c. ne fussent des plantes, & même des plantes qui portoient des fleurs apparentes, lorsque M. Peissonnel, médecin botaniste du roi à la Guadeloupe, « désirant que l’idée qui résultoit de la découverte ingénieuse du comte de Marsigli, par rapport aux fleurs du corail, se vérifiât, s’embarqua étant à Marseille dans l’année 1723, alla en mer avec les pêcheurs du corail, bien instruit de ce que le comte de Marsigli avoit observé, & de la maniere dont il s’y étoit pris pour faire ses observations. Aussi-tôt que le filet avec lequel les pêcheurs tirent le corail fut près de la surface de l’eau, il y plongea un vase de verre dans lequel il fit entrer quelques branches de corail ; il remarqua quelques heures après qu’il paroissoit un grand nombre de petits points blancs de tous les côtés de cette écorce ; ces points répondoient aux trous qui perçoient l’écorce, & formoient une figure terminée par des rayons jaunes & blancs, dont le centre paroissoit creux, mais ensuite s’étendoit & présentoit plusieurs rayons ressemblans à la fleur de l’olivier : ce sont les fleurs du corail décrites par M. de Marsigli. Ayant tiré le corail hors de l’eau, les fleurs rentrerent dans l’écorce & disparurent ; mais ayant été remis dans l’eau, elles reparurent quelques heures après : elles ne lui sembloient pas aussi larges que le comte de Marsigli le rapporte, leur diametre excédant à peine celui de la tête d’une grosse épingle ; elles étoient molles, & leurs pétales disparoissent lorsqu’on les touche dans l’eau, formant alors des figures irrégulieres. Ayant mis quelques-unes de ces fleurs sur du papier blanc, elles perdirent leur transparence, & devinrent rouges à mesure qu’elles sécherent. Notre auteur remarque que ces fleurs partoient des branches dans toutes sortes de directions, des branches cassées comme de celles qui étoient entieres ; mais leur nombre diminuoit à mesure qu’on approchoit de la racine ; & après nombre d’observations, il détermina que ce que le comte de Marsigli avoit pris pour des fleurs, étoient de véritables insectes.
» L’insecte du corail, que l’on appelle une petite ortie, pourpre, polype, & que le comte de Marsigli a pris pour fleur, se dilate dans l’eau, & se contracte dans l’air, ou lorsque vous le touchez dans l’eau avec la main, ou que vous versez dessus des liqueurs acides ; ce qui est ordinaire aux poissons & insectes de l’espece vermiculaire. Notre auteur étant sur les côtes de Barbarie en 1725, eut le plaisir de voir l’insecte du corail mouvoir les bras, & ces petits insectes s’étendre dans un vase plein d’eau de la mer qu’on avoit mis auprès du feu, où il y avoit du corail ; il augmenta le feu, & fit bouillir l’eau, & par ce moyen les tint dans leur état d’extension hors du corail, comme il arrive lorsqu’on fait bouillir des testacés, soit de terre ou de mer. Ayant répété ses observations, il vit clairement que les petits trous perceptibles sur l’écorce du corail, étoient les ouvertures par lesquelles ces insectes sortoient : ces trous correspondent à ces petites cavités ou cellules qui sont moitié dans l’écorce & moitié dans la substance du corail, ces cavités sont les niches que l’insecte habite. Dans les tubes qu’il avoit observés, est contenu l’organe de l’animal : les glandules sont les extrémités de ses piés ; & le tout contient la liqueur ou le suc laiteux du corail, qui est le sang ou le suc de l’animal. Lorsqu’il pressoit cette petite élévation avec les ongles, les intestins & tout le corps de l’animal sortoient ensemble, & ressembloient au suc épaissi, fourni par les glandes sébacées de la peau ; il vit que lorsque l’animal vouloit sortir de sa niche, il forçoit le sphincter situé à son entrée, & lui faisoit prendre la forme d’une étoile avec des rayons blancs, jaunes ou rouges. Lorsque l’insecte sort sans s’étendre, ses piés, son corps forment cette apparence blanchâtre observée par M. Marsigli ; mais lorsqu’il sort & qu’il s’étend, il forme ce que ce comte & notre auteur prirent pour les pétales de la fleur du corail, & le calice de cette fleur supposée étoit le corps de l’animal sorti de sa cellule. Ce suc laiteux dont on a déja parlé, est le sang ou les liqueurs de l’animal, & il est plus ou moins abondant à proportion de sa santé ou de sa vigueur. Lorsque les insectes sont morts, ils se corrompent & communiquent à l’eau l’odeur de poisson pourri. La substance du corail fournit à peine par cette analyse chimique, de l’huile, du sel ou du phlegme, pendant que le corail vivant avec son écorce, fournit de ces substances environ une quarantieme partie de son poids, & que l’écorce du corail seul, dans laquelle sont contenus les animaux, en fournit la sixieme partie. Ces principes ressemblent à ceux que l’on tire du crâne humain, des cornes de cerf, & des autres parties d’animaux ». Extrait d’un article des Trans. phil. sur le corail, ann. 1753, in-12. 1756, p. 22 & suiv.
En 1726 ou 1727, M. Peyssonnel proposa son système sur les plantes marines, mais il fut contrarié ; on lui opposa un autre système qui réduisoit la végétation du corail à sa seule écorce : on la regardoit seule comme une plante qui se bâtissoit une tige en déposant des grains rouges & sablonneux dont on l’avoit trouvée remplie.
En 1738 M. Shaw, dans la relation de ses voyages en Afrique, mit en avant un autre systéme sur la végétation du corail ; il prétendoit que ces corps apparens sur toute l’écorce du corail & des autres lithophytons, étoient leurs racines qui disparoissoient lorsque ces plantes se trouvoient hors de la mer.
En 1741 M. Bernard de Jussieu fit un voyage pour observer les plantes marines, sur les côtes occidentales de la Normandie, avec M. Blot, alors jeune médecin de Caen, & maintenant professeur de Botanique dans l’université de cette ville, qui connoissoit parfaitement ces côtes. Ils les suivirent depuis Honfleur jusqu’au-dessous de Bayeux ; ils virent sortir des nœuds ou des articulations & des bouts de toutes les branches de plusieurs especes de plantes marines, de petits animaux qui se mouvoient plus ou moins en différens instans, quis’épanouissoient en certain tems, & qui rentroient en entier dans leurs petites cellules. Enfin M. de Jussieu reconnut que plusieurs especes de ces prétendues plantes marines, dont chacune a en effet l’extérieur d’une très-belle plante, ne sont que des assemblages de loges de polypes : ce qui confirma le système de M. Peyssonnel. Depuis ce tems, il n’est resté aucun doute à ce sujet. Les prétendues plantes marines ont été restituées au regne animal : on a même voulu changer leur faux nom de plantes en celui de polypiers qui leur conviendroit mieux. Mémoires de l’academie royale des Sciences, ann. 1742. Préface du VI. vol. des mémoires pour servir à l’histoire des insectes. On trouvera beaucoup de recherches sur le même sujet dans le livre de M. Donati, qui a pour titre : Della storia naturale marina dell’adriatico saggio, & dans celui de M. Ellis.
Plante parasite, (Botan.) plante qui croît sur d’autres plantes, & qui se nourrit de leur suc. Le lierre, la vigne de Canada, le jasmin de Virginie, la cuscute, le gui, l’hypociste, & sur-tout les mousses, se nomment avec raison plantes parasites ; mais les plus pernicieuses sont les lichens, espece de croûte à nos yeux mêlée de jaune & d’un blanc sale, qu’on voit sur les écorces des arbres. Toutes ces plantes leur sont fatales, parce qu’elles en dérobent la seve par une infinité de petites racines qui la sucent & l’interceptent.
Les semences des plantes parasites sont extrèmement fines, & en nombre presque infini, contenues ordinairement dans les petites capsules qui crevent d’elles-mêmes & les répandent ; le vent porte ces graines au hasard sur des murs, sur des toîts, sur des arbres, où des rencontres favorables les font éclore.
La propriété qu’ont les plantes parasites de ne devoir qu’indirectement à la terre leur nourriture, & de ne pouvoir goûter qu’un suc affiné & épuré dans les vaisseaux des autres plantes, semble indiquer dans ces parasites une délicatesse plus marquée que dans les plantes qui les nourrissent : celles-ci cependant en ont une que les parasites n’ont pas ; toute sorte de terre ne leur est pas indifférente comme toute sorte de plante l’est aux parasites, pourvû qu’elles puissent s’y attacher, & que la dureté ou la délicatesse de l’écorce des autres ne s’y oppose pas. Plusieurs des premieres aiment une terre légere, d’autres préferent une terre argilleuse & forte, où périroient celles que des sables les plus arides nourrissent abondamment : mais la cuscute & les plantes de cette nature s’accommodent de toutes les plantes, qui sont pour elles ce que la terre est pour celles qui y jettent leurs racines.
Les Botanistes ont établi une distinction entre les diverses plantes parasites ; savoir, les parasites qui se sement & vivent sur d’autres plantes comme le gui ; & celles qui se sement en terre, y germent, & s’attachent sur les racines d’une autre plante, comme les orobanches & l’hypociste, la clandestine & l’orobancoïde ; enfin, il y a des parasites qui vivent sur les autres plantes, mais peut-être sans en tirer d’aliment, puisqu’elles peuvent vivre sur terre également, ou attachées à d’autres corps comme à des rochers, à des murs : telles sont les lichens, les fucus de mer, & plusieurs autres. (D. J.)
Plantes pentapétales, ce sont celles dont les fleurs sont composées de cinq feuilles. Voyez Plante.
Plante vénéneuse, (Botan.) plante nuisible ou mortelle. Nous serions heureux de connoître nos ennemis du regne végétal, ou, pour parler plus simplement, les plantes vénéneuses : on se plaint depuis long-tems de ce que les Botanistes semblent s’attacher uniquement à caractériser les plantes, sans s’inquiéter de leurs propriétés ; mais ce n’est pas leur faute, il a fallu nécessairement s’assurer du caractere de chaque plante, & c’est au tems à nous en apprendre les vertus ou le danger. Ni l’analyse chimique, ni les expériences faites sur les animaux vivans, ni le gout, ni l’odeur, ni finalement les autres qualités sensibles des plantes, ne nous découvrent point quels effets elles sont capables de produire sur nous. De tous ces moyens, l’analyse chimique est sans doute le moins fidele. Quant aux essais faits sur les animaux, ils ne concluent rien pour nous ; les amandes ameres, le persil, tuent des oiseaux, & ne laissent pas de nous servir d’alimens ; au rebours les chevres broutent le tithymale pour réveiller leur appétit, & cette même plante empoisonne les poissons, & n’est pas moins dangereuse aux hommes.
Pour ce qui regarde les qualités sensibles, elles ne trompent que trop souvent. La ressemblance des caracteres botaniques, ou leur proximité dans les classes, ne nous assure pas davantage des affinités de leurs vertus ; car les cigues, les phillandrium, les ænanthe, se trouvent dans la même famille que les angéliques, le fenouil, & autres plantes salutaires.
Rien ne nous assure donc des bonnes ou mauvaises propriétés des plantes à notre égard, que l’usage réitéré que nous en faisons ; or il est peu de botanistes, comme Gesner, assez zélés pour le bien public, jusqu’à risquer leur vie en éprouvant sur eux-mêmes les vertus des plantes. On raconte que ce savant homme mourut pour avoir essayé sur lui la vertu du doronic à racine de scorpion. La prudence veut donc qu’on attende patiemment les essais des empyriques téméraires, ou des paysans assez malheureux, pour se tromper quelquefois sur le choix des remedes & des alimens tirés des végétaux.
On voit par ce que nous venons de dire, que la recherche des vertus des plantes est très-risqueuse, & que c’est au tems & à des hasards heureux ou funestes à nous instruire là-dessus. Mais c’est des plantes vénéneuses que la connoissance nous intéresse le plus, car elles nous trompent souvent par les apparences des fruits doux & agréables ; témoins la bella dona, la christophoriane, & sur-tout le coriaria, ou le redoul, dont nous parlerons ailleurs : il est donc avantageux de faire connoître ces poisons afin qu’on les évite soigneusement.
Un autre motif qu’on ne soupçonne pas d’abord, doit encore nous engager à la recherche de ces sortes de plantes, c’est à cause de leurs vertus médicinales ; car toutes vénéneuses que sont plusieurs de ces plantes, elles peuvent fournir des remedes d’autant plus efficaces qu’elles sont plus dangereuses : & au fond, les poisons ne different souvent des remedes que par la dose, ou par la maniere de les appliquer. On tire du laurier-cerise une eau très-vénéneuse, & cependant les feuilles de cet arbre donnent aux crêmes un goût d’amande amere, qu’on recherche très-avidement, & dont on se trouve bien. Le laurier-rose, poison violent même pour les chevaux, purge avec succès certains hommes robustes. L’opium, qui est un violent poison, devient un souverain remede, appliqué à-propos & à juste dose. (D. J.)
Plantes de la Bible, (Botan.) On appelle ainsi les plantes dont il est parlé dans la Bible. La Botanique a éclairé de ses lumieres la Critique sacrée, & a répandu beaucoup de jour sur l’intelligence des endroits de l’Ecriture où il s’agit des plantes. Barreira, Cocquius, Lemnius, Ursinus, ont les premiers rompu la glace ; mais leurs ouvrages sont tombés dans l’oubli depuis ceux d’Hiller, abbé de Royal-Fontaine, & du médecin Celsius. Le traité d’Hiller est intitulé Hilleri hiero-phyticon, & a été imprimé à Urrecht en 1725, in-4o. L’ouvrage de Celsius, Celsii hiero-botanicon, a paru Amstæl. 1748, en 2 vol. in-8o. (D. J.)
Plantes, maladies des, (Agricult.) Tout ce qui végete a ses maladies, ou, pour parler plus simplement, tous les corps organisés sont sujets à certains changemens, à certaines dégénérations, que l’on peut appeller maladies, par rapport à leur état naturel ; un arbre, par exemple, dont le tronc se pourrit, ou qui perd ses feuilles avant la saison, est malade, parce qu’on ne l’appelle sain que lorsque ses parties sont bien conditionnées.
On peut rapporter les maladies des plantes aux causes suivantes : 1o. à la trop grande abondance du suc nourricier ; 2o. au défaut, ou manque de ce suc ; 3o. à quelques mauvaises qualités qu’il peut acquérir ; 4o. à sa distribution inégale dans les différentes parties des plantes ; 5o. enfin, à des accidens extérieurs.
La trop grande abondance de suc nourricier le fait sortir de lui-même hors de ses vaisseaux : ainsi les especes de pins distillent naturellement presque pendant toute l’année. L’épanchement est encore plus grand, si l’on fait des incisions à ces arbres à coups de hache ou autrement.
La liqueur qui en découle s’appelle térébenthine lorsqu’elle conserve sa fluidité, & galipot ou résine quand elle devient solide : mais si ce même suc, faute de vîtesse, se grumele dans ses propres tuyaux ; s’il est obligé de s’y arrêter parce qu’ils sont devenus crasseux, & par conséquent plus étroits qu’ils n’étoient ; alors le suc qui continue de monter de la racine, s’imbibe peu-à-peu dans les trachées que l’on peut appeller les poumons des plantes, il en interrompt le commerce de l’air ; & la circulation étant interceptée, ces arbres sont suffoqués & meurent, par la même raison que les animaux qu’on étouffe.
Dans les pays chauds, la trop grande abondance de seve produit au bout des branches des arbres que l’on taille en buisson, des tumeurs d’une substance spongieuse qui se carie facilement ; & ces arbres en portent bien moins de fruit. Si l’on coupe du bois plus qu’il ne faut aux arbres à haute tige, ils donnent peu de fruit, parce que la seve trop abondante par rapport au bois qu’elle doit nourrir, ne fait que pousser de nouvelles branches, au lieu de faire fleurir les vieilles, dont les vaisseaux sont plus difficiles à pénétrer ; ainsi le grand secret dans la culture des arbres fruitiers, c’est de ne couper que les branches qui se croisent, & qui les rendroient difformes : mais les mains démangent aux curieux.
La langueur & la mort de plusieurs plantes montrent bien que le suc nourricier commence à leur manquer. Les feuilles ne jaunissent, ne se fanent, & ne tombent hors de leur saison, que faute de nourriture ; soit qu’elle leur soit dérobée par les petits vers qui s’y attachent, soit que le mal vienne des racines : ces parties perdent peu-à-peu leur ressort ; elles se carient, se chancissent, & leurs couloirs se remplissent d’un certain limon, qui empêche la filtration des sucs propres pour les autres parties. Si les racines se carient, le fumier de vache ou de cochon les rétablit & arrête la carie, de même que le storax liquide arrête la gangrene des animaux. Si elles sont chancies, il faut les bien laver dans l’eau claire, pour détacher & entraîner tous ces petits filets de mousses qui commençoient à s’y nourrir.
Quant au limon qui fait le relâchement des fibres, & ensuite des obstructions, le terreau & la fiente de pigeon y remédient. La cendre de vigne, la chaux, la fiente de poule & de pigeon, mêlées avec la terre qui couvre les racines des oliviers & des orangers paresseux, les excitent à fleurir & à porter des fruits : mais ces sortes de remedes ne conviennent pas à toutes sortes de plantes. L’urine, l’eau de chaux, l’eau du fumier un peu trop forte, les couches même trop chaudes, dessechent & brûlent, comme l’on dit, le chevelu des racines.
Il seroit trop long de parler ici de la mauvaise qualité de la seve, qui vient du défaut des terres, cette discussion demanderoit un traité d’Agriculture raisonnée ; mais il y a un vice qui rend les plantes stériles dans les meilleurs fonds, c’est quand le suc nourricier devient si gluant, qu’il ne sauroit circuler, ni faire développer les parties qui doivent paroître successivement les unes après les autres.
La squille, l’oignon portant laine, les especes d’aloës, & plusieurs plantes grasses, fleurissent avec beaucoup plus de facilité dans les pays chauds, parce que la terre leur fournit un suc assez maigre, que la chaleur fait couler aisément ; au lieu que dans les pays froids, ce suc est gluant, & devient comme une espece de mucilage, qui ne sauroit faire sortir les tiges du fond de leurs racines. Le seul remede est d’élever ces sortes de plantes sur couche & dans des terres sablonneuses.
Malgré cette précaution, les oignons qui viennent des Indes ne fleurissent qu’une seule fois dans ce pays-ci, parce que la jeune tige qui est dans le fond de la racine se trouve assez développée avant le transport pour pouvoir s’élever & s’épanouir ; mais après cela le suc nourricier qui devient trop gluant, n’a pas la force de faire développer le jeune embryon qui est dans le cul de l’oignon, & qui ne devoit paroître que dans un an.
La plûpart des narcisses & des jacinthes dont on coupe les feuilles après que leur fleur est passée, ne fleurissent pas bien l’année d’après. Il semble que le suc glaireux qui étoit en mouvement dans les racines de ces plantes, & qui passoit à l’ordinaire dans les feuilles, se décharge sur la jeune tige qui est au fond de la racine ; il s’imbibe, il s’épaissit, il se fige dans cet embryon, & l’empêche de se développer au printems.
La stérilité de plusieurs plantes ne dépend pas toujours de la mauvaise qualité du suc nourricier ; souvent c’est une maladie qui vient de la distribution imparfaite de ce suc ; il faut alors ébrancher la plante, en resserrer les racines dans un petit terrein. Les orangers & les figuiers plantés dans des petites caisses, donnent beaucoup plus de fruits que ceux dont la seve trouve à s’étendre dans les racines, au lieu de faire éclore les fleurs & les embryons. C’est par cette méthode qu’on a de bonnes graines de pervenche & d’épimédium, qui en pleine terre s’amusent à tracer & ne nouent pas.
Pour ce qui est des maladies causées par les accidens extérieurs, elles surviennent ordinairement par la grêle, par la gelée, par la brouiture, par la moisissure, par les plantes qui naissent sur d’autres plantes, par la piquure des insectes, par différentes tailles & incisions que l’on fait aux plantes.
La grêle qui tombe sur les feuilles en meurtrit les fibres, & fait extravaser le suc nourricier qui forme une dureté élevée en tumeur. Si la pluie tombe avec la grêle, l’impression du coup est bien moindre, parce que les fibres amollies par l’eau, obéissent au coup ; d’ailleurs, cette eau détergeant & emportant le suc qui commence à s’épancher, donne lieu aux fibres de se rétablir par leur ressort, à-peu-près comme il arrive aux parties meurtries que l’on étuve sur le champ.
La gelée au contraire fait périr les plantes lorsqu’elles sont mouillées, parce que l’eau qui se gele dans leurs pores les déchire en se dilatant, tout comme elle fait casser les vaisseaux où elle est enfermée.
La brouiture, en latin uredo, est cet accident qui arrive aux plantes en été, lorsqu’après le beau tems il survient quelqu’orage accompagné d’une légere pluie, & que le soleil paroît immédiatement après : alors il brûle les feuilles & les fleurs sur lesquelles la pluie est tombée, & ôte l’espérance des fruits. Les naturalistes cherchent la cause d’un si étrange effet, & M. Huet, qui n’étoit point physicien, mais seulement homme d’esprit, paroît l’avoir imaginée le plus ingénieusement.
Dans les jours sérains de l’été, dit-il, il est visible qu’il s’assemble sur les feuilles & sur les fleurs, comme par-tout ailleurs, un peu de poussiere ; quand la pluie tombe sur cette poussiere, les gouttes se ramassent ensemble, & prennent une figure ronde, ou approchante de la ronde, comme on voit qu’il arrive souvent sur des planchers poudreux, lorsqu’on y répand de l’eau pour les balayer. Or ces boules d’eau ramassées sur ces feuilles & sur ces fleurs, tiennent lieu de ces verres convexes, que nous appellons miroirs ardens, & produisent le même effet sur les plantes que produiroient ces verres si on les en approchoit ; si la pluie est grosse & dure long-tems, le soleil survenant ne produit plus cette brûlure, parce que la force & la durée de cette pluie a abattu toute la poussiere qui arrondissoit les gouttes d’eau, les gouttes perdant leur figure brûlante, s’étendent & se répandent sans aucun effet extraordinaire.
Les plantes sont encore détruites par celles qu’on appelle parasites, & par la moisissure, véritable assemblage de très-petites plantes parasites. Voyez Moisissure. Les remedes seront de tenir les plantes au sec, de déraciner les parasites, de les arracher, de racler avec la serpette l’écorce des arbres auxquels elles s’attachent, d’en couper des branches, & de faire des incisions dans l’écorce jusqu’à fleur de terre.
Parmi les tumeurs des plantes, autre genre de maladie qui les attaque ; il y en a qui leur sont naturelles ou viennent d’une méchante conformation, & d’autres qui naissent de la piquure des insectes. Ces petits animaux qui n’ont pas la force de bâtir leurs nids avec de la paille, ou d’autre matiere, comme sont les oiseaux, vont décharger leurs œufs dans les parties des plantes qui les accommodent le mieux. La piquure est suivie d’une tumeur, & cette tumeur est une suite de l’épanchement du suc nourricier, qui s’imbibant dans les pores voisins, les fait gonfler à mesure qu’il en dilate les fibres, l’œuf ne manque pas d’éclore au milieu de ce nid, & le ver ou le puceron qui en sort, y trouve sa nourriture toute préparée. C’est ainsi que se forment les noix de galle, & toutes les tumeurs que l’on observe sur les plantes piquées.
Pour remplir le dénombrement des causes auxquelles l’on a rapporté les maladies des plantes, il nous reste à parler des bosses qui naissent autour des greffes. Comme les vaisseaux de la greffe ne répondent pas bout à bout aux vaisseaux du sujet sur lequel on l’a appliqué, il n’est pas possible que le suc nourricier les enfile à ligne droite ; desorte que le cal bossu est inévitable : d’ailleurs il se trouve bien de la matiere inutile dans la filtration qui se fait de la seve, qui passe du sujet dans la greffe, & cette matiere qui ne sauroit être vuidée par aucuns vaisseaux, ni déférens, ni excrétoires, ne laisse pas d’augmenter la bosse.
Les levres de l’écorce des arbres que l’on taille pour enter, ou pour émonder, se tuméfient d’abord par le suc nourricier qui ne sauroit passer outre, à cause que l’extrémité des vaisseaux coupés, est pincée, & comme cautérisée par le ressort de l’air ; il s’y fait donc comme une espece de bourrelet qui s’étend insensiblement de la circonférence vers le centre, par l’alongement des fibres, & la blessure se couvre par une espece de calotte qui enveloppe le bois coupé. Les fibres du chicot au contraire, ne pouvant pas s’alonger, se dessechent, & deviennent extrèmement dures ; c’est ce qui forme les nœuds dans le bois. On en voit souvent dans les planches de sapin qui s’en détachent comme une cheville que l’on chasse de son trou. Le bois des arbres qui ont été souvent taillés, est revêche, comme disent les ouvriers, parce qu’il est tout traversé de gros chicots endurcis, dont les fibres n’ont pas la même direction que celles du reste du corps ligneux. (D. J.)
Plantes, transport des (Agricult.) depuis que les sciences reparurent sur la fin du xv. siecle, c’est-à-dire depuis que la raison revint habiter parmi nous, la botanique n’a pas été la derniere science qu’on ait pensé à cultiver ; bientôt les hommes rendus plus sociables, parce qu’ils étoient éclairés, se communiquerent leurs lumieres ; bientôt le commerce & la navigation qui répandent par-tout les richesses & l’abondance, porterent en Europe la connoissance de quantité de plantes exotiques ; dèslors on ne songea plus qu’à s’en procurer ; & l’art de leur transport & de leur culture, turent des connoissances nécessaires à acquérir.
Je ne déciderai point avec la Quintinie, si un jardinier est le genre, & le botaniste une espece ; mais celui qui se contente de savoir le nom des plantes, de les distinguer par classe, & d’en rechercher les vertus, n’est botaniste qu’à demi. S’il veut mériter un titre plus distingué, il doit entendre leur culture, l’art de les multiplier, de les conserver, de les transporter d’un pays à l’autre. Toutes ces connoissances tiennent à la perfection du botaniste. Le seul article du transport des plantes formeroit le sujet d’un traité ; mais je dois ici me borner à quelques remarques générales, tirées des ouvrages de Miller.
Quand on envoie les plantes d’un pays à l’autre, il faut principalement avoir attention à la saison qui y est la plus propre. Par exemple, s’il faut envoyer une partie de plantes d’un pays chaud dans un pays froid, il faut le faire au printems, afin que les plantes arrivant dans un pays plus froid, où la saison s’avance, elles aient le tems de se rétablir avant l’hiver, au cas ce qu’elles aient un peu souffert dans le trajet ; au lieu que celles qui arrivent en autonne périssent souvent pendant l’hiver, parce qu’elles n’ont pas eu le tems de se rétablir & de prendre racine avant le froid ; au contraire, les plantes qu’on envoie d’un pays froid dans un chaud, doivent être toujours expédiées en autonne, afin qu’elles puissent arriver à tems pour prendre racine avant les grandes chaleurs, autrement elles périroient bientôt.
La meilleure maniere d’empaqueter les plantes pour un voyage, est de les mettre dans des caisses portatives, faites avec des anses pour les manier & les remuer plus aisément sur le navire dans le mauvais tems. Ces caisses doivent être percées de plusieurs trous : il faut mettre une tuile plate ou une coquille d’huitre, pour empêcher la terre en s’éboulant, de les boucher. On remplira ces caisses de terre ; on y mettra les plantes aussi près les unes des autres qu’il sera possible, pour gagner de la place, ce qui est souvent absolument nécessaire, pour qu’elles n’incommodent point dans le vaisseau. Comme le seul but qu’on se propose ici est de leur conserver la vie, & non pas de les faire croître dans le passage, il est sûr qu’une petite caisse contiendra plusieurs plantes si l’on sait les y ranger avec adresse.
Il faut mettre les plantes dans la caisse quinze ou vingt jours avant que de les embarquer, afin qu’elles y soient plus affermies & enracinées. Pendant le cours du passage, on les laissera autant qu’il sera possible sur le tillac ou sur le pont, afin qu’elles soient airées. Pendant le mauvais tems & la tempête, on les couvrira d’une tente gaudronnée, pour les préserver de l’eau salée de la mer, qui les détruiroit si elles en étoient trop mouillées.
L’arrosement que demandent ces plantes pendant le voyage, doit être proportionné au climat d’où elles viennent, & à celui où on les transporte. Si elles vont d’un pays chaud dans un froid, elles requierent peu d’humidité, lorsqu’elles ont passé le tems des chaleurs : mais si elles sont portées d’un pays froid dans un chaud, elles ont un plus grand besoin d’arrosement à proportion qu’on s’avance dans un climat plus chaud. Alors il faut les abrier pendant le jour de la grande chaleur du soleil, qui sans un abri, ne manqueroit pas de les sécher & de les détruire.
Si les plantes envoyées d’un pays dans un autre sont telles qu’elles puissent vivre hors de terre un tems considérable, ce que feront toutes celles qui sont pleines de seve, comme par exemple les joubardes, les ficoïdes, les euphorbium, les cierges, &c. ces sortes de plantes, dis-je, n’exigent d’autre soin que de les bien empaqueter avec de la mousse dans une caisse ; on observera de les mettre assez serrées pour qu’elles ne souffrent pas des soubresauts & des secousses qui les briseroient, & pour que les plantes épineuses ne blessent pas les autres, si elles sont mélées ensemble. La caisse doit être placée dans un endroit à l’abri de l’humidité & des rats, qui ne manqueroient pas de ronger les plantes & de les détruire. Des plantes de cette espece, empaquetées avec précaution, & par assortiment, ne manqueront pas de réussir, quand même elles seroient quatre ou cinq mois en route, & elles souffriront moins que plantées dans des pots, parce que les matelots les font périr généralement, soit par négligence, soit en les arrosant outre mesure.
Il y a aussi diverses sortes d’arbres qu’on peut mettre en caisse de la même maniere, en les enveloppant de mousse tout-au-tour ; & ils ne souffriront point hors de terre, pourvû que ce soit dans la saison où ils ne poussent point. C’est ce qu’on expérimente tous les jours par l’exemple des orangers, des jasmins, des capriers, des oliviers, des grenadiers, qu’on envoie chaque année d’Italie en Angleterre. Peu de ces arbres soigneusement empaquetés viennent à manquer, quoiqu’ils aient été très-souvent trois ou quatre mois hors de terre. Passons aux graines.
Quand on transporte des graines d’un pays dans un autre, il faut faire de petits paquets de chaque graine bien étiquetés, prendre toutes les précautions possibles pour les préserver de la vermine, & pour les conserver bien seches, sans quoi elles s’abatardiroient & se moisiroient.
La méthode de M. Catesby, connu par son amour pour l’Histoire naturelle, par ses ouvrages, par son voyage de la Floride, de la Caroline, & des îles Bahama, étoit d’empaqueter dans du papier ces graines bien seches, de les mettre ensuite dans des flacons secs de calebasses, & d’en cacheter l’ouverture ; de cette maniere, il a envoye une très-grande quantité de graines de la Caroline en Angleterre, où elles ont rarement manqué de produire.
Il y a quelques personnes qui prétendent qu’il faut mettre les graines dans des verres qu’on scellera bien hermétiquement, pour empêcher l’accès de l’air extérieur ; mais après plusieurs expériences de M. Miller à ce sujet, il a trouvé que de telles graines ne réussissoient point, dès qu’elles ont été renfermées pendant un tems un peu considérable, & qu’elles exigent quelque portion d’air pour conserver leur qualité végétative.
Quand on n’a pas de commodités pour apporter ou envoyer des graines, le plus court parti est de les mettre dans un sac qu’on pendra dans un lieu sûr & sec du vaisseau ; ou bien on les mettra dans une bonne malle hors de la portée des rats & de la vermine ; c’est le moyen le plus simple de les conserver. Cependant la plus sure méthode pour la conservation de toutes sortes de graines, est de les faire venir dans la cosse, gousse, ou coque, dans laquelle elles se sont formées, pourvû qu’elles soient bien seches, parce que la propre couverture naturelle des graines leur fournira quelque nourriture quand elles n’auront pas été séparées du placenta. (D. J.)
Plante, (Chimie.) voyez Végétal.
Plante du pié, en Anatomie, est la partie inférieure ou base du pié de l’homme, renfermée entre le tarse & les orteils. Voyez Pied.