Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Nom/Paragraphe 97F

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 255-257).
§ 97 F. Flexions des finales segolées.

a Nous réunissons ici ce qui concerne la flexion des finales segolées, quelle que soit la forme du nom.

La segolisation de la finale féminine est née, semble-t-il, à l’état construit (§ 89 d). Tantôt elle ne se trouve qu’à l’état construit ; tantôt elle s’est propagée à l’état absolu[1].

Noms avec la finale segolée à l’état cst. : עֲטָרָה, cst. עֲטֶ֫רֶת couronne ; לֶֽהָבָה, cst. לַהֶ֫בֶת flamme ; plusieurs noms à préformante מ, p. ex. מַמְלָכָה, cst. מַמְלֶ֫כֶת royaume ; מִשְׁפָּחָה, cst. מִשְׁפַּ֫חַת clan ; מֶרְכָּבָה char, cst. מִרְכֶּ֫בֶת, מֶרְכַּבְתּוֹ ; pl. מַרְכָּבוֹת, cst. מַרְכְּבוֹת.

Noms avec la forme segolée, à côté de la forme en ◌ָה, à l’état absolu : עֲצָרָה et עֲצֶ֫רֶת, עֲצָ֑רֶת abstention ; תִּפְאָרָה et plus souvent תִּפְאֶ֫רֶת, תִּפְאָ֑רֶת ornement, gloire ; מַֽחֲשָׁבָה et מַֽחֲשֶׁ֫בֶת, מַֽחֲשָׁ֑בֶת dessein[2].

Certains noms ont seulement la forme segolée, p. ex. מִשְׁמֶ֫רֶת observance, יוֹנֶ֫קֶת rejeton, כֹּתֶ֫רֶת chapiteau.

b Flexion de la finale ◌ֶ֫לֶת[3] § 89 g. Quand elle provient de alt, on a normalt ◌ַ dans la flexion, en syllabe fermée, de même que dans le type מֶ֫לֶךְ (de *malk) on a מַלְכִּי etc. ; p. ex. אִוַּלְתִּי de אִוֶּ֫לֶת folie (forme qittal pour qattal § 88 H a) ; מַֽחֲשַׁבְתּוֹ, מַמְלַכְתּוֹ. Exception : יְבִמְתֵּךְ § B c. Pour l’infinitif גֶּ֫שֶׁת (§ 72 d) on a גִּשְׁתּוֹ, comme on a שִׁבְתּוֹ.

Quand la finale ◌ֶ֫לֶת provient de ilt on a tantôt ◌ִ, tantôt ◌ַ. On a ◌ִ dans le type d’inf. cst. שֶׁ֫בֶת : שִׁבְתִּי, לִדְתִּי, רִדְתִּי (cf. § 75 m) ; dans les noms avec ī long à l’absolu : גְּבִירָה § 88 E g, maîtresse, *gebirt, גְּבֶ֫רֶת, גְּבִרְתִּי ; — מֵינִיקָה*, nourrice, *mẹ̄niqt, מֵינֶ֫קֶת, מֵינִקְתּוֹ. Dans les formes telles que חֲבֶרְתְּךָ (masc. חָבֵר compagnon), בְּהֶמְתֵּ֫נוּ (de בְּהֵמָה § B d) le ◌ֶ est sans doute pour ◌ִ.

Au contraire dans les mots du type קֹטֶ֫לֶת (cf. Paradigme de 24. יוֹנֶ֫קֶת rejeton) on a ◌ַ : יֽוֹנַקְתּוֹ, יֽוֹלַדְתּוֹ mère, אֹֽמַנְתּוֹ nourrice, חֹֽתַנְתּוֹ belle-mère, אֹֽיַבְתִּי Mich 7, 8, 10 (opp. le ◌ִ de אֹֽיִבְךָ § 96 C c).

Remarque. On a la contraction ◌ֵאת pour ◌ֶ֫אֶת dans l’infin. צֵאת § 75 g, les participes des ל״א : מֹצֵאת, נִפְלֵאת § 78 h.

c Dans la flexion de la finale très rare ◌ֵ֫לֶת (§ 89 h), de ilt, on a ◌ִ dans אִשָּׁה femme, cst. אֵ֫שֶׁת, אִשְׁתִּי etc. § 99 c.

d Dans la flexion de la finale ◌ֹ֫לֶת § 89 i, on a ◌ֻ ou ◌ָ : le choix de la voyelle dépend, semble-t-il, de la nature des consonnes (comp. la flexion de קֹ֫דֶשׁ § 96 A g). Avec ◌ֻ on a : מַשְׂכֻּרְתִּי récompense, מַֽחֲלֻקְתּוֹ division, מַתְכֻּנְתּוֹ mesure exacte, מַלְכֻּדְתּוֹ piège, מַרְכֻּלְתֵּךְ marché (toutes formes maqtul § 88 L j). Dans נְח֫שֶׁת airain on a presque toujours ◌ֻ[4] (une fois ◌ָ : נְחָשְׁתִּי Lam 3, 7). — Avec ◌ָ on a : גֻּלְגָּלְתּוֹ crâne (forme qulqul § 88 J c), קְטָרְתִּי fumée (probt qutāl § 88 E e), שְׁלָשְׁתָּם trois (forme qatāl § 88 E a), בָּשְׁתִּי honte (p.-ê. בּ֫שֶׁת est-il formé sur בּוּשָׁה), כֻּתָּנְתִּי tunique (de כֻּתֹּ֫נֶת ; probablement forme quttāl : comparer arabe kattān (lin, toile de lin), aram. kittå̄nå, syr. kettå̄nå). Ce mot est assez irrégulier : cst. כְּתֹ֫נֶת ; pl. abs. כֻּתֳּנוֹת, cst. כָּתְנוֹת[5].

e Remarque. Au pluriel absolu, les noms à dernière voyelle primitive a ont toujours le ◌ָ prétonique, p. ex. מִשְׁמֶ֫רֶת observance, מִשְׁמָרוֹת. Un pluriel abs. en ◌ְלוֹת ne peut donc provenir que d’une forme en ilt ou en ult ; p. ex. אִגֶּ֫רֶת, pl. abs. אִגְּרוֹת, est une forme ʾiggirt (cf. akkadien egirtu). Par contre un pluriel כּֽוֹתָרוֹת indique que כּוֹתֶ֫רֶת chapiteau est une forme kātart et non kātirt.

f L’usuel חַטָּאת péché, à côté du très rare חַטָּאָ֑ה (2 f. en grande pause), est pour חַטַּ֫אַת* ; l’état cst. חַטַּאת est formé secondairement sur l’absolu חַטָּאת. Pluriel abs. חַטָּאוֹת, cst. חַטֹּאת.

  1. Nous avons vu dans les noms masculins, des exemples d’état cst. adopté comme état absolu, p. ex. §§ 96 A l, m, q ; dans les noms fém. §§ 97 B c, b.
  2. On remarquera qu’en cas de doublet on a en pause la forme segolée. On observera aussi que dans des cas comme עֲצֶ֫רֶת on n’a pas de qameṣ prétonique même quand le mot est employé comme état absolu, et même en pause (עֲצָ֑רֶת). L’absence de qameṣ prétonique semble bien indiquer que la forme est originairement un état construit (cf. § 89 d).
  3. Le ל désigne ici la dernière consonne du mot.
  4. La raison de la persistance de u est probablement que נְח֫שֶׁת est formé sur נְחוּשָׁה, comme גְּבֶ֫רֶת sur גְּבִירָה § b. Opp. (également devant שׁ) שְׁלָשְׁתָּם, בָּשְׁתִּי.
  5. L’absence de redoublement aux états construits indique p.-ê. que le redoublement est secondaire dans כֻּתֹּ֫נֶת, comme il l’est dans le type זִכָּרוֹן, cst. זִכְרוֹן § 88 M b ; comp. χιτών.