Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Nom/Paragraphe 88E

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 196-198).
§ 88 E. Formes avec 1re voyelle brève et 2e voyelle longue.

a Qatāl. La forme primitive devient normalement קָטוֹל.

Substantifs : אָתוֹן ânesse, עָרוֹד onagre ; שָׁלוֹם paix, כָּבוֹד gloire, שָׁלשׁ trois, אָחוֹר l’arrière ; אָמוֹן ouvrier, עָשׁוֹק oppresseur[1].

Comme nom d’action, קָטוֹל est employé en inf. absolu, § 49 a. Les véritables adjectifs du type קָטוֹל sont généralement des qatulקָטֹל, avec allongement secondaire de l’, § D c.

b Qatīl (§ 96 D b). La forme primitive devient normalement קָטִיל. C’est une forme étendue de qatil, § D b. On trouve avec cette forme des adjectifs, parfois substantivés, des adjectifs à sens passif[2], des noms d’action, en particulier pour les opérations agricoles : צָעִיר petit, jeune, נָעִים agréable, חָסִיד pieux ; נָקִי indemne, עָנִי affligé (§ 96 D c), כָּלִיל total et totalité, אָסִיר prisonnier, מָשִׁיחַ oint (Messie), נָשִׂיא prince, נָזִיר consacré, nazir, פָּקִיד préposé, שָׂכִיר mercenaire ; חָלִיל flûte (percé) ; יָמִין côté droit (subst.), קָדִים l’est, l’orient (subst.). Noms d’action : opérations agricoles : זָמִיר taille de la vigne, קָצִיר moisson, בָּצִיר vendange, אָסִיף rentrée de la moisson, חָרִישׁ labourage ; émission d’un son : זָמִיר chant, הָגִיג murmure.

Avec finale féminine. Noms d’action : הֲלִיכָה marche, חֲלִיפָה changement, סְלִיחָה pardon[3].

c Qatūl. La forme primitive devient normalement קָטוּל. C’est une forme étendue de qatul (§ D c), comme qatīl est une forme étendue de qatil. On trouve avec cette forme des adjectifs, des participes, des noms d’action.

Adjectifs : עָצוּם fort, nombreux, עָרוּם rusé, בָּצוּר fortifié. Cette forme קָטוּל est le participe passif de la conjugaison qal (§ 50 c) ; parfois le sens est actif, p. ex. אָחוּז tenant (§ 50 e).

Noms d’action (rares) : שָׁבוּר brisement et חָרוּץ mutilation (Lév 22, 22). Avec finale féminine : Abstraits : אֱמוּנָה fidélité, גְּבוּרָה force, מְלוּכָה royauté. Noms d’action : קְבוּרָה sépulture, שְׁבוּעָה serment, יְשׁוּעָה secours efficace, victoire.

d Qitāl. La forme primitive devient normalement קְטוֹל : la voyelle brève primitive i tombe, § 30 d : זְרוֹעַ bras, חֲמוֹר âne (§ 21 g) ; noms d’instruments, liens, vases : חֲגוֹר ceinture, f. חֲגוֹרָה, אֵזוֹר ceinture (אֵ § 21 h), שְׂרוֹךְ lacet, צְרוֹר sac. — Pour אִסָּר (avec å̄, § f) cf. § 18 g.

Avec finale féminine : עֲבֹדָה travail, בְּשׂרָה bonne nouvelle (évangile).

e Qutāl. La forme primitive devient normalement קְטוֹל : la voyelle brève primitive u tombe, § 30 d : רְחוֹב place, אֱנוֹשׁ l’homme (§ 21 h). Dans quelques noms, comme souvent en arabe, la forme a une nuance péjorative, p. ex. pour les déchets, les choses de rebut : נְעֹ֫רֶת étoupe, בְּלוֹי haillon, probablement קְטֹ֫רֶת fumée[4].

f קְטָל (§ 96 D d). La forme araméenne קְטָל (qeṭå̄l) avec å̄ long[5] (au lieu du ọ̄ hébreu) se trouve dans quelques noms. La 1re voyelle tombée peut être a, i, u : כְּתָב écrit, livre (d’où arabe kitāb), קְרָב combat, סְפָר dénombrement, יְקָר honneur, שְׁאָר reste (probablement qutāl), מְצָד lieu fort.

g La forme hébr. קְטִיל peut provenir d’une forme primitive hypothétique qitīl. En réalité קְטִיל semble une réduction de qatīl : l’a sera tombé, anormalement, pour une cause encore inconnue, p.-ê. sous l’influence de l’araméen. On ne trouve guère que des substantifs, dont plusieurs semblent d’origine étrangère : גְּבִיר seigneur (f. גְּבִירָה dame, absolu et cst. גְּבֶ֫רֶת § 97 F b), אֱוִיל fou (subst. et adj.), כְּסִיל sot, fou, אֱלִיל néant, idole, יְגִיעַ fatigue, בְּדִיל plomb, בְּרִיחַ verrou, דְּבִיר l’arrière (du temple), כְּפִיר lionceau, מְחִיר dot (mot akkadien) ; cf. Bauer, 1, 471.

h La forme hébr. קְטוּל se trouve dans quelques substantifs dont plusieurs sont collectifs. La 1re voyelle tombée peut être normalement i ou u, anormalement a comme en araméen.

Peut-être de qitūl : כְּלוּב cage. (Tell el Amarna : kilubi).

Probablement de qutūl les collectifs : זְכוּר les mâles, רְכוּשׁ les biens, יְקוּם les vivants (pour qei̯ūm), tous trois sans pluriel ; גְּבוּל frontière (coll. et sing.), לְבוּשׁ vêtement (coll. et sing.).

Autres noms : גְּדוּד bande (de pillards), זְבֻל habitation, גְּמוּל œuvre (fém. גְּמוּלָה), יְבוּל produit.

Avec 1re א (§ 21 h) : אֵבוּס crèche, אֵטוּןfil, אֵמוּן fidélité. D’après son sens אֵסוּר lien est probablement un qitāl, § d ; אֵסוֹר* sera devenu אֵסוּר par quelque accident phonétique ou d’analogie (cf. § 29 b).

  1. En hébreu postbiblique קָטוֹל est fréquent pour les nomina opificum, p. ex. טָחוֹן meunier, et comme nom d’instrument, p. ex. דָּקוֹר perforateur.
  2. En araméen qatīl > קְטִיל est le participe passif de la conjugaison qal.
  3. En hébreu postbiblique קְטִילָה peut s’employer pour le nom d’action de tout verbe.
  4. À côté de קְטוֹרָה (1 f.). On a la forme qutāl dans l’arabe ʿuṯān « fumée ». D’après Bauer et Leander, 1, 469 קְטֹ֫רֶת serait un qutul.
  5. Ce ◌ָ a dû être long également en hébreu, malgré la tendance à l’abréger à l’état construit (§ 96 D d).