Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lettre P

Henri Plon (p. 513-566).
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P

Pa  • Pacte  • Pain  • Pain bénit  • Pajot  • Palingénésie  • Palmoscopie  • Palud  • Pamilius  • Pan  • Pandæmonium  • Panen  • Paneros  • Paniers  • Panjacartaguel  • Panjangam  • Pantacles  • Pantarbe  • Paouaouci  • Pape  • Papillon  • Paracelse  • Paramelle  • Parchemin vierge  • Parfums  • Paris  • Parker  • Parkes  • Parlements  • Paroles magiques  • Parque  • Parques  • Parris  • Parthénomancie  • Pasétès  • Passalorynchithes  • Patala  • Patiniac  • Patris  • Patroüs  • Pauana  • Paul  • Paul (Saint)  • Paule  • Pausanias  • Pavanis  • Paymon  • Péanite  • Peau  • Péché  • Péché originel  • Pédasiens  • Pédegache  • Pégomancie  • Pégu  • Peigne  • Pendus  • Pénitence  • Penote  • Penteman  • Pératoscopie  • Perdrix  • Pérez  • Périclès  • Péris  • Périthe  • Péroun  • Perrier  • Persil  • Perteman  • Pertinax  • Peste  • Pet  • Petchimancie  • Petit monde  • Petit-Pierre  • Petpayatons  • Pétrobusiens  • Pettimancie  • Peucer  • Peuplier  • Peur  • Phara-Ildis  • Pharmacie  • Phénix (démon)  • Phénix  • Phénomènes  • Philinnion  • Philosophie hermétique  • Philotanus  • Philtre  • Phlégéton  • Phooka  • Phosphore  • Phrénologie  • Phylactères  • Phyllorhodomancie  • Physiognomonie  • Piaces  • Piaches  • Picard  • Picatrix  • Pic de la Mirandole  • Pichacha  • Picollus  • Pie  • Pied  • Pied fourchu  • Pierre à souhaits  • Pierre du diable  • Pierre philosophale  • Pierre de santé  • Pierre-de-feu  • Pierre-fort  • Pierre d’Apone  • Pierre Labourant  • Pierre le Brabançon  • Pierre le Vénérable  • Pierres d’anathème  • Pigeons  • Pij  • Pilal-Karras  • Pilapiens  • Pilate  • Piletski  • Pinet  • Pipi  • Piqueur  • Piripiris  • Pison  • Pistole volante  • Pithon  • Pivert  • Planètes  • Plante-bornes  • Platon  • Plats  • Pline  • Plogojowits  • Plotin  • Pluies merveilleuses  • Plutarque  • Pluton  • Plutus  • Pnigalion  • Pocel  • Pochwist  • Pogoda  • Points de côté  • Poirier  • Poisons  • Polkan  • Pollier  • Polycrite  • Polyglossos  • Polyphage  • Polyphême  • Polyphidée  • Polythéisme  • Pomme d’Adam  • Pomponace  • Poniatowska  • Pont  • Pont d’Adam  • Pont du diable  • Popoguno  • Poppiel Ier  • Porcs  • Porom-Houngse  • Porphyre  • Porriciæ  • Porta  • Porte  • Portes des Songes  • Possédés  • Possédées de Flandre  • Postel  • Pot à beurre  • Pou d’argent  • Poudot  • Poudres  • Poule noire  • Poulets  • Poulpiquets  • Poupart  • Pourang  • Pou-Sha  • Poussière  • Powel  • Pra-Ariaseria  • Préadamites  • Précy  • Prédictions  • Préjugé  • Prélati  • Présages  • Prescience  • Préservatifs  • Pressentiment  • Pressine  • Prestantius  • Prestiges  • Prêtres noirs  • Prières superstitieuses  • Prierio  • Prisier  • Prodiges  • Prométhée  • Pronostics populaires  • Prophètes  • Propreté  • Proserpine  • Prostrophies  • Proudhon  • Pruflas  • Psellus  • Psephos  • Psychomancie  • Psylles  • Psylotoxotes  • Publius  • Pucel  • Pucelle d’Orléans  • Puces  • Puck  • Punaises  • Purgatoire  • Purrikeh  • Pursan  • Putéorites  • Pygmées  • Pyramides  • Pyromancie  • Pyrrhus  • Pythagore  • Pythonisse d’Endor  • Pythons

Pa (Olaùs). Voy. Harppe.

Pacte. Il y a plusieurs manières de faire pacte avec le diable. Les gens qui donnent dans les croyances superstitieuses pensent le faire venir en lisant le Grimoire à l’endroit des évocations, en récitant les formules de conjuration rapportées dans ce dictionnaire, ou bien en saignant une poule noire dans un grand chemin croisé, et l’enterrant avec des paroles magiques. Quand le diable veut bien se montrer, on fait alors le marché, que l’on signe de son sang. Au reste, on dit l’ange des ténèbres accommodant, sauf la condition accoutumée de se donner à lui.

Le comte de Gabalis, qui ôte aux démons leur antique pouvoir, prétend que ces pactes se font avec les gnomes, qui achètent l’âme des hommes pour les trésors qu’ils donnent largement ; en cela, cependant, conseillés par les hôtes du sombre empire.

Un pacte, dit Bergier, est une convention, expresse ou tacite, faite avec le démon, dans l’espérance d’obtenir par son entremise des choses qui passent les forces de la nature. Un pacte peut donc être exprès et formel, ou tacite et équivalent. Il est censé exprès et formel :^lorsque par soi-même on invoque expressément le démon et que l’on demande son secours, soit que l’on voie réellement cet esprit de ténèbres, soit que l’on croie le voir ; 2° quand on l’invoque par le ministère de ceux que l’on croit être en relation et en commerce avec lui ; 3° quand on fait quelque chose dont on attend l’effet de lui. Le pacte est seulement tacite ou équivalent, lorsque l’on se borne à faire une chose de laquelle on espère un effet qu’elle ne peut produire naturellement, ni surnaturellement et par l’opération de Dieu, parce qu’alors on ne peut espérer cet effet que par l’intervention du démon. Ceux, par exemple, qui prétendent guérir les maladies par des paroles doivent comprendre que les paroles n’ont pas naturellement cette vertu. Dieu n’y a pas attaché non plus cette efficacité. Si donc elles produisaient cet effet, ce ne pourrait être que par l’opération de l’esprit infernal. De là, les théologiens concluent que non-seulement toute espèce de magie, mais encore toute espèce de superstition, renferme un pacte au moins tacite ou équivalent avec le démon, puisque aucune pratique superstitieuse ne peut rien produire, à moins qu’il ne s’en mêle. C’est le sentiment de saint Augustin, de saint Thomas et de tous ceux qui ont traité cette matière[1].

Donnons ici une pièce curieuse des grimoires. C’est ce qu’ils appellent le « Sanctum regnum de la Clavicule, ou la véritable manière de faire les pactes ; avec les noms, puissances et talents de tous les grands esprits supérieurs, comme aussi la manière de les faire paraître par la force de la grande appellation du chapitre des pactes de la grande Clavicule, qui les force d’obéir à quelque opération que l’on souhaite ».

« Le véritable sanctum regnum de la grande Clavicule, autrement dit les pacta conventa dœmoniorum, dont on parle depuis si longtemps, sont une chose fort nécessaire à établir ici pour l’intelligence de ceux qui, voulant forcer les esprits, n’ont point la qualité requise pour composer la verge foudroyante et le cercle cabalistique. Ils ne


peuvent venir à bout de forcer aucun esprit de paraître, s’ils n’exécutent de point en point tout ce qui est décrit ci-après touchant la manière de faire des pactes avec quelque esprit que ce puisse être, soit pour avoir des trésors, soit pour découvrir les secrets les plus cachés, soit pour faire travailler un esprit pendant la nuit à son ouvrage, ou pour faire tomber une grêle ou la tempête partout où l’on souhaite ; soit pour se rendre invisible, pour se faire transporter partout où l’on veut, pour ouvrir toutes les serrures, voir tout ce qui se passe dans les maisons et apprendre tous les tours et finesses des bergers ; soit pour acquérir la main de gloire et pour connaître les qualités et les vertus des métaux et des minéraux, des végétaux et de tous les animaux purs et impurs ; pour faire, en un mot, des choses si merveilleuses, qu’il n’y a aucun homme qui n’en soit dans la dernière surprise. C’est par la grande Clavicule de Salomon que l’on a découvert la véritable manière de faire les pactes ; il s’en est servi lui-même pour acquérir de grandes richesses, et pour connaître les plus impénétrables secrets de la nature.

« Nous commencerons par décrire les noms des principaux esprits avec leur puissance et pouvoir, et ensuite nous expliquerons les pacta dœmoniorum, ou la véritable manière de faire les pactes avec quelque esprit que ce soit. Voici les noms des principaux :

» Lucifer, empereur. — Belzébut, prince. — Astarot, grand-duc.

» Ensuite viennent les esprits supérieurs qui sont subordonnés aux trois nommés ci-devant :

» Lucifuge, premier ministre. — Satanachia, grand général. — Fleurety, lieutenant général. — Nebiros, maréchal de camp. — Agaliarept, grand sénéchal. — Sargatanas, brigadier chef.

» Les six grands esprits que je viens de nommer ci-devant dirigent, par leur pouvoir, toute la puissance infernale qui est donnée aux autres esprits. Ils ont à leur service dix-huit autres esprits qui leur sont subordonnés, savoir :

» Baël, Agarès, Marbas, Pruflas, Aamon, Barbatos, Buer, Gusoyn, Botis, Bathim, Pursan, Abigar, Loray, Valafar, Foray, Ayperos, Naberus, Glassyalabolas.

» Après vous avoir indiqué les noms des dixhuit esprits ci-devant, qui sont inférieurs aux six premiers, il est bon de vous prévenir de ce qui suit, savoir :

» Que Lucifuge commande sur les trois premiers, qui se nomment Baël, Agarès et Marbas ; Satanachia sur Pruflas, Aamon et Barbatos ; Agaliarept sur Buer, Gusoyn et Botis ; Fleurety sur Bathim, Pursan et Abigar ; Sargatanas sur Loray, Valafar et Foray ; Nebiros sur Ayperos, Naberus et Glassyalabolas.

» Et, quoiqu’il y ait encore des millions d’esprits qui sont tous subordonnés à ceux-là, il est très-inutile de les nommer, à cause que l’on ne s’en sert que quand il plaît aux esprits supérieurs de les faire travailler à leur place, parce qu’ils se servent de tous ces esprits inférieurs comme s’ils étaient leurs esclaves. Ainsi, en faisant le pacte avec un des six principaux dont vous avez besoin, il n’importe quel esprit vous serve ; néanmoins demandez toujours à l’esprit avec lequel vous faites votre pacte que ce soit un des trois principaux qui lui sont subordonnées.

» Voici précisément les puissances, sciences, arts et talents des esprits susnommés, afin que celui qui veut faire un pacte puisse trouver dans chacun des talents des six esprits supérieurs ce dont il aura besoin.

» Le premier est le grand Lucifuge Rofocale, premier ministre infernal ; il a la puissance que Lucifer lui a donnée sur toutes les richesses et sur tous les trésors du monde.

» Le second est Satanachia, grand général ; il a la puissance de soumettre toutes les femmes et commande la grande légion des esprits.

» Agaliarept, aussi général, a la puissance de découvrir les secrets les plus cachés dans toutes les cours et dans tous les cabinets du monde ; il dévoile les plus grands mystères ; il commande la seconde légion des esprits.

» Fleurety, lieutenant général, a la puissance de faire tel ouvrage que l’on souhaite pendant la nuit ; il fait aussi tomber la grêle partout où il veut. Il commande un corps très-considérable d’esprits.

» Sargatanas, brigadier, a la puissance de vous rendre invisible, de vous transporter partout, d’ouvrir toutes les serrures, de vous faire voir tout ce qui se passe dans les maisons, de vous apprendre tous les tours et finesses des bergers ; il commande plusieurs brigades d’esprits.

» Nebiros, maréchal de camp et inspecteur général, a la puissance de donner du mal à qui il veut ; il fait trouver la main de gloire, il enseigne toutes les qualités des métaux, des minéraux, des végétaux et de tous les animaux purs et impurs ; c’est lui qui a aussi l’art de prédire l’avenir, étant un des plus grands nécromanciens de tous les esprits infernaux : il va partout ; il a inspection sur toutes les malices infernales.

» Quand vous voudrez faire votre pacte avec un des principaux esprits que je viens de nommer, l’avant-veille du pacte, vous irez couper, avec un couteau neuf qui n’ait jamais servi, une baguette de noisetier sauvage, qui n’ait jamais porté et qui soit semblable à la verge foudroyante ; vous la couperez positivement au moment où le soleil paraît sur l’horizon. Cela fait, vous vous munirez d’une pierre ématille et de deux cierges bénits, et vous choisirez ensuite pour l’exécution un endroit où personne ne vous incommode. Vous pouvez même faire le pacte dans une chambre écartée ou dans quelque masure de vieux château ruiné, parce que l’esprit a le pouvoir d’y transporter tel trésor qui lui plaît. Vous tracerez un triangle avec votre pierre ématille, et cela seulement la première fois que vous faites le pacte ; ensuite vous placerez les deux cierges bénits à côté ; vous écrirez autour le saint nom de Jésus, afin que les esprits ne vous puissent faire aucun mal. Ensuite vous vous poserez au milieu du triangle, ayant en main la baguette mystérieuse, avec la grande appellation à l’esprit, la demande que vous voulez lui faire, le pacte et le renvoi de l’esprit.

» Vous commencerez à réciter l’appellation suivante avec fermeté.

« Empereur Lucifer, maître de tous les esprits rebelles, je te prie de m’être favorable dans l’appellation que je fais à ton grand ministre Lucifuge Rofocale, ayant envie de faire pacte avec lui. Je te prie aussi, prince Belzébut, de me protéger dans mon entreprise. Comte Astarot, sois-moi propice, et fais que dans cette nuit le grand Lucifuge m’apparaisse sous une forme humaine, sans aucune mauvaise odeur, et qu’il m’accorde, par le moyen du pacte que je vais lui présenter, toutes les richesses dont j’ai besoin. Ô grand Lucifuge ! je te prie de quitter ta demeure, dans quelque partie du monde qu’elle soit, pour venir me parler ; sinon je t’y contraindrai par la force du grand Dieu vivant, de son cher Fils et du Saint-Esprit ; obéis promptement, ou tu vas être éternellement tourmenté par la force des puissantes paroles de la grande Clavicule de Salomon, paroles dont il se servait pour obliger les esprits rebelles à recevoir son pacte. Ainsi, parais au plus tôt, ou je te vais continuellement tourmenter par la force de ces puissantes paroles de la Clavicule : Agipn, tetagram, vaychéon stimulamaton y ezparès tetragrammaton oryoram irion esytion existion eryona onera brasim moym messias solerEmanuelSabaotAdonay, teadoro etinvoco. »

» Vous êtes sûr que, d’abord que vous aurez lu ces puissantes paroles, l’esprit paraîtra et vous dira ce qui suit : « Me voici : que me demandes-tu ? Pourquoi troubles-tu mon repos ? Réponds-moi. — Je te demande pour faire pacte avec toi, et enfin que tu m’enrichisses au plus tôt ; sinon je te tourmenterai par les puissantes paroles de la Clavicule. — Je ne puis t’accorder ta demande qu’à condition que tu te donnes à moi dans vingt ans, pour faire de ton corps et de ton âme ce qu’il me plaira. »

» Alors vous lui jetterez votre pacte, qui doit être écrit de votre propre main sur un petit morceau de parchemin vierge ; il consiste en ce peu de mots auxquels vous mettrez votre signature avec votre véritable sang. « Je promets au grand Lucifuge de le récompenser dans vingt ans de tous les trésors qu’il me donnera. En foi de quoi je me suis signé. »

» L’esprit vous répondra : « Je ne puis accorder ta demande. »

» Alors, pour le forcer à vous obéir, vous relirez la grande interpellation avec les terribles paroles de la Clavicule, jusqu’à ce que l’esprit reparaisse et vous dise ce qui suit : « Pourquoi me tourmentes-tu davantage ? Si tu me laisses en repos, je te donnerai le plus prochain trésor, à condition que tu me consacreras une pièce tous les premiers lundis de chaque mois, et que tu ne m’appelleras qu’un jour de chaque semaine, de dix heures du soir à deux heures après minuit. Ramasse ton pacte, je l’ai signé ; et, si tu ne tiens pas ta parole, tu seras à moi dans vingt ans. —

» J’acquiesce à ta demande, à condition que tu me feras paraître le plus prochain trésor que je pourrai emporter tout de suite. »

» L’esprit dira : « Suis-moi et prends le trésor que je vais te montrer. »

» Vous le suivrez sans vous épouvanter ; vous jetterez votre pacte tout signé sur le trésor, en le touchant avec votre baguette ; vous en prendrez tant que vous pourrez, et vous vous en retournerez dans le triangle en marchant à reculons ; vous y poserez votre trésor devant vous, et vous commencerez tout de suite à lire le renvoi de l’esprit.

» Voici maintenant la conjuration et renvoi de l’esprit avec lequel on a fait pacte :

« Ô grand Lucifuge ! je suis content de toi pour le présent ; je te laisse en repos et te permets de te retirer où bon te semblera, sans faire aucun bruit ni laisser aucune mauvaise odeur. Pense aussi à ton engagement de mon pacte, car, si tu y manques d’un instant, tu peux être sûr que je te tourmenterai éternellement avec les grandes et puissantes paroles de la Clavicule de Salomon, par lequel on force tous les esprits rebelles à obéir…[2] »

Pain (Épreuve du). C’était un pain fait de farine d’orge, bénit ou plutôt maudit par les imprécations d’un prêtre. Les Anglo-Saxons le faisaient manger à un accusé non convaincu, persuadés que s’il était innocent ce pain ne lui ferait point de mal ; que s’il était coupable il ne pourrait l’avaler, ou que s’il l’avalait, il étoufferait. Le juge qui faisait cette cérémonie demandait, par une prière composée exprès, que les mâchoires du criminel restassent roides, que son gosier se rétrécît, qu’il ne pût avaler, qu’il rejetât le pain de sa bouche. C’était une profanation des prières de l’Église[3]. La seule chose qui fût réelle dans cette épreuve, qu’on appelait souvent l’épreuve du pain conjuré, c’est que, de toutes les espèces de pain, le pain d’orge moulue un peu gros est le plus difficile à avaler. Voy. Gorsned, Alphitomancie, etc.

Pain bénit. Du côté de Guingamp en Bretagne, et dans beaucoup d’autres lieux, quand on ne peut découvrir le corps d’un noyé, on met un petit cierge allumé sur un pain que l’on a fait bénir et qu’on abandonne au cours de l’eau ; on trouve le cadavre dans l’endroit où le pain s’arrête[4], et ce qui peut surprendre les curieux, c’est que ce prodige s’est vu très-souvent. Comment l’expliquer ? On a le même usage en Champagne et ailleurs.

Pajot (Marguerite), sorcière qui fut exécutée à Tonnerre en 1576, pour avoir été aux assemblées nocturnes des démons et des sorciers. Elle composait des maléfices et faisait mourir les hommes et les animaux. Elle avait de plus tué un sorcier qui n’avait pas voulu lui prêter un lopin de bois avec lequel il faisait des sortilèges.


Une remarque singulière qu’on avait notée, c’est qu’elle revenait du sabbat toujours toute froide 3[5].


Palingénésie. Ce mot veut dire renaissance. Duchêne dit avoir vu à Cracovie un médecin polonais qui conservait dans des fioles la cendre de plusieurs plantes ; lorsqu’on voulait voir une rose dans ces fioles, il prenait celle où se trouvait la cendre du rosier, et la mettait sur une chandelle allumée : après qu’elle avait un peu senti la chaleur, on commençait à voir remuer la cendre ; puis on remarquait comme une petite nue obscure qui, se divisant en plusieurs parties, venait enfin à représenter une rose si belle, si fraîche et si parfaite, qu’on l’eût jugée palpable et odorante comme celle qui vient du rosier. Cette nouveauté fut poussée plus loin. On assura que les morts pouvaient revivre naturellement, et qu’on avait des moyens de les faire ressusciter en quelque façon. Van der Beken, surtout, a donné ces opinions pour des vérités incontestables ; et dans le système qu’il a composé pour expliquer de si étranges merveilles, il prétend qu’il y a dans le sang des idées séminales, c’est-à-dire des corpuscules qui contiennent en petit tout l’animal. Quelques personnes, dit-il, ont distillé du sang humain nouvellement tiré, et elles y ont vu, au grand étonnement des assistants saisis de frayeur, un spectre humain qui poussait des gémissements. C’est pour ces causes, ajoute-t-il, que Dieu a défendu aux Juifs de manger le sang des animaux, de peur que les esprits ou idées de leurs espèces qui y sont contenues ne produisissent de funestes effets. Ainsi, en conservant les cendres de nos ancêtres, nous pourrons en tirer des fantômes qui nous en représenteront la figure. Quelle consolation, dit le P. Lebrun, que de repasser en revue son père et ses aïeux, sans le secours du démon et par une nécromancie très-permise ! Quelle satisfaction pour les savants que de ressusciter en quelque manière les Romains, les Grecs, les Hébreux et toute l’antiquité ! Rien d’impossible à cela, il suffit d’avoir les cendres de ceux qu’on veut faire paraître. Ce système eut, comme toutes les rêveries, beaucoup de partisans. On prétendait qu’après avoir mis un moineau en cendres et en avoir extrait le sel, on avait obtenu, par une chaleur modérée, le résultat désiré. L’académie royale d’Angleterre essaya, dit-on, cette expérience sur un homme. Je ne sache pas qu’elle ait réussi. Mais cette découverte, qui n’aurait pas dû occuper un seul instant les esprits, ne tomba que quand un grand nombre de tentatives inutiles eurent prouvé que ce n’était non plus qu’une ridicule chimère. Voy. Cendres. La palingénésie philosophique de Bonnet est un système publié au dernier siècle et condamné ; il est plus du ressort des théologiens que du nôtre.

Palmoscopie, augure qui s’appelait aussi patmicum, et qui se tirait de la palpitation des parties du corps de la victime, calculées à la main.

Palud (Madeleine de Mendoz de la), fille d’un gentilhomme de Marseille, et sœur du couvent des Ursulines, qui fut ensorcelée par Gaufridi à l’âge de dix-neuf ans. Voy. Gaufridi. Cette femme, quarante ans après le procès de Gaufridi, vieille et n’ayant qu’un chien pour compagnie, voulut se mêler encore de sorcellerie, elle fut condamnée, par arrêt du parlement de Provence, à la prison perpétuelle, en 1653.

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.

Pamilius. Pamilius de Phères, tué dans un combat, resta dix jours au nombre des morts ; on l’enleva ensuite du champ de bataille pour le porter sur le bûcher ; mais il revint à la vie et conta des histoires surprenantes de ce qu’il avait vu pendant que son corps était resté sans sentiment[6].

Pan, l’un des huit grands dieux ou dieux de la première classe chez les Égyptiens. On le représentait sous les traits d’un homme dans la partie supérieure de son corps, et sous la forme d’un bouc dans la partie inférieure. — Dans les démonographies, c’est le prince des démons incubes. Quelques-uns entendent par le grand Pan le règne des démons, qui fut brisé par la mort de Jésus-Christ sur la croix. Plutarque raconte qu’à cette époque solennelle, Épitherse s’étant embarqué sur un vaisseau avec plusieurs autres pour aller en Italie, le vent leur manqua près de certaines îles de la mer Égée ; que comme la plupart des passagers veillaient et buvaient après souper, l’on entendit tout d’un coup une voix venant de l’une de ces îles, qu’il appelle Paxès, et qui appelait si fort Thamus, pilote égyptien, qu’il n’y eut personne de la compagnie qui n’en fût effrayé. Ce Thamus ne répondit qu’à la troisième fois, lorsque la voix, se renforçant, lui cria que quand il serait arrivé en un certain lieu qu’elle désignait, il annonçât que le grand Pan était mort. On délibéra pour savoir si on obéirait, et la conclusion fut que si le vent n’était pas assez fort pour outre-passer le lieu indiqué, il fallait exécuter l’ordre. C’est pourquoi, le calme les arrêtant, Thamus cria de toute sa force : Le grand Pan est mort. Il n’eut pas plutôt achevé que l’on entendit de tous côtés des plaintes et des gémissements. L’empereur Tibère, informé de l’aventure, envoya quérir Thamus, et assembla à ce sujet les savants. Sur quoi Démétrius, pour confirmer cette pensée de la mort des démons, ajouta une autre histoire : il dit qu’ayant été lui-même envoyé par l’empereur pour reconnaître certaines îles stériles situées vers l’Angleterre, il aborda à une de celles qui sont habitées ; que peu après il s’éleva une tempête effroyable qui fit dire aux insulaires que c’était quelqu’un des démons ou des demi-dieux qui était mort[7].

Pandæmonium, capitale de l’empire infernal, selon Milton.

Panen (Bartholomée), exorciste protestant. Voy. Guillaume.

Paneros. Pline cite une pierre précieuse de ce nom qui rendait les femmes fécondes.

Paniers. Les rabbins racontent une fable assez plaisante sur l’étymologie du mot Ève. Ève, disent-ils, dérive du mot qui signifie causer ; la première femme prit ce nom parce que, lorsque Dieu créa le monde, il tomba du ciel douze paniers remplis de caquets, et qu’elle en ramassa neuf, tandis que son mari n’eut le temps de ramasser que les trois autres.

Panjacartaguel. Ce mot, qui chez les Indiens désigne les cinq dieux, exprimait aussi les cinq éléments qui, engendrés par le Créateur, concoururent à la formation de l’univers. Dieu, disent-ils, tira l’air du néant. L’action de l’air forma le vent. Du choc de l’air et du vent naquit le feu. À sa retraite celui-ci laissa une humidité, d’où l’eau tire son origine. De l’union de ces puissances résulta une écume ; la chaleur du feu en composa une masse qui fut la terre.

Panjangam, almanach des brahmines, où sont marqués les jours heureux et les jours malheureux, et les heures du jour et de la nuit heureuses ou malheureuses.

Pantacles, espèces de talismans magiques. Toute la science de la Clavicule dépend de l’usage des pantacles, qui contiennent les noms ineffables de Dieu. Les pantacles doivent être faits le mercredi, au premier quartier de la lune, à trois heures du matin, dans une chambre aérée, nouvellement blanchie, où l’on habite seul. On y brûle des plantes odoriférantes. On a du

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.


parchemin vierge, sur lequel on décrit trois cercles l’un dans l’autre, avec les trois principales couleurs : or, cinabre et vert ; la plume et les couleurs doivent être exorcisées. On écrit alors les noms sacrés, puis on met le tout dans un drap de soie. On prend un pot de terre, où l’on allume du charbon neuf, de l’encens mâle et du bois d’aloès, le tout exorcisé et purifié ; puis, la face tournée vers l’orient, on parfume encore les pantacles avec les espèces odoriférantes, et on les remet dans le drap de soie consacré pour s’en servir au besoin.

On ne peut faire aucune opération magique pour exorciser les esprits sans avoir ce sceau, qui contient les noms de Dieu. Le pantacle n’est parfait qu’après qu’on a renfermé un triangle dans les cercles ; on lit dans le triangle ces trois mois : formatio, reformatio, transformatio’'. À côté du triangle est le mot agla, qui est très-puissant pour arrêter la malice des esprits.Ilfaut que la peau sur laquelle on applique le sceau soit exorcisée et bénite ; on exorcise aussi l’encre et la plume dont on se sert pour écrire les mots que l’on vient de citer.

Pantarbe, pierre fabuleuse à laquelle quelques docteurs ont attribué la propriété d’attirer l’or, comme l’aimant attire le fer. Philostrate, dans la Vie d’Apollonius, en raconte des merveilles. L’éclat en est si vif, dit-il, qu’elle ramène le jour au milieu de la nuit ; mais, ce qui est le plus étonnant encore, cette lumière est un esprit qui se répand dans la terre et attire insensiblement les pierres précieuses ; plus cette vertu s’étend, plus elle a de force ; et toutes ces pierres dont la pantarbe se fait une ceinture ressemblent à un essaim d’abeilles qui environnent leur roi. De peur qu’un si riche trésor ne devînt trop vil, non— seulement la nature l’a caché dans la terre profonde, mais elle lui a donné la faculté de s’échapper des mains de ceux qui voudraient la prendre sans précaution. On la trouve dans cette partie des Indes où s’engendre l’or. Suivant l’auteur des Amours de Théagène et de Chariclée : elle garantit du feu ceux qui la portent.

Paouaouci, enchantements ou conjurations au moyen desquels les naturels de la Virginie prétendent faire paraître des nuages et tomber de la pluie.

Pape. Les huguenots ont dit que le pape était l’Antéchrist. C’est ainsi que les filous crient au voleur pour détourner l’attention.

Le conte absurde de la papesse Jeanne, inventé par les précurseurs de Luther, est maintenant reconnu si évidemment faux qu’il ne peut nous arrêter un instant[8].

Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.
Illustration du Dictionnaire infernal par Louis Le Breton, 6eme édition, 1863.

Papillon. L’image matérielle de l’âme la plus généralement adoptée est le papillon. Les artistes anciens donnent à Platon une tête avec des ailes de papillon, parce que c’est le premier philosophe grec qui ait écrit dignement sur l’immortalité de l’âme.

Paracelse (Philippe Bombast, dit), né dans le canton de Zurich en 1493. Il voyagea, vit les médecins de presque toute l’Europe, et conféra avec eux. Il se donnait pour le réformateur de la médecine ; et voulant en arracher le sceptre à Hippocrate et à Galien, il décria leurs principes et leur méthode. On lui doit la découverte de l’opium et du mercure, dont il enseigna l’usage. Paracelse est surtout le héros de ceux qui croient à la pierre philosophale, et qui lui attribuent hautement l’avantage de l’avoir possédée, s’appuyant en cela de sa propre autorité. C’était quelquefois un homme étonnant et un grand charlatan, a Quand il était ivre, dit Wettern, qui a demeuré vingt-sept mois avec lui, il menaçait de faire venir un million de diables, pour montrer quel empire et quelle puissance il avait sur eux ; mais il ne disait pas de si grandes extravagances quand il était à jeun. » Il avait, selon les démonomanes, un démon familier renfermé dans le pommeau de son épée. Il disait que Dieu lui avait révélé le secret de faire de l’or, et il se vantait de pouvoir, soit par le moyen de la pierre philosophale, soit par la vertu de ses remèdes, conserver la vie aux hommes pendant plusieurs siècles. Néanmoins il mourut à quarante — huit ans, en 1541, à Salzbourg.

Les médecins, ses rivaux, n’ont pas peu contribué à le décrier. « Ce fut le diable, dit le docteur Louis de Fontenettes, dans la préface de son Hippocrate dépaysé, qui suscita Paracelse, auteur de la plus damnable hérésie qui ait jamais été tramée contre le corps humain. »

Paramelle. Tout le monde a connu de réputation l’abbé Paramelle, qui découvrait à coup sûr les sources cachées, sans baguette divinatoire. Voici une de ses anecdotes :

Un riche propriétaire du Jura voulut se moquer un peu de la science de l’hydroscope. Il possédait dans son jardin une source abondante ; il la cacha soigneusement aux yeux. « Aurai-je le bonheur de trouver de l’eau sur cette propriété ? » Telle est la question qui fut adressée à l’abbé Paramelle. — Non, répondit-il résolument. — Mais enfin, monsieur l’abbé, voyez, cherchez bien ; il est impossible qu’il n’y ait pas ici quelque source. — Non, vous dis-je, il n’y aura pas de source ici. Le financier rit sous cape ; son hôte n’a pas l’air de s’en apercevoir, et se dirige jusqu’à un champ éloigné de quelques centaines de pas. C’était l’unique richesse d’un pauvre paysan.’ « Seriez-vous bien aise, lui dit l’abbé, de posséder une source dans votre champ ? — Hé ! monsieur l’abbé, répond l’autre, je n’ai pas le moyen de souscrire. — Vous l’aurez gratis. Apportez une pioche. » La pioche vient, la terre est fouillée, et une belle source jaillit à tous les yeux. Le riche propriétaire se prépare enfin à jouir du fruit de son stratagème et de la confusion de l’abbé. Il retourne sur ses pas, accompagné de la foule ; il veut lui montrer la riche fontaine qu’il avait dissimulée. Qui fut surpris ? La source a disparu. L’hydroscope l’avait arrêtée dans sa course au milieu du champ du cultivateur. Notre homme jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

Parchemin vierge. Il est employé dans la magie en plusieurs manières. On appelle parchemin vierge celui qui est fait de peaux de bêtes n’ayant jamais engendré. Pour le faire, on met l’animal qui doit le fournir dans un lieu secret où personne n’habite ; on prend un bâton vierge ou de la séve de l’année ; on le taille en forme de couteau, puis on écorche l’animal avec ce couteau de bois, et avec le sel on sale ladite peau, que l’on met au soleil pendant quinze jours. On prendra alors un pot de terre vernissé, autour duquel on écrira des caractères magiques ; dans ce pot on mettra une grosse pierre de chaux vive avec de l’eau bénite et ladite peau ; on l’y laissera neuf jours entiers. On la tirera enfin, et avec le couteau de bois, on la ratissera pour en ôter le poil ; on la mettra sécher pendant huit jours à l’ombre, après l’avoir aspergée ; on la serrera ensuite dans un drap de soie avec tous les instruments de l’art. Qu’aucune femme ne voie ce parchemin, parce qu’il perdrait sa vertu. C’est sur ce parchemin qu’on écrit ensuite les pantacles, talismans, figures magiques, pactes et autres pièces.

Parfums. On dit que si l’on se parfume avec de la semence de lin et de psellium, ou avec les racines de violette et d’acne, on connaîtra les choses futures, et que, pour chasser les mauvais esprits et fantômes nuisibles, il faut faire un parfum avec calament, pivoine, menthe et palmachristi. On peut assembler les serpents par le parfum des os de l’extrémité du gosier de cerf, et, au contraire, on les peut chasser et mettre en fuite si on allume la corne du même cerf. La corne du pied droit d’un cheval ou d’une mule, allumée dans une maison, chasse les souris, et celle du pied gauche les mouches. Si on fait un parfum avec du fiel de seiche, du thymiamas, des roses et du bois d’aloès, et qu’on jette sur ce parfum allumé de l’eau ou du sang, la maison semblera pleine d’eau ou de sang, et si on jette dessus de la terre labourée, il semblera que le sol tremble[9].

Paris. Une prédiction avait annoncé que Paris serait détruit par une pluie de feu le 6 janvier 1840. Mais la catastrophe a été remise au cinquième mois de l’année 1900.

Parker (Guillaume). Voy. Buckingham.

Parkes (Thomas), Anglais qui, en voulant se mettre en relation avec les esprits, se vit poursuivi de visions épouvantables.

Parlements. Le clergé n’a jamais demandé la mort des sorciers. Ce sont les parlements qui les ont toujours poursuivis avec chaleur. À la fin du dix-septième siècle, le clergé réclamait contre l’exécution de plusieurs sorcières convaincues d’avoir fait le sabbat avec maître Verdelet ; le parlement de Rouen pria très-humblement le roi de permettre qu’on brûlât incontinent toutes les sorcières. On citerait mille exemples pareils.

Paroles magiques. On peut charmer les dés ou les cartes de manière à gagner continuellement au jeu, en les bénissant en même temps que l’on récite ces paroles : Contra me ad incarte cla, a filii a Eniol, Lieber, Braya, Braguesca. On n’est point mordu des puces si l’on dit en se couchant : Och, och. On fait tomber les verrues des mains en les saluant d’un bonsoir le matin et d’un bonjour le soir. On fait filer le diable avec ces mots : Per ipsum, et cum ipso, et in ipso. Qu’on dise : Sista, pista, rista, xista, pour n’avoir plus mal à la cuisse. Qu’on prononce trois fois : Onasages, pour guérir le mal de dents. On prévient les suites funestes de la morsure des chiens enragés en disant : Hax, pax, max. Voy. Beurre, Charmes, Sabbat, Éléazar, Ananisapta, Amulettes, etc.

Parque (Marie de la), compagne au sabbat de Domingina Maletena. Voy. ce mot.

Parques, divinités que les anciens croyaient présider à la vie et à la mort ; maîtresses du sort des hommes, elles en réglaient les destinées. La vie était un fil qu’elles filaient : l’une tenait la quenouille, l’autre le fuseau, la troisième, avec ses grands ciseaux, coupait le fil. On les nomme Clotho, Lachésis et Atropos. On les fait naître de la Nuit, sans le secours d’aucun dieu. Orphée, dans l’hymne qu’il leur adresse, les appelle les fille de l’Érèbe.

Parris, famille protestante établie à Salem, dans la Nouvelle-Angleterre. Plusieurs jeunes filles de cette famille, dont le père était ministre, furent obsédées en 1692, et tombèrent dans un état extraordinaire. Elles se glissaient dans des trous, sous les bancs, sous les meubles, et faisaient des contorsions étranges. En ce même temps une jeune fille d’un nommé Goodwin, dans la même ville, avait des hallucinations, voyait à tout moment un cheval devant elle, se mettait à califourchon sur une chaise et prenait le galop. On crut que ces jeunes filles étaient ensorcelées, d’autant plus qu’elles accusaient certaines femmes de les avoir maléficiées. On mit ces femmes en prison, et les obsédées respirèrent. Tout cela est un peu obscur ; mais ce qui est clair, c’est que l’esprit malin était là pour quelque chose.

Parthénomancie, divination ridicule pour connaître la présence ou l’absence de la virginité. On mesurait le cou d’une fille avec un fil, et en répétant l’épreuve avec le même fil, on tirait mauvais présage du grossissement du cou.

Pasétès, magicien qui achetait les choses sans les marchander ; mais l’argent qu’il avait donné n’enrichissait que les yeux, car il retournait toujours dans sa bourse. Voy. Pistole volante.

Passalorynchithes, hérétiques des premiers siècles, ainsi nommés de deux mots grecs qui veulent dire pieu dans le nez. Ils croyaient qu’on ne pouvaient prier convenablement qu’en se mettant deux doigts, comme deux pieux, dans les deux narines.

Patala, nom de l’enfer des Indiens.

Patiniac, superstition particulière aux Indiens des îles Philippines. C’est un sortilège qu’ils prétendent attacher au fruit d’une femme, dont l’effet est de prolonger les douleurs de l’enfantement et même de l’empêcher. Pour lever le charme, le mari ferme bien la porte de sa case, fait un grand feu tout à l’entour, quitte le peu de vêtements dont il est ordinairement couvert, prend une lance ou un sabre, et s’en escrime avec fureur contre les esprits invisibles jusqu’à ce que sa femme soit délivrée.

Patris (Pierre), poëte, né à Caen en 1583.

Il fut premier maréchal des logis de Gaston de France, duc d’Orléans. L’esprit de plaisanterie lui valut sa fortune et la confiance dont il jouissait auprès du prince. Il mourut à Paris en 1671. On raconte qu’étant au château d’Egmond, dans une chambre où un esprit venait de se montrer, il ouvrit la porte de cette chambre, qui donnait sur une longue galerie, au bout de laquelle se trouvait une grande chaise de bois si pesante que deux hommes avaient peine à la soulever. Il vit cette chaise matérielle se remuer, quitter sa place et venir à lui comme soutenue en l’air. Il s’écria : — Monsieur le diable, les intérêts de Dieu à part, je suis bien votre serviteur ; mais je vous prie de ne pas me faire peur davantage.

La chaise s’en retourna à sa place comme elle était venue. Cette vision, dit-on, fit une forte impression sur l’esprit de Patris, et ne contribua pas peu à le faire rentrer dans son devoir.

Patroüs. Jupiter avait, sous le nom de Patroüs, à Argos, une statue de bois, qui le représentait avec trois yeux, pour marquer qu’il voyait ce qui se passait dans le ciel, sur la terre et dans les enfers. Les Argiens disaient que c’était le Jupiter Patroüs qui était dans le palais de Priam, et que ce fut au pied de son autel que ce prince fut tué par Pyrrhus.

Pauana. C’est le nom qu’on donnait en Flandre à la danse infernale, violente, déhanchée, excentrique, que dansaient les sorcières au sabbat.

Paul (Arnold), paysan de Médroïga, village de Hongrie, qui fut écrasé par la chute d’un chariot chargé de foin, vers l’an 1728. Trente jours après sa mort, quatre personnes moururent subitement et de la même manière que meurent ceux qui sont molestés des vampires. On se ressouvint alors qu’Arnold avait souvent raconté qu’aux environs de Gassova, sur les frontières de la Turquie, il avait été tourmenté longtemps par un vampire turc ; mais que, sachant que ceux qui étaient victimes d’un vampire le devenaient après leur mort, il avait trouvé le moyen de se guérir en mangeant de la terre du tombeau du défunt et en se frottant de son sang. On présuma que si ce remède avait guéri Arnold (Paul), il ne l’avait pas empêché de devenir vampire à son tour ; eh conséquence on le déterra pour s’en assurer, et, quoiqu’il fût inhumé depuis quarante jours, on lui trouva, le corps vermeil ; on s’aperçut que ses cheveux, ses ongles, sa barbe, s’étaient renouvelés, et que ses veines étaient remplies d’un sang fluide. Le bailli du lieu, en présence de qui se fit l’exhumation, et qui était un homme expert, ordonna d’enfoncer dans le cœur de ce cadavre un pieu fort aigu et de le percer de part en part ; ce qui fut exécuté sur-le-champ. Le corps du vampire jeta un cri et fit des mouvements ; après quoi on lui coupa la tête et on le brûla dans un grand bûcher. On fit subir ensuite le même traitement aux quatre morts qu’Arnold (Paul) avait tués, de peur qu’ils ne devinssent vampires à leur tour, et il y eut un peu de calme. Voy. Vampires.

Paul (Saint). Voy. Art de saint Paul.

Paule. Il y avait au couvent des cordeliers de Toulouse un caveau qui servait de catacombes ; les morts s’y conservaient. Dans ce caveau était enterrée, depuis la fin du seizième siècle, une femme célèbre dans le pays, sous le nom de la belle Paule. Il était d’usage de visiter son tombeau le jour anniversaire de sa mort. Un jeune cordelier, la tête un peu échauffée, s’était un jour engagé à descendre dans ces catacombes sans lumière et sans témoin, et à enfoncer un clou dans le cercueil de Paule. Il y descendit en effet ; mais il attacha par mégarde au cercueil un pan de sa robe. Lorsqu’il voulut remonter, il se crut retenu par la défunte ; ce qui lui causa une telle frayeur qu’il tomba mort sur la place.

Pausanias. Quelques écrivains ont prétendu que les Lacédémoniens n’avaient point de sorciers, parce que, quand ils voulurent apaiser les mânes de Pausanias, qu’on avait laissé mourir de faim dans un temple, et qui s’était montré depuis à certaines personnes, on fut obligé de faire venir des sorciers d’Italie pour chasser le spectre du défunt. Mais ce trait ne prouve rien, sinon que les sorciers de Lacédémone n’étaient pas aussi habiles que ceux de l’Italie.

Pavanis (Les). C’est le nom qu’on donne aux magiciens et devins dans l’isthme de Dari.

Paymon, l’un des rois de l’enfer. S’il se montre aux exorcistes, c’est sous la forme d’un homme à cheval sur un dromadaire, couronné d’un diadème étincelant cle pierreries, avec un visage de femme. Deux cents légions, partie de


l’ordre des Anges, partie de l’ordre des Puissances, lui obéissent. Si Paymon est évoqué par quelque sacrifice ou libation, il paraît accompagné des deux grands princes Bébal et Abalam[10].

Péanite, pierre fabuleuse, que les anciens croyaient douée du privilège de faciliter les accouchements.

Peau. Pour guérir les taches de la peau et les verrues, il suffit, selon certaines croyances populaires, de toucher un cadavre ou de se frotter les mains au clair de la lune. Voy. Verrues[11].

Péché, chemin de l’enfer.

Péché originel. « Un enfant, dites-vous, ne peut naître responsable de la faute d’un père. En êtes-vous bien sûr ? Au sein de l’humanité un sentiment universel se manifeste ; la vie de tous les peuples exprime par les faits les plus significatifs l’existence d’une loi terrible et mystérieuse, de la loi d’hérédité et de solidarité pour le crime et la peine entre les hommes. Interrogez les nations qui furent les plus voisines des traditions primitives. En Chine, le fils est puni pour le père ; une famille et même une ville entière répondent pour le crime d’un seul. Dans l’Inde, les parents, l’instituteur, l’ami du coupable, doivent être punis. Tout l’Orient jugeait ainsi. Il en est de même encore parmi les peuplades sauvages. De là aussi ces chants lugubres des poètes qui, voyant Rome désolée par les guerres civiles, en donnent instinctivement pour raison qu’elle expiait les parjures de Laomédon, les parjures des Troyens, le parricide de Romulus, c’est-à-dire les crimes commis par ses aïeux.

» Alexandre meurt au milieu de ses plus belles années ; après lui de sanglantes divisions se déclarent}} ; des maux sans nombre accablent les parents du conquérant ; les historiens païens attribuent sans hésiter tous ces malheurs à la vengeance divine, qui punissait les impiétés et les parjures du père d’Alexandre sur sa famille. Thésée, dans Euripide, troublé de l’attentat dont il croit son fils coupable, s’écrie : « Quel est donc celui de nos pères qui a commis un crime digne de m’attirer un tel opprobre ? » J’omets à dessein une foule d’autres monuments, et je m’abstiens même de citer les livres de l’Ancien Testament, fort explicites sur ce point. Mais parmi ces témoignages et ces faits, une loi est écrite évidemment ; elle est écrite en caractères de sang dans les annales de tous les peuples : c’est la loi de l’hérédité du crime et de la peine. Un sentiment profond et universel la proclame. Ce cri des peuples ne saurait être ni la fausseté ni l’injustice[12]. »

Pédasiens. Chez les Pédasiens, peuples de Carie, toutes les fois qu’eux ou leurs voisins étaient menacés de quelque malheur, une longue barbe poussait à la prêtresse de Minerve. Hérodote remarque que ce prodige arriva trois fois.

Pédegache. Voy. Yeux.

Pégomancie, divination par les sources. Elle se pratiquait soit en y jetant un certain nombre de pierres dont on observait les divers mouvements, soit en y plongeant des vases de verre, et en examinant les efforts que faisait l’eau pour y entrer et chasser l’air qui les remplissait. La plus célèbre des pégomancies est la divination par le sort des dés, qui se pratiquait à la fontaine d’Abano, près de Padoue ; on jetait les dés dans l’eau pour voir s’ils surnageaient ou s’ils s’enfonçaient, et quels numéros ils donnaient ; sur quoi un devin expliquait l’avenir.

Pégu. Kiak-Kiak, dieu des dieux, ou plutôt démon des démons, idole principale du Pégu, est représenté sous une figure humaine, qui a vingt aunes de longueur, couchée dans l’attitude d’un homme endormi. Cette idole est placée dans un temple magnifique, dont les portes et les fenêtres sont toujours ouvertes et dont l’entrée est permise à tout le monde.

Peigne. Trouver un peigne, présage de bonheur.

Pendus. On sait qu’on gagne à tous les jeux, quand on a dans sa poche de la corde de pendu. — Un soldat de belle corpulence ayant été pendu, quelques jeunes chirurgiens demandèrent la permission d anatomiser son corps. On la leur accorda, et ils allèrent, à dix heures du soir, prier le bourreau de le leur remettre. Le bourreau était déjà couché ; il leur répondit qu’il ne se souciait pas de se lever, et qu’ils pouvaient aller eux-mêmes dépendre le mort. Pendant qu’ils s’y décidaient, le plus éveillé d’entre eux se détacha sans être remarqué, courut devant, se mit en chemise et se cacha sous son manteau au pied de la potence en attendant les autres. Quand ils furent arrivés, le plus hardi de la bande monta à l’échelle et se mit à couper la corde pour faire tomber le corps ; mais aussitôt le camarade caché se montra et dit :« Qui êtes-vous ? et pourquoi venez-vous enlever mon corps ? » À ces mots, et à la vue du fantôme blanc qui gardait la potence, les jeunes gens prennent la fuite épouvantés ; celui qui était sur l’échelle saute à bas sans compter les échelons, pensant que l’esprit du pendu le tenait déjà. « Et ne furent ces pauvres chirurgiens de longtemps rassurés[13]. »

On lisait dernièrement ce qui suit dans le Moniteur du Calvados : — « Voici un déplorable exemple d’aberration causée par la ridicule croyance aux erreurs et aux préjugés populaires, malheureusement enracinés encore profondément dans l’esprit de nos populations des campagnes. Un maçon, honnête ouvrier d’une petite commune du département de l’Orne, arrivait à grand’peine, à l’aide d’un travail opiniâtre, à nourrir sa nombreuse famille ; aussi la tête troublée par les superstitions et la lecture du Petit-Albert, résolut-il de se sacrifier pour le bonheur des siens. Il se pendit, en laissant un billet ainsi conçu : « Adieu, ma femme et mes enfants ! Comme je n’ai pas de fortune à vous donner, je veux vous laisser de quoi réussir dans tout ce que vous entreprendrez : Partagez-vous ma corde. »

Pénitence. Le Kari-Chang est le temps de pénitence des idolâtres de l’île Formose ; et chez les peuples que les ténèbres couvrent encore, les pénitences sont bien autrement dures que chez les chrétiens. Le Kari-Chang les oblige à vingt-sept articles qu’ils doivent observer exactement, sous peine d’être sévèrement châtiés. Entre autres choses, il leur est défendu, pendant ce temps, de construire des huttes, de se marier, de vendre des peaux, de semer, de forger des armes, de faire rien de neuf, de tuer des cochons, de nommer un enfant nouveau-né, etc.

Les Formosans prétendent que ces lois leur ont été imposées par un de leurs compatriotes, qui, se voyant exposé au mépris, parce qu’il était difforme et hideux, conjura les dieux de l’admettre dans le ciel, la première fois qu’il recevrait quelque insulte. Ses vœux furent entendus. Ce Formosan, qui avait à peine figure d’homme, devint donc un dieu, et, comme il était laid, un dieu redoutable. Il ne tarda pas à se venger des railleries de ses compatriotes : il descendit dans l’île de Formose et leur apporta les vingt-sept articles du Kari-Chang, leur faisant les plus têrribles menaces, s’ils en négligeaient un seul.

Penote. Un alchimiste, réduit à l’hôpital (c’était Penote), avait coutume de dire qu’il ne souhaitait rien à ses plus mortels ennemis qu’un peu de goût pour l’alchimie.

Penteman. Le peintre Penteman, né à Rotterdam, vers l’an 1650, fut chargé de représenter dans un tableau des têtes de morts et plusieurs autres objets capables d’inspirer du mépris pour les amusements et les vanités du siècle. Afin d’avoir sous les yeux des modèles, il entra dans un cabinet d’anatomie, qui devait lui servir d’atelier. En dessinant les tristes objets qui l’entouraient, l’artiste s’assoupit malgré lui et céda bientôt aux charmes du sommeil. Il en goûtait à peine les douceurs, qu’il fut réveillé par un bruit extraordinaire. Quelle dut être sa frayeur, en voyant remuer les têtes des squelettes qui l’environnaient, et en apercevant les corps suspendus au plancher s’agiter et se heurter avec violence ! Saisi d’effroi, Penteman sort de ce lieu terrible, se précipite du haut de l’escalier et tombe dans la rue à demi mort. Lorsqu’il eut repris connaissance, il fut facile de s’assurer que le spectacle dont il venait d’être épouvanté n’était que trop naturel, puisqu’il avait été occasionné par un tremblement de terre. Mais la terreur avait tellement glacé son sang qu’il mourut peu de jours après.

Pératoscopie, divination par l’inspection des phénomènes et choses extraordinaires qui apparaissent dans les airs.

Perdrix. On dit qu’un malade ne peut mourir lorsqu’il est couché sur un lit de plumes d’ailes de perdrix[14] >.

Pérez (Juan). Voy. Inquisition.

Périclès, général athénien qui, se défiant de l’issue d’une bataille, pour rassurer les siens, fit entrer dans un bois consacré à Pluton un homme d’une taille haute, chaussé de longs brodequins, ayant les cheveux épars, vêtu de pourpre, et assis sur un char traîné par quatre chevaux blancs ; il parut au moment de la bataille, appela Périclès par son nom, et lui commanda de combattre, l’assurant que les dieux donnaient la victoire aux Athéniens. Cette voix fut entendue des ennemis, comme venant de Pluton, et ils en eurent une telle peur qu’ils s’enfuirent sans tirer l’épée.

Péris, génies femelles des Persans, d’une beauté extraordinaire ; elles sont bienfaisantes, habitent le Ginnistan, se nourrissent d’odeurs exquises, et ressemblent un peu à nos fées. Elles ont pour ennemis les dives. Voy. Dives.

Périthe, pierre jaune qui avait, dit-on, la vertu de guérir la goutte et qui brûlait la main quand on la serrait fortement.

Péroun, génie ou dieu du tonnerre chez les anciens Slaves ; il était très-redouté ; et son culte avait lieu encore au sixième siècle.

Perrier, démon invoqué comme prince des principautés, dans les litanies du sabbat.

Persil (Maître). Voy. Verdelet.

Perteman. Une jeune fille de la commune d’Uccle (près de Bruxelles) avait dit à plusieurs personnes qu’elle était ensorcelée ; que la nuit des spectres et des revenants, vêtus de longues robes jaunes, se présentaient devant son lit et venaient lui causer de grandes frayeurs, au point que sa santé en était altérée. Les frères de cette jeune fille, croyant que leur sœur était réellement ensorcelée, eurent recours à un individu de la commune surnommé le perteman (le joueur de mauvais tours), qui avait la réputation de posséder le moyen de conjurer les spectres et les esprits malins. Cet homme s’attendait probablement, et pour cause, à être consulté par les parents de la jeune fille ; il se mit donc en devoir d’employer, moyennant salaire, bien entendu, ses talents surnaturels, comme il les appelait, pour combattre les œuvres des nombreuses sorcières dont il prétendait que la jeune fille était la victime. Presque tous les soirs il se rendait, muni d’un gros livre, au domicile de la fille, y allumait des chandelles et restait souvent là toute la nuit ; cependant le revenant reparaissait toujours lorsque l’exorciseur ne venait pas ; enfin, le perteman vint annoncer qu’il était parvenu à reconnaître la cause du malheur et le remède à employer ; ce remède était une somme de 15 fr. à répartir entre les trente sorcières qui assiégeaient la malheureuse jeune fille ; on les calmait donc à raison de 50 centimes par tête.

Le frère de cette infortunée, ne possédant pas la somme de quinze francs, alla consulter le bourgmestre, et l’on conçoit qu’il n’en fallut pas davantage pour mettre un terme aux manœuvres du sorcier. L’autorité communale envoya, le soir même où le perteman devait venir opérer le désenchantement définitif, deux gardes forestiers chargés de vérifier ce qui se passait ; ceux-ci trouvèrent le perteman dans la maison. Il s’occupait à feuilleter son gros volume, à jeter de l’eau bénite et à marmotter certaines paroles ; vers minuit, ils virent approcher de la maison une femme habillée de jaune, qui alla écouter à la porte ; un instant après, le perteman sortit, disposé à lier conversation avec le revenant ; il aperçut alors les gardes, prit la fuite, ainsi que la femme, et dans son trouble il laissa tomber son volume mystérieux qui, vérification faite, fut trouvé être un ouvrage de Mirabeau, intitulé De la monarchie prussienne sous Frédéric le Grand. Le perteman fut arrêté, et depuis le revenant n’a plus été vu ni par la jeune fille ni par personne. Ce fait s’est passé il y a moins de trente ans.

Pertinax. Trois ou quatre jours avant que l’empereur Pertinax fût massacré par les soldats de sa garde, on conte qu’il vit dans un étang je ne sais quelle figure qui le menaçait l’épée au poing.

Peste. Les rois de Hongrie se vantaient de guérir la jaunisse, comme les rois de France guérissaient les écrouelles, et comme ceux de Bourgogne dissipaient la peste.

Dans le pays de Reuss, on attribue les pestes et les diverses épidémies à une grande diablesse maigre, et remarquable par ses grands cheveux noirs et sordides. Elle parcourt les airs sur un chariot noir et marche, suivie de nombreuses filles de l’enfer, qui répandent partout des germes de mort.

Pet. Qui pète en mangeant voit le diable en mourant. Axiome populaire, répandu pour enseigner la bienséance aux enfants dans les contrées où l’on mange beaucoup de choux et de navets.

Petchimancie, divination par les brosses ou vergettes. Quand un habit ne peut pas se vergeter, c’est un signe qu’il y aura de la pluie.

Petit monde. On appelait petit monde une société secrète qui conspirait en Angleterre au dernier siècle pour le rétablissement des Stuarts. On débitait beaucoup de contes sur cette société : par exemple, on disait que le diable en personne, assis dans un grand fauteuil, présidait aux assemblées. C’étaient des francs-maçons.

Petit-Pierre. Les contes populaires de l’Allemagne donnent ce nom au démon qui achète les âmes et avec qui on fait pacte. Il vient au lit de mort, sous la forme d’un nain, chercher ceux qu’il a achetés.

Petpayatons. Les Siamois appellent ainsi les mauvais esprits répandus dans l’air. S’ils préparent une médecine, ils attachent au vase plusieurs papiers, où sont écrites des paroles mystérieuses pour empêcher que les Petpayatons n’emportent la vertu du remède.

Pétrobusiens, disciples de Pierre de Bruys, hérétique du Dauphiné, contemporain de la première croisade. Ils reconnaissent deux créateurs :Dieu et le diable. Ils disaient que les prières sont aussi bonnes dans un cabaret que dans une église, dans une étable que sur un autel ; en conséquence, ils détruisaient les édifices sacrés et brûlaient les croix et les images.

Pettimancie, divination par le jet des dés. Voy. Astragalomancie et Cubomancie.

Peucer (Gaspard) / médecin, né à Bautzen en 1525. Il était gendre de Mélanchthon et comme lui séparé de l’Église. Il a laissé un livre sur les divinations : De prœcipuis divinationum generibus, traduit en français par Simon Goulard. Anvers, 1584.

Peucer (Gaspard).


Peuplier. Les anciens regardaient le peuplier comme un arbre dédié aux enfers et aux démons.

Peur. On prétend que pour se préserver de la peur il faut porter sur soi une épingle qui ait été fichée dans le linceul d’un mort.

Un officier logé en chambre garnie, et sur le point de rejoindre son régiment, était encore dans son lit au petit point du jour, lorsqu’un menuisier, porteur d’un cercueil pour un homme qui venait de mourir dans la pièce voisine, entra, croyant ouvrir la porte de la chambre du mort. « Voilà, dit-il, une bonne redingote pour l’hiver. » L’officier ne douta pas qu’on ne vînt pour le voler. Aussitôt il saute à bas du lit et s’élance contre le prétendu voleur… Le menuisier, voyant quelque chose de blanc, laisse tomber son cercueil, et s’enfuit à toutes jambes, criant que le mort était à ses trousses… On dit qu’il en fut malade.

Un marchand de la rue Saint-Victor, à Paris, donnant un grand souper, la servante de la maison fut obligée de descendre à la cave à dix heures du soir. Elle était peureuse ; elle ne fut pas plutôt descendue, qu’elle remonta tout épouvantée, en criant qu’il y avait un fantôme entre deux tonneaux !… L’effroi se répandit dans la maison, les domestiques les plus hardis descendirent à la cave, les maîtres suivirent, et l’on reconnut que le spectre était un mort qui y avait glissé de la charrette de l’Hôtel-Dieu, et était tombé dans la cave par le soupirail.

Un provincial venu à Paris dans le temps du carnaval fit la partie, comme tant d’autres idiots, d’aller au bal masqué avec un de ses amis, et il se déguisa en diable ; c’était très-ingénieux. Les deux amis se retirèrent avant le jour. Comme le carrosse qui les remmenait passait dans le quartier où logeait le provincial, il fut le premier qui descendit, et son ami le laissa devant sa porte, où il frappa vivement, parce qu’il faisait grand froid. Il fut obligé de redoubler les coups avant de pouvoir éveiller une vieille servante de son auberge, qui vint enfin à moitié endormie lui ouvrir, mais qui, dès qu’elle le vit, referma sa porte au plus vite et s’enfuit en criant. Le provincial ne pensait pas à son costume ; et, ne sachant ce que pouvait avoir la servante, il se remit à frapper ; mais inutilement, personne ne revint. Mourant de froid, il prit le parti de chercher gîte ailleurs. En marchant le long de la rue, il aperçut de la lumière dans une maison ; pour comble de bonheur, la porte n’était pas fermée tout à fait. Il vit en entrant un cercueil avec des cierges autour, et un bon homme qui, en gardant le mort, s’était endormi auprès d’un bon brasier. Le provincial, sans faire de bruit, s’approcha le plus qu’il put du brasier, s’y installa et s’endormit aussi fort tranquillement sur un siège. Cependant le gardien s’éveilla ; voyant la figure qui lui faisait compagnie, avec ses cornes et le reste, il ne douta pas que ce ne fût le diable qui venait prendre le mort. Il poussa des cris si épouvantables que le provincial, s’éveillant en sursaut, fut tout effrayé, croyant de son côté voir le défunt à ses trousses. Quand il fut revenu de sa frayeur, il fit réflexion sur son habillement et comprit que c’était ce qui avait causé ses embarras. Comme le jour commençait à paraître, il alla changer de mise dans une friperie et retourna à son auberge, où il n’eut pas de peine cette fois à se faire ouvrir la porte. Il apprit en entrant que la servante était malade, et que c’était une visite que le diable lui avait rendue qui causait son mal. Il n’eut garde de dire que lui-même était le diable. Il sut ensuite que l’on publiait dans le quartier que le diable était venu pour enlever un voisin. La servante attestait la chose ; et ce qui y donnait le plus de vraisemblance, c’est que le pauvre défunt avait été usurier. Voy. Apparitions, Revenants, Fannius, Visions, etc.

Phara-IldisPhara-Ildis, ou simplement Phara, bonne et bienfaisante fée en Norvège.

Pharmacie, divination employée par les magiciens et enchanteurs, lesquels devinent, à l’aide du commerce qu’ils ont avec les démons, qu’ils évoquent pour cela au moyen de fumigations faites sur un réchaud.

Phénix, grand marquis des enfers. Il paraît sous la forme d’un phénix avec la voix d’un enfant ; avant de se montrer à l’exorciste, il rend des sons mélodieux, il faut au contraire se boucher les oreilles quand on lui commande de prendre la forme humaine. Il répond sur toutes les sciences. C’est un bon poëte, qui satisfait en vers à toutes les demandes. Après mille ans, il espère retourner au septième ordre des Trônes. Vingt légions lui obéissent[15].

Phénix. Il y a, dit Hérodote, un oiseau sacré qu’on appelle phénix. Je ne l’ai jamais vu qu’en peinture. Il est grand comme un aigle ; son plumage est doré et entremêlé de rouge. Il se nourrit d’aromates et vient tous les cinq cents ans en Égypte, chargé du cadavre de son père enveloppé de myrrhe, qu’il enterre dans le temple du Soleil. Solin dit que le phénix naît en Arabie ; que sa gorge est entourée d’aigrettes, son cou brillant comme l’or, son corps pourpre, sa queue mêlée d’azur et de rose ; qu’il vit cinq cent quarante ans. Certains historiens lui ont donné jusqu’à douze mille neuf cent cinquante-quatre ans de vie.

Saint Clément le Romain rapporte qu’on croit que le phénix naît en Arabie, qu’il est unique dans son espèce, qu’il vit cinq ans ; que, lorsqu’il est près de mourir, il se fait, avec de l’encens, de la myrrhe et d’autres aromates, un cercueil où il entre à temps marqué, et il y meurt ; que sa chair corrompue produit un ver qui se nourrit de l’humeur de l’animal mort et se revêt de plumes ; qu’ensuite, devenu plus fort, il prend le cercueil de son père et le porte en Égypte, sur l’autel du Soleil, à Héliopolis.

Outre que tous ceux qui parlent de cet oiseau mystérieux ne l’ont point vu et n’en parlent que par ouï-dire, qui peut être sûr qu’il a vécu cinq cents ans ? qui peut assurer qu’il soit seul de son espèce ?

Le P. Martini rapporte, dans son Histoire de la Chine, qu’au commencement du règne de l’empereur Xao-Hao IV, on vit paraître l’oiseau du soleil, dont les Chinois regardent l’arrivée comme un heureux présage pour le royaume. Sa forme, dit-il, le ferait prendre pour un aigle, sans la beauté et la variété de son plumage. Il ajoute que sa rareté lui fait croire que cet oiseau est le même que le phénix[16].

Phénomènes. Une négresse de Carthagène, dans le nouveau royaume de Grenade, mit au monde un enfant tel qu’on n’en a jamais vu ; c’était une fille qui naquit en 1738 et vécut environ six mois. Elle était tachetée de blanc et de noir, depuis le sommet de la tête jusqu’aux pieds, avec tant de symétrie et de variété qu’il semblait que ce fût l’ouvrage du compas et du pinceau. Sa tête était couverte de cheveux noirs bouclés, d’entre lesquels s’élevait une pyramide de poil crépu, qui du sommet de la tête descendait, en élargissant ses deux lignes latérales, jusqu’au milieu des sourcils, avec tant de régularité dans la division des couleurs que les deux moitiés des sourcils qui servaient de base aux deux angles de la pyramide étaient d’un poil blanc et bouclé, au lieu que les deux autres moitiés, du côté des oreilles, étaient d’un poil noir et crépu. Pour relever encore l’espace blanc que formait la pyramide dans le milieu du front, la nature y avait placé une tache noire qui dominait le reste du visage. Une autre pyramide blanche, s’appuyant sur la partie inférieure du cou, s’élevait avec proportion, et, partageant le menton, venait aboutir au-dessus de la lèvre inférieure. Depuis l’extrémité des doigts jusqu’au-dessus du poignet, et depuis les pieds jusqu’à la moitié des jambes, la jeune fille paraissait avoir des bottines et des gants naturels, d’un noir clair, tirant sur le cendré, mais parsemées d’un grand nombre de mouches aussi noires que du jais. De l’extrémité inférieure du cou descendait une espèce de pèlerine noire sur la poitrine et les épaules ; elle se terminait en trois pointes, dont deux étaient placées sur les gros muscles des bras ; la troisième, qui était la plus large, sur la poitrine. Les épaules étaient d’un noir clair, tacheté comme celui des pieds et des mains. Les autres parties du corps étaient tachetées de blanc et de noir dans une agréable variété ; deux taches noires couvraient les deux genoux. Toutes les personnes du pays voulurent voir ce phénomène, comblèrent cette petite fille de présents ; et on offrit de l’acheter à grand prix.

L’auteur à qui nous empruntons cette description assure que la mère avait une petite chienne noire et blanche qui ne la quittait jamais, et qu’ayant examiné en détail les taches de sa fille et de la chienne, il y trouva une ressemblance totale, non-seulement par la forme des couleurs, mais encore par rapport aux lieux où les nuances étaient placées. Il en conclut que la vue continuelle de cet animal avait été plus que suffisante pour tracer dans l’imagination de la mère cette variété de teintes et l’imprimer à la fille qu’elle portait dans son sein.

On dit que le peuple anglais est un peuple de philosophes ; ce qui n’empêcha pas, en 1726, une femme de Londres d’accoucher, disait-elle, d’un lapereau chaque jour ; le chirurgien qui l’accouchait, nommé Saint-André, assurait que rien n’était plus positif, et le peuple philosophe le croyait. — Marguerite Daniel, femme de René Rondeau, du bourg du Plessé, dépendant du marquisat de Blin, devint grosse en 1685, vers la mi-octobre. Elle sentit remuer son enfant le jour de la Chandeleur et entendit le vendredi saint suivant trois cris sortir de son ventre. Depuis, son enfant continua de faire les mêmes cris trois ou quatre fois le jour, à chaque fois quatre, cinq cris, et même jusqu’à huit et neuf fort distincts, semblables à ceux d’un enfant nouvellement né ; mais quelquefois avec de tels efforts, qu’on voyait l’estomac de cette femme s’enfler comme si elle eût dû étouffer…

En octobre 1842, à Bruxelles, une femme accoucha, dans l’hospice de la Maternité, d’une petite fille qui avait une queue de cheval. Son père était un cocher. L’opération qui l’a délivrée, sans la compromettre aucunement, de cet ornement singulier, a été faite par le docteur Seutin, et le phénomène fut aussitôt régulièrement constaté Voy. Imagination, etc.

Philinnion. Voici un trait rapporté par Phlégon, et qu’on présume être arrivé à Hypate en Thessalie. Philinnion, fille unique de Démocrate et de Charito, mourut en âge nubile ; ses parents inconsolables firent enterrer avec le corps mort les bijoux et les atours que la jeune fille avait le plus aimés pendant sa vie. Quelque temps après, un jeune seigneur, nommé Mâchâtes, vint loger chez Démocrate, qui était son ami. Le soir,


comme il était dans sa chambre, Philinnion lui apparaît, lui déclare qu’elle l’aime ; ignorant sa mort, il l’épouse en secret. Mâchâtes, pour gage de son amour, donne à Philinnion une coupe d’or et se laisse tirer un anneau de fer qu’il avait au doigt. Philinnion, de son côté, lui fait présent de son collier et d’un anneau d’or, et se retire avant le jour. Le lendemain, elle revint à la même heure. Pendant qu’ils étaient ensemble, Charito envoya une vieille servante dans la chambre de Mâchâtes pour voir s’il ne lui manquait rien. Cette femme retourna bientôt éperdue vers sa maîtresse et lui annonça que Philinnion était avec Mâchâtes. On la traita de visionnaire ; mais comme elle s’obstinait à soutenir ce qu’elle disait, quand le matin fut venu, Charito alla trouver son hôte et lui demanda si la vieille ne l’avait point trompée. Mâchâtes avoua qu’elle n’avait pas fait un mensonge, raconta les circonstances de ce qui lui était arrivé, et montra le collier et l’anneau d’or que la mère reconnut pour ceux de sa fille. Cette vue réveilla la douleur de la perte qu’elle avait faite ; elle jeta des cris épouvantables e supplia Mâchâtes de l’avertir quand sa fille reviendrait, ce qu’il exécuta. Le père et la mère la virent et coururent à elle pour l’embrasser. Mais Philinnion, baissant les yeux, leur dit avec une contenance morne : — Hélas ! mon père, et vous, ma mère, vous détruisez ma félicité, en m’empêchant, par votre présence importune, de vivre seulement trois jours. Votre curiosité vous sera funeste, car je m’en retourne au séjour de la mort, et vous me pleurerez autant que quand je fus portée en terre pour la première fois. Mais je vous avertis que je ne suis pas venue ici sans la volonté des dieux. Après ces mots, elle retomba morte, et son corps fut exposé sur un lit à la vue de tous ceux de la maison. On alla visiter le tombeau, qu’on trouva vide et ne contenant seulement que l’anneau de fer et la coupe que Mâchâtes lui avait donnés…

Philosophie hermétique. Voy. Pierre philosophale.

Philotanus, démon d’ordre inférieur, soumis à Bélial.

Philtre, breuvage ou drogue dont l’effet prétendu est de donner l’amour. Les anciens, qui en connaissaient l’usage, invoquaient dans la confection des philtres les divinités infernales. Il y entrait différents animaux, herbes ou matières, tels que le poisson appelé remore, certains os de grenouilles, la pierre astroïte et surtout l’hippomane. Delrio, qui met les philtres au rang des maléfices, ajoute qu’on s’est aussi servi pour les composer de rognures d’ongles, de limailles de métaux, de reptiles, d’intestins de poissons et d’oiseaux, et qu’on y a mêlé quelquefois des fragments d’ornements d’église.

Les philtres s’expliquent, comme les poisons, par la pharmacie. L’hippomane est le plus fameux de tous les philtres ; c’est un morceau de chair noirâtre et de forme ronde, de la grosseur d’une figue sèche, que le poulain apporte quelquefois sur le front en naissant. Suivant les livres de secrets magiques, ce mystérieux morceau de chair fait naître une passion ardente, quand, étant mis en poudre, il est pris avec le sang de celui qui veut se faire aimer. Jean-Baptiste Porta détaille au long les surprenantes propriétés de l’hippomane ; il est fâcheux qu’on n’ait jamais pu le trouver tel qu’il le décrit, ni au front du poulain naissant, ni ailleurs. Voy. Hippomane.

Les philtres sont en grand nombre et plus ridicules les uns que les autres. Les anciens les connaissaient autant que nous, et chez eux on rejetait sur les charmes magiques les causes d’une passion violente, un amour disproportionné, le rapprochement de deux cœurs entre qui la fortune avait mis une barrière, ou que les parents ne voulaient point unir.

Il y a de certains toniques qui enflamment les intestins, causent la démence ou la mort et inspirent une ardeur qu’on a prise pour de l’amour. Telles sont les mouches cantharides avalées dans un breuvage. Un Lyonnais, voulant se faire aimer de sa femme qui le repoussait, lui fit avaler quatre de ces insectes pulvérisés dans un verre de vin du Rhône ; il s’attendait à un succès, il fut veuf le lendemain. À ces moyens violents on a donné le nom de philtres.

Rien n’est plus curieux, dit un contemporain, que la superstition qui en Écosse préside aux moyens ; employés pour faire naître l’amour ou vaincre la résistance de l’objet aimé. Sir John Colquhoun avait épousé depuis peu de mois lady Lilia Graham, fille aînée de Jean, quatrième comte de Montrose, lorsque lady Catherine, sa belle-sœur, vint passer quelque temps chez lui. Bientôt il en devint épris, et, pour vaincre l’indifférence qu’elle lui témoignait, il eut recours à un nécromancien habile, qui composa un bouquet formé de diamants, de rubis et de saphirs montés en or, et le doua de la propriété de livrer a la personne qui le donnait le corps et l’âme de celle qui le recevait. Il paraît que sir John fit un usage immédiat de ce talisman. Les chroniques de cette époque disent qu’il partit avec lady Catherine pour Londres près qu’il eut criminellement abandonné son épouse, et qu’il fut obligé d’y rester caché pour échapper à la sentence de mort qui avait été prononcée contre lui dans sa patrie.

Mais on comprend très-bien l’effet sur une femme mondaine et vaniteuse d’un philtre composé de riches diamants.

Phlégéton, fleuve d’enfer qui roulait des torrents de flamme et environnait de toutes parts la prison des méchants. On lui attribuait les qualités les plus nuisibles. Après un cours assez long en sens contraire du Cocyte, il se jetait comme lui dans l’Achéron.

Phooka, mauvais esprit qui paraît en Irlande sous la forme d’un poulain sauvage, chargé de chaînes pendantes, ou sous l’apparence d’une vache farouche, d’un oiseau de proie, d’un cheval maigre. Il parle ; et son plus grand plaisir est d’inquiéter les voyageurs égarés pendant la nuit.

Phosphore. Voy. Lampes perpétuelles, Stratagèmes, etc.

Phrénologie ou Crânologie, art ou science qui donne les moyens de juger les hommes par les protubérances du crâne. Voy. Gall.

Phylactères, préservatifs. Les Juifs portaient à leurs manches et à leur bonnet des bandes de parchemin, sur lesquelles étaient écrits des passages de la loi ; ce que Notre-Seigneur leur reproche dans saint. Matthieu, chap. xxiii. Leurs descendants suivent la même pratique et se persuadent que ces bandes ou phylactères sont des amulettes qui les préservent de tout danger, et surtout qui les gardent contre l’esprit malin.

Des chrétiens ont fait usage aussi de paroles écrites ou gravées comme de phylactères et préservatifs. L’Église a toujours condamné cet abus. Voy. Amulettes.

Phyllorhodomancie, divination par les feuilles de roses. Les Grecs faisaient claquer sur la main une feuille de rose et jugeaient par le son du succès de leurs vœux.

Physiognomonie, art de juger les hommes par les traits du visage, ou talent de connaître l’intérieur de l’homme par son extérieur.

Celle science a eu plus d’ennemis que de partisans ; elle ne paraît pourtant ridicule que quand on veut la pousser trop loin. Tous les visages, toutes les formes, tous les êtres créés diffèrent entre eux, non-seulement dans leurs classes, dans leurs genres, dans leurs espèces, mais aussi dans leur individualité. Pourquoi cette diversité de formes ne serait-elle pas la Conséquence de la diversité des caractères, ou pourquoi la diversité des caractères ne serait-elle pas liée, à cette diversité de forme ? Chaque passion, chaque sens, chaque qualité prend sa place dans le corps de tout être créé ; la colère enfle les muscles : les muselés enflés sont donc un signe de colère ?… Des yeux pleins de feu, un regard aussi prompt que l’éclair et un esprit vif et pénétrant se retrouvent cent fois ensemble. Un œil ouvert et serein se rencontre mille fois avec un cœur franc et honnête. Pourquoi ne pas chercher à connaître les hommes par leur physionomie ? On juge tous, les jours le ciel sur sa physionomie. On marchand apprécie ce qu’il achète par son extérieur, par sa physionomie… Tels sont les raisonnements des physionomistes pour prouver la sûreté de leur science. Il est vrai, ajoutent-ils, qu’on peut quelquefois s’y tromper ; mais une exception ne doit pas nuire aux règles.

J’ai vu, dit Lavater, un criminel condamné à la roue pour avoir assassiné son bienfaiteur, et ce monstre avait le visage ouvert et gracieux comme l’ange du Guide. Il ne serait pas impossible de trouver aux galères des têtes de Régulus et des physionomies de vestales dans une maison de force. Cependant le physionomiste habile distinguera les traits, souvent presque imperceptibles, qui annoncent le vice et la dégradation.

Quoi qu’il en soit de la physiognomonie, en voici les principes, tantôt raisonnables, tantôt forcés ; le lecteur saura choisir.

La beauté morale est ordinairement en harmonie avec la beauté physique. (Socrate et mille et mille autres prouvent le contraire.) Beaucoup de personnes gagnent à mesure qu’on apprend à les connaître, quoiqu’elles vous aient déplu au premier aspect. Il faut qu’il y ait entre elles et vous quelque point de dissonance, puisque, du premier abord, ce qui devait vous rapprocher ne vous a point frappé. Il faut aussi qu’il y ait entre vous quelque rapport secret, puisque plus vous vous voyez, plus vous vous convenez. Cependant faites attention au premier mouvement d’instinct que vous inspire une nouvelle liaison. Tout homme dont la figure, dont la bouche, dont la démarche, dont l’écriture est de travers, aura dans sa façon de penser, dans son caractère, dans ses procédés, du louche, de l’inconséquence, de la partialité, du sophistique, de la fausseté, de la ruse, du caprice, des contradictions, de la fourberie, une imbécillité dure et froide. Voy. Mimique, Écriture, etc.

La tête est la plus noble partie du corps humain, le siège de l’esprit et des facultés intellectuelles. (Le docteur Van Helmont plaçait les facultés intellectuelles dans d’estomac.) Une tête qui est en proportion avec le reste du corps, qui paraît telle au premier abord, qui n’est ni trop grande ni trop petite, annoncé un caractère d’esprit plus parfait qu’on n’en oserait attendre d’une tête disproportionnée. Trop volumineuse, elle indique presque toujours la grossièreté ; trop petite, elle est un signe de faiblesse. Quelque proportionnée que soit la tête au corps, il faut encore qu’elle ne soit ni trop arrondie ni trop allongée :

 
Physiognomonie
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plus elle est régulière, et plus elle est parfaite. On peut appeler bien organisée celle dont la hauteur perpendiculaire, prise depuis l’extrémité de l’occiput jusqu’à la pointe du nez, est égale à sa largeur horizontale. Une tête trop longue annonce un homme de peu de sens, vain, curieux, envieux et crédule. La tête penchée vers la terre est la marque d’un homme sage, constant dans ses entreprises. Une tête qui tourne de tous côtés annonce la présomption, la médiocrité, le mensonge, un esprit pervers, léger, et un jugement faible.

On peut diviser le visage en trois parties, dont la première s’étend depuis le front jusqu’aux sourcils ; la seconde depuis les sourcils jusqu’au bas du nez ; la troisième depuis le bas du nez jusqu’à l’extrémité de l’os du menton. Plus ces trois étages sont symétriques, plus on peut compter sur la justesse de l’esprit et sur la régularité du caractère en général. Quand il s’agit d’un visage dont d’organisation est extrêmement forte ou extrêmement délicate, le caractère peut être apprécié plus facilement par le profil que par la face. Sans compter que le profil se prête moins à la dissimulation, il offre des lignes plus vigoureusement prononcées, plus précises, plus simples, plus pures ; par conséquent la signification en est aisée à saisir ; au lieu que souvent les lignes de la face en plein sont assez difficiles à démêler.

Un beau profil suppose toujours l’analogie d’un caractère distingué. Mais on trouve mille profils qui, sans être beaux, peuvent admettre la supériorité du caractère. Un visage charnu annonce une personne timide, enjouée, crédule et présomptueuse. Un homme laborieux a souvent le visage maigre, Un visage qui sue à la moindre agitation annonce un tempérament chaud, un esprit vain et grossier, un penchant à la gourmandise.

Les cheveux offrent des indices multipliés du tempérament de l’homme, de son énergie, de sa façon de sentir, et aussi de ses facultés spirituelles. Ils n’admettent pas la moindre dissimulation ; ils répondent à notre constitution physique, comme les plantes et les fruits répondent au terroir qui les produit. Je suis sûr, dit Lavater, que par l’élasticité des cheveux on pourrait juger de l’élasticité du caractère. Les cheveux longs, plats, disgracieux n’annoncent rien que d’ordinaire.

 
Physiognomonie
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Les chevelures d’un jaune doré, ou d’un blond tirant sur le brun, qui reluisent doucement, qui se roulent facilement et agréablement, sont les chevelures nobles (en Suisse, patrie de Lavater).

Des cheveux noirs, plats, épais et gros dénotent peu d’esprit, mais de l’assiduité et de l’amour de l’ordre. Les cheveux blonds annoncent généralement un tempérament délicat, sanguin-flegmatique. Les cheveux roux caractérisent, dit-on, un homme souverainement bon, ou souverainement méchant. Les cheveux fins marquent la timidité ; rudes, ils annoncent le courage (Napoléon les avait fins, dit-on) : ce signe caractéristique est du nombre de ceux qui sont communs à l’homme et aux animaux. Parmi les quadrupèdes, le cerf, le lièvre, la brebis, qui sont au rang des plus timides, se distinguent particulièrement des autres par la douceur de leur poil, tandis que la rudesse de celui du lion et du sanglier répond au courage qui fait leur caractère.

Mais que dire du chat et du tigre, qui ont le poil fin ?

 
Physiognomonie
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En appliquant ces remarques à l’espèce humaine, les habitants du Nord sont ordinairement très-courageux, et ils ont la chevelure rude ; les Orientaux sont beaucoup plus timides, et leurs cheveux sont plus doux.

Les cheveux crépus marquent un homme de dure conception. Ceux qui ont beaucoup de cheveux sur les tempes et sur le front sont grossiers et orgueilleux. Alexandre Dumas est crépu.

Une barbe fournie et bien rangée annonce un homme d’un bon naturel et d’un tempérament raisonnable. Celui qui a la barbe claire et mal disposée tient plus du naturel et des inclinations de la femme que de celles de l’homme. Si la couleur de la barbe diffère de celle des cheveux, elle n’annonce rien de bon. De même, un contraste frappant entre la couleur de la chevelure et la couleur des sourcils peut inspirer quelque défiance…

Le front, de toutes les parties du visage, est la plus importante et la plus caractéristique. Les fronts, vus de profil, peuvent se réduire à trois classes générales. Ils sont ou penchés en arrière, ou perpendiculaires, ou proéminents. Les fronts penchés en arrière indiquent en général de l’imagination, de l’esprit et de la délicatesse. Une perpendicularité complète, depuis les cheveux jusqu’aux sourcils, est le signe d’un manque total d’esprit. Une forme perpendiculaire, qui se

 
Physiognomonie
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voûte insensiblement par le haut, annonce un esprit capable de beaucoup de réflexion, un penseur rassis et profond. Les fronts proéminents appartiennent à des esprits faibles et bornés et qui ne parviendront jamais à une certaine maturité. Plus le front est allongé, plus l’esprit est dépourvu d’énergie et manque de ressort. Plus il est serré, court etcompacte, plus le caractère est concentré, ferme et solide… Pour
 
Physiognomonie
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qu’un front soit heureux, parfaitement beauel d’une expression quiannonce à la fois la richesse du jugement et la noblesse du caractère, il doit se trouver, dans la plus exacte proportion avec le reste du visage. Exempt de toute espèce d’inégalités et de rides permanentes, il doit pourtant en être susceptible. Mais alors il ne se plissera que dans les moments d’une méditation sérieuse, dans un mouvement de douleur ou d’indignation. Il doit reculer parle haut. La couleur de la peau doit en être plus claire que celle des autres parties du visage.

Si l’os de l’œil est un peu saillant, c’est le signe d’une aptitude singulière aux travaux de l’esprit, d’une sagacité extraordinaire pour les grandes entreprises. Mais sans cet angle saillant, il y a des têtes excellentes, qui n’en ont que plus de solidité lorsque le bas du front s’affaisse, Comme un mur perpendiculaire, sur des sourcils placés horizontalement, et qu’il s’arrondit et se voûte imperceptiblement, des deux côtés, vers les tempes. Les fronts courts, ridés, noueux, irréguliers, enfoncés d’un côté, échancrés, ou qui se plissent toujours différemment, ne sont pas une bonne recommandation, et ne doivent pas inspirer beaucoup de confiance. Les fronts carrés, dont les marges latérales sont encore assez spacieuses, et dont l’os de l’œil est en même temps-bien solide, supposent un grand fond de sagesse et de courage. Toits les physionomistes s’accordent sur ce point. Un front très-osseux et garni de beaucoup de peau annonce un naturel acariâtre et querelleur. Un front élevé, avec un visage long et pointu vers le menton, est un signe de faiblesse. Des fronts allongés, avec une peau fortement tendue et très-unie, sur lesquels on n’aperçoit, même à l’occasion d’une joie peu commune, aucun pli doucement animé, sont toujours l’indice d’un caractère froid, soupçonneux, caustique, opiniâtre, fâcheux, rempli de prétentions, rampant et vindicatif. Un front qui, du haut, penche en avant et s’enfonce vers l’œil est, dans un homme fait, l’indice d’une imbécillité sans ressource. Voy. Métoposcopie.

Au-dessous du front commence sa belle frontière, le sourcil, arc-en-ciel de paix dans sa douceur, arc tendu de la discorde lorsqu’il exprime le courroux. Des sourcils doucement arqués s’accordent avec la modestie et la simplicité. Placés enligne droite et horizontalement, ils se rapportent à un caractère mâle et vigoureux. Lorsque leur forme est moitié horizontale et moitié courbée, la force de l’esprit se trouve réunie à une bonté ingénue.

Des sourcils rudes et en désordre sont toujours le signe d’une vivacité intraitable ; mais cette même confusion annonce un feu modéré, si le poil est fin. Lorsqu’ils sont épais et compactes, que les poils sont coupés parallèlement, et pour ainsi dire tirés au cordeau, ils promettent un jugement mûr et solide, un sens droit et rassis.

Des sourcils qui se joignent passaient pour un trait de beauté chez les Arabes, tandis que les anciens physionomistes y attachaient l’idée d’un caractère sournois. La première de ces deux opinions est fausse, la seconde exagérée, car on trouve souvent ces sortes de sourcils aux physionomies les plus honnêtes et les plus aimables. Les sourcils minces sont une marque infaillible de flegme et de faiblesse ; ils diminuent la force et la vivacité du caractère dans un homme énergique. Anguleux et entrecoupés, les sourcils dénotent l’activité d’un esprit productif. Plus les sourcils s’approchent des yeux, plus le caractère est sérieux, profond et solide. Une grande distance de l’un à l’autre annonce une âme Calme et tranquille. Le mouvement des sourcils est d’une expression infinie ; il sert principalement à marquer les passions ignobles, l’orgueil, la colère, le dédain. Un homme sourcilleux est un être méprisant et souventes fois méprisable.

C’est surtout dans les yeux, dit Buffon, que se peignent les images de nos secrètes agitations, et qu’on peut les reconnaître. L’œil appartient à l’âme plus qu’aucun autre organe ; il semble y toucher et participer à tous ses mouvements ; il en exprime les passions les plus vives et les émotions les plus tumultueuses, comme les sentiments les plus délicats. Il les rend dans toute leur force, dans toute leur pureté, tels qu’ils viennent de naître ; il les transmet par des traits rapides. Les yeux bleus annoncent plus de faiblesse que les yeux bruns ou noirs. Ce n’est pas qu’il n’y ait des gens très-énergiques avec des yeux bleus ; mais, sur la totalité, les yeux bruns sont l’indice plus ordinaire d’un esprit mâle ; tout comme le génie, proprement dit, s’associe presque toujours des yeux d’un jaune tirant sur le brun. Les gens colères ont dès yeux de différentes couleurs, rarement bleus, plus souvent bruns ou verdâtres. Les yeux de cette dernière nuance sont en quelque sorte un signe distinctif de vivacité et de courage. On ne voit presque jamais des yeux bleu clair à des personnes colères. Des yeux qui forment un angle allongé, aigu et pointu vers le nez, appartiennent à des personnes ou très-judicieuses ou très-fines. Lorsque la paupière d’en haut décrit un plein cintre, c’est la marque d’un bon naturel et de beaucoup de délicatesse, quelquefois aussi d’un caractère timide. Quand la paupière se dessine presque horizontalement sur l’œil et coupe diamétralement la prunelle, elle annonce souvent un homme très-adroit, très-rusé ; mais il n’est pas dit pour cela que cette forme de l’œil détruise la droiture du cœur. Des yeux très-grands, d’un bleu fort clair, et vus de profil presque transparents, annoncent toujours une conception facile, étendue, mais en même tempsun caractère extrêmement sensible, difficile à manier, soupçonneux, jaloux, susceptible de prévention. De petits yeux noirs, étincelants, sous des sourcils noirs et touffus, qui paraissent s’enfoncer lorsqu’ils sourient malignement, annoncent de la ruse, des aperçus profonds, un esprit d’intrigue et de chicane. Si de pareils yeux ne sont pas accompagnés d’une bouche moqueuse, ils désignent un esprit froid et pénétrant, beaucoup de goût, de l’élégance, de la précision, plus de penchant à l’avarice qu’à la générosité. Des yeux grands, ouverts, d’une clarté transparente, et dont le feu brille avec une mobilité rapide dans les paupières parallèles, peu larges et fortement dessinées, réunissent ces caractères : une pénétration vive, de l’élégance et du goût, un tempérament colère, de l’Orgueil.

Des yeux qui laissent voir la prunelle entière, et sous la prunelle encore plus ou moins de blanc, sont dans un état de tension, qui n’est pas naturel, ou n’appartiennent qu’à des hommes inquiets, passionnés, à moitié fous, jamais à des hommes d’un jugement sain, mûr, précis, et qui méritent confiance. Certains yeux sont très-ou-verts, très-luisants, avec des physionomies fades ; ils annoncent de l’entêtement, de la bêtise unie à des prétentions.

Les gens soupçonneux, emportés, violents, ont souvent les yeux enfoncés dans la tête et la vue longue et étendue. Le fou, l’étourdi, ont

 
Olivier le Daim
Olivier le Daim
Olivier le Daim.
 
souvent les yeux hors de la tête. Le fourbe a, en parlant, les paupières penchée set le regard en dessous. Les gens fins et rusés ont coutume de tenir un œil et quelquefois les deux yeux à demi fermés. C’est un signe de faiblesse. En effet, on voit bien rarement un homme bien énergique qui soit rusé : notre méfiance envers les autres naît du peu de confiance que nous avons en nous.

Les anciens avaient raison d’appeler le nez honestamentum faciei. Un beau nez ne s’associe jamais avec un, visage difforme. On peut être laid et avoir de beaux yeux ; mais un nez régulier exige nécessairement une heureuse analogie des autres traits ; aussi voit-on mille beaux yeux contre un seul nez parfait en beauté, et là où il se trouve, il suppose toujours un caractère distingué : Non cuiquam datum est habere nasum.

Voici, d’après les physionomistes, ce qu’il faut pour la conformation d’un nez parfaitement beau : sa longueur doit être égale à celle du front ; il doit y avoir une légère cavité auprès de sa racine. Vue par-devant, l’épine du nez doit être large et presque parallèle des deux côtés ; mais il faut que cette largeur soit un peu, plus sensible vers le milieu. Le bout ou la pomme du nez ne sera-ni dure ni charnue. De face, il faut que les ailes du nez se présentent distinctement et que les narines se raccourcissent agréablement au-dessous. Dans le profil, le bas du nez n’aura d’étendue qu’un tiers de sa hauteur. Vers le haut, il joindra de près l’arc de l’os de l’œil, et sa largeur, du côté de l’œil, doit être au moins d’un demi-pouce. Un nez qui rassemble toutes ces perfections exprime tout ce qui peut s’exprimer. Cependant nombre de gens du plus grand mérite ont le nez difforme ; mais il faut différencier aussi l’espèce de mérite qui les distingue. Un petit nez, échancré en profil, n’empêche pas d’être honnête et judicieux, mais ne donne point le génie. Des nez qui se courbent au haut de la racine conviennent à des caractères impérieux, appelés à commander, à opérer de grandes choses, fermes dans leurs projets et ardents à les poursuivre. Les nez perpendiculaires (c’est-à-dire qui approchent de cette forme, car, dans toutes ses productions, la nature abhorre les lignes complètement droites), tiennent le milieu entre les nez échancrés et les nez arqués ; ils supposent une âme qui sait agir et souffrir tranquillement et avec énergie. Un nez dont l’épine est large, n’importe qu’il soit droit ou courbé, annonce toujours des facultés supérieures. Mais cette forme est très-rare. La narine petite est le signe certain d’un esprit timide, incapable de hasarder la moindre entreprise. Lorsque les ailes du nez sont bien dégagées, bien mobiles, elles dénotent-une grande délicatesse de sentiment, qui peut dégénérer en sensualité. Où vous ne trouverez pas une petite inclinaison, une espèce d’enfoncement dans le passage du front au nez, à moins que le nez ne soit fortement recourbé, n’espérez pas découvrir le moindre caractère de grandeur. Les hommes dont le nez penche extrêmement vers la bouche ne sont jamais ni vraiment bons, ni vraiment gais, ni grands, ni nobles : leur pensée s’attache toujours aux choses de la terre ; ils sont réservés, froids, insensibles, peu communicatifs ; ils ont ordinairement l’esprit malin ; ils sont hypocondres ou mélancoliques. Les peuples tartares ont généralement le nez plat et enfoncé ; les nègres d’Afrique l’ont camard ; les Juifs, pour la plupart, aquilin ; les Anglais, cartilagineux, et rarement pointu. S’il faut en juger par les tableaux et les portraits, les beaux nez ne sont pas communs parmi les Hollandais. Chez les Italiens, au contraire, ce trait est distinctif. Enfin, il est absolument caractéristique pour les hommes célèbres de la France et de la Belgique.

 
Physiognomonie
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Des joues charnues indiquent l’humidité du tempérament. Maigres et rétrécies, elles annoncent la sécheresse des humeurs. Le chagrin les creuse ; la rudesse et la bêtisse leur impriment des sillons grossiers ; la sagesse, l’expérience et la finesse d’esprit les entrecoupent de traces légères et doucement ondulées. Certains enfoncements, plus ou moins triangulaires, qui se remarquent quelquefois dans les joues, sont le signe infaillible de l’envie ou de la jalousie. Une joue naturellement gracieuse, agitée par un doux tressaillement qui la relève vers les yeux, est le garant d’un cœur sensible. Si, sur la joue qui sourit, on voit se former trois lignes parallèles et circulaires, comptez dans ce caractère sur un fond de folie.

L’oreille, aussi bien que les autres parties du corps humain, a sa signification déterminée ; elle n’admet pas le moindre déguisement ; elle a ses convenances et une analogie particulière avec l’individu auquel elle appartient. Quand le bout de l’oreille est dégagé, c’est un bon augure pour les facultés intellectuelles. Les oreilles larges et dépliées annoncent l’effronterie, la vanité, la faiblesse du jugement ; Les oreilles grandes et grosses marquent un homme simple, grossier, stupide. Les oreilles petites dénotent la timidité. Les oreilles trop repliées et entourées d’un bourrelet mal dessiné n’annoncent rien de bon quant à l’esprit et aux talents.

Une oreille moyenne, d’un contour bien arrondi, ni trop épaisse, ni excessivement mince,

 
Physiognomonie
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ne se trouve guère que chez des personnes spirituelles, judicieuses, sages et distinguées.

La bouche est l’interprète de l’esprit et du cœur ; elle réunit, dans son état de repos et dans la variété infinie de ses mouvements, un monde de caractères. Elle est éloquente jusque dans son silence. On remarque un parfait rapport entre les lèvres et le naturel. Qu’elles soient fermes, qu’elles soient molles et mobiles, le caractère est toujours d’une trempe analogue. De grosses lèvres bien prononcées et bien proportionnées, qui présentent des deux côtés la ligne du milieu également, bien serpentée et facile à reproduire au dessin, de telles lèvres sont incompatibles avec la bassesse, elles répugnent aussi a la fausseté et à la méchanceté. La lèvre supérieure caractérise le goût. L’orgueil et la colère la courbent ; la finesse l’aiguise ; la bonté l’arrondit ; le libertinage l’énerve et la flétrit. L’usage de la lèvre inférieure est de lui servir de support.

Une bouche resserrée, dont la fente court en ligne droite, et où le bord des lèvres ne paraît pas, est l’indice certain du sang-froid, d’un esprit appliqué, de l’exactitude et de la propreté, mais aussi de la sécheresse de cœur. Si elle remonte en même temps aux deux extrémités, elle suppose un fond d’affectation et de vanité. Des lèvres rognées inclinent à la timidité et à l’avarice. Une lèvre de dessus qui déborde un peu est la marque distinctive de la bonté ; non qu’on puisse refuser absolument cette qualité à la lèvre d’en bas qui avance ; mais, dans ce cas, on doit s’attendre plutôt à une froide et sincère bonhomie qu’au sentiment d’une vive tendresse. Une lèvre inférieure qui se creuse au milieu n’appartient qu’aux esprits enjoués. Regardez attentivement un homme gai dans le moment où il va produire une saillie, le centre de sa lèvre ne manquera jamais de se baisser et de se creuser un peu.

Une bouche bien close, si toutefois elle n’est pas affectée et pointue, annonce le courage ; et dans les occasions où il s’agit d’en faire preuve, les personnes mêmes qui ont l’habitude de tenir la bouche ouverte la ferment ordinairement. Une bouche béante est plaintive ; une bouche fermée souffre avec patience, dit le Brun, dans son Traité des passions, et c’est la partie qui, de tout le visage, marque le plus particulièrement les mouvements du cœur. Lorsqu’il se plaint, la bouche s’abaisse par les côtés ; lorsqu’il est content, les coins de la bouche s’élèvent en haut ; lorsqu’il a de l’aversion, la bouche se pousse en avant et s’élève par le milieu. Toute bouche qui a deux fois la largeur de l’œil est la bouche d’un sot ; j’entends la largeur de l’œil prise de son extrémité vers le nez jusqu’au bout intérieur de son orbite, les deux largeurs mesurées sur le même plan. Si la lèvre inférieure, avec les dénis, dépasse horizontalement la moitié de la largeur de la bouche vue de profil, comptez, suivant l’indication des autres nuances de phy sionomie, sur un de ces quatre caractères isolés, ou sur tous les quatre réunis, bêtise, rudesse, avarice, malignité. De trop grandes lèvres, quoique bien proportionnées, annoncent toujours un homme peu délicat, sordide ou sensuel, quelquefois même un homme stupide ou méchant.

Une bouche, pour ainsi dire, sans lèvres, dont la ligne du milieu est fortement tracée, qui se retire vers le haut, aux deux extrémités, et dont la lèvre supérieure, vue de profil depuis le nez, paraît arquée ; une pareille bouche ne se voit guère qu’à des avares rusés, actifs, industrieux, froids, durs, flatteurs et polis, mais atterrants dans leurs refus. Une petite bouche, étroite, sous de petites narines, et un front elliptique, est toujours peureuse, timide à l’excès, d’une vanité puérile, et s’énonce avec difficulté. S’il se joint à cette bouche de grands yeux saillants,

 
Physiognomonie
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troubles, un menton osseux, oblong, et surtout si la bouche se tient habituellement ouverte,
 
Physiognomonie
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soyez encore plus sur de l’imbécillité d’une pareille tête.

Les dents petites et courtes sont regardées, par les anciens physionomistes, comme le signe d’une constitution faible. De longues dents sont un indicé de timidité. Les dents blanches, propres et bien rangées, qui, au moment où la bouche s’ouvre, paraissent s’avancer sans déborder, et

 
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qui ne se montrent pas toujours entièrement à découvert, annoncent dans l’homme fait un esprit doux et poli, un cœur bon et honnête. Ce n’est pas qu’on ne puisse avoir un caractère très-estimable avec des dents gâtées, laides ou inégales ; mais ce dérangement, physique provient, la plupart du temps, de maladie ou de quelque mélange d’imperfection morale. Celui qui a les dents inégales est envieux. Les dents grosses, larges et fortes sont la marque d’un tempérament fort, et promettent une longue vie, si l’on en croit Aristote.

Pour être en belle proportion, dit Herder, le menton ne doit être ni pointu, ni creux, mais uni. Un menton avancé annonce toujours quelque

 
Physiognomonie
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chose de positif, au lieu que la signification du menton reculé est toujours négative. Souvent le caractère de l’énergie ou de la non-énergie de l’individu se manifeste uniquement par le menton. Il y a trois principales sortes de mentons : les mentons qui reculent, ceux qui, dans le profil, sont en perpendicularité avec la lèvre inférieure, et ceux qui débordent la lèvre d’en bas, ou, en d’autres termes, les mentons pointus. Le menton reculé, qu’on pourrait appeler hardiment le menton féminin, puisqu’on le retrouve presque à toutes les personnes de l’autre sexe, fait toujours soupçonner quelque côté faible. Les mentons de la seconde classe inspirent la confiance. Ceux de la troisième dénotent un esprit actif et délié, pourvu qu’ils ne fassent pas anse, car cette forme exagérée-conduit ordinairement à la pusillanimité et à l’avarice. Une forte incision au milieu du menton semble indiquer un homme judicieux, rassis et résolu, à moins que ce trait ne soit démenti par d’autres traits contradictoires. Un menton pointu passe ordinairement pour le signe de la ruse. Cependant on trouve cette forme chez les personnes les plus honnêtes ; la ruse n’est alors qu’une bonté raffinée.

Cet entre-deux de la tête et de la poitrine, qui tient-de l’une et de l’autre, est significatif comme tout ce qui a rapport à l’homme. Nous connaissons certaines espèces de goitres qui sont le signe infaillible de la stupidité, tandis qu’un cou bien proportionné est une recommandation irrécusable pour la solidité du caractère. Le cou long et la tête haute sont quelquefois le signe de l’orgueil et de la, vanité,. Un cou raisonnablement épais et

 
Physiognomonie
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un peu court ne s’associe guère à la tête d’un fat ou d’un sot. Ceux qui ont le cou mince, délicat et allongé sont timides comme le cerf, au sentiment d’Aristote, et ceux qui ont le cou épais et court ont de l’analogie avec le taureau irrité. Mais les analogies sont fausses pour la plupart, dit Lavater, et jetées sur le papier sans que l’esprit d’observation les ait dictées.

Il y a autant de diversité et de dissemblance entre les formes des mains qu’il y en a entre les physionomies. Deux visages parfaitement ressemblants n’existent nulle part ; de même vous ne rencontrerez pas chez deux personnes différentes deux mains qui se ressemblent.

Chaque main, dans son état naturel, c’est-à-dire abstraction faite des accidents extraordinaires, se trouve en parfaite analogie avec les corps dont elle fait partie. Les os, les nerfs, les muscles, le sang et la peau de la main ne sont que la continuation des os, des nerfs, des muscles, du sang et de la peau du reste du corps. Le même sang circule dans le cœur, dans la tête et dans la main. La main contribue donc, pour sa part, à faire connaître le caractère de l’individu ; elle est, aussi bien que les autres membres du corps, un objet de physiognomonie, objet d’autant plus significatif et d’autant plus frappant, que la main ne peut pas dissimuler, et que sa mobilité la trahit à chaque instant. Sa position la plus tranquille indique nos dispositions naturelles ; ses flexions, nos actions et nos passions. Dans tous ses mouvements, elle suit l’impulsion que lui donne le reste du corps. Voy. Main.

Tout le monde sait que des épaules larges, qui descendent insensiblement et qui ne remontent pas en pointe sont un signe de santé et de force. Des épaules de travers influent ordinairement aussi sur la délicatesse de la complexion ; mais on dirait qu’elles favorisent la finesse et l’activité de l’esprit, l’amour de l’exactitude et de l’ordre. Une poitrine large et carrée, ni trop convexe, ni trop concave, suppose toujours des épaules bien constituées et fournit les mêmes indices. Une poitrine plate, et pour ainsi dire creuse, dénote la faiblesse du tempérament. Un ventre gros et proéminent incline bien plus à la sensualité et a la paresse qu’un ventre plat et rétréci.

On doit attendre plus d’énergie et d’activité, plus de flexibilité d’esprit et de finesse, d’un tempérament sec que d’un corps surchargé d’embonpoint. Il se trouve cependant des gens d’une taille effilée qui sont excessivement lents et paresseux ; mais alors le caractère de leur indolence reparaît dans le bas du visage. Les gens d’un mérite supérieur ont ordinairement les cuisses maigres. Les pieds plats s’associent rarement avec le génie.

Quoiqu’il n’y ait aucune ressemblance proprement dite entre l’homme et les animaux, selon la remarque d’Aristote, il peut arriver néanmoins que certains traits du visage humain nous rappellent l’idée de quelque animal.

Porta a été plus loin, puisqu’il a trouvé dans chaque figure humaine la figure d’un animal ou d’un oiseau, et qu’il juge les hommes par le naturel de l’animal dont ils simulent un peu les traits.

Le singe, le cheval et l’éléphant sont les animaux qui ressemblent le plus à l’espèce humaine par le contour de leurs profils et de leur face. Les plus belles ressemblances sont celles du cheval, du lion, du chien, de l’éléphant et de l’aigle. Ceux qui ressemblent au singe sont habiles, actifs, adroits, rusés, malins, avares et quelquefois méchants. La ressemblance du cheval donne le courage et la noblesse de l’âme. Un front comme celui de l’éléphant annonce la prudence et l’énergie. Un homme qui par le nez et le front ressemblerait au profil du lion ne serait certainement pas un homme ordinaire (la face du lion porte l’empreinte de l’énergie, du calme et de la force) ; mais il est bien rare que ce caractère puisse se trouver en plein sur une face humaine.

 
Physiognomonie
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La ressemblance du chien annonce la fidélité, la droiture et un grand appétit[17] ; celle du loup, qui en diffère si peu, dénote un homme violent, dur, lâche, féroce, passionné, traître et sanguinaire ; celle du renard indique la petitesse, la faiblesse, la ruse et la violence. La ligne qui partage le museau de l’hyène porte le caractère d’une dureté inexorable. La ressemblance du tigre annonce une férocité gloutonne. Dans les yeux et le mufle du tigre, quelle expression de perfidie ! La ligne que forme la bouche du lynx et du tigre est l’expression de la cruauté. Le chat : hypocrisie, attention et friandise. Les chats sont des tigres en petit, apprivoisés par une éducation domestique. La ressemblance de l’ours indique la fureur, le pouvoir de déchirer, une humeur misanthrope[18] ; celle du sanglier ou du cochon annonce un naturel lourd, vorace et brutal. Le blaireau est ignoble, méfiant et glouton. Le bœuf est patient, opiniâtre, pesant, d’un appétit grossier. La ligne que forme la bouche de la vache et du bœuf est l’expression de l’insouciance, de la stupidité et de l’entêtement. Le cerf et la biche : timidité craintive, agilité, attention, douce et paisible innocence. La ressemblance de l’aigle annonce une force victorieuse ; son œil étincelant a tout le feu de l’éclair. Le vautour a plus de souplesse, et en même temps quelque chose de moins noble. Le hibou est plus faible plus timide que le vautour. Le perroquet : affectation de force, aigreur et babil, etc. Toutes ces sortes de ressemblances varient à l’infini, mais elles sont difficiles à trouver.

Tels sont les principes de la physiognomonie, d’après Aristote, Albert le Grand, Porta, etc., mais principalement d’après Lavater, qui a le plus écrit sur cette matière, et qui du moins a mis quelquefois un grain de bon sens dans ses essais. Il parle avec sagesse : lorsqu’il traite des mouvements du corps et du visage, des gestes et des parties mobiles qui expriment, sur la figure de l’homme, ce qu’il sent intérieurement et au moment où il le sent. Mais combien il extravague aussi lorsqu’il veut décidément trouver du génie dans la main ! Il juge les femmes avec une injustice extrême.

Tant que la physiognomonie apprendra à l’homme à connaître la dignité de l’être que Dieu lui a donné, cette science, quoique en grande partie hasardeuse, méritera pourtant quelques éloges, puisqu’elle aura un but utile et louable. Mais lorsqu’elle dira qu’une personne constituée de telle sorte est vicieuse de sa nature ; qu’il faut la fuir et s’en défier ; que, quoique cette personne présente un extérieur séduisant et un air plein de bonté et de candeur, il faut toujours l’éviter, parce que son naturel est affreux, que son visage l’annonce et que le signe en est certain, immuable, la physiognomonie sera une science abominable qui établit le fatalisme.

On a vu des gens assez infatués de cette science pour se donner les défauts que leur visage portail nécessairement et devenir vicieux, en quelque sorte, parce que la fatalité de leur physionomie les y condamnait, semblables à ceux-là-qui abandonnaient la vertu parce que la fatalité de leur étoile les empêchait d’être vertueux.

Les pensées suivantes, publiées par le Journal de santé, sont extraites d’un petit Traité de la physiognomonie, par M. Bourdon :

« La douleur physique, les souffrances, donnent souvent à la physionomie une expression analogue à celle dm génie, l’ai vu une femme du peuple, affectée d’un cancer, qui ressemblait parfaitement à madame de Staël quant à l’expression profonde de la physionomie. Je dis la même chose des passions contrariées, des violents chagrins, des fatigues de l’esprit et de l’abus des jouissances : tout ce qui remue vivement notre âme, tout ce qui porte coup à la sensibilité, a des effets à peu près semblables sur la figure.

» Une grosse tête annonce de l’imagination par instants, de là pesanteur par habitude, de l’enthousiasme par éclairs, beaucoup de volonté et souvent du génie. Un front étroit indique de la vivacité ; un front rond de la colère.

» Chaque homme a beaucoup de peine à se faire une juste idée de ses propres traits ; les femmes elles-mêmes n’y parviennent que très-difficilement. Cela vient de ce qu’on ne peut voir les mouvements des yeux, par qui la physionomie reçoit sa principale expression.

» On peut, jusqu’à un certain point, juger de la respiration d’une personne d’après son style, d’après la coupe de ses phrases et sa ponctuation. Assurément J. J. Rousseau ne ponctuait pas comme Voltaire, ni Bossuet comme Fénelon. Quand je dis qu’on peut à l’aide du style apprécier la respiration d’un individu, c’est dire qu’on peut aussi juger des passions qui l’agitent, de l’émotion qu’il éprouve ; car les vives pensées ont pour effet de remuer le cœur, et les palpitations du cœur accélèrent la respiration et rendent la voix tremblante. Voilà d’où vient le pouvoir qu’une voix émue est toujours sûre d’exercer sur nous : elle attire l’attention, elle indique un orateur ou inspiré, ou timide, ou consciencieux. Les orateurs froids et médiocres simulent celle émotion vraie, qui vient du cœur, à l’aide de l’agitation oscillatoire et saccadée des bras.

» La même émotion morale qui hâte la respiration, qui fait palpiter le cœur et rend la voix tremblante, rend de même tous les mouvements du corps vacillants et incertains, tant que dure l’inspiration morale, et quelquefois même longtemps après que l’agitation de l’esprit a cessé. Voilà pourquoi l’écriture de nos grands écrivains est généralement si illisible ; et comme il est écrit que toujours l’incapacité singera jusqu’aux défauts inséparables du vrai mérite, voilà pourquoi beaucoup d’hommes médiocres se sont crus engagés d’honneur à graver en caractères indéchiffrables les stériles pensées qu’une verve engourdie leur suggérait.

» L’extrême laideur est presque toujours un signe d’esclavage, de souffrances morales ou de durs travaux. Il est certain que l’oisiveté, qu’une douée incurie sont favorables à la beauté corporelle : il y avait donc plus de vrai qu’on ne pense dans ce titre de gentilhomme dont on gratifiait jadis tout heureux fainéant.

» Il n’est pas d’homme peut-être qui ne consentît très-volontiers à échanger, à son choix et selon son goût, quelque trait de sa physionomie, une partie quelconque de son corps. On n’est jamais aussi Complètement satisfait de sa figure que de son esprit. Jugez combien la perfection corporelle doit être rare chez les peuples actuels de l’Europe, puisque la Vénus de Tornwaldsen lui a nécessité trente différents modèles ! J’observe toute fois que la démoralisation des villes capitales, mais surtout les bienfaits récents de la vaccine, sont des causes qui doivent puissamment seconder le génie des peintres et des sculpteurs de nos jours.

» Un homme qui a le malheur de loucher doit se montrer beaucoup plus réservé qu’un autre dans ses actions et ses discours car ; la malignité humaine est naturellement disposée à augurer mal de la symétrie de tout édifice dont les issues sont désordonnées.

» De profondes rides aux côtés de la bouche font conjecturer qu’on est ou moqueur, ou naturellement gai, ou soumis aux caprices d’un maître mauvais plaisant.

» Le rire (jeneparle pasdusourire) est un caractère d’ineptie plutôt que d’intelligence : les hommes supérieurs sont généralement graves. L’habitude des grandes pensées rend presque toujours indifférent aux petites choses qui sont en possession d’exciter le rire.

» Plus sont profondes celles des rides qui dépendent des muscles, et plus il est permis de croire à une longue vie, à une santé durable. En effet, l’énergie des muscles indique toujours une heureuse organisation, des fonctions régulières. Voilà sur quel principe vrai l’art de la chiromancie est fondé : s’il ne conduit si souvent qu’à des mensonges, cela vient de ce qu’on lui fait dire autre chose que ce qu’il dit en effet… »

Terminons ce long article par une anecdote : Louis XIV était si persuadé du talent que Lachambre, médecin et académicien français, s’attribuait de juger, sur la seule physionomie des gens, quel était non-seulement leur caractère, mais encore à quelle place et à quels emplois chacun d’eux pouvait être propre, que ce prince ne se déterminait, soit en bien, soit en mal, sur les choix qu’il avait à faire qu’après avoir consulté ce singulier oracle. « Si je meurs avant Sa Majesté, disait Lachambre, elle court grand risque de faire à l’avenir beaucoup de mauvais choix. » Lachambre mourut en effet avant le roi, et sa prédiction parut plus d’une fois justifiée. — Ce médecin a laissé des ouvrages dont le genre dénote assez le penchant qu’il avait à étudier les physionomies. Voy. Mimique.

Piaces, prêtres magiciens de l’île d’Hispaniola, au moment de la conquête ou découverte de cette île. On voit dans l’Histoire des Indes de Ferdinand d’Oviédo, ami de Christophe Colomb, des faits qui établissent sérieusement l’intervention des démons dans les paroles des piaces qui révélaient exactement ce qui se faisait au loin ; à moins que ce ne fût du magnétisme.

Piaches, prêtres idolâtres de la côte de Cumana, aussi en Amérique. Pour être admis dans leur ordre, il fallait passer par une espèce de noviciat qui consistait à errer deux ans dans les forêts. Ils persuadaient au peuple qu’ils recevaient là des instructions de certains esprits en forme humaine. Ils disaient que le soleil et la lune étaient le mari et la femme. Pendant les éclipses, les femmes se tiraient du sang et s’égratignaient les bras ; elles croyaient la lune en querelle avec son mari.

Ces piaches, qui ressemblent aux piaces d’Hispaniola, donnaient un talisman en forme de X comme préservatif contre les fantômes. Ils disaient que les échos sont les voix des trépassés.

Picard (Mathurin), directeur d’un couvent de Louviers, qui fut accusé d’être sorcier et d’avoir conduit au sabbat Madeleine Bavent, tourière de ce couvent. Comme il était mort lorsqu’on arrêta Madeleine, et qu’on lui fit son procès, où il fut condamné ainsi qu’elle, son corps fut délivré à l’exécuteur des sentences criminelles, traîné sur des claies par les rues et lieux publics, puis conduit en la place du Vieux-Marché ; là brûlé et les cendres jetées au vent ; 1647.

Picatrix, médecin ou charlatan arabe, qui vivait en Espagne vers le treizième siècle. Il se livra de bonne heure à l’astrologie, et se rendit si recommandable dans cette science, que ses écrits devinrent célèbres parmi les amateurs des sciences occultes. On dit qu’Agrippa, étant allé en Espagne, eut connaissance de ses ouvrages et y prit beaucoup d’idées creuses, notamment dans le traité que Picatrix avait laissé De la philosophie occulte.

Pic de la Mirandole (Jean), l’un des hommes les plus célèbres par la précocité et l’étendue de l’étude, né le 24 février 1463. Il avait une mémoire prodigieuse et un esprit très-pénétrant. Cependant un imposteur l’abusa en lui faisant voir soixante manuscrits qu’il assurait avoir été composés par l’ordre d’Esdras, et qui ne contenaient que les plus ridicules rêveries cabalistiques. L’obstination qu’il mit à les lire lui fit perdre un temps plus précieux que l’argent qu’il en avait donné et le remplit d’idées chimériques dont il ne fut jamais entièrement désabusé. Il mourut en 1494. On a recueilli de ses ouvrages des Conclusions philosophiques de cabale et de théologie, Rome, Silbert, in-folio extrêmement rare ; c’est là le seul mérite de ce livre. Car, de l’aveu même de Tiraboschi, on ne peut que gémir en le parcourant, de voir qu’un si beau génie, un esprit si étendu et si laborieux, se soit occupé de questions si frivoles. On a dit qu’il avait un démon familier.

Pichacha, nom collectif des esprits follets chez les Indiens.

Picollus, démon révéré par les anciens habitants de la Prusse, qui lui consacraient la tête


d’un homme mort et brûlaient du suif en son honneur. Ce démon se faisait voir aux derniers jours des personnages importants. Si on ne l’apaisait pas, il se présentait une seconde fois ; et lorsqu’on lui donnait la peine de paraître une troisième, on ne pouvait plus l’adoucir que par l’effusion du sang humain.

Lorsque Picollus était content, on l’entendait rire dans son temple ; car il avait un temple.

Pie, oiseau de mauvais augure. En Bretagne, les tailleurs sont les entremetteurs des mariages ; ils se font nommer, dans cette fonction, basvanals ; ces basvanals, pour réussir dans leurs demandes, portent un bas rouge et un bas bleu, et ils rentrent chez eux s’ils voient une pie, qu’ils regardent comme un funeste présage[19].

Plusieurs vieilles sorcières ont eu leur démon familier en forme de pie ou de corbeau. Les pies sont le symbole des caquetages.

M. Berbiguier dit que la pie voleuse, dont on a fait un mélodrame, était un farfadet.


Pied. Les Romains distingués avaient dans leur vestibule un esclave qui avertissait les visiteurs d’entrer du pied droit. On tenait à mauvais augure d’entrer du pied gauche chez les dieux et chez les grands. On entrait du pied gauche lorsqu’on était dans le deuil ou dans le chagrin<ref> M. Nisard, Stace.<ref>. Les anciens avaient pour règle de religion de construire en nombre impair les degrés des temples ; d’où il résultait qu’après les avoir montés, on entrait nécessairement dans l’édifice auquel ces degrés conduisaient parle pied droit ; ce que les païens regardaient comme un point essentiel et d’un augure aussi favorable que le contraire eût été funeste.

Pied fourchu. Le diable a toujours un pied fourchu quand il se montre en forme d’homme.

Pierre à souhaits. Voy. Aselle.

Pierre d’aigle, ainsi nommée parce qu’on a supposé qu’elle se trouvait dans les nids d’aigle. Voy. Aétite, et à leur nom les autres pierres précieuses. Voy. aussi Rugxer et Sakhrat.

Pierre du diable. Il y a dans la vallée de Schellenen, en Suisse, des fragments de rocher de beau granit, qu’on appelle la pierre du diable. Dans un démêlé qu’il y eut entre les gens du pays et le diable, celui-ci les apporta là pour renverser un ouvrage qu’il avait eu, quelque temps auparavant, la complaisance de leur construire.

Pierre philosophale. On regarde la pierre philosophale comme une chimère. Un mépris si mal raisonné, disent les philosophes hermétiques, est un effet du juste jugement de Dieu, qui ne permet pas qu’un secret si précieux soit connu des méchants et des ignorants. La science de la pierre philosophale ou la philosophie hermétique fait partie de la cabale, et ne s’enseigne que de bouche à bouche. — Les alchimistes donnent une foule de noms à la pierre philosophale : c’est la fille du grand secret ; le soleil est son père, la lune est sa mère, le vent Va portée dans son ventre, etc.

Le secret plus ou moins chimérique de faire de l’or a été en vogue parmi les Chinois longtemps avant qu’on n’en eût les premières notions en Europe. Ils parlent dans leurs livres, en termes magiques, de la semence d’or et de la poudre de projection. Ils promettent de tirer de leurs creusets non seulement de l’or, mais encore un remède spécifique et universel qui procure à ceux qui le prennent une espèce d’immortalité.

Zosime, qui vivait au commencement du cinquième siècle, est un des premiers parmi nous qui aient écrit sur l’art de faire de l’or et de l’argent, ou la manière de fabriquer la pierre philosophale. Cette pierre est une poudre ou une liqueur formée de divers métaux en fusion sous une constellation favorable.

Gibbon remarque que les anciens ne connaissaient pas l’alchimie. Cependant on voit dans Pline que l’empereur Caligula entreprit de faire de l’or avec une préparation d’arsenic, et qu’il abandonna son projet, parce que les dépenses l’emportaient sur le profit.

Des partisans de cette science prétendent que les Égyptiens en connaissaient tous les mystères. Cette précieuse pierre philosophale, qu’on appelle aussi élixir universel, eau du soleil, poudre de projection, qu’on a tant cherchée, et que sans doute on n’a jamais pu découvrir[20], procurerait à celui qui aurait le bonheur de la posséder des richesses incompréhensibles, une santé toujours florissante, une vie exempte de toutes sortes de maladies, et même, au sentiment de plus d’un cabaliste, l’immortalité… Il ne trouverait rien qui put lui résister, et serait sur la terre le plu ? glorieux, le plus puissant, le plus riche et le plus heureux des mortels ; il convertirait à son gré tout en or, et jouirait de tous les agréments. L’empereur Rodolphe n’avait rien plus à cœur que cette recherche. Le roi d’Espagne Philippe II employa, dit-on, de grandes sommes à faire travailler les chimistes aux conversions des métaux. Tous ceux qui ont marché sur leurs traces n’ont pas eu de grands succès. Quelques-uns donnent cette recette comme le véritable secret de faire l’œuvre hermétique : Mettez dans une fiole de verre fort, au feu de sable, de l’élixir d’Aristée, avec du baume de mercure et une pareille pesanteur du plus pur or de vie ou précipité d’or, et la calcination qui restera au fond de la fiole se multipliera cent mille fois. Que si l’on ne sait comment se procurer de l’élixir d’Aristée et du baume de mercure, on peut implorer les esprits cabalistiques, ou même, si on l’aime mieux, le démon barbu, dont nous avons parlé.

On a dit aussi que saint Jean l’évangéliste avait enseigné le secret de faire de l’or ; et en effet, on chantait autrefois dans quelques églises une hymne en son honneur, où se trouve une allégorie que les alchimistes s’appliquent :

          Inexhaustum fert thesaurum
          Qui de virgis facit aurum.
          Gemmas de lapidibus.

D’autres disent que, pour faire le grand œuvre, il faut de l’or, du plomb, du fer, de l’antimoine, du vitriol, du sublimé, de l’arsenic, du tartre, du mercure, de la terre et de l’air, auxquels on joint un œuf de coq, du crachat, de l’urine et des excréments humains. Aussi un philosophe a dit avec raison que la pierre philosophale était une salade, et qu’il y fallait du sel, de l’huile et du vinaigre.

Nous donnerons une plus ample idée de la matière et du raisonnement des adeptes en présentant au lecteur quelques passages du Traité de chimie philosophique et hermétique, publié à Paris en 1725[21]. « Au commencement, dit l’auteur, les sages, ayant bien considéré, ont reconnu que l’or engendre l’or et l’argent, et qu’ils peuvent se multiplier dans leurs espèces.

» Les anciens philosophes, travaillant par la voie sèche, ont rendu une partie de leur or volatil, et l’ont réduit en sublimé blanc comme neige et luisant comme cristal ; ils ont converti l’autre partie en sel fixe ; et de la conjonction du volatil avec le fixe, ils ont fait leur élixir. Les philosophes modernes ont extrait de l’intérieur du mercure un esprit igné, minéral, végétal et multiplicatif, dans la concavité humide duquel est caché le mercure primitif ou quintessence universelle. Par le moyen de cet esprit, ils ont attiré la semence spirituelle contenue en l’or ; et par cette voie, qu’ils ont appelée voie humide, leur soufre et leur mercure ont été faits : c’est le mercure des philosophes, qui n’est pas solide comme le métal, ni mou comme le vif-argent, mais entre les deux. Ils ont tenu longtemps ce secret caché, parce que c’est le commencement, le milieu et la fin de l’œuvre ; nous l’allons découvrir pour le bien de tous, il faut donc pour faire l’œuvre : 1o purger le mercure avec du sel et du vinaigre (salade) ; 2o le sublimer avec du vitriol et du salpêtre ; 3o le dissoudre dans l’eau-forte ; 4o le sublimer derechef ; 5o le calciner et le fixer : 6o en dissoudre une partie par défaillance à la cave, où il se résoudra en liqueur ou huile (salade) : 7o distiller cette liqueur pour en séparer L’eau spirituelle, l’air et le feu : 8o mettre de ce corps mercuriel calciné et fixé dans l’eau spirituelle ou esprit liquide mercuriel distillé ; 9o les putréfier ensemble jusqu’à la noirceur ; puis il s’élèvera en superficie de l’esprit un soufre blanc non odorant, qui est aussi appelé sel ammoniac ; 10o dissoudre ce sel ammoniac dans l’esprit mercuriel liquide, puis le distiller jusqu’à ce que tout passe en liqueur, et alors sera fait le vinaigre des sages ; 11o cela parachevé, il faudra passer de l’or à l’antimoine par trois fois, et après le réduire en chaux : 12o mettre cette chaux d’or dans ce vinaigre très-aigre, les laisser putréfier ; et en superficie du vinaigre, il s’élèvera une terre feuillée de la couleur des perles orientales ; il faut sublimer de nouveau jusqu’à ce que cette terre soit très-pure ; alors vous aurez fait la première opération du grand œuvre.

» Pour le second travail, prenez, au nom de Dieu, une part de cette chaux d’or et deux parts de l’eau spirituelle chargée de son sel ammoniac ; mettez cette noble confection dans un vase de cristal de la forme d’un œuf, scellez le tout du sceau d’Hermès ; entretenez un feu doux et continuel : l’eau ignée dissoudra peu à peu la chaux d’or ; il se formera une liqueur qui est l’eau des sages et leur vrai chaos, contenant les qualités élémentaires, chaud, sec, froid et humide. Laissez putréfier cette composition jusqu’à ce qu’elle devienne noire : cette noirceur, qui est appelée la tête de corbeau et le saturne des sages, fait connaître à l’artiste qu’il est en bon chemin. Mais pour ôter cette noirceur puante, qu’on appelle aussi terre noire, il faut faire bouillir de nouveau, jusqu’à ce que le vase ne présente plus qu’une substance blanche comme la neige. Ce degré de l’œuvre s’appelle le cygne. Il faut enfin fixer par le feu cette liqueur blanche, qui se calcine et se divise en deux parts, l’une blanche pour l’argent, l’autre rouge pour l’or ; alors vous aurez accompli les travaux et vous posséderez la pierre philosophale.

» Dans les diverses opérations, on peut tirer divers produits : d’abord le lion vert, qui est un liquide épais, qu’on nomme aussi l’azot, et qui fait sortir l’or caché dans les matières ignobles ; le lion rouge, qui convertit les métaux en or : c’est une poudre d’un rouge vif ; la tête de corbeau, dite encore la voile noire du navire de Thésée, dépôt noir qui précède le lion vert, et dont l’apparition au bout de quarante jours promet le succès de l’œuvre : il sert à la décomposition et putréfaction des objets dont on veut tirer l’or ; la poudre blanche, qui transmue les métaux blancs en argent fin ; l’élixir au rouge, avec lequel on fait de l’or et on guérit toutes les plaies ; l’élixir au blanc, avec lequel on fait de l’argent et on se procure une vie extrêmement longue : on l’appelle aussi la fille blanche des philosophes. Toutes ces variétés de la pierre philosophale végètent et se multiplient… » Le reste du livre est sur le même ton. Il contient tous les secrets de l’alchimie. Voy. Baume universel, Élixir de vie, Or potable, etc.

Les adeptes prétendent que Dieu enseigna l’alchimie à Adam, qui en apprit le secret à Hénoch, duquel il descendit par degrés à Abraham, à Moïse, à Job, qui multiplia ses biens au septuple par le moyen de la pierre philosophale, à Paracelse, et surtout à Nicolas Flamel. Ils citent avec respect des livres de philosophie hermétique qu’ils attribuent à Marie, sœur de Moïse, à Hermès Trismégiste, à Démocrite, à Aristote, à saint Thomas d’Aquin, etc. La boîte de Pandore, la toison d’or de Jason, le caillou de Sisyphe, la cuisse d’or de Pythagore, ne sont selon eux que le grand œuvre[22]. Ils trouvent tous leurs mystères dans la Genèse, dans l’Apocalypse surtout, dont ils font un poëme à la louange de l’alchimie ; dans l’Odyssée, dans les Métamorphoses d’Ovide. Les dragons qui veillent, les taureaux qui soufflent du feu, sont les emblèmes des travaux hermétiques.

Gobineau de Montluisant, gentilhomme chartrain, a même donné une explication extravagante des figures bizarres qui ornent la façade de Notre-Dame de Paris ; il y voyait une histoire complète de la pierre philosophale. Le Père éternel étendant les bras et tenant un ange dans chacune de ses mains annonce assez, dit-il, la perfection de l’œuvre achevée.

D’autres assurent qu’on ne peut posséder le grand secret que par le secours de la magie ; ils nomment démon barbu le démon qui se charge de l’enseigner ; c’est, disent-ils, un très-vieux démon.

On trouve à l’appui de cette opinion, dans plusieurs livres de conjurations magiques, des formules qui évoquent les démons hermétiques. Cédrénus, qui donnait dans cette croyance, raconte qu’un alchimiste présenta à l’empereur Anastase, comme l’ouvrage de son art, un frein d’or et de pierreries pour son cheval. L’empereur accepta le présent et fit mettre l’alchimiste dans une prison, où il mourut ; après quoi le frein devint noir, et on reconnut que l’or des alchimistes n’était qu’un prestige du diable. Beaucoup d’anecdotes prouvent que ce n’est qu’une friponnerie ordinaire.

Un rose-croix, passant à Sedan, donna à


Henri Ier, prince de Bouillon, le secret de faire de l’or, qui consistait à faire fondre dans un creuset un grain d’une poudre rouge qu’il lui remit, avec quelques onces de litharge. Le prince fit l’opération devant le charlatan, et tira trois onces d’or pour trois grains de cette poudre ; il fut encore plus ravi qu’étonné ; et l’adepte, pour achever de le séduire, lui fit présent de toute sa poudre transmutante. Il y en avait trois cent mille grains. Le prince crut posséder trois cent mille onces d’or. Le philosophe était pressé de partir ; il allait à Venise tenir la grande assemblée des philosophes hermétiques ; il ne lui restait plus rien, mais il ne demandait que vingt mille écus. Le duc de Bouillon les lui donna et le renvoya avec honneur. Comme en arrivant à Sedan le charlatan avait fait acheter toute la litharge qui se trouvait chez les apothicaires de cette ville, et l’avait fait revendre ensuite

Le baron de Puimerolles présenté à Charles IX


chargée de quelques onces d’or, quand cette litharge fut épuisée, le prince ne fit plus d’or, ne vit plus le rose-croix et en fut pour ses vingt mille eus.

Jérémie Médérus, cité par Delrio[23], raconte un tour absolument semblable qu’un autre adepte joua au marquis Ernest de Bade.

Tous les souverains s’occupaient autrefois de la pierre philosophale ; la fameuse Elisabeth la chercha longtemps. Jean Gauthier, baron de Plumerolles, se vantait de savoir faire de l’or ; Charles IX, trompé par ses promesses, lui fit donner cent vingt mille livres, et l’adepte se mit à l’ouvrage. Mais après avoir travaillé huit jours, il se sauva avec l’argent du monarque. On courut à sa poursuite, on l’attrapa, et il fut pendu : mauvaise fin, même pour un alchimiste ! chargée En 1616, la reine Marie de Médicis donna à Gui de Crusembourg vingt mille écus pour travailler dans la Bastille à faire de l’or. Il s’évada au bout de trois mois avec les vingt mille écus, et ne reparut plus en France.

Le pape Léon X fut moins dupe. Un homme qui se vantait de posséder le secret de la pierre philosophale lui demandait une récompense. Le protecteur des arts le pria de revenir le lendemain, et il lui fit donner un grand sac, en lui disant que, puisqu’il savait faire de l’or, il lui offrait de quoi le contenir[24]. Mais il y eut des alchimistes plus fiers. L’empereur Rodolphe II, ayant entendu parler d’un chimiste franc-comtois qui passait pour être certainement un adepte, lui envoya un homme de confiance pour l’engager à venir le trouver à Prague. Le commissionnaire n’épargna ni persuasion, ni promesses pour s’acquitter de sa commission ; mais le Franc-Comtois fut inébranlable, et se tint constamment à cette réponse : Ou je suis adepte ou je ne le suis pas ; si je le suis, je n’ai pas besoin de l’empereur, et si je ne le suis pas, l’empereur n’a que faire de moi.

Un alchimiste anglais vint un jour rendre visite au peintre Rubens, auquel il proposa de partager avec lui les trésors du grand œuvre, s’il voulait construire un laboratoire et payer quelques petits frais. Rubens, après avoir écouté patiemment les extravagances du souffleur, le mena dans son atelier. Vous êtes venu, lui dit-il, vingt ans trop tard, car depuis ce temps j’ai trouvé la pierre philosophale avec cette palette et ces pinceaux,

Le roi d’Angleterre Henri VI fut réduit à un tel degré cle besoin que, au rapport d’Évelyn (dans ses Numismata), il chercha à remplir ses coffres avec le secours de l’alchimie. L’enregistrement de ce singulier projet contient les protestations les plus solennelles et les plus sérieuses de l’existence et des vertus de la pierre philosophale, avec des encouragements à ceux qui s’en occuperont. Il annule et condamne toutes les prohibitions antérieures. Aussitôt que cette patente royale fut publiée, il y eut tant de gens qui s’engagèrent à faire de l’or, selon l’attente du roi, que l’année suivante Henri VI publia un autre édit dans lequel il annonçait que l’heure était prochaine où, par le moyen de la pierre philosophale, il allait payer les dettes de l’État en or et en argent monnayés.

Charles II d’Angleterre s’occupait aussi d’alchimie. Les personnes qu’il choisit pour opérer le grand œuvre formaient un assemblage aussi singulier que leur patente était ridicule. C’était une réunion d’épiciers, de merciers et de marchands de poisson. Leur patente fut accordée authoritate parliamenti.

Les alchimistes était appelés autrefois multiplicateurs ; on le voit par un statut de Henri IV d’Angleterre, qui ne croyait pas à l’alchimie. Ce statut se trouve rapporté dans la patente de Charles II. Comme il est fort court, nous le citerons. « Nul dorénavant ne s’avisera de multiplier l’or et l’argent, ou d’employer la supercherie de la multiplication, sous peine d’être traité et puni comme félon. »

On lit dans les Curiosités de la littérature, ouvrage traduit de l’anglais par Th. Bertin, qu’une princesse de la Grande-Bretagne, éprise


de l’alchimie, fit rencontre d’un homme qui prétendait avoir la puissance de changer le plomb en or. Il ne demandait que les matériaux et le temps nécessaires pour exécuter la conversion. Il fut emmené à la campagne de sa protectrice, où l’on construisit un vaste laboratoire, et, afin qu’il ne fût pas troublé, on défendit que personne n’y entrât. Il avait imaginé de faire tourner sa porte sur un pivot, et recevait à manger sans voir, sans être vu, sans que rien pût le distraire. Pendant, deux ans il ne condescendit à parler à qui que ce fût, pas même à la princesse. Lorsqu’elle fut introduite enfin dans son laboratoire, elle vit des alambics, des chaudières, de longs tuyaux, des forges, des fourneaux, et trois ou quatre feux d’enfer allumés ; elle ne contempla pas avec moins de vénération la figure enfumée de l’alchimiste, pâle, décharné, affaibli par ses veilles, qui lui révéla, dans un jargon inintelligible, les succès obtenus ; elle vit ou crut voir des monceaux d’or encore imparfait répandus dans le laboratoire. Cependant l’alchimiste demandait souvent un nouvel alambic et des quantités énormes de charbon. La princesse, malgré son zèle, voyant qu’elle avait dépensé une grande partie de sa fortune à fournir aux besoins du philosophe, commença à régler l’essor de son imagination sur les conseils de la sagesse. Elle découvrit sa façon de penser au physicien : celui-ci avoua qu’il était surpris de la lenteur de ses progrès ; mais il allait redoubler d’efforts et hasarder une opération de laquelle, jusque-là, il avait cru pouvoir se passer. La protectrice se retira ; les visions dorées reprirent leur premier empire. Un jour qu’elle était à dîner, un cri affreux, suivi d’une explosion semblable à celle d’un coup de canon, se fit entendre ; elle se rendit avec ses gens auprès du chimiste. On trouva deux larges retortes brisées, une grande partie du laboratoire en flamme, et le physicien grillé depuis les pieds jusqu’à la tête.

Elie Ashmole écrit dans sa Quotidienne du 13 mai 1655 : « Mon père Backouse (astrologue qui l’appelait son fils, méthode pratiquée par les gens de cette espèce) étant malade dans FleetStreet, près de l’église de Saint-Dunstan, et se trouvant, sur les onze heures du soir, à l’article de la mort, me révéla le secret de la pierre philosophale, et me le légua un instant avant d’expirer. »

Nous apprenons par là qu’un malheureux qui connaissait l’art de faire de l’or vivait cependant de charités, et qu’Ashmole croyait fermement être en possession d’une pareille recette.

Ashmole a néanmoins élevé un monument curieux des savantes folies de son siècle, dans son Theatrum chimicum britannicum, vol. in-4o, dans lequel il a réuni les traités des alchimistes anglais. Ce recueil présente divers échantillons des mystères de la secte des roses-croix, et Ashmole raconte des anecdotes dont le merveilleux surpasse toutes les chimères des inventions arabes. Il dit de la pierre philosophale qu’il en sait assez pour se taire et qu’il n’en sait pas assez pour en parler.

La chimie moderne n’est pourtant pas sans avoir l’espérance, pour ne pas dire la certitude, de voir un jour vérifiés les rêves dorés des alchimistes. Le docteur Girtanner de Gœttingue a dernièrement hasardé cette prophétie que, dans le dix-neuvième siècle, la transmutation des métaux sera généralement connue ; que chaque chimiste saura faire de l’or ; que les instruments de cuisine seront d’or et d’argent, ce qui contribuera beaucoup à prolonger la vie, qui se trouve aujourd’hui compromise par les oxydes de cuivre, de fer et de plomb que nous avalons avec notre nourriture[25]. C’est ce que surtout le galvanisme amènera.

Pierre de santé. À Genève et en Savoie, on appelle ainsi une espèce de pyrite martiale très-dure et susceptible d’un beau poli. On taille ces pyrites en facettes comme le cristal, et l’on en fait des bagues, des boucles et d’autres ornements. Sa couleur est à peu près la même que celle de l’acier poli. On lui donne le nom de santé, d’après le préjugé où l’on est qu’elle pâlit lorsque la santé de la personne qui la porte est sur le point de s’altérer.

Pierre-de-feu, démon inconnu qui est invoqué dans les litanies du sabbat.

Pierre-fort, démon invoqué dans les litanies du sabbat. Nous ne le connaissons pas autrement, et il se peut aussi que ce soit un des plus affreux saints des sorciers.

Pierre d’Apone, philosophe, astrologue et médecin, né dans le village d’Abano ou Apono[26], près de Padoue, en 1250. C’était le plus habile magicien de son temps, disent les démonomanes ; il s’acquit la connaissance des sept arts libéraux, par le moyen de sept esprits familiers qu’il tenait


enfermés dans des bouteilles ou dans des boîtes de cristal. Il avait de plus l’industrie de faire revenir dans sa bourse tout l’argent qu’il avait dépensé. Il fut poursuivi comme hérétique et magicien ; et s’il eût vécu jusqu’à la fin du procès, il y a beaucoup d’apparence qu’il eût été brûlé vivant, comme il le fut en effigie après sa mort. Il mourut à l’âge de soixante-six ans. Cet homme avait, dit-on, une telle antipathie pour le lait qu’il n’en pouvait sentir le goût ni l’odeur. Thomazo Garsoni dit, entre autres contes merveilleux sur Pierre d’Apone, que, n’ayant point de puits dans sa maison, il commanda au diable de porter dans la rue le puits de son voisin, parce qu’il refusait de l’eau à sa servante. Malheureusement pour ces belles histoires, il parait prouvé que Pierre d’Apone était une sorte de pauvre esprit fort qui ne croyait pas au diable, du reste homme de mauvais renom. Les amateurs de livres superstitieux recherchent sa Géomancie[27]. Mais ne lui attribuons pas un petit livre qu’on met sur son compte et dont voici le titre : les Œuvres magiques de Henri-Corneille Agrippa, par Pierre d’Alan, latin et français, avec des secrets occultes, in-24, réimprimé à Liège, 1788. On dit dans ce livre que Pierre d’Aban était disciple d’Agrippa, qui vécut trois siècles après lui…

La partie principale est intitulée Heptamêron ou les Eléments magiques. On y trouve les sûrs moyens d’évoquer les esprits et de faire venir le diable. Pour cela, il faut tracer trois cercles l’un dans l’autre, dont le plus grand ait neuf pieds de circonférence, et se tenir dans le plus petit, où l’on écrit le nom des anges qui président à l’heure, au jour, au mois, à la saison, etc.

Voici les anges qui président aux heures. Notez que les heures sont indiquées ici dans la langue infernale. Yayn ou première heure, l’ange Michaël ; Ianor ou deuxième heure, Anaël ; Nasnia ou troisième heure, Raphaël ; Salla ou quatrième heure, Gabriel ; Sadedali ou cinquième heure, Cassiel ; Thamus ou sixième heure, Sachiel ; Ourer ou septième heure, Samaël ; Thanir ou huitième heure, Araël ; Néron ou neuvième heure, Gambie] ; Jaya ou dixième heure, Uriel ; Abaï ou onzième heure, Azaël ; Natalon ou douzième heure, Sambaël. — Les anges du printemps, cabalistiquement nommés Talvi, sont Spugliguel, Caracasa, Commissoros et Amatiel ; le nom de la terre est alors Amadaï, le nom du soleil Abraïm, celui de la lune Agusita. Les anges de l’été, nommés Gasmaran, sont Tubiel, Gargatiel, Tariel et Gaviel. La terre s’appelle alors Festativi, le soleil Athéma’ï, et la lune Armatas. Les anges de l’automne, qui se nommera Ardaraël, sont Torquaret, Tarquam et Guabarel. La terre s’appelle Rahimara, le soleil Abragini, la lune Matafignaïs. Les anges de l’hiver, appelés Fallas, sont Altarib, Amabaël, Grarari. La terre se nomme Gérénia, le soleil Commutât et la lune Affaterim. Pour les anges des mois et des jours, voy. Mois et Jours.

Après avoir écrit tous les noms dans le cercle, mettez les parfums dans un vase de terre neuf, et dites : « Je t’exorcise, parfum, pour que tout fantôme nuisible s’éloigne de moi. » Ayez une feuille de parchemin vierge sur laquelle vous écrirez des croix ; puis appelez des quatre coins du monde les anges qui président à l’air, les sommant de vous aider sur-le-champ, et dites : « Nous t’exorcisons par la mer flottante et transparente, par les quatre divins animaux qui vont et viennent devant le trône de la divine Majesté ; nous t’exorcisons ; et si tu ne parais pas aussitôt ici, devant ce cercle, pour nous obéir en toutes choses, nous te maudissons et te privons de tout office, bien et joie ; nous te condamnons à brûler sans aucun relâche dans l’étang de feu et de soufre, etc. » Cela dit, on verra plusieurs fantômes qui rempliront l’air de clameurs. On ne s’en épouvantera point, et on aura soin surtout de ne point sortir du cercle. On apercevra des spectres qui paraîtront menaçants et armés de flèches ; mais ils n’auront pas puissance de nuire. On soufflera ensuite vers les quatre parties du monde et on dira : « Pourquoi tardez-vous ? soumettez-vous à votre maître. » Alors paraîtra l’esprit en belle forme qui dira : « Ordonnez et demandez, me voici prêt à vous obéir en toutes choses. » Vous lui demanderez ce que vous voudrez, il vous satisfera, et après que vous n’aurez plus besoin de lui, vous le renverrez en disant : « Allez en paix chez vous, et soyez prêt à venir quand je vous appellerai. » Voilà ce que présentent de plus curieux les Œuvres magiques. Et le lecteur qui s’y fiera sera du moins mystifié[28].

Pierre Labourant, nom que des sorciers donnèrent au diable du sabbat. Jeanne Garibaut, sorcière, déclara que Pierre Labourant porte une chaîne de fer qu’il ronge continuellement, qu’il habite une chambre enflammée où se trouvent des chaudières dans lesquelles on fait cuire des personnes, pendant que d’autres rôtissent sur de larges chenets, etc.

Pierre le Brabançon, charlatan, né dans les Pays-Bas. M. Salgues rapporte de lui le fait suivant. Étant devenu épris d’une Parisienne, riche héritière, le Brabançon contrefit aussitôt la voix du père défunt et lui fit pousser, du fond de sa tombe, de longs gémissements ; le mort se plaignit des maux qu’il endurait au purgatoire, et reprocha à sa femme le refus qu’elle faisait de donner sa fille à un si galant homme. La femme, effrayée, n’hésita plus : le Brabançon obtint la main de la demoiselle, mangea la dot, s’évada de Paris et courut se réfugier à Lyon. Un gros financier venait d’y mourir, et son fils se trouvait possesseur d’une fortune opulente. Le Brabançon va le trouver, lie connaissance avec lui, et le mène dans un lieu couvert et silencieux ; là, il fait entendre la voix plaintive du père, qui se reproche les malversations qu’il a commises dans ce monde, et conjure son fils de les expier par des prières et des aumônes ; il l’exhorte d’un ton pressant et pathétique à donner six mille francs au Brabançon pour racheter des captifs. Le fils hésite et remet l’affaire au lendemain. Mais le lendemain la même voix se fait entendre, et le père déclare nettement à son fils qu’il sera damné lui-même s’il tarde davantage à donner les six mille francs à ce brave homme que le ciel lui a envoyé. Le jeune traitant ne se le lit pas dire trois fois ; il compta les six mille francs au ventriloque, qui alla boire et rire à ses dépens.

Pierre le Vénérable, savant abbé de Cluny, mort en 1156. Il a laissé un livre de miracles qui contient plusieurs légendes où les démons ne jouent pas le beau rôle.

Pierres d’anathème. « Non loin de Patras, je vis des tas de pierres au milieu d’un champ ; j’appris que c’était ce que les Grecs appellent pierres d’anathème, espèce de trophées qu’ils élèvent à la barbarie de leurs oppresseurs. En dévouant leurs tyrans aux génies infernaux, ils les maudissent dans leurs ancêtres, dans leur âme et dans leurs enfants ; car tel est le formulaire de leurs imprécations. Ils se rendent dans le champ qu’ils veulent vouer à l’anathème, et chacun jette sur le même coin de terre la pierre de réprobation. Les passants ne manquant pas dans la suite d’y joindre leur suffrage, il s’élève bientôt dans le lieu voué à la malédiction un tas de pierres assez semblable aux monceaux de cailloux qu’on rencontre sur le bord de nos grandes routes, ce qui du reste nettoie les champs[29]. »

Pigeons. C’est une opinion accréditée dans le peuple que le pigeon n’a point de fiel. Cependant Aristote et de nos jours l’anatomie ont prouvé qu’il en avait un, sans compter que la fiente de cet oiseau contient un sel inflammable qui ne peut exister sans le fiel. On conte que le crâne d’un homme caché dans un colombier y attire tous les pigeons des environs.

Le maréchal de Mouchy prétendait que la chair du pigeon a une vertu consolante. Lorsque ce seigneur avait perdu un ami, un parent, il disait à son cuisinier : « Vous me servirez à dîner des pigeons rôtis. J’ai remarqué, ajoutait-il, qu’après avoir mangé deux pigeons, je me lève de table beaucoup moins chagrin. »

Pij, nom que les Siamois donnent aux lieux où les âmes des coupables sont punies ; elles y doivent renaître avant de revenir en ce monde.

Pilal-Karras, exorcistes ou devins du Malabar, aux conjurations desquels les pêcheurs de perles ont recours pour se mettre à l’abri des attaques du requin, lorsqu’ils plongent dans la mer. Ces conjurateurs se tiennent sur la côte, marmottent continuellement des prières et font mille contorsions bizarres.

Pilapiens, peuples qui habitent une presqu’île sur les bords de la mer Glaciale, et qui boivent, mangent et conversent familièrement avec les ombres. On allait autrefois les consulter. Leloyer rapporte que, quand un étranger voulait savoir des nouvelles de son pays, il s’adressait à un Pilapien, qui tombait aussitôt en extase et invoquait le diable, lequel lui révélait les choses cachées.

Pilate (Mont), montagne de Suisse, au sommet de laquelle est un lac ou un étang célèbre dans les légendes. On disait que Pilate s’y était jeté, que les diables y paraissaient souvent, que Pilate, en robe de juge, s’y faisait voir tous les ans une fois, et que celui qui avait le malheur d’avoir cette vision mourait dans l’année. De plus, il passait pour certain que, quand on lançait quelque chose dans ce lac, cette imprudence excitait des tempêtes terribles qui causaient de grands ravages dans le pays ; en sorte que, même au seizième siècle, on ne pouvait monter sur cette montagne, ni aller voir ce lac, sans une permission expresse du magistrat de Lucerne, et il était défendu, sous de fortes peines, d’y rien jeter. La même tradition se rattache au lac de Pilate, voisin de Vienne en Dauphiné[30].

Piletski, puissante famille polonaise, dont les filles, après leur mort, se changeaient en colombes si elles n’étaient pas mariées ; et, si elles étaient mariées, en papillons de nuit. Elles


allaient, sous ces formes, annoncer leur mort à tous leurs parents. C’est une de ces traditions qu’il suffit de mentionner et qui est probablement l’œuvre de quelque poëte légendaire.

Pinet. Pic de la Mirandole parle d’un sorcier nommé Pinet, lequel eut commerce trente ans avec le démon Fiorina[31].

Pipi (Marie), sorcière qui sert d’échanson au sabbat ; elle verse à boire dans le repas non seulement au roi de l’enfer, mais encore à ses officiers et à ses disciples, qui sont les sorciers et magiciens 3[32],

Piqueur. À Marsanne, village du Dauphiné, près de Montélimart, on entend toutes les nuits, vers les onze heures, un bruit singulier que les gens du pays appellent le piqueur : il semble, en effet, que l’on donne plusieurs coups sous terre[33]. M. Berbiguier, dans son tome III des Farfadets, nous apprend qu’en 1821 les piqueurs qui piquaient les femmes dans les rues de Paris n’étaient allaient ni des filous, ni des méchants, mais des farfadets ou démons. « J’étais plus savant, dit-il, que le vulgaire, qui ignore que les farfadets ne font le mal que par plaisir. »

Piripiris, talismans en usage chez certains Indiens du Pérou. Ils sont composés de diverses plantes ; ils doivent faire réussir la chasse, assurer les moissons, amener de la pluie, provoquer des inondations et défaire les armées ennemies.

Pison. Après la mort de Germanicus, le bruit courut qu’il avait été empoisonné par les maléfices de Pison. On fondait les soupçons sur les indices suivants : on trouva dans la demeure de Germanicus des ossements de mort, des charmes et des imprécations contre les parois des murs, le nom de Germanicus gravé sur des lames de plomb, des cendres souillées de sang, et plusieurs autres maléfices par lesquels on croyait les hommes dévoués aux dieux infernaux[34].

Pistole volante. Quoique les sorciers de profession aient toujours vécu dans la misère, on prétendait qu’ils avaient cent moyens d’éviter l’indigence et le besoin. On cite entre autres la pistole volante, qui, lorsqu’elle était enchantée par certains charmes et paroles magiques, revenait toujours dans la poche de celui qui l’employait, au grand profit des magiciens qui achetaient, et au grand détriment des bonnes qui vendaient ainsi en pure perte. Voy. Agrippa, Faust, Pasétès, etc.

Pithon, démon qui était familier avec Madeleine de la Croix.

Pivert. Nos anciens, dit le Petit Albert, assurent que le pivert est un souverain remède contre le sortilège de l’aiguillette nouée, si on le mange rôti à jeun avec du sel bénit ; c’était un oiseau d’augure. Élius, préteur romain, rendait la justice sur son tribunal, lorsqu’un pivert vint se reposer sur sa fête. Les augures, consultés sur ce fait, répondirent que tant qu’Élius prendrait soin de l’oiseau, sa famille prospérerait, mais que la république serait malheureuse ; qu’au contraire, lorsque le pivert périrait, la république prospérerait et la famille d’Élius serait à plaindre. Ce dernier, préférant l’intérêt public au sien, tua sur-le-champ l’oiseau en présence du sénat ; et quelque temps après, dix-sept jeunes guerriers de sa maison furent tués à la bataille de Cannes. Mais cette bataille n’accomplit que la moitié de la prédiction et démentit l’autre, puisqu’elle fut la plus désastreuse de toutes celles que perdit la république.

Planètes. Il y a maintenant plus de soixante planètes. Les anciens n’en connaissaient que sept, en comptant la lune, qui n’est qu’un satellite de la terre ; ainsi les nouvelles découvertes détruisent tout le système de l’astrologie judiciaire. Les vieilles planètes sont : le soleil, la lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Chaque planète gouverne un certain nombre d’années[35]. Les années où Mercure préside sont bonnes au commerce, etc. ; la connaissance de cette partie de l’astrologie judiciaire s’appelle Alfridarie.

Plante-bornes. Le plante-bornes est une des plus poétiques et des plus morales traditions. Les Auvergnats ont la passion de la propriété : conserver et surtout agrandir l’héritage, c’est le but principal de leur vie, l’honneur d’un nom ; et l’on dit :« Ce champ est dans ma famille depuis un siècle, » avec l’orgueil que l’on peut avoir ailleurs en montrant un parchemin établissant que son ancêtre était cousin de saint Louis ou frère d’armes de François Ier. À cet amour de la propriété, il fallait un frein ; car la tentation était dangereuse dans un pays où l’on ne connaissait pas de clôtures. La religion fut ce frein salutaire ; et longtemps encore après la révolution, ce n’étaient ni les juges, ni les experts qui réglaient les différends entre propriétaires, mais bien le curé. Le prêtre avait donc dû placer le respect des limites des champs au rang des choses les plus sacrées, et menacer souvent des vengeances éternelles ceux qui failliraient à ce respect. Il n’est donc pas étonnant que des imaginations frappées si vivement aient conçu la pensée du plante-bornes, c’est-à-dire de l’esprit, ou plutôt de l’âme de l’homme injuste revenant après sa mort expier son crime, en réparant ou faisant réparer le dommage causé à ses voisins. Le plante-bornes est d’un effet autrement puissant que la loi ; elle est terrible, mais aveugle ; souvent, avec de certaines précautions, on peut lui échapper ; tandis qu’avec le monde des esprits, il n’est ni ruses, ni chicanes, ni secret possible. L’amour de la famille même, le désir si naturel à tous les cœurs d’enrichir ses enfants, de les rendre heureux, conduisent le propriétaire à se surveiller scrupuleusement, à ne commettre jamais la plus légère infraction aux règles de la probité. Quel père voudrait léguer à ses fils des tourments perpétuels, la honte publique, avec le soin de réparer ses fautes, sous peine de la mort la plus affreuse ?

Car le plante-bornes ne s’en tient pas à une course vague, désordonnée, à travers les villages, mêlée de douloureux gémissements ; il finit par arriver à sa destination, frappe trois grands coups à l’étroite fenêtre de sa chaumière, en répétant par trois fois : « Plante-bornes !!! » Si les habitants, sous l’empire de la terreur, restent muets, on entend autour de la maison des pas lourds et des battements d’ailes ; et le plante-bornes revient gémir tous les soirs, sans se lasser jamais, jusqu’à ce qu’enfin l’on se décide à lui répondre.

Il se trompe quelquefois, s’adresse à une famille pure de toutes fraudes, et qui peut hardiment répondre pour ses aïeux ; mais c’est pour lui ménager un triomphe ; car, sûr de sa conscience et de celles de ses pères, le chef de famille ouvre la fenêtre, crie trois fois : « Plante-les toi-même ! » Alors tout est fini ; la paroisse est en admiration devant ceux qui ont pu chasser les plante-bornes. C’est comme une consécration de l’antique probité de la famille ; chasser un plante-bornes, c’est plus honorable que faire ses preuves de cent ans de noblesse devant Chérin.

Mais si, se mentant à lui-même, le fils d’un coupable osait prononcer la formule sacramentelle, malheur à lui ! Un homme injuste mourut subitement ; il avait bien souvent dit à son fils, en se raillant des croyances superstitieuses : « Si jamais je reviens vous tourmenter pour le bornage, n’ayez pas peur ; chassez-moi. »

Cependant une vieille femme l’avait ajourné devant ce même fils : « Vous avez planté des arbres sur le champ qui m’appartenait ; vous ne voulez pas vous arranger avec moi pendant que vous êtes vivant : prenez garde, il en coûte aux morts de se lever de leurs tombes ! »

Des semaines, des mois s’écoulèrent, le fils commençait à rire des plante-bornes ; mais un soir, tout le monde l’affirme, la paroisse était en émoi ; on frappa à la porte de sa chaumière. Rien ne bougea à l’intérieur ; alors, ce qui n’était plus jamais arrivé arriva : le plante-bornes appela son fils par son nom. Furieux, celui-ci s’élança vers la fenêtre, l’ouvrit, et aux cris de plante-bornes !… qui se répercutaient dans les montagnes, il répondit effrontément : « Plante-les toi-même ! » puis il voulut refermer le volet ; mais une invisible main le saisit à la gorge, et l’on entendit de très-près crier d’une voix désolée : « Plante-bornes ! plante-bornes ! » L’infortuné, demi-mort de frayeur, refusant encore de croire au surnaturel, essaya de se défendre ; au même instant, sa femme, ses enfants, sa vieille mère le virent disparaître dans l’espace ; puis, la chute d’un corps les fit frisonner ; puis un cri déchirant remplit la contrée ; et le lendemain on trouva le corps de l’esprit fort étendu mort sur le pavé du chemin, les lèvres sanglantes et les mains crispées[36].

Platon, célèbre philosophe grec, né l’an 430 avant JésusChrist. On lui attribue un livre de nécromancie. Il y a vingt-cinq ans qu’on a publié de lui une prophétie contre les francs-maçons ; des doctes l’ont expliquée comme celles de Nostradamus.

Plats. Divination par les plats. Quinte-Curce dit que les prêtres égyptiens mettaient Jupiter Ammon sur une nacelle d’or d’où pendaient des plats d’argent, par le mouvement desquels ils jugeaient de la volonté du dieu, et répondaient à ceux qui les consultaient.

Pline. Les Orientaux en font un géomètre prodigieux ; il est lié, chez eux, à l’histoire d’Alexandre le Grand.

Plogojowits (Pierre), vampire qui répandit la terreur au dernier siècle dans le village de Kisolova en Hongrie, où il était enterré depuis dix semaines.Il apparut la nuit à quelques-uns des habitants pendant leur sommeil et leur serra tellement le gosier qu’en vingt-quatre heures ils en moururent. Il fit périr ainsi neuf personnes, tant vieilles que jeunes, dans l’espace de huit jours. La veuve de Plogojowits déclara elle-même que son mari lui était venu demander ses souliers ; ce qui l’effraya tellement qu’elle quitta le village de Kisolova. Ces circonstances déterminèrent les habitants du village à tirer de terre le corps de Plogojowits et à le brûler pour se délivrer de ses infestations. Ils trouvèrent que son corps n’exhalait aucune mauvaise odeur ; qu’il était entier et comme vivant, à l’exception du nez, qui paraissait flétri ; que ses cheveux et sa barbe avaient poussé, et qu’à la place de ses ongles, qui étaient tombés, il lui en était venu de nouveaux ; que sous la première peau, qui paraissait comme morte et blanchâtre, il en croissait une nouvelle, saine et de couleur naturelle. Ils remarquèrent aussi dans sa bouche du sang tout frais, que le vampire avait certainement sucé aux gens qu’il avait fait mourir. On envoya chercher un pieu pointu, qu’on lui enfonça dans la poitrine, d’où il sortit quantité de sang frais et vermeil, de même que par le nez et par la bouche. Ensuite les paysans mirent le corps sur un bûcher, le réduisirent en cendres[37], et il ne suça plus.

Plotin, philosophe de l’école d’Alexandrie, au troisième siècle. Il se vantait d’avoir un esprit familier de haut rang et de la race des dieux ; ce qui paraît peu dans ses écrits, qui n’ont rien de divin. Il se croyait bien au-dessus de l’humanité, et il eût été flatté d’espérer l’apothéose. Lorsqu’il mourut, à soixante-six ans, il disait : Je m’occupe de réunir le dieu qui est en moi à la divinité qui occupe l’univers. Au même instant on vit un serpent sortir de dessous son lit et s’échapper par un trou qui existait dans la muraille. Les assistants prétendirent que ce serpent était le dieu qui possédait Plotin, ou du moins qui habitait en lui.

Pluies merveilleuses. Le peuple met les pluies de crapauds et de grenouilles au nombre des phénomènes de mauvais augure ; et il n’y a pas encore longtemps qu’on les attribuait aux maléfices des sorciers. Elles ne sont pourtant pas difficiles à concevoir : les grenouilles et les crapauds déposent leur frai en grande quantité dans les eaux marécageuses. Si ce frai vient à être enlevé avec les vapeurs que la terre exhale, et qu’il reste longtemps exposé aux rayons du soleil, il en naît ces reptiles que nous voyons tomber avec la pluie. Les pluies de feu ne sont autre chose que la succession très-rapide des éclairs et des coups de tonnerre dans un temps orageux. Des savants ont avancé que les pluies de pierres nous venaient de la lune ; et cette opinion a grossi la masse énorme des erreurs populaires. Ces pluies ne sont ordinairement que les matières volcaniques, les ponces, les sables et les terres brûlées qui sont portés par les vents impétueux à une très-grande distance. On a vu les cendres du Vésuve tomber jusque sur les côtes d’Afrique. La quantité de ces matières, la manière dont elles se répandent dans les campagnes, souvent si loin de leur origine, et les désastres qu’elles occasionnent quelquefois, les ont fait mettre au rang des pluies les plus formidables. Mais, de toutes les pluies prodigieuses, la pluie de sang a toujours été la plus effrayante aux yeux du peuple ; et cependant elle est chimérique. Il n’y a jamais eu de vraie pluie de sang. Toutes celles qui ont paru rouges ou approchant de cette couleur ont été teintes par des terres, des poussières de minéraux ou d’autres matières emportées par les vents dans l’atmosphère, où elles se sont mêlées avec l’eau qui tombait des nuages. Plus souvent encore ce phénomène, en apparence si extraordinaire, a été occasionné par une grande quantité de petits papillons qui répandent des gouttes d’un suc rouge sur les endroits où ils passent[38].

Plutarque, le plus sage des philosophes, mort à Rome l’an 140 de notre ère. Il était initié et prêtre d’Apollon à Delphes. Cependant il a mérité par ses écrits les éloges même des chrétiens. Ses récits de la Cessation des oracles, son Histoire de Thespésius et ses Livres de morale, comme ses Vies des hommes illustres, établissent sa probité. Il a dû connaître les chrétiens.

Pluton, roi des enfers, selon les païens, et, selon les démonomanes, archidiable, prince du feu, gouverneur général des pays enflammés, surintendant des travaux forcés du ténébreux empire.

Plutus, dieu des richesses. Il était mis au nombre des dieux infernaux, parce que les richesses se tirent du sein de la terre. Dans les sacrifices en son honneur, les signes ordinairement funestes qu’offraient les entrailles des victimes devaient toujours s’interpréter en bonne part.

Pnigalion. C’est le nom que quelques


médecins ont donné au cauchemar, parce que, au moyen de visions effrayantes, il étouffe la voix et l’estomac.

Pocel, roi de l’enfer chez les Prussiens. Ils nomment aussi Pocol le chef des hordes d’esprits aériens, et Porquet celui qui garde les forêts. Ce dernier est le Pan des anciens[39]. Voy. Picollus et Pucel.

Pochwist, divinité de l’hiver et du mauvais temps chez les Polonais, avant qu’ils fussent chrétiens.

Pogoda, chez les mêmes, à la même époque, divinité du beau temps.

Points de côté. De bonnes gens dans les Ardennes croient guérir les points de côté au moyen de cette singulière prière : « Pointe ! Pointe sur pointe ! que Dieu te guérisse de cette pointe ! comme saint Côme et saint Damien ont guéri les plaies de Notre-Seigneur dans le jardin des Olives… »

Poirier (Marguerite), petite fille de treize ans qui déposa comme témoin contre Jean Grenier, jeune loup-garou. Elle déclara qu’un jour qu’elle gardait ses moutons dans la prairie, Grenier s’était jeté sur elle en forme de loup et l’eût mangée si elle ne se fût défendue avec un bâton, dont elle lui donna un coup sur l’échine. Elle avoua qu’il lui avait dit qu’il se changeait en loup à volonté, qu’il aimait à boire du sang et à manger la chair des petits garçons et des petites filles ; cependant qu’il ne mangeait pas les bras ni les épaules[40].

Poisons. On a souvent attribué à la magie des forfaits qui n’étaient dus qu’à la connaissance de l’art des poisons. « Il est certain que, pendant le seizième siècle, dans les années qui le précédèrent et le suivirent, l’empoisonnement était arrivé à une perfection inconnue à la chimie moderne et que l’histoire a constatée. L’Italie, berceau des sciences modernes, fut à cette époque médecins inventrice et maîtresse de ces secrets, dont plusieurs se perdirent. De là vint cette réputation qui pesa, durant les deux siècles suivants, sur les Italiens. Les romanciers en ont si fort abusé, que partout où ils introduisent des Italiens, ils leur font jouer des rôles d’assassins et d’empoisonneurs. Si l’Italie avait alors l’entreprise des poisons subtils dont parlent quelques historiens, il faudrait seulement reconnaître sa suprématie en toxicologie comme dans d’autres connaissances. Elle servait les passions du siècle, comme elle bâtissait d’admirables édifices, commandait les armées, peignait de belles fresques, chantait des romances, dessinait des fêtes ou des ballets et raffinait la politique. À Florence, l’art des poisons était à un si haut point, qu’une femme partageant une pêche avec un duc, en se servant d’une lame d’or dont un côté seulement était empoisonné, mangeait la moitié saine et donnait la mort avec l’autre. Une paire de gants parfumés infiltrait par les pores une maladie mortelle. On mettait le poison dans un bouquet de roses naturelles, dont la seule senteur, une fois respirée, donnait la mort. Don Juan d’Autriche fut, dit-on, empoisonné par une paire de bottes[41]. »

Polkan, centaure des Slavons, auquel on attribuait une force et une vitesse extraordinaires. Dans les anciens contes russes, on le dépeint homme depuis la tête jusqu’à la ceinture, et cheval ou chien depuis la ceinture. En cheval, ses ruades gracieuses ont donné naissance à la danse bête qu’on nomme polka.

Pollier (Abraham). C’était un Suisse qui servait comme dragon chez le comte de HohenlohePfédelbach, au commencement de l’an 1684. Le 4 avril, il annonça qu’il allait être congédié ; et comme on s’en étonnait, il ajouta qu’il était au service du diable ; que le diable, en prenant hypothèque sur son âme, lui avait avancé de l’argent ; mais que toutes les fois qu’il avait voulu le rembourser, comme il s’en était réservé le droit dans le pacte conclu entre eux, il manquait toujours un thaler, et enfin qu’on ne le reverrait plus le lendemain. Il disparut en effet le soir. Et, durant cette soirée, on l’entendit dans plusieurs hameaux implorer du secours, sans que personne osât aller à son aide. On trouva, au matin qui suivit, ses armes et ses habits près du village qu’il avait quitté. Huit jours après, un pêcheur repêcha son haut-de-chausse et sa chemise, et peu après son corps, où l’on constata qu’il avait eu le cou tordu. On l’enterra sous la potence[42].

Polycrite. Il y avait en Étolie un citoyen vénérable, nommé Polycrite, que le peuple avait élu gouverneur du pays, à cause de son rare mérite et de sa probité. Sa dignité lui fut prorogée jusqu’à trois ans, au bout desquels il se maria avec une femme de Locres. Mais il mourut la quatrième nuit de ses noces et la laissa enceinte d’un hermaphrodite, dont elle accoucha neuf mois après. Les prêtres et les augures, ayant été consultés sur ce prodige, conjecturèrent que les Étoliens et les Locriens auraient guerre ensemble, parce que ce monstre avait les deux sexes. On conclut enfin qu’il fallait mener la mère et l’enfant hors des limites d’Étolie et les brûler tous deux. Comme on était près de faire cette abominable exécution, le spectre de Polycrite apparut et se mit auprès de son enfant. Il était vêtu d’un habit noir. Les assistants, effrayés, voulaient s’enfuir ; il les rappela, leur dit de ne rien craindre et fit ensuite, d’une voix grêle et basse, un beau discours par lequel il leur montra que, s’ils brûlaient sa femme et son fils, ils tomberaient dans des calamités extrêmes. Mais, voyant que, malgré ses remontrances, les Étoliens étaient décidés à faire ce qu’ils avaient résolu, il prit son enfant, le mit en pièces et le dévora. Le peuple poussa des huées contre lui et lui jeta des pierres pour le chasser ; il fit peu d’attention à ces insultes et continua de manger son fils, dont i ne laissa que la tête, après quoi il disparut. Ce prodige sembla si effroyable qu’on prit le dessein d’aller consulter l’oracle de Delphes. Mais la tête de l’enfant, s’étant mise à parler, leur prédit, en vers, tous les malheurs qui devaient leur arriver dans la suite, et, disent les anciens conteurs, la prédiction s’accomplit. La tête de l’enfant de Polycrite, se trouvant exposée sur un marché public, prédit encore aux Étoliens, alors en guerre contre les Acarnaniens, qu’ils perdraient la bataille. — Le Polycrite de ce conte était un vampire ou un ogre.

Polyglossos, nom que les anciens donnaient à un chêne prophétique de la forêt de Dodone ; ce chêne extraordinaire rendait des oracles dans la langue de ceux qui venaient le consulter.

Polyphage. On a publié à Wittemberg, il y a vingt ou trente ans, une dissertation sous ce titre : De polyphago et alio triophago Witlemlergensis dissertatio, in-4o. C’est l’histoire d’un des plus grands mangeurs qui aient jamais existé. Cet homme, si distingué dans son espèce, dévorait quand il voulait (ce qu’il ne faisait toutefois que pour de l’argent) un mouton entier, ou un cochon, ou deux boisseaux de cerises avec leurs noyaux ; il brisait avec les dents, mâchait et avalait des vases de terre et de verre, et même des pierres très-dures ; il engloutissait des animaux vivants, oiseaux, souris, chenilles, etc. Enfin, ce qui surpasse toute croyance, on présenta un jour à cet avale-tout une écritoire couverte de plaques de fer ; il la mangea avec les plumes, le canif, l’encre et le sable. Ce fait si singulier, qui doit consterner nos hommes sauvages, nos mangeurs de cailloux et nos jongleurs de places publiques, a été attesté par sept témoins oculaires, devant le sénat de Wittemberg. Quoi qu’il en soit, ce terrible estomac jouissait d’une santé vigoureuse ; il termina ses prouesses à l’âge de soixante ans. Alors il commença à mener une vie sobre et réglée, et vécut jusqu’à l’âge de soixante-dix-neuf ans. Son cadavre fut ouvert ; on le trouva rempli de choses extraordinaires, dont l’auteur donne la description[43]. La seconde partie de la dissertation renferme l’histoire de quelques hommes de cette trempe et l’explication de ces singularités. Mais le tout nous semble un peu farci de ce que l’on appelle, en termes de journalisme, des canards ; et il y en a beaucoup dans les récits de merveilles.

Polyphême, géant qui n’avait qu’un œil au milieu du front, célèbre dans l’Odyssée, type effrayant de nos ogres.

Polyphidée, devin d’Hypérésie, pays d’Argos.

Polythéisme. Un brahme de Calcutta a publié, ces dernières années, une défense théologique du système des Hindous, qui admettent trois cent cinquante millions de dieux et de déesses.

Pomme d’Adam. La légère protubérance qu’on appelle pomme d’Adam à la gorge des hommes vient, dans les opinions populaires, d’un pépin qui s’arrêta là quand notre premier père mangea si désastreusement le fruit défendu.

Pomponace, professeur de philosophie souvent hasardée ; né à Mantoue en 1462, mort en 1525. Dans son Traité des enchantements, il


prétend que les démons ne sont pour rien dans la magie et les phénomènes occultes ; mais que tout ce qu’on leur attribue est l’œuvre des astres, dont il fait des démons.

Poniatowska (Catherine), visionnaire du Nord. Voy. Comenius.

Pont. Les anciens Scandinaves disaient que les dieux avaient fait un pont qui communiquait du ciel à la terre, et qu’ils le montaient à cheval. Quand Satan se révolta contre Dieu, il fit bâtir un fameux pont qui allait de l’abîme au paradis. Il est rompu.

Pont d’Adam. On appelle Pont d’Adam une suite de bancs de sable qui s’étendent presque en ligne directe entre l’île de Manar et celle de Ceylan, où les indigènes placent le paradis terrestre. C’est, selon les Chingulais, le chemin par lequel Adam, chassé du paradis, se rendit sur le continent. Les Indiens disent que le golfe se referma pour empêcher son retour.

Pont du diable. Dans la vallée de Schellenen, en Suisse, l’imagination croit voir partout les traces d’un agent surnaturel. Le diable n’est point, aux yeux de ces montagnards, un ennemi malfaisant ; il s’est même montré assez bonne personne, en perçant des rochers, en jetant des ponts sur les précipices, etc., ce que lui seul, selon les habitants, pouvait exécuter. On ne peut rien imaginer de plus hardi que la route qui parcourt la vallée de Schellenen. Après avoir suivi quelque temps les détours capricieux de cette route terrible, on arrive à cette œuvre de Satan, qu’on appelle le Pont du diable. Cette construction imposante est moins merveilleuse encore que le site où elle est placée. Le pont est jeté entre deux montagnes droites et élevées, sur un torrent furieux, dont les eaux tombent par cascades sur des rocs brisés et remplissent l’air de leur fracas et de leur écume[44].

Le pont de Jouy-aux-Arches, près Metz, était aussi l’ouvrage du diable, aussi bien que l’ancien


pont de Saint-Cloud, qui s’ébranla au seizième siècle, au passage d’un enfant qu’on venait de baptiser, et s’écroula ensuite. Plusieurs autres ponts ont le même nom.

Popoguno, enfers des Virginiens, dont le supplice consiste à être suspendu entre le ciel et la terre.

Poppiel Ier, roi de Pologne au neuvième siècle. On rapporte qu’il jurait souvent et que son serment ordinaire était : Que les rats me puissent manger ! Si ce serment ne lui fut pas funeste, il le fut du moins à sa postérité, comme on va le voir. Il mourut de maladie, dans un âge peu avancé. Poppiel II, son fils, fut comme lui un tyran. On lui avait donné pour tuteurs ses oncles, guerriers braves et expérimentés, qu’il n’écouta point. Il épousa une princesse qui s’empara de son esprit, lui rendit d’abord ses oncles suspects, ensuite odieux, et ses conseils le décidèrent à les faire empoisonner. La cour frémit et le peuple s’indigna à cette nouvelle. Poppiel, avec l’audace qui est le propre des grands criminels, accusa ses oncles de trahison et défendit qu’on leur accordât ni bûcher, ni sépulture. Les Polonais, qui aimaient ces princes si lâchement assassinés, murmurèrent de nouveau ; mais on n’eût fait que les plaindre, si le ciel ne leur eût envoyé des vengeurs. Du milieu de leurs restes tombés en pourriture, il sortit une armée de rats, destinés à punir Poppiel. L’horreur qu’avait inspirée son crime avait fait fuir la plus grande partie de sa cour; elle était presque réduite à la reine et à lui seul, lorsque ces bêtes les assiégèrent et vinrent à bout de les dévorer. Voy. Hatton.

Porcs (Divination par les). Nous ne pouvons citer qu’un exemple de ce singulier procédé pour la connaissance de l’avenir. Justinien ayant déclaré la guerre à Théodat, ce roi des Goths fut vaincu par Bélisaire ou plutôt par la peur. Procope explique ainsi le fait : Ce pauvre prince ayant consulté un juif qui passait pour un devin très-habile, afin de savoir d’avance le résultat de la guerre, le Juif enferma trente porcs, dix par dix, dans trois étables. On les tint un certain temps sans manger. Le terme de l’expérience étant expiré, le prince et le juif entrèrent dans les étables ; on avait donné aux porcs de la première le nom de Goths, à ceux de la seconde le nom de Romains et aux porcs de la troisième le nom de Grecs. Les porcs qui représentaient les Goths se trouvèrent morts, à l’exception de deux ; cinq des porcs romains restaient debout; mais les porcs grecs se montrèrent tous vivants. Théodat vit là que la victoire serait à l’empereur, et subit en conséquence une défaite. Les Goths, instruits de ces détails, chassèrent leur roi Théodat et proclamèrent à sa place Vitigès, son écuyer.

Porom-Houngse, sorte de fakirs chez les Indiens. Ils se vantent d’être descendus du ciel et de vivre des milliers d’années sans jamais prendre la moindre nourriture. Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’on ne voit jamais un porom-houngse manger ou boire en public.

Porphyre, visionnaire grec et philosophe vivant au troisième siècle, que quelques-uns de ges ont fait mettre au rang des sorciers, dans les arts magiques.

Porriciæ, entrailles de la victime que les prêtres jetaient dans le feu, après les avoir considérées pour en tirer de bons ou de mauvais présages.

Porta (Jean-Baptiste), physicien célèbre, qui a fait faire des pas à la science et qui a préparé les découvertes photographiques dont nous jouis, sons aujourd’hui, né à Naples vers 1550. On dit qu’il composa à quinze ans les premiers livres de sa Magie naturelle, qui sont gâtés par les préjugés du siècle où il vécut. Il croyait à l’astrologie judiciaire, à la puissance indépendante des esprits, etc. On cite, comme le meilleur de ses ouvrages, la Physiognomonie céleste, 1661, in-4 ; il s’y déclare contre les chimères de l’astrologie ; mais il continue néanmoins à attribuer une grande influence aux corps célestes. On lui doit encore un traité de Physiognomonie, où il compare les figures humaines aux figures des animaux, pour en tirer des inductions systématiques. Voy. Physiognomonie, à la fin.

Porte. Les Tartares mantchoux révèrent un esprit gardien de la porte, sorte de divinité domestique qui écarte le malheur de leurs maisons.

Portes des Songes. Dans Virgile, l’une est de corne, l’autre est d’ivoire. Par la porte de corne passent les Songes véritables, et par la porte d’ivoire, les vaines illusions et les Songes trompeurs.

Possédés. Le bourg de Teilly, à trois lieues d’Amiens, donna en 1816 le spectacle d’une fille qui voulait se faire passer pour possédée. Elle était, disait-elle, au pouvoir de trois démons, Mimi, Zozo et Crapoulet. Un honnête ecclésiastique prévint l’autorité, qui reconnut que cette fille était malade. On la fit entrer dans un hôpital, et il ne fut plus parlé de la possession. On trouve de la sorte dans le passé quelques supercheries que la bonne foi de nos pères a su réprimer souvent. Il y eut jadis bien moins de scandales qu’on ne le conte, et les possessions n’étaient pas de si libre allure qu’on le croit. Une démoniaque commençait à faire du bruit sous Henri III ; le roi aussitôt envoya son chirurgien Pigray, avec deux autres médecins, pour examiner l’affaire. Quand la possédée fut amenée devant ces docteurs, on l’interrogea, et elle débita des sornettes. Le prieur des capucins lui fit des demandes en latin auxquelles elle répondit fort mal ; et enfin on trouva, dans certains papiers, qu’elle avait été déjà, quelques années précédemment, fouettée en place publique pour avoir voulu se faire passer pour démoniaque ; on la condamna à une réclusion perpétuelle. Du temps du même Henri III, une Picarde se disait possédée du diable, apparemment pour se rendre formidable. L’évêque d’Amiens, soupçonnant quelque imposture, la fit exorciser par un laïque déguisé en prêtre et lisant les épîtres de Cicéron. La démoniaque savait son rôle par cœur ; elle se tourmenta, fit des grimaces effroyables, des cabrioles et des cris, absolument comme si le diable, qu’elle disait chez elle, eût été en face d’un prêtre lisant le livre sacré[45]. Elle fut ainsi démasquée.

Mais il y a les vrais possédés ou démoniaques. Ce sont ceux dont le diable s’est emparé. Plusieurs aujourd’hui prétendent que les possessions sont des monomanies, des folies plus ou moins furieuses, plus ou moins bizarres. Mais comment expliquer ce fait qu’à Gheel en Belgique, où l’on traite les fous colonisés, on guérit les fous furieux en les exorcisant ?…

Le savant docteur Moreau, dans la visite officielle qu’il a faite à Gheel en 1842, et qu’il a publiée, a reconnu ce fait, qui ne peut être contesté. Le diable serait — il donc pour quelque chose dans certaines folies ? et connaissons-nous bien tous les mystères au milieu desquels nous vivons ? Dans tous les cas, si plusieurs possessions ont été soupçonnées de charlatanisme, nous croyons que le soupçon a été fondé moins souvent qu’on ne le dit.

On a beaucoup écrit sur les démoniaques, qui sont, disent les experts, plus ou moins agités, suivant le cours de la lune. L’historien Josèphe dit que ce ne sont pas les démons, mais les âmes des méchants, qui entrent dans les corps dès possédés et les tourmentent.

On a vu des démoniaques à qui les diables arrachaient les ongles des pieds sans leur faire de mal. On en a vu marcher à quatre pattes, se traîner sur le dos, ramper sur le ventre, marcher sur la tête. Il y en eut qui se sentaient chatouiller les pieds sans savoir par qui ; d’autres parlaient des langues qu’ils n’avaient jamais apprises. Comment expliquera-t-on les convulsionnaires jansénistes du dernier siècle, si on en exclut le diable[46] ? En l’an 1556, il se trouva à Amsterdam une phalange d’enfants démoniaques, que les exorcismes ordinaires ne purent délivrer ; on publia qu’ils n’étaient en cet état que par maléfices et sortilèges ; ils vomissaient des ferrements, des lopins de verre, des cheveux, des aiguilles et autres choses semblables. On conte qu’à Rome, dans un hôpital, soixante-dix filles devinrent folles ou démoniaques en une seule nuit ; deux ans se passèrent sans qu’on les pût guérir. Cela peut être arrivé, dit Cardan, ou par le mauvais air du lieu, ou par la mauvaise eau, ou par la fourberie, ou par suite de mauvais déportements. C’est que la suite de mauvais déportements entraîne souvent les mauvais esprits contre lesquels nous luttons tous et sans cesse, si nous ne sommes à eux. On croyait reconnaître autrefois qu’une personne était démoniaque à plusieurs signes : 1° les contorsions ; 2° l’enflure du visage ; 3° l’insensibilité et la ladrerie ; 4° l’immobilité ; 5° les clameurs du ventre ; 6° le regard fixe ; 7° des réponses en français à des mots latins ; 8° les piqûres de lancette sans effusion de sang, etc. Mais, dit-on, les saltimbanques et les grimaciers font des contorsions, sans pour cela être possédés du diable ; et qu’en savez-vous ? L’enflure du visage, de la gorge, de la langue, est souvent causée par des vapeurs ou par la respiration retenue. L’insensibilité peut bien être la suite de quelque maladie ou n’être que factice, si la personne insensible a beaucoup de force. Un jeune Lacédémonien se laissa ronger le flanc par un renard qu’il venait de voler, sans donner le moindre signe de douleur ; un enfant se laissa brûler la main dans un sacrifice que faisait Alexandre, sans faire aucun mouvement ; du moins les historiens le disent. Ils en content bien d’autres. Ceux qui se faisaient fouetter devant l’autel de Diane ne fronçaient pas le sourcil… On vous dira même que l’immobilité est volontaire, aussi bien dans les gestes que dans les regards, qu’on est libre de se mouvoir ou de ne pas se mouvoir, pour peu qu’on ait de fermeté dans les nerfs ; que les clameurs et jappements que les possédés faisaient entendre dans leur ventre sont expliqués par nos ventriloques. On explique aussi les piqûres d’aiguille ou de lancette sans effusion de sang ; dans les mélancoliques, dit-on, le sang qui est épais et grossier ne peut souvent sortir par une petite ouverture, et certaines personnes piquées de la lancette ne saignent point. On exclura des possédés les gens d’un estomac qui, ne digérant point, rendent les choses telles qu’ils les ont avalées, ainsi que les fous et les maniaques. Les symptômes de la manie sont si affreux[47] que nos ancêtres l’ont mise sur le compte des esprits malins. Et qui pourra établir qu’ils se trompaient ?

On a publié un traité sur ce sujet, intitulé Recherches sur ce qu’il faut entendre par les démoniaques dont il est parlé dans le Nouveau Testament, par T. P. A. P. 0. A. B. J. T. C. 0. S., in-12, 1738, livre où la question n’est pas du tout décidée.

Il y a sur quelques possessions prétendues des explications naturelles, comme dans cette anecdote : Dans une petite ville du Piémont, un abbé qui s’en revenait de la promenade étant tout à coup tombé dans la rue, la population l’environne, le porte dans une maison voisine, où tous les secours ordinaires ne peuvent le rappeler à la vie. Arrive un distillateur, qui lui remplit sans succès la bouche d’une liqueur très-spiritueuse. Quelques-uns des assistants courent donc à la paroisse la plus voisine, et reviennent avec un vicaire, qu’on prie, à tout hasard, de lui administrer les sacrements. Le jeune prêtre désire s’assurer d’abord de l’état du malade ; c’était le soir : il demande une lumière, et la porte à la bouche du patient. Un hoquet du prétendu mort en sort aussitôt, et cette vapeur s’enflamme à la chandelle ; les assistants fuient en criant que l’abbé a un démon dans le corps ; ils vont supplier le curé de venir l’exorciser. Pendant ce temps, le hoquet, auteur de l’esclandre, ayant été suivi d’une explosion d’humeurs qui étouffaient le pauvre abbé, les exorcistes, en arrivant, sont surpris de le trouver debout ; le distillateur rentre et éclaircit le prodige : ayant été forcé de quitter pour quelques instants le malade, après lui avoir rempli la bouche de son élixir, il n’avait pu expliquer que le hoquet, en repoussant au dehors la liqueur spiritueuse, avait naturellement produit la flamme dont l’assemblée avait été si vivement électrisée.

Mais ces petits faits n’atténuent pas l’incontestable véracité des possessions réelles, qui ne peuvent être repoussées que par l’Église. Voy. Grandier, Bavent, Picard, Boulé, etc.

Possédées de Flandre. L’affaire des possédées de Flandre, au dix-septième siècle, a fait trop de bruit pour que nous puissions nous dispenser d’en parler. Leur histoire a été écrite en deux volumes in-8o, par les Pères Domptius et Michaelis. Ces possédées étaient trois sorcières, qu’on exorcisa à Douai. L’une était Didyme, qui répondait en vers et en prose, en latin et en hébreu. C’était une pauvre religieuse infectée d’hérésie et convaincue des mauvaises mœurs qui sont les compagnes de l’apostasie. La seconde était une fille, appelée Simone Dourlet, qui ne répugnait pas à passer pour sorcière. La troisième était Marie de Sains, qui allait au sabbat et prophétisait par l’esprit de Satan… La presse du temps a publié un factum curieux, intitulé les Confessions de Didyme, sorcière pénitente, avec les choses qu’elle a déposées touchant la synagogue de Satan. Plus, les instances que cette complice (qui depuis est rechutée) a faites pour rendre nulles ses premières confessions : véritable récit de tout ce qui s’est passé en cette affaire ; Paris, 1623. On voit dans cette pièce que « Didyme n’était pas en réputation de sainteté, mais suspecte au contraire, à cause de ses mœurs fâcheuses ». On la reconnut possédée et sorcière ; on découvrit, le 29 mars 1617, qu’elle avait sur le dos une marque faite par le diable. Elle confessa avoir été à la synagogue (c’est ainsi qu’elle nommait le sabbat), y avoir eu commerce avec le diable et y avoir reçu ses marques. Elle s’accusa d’avoir fait des maléfices, d’avoir reçu du diable des poudres pour nuire, de les avoir employées avec certaine formule de paroles terribles. Elle avait, disait-elle, un démon familier de l’ordre de Belzébuth. Elle dit encore qu’elle avait entrepris d’ôter la dévotion à sa communauté pour la perdre ; que, pour elle, elle avait mieux aimé le diable que son Dieu. Elle avait renoncé à Dieu ; se livrant corps et âme au démon ; ce qu’elle avait confirmé en donnant au diable quatre épingles : convention qu’elle avait signée de son sang, tiré de sa veine avec une petite lancette que le diable lui avait fournie. Elle se confessa encore de plusieurs abominations, et dit qu’elle avait entendu parler au sabbat d’un certain grand miracle par lequel Dieu exterminera la synagogue ; et alors ce sera fait de Belzébuth, qui sera plus puni que les autres. Elle parla de grands combats que lui livraient le diable et la princesse des enfers pour empêcher sa confession. Puis elle désavoua tout ce qu’elle avait confessé, s’écriant que le diable la perdait. Était-ce folie ? dans tous les cas cette folie était affreuse. Marie de Sains disait de son côté qu’elle s’était aussi donnée au diable, qu’elle avait assisté au sabbat, qu’elle y avait adoré le diable, une chandelle noire à la main. Elle prétendit que l’Antéchrist était venu, et elle expliquait l’Apocalypse. Simone Dourlet avait aussi fréquenté le sabbat. Mais comme elle témoignait du repentir, on la mit en liberté, car elle était arrêtée comme sorcière. Un jeune homme de Valenciennes, de ces jeunes gens dont la race n’est pas perdue, pour qui le scandale est un attrait, s’éprit alors de Simone Dourlet et voulut l’épouser. L’ex-sorcière y consentit. Mais le comte d’Estaires la fit remettre en prison, où elle fut retenue longtemps avec Marie de Sains. Didyme fut brûlée. Voy. Sabbat.

Postel (Guillaume), visionnaire du seizième siècle, né au diocèse d’Avranches. Il fut si précoce, qu’à l’âge de quatorze ans on le fit maître d’école. Il ne devint absurde que dans l’âge mûr. On dit qu’une lecture trop approfondie des ouvrages des rabbins et la vivacité de son imagination le précipitèrent dans des écarts qui semèrent sa vie de troubles, et lui causèrent de cuisants chagrins. Il crut qu’il était appelé de Dieu à réunir tous les hommes sous une même loi, * par la parole ou par le glaive, voulant toutefois les soumettre à l’autorité du Pape et du roi de France, à qui la monarchie universelle appartenait de droit, comme descendant en ligne directe du fils aîné de Noé. S’étant donc fait nommer aumônier de l’hôpital de Venise, il se lia avec une femme timbrée, connue sous le nom de mère Jeanne, dont les visions achevèrent de lui tourner la tête. Postel se prétendit capable d’instruire et de convertir le monde entier. À la nouvelle des rêveries qu’il débitait, il fut dénoncé comme hérétique ; mais on le mit hors de cause en considérant qu’il était fou. Après avoir parcouru l’Orient et fait paraître plusieurs ouvrages dans lesquels il parle des visions de la mère


Jeanne, il rentra dans de meilleurs sentiments, se retira au prieuré de Saint-Martin des Champs, à Paris, et y mourut en chrétien à quatre-vingt-seize ans, le 6 septembre 1581. On lui attribue à tort le livre des Trois Imposteurs. Voy. Jeanne.

Pot à beurre. Un certain exorciste avait enfermé plusieurs démons dans un pot à beurre ; après sa mort, comme les démons faisaient du bruit dans le pot, les héritiers le cassèrent, persuadés qu’ils allaient y surprendre quelque trésor ; mais ils n’y trouvèrent que le diable assez mal logé. Il s’envola avec ses compagnons et laissa le pot vide[48]. Conte populaire.

Pou d’argent. C’est la décoration que le diable donne aux sorciers.

Poudot, savetier de Toulouse, dans la maison duquel le diable se cacha en 1557. Le malin jetait des pierres qu’il tenait enfermées dans un coffre que l’on trouva fermé à clef, et que l’on enfonça ; mais, malgré qu’on le vidât, il se remplissait toujours. Cette circonstance fit beaucoup de bruit dans la ville, et le président de la cour de justice, M. Latomy, vint voir cette merveille. Le diable fit sauter son bonnet d’un coup de pierre, au moment où il entrait dans la chambre au coffre ; il s’enfuit effrayé, et on ne délogea qu’avec peine cet esprit malin, qui faisait des tours de physique amusante[49].

Poudres. Les sorciers composaient pour leurs maléfices des poudres qui, comme leurs onguents, étaient des poisons.

Poule noire. C’est en sacrifiant une poule noire à minuit, dans un carrefour isolé, qu’on engage le diable à venir faire pacte. Il faut prononcer une conjuration, ne se point retourner, faire un trou en terre, y répandre le sang de la

poule et l’y enterrer. Le même jour, et plus ordinairement neuf jours après, le diable vient et donne de l’argent ; ou bien il fait présent à celui qui a sacrifié d’une autre poule noire qui est une poule aux œufs d’or. Les doctes croient que ces sortes de poules, données par le diable, sont de vrais démons. Le juif Samuel Bernard, banquier de la cour de France, mort à quatre-vingt-dix ans en 1739, et dont on voyait la maison à la place des Victoires, à Paris, avait, disait-on, une poule noire qu’il soignait extrêmement ; il mourut peu de jours après sa poule, laissant trente-trois millions. La superstition de la poule noire est encore très-répandue. On dit en Bretagne qu’on vend la poule noire au diable, qui l’achète à minuit, et paye le prix qu’on lui en demande[50]. Il y a un mauvais et sot petit livre dont voici le titre : « La Poule Noire, ou la poule aux œufs d’or, avec la science des talismans et des anneaux magiques, l’art de la nécromancie et de la cabale, pour conjurer les esprits infernaux, les sylphes, les ondins, les gnomes, acquérir la connaissance des sciences secrètes, découvrir les trésors et obtenir le pouvoir de commander à tous les êtres et déjouer tous les maléfices et sortilèges, etc. » En Égypte, 740, 1 vol. in-18. — Ce n’est qu’un fatras niais et incompréhensible.

Poulets. Voy. Augures.

Poulpiquets. Voy. Boléguéans.

Poupart. Voy. Apparitions.

Pourang, nom du premier homme, selon les Japonais, lequel sortit d’une citrouille échauffée par l’haleine d’un bœuf, après qu’il eut cassé l’œuf d’où le monde était issu.

Pou-Sha, dieu de la porcelaine chez les Chinois. Des ouvriers, dit-on, ne pouvant exécuter un dessin donné par un empereur, l’un d’eux, nommé Pou-Sha, dans un moment de désespoir, s’élança dans le fourneau tout ardent. Il fut à l’instant consumé, et la porcelaine prit la forme que souhaitait le prince. Ce malheureux acquit à ce prix l’honneur de présider, en qualité de dieu, aux ouvrages de porcelaine.

Poussière. Un nuage de poussière soulevé par le vent est toujours supposé, par les basses classes du peuple irlandais, être occasionné par la marche d’une troupe de fées changeant de domicile, et l’on observe scrupuleusement envers ces cavalières invisibles les mêmes politesses que si la poussière était causée par une société de personnes les plus considérables du pays. En Écosse, le bruit des brides retentissant dans les airs accompagne toujours le tourbillon qui marque la marche des fées.

Powel, chief-justice anglais, en 1711. On lui amena un charlatan accusé de relations avec le diable. Le misérable avoua que l’accusation était vraie, et il confessa que le diable s’était montré à lui sous diverses formes. Powel ne vit là qu’un homme, ou imposteur par nécessité, ou affligé d’hallucinations, ou fou ; et comme les jurés, qui voyaient partout des sorciers, voulaient le condamner au feu, il leur demanda s’ils le déclaraient coupable sur le chef d’accusation portant qu’il était entré en communication avec le diable, sous la forme d’un chat. Le chef du jury répondit : « Oui, il est coupable sur ce chef. » Le magistrat s’appuya de cette stupidité pour obtenir la grâce du malheureux.

Pra-Ariaseria, personnage fameux qui vivait dans le royaume de Siam du temps de Sommona-Godom. Les Siamois en font un colosse de quarante brasses et demie de circonférence, et de trois brasses et demie de diamètre, ce qui paraît peu compréhensible. Il est vrai que nous ne savons pas quelle était sa forme.

Préadamites. En 1655, Isaac de la Perreyre fit imprimer, en Hollande, un livre dans lequel il voulait établir qu’il y a eu des hommes avant Adam. Quoiqu’il n’eût pour appui que les fables des Égyptiens et des Chaldéens, ce paradoxe eut un moment des sectateurs, comme en ont toutes les absurdités. Desmarais, qui professait à Groningue, le combattit, et plus tard l’auteur même se rétracta.

Précy. Voy. Rambouillet.

Prédictions. D’habiles astrologues avaient assuré à Pompée, à César et à Grassus qu’ils mourraient chez eux comblés de gloire, de biens et d’années, et tous trois périrent misérablement. Charles-Quint, François I er et Henri VIII, tous trois contemporains, furent menacés de mort violente, et leur mort ne fut que naturelle. Le Grand Seigneur Osman voulant déclarer la guerre à la Pologne en 1621, malgré les remontrances de ses ministres, un santon aborda ce sultan et lui dit :

« Dieu m’a révélé la nuit dernière, dans une vision, que si Ta Hautesse va plus loin, elle est en danger de perdre son empire ; ton épée ne peut cette année faire de mal à qui que ce soit. » « Voyons, dit Osman, si la prédiction est certaine. » Et donnant son cimeterre à un janissaire, il lui commanda de couper la tête à ce prétendu prophète, ce qui fut exécuté sur-le-champ. Cependant Osman réussit mal dans son entreprise contre la Pologne, et perdit, peu de temps après, la vie avec l’empire.

On cite encore le fait suivant, comme exemple de prédiction accomplie : Un ancien coureur, nommé Languille, s’était retiré sur ses vieux jours à Aubagne, près de Marseille. Il se prit de querelle avec le bedeau de la paroisse, qui était en même temps fossoyeur ; cette dispute avait produit une haine si vive, que Languille avait signifié au bedeau qu’il ne mourrait jamais que par lui ; de sorte que le pauvre bedeau, effrayé, l’évitait comme un ennemi formidable. Peu de temps après, Languille mourut, âgé de soixante-quinze ans. Il logeait dans une espèce de chambre haute, où l’on montait par un escalier étroit et très-roide. Quand il fut question de l’enterrer, le bedeau, bien joyeux, alla le chercher et chargea sur ses épaules la bière dans laquelle était le corps de Languille, qui était devenu assez gros. Mais, en le descendant d’un air triomphal, il fit un faux pas, glissa en avant ; la bière, tombant sur lui, l’écrasa. Ainsi s’accomplit la menace de Languille, autrement sans doute qu’il ne l’avait entendu.

On avait prédit à un duc de Choiseul qu’il périrait dans une sédition. On a prétendu que cette prédiction s’était accomplie, quoique le duc soit mort de maladie, parce qu’il expira dans le moment où douze médecins, rassemblés pour une consultation à son sujet, se battaient à propos des moyens divers proposés pour le guérir.

Alvaro de Luna, favori de Jean II, roi de Castille, fut mis à mort pour avoir gouverné l’État en despote. Après avoir consulté un astrologue sur sa destinée, il lui avait été répondu qu’il eût à se garder de Cadahalso. Il crut que c’était d’un village près de Tolède, qui portait ce nom ; il s’abstint d’y aller. Mais ayant été condamné à perdre la tête sur un échafaud, que les Espagnols appellent aussi cadahalso, on dit qu’il s’était trompé sur le sens du mot.

En 1382, un astrologue anglais fit crier par la ville de Londres que la veille de l’Ascension personne ne sortît de sa maison sans avoir dit cinq fois le Pater noster, et sans avoir déjeuné, à cause du brouillard pestilentiel qui arriverait ce jour-là ; parce que ceux qui ne le feraient pas mourraient infailliblement. Plusieurs, se fiant à cette prédiction, firent ce que l’astrologue avait prescrit ; mais, comme on reconnut après qu’il avait trompé le peuple, on le mit sur un cheval à reculons, tenant la queue en place de bride, avec deux marmites au cou, et on le promena ainsi par toute la ville.

Wecker, dans les Secrets merveilleux, donne ce procédé comme infaillible pour prédire l’avenir :

Qu’on brûle de la graine de lin, des racines de persil et de violette ; qu’on se mette dans cette fumée, on prédira les choses futures. Voy. Astrologie, Prophéties, Bohémiens, etc.

Préjugé. Manière banale, absurde ou irréfléchie d’apprécier les choses. Les sujets du Grand Mogol sont dans l’usage de peser leur prince tous les ans, et c’est toujours en raison de ce qu’il pèse qu’ils l’estiment valoir plus ou moins.

Prélati, charlatan de magie. Voy. Raiz.

Présages. Cette faiblesse, qui consiste à regarder comme des indices de l’avenir les événements les plus simples et les plus naturels, est l’une des branches les plus considérables de la superstition. Il est à remarquer qu’on distinguait autrefois les présages des augures, en ce que ceux-ci s’entendaient des augures recherchés ou interprétés selon les règles de l’art augurai, et que les présages qui s’offraient fortuitement étaient interprétés par chaque particulier d’une manière plus vague et plus arbitraire. De nos jours on regarde comme d’un très-mauvais augure de déchirer trois fois ses manchettes, de trouver sur une table des couteaux en croix, d’y voir des salières renversées, etc. Quand nous rencontrons en chemin quelqu’un qui nous demande où nous allons, il faut, selon les enseignements superstitieux, retourner sur nos pas, de peur que mal ne nous arrive. Si une personne à jeun raconte un mauvais songe à une personne qui ait déjeuné, le songe sera funeste à la première. Il sera funeste à la seconde, si elle est à jeun, et que la première ait déjeuné. Il sera funeste à toutes les deux, si toutes les deux sont à jeun. Il serait sans conséquence si toutes les deux avait l’estomac garni… Malheureux généralement qui rencontre le matin, ou un lièvre, ou un serpent, ou un lézard, ou un cerf, ou un chevreuil, ou un sanglier ! Heureux qui rencontre un loup, une cigale, une chèvre, un crapaud ! Voy. Araignée, Chasse, Pie, Hibou, etc., etc., etc. Cécilia, femme de Métellus, consultait les dieux sur l’établissement de sa nièce, qui était nubile. Cette jeune fille, lasse de se tenir debout devant l’autel sans recevoir de réponse, pria sa tante de lui prêter la moitié de son siège. « De bon cœur, lui dit Cécilia, je vous cède ma place tout entière. » Sa bonté lui inspira ces mots, qui furent pourtant, dit Valère-Maxime, un présage de ce qui devait arriver ; car Cécilia mourut quelque temps après, et Métellus épousa sa nièce. Lorsque Paul-Émile faisait la guère au roi Persée, il lui arriva quelque chose de remarquable. Un jour, rentrant à sa maison, il embrassa, selon sa coutume, la plus jeune de ses filles, nommée Tertia, et la voyant plus triste qu’à l’ordinaire, il lui demanda le sujet de son chagrin. Cette petite fille lui répondit que Persée était mort (un petit chien que l’enfant nommait ainsi venait de mourir). Paul saisit le présage ; et en effet, peu de temps après, il vainquit le roi Persée, et entra triomphant dans Rome[51].

Un peu avant l’invasion des Espagnols au Mexique, on prit au lac de Mexico un oiseau de la forme d’une grue, qu’on porta à l’empereur Montézuma, comme une chose prodigieuse » Cet oiseau, dit le conte, avait au haut de la tête une espèce de miroir où Montézuma vit les cieux parsemés d’étoiles, de quoi il s’étonna grandement. Puis, levant les yeux au ciel, et n’y voyant plus d’étoiles, il regarda une seconde fois dans le miroir, et aperçut un peuple qui venait de l’Orient, armé, combattant et tuant. Ses devins étant venus pour lui expliquer ce présage, l’oiseau disparut, les laissant en grand trouble. « C’était, à mon avis, dit Delancre, son mauvais démon qui venait lui annoncer sa fin, laquelle lui arriva bientôt. » Dans le royaume de Loango, en Afrique, on regarde comme le présage le plus funeste pour le roi que quelqu’un le voie boire et manger : ainsi il est absolument seul et sans domestiques quand il prend ses repas. Les voyageurs, en parlant de cette superstition, rapportent un trait barbare d’un roi de Loango : Un de ses fils, âgé de huit ou neuf ans, étant entré imprudemment dans la salle où il mangeait, et dans le moment qu’il buvait, il se leva de table, appela le grand prêtre, qui saisit cet enfant, le fit égorger, et frotta de son sang les bras du père, pour détourner les malheurs dont ce présage semblait le menacer. Un autre roi de Loango fit assommer un chien qu’il aimait beaucoup, et qui, l’ayant un jour suivi, avait assisté à son dîner<ref>Saint-Foix, Essais historiques.<ref>.

Les hurlements des bêtes sauvages, les cris des cerfs et des singes sont des présages sinistres pour les Siamois. S’ils rencontrent un serpent qui leur barre le chemin, c’est pour eux une raison suffisante de s’en retourner sur leurs pas, persuadés que l’affaire pour laquelle ils sont sortis ne peut pas réussir. La chute de quelque meuble que le hasard renverse est aussi d’un très-mauvais augure. Que le tonnerre vienne à tomber, par un effet naturel et commun, voilà de quoi gâter la meilleure affaire. Plusieurs poussent encore plus loin la superstition et l’extravagance : dans une circonstance critique et embarrassante, ils prendront pour règle de leur conduite les premières paroles qui échapperont au hasard à un passant, et qu’ils interpréteront à leur manière. Dans le royaume de Bénin, en Afrique, on regarde comme un augure très-favorable qu’une femme accouche de deux enfants jumeaux : le roi ne manque pas d’être aussitôt informé de cette importante nouvelle, et l’on célèbre par des concerts et des festins un événement si heureux. Le même présage est regardé comme très-sinistre dans le village d’Arebo, quoiqu’il soit situé dans le même royaume de Bénin.

Un serpent s’était entortillé autour d’une clef à la porte d’une maison, et les devins annonçaient que c’était un présage. « Je ne le crois pas, dit un philosophe, mais c’en pourrait bien être un si la clef s’était entortillée autour du serpent. »

Prescience, connaissance certaine et infaillible de l’avenir. Elle n’appartient qu’à Dieu. Rappelons-nous ici la maxime d’Hervey : « Mortel, qui que tu sois, examine et pèse tant que tu voudras ; nul sur la terre ne sait quelle fin l’attend. »

Préservatifs. Voy. Amulettes, Cornes, Phylactères, Troupeaux, etc.

Pressentiment. Suétone assure que Calpurnie fut tourmentée de noirs pressentiments peu d’heures avant la mort de César. Mais que sont les pressentiments ? Est-ce une voix secrète et intérieure ? Est-ce une inspiration céleste ? Est-ce la présence d’un génie invisible qui veille sur nos destinées ? Les anciens avaient fait du pressentiment une sorte de religion, et de nos jours on y ajoute foi. M. C. de R…, après s’être beaucoup amusé au bal de l’Opéra, mourut d’un coup de sang en rentrant chez lui. Madame de V…, sa sœur, qui l’avait quitté assez tard, fut tourmentée toute la nuit de songes affreux qui lui représentaient son frère dans un grand danger, l’appelant à son secours. Souvent réveillée en sursaut, et dans des agitations continuelles, quoiqu’elle sût que son frère était au bal de l’Opéra, elle n’eut rien de plus pressé, dès que le jour parut, que de demander sa voiture et de courir chez lui. Elle arriva au moment où le suisse avait reçu ordre de ne laisser entrer personne et de dire que M. C. de R… avait besoin de repos. Elle s’en retourna consolée et riant de sa frayeur. Ce ne fut que dans l’après-midi qu’elle apprit que ses noirs pressentiments ne l’avaient point trompée. Voy. Songes.

On lisait dans le journal la Patrie, en septembre 1857 :

« M. de S…, neveu de la comtesse K…, habite l’Angleterre. Un soir, il rentre chez lui, l’esprit fort tranquille. A peine a-t-il allumé sa bougie qu’il entend un bruit étrange. Il se détourne, et voit sur sa table une main qui trace rapidement quelques lettres sur le papier et disparaît. Il s’approche et lit : Godefroy. C’est le nom d’un de ses amis qui voyageait alors dans l’Amérique du Nord.

» M. de S… a pris note précise du jour et de l’heure de cette apparition ; quelque temps après, il a su officiellement que ce même jour, à la même heure, son ami était mort au Canada. L’impression que cet événement a produite sur lui a été si vive, qu’il vient de renoncer au monde et d’entrer aux oratoriens de Londres. »

Pressine. Voy. Mélusine.

Prestantius. Voy. Extases.

Prestiges. « Il y a eu de nos jours, dit Gaspard Peucer, en ses commentaires De divinatione, une vierge bateleuse à Bologne, laquelle, pour l’excellence de son art, était fort renommée par toute l’Italie ; néanmoins elle ne sut, avec toute sa science, si bien prolonger sa vie, qu’enfin, surprise de maladie, elle ne mourût. Quelque autre magicien, qui l’avait toujours accompagnée, sachant le profit qu’elle retirait de son art pendant sa vie, lui mit, par le secours des esprits, quelque charme ou poison sous les aisselles : de sorte qu’il semblait qu’elle eût vie ; et elle commença à se retrouver aux assemblées, jouant de la guitare, chantant, sautant et dansant, comme


elle avait accoutumé : de sorte qu’elle ne différait d’une personne vivante que par la couleur, qui était excessivement pâle. Peu de jours après, il se trouva à Bologne un autre magicien, lequel, averti de l’excellence de l’art de cette fille, la voulut voir jouer comme les autres. Mais à peine l’eut-il vue, qu’il s’écria : Que faites-vous ici, messieurs ? celle que vous voyez devant vos yeux, qui fait de si jolis soubresauts, n’est autre qu’une charogne morte. Et à l’instant elle tomba morte à terre : au moyen de quoi le prestige et l’enchanteur furent découverts. »

Une jeune femme de la ville de Laon vit le diable sous la forme de son grand-père, puis sous celles d’une bête velue, d’un chat, d’un escarbot, d’une guêpe et d’une jeune fille[52]. Ce sont plutôt des hallucinations que des prestiges. Voy. Apparitions, Enchantements, Sicidites, Métamorphoses, Charmes, etc.

Prêtres noirs. C’est le nom que donnent les sorciers aux prêtres du sabbat.

Prières superstitieuses. Nous empruntons à l’abbé Thiers et à quelques autres ces petits chefs-d’œuvre de niaiserie ou de naïveté.

Pour le mal de dents : Sainte Apolline, qui êtes assise sur la pierre ; sainte Apolline, que faitesvous là ? — Je suis venue ici pour le mal de dents. Si c’est un ver, ça s’ôtera ; si c’est une goutte, ça s’en ira.

Contre le tonnerre : Sainte Barbe, sainte Fleur, la vraie croix de Notre-Seigneur. Partout où cette oraison se dira, jamais le tonnerre ne tombera.

Pour toutes les blessures : Dieu me bénisse et me guérisse, moi pauvre créature, de toute espèce de blessure, quelle qu’elle soit, en l’honneur de Dieu et de la Vierge Marie, et de MM. saint Cosme et saint Damien. Amen.

Pour les maladies des yeux : M. saint Jean, passant par ici, trouva trois vierges en son chemin. Il leur dit : Vierges, que faites-vous ici ? Nous guérissons de la maille. — Oh ! guérissez, vierges, guérissez cet œil.

Pour arrêter le sang du nez : Jésus-Christ est né en Bethléem et a souffert en Jérusalem. Son sang s’est troublé ; je le dis et te commande, sang, que tu t’arrêtes par la puissance de Dieu, par l’aide de saint Fiacre et de tous les saints, tout ainsi que le Jourdain, dans lequel saint JeanBaptiste baptisa Notre-Seigneur, s’est arrêté. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Contre la brûlure : Feu de Dieu, perds ta chaleur, comme Judas perdit sa couleur, quand il vendit Notre-Seigneur au jardin des Olives. Voyez Point de côté, Oraison du loup, Gardes, Barbe-à-Dieu, etc.

Prierio (Sylvestre Mozzolino de), savant dominicain, a publié un livre curieux sur les faits étranges des sorcières et des démons :De strigimagarum denionumque prestigiis. Rome, 1521 ; in-4o.

Prisier, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Prodiges, événements surprenants dont on ignore la cause, et que l’on est tenté de regarder comme surnaturels. C’est la définition de Bergier. Sous le consulat de Volumnius, on entendit parler un bœuf. Il tomba du ciel, en forme de pluie, des morceaux de chair, que les oiseaux dévorèrent en grande partie ; le reste fut quelques jours sur la terre sans rendre de mauvaise odeur. Dans d’autres temps, on rapporta des événements aussi extraordinaires, qui ont néanmoins trouvé créance parmi les hommes. Un enfant de six mois cria victoire dans un marché de bœufs. Il plut des pierres à Picenna. Dans les Gaules, un loup s’approcha d’une sentinelle, lui tira l’épée du fourreau et l’emporta. Il parut en Sicile une sueur de sang sur deux boucliers, et, pendant la seconde guerre punique, un taureau dit, en présence de Cnéus Domitius : Rome, prends garde à


toi[53] ! Dans la ville de Galéna, sous le consulat de Lépide, on entendit parler un coq d’Inde, qui ne s’appelait pas alors un coq d’Inde ; car c’était une pintade. Voilà des prodiges.

Delancre parle d’une sorcière qui, de son temps, sauta du haut d’une montagne sur un rocher éloigné de deux lieues. Quel saut !… Un homme ayant bu du lait, Schenck dit qu’il vomit deux petits chiens blancs aveugles. Vers la fin du mois d’août 1682, on montrait à Charenton une fille qui vomissait des chenilles, des limaçons, des araignées et beaucoup d’autres insectes. Les docteurs de Paris étaient émerveillés. Le fait semblait constant. Ce n’était pas en secret : c’était devant des assemblées nombreuses que ces singuliers vomissements avaient lieu. Déjà on préparait de toutes parts des dissertations pour expliquer ce phénomène, lorsque le lieutenant criminel entreprit de s’immiscer dans l’affaire. Il interrogea la maléficiée, lui fit peur du fouet et du carcan, et elle avoua que depuis sept ou huit mois elle s’était accoutumée à avaler des chenilles, des araignées et des insectes ; qu’elle désirait depuis longtemps avaler des crapauds, mais qu’elle n’avait pu s’en procurer d’assez petits[54]. On a pu lire, il y a vingt ans, un fait pareil rapporté dans les journaux : une femme vomissait des grenouilles et des crapauds ; un médecin peu crédule, appelé pour vérifier le fait, pressa de questions la malade et parvint à lui faire avouer qu’elle avait eu recours à cette jonglerie pour gagner un peu d’argent[55].

« Il y a, dit Chevreau, des choses historiques et qui ne sont presque pas vraisemblables. Il plut du sang sous l’empereur Louis II ; de la laine sous l’empereur Jovinien ; des poissons, dont on ne put approcher pour leur puanteur, sous Othon III ; et Valère-Maxime, dans le chapitre des Prodiges, de son premier livre, a parlé d’une pluie de pierres et d’une autre de pièces sanglantes de chair, qui furent mangées par les oiseaux. Louis, fils de Ladislas, roi de Hongrie et de Bohême, pour être venu avant terme, naquit sans peau, et les médecins trouvèrent moyen de lui en faire une, Une femme, dans le Péloponnèse, comme le dit Pline, eut en quatre couches vingt enfants, cinq à la fois, dont la plupart vécurent ; et selon Trogus, une autre, en Égypte, eut sept enfants d’une même couche. Saint Augustin, dans le chapitre xxiii du livre XIV de la Cité de Dieu, dit qu’il a vu un homme qui suait quand il voulait, sans faire aucun exercice violent, et qu’il y prenait un fort grand plaisir. Le bras d’un des capitaines de Brutus sua de l’huile rosat en telle abondance, que toute la peine qu’on se donna pour l’essuyer et pour le sécher fut inutile. Démophon, maître d’hôtel d’Alexandre, s’échauffait à l’ombre et se rafraîchissait au soleil.Il s’est trouvé une Athénienne qui a vécu de ciguë jusqu’à la vieillesse ; et un certain Mahomet, roi de Cambaye, s’accoutuma si bien aux viandes empoisonnées, dans la peur qu’il eut de périr par le poison, qu’il n’en eut plus d’autres dans ses repas. Il devint si venimeux qu’une mouche qui le louchait tombait morte dans le même instant ; il tuait de son haleine ceux qui passaient une heure avec lui. Pyrrhus, roi d’Épire, comme le disent Pline et Plutarque, guérissait avec le pouce de son pied droit tous les maux de rate, et, selon d’autres, tous les ulcères qui s’étaient formés dans la bouche ; mais ce qui n’est pas moins étonnant, c’est que, le corps de Pyrrhus étant brûlé et réduit en cendre, on trouva tout entier le même pouce, qui fut porté en cérémonie dans un temple, et là enchâssé comme une relique. C’en est assez pour justifier qu’il y a des choses historiques qui ne sont presque jamais vraisemblables[56].

Prométhée. Atlas et Prométhée, tous deux grands astrologues, vivaient du temps de Joseph. Quand Jupiter délivra Prométhée de l’aigle ou du vautour qui devait lui dévorer les entrailles pendant trente mille ans, le dieu, qui avait juré de ne le point détacher du Caucase, ne voulut pas fausser son serment, et lui ordonna de porter à son doigt un anneau où serait enchâssé un fragment de ce rocher. C’est là, selon Pline, l’origine des bagues enchantées.

Pronostics populaires. Quand les chênes portent beaucoup de glands, ils pronostiquent un hiver long et rigoureux. Tel vendredi, tel dimanche. Le peuple croit qu’un vendredi pluvieux ne peut être suivi d’un dimanche serein. Racine a dit au contraire :

            Ma foi, sur l’avenir bien fou qui se fiera :
            Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.

Si la huppe chante avant que les vignes germent, c’est un signe d’abondance de vin :

            De saint Paul la claire journée
            Nous dénote une bonne année.
            Si l’on voit épais les brouillards,
            Mortalité de toutes parts.
            S’il fait vent, nous aurons la guerre ;
            S’il neige ou pleut, cherté sur terre ;
            Si beaucoup d’eau tombe en ce mois,
            Lors peu de vin croître tu vois.

Des étoiles en plein jour pronostiquent des incendies et des guerres. Sous le règne de Constance, il y eut un jour de ténèbres pendant lequel on vit les étoiles ; le soleil à son lever était aussi pâle que la lune : ce qui présageait la famine et la peste.

            Du jour de saint Médard, en juin,
            Le laboureur se donne soin ;

</noinclude>
           Car les anciens disent : S’il pleut,
           Quarante jours pleuvoir il peut. 
           Et s’il fait beau, sois tout certain 
           D’avoir abondamment de grain. 

</poem>

On lit dans les Mélanges tirés d’une grande bibliothèque que, les habitants de Salency ayant, dans un temps de sécheresse, invoqué particulièrement saint Médard, évêque de Noyon, pour obtenir de la pluie, il arriva qu’en effet cette sécheresse fut suivie d’une pluie de quarante jours. C’est là, dit-on, l’origine du pronostic attribué à saint Médard. On dit encore que :

            S’il pleut le jour de saint Gervais,
            Il pleuvra quinze jours après.

Les tonnerres du soir amènent un orage ; les tonnerres du matin promettent des vents ; ceux qu’on entend vers midi annoncent la pluie. Les pluies de pierres pronostiquent des charges et des surcroîts d’impôts.

            Quiconque en août dormira
            Sur midi s’en repentira.
            Bref, en tout temps je te prédi
            Qu’il ne faut dormir à midi.

Trois soleils pronostiquent un triumvirat. On vit trois soleils, dit Cardan, après la mort de Jules César ; la même chose eut lieu un peu avant le règne de François Ier, Charles-Quint et Henri VIII.

Si le soleil luit avant la messe le jour de la Chandeleur, c’est un signe que l’hiver sera encore bien long. — Qui se couche avec les chiens se lève avec les puces.

Les paysans ont mille signes que nous n’avons pas pour prévoir le beau ou le mauvais temps ; leurs baromètres naturels sont souvent plus infaillibles que les nôtres ; leurs signes, en effet, sont fondés sur une constante observation. Newton, se promenant à la campagne avec un livre à la main, passa devant un pâtre, à qui il entendit marmotter ; — Ce gentleman ne lira pas tout le long de sa promenade, ou bien son livre sera mouillé ; et le philosophe ne tarda pas à voir tomber La pluie. Il repasse et demande au pâtre : — À quoi, mon ami, avez-vous donc jugé qu’il allait pleuvoir ? C’est, répondit-il, que mes vaches fourraient leurs museaux dans les haies[57].

Prophètes. Les Turcs reconnaissent plus de cent quarante mille prophètes ; les seuls que nous

Un groupe des cent quarante mille prophètes turcs


devions révérer comme vrais prophètes sont ceux des saintes Écritures. Toutes les fausses religions en ont eu de faux comme elles.

Voici quelques mots sur un prophète moderne, comme il s’en voit encore. Le lord juge Holt avait envoyé en prison un soi-disant prophète qui se donnait à Londres les airs de passer pour un envoyé du ciel. Un particulier, partisan de cet inspiré, se rendit chez milord et demanda à lui parler. On lui dit qu’il ne pouvait pas entrer, parce que milord était malade. — Dites à milord que je viens de la part de Dieu, répliqua le visiteur. Le domestique se rendit auprès de son maître, qui lui donna ordre de faire entrer. — Qu’y a-t-il pour votre service ? lui demanda le juge. — Je viens, lui dit l’aventurier, de la part du Seigneur, qui m’a envoyé vers toi pour t’ordonner de mettre en liberté John Atkins, son fidèle serviteur, que tu as fait mettre en prison. — Vous êtes un faux prophète et un insigne menteur, lui répondit le juge, car si le Seigneur vous avait chargé de cette mission, il vous aurait adressé au procureur général. Il sait qu’il n’est pas en mon pouvoir d’ordonner l’élargissement d’un prisonnier ; mais je puis lancer un décret de prise de corps contre vous, pour que vous lui teniez compagnie, et c’est ce que je vais faire.

La rébellion contre l’Église connue sous le nom de la réforme a eu ses prophètes, dont les plus célèbres sont Astier, Isabeau et Jurieu, qui a prophétisé si bien à rebours. Voyez les Prophètes du Dauphiné, dans les Légendes infernales.

Comme le diable cherche toujours à singer Dieu, il a donc aussi ses prophètes. Mais ils sont menteurs. Tous les oracles des faux dieux passaient pour prophéties. Mais sur cent de ces oracles, quatre-vingt-dix-neuf n’étaient que des énigmes qu’il fallait deviner. Voy. Psellus.

Propreté. Saint Bernard met la propreté au nombre des vertus ; car Dieu aime ce qui est pur. Les démons, naturellement opposés, font de la propreté un vice dans leurs adeptes, qui sont obligés de l’éviter.

Proserpine, épouse de Pluton selon les païens, et reine de l’empire infernal. Selon les démonomanes, Proserpine est archiduchesse et souveraine princesse des esprits malins. Son nom vient de proserpere, ramper, serpenter ; les interprètes voient en elle le serpent funeste.

Prostrophies, esprits malfaisants qu’il fallait supplier avec ferveur, chez les anciens, pour éviter leur colère.

Proudhon, écrivain contemporain qui a eu la stupide grossièreté d’écrire que Dieu est le diable, et de s’offrir pour gouverner mieux que lui les choses de ce monde. C’est cet ennemi de Dieu qui a établi que la propriété est le vol. Le diable a dû bien rire.


Pruflas

Pruflas ou Busas, grand prince et grand-duc de l’empire infernal. Il régna dans Babylone ; et là il avait la tête d’un hibou. Il excite les discordes, allume les guerres, les querelles et réduit les gens à la mendicité ; il répond avec profusion à tout ce qu’on lui demande ; il a vingt-six légions sous ses ordres[58].

Psellus (Michel), auteur du livre De operatione dœmonum. Paris, 1623 ; in-8o. Il a été traduit en français par Gaulmin. Il est fort curieux. On y voit que les démons promettaient à ceux qu’ils pouvaient enrôler sous leurs bannières des honneurs, de l’or et des richesses ; mais qu’ils n’accomplissaient pas leurs promesses ; qu’ils trompaient habituellement leurs initiés par une certaine fantasmagorie et par des apparitions lumineuses qu’ils appelaient théopsies ou visions divines ; mais que les amateurs ne pouvaient y arriver qu’après avoir commis des actions abominables. Psellus parle aussi d’excréments humains, solides et fluides, que les sorciers devaient goûter pour se rendre les démons favorables. Il raconte une aventure qui lui fut personnelle et que nous empruntons à la traduction de Görres par M. de Sainte-Foi.

Psellus, qui était puissant à la cour de Constantinople, fit mettre en prison un sorcier


manichéen qui prophétisait. « Comme je lui demandais, dit-il, d’où il tenait le don de prophétie, il refusa d’abord de répondre. Mais, forcé de parler, il me dit qu’il avait appris son art d’un vagabond de Libye. — Celui-ci, me poursuivit-il, m’ayant mené la nuit sur une montagne, me fit goûter mani d’une certaine herbe, me cracha dans la bouche, m’oignit les yeux d’un certain onguent et me fit voir une multitude de démons, parmi lesquels j’en aperçus un qui volait vers moi sous la forme d’un corbeau ; et, entrant par ma bouche, il pénétra jusqu’au fond de mes entrailles. À partir de ce moment jusqu’aujourd’hui, j’ai pu lire dans l’avenir toutes les fois que mon démon l’a bien voulu. Il n’y a que quelques jours dans l’année où je ne puis obtenir de lui qu’il me révèle quoi que ce soit : c’est aux fêtes de la Croix, aux jours de la Passion et de la Résurrection. — Il me dit ensuite : Vous aurez beaucoup à souffrir dans votre corps ; les démons vous en veulent, parce que vous abolissez leur culte ; et ils vous ont préparé des dangers auxquels vous n’échapperez pas, si une puissance supérieure à la leur ne vous arrache de leurs mains. — Tout arriva comme il l’avait prédit, ajoute Psellus, et je serais mort au milieu des dangers de toutes sortes dont j’ai été environné, si Dieu ne m’en avait inopiné » ment délivré[59].

Psylles, peuples de Libye, dont la présence seule charmait le poison le plus subtil des serpents les plus redoutables. Ils prétendaient aussi guérir la morsure des serpents avec leur salive ou par leur simple attouchement. Hérodote prétend que les anciens Psylles périrent dans la guerre insensée qu’ils entreprirent contre le vent du midi, indignés qu’ils étaient de voir leurs sources desséchées.

Un psylle charmeur.


Psylotoxotes, peuples imaginaires de Lucien. Ils étaient montés sur des puces grosses comme des éléphants.

Psephos, sorte de divination où l’on faisait usage de petits cailloux qu’on cachait dans du sable.

Psychomancie, divination par les esprits, ou art d’évoquer les morts. Voy. Nécromancie.

Publius. Voy. Tête.

Pucel, grand et puissant duc de l’enfer. Il paraît sous la forme d’un ange obscur ; il répond sur les sciences occultes ; il apprend la géométrie et les arts libéraux ; il cause de grands bruits et fait entendre le mugissement des eaux dans les lieux où il n’y en a pas. Il commande quarante-huit légions. Il pourrait bien être le même que Pocel.

Pucelle d’Orléans. Voy. Jeanne d’Arc

Puces. L’abbé Thiers, parmi les superstitions qu’il a recueillies, rapporte celleci : qu’on peut se prémunir contre la morsure des puces en disant : Och, och.

Puck. C’était un démon familier que ce Puck, qui eut longtemps son domicile chez les dominicains de Schwerin dans le Mecklembourg. Malgré les tours qu’il jouait aux étrangers qui venaient visiter le monastère, Puck, soumis aux moines, avait l’air d’être pour eux un bon serviteur. Sous la forme d’un singe, il tournait la broche, tirait le vin, balayait la cuisine. Cependant, malgré tous ces services, le religieux à qui nous devons la Veridica relatio de dœmonio Puck ne reconnaît

en lui qu’un esprit malin. Le Puck de Schwerin recevait pour ses gages deux pots d’étain et une veste bariolée de grelots en guise de boutons.

Le moine Rusch, de la légende suédoise, et Bronzet, de l’abbaye de Montmajor, près d’Arles, sont encore Puck sous d’autres noms. On le retrouve en Angleterre sous la forme de Robin Goodfellow ou de Robin Hood (Robin des bois), le fameux bandit de la forêt de Sherwood ayant reçu ce surnom à cause de sa ressemblance avec ce diable populaire. Enfin Robin Hood est aussi le Red Cap d’Écosse et le diable saxon Hodeken, ainsi appelé de l’hoodiwen, ou petit chaperon rouge qu’il porte en Suède lorsqu’il y apparaît sous la forme du Nisse ou Nissegodreng. Puck, en Suède, se nomme Nissegodreng (ou Nisse le bon enfant), et vit en bonne intelligence avec Tomtegobbe, ou le Vieux du Grenier, qui est un diable de la même classe. On trouve Nissegodreng et Tomtegobbe dans presque toutes les fermes, complaisants et dociles si on les traite avec douceur, mais irascibles et capricieux si on les offense.

Dans le royaume voisin, en Danemark, les Pucks ont un rare talent comme musiciens. Il existe une certaine danse appelée la gigue du roi des Elfes, bien connue des ménétriers de campagne et qu’aucun d’eux n’oserait exécuter. L’air seul produit le même effet que le cor d’Obéron : à peine la première note se fait-elle entendre, vieux et jeunes sont forcés de sauter en mesure ; les tables, les chaises et les tabourets de la maison commencent à se briser, et le musicien imprudent ne peut rompre le charme qu’en jouant la même danse à rebours sans déplacer une seule note, ou bien en laissant approcher un des danseurs involontaires assez adroit pour passer derrière lui et couper toutes les cordes du violon par-dessus son épaule[60].

Punaises. Si on les boit avec de bon vinaigre, elles font sortir du corps les sangsues que l’on a avalées, sans y prendre garde, en buvant de l’eau de marais[61].

Purgatoire. Les juifs reconnaissent une sorte de purgatoire ; il dure pendant toute la première année qui suit la mort de la personne décédée. L’âme, durant ces douze mois, a la liberté de venir visiter son corps et revoir les lieux et les personnes pour lesquels elle a eu quelque affection particulière. Le jour du sabbat est pour elle un jour de relâche. Les Kalmouks croient que les Berrids, qui sont les habitants de leur purgatoire, ressemblent à des tisons ardents et souffrent surtout de la faim et de la soif. Veulent-ils boire, à l’instant ils se voient environnés de sabres, de lances, de couteaux ; à l’aspect des aliments, leur bouche se rétrécit comme un trou d’aiguille, leur gosier ne conserve que le diamètre d’un fil, et leur ventre s’élargit et se déploie sur leurs cuisses comme un paquet d’allumettes. Leur nourriture ordinaire se compose d’étincelles. Ceux qui ont dit que le purgatoire n’est séparé de l’enfer que par une grande toile d’araignée ou par des murs de papier qui en forment l’enceinte et la voûte, ont dit des choses que les vivants ne savent pas. Le purgatoire est indiqué dans saint Matthieu, chap. xn, où NotreSeigneur parle de péchés qui ne sont remis ni dans le siècle présent, ni dans le siècle futur. Or, les péchés qui peuvent être remis dans le siècle futur ne le seront ni dans le ciel, où rien de souillé ne peut entrer, ni dans l’enfer, où il n’y a plus de rémission. Donc ils seront expiés dans un lieu intermédiaire ; et ce lieu est le purgatoire.

Purrikeh, épreuve par le moyen de l’eau et du feu, en usage chez les Indiens pour découvrir les choses cachées.

Pursan ou Curson, grand roi de l’enfer. Il


apparaît sous la forme humaine, en costume du temps, avec une tête qui rappelle le lion ; il porte une couleuvre ; il est quelquefois monté sur un ours et précédé continuellement du son de la trompette. Il connaît à fond le présent, le passé, l’avenir, découvre les choses enfouies, comme les trésors. En prenant la forme d’un homme, il est aérien ; il est le père des bons esprits familiers. Vingt-deux légions reçoivent ses ordres[62].

Putéorites, secte juive dont la superstition consistait à rendre des honneurs particuliers aux puits et aux fontaines.

Pygmées, peuple fabuleux qu’on disait avoir existé en Thrace. C’étaient des hommes qui n’avaient qu’une coudée de haut ; leurs femmes accouchaient à trois ans et étaient vieilles à huit. Leurs villes et leurs maisons n’étaient bâties que de coquilles d’œufs ; à la campagne, ils se retiraient dans des trous qu’ils faisaient sous terre. Ils coupaient leurs blés avec des cognées, comme s’il eût été question d’abattre une forêt. Une armée de ces petits hommes attaqua Hercule, qui s’était endormi après la défaite du géant Antée, et prit pour le vaincre les mêmes précautions qu’on prendrait pour former un siège. Les deux ailes de cette petite armée fondent sur la main droite du héros, et, pendant que le corps de bataille s’attache à la gauche et que les archers tiennent ses pieds assiégés, la reine, avec ses plus braves sujets, livre un assaut à la tête. Hercule se réveille, et, riant du projet de ces fourmilières, les enveloppe toutes dans sa peau de lion et les porte à Eurysthée.

Les Pygmées avaient guerre permanente contre les grues, qui venaient de la Scythie les attaquer. Montés sur des perdrix ou, selon d’autres, sur des chèvres d’une taille proportionnée à la leur, ils s’armaient de toutes pièces pour aller combattre leurs ennemis.

Près de Morlaix, il existe, dit-on, de petits hommes d’un pied de haut, vivant sous terre, marchant et frappant sur des bassins. Ils étalent leur or et’le font sécher au soleil. L’homme qui tend la main modestement reçoit deux poignées de ce métal ; celui qui vient avec un sac dans l’intention de le remplir est éconduit et maltraité, leçon de modération qui tient à des temps reculés[63]. Voy. Nains, Gnomes, etc.

Pyramides. Les Arabes prétendent que les pyramides ont été bâties longtemps avant le déluge par une nation de géants. Chacun d’eux apportait sous son bras une pierre de vingt-cinq aunes.

Pyromancie, divination par le feu. On jetait dans le feu quelques poignées de poix broyée, et, si elle s’allumait promptement, on en tirait un bon augure ; ou bien on brûlait une victime, et on prédisait l’avenir sur la couleur et la figure de la flamme. Les démonomanes regardent le devin Amphiaraüs comme l’inventeur de cette divination. Il y avait à Athènes un temple de Minerve Poliade où se trouvaient des vierges occupées à examiner les mouvements de la flamme d’une lampe continuellement allumée. Delrio rapporte que, de son temps, les Lithuaniens pratiquaient une espèce de pyromancie qui consistait à mettre un malade devant un grand feu ; et si l’ombre formée par le corps était droite et directement opposée au feu, c’était signe de guérison ; si l’ombre était de côté, c’était signe de mort.

Pyrrhus, roi d’Épire, avait forcé les Locriens à remettre entre ses mains les trésors de Proserpine. Il chargea ses vaisseaux de ce butin sacrilège et mit à la voile ; mais il fut surpris par une tempête si furieuse qu’il échoua sur la côte voisine du temple. On retrouva sur le rivage tout l’argent qui avait été enlevé, et on le remit dans le dépôt sacré[64].

Pythagore, fils d’un sculpteur de Samos. Il voyagea pour s’instruire : les prêtres d’Égypte l’initièrent à leurs mystères, les mages de Chaldée lui communiquèrent leurs sciences : les sages de Crète leurs lumières. Il rapporta dans Samos tout ce que les peuples les plus instruits possédaient de sagesse et de connaissances utiles ; mais trouvant sa patrie sous le joug du tyran Polycrate, il passa à Crotone, où il éleva une école de philosophie dans la maison du fameux athlète Milon. C’était vers le règne de ïarquin le Superbe. Il enseignait la morale, l’arithmétique, la géométrie et la musique. On le fait inventeur de la métempsycose. Il paraît que, pour étendre l’empire qu’il exerçait sur les esprits, il ne dédaigna pas d’ajouter le secours des prestiges aux avantages que lui donnaient ses connaissances et ses lumières. Porphyre et Jamblique lui attribuent des prodiges ; il se faisait entendre et obéir des bêtes mêmes. Une ourse faisait de grands ravages dans le pays des Dauniens ; il lui ordonna de se retirer : elle disparut. Il se montra avec une cuisse d’or aux jeux olympiques ; il se fit saluer par le fleuve Nessus ; il arrêta le vol d’un, aigle ; il fit mourir un serpent ; il se fit voir, le même jour et à la même heure, à Crotone et à Métaponte. Il vit un jour, à Tarente, un bœuf qui


broutait un champ de fèves ; il lui dit à l’oreille quelques paroles mystérieuses qui le firent cesser pour toujours de manger des fèves[65]. On n’appelait plus ce bœuf que le bœuf sacré, et, dans sa vieillesse, il ne se nourrissait que de ce que les passants lui donnaient. Enfin, Pythagore prédisait l’avenir et les tremblements de terre avec une adresse merveilleuse ; il apaisait les tempêtes, dissipait la peste, guérissait les maladies d’un seul mot ou par l’attouchement. Il fit un voyage aux enfers, où il vit l’âme (l’Hésiode attachée avec des chaînes à une colonne d’airain, et celle d’Homère pendue à un arbre au milieu d’une légion de serpents, pour toutes les fictions injurieuses à la Divinité dont leurs poèmes sont remplis. Pythagore intéressa les femmes au succès de ses visions, en assurant qu’il avait vu dans les enfers beaucoup de maris très-rigoureusement punis pour avoir maltraité leurs femmes, et que c’était le genre de coupables le moins ménagé dans l’autre vie. Les femmes furent contentes, les maris eurent peur, et tout fut reçu. Il y eut encore une circonstance qui réussit merveilleusement : c’est que Pythagore, au moment de son retour des enfers, et portant encore sur le visage la pâleur et l’effroi qu’avait dû lui causer la vue de tant de supplices, savait parfaitement tout ce qui était arrivé sur la terre pendant son absence.

Pythonisse d’Endor. L’histoire de la pythonisse dont il est parlé dans le vingt-huitième chapitre du premier livre des Rois a exercé beaucoup de savants, et leurs opinions sont partagées. Les uns croient que cette femme évoqua véritablement l’âme de Samuel, et les autres n’en sont nullement persuadés. Le cardinal Bellarmin, qui est de la première opinion, appuie fort sur les paroles de la pythonisse, qui dit « qu’elle a vu un homme haut avec sa robe, et que par là Saül connut que ce devait être Samuel. » Il y a dans l’hébreu Élohim, qui, par quelques-uns a été traduit des dieux, un dieu, un homme divin, un grand homme ; par Jonathan, l’ange du Seigneur ; et ceux qui sont faits au style de l’Écriture se souviendront du vingt-deuxième chapitre de l’Exode : Tu ne médiras point d’Élohim ou de l’ange du Seigneur, c’est-à-dire des magistrats, des juges du peuple et des prophètes. Dans le verset douzième, elle dit qu’elle a vu Samuel, et c’est une manière de parler dans toutes les langues, où l’on appelle dumom des choses la plupart de celles qui les représentent. Nicolas de Lyre dit à ce propos : Rerum similitudines in sacra Scriptura fréquenter nominantur nominibus ipsarum. Quand Pharaon vit sept vaches grasses et sept vaches maigres, sept épis de blé qui étaint sortis d’un tuyau et sept autres qui étaient flétris, il ne vit ni ces épis ni ces vaches, puisqu’il songea seulement qu’il les voyait. Où il est dit que Saül connut que ce devait être Samuel, le mot hébreu a été rendu par crut, s’imagina, se mit dans l’esprit ; et l’opinion de saint Augustin est que Satan, qui se transforme quelquefois en ange de lumière, apparut sous la forme de Samuel à la pythonisse.

Rabby Ménassé Ben Israël, qui, dans le deuxième livre de la Résurrection des morts, chap. vi, ne trouve point de fondement dans l’opinion de saint Augustin, établit pour une maxime indubitable qu’il y a certains esprits qui peuvent se mettre dans le corps les âmes de ceux qui n’ont plus de vie, parce que l’âme n’est pas tout à fait absente du corps la première année qui suit la mort[66] ; que dans ce temps-là elle y peut rentrer et en sortir, et qu’après ce temps elle ne dépend plus de ces esprits. Mais il raisonne sur une fausseté, qu’il suppose comme une vérité indubitable avec la plupart des talmudistes. Quoique Saül soit mort sept mois après Samuel, comme le croient quelques-uns, cela ne fait rien pour Ménassé, qui ne s’en rapporte qu’à ses rabbins, fort persuadés, avec l’auteur du Juchasin, qu’il y a eu deux années entières entre la mort de l’un et de l’autre. Si ces esprits dont il parle sont des démons, les âmes des bienheureux ne peuvent être de leur dépendance ; et si ces esprits sont eux-mêmes bienheureux, ils n’envient point la félicité de leurs semblables, et ne pourront pas les rendre sujets au pouvoir prétendu d’une pythonisse. Quidam dicunt Samuelem vere revocatum esse, dit Procope de Gaza sur le verset : J’ai vu un grand homme qui montait : Quid magis impium est, quam si dicamus dæmones incantamentis curiosorum, in animas potestatem habere, in quas, quo ad homines vixerunt, potestatem nullam habuerunt ? On peut cependant remarquer ici que Saül, qui auparavant avait tâché d’exterminer tous les devins, était persuadé du contraire, puisqu’il demande à cette femme qu’elle lui fasse voir Samuel ; et c’est de là qu’elle eut une occasion de le tromper, comme l’a remarqué Van Dale dans son livre des Oracles, qu’il a donné au public.

En effet, quoiqu’elle feignît de ne point connaître ce premier roi des Israélites qui s’était déguisé et avait changé d’habit, il ne pouvait pas lui être inconnu ; son palais ne devait pas être fort éloigné de la maison de la pythonisse ; et il était assez remarquable par sa beauté, puisqu’il était le plus beau des Israélites, et par sa taille, puisqu’il surpassait les autres hommes de toute la tête. Ajoutez que toute cette pièce fut jouée par la pythonisse que Saül interrogea sans avoir rien vu ; il y avait peut-être quelque muraille ou quelque autre séparation entre lui et elle. Comme elle connaissait le trouble d’esprit où était le roi pour ce que Samuel lui avait prédit, et que les armées des Israélites et des Philistins étaient en présence, elle put lui dire fort sûrement : « Toi et ton fils serez demain avec moi, ou vous ne serez plus au monde. » Pour ne pas porter son coup à faux, elle se servit du mot machar, demain, qui signifie un temps à venir indéfini, bientôt, comme on le peut voir dans le Deutéronome, chap. vi, vers. 20, et dans Josué, chap. iv, vers. 6. Objicere aliquis posset, ajoute Procope de Gaza, ignorantiam mortis Saulis ; non enim postero die, sed diebus aliquot interjectis, videtur obiisse. Nisi dicamus, etc. Ainsi la scène a pu se passer naturellement, sans le secours de la magie, par la seule adresse d’une femme qui devait être assez bien instruite dans son métier[67].

Pythons. Les Grecs nommaient ainsi, du nom d’Apollon Pythien, les esprits qui aidaient à prédire les choses futures, et les personnes qui en étaient possédées. La Vulgate se sert souvent de ce terme pour exprimer les devins, les magiciens, les nécromanciens. La sorcière qui fit apparaître devant Saül l’ombre de Samuel est appelée la Pythonisse d’Endor. Voy. l’article précédent. On dit aussi esprit de python pour esprit de devin. Les prêtresses de Delphes s’appelaient pythonisses ou pythées. Python, dans la mythologie grecque, est un serpent qui naquit du limon de la terre après le déluge. Il fut tué par Apollon, pour cela surnommé Pythien.


  1. Bergier, Dictionnaire théologique. Voyez les différents pactes les plus célèbres, dans les Légendes infernales.
  2. Voyez sur les pactes plusieurs légendes dans les Légendes infernales.
  3. Bergier, Dictionnaire théologique.
  4. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. III, p. 159.
  5. Bodin, Démonomanie.
  6. Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprits.
  7. Benjamin Binet, Traité des dieux et démons du paganisme.
  8. Voyez Bergier, Dictionnaire théologique, au mot Papesse Jeanne.
  9. Nynauld, p. 72 de la Lycanthropie.
  10. Wierus, in Pseudomon. dæmon.
  11. Brown, Erreurs populaires, t. II.
  12. Le P. de Ravignan, Conférences de 1843 à NotreDame de Paris.
  13. Leloyer, Histoire des spectres.
  14. Thiers, Traité des superstitions.
  15. Wierus, in Pseudomonarchia dœmon.
  16. Des critiques pensent que le phénix était le symbole de la chasteté et de la tempérance chez les païens ; ils comptaient quatre apparitions de cet oiseau merveilleux, la première sous le roi Sésostris, la seconde sous Âmasis, la troisième sous le troisième des Ptolémées, la quatrième sous Tibère.
  17. Dans la Physiognomonie de Porta, Platon ressemble à un chien de chasse.
  18. Beaucoup d’écrivains se sont exercés dans ces données. M. Alexis Dumesnil, dans ses Mœurs politiques, divise les hommes en deux espèces sociales, l’espèce conservatrice et l’espèce destructive. Le mot n’est pas correct. Pour être conséquent en langage, l’auteur aurait dû dire : l’espèce destructrice. Destructif non plus ne s’applique pas rigoureusement aux êtres animés ; et nous le sommes, nous que M. Dumesnil, détracteur du présent, juge en dernier ressort espèce destructive. Ce sont les anciens qui conservaient, si on veut l’en croire, eux qui n’ont cessé de saccager et de renverser. Il va plus loin ; il prétend qu’on peut reconnaître par la mimique et la physiognomonie les individus destructifs. « L’espèce destructive, dit-il, a sa forme de tête particulière, courte ordinairement et étroite du haut, quelquefois même terminée en pain de sucre, mais toujours remarquable par un très-grand développement du crâne vers les oreilles ; ce qui lui donne l’apparence d’une poire. » Voilà qui passe la plaisanterie ; une tête au contraire qui a la tournure d’un pain de sucre renversé ou d’un navet dénote l’espèce conservatrice…
  19. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. III, p. 47.
  20. Voyez pourtant Raymond Lulle, quant à ce qui concerne l’or.
  21. Traité de chimie philosophique et hermétique, enrichi des opérations les plus curieuses de l’art, sans nom d’auteur. Paris, 1755. in-12. avec approbation signée Audry, docteur en médecine, et privilège du roi.
  22. Naudé, Apol. pour les grands personnages, etc.
  23. Disquisit. mag., lib. I, cap. v, quæst. 3.
  24. Le comte d’Oxenstiern attribue ce trait au pape Urbain VIII, à qui un adepte dédiait un traité d’alchimie. Pensées, t. I, p. 172.
  25. Philosophie magique, v. VI, P. 383.
  26. Il y a dans le village d’Abone, aujourd’hui Abano, une fontaine qui prêtait autrefois la parole aux muets, et qui donnait à ceux qui y buvaient le talent de dire la bonne aventure. Voyez le septième chant de la Pharsale de Lucain.
  27. Geomantia, in-8o, Venise, 1549.
  28. Des erreurs et des préjugés, t. I, p. 315.
  29. M. Mangeart, Souvenirs de la Morèe, 1830.
  30. Voyez, dans les Légendes du Nouveau Testament, les légendes de Pilate.
  31. Leloyer, Histoire des spectres ou apparitions des esprits, liv. III, p. 215.
  32. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. II, p. 143.
  33. Bibliothèque de société, t. III.
  34. Tacite.
  35. Les sept vieilles planètes président aussi aux sept jours de la semaine. Jarchas, brachmane, avec lequel Apollonius de Tyane philosopha secrètement, reçut de lui en présent sept anneaux portant les noms des sept planètes ; il les mettait à ses doigts les jours où elles régnaient, et chacun avait une vertu particulière.
  36. Hermann, Les provinces.
  37. Traité des visions et apparitions, t. II, p. 246.
  38. Voyez l’Histoire naturelle de l’air et des météores, par l’abbé Richard.
  39. Leloyer, Histoire des spectres, etc., liv. III, p. 24 2.
  40. Delanere, Tableau de l’inconst, des démons, etc., liv, IX, p. 237.
  41. M. de Balzac, le Secret des Ruggieri.
  42. Görres, Mystique, liv. VI, ch. xvii.
  43. Extrait de l’Almanach historique de l’an xi.
  44. Voyage en Suisse d’Hélène-Marie Williams.
  45. Pigray, Traité de chirurgie.
  46. Voyez dans les Légendes infernales’, Le cimetière de saint Médard.
  47. La manie universelle est le spectacle le plus hideux et le plus terrible qu’on puisse voir. Le maniaque a les yeux fixes, sanglants, tantôt hors de l’orbite, tantôt enfoncés, le visage rouge, les vaisseaux engorgés, les traits altérés, tout le corps en contraction ; il ne reconnaît plus ni amis, ni parents, ni enfants, ni épouse. Sombre, furieux, rêveur, cherchant la terre nue et l’obscurité, il s’irrite du contact de ses vêtements, qu’il déchire avec les ongles et avec les dents, même de celui de l’air et de la lumière, contre lesquels il s’épuise en sputations et en vociférations. La faim, la soif, le chaud, le froid, deviennent souvent, pour le maniaque, des sensations inconnues, d’autres fois exaltées. (Le docteur Fodéré, Médecine légale.)
  48. Legenda aurea. Jac. de Voragine, leg. lxxxviii.
  49. M. Garinet, Histoire de la magie en France, p. 424.
  50. Cambry, Voyage dvns le Finistère, t. III, p. 46.
  51. Valère-Maxime.
  52. Cornelii gemmœ cosmocriticœ, lib. II, cap. ii.
  53. Valère-Maxime.
  54. Dictionnaire des merveilles de la nature, article Estomac.
  55. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, t. II, p. 94.
  56. Chevrœana, t. I, p. 257.
  57. Voyez les pronostics populaires plus étendus dans les Légendes du Calendrier.
  58. Wierus, in Pseuchm. dœmonum.
  59. Mystique de Görres, liv VIII, ch. iii.
  60. Quarterly Review.
  61. Albert le Grand, p. 187.
  62. Wierus, Pseudom. dœmon.
  63. Cambry, Voyage dans le Finistère, en 1794.
  64. Valère-Maxime.
  65. Les pythagoriciens respectaient tellement les fèves, que non-seulement ils n’en mangeaient point, mais même il ne leur était pas permis de passer dans un champ de fèves, de peur d’écraser quelque parent dont elles pouvaient loger l’âme.
  66. Voyez Purgatoire.
  67. Chevræana, t. I, p. 284.