Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lettre Q

Henri Plon (p. 567-568).
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Q

Quakerisme  • Queiran  • Question  • Queys  • Quintillianites  • Quirim  • Quivogne

Quakerisme, secte fondée chez les Anglais en 1647, par un cordonnier nommé Fox. Il exposa sa doctrine, qui consiste, en raison de ce que tous les hommes sont égaux, à tutoyer tout le monde, à ne saluer personne, à ne porter ni boutons, ni dentelles, ni aucune autre superfluité, à prêcher, qu’on soit homme ou femme, enfant ou vieillard, dès qu’on se sent inspiré par l’esprit, à n’avoir ni culte, ni prêtres, etc. Cette doctrine grossière fut fardée par deux savants, Guillaume Penh et Robert Barklay, à qui cette intervention ne fait pas très-grand honneur. La secte s’étendit en Angleterre et en Amérique. Son culte consiste à se réunir pour danser gravement, mais jusqu’à ce que l’esprit vienne inspirer quelqu’un de la compagnie. Cette inspiration s’annonce par des convulsions et par un certain tremblement ; ce qui n’est pas trop la manière du Saint-Esprit. Ce tremblement a constitué le nom des quakers, qui veut dire trembleurs. Aussitôt que l’un ou l’une des danseurs sent l’Esprit, il ou elle se met à prêcher.

 
Quakers
Quakers
 

Queiran (Isaac), sorcier de Nérac, arrêté à Bordeaux, ou il était domestique depuis vingt-cinq ans. Interrogé comment il avait appris le métier de sorcier, il avoua qu’à un âge encore jeune, étant au service d’un habitant de la Bastide d’Armagnac, un jour qu’il allait chercher du feu chez une vieille voisine, elle lui dit de se bien garder de renverser des pots qui étaient devant la cheminée :ils étaient pleins de poison que Satan lui avait ordonné de faire. Cette circonstance ayant piqué sa curiosité, après plusieurs questions, la vieille lui demanda s’il voulait voir le grand maître des sabbats et son assemblée. Elle le suborna de telle sorte qu’après l’avoir oint d’une graisse dont il n’a pas vu la couleur ni senti l’odeur, il fut enlevé et porté dans les airs jusqu’au lieu où se tenait le sabbat. Des hommes et des femmes y criaient et y dansaient ; ce qui l’ayant épouvanté, il s’en retourna.

Le lendemain, comme il passait par la métairie de son maître, un grand homme maigre se présenta à lui et lui demanda pourquoi il avait quitté l’assemblée où il avait promis à la vieille de rester. Il s’excusa sur ce qu’il n’y avait là rien à faire pour lui ; et il voulut continuer son chemin. Mais l’homme maigre lui déchargea un coup de gaule sur l’épaule, en lui disant : « Demeure, je te baillerai bien chose qui t’y fera venir. » Ce coup lui fit mal pendant deux jours, et il s’aperçut que ce grand homme noir l’avait marqué sur le bras auprès de la main ; la peau en cet endroit paraissait noire et tannée.

Un autre jour, comme il traversait le pont de la rivière qui est près de la Bastide, le même homme maigre lui apparut de nouveau, lui demanda s’il se ressouvenait des coups qu’il lui avait donnés, et s’il voulait le suivre. Il refusa. Le diable aussitôt, l’ayant chargé sur son cou, voulut le noyer ; mais le pauvre garçon cria si fort, que les gens d’un moulin voisin de là étant accourus, le vilain noir fut obligé de fuir. Enfin le diable l’enleva un soir dans une vigne qui appartenait à son maître ; et le conduisit, quoi qu’il en eût, au sabbat ; il y dansa et mangea comme les autres. Un petit démon frappait sur un tambour pendant les danses, jusqu’à ce que le diable, ayant entendu les coqs chanter, renvoya tout son monde.

 
L’homme maigre
L’homme maigre
L’homme maigre
 

Interrogé s’il n’avait pas fait quelques maléfices, Queiran répondit qu’il avait maléficié un enfant dans la maison où il avait servi ; qu’il lui avait mis dans la bouche une boulette que le diable lui avait donnée, laquelle avait rendu cet enfant muet pendant trois mois. Après avoir été entendu en la chambre de la Tournelle, où il fut reconnu pour un bandit qui faisait l’ingénu, Queiran fut condamné au supplice le 8 mai 1609[1].

Question. Voy. Insensibilité.

Queys, mauvais génies chez les Chinois.

Quintillianites. Une femme de la secte des caïnites, nommée Quintille, vint en Afrique du temps de Tertullien et y pervertit plusieurs personnes. On appela quintillianites les abominables sectateurs qu’elle forma. Il paraît qu’elle ajoutait encore d’horribles pratiques aux infamies des caïnites. Voy. Caïn.

Quirim, pierre merveilleuse qui, suivant les démonographes, placée sur la tête d’un homme durant son sommeil, lui fait dire tout ce qu’il a dans l’esprit. — On l’appelle aussi pierre des traîtres.

Quivogne (femme), sorcière contemporaine. Les prétendus sorciers et sorcières, ou devineresses, trouvent encore tous les jours, dans notre siècle si éclairé, le moyen de faire des dupes, quelle que soit la grossièreté des pièges qu’ils tendent à la crédulité et à l’ignorance. Tout récemment une fille Rupt, de Vesoul, s’était laissé

 
Quivogne
Quivogne
 


persuader par la femme Quivogne qu’à l’aide d’un char aérien son futur, qui était au service, allait lui être ramené pour l’épouser. Elle avait exigé pour cela douze francs, qu’elle devait employer, assurait-elle, à faire dire des messes, puis elle avait reçu du linge et d’autres objets. Tout cela était passé dans les mains de la femme Quivogne ; mais il fallait encore, pour faire le corps de la machine, quinze aunes de toile ; et c’est lorsque la pauvre jeune fille délaissée cherchait à se les procurer qu’elle avoua à la marchande à qui elle s’adressait l’emploi qui devait en être fait. — Tout étant découvert ainsi, la sorcière fut arrêtée, jugée et convaincue de bien d’autres escroqueries encore, Enfin elle a été condamnée à un an de prison, d’où probablement son art ne l’a tirée qu’à l’expiration de sa peine. — Autrefois on eût été plus sérieux ; on eût séquestré cette voleuse infâme de la société. Aurait-on eu tort ?

 
Séparateur dans la forme d’une chauve-souris
Séparateur dans la forme d’une chauve-souris
 

  1. Delancre, Incrédulité et mécréance, etc., p. 278.