Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lettre O

Henri Plon (p. 497-512).
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O

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Oannès ou Oès, monstre moitié homme et moitié poisson, dans les vieilles mythologies de l’Orient ; venu de la mer égyptienne, il sortait de l’œuf primitif, d’où tous les autres êtres avaient été tirés. Il parut, dit Bérose, près d’un lieu voisin de Babylone. Il avait une tête d’homme sous une tête de poisson. À sa queue étaient joints des pieds d’homme, et il en avait la voix et la parole. Ce monstre demeurait parmi les hommes sans manger, leur donnait la connaissance des lettres et des sciences, leur enseignait les arts, l’arithmétique, l’agriculture ; en un mot, tout ce qui pouvait contribuer à adoucir les mœurs. Au soleil couchant, il se retirait dans la mer et passait la nuit sous les eaux. C’était un poisson comme on n’en voit guère.

Ob, démon des Syriens, qui était, à ce qu’il paraît, ventriloque. Il donnait ses oracles par le derrière, organe qui n’est pas ordinairement destiné à la parole, et toujours d’une voix basse et sépulcrale, en sorte que celui qui le consultait ne l’entendait souvent pas du tout, ou plutôt entendait tout ce qu’il voulait.

Obereit (Jacques Hermann), alchimiste et mystique, né en 1725, à Arbon en Suisse, et mort en 1798. Son père avait eu le même goût pour l’alchimie, qu’il appelait l’art de perfectionner les métaux par la grâce de Dieu. Le fils voulut profiter des leçons que lui avait laissées le vieillard ; comme sa famille était réduite à l’indigence, il travailla sans relâche dans son laboratoire ; mais l’autorité vint le fermer, comme dangereux pour la sûreté publique. Cependant il réussit à prouver que ses opérations ne pouvaient nuire, et il s’établit chez un frère de Lavater. Depuis dix-huit ans, Jacques (qui était fou), connaissait, disait-il, une personne qu’il nomme Théantis, bergère séraphique ; il l’épousa dans un château, sur une montagne entourée de nuages. « Notre mariage, dit-il, n’était ni platonique ni épicurien, c’était un état dont le monde n’a aucune idée. » Elle mourut au bout de trente-six jours, et le veuf, se souvenant que Marsay, grand mystique de ce temps, avait entonné un cantique de reconnaissance à la mort de sa femme, chanta à gorge déployée durant toute la nuit du décès de la sienne. Il a publié, en 1776, à Augsbourg, un traité de la Connexion originaire des esprits et des corps, d’après les principes de Newton. On lui doit aussi les Promenades de Gamaliel, juif philosophe, 1780.

Obergemeiner, propriétaire à Münchhof, près de Gratz, d’une maison qui fut infestée, en janvier 1821, de mains invisibles ou de procédés inexplicables qui, malgré la surveillance de trente hommes armés, lançaient aux fenêtres des pierres de quinze livres, parties le plus souvent de l’intérieur de la maison où ces pierres ne se trouvaient pas, qui brisaient la vaisselle, cassaient les pots et jetaient rudement à la tête (les assistants les cuillers à pot en fer, lesquelles arrivaient violemment à leur but, mais sans causer le moindre mal, au contraire des pierres qui brisaient les vitres. Le seau plein d’eau s’enlevait tout seul au plafond ; les plats volaient et faisaient des courbes. On n’a pu avoir explication de ces phénomènes, mentionnés et décrits longuement dans la Mystique de Görres[1].

 


Obéron et Titania

Obéron et Titania.
 

Obéron, roi des fées et des fantômes aériens. Il joue un grand rôle dans la poésie anglaise ; c’est l’époux de Titania. Ils habitent l’Inde ; la nuit, ils franchissent les mers et viennent dans, nos climats danser au clair de la lune ; ils redoutent le grand jour et fuient au premier rayon du soleil, ou se cachent dans les bourgeons des arbres jusqu’au retour de l’obscurité. Obéron est le sujet d’un poëme célèbre de Wieland.

Obesslik. Du temps des hussites, un brigand nommé Obesslik se rendit à la justice, qui le poursuivait depuis longtemps ; mais il se rendit à condition qu’on épargnât son sang. Il fut donc condamné à mourir de faim et descendu dans le gouffre de Maczocha avec une cruche d’eau et un seul pain. Le pain fut bientôt dévoré, la cruche d’eau bientôt vidée. Alors commença pour lui cette horrible agonie dont on peut se faire une idée après avoir lu l’épisode d’Ugolin dans le Dante. La mort lente s’approchait avec le désespoir, lorsque tout à coup le condamné entendit un sifflement étrange dans l’air et vit, en levant les yeux, un dragon ailé qui plongea à grands coups d’aile dans le précipice. Obesslik, qu’épouvantait l’idée que ce dragon le dévorerait, ramassa le reste de ses forces, se recula dans une crevasse de la paroi, prit une pierre et la jeta vers le dragon, qui fut atteint sous le ventre, seul endroit qui n’était pas protégé par des écailles comme tout le resle de son corps. Un sang noir sortit de la blessure du monstre, qui s’abattit sur une saillie du cratère, où il se reposa quelque temps ; une demi-heure s’écoula ainsi, et, quand il eut repris quelques forces par le repos, il se releva et sortit. Ainsi délivré de son hôte monstrueux, Obesslik pensa ceci :

« Ne pourrais-je pas me sauver par son secours, s’il revenait ?

Le lendemain, à la même heure, le dragon redescendit dans le gouffre et se mit à fouiller la vase avec son bec immense pour y chercher des vipères d’eau dont il se nourrissait. Obesslik se glissa derrière lui et se plaça sur son dos écaillé. Quand le monstre se fut bien repu, il reprit son vol, sans s’apercevoir qu’un homme était sur lui, et sortit du précipice. Il s’éleva bien haut dans l’air, portant toujours son cavalier, qui attendait un moment favorable pour descendre de son étrange coursier. Ses ailes bruissaient dans le vent, et il s’abattit dans une forêt voisine, où il se coucha sous un grand chêne et s’endormit.

Obesslik sauvé reprit son ancien métier de dévaliseur, et plus d’une fois l’effroi se répandit dans la contrée au récit des crimes de celui que l’on croyait mort dans la Maczocha. Les montagnes de Hradi étaient surtout le théâtre de ses sanguinaires exploits. Mais il fut repris et décapité à Olmütz.

Obole, pièce de monnaie que les Romains et les Grecs mettaient dans la bouche des morts, pour payer leur passage dans la barque à Caron.

Obsédés. Dom Calmet fait cette distinction entre les possédés et les obsédés. Dans les possessions, dit-il, le diable parle, pense, agit pour le possédé. Dans les obsessions, il se tient au dehors, il assiège, il tourmente, il harcèle. Saül était possédé, le diable le rendit sombre ; Sara, qui épousa le jeune Tobie, n’était qu’obsédée, le diable n’agissait qu’autour d’elle. Voy. Possédés.

Obsequens (Julius). Il a laissé un livre des prodiges, dont une partie est perdue.

Occultes. On appelle sciences occultes la magie, la nécromancie, la cabale, l’alchimie et toutes les sciences secrètes.

Ochosias, roi d’Israël, mort 896 ans avant notre ère. Il s’occupait de magie et consultait Belzébuth, honoré à Accaron. Il eut une fin misérable.

Oculomancie, divination dont le but était de découvrir un larron, en examinant la manière dont il tournait l’œil, après certaines cérémonies superstitieuses.

Oddo. Voy. Kalta.

Oddon, pirate flamand des temps anciens, qui voguait en haute mer par magie, sans esquif ni navire.

Od-esprit. M. Gagne, qui est un des adeptes du spiritisme, croit avoir découvert dans l’atmosphère un agent impondérable où flottent les esprits qui nous circonviennent, et avec qui les habiles se mettent en communication. Il appelle cet agent l’Od-esprit.

Odet, démon de la nuit, qui se montre à Orléans sous la forme d’un mulet et fait de mauvais tours à ceux qu’il rencontre. Il est de l’espèce de kleudde.

Odeur. On voit dans tous les procès de sorcellerie que l’odeur des sorciers est abominable, ce qui ne peut surprendre, puisque leurs chefs leur défendent de se laver. — Plusieurs possédés sont aussi très-puants.

Odin, dieu des Scandinaves. Deux corbeaux sont souvent placés sur ses épaules et lui disent à l’oreille tout ce qu’ils ont vu ou entendu de neuf. Odin les lâche tous les jours ; et, après qu’ils ont parcouru le monde, ils reviennent le soir à l’heure du repas. C’est pour cela que ce dieu sait tant de choses, et qu’on l’appelle le dieu des corbeaux. À la fin des siècles, il sera mangé par le loup Fenris. Les savants vous diront que l’un de ces corbeaux est l’emblème de la pensée ; quelle pensée ! et l’autre le symbole de la mémoire. Les deux loups qui se tiennent aux pieds d’Odin figuraient la puissance. Il y a des gens qui ont admiré ce mythe.

Odin, à la fois pontife, conquérant, monarque, orateur et poëte, parut dans le Nord, environ soixante-dix ans avant Notre-Seigneur selon les uns, plus tard selon d’autres. Le théâtre de ses exploits fut principalement le Danemark. Il avait la réputation de prédire l’avenir et de ressusciter les morts. Quand il eut fini ses expéditions glorieuses, il retourna en Suède, et, se sentant près du tombeau, il ne voulut pas que la maladie tranchât le fil de ses jours, après avoir si souvent bravé la mort dans les combats. Il convoqua tous ses amis, les compagnons de ses exploits ; il se fit, sous leurs yeux, avec la pointe d’une lance, neuf blessures en forme de cercle ; et, au moment d’expirer, il déclara qu’il allait dans la Scythie prendre place parmi les dieux, promettant d’accueillir un jour avec honneur dans son paradis tous ceux qui s’exposeraient courageusement dans les batailles, ou qui mourraient les armes à la main. Toute la mythologie des Islandais a Odin pour principe, comme le prouve l’Edda, traduit par Mallet, à la tête de son Histoire de Danemark[2]. Voy. Woden, Hakelberg, etc.

Odontotyrannus. Voy. Serpent de mer.

Odorat. Cardan dit au livre XIII de la Subtilité qu’un odorat excellent est une marque d’esprit, parce que la qualité chaude et sèche du cerveau est propre à rendre l’odorat plus subtil, et que ces mêmes qualités rendent l’imagination plus vive et plus féconde. Rien n’est moins sûr que cette assertion ; il n’y a point de peuple qui ait si bon nez que les habitants de Nicaragua, les Abaquis, les Iroquois ; et on sait qu’ils n-’en sont pas plus spirituels. Mamurra, selon Martial, ne consultait que son nez pour savoir si le cuivre qu’on lui présentait était de Corinthe.

 
Odet, démon de la nuit, sous la forme d’un mulet. — Page 499
Odet, démon de la nuit, sous la forme d’un mulet. — Page 499.
 

Œil. Les gorgones avaient un seul œil, dont elles se servaient tour à tour pour changer en pierres tous ceux qui les regardaient. Les anciens font mention des Arimaspes, comme de peuples qui n’avaient qu’un œil, et qui étaient souvent aux prises avec les griffons, pour ravir l’or confié à la garde de ces monstres. Pour le mauvais œil, Voy. Yeux.

Œnomancie, divination par le vin, dont on considère la couleur en le buvant, et dont on remarque les moindres circonstances pour en tirer des présages. Les Perses étaient fort attachés à cette divination.

Œnothère, géant de l’armée de Charlemagne, qui, d’un revers de son épée, fauchait des bataillons ennemis comme on fauche l’herbe d’un pré[3].

Œonistice, divination par le vol des oiseaux. Voy. Augures.

Oès. Voy. Oannès.

Œufs. On doit briser la coque des œufs frais, quand on les a mangés, par pure civilité ; aussi cet usage est-il pratiqué par les gens bien élevés, dit M. Salgues[4] ; cependant il y a des personnes qui n’ont pas coutume d’en agir ainsi. Quoi qu’il en soit, cette loi remonte à une très-haute antiquité. On voit, par un passage de Pline, que les Romains y attachaient une grande importance. L’œuf était regardé comme l’emblème de la nature, comme une substance mystérieuse et sacrée. On était persuadé que les magiciens s’en servaient dans leurs conjurations, qu’ils le vidaient et traçaient dans l’intérieur des caractères magiques dont la puissance pouvait opérer beaucoup de mal. On en brisait les coques pour détruire les charmes. Les anciens se contentaient quelquefois de les percer avec un couteau, et dans d’autres moments de frapper trois coups dessus. Les œufs leur servaient aussi d’augure. Julie, fille d’Auguste, étant grosse de Tibère, désirait ardemment un fils. Pour savoir si ses vœux seraient accomplis, elle prit un œuf, le mit dans son sein, l’échauffa ; quand elle était obligé de le quitter, elle le donnait à une nourrice pour lui conserver sa chaleur. L’augure fut heureux, dit Pline : elle eut un coq de son œuf et mit au monde un garçon[5].

Les druides pratiquaient, dit-on, cette superstition étrange ; ils vantaient fort une espèce d’œuf inconnu à tout le monde, formé en été par une quantité prodigieuse de serpents entortillés ensemble, qui y contribuaient tous de leur bave et de l’écume qui sortait de leur corps. Aux sifflements des serpents, l’œuf s’élevait en l’air ; il fallait s’en emparer alors, avant qu’il touchât la terre : celui qui l’avait reçu devait fuir ; les serpents couraient tous après lui jusqu’à ce qu’ils fussent arrêtés par une rivière qui coupât leur chemin[6]. Ils faisaient ensuite des prodiges avec cet œuf.

Aujourd’hui on n’est pas exempt de bien des superstitions sur l’œuf. Celui qui en mange tous les matins sans boire meurt, dit-on, au bout de l’an. Il ne, faut pas brider les coques des œufs, suivant une croyance populaire superstitieuse, de peur de brider une seconde fois saint Laurent, qui a été brûlé sur un feu nourri de pareils aliments[7]. Albert le Grand nous apprend, dans ses Secrets, que la coque d’œuf, broyée avec du vin blanc et bue, rompt les pierres tant des reins que de la vessie.

Pour la divination par les blancs d’œufs, voyez Oomancie, Garuda, etc.

Og, roi de Basan. Og, selon les rabbins, était un de ces géants qui ont vécu avant le déluge. Il s’en sauva en montant sur le toit de l’arche où étaient Noé et ses fils. Il était si pesant, qu’on fut obligé de mettre dehors le rhinocéros, qui suivit l’arche à la nage. Noé cependant fournit à Og de quoi se nourrir, non par compassion, mais pour faire voir aux hommes qui viendraient après le déluge quelle avait été la puissance du Dieu qui avait exterminé de pareils monstres. Les géants vivaient longtemps. Og était encore du monde quand les Israélites, sous la conduite de Moïse, campèrent dans le désert. Le roi de Basan leur fit la guerre. Voulant d’un seul coup détruire le camp d’Israël, il enleva une montagne large de six mille pas, avec laquelle il se proposait d’écraser l’armée de Moïse. Mais Dieu permit que des fourmis crevassent la montagne, à l’endroit où elle posait sur la tête du géant, de sorte qu’elle tomba sur son cou en manière de collier. Ensuite ses dents s’étant accrues extraordinairement, s’enfoncèrent dans le roc et l’empêchèrent de s’en débarrasser. Moïse alors le tua, mais non sans peine ; car le roi Og était d’une si énorme stature, que Moïse, qui lui-même était haut de six aunes, prit une hache de la même hauteur ; et encore fallut-il qu’il fît un saut de six aunes pour parvenir à frapper la cheville du pied d’Og.

Ogier le Danois. On croit qu’il vit dans sa tombe, comme Frédéric-Barberousse et d’autres[8].

Ogres. Sauf le nom, ces monstres étaient connus des anciens. Polyphème, dans l’Odyssée, n’est autre chose qu’un ogre ; on trouve des ogres dans les Voyages de Sindbad le marin ; et un autre passage des Mille et une nuits prouve que les ogres ne sont pas étrangers aux Orientaux. Dans le conte du Vizir puni, un jeune prince égaré rencontre une dame qui le conduit à sa masure : elle dit en entrant : — Réjouissez-vous, mes fils, je vous amène un garçon bien fait et fort gras. — Maman, répondent les enfants, où est-il, que nous le mangions ? car nous avons bon appétit. — Le prince reconnaît alors que la femme, qui se disait fille du roi des Indes, est une ogresse, femme de ces démons sauvages qui se retirent dans les lieux abandonnés et se servent de mille ruses pour surprendre et dévorer les passants, comme les sirènes, qui, selon quelques mythologues, étaient certainement des ogresses. C’est à peu près l’idée que nous nous faisons de ces êtres effroyables ; les ogres, dans nos opinions, tenaient des trois natures : humaine, animale et infernale. Ils n’aiment rien tant que la chair fraîche ; et les petits enfants étaient leur plus délicieuse pâture. Le Drac, si redouté dans le Midi, était un ogre qui avait son repaire aux bords du Rhône, où il se nourrissait de chair humaine. Il paraît que cette anthropophagie est ancienne dans nos contrées, car le chapitre lxvii de la loi salique prononce une amende de deux cents écus contre tout sorcier ou stryge qui aura mangé un homme.

Quelques-uns font remonter l’existence des ogres jusqu’à Lycaon, ou du moins à la croyance où l’on était que certains sorciers se changeaient en loups dans les orgies nocturnes, et mangeaient au sabbat la chair des petits enfants qu’ils pouvaient y conduire. On ajoutait que, quand ils en avaient mangé une fois, ils en devenaient extrêmement friands et saisissaient ardemment toutes les occasions de s’en repaître : ce qui est bien le naturel qu’on donne à l’ogre. On voit une multitude d’horreurs de ce genre dans les procès des sorciers ; on appelait ces ogres des loups-garous ; et le loup du petit Chaperon-Rouge n’est pas autre chose. Quant à l’origine du nom des ogres, l’auteur des Lettres sur les contes des fées de Ch. Perrault l’a trouvée sans doute. Ce sont les féroces Huns ou Hongrois du moyen âge, qu’on appelait Hunnigours, Oïgours, et ensuite par corruption Ogres. Les Hongrois, disait-on, buvaient le sang de leurs ennemis ; ils leur coupaient le cœur par morceaux et le dévoraient en manière de remède contre toute maladie. Ils mangeaient de la chair humaine, et les mères hongroises, pour donner à leurs enfants l’habitude de la douleur, les mordaient au visage dès leur naissance.

C’était en effet un terrible peuple que ces païens, dont les hordes innombrables, accourues des extrémités septentrionales de l’Asie, dévastèrent pendant deux tiers de siècle l’Italie, l’Allemagne et la France. Ils incendiaient les villes et les villages, égorgeaient les habitants ou les emmenaient prisonniers. La pitié leur était

 
Hongrois
Hongrois
Hongrois.
 
inconnue, car ils croyaient que les guerriers étaient servis dans l’autre monde par les ennemis qu’ils avaient tués dans celui-ci. Une défaite signalée que leur fit éprouver Othon, empereur d’Allemagne, délivra pour jamais de leurs ravages l’Europe occidentale. La terreur profonde qu’ils avaient inspirée se propagea longtemps encore après leur disparition, et les mères se servirent du nom des Hongrois, ogres, pour épouvanter leurs petits enfants. Voy. Fées, Omestès, etc.

Oiarou, objet du culte des Iroquois. C’est la première bagatelle qu’ils auront vue en songe, un calumet, une peau d’ours, un couteau, une plante, un animal, etc. Ils croient pouvoir, par la vertu de cet objet, opérer ce qui leur plaît, même se transporter et se métamorphoser.

Oigours. Voy. Ogres.

Oilette, démon sans renommée, invoqué dans les litanies du sabbat.

Oiseaux. Naudé conte que l’archevêque Laurent expliquait le chant des oiseaux, comme il en fit en jour l’expérience à Rome devant quelques prélats ; car il entendit un petit moineau qui avertissait les autres par son chant qu’un chariot de blé venait de verser à la porte Majeure, et qu’ils trouveraient là de quoi faire leur profit[9].

À la côte du Croizic, en Bretagne, sur un rocher au fond de la mer, les femmes du pays vont, parées avec recherche, les cheveux épars, ornées d’un beau bouquet de fleurs nouvelles ; elles se placent sur le rocher, les yeux élevés vers le ciel, et demandent avec un chant sentimental aux oiseaux de leur ramener leurs époux et leurs fiancés[10]. Voy. Augures, Corneille, Hibou, etc.

Okkisiks, nom sous lequel les Hurons désignent des génies ou esprits, bienfaisants ou malfaisants, attachés à chaque homme.

Oldenberg, montagne de l’Allemagne sous laquelle Charlemagne vit toujours avec ses douze pairs et son armée. Tradition locale.

Oldenbourg. « Je ne puis m’empêcher, dit Balthasar Bekker, dans le tome IV, chapitre xvii, du Monde enchanté, de rapporter une fable dont j’ai cherché aussi exactement les détails qu’il m’a été possible : c’est celle du fameux cornet d’Oldenbourg. « On dit que le comte Otton d’Oldenbourg, étant allé un jour à la chasse sur la montagne d’Ossemberg, fut atteint d’une soif qu’il ne pouvait étancher ; il se mit à jurer d’une manière indigne, en disant qu’il ne se souciait pas de ce qui pourrait lui arriver, pourvu que quelqu’un lui donnât à boire. Le diable lui apparut aussitôt

 
Oldenbourg
Oldenbourg
 
sous la forme d’une femme ; elle semblait sortir de terre ; elle lui présenta à boire dans un cornet fort riche, d’une matière inconnue et qui ressemblait au vermeil. Le comte, se doutant de quelque chose, ne voulut pas boire et renversa ce qui était dans le cornet sur la croupe de son cheval. La force de ce breuvage emporta tout le poil aux endroits qu’il avait touchés. Le comte frémit ; mais il garda le cornet, qui subsiste encore, dit-on, et que plusieurs se sont vantés d’avoir vu. On le trouve représenté dans plusieurs hôtelleries : c’est un grand cornet recourbé, comme un cornet à bouquin, et chargé d’ornements bizarres. »

Old Gentleman. Le peuple en Angleterre appelle le diable le vieux gentleman.

Olive (Robert), sorcier qui fut brûlé à Falaise en 1556. On établit à son procès que le diable le transportait d’un lieu à un autre ; que ce diable s’appelait Chrysopole, et que c’était à l’instigation dudit Chrysopole que Robert Olive tuait les petits enfants et les jetait au feu[11].

Olivier, démon invoqué comme prince des archanges dans les litanies du sabbat.

Ololygmancie, divination tirée du hurlement des chiens. Dans la guerre de Messénie, le roi Aristodème apprit que les chiens hurlaient comme des loups, et que du chiendent avait poussé autour d’un autel. Désespérant du succès, d’après cet indice et d’autres encore (Voy. Ophioneus), quoiqu’il eût déjà immolé sa fille pour apaiser les dieux, il se tua sur la foi des devins, qui virent dans ces signes de sinistres présages.

Olys, talisman que les prêtres de Madagascar donnent aux peuples pour les préserver de plusieurs malheurs, et notamment pour enchaîner la puissance du diable.

Ombre. Dans le système de la mythologie païenne, ce qu’on nommait ombre n’appartenait ni au corps ni à l’âme, mais à un état mitoyen. C’était cette ombre qui descendait aux enfers. On croyait que les animaux voyaient les ombres des morts. Aujourd’hui même, dans les montagnes d’Écosse, lorsqu’un animal tressaille subitement, sans aucune cause apparente, le peuple attribue ce mouvement à l’apparition d’un fantôme.

En Bretagne, les portes des maisons ne se ferment qu’aux approches de la tempête. Des feux follets, des sifflements l’annoncent. Quand on entendait ce murmure éloigné qui précède l’orage, les anciens s’écriaient : — Fermons les portes, écoutez les criériens ; le tourbillon les suit. Ces criériens sont les ombres, les ossements des naufragés qui demandent la sépulture, désespérés d’être depuis leur mort ballottés par les éléments[12] On dit encore que celui qui vend son âme au diable n’a plus d’ombre au soleil ; cette tradition, très-répandue en Allemagne, est le fondement de plusieurs légendes. Voy. Revenants.

Ombriel, génie vieux et rechigné, à l’aile pesante, à l’air refrogné. Il joue un rôle dans la Boucle de cheveux enlevée de Pope.

Omestès, surnom de Bacchus, considéré comme chef des ogres ou loups-garous qui mangent la chair fraîche.

Omomancie, divination par les épaules chez les rabbins. Les Arabes devinent par les épaules du mouton, lesquelles, au moyen de certains points dont elles sont marquées, représentent diverses figures de géomancie.

Omphalomancie, divination par le nombril. Les sages-femmes, par les nœuds inhérents au nombril de l’enfant premier-né, devinaient combien la mère en aurait encore après celui-là.

Omphalophysiques, fanatiques de Bulgarie que l’on trouve du onzième au quatorzième siècle, et qui, par une singulière illusion, croyaient voir la lumière du Thabor à leur nombril.

On, mot magique, comme tétragrammaton, dont on se sert dans les formules de conjurations.

Ondins ou Nymphes, esprits élémentaires, composés des plus subtiles parties de l’eau qu’ils habitent. Les mers et les fleuves sont peuplés, disent les cabalistes, de même que le feu, l’air et la terre. Les anciens sages ont nommé Ondins

 
Ondine
Ondine
 
ou Nymphes cette espèce de peuple. Il y a peu de mâles, mais les femmes y sont en grand nombre ; leur beauté est extrême, et les filles des hommes n’ont rien de comparable[13]. Voy. Cabale, Nickar, etc.

En Allemagne, le peuple croit encore aux Ondines, esprits des eaux, qui ont une assez mauvaise réputation. Du fond de leurs humides demeures, elles épient le pêcheur qui rêve au bord des ondes et l’attirent dans un gouffre où il disparaît pour toujours.

On croit en Suède à l’esprit des eaux. Chaque rivière a le sien ; tous sont soumis à un chef. De même que ceux des montagnes, ils sont invisibles : leur main seule ne l’est pas, suivant la tradition en vogue le long du lac Miæsen. Un pêcheur qui demeurait sur ses bords, désirant présenter un gâteau de Noël à l’esprit des eaux, le porta au rivage ; l’eau était gelée, il ne voulut pas poser le gâteau sur la glace, pour ne pas donner au démon la peine de la casser ; il retourna chez lui pour y prendre une pioche, puis frappa de toute sa force pour briser la glace, mais ne réussit qu’à faire un trou trop petit pour que le gâteau pût y passer. Dans son désespoir, ne sachant plus que faire, il plaça son gâteau sur la glace : aussitôt une très-petite main, aussi blanche que la neige, sortit du trou, et le gâteau se réduisant à une dimension proportionnée, la main put s’en saisir et l’emporter.

Les habitants du bord du lac ont profité de cet exemple pour épargner leur farine et leurs raisins secs. Afin d’éviter au génie du Miæsen la peine de changer la dimension du gâteau, celui qu’ils lui offrent est toujours de taille à pouvoir pénétrer par la plus petite ouverture que l’on puisse faire dans la glace. Cette tradition a formé matière à un compliment pour les dames : on dit habituellement de celles dont on veut faire l’éloge : « Elle a la main comme celle de l’esprit du lac. » Voy. Nymphes, Nictar, etc.

Oneirocritique, art d’expliquer les songes. Voy. Songes.

Ongles. Les Madécasses ont grand soin de se couper les ongles une ou deux fois la semaine ; ils s’imaginent que le diable s’y cache quand ils sont longs. C’était une impiété chez les Romains que de se couper les ongles tous les neufs jours. Cardan assure, dans son traité De varietate rerum, qu’il avait prévu par les taches de ses ongles tout ce qui lui était arrivé de singulier. Voy. Chiromancie.

On sait qu’il pousse des envies aux doigts quand on coupe ses ongles les jours qui ont un R, comme mardi, mercredi et vendredi… Enfin, quelques personnes croient en Hollande qu’on se met à l’abri du mal de dents en coupant régulièrement ses ongles le vendredi. Voy. Onychomancie.

Onguents. Il y a plusieurs espèces d’onguents, qui ont tous leur propriété particulière. On sait que le diable en compose de différentes façons, et qu’il les emploie à nuire au genre humain. Pour endormir, on en fait un avec de la racine de belladone, de la morelle furieuse, du sang de chauve-souris, du sang de huppe, de l’aconit, de la suie, du persil, de l’opium et de la ciguë. Voy. Graisse.

Onomancie ou Onomatomancie, divination par les noms. Elle était fort en usage chez les anciens. Les pythagoriciens prétendaient que les esprits, les actions et les succès des hommes étaient conformes à leur destin, à leur génie et à leur nom. On remarquait qu’Hippolyte avait été déchiré par ses chevaux, comme son nom le portait. De même, on disait d’Agamemnon que, suivant son nom, il devait rester longtemps devant Troie ; et de Priam, qu’il devait être racheté d’esclavage. Une des règles de l’onomancie, parmi les pythagoriciens, était qu’un nombre pair de voyelles dans le nom d’une personne signifiait quelque imperfection au côté gauche, et un nombre impair quelque imperfection au côté droit. Ils avaient encore pour adage que de deux personnes, celle-là était la plus heureuse dans le nom de laquelle les lettres numérales jointes ensemble formaient la plus grande somme. Ainsi, disaient-ils, Achille devait vaincre Hector, parce que les lettres numérales comprises dans le nom d’Achille formaient une somme plus grande que celles du nom d’Hector. C’était sans doute d’après un principe semblable que, dans les parties de plaisir, les Romains buvaient à la santé de leurs belles autant de coups qu’il y avait de lettres dans leur nom. Enfin, on peut rapporter à l’onomancie tous les présages qu’on prétendait tirer des noms, soit considérés dans leur ordre naturel, soit décomposés et réduits en anagrammes ; folie trop souvent renouvelée chez les modernes. Voy. Anagrammes.

Cœlius Rhodiginus a donné la description d’une singulière espèce d’onomancie ; Théodat, roi des Goths, voulant connaître le succès de la guerre qu’il projetait contre les Romains, un devin juif lui conseilla de faire enfermer un certain nombre de porcs dans de petites étables, de donner aux uns des noms goths, avec des marques pour les distinguer, et de les garder jusqu’à un certain jour. Ce jour étant arrivé, on ouvrit les étables, et l’on trouva morts les cochons désignés par des noms goths, ce qui fit prédire au juif que les Romains seraient vainqueurs[14].

Onychomancie, divination par les ongles. Elle se pratiquait en frottant avec de la suie les ongles d’un jeune garçon, qui les présentait au soleil, et l’on s’imaginait y voir des figures qui-faisaient connaître ce qu’on souhaitait de savoir. On se servait aussi d’huile et de cire.

Oomancie ou Ooscopie, divination par es œufs. Les devins des anciens jours voyaient dans la forme extérieure et dans les figures intérieures d’un œuf les secrets les plus impénétrables de l’avenir. Suidas prétend que cette divination fut inventée par Orphée.

On devine à présent par l’inspection des blancs d’œufs ; et des sibylles modernes (entre autres mademoiselle Lenormand) ont rendu cette divination célèbre. Il faut prendre pour cela un verre d’eau, casser dessus un œuf frais et l’y laisser tomber doucement. On voit par les figures que le blanc forme dans l’eau divers présages. Quelques-uns cassent l’œuf dans de l’eau bouillante ; on explique alors les signes comme pour le marc de café. Au reste, cette divination n’est pas nouvelle ; elle est même indiquée par le Grimoire. « L’opération de l’œuf, dit ce livre, est pour savoir ce qui doit arriver à quelqu’un qui est présent lors de l’opération. On prend un œuf d’une poule noire, pondu du jour ; on le casse, on en tire le germe ; il faut avoir un grand verre bien fin et bien net, l’emplir d’eau claire et y mettre le germe de l’œuf ; on met ce verre au soleil de midi dans l’été, en récitant des oraisons et des conjurations, et avec le doigt on remue l’eau du verre pour faire tourner le germe ; on le laisse ensuite reposer un instant, et on regarde sans toucher. On voit ce qui aura rapport à celui ou à celle pour qui l’opération se fait. Il faut tâcher* que ce soit un jour de travail, parce qu’alors les objets s’y présentent dans leurs occupations ordinaires[15]. Voy. Œufs.

Opale. Cette pierre récrée le cœur, préserve de tout venin et contagion de l’air, chasse la tristesse, empêche les syncopes, les maux de cœur et les affections malignes…

Opalski, sources d’eaux chaudes dans le Kamtschatka. Les habitants s’imaginent que c’est la demeure de quelque démon et ont soin de lui apporter de légères offrandes pour apaiser sa colère. Sans cela, disent-ils, il soulèverait contre eux de terribles tempêtes.

Ophiogènes, charmeurs qui, dans l’Hellespont, guérissaient par le simple toucher les morsures des serpents. Varron cite quelques-uns de ces habiles qui faisaient la même chose avec leur salive.

Ophiomancie, divination par les serpents. Elle était fort usitée chez les anciens, et consistait à tirer présage des divers mouvements qu’on voyait faire aux serpents. On avait tant de foi à ces oracles, qu’on nourrissait exprès des serpents pour connaître ainsi l’avenir. Voy. Serpents.

Ophionée, chef des démons ou mauvais génies qui se révoltèrent contre Jupiter, selon Phérécyde le Syrien.

Ophioneus, célèbre devin de Messénie, aveugle de naissance. Il demandait à ceux qui venaient le consulter comment ils s’étaient conduits jusqu’alors, et, d’après leur réponse, prédisait ce qui leur devait arriver. Ce n’était pas si bête. Aristodème, roi des Messéniens, ayant consulté l’oracle de Delphes sur le succès de la guerre contre les Lacédémoniens, il lui fut répondu que quand deux yeux s’ouvriraient à la lumière et se refermeraient peu après, c’en serait fait des Messéniens. Ophioneus se plaignit de violents maux de tête qui durèrent quelques jours, au bout desquels ses yeux s’ouvrirent pour se refermer bientôt. Aristodème, en apprenant cette double nouvelle, désespéra du succès et se tua pour ne pas survivre à sa défaite. Voy. Ololygmancie.

Ophites, hérétiques du deuxième siècle qui rendaient un culte superstitieux au serpent. Ils enseignaient que le serpent avait rendu un grand service aux hommes en leur faisant connaître le bien et le mal ; ils maudissaient Jésus-Christ, parce qu’il est écrit qu’il est venu dans le monde pour écraser la tête du serpent. Aussi Origène ne les regardait-il pas comme chrétiens. Leur secte était peu nombreuse.

Ophthalmius, pierre fabuleuse qui rendait, disait-on, invisible celui qui la portait.

Ophthalmoscopie, art de connaître le caractère ou le tempérament d’une personne par l’inspection de ses yeux. Voy. Physiognomonie.

Optimisme. On parle d’une secte de philosophes optimistes qui existaient jadis dans l’Arabie, et qui employaient tout leur esprit à ne rien trouver de mal. Un docteur de cette secte avait une femme acariâtre, qu’il supporta longtemps, mais qu’enfin il étrangla de son mieux ; et il trouva que tout était bien. Le calife fit empaler le coupable, qui souffrit sans se plaindre. Comme les assistants s’étonnaient de sa tranquillité : — Eh mais ! leur dit-il, ne suis-je pas bien empalé ?

On fait aussi ce conte : Le diable emportait un philosophe de la même secte, et celui-ci se laissait emporter tranquillement. — Il faut bien que nous arrivions quelque part, disait-il, et tout est pour le mieux[16].


 
Un docteur de cette secte avait une femme acariâtre… — Page 505
Un docteur de cette secte avait une femme acariâtre… — Page 505.
 

Oracles. Les oracles étaient chez les anciens ce que sont les devins parmi nous. Toute la différence qu’il y a entre ces deux espèces, c’est que les gens qui rendaient les oracles se disaient les interprètes des dieux, et que les sorciers ne peuvent relever que du diable. On honorait les premiers ; on méprise les seconds.

Le P. Kirker, dans le dessein de détromper les gens superstitieux sur les prodiges attribués à l’oracle de Delphes, avait imaginé un tuyau adapté avec tant d’art à une figure automate, que quand quelqu’un parlait un autre entendait dans une chambre éloignée ce qu’on venait de dire, et répondait par ce même tuyau, qui faisait ouvrir la bouche et remuer les lèvres de l’automate. Il supposa en conséquence que les prêtres du paganisme, en se servant de ces tuyaux, faisaient accroire aux sots que l’idole satisfaisait à leurs questions.

L’oracle de Delphes est le plus fameux de tous. Il était situé sur un côté du Parnasse, coupé de sentiers taillés dans le roc, entouré de rochers qui répétaient plusieurs fois le son d’une seule trompette. Un berger le découvrit en remarquant que ses chèvres étaient enivrées de la vapeur que produisait une grotte autour de laquelle elles paissaient. La prêtresse rendait ses oracles, assise sur un trépied d’or, au-dessus de cette cavité ; la vapeur qui en sortait la faisait entrer dans une sorte de délire effrayant, qu’on prenait pour un enthousiasme divin.

Les oracles de la Pythie n’étaient autre chose qu’une inspiration démoniaque, dit Leloyer, et ne procédaient point d’une voix humaine. Dès qu’elle entrait en fonction, son visage s’altérait, sa gorge s’enflait, « sa poitrine pantoisait et haletait sans cesse ; elle ne ressentait rien que rage ; elle remuait la tête, faisait la roue du cou, pour

 
Devin
Devin
Devin.
 
parler comme le poète Stace, agitait tout le corps et rendait ainsi ses réponses. »

Les prêtres de Dodone disaient que deux colombes étaient venues d’Égypte dans leur forêt, parlant le langage des hommes, et qu’elles avaient commandé d’y bâtir un temple à Jupiter, qui promettait de s’y trouver et d’y rendre des oracles. Pausanias conte que des filles merveilleuses se changeaient en colombes, et sous cette forme rendaient les célèbres oracles de Dodone. Les chênes parlaient dans cette forêt enchantée (Voy. Arbres), et on y voyait une statue qui répondait à tous ceux qui la consultaient, en frappant avec une verge sur des chaudrons d’airain, laissant à ses prêtres le soin d’expliquer les sons prophétiques qu’elle produisait.

Le bœuf Apis, dans lequel l’âme du grand Osiris s’était retirée, était regardé chez les Égyptiens comme un oracle. En le consultant, on se mettait les mains sur les oreilles et on les tenait bouchées jusqu’à ce qu’on fût sorti de l’enceinte du temple ; alors on prenait pour réponse du dieu la première parole qu’on entendait.

Ceux qui allaient consulter en Achaïe l’oracle d’Hercule, après avoir fait leur prière dans le temple, jetaient au hasard quatre dés, sur les faces desquels étaient gravées quelques figures ; ils allaient ensuite à un tableau où ces hiéroglyphes étaient expliqués et prenaient pour la réponse du dieu l’interprétation qui répondait à la chance qu’ils avaient amenée.

Les oracles présentaient ordinairement un double sens, qui sauvait l’honneur du dieu et leur donnait un air de vérité, mais de vérité cachée au milieu du mensonge, que peu de gens avaient l’esprit de voir.

Théagène de Thase avait remporté quatorze cents couronnes en différents jeux, de sorte qu’après sa mort on lui éleva une statue en mémoire de ses victoires. Un de ses ennemis allait souvent insulter cette statue, qui tomba sur lui et l’écrasa. Ses enfants, conformément aux lois de Dracon, qui permettaient d’avoir action même contre les choses inanimées, quand il s’agissait de punir l’homicide, poursuivirent la statue de Théagène pour le meurtre de leur père ; elle fut condamnée à être jetée dans la mer. Les Thasiens furent peu après affligés d’une peste. L’oracle consulté répondit : Rappelez vos exilés. Ils rappelèrent en conséquence quelques-uns de leurs concitoyens ; mais la calamité ne cessant point, ils renvoyèrent à l’oracle, qui leur dit alors plus clairement : Vous avez détruit les honneurs du grand Théagène !… La statue fut remise à sa place ; on lui sacrifia comme à un dieu, et la peste s’apaisa.

On consultait l’oracle sur toutes choses. Euchidas, jeune Platéen, périt victime de son zèle pour son pays. Après la bataille de Platée, l’oracle de Delphes ordonna à ses compatriotes d’éteindre tout le feu qui était dans le pays, parce qu’il avait été profané par les barbares, et d’en venir prendre un plus pur à Delphes. Le feu fut éteint dans toute la contrée. Euchidas se chargea d’aller chercher celui de Delphes avec toute la diligence possible. En effet, il partit en courant et revint de même, après avoir fait mille stades dans un jour. En arrivant, il salua ses compatriotes, leur remit le feu sacré et tomba mort de lassitude. Les Platéens lui élevèrent un tombeau avec cette épitaphe : « Ci-gît Euchidas, mort pour être allé à Delphes et en être revenu en un seul jour. »

Philippe, roi de Macédoine, fut averti par l’oracle d’Apollon qu’il serait tué par une charrette : c’est pourquoi il commanda aussitôt qu’on fît sortir toutes les charrettes et tous les chariots de son royaume. Toutefois il ne put échapper au sort que l’oracle avait si bien prévu : Pausanias, qui lui donna la mort, portait une charrette gravée à la garde de l’épée dont il le perça. Ce même Philippe désirant savoir s’il pourrait vaincre les Athéniens, l’oracle qu’il consultait lui répondit :

 

Avec lances d’argent quand tu feras la guerre,
Tu pourras terrasser les peuples de la terre.

 
Ce moyen lui réussit merveilleusement, et il disait quelquefois qu’il était maître d’une place s’il pouvait y faire entrer un mulet chargé d’or.

L’ambiguïté était un des caractères les plus ordinaires des oracles, et le double sens ne pouvait que leur être favorable. Ainsi, quand la Pythie dit à Néron : « Garde-toi des soixante-treize ans, » ce prince crut que les dieux lui annonçaient par là une longue vie. Mais il fut bien étonné quand il vit que cette réponse indiquait Galba, vieillard de soixante-treize ans, qui le détrôna.

Quelquefois les oracles ont dit des vérités. Qui les y contraignait ? On est surpris de lire dans Porphyre que l’oracle de Delphes répondit un jour à des gens qui lui demandaient ce que c’était que Dieu : « Dieu est la source de la vie, le principe de toutes choses, le conservateur de tous les êtres. Tout est plein de Dieu : il est partout. Personne ne l’a engendré : il est sans mère. Il sait tout, et on ne peut rien lui apprendre. Il est inébranlable dans ses desseins, et son nom est ineffable. Voilà ce que je sais de Dieu, ne cherche pas à en savoir davantage : ta raison ne saurait le comprendre, quelque sage que tu sois. Le méchant et l’injuste ne peuvent se cacher devant lui ; l’adresse et l’excuse ne peuvent rien déguiser à ses regards perçants. »

Dans Suidas, l’oracle de Sérapis dit à Thulis, roi d’Égypte : « Dieu, le Verbe, et l’Esprit qui les unit, tous ces trois ne sont qu’un : c’est le Dieu dont la force est éternelle. Mortel, adore et tremble, ou tu es plus à plaindre que l’animal dépourvu de raison. »

Le comte de Gabalis, en attribuant les oracles aux esprits élémentaires, ajoute qu’avant Jésus-Christ ces esprits prenaient plaisir à expliquer aux hommes ce qu’ils savaient de Dieu et à leur donner de sages conseils ; mais qu’ils se retirèrent quand Dieu vint lui-même instruire les hommes, et que dès lors les oracles se turent.

« On pensera des oracles des païens ce que l’on voudra, dit dom Calmet dans ses Dissertations sur les apparitions, je n’ai nul intérêt à les défendre, je ne ferai pas même difficulté d’avouer qu’il y a eu de la part des prêtres et des prêtresses qui rendaient ces oracles beaucoup de supercheries et d’illusions. Mais s’ensuit-il que le démon ne s’en soit jamais mêlé ? On ne peut disconvenir que, depuis le Christianisme, les oracles ne soient tombés insensiblement dans le mépris et n’aient été réduits au silence, et que les prêtres, qui se mêlaient de prédire les choses cachées et futures, n’aient été souvent forcés d’avouer que la présence des chrétiens leur imposait silence. »

Orages. Voy. Criériens, Tonnerre, etc.

Oraison du loup. Quand on l’a prononcée pendant cinq jours au soleil levant, on peut défier les loups les plus affamés et mettre les chiens à la porte. La voici, cette oraison fameuse :

« Viens, bête à laine, c’est l’agneau d’humilité ; je te garde. Va droit, bête grise, à gris agripeuse ; va chercher ta proie, loups et louves et louveteaux : tu n’as point à venir à cette viande qui est ici. Vade retro, o Satana ! » Voy. Gardes.

Oray ou Loray, grand marquis des enfers, qui se montre sous la forme d’un superbe archer portant un arc et des flèches ; il anime les combats, empire les blessures faites par les archers, lance les javelines les plus meurtrières. Trente légions le reconnaissent pour dominateur et souverain[17].

Orcavelle, magicienne célèbre dans les romans de chevalerie. Elle opérait des enchantements extraordinaires.

Ordalie. On donnait le nom d’ordalie à une série d’épreuves par les éléments. Elles consistaient à marcher les yeux bandés parmi des socs de charrue rougis au feu, à traverser des brasiers enflammés, à plonger le bras dans l’eau bouillante, à tenir à la main une barre de fer rouge, à avaler un morceau de pain mystérieux, à être plongé, les mains liées aux jambes, dans une grande cuve d’eau, enfin à étendre pendant assez longtemps les bras devant une croix. Voy. Croix, Eau, Feu, etc.

Oreille. On dit que nos amis parlent de nous quand l’oreille gauche nous tinte, et nos ennemis quand c’est la droite.

Oresme (Guillaume), astrologue du quatorzième siècle, dont on sait peu de chose.

Orfa. Le lac d’Orfa, près d’Édesse, pullule de poissons réputés sacrés. Il est expressément défendu, en mémoire d’Abraham, d’y jamais tendre un filet ou d’y jeter une amorce.

Orgueil, le péché qui ouvre la phalange odieuse des sept péchés capitaux. C’est le péché d’Adam, et il nous est resté.

Orias, démon des astrologues et des devins, grand marquis de l’empire infernal. Il se montre sous les traits d’un lion furieux, assis sur un cheval qui a la queue d’un serpent. Il porte dans chaque main une vipère. Il connaît l’astronomie et enseigne l’astrologie. Il métamorphose les hommes à leur volonté, leur fait obtenir des dignités et des titres, et commande trente légions.

Originel (Péché), la source de tous les maux qui affligent l’humanité, réparé par le baptême dans ses conséquences éternelles. Ceux qui nient le péché originel n’ont pourtant jamais pu expliquer leur négation. Voy. Péché.

Origines du monde. Tout s’accorde pour reconnaître au monde une origine peu éloignée. L’histoire, aussi bien que la sainte Bible, ne nous permet guère de donner au monde plus de six mille ans ; et rien dans les arts, dans les monuments, dans la civilisation des anciens peuples, ne contredit l’Écriture sainte. Racontons toutefois les rêveries des conteurs païens. Sanchoniaton présente ainsi l’origine du monde. Le Très-Haut et sa femme habitaient le sein de la lumière. Ils eurent un fils beau comme le Ciel, dont il porta le nom, et une fille belle comme la Terre, dont elle porta le nom. Le Très-Haut mourut, tué par des bêtes féroces, et ses enfants le déifièrent. Le Ciel, maître de l’empire de son père, épousa alors la Terre, sa sœur, et en eut plusieurs enfants, entre autres Hus ou Saturne. Il prit encore soin de sa postérité avec quelques autres femmes ; mais la Terre en témoigna tant de jalousie qu’ils se séparèrent. Néanmoins le Ciel revenait quelquefois à elle et l’abandonnait ensuite de nouveau, ou cherchait à détruire les enfants qu’elle lui avait donnés. Quand Saturne fut grand, il prit le parti de sa mère et la protégea contre son père, avec le secours d’Hermès, son secrétaire. Saturne chassa son père et régna en sa place. Ensuite il bâtit une ville, et se défiant de Sadid, l’un de ses fils, il le tua et coupa la tête à sa fille, au grand étonnement des dieux. Cependant le Ciel, toujours fugitif, envoya trois de ses filles à Saturne pour le faire périr ; ce prince les fit prisonnières et les épousa. À cette nouvelle, le père en détacha deux autres que Saturne épousa pareillement. Quelque temps après Saturne, ayant tendu des embûches à son père, l’estropia et l’honora ensuite comme un dieu.

Tels sont les divins exploits de Saturne, tel fut l’âge d’or. Astarté la Grande régna alors dans le pays par le consentement de Saturne ; elle porta sur sa tête une tête de taureau pour marque de sa royauté, etc.[18].

Au commencement, dit Hésiode, était le Chaos, ensuite la Terre, le Tartare, l’Amour, le plus beau des dieux. Le Chaos engendra l’Érèbe et la Nuit, de l’union desquels naquirent le Jour et la Lumière. La Terre produisit alors les étoiles, les montagnes et la mer. Bientôt, unie au Ciel, elle enfanta l’Océan, Hypérion, Japhet, Rhéa, Phœbé, Thétis, Mnémosyne, Thémis et Saturne, ainsi que les cyclopes et les géants Briarée et Gygès, qui avaient cinquante têtes et cent bras. À mesure que ses enfants naissaient, le Ciel les enfermait dans le sein de la Terre. La Terre, irritée, fabriqua une faux qu’elle donna à Saturne. Celui-ci en frappa son père, et du sang qui sortit de cette blessure naquirent les géants et les furies. Saturne eut de Rhéa, son épouse et sa sœur, Vesta, Cérès, Junon, Pluton, Neptune et Jupiter. Ce dernier, sauvé de la dent de son père, qui mangeait ses enfants, fut élevé dans une caverne, et par la suite fit rendre à Saturne ses oncles qu’il tenait en prison, ses frères qu’il avait avalés, le chassa du ciel, et, la foudre à la main, devint le maître des dieux et des hommes.

 
Origines du monde
Origines du monde
 

Les Égyptiens faisaient naître l’homme et les animaux du limon échauffé par le Soleil. Les Phéniciens disaient que le Soleil, la Lune et les astres ayant, paru, le Limon, fils de l’Air et du Feu, enfanta tous les animaux ; que les premiers hommes habitaient la Phénicie ; qu’ils furent d’une grandeur démesurée et donnèrent leur nom aux montagnes du pays ; que bientôt ils adorèrent deux pierres, l’une consacrée au Vent, l’autre au Feu, et leur immolèrent des victimes. Mais le Soleil fut toujours le premier et le plus grand de leurs dieux.

Tous les peuples anciens faisaient ainsi remonter très-haut leur origine, et chaque nation se croyait la première sur la terre. Quelques nations modernes ont la même ambition : les Chinois se disent antérieurs au déluge de quelques centaines de mille ans. Ils croient la matière éternelle ; ils lui font produire un jour le dragon, la tortue, le dragon-cheval, des oiseaux singuliers, et un homme que les chroniques chinoises appellent Pan-kou ; quand il s’est tâté et reconnu dans le chaos, Pan-kou, qui n’est ni créé ni créateur, se fait un ciseau et un maillet avec quoi il débrouille

 
Origines du monde
Origines du monde
 
les éléments divers. Les Japonais soutiennent que les dieux dont ils sont descendus ont habité leur pays plusieurs millions d’années avant le règne de Sin-Mu, fondateur de leur monarchie. C’est ainsi que les vieux chroniqueurs français font remonter la généalogie de nos rois plus loin que Noé. Une seule découverte dans ces prétentions explique toutes les autres. Nos chroniqueurs ont mis à la file soixante petits rois qui régnaient ensemble, dans le même temps, chacun en sa ville. Telle est la vérité des dynasties chinoises, égyptiennes et japonaises.

Les Parsis ou Guèbres prétendent que, pour peupler plus promptement le monde nouvellement créé, Dieu permit qu’Ève, notre mère commune, mît au monde chaque jour deux enfants jumeaux ; ils ajoutent que durant mille ans la mort respecta les hommes et leur laissa le temps de se multiplier. Les Lapons, qui ne sont pas très-forts, s’imaginent que le monde existe de toute éternité et qu’il n’aura jamais de fin.

Disons un mot de quelques autres origines.

Les hommes tirent plus de vanité d’une noble souche ou d’une souche singulière que d’un cœur noble et d’un mérite personnel. Les peuples de la Côte-d’Or, en Afrique, croient que le premier homme fut produit par une araignée. Les Athéniens se disaient descendus des fourmis d’une forêt de l’Attique. Parmi les sauvages du Canada, il y a trois familles principales : l’une prétend descendre d’un lièvre, l’autre dit qu’elle descend d’une très-belle et très-courageuse femme qui eut pour mère une carpe, dont l’œuf fut échauffé par les rayons du soleil ; la troisième famille se donne pour premier ancêtre un ours. Les rois des Goths étaient pareillement nés d’un ours. Les Pégusiens sont nés d’un chien. Les Suédois et les Lapons sont issus de deux frères, dont le courage était bien différent, s’il faut en croire les Lapons. Un jour qu’il s’était élevé une tempête horrible, l’un des deux frères (ils se trouvaient ensemble) fut si épouvanté qu’il se glissa sous une planche, que Dieu, par pitié, convertit en maison. De ce poltron sont nés tous les Suédois. L’autre, plus courageux, brava la furie de la tempête, sans chercher même à se cacher : ce brave fut le père des Lapons, qui vivent encore aujourd’hui sans s’abriter.

Les Syriens disent que notre planète n’était pas faite pour être habitée originairement par des gens raisonnables, mais que, parmi les citoyens du ciel, il se trouva deux gourmands, le mari et la femme, qui s’avisèrent de manger une galette. Pressés ensuite d’un besoin qui est la suite de la gourmandise, ils demandèrent à un des principaux domestiques de l’empire où était la garde-robe. Celui-ci leur répondit : Voyez-vous-la terre, ce petit globe qui est à mille millions de lieues de nous ? C’est là. Ils y allèrent, et on les y laissa pour les en punir.

Selon les Indiens, huit éléphants soutiennent le monde ; ils les appellent Achtequedjams.

On peut voir, pour plus de détails, le préambule des Légendes de l’Ancien Testament.

Ornithomancie, divination qu’on tirait de la langue, du vol, du cri et du chant des oiseaux. Voy. Augures.

Orobas, grand prince du sombre empire. On le voit sous la forme d’un beau cheval. Quand il paraît sous la figure d’un homme, il parle de l’essence divine. Consulté, il donne des réponses sur le passé, le présent et l’avenir. Il

 
Orobas
Orobas
 
découvre le mensonge, accorde des dignités et des emplois, réconcilie les ennemis, et a sous ses ordres vingt légions.

Oromasis, salamandre distingué que les cabalistes donnent pour compagnon de Noé dans l’arche.

Oromaze, Ormos, Ormuzd. La mythologie persane dit que le dieu Oromaze fit vingt-quatre dieux, et les mit tous dans un œuf. Ahrimane, son ennemi, en ayant aussi fait un pareil nombre, ceux-ci percèrent l’œuf, et le mal se trouva alors mêlé avec le bien. Voy. Ahrimane.

Oronte. Pausanias raconte qu’un empereur romain, voulant transporter ses troupes depuis la mer jusqu’à Antioche, entreprit de rendre l’Oronte navigable, afin que rien n’arrêtât ses vaisseaux. Ayant donc fait creuser un canal avec beaucoup de peines et de frais, il détourna le fleuve et lui fit changer de lit. Quand le premier canal fut à sec, on y trouva un tombeau de briques long de onze coudées, qui refermait un cadavre de pareille grandeur et de figure humaine dans toutes ses parties. Les Syriens ayant consulté l’oracle d’Apollon, à Claros, pour savoir ce que c’était, il leur fut répondu que c’était Oronte, Indien de nation.

Orphée, époux d’Eurydice, qu’il perdit le jour de ses noces, qu’il pleura si longtemps, et qu’il alla enfin redemander aux enfers. Platon la lui rendit, à condition qu’il ne regarderait point derrière lui jusqu’à ce qu’il fut hors du sombre empire. Orphée ne put résister à son impatience ; il se retourna et perdit Eurydice une seconde fois et sans retour. Il s’enfonça alors dans un désert, jura de ne plus aimer, et chanta ses douleurs d’un ton si touchant qu’il attendrit les bêtes féroces. Les bacchantes furent moins sensibles, car sa tristesse le fit mettre en pièces par ces furieuses. Les anciens voyaient dans Orphée un musicien habile à qui rien ne pouvait résister. Les compilateurs du moyen âge l’ont regardé comme un magicien insigne, et ont attribué aux charmes de la magie les merveilles que la mythologie attribue au charme de sa voix.

Orphée fut le plus grand sorcier et le plus grand nécromancien qui jamais ait vécu, dit Pierre Leloyer. Ses écrits ne sont farcis que des louanges des diables. Il savait les évoquer. Il institua l’ordre des Orphéotélestes, espèce de sorciers, parmi lesquels Bacchus tenait anciennement pareil lieu que le diable tient aujourd’hui aux assemblées du sabbat. Bacchus, qui n’était qu’un diable déguisé, s’y nommait Sabasius : c’est de là que le sabbat a tiré son nom. Après la mort d’Orphée, sa tête rendit des oracles dans l’île de Lesbos. Tzetzès dit qu’Orphée apprit en Égypte la funeste science de la magie, qui y était en grand crédit, et surtout Part de charmer les serpents. Pausanias explique sa descente aux enfers par un voyage en Thesprotie, où l’on évoquait par des enchantements les âmes des morts. L’époux d’Eurydice, trompé par un fantôme qu’on lui fit voir pendant quelques instants, mourut de regret, ou du moins renonça pour jamais à la société des hommes et se retira sur les montagnes de Tbrace. Leclerc prétend qu’Orphée était un grand magicien ; que ses hymnes sont des évocations infernales, et que, si l’on en croit Apollodore et Lucien, c’est lui qui a mis en vogue dans la Grèce la magie, Part de lire dans les astres et l’évocation des mânes.

Orphelinats. Plusieurs fois ces établissements de charité ont été obsédés par les malins esprits. Dans la maison d’orphelines fondée à Lille au milieu du dix-septième siècle par Antoinette Bourignon, la fondatrice crut voir un jour une nuée de petits démons voltigeant autour des têtes de ses jeunes filles. Elle les entoura de surveillance. Un jour, une d’elles s’étant échappée d’une chambre bien close où on l’avait enfermée, on lui demanda qui l’avait mise en liberté ; elle répondit : « J’ai été délivrée par un esprit auquel je me suis vouée dès l’enfance. » Dès lors cinquante orphelines se déclarèrent possédées ; elles disaient qu’elles étaient emportées au sabbat toutes les nuits. On accusa la Bourignon d’avoir enflammé les imaginations de ces pauvres jeunes filles, et là peur qu’elle eut d’être poursuivie l’engagea à s’enfuir.

En 1669, les orphelins de l’hospice de Horn furent pareillement atteints de convulsions et de délire. C’était un pays de protestants, et les démons avaient beau jeu ; car les ministres, qui chez eux remplaçaient nos prêtres, ne pouvaient exorciser. Cependant, ces orphelins hurlaient et aboyaient comme des chiens. Ils se jetaient par terre et se heurtaient à se briser contre des corps durs. Un siècle auparavant, en 1566, la même crise avait eu lieu dans la maison des orphelins d’Amsterdam. Hooft, dans son Histoire des Pays-Bas, rapporte que soixante-dix de ces pauvres enfants étaient évidemment possédés par de mauvais esprits. Ils grimpaient aux murs les plus élevés et couraient sur les toits comme des chats. Si on les fâchait, leurs figures devenaient horribles. Ils parlaient des langues qu’ils n’avaient jamais apprises et racontaient dans leur petite chambre ce qui se passait et ce qui se disait à l’hôtel de ville, au moment même où ils parlaient. C’était donc une épidémie diabolique ; et nous ne saurions dire comment elle fut calmée.

Orphéotelestes, gens qui faisaient le sabbat, c’est-à-dire les mystères d’Orphée.

Or portable, Or artificiel. Voy. Alchimie.

Orr (John). C’était un Américain, en correspondance sans doute avec les esprits. Il prêchait le spiritisme dans les rues, se disant l’ange Gabriel, et par conséquent à l’abri de la mort. Il avait des adeptes qui furent donc bien surpris de le voir mourir comme un homme, au commencement de l’année 1857, à Démérara.

Orthon, lutin ou esprit familier qui s’attacha au comte de Foix. Le bon Froissart en a parlé[19].

Ortie brûlante. Les Islandais, qui appellent cette plante netla, croient qu’elle a une vertu singulière pour écarter les sortilèges. Selon eux, il faut en faire des poignées de verges et en fouetter les sorciers à nu.

Os des morts. Certains habitants de la Mauritanie ne mettent jamais deux corps dans la même sépulture, de peur qu’ils ne s’escamotent mutuellement leurs os au jour de la résurrection.

Othon. Suétone dit que le spectre de Galba poursuivait sans relâche Othon, son meurtrier, le tiraillait hors du lit, l’épouvantait et lui causait mille tourments. C’était peut-être le remords.

Otis ou Botis, grand président des enfers. Il apparaît sous la forme d’une vipère ; quand il prend la figure humaine, il a de grandes dents, deux cornes sur la tête et un glaive à la main ; il répond effrontément sur le présent, le passé et l’avenir. Il a autant d’amis que d’ennemis. Il commande soixante légions[20].

Ouahiche, génie ou démon dont les jongleurs iroquois se prétendent inspirés. C’est lui qui leur révèle les choses futures.

Ouikka, mauvais génie qui, chez les Esquimaux, fait naître les tempêtes et renverse les barques.

Oulon-Toyon, chef des vingt-sept tribus d’esprits malfaisants, que les Yakouts supposent répandus dans l’air et acharnés à leur nuire. Il a une femme et beaucoup d’enfants.

Oupires. Voy. Vampires.

Ouran ou Ouran-Soangue, homme endiablé, sorte de magiciens de l’île Gromboccanore, dans les Indes orientales. Ils ont la réputation de se rendre invisibles quand il leur plaît, et de se transporter où ils veulent. Le peuple les craint et les hait mortellement ; quand on peut en attraper quelqu’un, on le tue sans miséricorde.

Ourisk, lutin du genre des sylvains et des satyres du paganisme.

Ours. Quand les Ostiacks ont tué un ours, ils l’écorchent et mettent sa peau sur un arbre auprès d’une de leurs idoles ; après quoi ils lui rendent leurs hommages, lui font de très-humbles excuses de lui avoir donné la mort et lui représentent que dans le fond ce n’est pas à eux qu’il doit s’en prendre, puisqu’ils n’ont pas forgé le fer qui l’a percé, et que la plume qui a hâté le vol de la flèche appartient à un oiseau étranger. Au Canada, lorsque des chasseurs tuent un ours, un d’eux s’en approche, lui met entre les dents le tuyau de sa pipe, souffle dans le fourneau, et, lui remplissant ainsi de fumée la gueule et le gosier, il conjure l’esprit de cet animal de ne pas s’offenser de sa mort. Mais comme l’esprit ne fait aucune réponse, le chasseur, pour savoir si sa prière est exaucée, coupe le filet qui est sous la langue de l’ours et le garde jusqu’à la fin de la chasse. Alors on fait un grand feu dans toute la bourgade, et toute la troupe y jette ces filets avec cérémonie : s’ils y pétillent et se retirent, comme il doit naturellement arriver, c’est une marque certaine que les esprits des ours sont apaisés ;

 
Ours
Ours
 


autrement on se persuade qu’ils sont irrités et que la chasse ne sera point heureuse l’année d’après, à moins qu’on ne prenne soin de se les réconcilier par des présents et des invocations[21].

Le diable prend quelquefois la forme de cet animal. Il s’est présenté un jour sous cette peau à une Allemande ; il entraînait à sa suite quelques petits, qui n’étaient que des cobolds. L’Allemande se défia et le mit en fuite par le signe de la croix. Un choriste de Cîteaux, s’étant légèrement endormi aux matines, s’éveilla en sursaut et aperçut un ours qui sortait du chœur. Cette vision commença à l’effrayer, quand il vit l’ours reparaître et considérer attentivement tous les novices, comme un officier de police qui fait sa ronde, o. Enfin, le monstre sortit de nouveau en disant : « Ils sont bien éveillés ; je reviendrai tout à l’heure voir s’ils dorment… » Le naïf légendaire ajoute que c’était le diable, qu’on avait envoyé pour contenir les frères dans leur devoir[22].

On croyait autrefois que ceux qui avaient mangé la cervelle d’un ours étaient frappés de vertiges, durant lesquels ils se croyaient transformés en ours et en prenaient les manières.

Ovide. On lui attribue un ouvrage de magie intitulé le Livre de la vieille, que nous ne connaissons pas.

Oxyones, peuples imaginaires de Germanie, qui avaient, dit-on, la tête d’un homme et le reste du corps d’une bête. C’est une fable et une farce. Les faiseurs de caricatures ont souvent pris ce thème, notamment en 1791, pour le général Lafayette, qui était toujours à cheval.

 
Oxyone
Oxyone
 

Oze, grand président des enfers. Il se présente sous la forme d’un léopard ou sous celle d’un homme. Il rend ses adeptes habiles dans les arts libéraux. Il répond sur les choses divines et abstraites, métamorphose l’homme, le rend insensé au point de lui faire croire qu’il est roi ou empereur. Oze porte une couronne ; mais son règne ne dure qu’une heure par jour[23].


  1. Chapitre xx du livre V.
  2. Le livre unique, numéro 9.
  3. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, etc., t. I, p. 416.
  4. Des erreurs et des préjugés, t. I, p. 392.
  5. Cicéron rapporte qu’un homme ayant rêvé qu’il mangeait un œuf frais alla consulter l’interprète des songes, qui lui dit que le blanc d’œuf signifiait qu’il aurait bientôt de l’argent, et le jaune, de l’or. Il eut effectivement peu après une succession où il y avait de l’un et de l’autre. Il alla remercier l’interprète, et lui donna une pièce d’argent. L’interprète, en le reconduisant, lui dit : — Et pour le jaune n’y a-t-il rien ? Nihilne de vitello ?
  6. Pline, liv. XXIX, ch. iii.
  7. Thiers, Traité des superstitions, etc.
  8. Voyez sa légende dans les Légendes de l’autre monde.
  9. Apologie pour les grands personnages accusés de magie.
  10. Cambry, Voyage dans le Finistère.
  11. Bodin, Démonomanie, p. 108.
  12. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. II, p. 253.
  13. L’abbé de Villars, dans le Comte de Gabalis.
  14. M. Noël, Dictionnaire de la Fable.
  15. Les trois grimoires, p. 55.
  16. Un jeune homme était bossu ; il se consacrait aux arts et ne rêvait que la gloire. Un savant chirurgien le redressa ; devenu un homme bien fait, il se jeta dans le monde et y fut englouti sans y laisser de nom. M. Eugène Guinot, qui cite ce fait, ajoute :

    « Esope n’aurait peut-être pas composé ses fables, si l’orthopédie avait été inventée de son temps. Le même écrivain cite d’autres victimes de la science. Un homme du monde était bègue, on lui trouvait de l’esprit ; l’hésitation prêtait de l’originalité à ses discours ; il avait le temps de réfléchir en parlant ; il s’arrêtait quelquefois d’une manière heureuse au milieu d’une phrase ; il avait des demi-mots qui faisaient fortune. Un opérateur lui rend le libre exercice de sa langue ; il parle net, et on trouve qu’il n’est plus qu’un sot. Un pauvre aveugle, commodément installé sur le pont Neuf, recevait d’abondantes aumônes. Un savant docteur lui rend la vue. Il retourne à son poste ; mais bientôt un sergent de ville le prend au collet en vertu des ordonnances qui régissent la mendicité. — Je suis en règle, dit le mendiant, voici mon autorisation. — Vous vous moquez, reprit le sergent de ville, cette permission est pour un aveugle, et vous jouissez d’une fort bonne vue. Vous irez en prison. »

  17. Wierus, in Pseudom. dæm.
  18. L’auteur du Monde primitif trouve la clef de ce morceau dans l’agriculture… ; d’autres en cherchent l’explication dans l’astronomie, ce qui n’est pas moins ingénieux ; ceux-ci n’y voient que les opinions religieuses des Phéniciens touchant l’origine du monde, ceux-là y croient voir l’histoire dénaturée des premiers princes du pays, etc.
  19. Voyez son histoire dans les Légendes des esprits et démons.
  20. Wierus, in Pseudom. dæmon.
  21. La Harpe, Hist. des voyages, t. XVIII, p. 396.
  22. Cæsarii Heisterb. Miracul. illustrium, lib. V, cap. xlix.
  23. Wierus, in Pseudomon. dæmon.