Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lettre N

Henri Plon (p. 486-497).
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N

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Nabam, démon que l’on conjure le samedi. Voy. Conjurations.

Nabérus, appelé aussi Nébiros, marquis du sombre empire, maréchal de camp et inspecteur général des armées. Il se montre sous la figure d’un corbeau ; sa voix est rauque ; il donne l’éloquence, l’amabilité et enseigne les arts libéraux. Il fait trouver la main de gloire ; il indique les qualités des métaux, des végétaux et de tous les animaux purs et impurs ; l’un des chefs des nécromanciens, il prédit l’avenir. Il commande à dix-neuf légions[1].

Nabuchodonosor, roi de Babylone, crut pouvoir exiger des peuples le culte et les hommages qui ne sont dus qu’à Dieu, et il fut pendant sept ans changé en bœuf. Les paradistes croient faire une grande plaisanterie en annonçant qu’on verra chez eux l’ongle de Nabuchodonosor[2] parmi d’autres bagatelles ; mais l’ongle de Nabuchodonosor est dans le cabinet de curiosités du roi de Danemark…

« Entre les Pères de l’Église, les uns, dit Chevreau, ont cru certaine la réprobation de Nebuchadnetzar, les autres n’ont douté nullement de son salut. On a fait encore des questions assez inutiles sur le texte de Daniel, où il est dit que « Nabuchodonosor fut banni sept ans de la compagnie des hommes ; qu’il demeurait avec les bêtes des champs ; qu’il mangeait l’herbe comme les bœufs ; que son poil devint long comme les plumes des aigles, et ses ongles comme ceux des oiseaux. » Saint Cyrille de Jérusalem, Cédrenus et d’autres ont été persuadés qu’il avait été changé en bœuf ; et notre Bodin y aurait souscrit, lui qui a cru à la lycanthropie. Je ne pousserai point cette question, et je me contente de dire ici, après beaucoup d’autres, qu’il perdit l’usage de la raison ; qu’il fut tellement changé par les injures de l’air, par la longueur de son poil et de ses ongles, et par sa manière de vivre avec les bêtes, qu’il s’imagina qu’il en était une. Tertullien dit qu’en cet état il fut frénétique ; saint Thomas, qu’il eut l’imagination blessée ; et les paroles de saint Jérôme sont remarquables : Quando autem dixit sensumsibi redditum, ostendit non formam se amisisse, sed mentem[3]. »

Nachtmaneken, ou petit homme de nuit, nom que les Flamands donnent aux incubes.

Nachtvrouwtje, ou petite femme de nuit, nom que les Flamands donnent aux succubes.

Nagates, astrologues de Ceylan. Des voyageurs crédules vantent beaucoup le savoir de ces

 
Nagate
Nagate
 
devins, qui, disent-ils, font souvent des prédictions que l’événement accomplit. Ils décident du sort des enfants. S’ils déclarent qu’un astre malin a présidé à leur naissance, les pères, en qui la superstition étouffe la nature, leur ôtent une vie qui doit être malheureuse. Cependant, si l’enfant qui voit le jour sous l’aspect d’une planète contraire est un premier-né, le père le garde, en dépit des prédictions ; ce qui prouve que l’astrologie n’est qu’un prétexte dont les pères trop chargés d’enfants se servent pour en débarrasser leur maison. Ces nagates se vantent encore de prédire, par l’inspection des astres, si un mariage sera heureux, si une maladie est mortelle, etc.

Naglefare, vaisseau fatal chez les Celtes. Il est fait des ongles des hommes morts ; il ne doit être achevé qu’à la fin du monde, et son apparition fera trembler les hommes et les dieux. C’est sur ce vaisseau que l’armée des mauvais génies doit arriver d’Orient.

Nagual. C’est le nom que donnent les Mexicains à leur esprit familier. Chaque nouveau-né a le sien. Les peuplades ont le leur collectif. Le nagual de chaque nouveau-né est vivant sous la forme d’un animal, d’un poisson, d’un oiseau, qui est signalé le jour de sa naissance par son horoscope. C’est un tigre, un chat, un perroquet, un insecte. Dans le culte du Mexique, avant la conquête, on offrait souvent du sang aux dieux et aussi aux esprits familiers ; on tirait à l’enfant qui venait de naître une goutte de sang sous l’oreille ou sous la langue pour l’offrir avant tout à Chalchinhlicué, la déesse des eaux et la protectrice des enfants.

L’ara, gros perroquet, recevait un culte provincial dans quelques lieux du Mexique. Il avait ses prêtres, qui lui présentaient goutte par goutte leur propre sang en se tatouant de piqûres, et ce culte subsistait encore dans des cavernes il n’y a pas longtemps[4].

Naguille (Catherine), petite sorcière âgée de onze ans, qui fut accusée d’aller au sabbat en plein midi[5].

Naguille (Marie), jeune sorcière, sœur de la précédente. Arrêtée à seize ans, elle avoua que sa mère l’avait conduite au sabbat. Lorsqu’elles devaient y aller ensemble, le diable venait ouvrir la fenêtre de leur chambre et les attendait à la porte. La mère tirait un peu de graisse d’un pot, s’en oignait la tête, excepté la figure, prenait sa fille sous le bras, et elles s’en allaient en l’air au sabbat. Pour revenir à la maison, le diable leur servait de porteur. Elle avoua encore que le sabbat se tenait à Pagole, près d’un petit bois[6].

Nahama, sœur de Tubalcain. On lit dans le Talmud que c’est une des quatre mères des diables. Elle est devenue elle-même, selon les démonomanes, un démon succube.

Nain-Laurin ou l’Elf-roi. C’est le roi des

 
Nain-Laurin
Nain-Laurin
 
petits elfs, des kobolds et d’autres esprits nains. Il joue un grand rôle dans le poëme de Nibelungs.

Nains. Presque tous les esprits de l’espèce des fées sont nains en Irlande.

Aux noces d’un certain roi de Bavière, on vit un nain si petit qu’on l’enferma dans un pâté, armé d’une lance et d’une épée. Il en sortit au milieu du repas, sauta sur la table, la lance en arrêt, et excita l’admiration de tout le monde[7].

La fable dit que les pygmées n’avaient pas deux pieds de haut et qu’ils étaient toujours en guerre avec les grues. Les Grecs, qui reconnaissaient des géants, pour faire le contraste parfait, imaginèrent ces petits hommes, qu’ils appelèrent pygmées. L’idée leur en vint peut-être de certains peuples d’Éthiopie, appelés Péchinies, qui étaient d’une petite taille. Et comme les grues se retiraient tous les hivers dans leur pays, ils s’assemblaient pour leur faire peur et les empêcher de s’arrêter dans leurs champs : voilà le combat des pygmées contre les grues.

 
Nain
Nain
 

Swift fait trouver à son Gulliver des hommes hauts d’un demi-pied dans l’île de Lilliput. Avant lui, Cyrano de Bergerac, dans son Voyage au soleil, avait vu de petits nains pas plus hauts que le pouce.

Les Celtes pensaient que les nains étaient des espèces de créatures formées du corps du géant Ime, c’est-à-dire de la poudre de la terre. Ils n’étaient d’abord que des vers ; mais, par l’ordre des dieux, ils participèrent à la raison et à la figure humaines, habitant toujours cependant entre la terre et les rochers. « On a découvert sur les bords de la rivière Merrimak, à vingt milles de l’île Saint-Louis, dans les États-Unis, des tombeaux en pierre, construits avec une sorte d’art et rangés en ordre symétrique, mais dont aucun n’avait plus de quatre pieds de long. Les squelettes humains n’excèdent pas trois pieds en longueur. Cependant les dents prouvent que c’étaient des individus d’un âge mûr. Les crânes sont hors de proportion avec le reste du corps. Voilà donc les pygmées retrouvés[8]. » Voy. Pygmée.

Laissons passer une anecdote de nain.

On montre dans le château d’Umbres, à une lieue d’Inspruck, le tombeau d’Haymon, géant né dans le Tyrol au quinzième siècle. Il avait seize pieds de haut et assez de force, dit-on, pour porter un bœuf d’une main. À côté du squelette d’Haymon est celui d’un nain qui fut cause de sa mort. Ce nain ayant délié le cordon du soulier du géant, celui-ci se baissa pour le renouer ; le nain profita de ce moment pour lui donner un soufflet. Cette scène se passa devant l’archiduc Ferdinand et sa cour ; on en rit : ce qui fit tant de peine au géant que peu de jours après il en mourut de chagrin.

C’était un luxe, autrefois, d’avoir à la cour des nains ou des fous.

Nairancie. Espèce de divination usitée parmi les Arabes et fondée sur plusieurs phénomènes du soleil et de la lune.

Nakaronkir, esprit que Mahomet envoie dans leur sommeil aux musulmans coupables, pour les pousser au repentir.

Nambroth, démon que l’on conjure le mardi. Voy. Conjurations.

Nan, mouches assez communes en Laponie. Les Lapons les regardent comme des esprits et les portent avec eux dans des sacs de cuir, bien persuadés que par ce moyen ils seront préservés de toute espèce de maladies.

Napier (Barbara). Voy. Jacques Ier.

Napoléon Ier, empereur des Français. On a prétendu qu’il avait un génie familier, comme Socrate et tous les grands hommes dont les actions ont excité l’admiration de leurs contemporains. On l’a fait visiter par un petit homme rouge, espèce de génie mystérieux. Des esprits hostiles ont vu aussi dans Napoléon un des précurseurs de l’Antéchrist ; ce qui est absurde.

Narac, enfer des Indiens ; on y sera tourmenté par des serpents.

Nastrande ou Nastrund, partie de l’enfer des Scandinaves. Là sera un bâtiment vaste et infâme ; la porte, tournée vers le nord, ne sera construite que de cadavres et de serpents, dont toutes les têtes, tendues à l’intérieur, vomiront des flots de venin. Il s’en formera un fleuve empoisonné, dans les ondes rapides duquel flotteront les parjures, les assassins et les adultères. Dans une autre région, la condition des damnés sera pire encore ; car un loup dévorant y déchirera sans cesse les corps qui y seront envoyés.

Nathan de Gaza, juif visionnaire qui se présenta en précurseur du faux messie Sabathaï-Zévi.

 
Napoléon Ier, empereur des Français. — Page 488
Napoléon Ier, empereur des Français. — Page 488.
 

Natona (Berthe), Génoise qui fut possédée en 1217 de trois démons. Ils l’enlevaient en l’air à huit ou neuf pieds. Elle fut délivrée devant les reliques de saint Ubald, dont ses exorcistes imploraient l’intercession.

Naturel et Surnaturel. Ce qui a fourvoyé beaucoup d’esprits qui se sont crus forts parce qu’ils étaient faibles et qu’ils ne s’en doutaient pas, c’est qu’ils ont confondu ces deux essences : le naturel et le surnaturel. Ainsi Balthasar Becker, dans son Monde enchanté, veut anéantir les démons, parce que sa laideur faisait dire qu’il était l’un d’eux. Il voulait s’escrimer sur la chute de l’homme ; or, il s’insurgea contre ces paroles de Moïse : « Le serpent dit à la femme. » Est-ce que le serpent a les organes qu’il faut pour parler ? se demanda-t-il. Et si on lui objecte que le diable a pris la figure du serpent, il répond qu’un esprit n’a pas non plus les organes qui parlent. Il en tire donc cette conclusion : « Cela ne se peut naturellement ; donc cela n’est pas. » Mais Benjamin Binet lui a répliqué : « Ce que vous répondez, c’est ne rien dire, puisqu’il s’agit là d’un fait surnaturel. »

Les naturalistes, les rationalistes, les réalistes (car nous avons ces sectes autour de nous) raisonnent comme Becker ; et ainsi ils déraisonnent.

Naudé (Gabriel), l’un des savants distingués de son temps, né à Paris en 1600. Il fut d’abord bibliothécaire du cardinal Mazarin, ensuite de la reine Christine, et mourut à Abbeville en 1653. Il a laissé une Instruction à la France sur la vérité de l’histoire des frères de la Rose-Croix, 1623, in-à° et in-8o; rare. Naudé y prouve que les prétendus frères de la Rose-Croix n’étaient que des fourbes qui cherchaient à trouver des dupes, en se vantant d’enseigner Tari de faire de l’or, et d’autres secrets non moins merveilleux. Ce curieux opuscule est ordinairement réuni à une autre brochure intitulée Avertissement au sujet des frères de la Rose-Croix. On a encore de lui : Apologie pour les grands hommes faussement soupçonnés de magie, 1625, in-8o. Cet ouvrage, peut-être un peu trop systématique, a eu plusieurs éditions. Il y prend la défense des sages, anciens et modernes, accusés d’avoir eu des génies familiers, tels que Socrate, Aristote, Plotin, etc., ou d’avoir acquis par la magie des connaissances au-dessus du vulgaire.

Naurause (Pierres de). Voy. Fin du monde.

Navius (Accius). Ce Navius, étant jeune, dit Cicéron, fut réduit par la pauvreté à garder les pourceaux. En ayant perdu un, il fit vœu que, s’il le retrouvait, il offrirait aux dieux la plus belle grappe de raisin qu’il y aurait dans l’année. Lorsqu’il eut retrouvé son pourceau, il se tourna vers le midi, s’arrêta au milieu d’une vigne, partagea l’horizon en quatre parties ; et après avoir eu dans les trois premières des présages contraires, il trouva une grappe de raisin d’une admirable grosseur. Ce fut le récit de cette aventure qui donna à Tarquin la curiosité de mettre à l’épreuve son talent de divination. Il coupa un jour un caillou avec un rasoir, pour prouver qu’il devinait bien.

Naylor (James), imposteur du seizième siècle, né dans le diocèse d’York, en Angleterre. Après avoir servi quelque temps en qualité de maréchal des logis dans le régiment du colonel Lambert, il se retira parmi les trembleurs et s’acquit tant de réputation par ses discours, qu’on le regardait comme un saint homme. Voulant profiter de la bonne opinion qu’on avait de lui et se donner en quelque sorte pour un dieu, il résolut, en 1656, d’entrer dans Bristol en plein jour, monté sur un cheval dont un homme et une femme tenaient les rênes, suivi de quelques autres qui chantaient tous : Saint, saint, saint, le Dieu de sabaoth[9]. Les magistrats l’arrêtèrent et l’envoyèrent au parlement, où, son procès ayant été instruit, il fut condamné, le 25 janvier 1657, comme blasphémateur et séducteur du peuple, à avoir la langue percée avec un fer chaud et le front marqué de la lettre B (blasphémateur), à être ensuite reconduit à Bristol, où il rentrerait à cheval, ayant le visage tourné vers la queue : ce qui fut exécuté à la lettre, quoique ce fou misérable eût désiré paraître sur un âne. Naylor fut ensuite enfermé pour le reste de ses jours ; mais on l’élargit, un peu plus tard, et il ne cessa de prêcher ceux de sa secte jusqu’à sa mort.

Naxac, séjour de peines où les habitants du Pégu font arriver les âmes après plusieurs transmigrations.

Nébiros. Voy. Naberus.

Nécato, sorcière d’Andaye qui allait au sabbat avec d’autres, quoique emprisonnée ; ce qui établit que, comme plusieurs de ces malheureuses, elle n’y allait qu’en esprit. Delancre dépeint cette sorcière comme un monstre de laideur. Elle avait une barbe de satyre, des yeux de chat sauvage, une voix rauque. Son regard effrayait même ses compagnes.

Nécromancie, art d’évoquer les morts ou de deviner les choses futures par l’inspection des cadavres. Voy. Anthropomancie, Érichtho, etc.

Il y avait à Séville, à Tolède et à Salamanque des écoles publiques de nécromancie dans de profondes cavernes, dont la grande Isabelle fit murer les entrées. Pour prévenir les superstitions de l’évocation des mânes et de tout ce qui a pris le nom de nécromancie, Moïse avait fait de sages défenses aux Juifs. Isaïe condamne également ceux qui demandent aux morts ce qui intéresse les vivants et ceux qui dorment sur les tombeaux pour avoir des rêves. C’est même pour obvier aux abus de la nécromancie répandue en Orient que chez le peuple israélite celui qui avait touché un mort était impur. Cette divination était en usage chez les Grecs et surtout chez les Thessaliens ; ils arrosaient de sang chaud un cadavre, et ils prétendaient ensuite en recevoir des réponses certaines sur l’avenir. Ceux qui consultaient le mort devaient auparavant avoir fait les expiations prescrites par le magicien qui présidait à cette cérémonie, et surtout avoir apaisé par quelques sacrifices les mânes du défunt : sans ces préparatifs, le défunt demeurait sourd à toutes les questions. Les Syriens se servaient aussi de cette divination, et voici comment ils s’y prenaient : Ils tuaient de jeunes enfants en leur tordant le cou, leur coupaient la tête, qu’ils salaient et embaumaient, puis gravaient sur une lame ou sur une plaque d’or le nom de l’esprit, malin pour lequel ils avaient fait ce sacrifice ; ils plaçaient la tête sur cette plaque, l’entouraient de cierges, adoraient cette sorte d’idole et en tiraient des réponses[10]. Voy. Magie.

Les rois idolâtres d’Israël et de Juda se livrèrent à la nécromancie. Saül y eut recours lorsqu’il voulut consulter l’ombre de Samuel. L’Église a toujours condamné ces abominations. Lorsque Constantin, devenu chrétien, permit encore aux païens de consulter leurs augures, pourvu que ce fût au grand jour, il ne toléra ni la magie noire ni la nécromancie. Julien se livrait à cette pratique exécrable.

Il restait, au moyen âge, quelques traces de la nécromancie dans l’épreuve du cercueil.

Neffesoliens, secte de mahométans qui prétendent être nés du Saint-Esprit, c’est-à-dire sans opération d’homme : ce qui les fait tellement vénérer qu’on ne s’approche d’eux qu’avec réserve. On prétend qu’un malade guérit pour peu qu’il puisse toucher un de leurs cheveux. Mais Delancre dit que ces saints hommes sont au contraire des enfants du diable, qui tâchent de lui faire des prosélytes[11] ; et c’est le plus probable.

Néga. « Tu as fait un vœu à sainte Néga. » Expression des bandits corses. Cette sainte n’est pas dans le calendrier ; mais, chez ces bandits, se vouer à sainte Néga, c’est nier tout de parti pris[12].

Négation. La première négation a été faite par Satan, qui a donné un insolent démenti à Dieu même. La plus affreuse négation dans ce monde est celle des insensés qui nient Dieu. La mort les éclairera malheureusement trop tard.

Nègres. Il est démontré que les nègres ne sont pas d’une race différente des blancs, comme l’ont voulu dire quelques songe-creux ; qu’ils ne sont pas non plus la postérité de Caïn, laquelle a péri dans le déluge. Les hommes, cuivrés en Asie, sont devenus noirs en Afrique et blancs dans le Septentrion ; et tous descendent d’un seul couple. Les erreurs, plus ou moins innocentes, des philosophes à ce sujet ne sont plus admises que par les ignorants. Les sorciers appelaient quelquefois le diable le grand nègre. Un jurisconsulte dont on n’a conservé ni le nom ni le pays, ayant envie de voir le diable, se fit conduire par un magicien dans un carrefour peu fréquenté, où les démons avaient coutume de se réunir. Il aperçut un grand nègre sur un trône élevé, entouré de plusieurs soldats noirs armés de lances et de bâtons. Le grand nègre, qui était le diable, demanda au magicien qui il lui amenait. — Seigneur, répondit le magicien, c’est un serviteur fidèle. — Si tu veux me servir et m’adorer, dit le diable au jurisconsulte, je te ferai asseoir à ma droite. Mais le prosélyte, trouvant la cour infernale plus triste qu’il ne l’avait espéré, fit le signe de la croix, et les démons s’évanouirent[13].

Les nègres font le diable blanc.

Nékir. Voy. Monkir.

Nembroth, un des esprits que les magiciens consultent. Le mardi lui est consacré et on l’évoque ce jour-là : il faut, pour le renvoyer, lui jeter une pierre ; ce qui est facile.

Nemrod, roi d’Assyrie. Ayant fait bâtir la tour de Babel, et voyant, disent les auteurs arabes, que cette tour, à quelque hauteur qu’il l’eût fait élever, était encore loin d’atteindre au ciel, il imagina de s’y faire transporter dans un panier par quatre énormes vautours. Les oiseaux l’emportèrent en effet lui et son panier, mais si haut et si loin que depuis on n’entendit plus parler de lui.

Nénufar, plante aquatique froide, dont voici un effet : Un couvreur travaillait en été sur une maison, à l’une des fenêtres de laquelle le maître avait un flacon d’eau de fleurs de nénufar à purifier au soleil. Le couvreur, étant échauffé et altéré, prit le flacon et but de cette eau ; il s’en retourna chez lui avec les sens glacés. Au bout de quelques jours, surpris de son refroidissement-il se crut ensorcelé. Il se plaint du maléfice qu’on lui a fait. Le maître de la maison examine son flacon et le trouve vide. Il reconnaît aussitôt d’où vient le maléfice, console le couvreur en lui faisant boire du vin de gingembre confit et toutes choses propres à le réchauffer. Il le rétablit enfin et fit cesser ses plaintes[14].

Néphélim, nom qui signifie également géants ou brigands. Aussi est-ce celui que l’Écriture donne aux enfants nés du commerce des anges avec les filles des hommes. Selon l’auteur du livre d’Énoch, les néphélim étaient fils des géants.

Nequam, prétendu prince des magiciens, à qui les chroniques mayençaises attribuent la fondation de Mayence.

Ner ou Néré. C’est le nom que l’on donne en Perse aux génies mâles de la race des Dives. Ils sont très-méchants. Les plus renommés de ces dives pour leur férocité sont Demrousch-Néré, Séhélan-Néré, Mordach-Néré, Cahamérage-Néré. Ils ont fait la guerre aux premiers monarques de l’Orient (dans les temps fabuleux). Tahmuras les a vaincus et enchaînés dans des cavernes bien closes[15].

Nergal, démon du second ordre, chef de la police du ténébreux empire, premier espion de Belzébuth, sous la surveillance du grand justicier Lucifer. Ainsi le disent les démonomanes. Toutefois Nergal ou Nergel fut une idole des Assyriens ; il paraît que dans cette idole ils adoraient le feu.

Néron, empereur romain, dont le nom odieux est devenu la plus cruelle injure pour les mauvais princes. Il portait avec lui une petite statue ou mandragore qui lui prédisait l’avenir. On rapporte qu’en ordonnant aux magiciens de quitter l’Italie, il comprit sous le nom de magiciens les philosophes, parce que, disait-il, la philosophie favorisait l’art magique. Cependant il est certain, disent les démonomanes, qu’il évoqua lui-même les mânes de sa mère Agrippine[16].

Netla. Voy. Ortie.

Nétos, génies malfaisants aux Moluques. Ils ont pour chef Lanthila.

Neuf. Ce nombre est sacré chez différents peuples. Les Chinois se prosternent neuf fois devant leur empereur. En Afrique, on a vu des princes, supérieurs aux autres en puissance, exiger des rois leurs vassaux de baiser neuf fois la poussière avant de leur parler. Pallas observe que les Mogols regardent aussi ce nombre comme très-auguste, et l’Europe n’est pas exempte de cette idée.

Neuhaus (Femme blanche de). Voy. Femmes blanches.

Neures ou Neuriens, peuples de la Sarmatie européenne qui prétendaient avoir le pouvoir de se métamorphoser en loups une fois tous les ans, et de reprendre ensuite leur première forme.

New-Haven. La barque de la fée de New-Haven apparaît, dit-on, sur les mers avant les naufrages au nouveau monde. Cette tradition prend sa source dans une de ces apparitions merveilleuses et inexplicables qu’on suppose être occasionnées par la réfraction de l’atmosphère, comme le palais de la fée Morgane, qui brille au-dessus des eaux dans la baie de Messine.

Niais est un adjectif qui vient de nier ; et ceux qui nient n’en doivent pas être bien fiers.

Nibrianes. Les nibrianes sont les fées des Napolitains. Il y en a une attachée à chaque maison ; et ceux qui l’occupent offensent la nébriane s’ils se plaignent de leur logis. C’est là sans doute une invention de propriétaires.

Nickar ou Nick. D’après la mythologie Scandinave, source principale de toutes les croyances populaires de l’Allemagne et de l’Angleterre,

 
Nickar ou Nick
Nickar ou Nick
 
Odin prend le nom de Nickar ou Hnickar lorsqu’il agit comme principe destructeur ou mauvais génie. Sous ce nom et sous la forme de kelpic, cheval-diable d’Écosse, il habite les lacs et les rivières de la Scandinavie, où il soulève des tempêtes et des ouragans. Il y a dans l’île de Rugen un lac sombre dont les eaux sont troubles et les rives couvertes de bois épais. C’est là qu’il aime à tourmenter les pécheurs en faisant chavirer leurs bateaux et en les lançant quelquefois jusqu’au sommet des plus hauts sapins. Du Nickar Scandinave sont provenus les hommes d’eau et les femmes d’eau, les nixes des Teutons. Il n’en est pas de plus célèbres que les nymphes de l’Elbe et de la Gaal. Avant l’établissement du Christianisme, les Saxons qui habitaient le voisinage de ces deux fleuves adoraient une divinité du sexe féminin, dont le temple était dans la ville de Magdebourg ou Megdeburch (ville de la jeune fille), et qui inspira toujours depuis une certaine crainte comme la naïade de l’Elbe. Elle apparaissait à Magdebourg, où elle avait coutume d’aller au marché avec un panier sous le
 
 
bras : elle était pleine de grâce, propre, et au premier abord on l’aurait prise pour la fille d’un bon bourgeois ; mais les malins la reconnaissaient à un petit coin de son tablier, toujours humide, en souvenir de son origine aquatique[17].

Chez les Anglais, les matelots appellent le diable le vieux Nick.

Nicksa. Voy. Nixas.

Nicolaï. Voy. Hallucination.

Nid, degré supérieur de magie que les Islandais comparaient à leur seidur ou magie noire. Cette espèce de magie consistait à chanter un charme de malédictions contre un ennemi.

Nider (Jean), savant dominicain mort en 1440. Son Formicarium contient sur les possessions des faits curieux.

Niflheim (Abîme), nom d’un double enfer chez les Scandinaves. Ils le plaçaient dans le neuvième monde ; suivant eux, la formation en avait précédé de quelques hivers celle de la terre. Au milieu de cet enfer, dit l’Edda, il y a une fontaine nommée Hvergelmer. De là coulent les fleuves suivants : l’Angoisse, l’Ennemi de la Joie, le Séjour de la Mort, la Perdition, le Gouffre, la Tempête, le Tourbillon, le Rugissement, le Hurlement, le Vaste ; celui qui s’appelle le Bruyant coule près des grilles du Séjour de la Mort. Cet enfer est une espèce d’hôtellerie, ou, si l’on veut, une prison dans laquelle sont détenus les hommes lâches ou pacifiques qui ne peuvent défendre les dieux inférieurs en cas d’attaque imprévue. Mais les habitants doivent en sortir au dernier jour pour être condamnés ou absous. C’est une idée très-imparfaite du purgatoire.

Nigromancie, art de connaître les choses cachées dans les endroits noirs, ténébreux, comme les mines, les pétrifications souterraines, etc. Ceux qui faisaient des découvertes de ce genre évoquaient les démons et leur commandaient d’apporter les trésors cachés. La nuit était particulièrement destinée à ces évocations, et c’est aussi durant ce temps que les démons exécutaient les commissions dont ils étaient chargés.

Ninon de Lenclos. On conte qu’elle dut de conserver une certaine beauté, trop vantée, jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans, à certain pacte qu’elle fit avec le diable, lequel lui avait apparu, dans un moment de vanité, sous les traits d’un nain vêtu de noir. On ajoute qu’à l’heure de sa mort elle vit aux pieds de son lit le nain qui l’attendait[18].

Nirudy ou Nirondy, roi des démons malfaisants chez les Indiens. On le représente porté sur les épaules d’un géant et tenant un sabre à la main.

Nis et Nisgodreng, lutins danois de l’espèce des Cluricaunes. Voy. ce mot.

Nisses, petites fées en Écosse.

Nitoès, démons ou génies que les habitants des îles Mol uques consultent dans les affaires importantes. On se rassemble, on appelle les démons au son d’un petit tambour, on allume des flambeaux, et l’esprit paraît, ou plutôt un de ses ministres ; on l’invite à boire et à manger, et, sa réponse faite, l’assemblée dévore les restes du festin.

Nixas ou Nicksa, dieu d’une rivière ou de l’Océan, adoré sur les bords de la Baltique, paraît incontestablement avoir tous les attributs de Neptune. Parmi les vents brumeux et les épouvantables tempêtes de ces sombres contrées, ce n’est pas sans raison qu’on l’a choisi comme la puissance la plus contraire à l’homme, et le caractère surnaturel qu’on lui a attribué est parvenu jusqu’à nous sous deux aspects bien différents. La Nixa des Germains est une de ces aimables fées, nommées Naïades par les anciens ; le vieux Nick (le diable en Angleterre) est un véritable descendant du dieu de la mer du Nord, et possède une grande portion de sa puissance. Le matelot anglais, qui semble ne rien craindre, avoue la terreur que lui inspire cet être redoutable, qu’il regarde comme l’auteur des différentes calamités auxquelles sa vie précaire est continuellement en butte.

Noals (Jeanne), sorcière qui fut brûlée par arrêt du parlement de Bordeaux, le 20 mars 1619, pour avoir chevillé le moulin de Las-Coudourleiras, de la paroisse de Végenne. Ayant porté un jour du blé à moudre à ce moulin avec deux autres femmes, le meunier, Jean Destrade, les pria d’attendre que le blé qu’il avait déjà depuis plusieurs jours fût moulu ; mais elles s’en allèrent mécontentes, et aussitôt le moulin se trouva chevillé, de façon que le meunier ni sa femme n’en surent trouver le défaut. Le maître du moulin ayant été appelé, il s’avisa d’y amener ladite sorcière, qui, s’étant mise à genoux sur l’engin avec lequel le meunier avait coutume d’arrêter l’eau, fit en sorte qu’un quart d’heure après le moulin se remit à moudre avec plus de vitesse qu’il n’avait jamais fait[19].

Nodier (Charles), spirituel auteur de Trilby ou le lutin d’Argail (Argyle), et de beaucoup d’écrits charmants où les fées et les follets tiennent poétiquement leur personnage.

Noé. Les Orientaux ont chargé de légendes merveilleuses l’histoire de ce patriarche[20].

Noël (Jacques), prétendu possédé et peut-être obsédé, qui fit quelque bruit en 1667. Il était neveu d’un professeur de philosophie au collège d’Harcourt, à Paris. Il s’imaginait sans cesse voir des spectres. Il était sujet aux convulsions épileptiques, faisait des grimaces, des contorsions, des cris et des mouvements extraordinaires. On le crut démoniaque, on l’examina ; il prétendit qu’on l’avait maléficié, parce qu’il n’avait pas voulu aller au sabbat. Il assura avoir vu le diable plusieurs fois en différentes formes[21]. On finit par découvrir qu’il était fou.

Noh, nom du premier homme selon les Hottentots. Ils prétendent que leurs premiers parents entrèrent dans le pays par une porte ou par une fenêtre ; qu’ils furent envoyés de Dieu même, et qu’ils communiquèrent à leurs enfants l’art de nourrir les bestiaux, avec quantité d’autres connaissances.

Noix. Un grand secret est renfermé dans les noix ; car si on les fait brûler, qu’on les pile et qu’on les mêle avec du vin et de l’huile, elles entretiennent les cheveux et les empêchent de tomber[22].

Nomancie, divination par les noms et par les lettres qui les composent. C’est la même science que l’onomancie. Voy. ce mot.

Nombre deux. Depuis Pythagore, qui avait regardé le nombre deux comme représentant le mauvais principe, ce nombre était aux yeux de l’Italie le plus malheureux de tous ; Platon, imbu de cette doctrine, comparaît le nombre deux à Diane, toujours stérile, et partant peu honorée. C’est d’après le même principe que les Romains avaient dédié à Plu ton le deuxième mois de l’année et le deuxième jour du mois ; parce que tout ce qui était de mauvais augure lui était spécialement consacré.

Diverses croyances s’attachaient à quelques autres nombres. Voy. Neuf, etc.

Nonos, génies malfaisants, que les Indiens des îles Philippines placent dans des sites extraordinaires entourés d’eau ; ils ne passent jamais dans ces lieux, qui remplissent leur imagination d’effroi, sans leur en demander permission. Quand ils sont attaqués de quelque infirmité ou maladie, ils portent à ces génies, en forme d’offrande, du riz, du vin, du coco et le cochon, qu’on donne ensuite à manger aux malades.

Nornes, fées ou parques chez les Celtes. Elles dispensaient les âges des hommes, et se nommaient Urda (le passé), Verandi (le présent) et Skalda (l’avenir).

Norsgubb, le Vieux du Nord ou des Norses. C’est le nom populaire du diable en Suède.

Nostradamus (Michel), médecin et astrologue, né en 1503 à Saint-Remi en Provence, mort à Salon en 1566. Les talents qu’il déploya pour la guérison de plusieurs maladies qui affligeaient la Provence lui attirèrent la jalousie de ses collègues ; il se retira de la société. Vivant seul avec ses livres, son esprit s’exalta au point qu’il crut avoir le don de connaître l’avenir. Il

 
Nostradamus
Nostradamus
 
écrivit ses prédictions dans un style énigmatique ; et pour leur donner plus de poids, il les mit en vers. Il en composa autant de quatrains, dont il publia sept centuries à Lyon en 1555. Ce recueil eut une vogue inconcevable ; on prit parti pour le nouveau devin ; les plus raisonnables le regardèrent comme un visionnaire, les autres imaginèrent qu’il avait commerce avec le diable, d’autres qu’il était véritablement prophète. Le plus grand nombre des gens sensés ne vit en lui qu’un charlatan qui, n’ayant pas fait fortune à son métier de médecin, cherchait à mettre à profit la crédulité du peuple. La meilleure de ses visions est celle qui lui annonça qu’il s’enrichirait à ce métier. Il fut comblé de biens et d’honneurs par Catherine de Médicis, par Charles IX et par le peuple des petits esprits. Le poète Jodelle fit ce jeu de mots sur son nom :
 

Nostra damus cum falsa damus, nam fallere nostrum est ;
Et cum falsa damus, nil nisi nostra damus.

 

Ce n’est point merveille, dit Naudé, si, parmi le nombre de mille quatrains, dont chacun parle toujours de cinq ou six choses différentes, et surtout de celles qui arrivent ordinairement, on rencontre quelquefois un hémistiche qui fera mention d’une ville prise en-France, de la mort d’un grand en Italie, d’une peste en Espagne, d’un monstre, d’un embrasement, d’une victoire ou de quelque chose semblable. Ces prophéties ne ressemblent à rien mieux qu’à ce soulier de Théramène, qui se chaussait indifféremment par toutes sortes de personnes. Et quoique Chavigny, qui a tant rêvé là-dessus, ait prouvé, dans son Janus français, que la plupart des prédictions de Nostradamus étaient accomplies au commencement du dix-septième siècle, on ne laisse pas néanmoins de les remettre encore sur le tapis. Il en est des prophéties comme des almanachs ; les idiots croient à tout ce qu’ils y lisent, parce que sur mille mensonges ils ont rencontré une fois la vérité. Nostradamus est enterré à Salon ; il avait prédit de son vivant que son tombeau changerait de place après sa mort. On l’enterra dans l’église des Cordeliers, qui fut détruite. Alors le tombeau se trouva dans un champ, et le peuple est persuadé plus que jamais qu’un homme qui prédit si juste mérite au moins qu’on le croie[23].

Notarique, une des trois divisions de la cabale chez les Juifs. Elle consiste à prendre ou chaque lettre d’un mot pour en faire une phrase entière, ou les premières lettres d’une sentence pour en former un seul mot.

Noyés. Les marins anglais et américains croient que retirer un noyé et l’amener sur le pont d’un navire qui va appareiller, c’est, si le noyé y meurt, un mauvais présage, qui annonce des malheurs et le danger de périr. Superstition inhumaine. Aussi laissent-ils les noyés à l’eau.

Voici une légende qui a été racontée par le poète Œhlenschlæsger. Ce n’est point une légende, c’est un drame de la vie réelle. Un pauvre matelot a perdu un fils dans un naufrage, et la douleur l’a rendu fou. Chaque jour il monte sur

 
 
sa barque et s’en va en pleine mer ; là, il frappe à grands coups sur un tambour, et il appelle son fils à haute voix : — Viens, lui dit-il, viens ! sors de ta retraite, nage jusqu’ici, je te placerai à côté de moi dans mon bateau ; et si tu es mort, je te donnerai une tombe dans le cimetière, une tombe entre des fleurs et des arbustes ; tu dormiras mieux là que dans les vagues. Mais le malheureux appelle en vain et regarde en vain. Quand la nuit descend, il s’en retourne en disant : — J’irai demain plus loin, mon pauvre fils ne m’a pas entendu[24].

Nuit des trépassés. De tous les jours de

 
 
l’année, il n’en est point que l’imagination superstitieuse des Flamands ait entouré de plus grandes terreurs que le Ier novembre. Les morts sortent à minuit de leurs tombes pour venir, en longs suaires, rappelerles prières dont ils ont besoin aux vivants qui les oublient. La sorcière et le vieux berger choisissent cette soirée pour exercer leurs redoutables maléfices. L’ange Gabriel soulève alors pour douze heures le pied sous lequel il retient le démon captif, et rend à cet infernal ennemi des hommes le pouvoir momentané de les faire souffrir. D’ordinaire, la désolation de la nature vient encore ajouter aux terreurs de ces croyances ; la tempête mugit, la neige tombe avec abondance, les torrents se gonflent et débordent ; enfin la souffrance et la mort menacent de toutes parts le voyageur[25].

Numa-Pompilius, second roi de Rome. Il donna à son peuple des lois assez sages, qu’il disait tenir de la nymphe Égérie. Il marqua les jours heureux et les jours malheureux, etc.[26].

Les démonomanes font de Numa un insigne enchanteur et un profond magicien. Cette nymphe, qui se nommait Égérie, n’était autre chose qu’un démon qu’il s’était rendu familier, comme étant un des plus versés et mieux entendus qui aient jamais existé en l’évocation des diables. Aussi tient-on pour certain, dit Leloyer, que ce fut, par l’assistance et l’industrie de ce démon qu’il fit beaucoup de choses curieuses pour se mettre en crédit parmi le peuple de Rome, qu’il voulait gouverner à sa fantaisie. À ce propos, Denys d’Halicarnasse raconte qu’un jour, ayant invité à souper bon nombre de citoyens, il leur fit servir des viandes simples et communes en vaisselle peu somptueuse ; mais dès qu’il eut dit un mot, sa diablesse le vint trouver, et tout incontinent la salle devint pleine de meubles précieux, et les tables furent couvertes de toutes sortes de viandes exquises et délicieuses. Il était si habile dans ses conjurations, qu’il forçait Jupiter à quitter son séjour et à venir causer avec lui. Numa-Pompilius fut le plus grand sorcier et le plus fort magicien de tous ceux qui ont porté couronne, dit Delancre ; il avait encore plus de pouvoir sur les diables que sur les hommes. Il composa des livres de magie qu’on brûla quatre cents ans après sa mort… Voy. Égérie.

Nursie, au royaume de Naples. Là était la grotte de la Sibylle, remplacée au moyen âge par des sorcières qu’on allait consulter.

Nybbas, démon d’un ordre inférieur, grand

 
Nybbas
Nybbas
 
paradiste de la cour infernale. Il a aussi l’intendance des visions et des songes. On le traite avec assez peu d’égards, le regardant comme bateleur et charlatan.

Nymphes, démons femelles. Leur nom vient de la beauté des formes sous lesquelles ils se montrent. Chez les Grecs, les nymphes, très-honorées, étaient partagées en plusieurs classes : les mélies suivaient les personnes qu’elles voulaient favoriser ou tromper ; elles couraient avec une vitesse inconcevable. Les nymphes genetyllides présidaient à la naissance, assistaient les enfants au berceau, faisaient les fonctions de sages-femmes, et leur donnaient même la nourriture. Ainsi Jupiter fut nourri par la nymphe Mélisse, etc. Ce qui prouve que ce sont bien des démons, c’est que les Grecs disaient qu’une personne était remplie de nymphes pour dire qu’elle était possédée des démons. Du reste, les cabalistes pensent que ces démons habitent les eaux, ainsi que les salamandres habitent le feu, les sylphes l’air, et les gnomes ou pygmées la terre. Voy. Ondins.

 
Nymphes
Nymphes
Nymphes.
 

Nymphe de l’Elbe. Prétorius, auteur estimable du seizième siècle, raconte que la nymphe de l’Elbe s’assied quelquefois sur les bords du fleuve, peignant ses cheveux à la manière des sirènes. Une tradition semblable à celle que Walter Scott a mise en scène dans la Fiancée de Lamermoor avait cours au sujet de la sirène de l’Elbe ; elle est rapportée tout au long par les frères Grimm, dans leur Recueil de légendes germaniques. Quelque belles que paraissent les ondines ou nixes, le principe diabolique fait toujours partie de leur essence : l’esprit du mal n’est couvert que d’un voile plus ou moins transparent, et tôt ou tard la parenté de ces beautés mystérieuses avec Satan devient manifeste. Une

 
 
mort inévitable est le partage de quiconque se laisse séduire par elles. Des auteurs prétendent que les dernières inondations du Valais furent causées par des démons qui, s’ils ne sont pas des nickars ou des nixes, sont du moins de nature amphibie. Il y a près de la vallée de Bagnes une montagne fatale où les démons font le sabbat. En l’année 1818, deux frères mendiants de Sion, prévenus de cette assemblée illégale, gravirent la campagne pour vérifier le nombre et les intentions des délinquants. En diable, l’orateur de la troupe, s’avança. — Révérends frères, dit-il, nous sommes ici une armée telle que, si on divisait entre nous à parts égales tous les glaciers et tous les rochers des Alpes, nous n’en aurions pas chacun une livre pesant[27].

Nynauld (Jean de), auteur d’un livre intitulé De la Lycanthropie, transformation et extases des sorciers. Paris, 1615, in-8o.

Nyol, vicomte de Brosse, poursuivi comme sorcier à la fin du seizième siècle. Il confessa qu’ayant entendu dire qu’on brûlait les sorciers, il avait quitté sa maison et en était demeuré longtemps absent. Ses voisins, l’ayant suivi, l’avaient trouvé dans une étable de pourceaux ; ils l’interrogèrent sur différents maléfices dont il était accusé ; il reconnut qu’il était allé une fois au sabbat, à la croix de la Motte, où il avait vu le diable en forme de chèvre noire ; qu’il s’était donné audit diable, sous promesse qu’il aurait des richesses et serait bien heureux au monde, « et lui bailla pour gage sa ceinture, partie de ses cheveux, et après sa mort un de ses pouces. Ensuite le diable le marqua sur l’épaule ; il lui commanda de donner des maladies, de faire mourir les hommes et les bestiaux, de faire périr les fruits par des poudres qu’il jetterait au nom de Satan. Il avoua encore que le diable l’avait fait danser au sabbat avec les autres sorciers ayant chacun une chandelle, et que quand le diable se retirait enfin, eux tous se trouvaient transportés dans leurs maisons. » Vingt-huit témoins confrontés soutinrent que le vicomte de Brosse avait la réputation de sorcier, et qu’il avait fait mourir quatre hommes et beaucoup de bestiaux[28]. Il fut condamné.

Nypho ou Nyphus (Augustin), sorcier italien, qui avait un démon familier et barbu, dit Delancre[29], lequel démon lui apprenait toutes choses. Il a fait un livre Des divinations, imprimé à la suite de l’explication des songes par Artémidore. Voy. Artémidore.

Nysrock, démon du second ordre, chef de cuisine de Belzébuth, seigneur de la délicate tentation et des plaisirs de la table.



  1. Wierus, in Pseudomonarchia dæmonum.
  2. Et plus exactement Nebuchadnetzar, nom qui signifie Nebo le dieu prince, et Nebo serait le nom chaldéen de la planète de Mercure (M. Eugène Boré, De la Chaldée et des Chaldéens).
  3. Chevræana, t. I, p. 249.
  4. Voyez sur ces faits de curieux détails dans l’intéressant voyage de M. l’abbé Brasseur de Bourbourg, sur l’isthme de Téhuantépec, l’État de Chiapos et la république de Guatémala.
  5. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. II, p. 66.
  6. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. II, p. 118.
  7. Johnston, Thaumatographia naturalis.
  8. Journal des Débats du 25 janvier 1819.
  9. Nous traduisons le Dieu des armées ; mais Deus sabaoth veut dire le Dieu des phalanges célestes.
  10. Leloyer. Histoire des spectres ou apparitions des esprits, liv. V, p. 544.
  11. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. III, p. 231.
  12. P. Mérimée, Colomba.
  13. Legenda aurea Jacobi de Voragine, leg. lxiv. Voyez sur les nègres les Légendes de l’Ancien Testament, p. 84.
  14. Saint-André, Lettres sur la magie.
  15. D’Herbelot, Bibliothèque orientale, art. Div.
  16. Suétone, Vie de Néron, ch. xxiv.
  17. Traditions populaires du Nord. (Revue britannique, 1837.)
  18. Voyez son aventure dans les Légendes infernales.
  19. Delancre, Incrédulité et mécréance de la divination, du sortilège, etc., tr. VI, p. 318.
  20. Voyez ces légendes dans les Légendes de l’Ancien Testament.
  21. Lettres de Saint-André sur la magie, etc.
  22. Albert le Grand, p. 199.
  23. De Thou rapporte que le fils de Nostradamus se disait héritier du don de son père, et se mêlait de prédire comme lui. Lorsqu’on assiégeait le Poussin, en Dauphiné, interrogé par Saint-Luc sur le sort qui attendait le Poussin, il lui répondit : — « Il périra par le feu. » — Pendant que les soldats pillaient la place, continue l’historien, le fils du prophète y mit lui-même le feu en plusieurs endroits, afin que sa prédiction fût accomplie. Mais Saint-Luc, irrité de cette action, poussa son cheval contre le jeune astrologue qui en fut foulé aux pieds.
  24. Marmier, Traditions des bords de la Baltique.
  25. H. Berthould, La nuit de la Toussaint.
  26. Entre autres choses, il présenta aux Romains, un jour, un certain bouclier (qu’on nomma ancile ou ancilie) et qu’il dit être tombé du ciel pendant une peste qui ravageait l’Italie ; il prétendit qu’à la conservation de ce bouclier étaient attachées les destinées de l’empire romain, important secret qui lui avait été révélé par Egérie et les Muses. De peur qu’on n’enlevât ce bouclier sacré, il en fit faire onze autres, si parfaitement semblables, qu’il était impossible de les distinguer du véritable, et que Numa lui-même fut dans l’impossibilité de le reconnaître. Les douze boucliers étaient échancres des deux côtés. Numa en confia la garde à douze prêtres qu’il institua pour cet effet, et qu’il nomma Saliens ou Agonaux. Mammurius, qui avait fait les onze copies si habilement, ne voulut d’autre récompense de son travail que la gloire de l’avoir convenablement exécuté.
  27. Traditions populaires du Nord. (Revue britannique, 1837.)
  28. Rikius, Discours sommaire des sortilèges, vénéfices, idolâtries, etc.
  29. Tableau de l’inconstance des mauvais anges, etc., liv. V, p. 414.