Les sports de la neige/Texte entier

Traduction par René Auscher.
Hachette & Cie (p. couv.-135).

LES SPORTS
DE LA NEIGE


HACHETTE & CIE


LES SPORTS
DE  LA  NEIGE


FENDRICH


LES SPORTS
DE LA NEIGE


adaptation française
Par René Auscher



LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie
79, Boulevard Saint-Germain, Paris

LES SPORTS DE LA NEIGE


PRÉFACE



LE LIVRE de M. Fendrich, « Der Skilaüfer  » (Le Skieur), ne peut guère se comparer aux ouvrages aujourd’hui connus de Paulcke et de Hoek et Richardson.

L’auteur, et c’est ce qui nous a séduit, s’est efforcé de présenter de façon agréable et accessible à tous le sport intéressant qu’est le ski. Sous une forme familière et pratique, il enseigne tout en amusant.

Il nous a semblé qu’une adaptation de cet ouvrage plairait au public français à condition de le compléter sur certains points et de l’augmenter de divers chapitres concernant tant le ski lui-même, que les sports d’hiver en général. C’est ce travail que nous présentons aujourd’hui et nous espérons qu’il offrira quelque intérêt à tous ceux qui, de près ou de loin, se passionnent pour ces exercices.

Nous sommes heureux de remercier ici tous ceux qui ont bien voulu nous aider dans nos recherches, nous éclairer de leurs conseils et qui nous ont si obligeamment communiqué de précieux documents.

Nous citerons en particulier M. Léon Auscher, Président du Comité de Tourisme en montagne du Touring Club Français, M. le Docteur Meillon, de Cauterets, MM. Bachmann, de Travers, ainsi que M. de Conninck, qui nous a, avec tant de bonne grâce, fait les honneurs de son usine de skis à Maisons-Laffitte.





TAILING.

COMMENT SE DÉPLACER
SUR LA NEIGE ?



Les moyens de communication ont pris, surtout de nos jours, autant d’importance en hiver qu’en été. Les villages des montagnes ne ressemblent plus à ces marmottes dont la vie parait s’enfuir presque totalement pendant la saison froide et qui attendent le printemps pour manifester leur vitalité. Dans ceux qui sont les plus éloignés de tout centre, les habitants veulent rester constamment reliés au monde extérieur, et c’est pourquoi, dans les pays que la neige recouvre périodiquement d’une couche épaisse, l’homme doit recourir à des procédés spéciaux pour se déplacer : en effet, la force sustentatrice de la neige est faible et la résistance qu’elle offre varie essentiellement avec son état. Il ne faut pas oublier d’ailleurs, qu’en supposant aux pieds une surface de 6 décimètres carrés, l’unité de surface subit, pour un individu de poids moyen (70 kilogrammes par exemple), une pression de plus de 10 kilogrammes et qu’à moins d’avoir été gelée ou tassée, la neige ne le supportera pas.

Par suite, il a dû venir de bonne heure à l’esprit de l’homme l’idée d’augmenter sa surface portante et c’est de là que sont nés les divers systèmes permettant les déplacements sur la neige. Nous les classerons d’après la nature du moteur employé : moteur humain, moteur pesanteur, moteur animal, moteur mécanique.


MOTEUR HUMAIN


Le ski. Avec ses propres forces l’homme utilise la raquette ou les skis. En ce qui concerne ces derniers, nous laisserons le soin de leur étude à la plume alerte de M. Fendrich, dont la science se tempère agréablement d’une spirituelle fantaisie. Nous dirons seulement que le ski est
RAQUETTES
(Cliché Gruyer.)
un long patin de bois d’une surface d’environ 48 décimètres carrés et dont l’unité de surface supporte par conséquent, dans le cas envisagé plus haut, un peu moins de 2 kgs. Il permet donc de se déplacer très facilement sur de la neige même molle, et il est l’outil parfait, tant pour le sport que pour le tourisme et les besoins journaliers en pays de neige.

La Raquette — La raquette a été connue en France — bien avant le ski ; on l’employait exclusivement, il y a une dizaine d’années, soit dans l’armée, soit dans les populations des Alpes.

Une raquette se compose d’un cadre de bois de forme variable avec les régions, et supportant un réseau de cordes sur lequel le pied se pose et se fixe. Le poids du corps est alors réparti sur une surface assez grande mais discontinue. La neige peut arriver à le supporter après s’être quelque peu tassée.

On enfonce donc, la marche s’effectue les jambes écartées et avec de si sérieux efforts que, dans une excursion en raquettes sur de la neige molle, l’homme de tête doit être relayé presque tous les cent mètres. De plus, on avance très lentement et, par un temps de bourrasque, il devient à peu près impossible de continuer sa route.


RAQUETTES CANADIENNES.
(Cliché Neurdein frères)



La neige pénètre dans les yeux, on ne peut distinguer aucun point de repère au milieu des tourbillons blancs et même on devient incapable de se rendre compte, à la vue, du sens de la pente sur laquelle on se trouve. En ski, du moins, on possède toujours, en pareil cas, un guide précieux : la pesanteur, qui vous entraîne en une glissade légère, continue et sans aucun effort dans le sens de la pente.

On voit déjà les avantages importants du ski sur la raquette : rapidité, économie des forces, sécurité plus grande.

Il nous est arrivé un jour de rencontrer en montagne un chasseur alpin en raquettes qui remontait rejoindre son poste. Nous étions cinq skieurs le précédant. Bien que n’enfonçant nullement, nous faisions tous nos efforts pour tasser la neige et diminuer ainsi l’effort de notre compagnon de route. Ce fut inutile ; il enfonçait malgré tout jusqu’aux genoux et, pressés que nous étions, nous dûmes le dépasser au bout de peu de temps.

L’équipement nécessaire pour la raquette est en somme le même que pour le ski ; cependant une seule canne suffit, à condition d’être assez résistante.

Il ne faut pas conclure de tout ce qui précède que la raquette doive être absolument rejetée. Elle peut avoir encore son utilité, même concurremment avec le ski, dans certains passages difficiles ou l’encombrement des patins de bois devient un véritable danger. Nous verrons aussi, dans un autre chapitre, qu’au point de vue militaire leur emploi n’est pas non plus à dédaigner.

Dans certaines régions, on a adopté la raquette canadienne, variante de la précédente. Elle en diffère en ce qu’elle est placée sur un ski très petit. Cette disposition a pour but de rendre possibles de petites glissades en terrain favorable. Ces raquettes ont été longtemps employées par l’armée allemande, mais les progrès du ski les ont fait presque totalement disparaître.


MOTEUR PESANTEUR


Les sports de la neige qui utilisent l’action de la pesanteur comme force motrice se rangent, d’une façon générale, dans la catégorie du tobogganing.

Les instruments sont la luge, le skeleton, le toboggan et le bobsleigh ou bob, pour ne citer que les plus en faveur.

Le principe de ces sports est des plus simples et a été utilisé déjà dans l’antiquité. Les historiens romains racontent, en effet, comment les troupes en marche dans les Alpes dévalaient des pentes neigeuses avec une grande rapidité, en s’asseyant simplement sur leurs boucliers.

Plus récemment, les voyageurs qui traversaient le mont Cenis ou le Saint-Gothard en hiver, descendaient en Italie en se laissant simplement glisser, assis sur une peau de bœuf ou sur un fagot de bois. Ce mode de locomotion s’appelait la ramasse, et dans ses Mémoires, le général de Marbot raconte que pendant la guerre d’Italie Masséna eut recours à ce stratagème pour déjouer les plans de l’ennemi. Il est, du reste, encore en usage dans l’armée suisse.

Ces moyens rudimentaires ont été peu à peu perfectionnés. Ils ont été les points de départ d’un certain nombre d’appareils que nous allons étudier.

Les plus connus sont la luge de Davos, qui date de 1883 environ, époque des premières courses régulières, et le skeleton, venu du Canada vers 1887. Quant au bobsleigh, il mérite une place à part.

La luge. — La luge se compose essentiellement d’une plate-forme rectangulaire montée sur des patins ferrés et relevés à l’avant.

Il existe deux espèces bien distinctes de luges : la luge de Davos, haute, légère, à patins larges, et par conséquent destinée à parcourir des pistes neigeuses ; la luge Hammer, basse, lourde, à laquelle on adapte des patins plats ou arrondis selon qu’on se trouve sur une piste neigeuse ou glacée.

La luge de Davos. — La luge de Davos a, en principe, les dimensions suivantes : hauteur, 30 à 35 centimètres ; largeur 35 centimètres. Quant à la longueur, elle dépend du nombre de places dont on veut disposer et ne dépasse guère 1 mètre. Sa légèreté et la largeur de ses patins (3 à 4 centimètres) lui permettent de parcourir sans trop enfoncer les routes couvertes de neige.

La conduite de cette luge n’est pas très difficile, mais elle exige un certain apprentissage. On peut observer trois méthodes différentes :

1o Le lugeur, placé à l’avant, pose l’un ou l’autre pied sur le sol, plus ou moins longtemps : il produit ainsi des virages plus ou moins brusques et plus ou moins longs dans la direction du pied qu’il fait agir. En les appuyant simultanément il possède un moyen de freiner et de s’arrêter au besoin.

Cette méthode est la meilleure pour conduire une luge. Elle est la plus sûre et la plus précise pourvu que l’éducation du pilote soit bien faite et que l’équipe, s’il y en a une, suive toujours avec ensemble les mouvements de l’appareil et s’incline dans les virages pour les faciliter et éviter un dérapage.

D’une façon générale et afin d’obtenir la plus grande vitesse possible, il est bon que les lugeurs se penchent fortement en arrière ; ils diminuent ainsi la résistance de l’air formant un frein d’une puissance qui ne peut être négligée. Il est bon, de plus, surtout si la piste est molle, que le poids de l’équipe soit porté le plus en arrière possible, ainsi que dans un canot, dont on cherche de la sorte à relever l’avant pour obtenir la plus grande vélocité. Le pilote peut arriver à une précision plus grande dans sa direction s’il garnit ses pieds de patins ou de forts crampons : mais de cette manière il risque davantage une foulure ou un accident.

2o Le pilote tient en mains deux cannes ferrées et les utilise comme il vient d’être dit pour les talons. S’il n’a qu’une canne, il la place, suivant les besoins, à droite ou à gauche. L’arrêt ne se fait cependant qu’avec l’aide des pieds.

Ce procédé, moins puissant que le précèdent, est encore très bon et très recommandable, surtout sur une piste verglassée ou l’appareil obéit au plus petit effort. Mais si le lugeur est seul, il a peu de prise sur son appareil, puisque ses mains sont occupées et il s’y maintient difficilement quand la piste est cahoteuse. S’il conduit une équipe, il peut du moins se faire maintenir par celui qui le suit.

3o Enfin on utilise parfois des luges dites « perfectionnées ». Elles peuvent être munies, entre autres dispositifs, de petits freins latéraux mus à la main. Ces freins, très pratiques pour l’arrêt, ne permettent pas, étant donné le faible bras de levier avec lequel ils agissent, une conduite aussi précise qu’avec les méthodes précédentes. Nous ne parlerons pas ici de l’équipement nécessaire aux lugeurs, ni des soins à donner aux appareils. Ces questions se poseront un peu plus loin, au sujet du bobsleigh, ou elles sont de la plus grande importance.

Le sport de la luge est des plus agréables et des plus hygiéniques ; il excite l’ardeur de ses adeptes qui sacrifient volontiers à une descente rapide et joyeuse les efforts nécessaires à une longue remontée. D’ailleurs l’appareil est léger, facile à traîner, derrière soi.


LUGE DE DAVOS. — UN VIRAGE EN BOB.
(Cliché Decaux.)


Si on pratique ce sport avec quelques camarades et par un beau soleil ou même par un de ces lumineux clairs de lune que connaît la montagne en hiver, on ne regrette jamais, en se laissant glisser légèrement et sans peine, l’ascension un peu pénible parfois qui en fut la condition indispensable.

Dans certains centres sportifs, particulièrement outillés, le funiculaire se charge de tout le travail pénible de cet exercice, mais un tel auxiliaire n’est guère à recommander, car, en toutes choses, l’effort est trop précieux pour être négligé aussi légèrement. N’ôtons pas aux roses leurs épines !

La luge n’est pas seulement un instrument de sport, elle peut aussi avoir une véritable utilité. Quand il s’agit de descendre une route couverte de neige, la luge est un moyen de locomotion pratique et rapide. Il est des plus employés dans les Alpes où les habitants, en particulier les écoliers, dévalent en quelques minutes des hauteurs vers le fond des vallées, puis reviennent, le soir venu, trainant leur léger véhicule, chargé ou non, avec une sage lenteur.

L’administration des Postes et Télégraphes a même fourni, à titre d’essai, des luges à quelques facteurs qui, leur tournée faite à pied ou à ski, regagnent leur foyer par ce procédé plus commode.

L’usage de la luge par les cantonniers devient aussi des plus fréquents et rend de précieux services.

Nous citerons une application intéressante de la luge : la ville de Briançon est reliée aux forts qui l’entourent par un câble soutenant et tirant une benne chargée de transporter les approvisionnements. Le personnel de certains de ces forts, situés à plusieurs centaines de mètres au-dessus de la ville, met, avant de monter, ses luges dans les bennes et parcourt ainsi au retour, en quelques minutes, une différence de niveau qu’il avait mis près d’une heure à gravir.


La luge Hammer. — La luge Hammer est, plus que la luge de Davos,
LUGE HAMMER.
un pur instrument de sport. Son poids et sa forme contribuent à lui donner une grande rapidité, et la position de son centre de gravité, placé fort bas, la rend très stable, même sur les mauvaises pistes. D’ailleurs, on facilite sa course, suivant l’état du terrain, en modifiant convenablement ses patins. On peut lui adapter, en effet, soit ceux des luges de Davos, plats et aptes à glisser sur la neige, soit des patins en forme de barres cylindriques qui augmentent considérablement sa vitesse sur les espaces glacés où le besoin d’une large surface de sustentation se fait moins sentir.

Sa forme est celle indiquée sur le croquis ci-dessus. Il faut ajouter que l’arrière se termine en fortes pointes dont nous expliquerons plus loin l’utilité ; en outre, une barre transversale, placée à l’avant, donne au lugeur une forte prise.

Celui-ci s’assied le plus en arrière possible, tenant la barre d’une main, l’extrémité du siège de l’autre. Il est ainsi plus maître de sa luge et jouit d’une plus grande stabilité. La direction s’obtient avec les pieds, comme pour la luge de Davos.

Quant à l’arrêt et au freinage, rendus indispensables par suite de la vitesse, on peut les obtenir en soulevant, au moyen de la barre transversale, l’avant de la luge qui, ainsi, fait mordre plus profondément les pointes arrière. Pour obtenir un arrêt plus brusque encore, on peut, d’un vigoureux effort, soulever un côté de la luge et la placer en travers de la pente. L’arrêt est net, mais, si le mouvement n’est pas exécuté avec une très grande précision, la course se poursuit en biais sur la piste et l’on se précipite à toute vitesse contre l’obstacle que l’on voulait précisément éviter.


Tandems. — Nous avons vu que la conduite d’une luge unique exigeait des contacts plus ou moins prolongés avec le sol. Il existe une façon de ne pas user de ce procédé qui a pour effet de réduire la vitesse des appareils : c’est de les coupler.

1o Des lugeurs s’assoient chacun sur une luge ; l’équipier avant saisit les jambes du deuxième, qui lui-même se maintient en arrière de son appareil à l’aide de ses mains, comme s’il était isolé. Dans ce cas, c’est le premier qui est chargé de la direction, mais ses mains sont toujours occupées et, sur une piste un peu cahoteuse, il est sage qu’il s’attache à son siège. Cette précaution peut être dangereuse aussi, surtout si les luges elles-mêmes sont attachées entre elles, comme il arrive parfois.

Supposons qu’il faille virer à droite. Il faut faire naître un angle entre les axes des deux luges de sorte que celui de la deuxième passe à gauche de celui de la première. Il est très facile d’obtenir ce résultat. L’équipier avant tire à lui la jambe droite de son compagnon. Bien entendu, le mouvement inverse produira un virage à gauche.

Le rôle de l’équipier arrière a son importance ; il doit éviter
SCHÉMA D’UN VIRAGE EN TANDEM DE LUGES.
les dérapages et les à-coups. Son rôle est le même, à peu de chose près, que dans le tandem perfectionné qu’est le bob, et nous le retrouverons à ce moment. Lorsque, sur une piste glacée, l’arrière sent sa luge déraper par trop, il en soulève la partie antérieure et se laisse entraîner sur l’extrémité postérieure des patins. Un peu de vitesse se perd ainsi, il est vrai, à cause du frottement, mais le dérapage eût été un inconvénient bien plus grand si la vitesse et la direction avaient été moins régulièrement assurées.

2o Dans la position dite en crapaud, les deux équipiers, au lieu d’être assis, sont couchés sur leur luge, et c’est à l’arrière, tenant les jambes ou la luge de l’avant, qu’est dévolue la direction.

Les principes sont d’ailleurs identiques à ceux indiqués précédemment. Dans ce procédé, l’arrêt est peu commode, le danger par suite assez grand. Les deux équipiers peuvent cependant, si c’est nécessaire, soulever leur luge sur l’arrière des patins et freiner assez vigoureusement.

Dans tous les cas, le démarrage est l’œuvre de l’équipier d’arrière, qui imprime l’élan et se place sur son appareil au moment propice.

Le Tailing. — Le tailing est à la luge ce que le skijöring est au ski. Ce sport consiste à remplacer le moteur pesanteur par un moteur animé (cheval attelé ou non à un traîneau, par exemple), pour effectuer des trajets en plaine où la luge ne pourrait avancer d’elle-même. On peut ainsi entraîner un certain nombre de luges à une ou plusieurs places sans grand effort.

La vitesse atteinte par ce moyen de locomotion n’est jamais très grande (une dizaine de kilomètres à l’heure) et, par suite, il n’y a jamais à prendre de positions pénibles ni à s’inquiéter de l’équilibre. C’est, en somme, une variante du traîneau. Cependant, lorsque plusieurs luges sont entraînées les unes derrière les autres, il peut se produire des à-coups surtout dans les virages et les descentes, sans nulle gravité d’ailleurs, et c’est un des côtés amusants de ce sport.


SKELETON.

Le skeleton. Le skeleton est une luge très basse et assez longue sur laquelle on se couche à plat ventre. Une barre transversale, placée à l’avant, permet de se maintenir solidement sur l’appareil et même d’agir sur lui.

La vitesse obtenue peut devenir assez considérable, étant donné que, d’une part, le centre de gravité est très bas, et que, de l’autre, la résistance de l’air s’exerce sur une surface très réduite.

On peut diriger un skeleton de deux façons bien distinctes et avec assez de facilité : mais l’arrêt n’est jamais aisé.

1o Le lugeur garnit la pointe de ses pieds de forts crampons ou de patins, et c’est en appuyant sur le sol l’un ou l’autre qu’il vire à droite ou à gauche.

2o Une deuxième façon de diriger un skeleton, sans toucher le sol, est d’y joindre à l’avant une deuxième luge reliée à la première et qu’on dirige avec les mains par un volant. Cette combinaison permet des vitesses plus fortes.


TOBOGGANISTES ET SKIEURS CANADIENS.
(Cliché Neurdein frères.)

Il faudrait tout un chapitre pour citer les différentes variétés de luges qu’on trouve dans les régions montagneuses et chez les fabricants. Nous citerons cependant un type intéressant qu’on voit souvent dans la région de Chamonix : la girouette. C’est une luge à un seul patin médian, sur laquelle les montagnards descendent les pentes avec une grande habileté.

Le toboggan. — Ce mot, d’origine canadienne (tobaakun) désigne un assemblage de planches relevées à l’une de leurs extrémités. L’instrument habituel est long d’environ 2 mètres, large de 10 centimètres, et des barres longitudinales ou transversales permettent de s’y maintenir avec solidité.

On s’y couche à plat ventre et on se laisse dévaler du haut d’une pente neigeuse. La large surface d’appui qu’il offre permet de se lancer partout ; cependant, comme les moindres, ressauts du terrain lui font faire un bond, on a tracé, dans les régions où l’on pratique ce sport, des pistes moyennement tourmentées, où la direction ainsi que les virages sont largement facilités. Le toboggan subit en effet difficilement une action de celui qui le monte et est par suite à peine un sport. On obtient cependant une modification sensible dans la direction en appuyant convenablement l’un ou l’autre pied sur le sol, ou bien encore en soulevant l’appareil en partie à l’aide des barres transversales qu’il comporte.

Sur un toboggan peuvent prendre place plusieurs équipiers. Dans ce cas les premiers seuls sont assis, le dernier est couché et maintient la direction. Il peut aussi diriger l’appareil en maniant une canne ainsi qu’on fait d’une godille dans un canot, mais cette méthode est peu employée.


Le bobsleigh. — En 1887, aux courses de Davos, on introduisit l’usage de deux luges couplées reliées par un volant et permettant la direction de l’appareil sans contact avec le sol, par suite sans réduction de vitesse.

Ce système rudimentaire fut perfectionné en 1903 par un ingénieur français de Leysin, M. Roessinger, qui est le véritable créateur du bobsleigh que nous connaissons et avec lequel il gagna toutes les courses de luges à cette époque.

Un « bob » se compose, en principe, des deux luges sur lesquelles est montée une plate-forme. La luge d’avant est complètement mobile autour d’un axe muni d’un volant qui permet sa parfaite direction. Celle d’arrière n’est mobile autour d’un axe vertical que dans de certaines limites, par suite des glissières qui la relient à la plate-forme.

Nous compléterons cette description sommaire en indiquant les portants, destinés à soutenir les pieds des équipiers qui ne doivent jamais toucher le sol, et les barres d’appui latérales, qui leur permettent de se maintenir solidement sur l’appareil dans toutes les positions exigées par la course.

L’appareil possède deux freins, variables suivant les modèles et l’état de la piste. Enfin les bobs soignés comportent un pare-neige en toile, tendu sous l’appareil, qui évite aux équipiers les éclats de glace ou de neige violemment projetés de tous côtés, surtout au moment du freinage ; des coussins sont fixés sur la plate-forme, dont les ressauts sont amortis d’ailleurs au moyen des ressorts que rendent indispensables les à-coups formidables d’un appareil lancé à une vitesse de 90 kilomètres à l’heure sur une piste insuffisamment polie.


LES TROIS PARTIES D’UN BOB : DEUX LUGES ET UNE PLATE-FORME.
(Cliché Bachmann frères, à Travers.)

L’équipement nécessaire pour ce sport ne diffère guère de celui des autres sports d’hiver en général. Il faut des vêtements chauds. Il est bon de garnir de cuir le pantalon à l’emplacement des genoux, ainsi que la partie intérieure des gants. Il est prudent aussi d’emporter sur le bob une veste qu’on peut mettre sur soi à l’arrivée, de porter des lunettes de mica, moins dangereuses que celles de verre en cas de chute, et de garnir sa tête d’un casque de cuir bouilli en prévision de la même éventualité. Enfin, si l’on craint les crampes, on peut faire une ligature, à l’aide d’un mouchoir, aux cuisses et aux poignets.

Le bob permet de très grandes vitesses. Aussi est-il construit avec une très grande précision et ses pièces, calibrées au dixième de millimètre, peuvent elles être facilement interchangées en cas de besoin.

En particulier, les patins doivent être rigoureusement parallèles, sous peine de voir les facultés de l’appareil notablement réduites.

Les pistes de bob, car il y a des pistes spéciales soigneusement construites, peuvent être couvertes de neige molle ou de verglas. Dans chacun de ces cas, ainsi que nous l’avons vu à propos de la luge Hammer, le ferrage devra être approprié et on devra adapter à l’appareil soit des patins plats, soit des tringles rondes.

Toutes les parties du bob exigent un entretien minutieux.


UN BOBSLEIGH ÉQUIPÉ.
(Cliché Bachmann frères, à Travers.)

Les parties en bois sont graissées à l’huile de lin ou avec la graisse dont on se sert pour les skis ; les parties métalliques sont enduites de pétrole et les patins méticuleusement polis, la moindre piqûre modifiant leur faculté de glissement.

D’ailleurs, une équipe soigneuse a toujours sous la main un outillage léger et commode en cas d’urgence.

Il ne faut pas oublier que pour qu’un bob, de même qu’une luge ou des skis, rende de bons services au moment voulu, il faut qu’il soit surveillé et entretenu, non seulement pendant la saison d’hiver, mais encore pendant le reste de l’année.

Nous avons dit que le bob était un instrument de vitesse. Il doit cette qualité à sa construction d’abord, et aussi au poids dont on le charge, c’est-à-dire aux équipiers. Ceux-ci sont au nombre de quatre en général, et le bob pèse alors environ 400 kilogrammes.

Ils peuvent aussi être parfois au nombre de six, ou même de trois quand la neige est molle.

L’équipier avant est chargé de la direction de la luge avant sur laquelle il agit soit au moyen d’un volant, soit au moyen de deux poignées qu’il tient dans chaque main. L’arrière dirige la luge arrière, qu’on n’a pu rendre absolument solidaire de la première à cause des efforts considérables qu’elle aurait eu à supporter dans ce cas.

Si le rôle de l’avant est des plus importants, s’il lui faut de l’audace, de la décision, du coup d’œil et de la vigueur, l’arrière doit suivre les mouvements du bob et les faciliter en rétablissant l’équilibre de la luge arrière, qui parfois fait des bonds de 20 à 30 centimètres ou se dresse sur un seul de ses patins, ou dérape exagérément.

Pendant la course, en effet, le bob bondit, saute et il est impossible d’imprimer une direction rigoureuse à une telle masse
MODÈLES DE FREINS POUR BOB.
(Cliché Hachmann frères, à Travers.)
animée d’une telle vitesse. Le rôle des pilotes avant et arrière est donc de faciliter les mouvements désordonnés de ce véritable bolide et de les diriger. On comprend ainsi la fréquence et même le danger des chutes, surtout au cours des virages brusques que présentent les grandes pistes. Les deux équipiers dont nous venons de parler sont aussi chargés de manier les freins.

Les freins actuels des bobs sont assez puissants pour donner toute sécurité. Celui que l’équipier arrière manie au moyen d’un levier est composé d’une pièce métallique dans laquelle sont encastrées des dents métalliques, elles aussi, et en forme de dents de scie ou de dents de herse. L’avant a à sa disposition un frein analogue mû au pied. L’un et l’autre doivent être peu utilisés. En effet, les freins réduisent la vitesse, si importante en bob, et détériorent la piste ; ils ne doivent servir que lorsque des virages brusques et peu relevés exigent une grande prudence de la part du capitaine. Ce dernier, d’ailleurs, n’agit sur le sien que lorsque celui de l’arrière est insuffisant.

En général, l’équipe doit faciliter la vitesse en offrant le moins de surface possible à la résistance de l’air. C’est pourquoi l’avant se penche en avant, les autres en arrière.



LA MONTÉE D’UNE ÉQUIPE DE « BOBSLEIGH ».
(Cliché Tairraz.)

La répartition sur le bob doit être faite convenablement par rapport au poids des équipiers. Autant que possible le poids de ceux-ci doit augmenter de l’avant à l’arrière, cependant il peut être bon que l’équipier arrière soit un peu plus léger que celui qui le précède immédiatement.

Dans les virages, les équipiers se penchent plus ou moins fortement vers le centre de la courbe, un bras étendu, pour déplacer autant que possible leur centre de gravité, l’autre bras saisissant fortement la barre latérale dont nous avons parlé. Ce mouvement se fait généralement en éventail, c’est-à-dire successivement par chaque équipier, l’arrière restant juge de sa position pour régulariser le mouvement.

Il peut arriver que le terrain devienne presque horizontal ou moins glissant et que le bob ralentisse considérablement son allure. Dans ce cas, ou bien l’équipier arrière court derrière lui en le poussant, ou bien l’équipe « bobbe ». Cet exercice consiste à porter lentement le corps très en arrière puis à le ramener d’un coup sec en avant. Il est fait un fréquent usage de ce mouvement d’ensemble.

Les pistes actuelles de bob sont particulièrement soignées, étant données les vitesses qu’on atteint normalement dans les courses. Elles s’étendent sur des longueurs pouvant varier entre 1 200 mètres et 4 kilomètres et présentent de nombreux virages très convenablement relevés.

Une équipe doit, pour effectuer un parcours rapide et sûr, étudier à pied la piste avant de la parcourir en bob et reconnaître les points dangereux.

La descente terminée, le bob est trop lourd pour pouvoir être traîné par l’équipe. Aussi des chevaux, des mulets, des funiculaires, le hissent-ils en haut de la piste qu’il s’agit de parcourir, et souvent de véritables trains de bob sont remontés ensemble, laissant simplement aux « bobistes » le soin de regagner à pied leur point de départ.


MOTEUR ANIMAL


Le traîneau — Dans les régions montagneuses, comme les Vosges et les Alpes, on utilise depuis très longtemps et encore aujourd’hui le « schlitten ». C’est une sorte de luge aux larges patins de bois, munie à l’avant de brancards recourbés qui rendent plus facile soit sa traction, soit son freinage.

On l’utilise en hiver, et même pendant la belle saison, pour descendre du haut des montagnes, soit les récoltes, soit des matériaux divers.

Le traîneau a été, au début, une simple modification du schlitten : on a remplacé les brancards recourbés par des brancards ordinaires, on y a attelé un renne, un cheval, un âne, un mulet. Telles furent les origines du traîneau actuel.

Cette invention, des plus précieuses pour les populations que la neige bloque dans leurs villages pendant de longs mois, semble des plus simples et des plus naturelles. On croirait qu’elle s’est faite à peu près simultanément dans toutes les régions régulièrement « enneigées », ou que, tout au moins, partout où il y a la neige, le traîneau existe, et depuis de longues années.

Il n’en est rien, et, à part quelques régions privilégiées des Alpes et des Vosges, on ignorait en France, tout récemment encore, son usage.


TRAÎNEAU ALPIN TRAÎNANT DES SKIEURS.
(Cliché Tairraz.)

Depuis deux ou trois ans, cependant, il se crée sous l’influence de puissantes organisations un mouvement très important de tourisme d’hiver, et de grandes caravanes parcourent maintenant des régions autrefois désertes.

Des traîneaux étaient indispensables aux organisateurs de ces Semaines d’Hiver, mais il était impossible d’en trouver dans certaines régions.

Nous citerons un fait tout récent et des plus significatifs.

Lorsque le T. C. F. organisa sa Semaine d’Hiver dans les Pyrénées, il n’existait pas de traîneaux dans le Sud-Ouest de la France, si surprenant que ce fait puisse paraître. Il dut en faire fabriquer et résolut de profiter de cette occasion pour implanter ce moyen de transport dans cette région. Il fallut montrer d’abord aux montagnards « qu’un cheval pouvait traîner sur la neige ou sur la glace un véhicule sans roues », et cela sans la moindre difficulté. L’expérience se fit au grand étonnement des populations et les loueurs de voitures acceptèrent le paiement, sous forme de traîneaux, de la location de leurs chevaux et de leur personnel pendant la durée de l’excursion.

D’ailleurs les différentes étapes se firent ainsi beaucoup plus vite qu’on n’a coutume de les faire, même durant la belle saison, et des chemins inabordables aux voitures furent facilement parcourus par les traîneaux de la caravane.

Il est permis d’espérer que désormais le traîneau acquerra bien vite son droit de cité dans les régions encore nombreuses qui ignorent ce moyen pratique de transport en hiver, et qu’il régnera partout où il y a de la neige, de même qu’il règne depuis de longues années déjà dans de nombreuses parties de la France et de l’Étranger.

Les traîneaux ne peuvent, étant donné leur poids, se déplacer sur de la neige épaisse et molle ; on ne peut les utiliser que sur les routes où a passé le chasse-neige des Ponts et Chaussées chargé de faire la piste sur les voies de grande communication.

Ils se composent essentiellement d’une caisse montée sur patins et dans laquelle se placent les voyageurs ou les marchandises à transporter. On y adapte des brancards auxquels s’attellent les animaux de trait. Le freinage se fait soit au moyen d’une chaîne qu’on enroule autour des patins, soit par une pointe métallique commandée par un levier et qui peut s’enfoncer plus ou moins profondément dans le sol.

Ce traîneau schématique est susceptible de nombreuses variantes, depuis le traîneau luxueux, à la carrosserie soignée, qui repose sur de fins et élégants patins en fer forgé, jusqu’à l’humble caisse posée sur de larges patins de bois dans laquelle les paysans des Alpes placent ou du matériel, ou des bancs, selon qu’ils le destinent au transport des marchandises ou au transport des voyageurs.

Entre parenthèses, lorsqu’on utilise ces traîneaux ou des traîneaux découverts quelconques, il est bon, étant donné la température extérieure, de se munir de couvertures très chaudes et de se protéger le corps et les jambes.

En somme, le traîneau est une voiture dans laquelle les roues ont été remplacées par des patins ; aussi a-t-on cherché à rendre cette transformation commode.

Il est facile de construire, pour chaque modèle de voiture, un système de patins qu’on peut en quelques minutes substituer aux roues lorsque la saison et le temps l’exigent, et il est sage de prévoir dans ce cas, pour les brancards, une fixation à ces patins, car à leur emplacement habituel ils fatigueraient trop les ressorts.

Nous terminerons cette brève étude du traîneau ordinaire en indiquant un procédé assez pratique qui permet de parcourir sans difficulté les routes tantôt « enneigées, » tantôt boueuses, qu’on trouve au printemps.

Le véhicule est muni de patins et d’une paire de roues qui peuvent, grâce à un simple levier, être mises en contact avec le sol, ou être relevées quand on arrive sur une étendue neigeuse.


MOTEUR MÉCANIQUE


Le traîneau automobile — L’idée d’utiliser les moteurs légers de l’automobile ordinaire à la traction des traîneaux n’est pas nouvelle. Mais la pratique a montré toutes les difficultés de cette application, et les résultats obtenus aujourd’hui sont encore médiocres.

Dans le cours des dernières années plusieurs concours de traîneaux automobiles ont eu lieu. S’ils ont amorcé la voie dans laquelle doivent se diriger les inventeurs, ils n’ont cependant rien produit qui puisse être couramment appliqué et le docteur Charcot, en particulier, qui, dans son expédition du Pourquoi pas ? avait emporté un modèle spécialement étudié, n’a pu l’utiliser.

Toutefois, pendant l’hiver 1910-1911, un traîneau automobile a pu fournir quelques parcours intéressants dans les Vosges, et il est fort probable que, d’ici peu d’années, ce véhicule connaîtra, dans la limite de son domaine, le développement rapide qu’ont connu la voiture et le canot automobiles.


Nous nous bornerons ici à exposer sommairement, et à titre documentaire surtout, les résultats obtenus.

Tandis que, dans un traineau ordinaire, le moteur et le tracteur sont confondus, dans le traineau automobile, au contraire, ces deux éléments sont nettement séparés. Le moteur employé doit être un moteur léger, en général un moteur d’automobile à explosion. Il faut cependant modifier légèrement les dispositifs ordinaires de refroidissement ;

Automobile transformée en traîneau.

AUTOMOBILE TRANSFORMÉE EN TRAÎNEAU.
(Cliché Weick.)

en effet, aux époques où peut fonctionner ce véhicule, l’air est assez froid pour pouvoir l’assurer à lui seul. D’ailleurs, l’eau, qu’on emploie ordinairement dans ce but, pourrait, en se congelant, détériorer l’appareil, et, si on veut employer un refroidisseur liquide, il faudra que celui-ci ne se congèle qu’à une température suffisamment basse.

De ce que nous venons de dire il résulte aussi que l’ensemble du moteur, et en particulier le carburateur, doit être convenablement garanti contre le refroidissement extérieur, nuisible à son bon fonctionnement.

En ce qui concerne le tracteur, il peut prendre son appui soit dans l’air, soit sur le sol. Dans le premier cas, on a utilisé l’hélice ou la turbine à air. Il existe différents modèles de ces systèmes.

L’hélice employée doit être non pas tractrice, mais propulsive, à cause du courant d’air glacé qu’elle projetterait sur les voyageurs ;

Traîneau automobile à hélice.

TRAÎNEAU AUTOMOBILE À HÉLICE.
(Cliché Weick.)


son diamètre doit être assez petit, d’abord pour que son encombrement soit faible et que, lors d’un croisement avec d’autres véhicules ou des passants, elle ne constitue pas un danger, ensuite afin que la distance qui sépare le centre de gravité de l’appareil et le centre de traction ne soit pas trop grande et ne rende pas trop instable son équilibre.

Une turbine ne présente pas à priori ces inconvénients et paraît devoir donner de bons résultats. Il est impossible d’ailleurs de dire quelque chose de précis à ce sujet, les essais dont elle a été l’objet ayant été plutôt théoriques que pratiques.

Dans la deuxième catégorie, ce sont des roues à palettes, de nature variable, qui produisent la traction.

On a cherché, dans cet ordre d’idées, à construire des traîneaux qui puissent facilement se transformer en voiture et réciproquement.

La solution la plus simple de ce problème est la suivante : On garnit les roues arrière — les roues motrices — de chaînes gourmettes dont l’action sur le sol produit un effort assez considérable et on fait reposer la voiture elle-même sur deux paires de patins fixées respectivement sous les roues avant et le long des roues arrière.

Traîneau automobile à turbine.

TRAÎNEAU AUTOMOBILE À TURBINE (EN COURS DE CONSTRUCTION).
(Cliché Rol.)

Un dispositif spécial permet, pour cette dernière, de modifier son niveau par rapport à celui des roues motrices suivant l’état de la neige. Ce système a donné d’assez bons résultats.

Il en a été essayé un autre qui offre les caractéristiques suivantes : les roues sont remplacées par des patins et la traction s’effectue au moyen d’une roue à palette que le moteur actionne quand les roues sont inutilisées. Mais on a pu constater que ce dernier procédé a pour effet de dégrader les pistes beaucoup plus que les autres.

Quel que soit le traîneau employé, il peut être nécessaire de freiner. Dans ce but on emploie, afin d’augmenter la stabilité, surtout dans les virages, deux pointes métalliques placées de part et d’autre de l’appareil et en arrière ; elles sont commandées par des leviers.

Ainsi que nous l’avons dit au début de ce chapitre, les résultats obtenus par les traîneaux automobiles sont encore médiocres, et en particulier le démarrage et les montées, même modérées, offrent des résistances qu’ils sont encore à l’heure actuelle à peu près incapables de vaincre.

Nous sommes persuadés, malgré tout, que la traction automobile ou hiver est loin d’avoir dit son dernier mot.

CENTRES DE TOURISME D’HIVER

EN FRANCE

Les régions de la France où se pratique le tourisme d’hiver sont les Vosges, le Jura, les Alpes, les Pyrénées et le Massif Central.

Dans ces diverses contrées, on peut, bien entendu, s’installer n’importe où et y excursionner dans des conditions matérielles parfois favorables, parfois rudimentaires. Il faudrait, si l’on voulait indiquer toutes les stations de villégiatures hivernales, une géographie complète.

Aussi nous bornerons-nous à des considérations générales, en nous réservant le soin de donner des indications sur les centres les plus fréquentés, ceux qui sont spécialement aménagés, tant au point de vue des hôtels que des pistes, ceux enfin où l’initiative locale a fait le plus d’efforts.

Les Vosges. — Les Vosges offrent en hiver de merveilleux champs de sports. Elles comprennent une région montagneuse couverte de bois de sapins aussi beaux en hiver qu’en été. De nombreuses habitations, qui peuvent à l’occasion offrir un abri précieux, y sont parsemées. Enfin des pistes soigneusement jalonnées permettent en toute saison de les parcourir sans difficulté.

Les buts d’excursions les plus connus, la Schlucht, le Donon, le Ballon d’Alsace, sont des plus fréquentés et peuvent être atteints avec facilité des divers centres : de Saint-Dié, de Remiremont, stations que la seconde Semaine d’Hiver du T. C. F. révéla pour ainsi dire aux touristes, de Belfort et de Giromagny ou, comme dans les villes précédentes, existent des Ski-Clubs fort actifs.

Mais le centre véritablement organisé au point de vue du tourisme est Gérardmer où, grâce à son lac, se pratiquent en hiver tous les sports de la neige et de la glace. Gérardmer est situé à 700 mètres environ d’altitude et sa période d’enneigement est de trois à quatre mois.

Le Jura. — L initiative locale a certainement fait des efforts en ce qui concerne l’aménagement du Jura, au point de vue du tourisme. Mais cette région, resserrée entre les Vosges et les Alpes, plus connues et plus fréquentées, trop proche de la Suisse, dont la renommée est si solidement établie, ne possède pas encore de centre bien organisé.

On fait des sports d’hiver à Pontarlier, à Morez, à Saint-Claude, à Nantua, à Gex, à Champagnole, chef-lieu de canton qui pourrait devenir un centre des plus agréables.

Le grand mouvement de visiteurs ne s’est toutefois pas encore manifesté et reste limité aux sportsmen des environs ; mais on peut espérer que sous peu le Jura, grâce à l’intérêt qu’il offre, acquerra lui aussi, avec tous les avantages et les agréments des sports de la neige, la richesse que crée pour un pays le mouvement de tourisme.

Les lacs, nombreux dans la région, permettent d’ailleurs aux amateurs les sports de la glace les plus variés.

Les Alpes. — Par rapport à leur grande étendue, les Alpes possèdent peu de centres de villégiatures d’hiver. Ceux qui existent sont, il est vrai, très fréquentés, soit par les étrangers, soit par les habitants des régions voisines. En Savoie, Chamonix et Aix, avec le Revard, sont des plus connus et leurs hôtels sont très visités depuis quelques années, aussi bien en hiver qu’en été.

Chamonix, à 1000 mètres d’altitude, reçoit la neige pendant quatre mois ou quatre mois et demi. Des trains spéciaux mettent en hiver cette station en communication directe et rapide avec Paris et facilitent le parcours du trajet. Son organisation, au point de vue des hôtels et des moyens de locomotion, est des plus complétes ; ses ressources en excursions variées, soit a ski, soit en traîneau, justifient sa réputation et sa vogue.

Depuis quelques années, Aix-les-Bains lui fait une concurrence des plus vives.

concours du Mont Genèvre.

LE DÉPART DU CONCOURS INTERNATIONAL DU MONT GENÈVRE (1907)
(Cliché Rol.)


La ville d’Aix, dont l’organisation au point de vue du tourisme est connue, est surplombée par le superbe plateau du Revard, situé à 1500 mètres d’altitude, auquel elle est reliée par Un funiculaire fonctionnant d’une façon permanente. Un hôtel est ouvert toute l’année depuis quelque temps dans cette dernière station. La durée d’enneigement est d’environ quatre mois, pendant lesquels on peut parcourir en tous sens soit le plateau du Revard lui-même, soit le merveilleux massif des Bauges situé à proximité.

Le Revard est fréquenté non seulement par les étrangers mais aussi par les amateurs de la région de Lyon et d’une grande partie de la vallée du Rhône inférieur ; il acquiert chaque année plus d’importance.

D’ailleurs, indépendamment de ces centres parfaitement outillés, d’autres villes offrent des ressources des plus appréciables.

Ce sont Thonon et Evian, au bord du lac de Genève, puis Annecy, d’où l’on peut gagner les charmants villages de Thones et Faverges, puis encore Albertville avec Allondaz, ces dernières villes aux confins des Bauges.

Plus au sud, les environs de Grenoble abondent en petites stations parmi lesquelles Saint-Pierre-de-Chartreuse, le Sappey, Monestier-de-Clermont où ont lieu régulièrement des concours de ski, de bob et de luge, Villars-de-Lans, Saint-Martin-d’Uriage, Vizille.

Gap, Embrun et Briançon, dans les Hautes-Alpes, sont des centres des plus intéressants au pied des hauts sommets de la chaine. Briançon surtout est une station d’avenir par ses communications avec l’Italie par le col du mont Genevre, lieu du premier Concours International de ski en France, avec le Dauphiné par le col du Lautaret, avec la Maurienne par celui du Galibier. Cette ville est à proximité aussi des vallées si remarquables du Queyras et de Vallelouise, au pied du mont Pelvoux.

Enfin tout près de la Côte d’Azur, ou l’on va en plein hiver chercher le soleil et les fleurs, les stations de Peira-Cava et de Thorenc, respectivement à quelques heures de Nice et de Cannes, offrent, dans un merveilleux décor, les sports d’hiver les plus variés.


Les Pyrénées. La partie médiane des Pyrénées surtout offre aux Touristes des centres d’hiver importants et bien établis. Toutefois les portions orientales et occidentales de cette chaine, récemment conquises au mouvement touristique, offrent elles aussi un intérêt des plus sérieux, et le projet d’une route des Pyrénées ne peut être que favorable à leur développement.

Le plateau de Capsir, les cols de la Casteillou, de Peyresourde et d’Aspin, la région d’Ossau sont très accessibles, soit de Mont-Louis d’une part, soit de Pau et de Saint-Jean-Pied-de-Port de l’autre, en comprenant les villégiatures intermédiaires de Luchon, Luz, Barèges, Bagnères-de-Bigorre, Eaux-Bonnes, Gavarnie, et enfin Cauterets.

Centres de sport d’hiver

principaux centres de sports d’hiver.

Cauterets (900 mètres d’altitude) est parfaitement organisé au point de vue des excursions et du séjour en hiver. On y accède commodément par des trains directs et nombreux qui fonctionnent d’une façon régulière. En traineaux et en skis des promenades nombreuses sont possibles, et, jointes aux exercices de bobs, elles font de ce séjour une des villégiatures hivernales les plus appréciées.

Quant à Gavarnie (1250 mètres d’altitude), il est regrettable que les moyens de transport, trop rudimentaires en été comme en hiver, rendent le voyage assez pénible et le séjour dans cette station peu confortable. Pourtant ses champs d’exercices, où l’on trouve toutes les pentes désirables, boisées ou non, ses excursions variées dans un décor d’une majesté suprême, sont d’un attrait puissant et lui promettent, bien que peu fréquentée encore, un brillant avenir.


Le Massif Central. — Quelque bizarre que cette opinion ait pu paraître il y a quelques années, et bien qu’encore aujourd’hui elle soit peut-être contraire aux idées généralement admises, il n’en est pas moins vrai que le Massif Central, avec les Cévennes, offre au ski un champ très important.

À l’exception du Mont-Dore et du Lioran, les villégiatures hivernales proprement dites n’existent pas encore ; cependant les sports d’hiver se développent de jour en jour dans cette vaste région.

Des Ski-Clubs existent et montrent leur énergique vitalité dans le Velay, au Puy, au pied du Mont Pilat et à Yssingeaux ; dans le Cantal, à Aurillac, à Murat près du Lioran ; dans les Monts de l’Aygoual, du Vivarais, à Saint-Agrève, enfin à Clermont-Ferrand, non loin du Puy-de-Dôme, et jusqu’à Saint-Étienne dans les Cévennes.

Il est permis d’espérer que leurs efforts, joints a ceux des grandes organisations de tourisme, contribueront au développement sportif et économique d’une des régions les plus intéressantes de la France.


Algérie. Nous terminons cette rapide étude en mentionnant, comme centre de sports d’hiver, la région de l’Atlas algérien ou les chutes de neige, parfois très abondantes, ont montré par expérience les services pratiques que peuvent y rendre les skieurs.


À L’ÉTRANGER


À l’étranger, les sports d’hiver sont pratiqués presque partout avec autant de ferveur qu’en France. Nous nous bornerons à esquisser ici l’étude de quelques régions de l’Europe intéressantes pour les touristes.


Suisse. — La Suisse, patrie de l’industrie hôtelière, est une des premières à avoir mis à la mode les sports d’hiver et, actuellement, nombreuses sont les stations ou les étrangers se pressent pour pratiquer les exercices auxquels se prêtent la neige et la glace.

Deux régions se spécialisent nettement par le nombre et le confort des installations hivernales.

La première, autour de l’extrémité orientale du lac Léman, comprend : Leysin, Villars, les Avants, Caux, Château d’Œx, Mont-Pélerin, Champéry.

La seconde dans les Grisons et la Haute-Engadine a pour centres Davos, Saint-Moritz, Pontresina.

Elles sont reliées par l’Oberland bernois avec Adelboden, Grindelwald, Engelberg.

Enfin les pentes suisses du Jura offrent quelques stations assez fréquentées.


Autriche-Hongrie et Allemagne. — Les Alpes suisses, devenues si sportives en hiver, ne se limitent pas géographiquement à l’Engadine ; elles se prolongent jusqu’à Vienne et portent sur toute leur chaîne des stations bien organisées et des plus intéressantes.

Ce sont : Bregenz, Egg, Saint-Valentin, Innsbruck, Kufstein, dans le Tyrol ; Zell am See. Kitzbühel, Salzbourg, Aussee, Murau, dans les Alpes Styriennes ; Toblach, Velden, Klagenfurth, Graz, dans les Alpes Carniques ; enfin Mürzzuschlag, Semmenng et surtout Lilienfeld, autour de Vienne.

Nous tenons à citer aussi, surtout au point de vue historique, Laibach, dans la Carniole, limite de la neige dans l’Autriche méridionale.

L’angle nord-ouest de l’Empire est limité par les Monts de Bohême, les Monts Métalliques et les Monts des Géants. Sur le versant autrichien de chacune de ces chaînes, et jusqu’à Prague, on trouve plusieurs stations hivernales, parmi lesquelles, nous nous bornerons à citer Linz, Kuschwarda, Marienbad et Carlsbad, Gablonz, Heidelberg.

Terminons en disant que les Carpathes hongroises sont fréquentées par des amateurs de la région ou des environs, mais elles sont encore rarement parcourues par les touristes de l’Europe occidentale et nous ne nous y arrêterons pas.

Le centre principal des sports d’hivers allemands est le Feldberg, dans la Forêt Noire.

On les pratique aussi un peu dans le Taunus et sur les versants opposés à l’Autriche des Monts de Bohême, des Monts Métalliques et des Monts des Géants dont nous venons de parler, mais les étrangers préfèrent à ces contrées le Tyrol, la Suisse ou la Norvège, et elles offrent en définitive peu d’intérêt au tourisme d’hiver international.


Suède et Norvège. — De nos jours, la rapidité et le confort des modes de locomotion sont tels qu’un voyage en Suède ou en Norvège n’est plus à redouter ; il est, au contraire, tout indiqué à ceux qui désirent se rendre compte par eux-mêmes des véritables ressources du ski, du patin, du traîneau.

En Norvège, la région la mieux aménagée et qui, grâce à sa latitude, offre des terrains d’exercices permanents, été comme hiver, est celle qui s’étend entre Christiania et Bergen, et tout particulièrement le pays de Télémark.

Plusieurs stations sont spécialement goûtées des touristes, et leurs hôtels, confortables et bien garantis du froid, y permettent Un séjour prolongé.

Nous citerons Drammen, Finse (1200 mètres d’altitude) sur la ligne de Christiania à Bergen dont les points terminus offrent d’ailleurs des ressources inépuisables pour le tourisme d’hiver. C’est près de la grande ville de Christiania, en effet, que se trouvent le Holmenkollen, célèbre par ses concours de saut, le Voksenkollen, le Frognersæteren, le Solbergbakken.

Enfin, vers le Nord, jusqu’en Laponie, s’espacent des stations dont les plus connues sont Gjovik, au bord du lac du même nom, Lillehammer, que ses concours de luge et de ski ont rendu célèbre, Trontheim et Tromsö.

La Suède est moins accidentée que la Norvège, et par suite, nous intéresse moins : les sports d’hiver y sont pourtant pratiqués en particulier à Falun et à Rättvik que fréquentent les habitants de Stockholm et des grandes villes suédoises.

Troupe de skieurs militaires

départ d’une troupe de skieurs militaires
(Cliché Rol.)


LE SKI

HISTOIRE DU SKI

Le premier ski date des temps préhistoriques ; il a dû, tout d’abord sous forme de branche grossièrement fixée aux pieds, soutenir le chasseur poursuivant dans la neige le gibier qui fuyait avec effort.

Nous avons, sur les skis rudimentaires employés dans l’antiquité, témoignage de l’historien grec Xénophon qui, dans sa Retraite célèbre, en Asie Mineure, environ quatre cents ans avant Jésus-Christ, vit les peuplades de l’Arménie montagneuse attacher des sacs sous les pieds de leurs chevaux, lorsque ces derniers enfonçaient dans la neige jusqu’au ventre.

Strabon raconte aussi que, vingt ans avant Jésus-Christ, les Arméniens employaient des disques contre l’enlisement dans la neige. Des instruments analogues sont encore partout employés dans les pays montagneux.

L’inventeur du ski fut l’homme qui, sur de la neige gelée et le long d’une pente, commença à glisser malgré lui, et à qui, à la suite de cet événement, vint la pensée de faciliter la glissade en allongeant sa chaussure, en la garnissant par-dessous avec de la peau ou du bois et en l’incurvant à l’avant : il a transformé la marche en une glissade continue. En plaine, il avance par la poussée qu’imprime chaque jambe tour à tour, et il dévale des pentes avec aisance et légèreté.

Ce que nous considérons aujourd’hui comme une transition très naturelle de la raquette au ski fut, dans l’histoire des peuples du Nord, une découverte des plus importantes, dont chacun des perfectionnements remonte bien avant dans le passé. Un des chapitres les plus intéressants de l’histoire du ski est celui qui étudie comment, étant donnée la forme primitive que nous ne connaissons pas exactement, l’esprit humain a créé, conformément aux climats, aux aptitudes du corps et à la matière première, l’étonnante variété de formes de skis connus, depuis les anciens patins norvégiens jusqu’aux skis de plaine suédois atteignant trois mètres de longueur, depuis les lourds patins de bois des Giljaques jusqu’à l’élégant ski de Telemark.

Bien que la Scandinavie ne soit pas le pays d’origine du ski — on peut en toute certitude l’affirmer — c’est là pourtant qu’il prit son plus grand développement. Etant donné que dans la région des monts Altaï et autour du lac Baïkal, en Sibérie, il y a tous les ans, pendant de longs hivers, les champs de neige les plus profonds et les plus étendus du globe, on lui a attribué chacune de ces parties de la Sibérie comme son véritable pays d’origine. Cette théorie est séduisante : c’est seulement là où la lutte pour la vie presse le plus durement l’individu que doivent nécessairement se créer les inventions qui lui facilitent ses moyens d’existence. C’est ainsi que les habitants des espaces neigeux sibériens devaient arriver à la création et à l’usage du ski.

De l’Asie septentrionale deux voies d’expansion pouvaient s’offrir. La première conduisait, par le détroit de Behring, aux Esquimaux de l’Amérique du Nord ; l’autre, par l’intermédiaire des Finlandais et des Lapons, vers la Suède et la Norvège actuelles.

Pour les Lapons de la Norvège montagneuse, le ski est le vaisseau qui les conduit, aussi bien quand il s’agit de garder leurs troupeaux que quand il faut chasser les ours et les loups qui menacent leurs rennes. On ne peut pas plus se les représenter sans leurs skis que les Esquimaux du Groenland sans leur cajak, il n’est donc pas étonnant que dans les chansons de geste, les récits, la mythologie et les proverbes de ces pays, ils jouent un rôle important.

Combien répandu a dû être le ski, pour que dans un ancien texte de loi norvégien, parvenu jusqu’en Islande, il soit dit que le proscrit doit être chassé aussi loin « que le Lapon s’éloigne sur ses skis » ! Dans les vieilles chansons héroïques du Xe siècle, on trouve souvent la jolie comparaison du glissement du bateau sur la mer avec la descente légère du ski. L’un des anciens Skaldes, Guthorn Sindre, appelle, avec une poétique audace, le vaisseau : « svanevangens ski » (le ski de la mer). Le ski était cher aux Norvégiens et les chansons populaires du XVIe siècle permettent de s’en rendre compte.

Mais là où le ski n’était pas précisément une nécessité de l’existence, on constate des fluctuations dans son histoire car le fait qu’une invention est utile ne suffit pas pour y attacher l’homme d’une façon durable.

On peut aussi appliquer au ski le vieux mot de Ben Akbas « que tout a déjà existé », et il est peu probable qu’au XXIe siècle le ski se pratique encore exactement comme aujourd’hui.

Que les incrédules écoutent l’histoire des skieurs de la Carniole, dans la deuxième moitié du VIIe siècle. Ils avaient fait une « invention remarquable », ainsi que le rapporte l’historien Valvassor qui écrivit, à Laibach en 789, sur son pays, un in-folio en parchemin. Il s’agit des skis que les paysans des montagnes neigeuses de l’Autriche employaient sans doute de façon très habile. Bien qu’ils descendissent simplement les pentes avec un fort « bâton sous l’épaule » sur « deux petites planchettes épaisses d’un quart de pouce, large d’un demi-pied et longues d’environ cinq pieds, ils connaissaient cependant déjà très bien l’art des virages et ce qu’on appelle en norvégien « slalom ». En effet, « il n’y avait pour eux aucune montagne trop raide ou trop plantée de gros arbres qu’ils ne pussent traverser par ces moyens ; ils tournaient et ils viraient comme des serpents quand quelque obstacle les gênait dans leur trajet. La route était-elle libre, ils descendaient tout droit devant eux… » C’est ainsi que s’exprime Richard Valvassor dans son ouvrage sur La gloire du grand duché de Carniole. Telle est la première trace du ski dans l’Europe centrale. Elle fut complètement effacée dans le duché lui-même jusqu’à ce que le professeur Frischauf eût remis au jour l’ancien texte.

Les écrivains de l’Europe méridionale n’ignoraient nullement, dans les premiers siècles de notre ère, que les Scandinaves allaient à ski. Le Grec Procope et le Goth Jordan savaient déjà que les Normands donnaient à leurs voisins les Finlandais et les Lapons le surnom de « Skridfinnen » (Skrida veut dire glisser).

Déjà au XVIe siècle le ski était utilisé comme sport et non seulement comme moyen de transport. Olaus Magnus le prouve, en 1555, dans son ouvrage sur les peuples du Nord. Il y signale, en effet, dans un latin très confus, que des concours de skis furent organisés et que « des femmes aussi agiles que les hommes allèrent à la chasse par ce moyen ».

Le sport norvégien du ski des temps modernes ne date cependant que d’environ quarante ans. Les citadins, en particulier ceux de la grande ville de Christiania, furent d’abord conquis au ski sportif lorsque les affaires, les exigences de la civilisation leur firent sentir la nécessité des exercices corporels. Les débuts furent là-bas, en 1870, à peu près aussi singuliers que dans la Forêt-Noire, dans le Mont des Géants ou dans le Harz. Ce fut seulement en 1879, lorsqu’un fils des paysans de Telemark, un jeune cordonnier, passa d’un saut vigoureux et élégant le tremplin du Iver Slökken, près de Christiania, que commença l’ère nationale du ski norvégien. « Ainsi qu’un météore, il tomba au milieu de la foule ébahie qui se tenait là comme ensorcelée… » « Les habitants de Telemark furent invités et vinrent aux courses de Christiania, les hourras montèrent aux cieux, l’air en trembla et les vieux arbres qui entourent le Husby Hugel en tressaillirent. » Ainsi écrit Huitfeld, qui était au nombre des spectateurs.

Les chemins de fer et la poste n’apportèrent pas seulement la nouvelle du nouveau sport dans les montagnes de l’Allemagne du Nord. Des skieurs norvégiens y firent bientôt leur apparition.

Mais les quelques individus de la Forêt-Noire, des Monts des Géants et de la Suisse, qui, tout d’abord, s’étaient attaché aux pieds les longues planches venues de Norvège, firent de bien piètres débuts. Vers 1890, on commença seulement à progresser lentement, très lentement. C’est alors que parvint aussi la nouvelle de l’expédition de Nansen à travers le Groenland avec des skis et, bientôt après, parut son ouvrage accompagné d’une histoire et d’une technique du ski.


UN TRAÎNEAU ATTELÉ EN TANDEM.
(Cliché Tairraz.)

L’influence des travaux accomplis par Nansen et de son ouvrage eut raison des hésitations qui subsistaient au sujet du sport nouveau.

Un élan inouï se manifesta, qui parvint à son apogée lorsque des étudiants norvégiens, à Darmstadt, montrèrent dans la Forêt-Noire comment on peut utilement se servir des skis. Pendant longtemps, les skieurs de cette région furent à la tête du mouvement.

Une école autonome, avec une technique particulière, indépendante des exemples norvégiens, se développa en Autriche, surtout dans les environs de Vienne.

De nombreux groupements de skieurs ont formé des associations nationales et ils comptent actuellement près de 10.000 membres. Au mois de janvier et de février, presque toutes les semaines, il y a, sur les pentes couvertes de neige, des concours, des fêtes et des courses. Le ski est à la mode ; puisse-t-il devenir encore quelque chose de plus !

LE SKI EN FRANCE

Le ski, introduit en Suisse et en Allemagne vers 1890, y atteignait vite un grand développement, en particulier dans la Forêt-Noire, non loin de la frontière française.

En France, au contraire, son développement, comme celui des sports en général, fut tardif et lent.

En 1878, pourtant, un Dauphinois, M. Duhamel, avait importé, pour la première fois, des skis en France et avait tenté, par son exemple, de développer dans les Alpes ce nouveau sport. Ses patientes démarches n’aboutirent, qu’en 1896, à la fondation du premier Club de Ski français, le « Ski-Club des Alpes ».

Mais c’est à l’armée, en somme, que les populations des montagnes sont redevables de la vulgarisation de ce merveilleux instrument et de son succès. En 1901, en effet, un officier du 159e régiment d’infanterie, le lieutenant Clerc, en garnison à Briançon, créa la première École Régimentaire de ski.

Ses efforts, joints à ceux d’officiers norvégiens envoyés en mission, portèrent leurs fruits.

Il fallut, surtout dans les débuts, démontrer que l’on pouvait, sans équipement trop spécial, effectuer des randonnées partout et par tous les temps. De nombreuses marches faites durant cette période, avec des moyens rudimentaires et surtout une technique des plus sommaires, eurent pourtant pour effet de montrer aux troupes et aux alpinistes le parti qu’ils pouvaient tirer de ces appareils. Quant à la population montagnarde, elle regarda d’abord avec étonnement et méfiance ce nouveau mode de locomotion, si différent des raquettes habituelles.

Mais les progrès devaient s’accentuer davantage, et cela grâce, en grande partie, au Club Alpin Français et surtout au Touring Club de France, à leur esprit d’initiative et à l’influence dont ils jouissent auprès des pouvoirs publics.


CHASSEUR ALPIN APPRÉCIANT LA LONGUEUR D’UNE PAIRE DE SKIS PAR RAPPORT À SA TAILLE.
(Cliché Branger.)

Tout d’abord, on envoya à l’École Normale de Briançon, destinée uniquement à former des officiers skieurs, des représentants de l’armée des Alpes, puis des Pyrénées et des Vosges. Ce stage était des plus précieux pour eux. Ils devenaient capables de former des instructeurs qui, rentrés dans leurs foyers, répandraient parmi leurs compatriotes, avec le goût du ski, sa technique et ses procédés sommaires de fabrication. C’est, en effet, à l’atelier des Écoles de Briançon que furent faites les premières études permettant d’établir à prix réduit l’outil de précision qu’est le ski de Telemark et de contribuer, par cela même, à son expansion dans les régions les moins fortunées.

À cette époque, les skis provenaient presque exclusivement de Norvège et étaient très coûteux. Le Touring Club de France subventionna l’École de Briançon et, par ses soins, un certain nombre de paires sortant de ses ateliers furent distribuées aux soldats libérés.

Ces encouragements ne furent pas inutiles. Il se constitua des Clubs de ski dans les Alpes d’abord, puis dans les Pyrénées, puis en Auvergne, dans les Vosges et même, plus tard, en Algérie. Grâce à l’exemple donné par leurs membres, à une propagande intense faite sous le patronage du Club Alpin Français, ces clubs développèrent ce sport parmi les populations de leurs régions respectives.

Dans les Alpes, en particulier, les enfants, eux-mêmes séduits, abandonnèrent leurs patins, leurs « carrosses » (sorte de luge très basse), utilisèrent des douves de tonneaux munies d’un simple étrier et s’exercèrent dans les champs couverts de neige à glisser et même à sauter. Ils ont formé une forte pépinière de jeunes gens souples et hardis qui arriveront sans doute sous peu à opposer aux champions norvégiens, jusqu’alors invincibles, de rudes adversaires.

D’ailleurs en 1909, un jeune Français, Couttet, originaire de Chamonix, fut envoyé par les soins du Touring Club de France au Concours de Holmenkollen, en Norvège. Il est le premier Français qui ait pris part à cette redoutable épreuve où il fut très honorablement classé à l’épreuve de saut.

Un premier Concours International eut lieu en mars 1907 au Mont Genèvre, dans le Briançonnais, avec la collaboration des troupes alpines de France et d’Italie. On y vit aussi quelques professionnels norvégiens. Ils furent étonnés des résultats obtenus par les troupes françaises, composées de jeunes gens ne connaissant le ski que depuis deux hivers au plus. Leurs belles performances, dues à l’énergie, la hardiesse et l’habileté légendaires du soldat français, émerveillèrent le célèbre champion norvégien Durban Hansen lui-même, qui vit l’École Régimentaire en tenue de campagne, sac au dos, avec une technique à peine supérieure à celle du début, accomplir des prouesses remarquables, dans un terrain particulièrement accidenté et rempli d’embûches.

En somme, on peut dire que ce Concours fut un fait capital au point de vue du ski. Les Norvégiens y avaient enseigné, à des élèves attentifs et préparés à les comprendre, les vrais principes de la descente, la beauté du saut, l’emploi de deux cannes et l’usage et la pratique des Telemark et Christiania.

Ce fut le point de départ d’une ère nouvelle en France, au point de vue de la doctrine.

En 1908, le Touring Club de France créa des bourses de voyage pour les officiers des Alpes, des Pyrénées et des Vosges. Ceux-ci étudièrent en Norvège la technique et la fabrication du ski, et furent les véritables instructeurs en France.

Depuis lors des Concours Internationaux sont régulièrement suivis chaque année ; d’autres, régionaux, comprenant des prix pour la fabrication des skis, sont de plus en plus nombreux et fréquentés ; des Semaines d’Hiver, organisées par le Club Alpin français et le Touring Club de France, entraînent nombre de citadins que les exigences de la vie actuelle retiennent trop souvent dans les villes pendant l’hiver.

Indépendamment de toutes ces manifestations, des Clubs nombreux excursionnent régulièrement pendant la froide saison. Ils utilisent et créent des hôtels et refuges, et apportent ainsi une vie nouvelle aux régions autrefois abandonnées pendant de longs mois.

En somme, on peut dire qu’actuellement partout où il y a de la neige, même à Saint-Cloud !… on fait du ski, et que les sports d’hiver, en général, sont cultivés.

Il existe des villégiatures d’hiver en France, comme en Suisse ou dans le Tyrol.

UN PEU DE CHRONOLOGIE

770 après Jésus-Christ. — Paulus Diaconus désigne les Finlandais, à cause de leur habileté à ski, sous le nom de « Skridfinnen » (Finnois glisseurs).

1199. — L’historien danois Saxo raconte comment les habitants de Finnmark font la guerre à ski.

1200. — Combat de Oslo, dans lequel le roi Sverre envoie à ski des troupes en reconnaissance.

1555. — Olaus Magnus, évêque suédois, écrit, pendant son exil, un ouvrage relatif à ses voyages en Norvège. Le ski y est dépeint en détail en ce qui concerne les parcours habituels, la chasse, les courses.

1644. — Deuxième édition du livre de Saxo. On y trouve le premier dessin d’un ski.

1718. — Dans la guerre entre la Suède et la Norvège marchent pour la première fois des bataillons complets de skieurs.

1774. — Apparition du premier règlement relatif à l’exercice des troupes en hiver, à l’usage de l’armée suédoise.

1831. — Le général Bierch essaie de remettre en honneur, en Norvège, le sport du ski qui avait été totalement oublié depuis plusieurs dizaines d’années.

2 avril 1843. — Première annonce dans les journaux du concours de ski en Norvège à Tromso.

15 mai 1861. — Fondation de l’Association générale pour le développement du sport à Christiania. (On y consacra de nouveau un peu d’attention au ski.)

1863. — Première exposition de types de skis à Trontheim (au total 48 paires).

1865. — Le général Wergeland fait paraître son ouvrage sur le ski, ouvrage très important au point de vue de la technique et de l’emploi à la guerre.

1879. — Les habitants de Telemark montrent à Christiania comment on saute.

1883. — Fondation de l’important Club de ski de Christiana : Foreiningen til skii draettens fremme.

1883. — Le Dr Herwig, à Davos, fait ses premiers essais avec des skis norvégiens.

1889. — Traversée du Groenland à ski par Nansen.

1889. — Première ascension du Feldberg dans la Forêt-Noire par le secrétaire du consulat français de Mannheim.

1889. — L’audacieux sportsman Kleinoschegg fait l’apprentissage pour la première fois de ses skis à Gratz.

1890. — Le capitaine Vorwerg entreprend dans les Monts des Géants les premières excursions à ski.

1890. — Apparition du livre de Nansen sur son voyage au Groenland.

1891. — Fondation du premier Club de skis à Todtnau dans la Forêt-Noire.

1892. — Fondation d’une société de ski autrichienne à Vienne.

1893. — Première utilisation des skis pour un voyage dans les Alpes (Traversée du Gothard Grimsel et Furka par des membres du Ski-Club de Todtnau).

1895. — Fondation du Ski Club de la Forêt-Noire.

1896. — Fondation de la première société de ski dans les Monts des Géants (première section du Cercle des Skieurs autrichiens) et en France du Ski Club Dauphinois.

1897. — Publication de la Technique du ski, de Zdarsky.

1899. — Publication de Le Ski, de Paulcke.

1900. — Fondation du premier Club de ski de l’Amérique du Nord à Ispehing (Michigan).

1903. — Fondation de l’Union des Skieurs Suisses.

1904. — Publication de Ski running, de Richardson.

1904. — Fondation du Ski Club des Vosges.

1905. — Fondation de l’Union des Skieurs de l’Europe centrale.

1906. — Publication de Le Ski, de Hoek-Richardson.

1908. — Fondation de l’Union des Skieurs Norvégiens (Norges skiverbund Kristiania).

TABLEAU
DES MEILLEURES PERFORMANCES EN SKI OBTENUES DANS LES
TRENTE DERNIÈRES ANNÉES.

1879. — Le fils d’un cordonnier de Telemark, Torjas Hemmesvedt fait un saut de 23 mètres sur la colline de Fluseby, près de Christiania.

1884. — Le Lapon Lars Tuorda parcourt, près de Jokkmok, dans le nord de la Suède, 220 kilomètres, en 21 heures, 22 minutes.

1889. — Hemmesvedt, de Telemark, parcourt 50 kilomètres, en pays mamelonné et boisé, en 4 heures, 26 minutes, 30 secondes.

1896. — Le Dr Paulke escalade avec quelques amis et pour la première fois un sommet des Alpes (Oberalpstock).

1900. — Bjarne Nillsen montre, au Feldberg, le premier saut norvégien (23 mètres).

1901. — Le Finlandais Antio parcourt en terrain absolument plat 30 kilomètres en 1 heure 46 minutes 15 secondes.

1902. — Nils Giestrang fait, sur la colline de Modum, le plus grand saut connu (41 mètres).

1904. — Premier saut allemand de 19 mètres fait dans de bonnes conditions au Feldberg, dans la Forêt-Noire.

1904. — Mylius escalade le Mont Blanc en ski.

1904. — H. Stang (enfant de douze ans) saute en Norvège 14 mètres 5.

1905. — Leif Berg parcourt la distance Titlisgipfel-Trubsee, avec 1.489 mètres de différence de niveau, en 29 minutes.

1906. — Harald Smith fait au Feldberg, dans la Forêt-Noire, le plus long saut effectué en Allemagne (36 mètres).

1907. — H. Baader (un enfant de quatorze ans) saute 19 mètres au concours international de saut, au Feldberg.

1908. — Capiti-St. Moritz saute 31 mètres aux courses de ski suisses dans l’Engelberg.

Des deux tableaux ci-dessus, on doit conclure que, sous l’influence du voyage de Nansen au Groenland, on fit des essais du ski dans toutes les régions montagneuses de l’Allemagne centrale. Ces essais furent à la fois simultanés et indépendants, et c’est dans la Forêt-Noire que le ski prit son plus rapide et son plus grand développement. La Forêt-Noire devint la terre d’élection du sport du ski en Allemagne et toujours fut reconnue comme telle. En 1904 encore, le sportsman anglais Richardson, dans son livre « Ski running », écrivait : « Le Feldberg fut renommé à cause de ses skieurs et de ses courses de ski ; sa renommée ne fut dépassée, dans ces dernières années, que par celle des concours de Holmenkollen, connus dans le monde entier. »


CE DONT ON A BESOIN EN SKI

Il faut avant tout un cœur sain et de bons poumons, puis il importe d’attacher toute son attention aux skis. Homme et skis doivent se convenir l’un à l’autre, ainsi qu’un cavalier et son cheval. Une canne est indispensable, mais deux cannes rendent souvent de meilleurs services. On s’apercevra avec le temps qu’un vêtement spécial n’est pas absolument nécessaire. Le sac de montagne n’est pas non plus indispensable pour faire du ski, mais celui qui n’en a jamais besoin se classe, par cela même, dans la catégorie des skieurs d’hôtel, qui se croient perdus lorsqu’ils se trouvent à plus de trois ou quatre kilomètres de leurs quartiers d’hiver. Pour les vrais amateurs, le sac est quelque chose de très important, et la composition de son contenu une question digne du soin le plus avisé.

Le ski — Je voudrais dissuader tout à fait le lecteur d’en faire lui-même. On en achète tout de même d’autres par la suite, à moins d’être l’un de ceux qui s’attachent surtout à ce qu’ils ont eux-mêmes fabriqué.

Bien qu’il paraisse très simple, le ski demande de grands soins pour sa confection ; malheureusement beaucoup de fabricants ne sont plus très consciencieux, tant en ce qui concerne la matière première que l’exécution. À la suite de grosses commandes et « parce que cela se vend tout de même » plusieurs d’entre eux travaillent du bois trop vert. Un bon ski est fait de souches abattues en hiver et bien séchées dans des formes taillées à cet effet. Pour acheter une paire de skis, on doit, autant que possible, être accompagné d’un homme compétent. Si on n’en connaît pas, il suffit de regarder la forme du ski de Telemark pour se faire une idée d’un ski bien taillé et bien courbé. Avant tout, la spatule ne doit pas se redresser brusquement comme une corne ; dans ce cas, elle cause des chutes, même à des skieurs exercés, si la neige est profonde, et souvent un ski se casse parce que la pointe s’est heurtée brusquement et maladroitement contre de petites ondulations de neige au lieu de passer sur elles avec la légèreté et l’élégance qui conviennent. On ne peut obtenir ce résultat qu’avec le ski dont la courbure commence loin mais qui n’atteint sa plus grande hauteur à la pointe que progressivement. Une courbure de 13 à 14 centimètres est la meilleure. Cette forme ne produit pas facilement de heurts et ne se courbe pas non plus dans la neige. Il arrive parfois qu’un ski aussi parfaitement courbé se casse pourtant. La seule pensée qu’on puisse avoir en pareil cas, c’est qu’il est impossible d’obtenir quelque chose d’absolument impeccable.
PLAN, PROFIL ET COUPE D’UN SKI DE TÉLÉMARK.

Il est évident que des skis très lourds et forts, dont la courbure est épaisse et aussi rigide que l’arrière, ont peu de chances de casser. C’est à cet avantage que l’on peut songer lorsqu’on trouve à la montée que leur poids est peut-être exagéré. Si l’on en prend une paire de minces et légers dont la spatule vibre nerveusement quand, pour l’éprouver, on la fléchit et on la lâche, on peut être certain de ressentir une grande satisfaction pendant la course, surtout une fois qu’on sait courir, mais ils ont des chances de durer moins longtemps.

La courbure du ski en son milieu doit diminuer graduellement aussi, c’est-à-dire du pied du skieur jusqu’au commencement de la courbure de la spatule. Son but n’est pas de donner au ski comme un ressort, ainsi qu’on le croit souvent, mais elle doit empêcher que la lame, dont la charge porte au milieu, ne se courbe par dessous. Cette flèche doit être assez forte pour que la surface inférieure des skis, depuis l’arrière jusqu’à l’origine de la spatule, devienne, sous le poids du corps, absolument plane. Pour obtenir ce résultat elle doit atteindre de 2 à 3 centimètres.

En ce qui concerne le bois, il ne faut pas être difficile, bien qu’une certaine prudence soit de mise vis-à-vis des marchands. Des skis dont les fibres sont toutes droites et parallèles à l’axe et qui n’ont aucun défaut d’esthétique sont très rares et très chers. Le bois de frêne est le seul qui convienne, toutefois il est bon dans certains cas d’avoir des skis en bois d’hickory ou en bois d’hickory doublé de pin, mais ceci n’entre en considération que pour les fins connaisseurs. Quelques fibres transversales, quand elles ne se trouvent pas juste à la courbure avant ne sont pas nuisibles, de petits nœuds ne présentent pas non plus d’inconvénient sérieux ; souvent on rencontre du bois qui a poussé lentement et qui est un peu serré, sa madrure ne paraît pas précisément belle, pourtant il est dur comme du fer.

Ce sont les grosses branches qu’il faut évidemment utiliser. Elles ont moins de chances de rupture, et elles sont aussi entourées d’une épaisseur moindre de ce bois tendre qui résiste peu aux chocs et qui peut interrompre prématurément le voyage.

Il est inutile de s’inquiéter longtemps au sujet de la couleur. La teinte naturelle du bois est la plus belle quand les skis sont en magasin. La structure des fibres que le vernis fait ressortir davantage est par elle-même un bel ornement. Les deux fines lignes parallèles tracées le long des bords avec le rabot à gorges rehaussent l’élégance de la forme. Un petit losange rouge à l’extrémité, là où les lignes d’ornement se croisent, ajoute un peu de couleur et de gaîté. Mais des skis peints en noir, avec des lignes ornementales blanches qui leur donnent au premier abord un aspect plus sombre et plus lugubre, sont beaucoup plus pratiques sur la neige et on finit même par les trouver jolis. Le but de la couleur noire est de donner, pendant le saut, la possibilité d’orienter un peu la position des skis, qui se détachent fortement sur le sol. De toute façon, l’œil a, avec les skis sombres, une impression plus nette, tandis que les contours des skis clairs se confondent avec la couleur de la neige. Des skis peints en rouge ou en bleu, ainsi qu’on en voit parfois dans les magasins, ne sont pas à recommander ; celui qui veut se distinguer de la grande masse des skieurs et être remarqué au milieu d’eux peut l’être beaucoup plus justement par son énergie et son adresse.

La longueur des skis dépendra du poids qu’ils ont à supporter. Les personnes de proportions et de poids normaux doivent pouvoir atteindre avec l’extrémité de leurs doigts la pointe de leur ski dressé. Celles qui sont plus lourdes qu’elles ne devraient l’être normalement en raison de leur taille ajouteront de 10 à 20 centimètres. La difficulté de direction, plus grande avec de longs skis, est, dans ce cas, compensée par le fait que le ski n’enfonce pas autant. Si la neige est superficiellement gelée, les skis trop courts ne portent pas sur une surface suffisante et peuvent, surtout avec la partie arrière ou l’arête, briser la croûte superficielle et causer des embarras. En résumé, il est préférable d’avoir des skis trop longs que trop courts, si l’on dépasse le poids moyen.

L’équilibrage du ski est une chose très importante. L’attache doit être fixée de telle sorte que, quand on le soulève par la courroie du bout du pied, la pointe s’incline d’environ 45° vers l’avant.

Maintenant que vous avez fait, à l’aide des conseils de cette étude, l’acquisition d’un paire de skis, considérez-vous sérieusement comme un débutant et, durant tout un hiver, n’attribuez jamais les chutes au ski mais bien à vous-même et à votre manque d’expérience. Le ski de Telemark est un de ces merveilleux instruments qui, bien que d’aspect simple et primitif, ont été cependant créés d’après les données les plus précises des mathématiques et de la physique. En les examinant, on ne sait pas si on doit s’étonner davantage de leur simplicité que de leurs qualités. Aux pieds des profanes les skis sont embarrassants et grotesques, mais, pour les initiés, ils deviennent en quelque sorte des chaussures ailées.

L’esprit humain n’a créé que deux instruments avec les seules conceptions des hommes primitifs et sans utiliser la technique moderne : c’est le boomerang, la fronde en bois des nègres de l’Australie, avec laquelle ils atteignent le gibier sauvage en plein vol et qui retourne au chasseur après avoir décrit un cercle ; puis cajak des Esquimaux, petit canot à siège, recouvert de peau, qu’un rat ferait chavirer sur l’eau la plus calme et que l’Esquimau fait danser sur les flots de la mer en furie ainsi que danse une boule de verre sur un jet d’eau.

Le ski de Telemark est aussi une planche magique si elle est maniée avec art. Il le savait déjà, il y a bientôt 700 ans, l’auteur du Koenigspiegel norvégien ! Dans sa langue charmante, naïve et pleine d’expressions pittoresques, il parle de ces hommes « que de minces planches entraînent du haut en bas des montagnes avec une très grande rapidité, grâce à leur art et à leur adresse. Rien de ce qui se meut sur la terre ne peut être comparé, quant à la vitesse, à l’homme qui possède de telles planches à ses pieds. Dans d’autres contrées où les gens n’ont pas acquis une pareille habileté, on pourrait à grand’peine trouver un homme assez souple adroit pour ne pas perdre tous ses moyens dès qu’on lui a mis ces morceaux de bois sous les pieds. »

Qu’il ne se décourage donc pas celui qui, pour la première fois, part sur les étendues neigeuses, avec des skis neufs, si, au début, ainsi que le dit le Koenigspiegel, « il perd tous ses moyens ».


L’attache. — Il n’est possible de bien diriger des skis que lorsqu’une bonne attache les relie parfaitement aux pieds. On est, sur le continent, tellement d’accord sur la meilleure forme de ski, que tous les skieurs ont adopté celui de Telemark, mais en ce qui concerne l’attache, les avis sont encore très partagés.

Les différentes manières d’attacher un ski ont parfois amené de véritables conflits d’opinion dans le monde des skieurs.

Il en est d’ailleurs de même en Norvège, où le ton des polémiques des journaux spéciaux ne laisse non plus rien à désirer et où la critique des attaches du ski alpin (alpenski), par exemple, se résume en ces deux mots : « C’est insensé » ! Ces discussions se sont calmées depuis, il est vrai, et l’on est arrivé à ce résultat de considérer cette question d’attache comme une chose ressortissant à l’expérience personnelle.

Mais l’auteur se sentirait pourtant responsable de toutes les foulures et arrachements qui pourraient survenir du fait d’une attache défectueuse s’il n’avait suffisamment éclairé ses lecteurs à ce sujet et s’il ne les avait suffisamment mis en garde contre celles qui peuvent être vraiment dangereuses.

En somme, on peut dire : Plus le pied est lié au ski, plus la direction est facile, mais aussi plus il est difficile de se tirer indemne d’une chute. Dans ce cas, la probabilité est aussi plus grande, surtout pour les débutants, d’avoir un tendon arraché ou un os cassé.

Avec l’ancienne attache de roseau, qui fut la plus employée pendant les 90 années que dura la période des combats et des luttes pour le ski, les choses les plus étonnantes furent faites en descentes et en sauts.

La hardiesse était alors de beaucoup supérieure à l’habileté, mais il y eut rarement d’accidents, on se relevait toujours comme on tombait, souvent même avant d’être tombé ! Aujourd’hui on apprend presque trop tard la façon de tomber correctement. C’est cependant très important, surtout de nos jours où les vieilles attaches lâches ne sont plus employées. Habituellement c’est plutôt quand c’est devenu moins utile qu’on apprend à se pelotonner pendant la chute sans contraction nerveuse, ainsi qu’un hérisson, et à présenter le plus petit volume possible : à se laisser enfin tranquillement tomber, quand on doit tomber.

Mais la plupart du temps, les débutants tombent au cours d’une descente trop rapide, lourdement, sans souplesse, les skis croisés, et de tout leur long en avant, parce qu’ils n’ont pas préféré se laisser choir en arrière, en temps voulu. Alors leurs pieds sont si fortement comprimés par l’attache qu’ils ne peuvent pas prendre leur position normale et qu’ils sont maintenus avec force dans la direction des skis. Il en résulte nécessairement une foulure ou une fracture.

Mais que les profanes se rassurent ; de tels accidents ne sont pas aussi fréquents qu’ils pourraient le croire. Les os et les nerfs sont des matériaux d’excellente qualité qui possèdent une grande force de résistance, surtout quand ils sont jeunes. Il est vrai aussi que ce n’est pas du tout une consolation de songer qu’un accident vous est survenu par hasard. Les exceptions doivent, elles aussi, être réduites au minimum.

Attache à semelle et à talon. — Comme l’intention de cet opuscule n’est nullement de conseiller aux skieurs de nouveaux accessoires, mais plutôt de présenter aux connaisseurs de vieilles choses sous une forme plus nouvelle, il considérera surtout la question « attache » au point de vue du moindre danger pour le pied. Attache à semelle et à talon
attache à semelle et à talon
On fera alors l’étonnante constatation que les commençants préfèrent précisément utiliser l’attache qui est la moins indiquée pour eux, celle à semelle et à talon. Elle est la plus « aisée », ce qui devrait vouloir dire « l’attache pour les gens qui aiment leurs aises ». Elle trompe très facilement ceux qui n’y connaissent rien, parce qu’ils peuvent rapidement se rendre compte de son mécanisme. Sur le ski est vissée une espèce de sandale avec une épaisse semelle de balata[1]et un haut talon. On n’a qu’à entrer le pied, passer une courroie sur le cou-de-pied et tout est dit. On a ainsi trois paires de chaussures : le soulier de cuir proprement dit, au-dessous le soulier de balata, et par-dessous encore le ski.

L’étroite intimité que le pied doit avoir avec le ski, s’il veut pouvoir le diriger, dépend à peu près uniquement de l’attache. Ce précepte ne doit pas être oublié du débutant qui fait mettre de sa propre autorité une telle attache par un marchand généralement peu expérimenté dans l’art du ski et qui vend de préférence des attaches à talon parce qu’elles sont toujours toutes prêtes et qu’elles ne lui donnent aucun ennui pour l’ajustage. Ensuite, cette attache, la plus rigide de toutes, tient fortement le pied, le comprime au talon entre l’enveloppe et la courroie du cou-de-pied et ne se relâche jamais quelle que soit la façon dont on tombe. Son seul avantage, qui est la bonne direction, n’est d’ailleurs acquis qu’aux dépens des orteils. Car on n’obtient le but cherché qu’en serrant la courroie d’avant si fort que lesdits orteils sont brutalement comprimés contre la semelle de balata ; autrement la pointe du pied remue entre les deux mâchoires qui maintiennent la courroie.

La caractéristique de ce système est en somme la suivante : il est bon pour tout pied et ne convient parfaitement à aucun ; l’attache tient fortement là où elle devrait être lâche et ne tient pas là où elle devrait serrer. C’est une attache « omnibus » et qui ne trouve place que sur les skis de location parce qu’on peut facilement l’adopter à n’importe quel pied. Mais son avantage fait son inconvénient, et, aux pieds d’un skieur expérimenté, on n’en trouvera jamais. Les amis de notre sport à qui elles ont suffi jusqu’à présent devraient se souvenir que s’ils s’en sont tirés les jambes saines et sauves, ce n’est pas la faute de leur attache.

Des compétences reconnues ont déjà souvent déclaré, mais plus timidement, ce que je viens de dire ici nettement et sans ambages : cette attache, malgré les critiques justifiées qui se sont élevées contre elle, est malheureusement toujours préférée par la grande masse des skieurs.

Attache du ski alpin (Alpenski). Elle est plus connue sous le nom d’attache de Lilienfeld, qu’elle doit à une petite ville de Steiermark, en Autriche. Les pentes raides des montagnes de ce pays furent pour l’inventeur de cette attache, le peintre Zdarsky, les premiers champs d’expérience. Elle doit être considérée, ainsi que l’indique aussi son nouveau nom, comme l’attache convenant aux pays accidentés. C’est une invention judicieuse mais compliquée, qui a été le nœud des discussions qui ont divisé les habitants de Lilienfeld et ceux de la Forêt-Noire. Il y a peu d’années, il existait un trop grand parti pris contre elle pour qu’on se servit de skis alpins dans cette région ; l’influence norvégienne y faisait considérer un disciple de Lilienfeld exactement comme les paysans de la Forêt-Noire regardèrent en somme le premier skieur, c’est-à-dire comme quelqu’un d’extravagant. Maintenant on se considère des deux camps avec plus de compréhension et par conséquent plus de courtoise indulgence.

L’attache alpine exige une technique particulière de marche, la technique de Lilienfeld, au sujet de laquelle son inventeur a écrit un ouvrage plein de verve et de clarté. Une semelle élastique d’acier, mobile autour d’un axe horizontal, réglable d’après la longueur et la largeur du pied, lie fortement ce dernier au ski et empêche tout déplacement latéral de sa part : c’est pourquoi les chutes peuvent facilement devenir dangereuses. Les habitants de Lilienfeld savent bien pourquoi ils ne sautent pas !


ATTACHE ALPENSKI.
En pays accidenté, et c’est le cas dans cette région, on évite les chutes en faisant un détour. Au lieu de laisser les skis descendre la montagne à toute allure, on parcourt les pentes en faisant des lacets. Ce genre de marche est facilité par la maîtrise complète du ski, maîtrise qui est rendue plus commode par une forte attache rigide.

Une longueur de ski moindre que la normale facilite aussi la marche en lacets. Enfin les skis tout à fait plats et ne comportant pas la cannelure médiane des Norvégiens offrent un avantage réel sur les skis avec cannelure. Le ski alpin possède donc ces caractéristiques : il est plus court que le ski de Telemark et n’a pas de cannelure.

Son attache répond comme lui à un besoin particulier. Mais celui qui veut pouvoir, s’il en a envie, laisser filer ses skis en pleine course — et à qui ne viendrait pas une fois cette folle envie ! — ou qui désire posséder l’art complet du ski et la souplesse dans la marche, ne doit pas se servir d’attache alpine.

Elle est toutefois à conseiller aux personnes d’un certain âge à qui de la prudence s’impose. La marche en plaine ou en montagne ; quand on peut facilement pousser son ski, a, en soi, quelque chose d’extrêmement agréable, et peut-être plus encore avec l’attache de Bilgeri, une nouvelle imitation perfectionnée de l’attache du ski alpin.

Il faut encore noter dans ces attaches le bruit du mécanisme métallique, qui souvent se fait entendre et est un supplice intolérable qui nuit beaucoup à l’esthétique de ce sport.

L’attache du ski alpin est donc une invention à laquelle on ne peut pas refuser de l’ingéniosité, mais qui a pourtant quelque chose de don-quichottesque. Comme ses défauts sont aplanis en partie par une certaine technique de marche, elle ne peut pas être classée, malgré tout, parmi les plus mauvaises.

Attache de Huitfeld. — Cette attache est la meilleure parce qu’elle est la moins dangereuse et permet cependant de faire du chemin. Elle est simple sans être lourde et inajustable comme l’attache à semelle ; elle n’acquiert pas, d’autre part, sa facilité d’ajustage par des vis et des ressorts métalliques comme l’attache du ski alpin. Quand c’est nécessaire, après une forte chute par exemple, elle cède sagement. Elle est plus légère que les deux autres attaches et maintient suffisamment le pied.

Avant tout, elle permet au skieur un contact plus intime avec le ski, car la semelle par laquelle le pied lui transmet sa volonté est la semelle même du soulier. Il y a, il est vrai, un léger inconvénient à cette attache : les deux bandes métalliques assez fortes, entre lesquelles est placée la semelle, laissent sur celle-ci leur empreinte et en fatiguent un peu les bords. Mais si le skieur ne fait pas avec ses chaussures autre chose que du ski, ou s’il les emploie tout au plus à faire des excursions en montagne, ce défaut d’élégance, qui du reste ne nuit pas à la semelle elle-même, est en somme négligeable.

La marque la plus caractéristique de l’attache de Huitfeld est le logement de la courroie. C’est une mortaise qui traverse le ski en son milieu, latéralement, et dont dépend l’organisation de toute l’attache. C’est à travers cette ouverture que l’on passe la légère bande d’acier Bessemer revêtue à l’intérieur de cuir, et qui, relevée des deux côtés, est appliquée exactement contre la semelle du soulier. Les extrémités sont reliées par-dessus le soulier au moyen de la courroie du bout du pied. Elles forment mâchoire et maintiennent le pied à la naissance des orteils. C’est aussi à travers cette cavité que passe la courroie qui entoure le talon et serre le pied contre la mâchoire, elle marque en somme le centre de gravité autour duquel tourne tout le ski et, bien que l’effort de direction agisse avec d’autant plus d’intensité qu’il est appliqué plus intimement à lui, le résultat est bon cependant dans ce cas, malgré l’absence
ATTACHE DE HUITFELD B.
d’une semelle qui ne peut jamais être fixée que sur la face supérieure du ski et par suite au-dessus de son centre de gravité. Enfin, cette mortaise permet, dans le cas d’une cassure de l’attache et le plus rapidement possible, l’emploi d’une excellente attache de fortune si l’on a sur soi une longue lanière quelconque.

Il y a deux espèces d’attaches de Huitfeld (A et B). Elles
ATTACHE ELLEFSEN.
(Cliché P. Gruyer.)
diffèrent par les courroies. Dans les plus récentes attaches, on fait une concession à la commodité et à la rapidité, partout réclamées aujourd’hui, et on obtient un très grand avantage sur les anciennes. Une courroie mobile en cuir, constituée par deux pièces à double face, sort de la cavité médiane et fait le tour du talon ; on a avant tout supprimé la courroie dangereuse qui serrait le cou-de-pied. Par contre, une seconde, passant derrière celle des orteils, facilite la tension de la courroie du talon.

La tension de cette dernière se produit au moyen d’une boucle brevetée d’Ellefsen à l’aide de laquelle on la raccourcit d’un ou deux centimètres. Elle peut, quand la boucle est ouverte, être facilement placée sur le talon et se trouve, après la fermeture de celle-ci, fortement fixée au pied. Son glissement sera empêché de la façon la meilleure au moyen d’une échancrure concave du talon, échancrure que l’on trouve généralement à toute bonne chaussure de ski. Après une chute, ou en cas de danger, ou près du sautoir, lorsque, après le saut, on veut remonter le chemin d’accès du tremplin sans ski, on sort immédiatement des attaches par un
ATTACHE DE HUITFELD A 1re PHASE.
simple rabattement de la boucle. Elle peut même se rabattre d’elle-même à l’occasion, ce qui naturellement est souvent très utile.

Il est encore plus commode de fixer le pied dans les mâchoires avec l’attache ancienne A de Huitfeld, qu’avec celle dont on vient de parler.

Elle consiste en une courroie de cuir gras, longue d’environ deux mètres, étroite, a l’extrémité de laquelle on a cousu une boucle. On la double en la passant au travers de la mortaise médiane, de sorte que la boucle cousue sorte du côté extérieur, par exemple du côté gauche du ski de gauche, tandis que vers l’intérieur la courroie qui a été doublée forme une boucle naturelle.

Au moyen de ces deux boucles comme points d’arrêt, on passe la courroie deux fois
ATTACHE DE HUITFELD A 2e PHASE.
autour du talon, puis on la tend autour du cou-de-pied et on la lie enfin avec un simple nœud. Cette attache peut s’adapter aux plus faibles changements et différences de tension. La courroie, étroite mais très forte, a l’agréable propriété de se plier sans gêner et de tenir fortement sans serrer.

Il est facile d’apprendre à la mettre, mais c’est un peu plus long que pour les autres. Ce qu’il y a de plus désagréable, c’est de l’ôter. L’opération est longue, surtout quand l’attache serre juste. Dans les cas urgents, le seul remède est le couteau ; mais, comme de telles circonstances sont rares, elle sera l’attache préférée des skieurs qui veulent dépendre le moins possible d’accessoires mécaniques, et pour qui c’est un plaisir d’user de leur adresse et d’atteindre leur but par des moyens rudimentaires. Elle est d’ailleurs encore la plus répandue en Norvège et s’il existe des skieurs possédant l’une ou l’autre des attaches Huitfeld et qui ne soient pas très adroits, on peut cependant affirmer qu’on trouve rarement un bon skieur, les disciples de l’École de Lilienfeld exceptés, qui en possède une autre.


FERMETURE KOSKI.

J’ai décrit, parmi le grand nombre des attaches existantes, les trois qui sont les plus connues et les plus employées en France, en Allemagne et en Autriche, celles qui sont en somme les formes types de toutes les autres. Il existe pour chacune d’elles un grand nombre de variétés. On a fait aussi une combinaison des divers systèmes. Parmi les plus heureuses, on peut donner celle de Ellefsen[2] qui est une combinaison de l’attache à mâchoires et de l’attache à semelle et qui est employée par de très bons skieurs.

En résumé, il ressort de ce qui précède que l’attache que l’auteur préfère est celle de Huitfeld ; elle ne fait pas du premier venu un bon skieur, elle ne garantit pas absolument contre les accidents, mais, jusqu’à ce qu’on ait trouvé quelque chose de meilleur, elle peut être considérée comme la préférable.


La canne — Deux cannes sont en montagne d’un excellent secours et sont également très utiles en plaine ; elles aident à augmenter l’allure. Plus que toute autre chose, en ce qui concerne le ski, la solution de la question de la canne est liée à l’âge du skieur. Les jeunes gens doivent de préférence marcher sans aide à la montée et à la descente. C’est ainsi qu’ils acquièrent, dans leurs muscles vivants, la résistance des corps inertes que sont les cannes. Ils obtiennent cette mobilité et cette souplesse dans les reins que ne peut atteindre celui qui est habitué à deux bâtons auxquels il est comme englué. L’indépendance vis-à-vis d’eux est une preuve sûre de l’habileté, et « l’embâtonnement » le plus grand péché possible contre l’esprit du ski. Mais celui qui n’a pas pour but de cultiver spécialement la beauté et l’élégance trouvera toujours en sa canne un bon ami.

Elle ne doit pas être un pieu comme les cannes de frêne de hauteur d’homme employées autrefois. Ce qu’il y a de mieux, c’est qu’elle arrive a l’épaule, et soit faite de bambou pas trop faible ou de bon noisetier soigneusement choisi. Avec un tel instrument, il est possible parfois de freiner quand les skis ne suffisent pas. Quand on peut l’employer alternativement à droite et à gauche, on reste son maître et on n’en dépend pas.

Les personnes d’un certain âge doivent aussi apprendre comment on peut faire reposer le poids du corps sur les hanches tout en se servant d’une seule canne. On possède cette technique quand on a l’habitude d’en utiliser deux et sans elle la marche du skieur devient une simple glissade. Le bâton ne doit pas être tenu obliquement devant le corps avec les deux mains, mais toujours avec une seule et de préférence verticalement.

Si on préfère deux bâtons, et c’est d’ailleurs le privilège de skieurs habiles, on les laisse traîner derrière soi attachés aux poignets par la courroie, ou bien on les porte en mains jusqu’à ce que leur emploi soit devenu nécessaire. Une paire de cannes doit être de
MODÈLES DE CANNES (FERRURES, BOIS ET RAQUETTES VARIÉES).
préférence plus courte qu’une canne unique, et elles ne doivent arriver dans ce cas que jusqu’à la poitrine.

Quand on gravit une montagne, on facilite sa marche en appuyant dans la neige avec celle qui se trouve du côté du pied inférieur, ainsi qu’avec une canne de promenade. C’est une façon très agréable de procéder, surtout lorsque le bâton est à sa partie supérieure bien arrondi et bien poli. D’ailleurs, avec le temps, le skieur apprendra de lui-même bien d’autres petits détails avantageux ; il en ressentira ainsi plus de satisfaction. Un ouvrage sur le ski doit stimuler seulement et donner une règle de conduite ; il doit laisser au lecteur et au skieur le soin de régler le reste. En particulier, les petits disques des cannes offrent de bonnes occasions d’exercer la réflexion de chacun et doivent empêcher celles-ci d’enfoncer dans la neige. Comme elles sortent de la fabrique, elles ne sont pas, en effet, toutes sans défauts. Une occupation utile et amusante, durant une ennuyeuse soirée d’hiver, consiste à consolider, avec des courroies graissées ou un fil de fer galvanisé, ces disques de roseau, de gutta-percha ou d’aluminium. Ils doivent être fixés solidement au bâton mais sans raideur, de façon que, même quand le bâton est incliné, comme par exemple, lorsqu’on se pousse en plaine dans une course rapide, ils restent toujours appliqués horizontalement sur la neige.

L’équipement — Quand on fait du ski depuis un certain temps, on sent la nécessité d’avoir un vêtement approprié à la neige, mais cette transformation doit se faire peu à peu et résulter d’un besoin réel. Celui qui, avant même de faire son apprentissage, court chez son tailleur, ne deviendra vraisemblablement jamais un grand disciple de notre sport. On doit d’abord se contenter de ce qu’on a. Celui qui, dans le courant de l’année, arrive petit à petit et par suite de l’expérience acquise à une organisation confortable, sera plus heureux que s’il achetait en une fois tous les accessoires jusque dans leurs plus petits détails, d’après un catalogue ou un livre, comme on le fait souvent.

L’équipement le meilleur est sans doute le vêtement appelé norvégien. Il est élégant et avant tout très masculin.

On ne peut accorder ces qualités au jersey blanc orné d’un monogramme de couleur que d’aucuns semblent préférer. Les jerseys ont d’ailleurs, comme tous les vêtements tricotés en laine, la désagréable propriété d’absorber et de retenir beaucoup de neige dans les chutes. Même dans le cas où les contacts avec celle-ci ne seraient pas trop fréquents, et ils ne sont pas le monopole des débutants, le jersey absorbe par un grand froid, au moyen des fibres de sa laine, les particules humides exhalées par le corps sous forme de givre. Pendant les froids modérés il est trop chaud ; il doit donc rester dans le sac et on ne doit l’en sortir et le mettre sous sa veste que comme préventif contre un refroidissement au repos, pendant les repas ou dans des cas analogues.

La plus grande faute commise par la plupart des gens est de s’habiller trop chaudement ; les mères, en particulier, trop soucieuses, surchargent inutilement leurs enfants. Le sport du ski active à un tel point la circulation que, à part un gilet un peu plus épais, on peut se contenter d’étoffes à peine plus chaudes que celles qu’on emploie en été pour les excursions en montagne. Beaucoup de parents seront stupéfaits d’entendre dire que leurs enfants doivent faire leurs courses de ski en pantalon et en bras de chemise, même sans casquette et que, si, après l’arrivée au but, ils se couvrent bien, cela ne leur fera pas de mal.

Ce qu’il y a de plus important dans un vêtement de ski, c’est l’étoffe. Elle doit être à mailles très serrées, ni trop légère ni trop lourde, et avant tout lisse, de façon que la neige s’en détache facilement. Une bonne étoffe sombre, à trame en biais et suffisamment souple, est très recommandable. Le vêtement doit ressembler comme coupe à une vareuse. Il ne faut pas de poches extérieures et, s’il y en a, il faut qu’elles soient bien fermées.

Les pantalons ne doivent pas être trop étroits. Une étroite bande molletière souvent bigarrée et qui apporte un peu de couleur au reste de la tenue, généralement sombre, rend hermétique l’intervalle qui le sépare de la chaussure.

Comme coiffure, la meilleure est la casquette norvégienne, qui peut être rabattue sur les oreilles. Par des temps très froids, il est bon d’employer le passe-montagne, sorte de bonnet en jersey recouvrant toute la tête et ne laissant d’ouverture que pour les yeux et le nez.

Pour les mains, il faut de longs gants épais à revers ; la laine convient bien mais elle est lourde quand elle est humide. De la toile à voile ou du cuir fourré tiennent plus chaud et sont plus imperméables. Les gants les meilleurs sont ceux de laine tricotée et assez légers. Lorsqu’il fait chaud, ils sont peut-être un peu trop perméables, mais, s’il fait froid, la neige qui les imprègne forme une sorte de carapace impénétrable et de beaucoup supérieure aux gants de laine épais, toujours humides.

Les vestons de cuir sont très bons pour garantir du vent et du froid, mais ceux qui transpirent facilement ne les porteront pas longtemps. Il est plutôt recommandé d’emporter suffisamment de linge et d’en changer souvent.

On peut faire à sa guise son choix parmi toutes ces indications et les différences de qualité des effets n’ont pas grande importance. Mais pour les pieds, surtout pour la chaussure, il y a une chose qu’on doit recommander tout spécialement : choisir toujours la première qualité, aussi bien en ce qui concerne le cuir que la forme. Sans une bottine vraiment bonne, faite spécialement pour cet usage, le skieur n’éprouve que la sensation d’un bain de pieds froid et prolongé ; avec une chaussure mal conditionnée, on peut avoir les pieds gelés, alors que d’autres ne ressentent que du plaisir et de la gaité. De toutes façons, il est préférable d’avoir des souliers faits par un spécialiste ; les marchandises confectionnées sont inférieures comme qualité et coûtent presque aussi cher. D’ailleurs, les souliers cousus à la machine ne sont pas aussi imperméables que les autres parce que la machine, en réunissant l’empeigne à la semelle, ne peut faire une piqûre aussi petite que le pourra le cordonnier avec son alêne et son ligneul.

Le soulier doit avoir une semelle forte et débordante, allant de la pointe au talon, pour avoir plus d’action sur les skis. Un renforcement de la pointe, au moyen d’une coiffe qui garantit les orteils contre une compression trop grande, ne peut être assez recommandé. C’est l’avantage de ce qu’on appelle le soulier Laupar, dans lequel l’élévation de la partie antérieure avait à l’origine pour but de ne pas laisser s’échapper le ski qui n’était assujetti que par la courroie de l’étrier. On peut aussi renforcer les souliers de forme ordinaire de façon que cette courroie ne blesse pas.

La bottine doit être assez large pour mettre deux paires de chaussettes de laine. Les pieds trop comprimés et dans lesquels le sang ne circule pas bien peuvent très facilement geler. Une paire de chaussettes de laine ou de soie, avec des bas de poil de chèvre par-dessus, remplissent extrêmement bien leur office et laissent le pied à sec. Elles absorbent l’humidité qui peut, avec les meilleurs souliers, provenir soit de l’intérieur, soit de l’extérieur.

Le cuir le plus convenable pour souliers à neige est le veau provenant d’animaux ayant plus de six semaines, sinon leur peau est trop mince ; celui des jeunes taureaux n’est pas non plus à recommander. Le cuir gras n’est autre chose que du veau dont on a obturé les pores au moyen de graisse liquide, il devient alors imperméable et souple, tandis que la peau de veau ou de mouton généralement tannée avec de l’alun est par conséquent hygrométrique. On doit fortement conseiller les bottines doublées de fourrure, pourvu que l’on use de peau de chien tannée d’un côté et à poil court. Elles sont très chaudes, mais il faut en avoir au moins deux paires, car la garniture de fourrure de l’intérieur demande, quand elle est devenue humide, au moins un jour pour bien sécher. Les gens qui transpirent beaucoup feront mieux de les éviter.

Les talons doivent être assez échancrés pour que la courroie puisse tenir sans autres artifices, tels que les vis ou les boucles cousues.

De légers clous sont nécessaires sous la semelle ; car, si on arrive sur la glace, il faut enlever les skis, et les semelles unies sont très dangereuses. En tout cas, il ne faut reculer, dans le choix des bottines et des bas, ni devant le temps, ni devant la dépense pour obtenir la meilleure qualité. Le soulier est encore plus important que le ski[3].

Dans le vêtement féminin, on s’achemine de plus en plus vers une tenue aussi simple que possible. Ceci est dû aussi à une influence norvégienne, quoiqu’il soit impossible là-bas qu’une femme fasse du ski en pantalons à cause du qu’en-dira-t-on. Et cependant un vêtement complètement dépourvu de tout luxe, avec une jaquette simple sous laquelle se porte une blouse et un pantalon tout aussi simple, ni large ni bouffant, qui va jusqu’au-dessus des genoux et se continue par une bande molletière, a très bon aspect.

Ce dernier équipement est très seyant pour les jeunes femmes et l’œil est déjà presque habitué à les voir porter des pantalons bouffants recouverts d’une jupe courte descendant jusqu’au genou ; somme toute, il est préférable d’avoir un vêtement dégageant bien les jambes. Cette tenue est aussi indiquée pour les femmes dont les lignes sont plutôt à dissimuler qu’à accentuer, mais il faut remarquer qu’à partir d’un certain âge, le port du pantalon ne rajeunit jamais ; tout cela est affaire de goût personnel.

Qui veut avoir avant tout quelque chose de pratique — et le pantalon est ce qu’il y a de plus pratique pour faire du ski — peut songer que, si l’esthétique n’y trouve peut-être pas son compte, ce sport s’en trouve pourtant facilité. Pour les jeunes femmes, il convient toujours de dissimuler dans le vêtement la ligne des hanches : avec une ceinture de cuir fortement serrée, une jaquette et un pantalon bouffant elles ont l’air extraordinairement négligé. Au reste, à ski aussi, du moins tant qu’on n’en a pas aux pieds, l’habit fait le moine !

Le sac. — Que de malédictions n’a-t-il pas endurées déjà ce sac qu’on doit porter partout et toujours ! Mais qu’une halte soit faite, si on en retire des choses agréables, on lui pardonne bien vivement son poids encombrant. Rien n’est aussi ennuyeux, lorsqu’on ouvre un sac pesant, que de n’y point trouver l’objet a priori insignifiant dont a justement besoin : une courroie pour réparer une attache, ou du « fart »[4] si la neige colle et que l’on soit sur le point de descendre, ou encore des allumettes si on a l’intention de prendre une tasse de café.

Le sac doit donc contenir tout ce dont on a besoin pendant une excursion, même ce dont on pourrait se passer peut-être, mais qui est susceptible de devenir indispensable. D’autre part, on ne doit pas évidemment y mettre ce qui le surchargerait inutilement.

Les objets utiles à emporter dépendent beaucoup de nos besoins, de la durée de l’excursion, du degré de notre endurcissement au vent et au froid et de la capacité de résistance à la faim et à la soif. Mais il y a cependant des choses absolument indispensables, ce sont : deux longues courroies de cuir graissé et un outil de réparation, puis quelques bandes et un peu d’ouate comme objets de pansement, des épingles de sûreté, un gros foulard, un jersey, un peu de ficelle, des lacets de souliers en cuir, une paire de gants de réserve, deux paires de chaussettes, une lanterne, des bougies et des allumettes (de préférence des tisons), de quoi soigner des écorchures, des provisions, des lunettes à neige, une boussole et une carte.

Un sac fatigue moins s’il a de larges courroies que s’il en a d’étroites ; il est plus facile d’y faire des recherches s’il se compose d’une seule poche, enfin il doit être fait, autant que possible, d’étoffe imperméable ; les objets y restent plus secs et même, dans ce cas, ils ne sont pas tout à fait à l’abri d’un brouillard épais ou d’une tempête de neige.

La neige. — La neige est, pour la plupart des skieurs, une chose si naturelle qu’on n’en parle pas en général, tout au plus quand elle est absente ou quand elle « colle ». Dans le premier cas, les baromètres sont tapotés en pure perte d’ailleurs, dans le deuxième on sort de la cire, de la paraffine et d’autres moyens de graissage analogues, extraits de boites ou de tubes et on en frotte les malheureux skis qui n’en peuvent mais.

Nos yeux sont trop grossiers pour voir tout d’abord ce qu’il y a de merveilleux dans la neige. Il y a déjà cent ans, Scoresby, l’explorateur de la zone arctique, a découvert et représenté cent formes différentes de cristaux de neige.

Dans l’arrangement cellulaire des organismes inférieurs se trouve une collection d’échantillons impossibles à créer, contenant les plus précieux modèles de dentelles, et à côté desquels les plus fines de celles de Flandre ne sont qu’un mauvais et grossier ouvrage. On découvre également, dans les innombrables formes cristallines des flocons de neige, une foule de secrets d’architecture gracieuse et délicate. Une seule loi fondamentale les régit toutes. C’est le nombre six : les petites étoiles, les colonnes, les pyramides, les petites feuilles, les lances, les prismes sont tous hexagonaux. Certains d’entre eux ont des noyaux sphériques garnis de piquants qui les font ressembler à de petits hérissons blancs. D’autres ont, sur un disque hexagonal. Un bouquet d’innombrables fils et pointes, de telle sorte qu’on croit avoir devant soi une corbeille de fleurs célestes. D’autres encore ressemblent presque à une décoration en miniature, de celles que beaucoup de gens souhaitent en plus gros à leur boutonnière au lieu d’un ornement blanc et fondant sur une manche sombre.

Mais elles ne sont pas seulement belles, les fleurs vaporeuses de l’atmosphère d’hiver, elles parlent aussi leur langage propre. Elles révèlent au chercheur presque aussi complètement qu’un ballon enregistreur, les régions chaudes et froides qu’elles ont traversées, et, à leur forme, on peut lire leurs petites aventures, on peut savoir combien de fois, en route, elles ont été fondues, puis, de nouveau, cristallisées.

Quand ces délicates fleurs de glace tombent sur la terre par trillions de myriades, elles constituent d’abord le mince et blanc tapis qui s’étend doucement sur les collines et leurs pentes ; neige-t-il davantage, il se forme sur les montagnes les légers coussins de duvet composés aux trois quarts d’air et d’un quart seulement de fines plumes de glace, et s’il neige plus encore, tout l’air s’échappe lentement de cette sorte de coussin par suite de la pression qui augmente peu à peu. Il en résulte un matelas compact et épais qui pèse quinze quintaux au mètre cube. Enfin, si le soleil ne s’est pas caché avec le début de l’hiver, se forme la glace dure et bleuâtre des glaciers.

Tous ces états sont connus, et avec de nombreuses variantes, de ceux que guident non seulement leurs jambes mais aussi leurs yeux. Par exemple, la neige pulvérulente, qui pendant la nuit remet tout à neuf ; la neige collante, qui n’est ni assez sèche ni assez humide et qui est l’ennemie de tous les commençants ; la neige granuleuse, qui pendant la journée adhère aussi fortement aux skis que la précédente ; la neige en couches, dure comme la pierre, mais encore plane et qui peut porter le skieur, ou celle qui lui ressemble, la neige recouverte d’une simple croûte. Cette dernière, il est vrai, porte aussi, mais d’ordinaire casse juste quand on veut faire un de ces Christiania qui réussissent si bien sur la neige dure.

On voit encore les croupes neigeuses travaillées par la tempête, qui se présentent en belles lignes incurvées et superposées les unes aux autres, comme des coquilles calcaires ; la neige dont la surface présente des écailles rondes comme de l’argent ou de l’or véritables, les vallonnements hérissés de monticules gelés sur lesquels les skis craquent, et cette neige que l’on trouve sur les sommets battus par la tempête, et qui est la moins propice aux chutes, parce qu’on s’écorche les mains à travers les gants à leur dentelure et à leurs couteaux de glace tranchants et verticaux ; la neige lourde et farineuse, dans laquelle ce n’est qu’un si médiocre agrément de « faire la trace » qu’on préfère toujours céder le pas à ses compagnons ; la neige légère et ténue qu’on trouve parfois au printemps et dans laquelle on enfonce jusqu’au genou, sans que la marche soit réellement gênée, ou enfin, lorsque le soleil du printemps luit très chaud sur de la vieille neige profonde et tassée, cette masse humide sur laquelle les skis courent comme affolés et sur laquelle il est inutile de tomber deux fois parce qu’à la première, déjà, le bain a été complet.

Mais il faut souhaiter à celui qui veut connaître les joyeuses émotions sportives, un mince et léger tapis de neige nouvelle, pulvérulente, recouvrant une vieille neige mouillée ; ces deux couches doivent avoir bien gelé ensemble, et comme nec plus ultra il doit y avoir par-dessus un soupçon de neige fraîche. Celui qui ne se déclare pas pleinement satisfait dans ce cas est sans espoir perdu pour le ski.


Elle colle ! — Les visages tristes et lamentables des gens, surtout des débutants, qui, dès le matin sur leurs skis, sont devant leur hôtel et se disent les uns aux autres, avec une visible mauvaise humeur, « Elle colle ! » rappellent l’exclamation dépitée de l’enfant : « Plume pourquoi n’écris-tu pas bien ? » Tous sont convaincus que la neige est seule coupable et ils considèrent comme une ironie vivante le skieur exercé qui, malgré la neige collante, file joyeusement devant eux.

« Que font donc ces gens-là ? » dit une dame qui commence à douter d’elle-même et, moitié indignée, moitié nerveuse, suit du regard celui qui va gaiement là-bas. Ce n’est pas difficile d’apprendre ce que font ces gens-là, seulement il faut s’en donner la peine. Celui qui préfère, par exemple, chaque fois qu’il aura à boucler ses skis, faire chercher un garçon d’hôtel, se plaindra souvent de la neige collante.

La première chose à faire est de graisser les skis ; un ski colle si l’humidité qui se forme au-dessous de lui gèle rapidement et la neige adhère à cette mince couche de glace. Naturellement ce fait se produit plus facilement encore lorsque l’humidité peut pénétrer dans le bois et congèle sa partie inférieure. La meilleure façon d’empêcher ce résultat est d’imprégner le plus intimement possible le bois d’huile de lin mélangée de pétrole dans les proportions de 2 à 1. Le bois absorbe davantage à chaud qu’à froid.

Cette opération doit être effectuée d’abord au début de l’hiver, puis plusieurs fois dans la saison.

On place l’huile sur le ski, maintenu horizontalement sur deux chaises. Après plusieurs heures, et avant de passer la couche suivante, on ôte doucement, avec un morceau de verre ou une lame d’acier, ce qui n’a pas pénétré dans les pores du bois et qui s’est desséché en forme de petites bulles.

Des skis préparés de cette façon collent rarement si on observe encore ce qui suit :

Lorsqu’ils sont plus chauds que la neige, cette dernière fond au contact du bois, il en résulte une couche de glace et le collage commence. Donc, celui qui met ses skis immédiatement au sortir de chez lui peut être sûr que « ça ne glissera pas ». Aussi faut-il avant tout qu’ils soient suffisamment refroidis.

Mais très souvent, la neige colle aussi parce que certains skieurs ne laissent pas leurs skis sur elle et les soulèvent à chaque pas comme une raquette : on doit glisser mais non marcher. La différence de température entre la neige et l’air s’élève souvent, surtout dans les environs du zéro, à 1 degré ou 1 degré 1/2. Elle peut suffire pour faire naître sur la surface glissante, et sous l’action persistante de l’humidité, une couche de glace. En outre, le glissement empêche le « collage » de la neige, parce qu’il arrache facilement du bois graissé une couche de glace même assez forte.

Un mélange intime et en parties égales de goudron végétal et de suif, fondu à plusieurs reprises sur les skis, avec une lampe à souder, produit un effet analogue mais plus énergique que celui de l’huile de lin. C’est là le meilleur des moyens employés par les Norvégiens contre cet inconvénient. Il a l’avantage de tenir presque tout l’hiver et aussi de ne pas rendre la montée plus pénible.

Si le fart a rendu les skis trop glissants et si l’on recule trop facilement, il vaut mieux durant un certain temps gravir la pente au moyen de pas en escalier que de saisir de suite son couteau pour gratter la cire. La neige se charge de vous débarrasser de l’excédent avec beaucoup plus de mesure.

Tous les graissages préparés ont un inconvénient, que ce soit le fart ou une graisse liquide que l’on place légèrement sur le ski, puis que l’on étend et que l’on polit avec un chiffon : ils ne tiennent pas longtemps, ni les uns ni les autres. En particulier la cire liquide n’existe souvent déjà plus au bout d’une demi-heure. De temps en temps il faut avoir recours à ce moyen, mais seulement quand il est impossible de faire autrement.

Il y a, d’ailleurs, de la neige avec laquelle tous les moyens sont à peu près inutiles. Par un grand froid aussi, les skis peuvent coller : ce n’est pas précisément que de minute en minute ils deviennent plus lourds de quelques livres de neige, mais ils ne glissent plus bien. Cependant, dans ce cas, il faut se consoler avec Sverdrup qui dans son « Neuland » affirme qu’il connaît des centaines de sortes de neige, mais qu’il ne peut pas encore dire a priori avec certitude quand la neige colle et quand elle ne colle pas, ni comment on doit agir dans les cas où elle colle de façon particulièrement pénible.

Il peut aussi arriver qu’à une descente, malgré le maniement le plus consciencieux de nos skis, un ami passe devant nous sans embarras, et nous distance de plus en plus sans que nous puissions arriver à nous expliquer de quoi peuvent bien dépendre d’une part cette aisance complète et d’autre part ces nombreuses difficultés.

FABRICATION DES SKIS

Nous désirons indiquer sommairement ici la technique adoptée actuellement pour la fabrication des skis.

Le ski est un instrument de précision et il exige, pour être établi selon les règles de l’art, des matériaux assez coûteux et une fabrication des plus minutieuses.

Pendant longtemps, ceux qui se trouvaient en France furent d’importation norvégienne ou suisse et leur prix (30 francs environ) était assez élevé pour empêcher leur diffusion parmi la masse des populations rurales, en général pauvres, où il peut être utilisé.

Lorsque, vers 1900, ils furent introduits dans l’armée française, on se préoccupa d’en fabriquer d’à peu près équivalents et à moins de frais.

Plus tard enfin, dans un but de vulgarisation plus étendue, on rechercha le moyen de faire plus économiquement encore le ski dans chaque famille.


Nous exposerons d’abord les méthodes employées dans les usines spécialement outillées.

Les essences qui conviennent le mieux sont le frêne et l’hickory.

On peut utiliser aussi, suivant les régions, et pour les skis de qualité secondaire, le sapin, l’acacia ou le bouleau.

Mais, quel que soit le bois employé, il faut avant tout que les souches choisies soient belles et bien sèches. Cette dernière condition est essentielle, car le bois trop vert, qu’on doit laisser sécher très longtemps, travaille ou se détériore facilement et laisse de nombreux déchets. Il est donc préférable d’abattre les arbres en hiver, au moment où la sève est moins abondante.

Ces souches sont débitées, autant que possible, en plateaux parallèles. Les pièces que l’on prendra de préférence seront sans défauts, sans nœuds et, comme elles doivent être aussi dures que possible tout en étant d’un grain régulier, on ne prendra ni le cœur ni les bords, le côté écorce étant utilisé pour la face glissante, et la partie la moins veineuse pour la spatule à cause de sa souplesse.

Enfin c’est au même plateau qu’on prendra les skis d’une même paire, afin que leur faculté de glissement soit égale.

Les plateaux, déjà bien secs, sont débités en planchettes ayant pour longueur celle des skis que l’on veut obtenir et dont la largeur et l’épaisseur sont peu supérieures aux plus grandes dimensions correspondantes de ces skis, soit environ 12 et 3 centimètres.

Ces planchettes sèchent pendant longtemps encore à l’air libre, puis on découpe celles qui ne sont ni gauchies ni piquées — ce qui arrive fréquemment pour l’hickory — suivant le gabarit du ski développé. On réduit en même temps l’épaisseur de façon convenable.

C’est alors qu’il faut donner aux planchettes les courbures correspondant au cintre et à la spatule, mais ce résultat serait impossible à obtenir si les bois restaient secs et cassants comme ils le sont au point de fabrication où nous sommes parvenus. Il faut donc les ramollir et on obtient ce résultat en les plaçant pendant quelques heures dans une étuve où on fait arriver de la vapeur d’eau surchauffée.

Au bout de ce laps de temps, ils sont devenus suffisamment malléables et on les assujettit sur une forme reproduisant les courbures du ski, puis on les sèche à l’air chaud. Les courbures doivent d’ailleurs être un peu plus accentuées que celles du gabarit, afin que, par la suite, ils puissent supporter sans inconvénient un léger adoucissement de ces courbures.

Les paires qui ont supporté toutes les épreuves et tous les efforts peuvent maintenant être achevées. On met, bien entendu, de côté celles dont le bois s’est gauchi, fendu ou piqué, et qui donneraient, à l’usage, des résultats défectueux.

Les skis sont polis et vernis après qu’on leur a donné leur cannelure médiane, leurs lignes ornementales, leur mortaise pour le logement de l’étrier. Tous ces travaux sont faits mécaniquement avec une grande précision.

Enfin, on fixe les accessoires, étriers, courroies, semelles, et ils sont prêts à être livrés.

Les usines produisent aussi des cannes, mais cette fabrication n’offre aucune difficulté.


On opère un peu différemment dans les ateliers régimentaires ou scolaires et chez les fabricants des campagnes désireux de produire des skis à meilleur marché que dans les usines.

Le principe de la fabrication est, en somme, le même, mais les précautions à prendre sont moins rigoureusement observées.

Tout d’abord, les bois choisis sont de qualité secondaire, plus lourds, portant des nœuds. Ils sont séchés moins longtemps et plus artificiellement, ce qui est nuisible à leur résistance.

En vue de la courbure, l’étuve à vapeur surchauffée est remplacée par une simple cuve remplie d’eau chaude et le ski qui en sort est placé sur une forme plus rudimentaire et séché trop vite dans un four trop chaud et trop sec, au lieu d’être lentement desséché à l’air légèrement chauffé.

Enfin le finissage est évidemment moins soigné.

Cependant, malgré toutes ces imperfections, les skis construits par cette méthode sont encore suffisants, ils ont rendu et rendront encore de grands services.


Dans les familles trop pauvres pour acheter les skis des ateliers secondaires, on peut employer, pour obtenir des skis rudimentaires, différentes méthodes. Les résultats obtenus sont d’ailleurs médiocres, en particulier les surfaces de glissement sont généralement gauchies et par conséquent très défectueuses. Mais ils peuvent encore rendre de signalés services aux familles modestes et isolées, et c’est pourquoi nous les indiquons ici. Ces méthodes sont dues à Paulcke et voici quel en est le principe :

Les skis, plus ou moins grossièrement taillés, sont courbés peu à peu, soit au feu de charbon de bois, tout en étant humectés à l’aide d’un linge mouillé, soit à la vapeur d’eau, puis maintenus ainsi, jusqu’à ce que la courbure soit définitive, par des tendeurs rudimentaires.

On conçoit aisément que même de légères erreurs de l’opérateur puissent produire des défectuosités définitives et notables et que de tels procédés soient, malgré leur avantage économique, peu recommandables.

COMMENT ON APPREND LE SKI

Le ski n’est pas un art aussi privé de principes qu’on pourrait le croire. Les gens qui ne débutent dans ce sport qu’à un âge déjà avancé et arrivent directement de leur « home » ne doivent pas s’étonner si au début ils ne procèdent qu’avec beaucoup de difficultés et de chutes, car il faut d’abord qu’ils apprennent par expérience ce qu’ils devraient déjà connaître : l’équilibre. « Le ski est un art d’équilibre » (Huitfeld).

De même que le violoniste doit avoir l’articulation de la main bien libre, le skieur doit être très souple des hanches. C’est par elles qu’on déplace le poids du corps à droite ou à gauche, en avant ou en arrière, qu’on rétablit ainsi l’équilibre perdu. La plupart des gens se soucient si peu d’eux-mêmes qu’ils ignorent absolument les lois de la locomotion de leur propre corps et même la position de leur centre de gravité. On ne peut pas leur demander alors, qu’après avoir abandonné et négligé de soigner leurs hanches et leur musculature abdominale pendant des années et même des dizaines d’années, ces organes fonctionnent bien tout d’un coup quand ils se trouvent sur skis. Donc, chez vous, dans votre chambre, surtout après votre lever, faites fléchir etLa marche en plaine.
LA MARCHE EN PLAINE.
pivoter un peu les hanches et le tronc.

Après l’équilibre, c’est le ressort du corps qui est le plus important. Il réside dans les genoux encore plus que dans la plante des pieds.

Il n’y a pas, dans tout l’art du ski, une seule position où ceux-ci soient tout à fait raidis, sauf au saut, pendant le temps qu’on est dans l’air. En dehors de ce cas, ils sont toujours légèrement fléchis.

Tout cela n’a évidemment aucune importance pour les enfants et les tout jeunes gens. Ils n’ont besoin ni de théorie, ni d’exercice préparatoire : ils voient simplement les autres marcher et font comme eux. Leur corps est encore assez souple et flexible.

Ils arrivent à faire un Telemark sans se rendre compte clairement de la façon dont ils le font. Mais les personnes âgées, avec leurs muscles devenus plus raides, ont besoin de s’assimiler d’abord la théorie s’ils ne veulent pas s’attirer de fâcheux mécomptes.

Depuis longtemps déjà ils savent très bien beaucoup de choses « en théorie », mais, sur le terrain, l’appareil, qui s’est rouillé, n’obéit plus bien et un bain de neige plus ou moins prolongé leur fait comprendre la distance qui sépare la théorie de la pratique.

D’autre part, il faut dire qu’avec une certaine endurance et une certaine sagesse, des gens qui ont dépassé depuis longtemps la plénitude de leurs forces peuvent apprendre le ski, et suffisamment pour en éprouver encore de la joie. Cette sagesse doit s’appliquer surtout au choix approprié des pentes d’exercices suivant le degré des connaissances et aussi à éviter les exercices trop difficiles.

Je connais un homme assez âgé, ayant largement dépassé la cinquantaine, qui laisse rarement passer un dimanche, en hiver, sans faire avec prudence, quelque part dans la montagne, une petite excursion « pour goûter de nouveau le plaisir de vivre » et je connais un septuagénaire qui a commencé le ski à soixante ans et qui, maintenant encore, court souvent dans la montagne « parce qu’ainsi on arrive à rajeunir un peu ».

LA DESCENTE

C’est à cause de la descente surtout que le ski a passé du but utilitaire au sport, c’est-à-dire à un des exercices du corps les plus agréables. Que ne fait-on pas pour jouir d’une belle descente ! On monte péniblement, on travaille et on peine, on patauge dans la neige… on transpire, on sent pleinement à la montée tout le poids des 5 kilos de bois que l’on traîne aux pieds, mais à la descente, on devient un tout autre homme. C’en est fini de la pauvre marche au pas, qui ne vous fait avancer à chaque foulée que de 50 centimètres. Debout, reposant plutôt sur le bout des pieds que sur les talons, les genoux légèrement ployés, le rein creusé, la tête haute, on se dresse, les mains derrière le dos. Alors on part de soi-même ; on ne court pas, on se laisse courir pour ainsi dire.

« Il se tient bien », disent les Norvégiens, d’un skieur qui fait une belle descente. Aucun muscle n’est tendu ni raidi ; au contraire tous jouent avec souplesse. La vitesse augmente, l’air commence à siffler aux oreilles et les plis du cache-nez flottent au vent. Un bien-être infini s’empare de vous. Est-ce parce qu’on éprouve comme un délice de glisser ainsi doucement sur la neige, ou bien parce qu’on est fier de conserver souriant son sang-froid, en avançant avec de plus en plus de rapidité ? Mais notre intention n’était pas de dire ce qui se passe quand on sait, mais d’indiquer ce qu’on doit faire quand on ne sait pas.

Partout où l’on fait du ski, il y a des terrains d’exercice. LaUne descente, départ.
une descente, départ.
neige y est en grande partie tassée et piétinée, l’apprentissage est plus difficile quand la neige est molle et profonde.

Vous voilà au sommet de la pente. Avez-vous des cannes ? Mettez-les de côté. Avez-vous peur ? N’ayez pas peur ! Placez un pied d’une demi-longueur devant l’autre et maintenez les skis serrés l’un contre l’autre afin d’avoir un équilibre plus stable. Avancez encore un peu plus le ski antérieur pour traverser de petits vallonnements[5]. Ah ! cela va déjà tout seul. Surtout soyez sans crainte. Si les skis veulent se séparer il ne faut pas le permettre : réagissez en appuyant les genoux l’un contre l’autre. Ils obéissent maintenant. Vous trouvez que la vitesse devient trop grande ! C’est seulement la crainte de tomber qui vous donne ces idées. Ne vous penchez pas en arrière comme devant un malheur imminent ; mais ne penchez pas non plus seulement le haut du corps en avant.

Posez-vous, léger et droit, sur les pointes des pieds, suivant la pente ! Les skis ne doivent pas aller plus vite que vous. Penchez-vous en avant, de manière à être perpendiculaire à leur direction : alors leurs mauvais tours disparaîtront, vous pourrez les suivre dans tous les cas, quelque vitesse qu’ils veuillent atteindre. Craignez-vous enfin de tomber sur le côté ? Rétablissez l’équilibre avec les bras ; c’est leur rôle, mais ne les tendez pas désespérément vers le ciel ! Ils sont inutiles dans ce cas. Enfin cela marche de nouveau… Pouf ! vous voilà par terre. Pourquoi êtes-vous tombé ? Vous voudriez le savoir ? Vous n’êtes pas tombé du tout. Vous vous êtes simplement assis volontairement par terre. Je pensais que vous vouliez vous reposer un instant en route. Non, ce n’était pas votre intention ? Alors il ne reste plus qu’une seule supposition : la peur. Le manque de neige, les défectuosités de l’attache, rien n’entraîne aussi souvent les chutes que la peur, et ce qu’il y a de singulier, c’est qu’on a peur de ce qui est précisément le plus beau dans le ski, l’allure rapide. Elle vous a fait perdre votre calme empire sur vous-même ; vous avez fait accroire à votre imagination que vous alliez tomber et la chute en est résultée. Scientifiquement, cela s’appelle de l’auto-suggestion.

COMMENT ON SE RELÈVE

Jeune homme, si vous voyez quelque part, sur une pente, une jeune fille étendue sur la neige, fuyez. Mais si vous voyez que réellement elle n’arrive pas à se relever toute seule, allez vers elle et arrêtez-vous par un beau Christiania ! Si vous n’en êtes pas capable, tâchez au moins de ne pas tomber à ses côtés, vous ne pourriez lui être d’aucun secours. Voici le discours que vous lui tiendrez :

Elle. — Ah ! voulez-vous être assez aimable…

Vous. — Je regrette infiniment, Mademoiselle ! mais dans les statuts du Ski Club auquel j’appartiens, le paragraphe premier dit : « Aucun membre n’a le droit de relever de la neige une dame qui est tombée. Par contre, c’est son devoir de lui apprendre comment on se relève sans aide étrangère. »

Elle. — Mais comment puis-je faire ? je glisse toujours vers le bas quand j’essaie de me relever.

Vous. — Pardon, Mademoiselle, couchez-vous tranquillement sur le côté dans la neige. Ensuite tournez-vous jusqu’à ce que votre corps soit placé dans la direction de la pente, les skis vers le bas, horizontaux et transversalement à cette pente. Ensuite, attirez, en pliant vos genoux, les skis aussi haut que possible vers votre corps. Bien. Et ensuite levez-vous. Cela va tout seul. Bravo !

Elle. — C’est étonnamment simple, une fois qu’on le sait.

Vous. — Comme tout dans le ski.

Il ne doit pas y avoir d’autres préliminaires à une suite éventuelle de la conversation commencée. Mais si la dame tombe encore une fois en votre présence, sur le plateau, non sur la pente, il est alors utile de lui faire savoir que, dans ce cas, la meilleure manière consiste à placer d’abord sur les skis la partie inférieure du tronc parce que, sans cette précaution, les skis repartent d’eux-mêmes.

Celui qui veut se lever autrement que par cette méthode se met dans une grande agitation, se laisse entraîner à toutes sortes d’imprécations imméritées contre les skis et en définitive n’arrive pas à se relever.

Mais si on tombe par hasard de telle sorte que les pointes des skis soient écartées et dirigées en l’air dans des directions opposées et qu’on soit couché sur les extrémités enterrées sous la neige, il faut, avant tout, chercher à sortir d’une attache. C’est le sauvetage le plus rapide de cette situation embarrassée. Si on ne peut pas atteindre l’attache avec une main, ou bien — si on est assez prudent pour porter des attaches de Huitfeld avec boucles brevetées — si on ne peut abattre la boucle avec une canne, il est inutile de dépenser ses forces sans résultat, il vaut mieux appeler quelqu’un à son secours. Ce n’est pas une honte, et c’est bien plus sage que de se faire très mal par orgueil. Enfin, lorsqu’on est de nouveau sur ses skis, il est bon de bien épousseter chaque fois ses vêtements avec un gant. Cette petite peine est récompensée, une fois rentré chez soi, parce que les vêtements sèchent plus vite. En outre, c’est une pause agréable, une autre manière de se remuer sans tomber dans l’agitation et l’excès de fatigue.

Lorsqu’on est épuisé, tout est inutile, les chutes se succèdent à brefs intervalles. Ce qu’il y a de mieux à faire, dans ce cas, mais ce que presque personne ne fait, c’est de se reposer durant un bon quart d’heure.

Si cela ne suffit pas, on rentre chez soi. Mais nous n’en sommes pas encore là. Nous voudrions bien aussi remonter la pente au plus tôt.


DEMI-TOUR

C’est au demi-tour que la longueur de nos skis nous gêne le plus. Il nous faudra tourner cinq ou six fois pour pivoter de Demi-tour.
DEMI-TOUR. 1er MOUVEMENT.
180 degrés lentement et raide comme une statue de bois. Tout à coup, nous voyons un jeune skieur faire également devant nous demi-tour. Il lève bien haut l’un de ses skis et se trouve, en un instant, et après un mouvement qui nous reste mystérieux, avec ses skis complètement retournés ; et il file en souriant dans la direction d’où il était venu. Nous sommes stupéfaits. Sapristi ! qu’a-t-il donc fait ? La chose était toute simple et nous pouvons à l’instant l’imiter :

1o Placer un ski debout sur son extrémité arrière, la jambe étant horizontale.

2o Porter vers l’arrière la pointe de ce ski, qui était d’abord Demi-tour.
DEMI-TOUR. 2e MOUVEMENT.
vers l’avant.

3o Le poser, retourné, à côté de celui qui n’a pas bougé, de sorte que les pointes se trouvent dans des directions opposées.

4o Sur le pied ainsi retourné, prendre d’abord un solide appui et

5o tourner le deuxième ski doucement par derrière le premier, la pointe légèrement surélevée, et le placer à côté de lui.

Le premier des mouvements, schématiquement indiqués, n’est Demi-tour.
DEMI-TOUR. 3e MOUVEMENT.
possible que sur de la neige fortement durcie. Sur la neige molle, profonde ou seulement faiblement tassée, l’extrémité arrière du ski s’enfonce tellement, qu’on reste accroché et qu’on tombe infailliblement. Dans ce cas, le seul moyen consiste à jeter résolument en l’air le ski comme si on voulait le lancer loin de soi avec le soulier et le retourner de suite après. Mais, pendant ce mouvement, la main qui se trouve du côté de la jambe qui tourne doit être collée fortement au corps, sans quoi on se fait un bleu avec le ski qu’on lance en arrière. Ainsi les trois premiers mouvements décrits schématiquement se réunissent en un seul, bref et précipité. Si on arrive à jeter le ski assez vigoureusement pour que la pointe vienne en haut vers nous, et l’extrémité en bas et en dehors, le demi-tour se fait tout seul. Demi-tour.
DEMI-TOUR. 5e MOUVEMENT.
Il faut employer cette façon de procéder, surtout sur les pentes raides, sans cela on glisse, soit en avant, soit en arrière. Mais avant d’effectuer ce mouvement, il faut avoir pris des deux pieds une bonne assiette. On cherche, en piétinant la neige et par de petits sauts, à se faire une petite plate-forme ou on se sente solide.

Sur une pente on doit toujours tourner d’abord le ski inférieur. C’est bien plus facile au début. Si, plus tard, on peut commencer à tourner le ski supérieur, cela vaut encore mieux, on gagne chaque fois 50 centimètres, mais ce n’est pas chose facile. Un bâton est très commode et presque indispensable sur une pente raide. Il faut toujours le tenir du côté où la jambe ne tourne pas et, sauf exception, avec les deux mains.

Pour faire un demi-tour plus vite encore et d’un seul mouvement — mais ce n’est possible qu’en plaine — on peut sauter assez haut et faire tourner, d’un simple mouvement du corps, les skis de 180 degrés, pendant qu’ils sont en l’air.

C’est un tour de force rude et violent, et le skieur qui tient au calme et à la facilité des mouvements choisira de préférence la première méthode, qui paraît toujours aussi élégante que déconcertante.

Le débutant est-il enfin de nouveau prêt à recommencer, il attaque la pente pour essayer une descente plus longue. En général, il tient plus à la rapidité qu’à la correction de la course. Cela se comprend, mais c’est une faute. On est vite récompensé de l’effort personnel que l’on fait au début pour marcher correctement, soit en plaine, soit en montagne, au lieu de s’efforcer d’avancer coûte que coûte, les skis croisés à l’avant ou à l’arrière.


MARCHE EN PLAINE

On apprend toujours trop tard la marche en plaine. Elle doit être une glissade énergique, les genoux ployés, et non une marche indolente, les jambes raides. À chaque pas on se laisse tomber profondément sur les genoux et on pousse le ski en avant. Pendant que le poids du tronc penché en avant repose presque en entier sur le ski avant, le ski arrière n’est presque pas chargé car le pied n’y pose que par sa pointe, le talon relevé — On peut alors facilement l’entrainer, puis le pousser énergiquement devant l’autre. Les bras doivent suffire pour conserver l’équilibre. Ce mouvement est puissamment aidé d’ailleurs par la position du tronc dont le poids repose, comme nous l’avons dit, sur le ski qui se trouve en avant.

Le balancement de la partie supérieure du corps donne au mouvement quelque chose de la démarche des montagnards avec leur pas lent, tranquille et long. Plus tard, deux cannes pourront être utilisées, non pas pour garder l’équilibre, mais pour augmenter la vitesse.

La tendance des commençants à marcher les pointes des pieds et par suite celles des skis écartées se perd vite, étant données les expériences désagréables que l’on fait de cette manière.

Tenir les skis parallèles et rapprochés l’un de l’autre, la pointe du pied droit devant soi, les genoux bien fléchis, telles sont les principales règles à observer pour la marche en plaine.

Le skieur qui, à cette occasion, peut déployer de véritables connaissances techniques dépassera toujours ceux qui se sont entraînés à la légère à cet exercice.

ASCENSIONS

Une ascension exige autre chose que l’art du ski. Un rapide coup d’œil sur le terrain est nécessaire, si l’on veut gravir de grandes hauteurs sans gaspillage de forces. L’énergie est certes Ascension.
ASCENSION.
PAS EN ARÊTE DE POISSON
un facteur indispensable, mais, comparée à une sage économie des forces, elle est peu de chose. On s’épuise vite à gravir une longue pente en procédant en arête de poisson, c’est-à-dire en écartant fortement les jambes et en frappant les skis sur la neige.

Pour des pentes courtes et raides, ou dans des chemins creux où l’on ne peut faire différemment, ce procédé est bon. Pour effectuer des montées plus longues, on peut employer le pas en ciseaux, mais il faut conseiller plutôt, dans ce cas, une montée un peu plus diplomatique, ces « astucieux détours » dont Olaus Magnus parle déjà avec éloges en l’an 1553.

La montée est, sans autre règle, facile à apprendre, par les indications que la pente elle-même nous donne. Si on glisse en arrière, c’est qu’on a trop fortement placé les skis suivant l’inclinaison de la pente. Dans ce cas, il est inutile d’essayer de s’arrêter, soit au moyen des
ASCENSION, PAS EN CISEAUX.
arêtes des skis, en croisant les jambes l’une devant l’autre, soit, ce qui est parfois recommandable, en plaçant les skis fortement de travers.

Il faut cependant toujours se mettre un peu sur l’arête pour les montées, surtout avec le pied placé du côté de la pente et il est bon de changer souvent de direction à cause de la fatigue exagérée qui serait imposée à ce pied. De là proviennent les trajets en lacets que l’on fait constamment.

La montée dépend encore plus du tempérament du skieur que de la technique, mais c’est plus encore à cet exercice que partout ailleurs que se trouve bien
ASCENSION NORMALE D’UNE PENTE MOYENNE.
appliqué ce proverbe : Chi va piano va sano ! Une ascension lente a aussi pour effet de mettre les skis au point en ce qui concerne leur graissage.

Celui qui les soigne de telle sorte qu’il puisse descendre rapidement avec eux et monter aussi facilement a atteint le but.

Le principal artifice dans la montée, artifice qui ne s’apprend que peu à peu, consiste à poser les skis en avant et en même temps les soulever de côté sans les porter trop au-dessus de la neige. Quand le pied gauche se trouve du côté de la pente, le mouvement doit se faire à peu près de la façon suivante. Avancer le pied gauche d’environ un cinquième de la longueur du ski et ensuite le porter, en effleurant la surface de la neige, vers le haut et à gauche de 20 à 40 centimètres, prendre un solide appui et placer ensuite le ski de droite parallèlement et contre lui.


ASCENSION D’UNE PENTE TRÈS RAIDE.
Une seule chose est importante : monter toujours, autant que possible, le corps bien droit. Lorsqu’on l’incline trop en avant ou en arrière, les skis sont surchargés d’un côté et glissent facilement dans cette direction : la marche droite donne la stabilité.

Les pentes étroites et très raides ne peuvent être gravies que par la marche en escalier. On ne parvient à se débarrasser d’une telle pente qu’à l’aide d’une canne tenue de la façon indiquée ci-contre : le skieur prend d’abord un solide point d’appui sur le ski inférieur, puis porte rapidement dans la direction de la marche le ski supérieur.

MARCHE EN CHASSE-NEIGE

Celui qui a suivi toutes les indications données jusqu’ici ne doit pas avoir trouvé de difficultés bien grandes. Presque tout le monde peut atteindre ce degré dans l’art du ski. Mais, pour aller plus loin, on doit se familiariser avec celui des exercices de ce sport qui est le plus nécessaire aux débutants, et bien plus important pour eux que de pouvoir, dés le premier hiver, effectuer un petit saut devant leurs amis et connaissances.

Demi-chasse-neige

DEMI-CHASSE-NEIGE

Zola décrit dans l’un de ses romans une locomotive lancée à toute vapeur sans mécanicien. À toutes les stations de la ligne de chemin de fer, on se précipite et on sonne aux signaux avec une agitation fébrile, les voies sont rendues libres et le noir monstre passe comme le vent. On peut rapprocher ce tableau, bien qu’il ne s’agisse pas de la force destructive d’un élément, d’un fait qui se produit assez souvent en ski. Gaiement les skieurs glissent sur les flancs d’une pente rapide. Subitement s’élève un cri impérieux : Attention ! On voit, sur des skis emballés, un malheureux se précipiter du haut de la montagne juste dans le groupe le plus dense. Tout le monde se sauve, mais les skis livrés à eux-mêmes s’en donnent à cœur joie. En un clin d’œil, ils sont là, volant, emportant au milieu du groupe l’homme désespéré et cramponné à son bâton. L’instant d’après, deux corps roulent dans la neige soulevée en tourbillons.

Descente en chasse-neige

descente en chasse-neige.

Dans cette circonstance, le freinage du ski a fait défaut, c’est-à-dire la connaissance de la marche en charrue ou en chasse-neige, comme l’appellent les Norvégiens, ou de la marche freinée, comme l’a baptisée plus clairement Zdarsky. Cette marche est le régulateur de vitesse des skis, leur seul frein naturel, au moyen duquel on obtient leur complète maîtrise. Celui qui descend en vitesse du haut d’une montagne, sans la connaître, doit subordonner sa volonté aux caprices de ses skis et à ceux de la loi de l’inertie, et on sait que, le plus souvent, la conclusion n’a rien d’inerte !

Si la marche en chasse-neige est déjà recommandable sur une pente libre où on a des coudées franches d’une centaine de mètres à droite et à gauche, elle devient absolument indispensable dans les bois ou dans les terrains plantés de palissades, si l’on veut éviter les accidents. Elle ne rend, il est vrai, pas possible un arrêt, brusque devant un danger subit, mais permet un léger et lent détour des obstacles ainsi que l’observation rapide du terrain.

Sur des pentes raides et découvertes, en particulier sur celles durcies et couvertes de neige hétérogène, elle permet une réduction convenable de la vitesse. Aussi est-elle pour le ski ce qu’est le balancier pour l’horloge et le frein pour un attelage.

La position désagréable, et même un peu douloureuse d’abord, qu’il est nécessaire d’observer dans la marche en chasse-neige rebute facilement les commençants et ils ne sont pas les seuls ! Il faut ne pas se laisser décourager dans les débuts et se convaincre de l’importance de cet exercice.

On doit tenir les jambes suffisamment écartées et ne pas poser les pieds inclinés naturellement sur le sol mais les maintenir perpendiculaires l’un à l’autre les pointes tournées vers l’intérieur. Toutes ces conditions paraissent très pénibles à nombre de débutants.

C’est alors qu’on peut lire sur les visages inquiets la craintive question qui s’exprime souvent de la façon suivante : « Est-ce qu’ainsi rien ne pourra m’arriver ? »

Mais, d’ordinaire, il ne se passe rien du tout. Il ne peut survenir qu’une chose : généralement, lorsqu’on veut apprendre la marche freinée, les jambes ne sont pas assez écartées, ou les pointes pas réunies. Il en résulte que les skieurs partent en vitesse. L’angle qu’ils font avec leurs skis n’est pas assez ouvert pour agir comme un chasse-neige, c’est-à-dire pour ralentir fortement la course. La seconde faute principale est de se mettre trop sur l’arête sans nécessité, ce qui se paye fréquemment par une chute. Ce résultat est la conséquence de la première faute. Au lieu d’écarter l’arrière des skis avec suffisamment d’énergie, on cherche par erreur à produire l’action de frein en déversant les skis, au lieu de pratiquer un simple élargissement de la trace.

Nous allons, si vous le voulez bien, expliquer, éclaircir une bonne fois ce qu’on entend par « élargir la trace ». Moins la surface de neige que les skis effleurent est grande, et plus la course est rapide. Lorsque le ski est placé suivant la ligne de plus grande pente du terrain, la largeur de la trace est, théoriquement, et abstraction faite de l’action de la courbure, celle du ski lui-même. Si on laisse l’un des skis dans la direction de la pente descendante et si l’autre est amené dans la position appelée position en chasse-neige, la surface de contact de ce dernier, maintenu à plat, est beaucoup plus large et la descente devient, par suite, plus lente. Au lieu de glisser sur la neige, le ski, maintenu à plat et présenté en largeur, brosse en quelque sorte la neige. On avance en employant la marche à large trace.

Habituellement, on entend cependant par « marche à large trace » la course les jambes écartées, les skis parallèles formant deux traces étroites mais assez éloignées, au lieu d’être collées l’une à l’autre. Nous n’avons pas l’intention de modifier une expression qui, dans le langage habituel des skieurs, a acquis une signification déterminée, mais simplement d’expliquer ce dont il s’agit ici.

La trace devient encore plus large quand on élargit la surface de contact du second ski, maintenu toujours à plat. Le skieur forme ainsi les côtés d’un angle dont la bissectrice indique exactement la ligne de plus grande pente de la descente. La marche devient encore plus lente.

Le freinage sera renforcé et la descente encore ralentie par la marche sur l’arête, d’abord de l’un des skis, tandis que l’autre est toujours placé en largeur mais maintenu à plat. C’est là que commence la véritable marche en chasse-neige, c’est-à-dire l’appui contre la neige pendant la course. Le ski déversé « brosse » ainsi, non seulement en laissant derrière lui sur la neige une trace large et superficielle, mais en arrachant un grand et profond sillon et en formant, avec son extrémité arrière, un petit remblai. On obtient le freinage le plus énergique en plaçant les deux skis à la fois dans cette position. Deux petits remblais bordent alors à droite et à gauche la trace. On obtient là l’effet exact du chasse-neige, d’où l’origine de l’expression aujourd’hui consacrée.

L’expression de marche freinée, due à Zdarsky s’applique plus exactement au demi-chasse-neige, c’est-à-dire à la descente dans laquelle un ski glisse et l’autre appuie ; elle est très caractéristique.

Les quatre méthodes de marche en chasse-neige, ou freinée, ne peuvent être aussi exactement et aussi simplement distinguées l’une de l’autre en réalité que sur le papier, car elles se subdivisent en une quantité de variations et modifications. L’état de la neige et la déclivité de la pente rendent nécessaire un nombre incalculable de combinaisons qui, avec le temps se font d’instinct, en même temps que la répartition du poids sur l’un ou l’autre des skis.

Un large virage

un large virage.

Des indications trop précises pour chacune d’elles ne pourraient faire naître dans l’esprit que la confusion.

Les courbes freinées sont des combinaisons de chasse-neige et de demi-chasse-neige pendant l’allure lente qui précède l’arrêt. La direction de la courbe est toujours, dans ce cas, déterminée par le report en avant du ski inférieur déversé. Mais il faut que ce mouvement soit fait très rapidement, surtout sur une pente raide, si on ne veut pas être entraîné par ses skis dans une course rapide.

Les courbes en zigzag proviennent de ce que, en modifiant la position du corps, le ski déversé devient le ski glissant, et inversement. — Elles changent de caractère lorsqu’on les prolonge, surtout dans la traversée d’une pente où, au lieu d’un demi-tour, on les emploie pour changer la direction de la marche au virage. La trace est alors comme polie.

L’emploi d’une canne est très pratique pour décrire ces portions d’arc de cercle. virage court effectué avec l’aide d’une canne.
VIRAGE COURT EFFECTUÉ AVEC L’AIDE D’UNE CANNE.
La marche dans ce cas est si peu élégante et tellement dépourvue d’utilité que même les adversaires les plus farouches de la canne ne peuvent opposer à son emploi ni de raisons esthétiques, ni de raisons techniques.

Si les courses de ski n’avaient aucune autre valeur que celle d’y apprendre à virer, on devrait, pour ce motif, y participer partout où il y en a. Peu de gens ont l’énergie, dans le temps très court dont ils peuvent disposer chaque fois qu’ils vont en montagne, de s’efforcer d’eux-mêmes à faire des virages. Mais pourtant leur technique est la base du ski. Celui qui ne la possède pas ne saura jamais, dans toutes les situations, prendre sans hésiter la décision convenable. C’est pourquoi il faut apprendre à virer sur des pentes raides, et n’avoir pas peur !

LE « TELEMARK » ET LE « CHRISTIANIA »

Ce sont là les noms de deux grands exercices au moyen desquels on peut interrompre brusquement une descente rapide. Ils étonnent les profanes autant qu’ils ravissent les skieurs expérimentés.

Je vis, il y a quelques années, la première application pratique de ces exercices pendant une excursion.

Un skieur descendait une pente raide juste devant moi, et se dirigeait droit sur une ferme dont le jardin était entouré d’une haie. Derrière elle, un paysan jetait, à la pelle, la neige à l’extérieur. Tout à coup, il vit l’homme qui accourait sur lui. De peur il leva les bras au ciel, comme pour détourner le malheur de lui-même, de la haie du jardin et peut-être aussi du skieur. Au même instant il se passa quelque chose d’inattendu. Celui-ci fit un petit mouvement brusque étonnant, puis se trouva aussitôt comme cloué au sol devant le paysan auquel il demanda poliment son chemin. De ma vie je n’oublierai le sourire aimable du skieur et la mine impayable du paysan.

Les deux désignations « Telemark » et « Christiania » paraissent indiquer que le premier mode d’arrêt provient des paysans du pays norvégien appelé Telemark, l’autre des skieurs de la capitale norvégienne Christiania. Mais il n’en est pas ainsi.

Lorsque les fils des paysans de Telemark stupéfièrent pour la première fois les dilettanti du ski de la ville, par leur adresse, ces arrêts instantanés furent en général appelés, à Christiania surtout, « Telemarking ».

Mais un seul d’entre eux justifie ce nom. On passe avec lui d’une descente rapide et en ligne droite à une position très caractéristique sur le côté et tout à fait différente de l’arrêt classique du ski d’autrefois. On achève une descente par un Telemark tout comme on termine sa signature avec un parafe élégant mais un peu pompeux. C’est pourquoi tout débutant est fier de pouvoir, enfin, esquisser le Telemark.

Le Christiania, par contre, n’est pas, à proprement parler, un virage mais bien plutôt un arrêt brusque. Bien qu’il ne soit pas aussi élégant que le virage de Telemark, il est, par contre, beaucoup plus utile. Si l’on veut reprendre la comparaison avec un parafe, on peut dire qu’il ressemble au trait en forme de coin par lequel des natures pratiques et énergiques terminent souvent leur signature.

Les deux façons de virer peuvent être exécutées à droite ou à gauche. Comme la plupart des gens sont droitiers, ils pratiquent au début le Telemark à gauche et le Christiania à droite, parce que c’est dans ces deux positions que la jambe droite a le plus grand effort à fournir.

Pour devenir un skieur habile et lorsqu’on veut pouvoir Arrêt de Telemark (à droite). Position de tombée.
ARRÊT DE TELEMARK (À DROITE). POSITION DE TOMBÉE.
exécuter ces exercices en temps opportun, il faut apprendre, dès le début, le Christiania et le Telemark à droite comme à gauche.

Ne vous laissez pas décourager par la fatigue qui résultera inévitablement de vos essais répétés, et surtout ne vous réjouissez pas outre mesure si vous réussissez le « Telemark » et le « Christiania ». Ils ont, en effet, la fâcheuse propriété de sortir des jambes pendant le sommeil, et souvent on est surpris au matin de constater que l’on ne fait plus du tout correctement ces exercices qui, la veille, nous avaient paru familiers.

Des années sont nécessaires pour acquérir la maîtrise complète de ces virages, quels que soient la neige ou le terrain.

Le « Telemark ». — Le meilleur emplacement pour s’exercer est une pente pas trop raide qui se termine presque horizontalement, et la meilleure neige est la neige pulvérulente de 20 à 30 centimètres d’épaisseur. Le « Telemark », contrairement au « Christiania », peut être appris méthodiquement, en observant certaines règles de conduite et de tenue. En effet, il n’y a qu’un seul « Telemark » tandis qu’il existe de nombreuses
ARRÊT DE TELEMARK. DÉBUT DU VIRAGE.
variétés de « Christiania ». Une méthode absolue et sûre pour le Telemark à gauche est la suivante :

On s’exerce d’abord à la descente, dans la position appelée position de tombée, sans essayer le vrai virage. Le poids du corps porte presque en entier sur le ski de droite, lancé fortement en avant. Le ski de gauche est entraîné légèrement en arrière par la pointe du pied gauche, le talon relevé, mais exactement parallèle au ski droit et collé contre lui. La pointe du ski gauche se trouve à hauteur de l’attache du droit.

Quand on est sûr de sa position de tombée en marche, on commence à l’appliquer au virage. Dans ce but, on tourne un peu vers l’intérieur, avec la pointe du pied, le ski de droite qui se trouve en avant — et, pour commencer, encore à plat. Ensuite — et on doit exécuter ce mouvement immédiatement après — on appuie l’arête intérieure du ski droit d’abord légèrement et ensuite plus fortement dans la neige. Les pointes des skis ne sont alors pas réunies ; au contraire, celle du ski arrière se trouve au niveau de l’attache du ski avant. Au moment où l’on se porte sur l’arête, il faut en même temps que le haut du corps soit rejeté du côté de la pente. Ce mouvement compense l’action du dévers brusque du ski sur l’arête et de son freinage et il empêche d’être lancé vers l’extérieur du virage, par-dessus le ski avant.

La position à prendre sera donc la suivante :

1o Porter le ski de droite fortement en avant sur l’arête, le talon poussé vers l’extérieur ;

2o Traîner légèrement le ski de gauche à la suite du ski de droite la pointe à la hauteur de l’attache de ce dernier ;

3o Tenir le haut du corps vers l’intérieur et en arrière, le maintenir énergiquement et sans mollesse. De la sorte, le Telemark se fait, dans tous les cas, pour ainsi dire de lui-même.

On ne doit pas essayer de forcer un Telemark. Si le besoin d’un effort se fait sentir, c’est que la position de départ n’est pas correcte et le Telemark ne réussira pas malgré tout, car il exige une position impeccable et est la conséquence d’une descente rapide et d’un virage brusque du ski inférieur déversé. C’est là d’ailleurs que réside l’élégance naturelle de tout Telemark.

Dans une course très rapide, il faut particulièrement prendre garde que l’amorce du virage se fasse avec prudence et lentement, sans quoi on est sûr d’être rejeté vers l’extérieur. Plus rapide est la course, plus le poids du haut du corps doit être porté vers l’intérieur. Les bras étendus sont très utiles pour conserver l’équilibre. La faute la plus grande est de ramener trop tôt en avant le pied gauche laissé en arrière, et la raison en est la crainte que l’on a de tomber vers l’intérieur ; elle n’est pas fondée. Du reste, ce n’est nullement une faute au début que de tomber vers l’intérieur en faisant un Telemark. C’en est, au contraire, une très grosse que de choir à l’extérieur.

De tout ce qui précède, il ressort que le Telemark est un beau virage qui réussit particulièrement bien dans la neige pulvérulente, profonde : ou le ski, porté en avant, enfonce facilement.

Mais il est clair aussi que le report en avant d’un des skis, contrairement à la position habituelle de la descente dans une course rapide, et enfin la grande extension du virage ne paraissent pas convenir à un arrêt brusque sur place. Arrêt de Telemark
ARRÊT DE TELEMARK. FIN DU MOUVEMENT.
Il faut aussi se relever après avoir exécuté le Telemark de la position spéciale qu’il exige et c’est une complication sauf pour les virages qui n’offrent pas de difficulté, et en terrain complètement dégagé ; mais, dans un bois ou devant une difficulté qui surgit brusquement, il est insuffisant ; le Christiania seul convient.


Le « Christiana ». — Le champ d’exercice le plus favorable est une pente raide et couverte de neige bien tassée. Le Christiania est tout simplement un virage et il s’exécute aisément là où le Telemark offrirait de grandes difficultés, et où une couche de neige durcie opposerait une faible prise aux skis. Il arrive fréquemment que des commençants font, sur une piste glissante, un Christiania correct sans le vouloir. La vitesse étant trop grande, ils se penchent instinctivement un peu en arrière, en tournant le corps et en mettant un peu les skis sur l’arête. Tout à coup ceux-ci pivotent de 90 degrés et leurs propriétaires se trouvent, à l’étonnement des spectateurs et même au leur, presque immobiles dans une posture normale après s’être peu auparavant attendus à une fin de course moins glorieuse. Un résultat aussi favorable ne s’obtiendra jamais involontairement avec le Telemark où l’effort réfléchi est indispensable. Pour le Christiania, la méthode et le système ne sont rien, le tact et l’instinct sont tout. Les innombrables variétés d’état de la neige exigent les plus délicates et les plus diverses adaptations de la position du corps et de celle des skis.


DÉMONSTRATION DU CHRISTIANIA (À DROITE). DÉVERSEMENT DES SKIS.

En les déversant trop ou trop peu ou en déplaçant à faux le centre de gravité du corps, on est à terre. Les chances de chutes avec le Telemark et le Christiania sont, chez le débutant, à peu près les mêmes. Presque chacun a sa manière particulière de faire des Christiania. Les uns tournent les pieds à la même hauteur sans avancer de ski, en fléchissant fortement les genoux et en serrant les skis l’un contre l’autre, de sorte qu’ils pivotent presque sur place autour de l’attache comme centre. Les autres portent un pied franchement en avant et déversent faiblement mais avec rigidité le ski avant jusqu’à ce qu’il soit arrivé en travers de la pente après avoir décrit une courbe de grand rayon. Le ski inférieur a alors sa pointe légèrement séparée de celle du ski supérieur et les talons se croisent facilement, ce qui rend le Christiania plus difficile et occasionne les chutes. D’autres déversent seulement le ski inférieur et virent au moyen d’un arc court, serré, presque semblable à un Telemark, pendant que le ski supérieur remue à peine la neige et se retrouve placé parallèlement à l’autre, après l’arrêt obtenu par une sorte de chasse-neige. D’autres encore déversent les deux skis, les inclinent en ployant seulement les genoux légèrement, tournent tout le corps un peu en arrière et vers l’intérieur et arrivent à virer sans aucun effort visible. C’est la seule méthode avec laquelle le Christiania paraisse presque élégant.


ARRÊT DE CHRISTIANIA À DROITE.

La neige tassée est la préférable. Si c’est à elle qu’on a affaire, les principales règles à observer dans tous les cas sont à peu près les suivantes : 1o Observer une certaine rapidité dans la course.

2o Mettre le pied droit un peu plus en avant que dans la position habituelle.

3o Ployer légèrement les genoux en les accolant fortement.

4o Maintenir tout le corps un peu en arrière, le tronc reposant sur les hanches cambrées et penché vers l’intérieur, déverser en même temps les deux skis, à peu près comme si on voulait regarder quelqu’un près de qui on vient de passer.

Arrêt de Christiania
ARRÊT DE CHRISTIANIA À GAUCHE.
En résumé, il faut alléger les pointes et charger les talons et les côtés intérieurs.

Pour ce début utiliser les bras pour maintenir l’équilibre et les tenir le moins élevés possible.

5o L’essentiel est que, arrivés à ce point du virage, les pieds et les skis obéissent au mouvement imprimé par les jambes. Pour obtenir ce résultat il faut observer résolument la légère position de dévers et laisser les pieds comme soudés ensemble, avec les talons posant fortement sur les skis, jusqu’à ce qu’on soit parvenu en travers de la pente.

Le Christiania est donc une conversion de 90° qui commence par le haut du corps et qui est transmise de celui-ci aux jambes et aux skis. Au début les jambes ne résistent généralement pas quand la force de rotation arrive à être appliquée aux skis. Alors le rejet du corps en arrière peut être utile, car il produit un mouvement compensateur, pendant lequel le genou gauche sera plus fléchi que le droit. Les talons des skis sont, par suite, poussés avec force dans la direction tranversale. Le virage se fait alors plus facilement mais ne gagne pas en élégance.

Une chose parait certaine, c’est qu’il faut être d’une grande taille pour effectuer le Christiania uniquement par un léger devers du ski et par un simple déplacement du centre de gravité, de telle sorte que cet exercice paraisse n’exiger aucun effort pénible. Les skieurs de moyenne et de petite taille, n’y arrivent qu’avec peine, et exceptionnellement. Ils doivent attendre de leurs muscles ce que les autres produisent par un simple déplacement du poids du corps.


ARRÊT DE CHRISTIANIA. FIN DU MOUVEMENT.

Quand la neige est profonde, et surtout après une course rapide, les jambes les plus vigoureuses s’écartent facilement l’une de l’autre ; dans de pareils cas, et dans les excursions, l’emploi d’une canne pour le Christiania est très recommandable.

LE SAUT

L’agréable sensation que fait éprouver une descente rapide croit encore quand on arrive sur un terrain coupé de faibles ondulations. Le léger mouvement de montée et de descente pendant la marche fait naître dans notre poitrine un rare mélange de plaisir et d’appréhension. Cette dernière provient de ce que, lors d’un passage par-dessus une crête, on perd quelquefois, et pendant un instant, contact avec la neige. Le corps a plus d’élan qu’il n’en serait nécessaire pour passer par-dessus le vallonnement et le surplus se transforme en vol.

Il peut arriver aussi qu’un changement de la pente soit si notable, que le contact du ski avec la neige subisse une interruption et qu’on ne puisse continuer sa course qu’après un court trajet dans l’air, jusqu’à un point inférieur. Les premières fois la respiration en est coupée, nous tombons généralement, nous n’avons pas été préparés à une pareille modification de notre course et nous faisons alors un beau trou dans la neige. Nous estimons tout de même, par la suite, que tout cela, en réalité, a été agréable : on a sauté ou plutôt on s’est laissé sauter.

Mais la volonté élève en toute chose les impressions, dans le saut en ski en particulier, et on est arrivé à faire un plaisir de la nécessité en installant sur des pentes naturelles des tremplins artificiels, de petits, de grands, ascendants ou descendants. De l’agréable petit incident est résulté un des actes les plus énergiques que puisse accomplir le sportsman et, si on admet que le ski est peut-être le sport qui exige le plus de sang-froid et d’énergie, cela provient surtout des sauts puissants par lesquels d’habiles et courageux skieurs coupent une descente rapide.

Le saut en ski est un saut en profondeur et en longueur. Les distances atteintes par ce saut dépendent d’abord de la vitesse du skieur, puis de la hauteur du tremplin et enfin de la pente du terrain.

Un objet inanimé, un traîneau par exemple, qu’on laisserait sur une piste filer par-dessus un tremplin, ferait de même un saut, conformément aux lois de la physique. Mais, tandis que l’objet inanimé subit simplement ces lois, le sauteur sur ski les utilise et les domine. Pour arriver à ce but, certaines qualités physiques et morales sont nécessaires : avant tout, le courage et le sentiment de l’équilibre, la force musculaire et la souplesse.

C’est de l’appréhension qu’il est le plus difficile de triompher dans le saut. Sur les grandes pentes qui lui sont destinées, on ne voit généralement pas, du tremplin, la partie la plus raide de la piste qui se trouve au delà, et l’imagination nous fait entrevoir un gouffre sans fond vers lequel on se précipite.

Influence du tremplin

influence du tremplin sur la forme de la trajectoire.

De plus on a en tête l’idée, assez fondée d’ailleurs, que, dans une chute à une certaine hauteur, on peut se briser facilement le cou et les jambes. En réalité, les accidents sont très peu fréquents.

Si l’on considère que d’abord le saut se fait, non pas sur de la terre dure, mais sur de la neige qui, quoique fortement piétinée, est tout de même élastique, ensuite que ce n’est pas le corps qui a à résister à tout le poids de la chute, mais plutôt les longs skis sur lesquels le poids de celui-ci est largement réparti, et enfin qu’il ne s’agit pas du tout d’un saut sur un terrain horizontal, mais bien d’une arrivée permettant de continuer à glisser plus loin sur un versant raide dont la ligne de pente coupe la trajectoire du sauteur sous un angle très faible, on comprend pourquoi les accidents sont si rares.

Au début le skieur est encore sous l’impression de ces idées de crainte qui proviennent de notre manière d’apprécier le saut ordinaire, et seule une expérience de longues années peut l’en guérir.

Sauf de très rares skieurs de tout premier ordre — et même, pour ceux-là, on ne peut pas savoir ce qui se passe en eux — tous les sauteurs, surtout sur des tremplins nouveaux, ou au premier saut, après une période assez longue de repos, éprouvent le sentiment du danger ou encore la crainte de réussir plus ou moins bien. L’assurance convenable revient généralement quand on s’est entraîné de nouveau une ou deux fois.

Le public non skieur, qui n’assiste que comme spectateur aux grandes épreuves, surmonte assez vite la crainte qui s’empare de presque tous ceux qui voient pour la première fois un saut considérable sur skis. L’étonnement et l’enthousiasme sont les sentiments qui s’imposent les premiers, mais bientôt le spectateur s’habitue aux prouesses les plus importantes. Moins les sauteurs tombent à l’arrivée, plus il éprouve le besoin de sensations plus vives. Ce qui a plongé, il y a un ou deux ans, les curieux des grands concours de ski dans une émotion étonnée, leur paraît maintenant tout naturel et ils deviennent presque hostiles si on ne saute que 20 à 25 mètres.

Celui qui par orgueil et pour rechercher des applaudissements rend encore plus difficile, sans aucune nécessité, les concours de sauts par des tours de force et des difficultés, comme celle de sauter sur un seul ski, ou de terminer par un saut en travers, ne doit pas se figurer qu’il pourra longtemps satisfaire ainsi le public. Toujours on exigera du nouveau et, d’autre part, un tel sauteur n’agit pas bien vis-à-vis de ses camarades. Les courses publiques doivent stimuler et encourager le sport du ski, elles doivent exciter les maîtres à continuer à travailler avec persévérance, mais elles ne doivent pas être une représentation devant la foule d’une tribune qui souvent n’est que curieuse ou bien encore est déjà blasée.

Malheureusement il arrive trop souvent que les sauteurs font parade de leur talent devant le public. Le saut en ski est quelque chose de si magnifique et de si grandiose par lui-même que la satisfaction personnelle d’un saut bien exécuté doit être placée au-dessus de tout. Si le suffrage des assistants vient s’y ajouter, au moment précis et à sa vraie place — et il n’en est pas toujours ainsi — cela ne nuit certainement pas. Mais la fierté sportive et le jugement personnel doivent être préférés à l’opinion de la foule : avec leur appui on peut se passer d’être un acrobate du ski.

Construction du tremplin. — Il y a de bons et de mauvais tremplins. La plupart de ceux qui sont construits par des commençants peuvent se ranger dans cette dernière catégorie. La longueur de la plate-forme est le plus souvent trop courte et la pente d’accès pas assez raide. Aussi sur les terrains d’exercice il faut veiller, avant tout, à obtenir la proportion exacte qui doit exister entre la pente qui précède et celle qui suit le tremplin. Cette question, bien qu’essentielle, est pourtant souvent négligée pour des détails sans importance. Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de s’en aller armé d’une pelle et d’un râteau et de se construire un tremplin sur une pente choisie la veille, sans se laisser influencer par des gens qui se prétendent plus compétents.

Les considérations suivantes seront à observer : la piste de départ ne doit pas être trop raide mais avoir cependant une inclinaison suffisamment accentuée pour qu’on puisse obtenir la vitesse convenable. En outre, elle doit être assez longue pour que, après l’apprentissage des premiers sauts, on puisse augmenter à volonté la longueur de l’élan. Si elle est déjà limitée à 20 mètres du tremplin par un bois touffu ou un terrain horizontal, elle ne vaut pas grand’chose.

Pour le début il ne faut pas que la hauteur du tremplin soit de plus de 40 centimètres, mais il doit être assez large pour qu’on puisse varier la piste. Le départ sur une trace souvent utilisée est toujours peu sûr, et on n’améliore pas un tremplin étroit en le ratissant souvent.

Un tremplin d’exercice doit toujours être un peu incliné vers le bas, ce qui facilite le saut. Il est bon aussi qu’il soit relié par une pente progressive à la piste d’élan, sinon les skis porteraient à faux.

Avant l’arête du tremplin, il doit y avoir une surface presque horizontale d’environ deux longueurs de ski. On pourra indiquer cette plate-forme au sauteur, au moyen de deux poteaux par exemple, afin qu’il puisse se préparer à temps. En creusant la neige en de certains endroits et en remblayant d’autres, toute pente passable peut être rapidement et bien corrigée. Un peu de sens technique et d’habileté sont plus utiles que de longues instructions.

La partie horizontale du tremplin qui précède l’arête ne doit pas être trop longue, car dans ce cas on perd facilement de la vitesse ; mais si, par contre, elle est trop courte, un départ correct devient impossible.

La piste d’arrivée doit avoir une pente d’au moins 20°. La déclivité d’une pente est très difficile à mesurer à l’œil au début ; avec trois cannes on peut cependant s’en faire une idée quand il s’agit de petites étendues. On place l’une d’elles dans la direction de la pente. Au milieu on plante la seconde de manière à former un angle droit. La troisième est enfoncée par sa partie supérieure horizontalement dans la neige à l’intersection des deux premières, de sorte que la moitié apparaisse encore. L’angle aigu compris entre la partie saillante de la troisième canne et la première placée dans la direction de la pente donne à peu près l’inclinaison de celle-ci. La pente du croquis ci-contre a une inclinaison d’environ 30° ; sur le papier elle ne parait pas forte, mais elle semble beaucoup plus accentuée sur le terrain. Ce n’est que par suite d’une grande expérience qu’on peut arriver à estimer une pente à l’œil.

Il faut adapter les conditions de chute à la pente et le point d’arrivée du saut doit être fortement tassé par les skis. La neige très profonde et molle est plus dangereuse que celle qui est tout à fait durcie, et, si son épaisseur n’est pas d’au moins 30 centimètres, il vaut mieux abandonner le saut.

Il y a de grands avantages à ce que l’extrémité de la piste, c’est-à-dire l’endroit où l’on s’arrête habituellement après le saut, soit horizontale ; mais rarement on trouve toutes ces conditions réunies sur un terrain d’exercice.

Autant il est agréable d’être seul pour construire le tremplin, autant il est peu désirable de l’être pendant le saut lui-même. On n’est pas en bonnes dispositions, l’émulation manque. Dans un livre technique on peut à la rigueur apprendre à manier correctement ses skis, mais pour le saut, rien ne remplace les leçons que donnent à l’observateur attentif les bons et même les mauvais exemples. Il faut aussi un peu de courage pour effectuer le saut, et surtout pour reconnaître en silence la faute commise quand on tombe. Encore une recommandation : ne pas vouloir aller trop vite.

évaluation d’une pente à l’aide de trois cannes.

évaluation d’une pente à l’aide de trois cannes.

Si on est resté debout quatre fois sur cinq sauts, avec un tremplin de 40 centimètres de hauteur, on peut l’élever peu à peu et prendre un élan plus grand. Sauter correctement et loin est presque un art. Il ne deviendra cependant jamais un bon sauteur celui qui place un cordon étalonné le long de la piste afin de pouvoir lire de suite à quelle distance il est parvenu : au début, ce résultat n’a aucune importance. Celui qui, tout d’abord, n’apporte pas tous ses soins à faire de petits sauts dans une attitude correcte et élégante, n’obtiendra jamais de résultats satisfaisants. Quand on entend un commençant parler du saut de 10 mètres qu’il a fait, on a souvent sur la langue la réflexion suivante : « Surtout ne me demandez pas de quelle façon ! »

Il y a dans le saut une très grande quantité de règles qui ne peuvent être observées qu’avec la plus grande difficulté et que les événements imprévus modifient. En passant brusquement d’un tremplin de 40 centimètres à un autre de 1 mètre on le comprendra à merveille.

La construction de grandes pistes de saut est presque devenue une science. Les profils de deux pistes connues, celle de Livbaken, près de Hönefes, en Norvège, et celle du Feldberg, dans la Forêt-Noire, caractérisent deux types bien différents.

À celle de Livbaken la pente de départ n’a que 59 mètres ; au Feldberg, 100 mètres. Ce que la première a en moins comme longueur de pente de départ, elle doit le racheter par son inclinaison, afin que le sauteur, à l’arrivée sur le tremplin, ait acquis la vitesse nécessaire. Dans les cas envisagés, la pente moyenne, à Livbaken, est de 18 1/2 p. 100 ; au Feldberg, seulement de 16. Cette correction du manque de longueur de la pente de départ par une inclinaison plus forte serait seule insuffisante pour obtenir d’aussi beaux sauts que sur la piste modèle du Feldberg, par exemple, si la pente inférieure n’était, elle aussi, construite en conséquence. À Livbaken, la moyenne de la pente inférieure est presque aussi forte que la pente maxima de la partie supérieure, c’est-à-dire 35°,5. En d’autres termes, cela signifie que la pente inférieure commence directement sa plus grande inclinaison sous le tremplin et se continue ainsi jusqu’à la fin de la course. Au Feldberg, la pente maxima n’est que de 33 et la pente moyenne de 23 seulement. Mais il est aisé de se rendre compte, par le croquis ci-dessous, comment une inclinaison plus forte de la piste inférieure influe sur la longueur du saut.

Il n’est pas extraordinaire que le plus long de tous les sauts (41 mètres) ait été fait sur la piste la plus raide, si ce n’est la plus difficile, celle de Gustadbaken, près de Modum, tandis que le plus long saut fait à Holmenkollen n’ait été que de 29 m, 50. Cette piste si renommée, est en effet très défectueuse à cause de sa déclivité insuffisante.

influence de la pente sur la longueur du saut.

influence de la pente sur la longueur du saut.

La grande différence qui existe entre la pente moyenne et la pente maxima de la piste inférieure au Feldberg est compréhensible si on se rend compte que là, comme au Solbergbaken, près de Christiania, un espace d’environ 15 mètres, presque plat, et qui se continue par une descente très raide, se trouve en avant du tremplin. Cette partie intermédiaire offre l’avantage que pour une même longueur la hauteur d’un saut est plus faible et le choc à l’arrivée, par suite, moins sensible qu’avec une pente uniformément raide. Avec un saut de 30 mètres, au Livbaken, la chute est d’environ 18 mètres ; au Feldberg, de 13 seulement. Il est évident toutefois qu’un saut élevé, immédiatement après avoir quitté le sol, parait beaucoup plus imposant. On peut affirmer que, pour produire une impression favorable, un saut, sur un terrain dont une petite portion est horizontale a l’origine, devrait avoir un tremplin deux ou trois fois plus haut que s’il est effectué sur une pente débutant par une forte inclinaison.

De tout ce qui précède, il ressort que de bonnes pentes peuvent avoir des différences quant à leur longueur et leur déclivité, mais il faut qu’elles restent dans des limites déterminées. Ces limites sont celles où la force humaine est encore suffisante pour achever le saut en assez bonne position, pour pouvoir atterrir sûrement et continuer sa route. Des sauts corrects de beaucoup plus de 40 mètres dépassent notre pouvoir. Un sauteur audacieux peut certainement sauter à une distance de 50 et 60 mètres, et même davantage, pourvu que la piste de départ soit assez longue et celle d’arrivée assez raide. Mais dans quel état arrive-t-il au but ?

La maîtrise des obstacles naturels est facilitée par trois facteurs. D’abord par une méticuleuse et soigneuse préparation de la piste de départ, surtout dans sa dernière partie : un départ nerveux et inquiet est souvent motivé par le manque de cette condition. La même observation est à faire au sujet de la piste inférieure qu’on ne pourra jamais assez piétiner et ratisser. Ensuite, un saut est d’autant plus facile que le tremplin est mieux disposé. S’il est tout à fait horizontal, il contribue à donner aux skis une position défectueuse et à augmenter les difficultés. Une inclinaison de 5 à 10 vers le bas parait être la meilleure.

Enfin le sauteur arrive au but d’autant plus sûrement que la pente, à l’endroit où il tombe, est plus raide et que la trajectoire décrite coupe la ligne de plus grande pente de la piste sous un angle plus faible. Les premiers skieurs qui avant 1880, en Norvège, et avant 1900, dans la Forêt-Noire, tentèrent de sauter et qui, de tremplins élevés, tombèrent sur un terrain horizontal, durent se blesser grièvement.

Comment doit-on sauter ? — Il règne à ce sujet, parmi les meilleurs sauteurs, des opinions diverses. Le poids du corps, la longueur des jambes, la force des jarrets et d’autres différences de stature ou de tempérament ont pour conséquence de nombreuses variétés dans l’art du saut ; les classer serait impossible, mais il y a des principes et des règles qui toujours doivent être observés. D’abord, maintenir les skis en bon état. Celui qui, par une bonne neige, descend la pente de départ en soulevant des tourbillons, doit avant tout apprendre à farter. Ensuite, ne sauter que quand on est absolument calme et qu’on est maître de ses cinq sens en se souvenant qu’on est calme quand on a confiance. Enfin, ne jamais faire consécutivement plus de cinq sauts à de petits tremplins, ou de trois à de grands. Le saut épuise rapidement les forces musculaires et nerveuses. Si on est surmené, il est peu prudent de continuer, on ne peut plus réussir.


Le départ. — Le trajet de départ doit être parcouru dans une position naturelle, les skis réunis l’un à l’autre et décrivant une piste bien droite ; il faut ployer les genoux 10 ou 20 mètres avant le tremplin et amener les pointes des skis rigoureusement sur la même ligne. La marche dans cette position est peut-être moins sûre, mais elle rend possible un départ plus net et plus énergique. Il faut laisser tomber les bras simplement et ne pas arrêter la respiration, mais aspirer plutôt.

Il est inutile de tendre trop tôt tous les muscles et les nerfs au maximum et de garder cette tension inutilement. En particulier, la course les genoux ployés dès le début fatigue trop les muscles dont dépendra l’effort. Ce qu’on gagne en vitesse par cette position, étant donnée la moindre résistance de l’air, est perdu en énergie. De plus, cela nuit au tableau d’ensemble, quand on ne voit pas l’impressionnante préparation du saut et la flexion préparatoire.


Le saut. — En approchant du tremplin, on s’assurera encore une fois que les pieds sont fortement accolés. Un saut, les pieds écartés, peut avoir des conséquences fatales ; on ploiera les genoux encore plus qu’au départ et on portera le haut du corps très en avant. Peu avant l’arête, d’un effort subit et énergique on redressera tout le corps, sans attirer les genoux à soi une fois en l’air, comme dans le saut ordinaire. Le moment exact de ce mouvement ne peut être indiqué, il faut qu’il soit instinctif et sûr et résultant de l’observation la plus attentive. Si on saute au moment voulu, le corps est droit comme un I, à l’instant où il vole par-dessus le tremplin.

Ce qu’il y a de plus difficile à vaincre, c’est le besoin instinctif de se pencher en arrière en sautant. Si on cède à cette tentation subite, tout se passe comme dans un départ rapide sur une pente raide : les skis filent trop vite, on tombe sur le dos. Il n’y a qu’un seul remède : se placer, au premier essai, énergiquement sur les orteils et se lancer de la sorte en avant. Il faut tenir la tête haute et porter les épaules en arrière. Les commençants, et souvent aussi des gens expérimentés, ont une tendance à enfoncer la tête entre les épaules, c’est un dernier reste de crainte. Si, au moment du saut, on redresse le cou et si on lève la tête afin de bien voir l’abîme, tout le reste résulte presque involontairement de cette position.

Les bras, pendant le saut, peuvent être placés de très différentes façons : les uns les jettent en l’air pour arriver aussi haut que possible ; ce mouvement n’est d’ailleurs pas toujours très beau. D’autres les écartent horizontalement comme des ailes, d’autres encore les tiennent raides au départ, les poings fermés en arrière et se donnent avec eux, au moment du saut, une courte et brusque secousse en avant. D’autres enfin les portent au départ en avant et, la poitrine bombée, les lancent avec raideur en arrière et un peu à l’extérieur, pour rétablir par derrière l’équilibre du corps fortement penché en avant.

Beaucoup de sauteurs aussi laissent les bras pendre mollement et les lancent en l’air seulement en arrivant au sol.

En résumé, toutes les manières de sauter sont bonnes si le saut lui-même est accompli sans peur et avec calme, les skis bien collés l’un à l’autre et le corps bien droit. Un bon départ doit être un bond vigoureux ; la longueur du saut est augmentée ainsi de plusieurs mètres.

L’opinion qu’on peut, par le saut, s’élever de beaucoup au-dessus du tremplin, est erronée. Ce dernier fournit l’élan qui permet au corps de se maintenir le plus longtemps possible à la même hauteur. Avec des tremplins inclinés, le sauteur commence déjà à descendre un mètre après l’arête. Tout le reste n’est qu’illusion d’optique.


Le maintien dans l’air. — Le maintien dans l’air est d’autant plus beau qu’il est plus tranquille. Le corps doit être perpendiculaire à la pente. On évitera le plus possible les mouvements de bras désordonnés. Si on ne peut se dispenser d’en faire, faut-il au moins qu’ils soient symétriques. Après qu’on a quitté le tremplin, on peut faire mouvoir deux ou trois fois les bras en cercle comme une hélice

Ce mouvement ressemble au battement d’ailes d’un gros oiseau et aide à parcourir un trajet un peu plus long. La position qui produit l’effet le plus imposant est celle où les bras sont légèrement ployés en avant et où les mains, ou au plus les avant-bras, sont employés en quelque sorte à ramer. Si le sauteur maintient en même temps, dans cette position, ses skis serrés l’un contre l’autre, bien parallèles entre eux et à la pente, il semble planer comme en un vol majestueux.

Un sauteur norvégien

un sauteur norvégien (position très correcte).
(Cliché Tairraz.)

Le maintien convenable de la position des skis est la partie la plus difficile de la tenue dans l’air. Une position absolument correcte, les pointes dirigées vers le bas, est exceptionnellement rare. Si, peu après avoir quitté le tremplin, on jette de côté et en arrière les bras qui étaient en avant au début, et si de nouveau on redresse puissamment le corps, il en résulte naturellement, par le fait que les orteils sont tendus vers le bas, que les pointes des skis s’abaissent. La recette est bonne, mais l’exécution assez difficile, sans cela on ne verrait pas en l’air tant de skis mal placés.


La chute. — Peu avant l’arrivée sur le sol, un des skis, généralement le droit, est amené un peu en avant, puis le choc est reçu par les genoux moyennement fléchis et formant ressort. Quand le plus grand choc est surmonté, l’un des skis est rapidement avancé encore un peu afin d’assurer l’équilibre.

Quant à l’équilibre latéral, il est facilité par les bras. La chute doit être exempte de toute crainte et être souple ; elle dépend beaucoup du maintien des skis en l’air. Cependant, il est très rare de voir la surface de ceux-ci toucher en entier la neige en même temps, bien que ce soit là pourtant la seule position correcte. En général, la partie arrière décrit déjà une trace d’un à deux mètres dans la neige avant que le profond sillon de la partie médiane du ski indique exactement l’emplacement du point de chute.


L’arrêt. — Pour s’arrêter, on doit se tenir droit autant que possible, et terminer la course par un virage. Mais il faut pour cela disposer de l’espace nécessaire, et ce n’est malheureusement pas toujours le cas.


Bons exercices pour le saut. — On peut sauter sans tremplin pendant une descente, ce qui est d’ailleurs un exercice très amusant. En plaine, si on saute haut et si on se laisse tomber, les genoux ployés, un ski porté en avant, on a une idée de la position correcte à la chute.


Le saut doit-il être long ou élégant ? — À cette question, il est facile de répondre, à condition de lui donner sa vraie portée. Vigueur ou grâce ? Personne n’hésitera à dire : les deux. En effet, on doit posséder l’une et l’autre de ces qualités. Si le sauteur prend un élan énergique sur le tremplin et s’il vole loin dans l’air, un « Ah ! » d’admiration s’élève aussitôt. Mais s’il a dépassé ses forces, s’il gesticule pendant ce parcours et s’il arrive mal ou pas du tout au but le sentiment primitif d’admiration est suivi, chez les spectateurs compétents, de cette mauvaise humeur que l’on a toujours quand une personne ne tient pas ce qu’elle a promis. Un saut téméraire est une lettre de change qu’il faut dégager par une position correcte et une chute sûre ; sans cela on dépasse son crédit sportif. Celui qui fait des sauts courts, mais tranquilles et corrects, est bien plus apprécié que s’il effectuait un saut de 30 mètres avec une mauvaise tenue.

Un sauteur

un sauteur. L’arrivée sur le sol.
(Cliché Rol.)

La meilleure méthode à observer, quand on veut faire un saut de 10 mètres dans une tenue tout à fait impeccable, est de chercher d’abord à augmenter la longueur et, ce résultat obtenu, de toujours s’efforcer de corriger le style.

Au reste l’art du saut ne se laisse pas forcer. Il ne faut pas seulement du courage et de l’activité mais aussi des dispositions naturelles. Maint bon skieur s’épuise et se met en nage pour n’arriver qu’à rafraîchir, à chaque essai, son front en sueur dans la neige profonde, d’autres volent après peu de temps, tout à l’aise, et sans tomber. Mais si tout bon skieur n’est pas un bon sauteur, tout bon sauteur est en revanche un fin skieur et s’il joint à ces qualités l’endurance, c’est encore mieux. Il est indiscutable en tous cas que le saut élève et raffermit considérablement l’assurance intérieure et extérieure du skieur. C’est le plus beau spectacle de l’art du ski. Voir un jeune homme voler tranquille et fier comme un aigle, c’est un coup d’œil qui fait à chaque fois palpiter à nouveau. Je comprends la jeune fille enthousiaste qui, lorsqu’elle vit pour la première fois un long saut à ski, tapa du pied sur le sol et s’écria : « Rien que pour cela j’aurais bien voulu être homme ! »


MARCHE EN TERRAIN DIFFICILE


Une descente en terrain difficile à travers des bois touffus, parsemés de gros blocs de rochers offre au skieur habile l’occasion de déployer ses connaissances techniques. Quand on ne peut plus choisir le temps et le lieu où un Christiania, un chasse-neige, un saut de côté ou un saut en profondeur conviennent, mais qu’un arbre, un rocher, un ressaut à pic se trouvent subitement devant vous, la plupart du temps, l’art acquis sur le terrain d’exercice s’écroule comme un château de cartes, et une chute s’ensuit. C’est alors qu’on s’aperçoit que tous les beaux virages de Telemark et de Christiania ne sont que des fantaisies parfois difficiles à appliquer en pratique. Une descente accidentée dans un terrain difficile est désignée par les Norvégiens par un seul mot tiré du dialecte de Telemark : slalom. Le slalom n’est pas un spectacle aussi captivant que le saut, mais il est, pour le skieur, beaucoup plus agréable. C’est déjà émotionnant de traverser des bois, pas trop touffus, en faisant des chasse-neige ; et de terminer, en s’arrêtant en bas juste devant un arbre, avec un Christiania. Nous ne pouvons pas, en réalité, nous représenter le slalom exactement, mais dans un article très instructif sur le ski en Norvège, le professeur Lefmann cite un épisode que nous allons reproduire.

« Déjà avant la fin de la course du saut au Hegghulsbaken, un certain nombre de membres du comité directeur se mirent à jalonner un kilométre environ de descente dans la forêt. C’était la partie la plus difficile de la piste qui s’étendait sur une lieue environ ; elle fut, avant le commencement de la course, le théâtre des exercices de skis les plus intéressants que j’aie jamais vus et que, jusqu’à présent, on n’a pu voir qu’en Norvège. En tous sens, une centaine de skieurs et de skieuses tournaient et se croisaient sur ce terrain, se précipitaient ici au bas d’un thalweg, utilisaient là une saillie comme tremplin de saut naturel, remontaient ensuite sur une éminence, en passant exactement entre deux arbres choisis, descendaient de nouveau au bas d’une pente. Ils surent, dans tout ce va-et-vient, éviter avec une sûreté étonnante une collision entre eux et les spectateurs et tout heurt contre les arbres. Un grand nombre de skieuses descendirent, la canne libre dans la main droite, et l’une immédiatement derrière l’autre, la partie de la piste encombrée de skieurs, de spectateurs et de troncs d’arbres. Cette façon de pratiquer le ski exige peut-être à un plus haut degré que le saut, qui reste toujours un exercice spécial, une possession complète de cet art, mais elle demande surtout une plus grande présence d’esprit et une décision plus rapide. »

Cette conclusion est indiscutable, mais comme les choses les plus difficiles ne sont pas toujours les plus belles, la palme restera cependant au saut.

Une chose importante en terrain difficile est de savoir aller lentement. Aussi, dans la Forêt-Noire, dans les Monts des Géants et surtout dans les Vosges, il y a des terrains alpestres où on doit cesser les exercices nécessitant une grande souplesse, surtout si on a un sac lourd sur le dos. Il ne faut compter, dans ce cas, que sur un bon bâton et sur la marche freinée, et cesser de se laisser aller ; la sécurité doit l’emporter sur l’élégance !

Dans de tels terrains, qu’on rencontre dans les contreforts des Alpes et dans les montagnes de l’Allemagne centrale, le danger des avalanches n’est pas tout à fait à négliger. Il ne s’agit que de quelques rares endroits, il est vrai, mais ils ne sont habituellement pas connus des skieurs. Il vaut mieux faire l’emplette d’un guide spécial pour les montagnes en question : il en existe déjà de fort bons. Au reste, pour ne pas donner d’inquiétudes inutiles, nous ajouterons que dans la Forêt-Noire, par exemple, où il y a quatre couloirs d’avalanches, il n’est arrivé, depuis 10 ans, qu’une seule catastrophe. Il en est de même pour les autres montagnes du centre de l’Allemagne. Les contreforts des Alpes sont déjà plus dangereux : là le skieur doit être doublé d’un alpiniste.

SKIJÖRING

Nous terminerons en disant quelques mots de ce sport qui se rattache intimement au ski.


SKIJÖRING

Le skijöring est très répandu en Norvège. Il consiste, pour un skieur, à se faire traîner par un cheval.

Ce dernier porte un léger harnais fixé à la ceinture de l’homme, qui tient en mains les rênes.

D’ailleurs le mode de fixation est combiné de telle sorte qu’en cas de chute, le skieur puisse facilement se séparer de l’animal.

Ce mode d’utilisation du ski permet d’effectuer rapidement de longs trajets en plaine ; mais il est assez pénible, car il exige que le skieur se tienne constamment dans la position dite en chasse-neige.

On peut remplacer sur les routes le cheval par un traineau hippo ou automobile.


HYGIÈNE ET ACCIDENTS


Celui qui avant de commencer à faire du ski consulte son médecin est pour le moins un hypocondriaque. Mais les personnes faibles ou maladives, ou celles qui désirent s’entrainer pour des courses doivent se faire examiner le cœur et les nerfs par un médecin pratiquant lui-même le sport du ski.

Il n’y a pas d’hygiène spéciale ; un peu d’empire sur soi-même et un solide bon sens sont les choses essentielles. À table, il ne faut pas céder aux exigences d’un trop bon appétit, car un « plenus venter » ne travaille pas volontiers et surtout ne trouve pas grand charme aux exercices du corps.

L’alcool et l’alimentation trop carnée ont une action identique. Les farineux, les fruits sucrés, les légumes et les graisses réparent bien plus rapidement les forces du corps, après un effort considérable, que la viande. Si l’on se sent épuisé, un verre d’eau fortement sucrée fait souvent merveille. En excursions, le chocolat, les oranges, les gâteaux légers sont ce qu’il y a de meilleur. S’il fait très froid, ne pas oublier le beurre. En effet, il y a des situations où on le mange à pleines mains pour se réchauffer rapidement.

Si on est forcé pendant une course, soit comme spectateur, soit comme participant, de rester longtemps inactif, exposé au froid, il est précieux de pouvoir, de temps en temps, déposer son sac et prendre dans une bouteille thermique une gorgée de cacao chaud. Avec ce réconfortant, on reste dispos et une douce chaleur se répand dans les membres.

Contre le refroidissement, de bons vêtements secs et le mouvement sont seuls à recommander. Quant au nez et aux joues, qu’on ne peut pas couvrir, il faut, par les grands froids, les enduire de vaseline et se rendre compte souvent par le toucher de leur sensibilité. Le manque de sensibilité est le premier symptôme qui avertit qu’un membre ou une partie du corps risque d’être gelé, et ce début augmente avec une rapidité extraordinaire : une ou deux minutes sont parfois suffisantes.

Un membre gelé au premier degré, c’est-à-dire blanc, exsangue et insensible, doit être massé avec de la neige jusqu’à ce que la circulation soit rétablie, ce qui normalement s’accompagne de douleurs. Il faut prendre bien garde de soigner par la chaleur, ce qui aurait de dangereuses conséquences. Le membre gelé au second degré se reconnaît à une couleur rouge bleu, au troisième à une couleur bleu noir et à une sensation de brûlure de la peau. Dans les deux derniers cas, le seul remède consiste à poser un pansement gras et à courir sans délai chercher le médecin. Il est bon d’éviter l’alcool qui prédispose à un tel accident. Les chaussures étroites sont aussi très nuisibles aux orteils. Une paire de gants et une paire de chaussettes, en réserve dans le sac, peuvent éviter bien des ennuis.

Par une très basse température le refroidissement n’est pas à craindre si l’on transpire, à condition de rester toujours en mouvement, mais aussitôt qu’on se repose ou qu’on rentre chez soi, il faut se protéger en mettant une veste de cuir, un jersey ou quelque chose d’analogue et, bien entendu, en changeant de linge. Certes, le sac de montagne s’alourdit par suite de la réserve de linge qu’il contient, mais la prudence nous conseille de ne pas négliger cette précaution.

Quant aux accidents, qui consistent généralement en foulures, entorses et fractures, on peut affirmer hardiment qu’ils sont causés plus souvent par la faute du skieur que par celle des skis. S’il tente un exercice au-dessus de ses forces, quoi d’étonnant qu’un accident en résulte ? Dans une telle éventualité il faut, avant tout, rester calme : il y a des choses pires que de se fouler un pied ou de se casser une jambe, et si on ne sait ce qu’il y a à faire, on appelle le plus vivement possible les secours compétents. Contre les douleurs, on peut, tout d’abord, faire des compresses de neige.

Si on est forcé de rester seul avec le blessé, le plus urgent est d’immobiliser le membre foulé ou brisé, car chaque mouvement augmente la souffrance. Pour atteindre ce but, on se servira de bâtons de skis, de branches d’arbres comme attelles, ou de ce qu’on trouvera sous la main, après avoir pour ainsi dire matelassé le membre avec des gants, du linge de réserve ou quelque chose d’analogue. Avec deux paires de skis, ou même avec une seule si c’est nécessaire, des courroies ou des choses analogues, on peut improviser un traîneau de circonstance[6].


UN TRAÎNEAU DE SKIS D’APRÈS PAULKE.

La valeur du ski comme remède contre la nervosité moderne ne tient pas seulement à ce que, grâce à un exercice dans un air pur et frais et à la lumière du soleil, les particules du sang qui fixent l’oxygène et qui vivifient les globules rouges augmentent considérablement, mais surtout et avant tout, à ce que la sensation de bonheur qu’éprouve celui qui pratique ce sport est causée par un mélange de distraction et d’effort physique. Le système nerveux se fortifie de la sorte, se reconstitue presque, et on goûte plus pleinement la joie de la vie.

Ajoutons encore que, si la soif de renommée et la poursuite des records amènent des ennuis, la faute n’en est pas aux skis mais aux skieurs.


RÉFLEXIONS D’UN SKIEUR PSYCHOLOGUE


Les skis ne sont pas précisément ce qu’on appelle les planches, mais on joue passablement la comédie sur eux.

Who can, does ; who cannot, teaches ”, dit le spirituel Bernard Shaw, ce qui peut se traduire dans le langage du ski : Un bon skieur se tait et va de l’avant, un mauvais skieur donne constamment des conseils aux autres.

Tu souris quand tu vois quelqu’un dans la neige. Combien y a-t-il de temps que tu conduis tes skis à ta guise ?

Si quelqu’un te questionne pour savoir à quelle distance tu sautes, réfléchis bien avant de répondre et demande-toi si seulement tu sais sauter.

Tu es un débutant ? C’est une honte que d’en être honteux.

Si tu veux apprendre quelque chose, tais-toi et regarde.

Celui qui en est à sa première campagne de ski, et qui se reproche sur le terrain d’exercice de ne pouvoir exécuter correctement un saut déterminé, fait preuve de présomption.

« À vrai dire, on devrait d’abord apprendre le Telemark et le Christiania, afin de pouvoir s’arrêter à volonté », disait quelqu’un qui attachait des skis pour la première fois. Certes oui, mais il serait vraiment beaucoup plus utile encore que les enfants naissent en connaissant parfaitement la gymnastique.

Ne demande pas le tremplin de ton voisin, mais, en tous cas, comporte-toi avec ceux d’autrui comme avec leur logement : laisse-les au moins dans le même état que tu les as trouvés.

Quelqu’un se présente à vous sur la neige et mentionne tous ses titres. Évitez-le ! Un autre vous dit simplement son nom, mais enchevêtre en même temps l’arrière de ses skis. Méfiez-vous ! Il y a quelqu’un que vous rencontrez souvent et dont vous ne connaissez au bout de quelques jours ni le nom ni la qualité. Peut-être vous trouvez-vous alors en présence d’un personnage tout à fait remarquable.

Mon fils, méfie-toi de ceux qui « aiment tant faire des excursions » et qui désireraient « t’accompagner » si tu « voulais être assez aimable pour y consentir », ils ne te seraient « jamais nulle part à charge ». Ne sois pas trop aimable avec eux, car ils te deviendraient insupportables.

Si, en excursion, vous remarquez que votre compagnon est plus faible que vous, ne lui laissez pas apercevoir votre supériorité, mais ne lui laissez pas non plus remarquer votre délicatesse.

Quel temps fera-t-il demain ? Ne répondez jamais à une pareille question, vous pourriez par hasard avoir raison et vous figurer que vous le saviez.

Les gens personnels et les égoïstes sont, en excursion, difficiles à supporter, mais on peut aussi, par une amabilité et une serviabilité exagérées, énerver ses compagnons.

Si vous avez fait une excursion en un temps véritablement très court et dans des conditions défavorables de neige, ne le dites pas. Vous ne pourriez en vouloir à personne de ne pas vous croire, et on a déjà trop inventé sur ce chapitre.

Si vous priez quelqu’un de vous renseigner sur le temps nécessaire pour aller à la gare la plus voisine, partez en avance de la moitié du temps indiqué ; vous aurez encore des chances de manquer le train.

Vous croyez n’être pas vaniteux ? Regardez donc si, quand vous faites vos arrêts, il n’y a pas justement une foule de gens dans le voisinage.

On peut marcher sur une trace très étroite et cependant tenir beaucoup de place.

À table, on a le droit de s’entretenir d’autre chose que du ski.

Le plus souvent, on fait tout beaucoup mieux sur une autre neige.

Il n’est pas impossible d’être un très bon skieur et d’être quand même un gentleman. On peut même être un gentleman sans rien entendre au ski.


CONSEILS TECHNIQUES


Brisures des skis — Si un ski casse, il faut d’abord examiner la situation par rapport à l’heure de la journée, l’état de la neige et la distance de l’habitation la plus proche. Par un grand froid et une neige épaisse, il est difficile en effet de percer des trous et de manier le marteau. C’est pourquoi une spatule métallique de rechange, qu’on peut avoir dans tous les magasins de sports, est, malgré ses défauts, le plus rapide et le meilleur remède. On peut, quand il ne s’agit que de la cassure de la pointe, arriver ainsi jusqu’à l’habitation la plus proche, où alors il est possible de procéder plus facilement à une réparation plus convenable. Il ne faut pas évidemment avoir laissé la spatule cassée dans la neige, et avec deux bandes de métal de la largeur de la main, provenant d’une vieille boite de conserve, et des pointes fortes et courtes, on peut assez rapidement réparer de façon durable des cassures de spatules de skis.

L’« outil universel », qui se trouve également dans tous les magasins de sports, est indispensable. Le marteau doit être de grandeur moyenne.

S’il s’agit d’une cassure où les fragments ne se raccordent pas, on cloue simplement la pointe cassée en avant et sous le ski. Pour cette opération, il est nécessaire d’avoir des clous plus longs. Les têtes doivent être enfoncées du côté de la surface glissante et les pointes, rabattues. Les fabricants réparent aussi maintenant les skis cassés, d’une façon parfaite et durable.

S’il s’agit d’une cassure très rare du ski, celle qui se produit par son milieu, on renoncera à une réparation compliquée, en plein air, avec des bandages ou quelque chose d’analogue ; on fixera la partie antérieure au-dessous du pied avec une ligature de fortune, constituée par des courroies grasses et quelques clous. On arrivera ainsi à avancer lentement, certes, mais sûrement.

Un sac à réparations doit donc contenir un « outil universel », deux courroies graissées en cuir, de grands et de petits clous et deux larges bandes de fer-blanc, provenant de boites de conserves, par exemple.

Manière de ménager L’attache. — Les courroies en cuir, de chaque côté de leur logement, fatiguent beaucoup par suite du frottement de la neige. On les protège assez bien en enroulant, sur une longueur de 10 centimètres environ à partir de la sortie du logement, un fil de fer galvanisé.

RÉPARATION D’UNE RUPTURE DE COURROIE.

Courroies déchirées. — Quand elles sont humides, les courroies ne peuvent pas se rattacher au moyen des nœuds habituels. Une méthode très recommandée est indiquée par le croquis ci-contre.

Amas de neige sous les souliers. — Les mottes de neige qui s’attachent au talon ou sous les semelles peuvent entraîner bien des ennuis. Sous les semelles, on enlève la neige avec le long coutelas qu’on doit porter dans une poche placée derrière le pantalon.

D’ailleurs, ce couteau est utile en excursion dans toutes sortes de cas. La formation d’amas de neige aux talons devient impossible si on cloue sur le ski, au-dessous du talon, un morceau de fer-blanc mince, et sous le talon lui-même une légère feuille de caoutchouc.

Gauchissement des skis. — Ce fait peut se produire soit par suite de la mauvaise qualité du bois, soit parce que les skis ont été séchés avec trop peu de soin. Il n’y a qu’un remède à ce gros inconvénient, c’est de les envoyer à l’usine qui les façonnera à nouveau.

Freins. — Lorsque, pour une longue descente, il peut être commode d’avoir un frein à demeure, le système le plus pratique consiste à enrouler une cordelette autour des skis.

Cannes en bambou. — Ces cannes ne sont pas « indestructibles », ainsi qu’on l’a dit dans un ancien ouvrage sur le ski, mais au contraire elles se brisent facilement si l’on s’en sert pour faire tomber la neige des skis, à l’aide de coups répétés. Il suffit de heurter les pointes des skis l’une contre l’autre pour obtenir ce résultat, et l’on épargne les cannes.

Skis mal laqués. — Ils peuvent être rafraîchis avec un laquage à l’alcool.

Graisse de souliers. — La meilleure est la graisse de corne, qu’on peut avoir à bon marché chez un équarrisseur. Elle entre dans toutes les préparations qui conservent le cuir et ne le rongent pas.

Peaux. — Les peaux placées sous les skis pour faciliter les montées ne sont à recommander qu’aux personnes d’un certain âge et aux dames. Dans ce cas, on les fixera une fois pour toutes.

Conservation, et tendage des skis en été. — Souvent on néglige de prendre des précautions convenables en été et des greniers chauds ne conviennent pas aux bois. Les skis doivent, une ou deux fois, être sortis de l’abri frais et sombre où ils sont placés durant cette saison et, pendant quelques heures, être exposés au soleil et couverts d’huile de lin.

De plus, leur forme doit être maintenue au moyen de deux morceaux de bois et deux cordelettes.

Conduites chaudes et radiateurs. — Les conduites chaudes dans les wagons de chemin de fer ou les radiateurs dans les hôtels sont les plus grands ennemis des souliers. La graisse devient trop chaude à leur contact, le cuir ramollit et le lendemain, ou plus tard, on découvre dans le cuir un trou dont généralement on ignore la cause.

Lunettes à neige. — La lumière diffuse qui règne lorsque le soleil se trouve au-dessus d’un nuage, est très dangereuse et rend le port de lunettes indispensable, on pourrait être facilement aveuglé. Les lunettes de neige doivent être suffisamment grandes, pas trop foncées et munies d’un dispositif empêchant la lumière d’éblouir de côté.

Boussole et carte. — Une étude minutieuse de la carte est la condition préalable de l’emploi de la boussole dans le brouillard ou l’obscurité. Mais la connaissance exacte du pays est nécessaire aussi. Plus d’un exemple prouve que, même dans les montagnes moyennes, il peut devenir dangereux d’entreprendre une course en skis seul et sans connaissance des signes de la carte.

Cours de ski. — On ne commence à connaître le sport du ski que quand on croit qu’on le possède totalement. Bien des gens ont la conviction qu’ils savent faire du ski, mais un cours est, à cet égard, très révélateur !

Quand on apprend par soi-même, on gaspille beaucoup de forces.

Aussi faut-il conseiller de suivre un cours de ski à ceux qui veulent se déshabituer des fautes qu’ils commettent depuis plusieurs années ou à ceux qui dès le début tiennent à marcher correctement. Il est évident qu’une direction habile, mais sévère, presque militaire du cours est indispensable, sinon la leçon dégénère en simple distraction de quelques jours ; celui qui, le matin, s’exerce consciencieusement et l’après-midi fait de petites sorties, durant lesquelles il s’efforce de mettre en valeur ce qu’il a appris, acquiert en peu de temps plus de connaissances techniques que n’en aurait amassé en deux années un débutant livré à lui-même.

Un cours de ski ne doit pas durer plus de quatre jours si, par suite de la fatigue inévitable, on veut éviter l’indifférence des élèves.

APPLICATIONS DU SKI

Le ski n’est pas uniquement, comme on pourrait le croire, un incomparable instrument de sport : c’est lui qui a apporté aux populations rurales l’hygiène et la santé ; qui a assuré pendant l’hiver le fonctionnement régulier de tous les organismes de la vie sociale ; qui, enfin, a donné à l’armée, durant cette saison, presque une arme spéciale, souple, rapide, pouvant rendre à peu près les mêmes services à cette époque que l’infanterie cycliste en temps habituel.

Nous nous proposons de montrer comment le ski a rendu service à l’individu d’abord, à la nation ensuite, soit en temps de paix, soit en temps de guerre.

Le ski et l’individu. — Les habitants aisés des villes savent à peine dans quelles conditions lamentables vivent les miséreux qui, pressés par le besoin, logent dans des taudis où ils s’entassent dans la malpropreté, l’ombre et l’humidité. Ils ignorent à plus forte raison comment se logent de nombreux paysans — en particulier des régions montagneuses — par qui l’hygiène et le bien-être sont plus profondément ignorés encore.

Dans les Alpes, par exemple, pendant l’été, les habitants vivent au grand air, pur et fortifiant des montagnes ; ils logent, ou plutôt ils campent dans des chalets légèrement bâtis et ouverts à tous les vents. Cette période leur donne une provision de santé, les protège des dangers causés par leur malpropreté, leur hygiène déplorable, et écarte d’eux la tuberculose.

Mais, en hiver, il faut se chauffer et aussi économiquement que possible. C’est pourquoi on se calfeutre dans des étables voûtées dont la température est assez égale ; on mange, on couche, on vit en un mot au milieu des bétes, dans une demi-obscurité ; on respire une atmosphère humide et malsaine.

On s’étonnera moins, d’après ce tableau, du nombre d’idiots, de crétins, d’êtres rabougris que l’on rencontrait, il y a peu d’années encore, dans ces régions, et qui deviennent heureusement de plus en plus rares.

Il est pénible, en effet, de songer quelle peut être l’existence dans ces conditions, lorsque la litière des bestiaux, qui n’est renouvelée qu’au printemps, forme un tapis épais et nauséabond. L’oisiveté règne dans une pénombre continuelle, une oisiveté nuisible au physique comme au moral.

La seule occupation est en général le tissage, à l’aide d’instruments encore rudimentaires, en particulier à la veillée, pendant laquelle plusieurs familles se réunissent.

Le ski a transformé ces mœurs. En permettant de circuler sur la neige, quelle que soit son épaisseur, il a fait connaître le plaisir de vivre, en toute saison, à la lumière, au grand soleil, qui fait briller la neige éclatante sous un ciel bleu, de marcher, même par les temps les plus mauvais, et de vaquer à des occupations utiles et saines. Il a rendu ces populations moins frileuses, et maintenant l’hiver contribue, comme l’été, à fortifier l’individu et la race.

Ceux qui vivaient dans l’isolement et la claustration la plus complète abandonnent peu à peu les écuries et vivent plus normalement parce qu’ils peuvent enfin se mouvoir sur la neige avec rapidité et légèreté, vaquer à leurs affaires au milieu de l’air pur et vivifiant.

Nous avons vu de quelle utilité était le ski pour les habitants des campagnes. Il en est de même pour les citadins qui n’hésitent plus maintenant à profiter des jours de liberté pour faire en toute saison du sport sain et agréable et améliorer ainsi notablement leur santé et les conditions hygiéniques de leur existence.

Le ski et la société. — Les premiers adeptes du ski dans les campagnes et les meilleurs éducateurs furent, avec les soldats libérés, les divers fonctionnaires qui, grâce à ce mode de locomotion, purent faire leur service l’hiver comme l’été, peut-être plus facilement encore.

Nous citerons les gardes forestiers, qui furent les premiers à accomplir de cette façon leurs tournées quotidiennes, et les facteurs des postes, qui, grâce au ski et à la luge, purent porter régulièrement aux isolés des nouvelles du reste du monde.

Les contrebandiers et les malfaiteurs, eux aussi, à ski ou en raquettes, trouvèrent devant eux d’agiles skieurs portant la tenue des douaniers et des gendarmes.

Enfin les médecins eurent la possibilité, par tous les temps, d’apporter leurs soins à leurs malades. Il n’est pas jusqu’aux ministres de la religion qui, comme en Norvège, viennent en ski, eux aussi, donner leurs dernières consolations aux mourants.

Quand le ski était encore inconnu, les enfants qui se dirigeaient tous les matins vers l’école accomplissaient leur trajet avec de grosses difficultés lorsque la neige était tombée dans la nuit et leur admirable ténacité se trouvait souvent mise en échec par les éléments.

Il n’en est plus ainsi. Ils glissent chaque jour de toutes les directions rapidement vers l’école, pour leur plus grand bien et celui de la nation.

Enfin, une richesse nouvelle est née. Naguère encore le tourisme n’existait pas en hiver : alors qu’en été se créaient de toutes parts des stations, des hôtels, sources de prospérité locale, l’hiver voyait arriver, pour les hôteliers et les industries qu’ils font vivre, en particulier pour les entreprises de transport, une morte-saison absolue.

Aujourd’hui, bien au contraire, les villégiatures hivernales remplacent, dès octobre, les villégiatures estivales et apportent à ces contrées un élément nouveau d’activité et de richesse.

La montagne n’est plus l’organisme à sang froid qui passait quelques mois de l’année dans la claustration et l’oisiveté ; elle vit maintenant et d’une vie également active dans toutes les saisons.

Le ski dans l’armée. — En ce qui concerne les applications du ski dans l’armée, on peut affirmer que le fantassin à ski peut évoluer assez facilement, même avec le chargement de campagne et qu’il peut manier son arme aussi aisément qu’à pied.

Quant à l’utilisation tactique des troupes de skieurs, les avis sont partagés.

Tandis que les Suédois et les Norvégiens, qui ont introduit depuis des siècles le ski dans leurs armées, adoptent la formation de corps de skieurs assez importants et manœuvrant en masses, les nations plus récemment converties à ce mode de locomotion, préconisent seulement l’emploi de petites fractions destinées à effectuer des reconnaissances, des flanc-gardes, ou à tenir un point d’appui.

La raison de cette divergence de doctrines réside peut-être dans la différence de configuration du terrain entre les pays septentrionaux, renfermant de grandes étendues plates et neigeuses, et les pays très montagneux de l’Europe centrale.

On conçoit que, dans les premiers, de grandes masses de skieurs puissent conserver en manœuvrant la cohésion nécessaire, évoluer rapidement, et, lorsque l’épaisseur de la neige permet encore aux chevaux de se déplacer à grande allure, de se faire traîner par des cavaliers pour qui ils deviennent des soutiens remarquablement mobiles. Dans ce cas, on peut dire que les corps des skieurs peuvent, suivant les circonstances, jouer le rôle, sinon de cavalerie d’exploration, du moins de cavalerie de première ligne ou bien encore d’infanterie cycliste.

En montagne, au contraire, ou les grandes masses manœuvrent plus difficilement, et où il est impossible de maintenir suffisamment de cohésion dans un groupe important de skieurs, les troupes combattant en hiver seraient convoyées par des mulets portant munitions et mitrailleuses. Elles utiliseraient la raquette, qui aurait l’avantage de créer pour les bétes de somme des pistes suffisamment tassées, mais les services de sûreté et de reconnaissances seraient beaucoup plus rapidement effectués par des skieurs pouvant au besoin tenter un coup de main.

Quelles que puissent être ou devenir les opinions des hommes compétents au sujet de l’utilisation du ski en temps de guerre, il est indiscutable, en tout cas, qu’il est des plus utiles dans l’armée en temps de paix.

Il a permis aux différents postes d’hiver, trop longtemps isolés jusqu’alors, d’être reliés entre eux ; il a facilité le trajet des courriers et même les ravitaillements, car il est possible, quoi qu’il paraisse, de porter à ski des fardeaux, de chercher du bois dans les forêts et de se livrer à nombre d’occupations analogues.

Enfin le côté sportif du ski a été très utile aux petites unités des postes, auxquelles il a apporté une distraction saine et dont il a pu parfois relever le moral. Nous n’insisterons pas, l’ayant déjà fait ailleurs, sur la propagande, par l’exemple, des soldats en activité de service ou libérés, auprès des populations rurales ; ce n’est pas là le moindre des bienfaits du ski militaire.

CONCLUSION

Combien de fois avons-nous entendu des vieillards, hommes ou femmes, qui par curiosité se font conduire en traîneau sur les hauteurs hivernales, s’écrier : « Ah ! si le ski avait été connu de notre temps ! »

Qui sait si réellement ils en auraient fait ? Mais vous qui assistez au développement de ce sport, ne vous contentez pas de virages et de sauts ! Ayez des ambitions plus hautes ! Apprenez à voyager sur vos skis ! Les ressources d’énergie de l’homme se montrent à cette occasion et des capacités insoupçonnées se révèlent.

Le sport du ski peut être aussi une école de la vie. Mais il faut commencer loyalement et franchement, non comme un jeu ou parce que c’est la mode, mais avec un ardent désir de vaincre les difficultés qui s’opposent à vos efforts. On se rend compte alors que le ski est vraiment une école de courage et de décision qui rend l’homme souple et résistant. S’il exige parfois des sacrifices, il est aussi une source pure de joies saines et le bonheur d’une course folle sur la neige molle et veloutée est une compensation bien suffisante pour la dure fatigue éprouvée.

Un vieux tronc d’arbre barre-t-il le chemin ? Une conversion rapide et le danger est évité. Un ressaut raide se trouve-t-il sur la piste, impossible à fuir ? La peur monte peut-être à la gorge…… mais non, on se baisse, un saut, l’obstacle est franchi, et l’on poursuit allègrement son chemin.

La vie n’est-elle pas ainsi, la vraie vie ? Luttes audacieuses, malheurs inattendus, puis, de nouveau, bonheur et paix. Et quand on rentrera d’une excursion dans la montagne enneigée, personne ne répétera avec le roi Salomon : « Si c’était délicieux, ce fut aussi dur et pénible », mais plutôt : « Bien que ce fut dur et pénible, c’était pourtant délicieux ! »

TABLE DES MATIÈRES

 VII
COMMENT SE DÉPLACER SUR LA NEIGE ?
Le ski. — La raquette.
La luge. — Le skeleton. — Le toboggan. — Le bobsleigh.
Le traîneau.
Le traîneau automobile.
EN FRANCE : Les Vosges. — Le Jura. — Les Alpes. — Les Pyrénées. — Le Massif Central. — Algérie.
À L’ÉTRANGER : Suisse. — Autriche-Hongrie et Allemagne. — Suède et Norvège.
LE SKI
Le ski. — L’attache. — La canne. — L’équipement. — Le sac. — La neige. — Elle colle !
 80
 102
Construction du tremplin. — Comment doit-on sauter ? — Le départ. — Le saut. — Le maintien dans l’air. — Arrivée du saut. — L’arrêt. — Bons exercices pour le saut. — Le saut doit-il être long ou élégant ?
 118
Brisure des skis. — Manière de ménager l’attache. — Amas de neige sous les souliers. — Gauchissement des skis. — Freins. — Cannes en bambou. — Skis mal laqués. — Graisse de souliers. — Peaux. — Conservation et tendage des skis en été. — Conduites chaudes et radiateurs. — Lunettes de neige. — Boussole et carte. — Cours de ski.
Le ski et l’individu. — Le ski et la collectivité. — Le ski dans l’armée.
 132


14671-11. — Corbeil. Imprimerie Crété.


  1. Balata : bande épaisse en poil de chameau.
  2. Une modification très ingénieuse de la boucle d’Ellefsen est celle imaginée par de Conninck (Koski).

    Sa supériorité sur les autres attaches réside en ce que la courroie du talon peut être ou n’être pas une courroie sans fin. Par suite il sera plus facile de s’en débarrasser en cas de chute afin de quitter son ski.

    Le levier peut s’ouvrir de lui-même parfois, mais dans ce cas l’anneau est retenu par la griffe (a) qui l’empêche de se détacher fortuitement.

  3. La meilleure manière de se chausser consiste à mettre sur des chaussures solides et lacées de simples chaussons de drap. Ceux-ci s’imprègnent de neige, gèlent un peu à la surface et deviennent tout à fait imperméables. Ils ont d’ailleurs fait leurs preuves dans les écoles régimentaires où, depuis qu’ils sont employés, on n’a plus eu à déplorer un seul pied gelé.
  4. Le « fart », d’importation norvégienne, est un mélange de paraffine et de substance colorée, généralement verte. Ce mélange solide est facile à emporter et produit un excellent effet.
  5. Il est bon aussi, lorsqu’on passe de la neige durcie à la neige molle, ce qui arrive souvent, d’avancer un peu le pied afin d’augmenter la stabilité pendant la période de transition.
  6. Un procédé très ingénieux a été imaginé par un médecin militaire, M. le Dr Morisson. Il fait reposer sur deux skis le brancard réglementaire par l’intermédiaire de quatre cubes de bois fixés à chaque extrémité des skis et portant des logements pour les pieds du brancard.