Traduction par René Auscher.
Hachette & Cie (p. 40-43).
LE SKI EN FRANCE

Le ski, introduit en Suisse et en Allemagne vers 1890, y atteignait vite un grand développement, en particulier dans la Forêt-Noire, non loin de la frontière française.

En France, au contraire, son développement, comme celui des sports en général, fut tardif et lent.

En 1878, pourtant, un Dauphinois, M. Duhamel, avait importé, pour la première fois, des skis en France et avait tenté, par son exemple, de développer dans les Alpes ce nouveau sport. Ses patientes démarches n’aboutirent, qu’en 1896, à la fondation du premier Club de Ski français, le « Ski-Club des Alpes ».

Mais c’est à l’armée, en somme, que les populations des montagnes sont redevables de la vulgarisation de ce merveilleux instrument et de son succès. En 1901, en effet, un officier du 159e régiment d’infanterie, le lieutenant Clerc, en garnison à Briançon, créa la première École Régimentaire de ski.

Ses efforts, joints à ceux d’officiers norvégiens envoyés en mission, portèrent leurs fruits.

Il fallut, surtout dans les débuts, démontrer que l’on pouvait, sans équipement trop spécial, effectuer des randonnées partout et par tous les temps. De nombreuses marches faites durant cette période, avec des moyens rudimentaires et surtout une technique des plus sommaires, eurent pourtant pour effet de montrer aux troupes et aux alpinistes le parti qu’ils pouvaient tirer de ces appareils. Quant à la population montagnarde, elle regarda d’abord avec étonnement et méfiance ce nouveau mode de locomotion, si différent des raquettes habituelles.

Mais les progrès devaient s’accentuer davantage, et cela grâce, en grande partie, au Club Alpin Français et surtout au Touring Club de France, à leur esprit d’initiative et à l’influence dont ils jouissent auprès des pouvoirs publics.


CHASSEUR ALPIN APPRÉCIANT LA LONGUEUR D’UNE PAIRE DE SKIS PAR RAPPORT À SA TAILLE.
(Cliché Branger.)

Tout d’abord, on envoya à l’École Normale de Briançon, destinée uniquement à former des officiers skieurs, des représentants de l’armée des Alpes, puis des Pyrénées et des Vosges. Ce stage était des plus précieux pour eux. Ils devenaient capables de former des instructeurs qui, rentrés dans leurs foyers, répandraient parmi leurs compatriotes, avec le goût du ski, sa technique et ses procédés sommaires de fabrication. C’est, en effet, à l’atelier des Écoles de Briançon que furent faites les premières études permettant d’établir à prix réduit l’outil de précision qu’est le ski de Telemark et de contribuer, par cela même, à son expansion dans les régions les moins fortunées.

À cette époque, les skis provenaient presque exclusivement de Norvège et étaient très coûteux. Le Touring Club de France subventionna l’École de Briançon et, par ses soins, un certain nombre de paires sortant de ses ateliers furent distribuées aux soldats libérés.

Ces encouragements ne furent pas inutiles. Il se constitua des Clubs de ski dans les Alpes d’abord, puis dans les Pyrénées, puis en Auvergne, dans les Vosges et même, plus tard, en Algérie. Grâce à l’exemple donné par leurs membres, à une propagande intense faite sous le patronage du Club Alpin Français, ces clubs développèrent ce sport parmi les populations de leurs régions respectives.

Dans les Alpes, en particulier, les enfants, eux-mêmes séduits, abandonnèrent leurs patins, leurs « carrosses » (sorte de luge très basse), utilisèrent des douves de tonneaux munies d’un simple étrier et s’exercèrent dans les champs couverts de neige à glisser et même à sauter. Ils ont formé une forte pépinière de jeunes gens souples et hardis qui arriveront sans doute sous peu à opposer aux champions norvégiens, jusqu’alors invincibles, de rudes adversaires.

D’ailleurs en 1909, un jeune Français, Couttet, originaire de Chamonix, fut envoyé par les soins du Touring Club de France au Concours de Holmenkollen, en Norvège. Il est le premier Français qui ait pris part à cette redoutable épreuve où il fut très honorablement classé à l’épreuve de saut.

Un premier Concours International eut lieu en mars 1907 au Mont Genèvre, dans le Briançonnais, avec la collaboration des troupes alpines de France et d’Italie. On y vit aussi quelques professionnels norvégiens. Ils furent étonnés des résultats obtenus par les troupes françaises, composées de jeunes gens ne connaissant le ski que depuis deux hivers au plus. Leurs belles performances, dues à l’énergie, la hardiesse et l’habileté légendaires du soldat français, émerveillèrent le célèbre champion norvégien Durban Hansen lui-même, qui vit l’École Régimentaire en tenue de campagne, sac au dos, avec une technique à peine supérieure à celle du début, accomplir des prouesses remarquables, dans un terrain particulièrement accidenté et rempli d’embûches.

En somme, on peut dire que ce Concours fut un fait capital au point de vue du ski. Les Norvégiens y avaient enseigné, à des élèves attentifs et préparés à les comprendre, les vrais principes de la descente, la beauté du saut, l’emploi de deux cannes et l’usage et la pratique des Telemark et Christiania.

Ce fut le point de départ d’une ère nouvelle en France, au point de vue de la doctrine.

En 1908, le Touring Club de France créa des bourses de voyage pour les officiers des Alpes, des Pyrénées et des Vosges. Ceux-ci étudièrent en Norvège la technique et la fabrication du ski, et furent les véritables instructeurs en France.

Depuis lors des Concours Internationaux sont régulièrement suivis chaque année ; d’autres, régionaux, comprenant des prix pour la fabrication des skis, sont de plus en plus nombreux et fréquentés ; des Semaines d’Hiver, organisées par le Club Alpin français et le Touring Club de France, entraînent nombre de citadins que les exigences de la vie actuelle retiennent trop souvent dans les villes pendant l’hiver.

Indépendamment de toutes ces manifestations, des Clubs nombreux excursionnent régulièrement pendant la froide saison. Ils utilisent et créent des hôtels et refuges, et apportent ainsi une vie nouvelle aux régions autrefois abandonnées pendant de longs mois.

En somme, on peut dire qu’actuellement partout où il y a de la neige, même à Saint-Cloud !… on fait du ski, et que les sports d’hiver, en général, sont cultivés.

Il existe des villégiatures d’hiver en France, comme en Suisse ou dans le Tyrol.