Histoire de la littérature grecque (Croiset)/Tome 5/Texte entier2

Alfred Croiset et Maurice Croiset : Histoire de la littérature grecque, tome 5 (p. 543-)


CHAPITRE IV
LES ANTONINS. — LA SOPHISTIQUE ET SON INFLUENCE.

bibliographie

Les Sophistes. Les déclamations attribuées à quelques-uns des sophistes du second siècle se trouvent partiellement dans les Oratores graeci de Reiske (t. VIII). Leipzig, 1770-75 ; dans les Oratores attici de Bekker (t. IV et V), Berlin, 1874, de Dobson (t. IV). Londres, 1828, de C. Muller (t. IV), Paris, Didot, 1858. Voir, dans le chapitre même, les notes bibliographiques relatives à Polémon et à Hérode Atticus. Un assez grand nombre de fragments sont cités par Philostrate, dans ses Vies des Sophistes ; ils n’ont pas été réunis à part.

Ælius Aristide. Pour les manuscrits, consulter la préface de l’édition de Bruno Keil. — La première édition complète parut à Florence en 1517, par les soins de Bonini. Au XVIIIe siècle, Samuel Jebb donna une grande édition en deux volumes (Oxford, 1722-1730), avec les scolies et des notes, des prolégomènes, etc. Celle-ci fut remplacée, cent ans plus tard, par celle de J. Dindorf, 3 vol. in-8o, Leipzig, 1829, qui est restée en usage jusqu’à nos jours ; elle contient, outre le texte, des prolégomènes, les scolies, les Collectanea historica ad Aristidis vitam de J. Masson, diverses préfaces d’éditeurs antérieurs, et les témoignages anciens et récents sur Aristide ; le texte en est souvent défectueux. L’édition critique à employer aujourd’hui est celle de Bruno Keil, Ælii Aristidis quae supersunt omnia, en deux volumes, Berlin, Weidmann, 1898.

Maxime de Tyr. Édition princeps, H. Estienne, 1557. Édition de D. Heinsius, Leyde, 1607-1614, et, avec traduction latine, 1630 ; de Davis, Cambridge, 1703, et Londres, 1740 ; de Reiske, Leipzig, 1774-1775 ; de F. Duebner, jointe à Théophraste, dans la Bibliothèque Didot, Paris, 1840. Nous n’avons pas encore d’édition critique.

Lucien. Manuscrits. Sur les manuscrits et leur classement, voir Sommerbrodt, Neue Jahrbüchrr für Philologie, t. 150, fasc. 9, où il établit que l’archétype étant perdu, nos mss. sont tous des sources secondaires, mélangées et troublées ; leur valeur diffère d’un écrit à l’autre ; le texte doit donc être établi pour chaque écrit par la comparaison des meilleurs manuscrits, qui sont souvent à corriger. — Éditions. La première édition est celle de Florence, 1496. Les principales à signaler ensuite sont : celle de Hemsterhuys et Reitz, Amsterdam, 1743, achevée à Trèves, en 1746, 4 vol. in-8o, avec traduction latine, scolies, et notes variorum ; celle de Lehmann, Leipzig, 1822-29, en 9 vol. in-8o, qui n’est guère qu’une reproduction de la précédente dans un format plus maniable ; celle de Jacobitz, 4 vol., Leipzig, 1836-41, reproduite et améliorée dans la Biblioth. Teubner, 1871-74 ; celle de G. Dindorf, dans la Biblioth. Didot, Paris, 1840. La meilleure était jusqu’ici l’édition de Fr. Fritzsche, Rostock, 1860-1874. Elle sera remplacée par celle de Sommerbrodt, qui est en cours de publication. — Sommerbrodt a publié aussi une édition classique d’écrits choisis, avec des introductions et des notes, qui est à recommander (Ausgewaehlte Schriften des Lucian, Berlin, Weidmann, 1860).

Alciphron. La première édition complète des Lettres d’Alciphron fut celle de Bergler, Leipzig, 1715, avec une traduction latine et des notes. Elle a été améliorée successivement par Wagner (Leipzig, 1798), par Seiler (Leipzig, 1853, la meilleure édition annotée) ; par Meineke (Leipzig, 1853, avec des notes critiques), par Hercher (Epistolographi græci de Didot, Paris, 1873, avec traduction latine et annotation critique).

Poètes. — Pour Denys le périégète, Marcellus de Sida, et les poètes secondaires, voir les notes au bas des pages. — Oppien. Le principal ms. des Ἀλιευτικά est le Taurinensis 39, qui offre les scolies les plus complètes. Première édition, Florence, 1515. Avec les Cynégétiques, Venise, Alde, 1517. Principales éditions postérieures : Turnèbe, Paris, 1555 ; Rittershusius, Leyde, 1597, avec un commentaire ; Schneider, Leipzig, 1813, avec des notes critiques ; F. S. Lehrs, dans le vol.  des Poetæ didactici de la Bibl. Didot, Paris, 1842, texte amélioré, ou l’éditeur a profité des Conjectanea critica in Oppianum d’Arm. Koechly (Leipzig, 1838). Les scolies, avec les paraphrases, ont été publiées dans un autre vol. de la même bibliothèque, à la suite de celles de Théocrite et de Nicandre (par Bussemaker, Paris, 1848). — Babrius. Manuscrits. Le principal manuscrit est celui du mont Athos, Athous, qui fut découvert par Minoïde Minas, en 1843. Un second recueil, que le même Minas prétendit avoir trouvé, fut reconnu pour une falsification (C. Wachsmuth, Rhein. Mus. XXII). Outre les fables de l’Athous, un certain nombre d’autres, plus ou moins altérées, nous ont été conservées par un manuscrit du Vatican. Enfin, quelques-unes ont été retrouvées sur des tablettes de cire à Palmyre (Hesseling, Journal of Hellenic studies, XIII, 1892-93). Une paraphrase en prose des fables de Babrius, conservée à Oxford (Paraphrasis Bodleiana), sert à contrôler, et quelquefois à compléter, les sources manuscrites indiquées. Voir la préface de l’édition de Crusius. — Éditions. Première édition, d’après la copie du manuscrit de l’Athos de Minoïde Minas, par Boissonade, Paris, 1844. Éditions de Lachmann, Berlin, 1854 ; de Schneidewin, Leipzig, 1853 ; de Lewis, Londres 1859, avec le prétendu supplément de Minoïde Minas ; de Bergk, dans son Anthologie lyrique, avec le même supplément ; d’Eberhard, Berlin, 1875. P. Knæll, qui a publié la paraphrase Bodléienne (Vienne, 1837), a donné aussi quelques fables nouvelles d’après le manuscrit du Vatican ; elles ont été corrigées par Eberhard, Analecta Babriana, 1879. Édition de Gitlbauer, Vienne, 1882, avec quantité de restitutions purement hypothétiques ; de Rutherford, Londres, 1883, avec plusieurs dissertations, des notes critiques, un commentaire et un lexique, ouvrage très recommandable pour l’étude de la langue. La meilleure édition critique aujourd’hui est celle de Crusius, Leipzig, Teubner, 1896, avec des prolégomènes importants ; le texte en est reproduit dans une editio minor, qui fait partie de la Biblioth. Teubner, Leipzig, 1897. — Pour les autres poètes nommés, voir les notes au bas des pages.

Rhéteurs, grammairiens, métriciens, musicographes. Consulter, pour chacun en particulier, les notes au bas des pages. Les textes subsistants d’ouvrages de rhétorique se trouvent dans les Rhetores graeci de Walz, et les plus intéressants dans les Rhetores graeci de Spengel. — Pollux. Les meilleurs manuscrits sont le Falckenburgianus et le Parisinus 2670 ; voir les préfaces des éditions de Dindorf et de Bekker. Première édition : Venise, 1502. Éditions principales : Lederlin et Hemsterhuis, vol. in-fol., Amsterdam, 1706, cum notis variorum ; G. Dindorf, 5 vol., Leipzig, 1824, cum notis variorum ; Bekker, Berlin, 1846, texte amélioré sans notes. — Harpocration. Sur les manuscrits, voir la préface de l’édition de Dindorf. Le lexique nous est parvenu sous deux formes, l’une à peu près complète, l’autre abrégée. Pour le texte complet, le meilleur ms. est le Romanus C 4, 17 (A de Dindorf) ; pour l’abrégé, le Palatinus. Première édition : Venise, Alde, 1503. Éditions principales : Maussac, Paris, 1614, avec des notes et une dissertation ; Gronovius, Leyde, 1696, avec ses notes et celles de H. de Valois ; Bekker, Berlin, 1833. La meilleure est celle de G. Dindorf, 2 vol., in-8o, Oxford, 1853. — Héphestion. Sur les manuscrits, consulter la préface de l’édit. des Script. metrici de Westphal. Les trois meilleurs sont deux mss. de Cambridge et un de Paris ; mais ils ne contiennent pas les scolies ; celles-ci se trouvent dans deux manuscrits d’Oxford, le Saibantianus et le Meirmannianus[illisible]. Première édition, Florence, Junte, 1526. Les plus importantes sont : celle de Turnèbe, Paris, 1553 ; de Gaisford, Oxford, 1855 ; enfin de Westphal, dans les Scriptores metrici, t. I, de la Bibliothèque Teubner, 1866, avec les scolies.

Les Parémiographes. Mss. Bodleianus et Coislinianus. — Éditions : Paroemiographi graeci, ed. Th. Guisford, Oxford, 1836 : Corpus Puroemiographirum graecorum edid. E. L. von Leutsch et Schneidewin, 2 vol., Gottingæ, 1839 et 1851.


Sommaire.

I. Importance de la sophistique. Ses origines. — II. Principaux sophistes du second siècle : Nikétès, Scopélien, Isée ; Secundus, Lollianos, Polémon ; Hérode ; ses disciples. — III. Éducation des sophistes, Débit et mimique. Les Ἐπιδείξεις. Voyages, conférences, public. Diverses sortes de discours. Lettres. Descriptions. Les succès des sophistes et leurs mœurs. — IV. Ælius Aristide et Maxime de Tyr, — V. Lucien ; sa vie ; ses œuvres. — VI. Son rôle, sa vocation satirique. Le moraliste ; l’incrédule ; le critique. — VII. Son talent. Esprit et fantaisie. Style. — VIII. Ses créations littéraires : le dialogue ; le pamphlet ; le récit fantastique. Conclusion. — IX. Alciphron. — X. La poésie au second siècle, Oppien ; Babrios ; Straton. — XI. La rhétorique. Alexandre, fils de Nouménios, l’Anonyme de Séguier, Théon ; Hermogène et son œu- vre. — XII. Auxiliaires des rhéteurs. Grammairiens et lexicographes : Apollonios Dyscole et Hérodien ; les Atticistes ; Julius Pollux, Harpocration. Parémiographes : Zénobios. Métriciens : Héphestion. Musicographes.

I

Un grand fait domine l’histoire de la littérature grecque au second siècle ; c’est la popularité qu’acquiert alors l’éloquence d’apparat, connue sous le nom de Sophistique. Cette sorte d’éloquence, malgré tout le mal qu’on peut en dire à bon droit, est incontestablement la forme d’art la plus remarquable que le génie grec ait produite dans son dernier âge. Accueillie et saluée avec enthousiasme, reconnue partout comme une création vraiment nationale, elle a soulevé, il est vrai, parmi les contemporains déjà, des critiques acerbes, et justifiées ; mais, outre qu’elle a exercé son influence sur ceux-mêmes qui la combattirent, la guerre qu’ils lui ont faite prouve doublement sa puissance ; d’abord parce qu’on n’attaque point avec une telle violence ce qui est sans force ; ensuite, parce qu’en dépit des railleries et des réactions, elle a maintenu son autorité sur l’esprit grec jusqu’aux derniers temps. Ce que nous avons à étudier en elle, c’est donc tout autre chose qu’une mode brillante, mais éphémère ; c’est en réalité l’une des phases importantes et décisives de l’évolution qui a mené la littérature hellénique à sa fin[1].

La sophistique est issue naturellement de la tradition d’art des siècles classiques, sous l’influence des conditions sociales propres à la période de l’Empire. Elle a dû sa naissance, par conséquent, à la fois à des causes intérieures et à des causes extérieures ; c’est aux premières qu’il faut attribuer l’importance principale.

L’art littéraire, constamment excité et cultivé en Grèce pendant la période classique, en même temps qu’il créait au profit des générations suivantes une richesse extraordinaire d’idées et de mots, leur avait enseigné les moyens de les multiplier encore. Cette richesse acquise et cette facilité à l’augmenter étaient, pour ainsi dire, inhérentes à la langue même et à la littérature ; de telle sorte qu’elles passaient, avec cette langue et cette littérature, à tous ceux qui recevaient la culture grecque, quelle que fût d’ailleurs leur nationalité. C’était une partie de l’hellénisme, la plus brillante et la plus pleine de séduction. Tout esprit bien doué, qui faisait des auteurs grecs, poètes et prosateurs, sa nourriture intellectuelle, acquérait ainsi une souplesse et une finesse nouvelles ; ce vocabulaire, si varié, apportait avec lui tout un monde de pensées et de sentiments ; cette littérature, si inventive, éveillait l’invention. En tout genre, des modèles qui provoquaient l’imitation, mille souvenirs curieux pour orner la mémoire, des routes tracées d’avance au raisonnement, toutes sortes d’exemples à suivre et de thèmes à développer. Par là s’entretenait une ambition littéraire fondée sur la conscience de ressources vraiment merveilleuses.

Lorsque l’hellénisme, au premier siècle de l’Empire, reprit complètement, dans la paix, le sentiment de sa valeur et de sa puissance, cette ambition devint plus vive encore. Or, entre toutes les formes littéraires, aucune ne lui convenait mieux que l’éloquence. C’était celle qui se prêtait au plus grand nombre d’usages, qui mettait le plus en lumière ses représentants, qui pouvait le plus aisément rassembler en elle-même les mérites divers de tous les genres, puisqu’elle touchait à la fois à l’histoire, à la jurisprudence, à la philosophie morale, à la dialectique, à la poésie même. Plus libre d’ailleurs que la poésie, plus mêlée aussi aux intérêts du jour et plus en état de s’en servir, elle semblait répondre, d’autre part, bien plus que la philosophie ou l’histoire, à une conception complète de la beauté, car elle faisait plus large place aux mérites de l’invention et de l’arrangement, sans parler de ceux de l’expression et du débit. Pour toutes ces raisons, elle était comme la forme prédestinée, sous laquelle l’art hellénique pouvait espérer renaître et fleurir encore, avec tout son éclat et toutes ses délicatesses.

Ainsi, ce furent vraiment les besoins de l’esprit grec et la force de sa tradition qui la poussèrent au premier rang. Mais c’est à l’état de la société qu’elle doit ses caractères propres.

Depuis la chute de la liberté grecque, l’éloquence avait déserté la place publique et avait dû renoncer aux grands sujets politiques. Pourtant, elle avait continué à s’exercer dans les écoles, et même à se produire au dehors, soit en présence d’auditoires choisis, soit dans des cérémonies, soit devant les magistrats. Mais l’école était son domicile propre. Tous ses représentants illustres étaient des maitres de rhétorique par profession, qui ne devenaient orateurs que par occasion. L’empire et la renaissance hellénique ne changèrent rien à cela. L’éloquence, privée de l’agora, eut toujours son foyer dans l’école, et ce fut de l’école qu’elle rayonna au dehors. Son caractère distinctif lui vient de là. Alors même qu’elle cherche à agir, dans les assemblées, devant les tribunaux, dans les ambassades, ce n’est jamais une éloquence d’action, au vrai sens du mot, car elle porte sans cesse avec elle les habitudes scolaires. Le sophiste est, par définition, un professeur qui compose des discours modèles, et, partout où il parle, sa préoccupation visible est toujours d’en composer de tels. Son éducation ne s’est pas faite au contact des hommes, dans la mêlée des intérêts et des passions ; uniquement instruit par la lecture, habitué à l’approbation docile de ses élèves ou d’auditeurs choisis, il ne peut avoir ni le sens de la réalité, ni cette sincérité d’inspiration qui vient du désir de faire triompher une idée juste. Quoi qu’il entreprenne, la grande affaire pour lui, qu’il s’en rende compte ou non, est de se faire admirer. Voilà pourquoi toute l’éloquence de ce temps est une éloquence d’apparat, une « sophistique » à proprement parler, qui vise surtout à paraître. Mais, telle qu’elle est, elle donne satisfaction à un besoin profond de l’hellénisme d’alors ; elle lui procure l’illusion de la beauté littéraire ; elle l’éblouit par des artifices prodigieux, qui ne sont sans doute que de l’art frelaté, mais qui éveillent chez ses admirateurs, presque autant que l’art vrai, la sensation de la puissance de l’esprit, grâce à la variété des moyens et à la surprise de l’effet.

Par ses origines historiques, la sophistique se relie sans interruption à l’éloquence des contemporains grecs de Cicéron. Elle procède des écoles alors florissantes en Asie et dans les îles. Nous la voyons grandir dans les Controverses de Sénèque le père, où figurent de nombreux rhéteurs grecs : mais ce n’est vraiment qu’à partir du règne de Néron, ou, mieux encore, après l’avénement des Flaviens, qu’elle commence à prendre sa place définitive dans le monde. C’est à Smyrne qu’elle jette le plus d’éclat ; mais elle règne aussi à Éphèse, à Pergame, à Tarse, à Antioche, à Athènes, et peu à peu dans toutes les grandes villes du monde grec. Sa popularité va croissant sous Néron et Trajan. Elle atteint son apogée sous Adrien, Antonin, Marc-Aurèle, vers le milieu du second siècle ; puis, elle se soutient et dure à travers les siècles suivants, jusqu’aux derniers temps de l’hellénisme.

II

Ses représentants sont légion. Le premier par la date, et le restaurateur de l’art, selon Philostrate, fut Nikétès de Smyrne[2], qui se rendit célèbre, à la fois comme professeur et comme avocat, sous les Flaviens et jusque sous Nerva. Véritable orateur asiatique, à la parole emphatique et sonore, dont les discours avaient quelque chose de dithyrambique. — À côté de lui, se place son disciple Scopélien[3], de Clazomène, qui enseigna également à Smyrne, avec un immense succès, sous les règnes de Domitien, de Nerva et de Trajan ; il fut député par le conseil d’Asie à Domitien pour faire lever l’interdiction dont l’empereur voulait frapper la culture de la vigne. — Puis, le syrien Isée[4], merveilleux improvisateur, que Pline le jeune entendit à Rome, probablement sous Trajan, et dont il a vanté le talent dans une lettre aussi piquante qu’instructive.

Dans la génération suivante, les plus illustres sont Secundus d’Athènes, le maître d’Hérode Atticus, puis Lollianos et Polémon.

Lollianos, d’Éphèse[5], disciple d’Isée, et brillant improvisateur comme lui, vint à Athènes, sous Adrien, occuper, le premier, la chaire publique d’éloquence qui venait d’y être fondée, probablement par la ville[6] ; il y fut stratège, titre qui lui donnait le premier rang dans la cité. C’était, au dire de Philostrate, un dialecticien subtil et inventif, fécond en mots frappants qui étaient autant d’arguments, mais médiocrement habile à composer. Il ne reste rien de lui.

Antonius Polémon[7], né à Laodicée de Carie, d’une illustre famille, après avoir étudié à Smyrne sous Scopélien, s’illustra à son tour dans cette ville, comme professeur et comme orateur, sous les règnes d’Adrien et d’Antonin. Son rôle public y fut très grand. Il eut l’honneur d’y présider les jeux Olympiques qu’Adrien y institua. Son éloquence apaisa les discordes de la ville et fit valoir en plusieurs circonstances les intérêts de ses habitants auprès des empereurs. Inscrit par Adrien au nombre des pensionnaires du musée d’Alexandrie, il prononça devant ce prince à Athènes le discours d’inauguration de l’Olympieion, qui venait d’être achevé. Par son faste, par les honneurs qui l’entouraient, Polémon jeta sur la profession de sophiste un éclat encore inconnu. Toute l’Asie grecque se passionna pour son éloquence. Son prodigieux talent d’improvisation, la véhémence de sa parole, la puissance de sa voix, la force dramatique de son action, soulevaient des applaudissements enthousiastes. On croyait voir et entendre en lui un autre Démosthène. Il fut, sous Adrien et Antonin, la gloire de Smyrne, qui se montrait presque aussi fière de lui que du souvenir d’Homère. Un grand nombre de ses discours avaient été publiés ; Philostrate les mentionne, de manière à montrer qu’il les avait lus. Deux seulement sont venus jusqu’à nous[8]. Ce sont deux plaidoyers contradictoires dans une cause imaginaire, dont voici la donnée. Une loi d’Athènes ordonne que le père du combattant qui sera tombé le plus glorieusement sur le champ de bataille prononce l’oraison funèbre des guerriers morts pour la patrie. Après la bataille de Marathon, le père du polémarque Callimaque et celui de Cynégyre se disputent cet honneur[9]. Si curieux que soient ces deux morceaux comme monuments de l’éloquence du temps, il est impossible aujourd’hui à un homme de sens de lire sans dégoût des pages où tout l’effort d’un esprit singulièrement inventif et exercé n’aboutit qu’à de sottes antithèses, à des jeux d’esprit ridicules, à des fanfaronnades et à des hyperboles enfantines.

Un peu plus jeune que Polémon, Hérode Atticus[10] surpassa en célébrité tous les sophistes de ce temps. Né vers 403, à Marathon, d’une illustre famille athénienne, il dut à son père Atticus, avec une immense fortune, le goût passionné de l’éloquence. Ses maîtres furent Scopélien et Favorinus ; plus tard, il entendit Polémon et profita de ses exemples, mais il ne fut jamais son élève à proprement parler. Dès le temps d’Adrien, il occupa d’importantes fonctions publiques ; ce prince lui donna la surveillance sur les villes libres d’Asie, au temps où Antonin était gouverneur de cette province. Malgré un différend qui s’était produit entre eux, Antonin, devenu empereur, lui conféra la dignité consulaire en 143. Nous ne savons pas au juste en quel temps il séjourna à Rome, mais il est certain qu’il s’y fit applaudir comme improvisateur[11]. Parvenu, jeune encore, au faîte des honneurs, il devint le bienfaiteur de la Grèce et en particulier d’Athènes. Ses libéralités étaient immenses ; les monuments qu’il éleva excitaient l’admiration universelle. Parmi les plus célèbres, citons le Stade de l’Ilissos et l’Odéon. Malgré ses largesses, il eut des ennemis qui l’attaquèrent violemment auprès de l’empereur Marc-Aurèle, sans réussir à lui faire perdre la faveur de ce prince. Il vécut sous son règne, comme il avait vécu, sous celui d’Antonin, soit à Athènes même, soit, en été, dans sa magnifique villa de Képhisia[12], partageant son temps entre les exercices professionnels, l’enseignement de son art et les représentations sophistiques, où il brillait[13]. Des deuils répétés l’éprouvèrent cruellement ; il perdit sa femme, Régilla, et ses deux filles. Du moins, la considération publique ne cessa de l’entourer jusqu’à sa mort. Quand Marc-Aurèle institua l’enseignement officiel à Athènes en 176, ce fut lui qu’il chargea de choisir les quatre premiers titulaires des chaires de philosophie[14]. Sa maison resta, pendant toute sa vieillesse, l’un des centres littéraires de la Grèce. On venait de toute part le voir et l’entendre ; les philosophes et les rhéteurs, sans parler des personnages politiques, tenaient également à honneur d’y être admis. Il mourut à 76 ans, probablement vers 179, un peu avant Marc-Aurèle.

Hérode Atticus laissait des Éphémérides, qui semblent avoir été une sorte de journal littéraire, une Correspondance très étendue[15], et des Discours. Tout cela est entièrement perdu[16]. D’après le témoignage de Philostrate, son éloquence se distinguait surtout par l’agrément, par la douceur et par une facilité élégante. Entre les Attiques, le modèle qu’il préférait était Critias, qu’il remit en honneur parmi ses contemporains.

Vers la fin du règne de Marc-Aurèle, la sophistique est dans tout son éclat. Toute une génération de rhéteurs, la plupart sortis de l’école d’Hérode Atticus, brillent dans les différentes villes du monde gréco-romain : Aristoclès à Pergame[17], Aristide à Smyrne, de qui nous parlerons bientôt plus en détail, Adrien de Tyr à Athènes d’abord, puis à Rome ; et, avec eux, Chrestos de Byzance, Pausanias de Césarée, Apollonios de Naucratis, Antipater de Hiérapolis, Aspasios de Ravenne, Rufus de Périnthe, beaucoup d’autres qui figurent avec honneur dans la galerie de Philostrate. La sophistique se perpétue ainsi sous Commode, Pertinax, Septime Sévère. Nous la retrouverons florissante au iiie siècle, et nous reprendrons alors son histoire dans un autre chapitre. Pour le moment, il est à propos d’essayer de caractériser, dans ses traits généraux, l’art dont nous venons de faire connaître quelques-uns des principaux représentants.

III

L’éducation du temps, par l’importance qu’elle donnait à la rhétorique, semblait faite pour préparer des sophistes et pour leur assurer des auditeurs. En tout cas, c’était le résultat le plus sûr qu’elle obtenait. Parmi les élèves qui fréquentaient les écoles en renom, les mieux doués devenaient sophistes ; les autres, spécialement dressés à les admirer, formaient le public dont ils avaient besoin. Rien d’étonnant dès lors si la profession de sophiste était également recherchée des jeunes gens issus des familles riches et de ceux qui visaient à faire fortune. Elle réalisait l’idéal qu’ils avaient tous eu devant les yeux dès l’enfance, elle offrait à leurs facultés surexcitées le seul emploi qui leur permît de se développer pleinement, elle promettait à leur amour-propre les applaudissements, à leur ambition les honneurs, à leur activité l’influence et le maniement des grandes affaires,

Mais l’éducation donnée à tous ne suffisait pas à faire le sophiste de profession. Outre les exercices préparatoires qui constituaient l’enseignement ordinaire de l’école, il devait pratiquer des exercices spéciaux et quotidiens, qu’il n’abandonnait jamais impunément, alors même qu’il était en pleine possession de son talent.

En premier lieu, des lectures incessantes. Le sophiste avait besoin de connaître à fond l’histoire politique de la Grèce, depuis le temps de Solon jusqu’à la mort d’Alexandre ; car les sujets qu’il avait à traiter, souvent à l’improviste, étaient presque toujours empruntés à cette période. Il acquérait cette connaissance par la lecture des historiens et des orateurs de l’âge classique, qui devaient lui être familiers. Il fallait également qu’il fût au courant des lois, institutions, usages du même temps, et qu’il eût en mémoire le plus possible de faits curieux, de légendes, d’anecdotes ; mais tout cela s’acquérait par les mêmes lectures, et l’érudition proprement dite lui était étrangère. Outre les historiens et les orateurs, son éducation première lui avait fait connaître les philosophes et les poètes. C’était son intérêt d’entretenir et d’augmenter sans cesse cette connaissance[18] ; car il tirait de tels souvenirs quantité d’idées, de raisons, d’allusions, de citations directes ou indirectes, d’imitations avouées ou dissimulées, sans lesquelles son art eût été impossible. Quant à l’observation directe des choses et des hommes, c’était ce qui lui importait le moins, car il n’en avait que faire.

Tous ces matériaux, ses maîtres de rhétorique lui avaient appris dès sa jeunesse à les mettre en œuvre par l’invention, la disposition et l’élocution. Mais la pratique seule pouvait développer et entretenir en lui l’habileté spéciale dont il avait besoin. Aussi, tous les sophistes en renom s’exerçaient-ils constamment, soit à improviser, soit à méditer, soit à écrire. Isée passait toutes ses matinées à préparer ses discours[19] ; Scopélien travaillait la nuit[20] : Hérode Atticus, jusque dans sa vieillesse, déclamait quotidiennement devant un cercle d’élèves choisis[21]. Grâce à ce labeur incessant, leurs facultés oratoires se développaient prodigieusement. L’usage rapide de toutes les ressources de l’art passait chez eux à l’état d’instinct. Un sujet leur étant donné, ils en voyaient immédiatement les principaux aspects, les divisions possibles ; à mesure qu’ils le traitaient, les pensées de détail leur apparaissaient sous la forme à la mode, et la phrase se modelait avec une facilité merveilleuse. Lorsque Polémon, dans l’improvisation, tournait une période savante, il souriait en arrivant au dernier membre, de manière à laisser voir qu’il exécutait ce tour de force sans la moindre peine[22]. La vraie réflexion n’est lente que parce qu’elle va au fond des choses ; eux, qui ne se souciaient ni de sincérité ni de profondeur, satisfaits d’un ordre superficiel et d’une invention spécieuse, acceptant tout ce qui brillait, sans scrupule de goût ni de vérité, finissaient par vibrer au plus léger contact, pour se répandre ensuite à l’infini en vaines sonorités.

Dans cette éloquence toute tournée vers l’effet, le débit ; qui faisait impression sur le public, était, après l’invention, la grande affaire. Le sophiste devait travailler sa voix comme un chanteur, pour lui donner la souplesse, l’éclat, la variété, dont elle était capable. Les mieux doués obtenaient ainsi des résultats étonnants ; le discours devenait dans leur bouche une sorte de chant aux modulations infinies. « Polémon, nous dit Philostrate, avait une voix éclatante, pleine de force, et sa langue faisait sonner les mots merveilleusement[23]. » Alexandre, surnommé Péloplaton, « mettait dans son discours des rythmes plus variés que ceux de la flûte et de la lyre ; » un jour, interrompu au milieu d’une improvisation par l’arrivée d’Hérode Atticus, il la recommença, « en changeant les pensées et les rythmes. » Lorsque Adrien de Tyr occupait la chaire de sophistique à Rome, il attirait, au témoignage du même auteur, ceux-là même qui ne comprenaient pas le grec. « On venait l’entendre comme un rossignol mélodieux, tant on était ravi du charme de sa voix, de sa tenue, de la souplesse de sa prononciation et des rythmes de son langage, qui était tantôt simple parole et tantôt chant[24]. » IL est vrai que quelques critiques d’un goût sévère, comme Lucien, se moquaient de ces discours en musique et de ces roulades[25] ; mais le public en était charmé, et c’était au public qu’on voulait plaire.

Naturellement, la mimique était en rapport avec la voix. Il fallait qu’un bon sophiste fût un bon acteur. Scopélien parlait souvent avec une mollesse affectée, assis sur son fauteuil ; mais lorsque le sujet y prêtait, il s’animait, se dressait brusquement, se frappait la cuisse, comme pour s’exciter lui-même. Il excellait dans les sujets médiques, où il jouait à merveille les rôles des Darius et des Xerxès ; nul ne rendait comme lui le mélange de hauteur et de naïveté qui convenait à des rois barbares[26]. Polémon, dans les moments pathétiques, bondissait de son siège et frappait du pied, nous dit Philostrate, « comme le coursier d’Homère »[27]. En fait, ces discours fictifs ressemblaient beaucoup à des discours de tragédie ; celui qui les débitait incarnait en lui le personnage qui était censé parler ; il était tenu, pour bien faire, d’exprimer par sa physionomie, par sa tenue, par ses gestes, le caractère qui lui était propre et les sentiments qu’il lui attribuait[28].


Les séances oratoires données par les sophistes s’appelaient, d’un terme général, des montres (ἐπιδείξεις) ; expression qui servait aussi à désigner les discours qu’on y produisait en public. Ces séances, les sophistes les donnaient assez souvent dans la ville où ils résidaient ; par exemple, lorsqu’un personnage de distinction venait à passer et désirait admirer leur talent. Mais, non moins ordinairement, ils allaient se faire entendre dans les villes voisines, quelquefois fort loin de chez eux ; car le sophiste était voyageur ; il avait besoin de changer de public, pour ne pas s’user trop rapidement, et il y gagnait d’ailleurs d’étendre au loin sa réputation. Dès qu’il se sentait en état de plaire, il entreprenait une tournée oratoire, en Asie, en Syrie, en Égypte, en Italie, plus loin même, jusqu’en Gaule et en Espagne, partout où il pouvait compter sur des auditeurs lettrés, suffisamment frottés d’hellénisme[29]. L’éducation des classes cultivées étant alors la même, à peu de chose près, dans doute l’étendue de l’empire, le sophiste était sûr d’être bien accueilli dans toutes les provinces qui possédaient des écoles grecques.

En général, sa réputation le précédait et excitait dans le public une vive curiosité[30]. Accueilli dans chaque ville par les maîtres et les élèves, il organisait une ou plusieurs séances, auxquelles venaient assister tous ceux qui se piquaient de bon goût et de bonne éducation. Ces conférences avaient lieu le plus souvent dans les locaux où enseignaient les rhéteurs de l’endroit (ἀκροατήρια), quelquefois dans des salles spécialement ornées et aménagées à cet effet, avec plus ou moins de luxe, soit par les villes, soit par les particuliers[31] ; rarement enfin, lorsque l’affluence était grande, dans les théâtres.

Certains sophistes, même parmi les plus illustres, apportaient là des discours écrits. C’est ce que semblent avoir fait Ælius Aristide, Lucien, Maxime de Tyr, beaucoup d’autres ; et parmi ceux-ci, les uns lisaient, les autres débitaient de mémoire. Quelques-uns offraient au public plusieurs sujets et lui laissaient la liberté de choisir ; lorsqu’un grand personnage assistait à la séance, c’était à lui, naturellement, qu’était attribué l’honneur du choix. Mais les improvisateurs renommés demandaient simplement à leurs auditeurs de leur désigner un sujet. Ils prenaient alors quelques minutes de réflexion, et ils parlaient d’abondance.

Le public, passionné pour l’art à la mode, écoutait avec une attention d’abord curieuse et bientôt frémissante. À mesure que le discours se développait et qu’on voyait naître les pensées inattendues, les arguments ingénieux et subtils, les sentiments pathétiques, l’enthousiasme éclatait. À certains moments, les cris d’admiration, les applaudissements partaient de tout côté[32]. Une belle période, savamment conduite, qui s’achevait comme d’elle-même sans effort apparent sur une cadence mélodieuse, ravissait tous ces connaisseurs, comme chez nous, une belle phrase musicale dans un concert. Les traits brillants, les sentences, les antithèses étaient acclamés. De moment en moment, l’exaltation grandissait[33] ; elle passait du public à l’orateur, qui, tout transporté par le succès, semblait se surpasser lui-même en invention dialectique, en abondance de mots sonores, en sentiments vibrants et passionnés[34]. La séance finissait dans une sorte d’ivresse, au milieu de laquelle les compliments les plus hyperboliques paraissaient à peine suffisants.


La nature de ces discours était assez variée. Souvent, ils ne différaient en rien par les sujets de ceux qu’on prononçait dans les écoles. C’étaient des exercices (Μελέται), et on les appelait communément ainsi. Volontiers, on en prenait la matière dans l’histoire grecque, de manière à mettre en scène des personnages connus et des circonstances dramatiques. On faisait parler Solon demandant qu’on effaçât ses lois, puisque Pisistrate avait supprimé la liberté ; Xénophon, réclamant le droit de mourir avec Socrate ; Démosthène, jurant qu’il n’avait pas reçu cinquante talents d’Alexandre ; ou encore un Spartiate, conseillant à ses compatriotes de ne pas recevoir dans la cité les prisonniers de Sphactérie[35]. L’histoire y était traitée fort librement. On lui demandait de fournir des personnages et une situation ; mais on en modifiait les données et on créait sans se gêner des circonstances de fantaisie. Certains sujets, comme ceux qui viennent d’être cités, plaisaient, parce qu’ils fournissaient matière à de beaux sentiments. D’autres, au contraire, parce qu’ils semblaient ingrats et par la même faisaient valoir d’autant plus le mérite d’invention de l’orateur. Polémon avait composé le discours d’un des alliés de Sparte, conseillant, après la victoire d’Ægos Potamos, de détruire Athènes et de disperser les Athéniens dans les dèmes[36].

À côté de ces harangues pseudo-historiques, figuraient les plaidoyers fictifs, qui étaient censés prononcés devant des tribunaux imaginaires et qui s’appuyaient le plus souvent sur une législation de fantaisie. C’étaient les sujets juridiques (ὑποθέσεις δικανικαί), dont les Controverses de Sénèque le père nous ont conservé tant d’exemples. On plaidait pour un adultère pris en flagrant délit (ὁ μοιχὸς ὁ ἐκκεκαλυμμένος)[37]. pour un fils renié par son père (ὁ ἀποκηρυττόμενος)[38]. Mais, le plus souvent, on imaginait des situations étranges et contradictoires. « Une loi ordonne de mettre à mort celui qui a excité une sédition et de récompenser celui qui l’a fait cesser. On supposera que le même homme ayant excité une sédition et l’ayant fait cesser, réclame la récompense »[39]. Tantôt on développait longuement les arguments de la cause, tantôt on se piquait au contraire de les resserrer autant que possible. Secundus d’Athènes traita en quelques mots le sujet précédent :

Des deux actes en question, quel est le premier dans l’ordre du temps ? C’est d’exciter la sédition. Quel est le second ? C’est de l’apaiser. Commence donc par subir le châtiment de la faute que tu as commise ; quant à la récompense de ta bonne action, viens la recevoir ensuite, si tu le peux.

Un autre genre fort en faveur était celui des Discours de cérémonie, qu’on pourrait appeler lyriques, puisqu’on leur appliquait les noms des anciens genres lyriques (Ἐγκώμια, ᾠδαί, μονῳδίαι, παλινῳδίαι, λόγοι γενεθλιακοί, ἐπιτάφιοι, ἐπικήδειοι) et que la distinction entre la prose et la poésie tendait de plus en plus à s’y effacer. Le recueil d’Ælius Aristide nous offre un certain nombre de compositions de cette sorte, destinées tantôt à des particuliers (Ἀπελλᾶ γενεθλιακός), tantôt à des villes (Ῥώμης ἐγκώμιον, Ἐλευσίνιος, Μονῳδία ἐπὶ Σμύρνῃ, etc.). Dans cette classe, se rangent les panégyriques, tel que le Panathénaïque du même orateur, et en général toutes les harangues officielles, si fréquentes en ce temps, discours d’inauguration, de remerciement, de félicitations, adressés aux grands personnages ou débités devant eux. Une des plus célèbres fut celle que Polémon prononça devant Adrien pour l’inauguration de l’Olympieion d’Athènes, achevé par ce prince. « L’Empereur, nous dit Philostrate[40], chargea Polémon de chanter l’hymne après le sacrifice (ἐφυμνῆσαι τῇ θυσίᾳ). Et lui, selon sa coutume, arrêtant d’abord ses regards sur les pensées qui déjà se présentaient à son esprit, s’abandonna ensuite aux discours (ἐπαφῆκεν ἑαυτὸν τῷ λόγῳ). Debout sur le seuil du temple, il exprima en abondance des pensées admirables, tirant son exorde de cette idée, que l’inspiration dont il était plein ne pouvait venir que d’un dieu. »

Une sorte de contrefaçon plaisante de ces éloges, qui eut grand succès dans les écoles du temps, fut le genre des compositions dites paradoxales, telles que l’Éloge du perroquet, l’Éloge de la mouche, simples jeux d’esprit qui nous paraissent puérils, mais qui donnaient à un public frivole le plaisir, très vif pour lui, d’admirer les ressources d’invention et les gentillesses inépuisables des artistes en discours qu’il aimait le plus.

Aux Μελέται, dont la définition même impliquait la recherche de l’effet et qui reposaient sur une fiction historique ou juridique ; s’opposait le genre de la Διάλεξις, qui avait quelque chose de moins apprêté dans la forme, puisque l’orateur, au lieu de jouer un rôle convenu, y parlait en son propre nom. Le sophiste qui voulait donner une séance oratoire commençait en général par une sorte de petit discours d’introduction, dans lequel il se présentait au public et cherchait à gagner sa bienveillance. C’était une διάλεξις. Il nous en reste un certain nombre de ce genre dans les œuvres de Lucien (Hérodote, Zeuxis, le Scythe, Bacchus). Le ton en est familier, l’invention agréable et parfois à demi plaisante ; c’était en quelque sorte un lever de rideau, la petite pièce avant la tragédie. En raison de ce caractère, on les appelait aussi causeries (παλιαί, προλαλίαι), noms qui furent ensuite appliqués par extension à d’autres genres de discours.

Mais si la διάλεξις n’était pour les rhéteurs qu’un prélude, elle était tout pour les philosophes qui enseignaient à la façon des sophistes. Eux n’inventaient pas de causes fictives, ils ne jouaient pas les Xerxès ni les Thémistocle ; ils venaient traiter devant le même public des sujets de morale. Leurs discours, appelés διαλέξεις, étaient proprement ce que nous nommons des Conférences. Le recueil de Dion Chrysostome, dont nous avons parlé plus haut, celui de Maxime de Tyr, sur lequel nous reviendrons plus loin, peuvent donner une idée assez complète du genre en lui-même et des variétés qu’il comportait. Pour quelques philosophes beaux esprits, dont Maxime de Tyr peut être considéré comme le type, la philosophie n’était guère qu’un prétexte, et leur auditoire ne différait pas sensiblement de ceux des sophistes. Déjà, au siècle précédent, le stoïcien Musonius en connaissait de tels, et Aulu-Gelle nous a conservé la vive critique qu’il faisait d’eux. « Lorsqu’un philosophe, disait-il, exhorte, convertit, conseille, réprimande, ou en général donne un enseignement quelconque, si ses auditeurs lui prodiguent, d’un cœur léger et libre, des louanges banales, si même ils poussent des cris, s’agitent comme transportés, si les grâces de sa voix et les modulations de ses phrases les émeuvent et les mettent hors d’eux-mêmes, sachez que celui qui parle et ceux qui écoutent perdent également leur temps ; ce n’est pas un philosophe qui parle, c’est un joueur de flûte qui se fait entendre[41]. » Quelque cinquante ans plus tard, Dion, parlant aux habitants de Tarse, traçait à peu près le même portrait :

« Vous avez dû entendre plus d’une fois des hommes divins, qui déclarent tout savoir, prêts à parler sur toute chose, » pour en expliquer l’ordonnance et la nature, sur les hommes, sur les génies, sur les dieux, ou encore sur la terre, sur le ciel, sur la mer, sur le soleil et sur la lune, ainsi que sur les autres astres, sur l’univers tout entier, sur la fin des choses et sur leur naissance, et sur mille autres sujets. J’imagine qu’ils viennent vous trouver et vous demandent quels discours vous désirez qu’ils tiennent et sur quels sujets, à la façon de Pindare prêt à chanter

Isménos, ou Mélia à la quenouille d’or, ou Cadmos ;

Puis, quelle que soit la matière que vous indiquez, le voilà qui part et qui lâche, tout d’un coup, une abondance de paroles, comme une masse d’eau enfermée en lui. Et vous qui l’écoutez, vous penseriez faire preuve d’un petit esprit, d’un véritable manque de tact, si vous l’interrogiez sur chaque point et si vous vous refusiez de croire sur parole un homme si habile. D’ailleurs, vous êtes enthousiasmés par la force et la rapidité de ses discours, et vous vous délectez à lui voir débiter ainsi, sans reprendre haleine, une telle quantité de paroles ».[42]

D’autres, il est vrai, prenaient leur rôle de sages plus au sérieux. Si Dion critiquait ainsi les faux philosophes, c’est que lui-même avait un sentiment plus haut de son devoir. Les conférences d’un Plutarque, d’un Favorinus même, d’un Euphrate, d’un Taurus, de beaucoup d’autres renfermaient d’utiles et saines leçons. Le précédent chapitre a montré déjà ce que ce siècle avait fait pour la morale, et nous verrons bientôt d’autres manifestations, non moins honorables, de la même tendance. Mais ces mérites, très réels, ne doivent pas nous faire méconnaître l’influence que la sophistique a exercée en ce temps sur la philosophie. La conférence philosophique, cédant au mouvement de l’opinion, tendait à devenir un genre oratoire, et il fallait aux vrais maîtres de morale une certaine fermeté pour se défendre d’un engouement si général.

En dehors même de la philosophie, les emplois sérieux ne manquaient pas absolument à l’art des orateurs de ce siècle. Beaucoup des sophistes en renom exerçaient, en même temps que la profession de maîtres de rhétorique, celle d’avocats[43]. Nikétès s’illustra plus encore par ses plaidoyers que par ses déclamations[44]. Scopélien n’y eut pas moins de succès[45] ; il plaidait gratuitement dans les causes criminelles, et se montrait, dans les causes civiles, plein de dignité et de modération[46]. Polémon, après eux, se fit d’abord connaître dans les tribunaux. Jeune encore, il vint plaider à Sardes avec grand succès, devant les centumvirs qui rendaient la justice en Lydie[47]. Hérode Atticus ne mit peut-être pas son éloquence au service d’autrui, mais il semble bien qu’il se soit défendu lui-même dans les nombreuses affaires où il fut engagé. Vers le même temps, Lucien débutait, lui aussi, comme avocat, devant les tribunaux d’Antioche. Ce serait donc une erreur grave de croire que ces artistes d’éloquence aient négligé ou dédaigné les affaires. Seulement, ils y portaient sans aucun doute beaucoup des habitudes de l’école, et les juges, dont le goût était celui du temps, ne s’y montraient pas insensibles. D’autre part, un certain nombre de causes importantes étaient évoquées devant le conseil de l’empereur à Rome, particulièrement les contestations assez fréquentes des villes entre elles. Celles-ci nommaient alors, pour les défendre, des avocats publics (σύνδικοι), qu’elles choisissaient toujours parmi les sophistes en renom. Les princes lettrés de ce siècle se faisaient un plaisir de les entendre et accordaient grand crédit à leurs raisons[48]. Il en était de même, lorsque ces orateurs étaient députés auprès d’eux, pour présenter les réclamations ou les sollicitations des villes ou des provinces[49]. Enfin, il ne faut pas oublier que la plupart des cités grecques d’Asie avaient conservé une vie municipale assez active, qu’elles tenaient des assemblées et discutaient leurs affaires intérieures. Des hommes éloquents avaient là l’occasion d’exercer leur talent. Dion de Pruse, sous Trajan, joua un certain rôle public dans son pays. Il en fut de même, pendant tout le second siècle, de presque tous les sophistes en renom. Scopélien et Polémon eurent tour à tour une grande influence sur le peuple turbulent de Smyrne[50]. Dans ce rôle, leur éloquence devait certainement se faire plus grave, plus simple surtout, plus sérieuse ; elle avait à traiter d’intérêts réels et présents, à ménager de vraies passions, à faire appel à des sentiments délicats. Si les orateurs à la mode restaient, à certains égards, même à l’agora, les parleurs brillants et affectés qu’ils étaient dans l’école, il était impossible cependant qu’ils n’y fissent preuve aussi de qualités d’hommes d’affaires et même d’hommes d’État.

Outre les discours, les sophistes cultivaient un certain nombre de genres littéraires qui servaient d’exercices aux écoliers dans les écoles, et dont les maîtres se plaisaient à donner des modèles. Ainsi les lettres et les descriptions. Il suffit de les indiquer ici ; nous aurons l’occasion d’y revenir plus loin, à propos de quelques écrivains qui s’y sont fait une notoriété.

La faveur que les hommes de ce temps accordaient à ce qui leur paraissait être l’éloquence ne se marquait pas seulement par leur empressement à applaudir les orateurs à la mode. La sophistique fut considérée par eux comme une des choses nécessaires à la vie sociale, et ils prirent leurs mesures pour en assurer le développement[51]. Les premières écoles qui acquirent une large réputation lors de la renaissance de l’éloquence grecque, celles des Nikétès, des Isée, des Scopélien, semblent avoir été des écoles purement privées. Mais bientôt les villes voulurent en avoir de publiques, avec des professeurs salariés. Faute de documents précis sur ce point, nous en sommes réduits à quelques faits incomplètement éclaircis. Nous savons par exemple qu’Antonin le Pieux accorda aux rhéteurs dans les provinces, non seulement des privilèges, mais des traitements, probablement payés sur les revenus des villes et complétés, en cas d’insuffisance, sur les fonds du fisc impérial[52]. C’est ainsi sans doute que Lollianos, comme nous l’avons vu plus haut, occupa le premier la chaire de sophistique d’Athènes[53]. Un peu plus tard, en 176, Marc-Aurèle créa, dans la même ville, une chaire impériale pour le même enseignement ; et il y appela un des disciples d’Hérode Atticus, Théodote[54]. Partout, d’ailleurs, soit à Rome, soit dans ses voyages, il témoignait le plus vif intérêt aux sophistes en renom ; il allait les entendre et les comblait de présents[55]. Ce fut probablement lui aussi qui institua à Rome la chaire de rhétorique grecque, où parurent successivement Philagrios de Cilicie et Adrien de Tyr[56]. Il faut ajouter à cela que l’administration impériale offrait aux beaux esprits un certain nombre de places recherchées soit dans la chancellerie, soit dans certains offices judiciaires[57].

Ainsi encouragés par l’opinion publique, par les villes et par l’État, les sophistes devinrent, dans le cours du second siècle, une classe d’hommes singulièrement en vue, dont la vanité dépassa quelquefois toute mesure. Parmi ceux dont Philostrate a raconté la vie, les plus illustres, les Scopélien, les Polémon, les Hérode Atticus, donnèrent tous des preuves d’un orgueil maladif. Quand Adrien de Tyr professait à Athènes, il paraissait dans sa chaire, vêtu des plus riches habits et chargé de pierres précieuses ; il venait faire ses conférences sur un char dont les chevaux portaient des mors d’argent, et il s’en retournait ensuite chez lui comme un triomphateur, escorté par une foule d’admirateurs qui affluaient de toutes les provinces grecques[58]. De telles folies révèlent mieux qu’aucune réflexion le vice secret d’un art qui déshabituait les esprits de la vérité.

IV

Deux hommes, entre les représentants de la sophistique, méritent d’être étudiés ici un peu plus en détail que les autres, parce que leurs œuvres nous ont été conservées en grande partie : ce sont Ælius Aristide et Maxime de Tyr.

Publius Ælius Aristide[59], né à Adriani en Mysie, l’an 129 ap. J.-C., appartenait à une famille riche. Après avoir reçu sa première éducation à Cotyæon en Phrygie par les soins du grammairien Alexandre, dont il écrivit plus tard l’éloge funèbre (Or. XII), il étudia l’art oratoire à Pergame dans l’école d’Aristoclès, puis à Athènes auprès d’Hérode Atticus. Vers l’âge de vingt ans, il visita Rhodes, et fit un voyage de quelque durée en Égypte (Or. XLVII, Αἰγύπτιος) : il traversa tout le pays jusqu’aux frontières de l’Éthiopie, mais séjourna surtout à Alexandrie, où il fit applaudir ses premières œuvres oratoires. En 155, à la suite d’un voyage en Italie, accompli en hiver dans les plus mauvaises conditions, il fut pris d’une maladie qui le mit en grand danger et se prolongea, pendant dix-sept ans, jusqu’en 172. Il passa ce temps tantôt à Smyrne, tantôt, et plus souvent, à Pergame, auprès du temple d’Asclépios, occupé à se soigner d’après les indications qu’il croyait recevoir en songe du dieu lui-même. Le détail de ces consultations et du traitement extraordinaire qui en fut la suite se trouve, sous une forme très confuse, dans les six Discours sacrés (Ἱεροὶ λόγοι, Or. XXIII-XXVIII) qu’il écrivit à partir de 170. Même pendant sa maladie, Aristide n’avait jamais abandonné l’exercice de son art ; au milieu de ses souffrances, et tout en se soumettant à une cure des plus pénibles, il continuait à écrire des discours. Une fois guéri, il se livra plus ardemment encore à la pratique de l’éloquence. En 176, il eut l’honneur de haranguer Marc-Aurèle et Commode à Smyrne. Deux ans après, en 178, un tremblement de terre ayant détruit une partie de cette ville, il écrivit une lamentation oratoire, Μονῳδία ἐπὶ Σμύρνῃ (Or. XX) ; puis, ce qui valait mieux, il contribua par une lettre éloquente (Or. XLI Ἐπιστολὴ περὶ Σμύρνης), à obtenir le concours de Marc-Aurèle pour le relèvement de la ville ruinée. Bientôt, il en célébra la brillante restauration dans sa Palinodie (Or. XXX, Παλινῳδία ἐπὶ Σμύρνῃ) et dans son Adresse à Commode au nom de Smyrne (Or. XXII, Προσφωνητικὸς Σμυρναϊκός). C’est à cette même partie de sa vie que paraissent appartenir la plupart des grands discours de lui qui nous ont été conservés. Il mourut probablement en 189, à l'âge de soixante ans.

Il laissait une grande quantité d’écrits, dont la plupart nous sont parvenus. On peut les répartir en plusieurs groupes.

D’abord, les discours qui ont été composés pour des cérémonies réelles, ou à propos d’événements contemporains. Outre ceux que nous avons déjà mentionnés, (Or. XX, XLI, XXI et XXII), il faut citer le Panathénaïque (Or. XIII), prononcé à Athènes aux Panathénées, et où il résume à grands traits toute l’histoire d’Athènes ; l’Éloge de Rome (Or. XIV, Ῥώμης ἐγκώμιον), écrit probablement en 155 ; — quelques harangues politiques (Or. Or. XV, Σμυρναϊκὸς πολιτικός ; Or. XLII, Περὶ ὁμονοίας ταῖς πόλεσιν, prononcée à Pergame dans les premières années du règne de Marc-Aurèle pour recommander la concorde aux trois grandes villes d’Asie, Pergame, Smyrne et Éphèse, qui se disputaient la prééminence : Or. XLIV, Ῥοδιακὸς περὶ ὁμονοίας : Or. XL, Σμυρναίοις περὶ τοῦ μὴ κωμῳδεῖν ; — des discours de condoléance (Or. XIV Ἐλευσίνιος, sur l’incendie du temple d’Éleusis, en 182 ; Or. XLIII, Ῥοδιακός, à propos du tremblement de terre qui ravagea Rhodes, vers 155) ; — les deux panégyriques relatifs l’un au temple de Cyzique (Or. XVI), l’autre à l’eau de Pergame (Or. LV) : — tout un groupe de compositions à demi lyriques, en l’honneur de diverses divinités (Or. I-VIII), auxquelles on peut joindre les deux hymnes oratoires à la mer Égée (Or. XVII, Εἰς τὸ Αἰγαῖον πέλαγος) et au puits d’Asclépios (Or. XVIII, Εἰς τὸ φρέαρ τοῦ Ἀσκληπιοῦ) : un compliment à Antonin (Or. IX, Εἰς βασιλέα), composé vers la fin de son règne ; — enfin un petit nombre de discours d’un caractère privé (Or. X, Ἀπελλᾶ γενεθλιακός ; Or. XI, Εἰς Ἐτεωνέα ἐπικήδειος ; Or. XII, Ἐπὶ Ἀλεξάνδρῳ ἐπιτάφιος). — À ce premier groupe, se rattachent aussi les Discours sacrés, dont nous avons parlé plus haut.

Viennent ensuite les œuvres de discussion et de critique. En tête, le Περὶ Ῥητορικῆς (Or. XLV), plaidoyer en deux parties, dans lequel Aristide réfute l’opinion exprimée par Platon au sujet de la rhétorique dans le Phèdre et le Gorgias. Puis, la Lettre à Capiton (Or. XLVII), où il se défend d’avoir manqué de respect à Platon dans le précédent discours. L’Apologie pour les Quatre (Or. XLVI, Ὑπὲρ τεττάρων, ample justification historique de Miltiade, Thémistocle, Cimon et Périclès, dont Platon avait parlé dédaigneusement dans le Gorgias. Enfin, quel ques discours dans lesquels il répond à certains reproches personnels et critique à son tour ses rivaux (Or. XLIX, Περὶ τοῦ παραφθέγματος ; LI, Πρὸς τοὺς αἰτιωμένους ὅτι μὴ μελετῴη ; L, [60]).

Un troisième groupe comprend les Discours d’école (Μελέται), fondés sur des données fictives. Mentionnons en ce genre deux harangues sur le secours à envoyer en Sicile (Or. XXIX et XXX), censées prononcées à Athènes en 414 av. J.-C., et destinées à démontrer aux Athéniens, l’une qu’il faut envoyer des secours, l’autre qu’il ne faut pas en envoyer ; le discours XXXI, par lequel un Athénien conseille à ses concitoyens de traiter avec Lacédémone après les événements de Sphactérie, en 425 av. J.-C. ; le discours XXXII, attribué à un Lacédémonien qui conseille d’accorder la paix aux Athéniens vaincus, en 404 ; les cinq discours relatifs aux conséquences de la bataille de Leuctres (Or. XXXIII-XXXVI) : les deux harangues dites Symmachiques (Or. XXXVIII et XXXIX), qui se rapportent à l’alliance d’Athènes avec Thèbes contre Philippe. Quelques autres compositions du même genre ont été perdues[61]. On peut y joindre le discours III à Achille, dans lequel l’auteur refait, en l’amplifiant, l’allocution d’Ulysse au IXe chant de l’Iliade. Mais il faut écarter les deux discours LIII et LIV (À Démosthène sur l’immunité et À Leptine sur le même sujet) qui semblent devoir être tenus pour apocryphes[62].

Enfin nous possédons encore, sous le nom d’Aristide, deux traités de rhétorique, l’un Sur Le style oratoire (Περὶ πολιτικοῦ λόγου), l’autre Sur le style simple (Περὶ ἀφελοῦς λόγου), dont l’authenticité, il est vrai, a été contestée, mais qui paraissent cependant lui appartenir[63].

Personne peut-être, en ce temps, ne laisse mieux voir que lui ce qu’avait de fâcheux l’influence de la sophistique. Très richement doué par la nature, Aristide, s’il eût vécu dans d’autres conditions, aurait été un homme supérieur. La sophistique le prit, le détourna de la vérité et l’empêcha de donner ce qu’on pouvait attendre de lui.

Il eut certainement, par instants au moins, l’ambition d’être autre chose qu’un orateur d’école. Sa fortune, le renom de sa famille, son talent, la considération dont il jouissait, son crédit à la cour pouvaient lui permettre de jouer un rôle politique. Un certain nombre de ses discours sont de véritables harangues, qui touchent aux affaires du temps. Lorsqu’on les lit, on sent qu’elles ont dû être applaudies et rester sans effet. L’orateur s’y montre plein de ressources, mais incapable de serrer de près la réalité. Habitué à n’argumenter que sur des thèmes scolaires et d’après des livres, il ne sait pas analyser les choses de la vie. Jamais la situation présente n’y est étudiée sérieusement : nul exposé précis des difficultés à résoudre, des intérêts à satisfaire, des ménagements à garder, nul sens pratique, rien d’immédiatement applicable ; de belles paroles, des développements toujours généraux, une éloquence académique, qui a de l’essor, mais qui ne sait pas marcher sur le sol[64]. Même en ce temps et sous la surveillance de l’autorité impériale, il y avait autre chose que cela à dire, pour être utile ; mais il aurait fallu être simple, franc, parler sans vain souci de plaire, aller droit au fait, appeler les choses par leur nom ; et c’était justement ce dont Aristide avait cessé d’être capable.

Ajoutons que les succès oratoires avaient étrangement développé en lui la vanité et gâté le jugement. Ses Discours sacrés sont bien, quant au fond des choses, l’une des plus sottes et des plus impertinentes compositions qu’on puisse lire[65]. Impossible d’entretenir le public de ses misères physiques avec une infatuation plus ridicule. Il lui semble que son dieu n’a rien à faire que de s’occuper de lui, et que le monde entier doit être attentif à tout ce qui s’est passé entre eux. Nous n’avons aucune raison, quoi qu’on en ait dit, de douter de la sincérité de sa foi. La dévotion, en lui, s’alliait très bien à la vanité, ce qui n’a rien d’extraordinaire. Comment aurait-il douté qu’un personnage de son importance ne dût être l’objet d’une sollicitude divine toute particulière ? Cette sollicitude, il la sentait partout, il en jouissait, et il éprouvait le besoin de la publier : sa présomption puérile est la meilleure preuve de sa crédulité.

Aristide est donc un déclamateur. Mais, sous cet art sophistique qu’il étale avec complaisance, on ne peut nier que des qualités rares n’apparaissent et ne compensent même parfois ses défauts essentiels.

Dans un siècle où l’éloquence cherchait surtout à juxtaposer les traits brillants, il a su argumenter. Qu’il traite un sujet réel ou un sujet fictif, dès qu’il s’agit de raisonner, l’invention dialectique atteste chez lui des ressources vraiment remarquables[66]. Si le fond de son discours est historique, comme dans le Panathénaïque ou le Plaidoyer pour les Quatre, il sait tirer de l’histoire les exemples et les arguments avec une rare présence d’esprit. Les récits des grands écrivains classiques lui sont familiers ; il en a tout le détail à la fois devant les yeux ; les faits accourent à son appel pour les besoins de sa cause, avec un à-propos étonnant. De là l’intérêt qu’offrent ces discours pour la connaissance des événements dont il parle ; il est vrai qu’il les arrange à sa façon parce qu’il plaide ; mais il les connaît comme un bon avocat connaît le dossier qu’il a étudié. S’agit-il de discuter des opinions ? Même souplesse et mêmes ressources. Quand il défend la rhétorique contre Platon, c’est avec une abondance de raisons qui semble inépuisable. Pas une contradiction de l’adversaire ne lui échappe. Il s’empare de ses aveux, de ses concessions, de ce qu’il a pu dire ailleurs, et il le réfute par ses propres déclarations, pied à pied, en gagnant du terrain à chaque pas. Dans une argumentation si subtile et si abondante, il rencontre souvent la vérité. Mais les objections spécieuses se mêlent trop aux objections sérieuses, ce qui nous inquiète ; et, toujours, ce grand effort d’esprit donne l’impression de quelque chose d’artificiel, dont on se défie, alors même qu’on l’admire dans une certaine mesure.

Cette dialectique, d’ailleurs, est ce qu’il y a de meilleur en lui. Son pathétique est banal, faute de sincérité. Des discours tels que la lamentation funèbre sur Smyrne, qui se composent en grande partie d’apostrophes et de prosopopées, sont pour nous sans intérêt et sans valeur. Là où il faudrait de hautes pensées, des sentiments graves et forts, une philosophie en un mot, on ne trouve que le vide. Ses hymnes oratoires aux dieux ne nous renseignent que vaguement sur les croyances du temps, parce qu’ils ne sont eux-mêmes qu’un tissu d’idées vagues, et qu’ils procèdent, non d’un état de conscience, mais d’une pure habileté technique.

Par son style, Aristide est un des plus attiques entre les écrivains de ce temps[67]. Sachant par cœur, très certainement, une bonne partie des œuvres classiques, il se sert sans effort des ressources qu’elles lui fournissaient. Thucydide, Platon, Xénophon, Isocrate, Démosthène surtout, sont ses modèles favoris. Rivaliser avec ce dernier a été son ambition constante, et il s’est flatté plus d’une fois de l’avoir égalé, sinon surpassé[68]. En luttant avec lui, il ne craignait pas de lui prendre ses propres armes ; il est plein de tours, d’expressions, de raisonnements même, qui viennent directement de son modèle. Toutefois, l’allure de sa phrase n’a rien de la véhémence du grand orateur. Son style est plutôt une sorte de compromis entre sa manière et celle d’Isocrate, avec un mélange d’éléments abstraits qui procèdent de Thucydide. Qu’il ait quelque chose d’apprêté et d’artificiel, cela est incontestable. Mais pour les meilleurs juges de ce temps, il représentait, en face des improvisations frivoles et du mauvais goût régnant, la forte tradition classique[69]. N’ayant qu’une médiocre aptitude à improviser, Aristide s’était fait une préférence raisonnée pour l’éloquence étudiée, qui lui semblait plus sérieuse. Il se prenait lui-même pour un pur Attique, et il censurait de haut les écarts des parleurs contemporains, comme on peut le voir surtout dans son discours Contre ceux qui profanent l’éloquence (Or. L, Κατὰ τῶν ἐξορχουμένων). Quelle que fût la part d’illusion qu’il y eût dans cette opinion, elle provenait d’un sentiment juste des extravagances du temps, et elle a pu contribuer en quelque mesure à les discréditer[70].

Aristide, si admiré qu’il fût, n’eut guère d’élèves à proprement parler et ne fit pas école ; on trouvait son art trop difficile à pratiquer. Mais ses discours lui survécurent et rencontrèrent des admirateurs passionnés dans les siècles suivants[71]. Libanios doit être nommé parmi les plus fervents, ainsi que son contemporain Himérios[72] ; tout le moyen-âge byzantin partagea leurs sentiments ; les scolies et prolégomènes qui sont venus jusqu’à nous attestent combien ses œuvres furent étudiées alors dans les écoles. Les plus lues étaient le Panathénaïque et le discours Pour les quatre, où l’on trouvait, sous une forme oratoire, tout un résumé de l’histoire d’Athènes ; puis les deux discours Pour la rhétorique, où était loué l’art le plus en faveur auprès des héritiers de l’hellénisme. Si exagérée que nous paraisse cette réputation, elle n’était pas entièrement imméritée. Les autres sophistes de ce temps n’avaient eu en vue que le succès immédiat ; leurs œuvres ont disparu, comme cela devait être, avec ceux qui les avaient applaudies. Aristide, lui, unissant à un talent de forme au moins égal une tendance d’esprit plus réfléchie, s’était préoccupé davantage de la valeur durable des idées ; ses écrits sont restés longtemps comme une partie du patrimoine hellénique, et, aujourd’hui même, ils ne peuvent être entièrement négligés de ceux qui veulent le bien connaître.


Fort inférieur à Ælius Aristide, Maxime de Tyr ne nous intéresserait guère aujourd’hui, si ses écrits ne nous montraient à quel point la philosophie elle-même, en ce temps, pouvait être sous la dépendance de la sophistique.

Tous ce que nous savons de lui, c’est qu’il était originaire de Tyr, qu’il vint à Rome plusieurs fois et qu’il y séjourna sous Commode[73]. Philosophe platonicien[74], il semble avoir passé une bonne partie au moins de sa vie à voyager et à donner des conférences[75]. Les quarante-et-une dissertations (Διαλέξεις) qui nous restent de lui suffisent amplement à nous donner une idée juste de ce que fut son enseignement. Bien qu’il définisse très gravement l’éloquence philosophique et qu’il la veuille avant tout sérieuse et tournée vers l’efficacité pratique (Or. VII, c. 8), personne en ce temps n’a été plus esclave de toutes les frivolités de la rhétorique à la mode. Son style, d’une coquetterie laborieuse, rappelle la manière de Gorgias par ses affectations de symétrie. La préoccupation manifeste de l’auteur est d’ajuster et d’équilibrer ses phrases. Pour cela, il faut que la pensée se divise en une série de petits membres de même forme et de même étendue, qui se groupent en périodes, ou plutôt en strophes. Soumises à ce traitement, les idées s’allongent ou se raccourcissent, se multiplient, se coupent en morceaux, selon les besoins de la construction. Il serait vain de se demander si l’auteur peut être sincère, s’il cherche sérieusement la vérité, s’il est capable d’examiner à fond une question délicate. Toutes les ressources de l’amplification sophistique forment le tissu même de ses développements : citations des poètes, comparaisons superficielles, énumérations, exemples de fantaisie ; tout l’arsenal du bel esprit, tout le clinquant qu’on prenait en ce temps pour de l’or[76].

S’il faut chercher une doctrine sous ce verbiage prétentieux, celle de Maxime de Tyr est un platonisme éclectique, qui fait des emprunts, selon les sujets et les occasions, à l’aristotélisme, au stoïcisme, au néopythagorisme, et qui ne se défend guère que de l’épicurisme[77]. Elle offre quelque intérêt pour l’histoire de la philosophie, justement par cette façon d’amalgamer des idées de toute provenance, qui est caractéristique du temps, et aussi parce qu’à certains égards, notamment par la croyance aux démons, elle annonce, comme les écrits de Plutarque, l’avénement prochain du néoplatonisme[78]. Mais si l’on était tenté, d’après les titres de quelques-unes des dissertations de Maxime, de voir en lui un moraliste, au vrai sens du mot, c’est-à-dire un homme qui sait décrire les mœurs, les critiquer, étudier des états d’âme délicats, nous faire sentir à la fois nos misères, nos dangers, nos ressources, en un mot nous servir de guide dans le chemin de la vie, on serait absolument déçu[79]. Quelques ressemblances avec Plutarque ne doivent pas nous faire illusion[80] : l’un est un vrai philosophe, un bon et charmant conseiller, l’autre n’est qu’un rhéteur qui parle de philosophie. Et de même, en ce qui touche aux questions religieuses, Maxime les a beaucoup agitées : il traite de la nature de Dieu, de la providence, de la prière, du culte des statues, d’une foule de choses qui auraient dû l’amener à étudier la croyance de son temps, et par suite à nous la faire mieux connaître[81] ; mais, en fait, sauf quelques indications générales qu’on trouve aussi ailleurs, il y a peu à tirer de tous ces développements, qui restent uniformément vagues et superficiels dans leur élégance banale.

V

Le seul nom vraiment grand que nous rencontrions alors, sinon dans le domaine propre de la sophistique, tout au moins dans ses dépendances, est celui de Lucien. Il y a lieu de nous y arrêter plus longuement.

Lucien procède de la sophistique par son éducation et par certaines de ses habitudes d’écrivain, mais il s’en dégage par la vigueur native de son esprit et par l’indépendance de son caractère. C’est à la fois un remueur d’idées et un créateur de formes. Pamphlétaire, moraliste, conteur, dialecticien, il a une puissance intime qu’on ne trouve en ce temps chez aucun autre. Seul peut-être entre les écrivains de la période romaine, il rappelle par le génie ceux des siècles classiques ; il y a en lui de l’Aristophane et du Platon. Il unit la grâce à la force, l’esprit mordant à la clairvoyance, l’ironie charmante à la philosophie et à l’éloquence. Tous les sophistes contemporains, grands hommes pour leur public, ont disparu pour la postérité : lui seul reste vivant et domine son siècle. D’ailleurs, aucun plus que lui n’invite à penser. Il incarne l’hellénisme, et il en révèle le déclin. Il tourne avec un art merveilleux les ressources du passé à la destruction de ce que ce passé avait édifié. Son importance est aussi grande dans l’histoire des idées que dans celle des formes littéraires. Il est celui qui fait le mieux sentir quelle était encore la force de l’hellénisme et quelle était déjà sa faiblesse.

Sa vie ne nous est guère connue que par ce qu’il en a dit lui-même, çà et là, dans ses écrits[82]. Né à Samosate, dans la Syrie du Nord, vers l’an 125 de notre ère[83], lui qui devait un jour écrire en grec avec plus d’aisance, de grâce et de pureté qu’aucun de ses contemporains, il parla d’abord syrien. Ses parents étaient d’humbles gens, qui le destinaient à un métier manuel. Comme il se montrait habile, tout enfant, à façonner de petites figures de cire, on le mit en apprentissage chez un oncle maternel, fabricant de statuettes. Son ambition visait plus haut. À la suite de quelque maladresse d’apprenti, une scène violente eut lieu entre l’oncle et le neveu ; cela décida de son avenir. L’enfant obtint de ses parents qu’on le ferait étudier[84]. Nous ne savons où se fit sa première initiation à l’hellénisme ; il nous apprend seulement que son éducation s’acheva dans les écoles de rhétorique d’Ionie ; ce fut là que le jeune barbare devint, vers sa vingtième année, un Grec disert et cultivé[85]. S’il avait eu quelques maitres renommés, il s’en serait sans doute fait gloire ; il n’en a nommé aucun, probablement parce qu’aucun ne méritait d’être nommé. Mais ce vif esprit était de ceux qui vont d’eux-mêmes à la perfection. Au milieu de jeunes gens passionnés pour l’art de la parole, tout le stimulait et l’instruisait : il lut, il écouta, il s’exerça, il s’assimila tout ce qui s’offrait à lui ; ce fut une rapide et complète transformation, qui d’ailleurs n’altéra point en lui l’originalité native.

On lit dans Suidas qu’il fut avocat à Antioche[86]. C’est par là peut-être qu’il débuta, vers 25 ans et il put reprendre ce métier par occasion entre ses voyages. Toutefois, comme il a oublié d’en parler dans un passage où il raconte à grands traits l’histoire de ses débuts, il est à croire qu’il y tenait peu et n’en tira point vanité[87]. Non pas qu’il dût être mauvais avocat : il avait l’esprit ingénieux, subtil et clair à la fois, très inventif et raisonneur. Mais la nature lui avait refusé le goût des affaires. Il était fantaisiste, moqueur, artiste, aimait à se jouer des choses, à créer librement et légèrement. Que faire de tout cela au barreau ? Il s’échappa : la vie de sophiste voyageur convenait bien mieux à son tempérament. Ce fut en cette qualité qu’il parcourut le monde romain. Il donna des séances oratoires en Asie Mineure, en Grèce, en Macédoine, en Italie, en Gaule[88] ; là, même, il tenta un établissement, et obtint d’une ville, — probablement d’une des cités demi-grecques de la vallée du Rhône, — une chaire municipale de rhétorique avec de gros appointements[89]. Mais ces avantages ne le retinrent pas fort longtemps : il était trop grec désormais pour vivre longtemps loin de la Grèce.

Vers le début du règne de Marc-Aurèle, entre 161 et 165, nous le retrouvons en Orient ; il est en Ionie, puis à Antioche, en 163, lorsque l’empereur Verus y vient pour diriger la guerre contre les Parthes[90] ; il retourne sans doute alors à Samosate[91] ; puis, il prend son parti d’émigrer définitivement, emmène avec lui les siens et vient s’établir à Athènes[92].

Il dut y vivre environ une vingtaine d’années (de 165 à 185 approximativement), entre quarante et soixante ans[93]. C’est alors que son originalité d’écrivain s’affirme hautement. Dégoûté des mensonges de la rhétorique, il renonce avec éclat aux tribunaux comme à la sophistique[94]. Il se fait pamphlétaire et satirique. Il compose des dialogues, des libelles, des récits moqueurs ; il les lit en public et les publie ensuite[95]. Presque tous ses meilleurs écrits datent de ce temps. Au ton qu’il y prend, on sent qu’il est stimulé par le succès, et lui-même nous le dit expressément[96]. Il se moque des rhéteurs à la mode, des philosophes, des charlatans ; il arrange en scènes piquantes tantôt la mythologie et la morale, tantôt simplement les incidents de la vie universitaire d’Athènes. Frondeur de profession, il se fait des ennemis. Pour les tenir en respect, il a son merveilleux esprit, toujours prêt. D’ailleurs, sa hardiesse même, son incrédulité agressive groupent autour de lui les sceptiques, nombreux alors, et lui créent d’utiles relations parmi les Épicuriens, réunis selon leur coutume en sociétés amicales[97]. Il est donc un personnage dans Athènes ; mais, à la longue, il finit par s’y trouver un peu à l’étroit : amuser indéfiniment le même public est une lourde tâche pour l’esprit le plus fécond. Ajoutons que ses succès, à ce qu’il semble, lui rapportaient plus de renommée que de profit matériel. La vieillesse approchant, il se remet à voyager.

Quelques écrits de ce temps nous le montrent allant comme autrefois de ville en ville et donnant des séances littéraires[98]. Il y relisait ordinairement les légères et piquantes compositions qui avaient tant amusé les Athéniens ; mais, autant que nous pouvons en juger, il n’en créait plus guère de nouvelles ; le genre s’était épuisé entre ses mains, sans que son imagination eût rien perdu de sa vivacité. Dès lors, il était naturel qu’il se laissât tenter par une condition de vie plus stable. L’occasion s’en offrit à lui sous la forme d’une charge publique. Dans une de ses dernières confidences[99], il nous apprend, en s’en excusant spirituellement, qu’il est haut fonctionnaire en Égypte, assistant du gouverneur romain pour la direction des affaires judiciaires. Il avait l’ambition d’aller plus loin encore : d’autres Grecs avant lui étaient devenus gouverneurs de provinces ; une si brillante fortune ne lui paraissait plus impossible[100]. Ses espérances ne se réalisèrent pas. Nous le perdons de vue à partir de ce temps ; ce qui donne lieu de supposer qu’il mourut dans ses fonctions, probablement vers la fin du règne de Commode, c’est-à-dire peu avant 192. Suidas rapporte qu’il fut déchiré par des chiens ; il a pris pour des chiens les Cyniques (οἱ κύνες), que Lucien avait cruellement fouaillés à plusieurs reprises, et qui à leur tour l’avaient mordu à belles dents, sans qu’il s’en portât d’ailleurs plus mal[101].

La collection des œuvres de Lucien, telle qu’elle est parvenue jusqu’à nous, comprend 82 écrits, parmi lesquels deux petites compositions dramatiques en vers, la Tragédie de la goutte (Τραγῳδοποδάγρα) et Pied-léger (Ὀκύπους), ainsi qu’un recueil d’Épigrammes, composé de 53 morceaux.

Un certain nombre de ces écrits ne lui appartiennent certainement pas ; pour quelques autres, la question d’authenticité est douteuse ; en revanche, il est possible que plusieurs de ceux qui étaient de lui aient été perdus[102]. Comme tous les écrivains originaux, Lucien a eu des imitateurs[103] ; quelques-uns de leurs essais se sont mêlés à ses œuvres ; d’autres ouvrages ont pu lui être imputés, en raison de confusions de noms ou de simples méprises. C’est ainsi qu’il faut rendre au premier Philostrate le Néron[104] et à l’académicien Léon l’Alcyon[105]. Le Philopatris est un pamphlet du moyen-âge byzantin (seconde moitié du xe siècle)[106]. Le recueil des Cas de longévité (Μακρόβιοι) semble devoir être attribué au temps de Tibère[107]. Les Amours (Ἔρωτες) dont nous ignorons l’origine, diffèrent absolument, par leur style prétentieux et raffiné, de la manière propre à Lucien. Il est impossible, pour une raison analogue, de lui attribuer ni l’Éloge de Démosthène (Δημοσθένους ἐγκώμιον), où il n’y a vraiment aucune trace de son esprit ou de sa finesse, ni le Charidème, dialogue sophistique sur la beauté, sans idées et sans élégance. Le court traité Sur l’Astrologie (Περὶ ἀστρολογίης), en dialecte ionien, offre une imitation artificielle de la manière et du style des vieux philosophes ioniens : l’auteur feint de croire à l’astrologie, mais il la réduit en fait à peu de chose ; il est d’ailleurs incrédule à l’égard de la mythologie, qu’il interprète à la façon d’Évhémère. Nous ne reconnaissons pas là le tour d’esprit ordinaire de Lucien ; tout au plus, pourrait-on y voir un exercice de style, ou une fantaisie de lettré, appartenant à sa jeunesse, s’il n’était bien plus probable que l’ouvrage lui a été attribué simplement en raison de sa tendance générale. L’opuscule Sur la déesse syrienne (Περὶ τῆς Συρίης), également en dialecte ionien, est une description du temple d’Hiérapolis et des cérémonies qu’on y célébrait : le mélange curieux de crédulité et d’observation critique qui s’y fait remarquer dénote un tout autre esprit que celui de Lucien : rien d’ailleurs ne lui ressemble moins que l’exactitude minutieuse dont l’auteur fait preuve ; il n’a de commun avec Lucien que sa nationalité, car il se donne pour Syrien (c. 1).

La présence de ces écrits apocryphes dans la collection de Lucien autorise a priori à en tenir pour suspects un certain nombre d’autres : car elle prouve que le recueil a été composé sans esprit critique et sans garanties suffisantes. De là des doutes, qui ont été parfois poussés fort loin. Bekker, dans son édition, exclut comme apocryphes 28 écrits divers, sans d’ailleurs donner de raisons. D’autres, avant ou après lui, sans se montrer aussi sceptiques, ont rejeté tels ou tels écrits ; par exemple le Traité des Sacrifices, le Démonax, l’Âne, les drames en vers, les Épigrammes, etc. Contentons-nous de remarquer ici que ces doutes ou ces exclusions reposent plutôt sur des impressions personnelles que sur des preuves vraiment probantes ; et il arrive souvent que ces impressions ne tiennent pas assez de compte des conditions particulières de certaines compositions[108]. Sans nous attacher par conséquent à un parti pris de conservation absolu, disons qu’il y a lieu, dans la plupart des cas, de se défier de jugements trop prompts. Au reste, les écrits dont l’authenticité est certaine sont assez nombreux pour que l’appréciation du caractère et du talent de Lucien demeure en fin de compte parfaitement solide.


Ces écrits ne peuvent plus au jourd’hui, faute de renseignements précis, être rangés dans un ordre chronologique rigoureux. Mais comme quelques-uns d’entre eux pourtant ont des dates, au moins approximatives, et que ceux-là permettent d’établir, dans la vie de Lucien, certaines époques, il n’est pas impossible de répartir les autres, d’après leurs caractères, entre les grandes phases de sa carrière d’écrivain[109].

Au début, se placent d’abord les exercices de pure rhétorique, le Meurtrier du tyran (Τυραννοκτόνος), le Fils chassé par son père (Ἀποκηρυττόμενος), les deux Phalaris, qui n’ont d’autre intérêt que de caractériser la période où Lucien appartenait entièrement à la sophistique ; puis, tout à côté, l’Éloge de la mouche (Μυίας ἐγκώμιον), l’Ambre (Περὶ ἠλέκτρου), les Dipsades (Περὶ τῶν διψάδων), la Salle (Περὶ τοῦ οἴκου), le Jugement des voyelles (Δίκη φωνηέντων), enfin l’Éloge de la patrie (Πατρίδος ἐγκώμιον), l’Hippias, et le Pseudosophiste, si ces trois morceaux sont vraiment de lui ; non que ces diverses compositions aient une date certaine, mais parce qu’en tout cas elles ne révèlent dans leur auteur que le bel esprit, très habile à plaire. Tout cela est spirituel, fin, coquet, quelquefois amusant, mais sans aucune portée. Toutefois, dans la Salle, les descriptions sont d’un artiste délicat, et le Jugement des voyelles, sous sa forme plaisante, offre un intéressant document, relatif à la prononciation contemporaine. Il est probable qu’au milieu de ces futilités brillantes doit être insérée une œuvre plus sérieuse, le Nigrinus, où Lucien raconte un épisode de sa jeunesse, sa visite au philosophe Nigrinus à Rome, leur entretien, et l’émotion vive, mais passagère, qu’il en ressentit[110]. Ce fut comme une brusque apparition de la philosophie dans cette vie de succès frivoles, et il l’a notée en traits frappants. Cette première série d’œuvres se clôt par le Songe (Περὶ τοῦ ἐνυπνίου), où Lucien, déjà connu, et rentrant dans son pays, raconte son enfance à ses compatriotes de Samosate ; par les Portraits (Εἰκόνες) et la Défense des Portraits (Ὑπὲρ τῶν Εἰκόνων), dialogues composés, comme on l’a vu plus haut, en 163, et dans lesquels l’auteur fait ingénieusement l’éloge de la belle Panthéa de Smyrne qu’aimait alors l’empereur Lucius Verus ; enfin, par la jolie satire Sur la manière d’écrire l’histoire (Πῶς δεῖ ἱστορίαν συγγράφειν), écrite peu avant la fin de la guerre des Parthes, qui se termina en 165.

Une seconde série d’écrits commence vers ce temps et remplit la plus grande partie de la vie de l’auteur. D’une manière générale, ils ont tous un caractère philosophique, plus ou moins prononcé. Cette série s’annonce par le dialogue sur la Pantomime (Περὶ ὀρχήσεως), l’Anacharsis et le Toxaris, si ces trois compositions sont vraiment de Lucien. Dans le premier, l’auteur défend l’art de la pantomime contre les condamnations ou les préjugés des moralistes, ce qui l’amène à nous donner sur cet art quantité de renseignements intéressants. L’Anacharsis se rapporte à la question du rôle et de l’utilité de la gymnastique. Le Toxaris est surtout un recueil de traits d’amitié, agréablement contés. — Mais c’est à partir de l’Hermotime, composé par Lucien à quarante ans[111], probablement en 166, qu’il est vraiment lui-même. Son parti est pris en matière de philosophie : il repousse le dogmatisme métaphysique, pour s’en tenir au sens commun et à un scepticisme mitigé. Dans la Double accusation, qui est à peu près du même temps[112], il déclare hautement sa rupture avec la rhétorique, art de mensonge et de coquetteries puériles, indigne d’un homme sérieux, et il définit le dialogue satirique, dans lequel il débute avec éclat. La jolie scène intitulée les Sectes à l’encan semble lui avoir valu en ce genre un succès particulier, non sans quelque scandale. Ce scandale fait justement le sujet du Pêcheur ; véritable profession de foi philosophique et satirique, où il se déclare investi par la philosophie elle-même de la mission de démasquer toutes les impostures. Très certainement, ces quatre compositions ont dû se suivre à fort peu d’intervalle.

Autour d’elles, se groupent tous les dialogues satiriques ; quelques-uns, peut-être antérieurs, mais de peu, à ces manifestes retentissants ; la plupart, ou contemporains, ou écrits sans interruption dans les années immédiatement suivantes. En général, la satire morale y est mêlée à la raillerie des mythes et des croyances ; toutefois, en proportion inégale. La morale prédomine dans les Dialogues des morts, l’Arrivée aux Enfers (Κατάπλους), la Nécromancie, le Charon, les Lettres Saturnales, le Cynique, le Coq, le Timon, les Vœux ; Lucien y marque, en traits vifs, parfois cyniques, certains aspects généraux de l’humanité, vanité des désirs, fausses opinions sur le bonheur, poursuite ardente des plaisirs, des richesses, des honneurs, de la gloire, dureté des riches, jalousie des pauvres, conflit des passions, naïveté incorrigible des illusions, déceptions toujours répétées el toujours inattendues. La description particulière, celle qui se rapporte à certaines classes ou à certains hommes, a moins d’importance dans ces dialogues : elle apparaît toutefois, çà et là, dans plusieurs de ceux qui ont été cités : mais elle remplit les Dialogues des Courtisanes, dont le titre même indique le sujet ; le Banquet, où l’auteur met en scène les prétentions ridicules, les vices, la grossièreté et l’esprit querelleur des philosophes du temps ; les Fugitifs enfin et l’Eunuque, deux œuvres pleines d’allusions moqueuses, obscures pour nous. — Une incrédulité, tantôt légère et dissimulée, tantôt avouée et hardiment agressive, fait le fond d’autres dialogues ; elle perce déjà vivement dans les Dialogues des dieux, le Jugement des déesses, les Dialogues marins et l’Icaroménippe ; elle est plus libre encore dans les Fêtes de Cronos ; elle éclate en protestations ou en moqueries bruyantes dans l’Ami du mensonge, dans Prométhée ou le Caucase, dans l’Assemblée des dieux ; elle argumente insolemment dans Zeus tragédien et dans Zeus à court de raisons (Ζεὺς ἐλεγχόμενος). — Quelques autres dialogues traitent de sujets littéraires ; ce sont : le Parasite, parodie des disputes que les rhéteurs et les philosophes soutenaient, depuis le temps de Platon, au sujet de la rhétorique ; le Lexiphane, où est tournée en raillerie la manie des Atticistes, collectionneurs curieux d’expressions oubliées, auxquelles ils font un sort dans des écrits insipides ; enfin le Pseudologiste ou Faiseur de solécismes, contre les prétentions des grammairiens, arbitres infatués de la correction, à laquelle ils manquent eux-mêmes sans s’en apercevoir.

Mais le dialogue est loin d’être l’unique forme sous laquelle Lucien donne alors carrière à sa verve. Il écrit aussi de spirituelles causeries, des pamphlets biographiques, des diatribes personnelles, des parodies, des dissertations satiriques, un roman, des biographies, laissant son humeur et sa fantaisie aller en tous sens et prendre toutes les formes.

Quelques-unes de ces compositions se rapportent à sa vie littéraire : réponses enjouées à des compliments (À celui qui me disait : « Tu es le Prométhée du discours ») ; ripostes acerbes à des critiques (Contre Timarque, au sujet du mot Ἀποφράς). D’autres, sous couleur d’avertissements utiles, semblent destinées, en grande partie, à satisfaire des ressentiments personnels : Contre un ignorant collectionneur de livres, violente invective contre un anonyme ; le Maître de Rhétorique, où Lucien prend à partie, non seulement la rhétorique du temps en général, mais un de ses représentants les plus connus, probablement Julius Pollux. Plusieurs autres sont de véritables instructions morales, où d’ailleurs l’élément satirique ne fait jamais défaut : tantôt il recommande de ne pas croire légèrement aux mauvais propos (Περὶ τοῦ μὴ ῥᾳδίως πιστεύειν διαβολῇ), tantôt il décrit à un philosophe, tenté par l’attrait de la vie romaine, les humiliations et les misères de ceux qui se mettent au service des grands personnages (Περὶ τῶν ἐπὶ μισθῷ συνόντων).

En même temps, il soutient dans divers pamphlets la guerre à la crédulité, qu’il menait si vivement dans ses dialogues. Sa Causerie avec Hésiode est une dérision de la prétendue inspiration des anciens poètes, considérés comme interprètes des dieux. Dans les quelques pages Sur le deuil (Περὶ πένθους), il raille les croyances relatives aux enfers et tout l’appareil des cérémonies funèbres. La lettre narrative à Cronios Sur la mort de Pérégrinus nous offre un récit satirique du suicide du philosophe cynique Pérégrinus, surnommé Protée, qui, en 165, selon, Eusèbe, se brûla volontairement aux jeux Olympiques. L’auteur, avec une verve mordante, y démasque le charlatanisme des Cyniques, la naïveté crédule de la foule, son empressement aux apothéoses, sa foi toujours prête aux miracles. L’Histoire vraie, une des plus amusantes compositions de Lucien, se donne elle-même pour une parodie des inventions fantaisistes communes aux poètes, aux voyageurs, à beaucoup d’historiens même et de géographes : c’est en réalité une sorte de réfutation par l’absurde de tout ce que la Grèce menteuse, selon le mot de Juvénal, avait osé en fait d’affirmations paradoxales. L’Alexandre, écrit sous le règne de Commode, contient l’esquisse satirique d’une biographie de l’imposteur Alexandre d’Abonouteichos, qui avait fondé au temps de Marc-Aurèle un oracle dans le Pont. Lucien, qui l’avait vu à l’œuvre, nous révèle ses impostures, et, en nous représentant la prodigieuse stupidité de ses dupes, parmi lesquelles figurèrent d’illustres personnages, il éclaire tout un côté curieux de la société de son temps. — C’est sans doute au même groupe d’écrits qu’il faut rapporter le roman intitulé l’Âne. Empruntant à un certain Lucius de Patras l’idée de la métamorphose d’un homme en âne par l’effet de la magie, ainsi que le canevas des aventures qui en sont la suite, il s’amuse de ces folles inventions, qui deviennent pour lui un thème plaisant de narrations paradoxales, quelquefois libertines, souvent très intéressantes par la peinture vive des mœurs populaires et bourgeoises. La date de cette composition nous est inconnue[113].

Une troisième et très courte série d’écrits comprend ceux qui appartiennent, d’une manière certaine, à la vieillesse de Lucien. Ce sont d’abord deux prologues de conférences, l’Héraclès et le Dionysos, fort semblables à ceux qui ont été déjà mentionnés. Puis l’Apologie pour les salariés, sorte de palinodie ingénieuse, dans laquelle Lucien, rappelant le succès qu’il avait obtenu autrefois par son écrit Sur ceux qui se font salarier, se justifie d’avoir consenti lui-même à recevoir un salaire comme fonctionnaire public. Enfin l’Excuse à propos d’une mauvaise formule de salut, simple jeu d’esprit dont tout le sujet est une inadvertance de parole, un « bonsoir » dit à la place d’un « bonjour ». On peut y ajouter la Tragédie de la goutte et Pied léger, ces deux parodies tragiques, qui ont pour sujet la puissance de la goutte et les vains efforts que font ses victimes pour la déjouer ou pour dissimuler sa victoire ; si elles sont vraiment de Lucien, ce qui n’a rien d’impossible, elles se placent assez naturellement en ce temps, où, malgré l’âge et la maladie, son esprit demeurait vif, aimable, enjoué. — Quant aux Épigrammes, celles qui lui appartiennent doivent être réparties dans sa vie entière, sans qu’il soit possible ni de les dater ni d’en contrôler l’authenticité.

VI

On voit du premier coup d’œil, en parcourant cette liste, qu’il n’y a point d’unité dans l’œuvre de Lucien. Essentiellement mobile d’esprit et d’humeur, il a beaucoup écrit, au jour le jour, selon les occasions et les inspirations, sans dessein prémédité ni plan suivi. Et dans chacune de ces productions légères, l’influence du moment a eu toujours une importance décisive. Il va et vient dans les idées, se joue des hommes et des choses, s’amuse, se fâche, rit, gronde, déchire ses ennemis, prend parti, se contredit, le tout avec une désinvolture qui, grâce à son talent, est loin de déplaire aux lecteurs.

Il est vrai que, sous ces caprices, on croit entrevoir une certaine régularité d’évolution morale, qui après, tout, ne peut être niée. D’abord captivé par la sophistique, il y aiguise son esprit, y acquiert la finesse et l’élégance du langage, la souplesse de la dialectique, une étincelante variété d’idées, de connaissances, d’images. À ce régime, il devient vite et pour toujours « homme de lettres », c’est-à-dire qu’il développe en lui-même tout ce que ce mot comporte, soit en bien, soit en mal : une habileté de premier ordre dans le métier d’écrivain, le goût et le besoin du succès, stimulant actif d’une nature déjà inventive par elle-même, la hardiesse qui résulte de ce qu’on est sûr de soi et de son public ; mais aussi une certaine frivolité foncière, qui se contentera, en fait de vérité, de ce qui suffit à jouer un rôle, sans réussir à se dégager, par une réflexion assez forte, des conventions de ce rôle même. Le fait essentiel, c’est que Lucien a eu assez d’indépendance pour sentir, vers quarante ans, le néant de la sophistique et pour s’en détacher résolument. Cette rupture a décidé de son avenir et lui a fait une place à part entre ses contemporains. Étant donnée la faveur dont l’opinion entourait alors cet art d’école, une telle résolution impliquait une remarquable hardiesse. Et ce qui en augmente le mérite, c’est qu’elle provenait surtout d’une honorable révolte de sincérité. En quittant la rhétorique pour mettre son talent au service d’une certaine philosophie, Lucien a eu la pensée qu’il quittait un art de mensonge pour se donner à la vérité[114]. La déclaration de principes qu’il jette fièrement à ses ennemis dans le Pêcheur est certainement l’expression du sentiment dont il a voulu faire la règle de sa vie[115] :

Lucien. Je suis un homme qui haït les fanfarons et les charlatans, qui déteste les mensonges et les hâbleries, qui a en horreur tous les coquins qui en tiennent plus ou moins. Or il y en a beaucoup, comme vous savez.

La Philosophie. En vérité, voilà une profession qui doit te valoir bien des haines.

Lucien. Tu as raison : aussi tu peux voir combien de gens me détestent et à quels dangers m’expose leur aversion. Néanmoins, je possède aussi un autre art, tout opposé, qui consiste à aimer. Oui, j’aime ce qui est vrai, ce qui est beau, ce qui est simple, en un mot tout ce qui mérite d’être aimé. Seulement, je dois avouer qu’il y a peu de gens auxquels je puisse faire l’application de cet art.

Ce n’était pas le fait d’une nature vulgaire que de s’engager ainsi devant le public par une profession de foi qui n’admettait point de retour. Et, d’une manière générale, on ne peut pas dire que Lucien ail manqué à cet engagement. Durant toute sa carrière d’écrivain, il n’a cessé de dire des vérités à ses contemporains ; il en a dit plus peut-être qu’aucun des écrivains du temps. Il avait déclaré qu’il voulait faire de la philosophie à sa manière, une philosophie pratique, sincère avant tout, et il en fit jusqu’à son dernier jour. La seule question est de savoir s’il y avait en lui assez de clairvoyance, assez de réflexion, assez de largeur d’esprit, pour lui permettre d’asseoir son œuvre sur des principes fermes. Sur ce point, on se sent obligé à quelques réserves.

Comme moraliste, bien que Lucien ait subi en quelque mesure l’influence du cynique Ménippe, sa tendance générale l’inclinait plutôt vers l’épicurisme, sous sa forme intelligente et modérée. Son idéal se réduisait à vivre sagement, à se défendre des illusions, à ne s’attacher très fortement à rien, à ne s’asservir à personne. Une telle morale se prêtait bien à la satire : elle mettait celui qui la professait en bonne posture pour décrire le spectacle de la comédie humaine ; car elle le dégageait des passions communes, elle le plaçait à distance suffisante de la foule, et elle lui faisait apercevoir les choses d’un autre point de vue que le vulgaire. Mise au service d’une intelligence fine, naturellement critique et moqueuse, elle lui offrait en outre bien des ressources pour traiter d’une manière piquante la plupart des lieux communs de la sagesse. Mais si elle allait jusque là, elle s’arrêtait là. C’était une morale négative en son fond, qui, n’ayant point de véritable idéal, risquait de demeurer médiocre et inféconde. Lorsqu’elle avait montré aux hommes qu’ils agissent follement en mainte circonstance, qu’ils se dupent eux-mêmes, se contredisent, poursuivent des chimères, manquent à leurs principes, qu’en résultait-il ? Ce satirique, si sûr de lui, aurait-il donc voulu qu’ils vécussent sans ambition, au jour le jour, sans rien tenter de grand, sans rien aimer avec passion ? C’était là ce qu’il semblait demander ; et en prenant ce rôle, il n’était pas assez philosophe pour s’apercevoir qu’il s’attaquait au fond même de la nature humaine, s’il n’y a de morale vraiment utile que celle qui offre un but élevé à l’activité. Les grands moralistes du temps, un Épictète, un Plutarque, un Marc-Aurèle, avec une part d’illusion plus ou moins grande, ont eu tous le sentiment de cette nécessité ; et de là l’efficacité de leurs enseignements, qui est durable. Lucien, avec tout son esprit, n’a jamais touché personne au cœur, et ses meilleurs morceaux de critique morale, un peu à cause de cet esprit même, mais beaucoup aussi pour la raison qui vient d’être indiquée, font en somme l’effet de développements surtout littéraires. Ils visaient à plaire ; en plaisant, ils ont épuisé toute leur vertu.

D’ailleurs, ce qui confirme encore cette impression, c’est que, malgré une précision apparente et purement dramatique, les portraits qu’il trace sont vagues. Les défauts, les vices, les ridicules qu’il nous met sous les yeux sont de tous les temps, et ils nous sont présentés en ce qu’ils ont de toujours identique. Malgré quelques exceptions, nous ne voyons guère dans ses écrits les hommes de son siècle. Il nous montre le riche, le pauvre, le captateur de testaments, le flatteur, mais non pas la famille ou la société grecque au temps des Antonins. Il semble presque toujours que ses personnages soient pris dans la littérature antérieure, plutôt que dans la vie réelle. Mettons à part quelques portraits de philosophes et de rhéteurs, et quelques scènes du pamphlet Sur ceux qui se font salarier. Encore ces rhéteurs et ces philosophes sont-ils peints surtout par le dehors et en traits un peu convenus. En fait, Lucien a glissé ses personnages dans les formes typiques qu’il empruntait à la comédie d’autrefois. Ce qu’il ne savait pas faire, c’était de pénétrer d’un coup d’œil profond jusqu’aux misères réelles de la société contemporaine, de démêler et de mettre en relief, dans des cas particuliers, les raisons générales de son déclin. Lorsque nous en devinons quelque chose dans ses descriptions, c’est le plus souvent à l’aide d’autres témoignages, en nous appliquant à découvrir dans ce qu’il a écrit beaucoup plus qu’il n’y a mis.


Comme représentant de la pensée libre, Lucien a eu le mérite de faire éclater le ridicule, le scandale, la puérilité des mythes qui servaient de fond à la religion gréco-romaine. Dans cette guerre à la crédulité, il se rattache à l’épicurisme, et il va jusqu’où allait l’épicurisme, c’est-à-dire jusqu’à la négation de la providence divine. Il est douteux, malgré la vigueur et la constance avec lesquelles il a soutenu ce combat, qu’il ait eu, comme Voltaire par exemple, une intention arrêtée de propagande. Cela était difficile en un temps où les écrits se répandaient lentement et ne sortaient guère d’un cercle assez restreint. D’ailleurs, lui-même dit nettement que, quoi qu’on puisse écrire ou publier, l’immense majorité de l’humanité est destinée à rester le lendemain ce qu’elle était la veille[116]. Son principal objet était donc de se satisfaire lui-même, en amusant un public choisi, qui pensait comme lui. Bien entendu, cela n’empêche pas qu’il n’ait fait une chose bonne en soi, en protestant au nom de la raison contre des sottises humiliantes et dangereuses. Si l’on approuve chez les apologistes chrétiens contemporains la satire du polythéisme, il n’est que juste d’en savoir gré aussi à Lucien, qui lui a donné une forme bien autrement vive, brillante, et propre à éveiller la réflexion critique. Toutefois, pour l’apprécier, dans ce rôle même, à sa véritable valeur, plusieurs observations ne doivent pas être perdues de vue.

En premier lieu, il n’a guère fait que mettre en œuvre les idées des autres. Par lui-même, il n’est rien moins qu’un chercheur. La science proprement dite lui est étrangère ; il n’a aucun sentiment des problèmes du monde moral et physique, aucune curiosité, aucun souci de s’éclairer ni d’éclairer les autres sur les questions obscures. Son incrédulité vient surtout d’une résistance instinctive de son bon sens aux chimères. Quant à la doctrine où se formule cet instinct, il l’emprunte purement et simplement à un épicurisme courant et superficiel. Ici encore, nous retrouvons l’homme doué non pour créer, mais pour mettre en œuvre, qui se montre sophiste, même quand il défend la vérité, parce qu’il la reçoit comme un thème à développer et s’occupe surtout de la rendre amusante et dramatique.

En second lieu, ces idées qu’il emprunte, on ne peut même pas dire qu’il les approprie à son temps ; car, en matière de religion comme en matière de morale, s’il saisit d’un coup d’œil juste les dehors des choses, il n’en voit pas le fond. Lucien a vécu dans un siècle où se préparait, où s’accomplissait même déjà une profonde transformation religieuse de l’humanité, et il ne s’en est pas douté. Qu’il ait méconnu l’avenir du christianisme en particulier, qu’il l’ait considéré comme la folie de quelques exaltés et de beaucoup de naïfs, cela n’a rien d’étonnant : les meilleurs esprits du temps s’y sont trompés. Mais sans deviner quelle forme allait prendre le mouvement qui se manifestait alors dans les profondeurs de la société, il semble qu’un observateur attentif devait tout au moins le reconnaître et le signaler. Or c’est là justement ce qui manque le plus à son œuvre de satire religieuse. Il note des détails, il les met en scène spirituellement, mais les grands faits lui échappent. Pour lui, toute la philosophie de la critique, en face des manifestations de la croyance ou de la crédulité contemporaine, se réduit à ceci : qu’il y a dans le monde des charlatans et des dupes, que la majorité des hommes, par goût du merveilleux, se prête au mensonge et ne demande qu’a être trompée. Voila tout : cette demi-vérité le contente. C’est là le fond de l’Incrédule, de la Mort de Pérégrinus, de l’Ami du mensonge, comme des dialogues relatifs à la mythologie et à la religion. Donc, l’âme de ses contemporains, alors même qu’il pense la décrire, ne lui est vraiment pas connue. Il ne se rend compte ni de la force du sentiment qui obligeait un Plutarque ou un Marc-Aurèle à interpréter les vieilles traditions pour en extraire ce qu’elles contenaient de vraiment religieux, ni de l’inquiétude d’esprit qui poussait un exalté tel que Pérégrinus à une sorte de folie, ni enfin de l’incertitude de la foule, se demandant où elle devait porter le besoin confus qu’elle avait d’espérer et d’aimer. Lorsqu’on songe à tout cela, les pamphlets de Lucien se rapetissent singulièrement, quel qu’en soit d’ailleurs le mérite de prestesse et d’élégance.


Une faible partie seulement de l’œuvre de Lucien se rapporte à la critique littéraire. Il n’y a pas lieu d’insister longuement sur les principes qui y sont soutenus. Ce sont ceux d’un homme de goût qui n’approfondit pas plus les questions littéraires que les questions morales ou religieuses, mais qui dépiste les ridicules avec une finesse et une indépendance remarquables. Lucien a signalé, dans la littérature de son temps, la plupart des défauts que l’abus de l’imitation et le goût de la virtuosité y produisaient. Il a senti la frivolité de la rhétorique, la vanité de ses artifices, son charlatanisme ; il a noté le ridicule des prétendus historiens pour qui l’histoire n’était qu’une matière de discours et de narrations scolaires ; il s’est raillé des Atticistes, adonnés au culte des vieux mots jusqu’à l’idolâtrie. Tout cela était juste et opportun. Mais, en matière littéraire, Lucien ne s’est pas érigé en législateur. Il a donné quelques avertissements, à l’occasion, et surtout des exemples. Aussi bien, ce qu’il y a de plus solide et de plus brillant à la fois en lui, c’est son talent d’écrivain. Il est temps de l’étudier.

VII

Le fond du talent de Lucien, c’est l’esprit, au sens moderne du mot, c’est-à-dire le don des aperçus vifs, des inventions plaisantes, des traits satiriques. Mais il y a en ce genre des distinctions à établir, et il faut essayer de caractériser plus précisément l’espèce d’esprit qui lui est propre.

Une pensée singulièrement nette et prompte, un regard clairvoyant, aiguisé, mobile, voilà ce qu’il faut noter tout d’abord. Toutefois, c’est par les qualités d’invention, bien plus que par celles d’observation, qu’il excelle véritablement ; et dans l’invention, son originalité est proprement faite de fantaisie. Non que sa dialectique ne mérite aussi d’être signalée : elle est inventive, agile, remarquablement ingénieuse ; et, si elle manque un peu de force, si elle est quelquefois courte et sommaire, elle compense ce défaut par l’abondance des suggestions piquantes, qui amorcent la réflexion. Mais enfin, dépouillée de ce que l’imagination y ajoute, elle ne serait peut-être pas supérieure à celle de la plupart des sophistes contemporains ; et, en fait, c’est, de toutes les facultés de Lucien, celle qui s’est le plus développée dans l’école. Le signe distinctif de son esprit, c’est l’essor libre et capricieux.

Son imagination, excitée par une humeur moqueuse, aime à créer joyeusement, en dehors de la vraisemblance, en pleine fantaisie. Là seulement, toutes ses qualités ont la liberté de se déployer. Dispensé d’exactitude et de suite rigoureuse, il dessine à son gré, avec un sens juste de la forme ; tantôt d’un trait rapide, en caricaturiste, qui note en passant une conception drôle ; tantôt avec une insistance ingénieuse, qui imite plaisamment la réalité en plein merveilleux. Les folles inventions abondent chez lui ; l’Histoire vraie en est pleine, sans parler de l’Icaroménippe, du Charon, de beaucoup d’autres compositions ; mais, en somme, ce n’est pas vers l’extravagance outrée que va le plus volontiers son esprit, pas plus que sa gaîté ne se plaît dans la bouffonnerie. Il y a en lui une sorte de discrétion et d’habileté, qui l’incline plutot vers ce qui est ingénieux. Au lieu d’accumuler invention sur invention, il préfère en général, lorsqu’il en tient une qui le séduit, en tirer parti, la retourner en tous sens, la prolonger et la multiplier, de façon à faire valoir son savoir-faire par tout ce qu’il y découvre d’inattendu. En cela, il y a peut-être en lui quelque trace de sophistique, sous les apparences d’une spontanéité charmante ; mais cet art se fond dans le naturel avec tant d’adresse qu’on n’en est aucunement choqué.

L’esprit peut, selon l’humeur qui l’accompagne, être ou franchement gai, ou attendri, ou incisif, ou amer. Celui de Lucien n’a pas tout le laisser-aller ni la simplicité qu’exige la franche gaîté ; non seulement ce qu’il a d’ingénieux attire un peu trop l’attention, mais surtout la disposition morale qu’il décèle n’est pas assez naturelle ni pleinement humaine. La sagesse qu’affecte Lucien est raide, hautaine, et au fond peu satisfaisante ; il ne nous met pas à l’aise, quand il se moque de l’humanité, parce que nous ne voyons pas bien au nom de quoi il s’en moque, ni s’il a mieux à nous proposer. Son enjouement est mordant ; il nous pique et nous stimule en nous amusant ; il ne prend pas possession de nous complètement. Un vrai humoriste doit avoir plus de sensibilité qu’il n’en a. Rien ne charme comme un peu de bonté sous l’ironie, la sympathie sous la satire. Il y a de la sécheresse dans celle de Lucien.


Ces premières remarques prennent plus de force et de précision, si l’on passe, de l’analyse de ses qualités naturelles, à l’étude de son style et de ses créations littéraires.

Ce qui frappe le plus dans son style, c’est un curieux mélange d’imitation et de spontanéité. Pas plus qu’aucun de ses contemporains, Lucien ne puise directement dans le langage parlé autour de lui. Sa connaissance du grec, si familière et si fine qu’elle soit, lui vient surtout des livres. Dès sa jeunesse, il avait commencé à lire les auteurs classiques, et, pendant toute sa vie, il n’a cessé de les relire. Il sait par cœur Homère et Hésiode, il a présents à l’esprit mille souvenirs des lyriques, il connaît à fond les poètes de la tragédie et ceux de la comédie. Parmi les prosateurs, il a lu et relu les grands historiens et les philosophes, Hérodote et Thucydide, Platon et Xénophon, il a la mémoire pleine des orateurs, notamment de Démosthène. Grâce à une remarquable facilité d’assimilation, il est devenu dans leur commerce un véritable attique, non pas un attique exclusif, étroit et intolérant, comme quelques-uns de ses contemporains, mais un attique comme les hommes distingués de l’ancienne Athènes, qui ne dédaignaient rien de ce qui était grec, ni Homère, ni Hérodote, ni les Ioniens, ni les Doriens. Voilà d’où il tire presque tout son vocabulaire, sauf quelques mots plus récents, qui lui échappent par mégarde, ou qu’il admet pour ne pas affecter un purisme étroit ; voilà aussi d’où lui viennent quantité de locutions, de tours, de proverbes, de citations, de réminiscences[117]. Dans ce mélange d’emprunts, il est difficile de dire quel est l’élément qui prédomine. Toutefois, d’une manière générale, c’est la langue élégante de la prose du ive siècle, ou celle de la poésie du même temps, en ce qu’elle a de très voisin de la prose, qui semble avoir eu le plus d’influence sur la sienne. Sa manière d’écrire rappelle surtout celle de la comédie moyenne et nouvelle, probablement aussi celle d’auteurs perdus tels que Bion le Borysthénite ou Ménippe de Gadara.

Mais quelle que soit, dans son style, la part des éléments traditionnels, il est incontestable que sa personnalité d’écrivain y éclate partout. Ce vocabulaire, qu’il doit à ses auteurs, il le manie avec une prestesse charmante ; le mot vif, amusant, inattendu, lui arrive sans qu’il ait l’air de le chercher ; et pour varier les nuances, détailler les incidents, souligner les effets, insinuer les sous-entendus, il a une souplesse et une richesse verbale des plus rares. La finesse est un des caractères les plus frappants de sa : langue : elle est exquise, soit dans les traits satiriques, soit dans les descriptions plaisantes, soit dans l’appréciation des œuvres d’art, dont il parle en connaisseur avec une délicatesse qui a été souvent remarquée et louée à bon droit[118]. Cette finesse n’a rien de laborieux ni de cherché. Elle s’allie le mieux du monde à la verve, à la malice, à l’entrain et au mouvement, à toutes les qualités vivantes et brillantes. Elle n’exclut pas non plus la force. Bien que Lucien préfère en général le tour ironique, il trouve, quand il le faut, des expressions véhémentes, qui détachent, avec une sorte de brusquerie et d’âpreté, certaines protestations.

Sa phrase, très habilement conduite, est pourtant libre et souple. Dans la conversation, elle est brève, vive ; elle pose la question avec malice ou naïveté, lestement ; elle jette la riposte comme un trait ; ou elle peint naïvement les nuances de l’embarras, du dépit, de l’impatience, de la surprise, de l’ébahissement. Dans la description, dans le conte, elle est alerte, dégagée, fine et souvent perfide, très pittoresque par ses mouvements irréguliers, ses arrêts, ses détours, ses élans ; elle sait se faire lente, analytique, curieuse, pour mettre en valeur les détails qui plaisent ou qui amusent, comme aussi courir, quand il le faut, ou même voler, pour arriver plus vite aux bons endroits. Dans le raisonnement, dans le développement des idées, elle s’affranchit volontiers de la régularité de l’école ; la pensée qui est en elle aime à se modifier chemin faisant, à s’étendre, à jeter en passant des aperçus secondaires, mais non pas au point de se perdre dans les chemins de traverse ; elle est toujours lancée vivement, vers un but qu’on devine, qu’elle laisse voir, qu’elle atteint. Il y a dans toute son allure une maîtrise qu’on ne trouve au même degré chez aucun autre écrivain du temps.

VIII

Ce qui est vrai du style de Lucien l’est aussi des genres littéraires où il a excellé. Les types auxquels son nom est attaché sont faits de pièces d’emprunts, adroitement choisies et ajustées. Mais, en les ajustant ainsi, il a fait œuvre de création.

Comme il nous le dit lui-même, ce sont les dialogues des philosophes socratiques qui ont été ses premiers modèles ; c’est en les lisant que l’idée lui est venue de ce qu’il pouvait faire ; mais l’élan décisif, il l’a dû à Ménippe et aux poètes de la comédie attique. — Les socratiques, et surtout Platon, lui ont appris l’art de faire causer des personnages, de conduire une discussion avec naturel, sans pédantisme, de façon à nous montrer des hommes, qui ne fussent pas des dissertations affublées de noms quelconques. L’Hermotime laisse voir ce qu’il leur a dû ; et le même art se retrouve dans tous ses dialogues, sans en excepter les plus fantaisistes. — Quant à cette fantaisie même, c’est chez Ménippe et chez les poètes de l’ancienne comédie qu’il en a trouvé l’exemple. Les inventions de Cratinos et d’Aristophane ont été le modèle des siennes. Sans eux, sans doute, il n’aurait jamais eu l’idée des conceptions amusantes où s’encadrent si bien ses satires. Mais peut-être, sans Ménippe, n’aurait-il pas senti, comme il l’a fait, de quelle manière on pouvait les accommoder au goût de son temps et à ses moyens de publicité. Ménippe, — que nous connaissons d’ailleurs assez mal, — avait transporté, le premier, le genre d’invention de la comédie ancienne dans des compositions destinées à un tout autre public. En montrant qu’elles pouvaient se passer de décors et de costumes, il les avait rendues propres à un emploi nouveau, et mises à la mesure de cet emploi. Donc l’influence de l’ancienne comédie sur Lucien est inséparable de la sienne, et on ne saurait distinguer entre l’une et l’autre. Instruit par lui, Lucien est remonté ensuite directement jusqu’à cette comédie même. Les imitations de détail qu’on en pourrait citer abondent dans ses dialogues : mais c’est l’imitation générale, celle qui tient à la conception même du genre, qu’il était important de signaler ici[119].

Ce genre, du reste, n’est pas le moins du monde enchaîné à une formule unique ; et ceci permet de juger combien Lucien est resté indépendant jusque dans l’imitation. Quelques-uns de ses dialogues, très courts, ne nous mettent sous ses yeux qu’une seule situation, indiquée dès les premiers mots : tels sont par exemple ses célèbres Dialogues des morts. D’autres, plus développés, sont de petits drames, qui comportent une sorte d’action ; c’est le type qu’il semble avoir préféré et qui réalise tout ce dont le genre était capable : citons, entre autres, les Sectes à l’Encan. le Pêcheur, la Double accusation, l’Icaroménippe, le Timon, le Charon, le Coq, l’Assemblée des dieux, Zeus tragédien. Action fort légère naturellement. Bien rarement, on y trouve, comme dans le Pêcheur, la Double accusation, le Timon, Zeus tragédien, quelque ébauche de péripéties ; le plus souvent, tout se réduit à de simples incidents. À quoi bon s’attacher à de si minces différences dans des créations aussi libres ? Incidents ou péripéties, tout est proportionné à l’importance du drame, qui en lui-même n’est presque rien. Surprise, drôlerie, rapidité, voilà son mérite. Remarquons pourtant qu’en général les principaux de ces incidents naissent, non de la fantaisie pure, mais des données qui constituent les personnages. Quand Zeus envoie Ploutos rendre à Timon sa richesse, la protestation de Ploutos forme une première péripétie, le refus de Timon en est une seconde ; toutes deux proviennent des sentiments du dieu et du misanthrope ; il en est de même dans le Pêcheur, dans le Charon, dans le Coq. Il y a donc quelque vraisemblance morale dans cette fantaisie, quelque raison dans ces caprices ; mais, bien entendu, il n’y en a pas plus qu’il ne faut. L’action pour Lucien est simplement un moyen de mettre vivement en scène ses personnages et de les faire parler. Qu’elle soit amusante, qu’elle leur permette de dire ou de faire drôlement ce qu’ils ont à dire ou à faire, on n’a rien de plus à lui demander.

Ces personnages même, il va de soi que l’auteur ne pouvait pas leur donner plus de réalité solide qu’au drame où ils s’agitent. Ce sont des êtres sans consistance, pour qui toute vraisemblance serait trop lourde. La plupart pourtant ont au moins une esquisse de caractère, un trait saillant et frappant, qui est la donnée de leur vie dramatique. Ménippe et Diogène sont des cyniques parmi les morts, comme ils l’étaient parmi les vivants ; Timon est un misanthrope bourru ; Micylle, un pauvre, naïf, plein de désirs, et avec cela un honnête homme ; Charon, sortant des enfers pour voir le monde avec Hermès, a d’abord la curiosité, et ensuite les étonnements qu’il doit avoir ; Momos est le blâme en personne. Les personnages allégoriques eux-mêmes vivent de cette sorte de vie très simple, comme autrefois la Pauvreté d’Aristophane. La Philosophie du Pêcheur a de la dignité, de la droiture, elle s’indigne à propos ; la Rhétorique de la Double accusation nous amuse, avec sa colère de femme jalouse. Si élémentaire que soit ce dessin des personnages, il donne de la clarté et de l’intérêt à l’action, il contribue à la netteté comme à l’agrément de l’impression totale ; mais il faut bien comprendre que de telles conceptions laissent d’ailleurs à leur auteur toute sorte de libertés. Sans cesse, il oubliera le personnage qu’il fait parler, soit pour plaisanter, soit pour moraliser en son propre nom. Lorsque Timon entre en scène, il parle en humoriste, en fantaisiste plein d’esprit et de malice ; en un mot, il est Lucien, non Timon. Cela même est une grâce de plus dans ces œuvres de raillerie étincelante, où la raison ne plaît qu’à condition de se dissimuler.

Ainsi conçu, le dialogue est bien un genre nouveau ; il n’y a aucune raison pour n’en pas attribuer la création à Lucien, puisque, après tout, créer, en littérature, ce n’est jamais que mettre en œuvre sous une forme personnelle des éléments déjà existants. Que ce genre d’ailleurs soit secondaire, qu’il ait même quelque chose en soi d’un peu artificiel, cela est assez évident. La satire toute simple vaudra toujours mieux pour moraliser, la comédie franche pour étaler le ridicule. Mais quand, pour une cause ou pour une autre, ni la satire ni la comédie ne sont de saison, cette sorte de dialogue amusant, léger, qui court partout, qui se lit vite, qui peut devenir, selon les temps et les occasions, conférence, libelle ou feuilleton, a bien son mérite propre. Et c’est ainsi que Lucien, sans être un Aristophane, a mis au monde quelque chose qui s’est fait une place à côté du drame comique et qui l’a gardée.


Au reste, il ne convient pas de l’enfermer par un éloge exclusif dans un genre où lui-même n’a pas voulu s’enfermer. En dehors de la forme dialoguée, il est aussi, entre les anciens, le représentant par excellence du pamphlet et du récit fantastique. Ses brillantes qualités s’y sont manifestées avec non moins d’éclat.

Le pamphlet, chez lui, n’a pas de forme propre. C’est tantôt un récit moqueur, tantôt une argumentation, tantôt une instruction ironique. Dans la Mort de Pérégrinus, dans l’Alexandre, l’auteur a l’air de composer une simple relation ; il dit, ou est censé dire, ce qu’il a vu et entendu ; mais sa narration est, en fait, la plus mordante des diatribes. Dans la lettre à l’Ignorant qui collectionne des livres, dans la riposte à Timarque, il raisonne ; mais son raisonnement est une invective acerbe. Dans les observations Sur la manière d’écrire l’histoire, dans la lettre Sur ceux qui se font salarier, dans le Maître de rhétorique, il prend le rôle d’un conseiller qui donne des avis ; mais ces avis se transforment, tandis qu’il les formule, en satire impitoyable. Si la littérature grecque n’avait subi des pertes qui nous empêcheront à tout jamais de la bien connaître, on y trouverait, cela est certain, des modèles de toutes ces sortes de railleries. Les pamphlets n’y avaient pas manqué ; mais le pamphlet, de sa nature, est œuvre éphémère ; et cela explique que les meilleurs aient disparu. Lucien, lui, a profité d’une chance heureuse ; peut-être nous paraîtrait-il moins original en ce genre, s’il n’y était presque isolé. Quoi qu’il en soit, reconnaissons qu’il y a excellé. Si sa fantaisie y est moins vive que dans les dialogues, elle s’y trouve pourtant mélangée partout à la verve satirique, aux observations piquantes, aux vues ingénieuses, à l’argumentation pressante, et c’est ce mélange qui semble bien avoir été le trait distinctif de sa manière. Rien de plus varié que le tissu de ces amusantes compositions. Que la trame en soit narrative ou dialectique, il y fait serpenter toute une broderie merveilleuse d’anecdotes, de bons mots, de citations, de souvenirs classiques, qui, sans effacer le dessin principal, l’égaient en mille manières. D’autres ont eu autant que lui le don de l’ironie, quelques-uns l’ont surpassé par la force de l’argumentation ; personne peut-être ne l’a égalé par cette variété éblouissante, au milieu de laquelle il se joue avec tant de grâce et de prestesse.

Le récit fantastique, dont il nous a laissé un modèle exquis dans son Histoire vraie, semble lui appartenir plus en propre. L’original qu’il a si joliment su contrefaire, c’étaient les narrations paradoxales des voyageurs, depuis celles d’Ulysse dans l’Odyssée jusqu’à celles d’Iamboulos relatives à la Grande Mer. Mais pour déclarer dès la première ligne qu’on allait mentir, et pour amuser ensuite son lecteur pendant deux livres avec ces mensonges avoués, il fallait vraiment tout son esprit. D’autant qu’il n’y a là aucune thèse, aucune satire continue. Rien qu’une série prodigieuse d’inventions, plaisantes ou burlesques, qui se succèdent avec la plus étonnante variété. Le don de créer des formes et des mouvements, le talent de décrire ou plutôt de faire voir, l’imagination pittoresque, la verve intarissable, la hardiesse dans l’absurde en font une œuvre extraordinaire. Entre toutes les créations de Lucien, c’est une de celles qui ont eu la fortune la plus brillante : Rabelais et Swift s’en sont manifestement inspirés, sans parler d’autres imitateurs moins illustres. Il est vrai que l’un et l’autre y ont mis un dessein philosophique dont Lucien ne s’était pas soucié. Mais ce dessein même, il l’avait au moins suggéré par certaines malices, insérées çà et là sous ses folles inventions, et il l’avait rendu plus facile à réaliser par la nature de la composition.


Si l’on cherche à résumer ces impressions diverses, Lucien apparaît comme le mieux doué des écrivains de son temps. En un autre siècle, tel que celui d’Aristophane, où l’âme hellénique était plus simple, où les croyances nécessaires étaient plus assurées, où l’art était plus jeune, il est probable que, né dans Athènes, associé à l’idéal de Ia cité, son génie l’aurait mis au rang des plus grands. Au lieu de cela, il vint tardivement, dans une société désagrégée et troublée, où la philosophie comme la religion s’étaient faites officielles, où le doute grandissait avec la superstition, où la sincérité devenait rare, où dominait le goût de paraître. Sa franchise naturelle en souffrit, se révolta, se jeta dans le scepticisme, en haine du mensonge. La nature l’avait fait pour défendre avec éclat des idées simples et fortes, et justement ces idées lui manquèrent. Il en résulta que ses qualités ne trouvèrent jamais à s’employer tout à fait comme elles l’auraient pu. Sa destinée fut d’escarmoucher brillamment, au profit d’un certain nombre de demi-vérités, faute d’une grande cause qu’il eût été digne de servir. C’est là le défaut essentiel de son œuvre, et c’est par là qu’elle se rattache à la sophistique contemporaine. Mais, d’autre part, on voit assez, par tout ce qui précède, à quel point elle la dépasse. La mode dont il avait profité a pu disparaître sans lui faire de tort : il est resté, comme un des grands représentants du bon sens satirique, comme un des maîtres toujours admirés de la raillerie.

IX

Du nom de Lucien, il est naturel de rapprocher, — sans méconnaître d’ailleurs les distances, — celui d’Alciphron, fantaisiste aimable comme lui, qui fut probablement son contemporain, et qui semble s’être quelquefois inspiré de lui. Le recueil de Lettres qu’il nous a laissé est une des plus agréables productions de la sophistique du second siècle[120].

Alciphron, dont nous ignorons entièrement la vie, semble avoir écrit dans la fin du second siècle. Eustathe (762, 62) le qualifie d’Atticiste, et tous ses caractères le rattachent en effet à ce goût d’atticisme délicat et savant qui se manifeste alors. Aristénète, dans le recueil de Lettres fictives qu’il publia au ve siècle, a supposé une lettre d’Alciphron à Lucien (I, 5) et une autre de Lucien à Alciphron (I, 22). Ces deux lettres nous les représentent comme deux amis, également enclins à s’amuser du spectacle des choses du jour, qui se racontent l’un à l’autre, en fins narrateurs, les petits faits de la chronique galante d’Athènes. Il y a tout lieu de croire qu’Aristénète, bien informé, nous a donné en cela une idée juste des relations des deux écrivains. Alciphron a dû être un sophiste athénien, du temps de Marc-Aurèle et de Commode, peut-être un peu plus jeune que Lucien, mais l’un de ceux qui ont le plus goûté ses spirituels dialogues, à mesure qu’ils paraissaient. C’est de lui peut-être qu’il a pris l’idée d’imiter à sa manière la comédie du ive siècle : il n’est guère possible de douter qu’une de ses lettres (III, 55), où il raconte un banquet de philosophes qui se querellent, ne soit une imitation directe du Banquet de Lucien, ni qu’il lui ait dû le nom de Lexiphanès, qu’il donne dans une autre à un poète comique (III, 71)[121].

Ses Lettres, au nombre de cent dix-huit, sans compter six morceaux incomplets[122], sont en réalité tout autre chose que de simples thèmes d’école. Sans doute, le genre lui-même n’est que la transformation ingénieuse d’un exercice scolaire signalé plus haut. Mais cet exercice, ainsi traité, est devenu une véritable forme dramatique. Ces lettres, censées écrites par des gens de toute sorte et de toute classe, pêcheurs, paysans, parasites, courtisanes, nous mettent en effet sous les yeux, dans de brefs récits, qui sont des tableaux, des situations analogues à celles qu’avait représentées autrefois la comédie. Philémon, Diphile, Ménandre et leurs contemporains sont les modèles d’Alciphron, en même temps que le sujet de ses compositions ; il imite leur style et leur manière de penser, il met en scène la société où ils ont vécu et qu’ils ont décrite ; parfois même, il nous fait raconter, soit par eux, soit par d’autres, quelques incidents de leur vie, réels ou fictifs[123]. Atticiste au sens le plus large du mot, il aime à se transporter dans l’Athènes épicurienne du ive siècle, dont il peint, avec grâce et esprit, l’élégance, les mœurs faciles, la vie brillante et dissipée, sans oublier d’ailleurs ni la misère des pauvres gens ni la ladrerie des avares. Son livre est pour nous un document historique, qui nous instruit en nous amusant. Ses peintures sont légèrement moqueuses, comme l’était la comédie qu’il imite ; mais elles le sont moins par le dessein de l’écrivain que par la fine vérité des mœurs. C’est de la satire légère, enjouée, pourtant précise, qui fait revivre les folles amours, les vices, les faiblesses, les travers d’une autre époque, avec la complaisance d’un lettré, habitué à voir tout cela à travers des œuvres charmantes. Dans cette exactitude, il y a d’ailleurs aussi un élément important d’invention fantaisiste. Celle des noms propres, en particulier, quand ils ne sont pas empruntés à l’histoire, est aussi libre que piquante.

Comme écrivain, Alciphron est un de ceux du second siècle qui possèdent le mieux l’ancienne langue attique. Moins sûr de lui pourtant et moins correct que Lucien, il a quelque chose de son aisance, de sa finesse, de son enjouement, sans l’égaler ni par la fantaisie ni par le trait.

Nous retrouverons plus loin le même genre, cultivé au siècle suivant par Élien et par Philostrate. Mais rien ne fait mieux ressortir le mérite d’Alciphron que de le comparer à ceux qui ont voulu faire après lui ce qu’il avait fait.

X

Nous ne nous éloignons guère de la sophistique, qui est le centre de ce chapitre, en passant à la poésie. Car, au second siècle, la poésie, sous presque toutes ses formes, c’est encore de la sophistique.

L’imitation étant alors le fond de toute production littéraire, il n’y avait pas de raison pour que les genres les moins appropriés au temps ne reprissent faveur parmi les lettrés. Une composition en prose du temps d’Adrien, le Concours d’Homère et d’Hésiode, nous montre combien la vieille épopée et ses représentants étaient alors en faveur dans les écoles. Il n’est pas étonnant que des hommes d’école aient songé à faire des épopées. Philostrate nous apprend que le sophiste Scopélien avait composé une Gigantomachie, digne de servir de modèle aux Homérides[124]. Un certain Arrien, que Suidas distingue du disciple d’Épictète, mais qu’on peut rapporter au même temps, non content de traduire en grec les Géorgiques de Virgile, écrivit une Alexandride en vingt-quatre chants, où il célébrait les conquêtes du roi de Macédoine, que l’autre Arrien racontait en prose[125]. Un peu plus tard, le sophiste Adrien de Tyr, sous Marc-Aurèle et Commode, versifiait des Métamorphoses en sept livres. Peut-être est-ce aussi en ce siècle qu’un certain Denys de Samos compose des Bassariques, dont il nous reste quelques fragments[126], et divers poèmes didactiques qui sont perdus[127]. En somme, toute cette poésie épique semble avoir eu peu de succès. Rhétorique pour rhétorique, celle qui était en prose valait encore mieux et dispensait de l’autre.

Mieux partagée que l’épopée, la poésie didactique avait au moins un mérite d’utilité ; elle apprenait quelque chose à ses lecteurs. C’est peut-être ce qui a fait vivre quelques-unes des nombreuses œuvres qu’elle produisit en ce siècle.

Denys d’Alexandrie, surnommé le Périégète, est surtout connu par le poème géographique qu’il composa sous Adrien[128]. Son père, appelé aussi Denys, était peut-être le grammairien qui, selon Suidas, fut bibliothécaire et secrétaire des empereurs, depuis Néron jusqu’à Trajan[129]. Son poème est un Tour du monde (Περιήγησις τῆς οἱκουμένης) en 1 187 hexamètres, élégants et bien tournés, où il décrit à grands traits, d’après la carte d’Ératosthène, la Libye, l’Europe et l’Asie. Le mérite de la forme, joint à la concision substantielle de l’exposé, lui valut de devenir un livre d’enseignement et d’être abondamment commenté. Il nous est parvenu accompagné de scolies diverses, d’un commentaire d’Eustathe, d’une paraphrase grecque anonyme. Nous en avons de plus deux traductions latines en vers, l’une du ive siècle, due à Rufus Festus Avienus (Descriptio orbis), l’autre du vie siècle, œuvre du grammairien Priscianus[130].

Plus encore que la géographie, l’histoire naturelle, par la variété des choses qu’elle offrait à décrire, paraissait faite pour alimenter la poésie didactique. Au siècle précédent, comme on l’a vu, c’était surtout la médecine qui avait eu le privilège de tenter les versificateurs. Sous Marc-Aurèle, nous rencontrons encore un médecin-poète, Marcellus de Sida, qui compose un poème sur son art, en quarante-deux livres (Ἰατρικά)[131] ; il nous en reste trois fragments, formant ensemble une cinquantaine de vers, qui donnent, il faut l’avouer, une bien médiocre idée de l’ouvrage[132]. Dans le même genre, on peut mentionner en passant les fragments d’un poème anonyme Sur les vertus des simples (Περὶ βοτανῶν), d’époque inconnue[133].

Mais les parties descriptives de l’histoire naturelle semblent avoir eu plus de vogue au second siècle que la médecine. Le principal représentant du genre est Oppien[134]. Né à Corycos, en Cilicie, vers le milieu du siècle, il composa, à la fin du règne de Marc-Aurèle, un poème en cinq livres Sur la pêche (Ἁλιευτικά), qui est venu jusqu’à nous en son entier. Dédié à l’empereur et à son fils Commode, ce poème dut être publié entre 177 et 180. Le poète y décrit les diverses espèces de poissons (l. I), leurs mœurs, leurs combats (l. II), la façon de les pêcher (l. III-V). Son œuvre, extrêmement admirée des Byzantins[135], a incontesta­blement des mérites d’élégance et de savoir-faire ; ses descriptions ne manquent pas de grâce ni même d’une certaine force ; au demeurant, il y a en tout cela plus de rhétorique que de véritable poésie. Oppien n’a pas d’impressions personnelles : il met en vers ce qu’il a lu, sans s’élever au-dessus d’une habile médiocrité. — Nous avons sous son nom un autre poème, les Cynégétiques (Κυνηγετικά), en quatre livres, qui serait, suivant ses biographes, une œuvre de jeunesse. Mais les Cynégétiques sont adressés à Caracalla, et par conséquent postérieurs à 211[136]. S’ils appartiennent réellement au même poète, ils ne pourraient donc, au contraire, être attribués qu’à sa vieillesse. Il vaut mieux admettre qu’ils sont d’un second Oppien. La description que l’auteur y fait de sa patrie (II, 113-138) se rapporte à la vallée de l’Oronte en Syrie, et non à la Cilicie ; de plus, l’œuvre est sensiblement inférieure en mérite littéraire au poème de la Pêche, et la facture du vers en est différente[137]. Dans un développement mal conduit, le poète traite d’abord des qualités du chasseur, des chiens et des chevaux (l. I), puis des bêtes à cornes (l. II), des bêtes féroces (l. III), enfin des différentes espèces de chasse (l. IV). Bien qu’il se donne lui-même pour un chasseur (IV, 16), il n’y a pas plus d’observation personnelle dans ce poème que dans le précédent. Lui aussi se borne à versifier ses auteurs, dont il reproduit sans critique les affirmations paradoxales[138].

L’apologue en vers se rattache à la fois à la poésie qui enseigne et à celle qui raconte. Faisons une place ici, malgré l’incertitude des dates, au fabuliste Babrius, qui est certainement antérieur au iiie siècle, mais qui paraît postérieur au premier[139].

Nous ne savons rien de sa personne ni de sa vie. Son nom paraît un nom latin[140] ; sa langue renferme des latinismes, et sa versification porte des traces de l’accentuation latine[141]. D’autre part, lui-même parle de l’Arabie comme quelqu’un qui l’a vue (Fable 57), et ses fables paraissent s’être répandues en Orient d’abord[142]. On peut donc le considérer avec vraisemblance comme un Romain hellénisant qui a dû séjourner en Orient. De même que son origine, le temps où il vécut ne peut être déterminé qu’approximativement et par conjecture. Babrius est antérieur au iiie siècle, car à partir de ce temps, il est cité assez fréquemment[143] ; mais il doit l’être de peu, car auparavant il n’est mentionné par personne ; il ne l’est même pas par les écrivains les plus familiers avec la littérature ésopique, tels que Plutarque. Ajoutons que tout en lui trahit l’influence de la sophistique. Quant aux deux noms qui figurent dans ses deux prologues, il n’y a rien à en tirer, comme indication chronologique. Le premier est celui d’un enfant qu’il appelle Branchos (Βράγχε τέκνον, Prol. I.). Le second est celui d’un roi Alexandre, père du jeune lecteur à qui le poète s’adresse (ὦ παῖ βασιλέως Ἀλεξάνδρου, Pr. ii) ; ces deux noms sont inconnus, et les conjectures faites sur cet Alexandre n’ont abouti à rien de certain[144] ; le plus probable cst qu’il s’agit d’un des petits rois obscurs de l’Orient grec.

La forme primitive du recueil de Fables de Babrius (Αἰσώπειοι μῦθοι) est impossible à retrouver aujourd’hui sous les altérations qui l’ont défiguré. Suidas cite un recueil en dix livres. Cette division a disparu dans notre manuscrit unique, l’Athous, qui donne 123 fables par ordre alphabétique, depuis Α jusqu’à Ο, c’est-à-dire les deux tiers au plus de l’ensemble primitif. Parmi ces fables, sont insérés deux prologues, qui semblent partager le recueil en deux livres, l’un au début, l’autre après la fable 107 ; mais ce n’est là qu’une fausse division, superposée à l’ordonnance primitive[145]. C’est pourtant celle qu’Avianus paraît avoir connue (Préf. : duo volumina). Le texte de Babrius a donc été altéré de très bonne heure, ce qui tint à son succès même. Adopté dans les écoles, il fallut l’approprier à l’usage qu’on en voulait faire. On écourta certaines fables ; à presque toutes, on ajouta des épilogues, qui n’étaient pas du poète ; on en modifia le classement, pour qu’elles fussent plus faciles à trouver ; enfin on fit entrer dans le recueil d’autres apologues de divers auteurs. Car Babrius nous apprend lui-même (Prol. ii, 11) qu’il eut des imitateurs, et il s’en plaint aigrement, comme de concurrents qui lui faisaient tort. Voilà comment nous avons affaire aujourd’hui à un texte fort altéré, que l’on peut quelquefois corriger et compléter, soit à l’aide des paraphrases en prose, soit grâce à quelques fragments récemment découverts à Palmyre[146].

Babrius semble avoir commencé par mettre en vers des sujets pris dans un des recueils courants d’apologues ésopiques. Encouragé par le succès, il développa ensuite librement des proverbes, des sentences, recueillit et raconta à sa façon des anecdotes, des traits de diverse sorte, empruntés aux historiens, aux nouvellistes, aux philosophes, aux rhéteurs. Très soigné dans sa versification, il se fit des règles personnelles, qu’il observa curieusement ; par exemple, il a l’habitude de terminer son vers par une syllabe longue, de mettre l’accent tonique sur la pénultième, de ne jamais négliger la césure[147]. Son vers, le choliambe, très voisin de la prose, est bien approprié au genre qu’il traite. Mais, avec cela, il faut reconnaître qu’il a peu d’invention, peu de vigueur de pensée, peu d’imagination, et, en somme, qu’il manque de qualités vraiment personnelles. Sa langue est celle des rhéteurs du temps, avec un mélange de formes ioniennes[148]. Si la meilleure et la plus longue de ses fables, Le lion malade, le renard et le cerf (fable 84), dénote un certain sens dramatique et des ressources d’esprit, un trop grand nombre d’autres pèchent par la platitude et la vulgarité. Peut-être, du reste, Babrius, s’il eût été original, aurait-il eu moins de succès. Cette médiocrité, qui n’embarrassait jamais, le rendait propre à être lu dans les écoles. La faveur dont il a joui commença dès le iiie siècle et se prolongea à travers tout le moyen-âge byzantin.

De même que la poésie didactique, la poésie lyrique, au second siècle, n’est vraiment qu’une poésie d’école ou de petits cercles lettrés.

Laissons de côté les Anacreontea, dont une partie semble appartenir aux deux premiers siècles de notre ère ; nous parlerons plus loin du recueil tout entier, lorsque nous arriverons au temps où il paraît s’être achevé, c’est-à-dire au ve siècle.

Dans un tout autre genre, les Hymnes Orphiques, dont un grand nombre aussi sont attribués au premier et au second siècle de notre ère[149], peuvent être cités comme des exemples de cette stérile production poétique, assujettie à d’étroites conditions. Notre recueil en comprend quatre-vingt-huit, sur lesquels une dizaine seulement doivent être rapportés soit à la période alexandrine, soit à une plus haute antiquité[150]. Ce sont des prières ou plutôt des litanies, consistant surtout en énumérations de titres et d’attributs. Destinées à accompagner des sacrifices, elles offrent un mélange des diverses idées philosophiques du temps, associées aux vieilles traditions orphico-pythagoriciennes. Elles ont dû satisfaire la dévotion païenne des contemporains par la pompe obscure des invocations, mais sans jamais sortir d’une petite église, dont les fidèles seuls étaient en état de les comprendre.

Un art plus savant, mais un art de pure imitation, se manifeste dans quelques autres œuvres lyriques du même temps, dont les auteurs ne nous sont guère connus que de nom. Mésomédès de Crète, affranchi de l’empereur Adrien, qui le tint toujours en grande faveur, avait composé, d’après Suidas, un Éloge d’Antinoüs et divers autres poèmes lyriques[151]. Il nous reste de lui un Hymne à Némésis, qui témoigne de quelque habileté technique, mais qui doit surtout sa notoriété à ce qu’il a gardé sa notation musicale. Il en est de même de deux autres hymnes, adressés l’un à la Muse Calliope, l’autre à Apollon, qui portent le nom du poète Denys d’Alexandrie, d’ailleurs inconnu ; il est assez vraisemblable qu’ils datent du même temps[152].


Si la vie de société et le goût du bel esprit favorisaient médiocrement la poésie lyrique, l’épigramme au contraire ne pouvait que s’en bien trouver. Le second siècle paraît avoir été aussi fécond en ce genre que les précédents. D’après Suidas, le grammairien Diogénianos d’Héraclée, que nous retrouverons ailleurs, publia, sous Adrien, une Anthologie d’épigrammes (Ἀνθολόγιον ἐπιγραμμάτων)[153]. Les débris en sont sans doute dispersés dans notre Anthologie palatine. Diogénianos n’était peut-être que collectionneur ; un de ses contemporains, Straton de Sardes, qui fit, lui aussi, un recueil d’épigrammes, était de plus poète. Son recueil constitue aujourd’hui le IXe livre de l’Anthologie palatine, ou il a pour titre Μοῦσα παιδική. Le genre d’amour que la sophistique du temps opposait à l’amour naturel est le sujet qui y est traité, avec une imagination souvent licencieuse, soit par Straton lui-même, soit par les autres poètes qu’il y a groupés. — En dehors de ces recueils, quelques épigrammatistes isolés de ce temps nous sont connus. Citons seulement Ammianos, de qui nous avons encore une vingtaine d’épigrammes, une entre autres adressée au sophiste Antonius Polémon.


Déjà réduite à peu de chose au siècle précédent, la poésie dramatique s’efface et disparaît de plus en plus en celui-ci. Pourtant, on n’avait pas encore cessé tout à fait de jouer les tragédies classiques. Artémidore, vers le milieu du siècle, parle de concours de tragédies qui avaient lieu à Rome, et Philostrate rapporte une anecdote sur l’acteur tragique Clément de Byzance, qui joua la tragédie en 195 aux jeux Amphictyoniques[154]. Les nombreuses allusions de Lucien à l’art tragique prouvent également que la tragédie classique n’avait pas déserté les théâtres. Mais les modèles anciens, comme nous l’avons remarqué dès la fin du ier siècle, ne suscitaient plus d’imitation. Philostrate, il est vrai, cite un certain Isagoras, qu’il appelle « poète de tragédie », et qui fut, vers la fin du siècle, élève du sophiste Chrestos de Byzance. D’autres inconnus, dans le même temps, ont pu cultiver le même genre[155] ; mais il est clair que cette tragédie sophistique consistait seulement en amplifications dialoguées.

XI

Après avoir ainsi passé en revue les diverses productions littéraires qui se rattachent à la sophistique, il nous reste, pour mesurer toute l’étendue de son activité, à parler sommairement des quelques formes de la philologie qui en ont été les auxiliaires, à savoir de la grammaire, de la rhétorique et de la lexicographie. Nous serons d’autant plus brefs sur ces sujets qu’ils n’intéressent la littérature qu’indirectement.


Jamais, à coup sûr, la rhétorique n’avait été plus universellement étudiée et cultivée qu’elle ne le fut alors. Mais après les discussions des Apollodoréens et des Théodoréens, elle n’offrait vraiment plus rien de nouveau à dire. Quintilien, à Rome, avait pu encore, au temps de Domitien, composer sur la rhétorique un ouvrage, sinon neuf, du moins intéressant et même personnel, en traçant, avec un réel talent de composition et de style, un tableau complet de l’éducation de l’orateur. Mais cela supposait une largeur de vues dont il ne semble pas qu’aucun des maîtres grecs du temps ait été capable. En tout cas, après Quintilien, ce livre n’était plus à faire. Toute la littérature technique du second siècle est purement et simplement une littérature d’école. Curieuse à consulter en tant que document, elle n’a en elle-même qu’une valeur bien médiocre.

Quelques-uns des livres de classe qu’elle a produits ont eu pourtant de la renommée. — Sous Adrien, le rhéteur Alexandre, fils de Nouménios[156], composa un Traité de Rhétorique, dont il ne nous reste que trois extraits[157], mais dont la substance semble avoir passé dans une Rhétorique anonyme (dite l’Anonyme de Séguier) sur laquelle nous allons revenir. Il y discutait les idées des Apollodoréens et des Théodoréens, avec une tendance marquée vers la manière de voir de ces derniers. L’ouvrage, peu original sans doute, offrait un résumé complet de tout ce que la rhétorique grecque avait produit de plus essentiel. Par là s’explique le succès dont il semble avoir joui dans les siècles suivants : il dispensait de la plupart des écrits antérieurs. On ignore s’il faut rattacher à cette Rhétorique le traité Sur les figures de pensée et de mots, en deux livres, qui nous est parvenu sous le nom du même auteur[158]. Ce traité, tel que nous le possédons, n’est d’ailleurs qu’un abrégé de l’original[159]. Celui-ci fit autorité dans les écoles jusqu’aux derniers temps de l’hellénisme. Tous les rhéteurs qui ont écrit sur les figures relèvent d’Alexandre, en particulier Tibère (Περὶ τῶν παρὰ Δημοσθένει σχημάτων), Phœbammon (Περὶ σχημάτων ῥητοριακῶν), Hérodien (Περὶ σχημάτων), Polybe de Sardes, Zonaeos, et d’autres. — Comme nous venons de le dire, un auteur dont le nom est inconnu (on l’appelle l’Anonyme de Séguier) se servit de la Rhétorique d’Alexandre pour composer un peu plus tard un traité qui nous est parvenu sous le titre de Τέχνη τοῦ πολιτικοῦ λόγου[160]. Le dernier éditeur, Graeven, l’a attribué au rhéteur Cornutos, qui vivait vers l’an 200 après J.-C. L’intérêt de l’ouvrage est surtout dans les renseignements qu’il nous donne, concernant l’histoire de la rhétorique sous l’empire. — Ælius Théon, probablement contemporain d’Adrien, était, selon Suidas[161], un sophiste d’Alexandrie, qui composa divers écrits de rhétorique aujourd’hui perdus, une τέχνη, des Recherches sur l’arrangement du discours (Ζητήματα περὶ συντάξεως λόγου), des Commentaires sur Xénophon, Isocrate, Démosthène. Il est connu par ses Exercices préparatoires (Προγυνάσματα), le seul de ses ouvrages qui ait subsisté[162]. Ce petit livre, malheureusement incomplet, est une curieuse tentative pour perfectionner les exercices alors en usage dans les écoles. Théon les énumère et les classe, il en propose même de nouveaux ou renouvelle les anciens ; sa liste comprend la Chrie, la Fable et le Récit, la Confirmation et la Réfutation, le Lieu commun, la Description, la Prosopopée, l’Éloge, la Comparaison, la Thèse, la Proposition de loi. Chacun de ces exercices est défini et expliqué avec clarté ; dans ses préceptes comme dans ses exemples, l’auteur fait preuve de goût et de sens pratique. Dans un genre d’ailleurs très modeste, son ouvrage est instructif. Il rivalisa quelque temps avec l’ouvrage analogue d’Hermogène, jusqu’à ce que l’un et l’autre fussent remplacés par celui d’Aphthonios, vers la fin du ive siècle.

Un seul de ces écrivains techniques du second siècle, Hermogène de Tarse, fut vraiment célèbre[163]. Doué d’une précocité extraordinaire, il se fit un renom comme sophiste dès sa jeunesse. Il avait quinze ans, selon Philostrate, lorsque Marc-Aurèle voulut l’entendre improviser, l’admira et le combla de présents[164]. À l’âge d’homme, ses facultés d’orateur s’affaiblirent, sans motif apparent, ou du moins cessèrent de progresser, et, à partir de ce moment, il ne fut plus qu’un sophiste ordinaire[165] : il vécut ainsi jusqu’à un âge fort avancé. Ce qui a rendu sa réputation durable, c’est ce qu’il a écrit sur la rhétorique. Suidas affirme que ces écrits furent composés par lui dans sa jeunesse ; mais Suidas s’imaginait qu’Hermogène était tombé de bonne heure dans une sorte de sénilité. Il est bien plus probable que ce fut en voyant diminuer ses succès d’orateur qu’il se décida à devenir théoricien. Ses écrits témoignent d’un ensemble de qualités et de connaissances qu’on ne peut guère attribuer à un tout jeune homme. Rapprochés les uns des autres, ils constituent une sorte de cours de rhétorique. Une première partie comprend les Exercices préparatoires (Προγυμνάσματα), œuvre sans originalité, très semblable à celle de Théon sur le même sujet, mais beaucoup moins personnelle[166]. Vient ensuite le traité Sur la constitution des causes (Περὶ τῶν στάσεων)[167] ; sorte d’introduction à la rhétorique proprement dite, où le maître, conformément aux méthodes traditionnelles de l’école, distingue et définit les diverses catégories de causes, que l’orateur peut avoir à plaider, en les classant d’après la manière dont se pose la question capitale[168]. Puis, le traité Sur l’Invention (Περὶ εὐρέσεως), en quatre livres, dédié à un certain Julius Marcus ; l’auteur y étudie successivement les ressources de l’invention oratoire dans les exordes (l. I), dans les narrations (l. II), dans les preuves (l. III), dans le style (l. IV). Un troisième écrit en deux livres, le plus connu de tous, traite des Espèces de style (Περὶ ἰδεῶν). Hermogène s’y est proposé une tâche qui lui paraissait nouvelle[169], celle de définir chacune de ces espèces avec plus de précision qu’on ne l’avait fait encore, et, par conséquent, d’offrir les moyens de les produire toutes à volonté ; il faut reconnaitre qu’elles sont en effet caractérisées et analysées par lui avec une subtilité remarquable. Les derniers chapitres contiennent une série d’appréciations critiques sur divers auteurs, qu’il cite en exemples. Enfin, cet ensemble se complète par un court traité, assez improprement intitulé Sur la méthode de l’éloquence (Περὶ μεθόδου δεινότητος), qui contient en fait des notes passablement incohérentes sur diverses particularités du style oratoire.

Ce qui manque le plus à Hermogène, c’est l’esprit philosophique. Non seulement cet ensemble considérable n’est dominé par aucune vue générale, mais, dans le détail même, jamais le moindre effort pour remonter aux principes, pour ramener par exemple la rhétorique à la psychologie et à la logique, ou tout simplement pour synthétiser ses observations. Ses écrits, indistinctement, se réduisent à de simples recueils de définitions, d’exemples et de recettes. Son mérite propre, assez vain d’ailleurs, c’est la finesse dont il fait preuve dans les divisions et les distinctions. Malgré cette médiocrité, Her- mogène a eu dans les derniers siècles de l’hellénisme une réputation durable : toute la rhétorique pratique était comme condensée dans ses écrits sous une forme élémentaire ; il en devint le représentant par excellence. De siècle en siècle, les professeurs ne crurent pouvoir mieux faire que de répéter ce qu’il avait dit ou de le commenter. Citons, parmi ces commentateurs, le phrygien Métrophanès, de date inconnue, dont l’ouvrage est perdu[170] ; le néoplatonicien Syrianos[171] et le sophiste Sopatros au ve siècle ; les critiques Marcellinos, Troïlos, enfin plusieurs Byzantins, dont les plus connus sont Grégoire de Corinthe et Planude[172]. Cette longue popularité prouve simplement qu’Hermogène a contribué plus que personne à faire de la rhétorique, autrefois vivante, une scolastique immuable et stérile.


Les maîtres de rhétorique, qui étudiaient les méthodes du discours, avaient pour auxiliaires naturels les grammairiens, qui déterminaient les règles du langage, et les lexicographes, qui établissaient en quelque sorte l’état civil des mots. La grammaire et la lexicographie, fort actives au second siècle sont aussi en ce temps, l’une et l’autre, en rapports plus étroits que jamais avec la littérature.

La théorie grammaticale, comme on l’a vu plus haut, semble être restée longtemps ce que l’avait faite Denys le Thrace au premier siècle avant notre ère. Au second siècle seulement, un progrès important se produit avec Apollonios Dyscole et son fils Hérodien, probablement sous l’influence de la rhétorique et de ses méthodes d’analyse.

Apollonios, surnommé Δύσκολος (le difficile), était un grammairien d’Alexandrie, qui enseignait dans cette ville au temps d’Adrien. Nous ignorons tout de sa vie, mais son œuvre nous est assez bien connue[173]. Sans avoir peut-être encore l’idée de constituer un cours de grammaire complet d’après un plan méthodique, il entreprit du moins d’approfondir, dans des écrits spéciaux, la plupart des points de la grammaire d’alors. Beaucoup de ces écrits se sont perdus. Les seuls que nous possédions sont les quatre suivants : Du Pronom (Περὶ Ἀντωνυμίας), Des Adverbes (Περὶ Ἐπιρρημάτων), Des conjonctions (Περὶ Συνδέσμων), et enfin la Syntaxe (Περὶ Συντάξεως) en quatre livres. Les plus importants, avec ce dernier, étaient les traités perdus Sur la division des parties du discours (Περὶ μερισμοῦ τῶν τοῦ λόγου μερῶν) en quatre livres, Sur le nom (Περὶ ὀνομάτων) et Sur le verbe (Περὶ ρημάτων). Ce serait sortir de notre sujet que d’étudier ici en détail la doctrine et la méthode grammaticales d’Apollonios. Ce qui le distingue, en un mot, c’est moins d’avoir fait définitivement de la grammaire une discipline spéciale, que de l'avoir constituée comme science par une série de théories réfléchies. Doué d’une faculté d’analyse remarquable, il a commencé à se rendre compte, bien mieux qu’on ne l’avait fait avant lui, de la vraie nature du langage et de ses éléments. Grâce à lui, certaines explications routinières ont disparu à jamais, et, en revanche, beaucoup de vérités ont été solidement établies, soit par des vues heureuses, soit par de bonnes définitions, qui ont montré les faits sous leur vrai jour[174]. C’est là un mérite qu’il convient de ne pas diminuer. Mais, d’autre part, il ne faut pas attribuer à Apollonios plus de philosophie qu’il n’en a. Plus clairvoyant dans les détails que dans les ensembles, il n’a pas su fonder la syntaxe sur l’étude de la proposition ; de là, quantité d’observations sans portée, d’autant plus erronées souvent qu’elles sont d’ailleurs plus ingénieuses. Ajoutons, sans lui en faire un reproche, qu’il n’a pas plus qu’aucun de ses prédécesseurs l’idée du développement historique d’une langue. D’ailleurs, son style est obscur. Avec une intelligence juste des convenances de son sujet, il vise en général à la concision des formules ; mais sa langue est abstraite, technique ; il dit lourdement et péniblement des choses qui pouvaient être énoncées beaucoup mieux dans le langage de tout le monde. Un grammairien peut se montrer écrivain en traitant de la grammaire ; Apollonios ne l’est à aucun degré. Cela ne l’a pas empêché d’exercer une influence durable et justifiée. Il était le premier qui eût composé une syntaxe savante ; celle qu’il avait faite, tout incomplète qu’elle nous paraisse, est restée comme le fondement sur lequel se sont appuyées désormais toutes les grammaires de l’antiquité[175].

Presque aussi renommé comme grammairien que son père, le fils d’Apollonios, Hérodien, qui vécut sous Marc-Aurèle et professa à Rome, lui est en réalité très infé- rieur en mérite original[176]. Son principal ouvrage en 21 livres (Καθολικὴ προσῳδία), dont nous ne possédons plus que des extraits, traitait de toutes les questions relatives à l’accentuation, et par conséquent à la prosodie grecque. Compilation méthodique, œuvre d’immense érudition, où l’auteur avait mis à profit les travaux de ses prédécesseurs, surtout des savants alexandrins, sans y ajouter, semble-t-il, rien qui fût vraiment de lui. Il avait composé aussi un grand nombre d’écrits relatifs à des sujets de grammaire (Sur l’Orthographe, Sur les noms, Sur les déclinaisons, etc.) ; il y suivait les traces de son père[177]. Le seul qui subsiste en son état primitif, un opuscule sans grande valeur, Sur quelques particularités de langage (Περὶ μονήρους λέξεως), a pour objet d’étudier un certain nombre de formes étrangères à l’analogie. Les autres ont été remaniés et abrégés, ou réduits à l’état de fragments[178]. Le plus connu était son double ouvrage Sur l’accentuation homérique dans l’Iliade et dans l’Odyssée (Ὁμηρικὴ προσῳδία), divisé en deux parties (Ἰλιακὴ προσῳδία, Ὀδυσσειακὴ προσῳδία) dont il nous reste de nombreux extraits[179].

Un peu plus ancien qu’Hérodien, mais connu surtout comme lui par les citations des scoliastes d’Homère, Nicanor[180], fils d’Hermias, d’Alexandrie, vivait, semble-t-il, sous l’empereur Adrien. Il prit pour domaine spécial la ponctuation, dans son rapport avec les nuances du sens : objet qui n’était étroit qu’en apparence. Développant les indications déjà esquissées par Denys le Thrace, il distingua toute une série de signes (στιγμαί), qui devaient marquer les rapports des phrases entre elles[181]. On lui donna pour cette raison le surnom de Στιγματίας. Son principal ouvrage traitait de la ponctuation dans Homère (Περὶ στιγμῆς) en six livres, divisés en deux parties (περὶ Ἰλιακῆς σιτγμῆς, περὶ Ὀδυσσειακῆς στιγμῆς). Il en reste de nombreux extraits dans les scolies de Venise, et ces extraits permettent d’apprécier combien les observations de Nicanor étaient liées à l’interprétation exacte du texte[182]. Il écrivit aussi Sur la ponctuation chez Callimaque et sur divers autres sujets, soit de grammaire, soit d’histoire[183].

En somme, grâce à Apollonios Dyscole surtout, la grammaire, au second siècle, tient assez honorablement son rang. On ne peut pas dire que la lexicographie, dans son ensemble, donne une impression aussi bonne. Elle dénote plus de patience que de vraie méthode, et manifeste en outre une regrettable étroitesse de vues.

La plupart des lexicographes d’alors appartenaient à la classe de puristes qui se qualifiaient eux-mêmes d’Atticistes. Les modèles classiques avaient été remis en honneur dans les écoles, comme on l’a vu plus haut, dès le temps de Denys d’Halicarnasse et de Cécilius ; quand le relèvement de la sophistique se produisit à la fin du ier siècle, ils y régnèrent sans conteste. Dès lors, on éprouva le besoin de connaître à fond la langue des orateurs d’Athènes et de leurs contemporains. D’une part, pour l’interprétation de leurs discours, il était nécessaire de savoir au juste la valeur des termes qu’on y rencontrait. Or, sans parler des termes techniques de la langue du droit, beaucoup d’autres n’étaient plus de ceux dont on se servait ordinairement au second siècle : il fallait donc qu’ils fussent recueillis et expliqués. D’autre part, certains maîtres en renom, vrais artistes de discours, se piquaient de n’employer que des mots de pure tradition classique ; ils prétendaient parler attique comme Démosthène ou Platon ; et, comme ils faisaient la mode, il ne manquait pas de gens pour les imiter. À ceux-là, il fallait des dictionnaires qui leur permissent de savoir ce qui était attique et ce qui ne l’était pas[184]. Il y avait donc deux tendances, originairement distinctes, l’une savante, visant à la connaissance des choses, l’autre artistique, visant à l’imitation d’un certain langage, qui favorisaient également la lexicographie et l’invitaient à se tourner vers l’atticisme. De ces deux tendances, c’est tantôt l’une, tantôt l’autre, qui prévaut chez les lexicographes du temps, sans qu’il soit toujours possible d’en faire exactement la distinction. Mais, d’une manière générale, la seconde semble l’emporter ; leur but à presque tous, c’est de contribuer à restaurer artificiellement dans l’éloquence une langue tombée en désuétude.

Cette tendance apparaissait déjà chez quelques grammairiens du ier siècle. On pourrait, si c’en était ici le lieu, la suivre comme à la trace chez divers auteurs oubliés, tels que Dorothée d’Ascalon[185], Épithersès de Nicée, Nicandre de Thyatire[186], Irénée surtout[187]. Celui-ci, dès la fin du ier siècle, donnait déjà une attention toute particulière à la langue attique, ainsi qu’en témoignent les titres de ses ouvrages perdus, Les termes attiques (Ἀττικὰ ὀνόματα en trois livres), l’Usage attique en matière de langage et d’accent (Ἀττικῆς συνηθείας τῆς ἐν λέξει καὶ προσῳδίᾳ βιβλία τρία), Sur l’atticisme, il ne nous en reste qu’un très petit nombre de passages, cités par divers scoliastes et par le Grand Étymologique.

Mais c’est au temps d’Adrien que la lexicographie atticiste semble vraiment prendre son essor. Son principal représentant est alors Ælios Dionysios, d’Halicarnasse[188]. Sous le titre d’expressions attiques (Ἀττικὰ ὀνόματα), il avait composé un lexique en cinq livres, qu’il compléta plus tard par un supplément, également, en cinq livres. À l’explication des termes, il avait joint des exemples abondants, qui en marquaient l’emploi et le vrai sens. Photius (cod. 152) vante ce double recueil, « également utile à ceux qui veulent parler attique et à ceux qui désirent simplement lire les écrivains attiques. » Un peu plus tard, sous Antonin ou même sous Marc-Aurèle, Pausanias, probablement le sophiste de Césarée mentionné par Philostrate[189], composa un lexique analogue, qui ne différait guère de celui d’Ælios Dionysios qu’en ce qu’il contenait beaucoup plus de mots avec moins d’exemples. Selon Photius (cod. 153), ce second lexique complétait admirablement le précédent[190]. Autour de ces deux maîtres, se groupent, dans la même période, d’autres atticistes moins importants. Julius Vestinus, d’Alexandrie, publie, sous Adrien, des Recueils de mots tirés de Démosthène, de Thucydide, d’Isée, d’Isocrate, de Thrasymaque et des autres orateurs[191]. Valérius Pollion, son compatriote et son contemporain, composa comme lui un Recueil de locutions attiques, qui contenait, d’après Photius (cod. 149), un très grand nombre de termes poétiques[192]. À son tour, le fils de Pollion, Diodore, philosophe et grammairien à la fois, traita un sujet de même nature, mais plus restreint, en écrivant une Explication de quelques termes difficiles chez les dix orateurs[193], et sur ce terrain, il se rencontrait avec deux autres érudits contemporains, Philostrate de Tyr et Julien[194], tant ces études étaient alors en faveur.

Parmi tous ces représentants de l’atticisme, les plus intéressants pour nous sont Mœris et Phrynichos, dont quelques œuvres ont subsisté.

Phrynichos, qui paraît avoir tenu école de rhétorique en Bithynie sous Marc-Aurèle et sous Commode, est en quelque sorte l’Atticiste par excellence[195]. Passionné pour la pureté de la langue, il trouva le moyen, malgré des maladies douloureuses et persistantes, de se dévouer à ce qu’il considérait comme la bonne cause. Sous le titre de Préparation sophistique (Σοφιστικὴ προπαρασευή) Il avait composé un ample lexique des mots attiques, en 37 livres[196]. Cet ouvrage ne nous est plus connu que par le sommaire analytique qu’en donne Photius (cod. 158) et par un assez long fragment[197]. Dédié à l’empereur Commode, il était destiné, comme l’indiquait son titre, à ceux qui voulaient exercer l’art de la parole, et il avait pour objet de leur fournir une provision de termes et de locutions autorisées[198]. C’était en quelque sorte un « cahier d’expressions », composé par un professeur érudit et homme de goût[199]. Celui-ci n’avait d’ailleurs en aucune façon la prétention d’imposer le même langage à tous les genres. Entre les expressions qu’il avait recueillies, il distinguait celles de l’éloquence, de l’histoire, de la conversation, de la causerie satirique, des propos d’amour : preuve d’un discernement juste ; mais, pour le choix de ses autorités, Phrynichos se montrait sévère. Bien qu’il admirât fort quelques contemporains, par exemple l’orateur Ælius Aristide, expressément loué par lui au xie livre, il ne reconnaissait comme modèles du pur attique que Platon, Démosthène et les neuf autres orateurs du canon alexandrin, puis Thucydide, Xénophon, Eschine le Socratique, Critias et Antisthène, enfin Aristophane ; et pour la poésie, Eschyle, Sophocle et Euripide. Encore faisait-il un second choix entre ces élus eux-mêmes, pour mettre définitivement à part Platon, Démosthène et Eschine le Socratique, considérés seuls comme les représentants de la perfection. Tout cela, évidemment, était assez puéril, comme d’ailleurs l’atticisme lui-même. Ni Phrynichos ni ses coreligionnaires ne sentaient, comme ils l’auraient dû, la nécessité de renouveler la langue d’autrefois par des emprunts au parler contemporain. Mais, du moins, ils la connaissaient bien, ils en appréciaient et en faisaient goûter la beauté, et ils réagissaient avec raison contre le laisser-aller et la banalité du langage courant. — Outre ce grand ouvrage, Phrynichos en avait composé, probablement dans sa jeunesse, un autre beaucoup plus court, qui nous est parvenu. C’est l’Atticiste (Ἀττικιστής de Suidas) ou Choix de noms et de verbes attiques en deux livres (Ἐκλογὴ ὀνομάτων καὶ ῥημάτων ἀττικῶν), dédié à Attidius Cornelianus[200] ; simple liste de mots, ou plutôt de prohibitions grammaticales, souvent présentées sous la forme traditionnelle : « Ne dites pas ceci, dites cela ». Tout sec qu’il est, ce petit opuscule a son prix pour nous, car il est d’un connaisseur, et de plus il témoigne de l’usage contemporain[201]. Critique impitoyable des écrivains de son temps, sans en excepter les plus renommés, Phrynichos y est sévère même pour les anciens, en particulier pour Ménandre[202]. C’est un orthodoxe intransigeant, qui fait de haut la leçon au vulgaire (ἀμαθεις) et ne peut souffrir qu’on mêle aux mots autorisés (δόκιμα) les expressions au goût du jour (λέξεις ἐπιπολάζουσαι).

À Phrynichos se rattache étroitement Ælius Mœris[203]. Nous ne savons rien de lui ; mais nous possédons encore son Recueil d’expressions attiques (Λέξεις ἀττικαί), appelé aussi, comme celui de Phrynichos, l’Atticiste (Photius, Μοίριδος Ἀττικιστής). Malgré une citation de Phrynichos (Ἰσοτελής), qui pourrait être interpolée, il paraît douteux que cet opuscule, sec et assez insignifiant, soit postérieur à la Préparation sophistique[204].

L’intolérance de ces puristes ne pouvait être acceptée de tous sans protestation. Lucien, atticiste lui-même, se moque pourtant, sinon de tous les Atticistes, du moins de certains d’entre eux ; Galien combat leurs exagérations ; d’autres en firent autant. Un grammairien, nommé Oros, qui nous est d’ailleurs inconnu, écrivit un lexique intitulé Contre Phrynichos (Κατὰ Φρυνίχου)[205]. De là, sans doute, dérive le court lexique anonyme qui nous a été conservé parmi les lexiques dits de Séguier, sous le titre de Antiatticiste (Ἀντιαττικστής)[206] ; on y trouve un certain nombre de citations de Phrynichos, de qui l’auteur s’applique à combattre les opinions, en justifiant par de bonnes autorités mainte expression qu’il avait condamnée. Ce petit opuscule a le mérite de nous faire assister aux combats de grammairiens qui ont passionné les écoles du second siècle.

D’autres philologues, moins engagés dans les luttes de l’atticisme, se sont fait alors une notoriété par divers travaux, où la curiosité des choses le dispute à celle des mots. Quelques-uns d’entre eux ne peuvent être ici nommés qu’en passant. Tels sont Diogénianos d’Héraclée sous Adrien[207], Télèphe de Pergame, sous Antonin et Marc Aurèle[208], Héron d’Athènes[209], Palamède d’Élée, dont l’époque même est mal déterminée[210]. Mais il faut s’arrêter un peu plus sur le rhéteur Julius Pollux, de Naucratis[211]. Venu à Rome sans doute sous Antonin ou sous Marc-Aurèle, il fut un des maîtres de rhétorique du jeune Commode. Plus tard, la faveur de son élève, devenu empereur, l’appela à la chaire d’éloquence d’Athènes ; il mourut à l’âge de cinquante-huit ans. Lucien paraît l’avoir mis en scène dans son Lexiphane, et il l’attaqua violemment dans son Maître de rhétorique[212]. Il est difficile de dire ce qu’il pouvait y avoir de fondé dans les imputations injurieuses dont cette satire est pleine ; mais il semble bien que le talent de Pollux, comme orateur, n’ait pas été à la hauteur de ses fonctions : Philostrate, son biographe, en fait peu de cas[213]. Ses discours, dont les principaux sont énumérés par Suidas, ne subsistent plus. Nous n’avons de lui qu’un seul ouvrage, l’Onomasticon, connu et apprécié, non pour son mérite littéraire, qui est nul, mais pour les faits qu’il contient. Dans la préface, l’auteur, s’adressant au jeune Commode, déjà associé à l’empire, lui explique son dessein. Il veut offrir à son élève une provision de mots, afin de lui faciliter l’art de la parole : pour cela, il se propose de lui faire connaître, à propos de chaque objet, les termes divers par lesquels on peut ou le designer, ou le qualifier, ou énoncer les idées qui s’y rapportent. L’Onomasticon, divisé en dix livres, passe donc en revue successivement toutes les choses principales dont on peut avoir occasion de parler dans un discours : et, pour chacune d’elles, il donne des listes de noms, qu’il distingue quelquefois les uns des autres en précisant leur signification, des listes d’adjectifs et de locutions, dont il marque l’emploi[214]. En outre, quand il reste de la place à l’auteur à la fin d’un livre, il ajoute des listes de synonymes. Véritable encyclopédie par conséquent, assez mal ordonnée, et réduite souvent à n’être qu’une nomenclature, mais qui contient aussi des explications utiles, des citations intéressantes, et précieuse en somme pour la connaissance de l’antiquité[215].

À défaut de chronologie sûre, certains indices nous autorisent à mettre à côté de Pollux un autre lexicographe renommé, Valérius Harpocration, d’Alexandrie, auteur du Lexique des dix orateurs (Λέξεις τῶν δέκα ῥητόρων), si utile à l’intelligence des orateurs attiques[216]. Suidas nous a mis dans un grand embarras en négligeant d’indiquer en quel temps il a vécu[217] ; mais comme il le nomme après plusieurs autres personnages du même nom, il y a quelque raison de le croire moins ancien qu’eux ; et l’on est ainsi tenté de l’identifier avec l’Harpocration que J. Capitolinus mentionne parmi les grammatici græci qui contribuèrent à l’éducation du jeune Ælius Verus (Verus, c. 2)[218]. Si cela est exact, il aurait vécu sous le règne d’Antonin et de Marc-Aurèle. Rien dans son ouvrage se s’oppose à cette conjecture[219]. Les autres écrits d’Harpocration sont perdus[220]. Le Lexique subsiste sous deux formes, l’une plus complète, qui est l’original même, sauf quelques passages écourtés ou mutilés, l’autre abrégée[221]. Il est difficile, dans l’ignorance où nous sommes des sources de cet ouvrage, d’apprécier, sûrement le mérite propre de l’auteur : ce qu’on peut dire, c’est qu’en tout cas, il fait preuve partout d’une érudition sûre et solide, de connaissances variées et précises, d’un goût juste et de lectures étendues. En même temps qu’il étudie la langue des orateurs, il nous informe d’une foule de détails intéressants, relatifs aux antiquités athéniennes, aux questions de droit, aux usages religieux et civils, aux magistratures. Ses explications sont nettes, sans bavardage, appuyées sur des témoignages de valeur. Il résume pour nous l’érudition alexandrine et supplée heureusement à bon nombre d’auteurs perdus.

Avec la lexicographie, une autre forme de production philologique qui fut alors encouragée et favorisée par la sophistique est la parœmiographie. Dès le temps d’Aristote, et peut-être antérieurement, on avait commencé en Grèce à recueillir les proverbes courants, à en faire des collections. Les plus célèbres et les plus complétés avaient été constituées à la fin de la période alexandrine par Didyme et le crétois Lucillos de Tarrha. On les réunissait alors par curiosité, par érudition, ou dans une intention morale. La sophistique en fit un des ornements du discours, et par la même les mit singulièrement en honneur. Un orateur qui voulait plaire devait en avoir une ample provision à son service, pour relever à propos une pensée générale et orner un développement.

Ce fut pour répondre à ce besoin que le sophiste Zénobios composa, au temps d’Adrien, un abrégé en trois livres des recueils de Didyme et de Lucillos (Ἐπιτομὴ τῶν παροιμιῶν Διδύμου καὶ Ταῤῥαίου ἐν βιβλίοις τρισί[222]). Comme le titre même l’indique, c’est une réduction de travaux antérieurs plus complets ; Zénobios n’a fait que fondre ensemble deux recueils plus développés, dont il n’a gardé que l’essentiel, à savoir le texte même des proverbes, avec une courte explication de leur origine et de leur sens. Son abrégé s’est conservé comme un des éléments d’un Corpus parœmiographorum formé au moyen âge, et dont nous parlerons plus loin (ch. VII, sect. II, fin).


Après toutes ces formes de la philologie, la métrique et la musicographie ne peuvent guère figurer ici que pour mémoire.

On a vu plus haut ce qu’était devenue la métrique dans la période alexandrine et au début de l’empire. Elle ne change guère au second siècle.

Bornons-nous à nommer Dracon de Stratonicée, qui dut vivre, au plus tard, au commencement de ce siècle ; car il est cité par Apollonios Dyscole (De Pronom. p. 20)[223]. Suidas lui attribue, outre divers ouvrages de grammaire, des traités Sur les mètres, Sur les drames satyriques, Sur des rythmes de Pindare, Sur les mètres de Sapho, Sur les rythmes d’Alcée. Il ne nous reste rien de tout cela, sauf ce qui peut subsister du traité sur la versification de Pindare dans les scolies afférentes à ce poète. Le traité Des mètres que nous avons sous le nom de Dracon n’est qu’une falsification datant du xvie siècle[224].

Héphestion nous est bien mieux connu, car nous avons encore un ouvrage de lui, qui est le résumé de sa doctrine. C’était un grammairien d’Alexandrie, probablement celui qui fut, avec Télèphe de Pergame et Harpocration, chargé de l’éducation grammaticale d’Ælius Verus[225]. Il vivait donc au milieu du second siècle. Divers ouvrages de critique littéraire que lui attribue Suidas n’ont laissé aucune trace ; mais nous possédons encore son Manuel de métrique (Ἐγχειρίδιον περὶ μέτρων) et une partie de son Traité de la composition poétique (Περὶ ποήματος)[226]. Un fragment des Prolégomènes (attribués au philosophe Longin) qui accompagnent ces deux ouvrages, nous apprend qu’Héphestion avait d’abord composé un traité de métrique en quarante-huit livres, qu’il le réduisit ensuite à onze livres, puis à trois, enfin à un seul, qui est justement notre manuel[227]. Si ce témoignage doit être cru, on voit qu’Héphestion, après avoir fait œuvre de savant, voulut mettre ses leçons à la portée des commençants. Il y réussit. Son livre fut adopté dans les siècles suivants pour l’enseignement de la métrique. La doctrine d’Héphestion a les défauts de la théorie métrique de son temps : elle ne va pas au fond des choses, elle en méconnaît même assez souvent la vraie nature ; mais son exposé est clair, ses formules sont précises et appuyées sur des citations. Quant au Traité de la composition poétique, il contient des renseignements précieux sur les diverses manières d’assembler les vers, sur les parties des poèmes, notamment sur la parabase comique[228].

Parmi les musicographes, quelques-uns seulement touchent à l’histoire littéraire ; ce sont ceux qui avaient parlé, à propos de musique, des poètes lyriques. Les autres sont purement des spécialistes qui ne peuvent être étudiés ici.

Denys d’Halicarnasse, le jeune, surnommé le musicien, vivait sous Adrien[229]. Il avait écrit quatorze livres de Notes sur le rythme (Ῥυθμικὰ ὑπομνήματα), douze livres d’Exercices musicaux (Μουσικαὶ διατριβαί), cinq livres sur les questions musicales touchées par Platon dans sa République, enfin une grande Histoire de la musique, (Μουσικαὶ ἱστορία), pleine de renseignements techniques et biographiques, en cinquante-six livres. Tout cela est perdu, mais l’Histoire de la musique paraît avoir été utilisée au siècle suivant par Rufus, auteur d’un ouvrage de même titre, dont certaines parties passèrent au ve siècle dans la chrestomathie de Sopatros[230]. On en retrouve aussi quelques traces dans le lexique de Suidas[231].

Les autres musicographes grecs dont les œuvres nous ont été en partie conservées sont postérieurs à Denys d’Halicarnasse, et la plupart d’entre eux ne devraient pas figurer dans ce chapitre, si nous nous attachions rigoureusement à la chronologie. Mais, en général, les dates qu’on leur assigne étant hypothétiques, il est préférable de les grouper ici.

Le plus ancien[232] paraît être Alypios, auteur d’une Introduction à l’harmonique (Εἰσαγωγὴ ἁρμονική), qui peut avoir vécu au iiie ou au ive siècle ; son ouvrage est celui qui nous offre le plus complet exposé du système de notation des Grecs[233]. — Bacchios écrivit au ive siècle, sous Constantin, une Introduction à l’art de la musique (Εἰσαγωγὴ τέχνης μουσικῆς), par demandes et par réponses, qui ne nous est parvenue probablement que remaniée[234]. — Aristide Quintilien, le plus connu de ces spécialistes, a été longtemps considéré comme appartenant au second siècle, en raison des ressemblances que sa doctrine paraissait offrir avec celle des néopythagoriciens[235]. On admet plutôt aujourd’hui qu’il doit être postérieur à Porphyre ou même à Jamblique, ce qui le mettrait au ive siècle[236]. La valeur de son Traité de musique en trois livres (Περὶ Μουσικῆς) vient surtout des sources anciennes dont on y retrouve la trace[237]. — Gaudentios, d’époque incertaine, nous a laissé une Introduction à l’harmonique (Εἰσαγωγὴ ἁρμονική), qui procède d’Aristoxène.


Si l’on embrasse d’un coup d’œil l’ensemble de ces travaux philologiques, on ne peut nier que le second siècle n’ait été singulièrement studieux et que la sophistique n’ait joué le rôle d’un stimulant chez un grand nombre des hommes de ce temps. Mais, d’autre part, cette philologie de la période impériale, qui se montre ici avec ses caractères propres, paraît en somme médiocre, si on la compare à celle de la période alexandrine. Pas un de ceux que nous venons de citer ne saurait être comparé à un Zénodote, à un Aristarque, ni même à un Didyme. Leur science à tous est bien plus assujettie à la tradition, bien moins critique et hardie ; surtout, elle est plus utilitaire, elle semble avoir perdu les hautes visées scientifiques. Ces caractères, nous les retrouverons aussi : chez les érudits qui cultivent alors les dépendances de l’histoire. Et pourtant, ces philologues du second siècle sont encore bien supérieurs à leurs successeurs des siècles suivants. Il est visible que l’hellénisme savant est déjà en décadence, dans ce temps même ou l’hellénisme artistique a paru reprendre quelque éclat. Nous nous en rendrons mieux compte, en étudiant, dans le chapitre suivant, les œuvres et les hommes du même siècle qui sont plus indépendants de la sophistique.



CHAPITRE V
HELLÉNISME ET CHRISTIANISME SOUS LES ANTONINS.

bibliographie

Arrien. Pour les Entretiens d’Épictète et le Manuel, voir la Bibliographie d’Épictète, en tête du chap. III. — Expédition d’Alexandre. Manuscrits. Voir les préfaces des éditions de Brüger et de Dübner. Les meilleurs mss. paraissent être le Laurentianus 9, 31 et le Parisinus 1753 ; un classement définitif est encore à faire. Éditions. Première édition, Venise, 1515, due à Trincavelli. Les plus importantes sont celles de Gronovius, Leyde, 1704 ; de Krueger, Berlin, 1835-1848, avec des notes ; de Duebner, dans la biblioth. Didot, Paris, 1846 ; de Sintenis, Berlin, 189 ; d’Abicht, Leipzig, 1879, dans la bibliothèque Teubner. Il manque encore une édition critique tout à fait satisfaisante. — Petits écrits (Scripta minora). Éditions. Œuvres complètes par Borheck et Schulze, 3 vol. 1792-1810 ; édition de C. Müller, dans l’Arrien de la biblioth. Didot, Paris, 1868 ; du même, recueil de fragments dans le III des Hist. græc. fragmenta ; édition générale des Scripta minora par Hercher dans la bibliothèque Teubner, Leipzig, 1834.

Appien. Manuscrits. Voir l’art. Appianus n° 2, de Schwartz, dans Pauly-Wissowa, t. I, col. 217. Les diverses parties de l’histoire d’Appien se trouvent dans des mss. divers, ou sont mieux conservées dans certains d’entre eux. Pour le prologue, le meilleur ms. est le Vaticanus 141 (xiie siècle). Les livres VI, VII, VIII, de même que l’abrégé du IVe, ne subsistent plus que dans la seconde partie du même ms., plus ancienne que la première (XIe s.). Le reste nous a été conservé par divers mss., dont les meilleurs (Monacensis 374, Marcianus 387, et Vaticanus 134) procèdent d’un même archétype perdu. — Éditions. La première édition de l’original grec est celle de C. Estienne, Paris, 1551. La plus importante, du xvie au xixe siècle, fut celle de Schweighæuser, 3 vol., Leipzig, 1785, avec un appareil critique et des notes. Divers fragments découverts par Angelo Mai ont été publiés par lui dans Scriptorum veterum nova collectio, t. II, Rome, 1825, et reproduits, avec les parties conservées de l’histoire romaine, dans l’Appien de la bibliothèque Didot, Paris, 180. Bekker a donné une petite édition sans notes en deux volumes, Leipzig, 1832-53. La meilleure est aujourd’hui celle de Mendelssohn, dans la biblioth. Teubner, 2 vol., Leipzig, 1879-81.

Pausanias. Manuscrits : Voir la préface de l’édition Schubart. Les meilleurs paraissent être le Leidensis 16 et le Vindobonensis 51. — Éditions. La première fut celle de Musurus, Alde, Venise, 1516. Parmi celles qui suivirent, sans révision cri que des mss., citons seulement celle de Clavier et Coraï, 6 vol., Paris, 1814-1821, à cause de la traduction française et des notes qui l’accompagnent ; avec les remarques supplémentaires de P. L. Courier, 1823. La première édition critique a été celle de Bekker, 2 vol. ; Berlin, 1826-27. Citons ensuite celle de Schubart et Walz, 3 vol., Leipzig, 1838-39, avec un appareil critique et une traduction latine ; celle de Dindorf dans la bibliothèque Didot, Paris, 1845 ; la seconde édition de Schubart dans la biblioth. Teubner, 2 vol., Leipzig, 1873-74, réimprimée en 1875. Une nouvelle et importante édition, avec commentaires archéologiques, par Hitzig et Blumner, est en cours de publication.

Bibliothèque d’Apollodore. La meilleure édition est aujourd’hui celle de Rich. Wagner, dans la biblioth. Teubner, Mythographi græci, t. I, Leipzig, 1894. On trouvera dans la préface une étude complète des mss. Parmi les éditions antérieures, il suffira de citer celle de Heyne, en deux vol., dont un de notes. Gœttingue, 1782, et celle de C. Müller, dans la biblioth. Didot, Hist. Græc. fr., t. I.

Antoninus Liberalis, édition d’E. Martini, dans la biblioth. Teubner, Mythog. Græci, vol. II, Lipsiæ, 1886. La préface, p. XXIX et suiv., contient une étude soignée du ms. Palatinus 398 (le seul qui nous ait conservé le Recueil de Métamorphoses), ainsi que des éditions antérieures.

Marc-Aurèle. Manuscrits. Voir la préface de l’édition de J. Stich, p. VII et suiv. Le seul complet est le Vaticanus 1959. — Éditions. La première fut donnée par Xylander, Zurich, 1530, d’après un Palatinus aujourd’hui perdu. Les plus importantes furent ensuite celles de Casaubon, Londres, 1643 ; celle de Th. Gataker, Cambridge, 1652, avec une traduction latine et un commentaire ; celle de Duebner, dans la biblioth. Didot (réuni avec Théophraste), Paris, 1840. La meilleure est aujourd’hui celle de Stich, dans la bibliothèque Teubner, Leipzig, 1882.

Sextus Empiricus. Nous n’avons pas encore d’édition critique, ni d’étude méthodique des mss. Voir quelques indications dans la préface de l’édition de Bekker. La plus importante édition est celle de J. A. Fabricius. Leipzig, 1718 ; seconde édition corrigée. Leipzig, 1840-42, Bekker a donné une édition en un seul volume, où le texte a été collationné sur de nouveaux mss., Berlin, 1842.

Artémidore d’Éphèse. Édition de Reiff en 2 vol., avec notes de divers savants. Leipzig, 1805 ; éd. critique de Rud. Hercher, Leipzig, 1864, dont on peut consulter la préface pour une bibliographie plus détaillée.

Ptolémée. Nous ne pouvons donner ici une bibliographie détaillée pour un auteur qui appartient à peine à l’histoire littéraire. Il n’y a pas d’édition d’ensemble des œuvres de Ptolémée. Les œuvres mathématiques (moins le Planisphère et l’Analemma) ont été publiées à Bâle, en 1541, et, depuis, éditées séparément. La Géographie fut publiée pour la première fois à Vicence en 1475, sans cartes, et à Amsterdam en 1618, avec les cartes de Mercator ; édition importante de Wieberg et Grashof. Essend, 1839-1845 ; une nouvelle édition est en cours dans la biblioth. Didot.

Dioscoride. La principale édition est l’édition variorum de Curt Sprengel, 2 vol. Leipzig, 1829-30, qui forme les tomes XXV et XXVI des Opera medicorum græcorum de C. G. Kuhn.

Médecins secondaires. Les textes se trouvent en général dans les Physici et Medici græci minores, de Ideler, Berlin, 1841. Voir en outre les indications bibliographiques données dans le corps du chapitre, au bas des pages.

Galien. Manuscrits. Aucun ms. ne contient toutes les œuvres de Galien. Un classement spécial est donc nécessaire pour chacun de ses écrits. On trouvera quelques indications à ce sujet dans les préfaces des trois volumes de Scripta minora de la biblioth. Teubner. — Éditions. Les grandes éditions de Galien sont : celle d’Alde, Venise, 1525 ; celle de Bâle, 1538 : celle de Chartier, Paris, 1679 ; enfin celle de Kuehn, qui forme les 20 premiers volumes des Opera medicorum græcorum. Leipzig, 1821-1830. La bibliothèque Teubner a donné trois volumes de Scripta minora, contenant les écrits les plus intéressants pour les lecteurs qui ne sont pas médecins. Leipzig, 1884-96, et en outre l’Institutio logica, 1896. Voir les notes au bas des pages, à propos des ouvrages mentionnés.

Apologistes chrétiens. Il suffira de citer ici les deux grandes éditions collectives des apologistes du second siècle : celle de Dom Prudent Marran, Paris, 1742, et Venise, 147, et celle de Jo. Ch. Th. de Otto, 9 vol., lena, 1842-1872. La plus grande partie des textes des apologistes du second siècle dérivent directement ou indirectement d’un recueil formé au xe siècle par l’archevêque de Césarée Aréthas, dont un exemplaire est conservé à la biblioth. nationale de Paris (Parisinus 451). Voir Harnack, Die Ueberlieferung der Griechischen Apologeten des 2 Juhrhunderts dans les Texte und Untersuchungen de Gebhardt et Harnack, t. I. fasc. 1 et 2, Leipzig, 1882, et Gebhardt, Der Arethascodex Parisinus 451, même vol., fasc. 3. Une édition nouvelle des Apologistes a commencé de paraître dans la collection des Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchrislichen Literatur, dirigée par les deux savants qui viennent d’être nommés. Voir, pour chaque auteur, les indications de détail données dans les notes. — De même pour Irénée, qui ne figure pas dans les recueils des Apologistes.

Clément d’Alexandrie. Sur la tradition manuscrite des œuvres de Clément, voir la préface de l’édition de Dindorf. L’Exhortation et le Pédagogue se trouvent dans le ms. d’Aréthas (Parisinus 451) qui vient d’être mentionné. Le texte des Stromates repose sur un ms. unique de Florence, du xie siècle. — Éditions. L’édition princeps est celle de Petrus Victorius, Florence, 1550. Les principales éditions sont : celle de Potter, 2 vol. in-8, Oxford, 1713, réimprimée dans la Patrologie grecque de Migne, t. VIII-XI (1857), et celle de W. Dindorf, 4 vol. Oxford, 1869.



Sommaire.
I. Vue générale. — II. L’histoire. Ses caractères nouveaux. Arrien ; Appien. — III. Genres attenants. Pausanias. Polyænos. Apollodore de Damas. Élien le tacticien. Hérennius Philon et Hermippe de Bérytos. Phlégon de Tralles. Ptolémée Chemnos. Bibliothèque dite d’Apollodore. Antoninus Liberalis. — IV. La philosophie. Albinos, Atticos et Théon. Celse. Noumenios d’Apamée. L’empereur Marc-Aurèle. Sextus Empiricus ; Œnomaos. — V. Littérature scientifique. Ménélas d’Alexandrie et Théodore de Tripolis. Sérénos d’Antissa et Cléomède. Nicomachos de Gerasa. Artémidore d’Éphése. Claude Ptolémée. Denys le Périégète et Denys de Byzance. — VI. Littérature médicale. Dioscoride. Les sectes dogmatiques, empiriques, méthodiques et sceptiques. Andromachos, Damocratès. Rufus d’Éphèse. Soranos. Xénocrate d’Aphrodisias et Arétaeos de Cappadoce. Claude Galien. État de l’hellénisme à la fin du second siècle. — VII. Débuts de la littérature grecque chrétienne. Ses caractères propres. Les apologistes : vue générale. Quadratus et Aristide. Justin. Apologistes et docteurs de second rang : Tatien, Athénagoras, Théophile, Ariston, Miltiade, Méliton, Apollinaire, Irénée. Écrits faussement attribués a Justin. Lettre à Diognète. Hermias. — VIII. La philosophie chrétienne. Clément d’Alexandrie. Sa vie. Ses œuvres. Originalité de sa pensée. Son dédain de la forme. Le christianisme en face de l’hellénisme à la fin du second siècle.


I

Le fruit le plus brillant de la renaissance grecque au second siècle est incontestablement cette sophistique dont nous venons de suivre le développement. Mais la sophistique n’est pourtant pas toute la littérature de ce siècle. Si nous n’avons voulu parler dans le précédent chapitre que des sophistes et des écrivains qui se groupent naturellement auteur d’eux, c’est qu’ainsi réunis et séparés des autres, leur caractère propre se montre mieux. Nous avons maintenant à nous occuper de tous ceux qui ne pouvaient convenablement figurer dans ce groupe.

Notre intention n’est pas de les opposer aux précédents ; il n’y a, entre les uns et les autres, ni contraste, ni même séparation absolue. Toutefois, si ceux dont nous avons à parler ont fait en général moins de bruit dans le monde, s’ils ont été moins applaudis et moins adulés, on peut dire, en revanche, que leur œuvre, à presque tous, a été plus sérieuse. Avec eux, nous revenons à un genre d’étude qui touche plus aux choses et aux idées. Nous pourrons donc plus aisément nous y rendre compte de ce que l’hellénisme contenait encore de sérieux. Et, comme d’autre part, nous arrivons au temps où le christianisme, sortant de l’obscurité, se manifestait par des œuvres littéraires, ce sera l’occasion de le mettre en face de cet hellénisme vieillissant.

II

L’histoire, comme on l’a vu, n’avait manifesté dans les deux derniers siècles aucune tendance vraiment élevée. Tantôt entre les mains des philosophes, tantôt entre celles des rhéteurs de profession, elle comprenait sa tâche, soit comme une copieuse notation de faits à retenir, soit comme une matière de beaux récits, émaillés d’éloquents discours. On ne peut nier qu’au temps des Antonins, à côté des tentatives ridicules des sophistes, il ne se produise en elle une sorte de renouvellement intérieur, dû a une meilleure conception du genre lui-même. Arrien et Appien en sont les représentants. Fonctionnaires impériaux l’un et l’autre, muris par les emplois militaires ou civils, par la pratique des hommes et la connaissance des affaires, ils se font de leur rôle une notion saine qui manquait à leurs prédécesseurs. L’historien, chez l’un et l’autre, a un coup d’œil plus ferme et plus libre, il juge de plus haut, se dégage plus sûrement des petits détails purement curieux ; et, d’autre part, il sent mieux le prix d’une simplicité élégante. Grâce à eux, nous voyons reparaître, après un long intervalle de temps, une forme de récit claire, dégagée, instructive, qui plaît par le sérieux et le bon goût et qui a vraiment quelque chose de classique.

Seulement, ce progrès remarquable est limité par sa cause même. On ne peut attendre de ces hommes, pliés à la régularité correcte d’une administration très autoritaire, l’indépendance d’esprit des grands historiens. Leur jugement sera sage, pondéré, mais sans hardiesse et sans vigueur. Ils comprendront et expliqueront en général assez bien le détail de la politique, mais les mouvements de l’humanité leur échapperont, parce que c’est la matière de philosophie, et qu’un fonctionnaire impérial ne fait pas de philosophie, au sens large du mot. Si on les compare à un Denys d’Halicarnasse, ou même à un Strabon, ils ont une supériorité réelle ; si on les met en face d’un Thucydide, d’un Hérodote ou d’un Polybe, ils semblent petits ; car ils sont timides et confinés dans une expérience restreinte. Arrien racontera avec talent la conquête de l’Asie par Alexandre, mais nous ne sentirons dans son ouvrage ni la grandeur emportée de son héros, ni l’ébranlement du monde oriental, tout à coup livré à une autre destinée. Appien nous fera l’histoire de Rome, et ce qui manquera le plus à son livre, ce sera Rome elle-même. C’est pourquoi aucune de ces nouvelles compositions historiques ne se classera au rang des chefs-d’œuvre. On y regrettera toujours une certaine force de pensée qui n’était plus possible dans le milieu où elles sont nées. Arrien, avec son mérite modeste, mais sérieux, est un des hommes qui représentent le mieux les qualités moyennes de la bonne société grecque de l’empire[238]. Il les a eues toutes, sans supériorité éclatante, au degré voulu pour se tirer de la foule très honorablement.

Né à Nicomédie, en Bithynie, vers la fin du premier siècle, il appartenait à une famille considérée ; son père semble avoir été déjà citoyen romain. De cette source lui vinrent les vertus traditionnelles de la bourgeoisie provinciale : moralité, piété simple, dignité, une ambition sage, une intelligence droite. Il hérita probablement de son père le sacerdoce à vie de Déméter et Coré dans sa ville natale[239]. Le fait capital de son éducation et de sa jeunesse fut le séjour qu’il fit auprès d’Épictète, à Nicopolis d’Épire, sous Trajan. Les souvenirs qu’il en a conservés dans ses Entretiens d’Épictète prouvent que ce commerce fut assez long. Il s’y révèle comme le plus docile et le plus attentif des disciples. Rien chez Épictète qui ne soit excellent, rien qui ne mérite d’être admiré et imité. On doit admettre qu’il resta auprès de lui jusqu’au jour où le sage lui fut enlevé par la mort ; en outre, les années qui suivirent furent encore pleines de lui, car les Entretiens et le Manuel, composés après qu’Épictète avait disparu, nous montrent Arrien aussi attaché que jamais à son modèle.

Toutefois il ne voulut pas faire profession de philosophie. La vie active l’attirait : dès sa jeunesse, il prit du service pour s’élever aux honneurs militaires. C’est probablement ce mélange de philosophie et de goûts pratiques qui éveilla en lui, lorsqu’il en prit conscience, le sentiment d’une ressemblance naturelle avec Xénophon[240]. Nous ne savons pas au juste quand ni comment cette idée germa dans son esprit, mais il est certain qu’elle finit par exercer une réelle influence sur la direction de sa vie. Arrien était une nature docile, qui ne se sentait sûre de bien faire qu’à la condition de s’appuyer sur une autorité reconnue. Il aima plus complètement encore Épictète, lorsque, grâce à Xénophon, il en eut fait son Socrate.

Une fois entré dans la carrière militaire, il semble avoir parcouru, en qualité d’officier, une bonne partie de l’Empire. Son propre témoignage prouve qu’il connaissait le cours moyen du Danube[241] ; et la manière dont il décrit, dans le Cynégétique, les chasses des Gaulois et des Numides, donne au moins lieu de présumer qu’il avait été en Gaule et en Numidie. Ses services lui valurent la faveur d’Adrien, qui l’éleva aux plus hauts honneurs. Il fut consul vers l’an 130[242]. Puis l’empereur le chargea d’administrer, en qualité de légat, la province de Cappadoce[243]. Cette région était alors menacée par les Alains, peuple de nomades apparentés aux Scythes, qui, depuis un siècle environ, avait succédé aux Sarmates dans la région des steppes, entre la Caspienne et le Tanaïs. Dion Cassius atteste que l’énergique gouverneur sut inspirer à ces barbares une crainte salutaire qui mit fin à leurs invasions[244]. Son Périple du Pont Euxin nous offre une intéressante manifestation de sa vigilante activité : nous l’y accompagnons dans une de ses tournées de surveillance, au moment où, nouveau venu, il prenait connaissance de sa province en visitant une à une les villes du littoral.

Sa légature cessa un peu avant la mort d’Adrien[245] ; avec le règne de ce prince, sans que nous sachions bien pourquoi, se termina aussi sa carrière publique. Arrien atteignit une vieillesse avancée, sans occuper aucune autre fonction. Peut-être était-il tombé dans une demi-disgrâce ; peut-être aussi, et cela semble plus probable, après être arrivé au faite des honneurs, se plaisait-il dans une retraite volontaire, où il jouissait paisiblement de sa fortune et de la haute considération qui l’entourait. Cette dernière partie de sa vie semble s’être écoulée surtout à Athènes, bien qu’il ait dû faire, de temps en temps, d’assez longs séjours dans sa ville natale, à Nicomédie. Il était citoyen d’Athènes et il se laissait décerner par les Athéniens de coûteux honneurs municipaux : archonte éponyme en 147-48, prytane de la tribu Pandionide une première fois à une date inconnue, une seconde fois en 171-72[246]. Au reste, son tempérament militaire ne s’amollissait pas avec l’âge. Toujours actif jusque dans sa retraite, il se livrait à sa passion pour la chasse, en même temps qu’à ses goûts d’écrivain[247]. Malgré cela, il aimait à s’entendre traiter de sage et au besoin se donnait à lui-même cet éloge[248]. Plus que jamais, sa ressemblance avec Xénophon, désormais reconnue de tous, l’amusait et l’enchantait. On l’appelait couramment le nouveau Xénophon[249]. Lui-même usait volontiers de ce nom : il aimait à dire qu’il était de la même ville que l’ancien Xénophon et qu’il avait les mêmes goûts que lui[250].

Le plus ancien des écrits d’Arrien semble être le recueil des Entretiens d’Épictète (Ἐπικτήτου διατριβαί), en huit livres, dont quatre seulement sont venus jusqu’à nous. Peu après, dut paraître le Manuel (Ἐγχειρίδιον), qui n’est qu’un abrégé des Entretiens, une sorte d’extrait contenant tout l’essentiel des enseignements du maitre. Nous avons étudié ces deux livres à propos d’Épictète ; il n’y a pas lieu d’y revenir ici[251]. Rappelons seulement qu’Arrien n’y est encore que simple rédacteur.

Ce ne fut guère qu’une quinzaine d’années plus tard, pendant son gouvernement de Cappadoce, et probablement sous l’influence de l’empereur Adrien, qu’il commença à devenir vraiment écrivain.

Dès son arrivée dans sa province, en 131, il eut à rendre compte au souverain d’une inspection du littoral entre Trapézonte et Dioscourias. Cette inspection donna lieu à un rapport officiel rédigé en latin, auquel Arrien renvoie deux fois dans son Périple (6, 2 ; 10, 1). Mais le Périple lui-même est autre chose que ce rapport transcrit en grec, bien qu’il le suive de très près. Le rapport, comme nous le voyons par les renvois, s’étendait davantage sur certains détails techniques, que, peut-être, il n’était pas opportun de publier. Le Périple les supprime. Il semble que l’empereur, qui aimait le grec, ait voulu avoir sous la main un document clair, facile à lire, écrit dans sa langue favorite. Arrien a composé, pour lui d’abord, et sans doute ensuite pour d’autres lecteurs, une sorte de journal de route, qui note les choses intéressantes, sous une forme un peu sèche, mais correcte et dégagée. Une fois ce journal fait, il jugea bon de le compléter par une description analogue du reste du littoral du Pont Euxin[252]. Il ajouta donc, d’abord la partie du littoral méridional qui s’étend du Bosphore jusqu’à Trapézonte (c. 12-17) : puis celle du littoral occidental et septentrional, du Bosphore à Dioscourias (17-25) ; la mort récente de Cotys, roi du Bosphore Cimmérien, en offrant à l’empereur l’occasion de régler une succession princière, lui paraissait prêter à ces derniers chapitres un intérêt d’actualité (c. 17). Dans toute cette seconde partie, Arrien n’a fait qu’utiliser des Périples antérieurs[253]. Il ne visait pas à l’originalité des recherches ni à la nouveauté des faits. Son seul but était de réunir, sous une forme très simple, des renseignements formant un tout[254].

Le Traité de Tactique (Τέχνη τακτική), achevé en 137[255], peu avant qu’Arrien quittât la Cappadoce, dénote un état d’esprit analogue. L’auteur y continue son apprentissage d’écrivain en rajeunissant des œuvres antérieures. Remarquant que les nombreux traités de tactique écrits jusque là en grec étaient fort obscurs, principalement en raison des termes spéciaux dont ils étaient pleins, il entreprend d’en composer un nouveau, d’une forme accessible à tous[256]. Toute la première partie (c. 2-32) n’est qu’un exposé des anciennes formations tactiques, grecques et macédoniennes[257]. Arrien y suit de très près le tacticien Élien dont nous parlerons plus loin[258]. Dans la seconde partie (c. 33-44), l’auteur s’occupe de la tactique romaine ; mais ayant déjà parlé de celle de l’infanterie dans un écrit qu’il avait composé pour l’empereur, il s’en tient aux manœuvres de la cavalerie[259]. Le mérite de l’ouvrage est de même genre que celui du Périple : c’est un exposé clair, sans ornement.

Au même groupe d’écrits paraît se rattacher le Plan de bataille contre les Alains (Ἔκταξις κατὰ Ἀλανῶν) ; simple fragment d’un ordre de marche et d’attaque, qu’Arrien avait dù rédiger en qualité de général. Peut-être l’avait-il inséré plus tard dans son ouvrage Sur les Alains (Ἀλανική), d’où il aura été extrait par un compilateur de documents tactiques[260].

En somme, ce n’étaient encore là que des essais sans grande importance. La véritable activité littéraire d’Arrien commence après sa retraite. C’est probablement à Athènes, sous Antonin et sous Marc-Aurèle, qu’il a composé ses principaux ouvrages. Ceux-ci appartiennent tous au genre historique. Rien en effet ne convenait mieux que l’histoire à cet esprit sage, mais plus exact que puissant ou inventif. D’après les indications de Photius[261], Arrien, dès qu’il se sentit capable de composer, songea à se faire l’historien de la Bithynie, sa patrie. Mais les renseignements, dispersés, étaient longs à recueillir ; il ajourna donc son projet ; et, en attendant, il écrivit deux biographies, celles de Timoléon de Corinthe et de Dion de Syracuse, toutes deux perdues. Alors, devenu plus sûr de lui, il entreprit son Expédition d’Adexandre (Ἀλέξανδρον ἀνάβασις), sur laquelle nous reviendrons tout à l’heure ; et ce fut seulement après l’avoir terminée, qu’il acheva et publia ses Βιθυνιακά. De ce dernier ouvrage nous ne savons que ce qu’en dit Photius : qu’il commençait aux temps mythiques, se composait de huit livres, et se terminait à l’époque où la Bithynie devint province romaine (75 av. J.-C.)

Une fois libéré de sa dette envers sa patrie, Arrien revint à ses études sur Alexandre, et il compléta son Anabase par deux ouvrages : un écrit Sur l’Inde (Ἰνδική) et la Succession d’Alexandre (Τὰ μετ’Ἀλέξανδρον) en dix livres. — Le premier ouvrage, qui subsiste encore, est écrit en dialecte ionien[262] : après une courte description de l’Inde, dont les éléments sont empruntés surtout à Ératosthène, à Néarque et à Mégasthène[263], l’auteur raconte en abrégé le voyage d’exploration (des bouches de l’Indus au fond du golfe persique) que Néarque avait accompli sur l’ordre d’Alexandre et relaté en détail dans son Périple. En suivant de très près ce récit, dont il nous a ainsi conservé la substance, il semble s’être proposé simplement de réunir, sous une forme brève, beaucoup de faits curieux, à l’usage de ceux des lecteurs de son Expédition d’Alexandre, que cet épisode intéresserait plus spécialement[264]. — Du second ouvrage, nous ne possédons plus qu’un résumé assez court dans Photius (cod. 92). Nous y voyons qu’il embrassait les événements des années 323-321, depuis la mort d’Alexandre jusqu’au retour d’Antipater en Europe. Il est difficile de dire pourquoi Arrien s’était arrêté là et s’il avait eu l’intention de pousser plus loin. Au reste, le résumé que nous possédons ne permet de juger ni de son originalité ni de son mérite littéraire[265].

Ce fut probablement après avoir beaucoup écrit d’après les autres qu’Arrien se risqua à faire œuvre plus personnelle en abordant le récit d’événements contemporains. Son livre Sur les Alains (Ἀλανική), qui ne nous est plus connu que par une simple mention de Photius[266], datait peut-être du temps de son gouvernement de Cappadoce. Mais son œuvre la plus personnelle et la plus importante fut l’histoire de la Guerre des Romains et des Parthes sous Trajan (Παρθική), en dix-sept livres[267]. Il ne nous en reste malheureusement aucun fragment ; ce qu’en dit Photius (cod. 58) est tout à fait insuffisant pour nous en donner même un aperçu.

Un écrit très spécial, l’opuscule sur la Chasse (Κυνηγετικός), est venu jusqu’à nous. Nous en ignorons absolument la date[268]. Arrien s’y propose de compléter le traité de Xénophon sur le même sujet. Au milieu de détails purement techniques, on y trouve quelques descriptions, quelques souvenirs personnels, et même des traits de caractère, qui ne manquent ni d’intérêt ni d’agrément[269]. — Enfin nous savons par Lucien (Alexandre, c. 2) qu’il avait écrit aussi une Vie du brigand Tilliboros, personnage entièrement inconnu.

C’est sur son Expédition d’Alexandre que nous devons aujourd’hui le juger, comme historien et comme écrivain. Le choix du sujet en lui-même est déjà caractéristique. Si Arrien eût été doué d’un génie vraiment original, il n’eût pas été tenté sans doute par cette histoire très ancienne, d’autant qu’il n’avait à sa disposition aucun document nouveau qui lui permît de la rajeunir. Mais ce qui aurait éloigné un esprit plus curieux de nouveauté fut peut-être justement ce qui l’attira. Dénué du goût de la recherche, il aimait à juger, à classer et à simplifier. Or, pour traiter ce sujet, il disposait de plusieurs récits bien informés et complets, sans parler de ceux où l’élément fantastique prédominait. Sa tâche était de les critiquer les uns par les autres, de les concilier autant que possible, enfin de les fondre en un nouveau récit, qui deviendrait ainsi le plus vraisemblable de tous en même temps que le plus clair. C’était bien l’affaire de son esprit judicieux et lucide. Ajoutons que le côté militaire du sujet, qui était à ses yeux le principal, dut plaire à l’ancien général qui survivait en lui chez l’écrivain. D’autant plus que la récente expédition de Trajan en Asie, dont il avait pu recueillir les souvenirs dans sa jeunesse en causant avec des officiers plus âgés, donnait alors un intérêt nouveau à cette étonnante expédition du conquérant macédonien, qui avait mené pour la première fois des armées régulières au delà de l’Euphrate et du Tigre.

Avec un scrupule qui n’était pas ordinaire dans l’antiquité, Arrien nous a fait connaître ses sources à la première page de son livre[270]. Entre tous les historiens d’Alexandre, il a choisi, nous dit-il, Ptolémée et Aristobule comme les plus dignes de foi, parce que tous deux avaient pris part à l’expédition et que tous deux avaient écrit après la mort du conquérant. C’est de leurs récits qu’il tire la substance du sien. Le rôle qu’il revendique est de les comparer ; s’ils sont d’accord, il ne fait que les suivre, on se réservant seulement d’éliminer les choses trop peu dignes d’intérêt ; en cas de désaccord entre eux, il se décide selon la vraisemblance. En outre, ajoute-t-il, il a lu la plupart des autres récits, et, lorsqu’ils lui ont paru mériter de n’être pas entièrement passés sous silence, il en a fait mention en usant de la formule on dit (λέγεται), ou d’autres analogues. Les travaux critiques qui ont été faits de nos jours sur les sources d’Arrien ont démontré l’exactitude de ces déclarations[271]. On peut donc dire que son récit relève constamment de ceux de Ptolémée et d’Aristobule et qu’il a, au point de vue historique, à peu près la valeur qu’ils avaient eux-mêmes ; avec cette différence toutefois, qu’il a effacé par système ce qu’il y avait sans doute de plus caractéristique chez l’un et chez l’autre comme tendance personnelle, pour s’en tenir à une vraisemblance moyenne. Ainsi conçu, l’ensemble du récit n’a rien qui éveille la défiance ; le merveilleux en est banni, sauf les présages, que la dévotion du narrateur aime à enregistrer ; partout apparaît un souci d’exactitude et un air de vérité qui fait bonne impression. Du reste, Arrien, comme ses auteurs, est manifestement favorable à Alexandre, bien que son esprit de justice l’oblige à le blâmer quelquefois. Ce qu’il ne sait pas faire, c’est de réagir contre le préjugé hellénique, de façon à juger une telle entreprise d’un point de vue plus largement humain ; et il n’a pas non plus toute la souplesse qui eût été nécessaire pour bien comprendre, dans ses inégalités et dans ses écarts, une nature aussi exceptionnelle que celle de son héros. Enfin toute la partie politique de l’entreprise n’est réellement qu’entrevue.

De même que la critique, l’art littéraire est chez lui de qualité moyenne. Un exposé clair et intéressant, rapide sans l’être trop, bien ordonné, suffisamment animé. Les récits de batailles sont d’un homme du métier, qui sait d’ailleurs se mettre à la portée de tous ; les descriptions de pays et d’itinéraires ont quelque chose de dégagé, les personnages sont caractérisés surtout par leurs actions ; s’ils ont peu de relief, la physionomie qui leur est prêtée semble en définitive assez juste. Ce sont là des mérites très estimables, qui rendront toujours le livre d’Arrien agréable et utile. Mais la grande originalité lui fait défaut. Ni éclat de style, ni vivacité d’imagination, ni couleurs brillantes, ni mouvement entraînant, ni force de pensée ou de sentiment, rien en un mot de ce qui crée une supériorité dans l’art d’exprimer la vie par le langage. Et cette médiocrité est d’autant plus sensible qu’il s’agit d’une aventure héroïque, d’une sorte d’épopée rapide et brillante, qui, par sa nature même, semblait exiger plus impérieusement du narrateur des qualités dramatiques. Arrien n’avait aucun de ces dons exceptionnels, et l’apprentissage laborieux qu’il avait fait du métier d’écrivain n’avait pu lui donner qu’une remarquable habileté d’imitation.

Sa langue est celle qu’il avait apprise dans les livres, un composé de tout ce que les écrivains classiques avaient autorisé. Visiblement, il a beaucoup pratiqué Hérodote, Thucydide, Xénophon, et il écrit sous l’influence d’une sorte de réminiscence perpétuelle, sans qu’on puisse dire quel est celui de ses modèles auquel il s’attache le plus. Il use avec aisance d’une diction attique pure et correcte (sauf la petite part nécessaire des inadvertances), et il en tire bon parti. Entre tous les écrivains du temps, — si l’on met à part Lucien, dont l’originalité est tout autre, — il est un des meilleurs incontestablement, et il en a conscience[272]. Mais cela revient à dire simplement, qu’entre des imitateurs plus ou moins adroits, il est peut-être celui qui a eu le plus de goût, le plus de naturel et le plus de sincérité.


Appien est tout à fait, par l’âge, un contemporain d’Arrien : né, comme lui, dans les dernières années du premier siècle, il était déjà un homme âgé avant la fin du règne d’Antonin (mort en 161). Toutefois, par sa réputation d’écrivain, il lui est un peu postérieur ; car il ne composa probablement son histoire qu’à la fin du règne d’Antonin, ou même sous Marc-Aurèle. Ce que nous savons de sa vie se réduit à bien peu de chose[273]. Il était d’Alexandrie, et ce fut là que, sous Trajan et Adrien probablement, il se fit une situation importante au barreau[274]. Plus tard, sans que nous puissions suivre en détail toute sa carrière, nous le trouvons à Rome, où il semble avoir été avocat du fisc sous Adrien et Antonin[275]. Son aptitude aux affaires et son talent étaient reconnus : il jouissait d’une belle fortune, sans doute acquise par son travail ; et il avait des amis puissants, parmi lesquels le consulaire Fronton, avec lequel il travaillait et échangeait parfois des lettres, dont deux sont venues jusqu’à nous[276]. Fronton, à deux reprises, sollicita pour lui de l’empereur Antonin une place de procurateur[277]. Antonin finit par accorder ce qu’on lui demandait ; et Appien semble avoir occupé ce poste encore sous Marc-Aurèle[278]. Fier de cette brillante carrière, il jugea à propos de publier sa propre biographie, qui, malheureusement, ne nous est pas parvenue. Ses dernières années furent employées à la composition et à la publication de son Histoire romaine[279]. Nous ignorons la date précise de sa mort, mais, si l’on songe qu’il était déjà âgé sous Antonin, on tiendra pour vraisemblable qu’il mourut dans la première partie du règne de Marc-Aurèle.

À la différence d’Arrien, qui écrivit sur des sujets variés, Appien n’a vraiment produit qu’une seule œuvre, puisque son autobiographie, d’ailleurs perdue, ne pouvait être en tout cas qu’un simple opuscule. Cette œuvre est son Histoire romaine (Ῥωμαϊκὴ ἱστορία, ou plutôt, Ῥωμαϊκά)[280], en vingt-quatre livres, qui s’étendait depuis les origines de Rome jusqu’à la fin du règne de Trajan[281]. En établissant son plan, Appien avait résolument laissé de côté la méthode annalistique, qui, suivant lui, avait l’inconvénient d’empêcher de saisir les ensembles. Au lieu de suivre les événements d’année en année, il les groupait de façon que chaque livre formât un tout : le principe de ces groupements était d’ailleurs tantôt ethnographique, quand il réunissait en un récit continu toute l’histoire des rapports d’un certain peuple avec Rome, tantôt historique, lorsqu’il embrassait et détachait toute une période, caractérisée soit par la prédominance d’une institution, soit par une entreprise importante, soit encore par un conflit meurtrier. Photius nous a conservé la liste complète des titres des vingt-quatre livres[282]. Elle permet de suivre assez bien la marche du récit. C’étaient : 1. Les Rois (βασιλική, sous-ent. βίβλος ou ἱστορία) ; 2. Guerres d’Italie (Ἰταλική) ; 3. Guerres du Samnium (Σαυνιτική) ; 4. Guerres contre les Gaulois (Κελτική) : 5. Conquête de la Sicile et des îles (Νησωτική) ; 6. Guerres d’Espagne (Ἰβηρική) ; 7. Guerre d’Annibal (Ἀννιβαῖκῆ) ; 8. Guerre d’Afrique, ou de Carthage, ou Numidique (Λιβυκή, Καρχηδονική, Νομαδική) ; 9. Guerres de Macédoine et d’Illyrie (Μακεδονικὴ καὶ Ἰλλυρική) ; 10. Guerre de Grèce (Ἐλληνικὴ καὶ Ἰωνική) ; 11. Guerre de Syrie et des Parthes (Συριανικὴ καὶ Παρθική) ; 12. Guerre de Mithridate (Μιθριδάτειο) ; 13-21. Guerres civiles (Ἐμφυλίων πρώτη — ἐνάτη), depuis la lutte de Marius et de Sylla jusqu’à l’établissement de l’Empire : 22. Les Cent ans (Ἑκατονταετία), d’Auguste à Trajan ; 23. Guerre contre les Daces (Δακική) ; 24. Affaires d’Arabie (Ἀράβιος). De cet imposant ensemble, il nous reste la préface, des fragments des livres I-V, les livres I, VII, VIII, à peu près complets, toute la seconde partie du livre IX, sur l’Illyrie, avec des fragments de la première partie, enfin les livres XI-XVII en entier[283]. D’après Photius, l’historien avait traité sommairement les événements postérieurs à Auguste, c’est-à-dire ceux qui remplissaient les trois derniers livres. Ces trois livres, du reste, Appien a dû les ajouter après coup, car il n’en parle pas dans sa préface.

Provincial de naissance, mais associé dans la maturité de l’âge à l’administration impériale, Appien semble avoir été très frappé de la grandeur de Rome, de sa croissance continue et de la plénitude de force dont elle jouissait sous Antonin. Ces sentiments éclatent dans sa préface. C’est l’intérêt même de ce spectacle, plutôt senti d’ailleurs qu’analysé, qui l’a décidé à entreprendre une si grande tâche. Quant à des vues particulières et précises sur les causes de cette croissance et sur la nature de cette force, il n’en a point. Il admire vaguement la vertu romaine, faite de patience, d’énergie, de constance, de bon conseil[284]. Mais il ne sait pas l’étudier, comme l’avait fait Polybe, dans les institutions, dans une politique réfléchie et traditionnelle, ni en suivre pas à pas le développement à travers une longue série de siècles. Donc, point d’idée fondamentale. Ce qu’il peut y avoir d’unité apparente dans le récit lui vient surtout du dehors, des événements eux-mêmes, et cela est insuffisant ; l’unité du dedans, la vraie, tout au plus en trouve-t-on quelque germe dans un sentiment d’admiration confuse, incapable d’ailleurs de s’attacher à des objets précis. La première des conditions nécessaires à une œuvre d’art, la personnalité, fait défaut à cette vaste composition.

Par suite, l’ordonnance en est profondément défectueuse. Celle qu’Appien a imaginée a pu faire illusion à des lecteurs peu réfléchis : elle plaît par une sorte de clarté superficielle, elle est commode dans l’usage. Mais ce sont là des qualités qui se dérobent dès qu’on examine les choses plus sérieusement. Une histoire complète de Rome n’admet qu’un seul plan, qui sans doute pourra varier dans le détail selon les idées personnelles de l’historien, — pourvu qu’il en ait, — mais, qui restera toujours le même dans sa conformation essentielle. Ce plan, on peut le caractériser d’un mot, en disant qu’il doit être organique. Cela signifie qu’il doit nous faire assister au développement de la puissance romaine : il faut que nous voyions croître ses ambitions avec ses forces, que sa politique extérieure s’explique par son histoire intérieure, et, réciproquement, que les événements soient mis en rapport avec les institutions et les institutions elles-mêmes avec les mœurs, en un mot que Rome nous apparaisse comme un être qui vit, qui grandit et qui décline. Or cela était manifestement impossible avec la méthode adoptée par Appien. Que penser de la philosophie d’un historien qui, sans se soucier de l’ordre du temps, racontait dans son quatrième livre la conquête des Gaules par César, entre les guerres du Samnium et les guerres de Sicile, bien avant par conséquent d’avoir pu donner la moindre idée de l’état de choses dans lequel l’ambition d’un César et sa personnalité avaient été à même de se former ? Ainsi composé, son ouvrage ne pouvait être et n’est en effet qu’un recueil de monographies mal cohérentes.

Comme série de récits isolés, il a ses mérites très réels. La critique moderne n’est pas arrivée encore à déterminer avec sûreté les sources d’Appien[285] : on a constaté chez lui des points de contact nombreux avec Denys d’Halicarnasse, avec Polybe, avec Tite-Live, avec Plutarque, et l’on a cru d’abord qu’il avait mis à profit directement ces auteurs. Un examen plus attentif a démontré que cela était inexact. Certaines divergences caractéristiques prouvent qu’il a suivi d’autres auteurs, ayant leurs tendances propres. Quoi qu’il en soit, l’histoire d’Appien représente une tradition, sinon toujours impartiale, du moins intéressante à connaître, une tradition patriotique, modérée, césarienne, qui arrange doucement les choses conformément à ses vues, en évitant les partis pris trop évidents. Appien paraît l’avoir suivie docilement, parce qu’elle convenait à son tour d’esprit, à ses habitudes, à ses fonctions mêmes, sans dessein préconçu, mais aussi sans effort sérieux de critique. Au reste, son récit est d’un homme intelligent, instruit des affaires. S’il ne va pas au fond des choses, il les présente du moins sous une forme facilement intelligible. Exempt de passion, il a un ton d’honnête homme qui séduit ; et comme ses jugements se tiennent d’habitude dans un juste milieu, on y acquiesce volontiers : il faut examiner ses informations de plus près, pour s’apercevoir qu’elles sont quelquefois incomplètes sur des points importants, quelquefois incertaines ou erronées. Voilà pourquoi, à mesure que la critique historique est devenue plus exigeante, Appien a vu décroitre son autorité. S’il contente les simples lecteurs, il laisse trop souvent dans le doute les chercheurs.

En tant qu’écrivain, Appien, moins pur et moins élégant qu’Arrien, se recommande surtout par une simplicité qui ne manque ni d’agrément ni parfois de force[286]. N’ayant point de prétentions littéraires, il n’a en vue que les faits eux-mêmes. Le sérieux de son esprit l’a préservé de l’influence de la sophistique. Nulle trace de déclamation dans son œuvre, point de harangues subtiles ou pompeuses ni de tableaux à effet, point d’affectation d’atticisme. Si son récit manque un peu de couleur, il n’est pourtant ni sec ni insignifiant. Ce qui nous reste de son exposé des guerres civiles nous met vraiment sous les yeux d’une manière intéressante toute une période de l’histoire de Rome. Il fait peu parler ses personnages, et les discours qu’il leur prête, la plupart en style indirect, ne servent qu’à expliquer leur pensée. Sans originalité très marquée, il a le grand mérite de ne pas chercher à s’en créer une artificiellement.


À côté de l’histoire proprement dite, on voit se continuer au second siècle le mouvement de recherches qui, depuis longtemps déjà, portait un grand nombre d’esprits soit vers le passé de l’hellénisme, soit simplement vers les curiosités de l’érudition. Si nous essayons ici de caractériser rapidement quelques-unes des œuvres qu’il a suscitées, on n’oubliera pas que, le mérite littéraire en étant fort mince, nous n’avons pas à les étudier en détail.

La Grèce, en ce temps, devait apparaître, au milieu de l’Empire, comme une sorte de musée, où les plus grands souvenirs de la mythologie, de l’art, de la civilisation étaient représentés par des monuments célèbres. Combien ces monuments étaient chers aux Grecs distingués, nous l’avons vu déjà par l’exemple de Plutarque, si attaché de cœur à toutes les grandeurs de sa patrie. Mais ce genre d’intérêt pouvait être également senti par tous ceux que la culture grecque avait formés, quel que fût leur lieu de naissance. En fait, il n’était guère d’homme instruit, pouvant voyager, qui ne voulût visiter, au moins une fois dans sa vie, Athènes, Corinthe, Argos, Olympie, Delphes, ces villes dont le nom seul évoquait tant d’images et tant de souvenirs. On y venait de tous les points du monde comme en pèlerinage, et, lorsqu’on y était venu, on ne se lassait point d’en entendre parler.

Cet état d’esprit, dont nous trouvons tant de traces à travers la littérature du second siècle, s’est traduit particulièrement dans l’ouvrage de Pausanias, intitulé Description de la Grèce (Περιήγησις τῆς Ἑλλάδος). Nos informations sur l’auteur se réduisent à ceci : qu’il écrivait son livre en 173[287] : qu’il habitait en Asie, à peu de distance du Sipyle et de l’Hermos, et considérait ce pays comme le sien[288] : enfin qu’il avait visité, non seulement la Grèce, mais l’Italie, peut-être aussi la Sardaigne, et dans une autre direction, la Syrie et l’oracle d’Ammon[289]. Philostrate, dans ses Vies des sophistes (II, 13), mentionne, comme un des sophistes illustres du second siècle, un certain Pausanias de Césarée nommé plus haut, qui fut disciple d’Hérode Atticus et occupa la chaire de rhétorique d’Athènes. Vossius, et beaucoup d’autres après lui, ont cru que ce Pausanias n’était autre que le périégète. Rien n’est moins vraisemblable[290]. Suidas, qui cite les ouvrages du sophiste, ne fait aucune mention de la Description de la Grèce ; et d’ailleurs le style de cette relation, plutôt négligé, ne saurait être d’un des maîtres de la rhétorique en vogue. De nos jours, un des éditeurs de Pausanias, Schubart, a conjecturé que le périégète était le même qu’un historien d’Antioche, cité par plusieurs auteurs byzantins[291]. C’est là encore une hypothèse à rejeter : l’historien en question était d’Antioche ou de Damas, et ceux qui le citent le qualifient de chronographe habile, sans faire la moindre allusion à son ouvrage archéologique.

La Description de la Grèce est un des écrits les plus précieux que l’antiquité nous ait légués pour la connaissance de la Grèce ancienne, de sa mythologie, de sa topographie et de ses monuments. Mais la reconnaissance que tous les amis de l’antiquité ont pour l’auteur ne doit pas nous faire illusion sur ses mérites réels.

Quelle fut, en l’écrivant, son intention ? Pausanias ne semble pas avoir voulu rédiger un Guide du voyageur en Grèce à proprement parler, ni même un Guide de l’archéologue, car il omet quantité de choses qui eussent été utiles à l’un ou à l’autre. Son livre semble bien plutôt avoir été principalement destiné à ceux de ses contemporains qui avaient déjà visité la Grèce. Il se proposait de renouveler et de préciser leurs souvenirs, de compléter ou de corriger les indications des exégètes. Le voyage qu’il leur faisait faire était probablement celui qu’il avait fait lui-même, le voyage d’un amateur qui ne se souciait pas d’être complet. Abordant au Pirée, il décrit d’abord l’Attique et la Mégaride (l. I, Ἀττικά) ; puis, il franchit l’isthme, visite Corinthe, Argos, Mycènes, Épidaure (l. II, Κορινθιακά), s’arrête un peu plus en Laconie (l. III, Λακωνικά), traverse la Messénie, dont il raconte l’histoire (l. IV, Μεσσηνιακά) et arrive ainsi en Élide ; l’importance d’Olympie et de ses monuments justifie l’étendue relative de cette partie de sa relation, qui a été singulièrement précieuse en notre temps pour les archéologues (l. V et VI, Ἠλιακά) ; il parcourt ensuite l’Achaïe en rapportant les grands faits de son histoire, ce qui l’amène à parler aussi incidemment de l’Ionie, colonisée en partie par les anciens habitants de l’Ægialée (l. VII, Ἀχαϊκά) ; il achève l’exploration du Péloponnèse par l’Arcadie, à propos de laquelle il s’étend sur Philopœmen (l. VIII, Ἀρκαδικά). Revenant alors dans la Grèce continentale, il visite d’abord la Béotie ; Thèbes l’y retient particulièrement, avec ses souvenirs de la Thébaïde, des guerres médiques, d’Épaminondas, et ses monuments ; il rayonne de là dans les villes du voisinage, à Platées, Délium, Anthédon, Orchomène, Tanagra, etc. (l. IX, Βοιωτικά) ; enfin il se rend en Phocide, où Delphes l’attire et le séduit ; la description qu’il en fait est en quelque sorte le guide des fouilles qui s’y exécutent de nos jours ; et son récit de l’expédition des Gaulois nous a conservé un curieux épisode de notre histoire nationale (l. X, Φωκικά). Là se termine son voyage, laissant de côté, à notre grand regret, toute la Grèce occidentale et septentrionale, Acarnanie, Étolie, Épire, région du Pinde central, Thessalie.

En composant cette description, Pausanias a certainement suivi de près des écrivains antérieurs, qu’il ne nomme pas[292]. Pour l’archéologie, son principal guide n’a guère pu être que Polémon le Périégète[293], dont les œuvres, devenues classiques, avaient été abrégées à l’usage des voyageurs ; Pausanias présente des omissions frappantes à propos de tous les monuments notables postérieurs au temps de Polémon[294]. Pour la topographie, il a emprunté beaucoup à Artémidore ; pour l’histoire, à Istros. Par lui-même, il n’avait ni le goût ni la méthode des vérifications minutieuses, des recherches patientes, des déchiffrements d’inscriptions. Il aimait le travail tout fait. Mais il a eu du moins le mérite de puiser à de bonnes sources, et il nous a conservé quantité de renseignements de valeur en les incorporant à son exposé. Qu’il eût d’ailleurs beaucoup lu, en particulier les anciens poètes, c’est ce qu’attestent toutes les parties de son ouvrage. Il cite surtout les vieilles épopées perdues, parfois peut-être d’après d’autres, mais souvent aussi d’après ses lectures personnelles.

Du reste, pas plus de sens artistique que de véritable science. Ses descriptions des chefs-d’œuvre de l’art sont sèches, terre à terre, dénuées de tout sentiment personnel. Il note des faits, explique et commente les sujets traités, raconte des anecdotes sur les artistes, mais apprécie peu, et presque jamais par lui-même. Il était de ceux qui visitent les choses célèbres, moins pour les voir, que pour dire qu’ils les ont vues. Il prenait des notes, mais il ne pensait pas. L’écrivain, naturellement, ne pouvait guère être supérieur à l’observateur. Il s’exprime sans élégance naturelle, avec un laisser aller où l’on croit sentir comme une vague imitation d’Hérodote. Son plus grand mérite est de ne pas enjoliver les choses par une rhétorique prétentieuse. Sa manière, simple et sèche, laisse paraître une sorte de naïveté, moitié naturelle, moitié calculée, où entre comme élément principal la médiocrité foncière de son esprit. S’il parlait de sujets qui n’eussent pas en eux-mêmes leur intérêt, il serait insipide ; mais son ouvrage est si instructif qu’en le lisant on oublie de le juger ; par la variété des informations, c’est un fonds qu’on n’épuise jamais.


Rangeons également dans cette catégorie très modeste, mais plus bas encore, un certain nombre d’érudits et de polygraphes, dont les œuvres, perdues pour la plupart, touchaient soit à diverses parties de l’histoire, soit plus spécialement à la mythologie.

D’abord un simple collectionneur de faits historiques, le macédonien Polyænos, de qui nous possédons encore l’ouvrage à peu près complet sur les Ruses de guerre (Στρατηγήματα), en 8 livres, dédié aux empereurs Marc-Aurèle et Lucius Verus[295]. C’est un simple recueil de 900 récits, empruntés à divers historiens, particulièrement à Éphore et à Nicolas de Damas, dont les histoires universelles se prêtaient par leur longueur même à être ainsi dépouillées[296]. Nulle recherche originale, nulle critique, nulle expérience personnelle des choses de la guerre[297]. L’auteur n’a voulu qu’offrir à ses lecteurs des récits amusants ou intéressants. Ces récits, il n’a même pas cherché à les grouper d’une manière intelligente ; l’ordonnance du livre est fondée sur des ressemblances purement extérieures ; ruses des Romains, ruses des Macédoniens, ruses des barbares, ruses des femmes, etc. Le seul mérite de cet amalgame, c’est qu’il nous a transmis un certain nombre de faits dont l’histoire ne peut se désintéresser.

À Polyænos, on peut joindre quelques représentants contemporains de la littérature militaire, sur lesquels nous n’avons pas à insister. Apollodore de Damas, célèbre architecte, à qui Trajan confia l’exécution d’un grand nombre de ses édifices, avait composé un écrit dédié à l’empereur Adrien et intitulé Poliorcétiques (Πολιορκητικά). Il nous en reste un extrait[298]. — Vers le même temps, un certain Élien, qui nous est d’ailleurs à peu près inconnu, écrivait une Théorie de la tactique (Τακτική θεορία), dont le style soigné, bien que parfois obscur, dénote une véritable culture littéraire[299].

Un nom plus important est celui du syrien Hérennius Philon, qui se fit connaître dans la première moitié du second siècle[300]. C’était un érudit, qui semble avoir dû sa fortune à la protection du consul Hérennius Severus, de qui on croit qu’il prit son prénom. Il composa un écrit Sur le règne d’Hadrien, sans doute un panégyrique, qui n’a laissé aucune trace. Un traité étendu Sur l’acquisition et le choix des livres (Περὶ κτήσεως καὶ ἐκλογῆς βιβλίων), en douze livres, également perdu, donne lieu de conjecturer qu’il dut exercer quelque part les fonctions de bibliothécaire[301]. Son ouvrage le plus important était un immense recueil, en cinquante livres, Sur les villes et les hommes remarquables que chacune d’elles a produits. Il nous en reste un certain nombre de fragments, dispersés dans Étienne de Byzance[302]. C’était une sorte d’encyclopédie, à la fois géographique et biographique, où les collectionneurs des âges suivants, en particulier Hésychios de Milet, se sont fournis de renseignements. Elle dut satisfaire la curiosité des contemporains, facilement attirée vers les répertoires de cette sorte, où l’on trouvait de tout sans se donner de peine. Cet érudit était aussi un polémiste. Dans un écrit perdu, intitulé Histoire paradoxale (Παράδοξος ἱστορία)[303], il s’était plu à faire ressortir un certain nombre de contradictions flagrantes entre les témoignages des historiens grecs ; la tâche était facile ; le mérite eût été de s’en acquitter méthodiquement et de tirer de cette enquête des conclusions sur la manière d’écrire l’histoire. Il ne semble pas que Philon s’en soit aperçu. C’est dans des dispositions analogues qu’il composa l’ouvrage auquel son nom a dû surtout de survivre, à savoir l’Histoire des Phéniciens, en neuf livres (Φοινικικὴ ἱστορία)[304]. Cette histoire la donnait pour une traduction du prétendu Sanchoniathon, philosophe de Tyr ou de Sidon ou de Bérytos, plus ancien que la guerre de Troie[305]. Elle traitait des origines divines selon les Phéniciens, cosmologie et mythologie. Au dire de Philon, la vérité sur toutes ces choses, autrefois recueillie par un certain Taaut (Τάαυτος), avait été altérée dans les livres sacerdotaux ; Sanchoniathon l’avait rétablie ; et lui, Philon, avait eu la bonne fortune de retrouver ces écrits véridiques, qu’il se faisait un devoir de donner au public en les traduisant du phénicien en grec. Il nous reste de cette prétendue traduction d’importants fragments, conservés surtout par Eusèbe (Prép. évang., I, c. 9 et 40 ; IV, c. 16). L’auteur est un évhémiriste décidé ; à la manière d’Évhémère, il transforme toute la vieille mythologie phénicienne en une histoire de convention, dans laquelle les dieux deviennent des hommes. Hérennius Philon avait-il inventé de toutes pièces son Sanchoniathon, ou bien l’avait-il emprunté à d’autres historiens inventeurs ? On ne saurait le dire. Quoi qu’il en soit, son ouvrage est resté important pour les études phéniciennes ; car, tout en arrangeant les vieilles traditions, il s’en fait le témoin[306]. Du reste, dans son intention, son livre était surtout, à ce qu’il semble, une attaque indirecte contre la religion hellénique ; car celle-ci, selon lui, provenait originairement de l’Égypte et de la Phénicie, et ce qu’il disait des croyances phéniciennes s’étendait ainsi à la croyance grecque[307] ; par là, il se rattachait à la littérature sceptique et incrédule. Quant à son mérite littéraire, ce qui nous reste de lui prouve assez qu’il était fort médiocre : le style des fragments est celui d’un exposé quelconque, sans rien de personnel ni de distingué, où abondent les néologismes de la langue du temps.

Hérennius Philon eut un imitateur en la personne d’un certain Hermippe de Bérytos[308]. Parmi divers ouvrages d’érudition qui lui sont attribués, mentionnons seulement l’écrit Sur les esclaves qui se sont distingués par leurs connaissances (Περὶ τῶν διαπρεψάντων ἐν παιδείᾳ δούλων), qui a été mis largement à contribution par les dictionnaires biographiques des siècles suivants.

Phlégon de Tralles a un peu plus de notoriété ; peut-être l’a-t-il méritée, comme chronographe tout au moins[309]. Affranchi de l’empereur Adrien, il composa, vers la fin de son règne, une chronologie, intitulée Olympiades (Ὀλυμπιάδες ou χρονικά), en seize livres, qui fut plus tard abrégée en huit. Il nous reste quelques fragments, soit de l’ouvrage lui-même, soit de l’abrégé[310]. Autant qu’on peut y deviner la forme de la composition, c’était une assez sèche nomenclature, avec des récits introduits à titre d’explications, et force oracles cités à tort et à travers[311]. D’ailleurs, ni critique personnelle, ni ombre de mérite littéraire : une simple série de faits et de dates, qui fut utilisée par Julius Africanus. Du même Phlégon nous avons aussi quelques fragments d’un recueil de Prodiges (Θαυμασίων συναγωγή)[312] ; étrange collection d’inepties ramassées un peu partout : l’auteur s’y fait juger par le soin qu’il prend d’assigner une date précise à chacune des énormités qu’il rapporte. Enfin, on lui attribue encore un petit opuscule intitulé De ceux qui ont vécu longtemps (Περὶ Μακροβίων), qui, sous sa forme actuelle, n’est qu’une liste de noms répartis en catégories[313].

Le goût, très répandu alors, de savoir beaucoup de choses médiocrement utiles était la principale raison d’être de tels écrits. On comprend combien ce goût se prêtait à être exploité par des gens hardis et sans scrupules, capables de tout pour se faire une réputation de savants. Sous Trajan et Adrien, parut justement un de ces charlatans d’érudition dont le nom eut quelque éclat. Ptolémée, dit Chemnos, d’Alexandrie, fils d’Héphestion, eut pour métier de fabriquer toute sorte d’articles de littérature prétendue savante, soit en prose, soit en vers[314]. Suidas cite de lui, entre autres ouvrages, un drame historique intitulé le Sphinx, un poème épique en vingt-quatre chants, l’Anthomère (Ἀνθόμηρος), un écrit Sur l’histoire paradoxale (Περὶ παραδόξου ἱστορία), toutes œuvres perdues et sans doute peu regrettables. La seule que nous connaissions, grâce à un résumé détaillé de Photius[315], c’est celle qu’il avait intitulée Histoire nouvelle pour s’instruire sur beaucoup de choses (Ἡ εἰς πολυμαθίαν κοινὴ ἱστορία), en sept livres. On pouvait, dit Photius, y apprendre en peu de temps quantité de choses curieuses, dispersées un peu partout, qui auraient demandé toute une vie de labeur à qui eût voulu les recueillir par lui-même. Ces choses curieuses, relatives à des points de mythologie ou d’histoire, c’étaient pour la plupart des inventions absurdes[316]. L’auteur les avait assemblées sans ordre, dans ce recueil dénué d’ailleurs de tout talent littéraire[317]. Son livre était dédié à une femme, Tertulla, d’où l’on peut conclure qu’il s’adressait spécialement aux gens du monde, atteints de la manie du pédantisme.

Nous touchons là à un des ridicules de ce siècle. D’autres ouvrages, qu’il est difficile de dater exactement, nous laissent entrevoir une tendance analogue sous une forme plus légitime. La connaissance des mythes, mal distinguée de celle de l’histoire, passait pour chose indispensable à quiconque se piquait d’une bonne éducation. Comme on ne lisait plus guère les vieux poètes épiques, sauf Homère et Hésiode, le besoin s’était fait sentir depuis longtemps de réunir dans des Cycles en prose tout ce qu’ils avaient raconté, Dès la fin de la période alexandrine, comme on l’a vu, de telles œuvres avaient pris naissance. Nous avons parlé ailleurs de Denys le cyclographe. Ces manuels de mythologie ne devaient pas avoir moins de succès sous l’empire. — Le plus célèbre est celui qui est venu jusqu’à nous sous le titre de Bibliothèque d’Apollodore, dû à une fausse attribution du manuscrit qui nous l’a conservé[318]. La critique moderne a prouvé jusqu’à l’évidence que ce livre ne pouvait être l’œuvre du célèbre chronographe athénien dont il a été question plus haut[319]. On ne peut que le rapporter approximativement aux premiers siècles de l’Empire. C’est un exposé systématique des généalogies des dieux et des héros, destiné sans doute à être lu et consulté par tous ceux que les longues recherches auraient effrayé[320]. Ils avaient là sous la main, en un tout petit volume, ce qu’il leur était nécessaire de savoir. Le seul mérite de l’ouvrage était d’être commode. S’il a paru précieux aux mythologues modernes et s’il s’est fait une réputation parmi eux, c’est qu’il est resté pour nous comme le témoin indispensable d’une quantité de traditions, ou perdues, ou mal attestées. — On rapporte généralement au même temps, sans indices bien probants d’ailleurs, le petit opuscule d’Antoninus Liberalis, intitulé Recueil de métamorphoses (Μεταμορφώσεων συναγωγή), qui appartient en tout cas par sa nature à la même classe d’ouvrages. On y trouve réunies, sous forme de petits récits en prose passablement secs, quarante-et-une des métamorphoses qui avaient été racontées par divers poètes, plus spécialement par Nicandre dans ses Ἑτεροιούμενα[321]. Quelques modernes ont pensé que c’était là un livre de classe. Il paraît plus probable qu’il s’adressait, comme le précédent, à ce public lettré qui avait besoin d’érudition expéditive.

En insistant sur de telles œuvres, nous nous écarterions de notre plan. Mais ce savoir futile et médiocre est un des traits de l’hellénisme du temps ; on ne pouvait omettre de le signaler.

III

Nous avons vu plus haut ce qu’était la philosophie grecque à la mort de Plutarque. Remarquable dans la direction morale, elle se montrait dans le reste sans originalité et sans puissance. Il en est à peu près de même pendant toute la fin du second siècle. Ce qu’elle offre alors d’intéressant pour l’historien de la philosophie, ce sont les premiers symptômes du mouvement néoplatonicien qui se déclarera au siècle suivant ; mais ces symptômes, indécis encore et confus, dispersés dans des œuvres perdues, se dérobent à la critique littéraire. Nous passerons donc vite sur cette littérature philosophique : elle ne doit figurer ici que pour mémoire.

La transition du platonisme proprement dit au néoplatonisme est intéressante à suivre chez les commentateurs de Platon qui se sont fait alors un nom. Les plus célèbres sont Albinos, Atticos et Théon. — Albinos, élève de Gaïus, enseignait à Smyrne vers le milieu du siècle, sous Antonin, et il y eut pour élève, en 151, le jeune Galien, qui devait s’illustrer bientôt comme médecin. Il semble avoir écrit un grand ouvrage Sur les dogmes de Platon (Περὶ τῶν Πλάτωνι ἀρεσκόντων), d’où les deux morceaux que nous possédons de lui ont été probablement détachés. L’un est un Prologue où il définit le dialogue et discute l’ordre des écrits de Platon (Ἀλβίνου εἰσαγωγὴ εἰς τοὺς Πλάτωνος διαλόγους) ; l’autre, qui nous est parvenu sous le nom altéré d’Alkinoos, offre un exposé sommaire de la philosophie du maître (Ἀλκινόου διδασκαλικὸς τῶν Πλάτωνος δογμάτων)[322]. La doctrine platonicienne y est mélangée d’éléments empruntés au péripatétisme et au stoïcisme ; éclectisme qui est justement un des signes avant-coureurs du néoplatonisme[323]. — Atticos, d’après la chronique d’Eusèbe, était en pleine réputation dans les dernières années du règne de Marc-Aurèle (vers 175). Ses commentaires sur Platon nous sont connus par quelques citations, et il nous reste dans Proclos des extraits de son Explication du Timée[324]. Eusèbe nous a conservé en outre des fragments d’un écrit de lui, de titre incertain, dans lequel il semble avoir cherché à défendre le platonisme pur contre l’invasion de certaines idées aristotéliciennes[325]. Infidèle en cela à l’éclectisme du temps, il s’y rattachait cependant en faisant large part à l’élément stoïcien ; et d’ailleurs, ce qu’il excluait surtout, comme aristotélicien, c’était ce qui s’opposait à la tendance mystique, de plus en plus prédominante dans le platonisme[326]. — Théon de Smyrne s’applique à éclaircir et à commenter la partie mathématique des écrits de Platon. Nous possédons une partie au moins de ses commentaires (Τὰ κατὰ ἀριθμητικὴν χρήσιμα εἰς τὴν τοῦ Πλάτωνος ἀνάγνωσιν)[327], et son livre sur l’Astronomie[328]. Dans le premier de ces ouvrages se marque fortement l’influence que les spéculations systématiques des néopythagoriciens tendaient à exercer sur l’école de Platon[329]. Le second paraît emprunté en grande partie à un écrit péripatéticien et atteste, lui aussi, la tendance qu’avaient alors les diverses doctrines à s’amalgamer[330].

Du même fond de philosophie procède un des livres curieux de ce temps, celui que le platonicien Celse avait écrit contre le christianisme, sous le titre d’Exposé de la vérité (Ἀληθὴς λόγος). Nous ne connaissons rien de la personne ni de la vie de l’auteur[331]. Quant à son livre, bien que perdu, il a pu être restitué en partie par les citations qu’en a faites Origène en le réfutant[332]. Autant que nous pouvons encore en juger, c’était une œuvre de discussion acerbe, mais sérieuse, qui marque une date dans l’histoire morale de l’hellénisme. Pour la première fois, il se sentait menacé, quoique vaguement encore, et il éprouvait le besoin de se défendre. Celse a vu, avec un sentiment qui paraît avoir été un mélange d’inquiétude, d’impatience et de pitié, le mouvement qui commençait à entraîner vers le christianisme beaucoup d’esprits hésitants[333]. Ce mouvement, avec ce qu’il comportait de foi, lui a paru une sorte d’abandon de la raison ; et c’est de ce point de vue tout hellénique qu’il le juge. Si l’on essaie de grouper ses objections en négligeant les détails, les points essentiels de sa critique paraissent avoir été les suivants. D’abord, la notion fondamentale du christianisme, celle d’un dieu fait homme, lui est inintelligible : il la combat, historiquement et logiquement, par la discussion des témoignages qu’elle invoque et par celle des idées qu’elle implique. Puis, au delà du récit évangélique, il découvre dans le christianisme une conception du gouvernement du monde qu’il ne peut accepter : c’est celle d’un Dieu qui se conduit par des décisions changeantes et particulières : conception à laquelle il oppose son déterminisme rationaliste. Enfin, considérant l’intérèt public, il s’inquiète, en politique réfléchi, de cette religion qui n’a point de patrie, el il estime qu’il est bon que les hommes restent attachés au culte de leurs pères, à leurs coutumes, à leurs dieux locaux et nationaux, en d’autres termes, que la religion, tout en se faisant philosophique, s’arrange des formes anciennes et particulières qui se sont transmises d’âge en âge. Ce sont là, comme on le voit, d’intéressantes et sérieuses pensées ; et si, d’une part, elles jettent une vive lumière sur l’hellénisme du second siècle, de l’autre il est curieux de noter combien elles font ressortir les ressemblances de la philosophie grecque avec le rationalisme moderne.

À côté de ces platoniciens, une place importante appartient, dans l’histoire des idées de ce temps, au pythagoricien Nouménios, d’Apamée en Syrie[334]. C’est, de tous les penseurs qui ont vécu au siècle des Antonins, celui qui doit être considéré comme le précurseur le plus immédiat du néoplatonisme. Un de ses principaux écrits avait pour titre Comment l’Académie s’est éloignée de Platon (Περὶ τῆς τῶν Ἀκαδημαϊκῶν πρὸς Πλάτωνα διαστάσεως). Un autre, en trois livres au moins, traitait du Bien (Περὶ τἀγαθοῦ)[335]. Dans ces écrits, et peut-être dans d’autres que nous ne connaissons plus, il s’attachait à établir que la vraie doctrine de Platon était identique à celle de Pythagore, et que celle-ci à son tour ne se distinguait pas de celle des sages de l’Orient, Brahmanes, Mages, Égyptiens et Juifs. Il avait en particulier la plus vive admiration pour Moïse, en qui il trouvait toutes les idées de Platon : si bien qu’il ne craignait pas d’appeler ce philosophe « un Moïse parlant attique » (Μωυσῆς ἀττικίζων)[336]. La tendance vraiment néoplatonicienne de Nouménios consistait à distinguer, d’abord un dieu suprême, simple, immuable, sans relation avec la matière, puis un second dieu, participant à la divinité du premier, mais inférieur, intermédiaire entre lui et la matière, et enfin un troisième, qui était le monde[337]. Il ne lui a manqué que de développer ce système dans ses détails pour faire d’avance l’œuvre de Plotin.

Mais aucun de ces philosophes ne présente, au point de vue littéraire, un intérêt comparable à celui qu’excite Marc-Aurèle. Car, entre tous, il est le seul qui ait écrit un livre où se révèle un homme.

La vie de Marc-Aurèle appartient à l’histoire politique[338]. Nous n’en rappellerons ici que les dates principales. Né en 121, à Rome, d’une illustre et ancienne famille (la gens Annia), Marc-Aurèle fut remarqué, tout enfant, par l’empereur Adrien, qui l’aimait pour son ingénuité. En jouant sur le nom de son père, Annius Verus, il se plaisait à l’appeler Verissimus. Un peu avant sa mort, en 138, quand il se décida à désigner Antonin pour son héritier, il lui ordonna d’adopter le jeune homme, alors âgé de dix-huit ans. Sous Antonin, de 138 à 161, Marc-Aurèle vécut dans la maison impériale, avec la qualité de fils adoptif de l’empereur et d’héritier présomptif. Lorsque Antonin mourut, en 161, il devint empereur à son tour et régna pendant dix-neuf ans, de 161 à 180, d’abord associé avec son frère d’adoption, L. Vérus, de 161 à 169, puis seul, et enfin, à partir de 177, avec son fils Commode, qu’il avait appelé à partager le pouvoir.

Ce qu’il fut comme homme, tous ceux qui ont parlé de lui dans l’antiquité l’ont attesté. Selon le mot de Capitolinus, il vécut en philosophe depuis son premier jour jusqu’à son dernier (C. 1 : in omni vita philosophanti viro). Dans son enfance, ses hautes qualités morales se révélèrent, et l’application constante de toute sa vie fut de s’améliorer lui-même. Instruit par les maîtres les plus illustres du temps, il lui fut impossible, malgré sa bonne volonté, jointe à l’influence d’un Hérode Atticus et d’un Fronton, de se donner de cœur à la rhétorique. La philosophie l’attirait invinciblement : il fallut qu’il lui abandonnât toute son âme. Il fut l’élève de plusieurs philosophes de sectes diverses, parmi lesquels il est juste de distinguer Sextus de Chéronée, le neveu de Plutarque. Mais, de bonne heure, le stoïcisme le prit, et il le garda jusqu’à la fin. Ses vrais éducateurs furent les deux stoïciens Apollonios de Chalcédoine et Junius Rusticus. Au reste, il était de ceux qui se font surtout par eux-mêmes. L’homme qui se montre dans son livre s’est formé par la vie intérieure, par l’observation constante de soi-même, par un désir ardent de la perfection, qui était le fond de sa nature.

Les écrits qui nous restent de Marc-Aurèle sont les uns en latin, les autres en grec. Romain de naissance, il semble que le grec n’aurait dû être pour lui qu’une langue étrangère. Pourtant il n’en est rien. S’il écrit en latin à Fronton, il écrit en grec quand il se parle à lui-même, quand il se met seul en face de sa conscience ; et la façon dont il le fait prouve qu’il n’y apporte aucun effort ni aucun apprêt. C’est que le grec, étant la langue de la philosophie, a été celle de son éducation morale. Rien là qui ressemble à un jeu de lettré, à une transposition artificielle de la pensée. Marc-Aurèle, qui est romain dans la société et dans son rôle officiel, est vraiment grec comme penseur et comme moraliste. C’est en cette langue que ses maîtres lui avaient révélé tout d’abord le bien, les règles de la conduite, toute la sagesse et toute la vertu ; c’est en cette langue que sa conscience continuait à lui parler et qu’il lui répondait instinctivement.

Laissons donc de côté la correspondance latine, quelque intéressante qu’elle soit d’ailleurs[339], et allons droit aux Pensées (Τὰ εἰς ἑαυτόν.)

Ce petit volume, aujourd’hui divisé en douze livres[340], semble avoir été écrit par Marc-Aurèle, au jour le jour, dans les dernières années de sa vie. Le premier livre, achevé au bord du Gran chez les Quades, est postérieur à 166, probablement même à 169, mais antérieur à 176, date de la mort de Faustine (I, 17). Le second, composé à Carnuntum, a dû être écrit entre 170 et 174. Le huitième est en tout cas postérieur à 169, date de la mort de Verus (voy. 25 et 37).

Comme doctrine, les Pensées n’offrent rien d’original. La philosophie qui s’en dégage est celle des Stoïciens de ce temps, en particulier d’Épictète, que Marc-Aurèle a bien connu par les Entretiens d’Arrien et le Manuel. Du reste, le goût de la recherche lui est plus étranger encore qu’à aucun des autres philosophes contemporains. Pour fond de croyance, un acte de foi envers la raison et la bonté divine. Rien n’existe, rien ne se produit, qui ne serve au bien commun. Si l’individu se croit lésé, c’est qu’il ignore le dessein universel, auquel sa souffrance contribue. Le philosophe, lui, croit de toute son âme à ce dessein, bien qu’il ne puisse ni le comprendre ni le deviner ; persuadé qu’il est souverainement bon, il s’y associe sans réserve. D’ailleurs, le seul mal réel, c’est le mal moral, celui qui vient de la volonté. Or, selon le mot d’Épictète, personne ne peut nous prendre notre volonté (λῃστὴς προαιρέσεως οὐ γίνεται. XI, 36). Mettre cette volonté en accord avec les prescriptions de la raison, qui est dieu en nous (τὸ ἐν σοὶ θεῖον XII, 1), c’est le but de la vie. Ainsi se réalise la double formule du stoïcisme : vivre selon la nature et se rendre semblable à Dieu.

Mais si ce fond de pensées n’est pas propre à Marc-Aurèle, voici ce qui lui appartient ; c’est la manière dont il s’en fait l’application à lui-même. Aucun livre de l’antiquité n’a un caractère aussi intime que celui-ci. Il consiste en une sorte d’examen de conscience perpétuel, au sens élevé du mot. Chaque jour, celui qui l’a écrit s’est interrogé lui-même. Il ne catalogue pas ses faiblesses, ce qui en tout cas n’eût pas mérité d’être transmis à la postérité : mais il se rappelle ce qui l’a troublé ; et il fixe sa pensée sur les réflexions qui, désormais, devront le consoler ou le fortifier. Le charme de ces notes, c’est de nous laisser deviner l’homme sans le dévoiler. L’auteur ne se confesse pas à nous : il ne nous parle guère de ses peines secrètes, des froissements de sa vie quotidienne, de ses doutes, de ses découragements, des désirs bas qui ont pu venir inquiéter son austérité, de ses appréhensions, de ses souffrances physiques el morales. À peine, çà et là, quelques allusions légères à ces choses. En général, une sorte de pudeur les tient cachées. Ce que le moraliste nous dit, c’est la réaction qu’elles ont provoquée en lui ; et si nous les devinons, c’est justement par cette réaction. Son livre est une méditation, non une confession, mais une méditation qui sort des incidents quotidiens, qui les suppose, qui permet de les soupçonner.

Pour ceux qui partagent, sous une forme ou sous une autre, l’optimisme imperturbable de Marc-Aurèle, qui ont foi comme lui en une raison suprême toujours orientée vers le bien final, ce livre peut devenir, et il a été souvent en fait, une sorte de manuel de la vie intérieure. Pour les autres même, il est loin d’être indifférent. Car il suffit de s’intéresser à ce qui est humain, pour observer avec sympathie les efforts incessants d’une raison et d’une volonté très nobles vers l’idéal qu’elles se sont fait. D’ailleurs, comme Marc-Aurèle n’enseigne pas, son ascétisme n’a pas le caractère dogmatique, autoritaire, et quelquefois rebutant, de celui d’Épictète. Le philosophe de profession nous fait la leçon ; l’homme simple et modeste qui était dans l’empereur se contente de réfléchir. Et, dans ses réflexions, toutes les qualités attachantes de cette âme, qui fut au fond très douce, se montrent sans cesse. Tantôt, c’est la reconnaissance délicate envers ses parents, ses maîtres, ses amis, tous ceux auxquels il a dû de bons exemples ou de bonnes pensées. Tantôt, c’est une mélancolie sans amertume, qui met une ombre sur la sérénité du sage et qui la rend par là même plus touchante. Quoi qu’il dise, on se sent en présence d’une nature en qui rien n’est vulgaire et qui inspire à la fois la sympathie et le respect.

Comment ce livre tout intime a-t-il été publié ? Nous l’ignorons. Sans doute, il se sera trouvé, dans l’entourage de l’empereur, des amis pieux, qui, à défaut du fils indigne, en auront senti la beauté et l’auront donné au public après sa mort. La réputation de sainteté qu’avait laissée Marc-Aurèle dut contribuer ensuite à le conserver[341]. Lui-même, à coup sûr, ne l’avait pas destiné à la publicité. Ce sont, quant à la forme, de simples notes, à peine rédigées. En les écrivant, il ne s’est soucié ni d’élégance, ni même de correction et de clarté. Il accepte sans scrupule les expressions techniques, la phraséologie lourde, le jargon de l’école. Les qualités de style qu’on peut appeler nécessaires sont précisément celles qui lui manquent le plus. Par compensation, il en a d’autres, qui viennent moins de l’écrivain que de l’homme : l’émotion, la sincérité, partout ; souvent, la concision énergique, le trait, l’image vive et qui frappe ; parfois, une certaine grandeur, qui sans doute est plus dans les idées elles-mêmes que dans le style, mais qui n’en fait pas moins impression sur le lecteur. Toutefois, dans un livre de cette sorte, on a quelque scrupule à noter de tels mérites ; car c’est traiter en auteur l’homme qui songeait le moins à l’être. La beauté qu’il y a mise est de nature morale, non littéraire. S’il est éloquent, c’est qu’il est impossible de ne pas l’être, quand on a une grande âme et qu’on la laisse parler sincèrement.

L’importance du livre de Marc-Aurèle, dans l’histoire des idées, c’est de représenter l’état le plus élevé de la conscience morale dans l’hellénisme, avant l’avénement du mysticisme néoplatonicien, et en dehors des influences chrétiennes. Et lorsqu’on veut juger équitablement où en était l’humanité formée par la culture grecque, au moment où le christianisme allait se répandre, ces méditations d’un sage sont un des éléments les plus indispensables de l’enquête à faire.


Il est curieux qu’en face de ce croyant, l’ordre chronologique nous force à placer le plus déterminé des sceptiques. C’est vers la fin du second siècle en effet que le scepticisme grec a produit le livre qui est resté devant la postérité le principal témoin de ses doctrines, celui de Sextus Empiricus.

Sextus, surnommé l’empirique, du nom de la secte médicale à laquelle il appartenait, paraît avoir écrit après Galien, qui ne le nomme jamais, donc au plus tôt dans les dernières années du second siècle. D’autre part, il est antérieur d’une génération à Diogène Laërce, qui parle non seulement de lui, mais de son successeur (IX, 116) ; ce qui ne permet pas de le reculer au delà du commencement du troisième siècle[342]. Qu’il ait tenu école ou non, toujours est-il qu’il prit à tâche de rassembler en un corps tous les arguments inventés par ses prédécesseurs en scepticisme. Il le fit dans deux ouvrages. L’un, plus court, intitulé Esquisses pyrrhoniennes (Πυρρώνειοι ὑποτυπώσεις), est une sorte de formulaire abrégé, qui contient en trois livres tout l’essentiel de la doctrine : les vues générales dans le premier, la réfutation spéciale de la logique dogmatique dans le second, celle de la physique et de la morale dans le troisième. L’autre, beaucoup plus étendu, avait probablement pour titre Commentaires sceptiques (Σκεπτικά, ou Ὑπομνήματα σκεπτικά)[343]. Dans les manuscrits qui nous l’ont transmis, il est divisé en onze livres[344]. Les cinq premiers, qu’on réunit souvent sous une dénomination commune, Contre les dogmatiques (Πρὸς δογματικούς), sont une discussion complète de la philosophie dogmatique : les livres I et II traitent de la logique (Πρὸς λογικούς, Α, Β) ; les livres III et IV, de la physique (Πρὸς φυσικούς, Α, Β ; le livre V, de la morale (Πρὸς ἐθικούς) ; les six livres suivants forment ensemble le traité Contre l’enseignement des sciences (Πρὸς μαθηματικούς), et ils se divisent comme les sciences elles-mêmes : un livre contre les grammairiens (Πρὸς γραμματικούς), un contre les rhéteurs (Πρὸς ῥήτορας), un contre les géomètres (Πρὸς γεωμέτρας). un quatrième, très court, contre les arithméticiens (Πρὸς ἀριθμητικούς), un contre les astrologues (Πρὸς ἀστρολόγους), un enfin contre les musiciens (Πρὸς μουσικούς). Sextus parcourt ainsi le cycle entier des études (ἐγκύκλια μαθήματα, p. 600, l. 23 Bekker), pour ruiner toutes les disciplines l’une après l’autre. Car ce qu’il prétend démontrer, c’est que rien ne peut être enseigné.

Rien de plus fastidieux, à vrai dire, que cette démonstration d’un paradoxe toujours identique au fond, et qui n’a même pas le mérite de l’originalité. Sextus reproduit les sophismes de ses devanciers ; il ne semble pas y avoir rien ajouté. Et ces sophismes, s’ils peuvent avoir quelque intérêt pour l’historien de la philosophie qui en recherche la filiation, n’en ont vraiment aucun pour le simple lecteur ; tant ils sont le plus souvent artificiels et fragiles. La seule chose qui les recommande à l’attention, c’est qu’ils nous renseignent sur les sciences qu’ils prétendent détruire. À ce point de vue très spécial, le livre de Sextus a son prix. Mais c’est là un mérite de document, non d’œuvre littéraire. Quant à la personnalité de l’auteur, ces séries interminables d’arguties, ces petits raisonnements secs, subtils, captieux, et souvent puérils, ne la montrent guère sous un aspect favorable. Quoiqu’il fasse profession de considérer la croyance comme une maladie, dont il prétend avoir à cœur de guérir les hommes, on se demande à chaque instant s’il est sérieux. Et en admettant qu’il le fût au fond, il paraît difficile de nier qu’il n’ait cédé bien souvent au plaisir de jouer avec les idées et de taquiner les pédants trop convaincus de leur importance[345]. Le malheur est que son pédantisme à lui dépasse toute mesure. Autant le doute sincère sur des matières graves intéresse et provoque à réfléchir, autant ce bavardage stérile, qui, sous prétexte de raisonner, déraisonne à prix fait, est de nature à dégoûter les esprits sensés.

Un autre incrédule, mais d’un tout autre tempérament, peut figurer à côté de lui : c’est un philosophe cynique, un Grec syrien, Œnomaos de Gadara. Sa vie ne nous est pas connue ; les dates même en sont incertaines ; on ne peut dire s’il appartient à la fin du second siècle ou au commencement du troisième[346]. Comme Lucien, mais avec plus de violence et moins d’esprit, il semble s’être donné pour tâche de décrier la croyance aux dieux et surtout la divination. De ses divers ouvrages, un seul nous est connu par d’importants fragments. C’était une diatribe virulente contre les oracles, intitulée Les charlatans pris sur le fait (Γοήτων φωρά)[347]. Les extraits étendus qu’Eusèbe en a insérés dans sa Préparation évangélique nous permettent encore de nous en faire une idée[348]. Dans une discussion moqueuse et mordante, il y tournait en dérision un certain nombre des oracles célèbres rapportés par les historiens, surtout par Hérodote : et au nom de la liberté humaine, il protestait contre le déterminisme des Stoïciens. Sa dialectique, parfois obscure, paraît plus pressante que subtile, plus emportée que souple et pénétrante. Mais il a une verve, un éclat, une sincérité âpre, qui frappent vivement. Julien lui a reproché durement sa grossièreté[349] ; Œnomaos est pour lui le type du cynique qui déshonore le cynisme ; mais Julien était un dévot du paganisme ; les railleries d’Œnomaos l’avaient blessé dans ses croyances. Son jugement ne doit donc pas être accepté sans réserve. Œnomaos, tel qu’il nous apparaît dans ce que nous lisons de lui, n’est ni un grand esprit ni un rare écrivain, mais c’est une des figures marquantes de ce temps.

IV

Après la philosophie, un autre élément non moins nécessaire à l’appréciation de l’hellénisme d’alors serait l’exposé de l’état de la science contemporaine. Mais cet exposé, si l’on se plaçait au point de vue scientifique, ne répondrait pas à la nature de cet ouvrage. Il suffira d’en donner ici quelque idée, en présentant les plus renommés des savants du temps sous l’aspect où ils intéressent le plus la littérature.

D’une manière générale, la science grecque, sous ses diverses formes, avait subi une éclipse sensible a la fin de la période alexandrine. Mais de même que la littérature, elle eut, sous l’empire, et particulièrement au second siècle, une renaissance, dont il est d’ailleurs malaise de déterminer avec précision l’étendue et les phases.

Nommons seulement les mathématiciens Ménélas d’Alexandrie et Théodose de Tripolis, qui vivaient l’un et l’autre sous Trajan, Sérénos d’Antissa et Clèomède, probablement leurs contemporains. Ce qui nous reste de leurs œuvres, soit en grec, soit dans des traductions latines, n’intéresse que l’histoire des mathématiques. — Il n’en est pas tout à fait de même de celles du pythagoricien Nicomachos, de Gerasa en Arabie, qui paraît avoir vécu au commencement du second siècle[350]. Il y a lieu de penser qu’il avait composé sur l’ensemble des doctrines pythagoriques un grand ouvrage, dont quelques parties seulement nous sont parvenues sous des titres divers, comme autant d’ouvrages distincts. Ce sont : le Manuel d’Harmonique (Ἐγχειρίδιον ἁρμονικῆς) en deux livres[351] ; l’Introduction à l’Arithmétique (Ἀριθμητικὴ εἰσαγωγή), en deux livres[352] ; la Théologie Arithmétique (Ἀριθμητικὰ θεολογούμενα), dont un extrait nous a été conservé par Photius (cod. 187)[353]. Par ce dernier ouvrage tout au moins, Nicomachos est un des témoins des rêveries mathématiques auxquelles se complaisaient les néopythagoriciens, et dont l’influence se retrouve chez tant d’écrivains de la période romaine.

Artémidore d’Éphèse[354] représente presque seul une science bien plus fantaisiste encore, celle de l’interprétation des songes. Le seul ouvrage qui nous reste de lui, les Songes expliqués (Ὀνειροκριτικά), en quatre livres, est un simple recueil de règles et d’exemples, d’une extrême platitude, qui serait sans aucune valeur, s’il ne nous renseignait sur un art qui a joué dans l’antiquité un grand rôle, et s’il n’attestait la misérable crédulité des hommes de ce temps.


Une tout autre place dans la science appartient au célèbre astronome et géographe Claude Ptolémée, d’Alexandrie. Venu le dernier dans la série chronologique des grands savants de la Grèce, il a résumé dans ses œuvres, avec une remarquable puissance de synthèse, tout ce qu’ils avaient découvert, en y ajoutant le fruit de ses recherches personnelles. Et comme il n’a pas eu de successeur, c’est lui qui a révélé la science hellénique aux hommes du moyen âge d’abord, et ensuite aux modernes. Par là son rôle a été très grand, supérieur même à son mérite personnel ; car Ptolémée, malgré sa large et intelligente activité, n’a pourtant à son compte aucune grande découverte ; nulle part, il n’a fait œuvre de génie, comme autrefois un Archimède ou un Hipparque.

Tout ce que nous savons de sa vie, c’est qu’elle se passa soit à Alexandrie, soit aux environs, qu’il était illustre au temps de Marc-Aurèle, et qu’il fit probablement ses observations dans le temple de Canope[355].

Le plus célèbre de ses ouvrages astronomiques est le Traité complet d’Astronomie (Σύνταξις τῆς ἀστρονομίας) en treize livres. Ce traité, qui condensait toute la science astronomique d’alors sous une forme relativement simple et claire, quoique prolixe, devint en peu de temps le livre classique sur la matière. Commenté au ive siècle par Théon et Pappos, qualifié de grand et de très grand (μεγάλη, μεγίστη), il fut traduit en arabe au ixe siècle et passa ainsi en Occident sous le titre d’Almageste (Tabrir al magesthi). Il est resté jusqu’à Copernic l’oracle de l’astronomie. En réalité, ce qu’il contenait de meilleur, c’est ce que Ptolémée avait pris à Hipparque. Lui-même, il est vrai, avait largement complété les enseignements du grand astronome, et, en suivant ses méthodes, il se montrait calculateur hardi et ingénieux ; mais il semble qu’il ait peu ou médiocrement observé, et la nature de ses erreurs donne à penser qu’il n’a pas eu autant qu’on le voudrait la conscience qui caractérise le vrai savant[356].

À côté de ce grand ouvrage, il suffit de nommer d’autres écrits secondaires : les Tables Manuelles (Πρόχειροι κανόνες), édition abrégée des tables astronomiques qui figuraient dans le Traité ; le Canon des Rois (Κανὼν βασιλέων), liste chronologique de souverains que Georges le Syncelle a fait entrer dans sa Chronographie ; les traités Sur les Planètes (Ὑποθέσεις καὶ πλανωμένων ἀρχαί), Sur les étoiles fixes (Φάσεις ἀπλανῶν) ; puis ceux qui ont pour titres Sur la manière de prendre la hauteur du soleil (Περὶ ἀναλήμματος) « où se trouve enseignée, dit Delambre, toute la théorie gnomonique des Grecs, » et Sur le déploiement de la surface de la sphère (Ἅπλωσις ἐπιφανείας σφαίρας), où il expose les principes de la projection stéréographique[357]. L’Optique (Ὀπτικὴ πραγματεία), que nous n’avons qu’en latin, atteste des observations exactes sur la réfraction. Dans les Harmoniques (Ἁρμονικὰ), en trois livres, il étudie, d’après Aristoxène et les Pythagoriciens, les intervalles musicaux et leurs rapports.

Mais, après l’Almageste, c’est surtout la Géographie qui a fait la réputation de Ptolémée. L’ouvrage comprend huit livres. Comme l’indique le titre (Γεωγραφικὴ ὑφήγησις), c’est une introduction à l’art de dresser ou de lire les cartes. Après un exposé de principes généraux (L. I)[358], où l’auteur signale les services rendus à la cartographie par Marin de Tyr[359] et cherche à marquer nettement ce qui reste à faire, il donne en une série de tables (l. II-VII), la latitude et la longitude des principaux points du monde alors connu, depuis les îles Fortunées à l’Ouest jusqu’à la métropole des Sinæ à l’Est, et depuis le 10e degré au sud de l’Équateur jusqu’au 60e au nord. Si nombreuses qu’y soient les inexactitudes provenant de fausses observations, nous n’en avons pas moins là le précieux résumé de toute la connaissance géographique des anciens. Ptolémée en effet travaille à mettre au point les travaux de Marin de Tyr, comme celui-ci, déjà, avait corrigé et complété ceux des successeurs d’Ératosthène et d’Hipparque. « Si jamais, dit M. Vidal de Lablache, la nécessité de rectifier la carte s’était fait sentir, c’était bien au moment où affluaient tant de notions nouvelles, qu’il fallait trouver moyen de combiner avec les anciennes. Jamais il n’y avait eu tant de sources d’informations, tant d’ouvertures sur diverses contrées du monde, qu’à la fin du ier siècle de notre ère et dans la première moitié du iie. L’Histoire naturelle de Pline rend bien le sentiment de haute curiosité que ce spectacle inspirait à certains esprits. Si l’on n’avait pris le soin de recueillir et de consigner des renseignements que livraient, au jour le jour, les expéditions commerciales ou militaires, d’en dégager les données géographiques précises, il ne serait résulté de ces découvertes qu’un fatras de noms, que la carte n’aurait su comment rapporter à ses cadres, une confusion qui aurait compromis l’œuvre scientifique dont Ptolémée, si sobre d’ordinaire, parle avec un véritable accent d’enthousiasme[360] ». En mettant en ordre ces données, et en indiquant à qui il les doit, l’auteur de la Géographie nous fournit le moyen d’apprendre comment les connaissances géographiques s’étaient accrues peu à peu ; la science moderne retrouve dans son œuvre la trace des journaux de route des anciens navigateurs, elle y reconnait les voies que suivait alors le commerce. De telle sorte que de ces tables, si sèches en apparence, se dégage en fin de compte une image très vivante de l’activité de plusieurs siècles[361].

Ce géographe mathématicien était aussi philosophe au sens propre du mot. Nous avons encore de lui un petit traité de logique Sur le criterium et le principe directeur de l’âme (Περὶ κριτηρίου καὶ ἡγεμονικοῦ)[362]. — Plusieurs autres de ses écrits, cités par Suidas et Simplicius, ont été perdus.

Parmi les autres géographes contemporains, si l’on excepte Denys le Périégète, dont nous avons parlé plus haut à propos de la poésie didactique[363], il suffit de mentionner Denys de Byzance, auteur de la Navigation sur le littoral du Bosphore (Παράπλους Βοσφόρου)[364].

V

Avec les sciences qui se rattachent aux mathématiques, celles qui ont le plus brillé en ce temps sont les sciences médicales[365]. Le remarquable mouvement d’idées et de connaissances auquel elles ont alors donné lieu se résume pour nous dans l’œuvre de Galien, et c’est d’après lui surtout qu’il nous est possible de l’esquisser. Mais auparavant, il est bon de dire un mot de l’extension qu’avait prise alors la botanique médicale.

À mesure qu’on connaissait mieux le monde, on apprenait aussi à en classer les productions naturelles. Rien n’atteste mieux ce développement de connaissances que l’immense compilation de Pline l’Ancien, dont sept livres entiers (XX-XXVII) sont consacrés à la botanique médicale. Chez les Grecs, il est vrai, nous ne trouvons aucun ouvrage qui embrasse tant de choses à la fois. Mais, pour cette partie au moins de la science, nous avons l’œuvre de Dioscoride, qui a fait loi jusqu’au temps de la Renaissance et même au delà.

Dioscoride était un médecin d’Anazarba en Cilicie[366]. Le temps où il écrivit semble à peu près déterminé par ce fait que Pline, si exact à citer ses sources, ne le nomme pas, tandis qu’il est mentionné dans le lexique hippocratique d’Érotianos qui fut composé vers le commencement du second siècle. Galien le cite fréquemment. On peut donc admettre qu’il dut publier son ouvrage sous Domitien ou sous Nerva[367]. Cet ouvrage, en cinq livres, sur la matière médicale (Περὶ ὕλης ἰατρικῆς), nous a été conservé dans un grand nombre de manuscrits, qui témoignent de sa vogue au moyen âge[368]. Ce n’est en somme qu’une longue série d’articles confusément groupés. Les descriptions des plantes y sont si insuffisantes qu’il n’a été possible d’en identifier qu’une faible partie (une centaine environ sur six cents). Ce que l’auteur développe, ce sont les vertus médicinales qu’il leur attribue. Une grande partie de sa science était empruntée à ses prédécesseurs, en particulier à Crateuas, qu’il cite assez souvent[369] : c’est une des sources qui lui sont communes avec Pline ; il est impossible d’apprécier aujourd’hui ce qu’il y avait ajouté quoiqu’il déclare, dans sa préface, « avoir parcouru différents pays pour connaître les substances qui peuvent être utiles dans la médecine »[370]. Comme écrivain, Dioscoride n’a guère d’autre mérite que de n’être ni long ni obscur. Son renom en somme est celui d’un spécialiste, au sens le plus étroit du mot.

Au contraire, les vrais représentants de la médecine, en ce temps, sont tous plus ou moins des philosophes, et quelques-uns sont des écrivains. Les sectes qui s’étaient constituées pendant la période alexandrine continuaient à subsister ; de nouvelles s’y étaient même ajoutées. Tandis que les Dogmatiques, qui se rattachaient à Hippocrate, à Platon, à Aristote, tenaient énergiquement pour la recherche des causes et expliquaient le fonctionnement des organes par des forces spécifiques (δυνάμεις) adaptées à certaines fins, les Empiriques, au contraire, n’admettant ni forces préexistantes ni causes, ne voulaient connaître que des faits particuliers, caractérisés par les circonstances concomitantes ou symptômes (συμπτώματα). Entre ces deux sectes, une troisième, celle des Méthodiques, avait surgi dans le cours du ier siècle avant J.-C., sous l’influence d’Asclépiade de Bithynie, et surtout de Thémison. Ceux-là, non plus, ne croyaient ni aux causes ni aux forces ; mais ils se distinguaient des empiriques en ce que, au lieu de s’en tenir aux faits particuliers, ils les groupaient en genres selon leurs ressemblances (κοινότητες) ; le propre de la secte était la superstition de ces genres, qui se traduisait dans la pratique par la méconnaissance systématique des particularités. Enfin, une dernière secte, celle des Sceptiques, appliquait à la médecine les principes de Pyrrhon, d’Arcésilas et d’Ænésidème, et mettait en doute la possibilité même de la certitude. Comme on le voit, le dissentiment entre ces écoles rivales portait en réalité sur les questions fondamentales de la philosophie. Il donnait lieu à des discussions, orales et écrites, qui sans doute avaient l’inconvénient de substituer trop souvent à l’observation une vaine dialectique, mais qui pourtant, ont provoqué aussi d’utiles expériences[371]. Ces discussions semblent avoir intéressé le public d’alors. Beaucoup de médecins, imitant les sophistes, faisaient des conférences publiques, où ils commentaient quelque point de doctrine qui leur était proposé[372]. En outre, presque tous écrivaient ; et cette littérature, à la fois philosophique et médicale, trouvait de nombreux lecteurs[373]. Ce qui nous en reste n’en est certainement qu’une petite partie.

Rufus, d’Éphèse, vécut sous Trajan[374]. Le principal ouvrage que nous possédons de lui a pour titre Sur la dénomination des organes de l’homme (Περὶ ὀνομασίας τῶν τοῦ ἀνθρώπου μορίων). Il est intéressant par le fond même des choses, car il nous fait, mieux qu’aucun autre, connaître l’état des connaissances anatomiques au second siècle ; mais ce n’est qu’une nomenclature, sans rien de personnel. Ses autres écrits sont de moindre importance. On lui a attribué par conjecture un poème didactique Sur les Herbes (Περὶ βοτανῶν), qui semble être d’une date très postérieure, et un traité Sur le Pouls (Περὶ σφυγμῶν)[375]. — Soranos, né à Éphèse comme Rufus dont il fut le contemporain, vécut à Alexandrie, puis à Rome, sous Trajan et sous Adrien[376]. Nous savons par divers témoignages qu’il fut un de ceux qui achevèrent de formuler les principes de l’école méthodique[377]. Ce qui nous reste de ses œuvres se rapporte presque uniquement à la physiologie et à la pathologie de la femme. Il avait composé aussi des Biographies de médecins, d’où provient vraisemblablement la vie abrégée d’Hippocrate que nous possédons[378].

À la génération suivante, qui est celle de Galien, appartiennent Xénocrate d’Aphrodisias et Aretæos de Cappadoce. Du grand ouvrage que le premier avait composé Sur l’alimentation animale (Περὶ τῆς ἀπὸ τῶν ζῴων τροφῆς), il ne subsiste qu’un chapitre sur la nourriture fournie par les animaux aquatiques (Περὶ τῆς ἀπὸ τῶν ἐνυδρων τροφῆς)[379]. Le second a gardé une certaine réputation pour ses deux écrits en dialecte ionien, l’un Sur les causes et les signes des maladies aiguës et chroniques (Περὶ τῆς ἀπὸ τῶν ἐνυδρων τροφῆς), l’autre Sur le traitement des maladies aiguës et chroniques (Περὶ θεραπείας ὀξέων καὶ χρονικῶν παθῶν). Tous deux sont remarquables par une forme vive, qui fait valoir quantité d’observations justes ; mais, quant au fond, la critique moderne semble avoir démontré qu’Arétæos n’avait guère fait que suivre pas à pas les enseignements d’Archigénès, qui s’était illustré au temps de Trajan[380].


De tous ces médecins écrivains, aucun n’est comparable, ni pour la réputation, ni pour la variété des connaissances et des aptitudes, ni pour la puissance de l’esprit, ni enfin pour l’activité littéraire, à Galien. C’est lui qui, avec Ptolémée, représente le mieux la science de ce temps ; son œuvre mérite qu’on s’y arrête quelques instants.

Claude Galien naquit à Pergame sous le règne d’Adrien, en l’an 134 de notre ère[381]. Son père, Nicon, homme intelligent et réfléchi, probablement architecte, semble avoir été familier avec la géométrie et ses applications. Le goût des mathématiques était d’ailleurs héréditaire dans la famille[382]. Galien fut élevé par lui jusqu’à l’âge de quatorze ans, et il a rendu un témoignage plein de reconnaissance à la modération de son âme et à la rectitude de son intelligence[383]. À quinze ans, il suivit, à Pergame même, les leçons d’un Stoïcien, d’un Platonicien, d’un Péripatéticien et d’un Épicurien. Son père le conduisait lui-même chez ces maîtres, assistait avec lui à leurs cours et l’empêchait de s’abandonner à aucune secte exclusivement ; en même temps, il l’exerçait à la dialectique par des démonstrations de géométrie pure et appliquée[384]. Ainsi formé, le jeune Galien restait fort indépendant à l’égard de ses maîtres, et, bien plus tard, dans sa vieillesse, il put se vanter de n’avoir jamais donné son acquiescement à la légère[385]. Quand il devint homme, l’éducation qu’il avait reçue le rendait apte presque également à toute profession libérale : il était préparé à la philosophie, à la rhétorique, aux sciences mathématiques et naturelles. Sa fortune d’ailleurs lui permettait de choisir selon ses goûts[386]. Mais, dès l’âge de dix-sept ans, son père, obéissant à un songe, lui avait fait étudier la médecine en même temps que la philosophie[387]. Ce fut cette science qu’il préféra.

Après avoir été, probablement à Pergame même, le disciple du médecin Satyros, il se rendit à Smyrne pour y suivre les leçons de Pélops ; il se proposait d’y entendre en même temps le platonicien Albinos[388]. Pélops était un dogmatique, et ce fut lui qui eut le plus d’influence sur la direction générale des idées de Galien. Mais Smyrne ne le retint pas définitivement. Avide de s’instruire, il se rend bientôt à Alexandrie, qui était depuis plusieurs siècles un des centres d’études médicales les plus célèbres. Puis, d’Alexandrie, il vient à Rome, comme dans le lieu du monde où affluaient le plus de savants et où se faisaient les réputations. Il était fort jeune encore[389], car ce voyage eut lieu sans doute vers la fin du règne d’Antonin, — mais c’était déjà un maître. Il fit là un cours de médecine pour les jeunes gens, qui eut, nous dit-il, grand succès. En outre, il donnait des conférences, où il ne craignait pas d’engager des polémiques avec les principaux représentants des écoles rivales[390]. Nous ignorons la durée exacte de ce premier séjour à Rome. Quand il s’en éloigna, ce fut pour revenir dans sa patrie ; et peut-être est-ce alors qu’il fut attaché, comme médecin et chirurgien, à la schola gladiatorum qui s’y trouvait. En tout cas, sa réputation grandissait. Car en 165, à l’âge de trente-quatre ans, nous le voyons rappelé à Rome par les empereurs Marc-Aurèle et L. Verus[391]. Il y séjourne trois ans. Moins épris alors d’applaudissements, il ne se prodiguait plus en public, mais il se livrait avec un succès croissant à la pratique de son art. En 168, les débuts de la peste qui allait ravager l’empire le firent revenir à Pergame ; mais, presque aussitôt, un nouvel ordre impérial le mandait à Aquilée, où les deux empereurs passaient l’hiver avant de commencer leur campagne contre les Germains. Il vit mourir L. Verus en 169 ; Marc-Aurèle, en partant seul pour son expédition, le laissa à Rome, sur sa demande, pour y veiller sur la santé du jeune Commode[392]. Il semble y être resté assez longtemps. Mais à partir de ce temps, les événements de sa vie nous échappent. Peut-être revint-il à Pergame après la mort de Marc-Aurèle et y passa-t-il ses dernières années. Sa vie, selon Suidas, se prolongea sous les règnes de Commode, de Pertinax et de Sévère, jusqu’à l’âge de soixante-dix ans. Si cela est exact, il serait mort en 201.

Personne n’a plus écrit que lui, et sur toute sorte de sujets. Il avait commencé à écrire dès sa jeunesse, avant même de quitter sa ville natale, et il écrivit jusqu’à sa vieillesse[393]. Comme beaucoup de ses contemporains avaient de la peine à s’orienter, de son vivant même, au milieu de cette immense production, et comme en outre on faisait courir sous son nom des écrits qui n’étaient pas de lui, il composa, vers la fin de sa vie, deux opuscules destinés à prévenir les méprises : l’un a pour titre Sur l’ordre de mes écrits, l’autre Sur mes propres ouvrages. Tous deux nous sont parvenus, et c’est à ces opuscules naturellement qu’il convient de se référer pour avoir des renseignements précis sur chacun de ces écrits en particulier[394]. Il est impossible ici, non seulement de les étudier tous, mais même d’en donner la nomenclature complète. Tout ce qu’on peut faire est d’indiquer les principaux en chaque genre[395].

Ce qu’on peut appeler la philosophie médicale est représenté largement dans la collection ; il n’y a pas lieu de s’en étonner, car Galien est un des esprits les plus philosophiques de ce temps. Citons d’abord l’opuscule Sur les sectes (Περὶ αἱρέσεων)[396], où il expose, pour des jeunes gens qui débutaient dans les études médicales, les principes essentiels des trois grandes sectes ; l’ouvrage en six livres Sur les dogmes d’Hippocrate et de Platon (Περὶ τῶν Ἱπποκράτους καὶ Πλάτωνος δογμάτων[397], dans lequel le dogmatisme éclectique qui lui est propre est rattaché à ses origines ; le traité capital en trois livres Sur les forces naturelles (Περὶ φυσικῶν δυνάμεων)[398], où se montrent, avec l’essence de sa doctrine, sa méthode et la force de sa dialectique ; enfin, le tout petit écrit qui a pour titre : Que le bon médecin est philosophe (Ὅτι ὁ ἄριστος ἰατρὸς φιλόσοφος)[399]. — Si nous passons à la science médicale proprement dite, il faut signaler en premier lieu des ouvrages généraux, parmi lesquels la série des Commentaires sur Hippocrate (Ὑπομνήματα εἰς τὰ Ἱπποκράτους), en cinquante-cinq livres, œuvre de sa vie entière, dont quelques parties seulement nous ont été conservées. Puis, pour chacune des grandes divisions de la médecine, un certain nombre d’ouvrages spéciaux. Sur l’anatomie, on peut citer : les Travaux d’anatomie (Ἀνατομικαὶ ἐγχειρήσεις), en quinze livres, dont neuf seulement sont venus jusqu’à nous ; sur la physiologie, le grand traité Des fonctions des organes dans le corps de l’homme (Περὶ χρείας τῶν ἐν ἀνθρώπου σώματι μορίων), en dix-sept livres, ouvrage qui a servi de fondement aux études médicales jusqu’au temps où elles se sont affranchies par l’observation. La pathologie était étudiée dans une série de traités spéciaux ; ces traités, Galien les avait résumés dans son Art médical (Τέχνη ἰατρική), célèbre dans les écoles du moyen âge sous le nom de « Microtechnum ». Enfin, parmi les écrits nombreux relatifs à la thérapeutique et à la matière médicale, il faut mentionner en première ligne la Méthode thérapeutique (Μέθοδος θεραπευτική) en quatorze livres, qui fut le « Megalotechnum : » du moyen âge ; puis seize livres, de titres divers, sur les pronostics, et trois ou quatre compositions assez étendues sur les remèdes, formant ensemble plus de vingt-cinq livres.

Une si abondante production aurait absorbé toute l’activité d’un autre homme. Mais Galien, tout en écrivant sans cesse sur la médecine, trouvait encore moyen de s’occuper de logique, de morale, même de grammaire et de rhétorique.

La logique l’intéressait tout particulièrement. De tout temps, il avait été passionné pour l’art de la démonstration[400] ; il le cultiva toute sa vie, non seulement en pratique, mais par des recherches de théorie. Son principal ouvrage sur ce sujet, le Traité de la démonstration (Περὶ τῆς ἀποδείξεως), en quinze livres, est malheureusement perdu, ainsi que ses commentaires sur la logique d’Aristote et de Théophraste, ainsi encore que bon nombre d’écrits spéciaux sur le syllogisme, sur l’induction, sur les propositions nécessaires, etc. Il nous reste une brève réfutation du scepticisme de Favorinus (Περὶ τῆς ἀρίστης διδασκαλίας), un intéressant écrit Sur les erreurs (Περὶ ψυχῆς ἁμαρτημάτων), qui forme la seconde partie du traité Sur Les passions et les erreurs (Περὶ ψυχῆς παθῶν καὶ ἁμαρτημάτων)[401], et un opuscule de médiocre valeur Sur les sophismes de mots (Περὶ τῶν κατὰ τὴν λέξιν σοφισμάτων)[402].

La morale était représentée dans l’œuvre de Galien par environ vingt-cinq écrits, qui ont presque tous disparu. L’ouvrage le plus regrettable en ce genre semble avoir été le traité Sur les différents genres de vie qui résultent de notre conception du souverain bien (Περὶ τῶν ἀκολούθὠν ἑκάστῳ τέλει βίων) ; l’auteur y touchait nécessairement aux questions fondamentales de la morale.

En dehors de la logique et de la morale, Galien avait encore abordé quantité de questions diverses de philosophie dans des livres perdus qu’il énumère lui-même[403]. Enfin, il avait fait à ses heures de la critique littéraire et de la grammaire. Parmi les dix ouvrages relatifs à ces sujets dont il nous donne les titres[404], cinq se rapportaient à l’ancienne comédie, qui semble l’avoir particulièrement intéressé et dont il avait étudié de près le langage. D’autres touchaient à la question de l’atticisme : il avait composé, sous forme de lexique alphabétique en quarante-huit livres, un recueil des mots usités chez les écrivains attiques (Τῶν παρὰ τοῖς Ἀττικοῖς συγγραφεῦσιν ὀνομάτων τεσσαράκοντα ὀκτώ)[405]. Mais, comme il le dit expressément, ce n’était pas qu’il attachât la moindre valeur au purisme affecté des atticistes contemporains[406] ; il trouvait même ridicule qu’on reprît ceux qui parlaient incorrectement[407]. Son but avait été tout autre : il s’était proposé seulement d’établir le sens exact des mots anciens, qu’il voyait méconnu souvent autour de lui.

Par cette quantité d’écrits variés, Galien se révèle comme un esprit singulièrement actif. Toutefois, si on voulait le traiter en philosophe proprement dit et lui demander ses opinions sur les points de doctrine essentiels, on risquerait d’aboutir à un mécompte. Homme de savoir avant tout, c’est sous cet aspect qu’il convient de l’apprécier. En métaphysique, en théologie, en morale, en logique même, on ne peut pas dire qu’il ait rien approfondi. Les idées qu’il exprime sur ces sujets nous montrent en lui un éclectique, qui s’appuie de préférence sur Aristote, en mêlant à ses opinions celles de Platon et des Stoïciens, et en modifiant tout cela à sa manière[408]. Au fond, si l’on excepte quelques affirmations qui lui sont chères, il a très peu le goût de dogmatiser. En face des questions difficiles, sur lesquelles les philosophes disputent, lui s’arrête volontiers, avoue son ignorance et ne se croit pas autorisé à conclure, faute de preuves.

Mais où se montre la vigueur et la supériorité de son intelligence, c’est dans ce qu’on peut appeler sa philosophie de la médecine[409]. Elle se ramène essentiellement à étudier « l’art de la nature » (τέχνη τῆς φύσεως) ; car cet art, le médecin a besoin de le connaître et de le comprendre à fond, pour y conformer sa pratique. La nature a des fins, auxquelles elle arrive par le jeu des forces (φυσικαὶ δυνάμεις) qu’elle a créées et qu’elle entretient. Ces forces résident dans chaque partie de l’organisme ; en s’unissant entre elles, elles constituent par leur association d’autres grandes forces supérieures et collectives. Telles sont la force de création (γεννητική), la force d’accroissement (αὐξητική), la force d’entretien ou d’alimentation (θρεπτική). Les forces particulières, elles, sont en très grand nombre, et c’est d’elles que dépend tout le détail infini des phénomènes qui constituent la vie ; les plus remarquables sont la force d’attraction (ἑλκτική ou ἐπισπαστική), grâce à laquelle chaque organe attire ce qui lui est propre ; la force de rétention (καθεκτική), qui lui permet de le retenir jusqu’à qu’il en ait tiré ce qu’il en doit tirer : la force d’élimination (ἀποκριτική). par laquelle il se débarrasse du superflu. À coup sûr, cette doctrine, qu’il suffit ici de caractériser par ces quelques exemples, n’appartient pas en propre à Galien. Elle est par ses origines hippocratique et péripatéticienne. Mais lorsque Galien l’adopta à son tour, elle était depuis longtemps combattue par les empiriques et les méthodiques, et il fallait, pour la soutenir désormais, réfuter une à une les objections qu’elle avait soulevées. Cette nécessité devait conduire un dialecticien tel que lui à donner aux idées dont elle était faite une cohésion et une vigueur qu’elles n’avaient pas eues jusque-là. C’est donc lui qui les a coordonnées en un vasts système, c’est lui qui les a le premier étudiées dans toutes leurs applications et conséquences, et par là, il en est devenu comme le répondant devant la science.

Or la science, il faut le reconnaitre, les a rejetées bien loin, et c’est en les repoussant qu’elle a réalisé ses plus sérieux progrès. Aujourd’hui, cette doctrine des « forces » nous apparaît à travers les moqueries dont Molière a accablé les médecins de son temps, et la « puissance attractive » nous fait songer immédiatement à la « vertu dormitive » de l’opium. Mais toutes les grandes explications théoriques des phénomènes du monde, une fois dépassées, en sont là : ce qui n’empêche pas que la science ait besoin de théories, pour lier ses expériences et en coordonner les résultats. Tout ce qu’on doit se demander par conséquent, c’est si, au temps de Galien, sa doctrine fondamentale répondait à l’état des connaissances, et si, au lieu d’entraver les progrès de la science, comme elle le fit plus tard, une fois vieillie, elle n’était pas au contraire propre à les favoriser. Sur ces deux points, il ne semble pas que le doute soit possible. En dehors de cette doctrine, nous ne voyons, dans le monde scientifique d’alors, que des théories stériles, qui ne provoquaient ni observation ni expérimentation. Au contraire, la philosophie, si vigoureusement coordonnée et défendue par Galien, tenait compte de tous les faits établis, elle en faisait même découvrir d’autres, et si elle créait, derrière ces faits, des entités imaginaires, ce n’étaient guère que des noms qu’elle imposait à l’inconnu, chose que l’homme n’a jamais pu se dispenser de faire. On lui a reproché d’abuser de la dialectique. Mais la dialectique de Galien est celle d’un homme qui sait, qui observe, qui expérimente, qui réfléchit, et qui éprouve le besoin de conclure de ce qu’il voit à ce qu’il devine. Admirable de vigueur, elle est toujours appuyée sur des faits. Sans dialectique de cette sorte, il n’y a jamais eu de grand savant, il n’y en a pas plus aujourd’hui qu’autrefois. La faculté de lier les observations de détail et d’en tirer des conséquences est une des conditions fondamentales de l’esprit scientifique, et il semble bien que, chez Galien, cette faculté ait été de premier ordre. Ce qu’on peut regretter, comme il l’a d’ailleurs regretté lui-même, c’est que la nécessité de discuter lui ait pris trop de temps. Il eût mieux valu, pour le progrès de la science, qu’il eût poursuivi des recherches personnelles sur quelques points obscurs, au lieu de défendre des résultats qui lui paraissaient acquis. Le goût des discours, même sous sa forme la plus légitime, est le seul trait qui dénote en lui le contemporain des sophistes.

Ces hautes et saines qualités d’esprit se reflètent naturellement dans son style. « Le premier mérite de la diction, écrivait-il, c’est, à mon avis, la clarté[410]. » Et, en effet, il est clair avant tout. Cette clarté provient en partie du bon choix des mots ; nulle recherche, nulle bizarrerie ; les termes ordinaires, connus de tous[411], sans affectation d’archaïsme ni d’atticisme, comme aussi sans concessions exagérées aux négligences de l’usage courant. Mais, si l’on va plus au fond des choses, on s’aperçoit qu’il est clair surtout parce que sa pensée est naturellement analytique et ordonnée, parce que ses idées se décomposent, se développent, se rangent avec méthode. Le mouvement de son style est égal, avec quelque lenteur. L’écrivain revient parfois sur ce qu’il a déjà dit, pour insister, pour marquer les phases de la démonstration. De là, une certaine prolixité, sans diffusion pourtant. Le discours ainsi fait a plus de bonne tenue que d’élégance. Son mérite est surtout fait de logique et de précision. L’agrément proprement dit y est rare ; Galien ne cherche pas à orner sa diction ; mais il lui arrive assez souvent de rencontrer des comparaisons dont la justesse piquante égaie sa dialectique, tout en contribuant encore à la clarté. Et dans la probité de ce style scientifique, qui ne vise qu’à l’enseignement, se révèle ainsi l’homme d’esprit, qu’on devait écouter avec plaisir.


Galien, Ptolémée, Marc-Aurèle, Appien et Arrien marquent, en face de la sophistique, ce qui restait encore de sérieux dans l’hellénisme. Si les beaux esprits du temps mettaient l’art littéraire au service d’une virtuosité frivole, il ne manquait pas, on le voit, d’intelligences saines et fermes, qui aimaient la vérité, qui croyaient la trouver par les forces de la raison, et qui pensaient que l’emploi naturel de la parole, c’est de l’exprimer. À tous, il est vrai, on pouvait adresser un même reproche : ils vivaient trop sur un passé qui était épuisé. Décidément, la renaissance qui avait commencé à la fin du siècle précédent ne donnait pas tous les fruits qu’on eût été en droit d’en attendre. Après avoir tiré parti des enseignements de l’antiquité, on ne savait pas s’en affranchir, pour marcher hardiment dans des voies nouvelles. Et toutefois le plus grand mal était ailleurs.

L’hellénisme, en ce qu’il avait d’essentiel, n’avait pas pu se faire adopter par les multitudes qui étaient venues à lui trop vite. Elles n’en avaient pris que le dehors, non les profondes manières de penser ni les méthodes. Et ce qu’elles en avaient pris ne leur suffisait pas ; il fallait autre chose à leur vie intellectuelle et morale. En conséquence, à la science dont elles ne comprenaient pas les conditions, elles tendaient à substituer la croyance ; à la sagesse, qui leur semblait froide, elles tendaient à substituer l’exaltation du sentiment. Ces tendances, jusqu’ici, s’étaient à peine manifestées dans la littérature ; mais elles devenaient singulièrement puissantes dans la société, et l’heure approchait où elles devaient trouver leur expression dans les productions de la pensée. Au iiie siècle, elles allaient susciter le néoplatonisme. Mais déjà, elles apparaissaient bien vivement dans la littérature chrétienne, qui commençait à attirer l’attention. Occupons-nous donc maintenant de ses premiers représentants et de leurs œuvres, pour essayer de montrer comment ils tendaient à transformer l’hellénisme, non seulement lorsqu’ils le combattaient ouvertement, mais alors même qu’ils lui faisaient de larges emprunts et mêlaient ses idées aux leurs.

VI

Ce serait sortir du cadre de cet ouvrage que de reprendre ici l’histoire de la littérature grecque chrétienne à ses commencements, pour en suivre toute l’évolution. Cette histoire, pour peu qu’on voulût entrer dans les questions essentielles qu’elle soulève, formerait à elle seule la matière d’un gros livre[412]. D’ailleurs, nous ne nous occupons ici que de l’hellénisme et de ses destinées. Or une bonne partie de cette littérature, bien qu’écrite en grec, est en réalité étrangère à l’hellénisme : elle n’en a ni l’esprit, ni la tradition, ni les caractères propres ; pendant assez longtemps même, elle l’ignore, ou peu s’en faut, et elle est sans influence sur ceux qui se meuvent dans sa sphère. Nous ne devons ici la prendre en considération qu’à partir du moment où elle entre vraiment en contact avec la pensée grecque, et il suffira, pour tout ce qui précède, de dire brièvement comment s’étaient constituées sa force et son originalité.


La littérature chrétienne commence par des lettres, des écrits d’enseignement élémentaire, des visions et des récits[413]. Depuis le milieu du ier siècle, ou les dernières années du règne de Néron, nous voyons se succéder des épîtres émanant soit des apôtres, soit des diverses communautés chrétiennes et de leurs chefs ; c’est par elles que ces communautés sont en relations les unes avec les autres. Ces épîtres traitent des choses du jour, elles contiennent des avis, des réprimandes, des informations pieuses, souvent aussi des enseignements. Quelques-unes sont en quelque sorte impersonnelles : elles n’expriment que les sentiments généraux des églises naissantes. D’autres, et entre toutes les épîtres de l’apôtre Paul, sont marquées fortement à l’empreinte de leur auteur ; elles révèlent son âme tout entière. Les écrits d’enseignement proprement dits n’ont rien de cela : ce sont, dans cette première période, des œuvres anonymes, impersonnelles, uniquement destinées à conserver des croyances ou des préceptes dont on tient à fixer la tradition. Les visions, telles que l’Apocalypse de Jean, le Pasteur d’Hermas, présentent naturellement un intérêt très supérieur, du moins pour qui cherche plutôt des âmes que des dogmes : on y sent vivre tous les sentiments et toutes les passions, les espérances, les craintes, le mysticisme ardent et naïf, qui s’agitent alors dans la conscience chrétienne. Mais rien ne vaut, pour la nouveauté de l’inspiration, pour le charme, la beauté morale, les récits variés dont le type le plus achevé se trouve dans les Évangiles. C’est là que le christianisme apparaît vraiment dans sa grâce primitive, qui a conquis le monde.

Si l’on réunit par la pensée toutes ces formes diverses, il est possible d’en dégager certains traits dans lesquels se résume ce qu’on peut appeler la nouveauté littéraire du christianisme.

D’abord quelque chose qu’on est fort en peine de définir et qui est proprement « évangélique ». Une sorte de puissance douce, faite de simplicité populaire, de certitude pieuse, de détachement et de tendresse, associés dans une vision permanente d’idéal. Germe fécond qui est la vertu même du christianisme, son élément divin, celui qui procède directement de son fondateur. Une fois la période primitive passée, quand le christianisme grec deviendra raisonneur et théologien, cet élément se cachera souvent, dans les œuvres littéraires, sous la véhémence des passions et sous le jeu subtil des idées ; rarement néanmoins, il disparaîtra tout à fait : et ce qui en restera visible ou sensible sera justement la goutte précieuse de myrrhe que le christianisme aura versée dans le rationalisme antique.

Mais, par ses antécédents, le christianisme est juif, et, en conséquence, il jettera aussi dans le courant de la pensée grecque bien des éléments de provenance judaïque. On peut en distinguer surtout trois, dont l’importance sera capitale. En premier lieu, un élément populaire, auquel les évangiles donnent une autorité durable, et dont l’influence se fera sentir chez tous les écrivains grecs chrétiens. Ensuite, un élément rabbinique : car plusieurs des apôtres, et Paul principalement, ont subi fortement l’empreinte de la science des docteurs juifs ; et de là, une sorte de dialectique particulière, une méthode didactique qui n’est pas grecque, et qui passera en partie des épîtres à toute la littérature chrétienne. En troisième lieu, un élément prophétique emprunté à l’Ancien Testament : images hardies, brusquerie des tours, âpreté du ton, comparaisons et paraboles, parallélisme de la phrase, expressions violentes ou lyriques, transformation de la prose en une sorte de poésie par l’oubli ou le mépris des qualités rationnelles, sacrifiées aux formes de l’inspiration.

Ces éléments nouveaux, mis en œuvre par des hommes de talent, vont apporter un supplément de force à l’art hellénique déclinant. Mais ils étaient, par leur nature, trop différents de ceux dont cet art était fait peur s’y associer harmonieusement. Il y aura donc invasion plutôt que fusion intime ; et de cette perturbation puissante, nous verrons peut-être sortir quelques grandes œuvres, mais non des œuvres achevées.


C’est par le genre apologétique que s’établit, dans le premier tiers du second siècle, le contact entre la littérature chrétienne et l’hellénisme^^1. Les apologistes chrétiens sont presque tous des hommes sortis des écoles grecques. Plus ou moins initiés à la philosophie et même à la rhétorique, dans leur jeunesse du moins, ils gardent, sous les habitudes nouvelles de leur pensée, quelque chose de cette éducation première. Ils s’adressent à ceux qui détiennent le pouvoir, empereurs, magistrats, sénat, pour repousser à la fois les griefs de l’autorité publique et les calomnies de l’opinion populaire. Leur but est d’établir que le christianisme ne menace en rien l’État, qu’il est pur, non seulement des infamies dont on l’accuse, mais aussi des mauvaises intentions qu’on lui prête, enfin et surtout qu’il a pour lui la vérité. Chez la plupart d’entre eux, cette dernière vue prédomine. Au lieu de se défendre, ils attaquent. Ils décrient le paganisme, ils en montrent librement les absurdités et les hontes, et, en face de ces croyances condamnées, ils établissent les leurs. Satire d’une part, exposé dogmatique de l’autre. La satire a chez eux une franchise qui en fait le prix ; elle n’est ni piquante, ni habile, comme la moquerie de Lucien ; elle est naïve, rude, maladroite, mais forte ; elle s’attaque sans ménagements aux choses officielles, au culte public, aux jeux du cirque, à tout ce que la philosophie même souffrait ou excusait[414].

On est surpris que de telles choses aient pu être écrites dans l’Empire. Mais il faut songer qu’elles échappaient sans doute, par leur nature même, à la répression. Il n’est pas probable qu’elles fussent publiées, c’est-à-dire récitées en public ou mises en vente. C’étaient en général des suppliques adressées à l’empereur personnellement, et elles n’étaient pas censées sortir de ses bureaux ; elles circulaient évidemment, mais par des copies clandestines qu’on se passait de main en main. Si la propagande se faisait, c’était sans bruit, grâce à des communications privées. Les fidèles y trouvaient des arguments pour se fortifier eux-mêmes dans la foi, et ils s’en servaient pour achever la conversion de ceux qu’une première instruction avait déjà touchés. Par là, l’apologie est la première forme de l’enseignement dialectique, qui se développera bientôt. Les apologistes sont les prédécesseurs immédiats des docteurs chrétiens. C’est par eux que le christianisme a commencé à devenir une philosophie, c’est-à-dire en somme, à se rapprocher de l’hellénisme, qu’ils combattaient pourtant si ardemment.

Nous ne savons presque rien du plus ancien d’entre eux, Quadratus (Κοδράτος), sinon qu’il adressa son apologie à l’empereur Adrien lors de son passage à Athènes, vers 125-126[415]. Le seul fragment qui nous en reste se réduit à quelques lignes, qui ne permettent de juger ni du plan de cet écrit ni de sa méthode[416].

C’est au successeur d’Adrien, à Antonin le Pieux, que fut adressée, contrairement au témoignage d’Eusèbe, l’apologie d’Aristide[417]. L’auteur ne nous est pas mieux connu que Quadratus ; mais son œuvre, dont on ne croyait naguère posséder que des fragments insignifiants, nous a été rendue presque en son entier depuis dix ans[418]. Il y donne son nom : Markianos Aristide, philosophe athénien. Son œuvre est une brève étude sur l’idée de Dieu chez les différents peuples. Plus ou moins défigurée chez les Barbares, chez les Grecs, et même chez les Juifs, cette idée, selon lui, n’apparaît vraiment pure que dans le christianisme. Si le style même de l’original ne se laisse plus juger aujourd’hui avec certitude, la composition du moins frappe par une certaine netteté vraiment grecque. La dialectique en est rapide, dégagée, sarcastique. Elle n’entre ni dans les objections, ni dans les difficultés ; mais elle va droit au but sans embarras, avec un ton de certitude décidée, qui était par lui-même une force en un temps où tant d’esprits flottaient sans savoir où se prendre.

Chez Aristide toutefois, l’apologie est encore un peu maigre et sèche. Celui chez qui elle s’achève au second siècle, c’est Justin. S’il ne l’a pas créée, il l’a tout au moins dotée de ses formes propres, de ses arguments et de ses lieux communs. Surtout, il a fait un effort singulièrement remarquable pour organiser la future philosophie chrétienne, en essayant de donner aux dogmes une valeur rationnelle. Et, de plus, il a mis, dans tout ce qu’il a écrit, à défaut d’un mérite littéraire élevé, du moins une sincérité, un charme de bonne foi et de bonne volonté, de bon sens naturel et de droiture, qui lui prêtent une certaine éloquence[419].

Justin, fils de Priscus, était de famille grecque[420] ; il naquit à Flavia Neapolis, en Judée, vers l’an 100. Tout ce que nous savons de sa vie se réduit à quelques faits et à quelques dates. Élevé dans le paganisme, il étudia les diverses philosophies grecques, sans y trouver de quoi se satisfaire. Toutefois, la doctrine de Platon l’attacha bien plus fortement que les autres, et c’est par elle en somme que s’est faite l’éducation de sa raison. Jeune encore, il fut gagné au christianisme ; lui-même nous a raconté, non sans charme, sa conversion, qui dut avoir lieu dans les premières années du règne d’Adrien, aux environs de 123[421]. Vers le même temps, ou un peu plus tard, il semble avoir séjourné à Éphèse[422]. Puis il vint s’établir à Rome ; et là, il enseignait, sans être prêtre, la croyance qu’il avait reçue et à laquelle il avait adapté sa philosophie. Il ne semble pas s’être éloigné de cette ville ni sous le règne d’Antonin, ni sous celui de Marc-Aurèle. Il y mourut martyr, sous la préfecture de Junius Rusticus, entre 163 et 167 ; victime probablement de sa franchise et des haines qu’elle lui avait attirées, en particulier de la part du Cynique Crescens, qu’il attaque si rudement dans sa seconde apologie[423].

Plusieurs de ses écrits sont perdus : entre autres, le Discours aux Gentils (Λόγος πρὸς Ἕλληνας), où il semble qu’il s’était étendu assez longuement sur la valeur et les défauts de l’hellénisme[424] ; le livre sur l’âme (Περὶ ψυχῆς)[425] ; le traité Contre toutes les hérésies qui se sont produites (Σύνταγμα κατὰ πασῶν τῶν γεγενημένων). qui devait nécessairement comporter des discussions de nature philosophique sur les points essentiels de la croyance chrétienne[426]. — En revanche, la collection qui porte son nom contient un grand nombre d’ouvrages qui ne sont pas de lui. La critique les a éliminés peu à peu. Outre la Lettre à Diognète, dont nous dirons quelques mots plus loin, citons un Discours aux Gentils (Λόγος πρὸς Ἕλληνας), qui n’a de commun que le titre avec celui que Justin avait réellement composé[427].

Les seuls de ses ouvrages subsistants qui soient certainement authentiques sont les deux Apologies et le Dialogue avec le juif Tryphon (Πρὸς Ἰουδαῖνον Τρύφωνα διάλογος).

La première des deux apologies fut adressée, vers l’an 150, à l’empereur Antonin[428]. Autant qu’on peut démêler un plan sous la composition confuse de l’auteur, on voit qu’il réclame d’abord pour les chrétiens le droit d’être jugés sur leurs actes, comme tous les sujets de l’Empereur, au lieu d’être proscrits arbitrairement sur la simple attribution d’un nom. Entrant ensuite dans l’apologie proprement dite, il expose la morale chrétienne ; puis il détaille les prophéties relatives au Messie et en montre la réalisation : enfin il fait connaître les principaux traits du culte que les chrétiens rendent à Dieu. Cette suite d’idées est troublée sans cesse par des redites et des digressions, qui la font perdre de vue. D’un bout à l’autre, l’auteur poursuit, à côté de son dessein principal, un parallèle entre le christianisme et le paganisme, qui l’amène à parler longuement des dieux du polythéisme, du rôle des démons dans leur religion, des mœurs païennes, de la philosophie grecque. Tout cela forme un écheveau singulièrement embrouillé, dont il est à peu près impossible de démêler complètement les fils. — La seconde apologie, n’est en quelque sorte qu’un complément de la première[429]. À l’oc- casion d’une condamnation prononcée contre des chrétiens par le préfet Urbicus, Justin explique pourquoi les fidèles ne recherchent pas la mort, quoiqu’ils fassent profession de ne pas la craindre ; puis, raisonnant sur les persécutions, il y découvre, dans les sentiments des persécuteurs et dans ceux des persécutés, d’une part la malice des démons et de l’autre la puissance de Dieu. Les empereurs auxquels il s’adresse sont Antonin le Pieux et Marc-Aurèle[430].

Le Dialogue avec le juif Tryphon, aujourd’hui incomplet, a été composé après la première apologie[431]. C’est une réfutation très étendue des arguments que les Juifs opposaient au christianisme. La dispute y est donc exclusivement entre Juifs et Chrétiens, et par conséquent cette œuvre est bien plus étrangère à l’hellénisme que les précédentes. Ce qu’elle offre de plus intéressant pour le lecteur profane, c’est, d’un côté, le grand effort de l’auteur pour démontrer que le dogme chrétien n’est pas en désaccord avec le monothéisme intraitable d’Israël, et, de l’autre, sa conception du christianisme comme religion universelle, capable de réaliser les promesses dont Israël s’était cru dépositaire.

Justin n’est pas un écrivain. Il ne sait pas plus ordonner chaque phrase en particulier que ses argumentations en général. Mais, ce qui vaut mieux, c’est un homme de cœur, qui intéresse par ses hautes qualités morales, et un philosophe, dont la pensée est toujours curieuse à suivre. Nul ne représente mieux le mouvement d’idées, qui, sous l’influence de l’hellénisme, s’éveillait alors chez un certain nombre de chrétiens. Il est le premier, parmi ceux-ci, qui semble s’être préoccupé de juger sérieusement la philosophie païenne. Et ce jugement est tout autre chose qu’une condamnation tranchante. Il reconnaît chez les païens une certaine connaissance de la vérité.

Tous ceux qui ont écrit ont pu, grâce à la semence de raison qui était naturellement en eux (διὰ τῆς ἐνούσης ἐμφύτου λόγου σπορᾶς), apercevoir obscurément ce qui est[432].

Par suite, presque toutes les écoles ont vu des parcelles du vrai, mais aucune n’a pu embrasser la vérité dans son ensemble ; et, de là, leurs contradictions ridicules :

Je suis fier d’être reconnu chrétien, je revendique ce nom de toutes mes forces. Non pas que les enseignements de Platon soient étrangers à ceux du Christ (οὐχ ὅτι ἀλλότρια ἐστι τὰ Πλάτωνος διδάγματα τοῦ Χριστου), mais ils n’y sont pas semblables en tout (ἀλλ’ ὅτι οὐκ ἔστι πάντη ὅμοια). Pas plus d’ailleurs que ceux des autres Grecs, stoïciens, poètes, historiens. Car si chacun d’entre eux, pour sa part, apercevant quelque parcelle du verbe divin dispersé, qui était en rapport avec sa propre nature, l’a bien exprimée[433], ils ne s’en sont pas moins contredits les uns les autres dans les choses essentielles, et ils ont ainsi montré qu’ils ne possédaient ni la science suprême ni la connaissance irréfutable[434].

Sous l’influence de ces idées, il va jusqu’à reconnaître, dans quelques philosophes païens, des chrétiens avant le christianisme :

Ceux qui ont vécu avec le verbe (οἱ μετὰ λόγου βιώσαντες) sont des chrétiens, bien qu’ils aient été regardés comme des athées, par exemple, entre les Grecs, Socrate et Héraclite, et ceux qui leur furent semblables[435].

Ce sont là de nobles sentiments qui nous rendent Justin sympathique. Il est regrettable qu’il ne les ait pas dégagés plus nettement et qu’ailleurs il ait expliqué cette sagesse des Grecs soit par des emprunts faits à Moïse, soit même par l’inspiration de mauvais esprits qui voulaient faire tort au christianisme[436]. Justin n’avait pas cette hauteur de vues qui permet à quelques hommes supérieurs de s’affranchir des préjugés régnants. Mais il cherchait la vérité noblement, avec toute son âme, selon le mot de Platon, et il l’aima jusqu’au sacrifice de sa vie.


Nous devons passer rapidement sur les apologistes ou docteurs de second rang qui se groupent autour de Justin. Quelques-uns ne nous sont pas même connus de nom ; tels, les auteurs de certains écrits qui lui sont faussement attribués. D’autres, tels que Tatien, Athénagoras, Théophile d’Antioche, Ariston, Miltiade, Irénée même, n’ont pas assez d’originalité littéraire pour nous arrêter longtemps.

Le syrien Tatien fut un des auditeurs de Justin à Rome sous le règne d’Antonin[437]. Eusèbe (Hist. eccl., IV, 28) fait de lui — avec un doute : λόγος ἔχει, dit-il — le chef de la secte hérétique des Encratites. Ce qui est certain, c’est que son naturel sombre et austère se portait de lui-même vers un mysticisme ascétique. Il nous reste de lui un Discours aux Gentils (Λόγος πρὸς Ἕλληνας)[438], apologie écrite probablement à Rome, peu après la mort de Justin[439]. Le trait particulier de cet écrit, dans le genre apologétique, c’est l’importance donnée à la démonologie. Les idées ébauchées par Justin sur ce sujet sont développées par Tatien avec l’outrance passionnée qui était dans sa nature. Toute la civilisation hellénique devient pour lui l’œuvre perfide des démons, quand elle n’est pas un simple larcin. Et ainsi l’apologie se transforme en une diatribe virulente, dont l’injustice est mal rachetée par une sorte d’éloquence amère[440].

Tout autre est Athénagoras, Athénien et philosophe chrétien, selon le titre qui figure en tête de son Apologie[441]. Celle-ci (Πρεσβεία περὶ Χριστιανῶν) est adressée aux empereurs Marc-Aurèle et Commode : postérieure par conséquent à 176, année où Commode fut associé à l’empire, et antérieure à 180, année de la mort de Marc-Aurèle, elle date probablement de 177. Naturellement modéré, Athénagoras ne fait point de satire : il se borne à défendre les chrétiens contre les calomnies qui les représentaient comme des athées et qui leur imputaient d’infâmes et sanglantes débauches. Son argumentation est simple, ordonnée, convaincante, présentée avec bon ton et dignité, dans un style correct ou même élégant. Rien chez lui des colères de Tatien contre l’hellénisme. Loin de mépriser la philosophie grecque, il l’estime ; et, en fait, il use de ses méthodes, lorsqu’il entreprend de démontrer rationnellement l’unité de Dieu. Les mêmes qualités se retrouvent, à un degré moindre, dans son second écrit, qui traite de la Résurrection des morts (Περὶ ἀναστάσεως νεκρῶν)[442]. En s’appuyant sur des arguments purement philosophiques, l’auteur se donne pour tâche de démontrer, d’abord que la résurrection des morts n’est pas impossible, ensuite qu’elle est même exigée par le raisonnement. Ses développements se lisent sans effort et avec intérêt. Nous avons là un christianisme de raison autant que de foi, étroitement rattaché à la bonne tradition hellénique, dont il a la modération et la clarté.

Théophile, peut-être évêque d’Antioche, composa, peu après la mort de Marc-Aurèle (180 ap. J.-C.), trois livres d’instruction chrétienne adressés à un païen nommé Autolycos (Πρὸς Αὐτόλυκον Ἕλληνα περὶ τῆς τῶν Χριστιανῶν πίστεως)[443]. Nous les possédons encore. Moitié exposé, moitié discussion, cet ouvrage est moins une apologie, qu’une sorte d’initiation. L’auteur, qui écrit avec élégance, raisonne clairement, sans beaucoup de force d’ailleurs ni de profondeur. Son œuvre, médiocrement personnelle, intéresse plus l’histoire des dogmes que celle de la littérature.

Au même groupe d’écrivains se rattachent Ariston, auteur du dialogue perdu entre le chrétien Jason et le juif Papiscos (Ἰάσονος καὶ Παπίσκου ἀντιλογία), Miltiade, Méliton, évêque de Sardes, Apollinaire, évêque d’Hiérapolis en Phrygie, qui, tous trois, adressèrent à Marc-Aurèle des apologies pour le christianisme. De toutes ces œuvres, il ne nous reste que des fragments insignifiants. Mais elles attestent encore, par leur nombre du moins, le mouvement littéraire qui se produisait alors dans le christianisme, et aussi les espérances que les chrétiens ne cessèrent de fonder sur la justice de Marc-Aurèle[444].

Bien plus importante assurément serait pour nous la collection des œuvres d’Irénée, si elle nous eût été conservée. Irénée est en effet un des docteurs les plus autorisés de l’Église chrétienne dans la seconde moitié du second siècle, et c’était en outre un esprit cultivé par l’hellénisme[445].

Né probablement à Smyrne vers 125 ou 130, il y recueillit dans sa jeunesse la tradition chrétienne tout près de sa source, en écoutant l’évêque Polycarpe (mort en 155) et quelques autres anciens, qui avaient encore connu les disciples des apôtres. Plus tard, au temps de Marc-Aurèle, nous le trouvons à Lyon. Et c’est là qu’il est désormais fixé, d’abord comme simple prêtre, puis, après le martyre de Pothin en 177, comme évêque. Il y vécut, sauf quelques absences, jusqu’au temps de Septime Sévère, sous le règne duquel il subit le martyre en 202.

Plusieurs de ses écrits ont été perdus et ne nous sont plus connus que par leurs titres[446]. Le grand ouvrage auquel son nom demeure attaché, c’est le traité en cinq livres, qu’on désigne communément sous le titre de Adversus hæreses et qui paraît avoir été intitulé Ἔλεγχος καὶ ἀντροπὴ τῆς ψευδωνύμου γνώσεως, Réfutation et renversement de la prétendue gnose[447]. L’original grec est perdu, sauf les passages cités par les écrivains ecclésiastiques. Nous ne le connaissons plus que par une traduction latine, presque contemporaine du texte, qu’elle suit servilement, au point de n’être quelquefois intelligible qu’à la condition de restituer par conjecture les mots primitifs[448]. On conçoit que, sous cette forme, il soit impossible de l’apprécier comme œuvre de littérature grecque[449]. Du reste, malgré sa culture hellénique prouvée par de nombreuses citations des poètes et philosophes grecs, Irénée s’y appuie surtout sur la tradition. Après avoir fait dans le premier livre l’histoire du Gnosticisme depuis Simon le magicien jusqu’à Marcion, il ne le réfute rationnellement que dans le second, pour opposer à l’hérésie, dans les trois derniers livres, les témoignages de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Parmi les écrits faussement attribués à Justin, plusieurs semblent appartenir aussi à cet âge de la littérature chrétienne. L’Exhortation aux Gentils (Πρὸς Ἕλληνας, Cohortatio ad Gentiles, en 38 chapitres) et le traité Sur la monarchie divine (Περὶ θεοῦ μοναρχίας) ne peuvent être ni l’un ni l’autre de Justin : car ils n’offrent rien des caractères de son style[450]. Dans une langue assez dégagée, les auteurs de ces écrits soutiennent que tout ce qu’il y a de vrai dans l’hellénisme provient de la tradition juive, recueillie par les poètes, les sages et les philosophes de la Grèce ; et ils réfutent le polythéisme par lui-même, à l’aide de citations empruntées à la littérature apocryphe dont Alexandrie paraît avoir été l’atelier principal[451]. Le point de vue général est bien celui des apologistes et des docteurs du second siècle. Mais l’argumentation est appuyée ici sur une méthode historique si radicalement erronée qu’elle ne saurait offrir un grand intérêt.

La Lettre à Diognète (Πρὸς Διόγνητον), qui figure aussi dans le recueil attribué à Justin, a une tout autre valeur. C’est un des écrits remarquables de la littérature chrétienne primitive[452]. Nous ne savons rien de l’auteur, qui ne se nomme pas : mais il est évident que ce ne peut être Justin ; car tout en lui est absolument différent. C’est une âme ardente, servie par une parole éloquente. Son style net, vigoureux, antithétique, donne à sa pensée un relief frappant. En véritable orateur, il se défend mal des entraînements de parole, et, pour jeter plus de lumière sur ses idées, il lui arrive de les pousser à l’extrême. Celui à qui il s’adresse, Diognète, est un païen ébranlé, que le christianisme trouble et attire. L’auteur passe rapidement sur la réfutation du paganisme. Homme de foi, et nullement critique, il n’y voit que scandale et absurdité, et il ne lui paraît pas qu’il soit nécessaire de démontrer ce qui est évident[453]. Par contre, dès qu’il s’agit de faire connaître le christianisme, il se laisse aller, et le développement chaleureux sort vraiment de l’abondance de son cœur. Mais, là même, peu ou point de discussion ; le sentiment domine. Le Judaïsme lui semble une religion basse, servile, formaliste, attachée à des rites. La vraie religion pour lui, c’est la religion de l’esprit et de l’amour ; et voilà justement de quelle nature est le christianisme, celui du moins qu’il conçoit et qu’il exalte avec une véritable éloquence, touchante par son imprudence même :

Les chrétiens ne sont séparés des autres hommes ni par les frontières, ni par le langage, ni par les coutumes. Ils n’habitent pas des villes qui leur soient propres, ils n’ont pas un idiome distinct, ils ne vivent pas d’une vie particulière… Domiciliés dans les villes grecques et barbares, partout où le sort les a placés, s’accommodant aux mœurs locales pour le vêtement, pour la nourriture et pour tous les détails de l’existence, ils se sont constitué une forme de vie étonnante et qui paraît à tous paradoxale. Ils ont chacun une patrie, mais ils y sont comme des voyageurs ; ils participent à tout comme des citoyens, mais ils supportent tout comme des étrangers ; toute terre étrangère leur est patrie, toute patrie leur est étrangère. Ils se marient, ils ont des enfants comme tout le monde, mais ils ne jettent pas ceux qui sont nés d’eux… ; ils sont en chair, mais ils ne vivent pas selon la chair ; ils prient sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel ; ils obéissent aux lois établies, et ils sont supérieurs aux lois par leurs mœurs. En un mot, ce qu’est l’âme dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde[454].

Et il continue ainsi, poursuivant ses antithèses, dures et frappantes. L’antagonisme du christianisme et de l’hellénisme, c’est celui de l’âme et du corps, de l’esprit et de la chair. La révélation par le Messie a apporté dans le monde la lumière que les hommes cherchaient en vain ; Dieu ne les a laissés se tromper si longtemps que pour les convaincre de leur impuissance à la trouver ; la vérité est dans l’imitation de Dieu, qui consiste elle-même essentiellement dans l’amour du prochain et dans le détachement. De telles pages ne peuvent être lues avec indifférence. Elles ont en elles-mêmes une beauté qui tient à la sincérité passionnée de l’auteur et à l’élévation de son idéal. L’art hellénique, sous une forme un peu raide sans doute, mais vigoureuse, se plie ici, pour la première fois dans le christianisme, aux besoins d’une âme d’orateur, qui se l’approprie.

Il suffit de mentionner le Persiflage des philosophes païens (Διασυρμὸς τῶν ἔξω φιλοσόφων) qui nous est parvenu sous le nom d’Hermias, philosophe[455]. Moquerie facile et sans portée, sur les contradictions et les systèmes des penseurs helléniques. À vrai dire, nous en ignorons entièrement la date, et il n’y a aucune raison probante pour rapporter cet écrit au second siècle[456]. Il a d’ailleurs trop peu de valeur pour que la question soit vraiment importante.

VII

Toutes les œuvres dont nous venons de parler sont plus ou moins des écrits de circonstance. Nulle entreprise intellectuelle de longue haleine ; de courts traités, des apologies, des satires, partout la préoccupation d’un résultat prochain à atteindre, plutôt que celle d’un large enseignement à organiser. Un grand pas restait donc à faire. La pensée chrétienne, sous peine d’infériorité éclatante, devait se montrer capable de ces conceptions étendues, de ces vastes et fécondes synthèses qui avaient été l’honneur de l’hellénisme païen. C’est grâce à l’école catéchétique d’Alexandrie et à son premier grand représentant, Clément, qu’elle ébaucha enfin, à la fin du second siècle, ce travail, d’où dépendait son avenir.

Titus Flavius Clemens[457] était probablement athénien (Épiphane, Hérésies, 32, 6). Il dut naître aux environs de 160. Tout ce que nous savons de sa jeunesse, c’est qu’il voyagea d’école en école, en Grèce, en Italie, en Syrie, en Palestine, en Égypte, cherchant partout un enseignement qui le satisfît[458]. Il le trouva enfin à Alexandrie, où il dut arriver vers 180, au début du règne de Commode, période de paix pour le christianisme[459]. Dans ce milieu savant, l’église chrétienne avait hérité naturellement des méthodes et de l’esprit de la communauté juive d’où elle était sortie. On a vu plus haut, dans l’étude relative à Philon (p. 422), ce que les Juifs hellénistes d’Alexandrie avaient fait de l’exégèse biblique, sous l’influence de l’hellénisme. De bonne heure, les chrétiens, à leur tour, semblent avoir développé, selon leurs vues propres, cette exégèse allégorique et philosophique[460]. En même temps, ils s’appropriaient, sans plus d’esprit critique que leurs prédécesseurs, l’érudition, de bon ou de mauvais aloi, que ceux-ci avaient mise au service de leurs idées. Ainsi s’était constitué un enseignement de tendance mystique, mais de forme rationnelle, appuyé sur l’histoire, quelquefois altérée, sur une littérature, quelquefois apocryphe, et sur une connaissance étendue de la philosophie grecque. Il était représenté, au temps où Clément arrivait à Alexandrie, par une école assez improprement appelée « catéchétique »[461], sorte d’auditoire analogue aux auditoires des philosophes païens. Le maître qui y professait alors se nommait Pantænos, stoïcien converti au christianisme, dont l’influence sur le nouveau venu fut décisive[462]. Celui-ci se sentit gagné immédiatement et complètement. L’union entre le maître et le disciple devint chaque jour plus intime. Vers 190, Clément, déjà prêtre, fut associé à Pantænos et commença d’enseigner, lui aussi. Après la mort du maître, il le remplaça. Donc, soit comme assistant, soit comme chef de l’école, il professa d’une manière continue à Alexandrie pendant les dernières années du second siècle et les premières du troisième, de 190 environ jusque vers 203. Ce fut alors qu’il compta Origène parmi ses auditeurs. La persécution de Septime Sévère mit fin à son enseignement ; il dut se dérober par la fuite aux haines ou aux jalousies qu’il avait excitées. Une fois qu’il eut quitté Alexandrie, il n’y revint plus. La dernière partie de sa vie semble avoir été errante. On le voit séjourner en Asie-Mineure, puis à Antioche, sans qu’on puisse dire au juste dans quelles conditions[463]. Il dut mourir vers 215.

Clément avait beaucoup écrit[464]. L’ouvrage où se révélait peut-être le mieux la nature de son enseignement était les Esquisses (Ὑποτυπώσεις), en huit livres, série de commentaires sur la Genèse, l’Exode, les Psaumes, l’Ecclésiaste, et un certain nombre d’Épîtres, notamment celles de saint Paul[465]. Si ce premier monument de l’exégèse chrétienne alexandrine nous eût été conservé, il n’est pas douteux que nous apprécierions mieux l’influence de Clément sur Origène et ce qu’ils ont dû l’un et l’autre à Philon. D’autres écrits perdus peuvent être négligés ici. De même, parmi ceux qui ont été conservés, nous n’avons pas à parler du discours sur la Justification du riche (Τίς ὁ σωξόμενος πλούσιος), sinon pour signaler un des plus anciens débris de l’homilétique chrétienne. Pour nous, Clément est tout entier dans la série constituée par l’Exhortation (Προτρεπτικός), l’Éducateur (Παιδαγωγός), et les Stromates (Στρωματεῖς), œuvres qui nous ont été transmises dans leur intégrité.

L’Exhortation (Λόγος προτρεπτικὸς πρὸς Ἕλληνας), en un seul livre, s’adresse soit à des païens, déjà inclinés au christianisme, soit plutôt à des demi-chrétiens, encore hésitants dans leur foi. Il s’agit de porter le dernier coup à leurs hésitations, de rompre les dernières attaches. Et, pour cela, reprenant la méthode des apologistes antérieurs avec plus d’érudition et plus de suite, l’auteur ramasse, en une sorte d’acte d’accusation passionné, tous les griefs de la raison et de la morale contre le paganisme.

L’Éducateur (Παιδαγωγός), ouvrage en trois livres, fait suite à l’Exhortation, avec un dessein différent. Le paganisme est censé vaincu et rejeté. Mais il ne suffit pas de le désavouer, il faut encore l’expulser de la vie quotidienne. Voilà pourquoi le « Verbe » se fait à présent « éducateur », afin de tracer les règles de conduite que le chrétien doit s’imposer. Il expose dans le premier livre l’esprit de son enseignement, qui est fondé à la fois sur la révélation et sur la raison. Puis, dans les deux livres suivants, entrant dans les détails, il donne, sans ordre apparent, des prescriptions pratiques sur la nourriture, l’ameublement, les banquets, les conversations, sur la vie conjugale, sur la toilette, sur les relations sociales, sur les bains, etc. Ces prescriptions, plus modérées qu’on ne s’y attendrait étant donnée la tendance ascétique de l’auteur, proviennent en partie des écrits des philosophes grecs, notamment de ceux du stoïcien Musonius[466] ; seulement, elles sont appuyées ici sur des textes de l’Écriture et rapportées à un idéal que l’auteur tire de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Préceptes, citations, commentaires, allégories, effusions lyriques, réflexions subtiles se mêlent d’ailleurs sans cesse dans ce livre étrange et curieux ; et, comme il est naturel, la préoccupation des petites choses n’est pas sans y rapetisser l’intention générale[467].

Les Stromates (Κατὰ τὴν ἀληθῆ φιλοσοφίαν γνωστικῶν ὑπομνημάτων στρωματεῖς, proprement Tapisseries de notes gnostiques selon la philosophie de la vérité[468]) forment le troisième terme de la série. Cette fois, l’auteur écrit pour des chrétiens achevés, pleinement adonnés à la vie spirituelle, et il se propose de traiter à leur intention les hautes questions de doctrine ou de morale qui se rapportent à ce qu’il nomme « la gnose », ou philosophie de la vérité. C’est ce qu’il fait, sans plus d’ordre d’ailleurs que précédemment, à travers les sept livres dont se compose son ouvrage[469]. Les sujets les plus divers y sont traités tour à tour, parfois à plusieurs reprises. Visiblement, nous avons affaire à un ouvrage qui a grandi jour par jour entre les mains de son auteur, selon le hasard des circonstances, à mesure que surgissaient dans son esprit des souvenirs ou des pensées nouvelles. Ce qu’il se propose, c’est de suggérer des réflexions, d’ouvrir des voies, d’instruire, de fixer certains points essentiels de doctrine. Les plus importants pour lui sont les rapports de la vérité chrétienne avec la philosophie hellénique, ceux de la science avec la foi, enfin la définition de l’idéal moral. Voilà sur quoi il revient sans cesse, sous mille formes diverses.

Quels que soient les défauts de ce vaste ensemble, le fait seul de l’avoir conçu dénote une puissance d’esprit que nous n’avions encore rencontrée chez aucun des apologistes ou docteurs chrétiens. L’auteur, au début de son Éducateur, révèle la pensée qui en constitue l’unité[470]. Il a organisé un plan, et il le suit autant que sa nature d’esprit le lui permet. Son entreprise est une sorte d’initiation progressive, qui doit mener l’âme depuis le paganisme jusqu’au degré supérieur de la perfection chrétienne, en passant par certaines phases nécessaires. Or c’est là une idée empruntée à la philosophie grecque, en particulier à celle de Platon. En faire l’application au christianisme, qui jusque là semblait ne relever que d’une révélation immédiate, c’était lui donner une direction nouvelle, en le poussant dans la voie de l’étude et de la réflexion. Telle était bien, en effet, la pensée de Clément, et cette pensée profonde lui prête une grandeur qui ne peut sans injustice être contestée. Ses prédécesseurs, même Justin, n’avaient été que des apologistes, plus ou moins bien inspirés : Il est, lui, un fondateur : car toute la philosophie du christianisme, qu’elle accepte ou non ses doctrines, relève de lui, par cela seul qu’elle est philosophie.

Sa conception fondamentale, il n’y a pas à le nier, c’est d’établir les droits de la connaissance rationnelle, — de la gnose, comme il dit, — à côté de ceux de la tradition ou de la foi. Sans doute, la connaissance, telle qu’il l’entend, dépend de la tradition et de la foi ; elle ne crée rien par elle-même ; mais elle éclaire le sens de la tradition, et elle rend possible par suite, chez celui qui la cultive, un état de perfection supérieure, tant intellectuelle que morale. Cette connaissance a pour matière propre la vérité chrétienne ; mais, pour se former, elle ne peut pas se passer de l’hellénisme. La philosophie grecque est une propédeutique (προπαιδεία) : car elle habitue l’esprit à penser, elle le dégage et le purifie des préjugés bas, elle lui donne, pour ainsi dire, le goût de la raison. Comment, dès lors, Clément se ferait-il scrupule de lui emprunter ce qu’elle a de bon ? Il puise dans toutes les doctrines, surtout dans celle de Platon ; il y puise souvent en le déclarant, quelquefois sans le dire. Toute son œuvre est pleine des idées des Grecs et de leurs méthodes. Et, naturellement, après l’avoir ainsi admise au premier degré de l’initiation qu’il poursuit, il ne saurait songer à s’en dégager ensuite. Elle s’attache à lui, ou plutôt elle devient lui-même. Qu’il en ait conscience ou non, une bonne part de ses pensées et de ses sentiments n’a pas d’autre source. Et lorsqu’il trace le portrait du « gnostique », c’est-à-dire du parfait chrétien tel qu’il le conçoit, il introduit les formules stoïciennes au cœur même du christianisme.

Ces emprunts, d’ailleurs, n’étaient à ses yeux qu’une légitime reprise. Comme Justin, il accepte sans le moindre doute l’étrange conception selon laquelle toute la substance de l’hellénisme proviendrait de la révélation par un détournement. D’après cette théorie, le christianisme, en s’appropriant la philosophie grecque, ne faisait réellement que reprendre son bien. Et, dans cette reprise, la révélation ne devait rien à la raison humaine, puisque celle-ci s’était bornée à mettre en œuvre ce qu’elle avait dérobé. Voilà ce que Clément a cru de très bonne foi ; et, après tout, il n’y a qu’à se réjouir de cette erreur, puisqu’elle a permis une conciliation dont l’humanité devait profiter.

Ce qui est regrettable, c’est que ce représentant du christianisme hellénisé n’ait pas eu à un plus haut degré le sens de l’art littéraire. S’il y a chez lui quelque éloquence naturelle, de la véhémence satirique, en même temps qu’un certain lyrisme, ces qualités disparaissent sous la diffusion, sous le désordre de la composition et de la pensée, sous l’abus de l’érudition, sous les digressions. Causerie confuse, où se mêlent tous les tons, où manquent l’ordre, la lumière, le bon goût même. Du reste, Clément dédaigne par principe tout ce qui est beauté ou grâce, tout ce qui pourrait être soupçonné de viser à plaire. Et c’est là, on a pu le voir, un trait commun à presque tous les écrivains chrétiens de ce siècle. Justement offensés, dans leur sérieuse tendance, par le bavardage prétentieux des rhéteurs à la mode, ils croient que bien écrire est une marque de frivolité. Aucun d’eux ne se rend bien compte de ce que la pensée gagne à être claire, ordonnée, dégagée, à se traduire dans des expressions justes et choisies. Une certaine barbarie leur plaît, comme une preuve de sincérité. D’ailleurs, elle n’est pas uniquement chez eux affaire de principe. Élevés presque tous dans l’hellénisme, ils ont été plus ou moins troublés dans leur goût, dans leurs habitudes littéraires, par la brusque influence des lectures toutes différentes qui ont été la conséquence de leur conversion. L’Ancien et le Nouveau Testament sont venus se mêler chez eux à ce qui leur restait des auteurs précédemment étudiés. Il n’est pas étonnant que, sous cet afflux d’éléments étrangers, le sens délicat du beau se soit obscurci chez presque tous. Leur style est l’image des bouleversements intérieurs par lesquels ils ont passé.

Quoi qu’il en soit, après Clément d’Alexandrie, le christianisme a définitivement pris pied dans la littérature grecque. Ce n’est plus seulement la croyance d’un petit groupe d’hommes, c’est une des philosophies qui se proposent aux esprits en quête de vérité, une des formes désormais essentielles de la pensée hellénique. Celle-ci, pendant tout le siècle suivant, se resserrera de plus en plus dans les deux courants parallèles que nous venons d’étudier, l’un païen, l’autre chrétien. De plus en plus, ces deux conceptions intellectuelles et morales s’opposeront l’une à l’autre, se rencontreront, se modifieront mutuellement, et, de plus en plus aussi, la conception chrétienne prendra le dessus sur sa rivale.



CHAPITRE VI
DE SEPTIME SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

bibliographie

Les Philostrate. — Manuscrits. Les mss. doivent être classés séparément pour chacun des Philostrate. Voir, sur ce classement, les notices de Kayser en tête de son édition de Zurich et de chacun des deux volumes de son éd. de la bibl. Teubner. Pour la Vie d’Apollonios, le meilleur ms. est le Parisinus 1801 ; pour les Lettres d’Apollonios, le Mazarinæus 87 ; pour les Vies des Sophistes, le Vaticanus 99 ; pour l’Héroïque, le Laurentianus LVIII, 32 ; pour les Lettres de Philostrate, le Vaticanus 140 ; pour les Tableaux, le Vaticanus 1898. Le Traité de gymnastique provient d’un ms. découvert par Minoïde Minas et publié par Daremberg en 1858. Éditions. Première édition complète, Alde, Venise, 1502-1503. Principales éditions complètes : Olearius, 1 vol. in-fol., Leipzig, 1709 ; Kayser, Zürich, un vol. 1842-46, avec une étude préliminaire sur la sophistique ; Westermann, bibl. Didot, Paris, 1846 ; Kayser, bibl. Teubner, 2 vol. Leipzig, 1870-71 ; Bendorf, Leipzig, 1893. Le Traité de la gymnastique se trouve dans l’édition de Kayser. Le texte donné par Daremberg (Paris, 1858) était accompagné de notes et d’une traduction. L’édition spéciale des Vies des Sophistes que Kayser a publiée à Heidelberg en 1858 est intéressante pour ses notes et ses commentaires.

Callistrate. — Les Descriptions de Callistrate sont jointes aux Tableauœ de Philostrate de Lemnos dans presque toutes les éditions ci-dessus mentionnées (Olearius, Kayser, Westermann).

Élien. — Manuscrits. Sur la tradition manuscrite d’Élien, voir la préface d’Hercher dans son édition de la bibliothèque Didot. — Éditions. L’édition princeps est celle de Conrad Gesner, Zürich, 1556. Les meilleures éditions critiques sont celles de Hercher, la première dans la Bibl. Didot, Paris, 1858, la seconde dans la Biblioth. Teubner, Leipzig, 1864. Éditions annotées de Schneider, Leipzig, 1784, et de Jacobs, Iena, 1831.

Athénée. — Manuscrits. Voir la préface de l’édition de Kaibel. Le texte du Banquet des Sophistes nous a été transmis par un seul ms. (Venetus ou Marcianus A, xe siècle), dans lequel manquent au début le premier livre, le second et le commencement du troisième, et, à la fin, la conclusion, sans parler de quelques autres lacunes. Pour les combler en partie, nous avons un Abrégé (Epitome ou E), rédigé dans la période byzantine d’après un ms. plus complet. — Éditions. Édition princeps, Alde, Venise, 1514, d’après une copie d’A. Éditions importantes : Casaubon, Paris, 1596-1600, avec des notes qui sont un immense répertoire d’érudition ; Schweighæuser, 14 volumes, Deux-Ponts, 1801-1807 ; G. Dindorf., Leipzig, 1827 ; Meineke, Leipzig, 1858-67 ; G. Kaibel, 3 vol. Leipzig, 1887-1890 (Bibl. Teubner).

Romanciers et poètes. — Nous ne croyons pas utile de donner ici une bibliographie distincte pour chacun des romanciers grecs. Les principales éditions collectives sont : celle de la Bibl. Didot, Scriptores erotici (Paris, 1856), contenant Parthenios, Achille Tatius, Longin, Xénophon d’Éphèse, Héliodore, Chariton, Antonius Diogène, Jamblique, par Hirschig, et de plus Apollonius de Tyr par J. Lapaume ; celle de la Bibl. Teubner, 2 vol., Leipzig, 1858, due à Hercher, et contenant les mêmes romanciers, sauf Héliodore, et en plus quelques romanciers byzantins. — Héliodore, a été publié dans la même collection par J. Bekker, Lipsiæ, 1855. — Les principaux de ces romans ont été traduits en francais par Ch. Zévort, Charpentier, Paris, 1856.

Pour les poètes, voir les notes au bas des pages.

Dion Cassius. — Manuscrits. Le classement vraiment scientifique des mss. de Dion n’a été fait que de nos jours par le dernier éditeur, P. Boissevain. On trouvera dans les préfaces de son édition tous les renseignements désirables à ce sujet. Les fragments des livres perdus (I à XXXV) doivent être recherchés dans Zonaras, dans les recueils d’extraits de Constantin Porphyrogénète, dans quelques palimpsestes, dans le lexique de Bekker. Pour la partie conservée (l. XXXVI-LX), deux mss. seulement ont une valeur propre, comme indépendants l’un de l’autre : le Laurentianus 70, 8 et le Marcianus 395. — Éditions. Voir également la préface de Boissevain. Éd. princeps, R. Estienne, Paris, 1548. Principales éditions : Beimar, 2 vol. fol., Hambourg, 1750-52, avec des notes de Fabricius et de Beiske ; Sturz, 9 vol. , Leipzig, 1823-43, le tome IX contient les compléments tirés par Angelo Mai d’un vol. du Vatican ; Dindorf, 5 vol. , Leipzig, 1863-65, Biblioth. Teubner ; Melber, 5 vol., Leipzig, 1896, même collection. La meilleure édition est aujourd’hui celle de Boissevain, Berlin, Weidmann, commencée en 1895.

Hérodien. — Sur les manuscrits, voir la préface de l’édition de Mendelssohn. Édit. princ., Alde, Venise, 1503. À citer ensuite : l’édit. de Sylburg, tom. III de la collection des Scriptores historiæ romanæ, Francfort-sur-le-Mein, 1590 ; celle de Schweighaeuser, avec une traduction latine et des notes, Bâle, 1781 ; celle de Irmisch, 5 vol. in-8°, Leipzig, 1789-1805 ; celle de Bekker, Leipzig, 1855, Bibl. Teubner. La meilleure est celle de Mendelssohn, Leipzig, 1883.

Historiens secondaires. — Les textes se trouvent dans les Fragmenta historic. græcorum de C. Muller (Bibl. Didot) et dans les Histor. græci minores de Dindorf (Bibl. Teubner). Voir pour chaque auteur les renvois au bas des pages.

Diogène Laërce. — Manuscrits. Consulter Max Bonnet, Rhein. Mus., tom. XXXII, p. 578 ; Corpusc. poesis epicæ græcæ ludibundæ, fasc. I, p. 51, et Usener, Epicurea, Préf. p. VI. Les principaux sont le Borbonicus 253 (Bibl. de Naples, XIIe s.) et le Laurentianus LXIX, 13 (XIIe s.), témoins indépendants d’une même tradition. Éditions. Édit. pr., Bâle 1534. Éditions principales : Meibom, Amsterdam, 1692, avec les notes de Ménage ; Teubner, Leipzig, 1828-33, 4 vol., dont les deux derniers contenant les commentaires, notamment ceux de Ménage et de Casaubon ; Cobet, Paris, 1850, Bibl. Didot. Il n’y a pas encore d’édition pourvue d’un appareil critique suffisant.

Plotin. — Manuscrits. Voir la préface de l’édition d’Oxford de Creuzer. Le meilleur parait être le Mediceus A, du XIIIe siècle. Notre texte représente, d’après Creuzer, la recension de Porphyre, mais tronquée dans certaines parties, et même mélangée. Les Byzantins connaissaient deux recensions, celle de Porphyre et celle d’Eustochios (voir la préface de Creuzer). — Éditions. La première édition fut celle de Marsile Ficin, Bâle, 1580, avec trad. latine. La plus importante est ensuite celle de Creuzer, Oxford, 1833, 3 vol. in-8°, dont le texte a été reproduit par le même savant dans la Bibl. Didot, Paris, 1850, avec la trad. latine corrigée de Marsile Ficin. Nouvelle édition des Ennéades par H. F. Müller, Berlin ; le tome I a paru en 1878. — Traduction française par Bouillet, 3 vol. in-8°, Paris, 1857.

Porphyre. — Il n’y a pas encore aujourd’hui d’édition complète des œuvres de Porphyre ni par conséquent d’étude d’ensemble sur les manuscrits. On trouvera quelques renseignements dans la préface de la seconde édition des Opuscula selecta de Nauck. — Les éditions à citer ici sont peu nombreuses. Les Ἀφορμαὶ πρὸς τὰ νοητά, par Creuzer, se trouvent dans son édition de Plotin de la Bibl. Didot. Nauck a donné sous le titre de Opuscula selecta un choix comprenant les Fragments de l’hist. de la philosophie (y compris la Vie de Pythagore), l’Antre des Nymphes, le Traité de l’Abstinence, la Lettre à Marcella, Leipzig, 1860 (2e éd. 1886), dans la bibl. Teubner. L’Antre des Nymphes a été publié aussi par Hercher dans l’Élien de la Bibl. Didot. Les Questions homériques, par Schrader, ont paru à Leipzig, 1880. Wolf a publié à Berlin, en 1856, les fragments de l’ouvrage Sur la philosophie des oracles. La Vie de Plotin, revue par Westermann, est jointe au Diogène Laërce de la Bibl. Didot.

Écrivains chrétiens. — La bibliographie des écrivains chrétiens doit être réduite ici à quelques indications, puisque la plus grande partie de leurs œuvres sont étrangères à l’objet de cette histoire. Nous renvoyons pour de plus amples renseignements à Harnack, Gesch. der Altchristlichen Literatur, 1re partie, en 2 vol., Leipzig, 1893, et à Bardenhewer, Patrologie, Fribourg, 1894, où l’on trouvera toutes les indications désirables.

Hippolyte. — Les Philosophumena, E. Miller, Oxford, 1851 ; Duncker et Schneidwin, Goettingue, 1859, texte reproduit dans la Patrol. grecque de Migne, t. XVI, 3e partie, parmi les œuvres d’Origène. Nouvelle recension du l. I dans les Doxographi græci de Diels, Berlin, 1879. Pour le reste des œuvres, Paul AntonP. A.|Paul Anton}} de Lagarde, Hippolyti romani quæ feruntur omnia græce, Leipzig et Londres, 1858.

Origène. — Édition des œuvres exégétiques, de Huet, 2 vol. in-fol., Rouen, 1668. Édition complète des Bénédictins, Paris, 1733-1759, 4 vol. in-fol. Édition de Lommatzsch, 25 vol. in-8°, Berlin, 1831-18. Le texte des Bénédictins a été reproduit dans la Patrologie grecque de Migne, tom. XI-XVII, Paris, 1857-1860. — Pour les autres écrivains de rang secondaire, voir les notes au bas des pages.



SOMMAIRE

I. Vue générale sur la littérature du iiie siècle. — II. Les continuateurs de la sophistique. Les Philostrate. Philostrate l’Athénien : Vie d’Apollonios de Tyane, Vies des sophistes, Traité de la gymnastique, Lettres. Philostrate de Lemnos : L’Héroïque, les Tableaux. Philostrate le Jeune, les Tableaux. Callistrate, les Descriptions de statues. Élien, sa vie et ses œuvres ; Sur les animaux ; Histoire variée. Athénée : le Banquet des sophistes. — III. La rhétorique. Apsinès. Rhéteurs secondaires. Ménandre. Cassius Longin. — IV. Le roman. Ses origines. Antonius Diogène ; Jamblique ; Xénophon d’Ephèse ; l’auteur anonyme d’Apollonius de Tyr ; Héliodore ; Longus. — V. La poésie. — VI. L’histoire. Dion Cassius. Sa vie et son œuvre. Hérodien. Historiens secondaires : Dexippe. L’histoire de la philosophie : Diogène Laërce. — VII. La philosophie. Son état au commencement du iiie siècle. Le néoplatonisme. Plotin ; sa vie ; son œuvre : Les Ennéades. Grands caractères de sa philosophie : spiritualité, amour de Dieu, mysticisme. Puissance et dangers du néo-platonisme. Son influence. — VIII. Disciples de Plotin. Porphyre. Sa vie. Son œuvre. Ses principaux écrits de philosophie et de philologie. — Les livres hermétiques. — IX. Le Christianisme au iiie siècle. Hippolyte ; les Philosophoumena. Origène ; sa vie et son œuvre. Son enseignement ; l’Origénisme. — X. Les écrivains chrétiens secondaires au iiie siècle. École d’Alexandrie ; école d’Antioche. Grégoire le Thaumaturge. Méthode ; le Banquet des dix vierges. Pamphile. Jules Africain. Ce que le iiie siècle a preparé.


I

Le iiie siècle, qui va de Septime-Sévère à Dioclétien, offre, au point de vue littéraire, deux spectacles opposés : d’un côté, déclin manifeste, de l’autre, effort de création et croissance.

La sophistique, qui avait fait la gloire du siècle précédent, tombe dans le bavardage prétentieux et vide, qui était son terme naturel. Les Philostrate, les Élien, les Athénée sont, pour la valeur de l’intelligence et pour le talent, fort au-dessous d’un Dion, d’un Ælius Aristide même, et surtout d’un Lucien. Des historiens estimables, comme Dion Cassius ou Hérodien, compensent mal cette infériorité. D’autre part, la science hellénique, qui faisait grande figure encore avec Ptolémée et Galien, disparaît alors, ou peu s’en faut. L’art et le savoir méthodique s’abaissent a la fois. Vu sous cet aspect, le mouvement général du siècle est une décadence.

Mais voici la contre-partie. L’hellénisme, au second siècle, avait fait effort pour dégager de ses vieilles traditions une religion qui satisfît la conscience humaine en lui donnant à la fois une doctrine du devoir et une conception de Dieu appropriées à ses besoins. C’est à cette tentative, plus ou moins consciente, qu’avaient collaboré Épictète, Plutarque, Marc-Aurèle. Ils n’y avaient réussi qu’imparfaitement. Leur morale restait trop indépendante pour beaucoup d’âmes, leur dieu n’était ni assez défini ni assez vivant. Or, ce qu’ils n’avaient fait qu’ébaucher, les grands esprits du iiie siècle vont l’achever. Plotin et Porphyre créent réellement un hellénisme nouveau avec des éléments tirés de l’hellénisme ancien. Ils constituent une morale profondément religieuse et une religion appuyée sur une sorte de révélation. Ce qui était confus et obscur chez leurs prédécesseurs s’organise entre leurs mains. Ils établissent, sur la base de la tradition, un mysticisme rationnel, qui est à la fois dévotion et pensée, foi et réflexion. Que ce fût là au fond une altération fâcheuse du véritable hellénisme, on peut le soutenir, et la suite même du néoplatonisme le démontrera. Mais, en tout cas, cet hellénisme transformé est en soi une œuvre puissante d’adaptation, qui équivaut presque à une création. Et, sous cet aspect, le iiie siècle se montre fécond.

Il ne l’est pas moins pour le christianisme. C’est le temps où prend vraiment naissance la théologie. La philosophie chrétienne, qui inspirera au siècle suivant les pères de l’Église, est tout entière, non plus seulement en germe, mais en voie d’organisation, chez Origène. Comme le néoplatonisme, qu’elle côtoie, mais dont elle se sépare, cette philosophie cherche l’alliance du mysticisme et de la raison, de la foi et de l’examen. C’est donc bien là au fond la tendance commune des hommes d’alors. Chez les chrétiens comme chez les païens, elle est la seule qui produise de grandes choses ; et c’est par elle que le iiie siècle prépare celui qui suivra.

Si nous en cherchons les raisons, nous en découvrons de plusieurs sortes. D’abord, une raison ancienne et profonde, cette force des choses qui depuis plusieurs siècles poussait l’hellénisme à évoluer vers une forme nouvelle. Puis, des raisons récentes, qui résultent du moment, et qui sont décisives. Jamais l’empire n’a été plus trouble. Après la mort d’Alexandre Sévère, pendant trente-trois années consécutives, il est vraiment en proie à l’anarchie (235-268) ; le spectacle du monde est si décourageant que les meilleurs esprits s’en détournent et cherchent ailleurs où placer leurs espérances. Or, justement en ce temps, le conflit des religions, devenu plus sensible, excite les intelligences à éclairer leurs croyances, à les développer, à les achever. Le christianisme, dont on sent enfin la force, devient un stimulant pour la philosophie grecque ; et, de son côté, cette philosophie, dont les docteurs chrétiens ne peuvent méconnaitre la science et la méthode, se tourne pour eux, qu’ils l’avouent ou non, en un exemple fécond. Ces temps d’échanges sont des temps de pensée. Ce qui avait manqué au monde grec depuis longtemps, c’étaient des courants intellectuels d’origines diverses. Depuis plusieurs siècles, tout, en matière d’idées, venait de la même source et suivait le même cours. Il y avait profit pour lui à sentir maintenant sa tradition battue en brèche et à se voir obligé de la modifier.

Voilà en somme bien des choses dignes d’intérêt dans ce siècle d’assez médiocre réputation. Il faut essayer de les mettre en lumière successivement. Mais, avant d’arriver à ce qui est nouveau en lui, commençons par ce qui le rattache le plus directement au précédent, à savoir la survivance de la sophistique.


II

Nous avons énuméré plus haut les principaux représentants de l’éloquence à la mode dans la dernière partie du second siècle. Cette liste pourrait être continuée à travers le iiie siècle. Elle serait sans intérêt. Détachons seulement ce qui mérite d’être mentionné.

D’abord la lignée des Philostrate[471]. Celle-ci semble avoir commencé à se faire connaitre dès le temps de Néron par un premier Philostrate de Lemnos, fils de Verus, qui enseigna la rhétorique à Athènes sous les Flaviens[472]. On lui attribue aujourd’hui le Néron, dialogue fort médiocre, qui figure à tort parmi les œuvres de Lucien[473]. De ses autres œuvres, énumérées par Suidas, nous ne connaissons plus rien.

Vers la fin du second siècle, ou plutôt au commencement du troisième, le nom de Philostrate reparaît, illustré presque simultanément par deux hommes de même profession, l’oncle et le neveu, Philostrate l’Athénien et Philostrate de Lemnos.

Philostrate, dit l’Athénien, le plus connu des deux, était, malgré son surnom, né à Lemnos, lui aussi, et fils d’un Verus, comme le Philostrate du ier siècle, dont il descendait sans doute. Mais ce fut à Athènes qu’il établit sa réputation, en qualité de professeur ; d’où le surnom qu’on lui donna pour le distinguer de son neveu, lorsque celui-ci à son tour devint célèbre dans les écoles. Cette période athénienne de sa vie paraît répondre à peu près au règne de Septime-Sévère. Vers la fin de ce règne peut-être, c’est-à-dire avant 211, ou sous celui de Caracalla, il vint à Rome, étant déjà célèbre, et fréquenta la cour de l’impératrice Julia[474]. Il vécut jusqu’au temps de l’empereur Philippe (244-249). Il est l’auteur de la Vie d’Apollonios de Tyane et des Vies des Sophistes, peut-être aussi du traité Sur la Gymnastique et des Lettres.

Philostrate de Lemnos, dit aussi Philostrate l’ancien[475], le troisième du nom, était fils de Nervianus, et neveu du précédent par sa mère. Nous ne connaissons de sa vie que ce qui en est dit dans les Vies des Sophistes de son oncle et dans une courte notice de Suidas. Il fut à la fois avocat, orateur politique, sophiste, écrivain. Un détail fixe approximativement les dates de sa vie. Il eut 24 ans sous Caracalla, donc entre 211 et 217 (Vies des Soph., II, c. 30). Parmi les œuvres que Suidas lui attribue, nous n’avons conservé que l’Héroïque (appelé Τρώϰϰος (Trôkkos) par Suidas) et les Tableaux[476].

Enfin un dernier Philostrate, dit Philostrate le jeune, petit-fils du précédent par sa mère, s’est fait aussi un nom par un second recueil de Tableaux, composé à l’imitation du premier. Il dut vivre dans la seconde moitié du iiie siècle.

Philostrate l’Athénien, quelle qu’ait été sa réputation, nous apparaît aujourd’hui comme un homme singulièrement surfait. Avec des dons d’imagination et de style, qu’il gâte d’ailleurs par une insupportable prétention, il est tellement dénué de sincérité, il pense si peu par lui-même, qu’il donne partout l’impression de la médiocrité. Son plus grand mérite est de représenter fidèlement l’esprit et le ton qui dominaient alors dans les cercles littéraires. On en découvre en lui toute la vanité, toute la nullité morale, tout le mauvais gout et toute l’afféterie.

La Vie d’Apollonios de Tyane, écrite pour satisfaire un désir de l’impératrice Julia, lui est dédiée[477] ; elle parut donc avant 217, date de sa mort. Le célèbre thaumaturge pythagoricien avait disparu depuis plus d’un siècle. Mais la crédulité contemporaine entretenait son souvenir et l’entourait de légendes. On possédait des mémoires de sa vie, authentiques ou non, attribués à son disciple Damis, qui était censé avoir fait pour lui ce qu’Arrien avait fait pour Épictète. On lisait aussi, soit ce que le philosophe Maxime avait raconté de son séjour à Ægae en Achaïe, soit les quatre livres qu’un certain Mœragénès avait composés sur lui[478]. En outre, des récits anonymes circulaient ; on colportait ses lettres, vraies ou fausses ; les villes qu’il avait visitées et les temples dont il avait restauré les oracles le célébraient par des fables qui passaient pour des témoignages[479]. Peu à peu, tout le mysticisme néo-pythagoricien du temps prenait corps dans cette tradition de plus en plus légendaire, et Apollonios devenait un homme divin, en qui ces esprits désorientés réalisaient leur idéal.

Non seulement Philostrate était incapable de dégager de ces récits confus ce qu’ils contenaient de vérité, mais il n’eut, à aucun degré, le souci de le faire. Le dessein qu’il déclare fut de montrer qu’Apollonios n’était pas un sorcier, « un mage », comme on disait alors, opérant des miracles au moyen de pratiques occultes et d’incantations, mais un homme vraiment doué d’une vertu divine, ou, pour mieux dire, une sorte de dieu. Ce que d’autres appelaient magie, Philostrate le nommait, lui, miracle et opération divine ; et, en conséquence, le surnaturel était le fond même de la vie de son personnage, tel qu’il le concevait. Du moins, ce surnaturel aurait pu avoir sa beauté, s’il n’eût été que la manifestation merveilleuse d’une nature vraiment supérieure. Mais il aurait fallu, pour dégager cette supériorité, que le biographe eût lui-même une raison élevée et une grande âme. Sophiste de nature et de profession, il n’a su faire de son héros qu’un sophiste insupportable.

Les huit livres dont se compose son récit nous racontent surtout les voyages d’Apollonios. Après quelques renseignements rapides sur sa naissance, son éducation, sa jeunesse, l’auteur nous conduit avec lui à travers toute l’Asie jusqu’aux Indes, où il séjourne parmi les sages et est témoin de toute sorte de merveilles (l. IIII). Au IVe livre, nous sommes en Ionie, puis en Grèce, puis à Rome. La prédication morale du sage, son influence, sa doctrine y sont superficiellement indiquées ; les dehors que lui prête le biographe sont ceux d’un thaumaturge, et c’est par là qu’il croit le grandir. Le livre V nous conduit d’abord à Gadès, d’où nous revenons en Orient, pour assister dans Alexandrie à une consultation fabuleuse : Vespasien, encore simple général, prend conseil d’Euphrate, de Dion et d’Apollonios sur la politique présente et future. C’est l’occasion première de l’inimitié d’Euphrate, dont il est fréquemment question dans les derniers livres. Dans tout cela, le rôle d’Apollonios demeure aussi médiocre. Le VIe livre est presque entièrement consacré à son voyage en Éthiopie : il y rencontre les Gymnosophistes, dont la sagesse lui paraît fort inférieure à celle des Indiens. De là, il revient en Asie, puis en Ionie au temps de Titus et de Domitien. Dans les deux derniers livres (VII et VIII), Domitien est empereur, et l’auteur veut nous montrer l’attitude héroïque d’Apollonios en face du tyran. Dénoncé par Euphrate pour ses libres propos, il vient à Rome, est jeté en prison, comparaît devant Domitien et lui tient tête, puis rompt miraculeusement ses liens et quitte l’Italie librement. Ses dernières années se passent en Grèce et en Ionie, où il meurt sous Nerva.

En composant cet ouvrage fade et prétentieux, Philostrate ne paraît pas avoir songé le moins du monde, comme on l’a supposé, à donner à la Société païenne une sorte d’évangile ni à opposer Apollonios à Jésus[480]. Pas un mot dans son livre ne laisse soupçonner pareille intention. Mais le rapprochement devait se produire de lui-même à son heure. Le néo-pythagorisme mystique, ascétique, thaumaturgique, apparaissait là comme un idéal réalisé, dans le cadre d’une biographie merveilleuse, qui prétendait être historique, et qu’on acceptait pour telle. La forme même du récit, en ce qu’elle avait de sophistique, répondait au goût du temps[481]. Il était fatal que le paganisme, lorsqu’il chercherait un livre à opposer aux évangiles, choisît celui-là. C’est ce qui fut fait à la fin du iiie siècle par un certain Hiéroclès, gouverneur de Bithynie, dans son Philaléthès[482]. Cette tentative, et la réfutation qu’en a composée Eusèbe, ont donné à l’ouvrage de Philostrate une sorte de succès de scandale, qui s’est prolongé jusqu’à nos jours[483]. Il faut l’en dépouiller, pour le bien apprécier. Réduit à sa valeur propre, c’est une médiocre production de la sophistique, qui toutefois jette quelque jour sur l’histoire morale et religieuse du temps.

Cet ouvrage, déjà, nous laisse voir en Philostrate un homme habile à complaire au goût de ses contemporains. Il ne le fut pas moins, quelques années plus tard, lorsqu’il s’avisa d’écrire les Vies des Sophistes.

La première idée lui en vint à Antioche, un jour qu’il s’entretenait dans le temple d’Apollon Daphnéen, rendez-vous des sophistes, avec son condisciple, le futur empereur Gordien[484]. De ces entretiens, travaillés et complétés, sortit plus tard un livre que l’auteur dédia à son ancien interlocuteur, alors proconsul d’Afrique, sous le règne d’Alexandre Sévère (de 222 à 235). Cet ouvrage aurait dû être une histoire de la sophistique ; c’est, tout au plus, un recueil de notices sur un certain nombre de sophistes.

L’auteur, pourtant, prétend embrasser tout le développement de l’art sophistique, depuis le ve siècle avant J.-C. jusqu’à son temps. — Dans un premier livre, il traite de quelques hommes qui se sont donnés pour philosophes, mais qui, selon lui, ont été réellement des sophistes (Eudoxe de Cnide, Léon de Byzance, Carnéade, Dion de Pruse, Favorinus, etc.) ; puis il nous présente les maîtres de l’Ancienne sophistique (ἀρχαία σοφιστιϰή), Gorgias, Hippias, Prodicos, Polos, Thrasymaque, Antiphon, Critias, Isocrate, Eschine. De ceux-là, il passe aux représentants de la Seconde sophistique (δευτέρα τιϰή), Nikétès, Isée, Scopélien, Denys de Milet, Lollianos, Marc de Byzance, Polémon, Secundus. — Le second livre, commençant avec Hérode Atticus, qui y occupe la place principale, fait défiler sous nos yeux toute la légion des sophistes célèbres de la fin du second siècle et du commencement du troisième.

Dans cet ensemble, aucune composition méthodique, aucun sens de l’histoire. Une bonne partie du premier livre n’est que confusion ; nulle idée des distinctions à marquer, des milieux, de la succession des idées et des formes. Il est vrai qu’à partir de l’avénement de la seconde sophistique, l’auteur est mieux guidé par la chronologie. Mais, alors même, tout son plan se réduit à une simple juxtaposition. Écrit-il d’ailleurs des biographies à proprement parler ? Non, car il ne vise en aucune façon à suivre chacun de ses personnages depuis sa naissance jusqu’à sa mort. S’agit-il plutôt d’études critiques ? Pas davantage : car, bien loin de dégager avec ordre les traits caractéristiques des individus, il n’a même pas le souci d’énumérer ni de classer leurs œuvres. En réalité, ce sont des portraits oratoires. Il les a composés avec des recueils de lettres, avec des traditions d’école, avec des discours alors subsistants, avec des souvenirs personnels ; et c’est ce qui en fait le prix[485]. Il est notre témoin par excellence en tout ce qui touche non seulement aux faits et gestes des personnages dont il a parlé, mais à l’organisation des écoles d’alors, aux habitudes des maîtres, à leur genre de talent et au gout de leur public. Mais il n’est pas possible de moins dominer son sujet. Admirateur enthousiaste d’un art qui est aussi le sien, il ne quitte guère le ton de l’hyperbole. Les moindres de ses personnages sont de grands hommes à ses yeux. Malgré cela, il s’applique à donner des rangs, à noter le fort et le faible de chacun. Et l’on voit par ses jugements combien la critique était alors aiguisée dans ce monde de sophistes et d’amateurs de sophistique. On lui pardonnerait bien des défauts, si du moins il se piquait de précision. Tant s’en faut : comme biographe, il est vague, superficiel ; rarement, il trouve le détail qui révèle l’homme ; et, quand il le trouve, son style poétique et prétentieux se prête mal à le mettre en valeur. Tout au plus peut-on dire qu’il peint le maître dans son école, l’orateur sur son théâtre ; l’homme lui-même lui échappe.

N’insistons ni sur le traité de la Gymnastique ni sur les Lettres. — Le premier est une étude historique et théorique, en un livre, sur les exercices des athlètes, composée probablement sous Élagabale ou sous Alexandre Sévère[486]. On y trouve des renseignements sur le régime des athlètes, sur les qualités spéciales qu’exigeaient d’eux les divers genres d’exercice. L’auteur s’intéresse à son sujet, mais il le traite en sophiste, plus préoccupé de briller que d’instruire. — Le recueil de Lettres comprend 73 morceaux. Les 64 premières lettres sont des exercices d’école, simples variations sur des thèmes amoureux, empruntés à la comédie nouvelle, à l’élégie alexandrine, ou purement imaginaires[487]. Les neuf dernières semblent provenir d’une correspondance réelle. Ce sont des billets très courts, quelques-uns condensés en un simple trait satirique, d’autres enfermant un éloge ou une recommandation en quelques lignes, qu’un agencement savant fait ressembler aux vers d’une épigramme. La 72e lettre est un reproche à Caracalla assassin de son frère Géta : c’est assez dire qu’elle n’a jamais été envoyée à son destinataire. La 73e, la plus longue de toutes, est adressée à l’impératrice Julia : l’auteur y défend les sophistes, décriés par un certain Plutarque. Tout cela se réduit en somme à un recueil de jeux d’esprit et de pointes, sans intérêt historique et sans valeur réelle[488].

Philostrate de Lemnos ne se distingue guère de son oncle que par un tour d’imagination plus poétique et une certaine affectation de simplicité dans le style[489].

Une tendance analogue à celle qui avait inspiré à Philostrate l’Athénien la Vie d’Apollonios de Tyane se laisse deviner dans l’Héroïque ou Dialogue sur les Héros Ἡρωϊϰός (Hêrôïkos)), qui fut écrit par lui probablement sous Alexandre Sévére[490]. Le mysticisme rêveur du temps avait besoin de songeries surnaturelles ; et les habiles gens qui savaient écrire en tiraient profit. Voici le sujet. À Éléonte, sur les bords de l’Hellespont, un vigneron accueille un marchand phénicien : assis avec l’étranger dans sa vigne, sous les grands arbres, non loin du tombeau de Protésilas, il l’entretient de ce héros, lui apprend qu’il se montre à lui fréquemment, qu’il s’intéresse à ses travaux. De propos en propos, il en vient à lui parler de presque tous les héros de la guerre de Troie ; il lui décrit leur aspect et leurs mœurs ; c’est une évocation d’un monde surhumain dans un cadre rustique. À la fois crédule et bel-esprit, l’auteur vise à satisfaire simultanément le mysticisme et le raffinement littéraire de ses contemporains. Dans une sorte de pastorale dévote, d’assez pauvres histoires de revenants se revêtent tantôt d’ornements sophistiques, tantôt des couleurs de la poésie, à quoi s’ajoute une tendance à moraliser. Son vigneron, ancien citadin, a passé par les écoles, avant de se faire campagnard (I, 2). Ayant trouvé le bonheur avec la sagesse dans une existence simple et laborieuse, il vit auprès de son demi-dieu dans une sorte de rêve perpétuel, curieux de mieux connaître par lui les héros que les poètes ont célébrés. Grâce à ses confidences, il corrige à sa manière les vieilles légendes pour les rendre ou plus morales, ou plus dramatiques[491]. En définitive, de ces entretiens rustiques, se dégage une sagesse éclectique, dont la teinte générale est pythagoricienne[492].

Il faut s’arrêter un peu plus sur les Tableaux (Εἰϰόνες), un des livres des Philostrate les plus lus et les plus cités[493]. C’est un recueil de 64 descriptions de tableaux, formant deux livres. L’auteur, dans une courte préface, nous apprend que ces tableaux se trouvaient à Naples dans un portique attenant à une villa ou il avait fait un séjour. Un jour, nous dit-il, interrogé par des enfants, il eut l’occasion de leur en expliquer les sujets et la composition. Ce qu’il avait dit ainsi, il le mit ensuite par écrit, pour qu’en le lisant les jeunes gens pussent apprendre à bien juger et à bien s’exprimer[494]. Dans sa pensée, ces descriptions étaient donc, avant tout, des modèles de composition et de style ; et c’est ce qu’il ne faut pas perdre de vue. Ce genre, d’ailleurs, était depuis longtemps à la mode dans les écoles[495]. En admettant, ce qui paraît probable, que les œuvres d’art décrites par Philostrate existaient réellement, il est bien certain qu’il n’y a pas à attendre de lui une exactitude dont il ne se souciait pas[496]. Les tableaux dont il parle deviennent pour lui des matières de discours ingénieux et brillants ; aucun scrupule n’a dû l’empêcher de prêter aux artistes des mérites imaginaires, pour peu qu’il y vît un moyen d’étaler les siens. Si c’est là de la critique d’art, c’est encore bien plus de la rhétorique et de la sophistique. Mais, dans cette sophistique, Philostrate a de l’agrément, de la finesse, de la vie, une certaine grâce malgré son affectation, et même du goût. Vraies ou imaginaires, les expressions de physionomie et les attitudes sont délicatement analysées. En outre, il complète nos informations sur certains mythes et sur la façon dont on les représentait. L’œuvre ne vaut pas la réputation qu’on lui a faite autrefois, mais elle n’est pas non plus à dédaigner.

Le succès qu’elle obtint parmi les contemporains est attesté par les imitations qu’elle suscita. Philostrate fit école[497]. Le principal de ses imitateurs fut son petit-fils[498], Philostrate dit le jeune, qui vécut a la fin du iiie siècle. De son recueil, intitulé également Tableaux (Εἰϰόνες), il ne nous reste qu’un livre, comprenant 17 descriptions, la dernière incomplète. Lui aussi décrit, ou est censé décrire, des tableaux réels[499]. Sa manière rappelle de fort près celle de son modèle, avec moins d’élégance, moins de finesse, moins de vie.

Un autre imitateur de Philostrate de Lemnos fut Callistrate, dont il nous reste treize descriptions de statues (Ἐϰφράσεις). On suppose, sans raison bien probante, que l’auteur a dû vivre au iiie siècle, lui aussi. Ses descriptions sont étrangement hyperboliques et laborieusement contournées. Elles semblent moins exactes encore que celles des Philostrate et plus arrangées en « discours ». Ce sont des variations sur ce thème monotone que la matière s’amollit sous les doigts de l’artiste et semble prendre vie[500].

Entre les sophistes du iiie siècle mentionnés dans les Vies de Philostrate l’Athénien, il n’y en a qu’un dont quelques œuvres nous aient été conservées : c’est Claude Élien[501]. Il est bien propre, lui aussi, à mettre en lumière quelques-unes des tendances caractéristiques de son siècle.

Né près de Rome, à Préneste, dans le dernier tiers du second siècle, il était mort lorsque Philostrate l’Athénien traça son portrait dans ses Vies des Sophistes ; il n’avait guère vécu au delà de soixante ans[502]. Son biographe atteste qu’il se vantait de n’avoir jamais quitté l’Italie[503] ; il fut grand prêtre dans sa ville natale : c’était un pur Romain par les mœurs, mais il aimait passionnément la Grèce et parlait grec comme un Athénien[504]. Il eut pour maître d’éloquence Pausanias de Césarée, et il subit en outre l’influence d’Hérode Atticus, qu’il admirait particulièrement. S’étant essayé à la parole, il n’y réussit pas assez pour se satisfaire lui-même, malgré les éloges qu’il obtint ; dès lors, il se contenta de montrer son art, en écrivant. Parmi ses discours, Philostrate cite une diatribe contre Élagabale (Κατηγορία τοῦ Γυνννίδος), composée après la mort de ce prince (222), probablement donc au début du règne d’Alexandre Sévère[505].

Ses œuvres vraiment curieuses sont celles où il mit son érudition variée et sa patience de collectionneur au service du goût qu’il avait pour la prédication morale et religieuse. Comme beaucoup de sophistes, Élien était au fond un pauvre esprit. Incapable de penser par lui-même sur les grands sujets, il se fit une spécialité de recueillir partout des historiettes, phénomènes naturels, prodiges, merveilles de toute sorte, pour les grouper, en guise de démonstration, autour de certains thèmes, qui constituaient pour lui des croyances. Ainsi furent composés ses deux traités perdus Sur la Providence (Περὶ προνοίας) et Sur les Évidences divines (Περὶ θείων ἐναργειῶν). Autant que nous pouvons en juger par une trentaine de fragments, c’étaient deux séries de petites histoires dévotes, prises un peu partout, particulièrement sans doute chez Chrysippe, acceptées d’ailleurs sans critique et assemblées sans discussion. L’auteur y racontait avec une satisfaction naïve les châtiments des incrédules, et il s’en donnait à cœur joie d’apostropher et d’invectiver les Épicuriens, ses ennemis personnels.

C’est bien le même homme que nous retrouvons dans les dix-sept livres du traité conservé Sur les animaux (Περὶ ζῷων). Comme il nous le dit dans sa préface, il s’y est proposé de montrer qu’il y a de la sagesse, de la justice, de l’affection, du dévouement, et aussi de la jalousie, de la haine, de la cruauté chez les animaux. Voilà le point de vue d’où il les juge. Les bons et les méchants défilent devant nous, appréciés comme ils le méritent par le narrateur. On admire tour à tour le philhellénisme du héron, la tempérance du grondin, l’humanité du lynx, la fidélité conjugale du poisson ætnæos, qui, nous dit-il, ne change jamais de compagne, « sans être retenu pourtant ni par l’appât de la dot ni par la crainte des lois de Solon »[506]. On apprend avec quel scrupule les fourmis s’abstiennent de sortir le premier du mois. Et, d’autre part, on est invité à frémir d’horreur, en voyant les jeunes serpents dévorer leur mère pour venger sur elle le meurtre de leur père, scandale qui arrache à l’auteur ce cri d’une ironie pathétique : « Que sont, à côté de ces animaux, vos Orestes et vos Alcméons, chers auteurs de tragédies ?[507] » Il est vrai qu’il oublie quelquefois son dessein principal ; et, s’il ne dépouille jamais le bel esprit, il cesse du moins par instants de moraliser. On rencontre donc dans son gros recueil des faits simplement curieux ou même intéressants. Mais ce qui en fait surtout le prix, c’est qu’on y trouve, sous forme d’extraits lus ou moins arrangés, bon nombre de fragments empruntés à des livres perdus de naturalistes, de géographes, de voyageurs, en particulier à la savante Histoire des Animaux et au Recueil de merveilles d’Alexandre de Myndos, écrivain du ie siècle de notre ère, qui semble avoir été sa principale source[508]. Au reste, sous prétexte de variété, Élien s’est abstenu de composer son livre[509] ; il a tout jeté pêle-mêle, au hasard de ses lectures. Son public ne lui demandait que des historiettes racontées dans le style à la mode ; les qualités auxquelles il a visé sont l’invention poétique et le style[510] ; il estimait qu’il avait réussi pleinement en cela, et ses contemporains semblent avoir été de son avis, car Suidas nous apprend qu’il fut surnommé Μελίγλωσσος « Élien à la langue de miel[511]. »

L’Histoire variée (Ποιϰίλη ἱστορία), en 14 livres, moins bien conservée que l’ouvrage sur les animaux, est un recueil analogue par la forme. On y trouve même encore, au début, un certain nombre de traits empruntés à la vie des bêtes. Mais, en général, Élien y a rassemblé des faits relatifs soit à des peuples, soit à des personnages historiques, hommes d’État, écrivains, artistes, ou même à des inconnus ; quelquefois aussi des descriptions, ou encore de simples renseignements curieux. La forme primitive et complète du texte ne subsiste que jusqu’au milieu du 3e livre (III, 12) et pour quelques parties du 12e ; elle reparaît, çà et là, dans le reste, qui est en général un simple abrégé, tantôt plus condensé, tantôt moins ; quelques fragments nous sont parvenus sans indication de provenance[512]. La détermination des sources de l’Histoire variée reste encore à faire[513]. Dans l’entassement de choses qui constitue cet ouvrage, les informations curieuses abondent, malheureusement suspectes le plus souvent, puisque l’origine en est inconnue. On y sent fréquemment la tendance à moraliser qui dominait Élien. Du reste, nul dessein suivi, et point d’autre art littéraire que celui du style, toujours scolaire et recherché.

C’est le pur sophiste qui se montre dans les vingt Lettres rustiques attribuées au même auteur (Ἀγροιϰίαι ἐπιστολαί), que des campagnards sont censés échanger entre eux[514]. Brèves compositions sur des thèmes soit de fantaisie, soit empruntes à la comédie moyenne ou nouvelle. Quand on a fait la part de l’invraisemblance et de l’affectation fondamentales, il reste quelques situations piquantes, de la malice, et un certain réalisme parfois spirituel dans la peinture des mœurs.

L’érudition chez Élien n’était guère qu’un prétexte. Elle fut au contraire la passion sincère d’un autre écrivain du même temps, Athénée, qui est pour nous le représentant par excellence de la sophistique savante. Tout ce que nous savons de lui, c’est qu’il était de Naucratis en Égypte ; Suidas le qualifie de grammairien[515]. Son principal ouvrage semble avoir été publié après 228[516]. Il avait écrit sur plusieurs sujets, notamment sur les rois de Syrie (Banquet, V, 211 a)[517]. Mais la seule œuvre de lui qui ait survécu et qui ait préservé son nom est le Banquet des Sophistes (Δειπνοσοφισταί).

Le Banquet des Sophistes, dans sa forme originale, était une véritable bibliothèque en trente livres[518]. On l’abrégea une première fois, nous ne savons en quel temps, pour le réduire à quinze livres ; c’est en cet état qu’il nous est parvenu, avec des lacunes assez graves[519]. On l’abrégea une seconde fois vers le commencement de la période byzantine ; et cet abrégé, qui s’est également conservé, supplée en partie aux lacunes du précédent. Lorsqu’un ouvrage subit ainsi des abréviations successives, il y a lieu de soupçonner qu’à l’origine il renfermait à la fois un certain nombre de choses utiles et beaucoup d’autres qui ne l’étaient pas. Cela est vrai en tout cas de celui dont nous parlons.

Athénée a imaginé une mise en scène dont l’idée première remontait par une longue tradition jusqu’à Platon[520]. Le riche pontife romain Larentius donne un repas à des amis. À sa table s’assoient des savants de toute sorte (τοὺς ϰατὰ πᾶσαν παιδείαν ἐμπειροτάτους, I, 1) : toutes les connaissances humaines sont représentées là, grammaire, poésie, rhétorique, musique, philosophie, jurisprudence, médecine ; académie pédante s’il en fût, chargée de débiter en conversations l’encyclopédie qui sera la matière du livre. Quelques-uns des convives portent des noms illustres, Plutarque, Arrien, Galien, Masurius, Ulpien. Suivant la tradition du genre, ces personnages historiques sont traités plus ou moins en êtres de fantaisie, sans scrupule ni de chronologie ni d’exactitude morale ; ils sont là pour embellir la scène, pour donner au lecteur le plaisir de se figurer qu’il entend les propos d’hommes éminents, même quand ils débitent des inepties. À côté d’eux, d’autres convives, dont les noms, aujourd’hui inconnus, ne l’étaient peut-être pas au commencement du iiie siècle ; et, dans cette société mêlée, le Cynique indispensable, satirique attitré, bouffon au besoin. L’hôte est magnifique, savant, homme d’esprit, ami des doctes entretiens et habile à les provoquer. Grâce à lui, les propos appellent les propos, les sujets s’enchaînent ; chacun des convives à son tour paie son tribut ; à la fin, on a parlé de tout.

Ce qu’était cette mise en scène dans le texte primitif, nous ne pouvons plus en juger qu’imparfaitement : car elle a été altérée et restreinte par les abréviateurs. Il se peut donc qu’il y ait eu à l’origine plus d’incidents, plus de variété, plus d’invention dramatique. En mettant les choses au mieux, tout cela ne pouvait faire en définitive qu’un bien médiocre dialogue ; car c’était la nature même du sujet qui l’empêchait d’être bon. Des personnages qui dissertent au lieu de causer, qui débitent des articles de dictionnaire en guise de propos de table, qui prouvent leurs dires par des enfilades de citations, qui épuisent les énumérations par souci d’être complets, ne sont ni des gens du monde ni des êtres vivants. Ce sont des chapitres de traités, habillés en hommes, Le drame n’est ici qu’un prétexte, et l’encyclopédie, dissimulée, reparaît partout.

L’érudition de l’auteur, il est vrai, mérite d’être admirée. Bien que l’étude des sources du Banquet soit encore loin d’avoir donné des résultats définitifs, on peut constater qu’Athénée avait lu par lui-même un grand nombre des auteurs qu’il cite[521]. Et ces citations accumulées prêtent aujourd’hui un grand prix à son œuvre. C’est à lui que nous devons la meilleure partie de ce qui nous reste de la comédie moyenne et nouvelle. En outre, il n’y a pas dans toute l’antiquité de recueil d’informations sur les sujets les plus divers qui soit comparable en richesse à celui-là[522]. Indépendamment des trop longues et fastidieuses notices sur les diverses façons de banqueter, sur les aliments, les boissons, le luxe, la cuisine et ses grands hommes, on y trouve de curieux chapitres sur les instruments de musique (fin du l. IV et livre XIV), sur quelques banquets célèbres (l. V), sur les devinettes (fin du l. X), sur l’amour (Ἐρωτιϰὸς λόγος, l. XIII), avec mainte anecdote relative aux courtisanes célèbres. À chaque page, sous le fatras et le bavardage, les faits intéressants abondent. Bref, c’est un ouvrage qu’il faut dépouiller pour connaître l’antiquité, mais qu’il est impossible de lire.

III
Nous avons laissé la rhétorique, au chapitre précédent, dans l’état ou Hermogène l’avait constituée. Comme nous l’avons remarqué alors, elle avait pris entre ses mains une forme à peu près définitive. On ne pouvait plus la modifier qu’à la condition d’en renouveler les fondements mêmes. Aussi l’œuvre des rhéteurs du iiie siècle est-elle en somme fort médiocre. Celle de la critique, qui s’y rattache, semble avoir été plus importante ; mais elle nous est fort peu connue.

Un des maîtres les plus renommés dans la première moitié de ce siècle fut Apsinès, de Gadara (de 190 à 250, environ)[523]. Il enseignait à Athènes, d’après Suidas, sous le règne de Maximin (235-238) ; disciple de Basilicos, et ami des Philostrate, il fut, sous Philippe l’Arabe, (244-249), le rival des plus brillants sophistes du temps, Major, Nicagoras, Fronton d’Émèse[524]. De ses discours, il ne nous est rien resté. Mais son enseignement nous est encore en partie présent dans sa Rhétorique[525]. L’auteur n’y apporte rien d’essentiellement nouveau, même quand il se sépare d’Hermogène ; il accepte d’une manière générale la classification et la nomenclature traditionnelles ; il ne remonte pas plus que ses devanciers aux principes philosophiques : son dessein est avant tout pratique. Peu de règles, mais beaucoup d’exemples. Le mérite auquel il paraît viser est celui de la précision : distinguer les divers cas plus ou moins similaires, faire bien sentir ce qui est propre à chacun d’eux. Son livre a des qualités pédagogiques ; il ne faut pas lui en attribuer d’autres. — Indépendamment de sa réputation de professeur et d’orateur, Apsinès paraît s’en être fait une aussi comme critique. Il avait composé un Commentaire sur Démosthène, auquel il est fait allusion dans quelques-unes des scolies subsistantes. Sa Rhétorique prouve du reste qu’il l’avait étudié de près[526].

Nicagoras d’Athènes, sophiste et historien, Minucianus qui vécut jusque sous Gallien (260-268), Callinicos et Généthlios, leurs contemporains, Rufus, dont l’époque n’a pu être déterminée, ne sont pour nous que des noms, qui servent d’étiquettes à des fragments sans originalité. La Τέχνη de Minucianus eut cependant sa vogue : elle fut commentée comme une œuvre classique, notamment par Porphyre[527].

Ménandre, de Laodicée en Lycie, est signalé par Suidas comme un commentateur d’Hermogène et de Minucianus, ce qui laisse supposer qu’il vécut au temps où la renommée de ce dernier subsistait encore, et probablement subit son influence. Il est vraisemblable qu’il ne doit pas être distingué du Ménandre qui est cité plusieurs fois dans nos scolies de Démosthène et du Panathénaïque d’Aristide[528]. Nous n’avons plus sous son nom que deux traités Sur les discours épidictiques (Περὶ ἐπιδειϰτιϰῶν)[529]. Le premier seul paraît devoir lui revenir définitivement[530]. Il y étudie, sans aucune profondeur, mais non sans goût, les diverses formes de l’éloge, d’après les lieux communs qui leur sont propres, et caractérise le style qui leur convient. Des citations assez nombreuses relèvent l’intérêt de l’ouvrage. Le second traité, plus développé, s’attache à classer les formes de l’éloge ou du compliment d’après leur destination. Il nous fournit, comme le précédent, d’assez curieux renseignements sur les habitudes et les méthodes de l’éloquence officielle du temps.

Mais, entre les rhéteurs du iiie siècle, la première place paraît revenir à Cassius Longin, bien que ses œuvres soient presque entièrement perdues[531]. Né probablement avant 220, neveu et héritier du rhéteur Fronton d’Émèse, qui avait professé à Athènes en concurrence avec Apsinès, il appliqua successivement sa vive et souple intelligence à la philosophie, à la rhétorique, à la critique. Sa jeunesse se passa à étudier et à voyager. Il suivit à Alexandrie les leçons des néoplatoniciens Ammonios Saccas et Origène[532]. Devenu chef d’école, à son tour, il fut le maître de Porphyre pour les belles-lettres et la critique, et il paraît l’avoir aimé d’une sincère affection[533]. Il ne semble pas avoir connu personnellement Plotin, mais il lut avec empressement ses écrits, qu’il admirait vivement[534]. Apres avoir enseigné à Athènes, il passa en Syrie, et, sous le règne d’Aurélien (270-275), il s’attacha à la reine de Palmyre, Zénobie, veuve d’Odenath, d’abord comme professeur, puis comme conseiller ; il l’excita même et la soutint dans sa résistance aux armes romaines, et enfin, tombé aux mains du vainqueur, fut condamné et exécuté en 273[535]. De ses écrits philosophiques il ne nous reste qu’un fragment d’un traité Sur le souverain bien (Περὶ τέλους)[536]. Il se rattachait par ses tendances générales à l’école néoplatonicienne, mais il ne semble pas qu’il ait pris une part bien importante à son développement ; le chef de l’école, Plotin, ayant lu son traité Περὶ Ἀρχῶν, se refusait même à reconnaitre en lui un vrai philosophe[537]. Comme maître de rhétorique, Longin avait composé divers ouvrages, dont un seul, de médiocre importance, a subsisté, en partie[538]. C’est un Traité de rhétorique (Τέχνη ῥητοριϰή), qui ne consiste guère qu’en un recueil d’observations pratiques enfermées dans les cadres traditionnels, sources d’invention, disposition, diction, débit, mémoire ; il dut sans doute son succès à ce que tout y était simple, condense, facile à retenir[539]. — En réalité c’est surtout à titre de critique que Longin se fit une haute réputation parmi ses contemporains. Sa grande autorité est attestée par une série de témoignages concordants. Porphyre, qui l’a bien connu, vante sa pénétration et son goût sûr, qui faisaient de lui le premier des critiques du temps[540]. Sa science d’atticiste s’était affirmée dans un lexique spécial (Ἀττιϰῶν λέξεων ἐϰδόσεις β′). Il avait écrit sur Homère (Ἀπορήματα Ὁμηριϰά Προϐλήματα Ὁμηριϰά, Περὶ τῶν παῤ’Ὁμήρῳ πολλα σημαινουσῶν λέξεων, Εἰ φιλόσοφος Ὅμηρος, etc.)[541] ; et ceux des titres de ses ouvrages que nous connaissons encore montrent qu’il étudiait à la fois en lui la langue et les idées. Tout cela est perdu, et nous ne retrouvons plus qu’une trace indirecte de son influence dans les Questions homériques de son disciple Porphyre. C’est cette renommée qui lui a fait attribuer à tort le Traité du sublime dont nous avons parlé plus haut[542]. Cet ouvrage, nous l’avons vu, ne peut pas être de lui. Nous devons donc nous résigner à ne pas pouvoir juger par nous-mêmes celui qui fut en son temps le représentant le plus éminent de la critique.

IV

Sans sortir de l’école et de son domaine, c’est le moment d’introduire dans cette histoire un genre dont nous n’avons encore rien dit, et qui était pourtant réservé dans l’avenir aux plus brillantes destinées ; le roman. Né vers le début de la période romaine sous l’influence de la sophistique, il n’en est guère encore, au iiie siècle, qu’au commencement de sa popularité ; mais, déjà, il apparaît avec des traditions presque immuables, qu’il faut expliquer[543].

Ce qui constitue proprement le roman, tel que nous le trouvons en Grèce, c’est le récit développé d’une aventure d’amour. Par ses origines lointaines, il se rattache à l’essor que prit dans la période alexandrine la peinture des sentiments amoureux. Il dérive de l’élégie et de l’épigramme érotique, de l’idylle, de certaines scènes d’épopée, des contes milésiens, et de ces récits innombrables insérés alors dans l’histoire et la mythologie pour y introduire les sentiments à la mode[544]. Mais il procède surtout, et bien plus directement, des exercices d’école, de ces sujets inventés par la fantaisie subtile des rhéteurs, qui créaient des situations à leur gré, séductions, attaques de pirates et de brigands, enlèvements, séparations et reconnaissances, pour en tirer des matières de discours. C’est dans ces exercices en effet, que l’esprit grec a contracté le goût des aventures invraisemblables, des accidents multiplies et compliqués, des concours et des conflits de circonstances les plus étranges ; c’est là aussi qu’il a pris l’habitude de traiter les sentiments comme des thèmes oratoires et qu’il a constitué par conséquent les lieux communs de l’amplification romanesque. Ajoutons que, durant la même période, l’idée de la puissance du hasard (τύχη) s’était assise profondément dans les esprits. Une fois maîtresse des imaginations, elle les a mises en état d’accepter avec plaisir le spectacle d’événements incohérents, pourvu qu’ils donnassent lieu à des péripéties et à des coups de théâtre.

C’est avec ces trois éléments, amours d’élégie, conventions d’école, goût des péripéties, que s’est constitué le fonds du roman grec. Ces origines rendent raison de sa faiblesse native et de sa pauvreté. N’étant pas sorti de l’observation, il a manqué de réalité. Au lieu de s’attacher à l’étude de la vie et de la transporter dans des fictions qui en auraient mis en lumière certains aspects choisis, il n’a jamais fait que coudre les unes aux autres des aventures aussi monotones que compliquées et y mêler des discours d’amour, trop souvent fades et subtils. Il a eu, du drame, certains caractères extérieurs, le mouvement, les surprises, et il en a de bonne heure reçu le nom (δρᾶμα, δραματιϰόν). Mais ce qui donne au drame sa force, à savoir une action naturelle résultant des caractères, est précisément aussi ce qui lui a le plus manqué. Parfois seulement, certaines qualités de grâce et de finesse ont pu se faire jour dans ce genre faux et ont créé quelques œuvres aimables, dont une, par exception, s’est classée dans l’opinion de la postérité au rang des petits chefs-d’œuvre. C’est qu’une heureuse inspiration a rapproché alors la fiction de la réalité, et lui a communiqué un peu de cette vérité humaine, sans laquelle l’art littéraire n’est qu’un jeu de sophiste. Mais cela même ne semble pas avoir été le résultat d’une évolution régulière, d’un progrès normal, plus ou moins continu. L’histoire du roman grec semble, elle aussi, soumise aux caprices du hasard. Il est vrai que la chronologie en est mal fixée, que les éléments d’information sont encore très insuffisants, et que par suite cette histoire se réduit pour le moment a une ébauche assez confuse.

C’est vers le milieu du ier siècle de notre ère que se place l’apparition du premier ouvrage où se montrent réunis les caractères constitutifs du genre[545]. Cet ouvrage, dont un fragment a été retrouvé récemment en Égypte sur un papyrus, était une sorte de roman historique, composé au plus tard vers l’an 50 ap. J.-C., peut-être plus tôt, et qui avait pour sujet, semble-t-il, les amours de Ninus et de Sémiramis[546]. Bien que le fragment soit court, nous voyons que l’histoire y était traitée avec une extrême liberté. Ctésias, probablement, avait fourni à l’auteur une aventure d’amour ; il la développait à sa manière, en conversations, en descriptions, en récits. Ninus était pour lui un jeune garçon doué des meilleures qualités ; sa Sémiramis ne devait pas être une jeune fille moins accomplie. Sur cette donnée, on pouvait disserter, raconter, discourir, créer des incidents de toute sorte, en un mot mettre en œuvre tous les procédés de l’école, et c’est sans doute ce qu’il avait fait.

Au même temps, à peu près, semble appartenir le roman d’Antonius Diogène intitulé les Merveilles d’au-delà de Thulé (Τὰ ὑπὲρ Θούλην ἄπιστα), en 24 livres[547]. — La date en est déterminée approximativement par les faits suivants. Lucien, selon Photius, l’a imité dans son Histoire vraie ; il a donc été écrit au plus tard vers le commencement du second siècle[548]. D’autre part, le prénom romain de l’auteur ne permet pas de le faire remonter beaucoup au delà de l’ère chrétienne. Et, dans ces limites, la vraisemblance semble indiquer de préférence la fin du ier siècle, soit parce que l’auteur se montre en communion d’idées avec la forme du néopythagorisme dont Apollonios de Tyane est le représentant par excellence, soit parce que sa langue dénote déja l’influence de l’atticisme renaissant[549]. — Nous ne connaissons plus l’ouvrage que par le sommaire qu’en a donné Photius[550]. Son principal intérêt est de nous montrer le genre romanesque empruntant son cadre à la littérature des voyages fabuleux. Dire que le roman ait eu besoin de cet emprunt pour se constituer ne serait pas exact, puisque nous venons de le voir, vers le même temps, s’incorporer à l’histoire. Mais il est incontestable qu’un fond géographique et descriptif laissait plus de liberté au romancier qu’un fond historique. Donc l’œuvre de Diogène marque une date et ouvre une voie. Au reste, elle l’ouvre assez maladroitement. L’élément géographique et fabuleux y prédominait, comme le titre l’indique, sur l’élément psychologique. L’arcadien Dinias était censé y raconter un invraisemblable voyage autour du monde, non seulement jusqu’à Thulé, mais bien au delà vers le nord, jusqu’au voisinage de la lune. À ces fables se mêlaient mille aventures, notamment ses amours avec la tyrienne Derkyllis, dont les interminables malheurs, partagés par son frère Mantinias, étaient racontés tout au long. Selon Photius, l’auteur avait su prêter un air de vérité à ces inventions, que recommandaient en outre la clarté du style et l’agrément du récit. Par là, ce livre se faisait lire, malgré l’enchevêtrement des événements ; de plus, ajoute le même auteur, on avait la satisfaction d’y voir les méchants punis et les innocents justifiés. Curieux mélange, en somme, de morale et de magie, de rêveries mystiques et de fantastiques inventions.

La vraie nature du roman semble s’être dégagée plus nettement dans les Babyloniques de Jamblichos dont le texte malheureusement n’est pas venu jusqu’à nous[551]. Né en Syrie, et de race syrienne, l’auteur devint grec par l’effet de son éducation : il semble même avoir été professeur de rhétorique grecque. Dans son roman, il se donnait pour babylonien ; c’était un moyen, sans doute, d’avoir plus d’autorité dans les choses babyloniennes. D’après une notice biographique anonyme, il aurait été instruit de la langue, des mœurs et des traditions du pays de Babylone par un prisonnier de guerre qui fut son éducateur. Quelle est dans ces renseignements la part de la fiction ? nous l’ignorons : en fait, le récit qu’il a écrit ne demandait aucune information bien particulière[552]. Ce qui est certain par son propre témoignage, c’est qu’il le composa sous le règne de Marc-Aurèle, après la guerre des Parthes, par conséquent entre 166 et 180[553].

Le drame de Jamblichos n’a pas pour théâtre, comme celui d’Antonius Diogène, le monde entier. Ses personnages ne sortent pas de la région de l’Euphrate, et même la plus grande partie de l’action se passe aux environs de Babylone. Ainsi le roman chez lui ne se subordonne plus à la géographie descriptive ; mais si ça n’est plus un voyage autour du monde, c’est toujours une série de courses éperdues, à travers des aventures paradoxales. Toutefois, l’intérêt y est plus fortement concentré sur les personnages principaux, qui sont ici le jeune Rhodanès et la belle Sinonis, épris l’un de l’autre. Persécutés par le méchant roi de Babylone, Garmos, ils finissent, après mille épreuves, après des terreurs sans cesse renaissantes, par triompher de lui. Rhodanès devient même roi à sa place, conformément à une prédiction faite dans la première partie : car l’auteur a eu l’intention de conduire son récit, malgré la multiplicité des détours, à une fin prévue. Et c’est là un progrès réel. Il sembla aussi que la mise en valeur des sentiments y avait pris plus d’importance. L’auteur s’était servi de ses inventions pour éclairer les caractères. Sinonis, amoureuse de Rhodanès, était jalouse jusqu’à la fureur. Un fragment mutilé nous fait assister à une scène où le sage Soræchos cherchait en vain à calmer ses transports[554]. Par malheur, il y avait, chez Jamblichos, plus de désir de briller que de goût pour la vérité. Contemporain d’Hérode Atticus, il avait mis en œuvre toutes les ressources de la sophistique contemporaine[555]. C’est là, avec les scènes de magie, ce qui contribua le plus au succès de son livre. Les nombreuses citations de Suidas attestent qu’il demeura populaire jusqu’au xe siècle au moins.

Nouveau progrès avec Xénophon d’Éphèse[556], qui semble appartenir au iiie siècle. Si nous étions plus sûrs des dates, c’est à ce moment, et par le fait de cet écrivain, que nous pourrions considérer le genre comme définitivement constitué. Malheureusement, la seule raison qu’on ait de croire que Xénophon a écrit au iiie siècle, c’est que, d’une part, les caractères de son style et de son œuvre ne permettent guère de le faire remonter plus haut, et que, d’autre part, il paraît ignorer la destruction du temple d’Éphèse, qui eut lieu sous Gallien, en 263. Rien de tout cela n’est bien probant ni bien précis, même en ajoutant qu’il semble avoir mis à profit l’œuvre de Jamblichos, et qu’il a été imité à son tour par Héliodore et par Chariton, ainsi que par Aristénète[557].

Son roman est intitulé Récits éphésiens relatifs à Anthéia et à Habrocomès (Κατὰ Ἄνθειαν ϰαὶ Ἁϐροϰόμην Ἐφεσιαϰοὶ λόγοι), ou, par abréviation, les Éphésiaques, (Ἐφεσιαϰά)[558]. Il a pour sujet les amours du bel Habrocomès d’Éphèse et de la jeune Anthéia, ou plutôt les tristes aventures qui les séparent aussitôt après leur mariage et qui ne prennent fin qu’avec le roman lui-même. Ces aventures, en elles-mêmes, sont analogues à celles qui remplissaient les Babyloniques ; mais voici la nouveauté du livre. D’abord, elles ne se passent ni dans des pays lointains ni dans un temps fabuleux. Le lieu de la scène est le littoral de la Méditerranée, Ionie, Rhodes, Chypre, Cilicie, Syrie, Égypte, Sicile et Grande Grèce. Le temps, sans être strictement déterminé, est celui de l’empire romain ; l’administration impériale apparaît çà et là. À un monde fabuleux a donc succédé le monde réel. En outre, si les événements continuent à se produire au hasard, du moins il y a effort pour resserrer le lien moral des situations, en donnant plus d’importance aux volontés des personnages principaux. Habrocomès, avant son mariage, a offensé Éros par ses dédains ; la colère du dieu le poursuit, tandis qu’Apollon, Artémis et Isis prêtent leur appui aux deux victimes. Puis, les deux jeunes époux se sont juré l’un à l’autre de se rester fidèles, quoi qu’il arrive ; et la plupart des dangers qu’ils courent résultent précisément de l’observation volontaire de ce serment. Par là, un intérêt plus vif s’attache à eux : ce ne sont pas simplement des jouets de la destinée, ce sont des cœurs passionnés, qui obéissent à des sentiments nobles et profonds. Il y a d’ailleurs, dans le récit, sinon des portraits vivants, du moins certaines esquisses assez nettes. Si l’auteur avait su serrer de plus près la réalité, le roman de mœurs eut été créé. Mais il lui manquait pour cela la puissance qui donne la vie. Son récit, léger, rapide, d’un tour assez élégant, est superficiel jusqu’à la sécheresse. Il n’approfondit rien, ne détache rien avec vigueur. Dans l’expression même de sentiments vrais et touchants, il se contente des conventions faciles de l’école. En cela, bien qu’il s’exprime dans un langage souvent négligé, qui n’est ni attique ni même classique[559], Xénophon est sophiste de tradition ; son plus grand mérite, comme écrivain, consiste à éviter la prolixité vide, trop commune en ce siècle.

Du même temps à peu près semble dater le roman anonyme d’Apollonius de Tyr, qui a fait, comme on le sait, brillante fortune à travers le moyen âge et jusqu’aux temps modernes[560]. Le texte grec en est perdu ; et nous n’en possédons plus qu’une traduction en latin vulgaire, du vie siècle probablement, qui l’a sensiblement altéré en lui donnant une couleur chrétienne[561]. Le sujet est une série d’aventures merveilleuses dont le héros est un jeune prince tyrien, nommé Apollonius, qui voyage, résout des énigmes, échappe à mille dangers, épouse la fille d’un roi de Cyrène, puis la croit morte et fait jeter son corps à la mer dans un coffre, perd aussi sa fille Tharsia, la retrouve, bien des années après, en Ionie ainsi que sa femme, et finalement devient roi d’Antioche, de Tyr et de Cyrène. Plusieurs détails semblent empruntés aux Éphésiaques, ou dérivés de source commune[562]. En outre, on est frappé d’une certaine ressemblance générale, qui tient soit à la nature des événements et au théâtre de l’action, soit à la forme sèche et superficielle du récit. Mais les motifs moraux y sont moins nets, moins prédominants, et l’action est de nouveau située en un temps vague, dans une societé quelconque. Si donc le roman d’Apollonius est postérieur aux Éphésiaques, on ne peut pas dire qu’il marque un progrès du genre, malgré son succès, dû en grande partie au merveilleux plus ou moins pathétique dont il abonde. L’œuvre la plus considérable qu’ait produite dans la littérature grecque l’imagination romanesque est celle d’Héliodore, intitulée les Éthiopiques (Αἰθιοπιϰά) ou Théagène et Chariclée, en dix livres. Il n’en est d’ailleurs aucune où se découvre mieux, sous des qualités réelles, et en raison même de ces qualités, l’impuissance radicale de ce temps à dégager le principe de vérité qui seul aurait pu donner au roman une solide valeur.

L’auteur s’est nommé lui-même à la fin de son livre : « Héliodore, phénicien, d’Émèse, de la race du soleil, fils de Théodose »[563]. Selon l’historien Socrate, qui écrivait dans la première moitié du ve siècle, « on disait » que cet Héliodore n’était autre qu’un évêque de Tricca en Thessalie, auquel il attribue l’origine d’une coutume propre à cette province[564]. La forme même de ce témoignage ne permet pas d’en faire grand cas. De nos jours, Rohde a démontré qu’il devait être absolument rejeté : le syrien Héliodore ne peut avoir rien de commun avec le chrétien en question[565]. Retenons donc seulement, du dire de Socrate, qu’il a écrit nécessairement avant la fin du ive siècle. Mais son œuvre, comme Rohde l’a fait voir, a une couleur néo-pythagoricienne, qui convient surtout au siècle où la Vie d’Apollonios de Tyane par Philostrate était lue avec dévotion[566]. On peut ajouter qu’on y sent aussi l’influence de cette sorte de religion homérique qui se manifestait si curieusement dans l’Héroïque de Philostrate de Lemnos[567]. En outre, quoique l’auteur transporte l’action au temps où l’Égypte était une province perse, l’idée qu’il nous donne de l’Éthiopie, la mention des Axiomites, alliés de ce royaume, semblent se rapporter à l’état de choses que nous laisse entrevoir l’histoire dans la seconde moitié du iiie siècle. Ainsi enfin s’expliquerait la prédominance qui est donnée dans l’œuvre tout entière à la religion du soleil, fort en honneur, comme on le sait, au temps de l’empereur Aurélien (270-275).

Le fond du roman est l’histoire d’une jeune princesse d’Éthiopie, abandonnée dès sa naissance par sa mère, la reine Persina. Transportée à Delphes et, là, élevée par le grec Calliclès sous le nom de Calliclée, elle s’éprend du beau thessalien Théagène ; tous deux s’engagent l’un à l’autre. Pour obéir à un oracle, ils quittent Delphes sous la conduite du sage égyptien Calasiris, et, après plusieurs aventures, sont jetés par un naufrage en Égypte, aux bouches du Nil. Là, ils deviennent vraiment le jouet de la fortune. Nous les voyons aux mains des pâtres-brigands, ou Boucoles, établis dans les marais du Delta ; puis à Memphis ; tantôt rapprochés, tantôt séparés ; exposés à de terribles dangers, surtout par suite de la passion qu’Arsace, femme du satrape d’Égypte, Oroondatès, conçoit pour Théagène. Ils y échappent pourtant et arrivent en Éthiopie, où règnent les parents de Calliclée, le roi Hydaspe et la reine Persina ; mais ils y arrivent prisonniers et inconnus ; et c’est seulement lorsqu’ils vont être immolés au soleil que la reconnaissance attendue a lieu. Tout se termine par le mariage des deux fiancés, qui ont su se conserver purs jusque-là, et qui reprennent alors leur rang.

Si cet étrange tissu d’aventures manque absolument de vraisemblance intime et de liaison naturelle, on ne peut nier qu’il ne se recommande d’ailleurs par plus d’un mérite. L’ampleur du développement et la variété des épisodes s’y concilient avec une habileté de composition que nous n’avions pas encore rencontrée dans ce genre. Non seulement l’auteur nous jette dès le début in medias res, mais, jusqu’à la fin, il sait soutenir l’intérêt, nouer et dénouer des qu’ils qui s’entrecroisent, et il conduit des événements compliqués de façon à nous donner l’impression d’une marche continue vers le dénouement ; ce qui ne l’empêche pas d’y introduire, quand il le juge bon, d’adroites péripéties, qui rejettent tout à coup son lecteur dans l’inquiétude. Il a en outre le don de décrire et d’animer. Que l’on compare à cet égard ses personnages à ceux de Philostrate dans la Vie d’Apollonios, sa supériorité est éclatante. Il est vrai que ses deux héros, Théagène et Chariclée, sont les moins vivants de tous, car ils n’ont presque rien de personnel. Mais, chez ses personnages secondaires, les traits intéressants ne manquent pas. Le sage Calasiris, le brigand Thyamis, surtout l’ardente et impérieuse Arsace, se détachent avec un certain relief sur le fond du récit. Et cette même imagination, qui les anime, apparaît aussi dans la représentation d’un grand nombre de scènes et dans mainte description. Les tableaux d’ensemble, les cortèges, les cérémonies sont traités avec une habileté de main qui a son prix. Mais, il faut bien le dire, ce sont justement ces qualités qui accusent la faiblesse constitutive de l’œuvre et, par suite, le vice du temps. L’imitation, le convenu, les habitudes de l’école ont étouffé chez Héliodore une originalité qui peut-être, en un autre siècle, aurait pu se développer. Sans cesse, il se souvient, au lieu d’observer, et il copie, au lieu de créer. Son roman est plein de réminiscences d’Homère et des tragiques ; il est plein aussi des lieux communs de la sophistique. Rien n’y est traité avec le goût simple de la vérité. Une fausse élégance, une fausse poésie, un faux idéalisme, une fausse sensibilité, voilà ce qui enveloppe tout. Et le style lui-même a ce caractère, de manquer profondément de sincérité ; il est, pour ainsi dire, entre la poésie et la prose, artificiellement fabriqué avec des souvenirs, avec des éléments épiques et des éléments attiques, auxquels se mêlent, çà et là, des solécismes et des barbarismes, dus sans doute à l’origine syrienne de l’auteur.


Après Héliodore, l’histoire du roman grec se continue pour nous, — faute sans doute de beaucoup d’œuvres disparues, — par les récits d’Achille Tatios et de Chariton de Lampsaque[568]. Le temps où ils ont vécu l’un et l’autre ne peut plus être surement déterminé ; mais on incline à les rapprocher plutôt du ve siècle que du iiie. Comme d’ailleurs le roman, entre leurs mains, peut passer pour le prélude du roman byzantin, nous réservons l’étude très sommaire de leurs œuvres pour le chapitre ou nous jetterons un coup d’œil sur la dernière époque de l’hellénisme. — Au contraire, la pastorale de Longus, bien que nous n’en connaissions pas mieux la date, procède d’un effort de création qui la rapproche des œuvres dont nous venons de nous occuper. Mieux vaut ne pas l’en séparer dans notre étude.

Par ses origines, la pastorale romanesque se rattache à l’idylle bucolique des Alexandrins. Elle a dû naître des souvenirs de Théocrite, de Bion et de Moschos ; et, en un certain sens, elle peut être considérée comme une résurrection de ce genre disparu, sous la forme nouvelle d’un récit en prose. La période de l’empire, par suite du développement de la vie urbaine, avait vu, dès ses débuts, se ranimer le goût des fictions rustiques. La philosophie du temps, détachée par principe du luxe et des habitudes mondaines, secondait ce mouvement spontané des esprits. Musonius, au premier siècle, recommandait l’agriculture et le séjour aux champs comme la meilleure vie et la plus saine. Dion de Pruse, un peu plus tard, se plaisait, dans son Euboïque, à peindre les mœurs pures et simples de deux familles isolées au milieu des bois et vivant la de la chasse ou du travail de la terre. Naturellement, les purs littérateurs, toujours à l’affût de la mode, suivaient. Alkiphron vers le milieu du second siècle, Élien, au début du troisième, composaient des lettres de campagnards. La sophistique mettait au nombre de ses exercices, soit les lettres de ce genre, soit les descriptions de sites pittoresques. À quel moment au juste entreprit-on pour la première fois de transporter cette mode dans le roman ? nous l’ignorons. Pour nous, l’œuvre de Longus est à la fois la première et la dernière de son espèce, et nous ne savons même pas quand elle fut composée.

L’auteur semble avoir été un sophiste, originaire de Lesbos[569]. On a cru pouvoir conjecturer, sans preuve bien solide d’ailleurs, qu’il a fait quelques emprunts à Alkiphron et qu’il a été imité à son tour par Achille Tatios[570] ; ce qui le placerait après le second siècle et avant le cinquième. Son œuvre, intitulée Daphnis et Chloé (Τὰ ϰατὰ Δάφνιν ϰαὶ Χλόην), comprend quatre livres. Bien que la célébrité de l’ouvrage ne doive pas nous en faire exagérer la valeur réelle, cette célébrité est loin d’être entièrement imméritée, et elle demande à être expliquée. Ce qu’on ne peut refuser à Longus, c’est d’avoir mieux discerné qu’aucun autre romancier grec la vraie nature du roman. Au lieu d’en faire un récit d’aventures, chargé d’incidents et de coups de théâtre, et d’en promener l’action de pays en pays, il l’a conçu comme une peinture de mœurs et de sentiments, presque dénuée d’événements, et enfermée dans un même lieu. Innovation excellente. À vrai dire, cela lui était à peu près imposé par la nature même de son sujet : la pastorale est essentiellement sédentaire ; si les bergers qu’elle met en scène voyageaient, ce ne seraient plus des bergers, et le récit cesserait par là même d’être une représentation de la vie rustique. Le cadre enchaînait donc le narrateur, et ce fut pour lui un grand bonheur.

Au lieu de décrire des pays inconnus et des merveilles de convention, Longus nous met sous les yeux la campagne de Lesbos, aux environs de Mytilène : des champs, des bois, des montagnes, une grotte avec une source consacrée aux Nymphes, et le rivage de la mer. Ses descriptions ont beau être prétentieuses et maniérées, elles sont cependant prises dans la réalité ; et ce qu’il y a en elles de vérité rachète leur élégance apprêtée. L’auteur a de l’imagination : il voit les choses, il s’entend à les grouper et à en dégager l’impression poétique. Chacune des saisons, qui forment comme les actes de son drame, est finement caractérisée ; il sait en noter non seulement l’aspect et le décor, mais l’influence morale, pour ainsi dire, c’est-à-dire la manière dont elle modifie l’action secrète que la nature exerce sans cesse sur l’homme. Les scènes champêtres qu’il invente, ou qu’il imite, ont un charme réel. Ce sont de toutes petites choses, mais qui plaisent. Il nous intéresse à la construction d’un piège à sauterelles préparé par Chloé, à l’accident de Daphnis tombé dans une fosse à loup, à la vendange, à la tristesse de l’hiver qui sépare les jeunes amants, à la description d’une maison de paysan où l’on fait bon feu pendant que le vent glacé souffle au dehors, à la simple peinture de deux vieux arbres revêtus de lierre, abri hospitalier où les merles et les grives se réfugient en foule, tandis que le sol est couvert de neige. Tout cela est précis, vivant, amusant. Les événements proprement dits sont loin de valoir ces jolis tableaux de genre. L’enlèvement de Daphnis par les pirates, sa délivrance miraculeuse par le dieu Pan, la guerre entre Mytilène et Méthymne ne peuvent guère passer que pour de médiocres inventions. Mais ces événements sont peu de chose dans le récit, et ils n’en altèrent pas le caractère général.

Sur ce fond de réalité, les sentiments aussi devaient nécessairement se rapprocher de la vérité. Par malheur, c’est ici que le défaut capital de l’œuvre apparaît. Le vrai sujet était la peinture d’un amour ingénu qui naît et se développe ; et ce sujet, délicatement traité, était charmant. Mais rien n’est plus difficile à peindre que l’ingénuité pour qui en manque absolument. Comment un sophiste, même heureusement doué, n’aurait-il pas gardé toujours et partout ses habitudes de raffinement ? C’en était assez pour tout gâter. En outre, ce qui semble avoir le plus tenté Longus dans la peinture qu’il entreprenait, c’est, il faut bien l’avouer, son côté scabreux. Sans doute, le trouble des sens, les désirs obscurs et inquiets y avaient leur place marquée ; mais il ne convenait ni qu’ils fussent sans cesse au premier plan, ni surtout que l’auteur conduisît ses deux personnages, de l’ignorance à la pleine connaissance, par une série méthodique d’initiations graduées. Là est le vice intime de son œuvre, ce qui en fait un livre suspect, et ce qui lui a valu auprès de ses nombreux lecteurs un succès d’assez mauvais aloi. Vice moral et vice littéraire, en même temps. Car non seulement l’auteur s’arrête avec complaisance à des scènes libertines, mais il prête simultanément à ses héros une ignorance prolongée et une curiosité incessante qui sont contradictoires. Nous sentons qu’il y a, dans ces inquiétudes qui s’analysent si savamment, dans ces plaintes raffinées, et surtout dans ces recherches malsaines, quelque chose de faux, qui a la prétention d’imiter la nature et qui en réalité la sophistique[571]. La traduction d’Amyot, revue par Paul-Louis Courier, a bien pu atténuer pour les lecteurs français les défauts du style de l’original, lui prêter une apparence de naïveté et de simplicité qui est très éloignée de son vrai caractère ; elle ne fait pas disparaitre cette tare native, qui est la marque d’un âge de décadence.

V

La poésie du iiie siècle, si pauvre qu’elle soit, ne peut pas être ici entièrement passée sous silence. Mais c’est lui faire toute la part qu’elle mérite que de la caractériser en quelques mots. Dans tous les genres, elle continue très obscurément celle du siècle précédent, sans rien innover, sans rien rajeunir, vide d’idées et de sentiments, dénuée d’imagination, et, bien souvent, n’ayant plus même pour elle la correction ni l’élégance de la forme.

Divers témoignages nous font entrevoir d’abord une poésie officielle, qui a pour centre Rome, pour sujet l’éloge des empereurs, vivants ou morts, ou encore la célébration des événements qui les touchent. C’est ainsi que la vie de Septime-Sévère, et en particulier son expédition contre les Parthes, avait été racontée en détail dans divers poèmes pseudo-historiques, dont nous ne connaissons même plus les auteurs[572]. Vers le même temps, Gordien, le futur empereur, composait, tout jeune encore, un poème épique en trente livres, intitulé l’Antoniniade, où il retraçait la vie d’Antonin le Pieux et celle de Marc-Aurèle[573]. Le cercle lettre de l’impératrice Julia Domna, dont nous avons parlé, ne goûtait pas moins la poésie que l’éloquence : on a vu que le poème des Cynégétiques, du second Oppien, lui fut dédié. Ce goût se perpétue à travers tout le iiie siècle. L’empereur Gallien, d’après Trebellius Pollion, non seulement favorisait la poésie, mais il la cultivait lui-même ; quand il célébra le mariage de ses neveux, nous dit ce biographe, tous les poètes « grecs et latins » de la cour composèrent des épithalames, et lui-même récita des vers dont il était l’auteur[574].

Le drame semble avoir complètement disparu. C’est vers la fin du iiie siècle, probablement, qu’on a cessé de jouer les tragédies classiques. Philostrate de Lemnos, dans ses Tableaux, remarque encore, à propos de l’Hercule furieux d’Euripide, qu’on peut le voir souvent sur la scène[575]. Mais, cent ans plus tard, Libanios attestera que la tragédie a quitté le théâtre et est désormais confinée dans l’école[576]. C’est donc entre ces deux dates qu’elle a cessé d’être jouée en public. Et non seulement on ne la joue plus, mais on ne l’imite même plus. Nous ne connaissons aucune œuvre de forme dramatique qui puisse être rapportée à ce temps, après les « tragédies » d’Œnomaos de Gadara, dont il a été question plus haut.

Les seuls genres qui subsistent sont l’épopée mythologique, la poésie didactique, et certaines formes de poésie lyrique.

L’épopée mythologique paraît avoir été spécialement exploitée par les érudits. Sous Septime-Sévère, le lycien Nestor, de Laranda, compose des Métamorphoses, dont il ne reste rien, et il réalise en outre le tour de force inepte de refaire une Iliade, en éliminant successivement de chacun des vingt-quatre chants la lettre de l’alphabet qui en marquait le numéro d’ordre (Ἰλιὰς λειπογράμματος)[577]. Un peu plus tard, son fils, Pisandre, sous Alexandre Sévère, met en vers tout un cycle mythologique en soixante livres, qu’il intitule Théogamies héroïques, c’est-à-dire unions des dieux et des mortelles, des déesses et des héros[578]. — Vers le milieu du siècle, un poète dont Porphyre seul nous a conservé le souvenir, Zoticos, ami de Plotin et critique de profession, après avoir donné une édition d’Antimaque, versifiait la légende de l’Atlantide « très poétiquement »[579]. — Mais, en ce genre, le mieux doué paraît avoir été l’égyptien Sotérichos, de la ville d’Oasis, qui, toute la fin du même siècle ou peut-être dans les premières années du suivant, sous Dioclétien, composa toute une série de poèmes[580]. Suidas cite de lui un Éloge de Dioclétien, une Histoire de Panthéa la Babylonienne, une Ariane, un Poème d’Alexandre, où était racontée la prise de Thèbes[581]. Il faut ajouter à cette liste des Calydoniaques et un Poème sur Oasis[582] mais sa grande œuvre paraît avoir été un poème mythologique, les Bassariques, en quatre livres, où il développait la légende de Dionysos[583]. C’est peut-être à ce poème perdu que Nonnos a dû la première idée de ses Dionysiaques, et, s’il en est ainsi, Sotérichos doit être associé en quelque mesure à l’honneur de la renaissance poétique dont Nonnos sera le chef.

La seule composition en vers, qui soit venue jusqu’à nous, entre celles qu’on peut rapporter à ce temps, est un poème didactique sans valeur littéraire, relatif à la divination. Ce poème, qui porte le nom de Manéthon et qui a pour titre Ἀποτελεσματιϰά, développe en six livres une série de règles astrologiques ; assemblage confus, dont la plus grande partie, tout au moins, semble trahir une origine à peu près contemporaine d’Alexandre Sévère, tandis que d’autres parties appartiennent au ive siècle[584].

La poésie lyrique n’est plus représentée au iiie siècle par aucun nom important. Ce n’est pas à dire qu’elle eut cessé d’exister. Elle se perpétuait certainement entre les mains d’amateurs aujourd’hui inconnus, inventeurs oubliés de poèmes anacréontiques dont les œuvres figurent peut-être dans le recueil dont il sera question plus loin, épigrammatistes noyés dans les anthologies, ou encore auteurs d’odes de circonstance qui ont péri. Philostrate, dans une de ses lettres (Epist. 71), recommande à un ami riche et puissant un certain poète Celse, qui avait raconté toute sa vie dans des chansons d’amour, « comme font, dit-il, les naïves cigales ». Il a pu se rencontrer beaucoup de cigales de cette sorte dans le courant du iiie siècle ; nous ne perdrons pas notre temps à leur faire la chasse.

VI

En face de la littérature frivole, nous avons vu se constituer, dès le siècle précédent, une littérature historique et philosophique, qui, sans atteindre à une originalité supérieure, nous a paru cependant l’emporter par le sérieux, la sincérité, le goût de la raison. Cette antithèse se continue à travers tout le troisième siècle, à peu près dans les mêmes conditions. Et, là aussi, nous rencontrons, dans l’histoire et dans la philosophie, des esprits sains, vraiment dignes d’estime.

La bonne tradition historique, en particulier, qui avait été si heureusement renouvelée, au temps de Trajan, d’Adrien et des Antonins, par Plutarque, par Arrien, par Appien, est alors représentée par un Dion Cassius, un Hérodien, un Dexippos. C’est un plaisir d’opposer aux creuses inventions des sophistes leurs œuvres sensées et instructives. Comme Arrien et comme Appien, tous trois sont des hommes d’affaires, qui se sont formés dans la vie pratique, et dont l’esprit, au lieu de se remplir de chimères, s’est appliqué de bonne heure aux réalités.

Dion Cassius (Cassius Dio Cocceianus) nous est surtout connu, quant à sa vie, par ce qu’il a dit de lui-même[585]. Né à Nicée, en Bithynie, un peu avant 155[586], il se rattachait par ses origines au philosophe Dion Chrysostome, de Pruse. Sa famille était des premières de la province. Son père, Cassius Apronianus, fut gouverneur de Dalmatie et de Cilicie sous Marc-Aurèle[587] ; élevé par lui, le jeune Dion s’habitua de bonne heure à voir de près le fonctionnement de l’administration romaine, et il recueillit de sa bouche quantité de renseignements qu’il ne manqua pas d’utiliser plus tard[588]. Il dut venir à Rome dans les dernières années du règne de Marc-Aurèle, car il était déjà sénateur en 180, lorsque Commode prit le pouvoir[589]. Durant les treize années de son règne, il vécut à Rome, où il parut devant les tribunaux, comme accusateur ou comme défenseur[590]. Il eut ainsi l’occasion de connaître presque tous les hommes qui jouaient ou avaient joué un rôle dans les affaires de l’État, et il fut lui-même le témoin des folies du fils de Marc-Aurèle. Ami de Pertinax, il fut de ceux qui le saluèrent empereur en 193. Pertinax le désigna pour la préture, qu’il n’exerça qu’en 194[591]. Déjà, il avait publié un livre Sur les songes et les pronostics (Περὶ τῶν ὀνειράτων ϰαὶ τῶν σημείων) ; Septime-Sévère, alors simple général, l’ayant lu, y avait trouvé des raisons de croire à sa grandeur future, et avait écrit à l’auteur pour le complimenter[592]. Des relations amicales s’étant ainsi établies entre eux, l’avénement de Sévère (à la fin de 193) fut une bonne fortune pour Dion. Il exerça alors sa préture (194) ; et c’est à ce moment qu’il se fit historien.

Un songe lui avait révélé sa vocation[593]. Il écrivit d’abord l’histoire du règne de Commode, et il la soumit à Sévère : l’approbation et les encouragements de l’empereur le décidèrent à étendre son plan ; il entreprit d’écrire toute l’histoire de Rome, depuis les origines jusqu’à son temps. Il mit dix ans à en rassembler les matériaux, de 200 à 209 probablement, puis douze ans à les mettre en ordre et à les rédiger. La plus grande partie de son ouvrage, jusqu’à la mort de Septime-Sévère en 211, était donc achevée vers 221, un peu avant l’avénement d’Alexandre Sévère[594]. Les dix-neuf années du règne de Septime-Sévère ne lui avaient pas apporté de charges nouvelles. Soit que les dispositions de l’empereur à son égard fussent devenues moins favorables depuis qu’il s’était pris d’admiration pour Commode, soit que Dion préférât se donner tout entier à un travail qui devait immortaliser son nom, il semble avoir passé tout ce temps dans une sorte de retraite, tantôt à Rome même, tantôt en Campanie, à Capoue[595]. Sous Caracalla (211-217), il se vit obligé d’accompagner l’empereur dans plusieurs de ses expéditions, sans profit pour son avancement[596]. Macrin, en 218, le nomma commissaire impérial à Smyrne et à Pergame[597] ; fonction qu’il dut exercer pendant plusieurs années. Quand il la quitta, ce fut pour rentrer dans son pays, en Bithynie, où la maladie le retint quelque temps[598]. Mais justement alors, la fortune lui redevenait plus favorable, peut-être par suite de l’influence nouvelle d’Alexandre Sévère adopté en 221 par Élagabale, et de sa mère, Mammæa. Il dut être honoré vers ce temps d’un premier consulat ; bientôt après, il était appelé au gouvernement de la province d’Afrique, vers 224. Sa fermeté et son intelligence le désignèrent pour une situation plus difficile : il passa du gouvernement de l’Afrique à celui de la Dalmatie et de la Pannonie supérieure[599], où sa sévérité le fit redouter des légions. De retour à Rome, il faillit périr avec Ulpien dans une sédition des prétoriens[600]. Alexandre Sévère réussit à le sauver, et le désigna pour être son collègue dans un second consulat, en 229 ; en même temps, toutefois, il l’éloignait de Rome, par prudence. Dion revêtit donc sa charge en Campanie, ce qui ne l’empêcha pas de venir se montrer à Rome, quelques jours au moins, en qualité de consul ; mais il était vieux et infirme ; il obtint la permission de se retirer dans son pays, en Bithynie, où il passa ses dernières années[601]. Ce fut alors qu’il reprit son œuvre interrompue et conduisit son histoire au moins jusqu’à la date de son second consulat, sous une forme d’ailleurs plus rapide. Il dut mourir entre 230 et 240, âgé d’environ quatre-vingts ans. Outre son grand ouvrage, Suidas lui en attribue plusieurs autres, qui semblent n’en être que des parties détachées, et une Vie du philosophe Arrien, sur laquelle nous ne possédons aucun autre témoignage.

L’Histoire romaine (Ῥωμαϊϰὴ ἱστορία) comprenait quatre-vingts livres, répartis d’après Suidas en huit décades. Elle nous est parvenue fort mutilée. Vingt-quatre livres seulement (de XXXVI à LX) subsistent dans les divers manuscrits. Ils embrassent l’importante période qui va de l’an 68 avant J.-C. à l’an 47 de l’ère chrétienne, c’est-à-dire la fin de la république, les règnes entiers d’Auguste, de Tibère, de Caligula, et les premières années de celui de Claude. De plus, un manuscrit unique (Vatic. 1288) nous a conservé des parties mutilées des livres LXXVIII et LXXIX, relatifs aux règnes de Caracalla, de Macrin et d’Élagabale. Enfin, des fragments des trente-cinq premiers livres ont été retrouvés dans les extraits rassemblés par les soins de l’empereur Constantin Porphyrogénète. Voilà tout ce qui reste de l’œuvre originale. Pour suppléer à ce qui manque, nous avons surtout l’abrégé qui fut rédigé dans la seconde moitié du xie siècle par le moine Jean Xiphilinos de Constantinople. Par malheur l’exemplaire dont se servait Xiphilinos était déjà incomplet. L’abrégé ne commence qu’au livre XXXV, et il laisse de côté certaines parties (le règne d’Antonin le Pieux et les dix premières années de Marc-Aurèle) qui manquaient à l’abréviateur. Il faut recourir, pour y suppléer, soit à l’Histoire abrégée composée au xiie siècle par Jean Zonaras, qui a mis grandement à profit l’ouvrage de Dion Cassius[602], soit à quelques autres compilateurs byzantins, qui l’ont également utilisé.

Quel fut au juste le dessein de Dion lorsqu’il entreprit cette œuvre immense ? C’est ce qu’il est difficile aujourd’hui de déterminer avec certitude, car nous n’en possédons plus le début, où l’on doit supposer qu’il s’expliquait sur ses intentions. Mais il semble bien, à vrai dire, qu’il ne se soit formé aucune conception originale du rôle de l’historien. Il ne se propose de suivre spécialement ni l’histoire du développement de la puissance romaine, ni celle des institutions ou des mœurs, ni enfin celle des idées. Il n’a voulu que refaire ce qu’on avait fait avant lui, avec la prétention de faire mieux. Ce mieux, dans sa pensée, consistait à la fois en une information plus étendue et en une narration plus vivante. Alors même qu’il n’aurait pas parlé de son travail de préparation, prolongé pendant dix ans, nous en devinerions le sérieux et la durée, rien qu’à voir la solidité de son récit. Toutefois, dans cette préparation même, il n’a rien changé aux méthodes traditionnelles. Il a lu avec soin, comparé, critiqué les uns par les autres les historiens des différents âges de Rome, les Latins tels que Varron, Salluste, César, Asinius Pollion, Tite-Live, quoiqu’il les nomme peu ou point, sans doute aussi les Grecs, tels que Polybe, Denys d’Halicarnasse ; mais il ne paraît pas être remonté jusqu’à leurs sources ni avoir cherché à les compléter ou à les corriger par l’étude des mémoires, des correspondances, des archives, des monuments. L’enquête historique n’a donc fait entre ses mains aucun progrès. Elle est de valeur moyenne, précieuse encore pour nous par l’abondance et le bon choix des détails, mais bien moins curieuse et suggestive que celle de Plutarque par exemple. Le souci de l’exactitude, chronologique et géographique, atteste la conscience de l’auteur. Dans la dernière partie de son ouvrage, très mutilée, Dion parlait, souvent en témoin, des choses qui s’étaient passées de son temps. Ce qu’il en dit présente un intérêt particulier. Mais cela est exceptionnel. D’ailleurs, Dion a de véritables faiblesses d’esprit : les songes et les présages deviennent pour lui des événements graves, et il en multiplie les relations jusqu’au ridicule. En dehors de cela même, son esprit, naturellement judicieux, manque de hauteur et de pénétration. Il ne sait ni s’élever librement au-dessus des préjugés et des partis pris, ni embrasser l’ensemble d’une époque ou le rôle total d’un homme d’État, ni dégager les grands traits d’une figure historique. Son récit est sensé, substantiel, instructif, d’une exactitude générale très probable ; on se dit, en le lisant, qu’on n’est pas trompé ; mais on n’a pas le sentiment d’être pleinement et vivement éclairé sur beaucoup de choses obscures qui seraient pourtant importantes à connaître.

Comme il fallait en ce temps qu’on imitât toujours un des grands auteurs classiques, Dion avait pris Thucydide pour modèle[603]. Nous venons de voir de combien il s’en est fallu qu’il lui ressemblât dans la partie scientifique de sa tâche. On ne peut pas dire qu’il soit beaucoup plus près de lui comme écrivain. Ses qualités littéraires semblent pourtant avoir été très estimées de ses contemporains et des lettrés des siècles suivants. Photius loue la noblesse de son style, le choix de ses expressions, la construction savante de ses périodes et leur rythme, la clarté générale de son langage ; et ces éloges ne sont pas entièrement immérités. Dion, préparé par une éducation littéraire très soignée, s’est appliqué à écrire dans une langue classique, sans recherche sophistique et sans affectation d’atticisme[604]. L’allure générale de son récit est simple : on le lit sans effort, souvent même avec plaisir. Mais, au fond, son art n’a rien de vraiment distingué. Des narrations monotones, sans traits vigoureux, sans vivacité, sans imagination ; des réflexions quelquefois insignifiantes, toujours dépourvues d’accent et de relief ; une certaine sécheresse, qui se fait sentir partout. Comme Thucydide et les historiens classiques, il insère fréquemment des harangues dans son histoire. Plusieurs de ces compositions ne sont pas sans mérite : on cite, comme intéressants pour l’historien, les deux longs programmes d’administration qu’Agrippa et Mécène sont censés développer devant Auguste au livre LII. Mais en général ces morceaux de prétendue éloquence sont singulièrement fastidieux. Dion n’a aucunement le sens dramatique qui donne la vie aux personnages. Il n’a ni assez de philosophie pour dégager les idées essentielles d’une situation, ni assez d’art pour les mettre en valeur. Faute de ces qualités, ses harangues, décolorées et prolixes, ne sont trop souvent que des hors-d’œuvre.


Moins connu aujourd’hui que Dion, Hérodien lui est au moins égal en mérite, quoique son œuvre n’ait ni la même étendue, ni la même importance historique[605]. Nous voyons, par son propre témoignage, qu’il était déjà en âge d’observer à la mort de Marc-Aurèle en 180, et qu’il vécut au delà de 250. On peut donc circonscrire approximativement sa vie entre 165 et 255. Nous ignorons son pays ; mais il est certain qu’il se regardait comme chez lui en Italie[606]. Il déclare avoir exercé des charges impériales ou publiques, ce qui donne à penser qu’il dut être quelque chose comme avocat du fisc ou procurateur impérial, et qu’il parvint peut-être ensuite à de plus hautes charges, mais sans parcourir la carrière des honneurs[607]. Son œuvre atteste qu’il reçut une éducation littéraire des plus soignées. Il semble avoir entrepris d’écrire lorsqu’il était déjà âgé, vers 250, avec l’intention d’embrasser dans son récit les soixante-dix ans qui s’étaient alors écoulés depuis la mort de Marc-Aurèle[608]. En réalité, il ne dépassa pas l’année 238, date de l’avènement de Gordien III.

L’ouvrage d’Hérodien est proprement une histoire des successeurs de Marc-Aurèle (Τῆς μετὰ Μάρϰον βασιλείας ἱστορίαι) ; elle comprend huit livres, division qui est marquée par l’auteur lui-même. Son dessein, il nous le dit, a été de raconter les actes des empereurs dont il avait eu connaissance directement[609]. C’était donc la personne des souverains qu’il avait en vue plus que les destinées de l’empire ; et, en fait, son ouvrage a un caractère biographique, qu’on est on droit de regretter sans doute, puisqu’il exclut beaucoup de choses des plus intéressantes, mais qui semble avoir été voulu par l’auteur. Quant à la sincérité dont il fait profession avec quelque emphase dans sa préface, elle paraît réelle[610]. Hérodien a eu sans doute ses préjugés, il a pu se tromper dans certaines appréciations, mais il semble avoir recherché loyalement la vérité. Il mentionne souvent ceux qui ont écrit sur les choses de son temps, quoique, en général, sans les nommer. Il a dû les lire ; mais son information, ordinairement, paraît reposer plutôt sur des souvenirs, sur des notes prises au jour le jour, sur ce qu’il a vu ou entendu dire. Elle est intéressante, sans être ni très curieuse des détails, ni même toujours assez précise. Peu de chronologie, sauf les grandes indications, peu de géographie, aucune connaissance des choses militaires. Ce qui paraît l’attirer le plus et ce qu’il note le mieux, bien qu’à grands traits encore, c’est le côté moral de l’histoire, le caractère des empereurs et de leurs conseillers, les influences qu’ils ont subies, les mouvements de l’opinion. Imitateur de Thucydide, de même que Dion, mais avec une méthode plus consciente, il a emprunté à son modèle cette conception psychologique de son rôle. Son plus grand tort est de ne pas savoir se défendre assez de la rhétorique. Bien qu’il ait de la réflexion, ses trop nombreuses harangues sont fâcheuses par l’abus des souvenirs classiques ; elles le seraient bien plus encore, s’il n’avait heureusement visé à la concision. Ses récits ont beaucoup plus de mérite. Hérodien ne manque ni d’imagination ni d’art ; et c’est par là qu’il l’emporte sur Dion ; il sait composer une scène, détacher un personnage, donner aux moments dramatiques leur valeur et leur effet. Si sa langue n’est pas très pure, si la phrase est parfois d’une forme étudiée qui sent l’imitation et l’artifice, le style a pourtant de la tenue, et même, çà et là, un certain éclat[611]. On sait gré à l’auteur de n’être ni sottement affecté ni insipide, comme l’étaient les purs rhéteurs du temps.

Hérodien est resté pour nous le principal témoin d’une période agitée ; et ce sont en partie ses récits que nous retrouvons dans ceux des historiens latins du temps de Dioclétien et de Constantin, tels que Spartien, Lampride et Capitolin, qui ont raconté les mêmes événements.

Nous n’avons pas à nous arrêter ici sur d’autres historiens tout à fait secondaires du même siècle, dont il ne nous reste que les noms ou de courts fragments. Il suffit de nommer : Asinius Quadratus, qui écrivit en ionien l’Histoire de Rome depuis sa fondation jusqu’à la mort d’Alexandre Sévère, et une Histoire des guerres des Parthes assez souvent citée ;[612] — Callinicos surnomme Suctorios, de Petra, en Palestine, qui enseignait la rhétorique à Athènes vers la fin du iiie siècle et composa un recueil curieux de Récits Alexandrins, en dix livres (Περὶ τῶν ϰατ’Ἀλεξάνδρειαν ἱστοριῶν βιϐλία δέϰα[613] ; — Nicomaque et Callistrate de Tyr, historiens d’Aurélien[614]. — Seul, entre ces écrivains disparus, Dexippos mérite d’être signalé[615]. Publius Herennius Dexippos, d’Athènes, appartenait à la famille sacerdotale des Kéryces ; il vécut dans la seconde moitié du iiie siècle. Orateur et historien, ce fut aussi un homme public et un général énergique. Il exerça les hautes charges d’archonte-roi, puis d’archonte éponyme ; et quand les Hérules, sous Gallien, en 267, ravagèrent l’Achaïe et prirent Athènes, ce fut lui qui organisa la résistance et sauva son pays. Ce vaillant homme avait composé plusieurs ouvrages historiques : une Histoire des successeurs d’Alexandre (Τὰ μετ’ Ἀλέξανδρον), une Chronique (Χρονιϰά), une Histoire des guerres des Scythes (Σϰυθιϰά). Sa Chronique révélait surtout un érudit soucieux d’exactitude ; c’était un exposé chronologique des grands faits de l’histoire universelle, depuis les temps fabuleux jusqu’à l’année 269 ; elle est souvent citée par les historiens de l’Histoire Auguste, et Eusèbe, qui l’a continuée, en atteste la minutie laborieuse[616]. Dans ses histoires, il devait ressembler à Hérodien, plus encore par ses défauts que par ses qualités. Comme lui, il croyait bien faire d’imiter Thucydide, et, comme lui aussi, il s’appliquait à composer de belles harangues. Les fragments qui nous restent des Successeurs d’Alexandre semblent provenir de deux discours, prêtés par lui l’un à Hypéride, l’autre à Phocion. Dans ses Guerres des Scythes, où il racontait en détail les invasions des barbares dont il avait été le témoin, il s’était mis lui-même en scène ; on peut lire encore une partie d’une harangue qu’il était censé avoir tenue aux Athéniens, quand il les arma contre les Goths (fr. 21). Du même ouvrage proviennent deux discours, une adresse des députés barbares à l’empereur Aurélien et la réponse de l’empereur (fr. 24). Les autres extraits sont d’intéressantes descriptions de sièges, où l’on reconnaît un narrateur exact, mais un écrivain médiocre.

Nommons enfin, pour clore cette liste, le philosophe Porphyre, dont nous parlerons bientôt plus au long. Il appartient à la série des historiens par sa Chronique, dont Eusèbe a grandement profité ; mais cette chronique elle-même n’intéresse guère l’histoire de la littérature[617].

À côté de l’histoire politique, nous pouvons placer ici l’histoire de la philosophie, qui est représentée en ce temps par l’œuvre, très médiocre, mais très renommée, de Diogène Laërce.

Personne, à ce qu’il semble, ne s’était encore avisé en Grèce d’embrasser dans un ouvrage d’ensemble l’histoire de toutes les écoles philosophiques à la fois. Chaque secte avait ses archives et ses traditions. Elle conservait avec soin la liste des maîtres qui s’étaient succédé à sa tête depuis son fondateur ; c’était un point d’honneur pour elle que de pouvoir montrer qu’elle se rattachait à lui par une filiation non interrompue. En outre, elle gardait souvent sa bibliothèque, accrue peu à peu, ses ouvrages et ceux de ses principaux successeurs, leurs testaments, qui étaient à la fois de précieux souvenirs et des titres de propriété. D’assez nombreux écrivains avaient mis à profit ces documents ; les uns, tels qu’Aristoxène, Speusippe, Hermippe, Antigone de Carystos, pour composer des biographies, les autres tels que Sotion, et après lui Héraclide Lembos, pour établir les successions des chefs d’école (διαδοχαὶ φιλοσόφων) ; d’autres encore, tels que Théophraste, Areios Didymos, Aetios, pour résumer les points essentiels des doctrines de chaque secte. Mais ces ouvrages ne touchaient qu’à des parties restreintes de l’histoire de la philosophie. Cette histoire elle-même restait à écrire.

Diogène Laërce n’était pas l’homme qui aurait pu combler cette lacune. Suivre le développement des idées, noter dans leurs transformations la part des individus et celle des temps, étudier l’entrecroisement des influences à travers les relations et les dissidences des écoles, était une entreprise qui eût demandé un esprit supérieur. Il n’avait, lui, que la patience et les aptitudes d’un compilateur, et il n’a fait qu’une compilation.

La forme exacte de son nom est douteuse. Il s’appelait peut-être Diogène Laertios, mais plus probablement Diogène tout court, originaire de Laerte en Cilicie[618]. Non seulement sa vie nous est entièrement inconnue, mais nous ne savons pas même sûrement en quel temps il a vécu. Ce qui paraît autoriser à le placer au commencement du iiie siècle, c’est que, d’une part, il conduit l’histoire du scepticisme jusqu’au premier successeur de Sextus Empiricus (IX, 116), et que, d’autre part, il ignore entièrement le néoplatonisme. Il semble avoir été épicurien, du moins de tendance. Son ouvrage s’adressait à une femme de haut rang, curieuse de philosophie (III, 47), dont le nom n’a pas été conservé. Le dessein en est des plus superficiels : énumérer les principaux représentants de chaque école, résumer leur biographie, en y faisant entrer le plus possible d’anecdotes et de bons mots, donner ensuite une liste de leurs ouvrages et un aperçu de leurs théories, voilà tout ce qu’il a eu en vue. Il paraît avoir cru que c’était là l’histoire de la philosophie.

Son exposé comprend dix livres. Les deux premiers traitent des Sept Sages, des premiers philosophes, de Socrate et de ses disciples, à l’exception de Platon. Celui-ci occupe à lui seul tout le iiie livre ; l’Académie, le ive. Le ve nous fait connaître Aristote et ses disciples ; le vie, les Cyniques ; le viie, les Stoïciens. Au viiie livre, nous revenons à Pythagore et à son école. Dans le ixe, nous trouvons, pêle-mêle, Héraclite, les Éléates, Leucippe et Démocrite, d’autres encore, et enfin les Sceptiques. Le xe est tout entier pour Épicure et les Épicuriens. Dans tout cela, ni plan réfléchi, ni pensée philosophique ; et nul mérite, ni d’écrivain, ni de critique. Diogène a dépouillé d’autres ouvrages, c’est tout son rôle[619]. La valeur de son livre consiste dans la grande quantité de faits qu’il nous a conservés. S’il a droit de figurer parmi les œuvres littéraires, c’est donc seulement en raison du dessein qui l’a inspiré et de l’influence qu’il a exercée : tout imparfait qu’il est, il a contribué à établir que la philosophie doit avoir son histoire, et il a suggéré à d’autres l’idée de l’écrire.

VII
Le seul effort de création vraiment original qui ait été fait par l’esprit grec au iii, c’est celui des Néoplatoniciens[620].

Depuis longtemps, quelque chose en fait de philosophie se préparait. Les vieilles doctrines s’étaient peu à peu rapprochées ; elles tendaient à se fondre les unes dans les autres, en absorbant ce qui subsistait des anciennes religions helléniques et en attirant certains éléments des croyances nouvelles. Une synthèse était nécessaire, mais elle se faisait attendre. Elle avait apparu, imparfaite, timide, confuse encore, chez un Philon, un Plutarque, un Nouménios. Au commencement du iiie siècle, nous la retrouvons toujours hésitante, toujours dominée par des questions particulières, chez le péripatéticien Alexandre d’Aphrodise, qui nous a laissé d’abondants et précieux commentaires sur plusieurs traités d’Aristote[621]. Tout cela avait son prix ; mais ce n’était pas là cette pleine et profonde appropriation de l’hellénisme aux besoins du jour qui, seule, pouvait lui permettre de durer encore[622]. Elle ne se produisit que vers le milieu du siècle, aux heures les plus sombres de l’anarchie ; et elle fut l’œuvre de Plotin. Il est vrai que, si la place de celui-ci est grande dans l’histoire des idées, elle est en somme petite dans celle des lettres ; et par conséquent, au point de vue qui est le nôtre, un simple aperçu de son œuvre devra suffire. Mais il faut essayer au moins de marquer en quelques traits ce qui fait sa valeur comme penseur et de faire entrevoir, à travers l’imperfection de ses ouvrages, la vigueur de son génie.


Né en 204 à Lycopolis d’Égypte, et mort à 66 ans, en 270, Plotin fit tout ce qui dépendait de lui pour vivre caché[623]. Son enfance et sa jeunesse se passèrent à Alexandrie. Ce fut là que les leçons d’Ammonios Saccas lui révélèrent la philosophie[624]. Il les suivit pendant onze ans, de 232 à 243. En 243, désireux de s’initier à la sagesse renommée des Perses et des Indiens, il accompagna l’empereur Gordien III dans son expédition contra Ctésiphon et faillit périr au milieu du désastre de l’armée. Il put s’échapper, gagna Antioche, puis vint s’établir à Rome, en 244, sous la règne de Philippe l’Arabe. C’est là qu’il vécut pendant ses vingt-six dernières années, entouré d’un cercle de disciples, et tout absorbé par son enseignement, qu’une inspiration divine semblait animer. La profondeur de ses pensées, la pureté de son caractère, plus que son talent de parole, lui attiraient des auditeurs nombreux, parmi lesquels des sénateurs et plusieurs femmes distinguées. L’empereur Gallien (260-268) et sa femme, l’impératrice Salonine, lui témoignèrent une constante faveur[625]. Mais la simplicité de sa vie n’en fut pas altérée. Il touchait à peine à la vieillesse, lorsqu’il mourut en Campanie, près de Pouzzoles, dans un lieu où il se rendait fréquemment en été.

Plotin a écrit pendant toute sa vie, sans se soucier un seul instant de bien écrire. Jamais, nous dit Porphyre, il ne se relisait ; il ne s’attachait qu’à la valeur de la pensée, et ne se préoccupait ni de style, ni même d’orthographe[626]. Ce premier jet était d’ailleurs le résultat d’une méditation aussi profonde qu’abondante. Les pensées se pressaient dans son esprit ; il ne prenait pas le temps de les exprimer. Il fallait, en le lisant, deviner ce qu’il avait voulu dire, à travers un enchevêtrement de phrases incomplètes et incorrectes. L’espèce d’enthousiasme intellectuel que provoquait en lui le travail de la pensée, loin d’atténuer ces défauts, les aggravait plutôt, en l’empêchant de s’en rendre compte[627].

Ce sont ces notes, jetées ainsi au jour le jour, sans plan préconçu, sans titres distincts, et publiées par traités isolés à partir de 253, que Porphyre, sur l’invitation de son maître, recueillit, classa, organisa de son mieux, et qu’il nous a transmises[628]. L’ouvrage ainsi constitué fut nommé par lui les Ennéades (Ἐννεάδες (Enneades)), c’est-à-dire les Neuvaines, parce qu’il avait groupé ces dissertations par séries de neuf livres. Le tout forme cinquante-quatre livres, six neuvaines. En rassemblant ces morceaux détachés, Porphyre a essayé d’y mettre quelque ordre, et lui-même nous a exposé son plan[629]. La première ennéade se rapporte principalement à la morale ; la seconde et la troisième, au monde et à la manière dont il est gouverné ; la quatrième, à l’âme ; la cinquième, à la raison ; la sixième, à certaines questions sur la nature de l’être. Dans chaque ennéade, les dissertations se suivent selon l’ordre dans lequel elles ont été composées. Mais ce plan est plus apparent que réel ; car, en fait, il y a de tout dans chacune des parties de l’œuvre, et la faute n’en est pas à l’ordonnateur : ces méditations complexes ne pouvaient être assujetties à aucun arrangement vraiment organique.

Si un tel ouvrage peut séduire les initiés, il semble fait pour repousser les simples lecteurs. Et pourtant, en tant qu’il révèle et qu’il éclaire profondément certaines parties intimes de l’âme des contemporains, il est de nature à intéresser quiconque réfléchit.

Ce qu’il exprime d’abord, avec une force et une sincérité singulières, c’est le détachement des choses terrestres, le désir et le besoin de libérer l’âme du corps[630]. L’ascétisme grec, tel qu’il s’était développé depuis Socrate, chez Antisthène, chez Zénon, chez Épictète, vient aboutir à ce livre comme à son terme naturel. Seulement, la rupture des liens matériels, l’indifférence aux choses qui ne dépendent pas de nous, n’y sont plus présentées comme une fin, ni comme le suprême effort de la vie. Elles y sont posées en principe, comme la donnée préalable de toute philosophie. Le stoïcisme tendait à affranchir l’homme. Pour Plotin, cet affranchissement est le point de départ de toute activité intellectuelle et morale. Impossible de se mettre plus résolument hors du monde, de se jeter plus immédiatement dans l’idéal. Plotin, nous dit Porphyre, semblait rougir d’être dans un corps, ἐῴϰει αἰσχυνομένῳ ὅτι ἐν σώματι εἴη (eôkei aischunomenô hoti en sômati eiê)[631]. Voilà le parti pris fondamental. De là, l’élan premier et décisif, qui emporte toute la doctrine : nous avons affaire à un homme qui commence par rejeter l’humanité. Terme nécessaire d’une tendance née de l’hellénisme, mais destructrice du vrai esprit hellénique. Dès que la raison avait commencé à critiquer les conditions normales de la vie, à vouloir soustraire l’homme a la loi de la nature, considérée comme une servitude, elle devait peu à peu en venir là. Plus les liens de la cité se détendirent, plus le mouvement se précipita. Dans les misères du iiie siècle, dans le néant politique, dans la confusion sociale, il était fatal qu’un grand esprit le conduisît d’un seul coup à son terme. La philosophie de Plotin est la voix d’une humanité qui voudrait s’échapper du monde : la grande affaire de l’homme n’est décidément pas de vivre ici-bas ; et le premier usage qu’il doit faire de la raison étant de comprendre qu’il est captif dans la matière, le premier effort de sa volonté doit être de s’élancer au delà.

Cet au delà est justement l’objet propre de la pensée du sage et de son amour. Pensée et amour découvrent Dieu dans une infinie profondeur, par delà tout ce qui peut être exprimé ou même compris. Ce qu’on a pris pour Dieu en des temps divers n’est qu’une série de degrés qui mènent à lui, mais qui ne l’atteignent pas. Condensant, en un large système d’éclectisme, des éléments de théologie empruntés à toutes les philosophies et à toutes les religions de l’hellénisme, Plotin se plaît à montrer cette hiérarchie de l’être, qui part de la matière, monte du corps à l’âme, de l’âme à la raison, de la raison à Dieu. Il étend et décompose sa notion de la divinité, de façon à y faire entrer tout ce que l’humanité a cru en apercevoir dans le passé, bien qu’il s’élève lui-même toujours plus haut. Il croit aux démons avec Hésiode, aux dieux de la mythologie avec les vieux poètes, avec le peuple, avec la tradition des cultes publics et privés, au démiurge avec Timée, et la divinité des astres avec Aristote et les Stoïciens, à celle des idées avec Platon[632]. Mais rien de tout cela ne lui suffit ; car, plus l’esprit monte vers l’abstraction, plus l’abstraction recule devant l’esprit. Et il arrive ainsi jusqu’à l’unité absolue, jusqu’à l’être qui, n’étant qu’être, lui semble la réalité même. Il a synthétisé la plus pure substance des croyances antérieures sans en rien laisser perdre, il en a organisé les éléments, et maintenant il les dépasse, ou il croit les dépasser. Non qu’il ait la prétention d’ouvrir des voies nouvelles. Il se dit platonicien, et il interprète Platon. Mais son interprétation, portée à la fois par le rêve et par la logique, prend librement son essor, sans douter de sa légitimité. Or, c’est là ce qui fait sa force. Elle s’adresse, pleine de confiance, à toutes les habitudes de foi ancienne comme à toutes les puissances de croire non satisfaites encore ; et, chose que personne jusque là n’avait su faire, elle les entraîne, à travers les créations successives de l’hellénisme, jusqu’à quelque chose qui semble supérieur et nouveau. En cela aussi, elle répond à un besoin profond des contemporains, ou mieux à plusieurs besoins, également impérieux, quoique contradictoires. Plotin ne détruit rien : il concilie, il transforme, il fait à chaque chose sa place ; et, pourtant, sous ses conciliations, il y a une pensée qui va de l’avant, un élan qui donne le sentiment du progrès.

Mais ce qu’il apporte surtout, comme nouveauté, ce ne sont pas tant des idées que des tendances et des méthodes. D’autres avant lui, et depuis longtemps, avaient introduit le mysticisme dans la conscience grecque[633] ; il est le premier qui l’ait mis au cœur même de l’hellénisme, en le proclamant la suprême forme de la vie intellectuelle et morale.

Déjà, sans doute, Platon avait enseigné que la fin de l’homme était de se faire semblable à Dieu (ὁμοιοῦσθαι τῷ θεῷ (homoiousthai tô theô)). Cette formule, Plotin la garde, il la répète sans cesse, il en fait la loi même de l’activité humaine, mais il lui donne une tout autre portée. Car la plupart des choses qui semblaient à Platon des moyens de se mettre en contact avec Dieu n’ont plus pour lui qu’une valeur secondaire. Il ne s’intéresse vraiment ni à la science, ni à l’État ; il n’a au fond qu’un médiocre sentiment de la beauté, qui passionnait son maître. Ce qui l’attire, ce qui l’absorbe, c’est la contemplation par l’intelligence. La vraie vertu pour lui, celle qui est digne de l’homme, ce n’est pas celle qui se manifeste dans la société, bien qu’elle lui paraisse à coup sûr nécessaire et bonne ; il l’approuve, mais elle ne le retient pas. Il faut s’unir à Dieu par la pensée, monter à Dieu, vivre en Dieu : voilà le but ; voilà ce qui vaut la peine d’être constamment cherché.

L’intelligence humaine désormais doit s’orienter vers cette idée. Tous ses efforts, toutes ses démarches tendront là. Elle ne cherchera plus à connaitre le monde pour l’admirer, encore moins pour savoir s’y conduire ; elle n’y verra qu’un degré nécessaire qu’il faut franchir ; elle y mettra le pied pour le dépasser[634]. Toujours plus haut et plus loin. L’homme lui-même, l’âme, la société ne sont pas des choses sur lesquelles elle puisse s’arrêter. Elle les considère en passant ; c’est une connaissance qui prépare la vraie connaissance ; rien de plus. Il faut apprendre à voir, au travers de ce qui est sensible, ce qui ne l’est plus ; il faut habituer le regard de l’âme à se poser sur l’intelligible. Cela exige une purification constante (ϰάθαρσιν (katharsin)), pour qu’elle ne soit plus ni troublée ni offusquée par rien de ce qui vient des sens. Ainsi la vie intérieure, absorbée dans l’idée de Dieu, se substitue à la vie active. Tout l’homme est pris par cette poursuite éternelle d’une vision qui dépasse sa nature, mais qui lui apparaît désormais comme seule digne de son amour.

Comment parviendra-t-il à saisir cette image fuyante, à réaliser cette union irréalisable ? C’est ici que se manifeste la force efficace de la doctrine, et du même coup son danger.

Elle crée, dans l’âme qui l’accepte pleinement, un sentiment tout-puissant. Plotin, lorsqu’il exprimait ses idées, nous dit Porphyre, était le plus souvent saisi d’un véritable enthousiasme, qui donnait à son langage un accent passionné[635]. Jamais l’amour, qui, selon Platon, était la condition même de la philosophie, n’a été plus apparent que chez le père du néoplatonisme[636]. Amour épuré, subtil, tout enfiévré d’abstractions ; mais, avec cela, merveilleusement fort et ardent, répandu partout, vivifiant toutes les parties de l’enseignement, exaltant les méditations secrètes comme les entretiens du maître et des disciples, pénétrant et remplissant la vie tout entière. Or cet enthousiasme, cette effusion du cœur, n’était-ce pas là ce qui avait manqué le plus au stoïcisme, au péripatétisme, à l’Académie elle-même, quand elle s’était écartée de Platon ? et n’était-ce pas aussi ce qui était le plus demandé alors par l’instinct des natures sincères, qui sentaient le vide de la vie sociale, la nullité de la sophistique, la sécheresse du savoir scolaire ? Pour elles, cette doctrine qui enseignait à aimer, ou plutôt qui était toute faite d’amour, c’était le plus grand des bienfaits. Et, comme elle s’appuyait à la religion traditionnelle, elle rendait aux croyants, ou à ceux qui désiraient croire, l’immense service de réintégrer dans cette religion un principe de vie, de la réchauffer, pour ainsi dire, et par conséquent de l’approprier de nouveau aux besoins du cœur. Grâce à elle, l’hellénisme, comme autrefois, s’emplissait de beauté morale, il sentait palpiter en lui d’ardentes aspirations vers l’idéal, il se dépouillait de son pédantisme suranné, il recommençait le rêve divin dont l’humanité ne se peut se passer. C’était vraiment un renouvellement et une renaissance ; d’autant mieux accueillis qu’ils se produisaient sans révolution, tout simplement par une compréhension plus profonde et plus large de ce qu’on avait cru jusqu’alors, par l’absorption des sentiments nouveaux dans la tradition rajeunie, qui semblait les appeler à elle. Voilà ce qui faisait la grandeur du néoplatonisme de Plotin ; mais voici le vice secret qu’il portait en lui-même et qui devait le perdre.

Cet élan vers Dieu, Plotin ne pouvait pas le demander uniquement à un mouvement de la raison et du cœur, puisque son Dieu était au delà du sensible et de l’intelligible. Il fallait donc qu’il eût recours à une sorte de violence, et qu’il se jetât dans le surnaturel par un transport et comme un sursaut. Au fond, tout dialecticien qu’il est, ni le raisonnement ni la logique ne le satisfait, non plus que l’observation. Bien éloigné, certes, de se reconnaître sceptique, il a pris du scepticisme le vif sentiment des limites de la connaissance. Seulement, comme son besoin de croire et d’aimer l’empêche de s’y résigner, il inventera d’autres moyens de savoir. Au delà du raisonnement, il y aura pour lui l’intuition ; et au delà de l’intuition, l’extase (ἔϰστασις (ekstasis), l’acte de sortir de soi). L’intuition, à l’entendre, saisit directement le pur intelligible, qui échappe aux sens, au raisonnement lui-même trop engagé dans les données sensibles. Mais ce qui n’est plus même intelligible, ce qui n’a plus de qualités saisissables pour la pensée, c’est l’extase seule qui peut l’atteindre[637]. Elle est le suprême effort de l’ absorption et du détachement. Quand la raison, dans l’intensité de sa méditation, a réussi à dépouiller l’intelligible de tout ce qui est encore détermination, quand, d’autre part, l’âme, dans l’élan de son amour, s’est affranchie de tout ce qui la rattache au monde, alors, en un sens, tout s’évanouit, mais, en un autre sens, tout se révèle[638]. Car c’est là, dans ce néant de la forme, que l’être apparaît soudain[639]. L’homme perd conscience de sa personnalité ; il est tout entier dans sa vision qui est Dieu ; et lui-même, pendant ces rapides instants, ne fait plus qu’un avec Dieu. Nous sommes en plein rêve. Mais ce n’est plus le rêve platonicien, qui se connaît comme tel, qui sait qu’il est poésie, et qui ne nous le laisse pas oublier. C’est une ivresse de l’esprit, un délire d’abstraction, et en somme l’abolition de la raison, proposée comme but à la raison même[640].

Ce goût du surnaturel devait avoir d’autres conséquences encore. Le néoplatonisme admettait pleinement la croyance, alors générale, aux êtres intermédiaires entre Dieu et l’homme et à toutes leurs manifestations ; en l’admettant, il la sanctionnait. Donc, la divination, la magie, les incantations, toute cette partie trouble ou malsaine de la religion contemporaine, recevait de lui une autorité nouvelle. Plotin, il est vrai, semble n’avoir donné à tout cela qu’une petite part dans sa doctrine et dans sa vie. Mais, après lui, le germe morbide allait se développer jusqu’à une sorte de folie.

Avec ses défauts et ses qualités, le néoplatonisme de Plotin aurait pu avoir, si l’état social eut été autre, une immense influence littéraire. Il y avait là une manière nouvelle de penser et de sentir, par conséquent une source d’inspiration. Mais Plotin lui-même, nous l’avons dit, n’avait a aucun degré le sens de l’art. Sa dialectique abstraite, subtile, obscure, ne pouvait être comprise qu’avec effort. Bien de ce qu’il écrivait n’était fait pour émouvoir un public nombreux. D’autres, il est vrai, auraient pu interpréter et populariser sa doctrine. Mais il n’y avait plus en ce temps de société littéraire à proprement parler, plus de curiosité pour les formes nouvelles du beau et du vrai. Le néoplatonisme, malgré sa valeur et son appropriation à l’esprit du temps, ne communiqua pas d’ébranlement fécond à l’imagination contemporaine[641].

VIII
Parmi les disciples de Plotin, ni Amélius Gentilianus, ni Eustochios d’Alexandrie, ni Origène le néoplatonicien, ni Firmus Castricius ne peuvent arrêter notre attention[642]. Un seul, Porphyre, doit être distingué, à la fois pour le rôle qu’il joua dans la propagation de la doctrine et pour la place qu’il occupe dans l’histoire des lettres.

Né à Tyr en 233, Porphyre y fit sans doute ses premières études[643] ; tout jeune, nous dit-il lui-même, il y connut le docteur chrétien Origène ; plus tard il vint en Grèce, à Athènes, où il eut pour maître le célèbre critique Longin. Il était âgé de trente ans, lorsqu’il se rendit à Rome, en 263 : ce fut là qu’il s’attacha à Plotin. De faible santé et d’humeur triste, il songeait alors at se donner la mort. Plotin devina son dessein, releva son courage, et, pendant six ans, le garda sous son influence bienfaisante ; Porphyre devint dans ce laps de temps son disciple le plus cher, et ce fut lui que le maître chargea, comme nous l’avons vu, de mettre en ordre ses écrits. Ils se séparèrent en 269, Porphyre allant en Sicile pour rétablir sa santé ; ils ne se revirent plus ; car Plotin mourut en son absence. La dernière partie de la vie de Porphyre nous est mal connue. Il semble être resté longtemps en Sicile[644], puis, après divers voyages, être revenu à Rome[645]. Déjà âgé, il épousa une veuve, Marcella, pauvre, et mère de sept enfants[646]. Suidas nous dit qu’il vécut jusque sous Dioclétien (285-305) ; et cela est confirmé par un passage de sa Vie de Plotin (c. 23) où il parle lui-même d’une vision qu’il eut à l’âge de soixante-huit ans, donc en 301. On peut admettre, d’après cela, qu’il mourut entre 301 et 305, probablement à Rome[647].

Esprit bien moins original que Plotin, mais singulièrement actif, prompt à comprendre et aimant à expliquer, d’ailleurs très instruit en toute matière, Porphyre a beaucoup écrit. Il fut à la fois philosophe, polémiste, historien, grammairien et mathématicien[648]. Nous ne pouvons donner ici qu’un aperçu de cette immense production littéraire.

Ses écrits de philosophie, sans parler de la publication des Ennéades de son maître, étaient nombreux. Suidas en énumère une douzaine, la plupart perdus, et sa liste n’est pas complète[649]. L’ouvrage le plus important pour la doctrine néoplatonicienne est l'Introduction à la connaissance de l’intelligible (Ἀφορμαὶ εἰς τὰ νοητὰ (Aphormai eis ta noêta)), court résumé des idées fondamentales de la secte. Avec ce don de clarté qui était une des qualités de son esprit, Porphyre a su y condenser en formules brèves les enseignements de son maître. Ce qui subsiste d’obscurité dans ce livre tient en partie à la nature même des idées, en partie à l’état d’altération du texte. Il ne semble pas d’ailleurs qu’aucun élément nouveau y soit ajouté à ce que Plotin avait créé.

L’ample traité Sur l’abstinence de la chair (Περὶ ἀποχῆς ἐμψύχων (Peri apochês empsuchôn)), en quatre livres, aujourd’hui incomplet à la fin, n’est pas au fond beaucoup plus personnel. L’auteur s’y adresse à un autre des disciples de Plotin, à Firmus Castricius, qui peu à peu était revenu à l’usage de la viande, proscrit par l’ascétisme du maître, et il combat comme une faute grave cette infraction aux principes. Il le fait avec méthode, avec une certaine force de dialectique et de sentiment, mais surtout avec une érudition d’où résulte aujourd’hui la principale valeur du livre : les renseignements y abondent sur beaucoup d’opinions des diverses sectes, et aussi sur un grand nombre de points qui touchent à la vie des anciens, notamment aux sacrifices[650]. L’inspiration générale, toute mystique, se traduit, çà et là, par des expressions frappantes[651], sans qu’on puisse dire que, dans l’ensemble, la personnalité de l’auteur s’accuse très vivement. Le style vaut surtout par la correction du tour et la bonne tenue. Ce qui est le plus curieux, quant au fond, c’est de voir là comment l’école néoplatonicienne, tout en respectant les usages religieux du monde grec, tendait à les épurer, et comment en particulier la notion du sacrifice rituel s’idéalisait pour elle[652]. La théologie a aussi sa part dans cet ouvrage, mais une part restreinte ; c’est d’ailleurs celle des Ennéades.

Quelques-unes des vues de Porphyre sur le monde et sur Dieu doivent être plutôt cherchées dans l’opuscule Sur l’antre des Nymphes de l’Odyssée (Περὶ τοῦ ἐν Ὀδυσσείᾳ τῶν Νυμφῶν ἄντρου (Peri tou en Odusseia tôn Numphôn antrou)). Cet antre, décrit dans l’Odyssée, n’est aux yeux du philosophe qu’une allégorie ; Homère, pour lui, a voulu représenter l’univers ; de telle sorte qu’en interprétant ses prétendues conceptions, Porphyre expose les siennes, et celles de beaucoup d’autres par occasion. On apprend ainsi quel antre d’Ithaque est à la fois la figure du monde sensible et celle du monde intelligible ; mais, en même temps, on s’instruit, comme toujours, à l’abondante érudition de l’auteur et à ses multiples citations.

La Lettre à Marcella est tout intime par le sujet et par l’intention ; nous y cherchons l’homme dans l’écrivain et nous l’y trouvons quelquefois, moins pourtant que nous ne le voudrions. Séparé de sa femme après quelques mois de mariage, Porphyre lui adresse une véritable instruction morale. La noblesse de l’inspiration générale, la gravité affectueuse, le rêve de haute et pure spiritualité sont bien de lui ; mais il entoure sa doctrine personnelle de tant de maximes prises un peu partout que sa lettre peu à peu tourne au recueil de sentences[653].

Profondément religieux, Porphyre devait être plus porté encore que son maître à transformer la philosophie en une science de Dieu (θεοσοφία (theosophia)). Cette science, nul n’eut plus à cœur que lui de la rattacher aux vieux cultes helléniques, à la religion établie, qui lui paraissait en être la forme nécessaire, seule accessible à la majorité des esprits. Pour cela, il entreprit d’en montrer le sens profond et l’accord avec les vues de la raison.

De cette intention procédait l’ouvrage perdu Sur la Philosophie des oracles (Περὶ τῆς ἐϰ λογίων φιλοσοφίας) ; véritable livre d’édification et d’enseignement théologique[654]. Il l’avait composé, non pour le vulgaire ni pour les indifférents, mais pour ceux qui « avaient pris le parti de vivre en vue du salut de leur âme[655]. » La divination étant le cœur même de l’ancienne religion hellénique, c’est d’elle qu’il entreprenait de tirer toute doctrine relative à Dieu. Il la considérait comme une révélation permanente, dont il se faisait l’interprète. Les oracles, qu’il avait réunis en mettant à profit d’autres recueils antérieurs[656], étaient traités par lui comme autant de textes sacrés, qui appelaient une véritable exégèse. Il s’appliquait à en dégager les notions que les dieux avaient voulu donner sur eux-mêmes, leurs instructions sur la piété, sur la manière de les honorer[657]. En réalité, c’était lui qui transformait ainsi le néoplatonisme en un dogme et incorporait ce dogme à une religion qui en avait toujours manqué.

Même dessein dans l’écrit Sur les images des dieux (Περὶ ἀγαλμάτων (Peri agalmatôn)). Ces images avaient, elles aussi, pour un croyant, une valeur traditionnelle ; représentations symboliques des dieux, elles révélaient ce qu’ils étaient. Ce symbolisme, plein de sens, le philosophe avait à l’interpréter ; et plus d’un l’avait fait avant Porphyre. Son objet propre, à lui, semble avoir été de réunir ces interprétations allégoriques en un corps, sauf à y ajouter les siennes quand il y avait lieu, et à les accommoder spécialement à la doctrine néoplatonicienne. En définitive, il s’agissait de donner aux anciens cultes une signification conforme aux besoins de la conscience contemporaine, et d’assurer à cette signification une autorité durable.

Ces ouvrages, et d’autres semblables, caractérisent le rôle de Porphyre dans l’évolution des croyances grecques et en montrent l’importance[658]. Son maître, Plotin, penseur vigoureux et mystique profond, avait réellement créé une religion au sein de la philosophie grecque. Cette religion, dans sa pensée, était en accord avec toute la tradition hellénique, avec les mythes, avec les cultes, dont elle énonçait la sagesse cachée. Mais lui-même s’était peu soucié de faire voir cet accord, et peut-être n’avait-il pas l’érudition nécessaire pour une telle œuvre. Le savant Porphyre était au contraire l’homme de cette tâche. Et si l’hellénisme n’avait été déjà poussé à sa perte par un mouvement irrésistible, son entreprise aurait eu sans doute un bien autre succès. Quoi qu’il en soit, c’est lui qui nous apparaît comme le principal représentant d’une très remarquable tentative de rénovation dans la religion traditionnelle[659]. Ce rôle, en ce temps, devait nécessairement le mettre en conflit avec l’enseignement chrétien. Et Porphyre, en effet, est bien le plus redoutable adversaire que la foi nouvelle ait rencontré, dans l’ordre de la pensée, avant sa victoire définitive. Aussi le voyons-nous figurer chez les écrivains chrétiens comme « l’ennemi » par excellence[660].

L’ouvrage qui lui a valu surtout cette animadversion nous est fort peu connu. Les écrivains chrétiens en parlent, mais n’en donnent guère d’extraits ; après l’extinction du paganisme, il a dû disparaître promptement. Il comprenait quinze livres (Kατὰ Χριστιανῶν λόγοι ιέ (Kata Christianôn logoi ié)). Le plan en était à la fois historique et philosophique. Porphyre étudiait le christianisme dans ses antécédents judaïques, dans ses relations avec les autres traditions religieuses, et sans doute aussi dans sa doctrine. C’était tout autre chose par conséquent que le pamphlet acerbe de Celse, ou que les railleries isolées de Lucien. Il critiquait les textes de l’Écriture, discutait les commentaires autorisés, en particulier ceux d’Origène[661]. Mais ce qui le rendait surtout dangereux, c’est que sans doute il ne se contentait pas de critiquer, mais opposait doctrine à doctrine, tradition à tradition et presque église à église. Voilà du moins ce que nous pouvons soupçonner[662]. Et, s’il ne l’avait pas fait dans cet ouvrage, il l’avait en tout cas tenté dans d’autres, notamment dans celui que S. Augustin cite fréquemment sous le titre de De regressu animæ[663]. Ces citations même montrent en effet qu’il y développait toute une méthode de vie religieuse, tendant à purifier l'âme et à l’unir à Dieu dans un bonheur éternel[664]. Il paraît bien que ces livres religieux de Porphyre ont été beaucoup lus, puisqu’ils furent si ardemment combattus. Nous en retrouverons l’influence vivace chez l’empereur Julien, au siècle suivant. Jusqu’à un certain point donc, le néoplatonisme, avec Porphyre, a commencé à sortir de l’école ; mais jusqu’à un certain point seulement. Car Porphyre lui-même, quelque supérieur qu’il fût à Plotin comme écrivain, ne semble pas avoir su parler au grand public. Sa philosophie était trop subtile, trop chargée d’érudition, et son génie surtout n’était pas assez original, pour créer une de ces œuvres supérieures dans lesquelles tout un siècle reconnaît l’expression de ses idées latentes et de ses sentiments intimes.

Apres avoir ainsi indiqué son rôle philosophique et religieux, nous pouvons passer plus vite sur les parties secondaires de son œuvre. — Son Histoire de la philosophie (Φιλόσοφος ἱστορία (Philosophos istoria)), en quatre livres, n’était guère en réalité qu’une histoire des origines de la doctrine de Platon. Ce philosophe occupait à lui seul tout le quatrième livre, qui était aussi le dernier. Pour Porphyre, la philosophie s’arrêtait là, Platon ayant définitivement fixé les formules de la vérité[665]. Outre quelques fragments, nous possédons encore un morceau important de cet ouvrage, la Vie de Pythagore, malheureusement mutilée, qui faisait partie du premier livre. En érudit consciencieux qu’il était, l’auteur paraît avoir donné une attention sérieuse à la chronologie[666]. L’ouvrage abondait aussi en détails biographiques, empruntés à diverses sources, sans beaucoup de critique. Mais la biographie n’y était pas tout ; et nous voyons encore assez bien quel soin Porphyre avait pris de faire connaitre les doctrines : on voudrait savoir s’il s’était montré capable d’en établir la filiation et les rapports. Sa façon d’interpréter Platon prouve en tout cas qu’il mettait trop volontiers les idées de son temps sous les formules anciennes ; et cela donne à penser qu’il était peu en état de suivre le développement des conceptions philosophiques dans ces âges lointains. — La Vie de Plotin, composée par Porphyre dans son extrême vieillesse, est tout à fait distincte du précédent ouvrage. Nous y retrouvons sa sincérité, son exactitude un peu lourde, son goût des détails, même encombrants, son intelligence, plus juste que profonde, avec une certaine gaucherie de mise en œuvre où se trahit le manque de sens littéraire. — À cette liste d’œuvres historiques, ajoutons la Chronologie, mentionnée plus haut[667].

Porphyre s’occupa aussi de philologie. Suidas lui attribue un ouvrage intitulé Recherches philologiques (Φιλόλογος ἱστορία (Philologos historia)), en cinq livres, dont nous ne savons d’ailleurs rien. Il cite également de lui un commentaire Sur le début de Thucydide, un autre Sur l’Orateur Ælius Aristide, en sept livres, un autre encore Sur la rhétorique de Minucianus. — L’interprétation d’Homère paraît l’avoir intéressé tout spécialement. Il avait écrit Sur la philosophie d’Homère et Sur le profit que les rois peuvent tirer d’Homère. Il ne nous reste, en ce genre, que l’opuscule précédemment cité Sur l’antre des nymphes dans l’Odyssée, et les fragments de ses Recherches homériques (Ὁμηριϰὰ ζητήματα (Homêrika zêtêmata))[668] ; la méthode de l’interprétation allégorique y est poussée jusqu’à ses conséquences les plus arbitraires.

Une activité littéraire si constante et si variée peut inspirer quelque admiration ; mais elle révèle le défaut essentiel de l’esprit de Porphyre, autant que ses remarquables qualités. C’était un homme doué pour apprendre et pour retenir, un génie infatigable, qui remuait sans cesse des faits et des idées, — surtout, il est vrai, les idées des autres, — mais en somme, c’était un médiocre artiste, qui ne savait pas amener une œuvre au point de perfection où elle prend une valeur durable.

Nous retrouverons plus loin l’école néoplatonicienne et nous continuerons à en tracer l’histoire. Mais avant de quitter la littérature païenne du iiie siècle, nous devons signaler encore, sans nous y arrêter, toute une classe d’écrits voisins du néoplatonisme. Il s’agit de ceux qu’on appelle hermétiques, parce qu’ils portent le nom d’Hermès trismégiste[669].

Dès le second siècle, nous trouvons chez Plutarque, chez Philon de Byblos, chez Clément d’Alexandrie, chez Tertullien, diverses allusions à des livres attribués à Hermès. Pour quelques évhéméristes, tels que Philon de Byblos, cet Hermès « trois fois grand » était un très ancien sage égyptien[670]. Sage ou dieu, il passait pour avoir donné autrefois en Égypte des révélations de diverses sortes[671]. De là vint qu’on mit sous son nom certains enseignements qu’on voulait rendre très vénérables. Les livres hermétiques que nous possédons encore semblent dater de la fin du iiie siècle. Leur doctrine sur Dieu, sur le monde, sur l’homme ressemble à celle de Plotin ; il est probable qu’ils émanent, directement ou indirectement, de l’école d’Ammonios Saccas. Composés sans doute pour épurer et défendre la religion ancienne, ils enseignent, sous diverses formes, ce qu’il faut croire et ce qu’il faut pratiquer[672].

Les plus intéressants forment quatre groupes : — 1° le Pœmandre (Ποιμάνδρης (Poimandrês)), recueil de quatorze morceaux distincts ; le titre ne convient réellement qu’au premier[673] ; — 2° un dialogue, intitulé Asclepios, dont nous ne possédons plus qu’une traduction latine, faussement attribuée à Apulée, et qui parait dater du ive siècle ; — 3° un certain nombre de dialogues, dont les fragments sont dispersés dans le Recueil de Stobée, dans l’écrit de Cyrille contre Julien, dans Lactance et dans Suidas ; — 4° Des fragments provenant d’écrits adressés par Asclépios au roi Ammon. — Toutes ces œuvres ont leur importance pour la connaissance des idées et des pratiques religieuses dans les derniers siècles du polythéisme hellénique. Elles n’ont point de réel intérêt littéraire. — À cette littérature hermétique se rattachent aussi quelques écrits de médecine et d’astronomie, dont nous n’avons pas à nous occuper ici.

IX

Pendant que l’hellénisme, grâce à Porphyre surtout, s’organisait ainsi en une croyance coordonnée, le christianisme, de son côté, se développait et se fortifiait.

Toutefois, malgré ce qu’il y avait en lui d’énergie et de vitalité, on ne le voit pas réussir encore, au iiie siècle, à créer de belles formes d’art littéraire, ni même à s’approprier complètement celles du paganisme. Le contraste, à cet égard, est frappant entre l’Orient grec et l’Occident latin. En Occident, ses représentants sont presque tous des hommes éloquents ou diserts, un Tertullien, un Minucius Felix, un Cyprien, un Arnobe, un Lactance. En Orient, il compte des docteurs, des exégètes, des annalistes : il n’a vraiment ni grands orateurs, ni grands écrivains. Seulement, — et c’est là le progrès sur le siècle précédent, — s’il ne les a pas encore, on sent qu’il les aura bientôt. La manière un peu timide et embarrassée des apologistes du second siècle est largement dépassée. Voici que le mouvement annoncé par Clément d’Alexandrie se continue et s’amplifie. On voit naître des œuvres comme celle d’Origène, animées d’un souffle puissant, pleines d’idées, où s’incorporent les grandes traditions de science et d’humanité, et où la pensée se déploie avec une sorte d’abondance confiante. Le christianisme apostolique a pris fin ; celui qui apparaît est un christianisme hellénique, qui offre à l’humanité d’alors de quoi satisfaire, non seulement certains besoins du cœur, mais la plupart de ses hautes aspirations.

Dans la première moitié du siècle, il est surtout représenté par deux hommes, Hippolyte à Rome, Origène à Alexandrie et en Orient.

Hippolyte, dont la personne et la vie sont très mal connues, paraît avoir enseigné à Rome depuis les premières années du iiie siècle jusqu’en 235. À cette date, il était prêtre. Il fut déporté avec le pape Pontianus en Sardaigne, et probablement y trouva la mort[674]. Selon Photius, il avait été disciple d’Irénée ; il connut et admira Origène, et usa de son influence sur lui pour l’amener à publier ses leçons exégétiques. Continuateur des maîtres qui, dès le second siècle, inaugurèrent à Rome ce qu’on pourrait appeler l’enseignement supérieur du christianisme, il semble y avoir transporté quelque chose des méthodes et de l’esprit d’Alexandrie[675]. Si le récit des Philosophoumena (ix, 7, 11, 12) se rapporte bien à lui, il fut en conflit de doctrine avec le pape Calliste (217-222), et les dissidents dont il était le chef l’élurent évêque. En ce cas, une réconciliation dut intervenir ensuite, car il fut honoré par l’Église comme martyr.

L’œuvre d’Hippolyte comprenait des commentaires sur presque toutes les parties de l’Écriture, des écrits d’apologie et de polémique, des traités didactiques, enfin des travaux importants de chronologie. Il ne nous reste de tout cela que des titres et des fragments[676]. Ces fragments et ces titres attestent du moins une étendue de connaissances, une activité d’esprit, une variété d’aperçus, où se manifestent vivement les caractères nouveaux de l’enseignement chrétien en ce temps. Ce qui recommande surtout aujourd’hui et l’attention le nom d’Hippolyte, c’est l’ouvrage intitulé Philosophoumena. Jusqu’au milieu du xixe siècle, on n’en connaissait que le premier livre, qui était attribué à Origène ; Minoïde Minas découvrit, en 1842, un manuscrit de l’Athos, qui contenait les livres IV-X : deux livres seulement sur dix, les livres II et III, manquent encore aujourd’hui. Si l’attribution de l’ouvrage à Hippolyte n’est pas certaine, elle est tout au moins fort probable et admise aujourd’hui par la majorité des critiques[677]. Il paraît avoir été écrit peu après la fin du pontificat de Calliste, c’est-à-dire peu après 222. C’est un exposé et une réfutation de toutes les hérésies[678]. L’auteur se propose de démontrer qu’elles dérivent, non de la tradition chrétienne, mais de la philosophie et des superstitions grecques. Aussi commence-t-il par faire l’histoire de la philosophie grecque ; c’est le sujet du livre premier, fort précieux par les renseignements qu’il contient. Dans les deux livres suivants, aujourd’hui perdus, il traitait, à ce qu’il semble, des mystères, de l’astrologie, de la magie ; et c’était seulement dans les derniers, ceux que nous possédons, qu’il réfutait les hérésies, en les rattachant aux sources indiquées. L’ouvrage est d’un médiocre écrivain ; mais ce plan même indique combien l’auteur a eu un sens juste des origines du mouvement d’idées qui s’était produit alors depuis plus d’un siècle dans la société chrétienne. D’Irénée à lui, le progrès à cet égard est sensible.

Hippolyte, toutefois, n’est encore qu’un homme d’école. Origène a été cela aussi, à un degré supérieur, et quelque chose de plus.

Né en 185, probablement à Alexandria et de parents chrétiens, Origène, appelé aussi Adamantios, fut dans sa jeunesse le disciple le plus zélé de Clément d’Alexandrie[679]. Il avait dix-huit ans, lorsque sévit la persécution de Septime Sévère (en 202). Son âme étant déjà à la hauteur de son intelligence. Lui-même exhorta son père Léonidas à ne pas faiblir par souci des siens ; Léonidas subit le martyre[680]. Clément avait dû, dans ces circonstances, délaisser son école. Si jeune que fût encore Origène, l’évêque Démétrios le choisit pour remplacer son maître[681]. Il semble que sa nature ardente ait traversé alors une période d’exaltation, pendant laquelle, si l’on doit en croire le témoignage d’Eusèbe, il n’aurait pas craint de se mutiler lui-même[682]. C’est probablement quelques années plus tard, vers la fin du règne de Sévère, entre 205 et 211 environ, qu’il faut placer ses rapports avec le philosophe Ammonios Saccas, le fondateur du Néoplatonisme[683]. Puisque Ammonios, comme le rapporte Porphyre, fut d’abord chrétien, il paraît probable qu’il l’était encore en ce temps[684] : Origène, dans sa ferveur, n’aurait pas choisi pour maître un homme qu’il aurait consideré comme un apostat ; Ammonios, jeune encore en ce temps, pouvait d’ailleurs demeurer chrétien de profession, tout en inclinant vers un platonisme mystique, qui ne devait pas déplaire au disciple de Clément. Son attitude était différente vingt ans plus tard, lorsqu’il eut pour auditeurs Plotin et l’autre Origène, le néoplatonicien. Mais il y avait au fond tant de ressemblances, quant à la tendance générale, entre le néoplatonisme naissant et le christianisme platonisant, que les divergences pouvaient se dissimuler ou s’ignorer elles-mêmes assez longtemps.

Entre 212 et 215, Origène voyage à plusieurs reprises : il vient en Italie pour visiter l’ancienne église de Pierre, il se rend même en Arabie, mais Alexandrie est toujours son domicile. La sanglante persécution de Caracalla (215-216) l’oblige à quitter cette ville. Il fuit en Palestine, enseigne à Jérusalem et à Césarée, puis revient à Alexandrie. En 218 ou 219, Julia Mammæa, mère du futur empereur Alexandre Sévère, l’appelle à Antioche, pour l’interroger sur le christianisme[685]. De 219 à 230, il continue son enseignement à Alexandrie. En 230, au cours d’un voyage en Grèce, Origène est ordonné prêtre à Jérusalem[686] ; il avait alors près de quarante-six ans. (C’est le temps où commencent ses luttes avec l’autorité ecclésiastique.

De retour à Alexandrie, il est censuré par son évêque Démétrios, accusé d’hérésie, condamné par plusieurs synodes (231-232), et forcé de quitter définitivement son école. Il transporte son enseignement à Césarée de Palestine. Cinq ou six ans plus tard, vers 237 ou 238, au moment de la persécution de Maximin, nous le trouvons caché en Cappadoce ; puis, il revient à Césarée de Palestine et y reprend son enseignement, qui ne paraît avoir été interrompu, durant les dix années suivantes, que par quelques voyages (séjour à Athènes vers 240, en Arabie vers 244). L’Église était alors en paix ; Origène correspondait avec l’empereur Philippe (244-249) et avec sa femme Severa. Vers ce temps, mais à une date qui ne peut plus être précisée, il établit son école à Tyr. C’est là sans doute que l’atteignit la persécution de Decius (empereur de 249 à 251). Il eut à subir la torture, mais il survécut. Sa mort eut lieu à Tyr en 254 ; il avait tout près de soixante-dix ans.

Cette vie agitée fut en même temps une vie d’étude incessante. Dès son enfance, Origène eut la passion de y lire et de méditer ; et cette passion ne semble pas avoir décru en lui à aucun moment ; une partie de ses nuits se passait au travail. Bien qu’il s’attacha surtout à réfléchir sur le texte des Écritures, son savoir s’étendait bien au delà. Son disciple Grégoire le Thaumaturge, dans le panégyrique qu’il lui a consacré, nous a laissé le tableau de ce qu’était son enseignement à Césarée[687]. Le caractère encyclopédique en est frappant. Il commençait par la dialectique, afin d’habituer ses auditeurs au raisonnement. Puis, il leur exposait les sciences qui se rapportent au monde sensible, physique, géométrie, astronomie. Il passait alors à l’homme par l’enseignement de la morale. Enfin, il arrivait au monde suprasensible ; et là, il faisait connaitre les doctrines des principaux philosophes, pour mieux établir sa propre métaphysique. Celle-ci avait pour couronnement la théologie fondée sur les Écritures, ce qui amenait le maître à exposer la méthode qui lui paraissait propre à les interpréter. La seule conception d’un tel ensemble révèle un esprit aussi vigoureux qu’abondant en connaissances, et l’on y sent l’héritier des traditions de Clément, tout pénétré d’hellénisme. Mais ce qui était encore confus dans les ouvrages de celui-ci s’offre ici sous l’aspect d’une construction simple et puissante. Nous voyons, par une lettre d’Origène lui-même dans Eusèbe, que ses cours furent suivis quelquefois par des philosophes étrangers au christianisme[688] : il n’y a pas lieu d’en être surpris ; car si ce large enseignement aboutissait à la théologie chrétienne, c’était, comme on le voit, en traversant presque tout le domaine du savoir hellénique[689]. Et c’est justement cette influence profonde de la pensée grecque, pénétrant dans toutes les parties d’une doctrine d’ailleurs chrétienne, qui a constitué ce qu’on peut appeler l’Origénisme et qui l’a rendu bien vite suspect à une orthodoxie défiante.

En elle-même, et par l’effort sincère qu’elle révèle, l’œuvre d’Origène inspire le respect. Mais, au point de vue de la critique littéraire, il faut reconnaître qu’elle demeure secrètement viciée par quelque chose de hâtif et d’incomplet. On ne peut s’empêcher de regretter qu’un homme d’une si haute valeur ait eu si peu de temps pour mûrir sa doctrine et pour dégager sa personnalité. Chargé d’enseigner à un âge ou les esprits réfléchis commencent seulement à apprendre, Origène fut contraint toute sa vie de se faire rapidement ses idées, à mesure qu’il les exposait : il n’eut jamais le loisir de se recueillir, de réviser ses méthodes, de se juger lentement lui-même, d’éliminer les parties faibles de sa philosophie et de condenser les autres. Par suite, toute son œuvre a le caractère d’une improvisation brillante et inégale, qu’un esprit supérieur a développée au jour le jour, où il a jeté abondamment ses vues personnelles, sa science, ses souvenirs, ses conceptions naissantes, mais qui manque de je ne sais quelle force intime d’organisation et d’achèvement. Il suffira de la parcourir rapidement pour en donner l’impression.

Dans l’immense collection de ses écrits, en partie perdus, distinguons d’abord les ouvrages d’enseignement dogmatique[690]. Le seul dont nous puissions juger est le Traité des Principes, encore représenté par des chapitres entiers. Les principes qui donnaient leur nom à l’ouvrage étaient ceux de la croyance chrétienne : la nature de Dieu, celle de l’homme, la chute et la rédemption, la liberté et la grâce, l’autorité des Écritures. Il nous reste un important chapitre du livre III sur la liberté, et un autre du livre IV sur l’interprétation des Écritures. Le premier est d’une philosophie claire, d’une dialectique facile et ingénieuse, mais qui ne vont pas au fond des choses. Dans le second, Origène fait la théorie définitive de l’interprétation allégorique, qui, grâce à lui, est devenue comme le signe propre de l’école exégétique d’Alexandrie. Il y pose la distinction du sens matériel et du sens spirituel. En le faisant, il ne paraît se soucier ni des objections ni des conséquences possibles ; il enseigne plus qu’il ne discute, avec un dogmatisme modeste, mais confiant en son principe, qui se satisfait trop aisément par la clarté de ses déductions. Au fond, sa théorie, renouvelée de Philon, et consistant à soutenir qu’un même texte dit deux choses à la fois, ou même qu’il ne dit pas ce qu’il semble dire, est le contraire de toute saine critique. Mais il ne faut pas oublier, pour la juger, que, d’une part, elle avait pour elle l’autorité d’une ancienne méthode et que, d’autre part, elle seule pouvait infuser largement l’hellénisme dans la tradition biblique.

C’est de cette théorie, à la fois fausse et féconde, que s’inspire l’immense collection de travaux exégétiques qui constituait la principale partie de l’œuvre d’Origène. Ces travaux eurent pour base l’établissement du texte sacré dans des conditions vraiment nouvelles ; travail préalable, qui aboutit à la constitution de la Bible à six colonnes (τὰ Ἑξαπλᾶ (ta Hexapla)), ou se développaient parallèlement le texte hébreu en lettres hébraïques, le même en lettres grecques, et les quatre traductions d’Aquila, de Symmaque, des Septante et de Théodotien[691]. Ce texte ainsi établi, Origène passa toute sa vie à le commenter[692]. Son exégèse s’étendit peu à peu à tout l’Ancien et à tout le Nouveau Testament. Elle prit trois formes, selon qu’elle se produisait en Scolies (Σχόλια (Scholia)), en Homélies (Ὁμιλίαι (Homiliai)), ou enfin en Commentaires (probablement Ὑπομνήματα (Hupomnêmata), mais ordinairement désignés par le terme de Τόμοι (Tomoi), volumes). Les Scolies étaient de simples notes ; le texte original en est entièrement perdu, mais il est probable que le contenu s’en retrouve en partie dans les explications attribuées à Origène par les exégètes qui l’ont suivi. Des Commentaires, il ne reste que des parties, quelques-unes, il est vrai, assez importantes, que nous n’avons pas à énumérer ici[693]. Ces commentaires, en raison de leur abondance, de l’érudition dont ils sont pleins, des vues ingénieuses et philosophiques qui y sont partout répandues, n’ont cessé d’être considérés comme un des monuments de la littérature ecclésiastique. Selon que les docteurs chrétiens tenaient ou non pour l’interprétation allégorique et l’hellénisme, ils les ont exaltés ou combattus. Quoi qu’on en pense, on ne peut nier qu’ils n’aient contribué à faire entrer dans la théologie chrétienne plus de philosophie grecque qu’aucun autre ouvrage. Mais si l’on y cherche surtout la personnalité de l’auteur, il faut reconnaître qu’elle est loin de s’y manifester avec la force qu’on pourrait attendre. La philosophie d’Origène n’est pas une création originale, une doctrine marquée de son empreinte et qui demeure comme un système coordonné[694]. C’est une appropriation partielle et incomplète de vues diverses à des textes qui ne les admettent pas toujours. Et la forme de ces commentaires n’a rien non plus qui s’impose à l’attention. Une manière discursive et facile, souvent prolixe, qui sent l’enseignement, point de souci de condenser la pensée, point de recherche de l’expression vraiment propre et précise, et fort peu de traces de cette spontanéité vive qui seule aurait pu vivifier une langue négligée. On ne saurait tirer de toute la collection une de ces pages pleines et durables, toujours nouvelles, et où l’âme parle à l’âme.

Les Homélies, par leur nature même, offrent plus d’intérêt à l’historien de la littérature. Car elles sont, comme on l’a dit, « les premiers spécimens de l’éloquence de la chaire[695]. » Il nous en reste une vingtaine en grec, sans parler des fragments et des traductions : c’est un ensemble assez important. Par le fond et la méthode, elles se rattachent étroitement à l’exégèse proprement dite ; car ce ne sont en somme que des commentaires de textes de l’Écriture, et on y retrouve toujours la même méthode d’interprétation allégorique. Mais ces commentaires ont été donnés à l’église, non dans l’école, devant un auditoire plus mélangé, et auquel n’aurait pu convenir un enseignement trop savant. Ils ont donc quelque chose de plus libre, ils visent à édifier et à toucher en même temps qu’à instruire, et par suite le ton en est assez différent. Il ne l’est pas encore autant que nous le voudrions, et la préoccupation dogmatique y demeure beaucoup trop prédominante. En somme, ce qui recommande surtout ces discours, si on ne les juge qu’en littérateur, c’est une sincérité qui exclut toute fausse rhétorique.

Origène a été aussi un apologiste et un polémiste[696]. Le plus connu peut-être de ses ouvrages et l’un des plus considérables est la Réfutation de Celse (Κατὰ Κέλσου (Kata Kelsou)), en huit livres. Il a été question plus haut du Discours vrai composé par Celse au siècle précédent. Le succès de ce livre, qui était une attaque en règle contre le Christianisme, semble avoir été grand. Origène, sur le désir de quelques-uns de ses amis, entreprit de le réfuter. Il prépara d’abord ce travail à loisir, puis, en 246 ou 249, il se décida à l’achever rapidement et à le publier. Nous le possédons encore. C’est une véritable Défense du Christianisme, qui touche à tous les points essentiels. Écrite avec modération et dignité, elle intéresse par le sentiment qui l’anime, par la gravité des questions posées, par les idées et les informations dont elle est pleine. Quelques-uns des grands côtés du Christianisme sont heureusement dégagés et mis en lumière. Origène montre par exemple avec force comment la philosophie grecque s’est trouvée trop savante pour la masse de l’humanité ; et, quand Celse reproche au christianisme de vouloir substituer la croyance aveugle à la raison, il répond avec justesse que la simple croyance, quoi que nous fassions, a une part énorme dans la vie intellectuelle de chacun de nous, et que, d’ailleurs, le christianisme s’était fait, lui aussi, une philosophie. Ajoutons que beaucoup d’assertions légères et inexactes, avancées par Celse, sont relevées à propos. Mais, si ces mérites donnent à l’ouvrage une valeur réelle, qu’il est loin d’avoir perdue avec le temps, ils n’empêchent pas, d’autre part, que les défauts ordinaires à l’auteur n’y soient très sensibles. Ce qui y manque le plus, c’est une composition méthodique : ce n’en était pas une que de suivre l’ouvrage de Celse pas à pas ; les redites, les lenteurs y abondent ; on y voudrait surtout quelques pensées maîtresses, capables d’organiser en un tout cette masse d’arguments.

Si, de cet aperçu sommaire, on veut dégager maintenant un jugement d’ensemble sur l’œuvre d’Origène, il semble qu’il y ait lieu de faire ressortir surtout la disproportion, si frappante chez lui, entre l’activité de l’esprit et l’art littéraire. Cette insuffisance de l’art serait de peu d’importance, après tout, si elle n’atteignait aussi le fond des choses. Mais ici, comme toujours, quand l’art manque dans une œuvre de l’esprit, c’est que la pensée n’y est pas arrivée à son achèvement. Si elle était assez profonde, assez puissamment coordonnée, assez dépouillée de tout ce qui l’alourdit et l’affaiblit, elle serait belle, alors même que l’auteur n’aurait pas cherché à l’embellir. Ce que nous avons sous les yeux n’est que l’ébauche d’une grande œuvre. Et s’il en est ainsi, c’est que le christianisme, en ce temps, n’était pas encore assez hellénisé. Déjà, il avait emprunté beaucoup à la Grèce ; mais le temps n’était pas encore venu, où, sûr de lui, il allait lui demander, non seulement sa philosophie, son érudition, ses méthodes de recherche, sa dialectique, mais aussi le moyen de faire valoir tout cela, c’est-à-dire son éloquence.
X
Après Origène, et jusqu’à la fin du iiie siècle, nous ne trouvons plus, dans la littérature chrétienne, que des écrivains secondaires. Ce serait sortir du cadre de cet ouvrage que de les étudier en détail. Essayons seulement, en groupant les principaux d’entre eux, de caractériser en quelques mots les tendances qu’ils manifestent.

Notons d’abord la persistance de l’école, dite catéchétique, d’Alexandrie, héritière directe d’Origène et, par lui, de Clément et de Pantænos. Elle se continue par Héraclas, par Denys le Grand, par Pierios, Theognostos, Sérapion, et Pierre qui meurt martyr en 311. Presque tous les écrits de ces docteurs sont perdus. Les plus importants fragments proviennent des œuvres du second d’entre eux, Denys le Grand, qui fut le chef de l’école de 248 à 265 ; et ceux-là même intéressent plus l’histoire du dogme et de la discipline ecclésiastique que celle de la littérature[697]. D’une manière générale, cette école d’Alexandrie reste fidèle à l’esprit d’Origène, très attachée au sens symbolique et très pénétrée d’hellénisme, bien qu’un certain nombre de ses maîtres rejettent d’ailleurs ou même combattent quelques opinions particulières d’Origène[698].

Dans le même temps, on voit apparaître à Antioche une série d’autres docteurs qui s’inspirent d’un esprit différent et qu’on a pris l’habitude de grouper pour cette raison sous le nom d’école d’Antioche[699]. Tandis que les Alexandrins sont platoniciens et allégorisants, ceux-ci relèvent plutôt d’Aristote et inclinent, dans l’exégèse, vers le sens littéral. Cette tendance prend corps dans la seconde moitié du iiie siècle avec le savant Lucien de Samosate, qui enseigne alors à Antioche et subit le martyre en 311[700]. Lui aussi, comme Origène, s’occupe d’établir le texte des Écritures, et, comme lui, il l’explique. Et c’est à l’esprit général de son interprétation que se rattachera, au siècle suivant, l’Arianisme.

En dehors même de l’école, l’Origénisme divisait les esprits. Un des plus remarquables disciples du grand docteur alexandrin fut Grégoire dit le Thaumaturge. D’abord païen, il entendit Origène à Césarée de Palestine en 231, fut gagné par lui au christianisme, et resta son auditeur et son élève jusque vers 239. Un peu plus tard, vers 240, il devint évêque de Néocésarée dans le Pont ; c’est là qu’il passa la fin de sa vie et mourut vers 270[701]. Ses œuvres, en grande partie perdues, comprenaient des traités dogmatiques et des homélies, dont nous n’avons pas à nous occuper. Mais il y a peut-être quelque intérêt à signaler son Discours sur Origène (Εἰς Ὀριγένην προσφωνητιϰὸς ϰαὶ πανηγυριϰὸς λόγος (Eis Origenen prosphônêtikos kai panêgurikos logos)), prononcé solennellement en 239, au moment où il se séparait de son maître[702]. Le texte en est venu jusqu’à nous[703] ; et, outre l’intérêt historique qu’il présente, il nous laisse voir, plus qu’aucune autre œuvre du temps, comment l’influence de la rhétorique grecque commençait à pénétrer dans certains milieux chrétiens. Elle s’y trahit, chez lui, par l’emphase, les hyperboles, les tours oratoires ; mais il apparaît par ces défauts même qu’en certaines circonstances au moins, ces sévères exégètes n’étaient pas insensibles à l’élégance du discours ; et nous voyons ainsi naître parmi eux un goût de l’art littéraire qui devait bientôt porter ses fruits.

Ce même goût se fait sentir plus fortement encore chez un autre écrivain contemporain, l’évêque Méthodios, aussi décidé contre Origène que Grégoire l’était en sa faveur. Tout ce que nous savons de lui se réduit à peu près à ceci, qu’il fut évêque d’Olympos en Lycie à la fin du iiie siècle et mourut martyr, probablement en 311, pendant la persécution de Maximin Daïa[704]. Mais il n’est pas douteux qu’il n’ait été instruit dans les lettres profanes, car tout ce qu’il a écrit atteste l’influence des modèles classiques, poètes et prosateurs, de Platon en particulier[705].

N’insistons pas ici sur les fragments de sa Réfutation de Porphyre, non plus que sur ceux du traité anti-origéniste Sur les choses créées (Περὶ τῶν γενητῶν (Peri tôn genetôn)), ni sur d’autres d’un caractère exégétique ou dogmatique. L’influence classique se manifeste surtout dans trois de ses œuvres, qui sont des dialogues de philosophie religieuse. Le plus connu est le Banquet des dix vierges (συμπόσιον τῶν δέϰα παρθένων (sumposion tôn deka parthenôn)), dont le texte entier nous a été conservé[706]. L’imitation de Platon y est sensible : il y met en scène dix vierges, qui, tour à tour, dissertent sur la charité, sans doute pour faire antithèse aux discours des personnages de Platon sur l’amour. Comme œuvre d’art, cela est médiocre. Ces vierges sont de vrais docteurs, qui n’ont rien d’aimable, malgré le sentiment poétique qu’on ne peut refuser à l’auteur ; et, de plus, l’excellence de leurs intentions leur fait un peu trop oublier la réserve qui eut été séante à leur sexe. Du moins, elles s’expriment en assez bon langage, et elles savent raisonner sans diffusion et sans prolixité. Certes, nous sommes loin, de toute façon, du dialogue platonicien ; mais enfin, il y a là vraiment un sentiment nouveau de ce que c’est qu’écrire et composer[707]. Deux autres dialogues, Sur le libre arbitre (Περὶ τοῦ αὐτεξουσίου (Peri tou autexousiou)), et Sur la Résurrection (Περὶ τῆς ἀναστάσεως (Peri tês anastaseôs)), tous deux dirigés contre les idées d’Origène, ne nous ont pas été conservés dans leur intégrité ; mais nous en possédons d’importants fragments. On y retrouve les mêmes qualités littéraires, le même tour d’imagination poétique uni à une dialectique assez dégagée. Donc, chez Méthodios, l’enseignement chrétien, sans rien perdre de sa gravité, commence à se préoccuper de plaire et à se débarrasser du pédantisme de l’école. Il s’achemine ainsi tout droit vers des habitudes nouvelles qui le feront entrer dans la littérature proprement dite.

Deux noms seulement doivent encore être mentionnés dans ce chapitre ; ceux de Pamphile et de Jules Africain. — Pamphile, qui fut élève de l’école d’Alexandrie et mourut évêque de Césarée de Palestine en 309, n’intéresse guère l’histoire de la littérature qu’à titre de fondateur d’une célèbre bibliothèque chrétienne, qui, servit aux travaux d’Eusèbe et de Jérémie. Il avait composé une Apologie d’Origène, qu’il laissa inachevée en cinq livres : Eusèbe y ajouta un sixième livre ; l’ouvrage a disparu, sauf le premier livre, dont nous possédons encore la traduction latine par Rufin[708]. — Julius Sextus Africanus, qui vécut dans la première moitié du siècle et se fixa de bonne heure à Emmaüs en Palestine, est célèbre comme le père de la chronographie ecclésiastique[709]. Mais de sa Chronographie en cinq livres, qui s’étendait de l’an 5499 av. J.-C. à l’an 221 de notre ère, il ne reste que des fragments ; et ces fragments n’ont rien de littéraire[710].

Le iiie siècle, malgré le grand nom d’Origène, n’a donc marqué dans la littérature chrétienne par aucune œuvre de premier ordre. Mais, s’il n’a rien achevé, on peut dire qu’il a tout préparé. Les genres futurs étaient en germe dans les œuvres qu’il avait produites. De ces germes allait sortir une riche et brillante végétation.


CHAPITRE VII
DE DIOCLÉTIEN À LA MORT DE THÉODOSE
L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

bibliographie

Les sophistes païens. — Himérios. Sur les mss., voir la préface de F. Duebner, dans son édition. Éditions de Wernsdorf, avec une traduction latine et un commentaire perpétuel, Gœttingue, 1790 ; de F. Duebner, dans le volume de la bibliot. Didot, qui contient les Philostrate, Paris, 1849. — Thémistios. Nous indiquons, en étudiant Thémistios, comment le recueil de ses discours s’est constitué et grossi peu à peu. Les très anciennes éditions sont devenues très incomplètes. La meilleure, aujourd’hui encore, est celle de G. (Wilhelm) Dindorf, Leipzig, 1832, d’après le ms. de Milan mis en lumière par Ang. Mai. Pour les Paraphrases d’Aristote, édition de L. Spengel, Leipzig, 1866, dans la Bibliot. Teubner ; voir, en tête du t. I, les indications relatives aux mss.Libanios. Au sujet des mss., consulter R. Foerster, De Libanii libris manuscriptis Upsaliensibus et Lincopiensibus, diss., Rostock, 1877. Première édition, Ferrare, 1517. Éd. de Fréd. Morel, avec trad. lat. et notes. Paris, 1606-1627 ; de Reiske, avec des notes, 4 vol. in-8o, Altenburg, 1791-97, la meilleure jusqu’ici, bien que laissant encore beaucoup à désirer. La correction du texte a été avancée en ce siècle par de nombreux travaux critiques, et surtout, depuis une trentaine d’années, par ceux de R. Foerster, publiés dans l’Hermes, le Philologus, le Rhein. Museum et les Jahrb. für class. Philol. Une édition critique est fort à souhaiter. Les Lettres de Libanios ont été publiées par Wolf, Leipzig, 1711, et complétées par le même, Amsterdam, 1738.

Philosophes, Savants, Historiens. — Pour les Vies des philosophes d’Eunape, l’édition savante est celle de Boissonade, 2 vol. in-8°, Amsterdam, 1822, avec des notes ; seconde édition du même, jointe aux Philostrate de la Bibl. Didot, Paris, 1849. Pour les fragments historiques d’Eunape et des autres historiens, ainsi que pour les œuvres de philosophie, de médecine, de science, voir les notes au bas des pages.

Julien. Manuscrits. Voir la préface de l’édit. de Hertlein, t. I et II. — Éditions. Première édition, P. Martin, Paris, 1583. Éditions de Petau, Paris, 1630 ; de Spanheim, Leipzig, 1696. Édition critique de C. Hertlein, 2 vol., Leipzig, 1875-76, Bibl. Teubner. Pour l’écrit contre les chrétiens, qui ne figure pas dans l’éd. Hertlein, Jul. imperat. librorum contra Christianos quæ supersunt, éd. C. J. Neumann, Lipsiæ, 1880.

Quintus de Smyrne. Sur l’établissement du texte, voir la préface de l’édition de Koechly et de celle de Zimmermann. Première édition : Alde, Venise, 1504. Éditions de Tychsen, Deux-Ponts, 1807 (incomplète, le t. I seul a paru) ; de F. J.· Lehrs, dans l’Hésiode de la Bibl. Didot, Paris, 1839 ; de A. Koechly, avec des prolégomènes et des notes critiques, Leipzig, 1850 ; de Zimmermann, dans la Bibl. Teubner.

Eusèbe. Sur la tradition des œuvres d’Eusèbe, Harnack, Gesch. d. Altchr. Litteratur, I, p. 551. — Édition d’ensemble, Migne, Patrol. grecque, t. XIX-XXIV. Éditions partielles : Chronique, éd. A. Schœne, 2 vol. in-4°, Berlin, 1866-1875 ; Histoire de l’Église, éd. de Henri de Valois, Paris, 1659-1673 ; avec les deux écrits sur Constantin ; de Heinichen, 1868-70 ; de Dindorf, Leipzig, 1871, Bibl. Teubner ; Préparation évangélique et Démonstration évangélique, éd. de Dindorf, Leipzig, 1867-1871, Bibl. Teubner. — Athanase. Éditions d’ensemble des Bénédictins (J. Lopin et B. de Montfaucon), Paris, 1698 ; de Migne, Patrol. gr. XXV-XXVIII, Paris, 1857. — Écrivains secondaires. Indications bibliographiques au bas des pages. — Basile. Édition des Bénédictins (J. Garnier et Pr. Maran), 3 vol. in-fol., Paris, 1721-1730 ; Migne, Patrol. gr., t. XXIX-XXXII, Paris, 1857. — Grégoire de Nazianze. Édition des Bénédictins (Ph. Clemencet et A. B. Caillau), Paris, 1778-1840 ; Migne, Patrol. gr., t. XXXV-XXXVIII. Quelques·unes des poésies figurent dans l’Anthologia græca carminum christianorum de W. Christ et M. Paranikas, Leipzig, 1871. — Grégoire de Nysse ; Migne, Patrol. gr., t. XLIV·XLVI, Paris, 1858. — Jean Chrysostome. Éditions complètes du P. Fronton du Duc, avec trad. lat., 12 vol. in-fol., Paris, 1609-1633 ; de Montfaucon, avec trad. lat., 13 vol. in-fol., Paris. 1718-38 ; de Migne, Patrol. gr., XLVII-LXIV. Fr. Duebner avait commencé à publier dans la Bibl. Didot des Opera selecta ; le t. I a seul paru, Paris, 1861 ; il contient Adv. oppugnat. vitz monasticæ, De virginitate, Adversus eos qui apud se habent virgin es subintroductas, Quod regulares feminæ viris cohabitare non debeant, Ad viduam juniorem, De non iterando conjugio, De sancto Babyla, De sacerdotio, Homiliæ de statuis, Cathecheses.



sommaire

I. Caractères généraux du ive siècle. Dernier éclat de la sophistique païenne. Avènement de l’éloquence chrétienne. — II. Les écoles. Sophistes en renom. Himérios, Thémistios, Libanios. — III. L’histoire profane. Eunape et Olympiodore. — IV. La philosophie. Jamblique et ses successeurs. Les sciences : Oribase, Diophante. — V. Julien. Ses écrits. L’historien, le moraliste, le mystique, le pamphlétaire. Sa correspondance. — VI. La poésie profane au ive siècle. Quintus de Smyrne. Les Argonautiques orphiques. VII. Littérature chrétienne. Transition entre le ive siècle et le ve : Eusèbe de Césarée. — VIII. L’Arianisme. Arius et les écrivains ariens. Athanase, sa vie et ses écrits ; son génie et son éloquence. — IX. Écrivains secondaires. Apollinaire de Laodicée, Macédonios, Didyme l’Aveugle, Cyrille de Jérusalem, Diodore de Tarse, Théodore de Mopsueste, Épiphane. — X. Les Cappadociens. Basile ; sa vie et ses écrits ; caractères de son éloquence. — XI. Grégoire de Nazianze. Sa vie et ses écrits. Le poète, le théologien et l’orateur. Grégoire de Nysse. XII. Jean Chrysostome. Sa vie. — XIII. Classement de ses écrits. — XIV. Le moraliste et l’orateur.


I

Après la sombre période que nous venons de traverser, le ive siècle apparaît tout à coup, dans l’histoire de la littérature grecque, comme une seconde renaissance. De nouveau, nous rencontrons dans la société païenne des orateurs en renom, un Himérios, un Thémistios, un Libanios. Sur le trône, voici des princes remarquables, un Constantin, un Julien, un Théodose, qui ne sont pas seulement des hommes de guerre, mais aussi des politiques, et qui exercent sur le monde entier une influence profonde. D’ailleurs, à côté de l’éloquence païenne, et bien au dessus d’elle, se produit alors une puissante éloquence chrétienne, celle des Athanase, des Basile, des Grégoire de Nazianze, des Chrysostome. Et, si nous regardons auteur d’eux, l’aspect de l’Orient grec est tout autre qu’au siècle précédent. Tandis qu’alors le mouvement des idées semblait nul en dehors des écoles, à présent au contraire l’agitation est partout. De grands débats excitent et passionnent les esprits ; de grands courants d’opinion se forment, puis se heurtent bruyamment. La parole et la pensée redeviennent ce qu’elles avaient cessé d’être depuis bien des siècles, des instruments d’action. Fait capital, qu’il faut expliquer dans ses origines et montrer dans son développement.

La monarchie administrative substituée par Dioclétien à la monarchie militaire rend la paix à l’empire. Les conflits entre prétendants deviennent rares et de peu de durée. On voit de nouveau des règnes qui durent, ceux de Constantin (323-337), de Constance (337-361), de Valens (364-378), de Théodose (379-395). Ceci déjà est favorable aux lettres, qui n’aiment pas le bruit des armes. En outre, l’institution d’une capitale romaine à Byzance, si elle ne change pas la condition sociale et politique des provinces hellénisées, donne du moins à l’ambition des Grecs un objet plus prochain. Dans l’administration reconstituée, des emplois de toute sorte s’offrent à eux. L’école des rhéteurs a une porte ouverte sur la hiérarchie des fonctions officielles ; il y a là de quoi stimuler ceux que le prestige des charges publiques séduit, c’est-à-dire toute la classe supérieure de la société, et une bonne partie de la classe moyenne[711].

Mais la vraie cause du réveil inattendu des esprits, c’est le conflit des opinions religieuses, et, par conséquent, c’est le développement du christianisme.

Au second siècle, le christianisme n’avait guère fait que se défendre contre les persécutions et les calomnies par la bouche de ses apologistes ; au iiie siècle, il avait constitué les fondements de sa philosophie ; au ive, reconnu officiellement par Constantin, il vise à expulser le paganisme. Et celui-ci, qui se sent alors en grand danger, s’inquiète, se défend, réclame tout au moins la liberté. On sent l’influence vive de cet état de choses chez des esprits modérés tels que Thémistios et Libanios, qui ont des amis dans les deux partis ; on la sent très forte chez les natures passionnées, telles que Julien et presque tous les grands évêques du temps. Cette inquiétude, cette lutte pour la domination, ces grandes questions qui touchent aux droits de la conscience et aux croyances les plus chères, voilà ce qui fait que la parole retrouve alors une sincérité qu’elle avait trop oubliée.

D’ailleurs la lutte n’est pas seulement entre païens et chrétiens ; elle s’élève, plus ardente encore, parmi les chrétiens eux-mêmes, entre orthodoxes et hérétiques. Aux hérésies multiples des siècles précédents, hérésies d’écoles ou de petites sectes, succèdent maintenant des combats d’opinions qui touchent au fond même de la croyance. C’est le cas de l’Arianisme. Toute la société chrétienne se passionne pour ou contre le dogme de la consubstantialité. Et cette passion suscite dans les deux partis des champions ardents, qui mettent au service de leur cause toute leur science, toute leur dialectique, tout leur zèle, et dont la parole retentit au loin. En même temps, l’enseignement de la morale chrétienne prend une extension nouvelle. Comme il s’adresse à de grands auditoires, dans des villes populeuses où le riche et le pauvre se coudoient, il acquiert une portée sociale qu’il n’avait pas eue jusque-là. Le moraliste chrétien ne parle plus seulement pour quelques fidèles, animés du même esprit que lui, mais aussi pour des grands, pour de hauts fonctionnaires, quelquefois pour des personnages de la cour, en tout cas pour des gens du monde. Il faut leur faire l’application d’une doctrine qui les étonne, qui trouble leurs habitudes et leurs conventions ; et c’est une tâche difficile, où les plus grands talents trouvent un emploi digne de leurs facultés.

Or, justement en ce même temps, ces talents abondent dans l’église chrétienne. À présent qu’elle attire à elle les classes supérieures, elle compte en grand nombre, parmi ses diacres ou ses prêtres, des hommes qui ont reçu l’éducation hellénique ; les élèves des sophistes lui apportent l’art qu’ils tiennent de leurs maîtres ; cet art, ils le mettent au service des idées et des sentiments que le christianisme leur fournit. Leur éloquence séduit des auditoires, qui, eux aussi, comptent désormais bien des lettrés. Leur succès, leur culture supérieure, leur intelligence plus ouverte les désignent pour les dignités ecclésiastiques. Ainsi ce sont les leçons de Prohœrésios, d’Himérios, de Libanios, jointes à l’esprit de l’évangile, qui font les grands évêques du ive siècle. L’hellénisme s’unit en eux à la tradition chrétienne. Et il résulte de là un essor littéraire vraiment remarquable, bien que l’influence du goût sophistique s’y fasse trop sentir.

Toutefois, dès le siècle suivant, cet essor prendra fin, et le byzantinisme va commencer d’apparaître. En y regardant de près, on en découvre déjà les germes dans la littérature du ive siècle.

D’abord le régime politique auquel l’empire est alors soumis est essentiellement contraire au libre mouvement des esprits. Ce régime est un despotisme administratif qui fait tout aboutir au maître. La liberté religieuse ou la persécution, la prédominance de telle ou telle doctrine sont choses qui dépendent en grande partie de sa volonté. Comment, dans ces conditions, l’esprit d’intrigue ne l’emporterait-il pas sur le goût de la libre discussion ? Les païens ne comptent que sur l’empereur pour les défendre, s’il est païen lui-même comme Julien, ou pour les ménager, s’il est chrétien, mais politique. Les évêques, de leur côté, agissent à la cour, cherchent à s’y faire des appuis, trop souvent à y former des cabales. Théophile d’Alexandrie, plus habile que Chrysostome, est plus puissant que lui à Constantinople et réussit à l’expulser. Toute l’éloquence du monde est plus faible que l’influence d’une femme qui gouverne la volonté d’Arcadius. Cette soumission nécessaire de tous à un homme, qui est lui-même bien souvent le jouet des intrigues ou l’instrument des factions, c’est déjà un des traits caractéristiques du byzantinisme.

En voici un second, non moins frappant. Si l’on excepte les quelques années du règne de Julien, le christianisme devient tellement le maître dans cette société qu’il y absorbe tout. Sous les empereurs chrétiens, les orateurs païens sont réduits au silence ; tout au plus peuvent-ils plaider indirectement pour la liberté de conscience, à condition que le plaidoyer se dissimule sous l’éloge. Et non seulement il n’y a bientôt plus de résistance ouverte, mais, peu à peu, toute activité indépendante d’esprit disparaît. La philosophie n’a plus le droit d’attirer l’attention. Seules, la théologie et la morale religieuse peuvent paraître au grand jour. Il semble que ce soit pour le christianisme un succès définitif, et c’est en réalité la cause la plus puissante de la diminution intellectuelle et morale qu’il va subir dans les siècles byzantins. Lorsque le monde grec tout entier ne se passionnera plus que pour les disputes d’une orthodoxie subtile, on ne verra plus surgir ni d’Athanase, ni de Chrysostôme. La pensée captive tournera sur elle-même, enfermée dans des discussions stériles, et la morale, privée du contact d’une vie sociale active et intelligente, s’enfermera dans un mysticisme monacal qui ôtera aux consciences leur ressort. Tout cela encore, c’est le byzantinisme, et tout cela est visible déjà sous les belles apparences du ive siècle.

Ainsi, à plusieurs signes, le déclin prochain se laisse deviner. Mais, pendant tout un siècle encore, les forces bienfaisantes l’emportent sur ces causes d’affaiblissement et de décadence. Elles produisent même de grandes choses qu’il faut essayer de mettre ici dans leur jour.

II

La sophistique s’était prolongée et soutenue à travers tout le iiie siècle, sans produire ni professeurs ni orateurs comparables en renommée à ceux de l’âge précédent. Dès le commencement du ive siècle, elle semble se ranimer, et de nouveau s’élèvent de grandes réputations d’école, au moins égales à celles qui avaient brillé au siècle des Antonins.

Toutes les villes de l’Orient grec ont alors leurs maîtres d’éloquence, dont les noms, oubliés aujourd’hui, sont fréquemment cités dans la littérature du temps. Quelques grandes villes possèdent même des groupes d’écoles, et jouent le rôle de véritables métropoles intellectuelles. Les plus célèbres en ce genre sont Athènes, Constantinople, Nicomédie, Pergame, Antioche, Alexandrie. Vers le milieu du siècle, la plupart d’entre elles sont dans tout leur éclat[712]. Les étudiants y affluent. Groupés dans chacun de ces centres auteur des divers maîtres en renom, ils forment de véritables factions, rivales et turbulentes, qui se disputent les nouveaux venus par la ruse, et au besoin par la force. Ainsi enrôlées, les recrues prêtent serment au professeur qui a su se les approprier ; dès lors, elles lui doivent leurs applaudissements. L’admiration devient affaire de parti, et elle n’en est que plus passionnée. Toute cette jeunesse a réellement foi en la rhétorique, elle croit au génie de ses maîtres, elle s’attache avec passion à ces hommes dont l’enseignement et les exemples semblent ouvrir le chemin de la fortune. Il en est ainsi du moins jusqu’au règne de Julien. Après lui, dans le dernier tiers du siècle, un déclin assez rapide paraît se faire sentir[713].

Les noms des grands rhéteurs de ce temps se lisent dans les Vies des Sophistes d’Eunape, avec un certain nombre de détails sur leur personne et leur talent. Mais, à vrai dire, ni un Julien de Cappadoce, ni un Apsinès, ni un Prohærésios, ni un Épiphanios, ni un Diophante, ni un Akakios[714], ni d’autres illustrations de même ordre, ne semblent mériter autre chose qu’une simple mention. Nous n’avons rien d’eux, et sans doute il n’y a guère lieu de le regretter. Les seuls, entre les maîtres du ive siècle, qui doivent nous arrêter quelques instants, sont ceux dont les œuvres ont été conservées, en partie au moins. Ils sont au nombre de trois seulement : Himérios, Thémistios et Libanios.


Le moins intéressant des trois est Himérios, qui ne fut qu’un homme d’école, entièrement étranger à la vie politique de son temps[715]. Né à Pruse en Bithynie vers 315, fils du rhéteur Aminias, il fut élevé pour la rhétorique, qui devait être l’occupation de toute sa vie. Après avoir fréquenté les écoles d’Athènes, il s’établit comme maître dans cette ville. Il ne la quitta qu’un instant sous le règne de Julien, appelé par ce prince à Constantinople. Dès la mort de son protecteur, il y revint et y reprit son enseignement, qu’il semble avoir continué avec le même succès sous les règnes de Valens et de Théodose, jusqu’à sa mort, en 386. Pendant une quarantaine d’années par conséquent (de 350 environ à 386), l’école d’Himérios à Athènes fut, selon sa propre expression, comme un « théâtre », où il donna aux curieux le spectacle de son éloquence. Parmi ses auditeurs, vinrent s’y asseoir, entre 354 et 359, Basile de Césarée et Grégoire de Nazianze : les chrétiens lettrés faisaient presque autant de cas de son talent que les païens.

Ses Discours sont en grande partie perdus. Photius en lisait encore 71, dont il nous a laissé des analyses ou des extraits (Ἐϰλογαί (Eklogai)) ; nous n’en possédons plus que trente-quatre dans le texte original, soit en entier, soit incomplets. Les uns sont de simples amplifications d’école sur des sujets fictifs[716] ; les autres, des œuvres de circonstance[717]. À quelque classe d’ailleurs qu’ils appartiennent, ce qui y manque le plus, ce sont les idées. Personne n’a moins pensé qu’Himérios. L’éloquence, telle qu’il la comprend, tient à la fois de la poésie et de la musique ; poésie toute superficielle, sans force de sentiment ; musique caressante et monotone, qui se contente de charmer l’oreille. En un autre temps, Himérios eût sans doute été poète plutôt qu’orateur, mais il eût été surtout poète de tradition et de métier, combinant habilement des réminiscences en des formes conventionnelles. Nulle trace en lui de dialectique ni de véhémence. Son discours est fait de mythes, d’images, de comparaisons, de descriptions, qu’il emprunte surtout aux poètes lyriques, dont sa mémoire était pleine. Nous lui devons ainsi quelques paraphrases de pièces perdues d’Alcée, de Sapho, d’Anacréon ; et, probablement, nous reconnaîtrions que nous lui en devons plus encore, s’il était toujours possible de distinguer dans ses développements ce qui est emprunt. Par son élégance, par sa mélodie, par les souvenirs classiques dont elle était imbue, cette prose sonore et vide a charme les contemporains. De vrais orateurs, comme S. Basile et S. Grégoire de Nazianze, ont même profité de son influence : ils ont senti, en l’écoutant, la valeur du rythme, du tour aise, de l’expression choisie ; ils ont reçu d’elle, en un mot, cette tradition du style qui avait manqué aux docteurs chrétiens du iiie siècle. Que ce soit donc là, faute de mieux, la louange durable d’Himérios.

Un intérêt plus sérieux s’attache à Thémistios, grand personnage, mêlé aux événements politiques de son temps, et digne de respect, autant par la noblesse de son caractère que par son talent.

Thémistios[718] naquit entre 310 et 320, probablement en Paphlagonie, ou son père Eugénios possédait un domaine. Cet Eugénios, riche et intelligent, s’adonnait à la philosophie et aux lettres : il semble avoir professé avec un certain éclat, pendant une partie au moins de sa vie[719]. Thémistios fut élevé d’abord auprès de lui, et sans doute par lui. Il lui dut le goût de la philosophie et des lettres, un attachement éclairé à l’hellénisme, la modération et la dignité du caractère, enfin le germe de cette éloquence douce, claire, brillante, qui allait faire sa fortune. Parvenu à l’âge d’homme, il voyagea[720]. En 347, il était présenté à l’empereur Constance, auquel il avait l’honneur d’adresser une harangue officielle[721]. Ce fut sans doute vers ce temps qu’il ouvrit école à Constantinople, et des lors la capitale de l’Orient devint son domicile. Son enseignement semble y avoir obtenu un grand succès. Lui-même nous apprend qu’on venait en foule, de Grèce et d’Ionie, pour l’entendre. Un philosophe de Sicyone, nommé Celse, amena un jour à Constantinople un certain nombre de ses disciples, aussi désireux que lui de jouir de son éloquence[722]. Thémistios commentait dans son école les œuvres de divers philosophes ; mais, orateur par tempérament, il prononçait de plus, en mainte occasion, des discours de morale[723]. En 355, lorsque Constance le fit entrer dans le sénat de Byzance, sa réputation était déjà éclatante[724]. Deux ans plus tard, il fut député par ce même sénat pour aller saluer à Rome le même empereur, à l’occasion de son triomphe. À l’en croire, de grands efforts furent faits pour l’y retenir. Il refusa toutes les offres, ne voulant pas quitter sa chère Constantinople. Sa carrière n’en fut pas moins brillante. Il était devenu, peu à peu, un des grands personnages de l’empire. Julien, en 362, lui offrit de hautes dignités, qu’il n’accepta pas[725]. Sous son successeur, Jovien, ce fut Thémistios qui, au nom du sénat, harangua l’empereur à propos de son consulat de 364[726]. Ces faveurs impériales se continuèrent sous Valens et sous Théodose. Ce dernier lui conféra, en 384, le titre de préfet de la ville[727], et lui confia l’éducation de son fils Arcadius. Thémistios dut mourir avant l’avénement de son élève en 395, car il ne nous reste rien de lui qui se rapporte à ce nouveau règne.

Ces indications définissent le rôle de Thémistios[728]. Maître renommé, il fut, en outre, l’orateur officiel de Constantinople, et par conséquent de l’Orient grec. Ce rôle, il le dut à son talent ; mais son caractère lui permit de le remplir avec honneur. En un temps d’adulation, il sut parler aux empereurs avec dignité et leur donner parfois, sous forme d’éloges, d’utiles conseils[729]. Chose plus difficile encore, dans une société déchirée par les discordes religieuses, il se fit estimer de tous, païens et chrétiens. Sincèrement attaché à l’hellénisme, il réclama la liberté religieuse, avec une véritable élévation de pensée.

Il nous reste de lui, d’une part, un recueil de paraphrases sur un certain nombre de traités d’Aristote, d’autre part, des discours.

Les Paraphrases (Παραφράσεις τοῦ Ἀριστοτέλους (Paraphraseis toû Aristotelous)) sont le débris d’un de ses premiers ouvrages. Il nous apprend (23e Disc., p. 355, Dind.) qu’il les avait composées pour lui-même dans sa jeunesse et qu’elles furent publiées sans son consentement. Elles embrassaient probablement toute l’œuvre d’Aristote. Celles qui nous restent se rapportent aux Analytiques, à la Physique, aux traités De l’âme, De la mémoire, Du sommeil, Des songes, De la divination[730]. Un tel ouvrage ne pouvait viser à l’originalité. Il est aisé d’en critiquer la méthode même en alléguant que l’auteur ne fait que délayer ce qu’Aristote avait dit plus fortement. Mais la concision d’Aristote est souvent obscure, tandis que l’interprétation un peu molle de Thémistios est beaucoup plus claire. C’est encore un mérite que de nous aider souvent à comprendre une pensée qui se dérobe ; et le livre, tel qu’il est, dénote à coup sûr un esprit souple, pénétrant et lucide.

Mais, si l’on veut connaître Thémistios, c’est dans ses discours qu’il faut le chercher. Photius en lisait trente-six[731]. Nous n’en possédons plus que trente-cinq, qui ont été retrouvés et rassemblés peu à peu[732]. Vingt de ces discours sont des harangues officielles ; les autres se rapportent ou à des circonstances particulières ou à des sujets de morale. Tous sont utiles à lire pour connaître soit les événements du temps, soit les hommes et les mœurs, soit l’orateur lui-même. Parmi les plus intéressants, il faut citer le 23e (Σοφιστής), où Thémistios, répondant à des critiques vraies ou supposées, présente, sous forme d’apologie personnelle, une sorte de tableau d’ensemble de sa vie ; le 24e (Περὶ τῆς ἀρχῆσς), où il explique comment il a pu accepter de Théodose la charge de préfet de la ville sans démentir les principes de sa philosophie ; et, dans un autre genre, le 5e, à Jovien, sur la tolérance religieuse, dont une partie se retrouve dans le 12°, à Valens ; enfin le 19e, à Théodose, sur l’humanité (Ἐπὶ τῇ φιλανθρωπίᾳ τοῦ αὐτοϰράτορος).

L’éloquence de Thémistios est généralement molle et ornée, officielle et académique ; mais elle a de la grâce, de la noblesse, de l’éclat, et elle s’inspire de sentiments élevés, qui lui communiquent par moments une certaine force. Son chef-d’œuvre est le discours à Jovien, plein de saines et généreuses pensées. La liberté de croyance et de culte est pour l’orateur un don de Dieu : « Celui qui use de violence en matière religieuse, dit-il, supprime la liberté que Dieu même a concédée. » Et en fait, ajoute-t-il, la violence est stérile, car l’âme s’y dérobe : « Cette loi de liberté, ni les confiscations, ni les croix, ni les bûchers ne peuvent la détruire ; tu peux emprisonner le corps, le livrer même à la mort ; l’âme s’en ira, emportant avec elle sa loi et la liberté de sa pensée, alors même que la langue aura subi la contrainte[733]. » De telles paroles font grand honneur à celui qui les a prononcées. Et elles ne sont pas exceptionnelles chez lui. Toute son éloquence a visé à recommander l’humanité, la justice et la haute culture de l’esprit. Etant lui-même sans passions, il a pu garder, en ce siècle de discordes et de mutuelles dénonciations, une sereine impartialité, un peu froide sans doute et tout trop amie des discours, mais qui donne a son personnage quelque chose de sympathique.

Cette sagesse, grave et douce, nous sommes loin de la trouver également chez son contemporain, Libanios d’Antioche : véritable nature d’homme de lettres, sujette à s’engouer et à s’irriter, intelligence vive et brillante, sans grande étendue ni force de réflexion, bel esprit, mais en fin de compte honnête, éloquent, applaudi, et offrant, par ses qualités comme par ses défauts, une image assez fidèle de la société païenne du temps.

Né à Antioche, en 314, Libanios était issu d’une famille riche et considérée[734]. Ayant perdu de bonne heure son père, il fut élevé par les soins de sa mère et de ses oncles. Quand il eut achevé ses premières études dans sa ville natale, saisi d’un vif amour pour l’éloquence, il se rendit à Athènes, en 336, pour s’y perfectionner dans la rhétorique. Là, au lieu de s’attacher aux maîtres les plus renommés, Épiphanios ou Prohærésios, il suivit les leçons de l’obscur et médiocre Diophantos qui l’avait circonvenu habilement. Au reste, il semble avoir fait son éducation oratoire surtout en lisant et en relisant les anciens orateurs attiques. Bientôt, il fut en état d’aider son maître dans son enseignement, et il professa ainsi à Athènes, en qualité d’adjoint, mais pendant peu de temps. Après un court voyage, nous le voyons en 342 établi à Constantinople, à la tête d’une école prospère. Ses succès lui attirent des envieux : leurs intrigues et leurs calomnies l’obligent à s’éloigner. À l’âge de trente-deux ans, en 346, chassé de Constantinople, il va professer à Nicée, puis à Nicomédie, où il semble avoir retrouvé le même succès. Les cinq années qu’il y passa (346-351) lui laissèrent un souvenir plein de charme ; il les appelait plus tard « le printemps et la floraison de sa vie[735]. » Toutefois, il revint encore à Constantinople, puis à Athènes, comme professeur public ; mais en 354, à l’âge de quarante ans, étant rentré dans sa ville natale, il se décida à s’y fixer. C’est à Antioche qu’il vécut des lors, sous les règnes de Constance, de Julien, de Jovien, de Valens et de Théodose ; il y mourut, dans un âge avancé, à une date incertaine, mais en tout cas après 391[736].

La situation qu’il s’y était faite par son talent était de nature à contenter son ambition. Il était reconnu comme le premier des maîtres d’éloquence dans la Syrie grecque ; il séduisait tous ceux qui l’approchaient par une souplesse caressante[737]. Les chrétiens même subissaient son influence littéraire ; parmi ses disciples il put compter le jeune Jean, qui allait devenir, sous le surnom de Chrysostome, le plus grand orateur de l’Orient grec. D’ailleurs, loin de s’enfermer dans son école, il se mêlait à tout. Il adressait des discours aux grands personnages, aux empereurs ; il traitait les affaires de la ville, se faisait, selon les circonstances, son patron, son panégyriste, son conseiller, son défenseur ; il écrivait sans cesse et à tout le monde, pour demander, recommander, remercier, complimenter. Tout ce que les institutions de ce temps comportaient d’activité politique, il le déployait. Son crédit, encore naissant sous Constance, devint très grand pendant le court règne de Julien, qui professait pour lui des sentiments de véritable amitié[738]. Si Julien avait vécu, il eût été presque impossible que Libanios ne prît pas une autorité durable. Leurs idées et leurs sentiments s’accordaient en tout. Aussi la mort imprévue du jeune empereur fut-elle pour lui un coup des plus cruels ; il le pleura comme ami et comme défenseur de l’hellénisme[739] ; ses plus chères espérances disparaissaient avec lui. Toutefois, il ne cessa pas d’être en haute considération auprès de la cour. Il avait reçu de Julien la dignité honorifique de questeur ; suivant Eunape, un de ses successeurs lui offrit le titre de préfet du palais, qu’il refusa. Son influence et son renom lui suffisaient. D’ailleurs sa santé était médiocre ; des chagrins privés attristaient sa vieillesse, et peut-être aussi un certain découragement, dû au sentiment du déclin de ce qu’il aimait, le détournait-il de la vie active. Mais, de même qu’il avait patronné Antioche auprès de Julien irrité, il intervint encore, en 387, dans la crise terrible qui faillit attirer sur elle la vengeance de Théodose.

Libanios avait beaucoup écrit[740] ; sa réputation se perpétua chez les Grecs de Byzance et empêcha que ses œuvres ne disparussent comme tant d’autres. Nous en possédons encore une très grande partie.

Celles qui sont purement scolaires ne peuvent être que signalées ici[741]. Ce sont des Déclamations (Μελέται) ; des Modèles d’exercices préparatoires (Προγυμνασμάτων παραγγέλματα, fables, récits, chries, sentences expliquées, éloges, blâmes, comparaisons) ; des Éthopées (Ἠθοποιΐαι ou discours de personnages dans certaines situations dramatiques) ; des Descriptions (Ἐϰφράσεις). Rien de tout cela n’atteste une originalité quelconque. Au même groupe, on peut rattacher ses travaux critiques sur Démosthène, consistant en une Vie de l’orateur et en arguments (Ὑποθέσεις) qui indiquent l’occasion et le sujet de chaque discours ; écrits sans prétention, mais fort utiles, dont le mérite est surtout de donner, sous une forme un peu sèche, des renseignements précis[742].

L’œuvre oratoire de Libanios comprend soixante-cinq discours, parmi lesquels un très petit nombre seulement roulent sur des sujets fictifs, quelques-uns sur des lieux communs de morale, tandis que tous les autres se rapportent à des événements contemporains. Entre les premiers, citons sans nous y arrêter l’Apologie de Socrate (Disc. 52) et le Discours contre Eschine pylagore (Disc. 64), compositions qui rappellent la manière d’Ælius Aristide ; puis les discours généraux Contre le bavardage, Sur l’avidité, Sur la richesse, etc., simples amplifications d’école. Ce qui est vraiment digne d’intérêt, dans cette collection, ce sont les discours relatifs aux choses du jour. Les uns nous font connaitre les mœurs des écoles, les rivalités des maîtres, les passions des disciples ; d’autres nous donnent le spectacle de la vie ; ils nous représentent quelques-unes des grandes villes grecques d’Orient, leur aspect, leur population, leurs agitations ; presque tous nous permettent de voir à l’œuvre l’administration impériale, et plusieurs éclairent assez vivement la physionomie de quelques-uns des empereurs de ce temps. Mentionnons surtout : l’Éloge d’Antioche (11e discours), pour la curieuse description qui en forme la dernière partie ; le 16° discours, sur l’offense faite à l’empereur Julien ; le 17e et le 18e, relatifs à sa mort (Ἐπὶ Ἰουλιανῷ μονῳδία, Ἐπιτάφιος ἐπὶ Ἰουλιανῷ) ; le 2e et le 65e, où il répond à des critiques personnelles (Πρὸς τοὺς βαρὺν αὐτὸν ϰαλέσαντας, Πρὸς τοὺς εἰς παιδείαν αὐτὸν ἀποσϰώπτοντας) ; les 19e et 20e adressés à Théodose, à propos des désordres d’Antioche ; enfin le 28e (Περὶ τῶν ἱερῶν), dans lequel il proteste auprès du même empereur contre les destructions de sanctuaires païens, qu’il impute au fanatisme des moines. Toutes ces harangues sont de première importance pour l’histoire du ive siècle ; mais, parmi celles que nous ne pouvons même nommer, il n’en est pas une qui, à cet égard, n’ait sa valeur.

À cette série de discours, il faut joindre une ample correspondance, non moins curieuse[743]. Elle se compose de plus de seize cents lettres[744], adressées à des personnages de toute sorte, païens ou chrétiens, empereurs, préfets, rhéteurs, philosophes, évêques, et touchant toute sorte de sujets. On y voit Libanios s’occupant des intérêts de ses amis ou de ses concitoyens, exposant leurs demandes, s’entremettant pour eux, donnant des avis, distribuant des éloges ou des remerciements. Et au spectacle de cette activité intéressante par elle-même, s’ajoute celui de la société contemporaine, qui revit là sous nos yeux.

Soit dans ses discours, soit dans ses lettres, Libanios se révèle comme un homme droit, obligeant, actif, qui aurait pu, dans un autre milieu, jouer un très grand rôle. Son malheur fut d’être en opposition avec le mouvement de son siècle. Celui-ci se détachait de plus en plus du paganisme, et, par une conséquence naturelle, le goût des études profanes y perdait de sa ferveur. Lui, au contraire, profondément imbu d’hellénisme dès son enfance, et tout adonné à l’admiration des grands écrivains grecs, ne pouvait comprendre qu’on ne trouvât pas en eux le meilleur idéal[745]. S’il n’avait pas d’animosité contre les chrétiens eux-mêmes, dont beaucoup étaient ses amis, le christianisme, comme doctrine, lui semblait une impiété, et, comme forme de société, une demi-barbarie. Non seulement il le voyait avec douleur renier les dieux que la plus noble portion de l’humanité avait adorés pendant tant de siècles, mais il s’inquiétait et s’affligeait de cet ascétisme qui tendait à déprécier tout ce qui embellit la vie, l’art, la poésie, l’éloquence, et par conséquent les plus brillantes facultés de l’esprit humain. Les moines, dont le nombre grossissait sous ses yeux, lui étaient en horreur, comme des ennemis de la civilisation. D’ailleurs, son intelligence n’était pas assez étendue pour qu’il pût saisir ni les causes profondes ni la force du mouvement dont il était témoin. Comme Julien, il l’attribuait à des circonstances secondaires, il croyait à l’efficacité des petits moyens pour le combattre, et il était d’autant plus attristé de voir les empereurs le favoriser. Le déclin des études le peinait tout particulièrement[746]. Mais il se sentait impuissant ; et son talent qui, en d’autres temps, se fût employé utilement à agir, se dépensait assez vainement à signaler le mal et à le déplorer. Du moins, il sut, même dans ces circonstances, se faire un noble rôle comme défenseur d’Antioche auprès des empereurs, comme patron des faibles, comme dénonciateur des abus[747]. En un temps où ceux qui savaient parler n’usaient guère de la parole que pour se faire applaudir, cette activité sérieuse lui fait grand honneur. Il eut le mérite, lui, païen et sophiste de profession, de remplir ainsi l’office que ses collègues laissaient trop volontiers aux évêques ; et l’autorité que ceux-ci devaient en partie à leur caractère ecclésiastique, il la revendiqua pour l’éloquence, au nom du droit et de l’humanité.

S’il faut maintenant apprécier chez Libanios le talent littéraire, nous devons reconnaître d’abord que les vraies qualités de l’orateur sont médiocres en lui. Il ne sait pas dégager les grandes idées d’un sujet, il n’a ni dialectique vigoureuse ni passion soutenue, il n’est ni entraînant ni émouvant. Élevé dans l’école, il demeure sophiste dans les causes les plus sérieuses[748]. Il s’attache aux détails, se plaît aux menues inventions, et fait valoir ses grâces avec une coquetterie fastidieuse, beaucoup moins sans doute que tel de ses contemporains, mais beaucoup trop encore pour notre goût. Ce sont là, chez lui, les défauts du temps. Il en a d’autres plus personnels : sa phrase, trop chargée, capricieuse, devient parfois embarrassée ; ses expressions, prétentieuses et d’une composition affectée, sont loin d’être toujours claires ; ses périphrases, ses allusions, ses prétendues élégances, qui consistent à éviter le mot propre ou à orner des choses qu’il juge trop simples, augmentent l’obscurité de sa pensée[749]. Mais, en faisant la part très large à la critique, on ne peut nier qu’il n’ait de l’esprit, de l’imagination, des idées fines, des inventions ingénieuses, et même, en beaucoup de passages, une incontestable sincérité d’accent. Dans la satire, il ne manque ni de franchise, ni de trait ; dans l’éloge, lorsqu’il est inspiré par le patriotisme ou par l’amitié, il sort parfois de la banalité. Sa grande connaissance des auteurs classiques lui donnait en outre une réelle autorité d’écrivain[750]. Nul ne connaissait mieux que lui Démosthène et les orateurs attiques. Il avait étudié, avec un goût presque aussi vif, les poètes, les historiens, les moralistes[751], et, grâce à cela, sa langue paraissait à ses contemporains offrir le spectacle d’une richesse, d’une variété de nuances, et en même temps d’une pureté qu’ils admiraient.

Cette admiration a subsisté à travers toute la période byzantine. Libanios demeura pour les Grecs du moyen-âge un des représentants de l’éloquence classique. Personne, à coup sûr, ne pourrait songer aujourd’hui à le maintenir en ce rang. Mais, parmi les païens de ce temps, c’est encore un de ceux dont l’étude offre le plus d’intérêt[752].

III

Cette éloquence, médiocre en somme, est encore supérieure à l’historiographie du même siècle. Car celle-ci a les mêmes défauts, qui sont plus contraires à sa vraie nature qu’à celle de l’éloquence, et elle n’a pas les mêmes qualités.

Les grandes actions de Constantin semblent avoir été un des sujets préférés des historiens rhéteurs. Praxagoras, d’Athènes, Bémarchios, de Césarée en Cappadoce, avaient raconté sa vie[753] ; un autre Cappadocien, Eustochios, raconta celle de son fils aîné Constant[754]. Après Constantin et ses fils, Julien eut aussi ses panégyristes, tels que Magnus de Carrhes, Eutychianos de Cappadoce[755], et enfin Eunape de Sardes, le seul d’entre eux qui mérite d’être distingué ici[756].

Né vers 346[757], Eunape fut en Asie, dans sa jeunesse, le disciple du philosophe néoplatonicien Chrysanthios, que Julien fit grand pontife de Lydie en 362. Sous son influence sans doute, se développa l’attachement passionné qu’il ne cessa de professer pour le polythéisme, et aussi sa dévotion étroite et superstitieuse. De 362 à 366, il étudia la rhétorique à Athènes dans l’école de Prohærésios. Puis, en 366, il revint l’enseigner à son tour dans sa ville natale. Le reste de sa vie nous est inconnu, mais nous savons qu’elle se prolongea jusqu’au delà de 414.

Son principal ouvrage était une histoire contemporaine, destinée à faire suite à celle de Dexippos[758]. Elle commençait à la mort de Claude II en 270, et l’auteur put la continuer jusqu’à l’année 404. Cette période de cent trente-quatre ans était répartie en quatorze livres. Mais le premier embrassait à lui seul quatre-vingt-cinq ans, jusqu’à l’avènement de Julien : ce n’était donc en réalité qu’une introduction ; le récit détaillé commençait avec le règne de ce prince, auquel cinq livres entiers étaient consacrés. Écrire l’éloge de Julien, voilà ce qu’Eunape s’était proposé surtout[759]. Les fragments qui restent de son œuvre n’en donnent qu’une idée très incomplète[760]. Mais on ne peut douter qu’elle ne manifestât une tendance de parti très prononcée. Païen militant, Eunape jugeait les hommes et les choses au point de vue d’une croyance passionnée[761]. Sa rhétorique ampoulée faisait ressortir la médiocrité naturelle de son esprit. La substance de ses récits a passé dans ceux de Zosime, qui n’a fait souvent que les abréger[762].

Outre cette grande histoire perdue, Eunape écrivit, au commencement du ve siècle, sous le titre de Vies de Philosophes et de Sophistes, vingt-trois biographies que nous possédons encore. Ce sont celles des principaux représentants de l’école néoplatonicienne, ses maîtres ou ses amis, et d’un certain nombre de rhéteurs du temps : Plotin, Porphyre, Jamblique, Ædésios, Maxime, Priscus, Julien de Cappadoce, Prohærésios, Epiphanios, Himérios, Libanios, Oribase, Chrysanthios, etc. Bien que nous devions à ce livre quelques informations qui ont leur valeur, il faut dire nettement qu’il n’y a là ni critique, ni composition, ni style. Des commérages confus, une crédulité superstitieuse poussée jusqu’à l’absurde, un jargon de rhétorique insipide, des hyperboles puériles, des partis pris évidents, des digressions incessantes : véritable collection des défauts de l’esprit du temps, qu’on ne saurait imaginer plus complète. Comparé à Eunape, Philostrate l’Athénien paraît un écrivain de valeur. L’auteur se révèle là, plus encore que dans son histoire, avec sa ferveur de néoplatonicien béat et ses affectations insupportables de sophiste.

Le dernier écrivain de ce groupe, Olympiodore, de Thèbes en Égypte, appartient plus au ve siècle qu’au ive[763]. Mais il est difficile de le séparer d’Eunape, dont il a continué l’œuvre historique. Tout ce que nous savons de lui, c’est qu’il exerça des charges sous Arcadius et Théodose II. Son histoire, dédiée à ce dernier empereur, faisait immédiatement suite à celle d’Eunape et s’étendait jusqu’à l’année 425. Elle ne comprenait donc que vingt ans. C’était en réalité une série de notes : Zosime l’utilisa comme il avait utilisé celle d’Eunape pour la période antérieure.

IV

Tandis que la sophistique faisait l’éducation de la jeunesse et occupait les loisirs de la société, la philosophie continuait à exercer une action profonde sur la plupart de ceux qui résistaient encore au christianisme.

L’école néoplatonicienne, après Porphyre et les autres disciples immédiats de Plotin, s’était adonnée de plus en plus aux fantaisies d’une théologie toute mystique[764]. Elle est surtout représentée, dans la première moitié du ive siècle, par un homme étrange et mal connu, le « divin » Jamblique, de Chalcis en Syrie, rêveur enthousiaste et métaphysicien subtil, adoré de ses disciples comme un être surnaturel, opérant des prodiges, commandant aux démons et conversant avec les dieux[765]. Né dans la fin du iiie siècle, vers 280, Jamblique suivit dans sa jeunesse les leçons d’Anatolios, puis celles de Porphyre, probablement à Athènes. Il revint ensuite en Asie ; et sa vie, dont nous ignorons les détails, paraît s’être passée en grande partie dans son pays, à Chalcis, ville de la Syrie supérieure, au S. E. d’Antioche. C’est là du moins qu’Eunape, son biographe, nous le représente, entouré de ses fidèles, et dogmatisant, au milieu d’eux, comme un hiérophante. Si l’on acceptait entièrement son témoignage, Jamblique serait mort un peu avant Constantin, vers 335 environ[766]. Mais il semble qu’il y ait là une erreur du biographe. Car nous avons des lettres de Julien à Jamblique, qui présentent tous les caractères de l’authenticité, et Julien, comme on le sait, naquit seulement en 331[767]. Il est donc probable que la vie de Jamblique s’est prolongée jusque vers le milieu du siècle. Mais son école paraît s’être dispersée vers la fin du règne de Constantin ; et le maître lui-même, devenu sans doute suspect au christianisme intolérant de Constance, se tint dès lors dans la retraite et dans le silence.

Tout absorbé par ses spéculations, Jamblique ne se piquait pas d’être écrivain. Il jetait ses idées sans souci d’élégance, ni même de correction. Ce n’était d’ailleurs rien moins qu’un penseur original, sa principale préoccupation étant d’adapter les doctrines de ses devanciers aux besoins de sa dévotion. Une série d’écrits, assemblés en sept livres, se rapportaient à la philosophie de Pythagore (Συναγωγὴ τῶν Πυθαγορείων δογμάτων) ; nous en possédons encore cinq livres. Ce sont : le Traité de la vie pythagorique (Περὶ τοῦ Πυθαγοριϰοῦ βίου)[768] ; l’Exhortation de la philosophie (Προτρεπτιϰὸς εἰς φιλοσοφίαν)[769] ; le Traité sur la science mathématique en général (Περὶ τῆς ϰοινῆς μαθηματιϰῆς ἐπιστήμης)[770] ; l’Introduction arithmétique (Ἀριθμητιϰὴ εἰσαγωγή, ou mieux Περὶ τῆς Νιϰομάχου ἀριθμητιϰῆς εἰσαγωγῆς)[771] ; la Théologie de l’Arithmétique (Τὰ θεολογούμενα τῆς ἀριθμητιϰῆς)[772]. Un autre grand ouvrage, qui paraît avoir formé une trentaine de livres, avait pour objet la Théologie chaldaïque (Χαλδαϊϰὴ θεολογία), dont Jamblique prétendait faire une des sources principales de sa doctrine : il ne nous en reste rien. — De son écrit, très important, Sur l’âme (Περὶ ψυχῆς), subsistent seulement les fragments assez étendus qui figurent dans les recueils de Stobée et de Jean de Damas. Nous savons en outre qu’il avait composé des Commentaires sur Platon et sur Aristote, entièrement perdus, et plusieurs autres ouvrages encore, parmi lesquels les plus notables étaient, d’une part, un écrit Sur les dieux, probablement celui dont Julien s’est inspiré dans son discours au Soleil-Roi, de l’autre, une Apologie des idoles (Περὶ ἀλγαμάτων), dont Photius analyse le contenu (cod. 215), et qui fut réfutée au vie siècle par l’évêque d’Alexandrie, Jean Philoponos.

Plusieurs des ouvrages conservés présentent, comme on le voit, un caractère singulièrement technique ; ils sont faits de considérations mystiques sur la science des nombres. D’autres, comme l’Exhortation, n’offrent guère qu’un assemblage de morceaux empruntés à divers écrivains et paraphrasés dans des vues d’édification. Ceux qui appartiennent le plus à leur auteur, comme la Vie pythagorique, sont sans mérite littéraire : la forme en est banale, le style diffus, la composition molle et fastidieuse ; nulle critique ; un ton de panégyrique, une crédulité superstitieuse et puérile. Si Jamblique intéresse néanmoins l’histoire littéraire, c’est uniquement parce qu’il représente, mieux que personne, l’état d’âme d’une partie de ses contemporains. Nous voyons en lui l’hellénisme devenu une religion exaltée, dont les fidèles, de plus en plus détachés des intérêts terrestres, vivent en plein surnaturel. La foi l’emporte en eux sur la raison ; ils demandent à la révélation divine ce qu’ils n’attendent plus de la recherche ; ils s’adonnent avec une ferveur étrange à la divination et à la théurgie ; ils sont en commerce avec les bons démons et en guerre avec les mauvais. De plus en plus, leur esprit perd le contact de la réalité, pour se laisser aller à des spéculations extravagantes. Jamblique réalise l’idée de dieu en une série infinie d’êtres imaginaires, de triades superposées et emmêlées, et ses disciples acceptent tout cela sur la foi du maître. On ne sait plus et on ne se soucie plus de savoir quelles sont les conditions de la démonstration et les caractères de la vérité ; la raison a perdu sa force. En revanche, l’imagination et la sensibilité sont excitées d’une manière maladive. Tout atteste un dérangement intime de l’équilibre mental, qui est surtout manifeste chez les mieux doués.

Nulle part cela n’apparaît plus clairement que dans un opuscule longtemps attribué à Jamblique, l’écrit Sur les mystères, qui ne semble pas être réellement de lui, mais qui provient certainement de son école[773]. L’objet de cet écrit est de répondre aux doutes que Porphyre, dans sa Lettre à Anébon, avait autrefois exprimés au sujet de la théurgie. Pour l’auteur, non seulement les communications avec le monde surnaturel qui nous enveloppe sont possibles et certaines, mais elles doivent être la grande affaire des âmes religieuses. Aussi, après avoir fait connaitre ce monde invisible, tout peuplé de dieux, de héros, de démons, d’anges et d’archanges, il enseigne par quels moyens on peut entrer en relations avec tous ces êtres, quels signes mystérieux ou quelles opérations ont pouvoir sur eux, quelle est la valeur spécifique des formules, des noms, des rites de purification et d’expiation. Tout cela en soi est aussi étranger que possible à la littérature, mais rien n’éclaire mieux le fond de sentiments et de croyances dont toutes les œuvres littéraires du temps portent la trace.

Inutile maintenant d’énumérer les principaux successeurs de Jamblique à travers le ive siècle. Aucun d’eux ne semble s’être signalé par une tentative vraiment personnelle. Laissons à l’histoire de la philosophie les noms de Théodore d’Asiné, d'Ædésios, d’Eusèbe et d’Eustathe, de Maxime et de Salluste, de Chrysanthios et de Priscos[774]. Chez tous, la philosophie religieuse prédomine sur l’esprit de recherche, mais rien de ce qui subsiste de leurs œuvres ne mérite d’être cité[775].

Un temps où la raison se montrait si altérée ne pouvait être très favorable aux sciences. Compilations et commentaires, voilà, à peu près, toute la littérature scientifique du ive siècle.

Dans les sciences naturelles, le seul nom à citer est celui du médecin Oribase de Pergame, qui fut un des amis particuliers de l’empereur Julien[776]. Son Encyclopédie médicale comprenait, sous sa première forme, 70 livres (Ἰατριϰῶν συναγωγῶν Ἑϐδομηϰοντάϐιϐλος) ; il la réduisit plus tard à 9 livres. De cette immense compilation, une partie seulement est venue jusqu’à nous. C’est le plus ample recueil de documents sur la médecine grecque ; ce n’est pas une œuvre qui révèle un esprit original[777]. — Des écrits d’Apsyrtos de Pruse sur l’art vétérinaire et de Vindonios Anatolios de Bérytos sur l’agronomie, il ne nous reste que des extraits ou même de simples traces[778]. C’est assez d’en faire mention.

Dans les mathématiques, il y eut alors quelques maîtres estimés, surtout à Alexandrie. Le seul qui ait encore une certaine notoriété est Diophante, dont l’Arithmétique nous a été en partie conservée[779]. Paulos, Pappos et Théon ne sont plus connus que des spécialistes[780].

V

Au milieu de ces pâles figures, celle de l’empereur Julien se détache avec un tout autre relief. Par son éducation et par ses goûts, il tient à la fois à la sophistique oratoire et à la philosophie de son temps. Et pourtant, il n’est, à proprement parler, ni un sophiste ni un philosophe. D’une part, sa haute situation l’élève au dessus de l’école et l’oblige à voir les choses d’un point de vue plus pratique. De l’autre, la lutte où il est engagé avec les tendances de son temps met en jeu tout son caractère et révèle l’homme dans l’écrivain. On peut l’aimer ou le haïr, mais il est difficile de le considérer avec indifférence. Et ce qu’il y a d’ailleurs en lui d’obscur, d’énigmatique, ou même de mystérieux, contribue encore à augmenter cet intérêt[781].

Né à Constantinople en 331, Flavius Claudius Julianus était fils de Julius Constantius, un des frères de l’empereur Constantin. À la mort de celui-ci, en 337, Julien, âgé de six ans, faillit être massacré avec les autres membres de sa famille par les soldats de Constance, qui croyaient ainsi, à tort ou à raison, obéir aux intentions de leur maître. Il échappa pourtant avec son frère Gallus, mais demeura toujours plus ou moins suspect à son cousin, l’empereur Constance. Par ses ordres, le jeune prince fut élevé à l’écart en Cappadoce ; il resta là, de 337 à 343, dans une sorte de captivité, sans amis, sans compagnons de son âge, et loin des écoles[782]. Il n’est pas douteux que cette enfance, sombre et inquiète, n’ait aigri pour jamais l’âme impressionnable du futur César. Quand cette dure surveillance se relâcha, il fut appelé à Constantinople, et là, d’abord, puis à Nicomédie, put enfin fréquenter les écoles. Bien que confié à des maîtres chrétiens et nourri dans le christianisme, ce fut alors qu’il subit l’influence de Libanios, qui enseignait en ce temps à Nicomédie, ainsi que celle de Maxime et des néoplatoniciens qui se groupaient autour de l’école de Pergame et d’Ædésios. Les rapports qu’il eut avec eux étaient nécessairement secrets ; mais leur influence sur lui n’en fut que plus profonde. Il haïssait déjà le christianisme au fond du cœur, soit parce qu’il lui était imposé, soit parce qu’il n’y trouvait pas cette haute culture de l’esprit qu’il admirait passionnément dans l’antiquité classique. L’éloquence profane le charmait, et, plus encore sans doute, la théologie mystique des néoplatoniciens, qui convenait à son esprit avide de l’inconnu. La subtilité hardie de leur exégèse l’enivrait, en même temps que leur théurgie exaltait son âme. Il avait vingt-trois ans, lorsque son frère aîné Gallus, que Constance avait fait César, fut rappelé brusquement à Constantinople, dépouillé de ses honneurs et mis à mort (354). Pendant six mois, le jeune Julien se trouva lui-même en grand danger ; Constance le traînait à sa suite, sans daigner l’admettre en sa présence. L’intercession de l’impératrice Eusébie le sauva. Il obtint alors de venir à Athènes, et enfin il espérait pouvoir se livrer en paix à ses chères études[783], lorsque, soudainement appelé à Milan, il y reçut le titre de César avec le gouvernement des Gaules (355).

Là commence sa vie publique, qu’il suffira de rappeler brièvement. De 355 à 360, Julien, en Gaule, se révèle à la fois homme de guerre et homme d’État. Il repousse les Alamans au delà du Rhin, donne à la province la paix et la prospérité. Ses succès inquiètent Constance. Celui-ci veut l’affaiblir ; il lui demande une partie de ses légions pour aller combattre en Orient. Les légions se révoltent et décernent au jeune César le titre d’Auguste. Une guerre civile semble inévitable : Julien marche sur Constantinople avec ses troupes. Mais Constance meurt avant la rencontre, et Julien lui succède comme seul empereur, en 361. Son règne fut court. Les attaques des Perses menaçaient l’empire. Julien dut se préparer à les combattre. On sait comment, après avoir pénétré en vainqueur jusqu’à Ctésiphon, il fut contraint à se retirer et trouva la mort dans cette retraite, en 363.

Pendant ces deux années de règne, son activité, qu’attestent encore ses lettres et ses édits, avait été dirigée par une idée dominante. Il avait entrepris d’arrêter le christianisme dans sa marche et de restaurer l’hellénisme, comme religion publique et comme croyance. C’était une lutte qu’il engageait : il la mena sans déroger ouvertement à ses principes de tolérance, mais avec passion et âpreté, s’irritant des difficultés qu’il aurait dû prévoir, et se donnant le tort de traiter la majorité de ses sujets en adversaires, dont il n’essayait pas de prendre les sentiments. Avec des intentions droites et une nature généreuse, il fut ainsi amené à user envers eux de taquineries mesquines, quelquefois même cruelles, et à leur faire une guerre sourde, où il compromit plus d’une fois sa dignité d’homme et d’empereur.

Nous n’avons pas à étudier ici la politique de Julien, ni même sa philosophie, qui d’ailleurs ne différait pas de celle de ses maîtres[784]. Ce qu’il importe de remarquer toutefois, c’est que la lutte de Julien contre le christianisme n’était aucunement, comme on pourrait être tenté de le croire, celle de la raison contre la foi, de la libre pensée contre l’autorité dogmatique, de la conscience individuelle contre le sacerdoce. En fait, la théologie néoplatonicienne de Julien était tout aussi pénétrée de mysticisme que la théologie chrétienne, et la part qu’elle faisait à la révélation et à l’inspiration divine n’était guère moindre. Quant à l’influence sacerdotale, il n’avait rien plus à cœur que de la développer. La grande différence, au point de vue pratique, était que Julien prétendait se rattacher à toute la tradition grecque, tandis que les chrétiens ou la rejetaient expressément ou regardaient ailleurs. Cela explique comment la victoire du christianisme dut entraîner à bref délai la répudiation presque absolue du legs de l’antiquité.

Julien trouva le temps dans sa courte vie d’écrire beaucoup. Mais il s’en faut que tous ses écrits soient venus jusqu’à nous ; et, parmi ceux qui ont disparu, se trouvaient justement quelques-uns de ceux qu’il eût été le plus désirable de connaître.

Trois discours officiels, qui occupent une assez grande place dans ses œuvres, n’ont pour nous qu’un très médiocre intérêt. Ce sont deux Panégyriques de l’empereur Constance (Disc. I et II), composés par Julien lorsqu’il n’était encore que César, et un Éloge de l’impératrice Eusébie, sa bienfaitrice, qui est du même temps. Le dernier exprime des sentiments sincères ; les deux premiers sont un tissu de mensonges brillants imposés par les convenances officielles ; et il est fort curieux de les mettre en opposition avec la vraie pensée de l’auteur sur Constance, telle que l’exprime sans ambages la lettre aux Athéniens dont nous allons parler. Dans ces trois discours, il se montre seulement l’élève ingénieux des sophistes contemporains.

Le vrai Julien n’est pas là. Nous l’aurions sans doute trouvé, au contraire, très vivant et très naturel, dans les Commentaires qu’il avait écrits sur ses campagnes de Gaule, s’ils nous étaient parvenus[785]. Il voyait bien et racontait avec agrément. Nous en pouvons juger encore par la peinture qu’il fait de son séjour à Lutèce, dans le Misopogon, par celle de sa villa de Bithynie dans sa quarante-sixième lettre, et surtout par les exposés de faits, aussi substantiels que dramatiques, qui remplissent sa Lettre au sénat et au peuple d’Athènes. Ces quelques pages, Julien les écrit à ses chers Athéniens, en 361, au moment où il marche contre Constance : il veut les faire juges de ses raisons ; et, dans cette vue, tantôt il raconte les principaux événements de sa vie, tantôt il plaide. C’est donc une apologie narrative, plutôt qu’une œuvre d’historien à proprement parler ; mais l’historien, habile à caractériser les hommes et à donner aux choses leur vraie couleur, s’y laisse voir à chaque ligne.

Une tendance profonde le portait vers les idées morales et religieuses. Un de ses discours, le VIIIe, écrit en Gaule, est une Consolation qu’il s’adresse à lui-même, au moment d’être séparé du plus cher de ses amis, Salluste, que la jalousie de Constance éloignait de lui. Malgré quelque rhétorique, ces pages sont vraiment belles par la sincérité du sentiment, par la gravité et l’élévation des idées. Il y a beaucoup des mêmes qualités dans la Lettre à Thémistios, sorte d’examen de conscience, dans lequel le jeune empereur se demande à lui-même comment il pourra justifier les espérances dont l’éloquent philosophe s’était fait l’interprète. — Un des premiers éditeurs de Julien, le P. Petau, a séparé de cette lettre avec raison un long fragment que l’erreur d’un copiste y avait mêlé. Ce morceau a dû être extrait d’une sorte d’Instruction, adressée par l’empereur à un grand prêtre au sujet de la religion et du sacerdoce. Julien y expose avec une éloquence simple les vertus qu’il attend d’un prêtre des dieux : la sainteté des mœurs, la vraie piété, l’amour des hommes.

C’est le mystique, le spéculatif, le rêveur aussi, qui apparaît dans les Discours IVe et Ve. Le Discours IVe, adressé Au Soleil Roi (Εἰς τὸν βασιλέα Ἥλιον), est une sorte de méditation, écrite en trois nuits, pendant les saturnales, probablement en 361 ; les idées, comme Julien le déclare lui-même, sont celles de Jamblique ; mais on sent assez avec quel goût personnel il les développe, et quelle satisfaction intime y trouve sa piété. Le Discours V, À la mère des dieux (Εἰς τὴν μητέρα τῶν θεῶν), écrit en une seule nuit et tout d’un jet, probablement en 363, à la veille de l’expédition contre les Perses, manifeste la même dévotion ardente et subtile. Dans l’un comme dans l’autre, règne une sorte d’exégèse passionnée, qui, s’attachant aux anciens mythes comme à une révélation divine, les interprète par la philosophie, par les oracles, par la sagesse chaldéenne, à la lumière de la raison qui est Dieu. Docile comme un croyant sincère, Julien est en même temps un inspiré. Il a l’âme dévote et chimérique d’un Jamblique ou d’un Ædésios, avec autant de force d’illusion.

Entre ses diverses œuvres, toutefois, celles qui représentent le mieux le fond de sa nature, ce sont celles où sa philosophie se fait agressive et satirique. Une certaine âpreté de raillerie, qui n’a pu se donner carrière que là, est en effet un des traits essentiels de son esprit.

La principale de ces œuvres satiriques était l’ouvrage aujourd’hui perdu Contre les Chrétiens, en trois livres[786]. Nous l’ignorerions entièrement, sans la réfutation que Cyrille d’Alexandrie en fit au siècle suivant. De cette réfutation, en trente livres, dix livres seulement ont subsisté : ce sont ceux qui se rapportent au premier livre de Julien : nous ne connaissons donc que le tiers de son ouvrage, et encore indirectement. Il l’avait écrit à Antioche, de 362 à 363, immédiatement avant sa campagne de Perse[787]. Il régnait alors depuis deux ans ; et depuis deux ans, comme empereur, il avait pu mesurer la force d’expansion du christianisme. Malgré cela, il paraît avoir cru qu’on pouvait encore lui opposer avec succès des raisonnements. Son plan embrassait la critique des antécédents du christianisme, c’est-à-dire de la tradition biblique et des prophètes, puis celle des évangiles, et peut-être enfin un examen historique de son développement. La première partie est la seule dont nous puissions juger. L’ouvrage avait été écrit vite, dans une sorte d’improvisation. Le ton était celui d’un pamphlet amer, moqueur et dédaigneux. Mais Julien connaissait bien l’ancien et le nouveau Testament, et il se servait de ses connaissances en dialecticien. Autant qu’on peut en juger, il essayait surtout de démontrer qu’il y a autant de mythes dans la Bible que chez les poètes grecs ; que les prophéties ne visaient pas les événements racontés par l’Évangile, ou qu’elles ne peuvent s’y rapporter ; que la législation si vantée de Moïse est pleine de traits de barbarie ; que le Dieu de la Bible est injuste, jaloux, violent, inconstant : en un mot, que les idées morales et religieuses du judaïsme, dont le christianisme se donne pour l’héritier, ne sauraient être comparées à celles de l’hellénisme. L’admiration et l’amour de l’hellénisme, conçu comme l’expression la plus pure de la religion et de l’humanité, voilà en effet ce qui formait comme la doctrine fondamentale du livre, et ce qui mêlait à cette satire virulente un élément de beauté.

Nous retrouvons encore le satirique et le polémiste dans plusieurs autres ouvrages. — Deux de ses Discours (VI et VII) sont une vive attaque contre certains Cyniques contemporains, auquel il reproche de déshonorer la vraie philosophie. La critique y est âpre jusqu’à l’excès, mais animée d’un sentiment élevé, qui l’ennoblit. — En ce genre, le chef-d’œuvre de Julien est son Misopogon, composé à Antioche en 363. Aujourd’hui que l’ouvrage contre les chrétiens est perdu, aucun de ses écrits ne le fait mieux connaître. Antioche était à la fois une des métropoles du christianisme et la ville la plus luxueuse de l’Orient. Julien, avec de bonnes intentions, l’avait irritée par un édit de maximum, qui avait eu pour effet de rendre les approvisionnements difficiles. Le peuple, fâché contre lui, l’avait chansonné ; les moines s’en étaient mêlés : il en était résulté une hostilité profonde, formée de sentiments complexes. À ces chansons, Julien voulut répondre en homme d’esprit, en se moquant des railleurs. « L’ennemi de la barbe » (Μισοπώγων), c’est l’habitant d’Antioche, délicat, épris de luxe, de plaisir, de mollesse, adversaire des philosophes, oublieux de l’hellénisme ; et Julien, en faisant sembler de vanter ses qualités, le persifle en réalité amèrement, pour ses mœurs efféminées, ses engouements puérils, sa facilité aux nouveautés trompeuses. Il y a beaucoup d’esprit dans ce persiflage, mais un esprit un peu dur, qui manque parfois de bon goût, et qui n’est pas exempt d’une sorte de pédantisme hautain. Entre les meilleurs passages, il faut citer celui où Julien oppose à l’Orient amolli la rudesse naïve des Celtes, au milieu desquels il venait de passer six ans, et rappelle, non sans charme, le souvenir de Lutèce. L’ouvrage, dans son ensemble, est d’ailleurs fort curieux par les détails piquants qu’il nous donne sur la population d’Antioche.

La courte composition, à demi-dramatique, intitulée Le Banquet, les Saturnales, ou les Césars (Συμπόσιον ἢ Κρόνια ἢ Καίσαρες), est loin d’avoir la même valeur. C’est un jeu d’esprit, artificiel comme un exercice scolaire. Dans un banquet imaginaire donné aux Olympiens par Cronos, les Césars divinisés viennent s’attabler ; Alexandre se joint à eux ; Silène, qui est le comique de l’Olympe, juge chacun des convives en quelques mots. À la fin, un concours de mérite est ouvert entre les meilleurs : César, Alexandre, Auguste, Trajan, Marc Aurèle et Constantin y prennent part. C’est Marc Aurèle qui obtient le plus de suffrages. Aucun, sauf lui, n’échappe aux épigrammes de Silène ; mais le plus maltraité est Constantin, moins encore pour ses crimes et sa mollesse que pour avoir protégé le christianisme. La satire a donc une tendance à la fois morale, politique et religieuse ; mais elle n’est ni assez approfondie ni assez piquante.

Cet ensemble d’écrits est complété par une correspondance étendue. Nous possédons soixante-dix-huit lettres attribuées à Julien, parmi lesquelles figurent, il est vrai, plusieurs fragments d’édits[788]. La plupart semblent authentiques. Elles sont adressées à des amis, tels que Salluste, à des orateurs ou à des philosophes, tels que Libanios, Eugénios, Thémistios, Maxime, Jamblique, quelques-unes à des agents impériaux, à des évêques. Réunies, elles laissent voir les inégalités du caractère et de l’esprit de leur auteur : sa simplicité et son affection envers ses amis, ses intentions droites, son esprit de justice ; mais aussi ses rancunes, ses partis pris, et certaines habiletés douteuses, dans lesquelles on regrette de lui voir compromettre sa droiture naturelle.

Julien, mort à trente-trois ans, ne semble pas avoir donné toute sa mesure comme écrivain. Il y avait certainement en lui un penseur, un historien, un moraliste et un satirique ; il y avait surtout un homme, dont la vraie nature perçait à chaque instant sous les formes convenues de la littérature du temps ; ses préjugés même et ses passions auraient pu contribuer à lui faire une originalité plus accusée. Le temps lui a manqué pour se dégager de l’influence de ses maîtres et devenir tout à fait lui-même.

VI

La demi-renaissance de la sophistique que nous venons de signaler devait avoir son contre-coup sur la poésie, puisque, dans toute cette période de l’empire, poésie et sophistique ne se séparent point.

Si nous connaissions mieux la poésie officielle du ive siècle, peut-être pourrions-nous y montrer l’influence des études à la mode. Les discours d’Himérios ne permettent guère de douter qu’il ne se soit développé alors dans les écoles un goût d’imitation poétique qui a dû se faire sentir chez les versificateurs contemporains. Mais s’il y eut, au temps de Constantin et de Constance, des auteurs d’épopées ou de panégyriques en vers à la gloire des empereurs, ce qui est fort probable, nous les ignorons. Un témoignage isolé, celui de l’historien Socrate, reproduit par Nicéphore, nous fait connaître seulement un certain Callistos, qui célébra en hexamètres la gloire de l’empereur Julien[789]. Cela suffit à établir historiquement la persistance du genre, sans nous permettre de le juger.

C’est dans l’épopée mythologique uniquement que se manifeste alors pour nous une tendance sensible à relever la notion de l’art. Elle a pour principal représentant le poète Quintus de Smyrne[790]. Tout ce que nous savons de lui, c’est ce qu’il nous en apprend lui-même sous une forme allégorique (XII, 308-313), à savoir qu’il gardait ses troupeaux près de Smyrne, non loin du temple d’Artémis, lorsque les Muses l’inspirèrent, et qu’il était de condition libre[791]. La facture de ses vers permet d’affirmer qu’il a dû être antérieur à Nonnos, mais il est difficile de dire de combien il a pu le précéder ; et ce n’est qu’une vraisemblance assez vague qui semble autoriser à le placer vers la fin du ive siècle. Quoi qu’il en soit, Quintus fut certainement un élève de la sophistique, mais assez vivement touché des beautés originales d’Homère pour s’affranchir en partie du gout prédominant. Bien doué pour la versification, il n’avait du reste ni force d’invention, ni sensibilité profonde : c’était par nature un imitateur, qui a dû vivre uniquement dans les livres, étranger ou indifférent à son temps. Sans autre dessein que de trouver un emploi à son talent, il entreprit de condenser en un récit épique les principaux événements de la guerre de Troie après la mort d’Hector.

Son poème en quatorze chants, intitulé la Suite d’Homère (Τὰ μεθ’ Ὅμηρον)[792], commence où finit l’Iliade ; il raconte la mort de de Penthésilée, celle de Memnon, celle d’Achille et ses funérailles (l. {{rom-maj|I-III), les jeux funèbres célébrés en son honneur, la querelle des armes et la mort d’Ajax (l. IV et V), les exploits d’Eurypylos et ceux de Néoptolème, la mort d’Eurypylos (l. VI-VIII), la bataille sous les murs et la venue de Philoctète (l. IX), la mort de Paris, l’assaut repoussé, la construction du cheval de bois, la ruse de Sinon, la mort de Laocoon, les prédictions vaines de Cassandre, la prise de la ville (l. X-XIII), le départ des Grecs, la tempête et la mort d’Ajax le Locrien (l. XIV). C’est, comme on le voit, une série continue de récits sans unité intime. Le poète en a pris les éléments dans les vieilles épopées cycliques, ou plutôt dans les mythographes qui en avaient déjà condensé la substance ; il a pu s’inspirer aussi de quelques autres poètes, peut-être même de Virgile ; mais il semble n’avoir presque rien demande à la tragédie. Pour le détail des pensées et du style, il suit d’aussi près que possible Homère, Hésiode, Apollonios de Rhodes ; toutes ses expressions, tous ses tours de phrase viennent de ses modèles. Sa versification se rapproche surtout de celle des Alexandrins ; il multiplie les dactyles ; il recherche la césure trochaïque du troisième pied, sans toutefois s’assujettir encore à la rigueur des lois métriques de Nonnos, notamment en ce qui concerne l’élision et l’hiatus. Cette préoccupation de bien versifier dénote un certain goût de la perfection. Tout chez lui est bien fait : ce qui manque à son œuvre, c’est le génie.

Le poème est sagement ordonné dans ses diverses scènes, sans surcharge, sans digression ; tout y est clair, simple, proportionné ; le goût des développements sophistiques s’y fait assez peu sentir, soit dans les descriptions, soit dans les discours. Mais il n’y a rien qui attache. Les personnages se succèdent comme des ombres ; aucun n’a de relief ni même de substance dramatique. Au lieu de peintures morales, des comparaisons trop nombreuses et des sentences à profusion. Les situations sont plutôt indiquées que vraiment décrites, avec une pauvreté de couleurs qui dégénère en sécheresse. Le poète n’a rien de ce qui fait la force et la vie. On est étonné surtout qu’il ait pu mettre si peu de lui-même dans son œuvre. Véritable poésie d’école, sans contact avec la réalité.


Quelque chose des préoccupations d’art de Quintus se manifeste aussi dans les fragments de deux épopées contemporaines, qui ne nous sont pas parvenues en entier. — L’une est une Gigantomachie du poète Claudien, dont il nous reste soixante-dix-sept vers[793]. C’est encore une question non résolue que de savoir si ce Claudien est le même que le poète latin, contemporain d’Honorius et auteur de l’Éloge de Stilicon, des invectives Contre Rufin et contre Eutrope, de l’Enlèvement de Proserpine et de diverses poésies, parmi lesquelles figure une autre Gigantomachie en latin[794]. Quoi qu’il en soit, les quelques fragments de la Gigantomachie grecque dénotent une imagination éprise des hyperboles jusqu’à la puérilité et docile au mauvais goût du temps[795]. — L’autre épopée, dont quelques fragments ont été découverts en 1880 sur un papyrus égyptien, était une Guerre contre les Blémyes (Βλεμυομαχία)[796]. Il nous en reste un peu moins de quatre-vingts vers mutilés, qui ne permettent même pas de décider avec certitude si la guerre racontée était, ainsi qu’on l’admet en général, une expédition des Romains contre la peuplade éthiopienne des Blémyes, ou une guerre mythologique. La facture semble indiquer que l’auteur doit être placé entre Quintus de Smyrne et Nonnos, c’est-à-dire, sans doute, comme Claudien, tout à la fin du ive siècle[797].

À cette épopée du ive siècle, se rattachent probablement par la date quelques-unes des poésies conservées dans le recueil orphique[798]. Deux méritent une courte mention, en raison de leur notoriété : le Lapidaire et les Argonautiques.

Le Lapidaire (τὰ Λιθιϰά) est un poème didactique d’environ huit cents hexamètres, dans lequel Orphée est censé enseigner à Théodamas, fils de Priam, les vertus des pierres précieuses[799]. Ces pierres sont très puissantes sur l’esprit des dieux, qu’elles rendent favorables, et en outre elles guérissent beaucoup de maux. Dans le préambule (v. 61 et suivants), l’auteur se plaint amèrement de ce que la sagesse est persécutée. On a pensé, non sans vraisemblance, que ces plaintes ont pu être motivées par les rigueurs dont les magiciens furent l’objet à plusieurs reprises sous les empereurs chrétiens, notamment en 357 et en 371. En tout cas, le poème est un curieux document pour la connaissance des doctrines et des pratiques de la magie ; mais il n’a réellement que ce mérite.

Les Argonautiques n’ont rien de ce caractère spécial, et le mérite poétique en est un peu plus grand[800]. La date approximative en a été fixée par Hermann au ive siècle, d’après l’étude de la langue et de la versification. Orphée est censé y raconter, en un peu moins de quatorze cents vers, l’expédition de Jason et son aventure avec Médée. La matière du poème et ses limites sont celles des Argonautiques d’Apollonios de Rhodes ; et, sauf quelques divergences dans la façon de retracer le voyage du retour, l’auteur orphique n’a innové en rien. Dans ce cadre étroit, l’élément dramatique et moral s’est réduit à fort peu de chose, de même que l’élément descriptif. Nulle étude de caractère ou de sentiment, nulle scène pathétique, nulle peinture poétique de la nature ou des hommes. L’intention du poète paraît avoir été simplement de rattacher la légende des Argonautes au cycle orphique, en constituent un récit où Orphée jouerait le rôle principal[801]. Mais ce rôle même n’a rien de vraiment intéressant ; car l’invention a manqué en cela comme en tout le reste : toute l’action d’Orphée consiste en chants, en prières, en cérémonies rituelles. Les aventures proprement dites sont fort écourtées, surtout dans la fin : pour l’auteur, l’intérêt n’était pas là.

Nous ignorons par qui ces poèmes ont été composés. Mais il est certain qu’ils n’ont pu naître et se faire apprécier que dans un cercle fort restreint. Ce sont des œuvres d’école et de secte ; elles s’adressent à des lettrés qui sont en même temps des initiés. Jamais le grand public n’a pu y chercher le genre de satisfaction qu’on demande en général à la poésie.

Si celle-ci a eu vraiment quelque succès au ive siècle, c’est plutôt, en dehors de l’épopée, sous la forme d’épigrammes, de chants anacréontiques, de courtes et légères compositions, poèmes de société et de circonstances. Mais comme il est impossible, en ce genre, de distinguer ce qui est propre à chaque siècle, nous embrasserons toute cette poésie dans son ensemble, au chapitre suivant, à propos de sa dernière floraison dans l’entourage de Justinien.

VII

D’une manière générale, l’infériorité littéraire du polythéisme, relativement au christianisme, est frappante au ive siècle. Il y a dans l’église chrétienne, en ce temps, un élan, une jeunesse, un éclat d’imagination, qui font défaut dans les écoles purement grecques ; et si l’on rencontre encore chez les païens du talent et de la raison, ce n’est que chez les chrétiens qu’on trouve du génie et de l’éloquence. Venons maintenant à l’étude rapide de cette floraison de la littérature grecque chrétienne.


La littérature chrétienne du iiie siècle avait été plutôt savante qu’éloquente, plus préoccupée des idées que de l’art d’écrire. C’est du même esprit, légèrement modifié, que procède encore l’écrivain qui ouvre le ive siècle, Eusèbe de Césarée : son œuvre forme comme une transition naturelle entre le temps d’Origène et celui des Basile et des Chrysostome.

Né en Palestine vers 265, disciple dévoué du savant Pamphile, dont il prit le nom (Εὐσέϐιος Παμφίλου, fils spirituel de Pamphile), Eusèbe, échappé à la persécution de Maximin, fut évêque de Césarée de Palestine, depuis 313 jusqu’à sa mort en 340. Justement renommé pour sa science et ses immenses travaux, il ne cessa de jouir d’un grand crédit auprès de Constantin. Cette situation ne lui permettait pas de rester étranger aux luttes de l’orthodoxie et de l’arianisme. Il y prit part sans passion. Inclinant peut-être au fond vers la doctrine arienne, mais condamnant les solutions tranchées, qui répugnaient à la nature de son esprit comme à son caractère, il cherchait la conciliation dans des compromis que l’orthodoxie lui a reprochés. Après avoir échoué dans ses tentatives au concile de Nicée en 325, il souscrivit, d’assez mauvaise grâce, à la formule de foi adoptée par la majorité. Cela ne l’empêcha pas de se montrer hostile au chef des orthodoxes intransigeants, Athanase, dans les synodes d’Antioche (330) et de Tyr (335). Curieuse nature en somme, à la fois sincère et habile, plutôt faite pour l’étude que pour l’action, plutôt pour la diplomatie que pour la lutte, Eusèbe, jeté par une mauvaise chance au milieu du combat des passions et des idées, se trouva éclipsé par des esprits plus décidés, dont il ne pouvait ni approuver ni même comprendre la logique à outrance.

Pamphile, en lui ouvrant sa bibliothèque, l’avait préparé dès sa jeunesse à l’érudition. C’est grâce à cette préparation qu’Eusèbe à vraiment fondé l’historiographie ecclésiastique. Déjà, comme on l’a vu, Julius Africanus, au siècle précédent, avait ébauché la chronologie comparée de l’histoire juive et de l’histoire profane. Il y avait là une idée féconde, dont Eusèbe eut le mérite de comprendre l’importance. Cette idée était proprement chrétienne, et elle explique la supériorité des historiens chrétiens. Tandis que les écrivains païens se contentaient, pour l’histoire du passé, de reproduire les récits classiques, ils étaient forcés, eux, pour faire entrer les origines bibliques du christianisme dans l’histoire générale, de se livrer à des recherches vraiment neuves. Eusèbe s’y dévoua avec un zèle infatigable. Son Histoire universelle (Παντοδαπὴ ἱστορία) se divisait en deux parties. Dans la première, qui était une Chronographie générale (Χρονογραφία), — Eusèbe s’efforçait d’établir, pour chaque peuple, la succession chronologique des grands événements de son histoire jusqu’à l’année 325 ; dans la seconde, intitulée Règle du calcul des temps (Κανὼν χρονικός), il dégageait de ces diverses séries de faits le synchronisme qui était l’objet dernier de son travail. Quelques fragments seulement de ce grand ouvrage sont venus jusqu’à nous dans l’original grec. En outre, la première partie nous est connue par une traduction arménienne, la seconde par la traduction latine de S. Jérôme, qui l’a continuée jusqu’à l’avénement de Théodose en 329. Il n’y a pas eu de plus grand travail chronologique dans toute l’antiquité, et ce livre est l’un des fondements sur lesquels repose encore notre connaissance des dates pour une notable partie de l’histoire grecque et romaine.

La Chronique toutefois n’appartient qu’indirectement à la littérature. L’Histoire de l’Église, (Ἐϰϰλησιασστιϰὴ ἱστορία) présente davantage les caractères d’une œuvre littéraire. Elle embrasse en dix livres l’histoire du christianisme depuis sa naissance jusqu’en 323, date de la victoire de Constantin sur Licinius, que l’auteur considère comme celle du triomphe définitif de la vraie religion[802]. À coup sûr, si nous appliquions à cet ouvrage nos exigences modernes, nous serions singulièrement déçus. Outre que l’auteur est un médiocre écrivain, nous ne trouvons dans son récit ni représentation dramatique des évènements, ni étude du mouvement des idées, ni peinture vivante des personnages. Son objet, comme il l’indique dans sa préface, a été simplement de noter les phases de l’extension du christianisme, la suite des périodes de persécution et d’apaisement, d’établir pour chaque siège apostolique la succession des évêques, de faire connaître les grands martyrs et les grands docteurs, leurs actions et leurs écrits, de noter l’apparition des hérésies, la tenue des synodes, la fondation des églises. Il n’a voulu que cela, et il n’a pas fait autre chose ; mais il est le premier qui ait eu la pensée de le faire ou qui en ait été capable. Son récit est peu cohérent, souvent sec, sans mérite d’art ; mais, outre que les faits dont il est plein lui donnent, malgré les légendes qui s’y mêlent, une valeur documentaire de premier ordre, l’idée seule de choisir ce sujet et de le faire entrer dans l’histoire était en elle-même neuve et féconde.

À l’œuvre historique d’Eusèbe on peut rattacher trois écrits secondaires : un Panégyrique de Constantin, composé en 335, une Histoire de sa propre vie en quatre livres, écrite entre 337 et 340, enfin un opuscule Sur les martyrs de Césarée mis à mort de 303 à 310 ; éloges ou œuvres d’édification, auxquels il ne faut demander ni la critique ni l’indépendance de jugement qui sont les mérites nécessaires de l’historien.

L’érudition, le goût des immenses et patientes recherches, qui avaient rendu possible l’entreprise historique d’Eusèbe, détermineront aussi son œuvre d’enseignement et d’apologie. Nous pouvons passer ici sous silence ses nombreux écrits d’exégèse relatifs à diverses parties de l’Ancien et du Nouveau Testament, l’Harmonie des quatre évangiles, les Questions et Réponses au sujet des évangiles, la Topographie de l’Écriture sainte, le Traité sur la fête de Pâques, ouvrages dont il ne nous reste que des fragments et qui sont d’ailleurs d’une nature trop spéciale[803]. Nous ne parlerons pas non plus de ses traités dogmatiques sur les questions soulevées par l’Arianisme, ni de ses lettres, ni des homélies, d’authenticité douteuse, qui lui sont attribuées[804]. Allons tout droit à ce qui est vraiment intéressant pour nous, c’est-à-dire à ses deux grands ouvrages apologétiques.

Le christianisme, dont le succès n’était plus contestable, avait-il décidément sa justification aux yeux de la raison ? Cette question, Eusèbe a eu le mérite de la dégager mieux que personne ; et, en la discutant avec l’autorité de ses immenses connaissances, il a élevé l’apologie chrétienne à la considération d’un des grands mouvements intellectuels et moraux de l’humanité.

Son entreprise apologétique commence par la Préparation à l’Évangile (Εὐαγγελιϰὴ προπαρασϰευή), en quinze livres. Eusèbe se propose d’y établir que la raison commandait impérieusement aux hommes de se détacher du paganisme : et, pour cela, il le passe en revue tout entier ; théologie phénicienne, égyptienne, hellénique, oracles, philosophie. Ses témoins sont les païens eux-mêmes, historiens, philosophes, moralistes, théologiens ; quant à lui, il ne fait guère qu’assembler les morceaux qu’il extrait de leurs ouvrages ; mais, tout en s’effaçant derrière eux, il poursuit sa démonstration, qui tend à prouver qu'ils n’ont pas vu la vérité ou qu’ils l’ont empruntée aux sources juives. Cette démonstration faite, la seconde partie de sa tâche commençait. Il l’avait accomplie dans la Démonstration de l’Évangile (Εὐαγγελιϰὴ ἀπόδειξις), en vingt livres, dont les dix derniers sont perdus. L’objet propre de l’ouvrage était de montrer l’accord des faits évangéliques avec les prophéties. Procédant toujours par extraits, il y groupait les textes prophétiques de l’Ancien Testament autour des grands faits de l’Évangile, avec lesquels il les croyait en relation. Et il résultait de la pour lui une évidence qui lui paraissait de nature à convaincre tous les hommes de bonne foi.

Si le dessein d’Eusèbe a en lui-même quelque chose d’imposant, et s’il atteste une véritable largeur de vues, il faut bien reconnaître qu’il pèche étrangement dans l’exécution, tant au point de vue littéraire qu’au point de vue critique. Ces immenses assemblages d’extraits tiennent plus de la compilation que de la démonstration. Ce qui est de l’auteur lui-même est écrit sans soin, avec un laisser aller qui sent l’improvisation. Puis, son érudition même est plus spécieuse que solide ; il prend de toutes mains, naïvement, les textes qui servent son dessein ; il n’a ni méthode, ni doutes, ni intuition. Si nous sommes heureux de rencontrer dans son livre quantité de pages qui auraient péri sans lui, nous sommes, en revanche, confondus de voir avec quelle confiance il accepte les témoignages les plus suspects. Une œuvre ainsi faite ne peut pas être appelée une grande œuvre. Par ses défauts évidents, elle se rattache encore à la tradition confuse des apologistes antérieurs ; mais elle les dépasse par l’ampleur des vues et par une certaine compréhension des choses, plus large et plus sereine, qui n’était possible qu’une fois la victoire assurée, quand l’hellénisme commençait à descendre dans le passé.

VIII

Avec Eusèbe, nous ne sommes encore qu’au seuil du ive siècle chrétien, et les traits qui vont caractériser la littérature chrétienne de ce temps n’apparaissent en lui qu’obscurément. Ce furent les grands débats relatifs à l’arianisme qui commencèrent à les dégager autour de lui, chez des écrivains ou des orateurs plus ardemment mêlés qu’il ne l’était aux luttes quotidiennes[805].

Aucune des hérésies antérieures ne saurait être comparée à l’Arianisme pour l’importance historique : aucune n’avait ébranlé le monde chrétien comme il l’ébranla. Cela tint en partie à des causes politiques, telle que l’organisation de la société ecclésiastique en ce temps, le rôle grandissant des évêques et des conciles, l’extension de la vie monastique, surtout l’intervention des empereurs, qui, devenus chrétiens, prétendaient gouverner le christianisme. Mais cela tint aussi à la nature même de la question soulevée. Le gnosticisme du iie et du iiie siècle, sous ses diverses formes, s’était complu dans une métaphysique abstraite, médiocrement intelligible à la masse. Mais, peu à peu, sous l’influence de la théologie savante du iiie siècle, on en était venu à sentir le besoin de définir avec précision les notions essentielles de la foi. C’était maintenant de la nature même du Christ qu’il s’agissait. L’Arianisme, poussant jusqu’au bout les doctrines que Lucien d’Antioche avait ébauchées au siècle précédent, faisait du fils de Dieu une créature, et par conséquent tendait à restreindre la part du mystère dans la croyance fondamentale. Par suite, l’opinion d’Arius devait plaire à beaucoup d’esprits tempérés, qui, volontiers, auraient « rationalisé » la foi le plus possible. L’orthodoxie s’y opposa résolument : elle jugea qu’en interprétant mal la tradition, l’arianisme faisait déchoir le Christ du rang ou la révélation évangélique l’avait placé. La question ainsi posée ne pouvait manquer de remuer l’âme de tous les croyants. Pour les orthodoxes, c’était l’objet le plus cher de leur adoration qui était en péril, c’était le Dieu même de l’évangile qu’il fallait défendre contre des blasphémateurs. Mais pour les Ariens, c’était la raison qu’ils sentaient compromise par des affirmations téméraires ; et, avec la raison, c’était la notion même de Dieu, le monothéisme, pour tout dire, qui semblait compromis. En fait, il y avait là quelque chose de plus qu’un débat de théologiens : deux tendances d’esprit contraires étaient en présence, et le sujet qui les mettait en lutte était de nature à exciter des sentiments ardents. Comment une telle lutte n’aurait-elle pas exercé son influence sur la littérature ? De part et d’autre, il n’était plus possible de s’enfermer dans l’école. Il fallait agir, combattre, persuader tantôt les peuples, tantôt les évêques, tantôt les empereurs, solliciter, accuser, se défendre. En un mot, l’éloquence était appelée à renaitre, parce que les causes qui la rendent nécessaire venaient de se reproduire dans une société ou depuis longtemps elles avaient cessé d’agir.

Il est bien regrettable que les œuvres d’Arius aient disparu[806]. Cet homme qui agita tout l’Orient ne pouvait être un esprit vulgaire. Né en Libye vers 260, ce fut dans les premières années du ive siècle qu’au sortir de l’école de Lucien d’Antioche, il devint prêtre d’Alexandrie. Vers 315, et jusqu’en 318, il y prêche avec éclat, et ses doctrines se précisent dans son esprit. Alors commencent pour lui les luttes et les misères. Alexandre, son évêque, et le diacre Athanase s’élèvent contre l’hérétique. Il est chassé d’Alexandrie, condamné en 325 par le concile de Nicée et par Constantin, malgré l’appui d’un certain nombre d’évêques d’Orient ; il vit pendant onze ans dans l’exil, en Illyrie ; puis Constantin change de dispositions à son égard ; Arius est rappelé et va rentrer dans son église, lorsqu’il meurt en 336. Nous ne possédons plus de lui que deux lettres[807]. Son principal ouvrage, intitulé le Banquet (Θάλεια), a entièrement disparu[808] ; c`était, à ce qu’il semble, un exposé de dogme plus populaire que savant[809] : Arius aimait en effet à s’adresser au peuple, dans la pensée sans doute que la simplicité même de sa doctrine lui plairait, et il avait composé des chants populaires, où il énonçait ses opinions[810].

Mais si Arius, et en général la littérature de l’arianisme, nous sont fort mal connus[811], leur principal adversaire, Athanase, est, au contraire, une des figures les plus en lumière du ive siècle[812].

Né vers 295, à Alexandrie, il y reçut, sous l’influence de son père, l’évêque Pétros, à la fois le zélé ardent de l’orthodoxie et l’éducation classique. Tout jeune encore, il se donna au service de l’Église. L’évêque Alexandros l’ayant ordonné diacre avant l’âge ordinaire, il devint bientôt l’adversaire décidé d’Arius. Au concile de Nicée, en 325, où il avait accompagné son évêque, nul ne contribua plus que lui à formuler le dogme de la « consubstantialité » (ὁμοουσία), dont il peut être regardé comme le représentant et le défenseur par excellence[813]. Élu évêque d’Alexandrie le 8 juin 328, il commença presque aussitôt cette vie de luttes incessantes, qui devait se prolonger pendant quarante-cinq ans. Constantin, qui l’avait d’abord protégé, l’exile à Trèves en 335, après la condamnation prononcée contre lui par le concile de Tyr. Il rentre dans Alexandrie en 337. Mais Constance, favorable aux Ariens, se montre son ennemi : peut-être redoutait-il aussi l’ascendant dont Athanase, grâce au peuple et aux moines, jouissait en Égypte ; il l’exile de nouveau en 339. Athanase, chassé d’Orient, trouve faveur en Illyrie à la cour de Constant II ; il affermit la doctrine nicéenne en Occident, prend part, en 343, au concile tenu à Sardique, en Thrace ; enfin, grâce à l’appui énergique de Constant II, il obtient de rentrer à Alexandrie en 346. Il y reste, cette fois, dix ans. Mais, en 356, se sentant menacé par la haine de l’empereur, il est obligé de fuir, se cache au désert, où il vit en proscrit pendant cinq ans. Le décret de Julien qui faisait cesser toute persécution pour cause d’opinions religieuses le ramène dans sa ville épiscopale en 361. À peine y est-il de retour que l’empereur, alarmé de sa puissance, écrit, en 362, une lettre pleine de colère pour ordonner de le chasser d’Égypte (Lettre 6 ; cf. Lettre 51). Jovien le rétablit dans ses honneurs en 364. Mais, quelques mois plus tard, l’avènement de Valens, arien décidé, l’oblige à fuir de nouveau. Toutefois une réconciliation se fait bientôt entre eux, et désormais (de 365, jusqu’à sa mort, en 373) Athanase peut demeurer paisiblement dans Alexandrie. Les lettres que S. Basile lui adressait vers ce temps montrent de quelle autorité il jouissait alors dans l’Église. C’était une sorte de patriarche et d’arbitre, dont l’opinion faisait loi[814].

L’activité littéraire de cet homme ardent ne fut guère moindre que son activité politique[815]. Beaucoup de ses écrits sont perdus ; beaucoup de ceux qui lui sont attribués sont d’origine incertaine. Ses ouvrages d’exégèse sur la Bible et le Nouveau Testament, dont il ne reste que des fragments, peuvent être négligés ici, ainsi que plusieurs traites dogmatiques. Pour nous, Athanase est tout entier dans quelques écrits caractéristiques : son Discours contre les Hellènes (Λόγος ϰατὰ Ἑλλήων) complété par un Discours sur l’Incarnation (Λόγος περὶ τῆς ἐνανθρωπήσεως τοῦ Λόγου), en tout deux livres, écrits avant 318, que S. Jerôme appelle, d’un titre commun, Adversum gentes libri duo ; son Apologie contre les Ariens, (Ἀπολογητιϰός ϰατὰ Ἀρειανῶν) écrit en 350 ; ses quatre Discours sur les Ariens (Κατὰ Ἀρειανῶν λόγοι τέτταρες), composés dans le désert, de 356 à 361, pendant la proscription de l’auteur ; son Apologie à l’empereur Constance (de 357), où il se défend contre diverses imputations politiques et religieuses ; sa Biographie de S. Antoine, du même temps, panégyrique qui n’a pas eu peu d’influence sur la vie ascétique en Orient ; sa Justification de sa fuite, probablement de 358 ; l’Histoire des Ariens, lettre secrète adressée la même année aux moines d’Égypte, où est retracé le développement de l’arianisme depuis 335 (le début, relatif aux années antérieures, manque) ; la Lettre sur les Synodes (de Rimini et de Séleucie), écrite en 349 ; enfin un recueil de Lettres pastorales, dont nous ne possédons plus qu’une traduction syrienne, découverte en 1847.

Dévoué à une idée, qu’il a, plus que personne, discutée, définie, élucidée, Athanase doit être considéré d’abord comme penseur. Toutefois, dès qu’on veut lui attribuer ce titre, on sent le besoin de l’expliquer. La pensée, chez lui, n’est plus, comme chez un Plotin ou un Porphyre, curieuse, ouverte et accueillante, empressée d’aller librement à la recherche de toutes les opinions et de toutes les connaissances, pour en tirer quelques parcelles de vérité et les unir ensuite dans un ample système. Cette largeur d’esprit, cette sympathie, vraiment hellénique et humaine, pour toutes les tentatives de la raison et toutes les inspirations du cœur, cette disposition, foncièrement libérale, qui fait la grandeur du néoplatonisme et atteste si heureusement chez ses représentants la perpétuité de la belle tradition grecque, tout cela est en dehors de sa nature. Par sa tendance dominante, il procède plutôt du judaïsme orthodoxe. Au lieu d’étendre la croyance, de l’assouplir et de la varier, il la resserre et la raidit. Son effort tend à constituer une formule si arrêtée, si précise, qu’elle exclura désormais tout jeu de la pensée. La philosophie proprement dite ouvre des voies, lance le plus qu’elle peut l’intelligence vers l’inconnu ; Athanase, lui, vise à la captiver pour jamais, en fermant d’avance devant elle toutes les routes de la recherche. Ce n’est pas simplement un orthodoxe, c’est l’orthodoxe par excellence ; il a pour génie l’esprit même de l’orthodoxie.

Seulement, son orthodoxie n’est pas celle qui se borne à accepter le dogme, c’est celle qui le crée ; et voilà où se révèle sa puissance. Dès sa jeunesse, quand il écrit contre les Hellènes, la vigueur de sa pensée éclate. Il ne s’attarde pas, comme trop souvent les apologistes antérieurs, à des vues populaires et superficielles ; il va au fond des choses. Très au courant de la philosophie contemporaine, il sait fort bien que les Hellènes éclairés mettent sous les noms des dieux tout autre chose qu‘un polythéisme grossier, il ne méconnait pas qu’ils dégagent du monde visible une hiérarchie de forces divines, descendant par émanation de l’être absolu. Mais c’est justement ce qu’il leur reproche. Nourri de la Bible et de l’Évangile, épris au fond de simplicité, il ne veut pas de ces intermédiaires inutiles entre Dieu et l’homme ; sa logique et sa foi écartent ces chimères, qui d’ailleurs retiennent encore l’âme humaine dans le monde des sens ; il exige qu’elle aille droit au Dieu unique, de qui tout procède. Chose remarquable, ce logicien a un sens très fort de la réalité. Quand il en vient, après avoir écarté les dieux de l’hellénisme, à étudier le dogme fondamental de sa foi, l’incarnation du Verbe, il ne lui suffit pas de démontrer en métaphysicien qu’elle était possible, ni en théologien qu’elle était nécessaire. S’il s’en tenait là, il ne serait en somme que le disciple éloquent des docteurs chrétiens antérieurs, qui avaient élaboré peu à peu la notion du Verbe, le disciple même de ces néoplatoniciens qu’il combat et qui avaient développé à leur manière des idées analogues. Mais il a de plus qu’eux cette vue claire des choses réelles, qui dénote le politique et l’homme d’action. Ce Verbe auquel il croit, ce n’est pas pour lui une abstraction, un objet de méditation et d’adoration mystique, c’est Dieu lui-même agissant dans le monde par des faits dont il est le témoin, qui lui semblent sans précédents, et qu’aucune puissance humaine n’a pu produire[816].

Une fois engagé dans la lutte avec les Ariens, cette double idée de l’unité de Dieu et de la divinité du Verbe, Athanase l’a méditée, étudiée et défendue, avec une ténacité que nulle difficulté métaphysique n’a jamais fait hésiter un seul instant. On peut lire d’un bout à l’autre les quatre livres du Discours contre les Ariens : impossible de surprendre dans le développement de sa pensée, non seulement une trace de doute, mais une déviation quelconque. Plus on le presse, plus il précise ses définitions. S’il est subtil, ce n’est pas pour se dérober, c’est au contraire pour ne pas se laisser écarter de son idée. Et sans doute, il n’est pas de ceux qui contentent la raison, puisqu’il aboutit au mystère ; mais il est de ceux qui l’étonnent et qui peuvent la dompter, à force de netteté impérieuse.

Ces traits caractéristiques du penseur, nous les retrouvons naturellement dans l’orateur. Athanase est un homme à la parole habile et forte, qui tend toujours à son but. Sans avoir la précision élégante des orateurs attiques, il les rappelle par sa préoccupation du fait à éclaircir ou de l’idée à démontrer. Sa langue est simple, saine, un peu monotone et médiocrement colorée, mais claire et apte à l’action. Par une discrétion louable, elle attire peu l’attention sur elle-même ; elle s’efface, elle est toute au service de la pensée.

Allons plus au fond : ce qui fait surtout la valeur des discours d’Athanase, c’est l’invention dialectique. L’Apologie à Constance, la Justification de sa fuite, le Discours apologétique contre les Ariens, révèlent un don remarquable de construire une démonstration ; l’art hellénique reparaît là tout entier, appliqué à des choses nouvelles. Si nous lisons ces discours en historiens, nous hésitons, comme d’ailleurs en écoutant les orateurs attiques ; nous avons le sentiment secret que tout s’arrange trop bien pour la thèse soutenue, qu’il a dû y avoir en réalité des choses embarrassantes qu’on ne nous dit pas, d’autres qu’on atténue ou qu’on exagère, que tout cela n’a pas été si simple, si droit, si dénué de violences et de politique. Mais cet art de raisonner avec les faits qu’on raconte, de les mettre en arguments sans qu’il y paraisse, de les assembler et de les colorer, de les expliquer et de les faire parler, surtout de les conduire méthodiquement à une conclusion qu’ils semblent imposer, n’est-ce pas justement ce qui constitue l’orateur ? Et puis, si cette éloquence est habile, cela ne veut pas dire qu’elle ne soit pas sincère. Sans doute, Athanase est loin de tenir le même langage sur Constance, lorsqu’il s’adresse à lui ou lorsqu’il parle de lui à ses amis. Dans un cas, il loue sa justice et sa pieté[817] ; dans l’autre, il le traite d’antechrist[818]. Qu’il y ait donc en lui un politique, cela est incontestable ; et, comme tout homme d’action jeté dans une société mélangée, il a su se plier aux circonstances et parler le langage officiel. Mais cela n’empêche pas qu’il ne croie faire son devoir, lorsqu’il agit et lorsqu’il parle, lorsqu’il accuse et lorsqu’il se défend. Et si sa conviction lui fait souvent voir les choses à un point de vue personnel et contestable, en revanche elle prête à ce qu’il dit un accent qu’on ne trouvait plus depuis bien longtemps dans l’éloquence païenne.

Étant ainsi orateur par tempérament, il l’est toujours, et même lorsqu’il ne faudrait point l’être. Son Histoire des Ariens, sa Vie de saint Antoine, semblent se présenter comme des récits historiques. Ce sont en réalité des œuvres oratoires, passionnées, qui tiennent l’une du pamphlet, l’autre du panégyrique[819]. Ce qu’on admire dans le premier, c’est la vivacité satirique des peintures, l’imagination indignée qui met tout en scène, anime et fait parler les personnages, c’est la subtilité vigoureuse qui découvre et explique les intrigues, vraies ou supposées, c’est aussi, il faut bien le dire, le ton de colère qui échauffe beaucoup de ces pages. On comprend, en les lisant, quelle influence un tel homme pouvait exercer sur le peuple mouvant d’Alexandrie, sur ces moines du désert dont l’âme exaltée vibrait à sa voix. Et on ne s’explique pas moins, en face de la variété d’invectives et d’imputations injurieuses qu’il lance contre l’empereur Constance, combien le pouvoir impérial avait de raisons de se défier d’un évêque qui mettait secrètement son éloquence et son autorité personnelle au service de telles passions.

Athanase, en somme, quelque grande place qu’il tienne dans l’histoire littéraire du ive siècle, est plus intéressant encore par son rôle actif que par son talent d’orateur ou d’écrivain. Il incarne mieux que personne les idées et les passions de son temps. Et ce qu’il faudrait chercher surtout dans ses œuvres pour leur conserver tout leur intérêt, ce serait l’image des luttes et des intrigues au milieu desquelles il a vécu. À le considérer exclusivement au point de vue de la critique littéraire, on se condamne à le diminuer, même en l’admirant.

IX

À côté d’Athanase et de ses adversaires, le grand mouvement de controverses dogmatiques du ive siècle a suscité bien d’autres écrivains, qui ne peuvent figurer ici qu’incidemment.

Apollinaire, évêque de Laodicée en Syrie[820], mort vers 390, un des écrivains ecclésiastiques les plus influents et les plus féconds de ce siècle, et lui aussi un des adversaires de l’arianisme, est surtout célèbre comme le chef de l’hérésie apollinariste, qui fut condamnée par le Concile de Constantinople en 381. Plusieurs écrits théologiques, longtemps dissimulés sous de faux noms, lui ont été de nos jours restitués[821]. Son plus important ouvrage de polémique était une Réfutation de Porphyre en trente livres, aujourd’hui perdus. En outre, il fut, avec son père, Apollinaire l’ancien, l’auteur d’une bien curieuse tentative de poésie chrétienne. Ce fut peut-être l’édit de Julien interdisant en 362 aux maitres chrétiens d’expliquer les auteurs profanes qui en fut l’occasion[822]. En tout cas, elle se prolongea bien après la mort de Julien et la disparition de son édit ; et, en fait, il paraît plus naturel d’y voir un essai qui avait pour but de soustraire la jeunesse chrétienne à l’influence des auteurs païens. Apollinaire le père, ancien grammairien d’Alexandrie, devenu prêtre à Laodicée, avait versifié, dans la forme classique, de prétendus poèmes chrétiens, dont il ne subsiste rien. Son fils, non moins zélé, mit en vers l’histoire sainte jusqu’à Saül (xxiv chants), composa selon la formule d’Euripide et de Ménandre des comédies et des tragédies, et ne craignit même pas d’imiter Pindare. Nous possédons de lui une Paraphrase des psaumes, en hexamètres, où le caractère propre de la poésie biblique s’efface sous les réminiscences de l’ancienne épopée[823].

Makédonios, père du macédonianisme, et Marcellus d’Ancyre, représentant et réformateur du sabellianisme au ive siècle, n’intéressent que l’histoire du dogme chrétien. — Il en est à peu près de même de Didyme l’aveugle (de 310 à 395 environ), malgré l’influence qu’il exerça comme chef de l’école d’Alexandrie au ive siècle, et malgré le mérite de ses écrits. Adversaire de l’arianisme dans son traité Sur la Trinité (Περὶ Τριάδος), il s’était montré le disciple d’Origène dans ses nombreux ouvrages exégétiques, et il fut condamné plus tard comme origéniste[824]. Mais s’il importe de le signaler ici, c’est surtout parce que nous voyons, grâce à lui, se perpétuer à travers tout le ive siècle la méthode alexandrine de l’interprétation allégorique, si curieuse par la liberté qu’elle donnait à toutes les fantaisies de l’exégèse individuelle.

Cyrille[825], né vers 315, évêque de Jérusalem de 350 environ à 386, n’est aussi qu’un théologien ; mais il a su mettre dans ses célèbres Catéchèses en vingt-quatre livres (Κατηχήσεις, leçons faites à des catéchumènes avant et après le baptême) quelque chose de plus personnel. Ce livre d’enseignement élémentaire, purement dogmatique, est justement renommé pour sa simplicité et pour un certain charme de gravité douce et tendre, qui s’y mêle à une vivacité agréable.

En face de l’école allégorique d’Alexandrie, dont nous venons de signaler la persistance, continuait à se développer la tendance contraire, celle de l’exégèse littérale et historique qui avait Antioche pour principal foyer.

Le premier de ses grands représentants est Diodore de Tarse[826]. Né vers le commencement du ive siècle, il fréquenta les écoles d’Athènes et d’Antioche, puis fonda dans cette dernière ville un institut monastique, centre à la fois de vie ascétique et d’étude, où se passèrent ses meilleures années ; il subit plus tard l’exil sous Valens, devint évêque de Tarse en Cilicie en 378 et y mourut en 394. Son œuvre, dont il ne subsiste que des fragments, était presque entièrement exégétique. Diodore doit être regardé comme le fondateur de la « nouvelle école » d’Antioche. Maître de Théodore de Mopsueste et de Jean Chrysostôme, il a exercé en Orient une autorité des plus grandes, grâce surtout à la solidité de son esprit, toujours attaché aux notions positives et à la raison. Il ne reste malheureusement rien de l’ouvrage mentionné par Suidas sous ce titre : Différence de l’interprétation spirituelle et de l’allégorie (Τίς διαφορὰ θεωρίας ϰαὶ ἀλληγορίας) ; on ne peut guère douter que Diodore n’y eût exposé les principes de sa méthode. La tendance rationaliste, qui en faisait le fond, l’amena à formuler, sur la distinction de la divinité et de l’humanité en Jésus-Christ, des idées qui furent plus tard développées dans le Nestorianisme et condamnées par les conciles.

Apres Diodore, le grand nom de l’école d’Antioche est celui de Théodore de Mopsueste[827]. Né à Antioche vers 350, il y suivit d’abord, dans sa jeunesse, les leçons de Libanios, avec des vues toutes profanes. Puis, son condisciple, Jean Chrysostome, l’ayant attiré vers la vie ascétique, il se retira à vingt ans dans le cloître qu’avait institué Diodore et y étudia sous sa direction. Rentré quelque temps dans le monde, il en fut arraché de nouveau par son ami. En 333, il était ordonné prêtre ; en cette qualité, il enseigna lui-même à Antioche pendant dix ans. En 392, il est appelé à l’évêché de Mopsuestia, en Cilicie, où il réside désormais, pendant trente-six ans, jusqu'à sa mort en 428.

Écrivain fécond, comme son maître Diodore, Théodore avait composé, comme lui, une série de commentaires sur l’Écriture, et, de plus, divers ouvrages de controverse théologique, dont un grand traité en quinze livres Sur l’Incarnation. Il ne nous reste de tout cela, outre les titres, que des fragments en grec, et un certain nombre de traductions latines ou syriaques. Le rôle propre de Théodore, celui qui lui mérite une place, non seulement dans l’histoire des dogmes, mais dans celle de la littérature, c’est d’avoir développé, avec logique et hardiesse, les principes d’exégèse et la tendance critique de son maître. Dans un écrit perdu, dont le titre même n’est pas sûr, il avait traité de l’opposition entre l’interprétation allégorique et l’interprétation historique (De allegoria et historia contra Origenem, dans Facundus, Patrol. lat., LXVII, 602). Nul n’a été plus résolument opposé que lui aux chimères de l’exégèse par allégories. Mais son rationalisme ne s’en tenait pas là. Il eut le jugement assez hardi pour nier qu’une grande partie des psaumes eussent en vue le Messie ; il discuta l’inspiration de certaines parties des Écritures ; il voulut même distinguer en Jésus-Christ deux personnes, pour éviter d’avoir à admettre qu’une personne divine eût pu souffrir et mourir. Il fut ainsi l’initiateur direct du Nestorianisme, et les conciles qui condamnèrent Nestorios le frappèrent en même temps d’anathème après sa mort. Pour les Nestoriens d'Orient, Théodore de Mopsueste est resté « l’exégète » par excellence ; et, pour la critique moderne, sa hardiesse fait de lui un des personnages les plus intéressants de ce temps.

Inférieur certainement en originalité et en étendue d’esprit aux deux docteurs d'Antioche, Épiphane est peut-être plus connu, grâce à ses ouvrages subsistants[828]. Né en Judée vers 315, il se rendit savant dans les langues de l’Orient. Après un séjour en Égypte, il dirigea à Éleuthéropolis, non loin de Jérusalem, de 325 environ à 367, un cloître dont il fit un foyer d’études. Appelé en 367 à l’évêché de Constantia (l’ancienne Salamine) dans l’île de Cypre, il y résida jusqu’à sa mort en 403. L’Origénisme n’eut pas, au ive siècle, d’adversaire plus acharné que lui. Ardent à en poursuivre la trace, il fut en lutte avec Chrysostôme lui-même, dont la doctrine ne lui semblait pas assez pure. Il ne combattait pas moins vivement l’Arianisme et l’Apollinarisme. Pendant sa longue vie, toute son activité et son érudition se dépensèrent à la défense passionnée de l’orthodoxie. En 374, il composa un traité dont le titre bizarre (Ἀγϰυρωτός, proprement Solidement ancré) équivaut à peu près à celui-ci, l’Orthodoxie assurée : nous le possédons encore. Mais son principal ouvrage, c’est celui qu’on appelle ordinairement la Réfutation des hérésies (Contra haereses ; en grec, Πανάριοιν ou Πανάρια, proprement la Huche), composé de 374 à 377. L’auteur, dans un exposé complet et facile, mais mal écrit, y passe en revue quatre-vingts hérésies, dont vingt antérieures à J.-C. : sous ce nom, il comprend les diverses philosophies de la Grèce ainsi que les sectes juives, ce qui donne à son livre un sérieux intérêt historique[829]. D’ailleurs, s’il a beaucoup lu et beaucoup extrait, il ne faut lui demander ni critique, ni étude approfondie et personnelle. Il y avait en lui plus de zèle que de véritable intelligence et que de talent.

Ces divers docteurs ont détourné un instant notre attention de l’éloquence, que nous avions vue apparaître dans le christianisme grec avec Athanase. Nous allons la retrouver, plus brillante et plus achevée, chez les grands hommes de parole et de pensée dont nous avons maintenant à nous occuper.

X

C’est à la province de Cappadoce, longtemps considérée comme une région presque barbare, qu’échut, dans la seconde moitié du ive siècle, la primauté du génie et de l’action religieuse. Elle s’était hellénisée lentement, mais profondément. Sa métropole, Césarée, autrefois simple bourgade sous le nom de Mazaca, était devenue une des grandes villes de l’empire, remarquable par ses écoles. À la longue, sa population, un peu lourde, mais vigoureuse, s’était affinée, sans perdre ses qualités natives. Et elle gardait, sous les formes de la civilisation vieillie qui régnait dans tout l’empire, une sève de jeunesse, plus saine et plus féconde. L’Arianisme fut là, comme dans le reste de l’Orient, un ferment actif, qui, vers le milieu du siècle, y mit en mouvement les pensées et les passions. Pour la défense de l’orthodoxie, trois hommes remarquables s’y distinguèrent entre tous : au premier rang, Basile le Grand et son ami Grégoire de Nazianze ; au second rang, le frère de Basile, Grégoire de Nysse.


Né à Césarée, probablement en 331, Basile était issu d’une riche et ancienne famille chrétienne[830]. Dans son enfance, il subit l’influence profonde de sa grand’mère, Macrina, et, par elle, reçut la tradition des enseignements religieux de Grégoire le Thaumaturge. Un peu plus tard, il se rendit auprès de son père, qui tenait alors l’école de rhétorique à Néocésarée, dans le Pont ; c’est là que se fit sa première éducation intellectuelle. Jeune homme, il revint, pour se perfectionner, à Césarée. Puis, comme il visait à devenir lui-même professeur d’éloquence, il se rendit d’abord à Constantinople, et bientôt à Athènes, où il semble avoir fait un assez long séjour, de 354 à 359 environ. Il put y entrevoir Julien ; et il s’y lia d’une amitié étroite avec Grégoire de Nazianze, un peu plus âgé que lui, qu’il avait déjà connu à Césarée. Fréquentant les mêmes écoles, ils entendirent Himérios, dont la gloire commençait, et Libanios, avec lequel Basile resta lié dans la suite, comme l’atteste leur correspondance. De retour en son pays, il semble y avoir débuté en qualité de professeur d’éloquence. Mais, presque aussitôt, et malgré ses succès, il se dégouta de cette science apparente qui lui semblait folie : son âme, ardente et sérieuse, avait besoin de se donner à Dieu.

Pour s’y mieux préparer, à peine baptisé par l’évêque Dianos de Césarée, il va visiter la Syrie et l’Égypte, où florissait la vie monastique sous ses diverses formes. Mais, en homme d’initiative et d’autorité, non content de regarder, il se fait un plan à lui, qu’il va mettre aussitôt en application. Dès son retour, il commence à organiser, dans le Pont, des communautés religieuses, auxquelles il donne l’exemple et la règle. Ce sera l’une des œuvres principales de sa vie. La vie monastique répondait à un des besoins du temps : elle allait prospérer, grâce à son impulsion, en Asie Mineure, comme elle avait fait déjà en Égypte et en Syrie, mais sous une autre forme. Ordonné prêtre en 364 par Eusèbe, évêque de Césarée, il s’établit auprès de lui, et malgré les dissentiments violents qui les séparent un instant, Basile lui impose l’influence de sa supériorité. Pendant six ans, il est son conseiller, et gouverne sous son nom[831]. D’une part, il continue l’œuvre qu’il avait entreprise, fonde des hospices, des maisons de refuge, des monastères dont il entretient et dirige l’activité, pratique et organise la charité, remédie même aux maux de la famine en 368 ; de l’autre, il combat, par ses écrits et ses missions, les tentatives de l’Arianisme, appuyé par Valens.

En 370, Eusèbe meurt. Basile, par son caractère décidé et autoritaire, par son activité incessante, s’était fait des ennemis en même temps que des partisans. Apres une élection difficile, il est nommé à la place d’Eusèbe, grâce surtout au vieux Grégoire, évêque de Nazianze, et père de son ami. Des lors, métropolitain de Cappadoce, exarque du Pont, il exerce, pendant huit ans, une souveraineté ardue, au milieu des luttes et des dangers. Tantôt énergique, tantôt habile, il défend sa juridiction contre l’évêque de Tyane, Anthime, après le partage de la Cappadoce en deux provinces. Il se sert de l’évêque de Sébaste, Eustathe, pour combattre les Ariens, sauf à le ménager dans sa tendance au Macédonisme. Souple et caressant, quand il le faut, il est inflexible en face de l’empereur Valens et du préfet Modestus, auxquels il tient tête, au péril même de sa vie. C’est lui qui, après la mort d’Athanase, en 373, devient vraiment en Orient le soutien de l’orthodoxie. Malgré sa faible santé, il s’épuise à lui chercher des défenseurs, correspond avec les évêques d’Orient et d’Occident, excite les tièdes, organise la résistance, prépare l’action des conciles. Quand il meurt à quarante-neuf ans, le 1er janvier 379, il a pu accomplir l’œuvre d’une longue vie.

La collection subsistante des écrits de Basile comprend : — 1° Deux ouvrages dogmatiques : le traité Contre Eunomios (Ἀνατρεπτιϰὸς τοῦ Ἀπολογητιϰοῦ τοῦ δυσσεβοῦς Εὐνομίου), en trois livres, auxquels sont ajoutés deux livres complémentaires, qui ne semblent pas être de lui ; le traité Sur le Saint-Esprit (Περὶ τοῦ ἁγίου Πνεύματος) ; — 2° Une série d’Homélies, parmi lesquelles les plus remarquables sont l’Hexahéméron (neuf discours sur l’œuvre des six jours), quinze Sur les Psaumes, les discours Contre les usuriers (Κατὰ τοκιζόντων) et Aux jeunes gens sur la manière de tirer profit des auteurs profanes (Κατὰ τοὺς νέους ὅπως ἂν ἐξ ἑλληενικῶν ὠφελοϊντο λόγων), le Panégyrique de sainte Julitte, et un certain nombre d’autres homélies sur des sujets de morale ; — 3° Les écrits dits ascétiques (Ἀσκητικά), entre lesquels on distingue, sous le nom de Règles développées (ὅροι κατὰ πλάτος) et de Règles abrégées (ὅροι κατ’ ἐπιτομήν), deux recueils d’instructions pratiques adressées aux moines ; — 4° Enfin un recueil de Lettres, au nombre de trois cent soixante-cinq, écrites la plupart pendant son épiscopat, de 370 à 379, qui constituent un des documents les plus intéressants pour l’histoire du ive siècle. — Basile avait publié, en outre, bon nombre d’autres ouvrages qui sont perdus, notamment un Traité contre les Manichéens, et des homélies, qui embrassaient presque toutes les parties des Écritures. Un certain nombre d’écrits qui lui sont attribués, en dehors de ceux que nous avons nommés, sont suspects ou apocryphes[832].

De même qu’Athanase, mais à un degré supérieur, Basile est, par tempérament, un orateur ; et, comme la nature chez lui était plus riche et plus souple, comme, en outre, l’éducation profane avait été bien plus prolongée, il l’est avec une tout autre variété. Mais, si diverses que soient les formes de sa parole, on y retrouve toujours, comme caractère distinctif, avec l’érudition facile et pourtant choisie, un don propre de persuasion et de séduction, fait de clarté, d’invention ingénieuse et charmante, d’intelligence nette, d’imagination vive, de chaleur d’âme et d’autorité naturelle.

Résolument attaché, de cœur et de raison, à une orthodoxie déjà très arrêtée, il n’a pas eu l’occasion de montrer, en matière de philosophie, une grande puissance de recherche ou de combinaison. Toutefois, dans les problèmes toujours discutés de la théologie contemporaine, son esprit est singulièrement habile à discerner les nuances, à maintenir contre de subtiles tentatives les positions prises, à éclaircir les formules ou subsistait encore quelque équivoque, à préparer même les définitions nouvelles. Nourri de philosophie grecque, en particulier des doctrines de Platon et de celles de Plotin, il s’en sert sans s’y laisser assujettir, en leur imposant la forme chrétienne, avec une dextérité et une fermeté de sens remarquables[833]. Il a donc tout ce qui fait le théologien ; et il y joint, dans les matières les plus abstraites, un talent d’expression vraiment hellénique.

Mais c’est surtout dans la prédication que se révèlent toutes ses qualités[834]. Son Hexahéméron a été justement considéré comme un chef-d’œuvre en son genre ; et il est certain qu’aujourd’hui encore, si étranges qu’en soient pour nous les explications physiques, ces discours ont un charme intime qui ne s’est point dissipé. Basile s’y adresse à un auditoire dans lequel se trouvaient beaucoup de gens simples, artisans ou petits marchands, curieux d’apprendre, mais peu cultivés : il leur explique la Genèse. Son dessein est avant tout de les instruire. Il cause avec eux, familièrement, mais non sans autorité. Il va au devant de leurs étonnements, provoque au besoin leur curiosité, leur signale lui-même les difficultés, leur fait prévoir les objections que les païens pourront leur proposer à propos de ces textes ; et, se mettant à leur portée, il leur rend raison de tout. Point d’allégorie : tout, dans le récit biblique, doit être pris à la lettre, tout y est réel. Sa science naïve méprise les recherches des savants et ignore leurs doutes : elle a, sur des points difficiles, des explications d’enfant ; mais elle est charmante par sa sincérité, par ses ressources d’invention, par la manière ingénieuse dont elle arrange tout, par le sentiment qui l’anime. Le spectacle de l’univers émerveille l’orateur, soit par sa beauté, qu’il décrit en poète, soit par l’adaptation des moyens à certaines fins dont il croit découvrir le secret. Il y a en lui du Fénelon et du Bernardin de S. Pierre, en bien comme en mal : une éloquence naturelle, douce, chaude, colorée, parfois élevée, et, avec cela, une ingéniosité confiante, qui fait sourire. Les plus petites choses lui sont sujet d’admiration ; il y voit des intentions qu’il note avec bonheur. Si la tige du blé est géniculée, c’est qu’elle doit supporter le poids de l’épi ; si celle de l’avoine ne l’est pas, c’est qu’elle ne risque point de plier sous sa panicule légère. Les barbes de l’épi ont leur raison d’étre, elles servent à tenir à distance les insectes nuisibles[835]. « Tout, s’écrie l’orateur, contient une sagesse cachée », πάντα ἐχει τινα σοφίαν ἀπόρρητον. Mais ces petites choses ne l’empêchent pas de voir les grandes ; et il y a du ravissement dans la peinture qu’il fait du monde sortant des mains de Dieu et tout couvert d’une végétation luxuriante. L’inspiration venue de la Bible s’unit tout naturellement, dans ses développements lyriques, à la grâce délicate et spirituelle de la Grèce ancienne.

Ce maître fin, aimable, tout préoccupé des besoins de son auditoire, se retrouve dans le discours sur la manière de profiter des auteurs profanes. Et nous voyons là, de plus, certains traits qui caractérisent sa manière propre dans la direction morale. L’étude de la question à discuter y est, à vrai dire, très superficielle. Sur le fond des choses, rien ou presque rien. On voudrait entendre dire à l’orateur que, seule en ce temps, la littérature grecque profane était capable de former l’esprit au raisonnement, de lui donner le goût du vrai et du beau, le sens de l’ordre, de la mesure et de la liberté, qu’enfin elle était indispensable pour le meubler d’idées et de connaissances, pour le mettre en contact avec l’humanité ; toutes choses que ni la Bible ni l’Évangile ne pouvaient faire. Basile était trop intelligent, il avait trop réfléchi, pour ne pas sentir au fond l’évidence de ces vérités. Mais il ne veut ni les faire voir, ni les voir lui-même. Avec une habileté, à demi inconsciente, qui se fait illusion à elle-même, il détourne ailleurs son attention et celle des jeunes gens qu’il veut instruire. Selon lui, les enseignements de l’Ancien et du Nouveau Testament sont trop éblouissants et trop profonds pour qu’on puisse les regarder d’abord. La littérature profane a pour office d’accoutumer les jeunes intelligences à la vérité, de leur donner une première teinture de la morale ; et voilà tout. On s’en sert ainsi, sans la glorifier. Quant à la manière même de s’en servir, Basile n’est guère plus précis en l’expliquant : il faut laisser le mal et prendre le bien ; mais qui fera ce choix ? comment ? Il ne le dit pas. Donc, la théorie fondamentale du discours est insuffisante, étroite, ou vague ; et, si on la scrute rigoureusement, on croit y sentir un esprit qui n’a pas toute sa liberté, ou qui manque de hardiesse. Mais il faut songer qu’un grand nombre de chrétiens zélés voulaient alors rejeter toute littérature profane[836]. Or Basile, sans les combattre en face, travaille à ruiner leur influence. Comme ces ennemis de l’antiquité se plaçaient surtout au point de vue moral, il fait de même. Et il montre comment cette littérature profane, qu’on décrie, est pleine d’exemples, de préceptes, de faits historiques ou d’anecdotes, qui sont propres à élever l’âme, à l’instruire de ce qui est bien et beau, à la libérer de ses servitudes naturelles, en un mot à préparer l’Évangile. Cette démonstration, il la fait d’un ton affectueux et familier, comme un père qui parle à ses enfants, sans pédantisme, avec une abondance agréable de souvenirs, de citations et d’exemples, laissant aller sa pensée en une sorte de causerie caressante, où la gravité du prêtre se mêle à la bonne grâce de l’homme d’esprit.

Il a le même art de plaire et d’animer toute chose, mais avec plus de liberté, plus de force et de véritable éloquence, lorsqu’il traite des sujets moraux. Là encore, on peut être tenté souvent de trouver qu’il ne va pas assez au fond des choses, qu’il ne cherche pas assez à découvrir la racine secrète des vices qu’il censure, qu’il n’éclaire pas d’une lumière aussi vive qu’un Bossuet ou qu’un Bourdaloue les replis cachés du cœur. Son intuition est plus rapide que profonde. Mais, si l’on fait de telles réflexions, c’est après coup. En le lisant, on est charmé par la vivacité de son imagination, qui met en scène les hommes avec leurs vices, qui décrit, en satires spirituelles et graves, les mœurs du temps, qui multiplie les peintures frappantes et vivantes, sans grossir les choses outre mesure. Il ne semble pas se complaire aux exagérations faciles. Plus simple que Grégoire de Nazianze, plus modéré que Chrysostôme, il ne parle que pour instruire, sans désir secret de se faire valoir, sans entraînement d’orateur enivré par sa propre éloquence. Mais, dans ce qu’il dit, il met toute son âme, sincère, ardente, généreuse, et, au fond, douce et indulgente dans sa véhémence même. « Quand je lis ses discours sur les mœurs et la manière de bien vivre, disait Grégoire de Nazianze, mon âme et mon corps se purifient ; je deviens comme un instrument harmonieux, qui, frappé par l’esprit, célèbre la gloire et la puissance de Dieu[837]. » Avec un peu trop de rhétorique, l’éloquent ami de Basile exprimait heureusement en : ces termes l’effet de sa parole. Elle est pleine d’une sorte d’inspiration qui se communique, elle tend à élever et à purifier, elle monte à Dieu comme par un mouvement naturel.

La collection des Lettres de Basile, dont nous avons déjà signalé l’importance historique, n’a pas une moindre valeur littéraire[838]. L’homme, dont nous venons de donner quelque idée, s’y retrouve tout entier, sous ses divers aspects. Tantôt il y fait de la théologie, tantôt il agit en faveur des causes qui lui tiennent au cœur ; il négocie, il flatte, il réprimande, il excite ; parfois aussi il se fait enjoué ou gracieux, pour une recommandation ou un compliment ; il sait prendre tous les tons, tout en dédaignant le bel esprit. Sa gravité naturelle a son charme en elle-même et n’a pas besoin de s’orner pour être agréable.

Le style de Basile, tout en portant la marque de son temps, est d’un écrivain de race et d’un maître. Il a les bonnes traditions classiques, mais il n’en est pas gêné. L’imitation, chez lui, est devenue naturelle ; elle n’arrête pas l’originalité du génie. Également plein des réminiscences de la littérature classique et de celles des Écritures, il mêle ces deux éléments avec une grâce et une aisance remarquables. Par l’allure de sa phrase et le choix ordinaire des expressions, par la clarté, le bon goût, le tour dégagé du raisonnement, il procède, comme Plutarque, des divers prosateurs attiques, dont il mélange les tons ; mais il se garde mieux que Plutarque du jargon des écoles philosophiques ; et il a, en outre, un instinct poétique, nourri par la Bible, qui donne à sa langue une couleur neuve. Ses formes de développement lui viennent des écoles de rhétorique du temps ; elles rappellent, à deux siècles de distance, celles de Dion de Pruse : il aime, comme lui, les comparaisons fréquentes, les images, les exemples, les traits descriptifs. Mais tout cela, chez Basile, n’est point artificiel ni frivole. Ce sont des moyens dont il se sert pour faire valoir des pensées sérieuses ; bien loin d’étaler son esprit, il s’oublie naturellement lui-même ; jamais on ne le voit jouer avec les idées. Toute vaine virtuosité lui est étrangère. S’il est séduisant, il est en même temps grave, et sincère. Entre les écrivains chrétiens du temps, c’est le plus simple, et le plus noble pourtant dans sa simplicité.

XI

Grégoire de Nazianze est inséparable de Basile, auquel il fut uni d’une tendre et inaltérable amitié. Rapprochés, en outre, par la communauté des idées et par la parenté du génie, associés constamment dans les mêmes efforts, engagés dans les mêmes luttes, ils diffèrent pourtant l’un de l’autre très notablement par le caractère et par le tour d’esprit. Basile était un homme d’action, que la solitude charmait quelque fois, mais qu’elle ne retenait pas ; Grégoire était un méditatif, un ami de la retraite et du silence, qui s’est donné par moment à l’action malgré lui et pour obéir à sa conscience, mais que l’action ne tardait pas à lasser.

Né d’une famille chrétienne, dans le domaine patrimonial d’Arianze, tout près de la ville de Nazianze, en Cappadoce, probablement en 330, il était, de quelques mois seulement, plus âgé que Basile. Lui aussi, il subit, dans son enfance, une influence féminine douce et profonde, celle de sa mère Nonna, qui prit une autorité durable sur sa nature tendre et docile. Au sortir de la maison paternelle, il fréquenta les écoles de Césarée, où il fit déjà connaissance avec Basile. Il y apprit, comme lui, à aimer les auteurs classiques, poètes et prosateurs. Bientôt il voyagea, allant étendre son instruction auprès des maîtres en renom, à Césarée de Palestine, à Alexandrie, et enfin à Athènes, où il dut séjourner de 350 à 360 environ. C’est là qu’il vécut dans l’intimité de Basile, et que se conclut définitivement entre eux le pacte d’amitié autrefois ébauché à Césarée.

De retour en Cappadoce, malgré le talent d’orateur qui s’était développé en lui par ses études, Grégoire, âgé d’environ trente ans, ne songeait qu’à vivre dans la retraite ; et il se partageait entre son domaine d’Arianze et la solitude du Pont, où son ami Basile se trouvait alors. Son père, Grégoire, évêque de Nazianze, qui voulait avoir en lui un auxiliaire, le décida à recevoir la prêtrise en 361 ; mais il fallut quelque temps pour lui faire accepter les obligations actives du ministère qu’on lui imposait. Pour s’y soustraire, il avait fui d’abord dans le Pont, auprès de Basile ; et ce fut seulement en 362 qu’il consentit à revenir à Nazianze. Pendant neuf ans, il y vécut auprès de son père, qu’il aidait. Mais, en 371, Basile, qui était archevêque de Césarée depuis un an, eut besoin de lui dans sa lutte de juridiction avec l’évêque Anthime de Tyane. Pour défendre sa frontière, il érigeait en évêché la bourgade de Sasima, objet de litige, et exigeait de son ami qu’il se laissât nommer évêque et qu’il en prît possession. Grégoire céda, comme il cédait toujours à ceux qu’il aimait. Mais ce qu’on attendait de lui répugnait trop à sa nature. Sasima, bourg bruyant et grossier, où avait lieu la perception des impôts, où retentissaient sans cesse les cris et les disputes, lui faisait horreur. Il s’enfuit de nouveau dans la solitude. Et quand, une seconde fois, les prières instantes de son père eurent réussi à l’en tirer, l’année suivante, ce fut à Nazianze qu’il revint, pour lui servir encore de coadjuteur. Il lui succéda sur son siège épiscopal en 374. Mais, au bout d’un an, Nazianze même lui devint insupportable ; et, abandonnant l’administration de son évêché, il alla vivre en solitaire à Séleucie d’Isaurie.

Ce fut là qu’il apprit en 379 la mort de Basile. À peine avait-il prononcé son éloge funèbre qu’une nouvelle et bien lourde charge lui était imposée. Les orthodoxes de Constantinople, longtemps opprimés par les Ariens, avaient repris courage, à la suite de l’avènement de Théodose (19 janvier 379), et ils l’appelaient à eux pour leur servir de chef. Grégoire vint, et, pendant deux ans, se dévoua à la tache pénible et dangereuse qu’il avait acceptée. Il avait à lutter chaque jour contre ses adversaires, au péril même de sa vie, à encourager les siens, à maintenir parmi eux la concorde, malgré les germes de divisions, à négocier avec l’autorité impériale. Grâce à son caractère et surtout à son éloquence, il y réussit en partie. En 381, le second concile œcuménique se réunit à Constantinople. Les premiers évêques arrivés désignèrent Grégoire pour occuper le siège épiscopal de la métropole, et il en prit possession ; mais bientôt il vit la régularité de son élection contestée par les nouveaux arrivants. Alors, découragé de la lutte, il se démit de sa récente dignité, en juin 381, et quitta Constantinople pour retourner a Nazianze. Il y venait résolu à se donner au soin de la communauté chrétienne, qui était restée longtemps sans chef, et il le fit en effet. Puis, en 383, ayant fait nommer enfin un autre évêque, il se retira définitivement de la vie active, à cinquante-trois ans. Ses dernières années se passèrent dans son domaine d’Arianze, ou il mourut vers 390.

L’œuvre de Grégoire se compose de discours, de lettres et de poésies.

Ses Discours subsistants sont au nombre de quarante-cinq qui se répartissent entre les diverses périodes de sa vie. Mentionnons seulement les plus importants : — L’Apologie pour sa fuite (Disc. no  2), Ἀπολογητικὸς τῆς εἰς τὸν Πόντον φυγῆς ἕνεκεν, dut être composée en 362, lorsque, récemment ordonné prêtre, Grégoire se décida, après s’être enfui dans le Pont, à revenir à Nazianze ; mais il l’augmenta plus tard, au point d’en faire une sorte de traité sur le sacerdoce, dont Chrysostome s’est inspiré dans son ouvrage sur le même sujet. — Les deux Discours de flétrissure (Στηλευτικοὶ) contre Julien, pleins d’emportement et de haine, ont été écrits peu après la mort de l’empereur, à la fin de 363 probablement ; il est douteux qu’ils aient été prononcés. — Devenu évêque, Grégoire composa, vers la fin de 373 sans doute, l’Éloge funèbre d’Athanase, mort cette année-là[839]. Six ans plus tard, il écrivait et prononçait l’Éloge funèbre de saint Basile, mort en 379. Au temps de son séjour à Constantinople appartiennent cinq discours célèbres, ceux qu’il appelle lui-même ses Discours de théologie (Οἱ τῆς θεολογίας λόγοι, Disc. nos 27-31), écrits qui l’ont fait surnommer « le théologien » par excellence. Ce sont des exposés de la doctrine orthodoxe, qui avait triomphé au premier concile œcuménique de 325 et qui allait s’achever dans le second, de 381. — Ses autres discours sont relatifs soit à des fêtes religieuses, soit à des points de croyance ou de morale chrétienne.

Les Lettres, au nombre de 243, appartiennent presque toutes à la période de retraite (383 à 390), par laquelle se termine la vie de Grégoire. Élégantes et courtes, elles se rapportent en général à des incidents privés ; et par là même, si elles ne nous apprennent que peu de chose sur l’histoire du temps, elles sont du moins de grand intérêt pour la connaissance de l’homme.

C’est aussi dans ses dernières années que Grégoire composa la plupart des Poésies qui forment environ la moitié de son œuvre. Dans une pièce Sur ses propres vers (Livre II, sect. i, 39), il nous apprend qu’en les écrivant, il s’était proposé d’offrir aux jeunes gens des poèmes moraux et religieux, afin que les chrétiens n’eussent rien à envier aux païens. Sans nier cette intention, puisqu’il l’affirme, il paraît difficile de croire qu’il n’ait pas eu pour but, avant tout, de se satisfaire lui-même, ayant le goût de méditer et la démangeaison d’écrire en vers. Les poèmes proprement dits, au nombre de cent quatre-vingt-cinq, ont été divisés par les éditeurs modernes en deux livres, Poèmes théologiques et Poèmes historiques, auxquels s’ajoutent cent vingt-neuf Épitaphes (Ἐπιτάφια) et quatre-vingt-quatorze petits morceaux gnomiques ou Épigrammes (Ἐπιγράμματα). Les plus intéressantes de ces compositions sont les poèmes historiques, c’est-à-dire ceux où Grégoire parle de lui-même, notamment le poème Sur sa propre vie, sorte de biographie, précieuse par les faits qu’elle note, et quelquefois attachante par les sentiments qu’elle exprime. Humaniste exercé, Grégoire a employé dans ses vers la plupart des mètres classiques, hexamètres, distiques, iambes, ioniques majeurs et brisés, etc. Dans deux morceaux seulement, rompant avec la tradition, il s’est essayé à la versification dite « rythmique », qui est fondée, non sur la quantité des syllabes, mais sur leur nombre et sur la place des accents (Ὕμνος ἑσπερινός, Poèmes, l. 1, sect. 1, 321 et Πρὸς παρθένον παραινετικός, l. I, sect. 2, 3.

Pour apprécier le génie de Grégoire de Nazianze, nous devons, tout de suite et résolument, faire bon marché de cette prétendue poésie[840]. Non qu’il n’y eût en lui un réel instinct de poète. Son âme, pensive et recueillie, aimante et mystique, sa sensibilité vive, son imagination brillante, auraient pu, si elles eussent pris de bonne heure cette direction, s’exhaler en méditations harmonieuses. Mais les habitudes de sa pensée et de son style, formées par l’art oratoire et la théologie, résistaient à l’inspiration. Sa phrase, nette, précise, antithétique, n’avait ni l’élan, ni la mollesse, ni la liberté qui conviennent au rêve. Quand le sujet demandait le laisser-aller, l’abandon de la pensée entraînée par les images, l’indécision charmante et fugitive des impressions, l’orateur qui était en lui tendait aux formules impérieuses, le moraliste aux instructions circonstanciées, le théologien aux distinctions abstraites et subtiles. Dans les passages où sa poésie est religieuse, elle a le tort de rappeler de trop près les canons des conciles ; dans ceux où elle est personnelle, elle hésite entre la chronique sèche et le sermon.

C’est donc à ses discours, uniquement, qu’il y a lieu de s’arrêter. Et sur ce sujet même, disons d’abord que, malgré son titre de « théologien », Grégoire, fût-ce dans ses exposés de théologie, ne montre pas plus que Basile, cette originalité forte du penseur qui crée des idées neuves ou transforme les anciennes par des aperçus propres. Comme philosophe, il n’a été qu’un disciple et un défenseur de la tradition. En lui, l’orateur seul a son originalité incontestable.

Son éloquence est moins simple que celle de Basile ; mais elle a plus d’ampleur et plus d’éclat. Basile s’oublie lui-même, il ne songe qu’à son sujet et au bien de ses auditeurs. Grégoire, chrétien tout aussi convaincu et prêtre aussi zélé, était pourtant par nature bien plus un « homme de lettres », et il n’a jamais cessé complètement de l’être. On sent, en l’écoutant, qu’il cherche à plaire, quelle que soit d’ailleurs l’élévation et la sincérité de son intention générale. Qu’il en ait conscience ou non, il y a toujours quelque coquetterie dans son art. Il aime l’antithèse ingénieuse et brillante, il se sert volontiers des figures qui font de l’effet, il conduit et organise sa phrase en artiste, pour l’oreille en même temps que pour l’intelligence. Le développement facile ne lui déplaît pas, alors même qu’il a plus d’agrément que de solidité. Trop charmé par l’élégance superficielle, il combine adroitement ses mots, comme il versifiait, par un goût naturel pour la symétrie ingénieuse. Volontiers aussi, il orne son expression ; il la veut poétique, sonore ; il est amoureux des images, des belles comparaisons, qu’il demande, s’il le faut, à la mythologie. Ce sont là des petitesses qui laissent trop voir en lui le disciple d’Himérios ; mais s’il importe de les signaler, il serait fort injuste de méconnaître ce qu’il y a de puissance naturelle et de génie sous cette forme un peu apprêtée.

Grégoire était une âme sincère, éclairée par une belle et lucide intelligence. Comme il a les défauts de son tempérament, il en a aussi les grandes qualités. Son Éloge funèbre de saint Basile, qui est peut-être son chef-d’œuvre, est vraiment un discours admirable. C’est un panégyrique, et pourtant l’orateur y parle avec son cœur. S’il ne craint pas de rappeler les quelques griefs qu’il a contre son ami, s’il ne peut lui pardonner complètement, même après la mort, de l’avoir nommé évêque de Sasima, comme il l’aime et comme il l’admire néanmoins ! Avec quel charme il rappelle leurs communs souvenirs d’Athènes ! Et s’il parle volontiers de lui-même, quel hommage il rend cependant à la supériorité de caractère qu’il sentait chez Basile ! Les détails familiers et précis abondent, mais les grands traits sont en pleine lumière. Il raconte avec grâce, avec sentiment ; et, quand il a fini de raconter, il juge de haut, il dégage les qualités maitresses avec la sureté d’un historien et l’émotion d’un ami. Ses dernières paroles ont été imitées par Bossuet dans son Oraison funèbre du prince de Condé, et elles méritaient de l’être. L’appel adressé à tous ceux auxquels Basile avait fait du bien est d’une ampleur et d’une plénitude remarquables ; et il y a quelque chose de singulièrement touchant dans la façon dont l’orateur éteint ensuite volontairement l’éclat de sa parole, pour finir sur une prière attendrie. Citons ces quelques lignes qui donnent assez bien l’idée de l’éloquence de Grégoire :

« Réunissez-vous tous ici, compagnons de Basile, ministres des autels, serviteurs du temple, et les citoyens et les étrangers ; secourez-nous pour achever son éloge, chacun de vous racontant une de ses vertus, s’attachant à un trait de sa vie. Regrettez tous, les grands un législateur, le peuple un guide, les savants un maitre, les épouses l’appui de leur vertu, les simples un conducteur, les esprits curieux une lumière, les heureux un censeur, les infortunés un consolateur, la vieillesse un soutien, la jeunesse une règle, la pauvreté un bienfaiteur, la richesse un dispensateur des aumônes. Il me semble que les veuves doivent célébrer leur protecteur, les pauvres l’ami des pauvres, tous, enfin, celui qui se faisait tout à tous, afin de gagner toutes les âmes.

Reçois cet hommage d’une voix qui te fut chère, d’un homme ton égal en âge et en dignité. Si mes paroles approchent de ce qui t’est dû, c’est grâce à toi : c’est par confiance en ton secours que j’ai entrepris cet éloge. Si je suis resté beaucoup au-dessous, pouvait-il m’arriver autre chose dans l’abattement où m’ont mis la vieillesse, les maladies et le regret de ta perte ? Mais le Seigneur agrée ce que nous faisons selon notre pouvoir. Pour toi, regarde-nous du haut des cieux, âme heureuse et sainte[841] ! »


Ces mêmes qualités se retrouvent, à des degrés divers, dans tous les discours de Grégoire. Son éloquence est personnelle et pourtant très religieuse. Nul ne mêle plus volontiers ses souvenirs et ses impressions à tous les sujets qu’il traite ; et alors même qu’il ne parle pas directement de ce qui le touche, il ne s’en abstrait jamais d’une manière complète. Le méditatif qui était en lui avait pris l’habitude de la vie intérieure, de l’entretien avec soi-même, et les idées qu’il avait à exprimer sortaient de son âme toutes pleines de tout ce qui faisait sa personnalité. Mais, comme, en se repliant sur lui-même, il y cherchait Dieu et l’y trouvait, c’étaient des impressions toutes religieuses qu’il en rapportait[842]. Voilà pourquoi les choses du dehors l’attirent médiocrement. Il est peu observateur des hommes en société, il ne peint guère leurs manières d’être, il ne fait pas de la satire morale ; on chercherait en vain, dans ses discours, ces tableaux de genre qui ont fait le succès d’autres prédicateurs. Sa psychologie est tirée de son expérience personnelle ; elle est simple et juste, plutôt solide que fine ou variée. En général, elle s’attache peu aux détails. L’esprit de Grégoire se concentre sur quelques pensées qui lui suffisent et qu’il développe avec une abondance de textes, de raisonnements et d’images. La dialectique se mêle en lui au lyrisme. Il se complaît dans le dogme, qu’il sait traduire en formules simples et neuves, ou ordonner en déductions bien liées ; mais il y met, en outre, de l’amour, de l’imagination, quelquefois de la grâce et de la grandeur. Dans l’exhortation chrétienne, il a une chaleur, mêlée d’onction, qui lui donne une force singulière. Son imagination lui représente les choses dont il parle, surtout celles de la foi, de telle façon qu’elles deviennent comme présentes. Mais il excelle particulièrement dans le développement très large des thèmes les plus simples, où, sur un fond de pensées essentielles, surgissent des sentiments dont il varie les nuances à profusion sans se lasser. La péroraison de son Discours d’adieu, prononcé quand il quitta Constantinople, a été citée avec raison par Villemain comme pleine « d’une émotion et d’une grâce infinie[843] ». C’est un des plus beaux exemples de ces épanchements à la fois lyriques et oratoires, où l’âme de celui qui parle semble vouloir se donner tout entière.

Par le style, Grégoire diffère aussi de Basile, tout en lui ressemblant. Ses expressions sont plus poétiques, sa phrase est plus ample et plus balancée. Il donne plus à l’imagination, il a plus de souci de la sonorité et de l’éclat. Les éléments essentiels sont pourtant les mêmes de part et d’autre, mais chez Grégoire les couleurs sont plus vives.


Au-dessous de ces deux grands noms, se place celui d’un des frères de Basile, Grégoire de Nysse. Théologien plus qu’orateur ou écrivain, s’il a une importance notable dans l’histoire ecclésiastique, il n’en a qu’une beaucoup moindre dans l’histoire littéraire. Nous pouvons nous contenter, en ce qui le concerne, de quelques indications sommaires[844].

Plus jeune que Basile d’une dizaine d‘années environ, il fut en partie élevé par lui. Après avoir hésité longtemps entre l’état ecclésiastique et la vie séculière, il devint prêtre et fut nommé par son frère, en 371, évêque de la petite ville de Nyssa, en Cappadoce. Il dut, sous le règne de Valens, y lutter énergiquement contre les Ariens. Dépouillé par eux de ses fonctions épiscopales, il n’en reprit possession qu’après la mort de l’empereur qui les protégeait, en 378. Son rôle grandit dans les années suivantes. Au concile de Constantinople, en 381, il paraît comme un des théologiens les plus écoutés de l’Orient, et il demeure, sous le règne de Théodose, une autorité en matière d’orthodoxie. Il disparaît ensuite, sans qu’on sache rien de ses dernières années, dans la fin du ive siècle.

Ses écrits, très nombreux, se rapportent surtout à l’exégèse, dans laquelle il se montre, bien plus que Basile et Grégoire de Nazianze, animé de l’esprit d’Origène, c’est-à-dire chercheur infatigable du sens spirituel et figuré. Polémiste et défenseur des dogmes, il a été un des soutiens de l’orthodoxie contre les diverses hérésies de son temps, en particulier contre l’Arianisme (Grande catéchèse, Λόγος κατηχητικὸς ὁ μέγας ; Discours contre Eunomios, en treize livres, Πρὸς Εὐνόμιον ἀντιῤῥητικοὶ λόγοι ; deux Discours contre Apollinaire ; etc.). Son Dialogue sur l’âme et la résurrection, entre sa sœur Macrina et lui-même (Περὶ ψυχῆς καὶ ἀναστάσεω ; ou τὰ Μακρίνια), écrit peu après la mort de Basile, nous montre en lui un philosophe en même temps qu’un croyant. On a aussi de lui plusieurs traités sur diverses questions relatives à la vie chrétienne (Sur la perfection, Περὶ τελειότητος ; Sur les fins conformes aux volontés de Dieu, Περὶ τοῦ κατὰ θεὸν σκοποῦ ; Sur la vie selon la vertu, Περὶ τῆς κατ’ ἀρετὴν ζωῆς ; etc.) ; et, en outre, une cinquantaine environ de Discours, dont quelques-uns, il est vrai, se rapportent encore au dogme, mais dont la plupart traitent de morale ; les autres sont des panégyriques, entre lesquels il faut mentionner l’Éloge de Basile, œuvre d’affection fraternelle en même temps que de piété, et l’Éloge de Macrina, sa sœur. Enfin la collection de ses écrits se complète par vingt-six Lettres.

La réputation de Grégoire de Nysse repose surtout sur son œuvre dogmatique. Il est probablement, entre les théologiens de ce temps, le plus philosophe, au sens propre du mot, c’est-à-dire celui qui a eu le plus le goût de la recherche, celui qui pense avec le plus de suite et d’ampleur et qui construit les plus larges théories. Homme simple et bon, de peu de sens pratique[845], tout adonné aux constructions idéales de l’esprit, il se plaît aux abstractions, au milieu desquelles il se joue avec une dialectique subtile. Sans s’écarter du dogme, qui est pour lui la vérité même, il aime à donner carrière à la raison, à multiplier les explications, à spéculer sur l’inconnu. De là, une variété d’aperçus, plus ou moins hasardés, mais personnels et intéressants, qui donnent à sa théologie une physionomie très particulière. Comme orateur, Grégoire de Nysse a, bien plus que Basile et même que Grégoire de Nazianze, les défauts de son temps, sans doute parce que l’éloquence, chez lui, est bien plus affaire d’artifice. Dépourvu par nature du don d’émouvoir, ainsi que de celui de peindre et d’animer, il y supplée trop souvent par l’enflure et par les procédés de la rhétorique.

XII

Ces trois hommes, remarquables à divers titres, ont fait le plus grand honneur à la province de Cappadoce, leur commune patrie. Mais ils n’ont pu enlever à Antioche sa supériorité littéraire au milieu de l’Orient grec. Et de même qu’elle tient le premier rang dans l’exégèse avec Diodore de Tarse et Théodore de Mopsueste, elle se l’assure également dans l’éloquence religieuse, pendant la seconde moitié du siècle, avec Jean surnommé Chrysostôme (Bouche d’or). Celui-ci est la plus grande figure d’orateur apostolique que le christianisme grec ait produite, et, à ce titre, il mérite d’être étudié ici un peu moins sommairement[846].

Né à Antioche entre 344 et 347, Jean était issu d’une famille riche et considérée[847]. Il perdit de bonne heure son père, Secundus, et fut élevé par sa mère, Anthousa. Un peu plus tard, il suivit, dans sa ville natale, les leçons de philosophie d’Andragathios et les leçons d’éloquence de Libanios[848]. Sous l’influence de ce dernier, sans doute, les remarquables aptitudes oratoires du jeune homme se développèrent rapidement. Bientôt il en fit l’essai au barreau, où le succès ne put lui échapper. Spirituel et brillant, il fréquentait alors le monde et se plaisait même au théâtre[849]. Mais cette période profane fut de courte durée. Ses réflexions personnelles et les conseils d’un ami intime, nommé Basile, dont il nous parle avec beaucoup de charme, le tournèrent très jeune encore vers l’ascétisme[850]. Il semble l’avoir pratiqué d’abord sans quitter Antioche, vivant chez lui d’une vie austère, s’adonnant à l’étude et à la méditation des Écritures, et suivant les leçons de Diodore et de Cartérios, en compagnie de Théodore, le futur évêque de Mopsueste. Sa haute réputation, la situation de sa famille, l’influence de ses amis le désignaient dès lors pour l’épiscopat[851] ; mais il sut se dérober à cet honneur, tout en le faisant conférer à son ami Basile. Lui-même, quittant la ville vers 375, se retirait dans les montagnes qui l’avoisinaient, et il y passait d’abord quatre ans sous la direction d’un vieux moine, puis deux ans, seul, dans une grotte[852]. C’est à cette première période de sa vie religieuse, entre 370 et 381 environ, période de retraite et d’ascétisme, qu’appartiennent plusieurs traités dont nous parlerons plus loin. On y sent, sous la beauté de la forme, un manque de mesure, une certaine exagération de doctrine, qui trahissent, en dehors d’une tendance naturelle, l’intransigeance et la logique outrée d’un esprit que la vie n’a pas encore mûri.

En 381, Jean, revenu à Antioche et âgé d’environ trente-cinq ans, est ordonné diacre par l’évêque Mélèce : cinq ans plus tard, l’évêque Flavien fait de lui un prêtre. Pendant plus de dix ans, jusqu’en 397, il vit à côté de lui, exerçant sous sa conduite le ministère de la parole. Ce temps passé à Antioche, soit comme diacre, soit comme prêtre, est celui de sa plus féconde activité. De trente-cinq à cinquante ans environ, il se donne à l’instruction morale et religieuse des fidèles. La plupart de ses Homélies datent de ces quinze ou seize années, et c’est alors que ce genre prend dans sa bouche toute sa valeur. L’autorité de sa parole sur le peuple d’Antioche était immense. On le vit particulièrement en 387, lors de la sédition qui exposa la métropole de l’Orient à la colère de Théodose. Tandis que l’évêque Flavien allait trouver l’empereur pour l’apaiser, ce fut Jean qui, pendant plusieurs semaines d’angoisses cruelles, soutint les courages, modéra ces âmes mobiles et agitées, et leur permit d’attendre avec quelque calme un pardon longtemps inespéré. Mais, en dehors même de cette crise, son influence moralisatrice s’exerçait constamment. Une expérience croissante, sans supprimer en lui tous les excès d’un zèle ardent et d’une doctrine absolue, les atténuait cependant et rendait sa parole de plus en plus appropriée à sa destination. Devenu le premier orateur de l’Orient, et ayant conscience de sa force, il dépensait toute son éloquence en une prédication pratique, qui visait à l’amélioration des mœurs ; et dans cette grande ville, voluptueuse, frivole, pleine d’agitations, de jalousies, de convoitises de toute sorte, il représentait, avec une autorité incomparable, l’idéal de l’Évangile.

Il eût été à souhaiter pour lui qu’il y restât. Mais, à la fin de 397, le siège métropolitain de Constantinople étant devenu vacant par la mort du patriarche Nectarios, l’empereur Arcadius, sous l’influence de l’eunuque Eutrope, fit élire, pour le remplacer, Jean d’Antioche, dont la renommée était venue jusqu’à lui. C’était un choix malheureux. Il fallait à Constantinople un homme d’un tout autre caractère. Des difficultés de toute sorte y entouraient le patriarche : un empereur faible, une impératrice mobile et vindicative, mille intrigues de cour, un clergé divisé, des jalousies ardentes et cachées, un peuple toujours prêt à s’agiter. Dans ce milieu, un évêque, quelque décidé qu’il fût à faire son devoir, devait cependant user de prudence, procéder lentement et avec méthode, fermer les yeux sur les petites choses, tenir compte des impossibilités, se montrer patient autant que résolu, et surtout éviter de se poser en face de la cour, ou même de se laisser représenter par la malveillance, comme une sorte de tribun. Or Jean était un apôtre, imprudent à force de zèle, incapable des concessions les plus nécessaires, habitué à tout dire, étranger aux difficultés du gouvernement des hommes. Avec son admirable éloquence, qui l’enivrait lui-même, avec sa foi ardente et sa doctrine inflexible, il avait tout ce qu’il fallait pour échouer là d’une manière tragique, et il échoue en effet.

Intronisé le 26 février 398, il entrait en conflit presque aussitôt avec le tout-puissant Eutrope, qui l’avait choisi. D’ailleurs, dès l’année suivante, lorsqu’une brusque disgrâce eut renversé le favori et faillit le livrer à la fureur du peuple, Jean, aussi généreux qu’il avait été hardi, le défendait, en revendiquant pour son église le droit d’asile. Mais la chute d’Eutrope livrait l’empereur à l’influence de sa femme Eudoxie ; et, comme Jean ne pouvait pas ne pas être en opposition avec la puissance du jour, c’était désormais entre l’impératrice et lui que la lutte s’engageait, tantôt sourde, tantôt violente.

La hardiesse de ses prédications, presque révolutionnaires, contre le luxe, les mauvaises mœurs, la dureté des riches, lui gagnaient le peuple, qui d’ailleurs admirait la simplicité de sa vie, son éloquence et son courage ; mais elle lui créait en même temps des ennemis nombreux, qui épiaient les occasions de le perdre. Déjà, il avait eu des contestations avec l’impératrice sur des questions de propriété. On n’eut pas de peine à persuader à Eudoxie que les censures de Jean s’adressaient à elle, car elles s’appliquaient certainement à son entourage. Dès lors, elle prêta la main à toutes les intrigues ourdies contre lui. Le patriarche d’Alexandrie, Théophile, homme autoritaire, en voulait depuis longtemps à Jean, pour avoir accueilli avec faveur des moines origénistes qu’il avait chassés d’Égypte. À l’instigation d’Eudoxie, ces griefs furent réveillés ; d’autres, ramassés çà et là dans le clergé, s’y ajoutèrent. L’archevêque fut cité, en août 403, devant un synode de trente-six évêques, choisis entre ses ennemis, et réunis à Chalcédoine dans un domaine appelé le Chêne (conciliabule du chêne, σύνοδος ἐπὶ δρῦν)[853]. Jean refusa de comparaître, à moins qu’on n’écartât du synode quatre de ses ennemis notoires. Le prétendu tribunal passa outre ; il déposa l’archevêque, en l’accusant, par surcroit, de lèse-majesté, pour avoir appliqué à l’impératrice, sous forme d’allusion injurieuse, le nom de Jézabel. Arcadius confirma la sentence de déposition et y ajouta la peine de l’exil.

À celle nouvelle, une vive émotion s’empare du peuple, qui commence à s’agiter. Jean, très noblement, s’emploie à le calmer, et, de lui-même, se met en route pour l’exil. Mais le peuple ne s’apaisait pas, et la cour inquiète sentait se préparer une sédition, lorsqu’un tremblement de terre eut lieu pendant la nuit. La superstitieuse Eudoxie en fut épouvantée ; saisissant ce prétexte qui permettait de donner satisfaction au peuple tout en ne paraissant céder qu’à Dieu, elle fit rappeler l’archevêque et lui écrivit elle-même une lettre de soumission. Jean, qui était déjà en Bithynie, revint triomphalement[854].

Ce triomphe même présageait sa perte. En vain, une réconciliation eut lieu ; en vain, on échangea les meilleures assurances. Sa popularité le rendait redoutable. D’ailleurs, il n’était pas homme à user désormais de plus de prudence. Quelques mois après, vers la fin de 403, à l’occasion de l’érection d’une statue de l’impératrice sur une place publique qui touchait à l’église principale, des réjouissances eurent lieu, dont le caractère païen lui parut offensant pour la religion. Il somma le préfet de les faire cesser. Le conflit recommençait ainsi sous une forme plus personnelle. L’impératrice, blessée au vif, voulut cette fois aller jusqu’au bout. Il n’est pas sûr que Jean ait réellement prononcé les paroles célèbres qu’on lit aujourd’hui en tête d’une homélie qui porte son nom : « De nouveau, voici Hérodiade en délire, de nouveau elle se met en fureur, de nouveau elle danse, de nouveau elle veut qu’on lui apporte la tête de Jean sur un plat[855]. » Mais, à défaut de ces paroles, il y en avait assez d’autres dans ses discours, qu’on pouvait interpréter comme autant d’allusions. Eudoxie fit soulever, par les évêques qui lui obéissaient, une protestation contre le rétablissement du patriarche ; et, comme il refusait de cesser ses fonctions, il fut d’abord gardé à vue chez lui, puis, vers le milieu de 404, enlevé violemment de son église et conduit en exil.

Des scènes violentes eurent lieu à Constantinople. Un incendie, qu’on imputa aux partisans de l’exilé, dévora les bâtiments attenant à la cathédrale et l’église elle-même. En tout cas, ses amis, parmi lesquels il y avait certainement des exaltés, continuèrent à former une faction inquiétante qu’on appelait les Johannites, et qui se refusait à reconnaître un autre chef ecclésiastique que lui. Mais leurs efforts ne parvinrent pas à le faire rappeler. Relégué sur les confins de l’Arménie, à Cucusse, après un voyage qui fut un long supplice, Jean vécut là trois ans encore, toujours énergique malgré ses misères, s’occupant de diriger des missions en Phénicie et en Cilicie, et correspondant avec ses amis d’Antioche et de Constantinople. Arraché de ce lieu d’exil en 407 pour ètre transporté ailleurs, il mourut d’épuisement sur la route, à Comana, en Cappadoce. Ses restes ne furent rapportés à Constantinople que vingt-et-un ans plus tard, par Théodose II, fils d’Eudoxie.

XIII

La collection extrêmement considérable des œuvres de Chrysostome comprend trois sortes d’écrits : les traités, les discours, les lettres. Donnons d’abord un aperçu des sujets auxquels ils se rapportent et de leur ordre chronologique.

Les traités sont, à proprement parler, des instructions ou consultations de morale religieuse, à propos de circonstances diverses. Les plus anciens semblent être les deux Discours à Théodore après sa chute (Εἰς Θεόδωρον ἐκπεσόντα), qu’on suppose sans preuve décisive avoir été adressés, entre 370 et 375, à Théodore de Mopsueste, lorsqu’il eut la velléité de renoncer à la vie ascétique. On rapporte au même temps les deux livres Sur la Pénitence (Περὶ κατανύξεως), animés du même esprit. Vers 375 ou 376, les tentatives de Valens contre l’institution monastique et l’agitation d’opinion qu’elles soulevaient parmi les chrétiens et les païens semblent avoir donné lieu aux trois livres si passionnés Contre les adversaires de la vie monastique (Πρὸς τοὺς πολεμοῦντας τοῖς ἐπὶ τὸ μονάζειν ἐνάγουσιν). Un peu plus tard, mais probablement encore avant de quitter la solitude, Jean composa ses trois discours de consolation À Stagire, destinés à calmer le trouble maladif d’un esprit qui avait cru trouver la paix au sein de la retraite et qui s’y consumait dans l’inquiétude (Πρὸς Σταγείριον ἀσκητὴν διαμονῶντα). — Devenu diacre, puis prêtre, il continue à écrire comme il l’avait fait étant moine. Les six livres Sur le sacerdoce (Περὶ ἱερωσύνης), qui sont considérés à bon droit comme une de ses plus belles œuvres, furent publiés, selon Socrate (Hist. ecclés., VI, 3), en 381. Du même temps sont les deux traités À une jeune veuve (Εἰς νεωτέραν χηρεύσασαν) et Contre les seconds mariages (Περὶ μονανδρίας). Le livre plus développé Sur Le célibat (Περὶ παρθενίας) semble avoir été composé un peu plus tard. À cette période encore appartiennent deux ouvrages de polémique : le Discours sur Saint Babylas, de 382, adressé aux païens, en vue de leur démontrer la puissance divine du christianisme par l’humiliante défaite que Saint Babylas avait infligée à Julien, lorsque celui-ci voulut déplacer ses restes ; et la Démonstration de la divinité du Christ à l’adresse des Juifs et des Hellènes (Πρὸς τε Ἰουδαίους καὶ Ἕλληνας ἀπόδειξις ὅτι ἐστὶ θεὸς ὁ Χριστός) probablement publiée vers 387. Malgré le nombre de ces traités, il est manifeste que, dans cette seconde période, Jean écrit moins, parce qu’il s’adonne surtout à la prédication. — Comme patriarche de Constantinople, c’est aussi par la parole surtout qu’il agit. Toutefois, il compose alors ses curieux opuscules À ceux qui entretiennent chez eux des vierges (Πρὸς τοὺς ἔχοντας παρθένους συνεισάκτους) et Sur l’inconvénient pour les femmes consacrées à Dieu d’habiter avec des hommes (Περὶ τοῦ τὰς κανονικὰς μὴ συνοικεῖν ἀνδράσι), où se manifeste si vivement le zèle de réforme qu’il déployait dans la direction de son église. — Enfin, relégué en Arménie, âgé et souffrant, il écrit encore deux traités : Que personne ne peut nuire à qui ne se fait pas tort à lui-même ('Ότι τὸν ἑαυτὸν μὴ ἀδικοῦντα οὐδεὶς παραβλάψαι δύναται) et À ceux qui se scandalisent des épreuves qui sont survenues (Πρὸς τοὺς σκανδαλισθέντας ἐπὶ ταῖς δυσημερίαις ταῖς γενομέναις).

Les discours proprement dits, comprenant toute la série des Homélies, forment un ensemble bien plus étendu que ces traités. Malheureusement, on ne peut guère douter que cet ample recueil ne contienne un trop grand nombre de morceaux faussement attribués à Chrysostome, et la critique n’a pas encore distingué avec assez de méthode ce qui doit être accepté comme authentique de ce qui doit être rejeté comme apocryphe. Ces homélies embrassent toute l’admirable suite des prédications de Jean, soit à Antioche, soit à Constantinople. Les unes sont plus spécialement exégétiques, les autres plus inspirées par les circonstances. Mais il est difficile de fonder sur cette distinction un classement rigoureux ; car lorsque Jean explique les Écritures, il a toujours en vue le profit moral de ses auditeurs ; et, d’autre part, lorsqu’il parle des choses du jour, c’est presque sans exception en s’appuyant sur des textes qu’il commente. Les plus renommés de ces discours sont les Homélies Sur les Psaumes, Sur l’Épître aux Romains, le sermon Contre les jeux du cirque et les théâtres, sept homélies Sur les louanges de l’apôtre saint Paul, les deux Catéchèses avant le baptême, vingt-et-une homélies Sur les statues, adressées en 387 au peuple d’Antioche après la sédition et en attendant la décision de l’empereur, deux Sur Eutrope, prononcées à Constantinople en 398 après la chute du favori, enfin les deux discours Avant son départ pour l’exil, de 403, et Après son retour de l’exil, de la même année.

Les Lettres, au nombre de 238, appartiennent presque toutes à la période de l’exil. Écrites, pour la plupart, de Cucusse, elles s’adressent aux amis nombreux que l’évêque avait laissés derrière lui, soit à Antioche, soit à Constantinople, en particulier à la diaconesse Olympia, et elles ont pour objet de soutenir leur courage par des considérations de piété. Si elles nous apprennent peu de chose sur les événements du temps, elles montrent sous le plus noble aspect le caractère de l’exilé, aussi incapable de faiblesse que de haine. Quelques autres ont trait aux missions qu’il encourageait ou projetait ; malgré la vieillesse et la proscription, son zèle s’y laisse voir aussi ardent que jamais.

XIV

Dans cette œuvre immense, Chrysostome a fait peu de théologie, mais beaucoup de morale. C’est comme moraliste et comme orateur qu’il appartient à l’histoire littéraire.

Ce qui frappe d’abord dans son éloquence, c’est la vive représentation des mœurs et des choses du temps[856]. Nullement rêveur ni contemplatif, toujours préoccupé du bien à faire, et, avec cela, doué d’un regard prompt et clairvoyant, il a dû, dès sa jeunesse, jeter les yeux autour de lui ; et à mesure qu’il s’est montré plus attaché par profession à l’amélioration de ses frères, il a été amené à noter avec plus de précision les défauts, les vices, les habitudes mauvaises, les préjugés sociaux, les excuses communes, et, d’une manière générale, la contradiction secrète, mais incessante, que le monde opposait au christianisme tel qu’il l’avait conçu. C’est là le point de vue spécial d’où il regarde les choses. De curiosité morale, à proprement parler, il n’y en a pas en lui ; il n’observe pas les hommes pour le plaisir de les connaître ou de les décrire ; seul, le désir de les corriger le possède et l’absorbe. Et si, par suite, l’observation est chez lui moins variée, moins complexe, moins riche en aperçus que chez les moralistes plus libres qui la cultivent pour elle-même, elle est en revanche plus méthodique et plus forte. À Antioche comme à Constantinople, il n’a pas cessé un seul jour de chercher, d’un regard obstiné, tout ce qui pouvait faire obstacle à la sanctification soit dans l’individu, soit dans la famille, soit dans la société. Et comme sa franchise égalait sa clairvoyance, il a dit avec la liberté d’un apôtre ce qu’il avait découvert avec le zèle d’un censeur. Il en résulte que presque toute la société du temps revit dans ses peintures. Nous y voyons ses vices généraux sous la forme qu’ils prenaient en Orient, le goût des plaisirs, l’immoralité, la passion des jeux et des spectacles, l’amour du luxe, l’égoïsme de la richesse ; nous y relevons aussi avec intérêt des traits plus particuliers, la frivolité des auditoires religieux, le laisser-aller de certains membres du clergé, les sollicitations et les intrigues des femmes qui les assiégeaient, les propos malveillants qui circulaient jusque dans la communauté chrétienne. Aucun prédicateur, en aucun temps, n’a saisi aussi vivement que lui la réalité contemporaine, et, par conséquent, aucun ne la fait mieux connaître.

Hardies et variées, ces peintures semblent d’ailleurs des peintures fidèles. L’orateur, qui est enclin à l’exagération dans la doctrine, ne paraît pas l’être dans ses descriptions. Visant, comme il le fait, à corriger, il manquerait à son dessein, s’il exagérait. D’ailleurs, il n’y a chez lui ni goût sensible de l’hyperbole dans l’expression, ni recherche de l’esprit. Tout ce qu’il dit est précis ; il prend à témoin ses auditeurs ; il leur met sous les yeux des choses qu’ils doivent reconnaître. L’abondance des détails n’est pas destinée à augmenter l’effet du tableau, mais bien à serrer de plus près la ressemblance. S’ils eussent été groupés autrement, ils auraient constitué des portraits ; mais alors l’instruction eût fait place à la satire. L’orateur chrétien se garde de créer ainsi des personnages sur lesquels on mettrait des noms ; il étudie les vices séparément, à l’aide d’observations dont il a pris partout la matière ; tous les vicieux y contribuent, chacun pour sa part ; et ainsi le profit peut être pour tous, sans qu’il y ait de flétrissure pour personne.

Mais le moraliste qui est en lui ne se contente pas de décrire, il raisonne ; et cela avec une clairvoyance logique, qui ne se laisse ni embarrasser ni tromper. Ses discussions sont aussi serrées que ses descriptions sont précises et frappantes. Il sait très bien qu’il ne suffit pas de signaler le vice, et qu’on n’a rien fait, si on ne lui enlève les excuses qu’il ne manque pas de se donner à lui-même. La censure de Chrysostome est donc une censure active, qui combat, qui ne se laisse pas détourner ni repousser, qui veut se faire accepter tout entière, quoi qu’on fasse pour l’éluder. Dans cette sorte de lutte, ses ressources sont merveilleuses. Il devine les prétextes, il les dégage, il leur donne toute leur force, en beau joueur qui ne veut pas vaincre par la maladresse de son adversaire, ou plutôt en champion dévoué de la vérité, qui n’estime que les victoires complètes et définitives. Cette chasse aux mauvaises raisons est pour lui une occasion de découvrir à chaque instant des aspects nouveaux du sujet. Quand il prend corps à corps une habitude enracinée, il ne la quitte pas qu’il n’en ait montré toutes les faces et signalé toutes les conséquences. Un simple opuscule, tel que le traité Contre ceux qui entretiennent chez eux des vierges, le révèle tout entier. Il discute là, non pas avec des gens qui font le mal, mais avec des gens qui aiment la tentation. Et il s’agit de leur faire voir ce qu’ils ne veulent pas voir, de leur faire avouer ce qu’ils ne s’avouent pas à eux-mêmes. Tout ce qu’il dit est si simple qu’il semble n’avoir besoin, pour le dire, que de bon sens et de bonne foi. Qu’on y regarde pourtant de près : on verra ce qu’il y a, dans ce bon sens et cette bonne foi, d’expérience fine, de clairvoyance, de prudence avisée, et combien ces aperçus sont liés entre eux.

Ces qualités de premier ordre feraient de Chrysostome un moraliste tout à fait supérieur, si sa morale elle-même était d’ailleurs plus large. Ce qui lui fait tort, c’est que la tendance profonde de son esprit et de son caractère, au lieu de le porter à développer dans le christianisme ce qui est vraiment universel, l’a conduit au contraire à s’enfermer dans un ascétisme dont l’autorité ne pouvait être que locale et temporaire. On est peiné de voir cette nature généreuse et ce puissant esprit s’attacher à démontrer avec passion que la vie du moine est l’idéal même de la vie chrétienne, qu’en dehors d’elle le salut est à peine possible, que le mariage est un état inférieur, un préservatif contre le péché, indigne des natures vraiment fortes, que d’ailleurs les vertus des hérétiques et des infidèles non seulement ne sont pas des vertus, mais qu’elles doivent être jugées pires que les vices eux-mêmes[857]. De tels démentis donnés à la raison, à l’humanité, à l’instinct social, ont quelque chose d’attristant. Sans doute, ils appartiennent surtout aux ouvrages de jeunesse de Chrysostome ; sans doute aussi, ils peuvent être en partie expliqués par l’histoire du temps ; mais cela n’empêche pas qu’ils ne subsistent avec ses écrits, qu’on ne les retrouve à peine atténués dans toute son œuvre et qu’ils ne la compromettent tout entière. Ce qu’il faut dire, du moins, c’est que cette œuvre, avec ses exagérations, représente fortement un idéal apostolique qui a exercé une profonde influence en son temps et au delà, et qu’en somme, dans sa chimère d’intransigeance, elle procède d’une âme peu commune.

Par son éloquence, en tout cas, elle s’impose à l’admiration. Chez bien peu d’hommes, la faculté oratoire s’est montrée aussi spontanée et aussi puissante que chez Chrysostome ; et, chez peu d’hommes aussi, elle a été cultivée avec plus de succès. Une nature riche, douée de tout ce qui fait le grand orateur, raison vigoureuse et subtile, imagination, sentiment ; et, avec cela, une éducation achevée, qui a fait passer en lui toute la tradition classique ; l’art des Démosthène et des Isocrate, surajouté à un génie heureux et abondant, de manière à lui faire développer toutes ses ressources en les réglant et en les coordonnant dans une pleine harmonie. De là est sortie une éloquence qui sans doute est loin d’être exempte de défauts, mais qui a passionné ceux qui l’entendirent, et qui nous captive encore, même refroidie.

Si l’on essaye d’en dégager d’abord l’élément essentiel, c’est l’argumentation qu’il faut signaler. Comme tous les grands orateurs, Chrysostome est un homme qui a le besoin et la passion de prouver. La dialectique est en quelque sorte l’exercice naturel de son esprit : toute démonstration à faire devient un objet prochain qui l’attire, qui s’empare de lui, le passionne, met toutes ses facultés en mouvement. L’invention est vraiment étonnante dans son discours, et, comme nous avons vu qu’elle s’appuyait sur l’observation, sur la connaissance précise des choses de la vie, elle est en général aussi solide que variée. Quelquefois, il est vrai, cette faculté, chez lui, touche à l’excès. Ses preuves seraient plus fortes, semble-t-il, s’il y en avait moins. Certaines démonstrations auraient même dû être complètement éliminées : il a l’air, en plusieurs occasions, de faire la partie trop belle à ses adversaires pour se donner à lui-même le plaisir de la difficulté, tant il est sûr d’en sortir à son honneur ; curieux indice d’un goût d’ostentation inconsciente, où se trahit l’influence de la sophistique[858]. Mais ce ne sont là que des défauts passagers. Ordinairement, les arguments sont de bon aloi, vraiment tirés du sujet, fondés sur la vérité ou tout au moins sur les convictions de l’orateur, et ils surgissent avec une abondance extraordinaire. Ceux qui viennent de la vie et ceux qui viennent des textes de l’Écriture se mêlent, se confirment, se font valoir mutuellement. Sous ce tissu varié court une pensée active, pressante, infatigable, mais méthodique et maîtresse d’elle-même, qui n’a point de caprices ni d’écarts, qui sait son but et ne le perd jamais de vue. Chaque point important est touché : tout se développe avec aisance, ampleur, sans digressions, et la démonstration marche d’une belle allure par des routes simples et droites.

Chemin faisant, elle fait apparaître d’ailleurs bien des qualités vives et originales. Chrysostome est celui des docteurs chrétiens qui a le plus complètement libéré l’homélie des habitudes didactiques. Chez lui, elle est devenue une simple allocution, tantôt grave, élevée, vraiment éloquente, tantôt familière et spirituelle. Avec une liberté charmante, elle passe du ton du lyrisme à celui de la causerie. Ici, prenant la forme d’une satire, elle abonde en traits piquants et malicieux, même en moqueries ; là, elle ressemble presque à un entretien tout intime : l’orateur pose des questions, s’adresse à chacun en particulier, répond pour ceux qu’il interroge, presse les hésitants, arrache des aveux. Son discours est plein de vie, tout en mouvement, parce que sa parole suit avec docilité les impulsions de son âme et parce que l’homme s’y laisse voir à découvert.

Cette trame de démonstration, l’imagination et le sentiment la pénètrent et la colorent. Il voit ce qu’il décrit et il le fait voir ; mais surtout, il s’y intéresse, il le prend à cœur. Un amour vraiment chrétien échauffe sa dialectique, un amour qui revêt mille formes selon les occasions : appel à la charité, pitié, inquiétude, zèle à consoler, à corriger, à éveiller les craintes efficaces, comme aussi à susciter les espérances, à ramener la paix dans les âmes troublées. Quand les circonstances y sont propices, cette parole toute vivante a des accents magnifiques : elle atteint la grandeur sans effort, parce qu’elle y monte sans calcul. Il est impossible de n’être pas touché, lorsqu’en présence d’Eutrope, son ennemi de la veille, maintenant humilié et proscrit, maintenant abattu au pied de l’autel qui protège seul sa vie, il médite, avec une gravité simple, sur la parole de l’Ecclésiaste : « Vanité des vanités, et tout n’est que vanité ». Mais il est impossible aussi de n’être pas exalté, lorsque, composant le discours de l’évêque Flavien devant Théodose offensé, il commente, en interprète d’une puissance supérieure à celle des rois, cet avertissement tendre et sublime du maître : « Si vous êtes indulgents pour les autres, le Père qui est dans les cieux vous sera indulgent à vous-mêmes ». L’abondance naturelle de son discours enveloppe ces grandes pensées dans une draperie ample et magnifique, toute faite de sentiments vrais, sans vaine déclamation, sans pompe déplacée, sans emphase. La simplicité qui fait ressortir les grandes choses se retrouve là, presque au même degré que dans les œuvres classiques.

Toutefois, l’impression dernière que laisse l’éloquence de Chrysostome est plutôt, il faut bien le dire, celle d’une admirable improvisation que d’un art achevé. Son style, clair, animé, fin et coloré, élégant, riche en images et en traits, a une tendance à la diffusion. Chaque idée y est presque toujours présentée sous plusieurs formes. La facilité de l’invention verbale rend l’orateur trop peu exigeant pour lui-même : en variant l’expression, il croit varier la pensée, et en réalité il se borne à la répéter. Il est vrai qu’il le fait en termes excellents, usant tantôt du mot propre, tantôt de vives métaphores, tantôt d’ingénieux synonymes : toutes les ressources de la langue sont à sa disposition, mais il les prodigue, et cette abondance n’est pas sans monotonie. Sa composition ressemble à son style. Il est rare qu’on sente sous ses développements un plan étudié. Il évite la confusion parce que son esprit est naturellement clair et ordonné. Mais l’ordre dont il se contente n’est que superficiel et comporte une extrême liberté dans le détail. Il traite souvent dans le même discours plusieurs idées qui n’ont aucun rapport sensible les unes avec les autres, et, s’il ne les mêle pas, il ne cherche pas non plus à les lier ensemble. Ce laisser-aller, qui sent la causerie, n’est pas dénué de charme ; c’est un aimable défaut chez un homme qui a toujours quelque chose d’intéressant à dire, mais c’est pourtant un défaut. Le discours y perd en force ; car il ne tend pas à un but unique, et, au lieu de progresser régulièrement, il recommence à plusieurs reprises, au risque de lasser l’attention.

Ces défauts d’ailleurs ne doivent pas être trop regrettés. Si Chrysostome avait eu un souci plus scrupuleux de l’art, il aurait eu sans doute, étant donné le goût du temps, moins de naturel et de sincérité. Tel qu’il est, il fait sentir, autant que personne, la vertu persuasive dont la parole humaine est capable, quand elle vient d’une âme ardente, quand elle est au service d’un noble idéal, quand elle est soutenue par la raison et embellie par l’imagination. Chrysostome, comme l’a dit Villemain, est « le plus beau génie de la société nouvelle entée sur l’ancien monde. Il est, par excellence, le Grec devenu chrétien[859]. »



CHAPITRE VIII
LA FIN DE L’HELLÉNISME
D’ARCADIUS À HÉRACLIUS

bibliographie

Les indications bibliographiques relatives aux auteurs très nombreux de cette dernière période, ne pouvant être données que sommairement, seront mieux placées dans les notes au bas des pages.



SOMMAIRE

I. Comment se manifeste à partir du ve siècle le déclin de l’hellénisme. — II. Grammairiens. Lexicographes : Orion, les Etymologica. Hésychios d’Alexandrie. Scoliastes. Chrestomathies et Floriléges ; Stobée. Gnomologes ; Parœmiograpbes. — III. La rhétorique. Aphthonios. Syrianos et Sopatros. L’école de Gaza : Chorikios. Suite et fin du roman sophistique : Achille Tatios, Chariton. Genre épistolaire : Aristénète. — IV. La poésie. Poésie officielle. Épopée mythologique, Nonnos : les Dionysiaques. Poètes secondaires : Tryphiodore, Kyros, Colouthos, Musée ; fin de l’école de Nonnos. — V. Suite de la poésie. L’épigramme : Agathias de Myrina et les poètes de la cour de Justinien. L’anthologie de Constantin Kephalas et ses destinées. Recueil des poésies dites Anacréontiques. Les Oracles Sibyllins. — VI. L’historiographie profane. Caractères généraux. Zosime ; historiens secondaires du ve siècle. Historiens du vie siècle : Procope, Agathias. Ménandre. Chronographes. Érudition historique : Jean Laurentius. Les derniers géographes : Marcien, Agathémère, Étienne de Byzance. — VII. La philosophie au début du ve siècle : Hypatie, Olympiodore. L’École d’Athènes : Plutarque, Hiéroclès, Syrianos. Proclos ; sa vie ; ses écrits ; son rôle et son influence. Le Néoplatonisme après Proclos. Damaskios et Simplicius ; Olympiodore le jeune ; fin de la philosophie hellénique. Mathématiciens et médecins. — VIII. Synésios de Cyrène. Sa vie ; son talent. Ses discours et ses lettres. — IX. Littérature chrétienne. L’historiographie ecclésiastique au ve et au vie siècle. Socrate, Sozomène, Théodoret, Évagrios. Les chronographes — X. L’éloquence et l’exégèse religieuses. Cyrille d’Alexandrie ; Théodoret. — XI. Décadence de toutes les formes de la littérature grecque chrétienne. Commencements de la poésie rythmique. Le byzantinisme. Conclusion.


I

Nous sommes arrivés à la période extrême de l’hellénisme. Les causes décisives de son déclin ont été indiquées au début du chapitre précédent. Plus on avance dans ces derniers siècles, plus leurs effets s’accusent. Dans un empire affaibli et désorganisé, sans cesse menacé, souvent envahi par les barbares qui se pressent aux frontières, sans vie politique, sans visées sociales, les études libérales, qui n’ont plus de but, et qui d’ailleurs supposent l’aisance, les loisirs et la tranquillité, vont se dépréciant de jour en jour. De plus, l’organisme ecclésiastique, avec ses préoccupations propres, tend à prévaloir dans la société sur l’organisme civil. Querelles théologiques, conciles, excommunications et anathèmes, voilà désormais la grande affaire du monde. Les esprits actifs, les caractères ambitieux et énergiques se jettent dans cette mêlée et s’y perdent. Au milieu de ces clameurs et de ces disputes subtiles, le sens du beau s’oblitère, le goût désintéressé du vrai disparaît.

Vaine agitation d’un côté, retraite et mysticisme ascétique de l’autre. Ceux que rebute ce tumulte se donnent au rêve, à la solitude. Païens, ils compulsent les vieux livres, ils les commentent, sans dessein précis, sans ambition intellectuelle, parce qu’on a fait ainsi avant eux, parce qu’il faut bien faire quelque chose, parce qu’ils y trouvent encore plaisir et repos d’esprit ; quelques-uns, comme Proclos et les siens, continuent la méditation abstraite du néoplatonisme, qui ne mène à rien, qui n’ouvre pas d’horizons à la recherche, mais qui les rattache à un admirable passé et qui les console du présent. Chrétiens, ils·se font moines, ils habitent par l’esprit et par le cœur dans une région surnaturelle, ils travaillent à l’anéantissement de ce qui est proprement humain.

L’hellénisme se réduit donc de jour en jour dans cette société, où il est supplanté par un christianisme éristique ou ascétique. L’exposé sommaire de cette lente extinction est le sujet de ce dernier chapitre. Il nous sera permis, pour observer la proportion générale de notre composition, de passer ici très vite sur bien des choses. Nous ne dressons pas un répertoire de noms, nous essayons d’écrire une histoire.

Par suite aussi, nous ne nous sentons pas obligés d’aboutir à une date précise, ni de dire au juste en quelle année et à quel jour finit l’hellénisme. En réalité, personne ne saurait dire quand finit dans l’humanité une certaine forme de culture intellectuelle et morale, ni même si elle finit absolument, ce qui en soi est peu vraisemblable. L’hellénisme a disparu peu à peu, s’il a disparu ; mais nous n’avons pas à le suivre ici dans les consciences individuelles ; nous ne le considérons que dans la littérature. Il prend fin pour nous lorsqu’il cesse de produire des œuvres qui comptent. Or les œuvres où on le sent présent et agissant sont encore assez nombreuses au ve siècle, elles deviennent plus rares et plus médiocres au vie, elles cessent vers le milieu du viie. C’est donc sur ces trois siècles que nous avons à jeter un coup d’œil, en nous arrêtant un peu plus au premier des trois et en nous contentant d’un simple aperçu pour les deux derniers[860].

II

C’est par la philologie, sous ses diverses formes, que l’hellénisme déclinant se relie le plus expressément à l’hellénisme des grands siècles, puisque la philologie s’attache de propos délibéré aux grandes œuvres du passé pour les interpréter, les commenter et les juger. La faiblesse intellectuelle de ces derniers siècles s’y manifeste comme partout.

Nous ne citerons ici que pour mémoire les quelques hommes qui représentent alors la théorie grammaticale. Depuis Apollonios Dyscole et Hérodien, rien d’intéressant ne s’était fait en ce genre ; la même stérilité caractérise les siècles dont nous nous occupons. Les quelques grammairiens de ce temps dont les œuvres sont venues jusqu’à nous[861], Théodose d’Alexandrie (fin du ive siècle), Georges Chœroboscos qui enseignait à Constantinople au ve siècle et dont l’autorité se soutint pendant toute la période byzantine, Timothée de Gaza (aux environs de l’an 500), Jean Philoponos (première moitié du vie siècle), d’autres, dont l’époque même est incertaine, tels que Théodoret et Jean Charax, ne sont guère que des abréviateurs ou des commentateurs dociles. Nous leur devons de mieux connaître des idées qui appartiennent à leurs prédécesseurs et qu’ils sont loin d’avoir toujours éclaircies en les rapportant. Quelques autres, tels qu’Eudémos de Péluse (entre 450 et 500), Eugénios (vers 500), Sergios Anagnostes (même temps probablement), dont les noms et les ouvrages sont cités dans les notices biographiques, n’ont rien laissé qui ait survécu, ni sans doute qui méritât de survivre.

À côté de ceux qui s’attachent à maintenir la correction de la langue et à en perpétuer les règles, d’autres érudits s’occupent surtout de collectionner les mots, d’en donner le sens autorisé, d’en noter les emplois classiques. Et comme les mots ne vont pas sans les choses, les lexiques suscitent les dictionnaires historiques.

Ces lexicographes continuent l’œuvre des Atticistes du second siècle, mais avec moins de choix et presque sans critique. Le rôle dont ils se contentent est surtout de dépouiller les œuvres de leurs prédécesseurs. — Le petit ouvrage Sur les termes semblables ou différents (Περὶ ὁμοίων καὶ διαφόρων λέξεων), attribué par les manuscrits à un certain Ammonios, semble n’être qu’un remaniement d’un traité d’Hérennius Philon Sur les diverses significations des mots[862]. — Beaucoup plus important était le Lexique étymologique (Περὶ ἐτυμολογιῶν) du grammairien Orion, dont il nous reste des fragments. L’auteur fut un des maîtres du philosophe Proclos à Alexandrie vers 430 ; plus tard, il enseigna à Constantinople, et il eut l’honneur de compter parmi ses élèves la savante impératrice Eudoxie, fille du sophiste Léontios et femme de Théodose II (408-450) : il lui dédia un Recueil de pensées des Anciens (Ἀνθολόγιον), dont il ne nous est rien resté ; enfin il paraît avoir tenu école à Césarée[863]. Pour composer son lexique, il avait dépouillé avec soin les principaux ouvrages analogues qui avaient paru jusque-là[864]. Lui-même devint à son tour une autorité pour les lexicographes byzantins. C’est d’un exemplaire complet de son recueil que procèdent les principaux lexiques grecs étymologiques du moyen âge, l’Etymologicum magnum, composé vers le xe siècle, et l’Etymologicum Gudianum, ainsi nommé de Gude, à qui appartint le manuscrit aujourd’hui déposé à Wolfenbuttel. Orion, bien entendu, ne possédait pas plus que ses successeurs la vraie méthode étymologique ; leurs fantaisies nous donnent l’idée des siennes ; mais c’est grâce à de tels ouvrages que nous ont été conservés bien des fragments de textes perdus, avec de nombreux témoignages soit sur les auteurs classiques, soit sur leurs commentateurs[865]. — Au même siècle paraît devoir être rapporté le glossaire d’Hésychios d’Alexandrie. L’auteur nous apprend lui-même, dans une lettre qui sert de préface à son livre, que le grammairien Diogénianos[866] avait eu, avant lui, l’idée heureuse de réunir en un seul lexique (appelé Περιεγροπένητες (Periegropenêtes)) tout le contenu des glossaires spéciaux à l’épopée homérique, à la poésie lyrique, à la tragédie, à la comédie, aux orateurs. (C’est ce travail qu’il s’est proposé d’améliorer et de compléter. Son ouvrage est comme une revue alphabétique de tous les termes rares et aussi des proverbes employés par les auteurs classiques. Non seulement il supplée pour nous des scolies perdues, mais il permet aux éditeurs modernes de rétablir quelquefois dans les textes anciens les expressions primitives, quand les copistes y ont substitué des termes plus usités[867]. Dans le glossaire d’Hésychios paraissent avoir été fondus à une époque incertaine des éléments empruntés au Lexique de Cyrille, attribué au patriarche d’Alexandrie dont nous parlerons plus loin[868]. — Après Hésychios, on peut nommer encore Helladios, Alexandrin également, qui vivait au ve siècle[869]. Au delà, cette littérature se prolonge dans l’époque byzantine par des ouvrages tels que le Lexique d’Eudème, les Lexiques anonymes de Séguier (Lexica Segueriana), le Lexique de Vienne, etc., dont les origines, les rapports mutuels et la date demeurent encore enveloppés d’obscurité[870].

Parallèlement à cette série de lexiques proprement dits se développe une série de dictionnaires historiques, qui attestent également le souci d’aider à l’intelligence des auteurs anciens. Le plus important semble avoir été celui d’Hésychios Illoustrios de Milet, écrivain du vie siècle, qui composa, sous les règnes d’Anastase, de Justin et de Justinien, un lexique d’histoire littéraire intitulé Ὀνοματολόγος (Onomatologos) (ou Πίναξ τῶν ἐν παιδείᾳ ὀνομαστῶν (Pinax tôn en paideia onomastôn))[871]. — Cet ouvrage, et d’autres analogues, furent dépouillés au xe siècle par Suidas, qui les a fait passer en partie dans son Lexique[872]. Bien que celui-ci appartienne par sa date à la littérature byzantine, il peut donc être considéré comme représentant, sous une forme très confuse et très altérée, l’érudition grecque des derniers siècles.


Un dernier groupe de philologues comprend les scoliastes, les auteurs de chrestomathies et de recueils de sentences, enfin les collectionneurs de proverbes. Tous sont les témoins de la survivance de l’antiquité hellénique et des études dont elle continuait à être l’objet. Mais tous aussi attestent indirectement combien le domaine de ces études se restreignait chaque jour[873].

Les scoliastes de ces derniers siècles se contentent d’extraire et d’abréger les commentaires savants de leurs devanciers. Plus de recherches personnelles. Quelques-uns seulement nous sont connus par leurs noms : tels Salloustios, parmi les commentateurs de Sophocle, Dionysios parmi ceux d’Euripide, Phaeinos et Symmachos parmi ceux d’Aristophane ; Ératosthène, scoliaste de Théocrite, Ulpien, scoliaste de Démosthène. D’autres sont aujourd’hui ignorés. Pas un dans le nombre qui ait fait preuve de quelque force d’esprit ou de quelque indépendance de jugement.

L’usage des recueils d’extraits (Ἐϰλογαί, Ἀνθολόγια, Χρηστομάθειαι (Eklogai, Anthologia, Chrêstomatheiai)) était devenu de plus en plus fréquent sous l’empire. Les spécialistes seuls lisaient encore les auteurs classiques dans leur intégrité, particulièrement les philosophes. La majorité des simples lecteurs se contentait de morceaux choisis.

Ces Chrestomathies prenaient quelquefois la forme de véritables cours élémentaires de littérature ; telle par exemple la Χρηστομάθεια γραμματιϰή (Chrêstomatheia grammatikê) de Proclos. La personne de l’auteur est aujourd’hui encore un sujet de discussion, les uns l’identifiant au philosophe platonicien du ve siècle dont nous parlerons plus loin, les autres à divers grammairiens du même nom[874]. L’ouvrage lui-même nous est connu par une notice de Photius (cod. 239), qui en a analysé quelques parties, et par un petit nombre de fragments[875]. Il comprenait quatre livres ; les divers genres littéraires y étaient distingués et définis, puis l’histoire de ces genres était passée en revue dans une série de notices biographiques et d’analyses, qui faisaient connaître les grands écrivains et leurs œuvres. Les comptes-rendus de Photius et les fragments conservés se rapportent aux deux premiers livres, qui traitaient, de l’Épopée, de l’Élégie, de l’Iambe, de la Poésie lyrique ; notre connaissance du cycle épique provient en grande partie de là. Mais quelle que soit pour nous la valeur de ces débris, l’ouvrage ne dénote que de l’instruction et de l’exactitude sans la moindre critique personnelle.

D’autres chrestomathies peuvent être comparées plutôt à nos « Lectures historiques ». C’étaient des extraits d’auteurs divers, relatifs à la mythologie, à l’histoire des lettres, à celle des arts et à d’autres sujets encore. Telle était celle du sophiste Sopatros d’Apamée, de qui nous reparlerons bientôt. Elle ne nous est plus connue que par l’analyse qu’en a donnée Photius (cod. 161)[876].

Le seul ouvrage de ce genre qui nous ait été conservé presque en entier est celui de Jean de Stobes en Macédoine, communément appelé Stobée. L’auteur, d’ailleurs inconnu, vivait prohablement au vie siècle[877]. Son Ἀνθολόγιον (Anthologion) était un véritable cours d’éducation, composé par lui pour son fils Septimius. Le voyant peu disposé à lire, il s’était proposé d’extraire à son profit les meilleurs passages des auteurs nationaux, afin de lui faire goûter, sous une forme condensée, comme la fleur de l’hellénisme. Son recueil, en quatre livres, était méthodiquement ordonné, mais de façon à plaire par sa variété même[878]. Le premier livre traitait de l’importance de la philosophie et du dénombrement des sectes, de Dieu et de ses attributs, de la nature et de ses principaux phénomènes ; le second touchait rapidement aux conditions de la connaissance, à la dialectique, à la rhétorique, à la poétique, puis il abordait la morale, dont il exposait les données générales ; le ' troisième était relatif aux vertus et aux vices ; enfin, le quatrième était consacré à la politique, à la famille, à l’économie domestique, aux arts, et à diverses questions sociales. Dans la confection de cette sorte d’encyclopédie, le rôle de l’auteur s’était borné à extraire les morceaux qui répondaient à ses vues, à les grouper par sections sous des titres communs, et à les classer de son mieux dans chaque section. Ce classement paraît avoir été fait d’ailleurs très librement ; seulement, sur chaque sujet, les citations des poètes précédaient celles des prosateurs. Ces citations, Stobée sans doute ne les avait pas prises lui-même à leur source, ce qui aurait exigé d’immenses lectures ; car plus de cinq cents auteurs de toute époque, depuis Homère jusqu’aux derniers Néoplatoniciens, figuraient dans ses quatre livres. Il avait donc mis à profit des recueils antérieurs de même nature. Mais si petite que fût sa part personnelle, le recueil qu’il avait formé constituait un véritable trésor d’antiquité hellénique ; et ce trésor est devenu plus précieux encore pour nous, puisqu’il nous a conservé, bien que mutilé, une foule de textes perdus.

Les quatre livres de l’Anthologie de Stobée formaient deux volumes. Ces deux volumes furent séparés au moyen-âge et traités par les copistes comme deux recueils différents ; c’est ainsi qu’ils sont venus jusqu’à nous, l’un sous le titre d’Anthologie (Florilegium ou Sermones), comprenant les livres III et IV, l’autre sous celui d’Extraits (Eclogæ physicæ et ethicæ), comprenant les livres I et II. Dans chacune de ces fractions du recueil, les copistes ont substitué un classement arbitraire au groupement primitif. Ce n’est que de nos jours que l’ouvrage de Stobée a reparu dans la forme que l’auteur lui avait donnée[879]. Stobée et les auteurs d’anthologies recueillaient des morceaux entiers. D’autres collectionneurs ne voulaient que des pensées choisies. De là diverses collections d’Apophthegmes et de Sentences (Γνωμολόγια (Gnômologia)). Ces collections ont disparu ; mais l’érudition contemporaine en a recherché les débris dans les recueils analogues du moyen-âge byzantin, en particulier dans les Extraits de Maxime le Confesseur (viie siècle), dans les Parallèles de Jean de Damas (viiie siècle), dans la Melissa du moine Antonius (xie siècle), dans le Florilège Laurentien et dans celui de Vienne[880]. Ce qui nous intéresse ici, c’est seulement de noter la continuité de ce labeur et du goût qu’il manifestait.

De ces recueils de pensées, on peut rapprocher les recueils de proverbes. Ceux que l’antiquité nous a légués appartiennent à des époques diverses, mais ils semblent avoir achevé de se constituer dans ces derniers siècles. Le moyen-âge nous a transmis un Corpus Parœmio-graphorum græcorum dont les éléments n’ont pu être débrouillés et distingués que peu à peu[881]. Par ses origines premières, il remonte, indirectement du moins, jusqu’aux premières collections de proverbes connues, jusqu’à celles d’Aristote et des Alexandrins, mentionnées plus haut. Mais c’est, comme nous l’avons vu, l’essor de la sophistique sous l’Empire qui en détermina la naissance. Le recueil de Zénobios, dont nous avons parlé au chapitre III, forme le premier élément de notre Corpus. À ce recueil s’ajouta plus tard une série de Proverbes Alexandrins, qui semble provenir originairement du grammairien Séleucos d’Alexandrie, et qui a été attribuée, on ne sait pourquoi, à Plutarque. Enfin le troisième élément, très important, consiste en une liste alphabétique de proverbes populaires qui porte dans quelques manuscrits le nom de Diogénianos (Παροιμίαι δημώδεις ἐϰ τῆς Διογενιανοῦ συναγωγῆς (Paroimiai dêmôdeis ek tês Diogenianou sunagôgês)) ; on ne sait encore si ce Diogénianos doit être identifié avec l’auteur du lexique cité plus haut. C’est de ces collections que se formèrent dans la suite celles du moyen-âge byzantin dues au patriarche Grégoire de Chypre (xiiie siècle), au métropolite de Philadelphia Macarios Chrysoképhalos (xive siècle) et enfin à Michael Apostolios (xve siècle)[882].

III
Au dessus de l’érudition grammaticale, la rhétorique continue à vivre, soit dans l’école, soit au dehors, bien qu’avec un éclat sans cesse décroissant. Elle vit parce qu’elle a sa place marquée dans l’éducation et dans la société, mais elle ne se renouvelle plus.

Le sophiste Aphthonios est, parmi ces derniers maitres de rhétorique, un de ceux qui ne peuvent être oubliés[883]. Élève de Libanios, il vécut et enseigna à la fin du ive siècle et dans la première partie du ve siècle. Sa renommée est attachée a un petit livre de classe, les Exercices préparatoires (Προγυμνάσματα (Progumnasmata)), qui a traversé tout le moyen âge byzantin et a exercé son influence sur l’enseignement bien au delà[884]. C’est à la tradition d’Hermogène, toujours puissante, que cet ouvrage se rattache directement. La Rhétorique d’Hermogène était alors le livre classique de tous ceux qui apprenaient l’art de la parole ; mais cette rhétorique ne s’adressait qu’à des étudiants déjà formés. Pour les débutants, il fallait un cours d’exercices élémentaires ; Aphthonios réussit à imposer le sien. Son ouvrage se recommande par la simplicité et la clarté, par la précision des définitions, par le choix et le nombre des exemples, sans rien offrir d’original quant à la méthode. S’il nous intéresse encore, c’est surtout parce qu’il nous montre en action l’enseignement élémentaire de la rhétorique au ive et au ve siècle. Les commentaires qui s’y rapportaient, et dont un certain nombre ont subsisté, attestent qu’il demeura dans les siècles suivants le livre que tous les étudiants pratiquaient et que tous les maitres expliquaient[885]. Il appartient ainsi à l’histoire de l’enseignement, autant ou plus qu’à celle de la littérature. — Nous avons du même Aphthonios un recueil de 40 Fables en prose, qui probablement ont été composées par lui en vue de l’école, comme modèles d’un des genres dont il est question dans ses Exercices préparatoires[886]. Ces courts récits n’ont qu’un mérite purement scolaire[887].

Apres Aphthonios, l’enseignement de la rhétorique n’est plus représenté pour nous que par des commentaires sur les ouvrages antérieurs. Tels sont ceux de Syrianos, le philosophe platonicien du ve siècle dont nous parlerons plus loin, de Sopatros, sophiste qui semble avoir professé à Athènes au commencement du vie siècle et dont nous avons mentionné plus haut la Chrestomathie, de Marcellinos, probablement celui à qui nous devons la biographie de Thucydide, de Troilos (ve siècle)[888]. Tous avaient écrit sur la rhétorique d’Hermogène. Leurs écrits n’attestent que trop combien cet enseignement était désormais épuisé. Apres eux, il se perd dans la monotonie stérile d’une sorte de mécanisme traditionnel, qui se perpétue indéfiniment à travers la période byzantine[889].

Des écoles de rhétorique, où se donnait cet enseignement, sortaient régulièrement, alors comme auparavant, des rhéteurs qui faisaient métier de parler éloquemment. Un certain nombre d’entre eux nous sont connus de nom. Mais aucun n’a approché de l’illustration des maîtres du siècle précédent.

L’école la plus en crédit au ve siècle est celle de Gaza en Palestine, dont l’histoire mériterait peut-être d’être étudiée de plus près qu’elle ne l’a été jusqu’ici[890]. Vers la fin de ce siècle, nous voyons sortir de là, comme rhéteurs ou grammairiens, Timothée[891], Énée, auteur d’un dialogue philosophique intitulé Théophraste, qui subsiste, et de lettres dont nous parlerons un peu plus loin[892] ; puis Procope, le plus renommé de tous, sous l’influence duquel se constitue une véritable école locale, amie des figures, des épithètes, cherchant l’élégance aux dépens du bon goût et quelquefois de la clarté[893] ; enfin Jean, poète emphatique en même temps que rhéteur (voy. plus loin). Parmi les élèves de Procope, on peut citer Nestorios, Zosime, et surtout Chorikios, qui lui succéda dans sa chaire et fut le premier orateur profane sous les règnes de Justin et de Justinien. Photius, qui l’admire fort, nous apprend qu’il était chrétien, comme d’ailleurs son maître Procope[894]. Il nous reste de lui des Déclamations (Μελέται (Meletai)), les unes complètes, les autres mutilées, et quelques Discours officiels[895]. Nous n’y trouvons guère aujourd’hui qu’une éloquence vide et prétentieuse, s’exerçant éternellement sur les mêmes sujets. Chorikios eut pourtant l’honneur de devenir, avec Libanios, un des modèles les plus étudiés dans les écoles byzantines.

Cette sophistique, bien pauvre en somme par elle-même, ne gagne guère à être considérée dans les genres secondaires qu’elle continue à susciter, et parmi lesquels il faut distinguer le roman et le genre épistolaire.

Le déclin du roman sophistique est représenté par deux écrivains, dont les dates ne peuvent plus etre déterminées que d’une manière très approximative, Achille Tatios et Chariton. Le premier est le plus intéressant, surtout parce qu’on voit chez lui plus nettement les effets d’une imitation servile, qui stérilise l’invention[896].

Achille Tatios, d’Alexandrie, a composé, sous le titre d’Aventures de Leucippe et de Clitophon (Τὰ ϰατὰ Λευϰίππην ϰαὶ Κλειτοφῶντα (Ta kata Leukippên kai Kleytophônta)), un roman en huit livres, qui procède, aussi manifestement que possible, des Éthiopiques d’Héliodore. Il date donc, au plus tôt, du ive siècle. Mais certaines ressemblances frappantes avec des passages du poème de Musée donnent à penser que l’auteur a dû être en relation avec l’école de Nonnos, à la fin du ve siècle ou même au vie siècle. Dans ce roman, le jeune Clitophon raconte lui-même son amour pour Leucippe et les épreuves qu’ils ont subies avant d’être mariés. Avec eux, nous allons de Syrie en Égypte, d’Égypte en Asie Mineure. Naufrages, enlèvements, combats avec les brigands-bouviers du Delta, nous retrouvons là tout le fonds romanesque des Éthiopiques. Comme le Théagène d’Héliodore, Clitophon est aimé passionnément d’une femme riche et ardente, qui ne peut le rendre infidèle à celle qu’il a choisie ; comme la Chariclée du même Héliodore, Leucippe, devenue esclave, voit son honneur mis en danger par son maître, mais, comme elle aussi, elle est sauvée par la protection divine. Si l’invention des faits se réduit à peu de chose, l’auteur se rattrape sur les détails. Sophiste de profession, il ne cherche que l’occasion de nous montrer son savoir-faire ; il abonde en descriptions, en discours, en lettres, en plaidoyers, en lieux communs ; morceaux de rhétorique qu’il soigne avec prédilection. Il a dû à cela d’être considéré dans les siècles suivants comme un écrivain ; on le citait à Byzance parmi les modèles du style à la fois élégant et simple[897], malgré des fautes de langue qui avaient cessé d’être remarquées ; et ces qualités faisaient passer sur la liberté de ses peintures et de son langage[898].

Chariton, auteur des Aventures de Chæréas et de Callirrhoé (Τὰ περὶ ϰαὶ Χαιρέαν ϰαὶ Καλλιῤῥόην (Ta peri Xairean kai Kallirrhoên)) se donne lui-même, au début de son récit, pour originaire d’Aphrodisias en Carie et pour secrétaire du rhéteur Athénagoras[899]. Personne autre ne nous renseigne ni sur sa personne ni sur son temps. Lui aussi imite Héliodore et, de plus, Xénophon d’Éphèse[900]. Bien qu’il vise à l’élégance et à l’atticisme, la médiocrité de son style, pourtant soigné, semble autoriser à le considérer comme le dernier des romanciers de la période sophistique. Son roman touche à l’histoire par certains détails : Callirrhoé est fille du syracusain Hermocrate, qui combattit les Athéniens en 413 ; Chæréas est fils d’Ariston, d’abord antagoniste d’Hermocrate, puis réconcilié avec lui par le mariage de leurs enfants. Le drame est censé se passer après la guerre du Péloponnèse, au commencement du ive siècle. Une partie des événements a lieu en Asie dans l’empire d’Artaxercès[901]. Mais si l’auteur a tenu un certain compte de l’histoire pour constituer son cadre, il n’en a plus le moindre souci dans l’invention des péripéties. Celles-ci sont de pure fantaisie et ressemblent à celles des romans antérieurs. Callirrhoé, mariée dès le début à Chæréas, est crue morte, enterrée vivante, enlevée par des pirates, vendue en Asie, où elle épouse Dionysios, riche citoyen de Milet ; elle passe de là dans le harem d’Artaxercès ; puis, par suite de la révolte de l’Égypte, est transportée à Arados. Chæréas, de son côté, ayant appris que sa femme était vivante, part à sa recherche ; il est pris par des barbares, vendu au satrape de Carie, Mithridate, se rend avec lui à la cour du grand roi, devient un des chefs des révoltés égyptiens, s’empare d’Arados à la tête de la flotte qu’on lui a confiée, y retrouve sa femme, et la ramène à Syracuse. Au fond, l’action, malgré les invraisemblances essentielles, est moins chargée d’incidents bizarres, que dans les précédents romans. Elle marche assez droit à son but. En outre, le roman a un certain charme de douceur et d’humanité, dans la représentation des mœurs. Mais les figures y sont pâles et comme effacées, souvent même inconsistantes, les foules y agissent automatiquement, à la fantaisie de l’auteur, qui lasse le lecteur par l’emploi monotone de certaines conventions puériles[902]. Enfin, la rhétorique et le bel esprit y défigurent trop souvent la vérité.

Après Achille Tatios et Chariton, le roman disparaît pour nous. Mais nous voyons, par les témoignages de Photius et par d’autres, que ces productions fastidieuses furent beaucoup lues et très admirées dans les siècles du moyen-âge byzantin ; et, à partir du xie siècle, quand une certaine renaissance d’art littéraire se produit à Byzance sous les Comnène, le roman reparaît[903]. Héliodore et Achille Tatios, considérés comme les maîtres du genre, trouvent alors des imitateurs dans Eustathios Macrembolitès, dans Constantin Manassès, dans Théodore Prodrome, qui est lui-même imité par Niketas Eugénianos. Ce nouveau roman est l’image ou la caricature de l’ancien, défiguré par un mélange de raffinement puéril et de grossièreté barbare.

Outre ces romans, les sophistes des derniers siècles nous ont laissé aussi un assez grand nombre de lettres, qu’il est impossible de passer complètement sous silence. Elles se répartissent en trois classes : lettres réelles, lettres fictives, lettres apocryphes. Chacun de ces groupes a ses caractères propres ; mais tous ont en commun le manque de vérité, l’affectation et la recherche, qui caractérisent la rhétorique d’alors. En cela, ce sont les mœurs qui font sentir leur influence, non les préceptes. Car la théorie scolaire fait de la simplicité la loi même du genre ; et cette théorie s’affirme alors plus que jamais dans les écoles. Démétrius de Phalère, autrefois, était censé avoir composé un opuscule conservé sur les diverses sortes de lettres (Τύποι ἐπιστολιϰοί (Tupoi epistolikoi)). L’auteur de même nom, qui a composé le traité De l’élocution (Περὶ ἑρμηνίας), a, lui aussi, un chapitre sur le même sujet ; et, au ve siècle, le platonicien Proclos le traitait encore dans des pages que nous pouvons lire[904]. Tous commandent d’éviter l’enflure, Proclos en particulier[905]. Celui-ci demande avant tout la clarté, la brièveté, avec un certain « archaïsme », c’est-à-dire un choix de mots classiques qui s’éloigne un peu de l’usage courant. Mais, en réalité, on aimait trop le bel esprit alors pour n’en pas mettre dans ces courtes compositions dont il semblait faire le principal mérite. Nous l’y trouvons à satiété.

Comme lettres réelles, nous devons citer celles des sophistes Denys d’Antioche, Énée et Procope de Gaza, qui appartiennent à la fin du ive siècle ou au commencement du ve.

Denys d’Antioche nous a laissé quatre-vingt-cinq lettres, toutes fort courtes[906]. L’auteur vise à la concision élégante. Sur chaque sujet, une ou deux phrases, ciselées avec coquetterie. La lettre ainsi conçue ressemble à une épigramme. Un tel recueil pouvait faire apprécier l’art de l’auteur dans le milieu contemporain, mais ces jolies phrases ne nous apprennent rien, ni sur les personnes, ni sur les choses.

Le recueil d’Énée de Gaza comprend en tout vingt-cinq lettres, un peu plus développées que celles de Denys[907]. Ce sont d’ailleurs des morceaux travaillés avec le même soin et tout aussi futiles. Parmi ses correspondants figurent les sophistes Sopatros, Zosime, Denys, Théodore, Épiphanios, des prêtres et des évêques, quantité de gens qu’on aimerait à connaître : aucun d’eux n’est vraiment caractérisé dans ces lettres.

Le plus étendu de ces recueils est celui de Procope de Gaza, dont nous possédons cent soixante-trois lettres[908]. Ce serait de beaucoup le plus intéressant aussi par le nombre et la qualité des correspondants, si l’auteur parlait de leurs affaires et des siennes. Mais lui aussi s’enferme dans une phraséologie affectée, et ne se plaît guère qu’aux lieux communs. Il entortille ses pensées, de façon à se rendre obscur comme à plaisir, et, bien qu’il ait peut-être plus de vivacité et plus de chaleur de cœur que Denys et qu’Énée, jamais, pour ainsi dire, nous ne découvrons l’homme dans le rhéteur[909]. Si nous ne savions par Photius qu’il était chrétien, on pourrait lire ses lettres sans presque s’en douter.

Toutes ces correspondances sont donc en somme de peu de valeur. Une seule en ce temps est vraiment intéressante, celle de Synésios. Mais Synésios vaut la peine d’être étudié dans l’ensemble de son œuvre. Nous parlerons de ses lettres quand nous essaierons de lui faire sa place dans l’histoire du temps. Le genre des lettres fictives se rattache à une tradition sophistique dont nous avons parlé à plusieurs reprises. De cette tradition perpétuée[910] dérive le recueil des Lettres d’amour d’Aristénète[911], qui semble dater du vie siècle[912].

Ce recueil, aujourd’hui incomplet, comprend cinquante lettres, réparties en deux livres[913]. Ces cinquante morceaux n’ont guère, de la lettre proprement dite, que la suscription. En réalité, ce sont ou des descriptions, ou, le plus souvent, de courts récits : descriptions galantes, parmi lesquelles figure celle de la personne de Laïs (I, 1) ; récits d’aventures amoureuses, quelquefois assez piquantes, souvent vulgaires. On ne peut refuser à l’auteur, malgré son élégance maniérée, de la finesse et un certain savoir-faire. Mais il ne vaut Alciphron ni comme observateur, ni comme fantaisiste, ni comme écrivain. Éclectique dans le choix de ses sujets, il les tire, soit de la poésie alexandrine, particulièrement de l’élégie érotique, soit de la comédie attique du ive siècle, soit de contes et d’anecdotes empruntés à des recueils aujourd’hui perdus. Il a plus de métier que d’imagination. Sa langue est loin d’être pure, bien qu’il se pique d’atticisme. Il imite à la fois les prosateurs et les poëtes, Philémon, Ménandre, les anciens et les modernes, d’une part Platon, Xénophon, et de l’autre Lucien, Alciphron, les romanciers, Musée. L’œuvre, au total, ne vaut pas la réputation dont elle a joui auprès des amateurs de littérature galante.

Après Aristénète, la fortune de ce genre est loin d’être épuisée. Nous le retrouvons, très goûté encore, au viie siècle, où le futur historien, Théophylactos Simocattès, publie un recueil comprenant 95 lettres morales, lettres de paysans, lettres de courtisanes (Ἐπιστολαί ἐθικαὶ, ἀγροτικαὶ, ἑταιρικαί) ; œuvre de médiocre habileté scolaire, sans vérité ni intérêt moral[914]. Et, au delà, le même goût persiste et s’affirme en des productions analogues, jusqu’aux derniers jours de l’empire byzantin. Enfin, à côté des lettres fictives et des lettres réelles, il faut mentionner ici également, comme une autre production des écoles de rhétorique, une énorme quantité de lettres apocryphes[915]. Ces lettres attribuées à des personnages illustres, rois, tyrans, hommes d’État, philosophes, orateurs, poètes, etc., sont loin d’appartenir toutes à un même temps. Il en existait dès la période alexandrine, et l’industrie des rhéteurs n’a cessé d’en produire pendant toute la période impériale. Elles ont été tenues longtemps pour authentiques. La critique moderne, depuis Bentley, a eu le mérite d’en découvrir la fausseté ; mais il lui est impossible le plus souvent d’en déterminer avec précision ni l’origine ni la date[916]. Rassemblées de nos jours, ces lettres n’ont pas paru tout à fait à dédaigner, car elles ont été composées par des hommes instruits du passé, qui disposaient de moyens d’information aujourd’hui perdus. La difficulté est d’en séparer ce qui est réel de ce qui est inventé, et on comprend avec quelle réserve de tels documents doivent être employés.

IV

Malgré les quelques inventeurs de fictions qui viennent d’être nommés, on a une certaine peine à imaginer qu’une société qui a compté tant de compilateurs ait pu produire aussi quelques poètes. Ce fait invraisemblable est pourtant vrai. Le ve siècle a eu ses poètes ; il a vu même une sorte de rénovation de la poésie.

Passons sans insister sur les versificateurs de cour qui charmèrent Arcadius, Théodose II, ou leurs successeurs ; sur Eusébios et Ammonios, dont il ne subsiste que les noms[917] ; sur Christodoros, dont il nous reste peu de chose[918] ; sur Jean de Gaza, dont il vaudrait mieux qu’il ne restât rien[919]. La vraie poésie du temps est l’épopée mythologique, reconstituée par Nonnos, et c’est à elle qu’il faut aller tout droit.

Il faudrait etre mieux renseignés que nous ne le sommes sur l’état de la culture hellénique dans les diverses régions de l’Égypte au ive siècle, pour déterminer ce qui a pu susciter cette renaissance poétique en pleine Thébaide, à Panopolis, l’ancienne Chemnis des Pharaons. Quelle qu’ait pu y être la part personnelle de Nonnos, on doit admettre, en tout cas, qu’il y avait là en ce temps un foyer d’hellénisme encore subsistant. Nonnos, sur qui nous ne savons à peu près rien, dut grandir dans un milieu païen, où il prit le goût des vieilles légendes, l’admiration de la poésie homérique, et reçut en même temps l’empreinte profonde du goût alors régnant. Sorti de Panopolis, il semble avoir surtout habité Alexandrie[920]. Eunape, jugeant les Égyptiens du ive siècle, disait dans son langage prétentieux, qu’ils étaient « fous de poésie », mais que « l’Hermès sérieux », c’est-à-dire sans doute le dieu de l’argumentation et des raisonnements oratoires, se tenait éloigné d’eux[921]. Cela ne veut pas dire qu’ils cultivaient moins que d’autres la rhétorique, mais simplement qu’ils y portaient trop de fantaisie poétique. Cette sorte de folie dont parle Eunape, exubérance d’imagination, mobilité d’esprit, goût de l’éclat, nul plus que Nonnos n’en fut possédé. Aucun témoignage ne nous permet d’assigner une date précise à la composition de son épopée. Mais comme les poètes de son école, particulièrement Kyros de Panopolis, appartiennent au milieu du ve siècle, c’est sans doute dans les premières années de ce siècle que dut paraître l’œuvre dont ils ont subi l’influence[922]. L’audace de création qu’elle dénote est étonnante. Nous avons mentionné plus haut l’épopée dionysiaque qu’un autre Grec d’Égypte, Sotérichos d’Oasis, avait composée, un siècle auparavant, sous le titre de Bassariques. Il n’est guère douteux que Nonnos n’en ait tiré l’idée de son poème. Mais, élargissant démesurément la conception de son prédécesseur, il entreprit de lui donner des proportions grandioses. Ses Dionysiaques (Διονυσιαϰά (Dionusiaka)) forment quarante-huit livres, qui comptent environ deux fois autant de vers que l’Iliade[923]. Toute la légende de Dionysos y est mise en récits, depuis les circonstances qui ont précédé la naissance du futur dieu jusqu’à son admission dans l’Olympe. Dans cet immense développement, le motif central, qui occupe la plus grande partie du poème, c’est l’expédition contre les Indiens (du XIIIe livre au xle). Là est aussi l’idée essentielle. Dionysos, fils de Zeus et d’une mortelle, doit gagner par ses exploits le droit de siéger parmi les immortels (Discours d’Iris, XIII, 19-34). Cette guerre est pour lui l’épreuve terrestre qui prépare son entrée dans la vie bienheureuse. Elle est en outre la lutte de la civilisation contre la barbarie. Dionysos mène avec lui les peuples qu’il a déjà adoucis, ceux de la Grèce, de la Phrygie, de la Lydie, pénétrés de son influence bienfaisante, et, avec eux, le cortège de ses compagnons, Satyres, Ægipans, génies de la joie, de la nature aimable et riante ; il les mène contre une race dure et impie[924]. Conception fondamentale, qui est d’ailleurs débordée de tout côté par les digressions, et cela dès le début. Nonnos ne néglige aucune occasion de rattacher à son sujet toutes les légendes qu’il sait ; et il en sait prodigieusement[925]. Par là, son poème est devenu peu à peu comme un immense répertoire de mythologie, et c’est à ce titre qu’il est surtout lu aujourd’hui de ceux qui le lisent. Mais l’histoire littéraire n’a pas le droit de l’apprécier ainsi ; car, malgré ses énormes défauts, il mérite mieux que ce succès de pure érudition.

Ce qui manque le plus à cette masse de vers, c’est de former un tout. Nonnos avait entrevu une idée maîtresse, à la fois religieuse et morale, qui aurait pu être intéressante, et il n’a pas su en profiter. Ni la conception de l’épreuve imposée à Dionysos ni celle de la victoire d’une humanité meilleure ne sont vraiment mises en lumière. Il en résulte qu’en son ensemble, le poème n’est qu’un amas confus de récits. Si l’on en considère les parties, la composition n’en est pas meilleure. Non seulement les épisodes naissent sans raison suffisante, mais, de plus, chaque motif est amplifié à l’infini, avec des redites qui dégénèrent en bavardage. Les procédés même du développement sont essentiellement sophistiques ; à tout propos, des énumérations ; et les énumérations chez Nonnos n’en finissent plus. En outre, la déclamation à satiété, l’enflure puérile, le mauvais goût, le besoin d’intervenir sans cesse et sans raison dans le récit. Tout un chant, le XXVe est consacré par le poète à une double comparaison entre Dionysos et Persée d’une part, Dionysos et Héraclès, de l’autre. Nous prenons là sur le fait l’élève des sophistes traitant un des lieux communs de l’éloge. Bien entendu, il le traite avec toute la subtilité, toute la frivolité maniérée de ses maîtres. Même goût partout, dans les discours, dans les descriptions, dans les récits mêmes. On dirait un Ovide emphatique et boursouflé. Ses personnages sont gonflés d’exagérations ; ils s’agitent furieusement, et pourtant ils ne vivent pas. Son Dériadès, son Orontas, son Morrheus, chefs des Indiens, semblent conçus pour faire peur à des enfants ; géants présomptueux et loquaces, ils ne nous inspirent ni terreur ni pitié.

Ce sont là des défauts criants ; mais, quand on les a reconnus, il faut avouer qu’après tout l’auteur est un vrai poète. L’invention seule de cette œuvre touffue dénoterait déjà une remarquable puissance ; un esprit médiocre n’y eut pas suffi. Mais, de plus, dans cette invention, on sent une pensée de novateur et de chef d’école. L’épopée des purs homériques, tels que Quintus de Smyrne, était bien froide dans son élégance timide, et surtout bien incolore. Nonnos, par un instinct de créateur, s’est représenté tout autre chose : une série de tableaux éclatants, une action grandiose, animée, librement conduite, une versification riche, abondante, sonore, qui se déploierait en expressions magnifiques. C’est cette recherche des tons chauds et de l’éclat, du mouvement et de l’effet, qui explique toute son entreprise.

Doué d’une imagination féconde, il tira de son propre fonds des épisodes, des scènes et des personnages comme personne en Grèce ne l’avait fait depuis bien des siècles ; sa longue épopée est pleine d’enthousiasme ; ses descriptions et ses récits sont d’une richesse de détails étonnante. S’il ne sait pas dégager ni manier les grandes passions humaines, faute de simplicité et de profondeur, il réussit du moins à représenter brillamment les dehors de l’action ; et il y a même des sentiments de second plan qu’il exprime avec bonheur : certains épisodes d’amour rappellent heureusement chez lui le souvenir de Théocrite, qu’il imite sans le copier[926]. Mais surtout, c’est un créateur de sons et d’images. Venu en un temps où la langue grecque semblait avoir perdu la faculté de se renouveler, il s’est fait une langue et une versification vraiment neuves. L’invention verbale, chez lui, est incessante et hardie : il crée à profusion des composés nouveaux, et il se sert des mots anciens à sa manière. Le style qui résulte de là est un curieux mélange d’abstraction et d’images ; complexe et même compliqué, surchargé, obscur, monotone, quelquefois incorrect, il a en revanche de l’éclat, de la force, de la noblesse, il n’est jamais insipide ni banal. Le vers, assujetti à des lois très rigoureuses, mais à des lois d’instinct poétique et non d’école, est sonore et comme chantant[927]. Il se prête aux effets de douceur aussi bien qu’aux effets de force ; il met en valeur les épithètes brillantes et neuves, qui sont faites pour lui, comme il est fait pour elles. Ainsi, il y a là invention d’une forme appropriée aux choses qu’elle traduit, c’est-à-dire un des faits qui caractérisent le mieux la création poétique.

Avec de telles facultés, Nonnos devait faire école ; et il a en effet suscité des imitateurs. Malheureusement ce qu’il leur a légué, ce n’est guère qu’une forme de versification. On ne pouvait lui prendre ni son imagination ni son enthousiasme, et il n’avait créé ni thèmes épiques, ni figures vivantes, qui fussent de nature à se perpétuer après lui. Il n’en est pas moins vrai qu’en cette période extrême de l’hellénisme, il nous apparaît comme le seul qui ait fait, dans l’ordre de l’imagination pure, quelque chose de grand.

Les Dionysiaques sont une épopée toute païenne ; il est impossible de douter que Nonnos ne fut païen lors qu’il la composa. Plus tard, il devint chrétien, sans cesser d’être poète. De cette seconde partie de sa vie date une œuvre d’un genre bien different, la Paraphrase du saint Évangile de Jean (Μεταϐολὴ τοῦ ϰατὰ Ἰωάννην ἁγίου εὐαγγελίου (Metabolê toû kata Ioannên hagiou euaggeliou)), en trente et un chapitres[928]. La transcription en vers des livres édifiants répondait à un goût alors très répandu. On croyait autour de Nonnos, et il dut croire comme ses contemporains, que la versification pouvait donner plus de prix aux récits du christianisme primitif. On ne s’apercevait pas que le travail du versificateur, en cette matière, consistait surtout à inventer des épithètes superflues et à substituer des périphrases aux termes propres. Nonnos n’a guère fait autre chose, malgré un effort de précision et de simplicité. Il observe d’ailleurs ses règles métriques avec moins de rigueur dans sa paraphrase évangélique que dans son épopée.


Voilà le maître : tel qu’il est, il a sa grandeur. Mais ses disciples, il faut bien l’avouer, ne semblent guère avoir été —— si l’on en excepte un seul poète de quelque mérite, Musée, — que de pauvres ravaudeurs de légendes rebattues. La médiocrité de leurs œuvres subsistantes décourage toute tentative de classement.

Tryphiodore était, selon Suidas, un Grec d’Égypte, grammairien et poète[929]. Outre une épopée historique Sur la bataille de Marathon (Μαραθωνιαϰά (Marathôniaka)), il avait composé une Hippodamie (Τὰ κατὰ Ἱπποδάμειαν (Ta kata Hippodameian)), une Prise d’Ilios (Ἰλίου ἅλωσις), une Odyssée (Ὀδύσσεια λειπογράμματος (Odusseia leipogrammatos)), qui comprenait toute la vie d’Ulysse et où il reproduisait le tour de force inepte de Nestor de Laranda[930]. Suidas lui attribue encore une Paraphrase des comparaisons homériques (Παράφρασις τῶν Ὁμήρου παραϐολῶν (Paraphrasis tôn Homêrou parabolôn)), titre obscur pour nous. La seule de ces œuvres qui subsiste est la Prise d’Ilios, en 691 hexamètres[931]. Il y raconte (après combien d’autres !) la construction du cheval de bois, le départ simule des Grecs, la ruse de Sinon, le sac de la ville. Sur ce sujet rebattu, pas une invention originale : un récit sans couleur, sec, dont le principal mérite consiste dans une certaine élégance de forme. Le style et la versification y révèlent l’influence de Nonnos et ne permettent pas de douter que Tryphiodore ne l’ait pris pour modèle.


Kyros, né comme Nonnos à Panopolis dans la Thébaïde, eut la plus haute fortune sous Théodose II[932]. Protégé par l’impératrice Eudocie qui admirait son talent, il fut préfet du prétoire de Constantinople, préfet de la ville, consul en 441 et patrice. Puis, lorsque sa protectrice se fut retirée, la disgrâce l’atteignit[933]. Dépouillé de ses honneurs et de ses biens, il dut entrer dans les ordres, devint évêque de Cotyæon en Phrygie, et vécut jusque au temps de l’empereur Léon (457-474). Suidas le qualifie de poète épique (ἐποποιός (epopoios)) ; mais il ne cite aucune de ses épopées, et nous en ignorons tout jusqu’aux titres[934]. Kyros ne nous est plus connu comme poète que par six épigrammes de l’Anthologie[935]. Ces courts morceaux sont d’un homme d’esprit et d’un versificateur habile, qui a profité des exemples de Nonnos.


Colouthos était, lui aussi, un Égyptien[936]. Né à Lycopolis dans la Thébaïde, il vécut, selon Suidas, au temps de l’empereur Anastase (491-518). Le même biographe lui attribue une épopée mythologique en dix livres, la Chasse du sanglier de Calydon (Καλυδωνιαϰά (Kaludôniaka)), qui semble avoir été son œuvre principale ; une autre épopée, les Persiques (Περσιϰά (Persika)), dont nous ignorons la nature ; enfin, des Éloges en vers épiques, (Ἑγϰώμια δί ἐπῶν (Egkômia di’ epôn)). Il oublie de mentionner la seule œuvre de Colouthos qui ait subsisté, la courte épopée en 392 vers intitulée l’Enlèvement d’Hélène (Ἑλένής ἁρπαγή (Helenês harpagê)). Le titre en indique suffisamment le sujet. On y retrouve la facture commune à l’école de Nonnos, mais c’est bien la plus médiocre production de tout ce groupe de poètes : rien de plus sec, de plus froid, ni, pour tout dire d’un mot, de plus insignifiant. Le texte en est, de plus, fort altéré[937].


Entre ces pâles imitateurs, le seul qui mérite d’être appelé poète est Musée. Sa personne nous est entièrement inconnue, mais sa manière le rattache manifestement à l’école de Nonnos[938]. Nous avons sous son nom un poème en 340 hexamètres, justement renommé, qui tient à la fois de l’épopée alexandrine et du roman d’amour[939]. C’est l’Histoire d’Héro et de Léandre (Τὰ ϰαθ' Ἡρὼ ϰαὶ Λέανδρον (Ta kath’ Hêrô kai Leandron)). Il y raconte comment le jeune Léandre d’Abydos, venu à Sestos pour une fête, y aima la belle Héro, prêtresse d’Artémis ; comment, aimé d’elle à son tour, il venait la trouver la nuit en franchissant à la nage l’Hellespont, lorsqu’elle allumait un signal de feu sur la tour qu’elle habitait ; comment, une nuit, le signal ayant été éteint par le vent, Léandre, ballotté au hasard par les flots, se noya ; et comment enfin Héro, voyant le cadavre rejeté sur le rivage, se donna la mort en se précipitant du haut de sa tour. L’aventure en elle-même est touchante, et le poète a su, malgré quelque affectation, la raconter avec une grâce émue. Il exprime, aussi simplement qu’on le pouvait alors, des sentiments naïfs et sincères, qu’il a le bon goût de ne pas délayer. Ses personnages ont un naturel délicat et nous attachent. C’est, de toutes les œuvres de la poésie grecque finissante, celle qui a le plus de charme. Elle n’a cessé d’être lue et goûtée jusqu’à notre temps, et elle le mérite[940].

L’école de Nonnos semble avoir prolongé son influence sur l’épopée jusqu’aux derniers temps de l’hellénisme. On croit encore la sentir au viie siècle chez le poète Georges de Pisidie, qui fut diacre de Sainte-Sophie sous Héraclius (610-641)[941]. Auteur d’une Héracliade, où il racontait la victoire d’Héraclius sur Chosroès, Georges retraça, dans divers poèmes historiques, les grands événements de son temps, expéditions contre les Perses, défense de Constantinople attaquée par les Avares ; il composa aussi des poésies religieuses et morales, qui le classent bien plutôt parmi les littérateurs byzantins[942]. Mais en un autre sens, il est le dernier des poètes de tradition grecque.

V

Deux autres genres de poésie, plus modestes, n’avaient cessé d’être en honneur dans la société grecque de l’empire : l’épigramme, d’une part, et la poésie amoureuse, dite Anacréontique, de l’autre. L’une et l’autre se condensent, pour ainsi dire, au temps où nous sommes arrivés, dans des recueils qui nous fournissent une occasion naturelle d’en reprendre l’histoire et de la conduire à sa fin.

Nous avons parlé plus haut des recueils d’épigrammes de Méléagre, de Philippe, de Straton, et de quelques autres. Au vie siècle, une œuvre analogue fut tentée par Agathias de Myrrhina, qui fut avocat à Constantinople sous Justinien, se fit connaître par un ouvrage historique dont nous parlerons plus loin, et mourut entre 577 et 582. Poète d’épigrammes lui-même, il eut l’idée de composer un recueil d’épigrammes « nouvelles » (Κύκλος (Kyklos) τῶν νέων ἐπιγραμμάτων (tôn neôn epigrammatôn)), où il rassembla, avec les siennes, quelques·unes des meilleures parmi celles des derniers siècles ou de son temps[943]. Ce recueil est un des éléments de notre Anthologie palatine, où l’on en peut lire encore les prologues (IV, 3 et 3b, Stadtmüller). Quelques-uns des poètes qui y figuraient sont dignes d’être cités.

Au ive siècle appartient Métrodoros, qui semble avoir vécu au temps de Constantin[944]. Auteur de divers ouvrages perdus d’astronomie et de géométrie, il est surtout connu par une série de trente Épigrammes arithmétiques (ἐπιγραμμ. ἀριθμητιϰά (epigramm. arithmetika), Anth. Pal. XIV, 116-146) : énoncés assez agréables de petits problèmes élémentaires, qu’il s’amuse à mettre en forme dramatique.

Cent ans plus tard, nous trouvons un des poètes les plus intéressants de ce groupe, Palladas d’Alexandrie, contemporain d’Arcadius[945]. Lui-même nous fait savoir qu’il était grammairien et pauvre (Anth. Pal. IX, 168, 169 etc.), et que, sur le tard, il renonça à une profession qui ne le nourrissait plus (ibid. 171). Une de ses épigrammes (IX, 400) est adressée à Hypatie, qui enseigna à Alexandrie jusqu’en 415. Le grand nombre de morceaux de lui conservés dans l’Anthologie atteste sa réputation, qui n’est pas entièrement imméritée[946]. Sur les cent cinquante inscrits à son nom, quelques-uns au moins, surtout ceux où il se plaint de son sort, ont une certaine franchise âpre et caustique. Il se sert tantôt de l’hexamètre, tantôt du distique, tantôt de l’iambe, avec une égale facilité, qui touche au défaut.

Comme on pouvait s’y attendre, le vie siècle est plus largement représenté dans le Cycle d’Agathias. Autour de lui, figurent les poètes de la cour d’Anastase, de Justin et de Justinien. Tous avec le même genre d’esprit, plus ou moins apprêté et précieux, tous très imbus de rhétorique, mais quelques-uns non dépourvus de qualités réelles. Nourris de Callimaque, de Théocrite, des épigrammatistes anciens, ils font preuve encore de goût et de finesse, ils ont du trait et parfois du sentiment. Le tour de leur style est assez élégant, leur phrase poétique bien degagée, leur versification soignée, quoique affranchie en général des règles rigoureuses de Nonnos. — Agathias lui-même, comme une sorte de chef d’école, figure là avec une centaine d’épigrammes, qui sont parmi les mieux faites. Sa marque propre est un certain pédantisme, qui d’ailleurs ne l’empêche pas d’être agréable le plus souvent. Il tourne coquettement un madrigal, il sait dire joliment de petites choses, ce qui est le propre du genre. Outre ses épigrammes, il avait composé divers poèmes, un entre autres intitulé Δαφνιαϰά (Daphniaka) en neuf livres (Anth. de Jacobs, IV, p. 15)[947]. — Marianos, d’Éleuthéropolis en Palestine, patrice sous Anastase, avait paraphrasé en iambes, selon Suidas, une partie des œuvres de Théocrite, d’Apollonios de Rhodes, de Callimaque, d’Aratos, de Nicandre. Nous n’avons de lui que cinq épigrammes, d’un style médiocre. C’est le moindre poète de ce groupe[948]. — Makédonios de Thessalonique[949], grand personnage, consul même, a dû être un des beaux esprits les plus remarqués de l’entourage de Justinien : il excelle à tirer un court développement d’une métaphore qu’il développe adroitement ; le savoir-faire et le tour ingénieux s’allient chez lui à l’élégance naturelle. — Paul, appelé le Silentiaire (Σιλεντιάριος (Silentiarios))[950], est peut-être le mieux doué de ces poètes. Issu d’une famille distinguée et opulente, il vécut par goût dans l’étude. Ses épigrammes amoureuses sont remarquables par la vivacité et la sincérité du sentiment : il y a chez lui de la passion, de la grâce naturelle, et quelque chose de vraiment personnel. Nous avons du même auteur deux poèmes descriptifs en hexamètres, l’un Sur la grande Église (Sainte Sophie), Ἔϰφρασις τῆς Μεγαλῆς Ἐϰϰλησίας (Ekphrasis tês Megalês Ekklêsias), l’autre Sur l’Ambon de la même église, Ἔϰφρασις τοῦ Ἄμϐωνος (Ekphrasis tou Ambônos). Fort curieux l’un et l’autre pour l’histoire de l’art, ils ne sont pas d’ailleurs indignes de son talent[951]. Un autre poème, en dimètres iambiques, Sur les thermes pythiques (Εἰς τὰ ἐν Πυθίοις θερμά (Eis ta en Puthiois therma)), semble lui avoir été attribué à tort[952]. — Julien d’Égypte[953], qui fut préfet de cette province, sous Justinien probablement, nous a laissé soixante-douze épigrammes, la plupart spirituellement tournées, à propos d’offrandes ou de statues. — Léontios, dit le Scolastique (l’avocat), semble bien devoir être rattaché aussi à cette même pléiade[954]. Il nous reste de lui vingt-trois épigrammes, où il célèbre avec élégance quelques œuvres d’art et quelques édifices de Constantinople, et, par occasion, ses danseuses, ses cochers, ses citharèdes et ses rhéteurs. — Rufin, auteur d’épigrammes érotiques, est d’époque inconnue.

Cette floraison tardive a pu se prolonger au delà du vie siècle. Mais il serait sans intérêt de chercher péniblement et mettre des dates incertaines sur des noms obscurs. Sans suivre plus loin les destinées d’une poésie insignifiante, disons seulement comment elles vinrent aboutir à la constitution de l’Anthologie que nous possédons[955].

Nous ne savons rien de précis sur les tentatives purent être faites, antérieurement au xe siècle, pour fondre ensemble les divers recueils dont nous avons parlé. Deux seulement de ces anthologies rudimentaires nous sont parvenues (Sylloge Euphe miana et Sylloge Parisina)[956]. — Mais la plus importante de beaucoup est celle qui fut constituée au commencement du xe siècle par Constantin Képhalas. Divisée comme le Cycle d’Agathias en sections, d’après la nature des sujets, cette anthologie semble avoir compris huit des quinze livres de notre anthologie palatine : le IVe, composé des prologues des recueils de Méléagre, de Philippe et d’Agathias ; le Ve (Ἐρωτιϰὰ (Erôtika)), le VIe (Ἀναθηματιϰὰ (Anathêmatika)), le VIIe (Ἐπιτύμϐια (Epitumvia)), le IXe (Ἐπιδεικτιϰά (Epideiktika)), le Xe (Προτρεπτιϰά (Protreptika)), le XIe (Σϰωπτιϰά (Skôptika)}, le XIIe, qui n’était autre que la Μοῦσα παιδιϰή (Mousa paidikê) de Straton. Constantin avait réuni dans chacun de ces livres les morceaux des recueils antérieurs qui lui avaient paru les plus dignes d’être choisis, quelquefois en laissant subsister l’arrangement primitif, quelquefois en l’altérant ; il y ajouta diverses inscriptions de statues et d’œuvres d’art. — Au xive siècle, le moine Maxime Planude composa à Constantinople une nouvelle Anthologie (Ἀνθολογία διαφόρων ἐπιγραμμάτων (Anthologia diaphorôn epigrammatôn)) en sept livres, également distingués les uns des autres par la nature des sujets[957]. Il s’était servi grandement de l’ouvrage de Constantin, mais il le complétait dans quelques parties par de nouveaux emprunts aux recueils que Constantin lui-même avait mis à profit et par quelques autres additions. Cette anthologie de Planude a été longtemps la seule connue en Occident. — Ce fut seulement au début du xviie siècle que Saumaise attira l’attention sur un manuscrit qui était alors dans la bibliothèque palatine d’Heidelberg ; il en tira bon nombre d’épigrammes inédites, qu’il publia en 1607. C’est l’anthologie contenue dans ce manuscrit qu’on a pris l’habitude d’appeler Anthologie palatine. Elle a pour fond l’anthologie de Constantin Képhalas, mais grossie d’additions importantes : les plus essentielles sont : d’abord, trois livres au début, l. I (Χριστιανιϰὰ ἐπιγράμματα (Christianika epigrammata)), l. II (Χριστοδώρου ἔϰφρασις (Christodôrou ekphrasis)), l. III (Ἐν Κυζιϰῷ ἐπιγράμματα (En Kuzikô epigrammata), inscription du temple de la reine Apollonis à Cyzique) ; puis, entre le VIIe et le IXe livre de Képhalas, un VIIIe livre, formé de 254 épigrammes de Grégoire de Nazianze ; enfin, après la Muse de Straton qui terminait le recueil de Képhalas, trois livres supplémentaires, l. XIII (Ἐπιγράμματα διαφόρων μέτρων (Epigrammata diaphorôn metrôn)), l. XIV (Προϐλήματα ἀριθμητιϰὰ, Αἰνίγματα, Χρησμοί (Problêmata arithmêtika, Ainigmata, Chrêsmoi)), l. XV (Συμμιϰτά τινα (Summikta tina))[958]. Cette anthologie, ainsi constituée, comprend toutes les épigrammes que les anciens ont recueillies. Mais les inscriptions lapidaires nous en ont fourni beaucoup d’autres, sans parler de celles qui sont éparses chez divers auteurs. C’est la matière des suppléments à l’Anthologie qui ont déjà paru et de ceux qui devront paraître, à mesure que se produiront des découvertes nouvelles.

Avec l’Anthologie, le même manuscrit palatin nous a conservé aussi le recueil des Poèmes anacréontiques (Ἀναϰρεόντεια (Anakreonteia)). On a vu, au tome II de cet ouvrage, pour quelles raisons ces courtes compositions ne pouvaient plus aujourd’hui être attribuées au poète Anacréon de Téos[959]. En réalité, elles semblent dater toutes de la période impériale. La critique moderne s’est appliquée à en distinguer les diverses couches ; et, bien que, dans le détail, il y ait encore des divergences d’opinion sensibles, on peut dégager déjà de ces discussions quelques conclusions générales, qui ont leur intérêt pour l’histoire de la poésie grecque sous l’empire[960]. — Un premier groupe, compose lui-même de trois éléments distincts et sans doute d’âges différents (Hémiambes, n° 1,3, 5-14 ; ioniques brisés et logaèdes, 15-20 ; hémiambes et ioniques brisés, 21-32), paraît devoir être rapporté aux deux ou trois premiers siècles de l’empire. Destinées à être chantées dans les banquets, ces poésies avaient cours parmi la jeunesse élégante, qui fréquentait alors les principaux centres d’étude[961]. — Un second groupe, également complexe (33-59), trahit, par diverses particularités de langue et de métrique, une origine plus tardive. On peut le rapporter à la fin du Bas Empire, depuis le IIIe siècle environ jusqu’à la période byzantine. Du reste, la destination en est identique, et ces poésies ont dû naître, sous l’influence de la sophistique, dans le même milieu que les précédentes.

Nous n’avons pas à revenir ici sur l’appréciation qui en a été donnée précédemment. Leur caractère est en rapport avec les habitudes du temps. Il y a, certes, de la grâce et un enjouement aimable dans un grand nombre de ces morceaux. Mais tous ces poètes anonymes jouent avec des images, des tours de phrase, des inventions, des souvenirs, qui se répètent sans cesse. L’imitation est le fond même de leur poésie. On ne saurait tirer de toutes leurs chansons un renseignement quelconque, ni sur eux-mêmes, ni sur les personnes ou les choses de leur temps.

Le recueil dont nous parlons est manifestement un extrait de plusieurs autres analogues. Il y a lieu de croire que de tels recueils ont dû être assez nombreux dans les derniers siècles de l’hellénisme. Cette poésie, facile et frivole, convenait bien, par son élégance superficielle, à cet âge de sophistique. Sans parler des poésies chrétiennes de forme anacréontique dues à Grégoire de Nazianze et à Synésios, d’autres manuscrits que celui de l’anthologie palatine conservent encore des séries de chants du même genre. Parmi ceux qui ont été publiés, un manuscrit de la bibliothèque des Barberini nous a livré une sorte de courte anthologie anacréontique, où figurent spécialement des poètes des derniers temps de l’hellénisme ou de la période byzantine[962]. Nous y retrouvons l’école de Gaza dont nous avons parlé plus haut ; et nous savons d’ailleurs qu’elle était précisément renommée pour la poésie anacréontique[963]. Sans doute, comme l’a supposé Crusius (art. cité), ce genre dut être florissant, aux ve et vie siècles, parmi les maîtres et les étudiants des écoles de rhétorique ou de droit de Bérytos, de Césarée, de Gaza. Un morceau du recueil en question, sans nom d’auteur, est dédié a un Colouthos, qui semble bien être l’auteur de l’Enlèvement d’Hélène[964]. Six poèmes d’étendue diverse y portent le nom de Jean de Gaza déjà mentionné plus haut parmi les poètes épiques et les sophistes du vie siècle. Au même temps semble appartenir Georges le Grammairien, dont il nous reste huit morceaux. D’autres poèmes du même recueil sont l’œuvre de poètes obscurs du ixe ou du xe siècle (Constantin de Sicile, Léon, etc.) Nous saisissons donc là sur le fait la durée d’un genre qui devait se perpétuer dans la période byzantine : il n’y avait, en effet, aucune raison pour qu’il disparût, puisqu’il ne tenait à aucune institution ni à aucun temps. Toutes ces poésies sont étrangement fastidieuses, soit par leur platitude maniérée, soit par une obscurité qui provient à la fois du vague de la pensée et de la recherche impuissante de l’expression[965].

Un dernier recueil en vers, qui semble avoir été constitué au temps de Justinien, doit être encore mentionné ici : c’est celui des Oracles Sibyllins (Χρησμοὶ Σιϐυλλιαϰοί (Chrêsmoi Sibulliakoi))[966]. Les poésies, judéo-helléniques et judéo-chrétiennes, qui le composent, n’avaient primitivement aucun lien entre elles ; les plus anciennes (l. III, 97-294 et 489-828) paraissent remonter jusqu’au temps d’Antiochus Épiphane (171-168 av. J.-C.) ; d’autres (l. IV) datent des années qui suivirent l’éruption du Vésuve (79 ap. J.-C.) ; d’autres encore, du second siecle (Prologue, morceaux des livres III et VIII) ; deux livres du recueil, les VIe et VIIe, ont été composés avant le milieu du iiie siècle, sous Alexandre Sévère ; quatre autres (XI-XIV) à la fin du même siècle, au temps d’Odenat (mort en 267) ; le reste de la compilation n’est qu’un amas incohérent, auquel il est impossible d’assigner aucune date. Ce qui est commun à toutes ces poésies, c’est le caractère sombre, la malédiction prophétique, l’annonce des catastrophes vengeresses. Adoptées par les docteurs chrétiens, qui s’en servirent dans leur guerre contre l’hellénisme, elles reçurent d’eux une consécration qui les fit vivre. Au vie siècle, un diascévaste essaya de leur donner une sorte d’unité artificielle, en composant de ces morceaux épars une histoire du monde ; il semble n’avoir pas poussé cette tentative d’organisation au delà du second livre. L’ensemble, tel que nous le possédons, n’est en somme qu’un assemblage confus. La langue en est d’ailleurs le plus souvent obscure, incorrecte, violente, quelquefois inculte. Mais, en partie à cause de cela même, cette poésie étrange a exercé une influence profonde sur les imaginations, et, si elle est par elle-même en dehors de la littérature, elle s’y rattache cependant en raison de cette puissance indéniable de suggestion.

VI
Sauf quelques exceptions, la poésie de ces derniers siècles, comme on vient de le voir, dépend étroitement de la sophistique. L’histoire, dont nous avons maintenant à parler brièvement, ne s’en affranchit guère, elle non plus.

Eunape avait, pour ainsi dire, scellé l’union de ces deux genres, si peu faits cependant pour se confondre : les principaux historiens dont il va être question sont, en général, à des degrés divers, des continuateurs et des imitateurs d’Eunape. D’ailleurs les sérieuses qualités qui donnent seules à l’histoire sa valeur propre, celles qui l’affranchissent de la vaine rhétorique, intelligence sûre et large des événements, sens philosophique de la vie sociale, amour élevé de la vérité, tout cela manquait absolument à ce temps. Privé de ses éléments naturels, le genre historique était condamné à flotter trop souvent entre la chronique terre à terre, le lieu commun banal, et le commérage sans portée.

Le seul historien dont le nom ait quelque relief au ve siècle est Zosime[967]. Il n’est pas impossible qu’il soit identique au rhéteur de ce nom, originaire de Gaza ou d’Ascalon, que Suidas mentionne comme ayant vécu encore au temps d’Anastase[968] ; mais il est plus probable qu’il faut voir en lui un autre personnage, antérieur d’un certain nombre d’années. D’après Photius, il fut avocat du fisc et reçut le titre de comte du palais[969] ; Évagrios nous apprend qu’il vécut au milieu du ve siècle, sous Théodose II et ses successeurs[970]. C’est ce que confirme son œuvre même. Cette œuvre nous est parvenue ; elle est intitulée Histoire contemporaine (Ἱστορία νέα (Historia nea)) et comprend six livres. Le premier, qui est un résumé rapide de l’histoire de l’empire depuis Auguste jusqu’à Dioclétien, doit être considéré comme une introduction à l’ouvrage proprement dit, dans lequel Zosime s’était proposé de retracer les événements du ive siècle et de son propre temps. Les livres II, III et IV vont de la mort de Dioclétien à celle de Théodose en 395. Les livres V et VI retracent, avec une ampleur de développement toujours croissante, le règne d’Arcadius et les premières années de Théodose II. Photius, qui lisait encore l’histoire d’Eunape dans son intégrité, nous apprend que Zosime n’avait guère fait que l’abréger. Cela ne peut s’appliquer en tout cas qu’aux règnes de Constantin et de ses fils, de Julien, de Jovien, de Valens, de Théodose et d’une partie de celui d’Arcadius, puisque le récit d’Eunape n’allait pas au delà. Plus loin, Zosime devait reprendre son indépendance. Son récit s’arrête aujourd’hui à la prise de Rome par Alaric en 410 ; et il en était ainsi déjà dans l’exemplaire que lisait Photius. L’ouvrage est par conséquent incomplet[971], soit que l’auteur n’ait pas pu le pousser plus loin, soit qu’il ait été mutilé après sa mort.

Quelque attaché qu’il fût à Eunape, Zosime eut certainement des visées plus hautes, qu’il a déclarées lui-même. Polybe fut son modèle. De même que celui-ci avait autrefois montré l’accroissement de la puissance romaine dans une période décisive de son existence, de même il voulait, lui, en exposer le déclin dans une période également décisive en sens contraire (I, 57). C’était là incontestablement une vue d’historien, qui aurait pu donner à son ouvrage une valeur réelle, s’il eût été capable d’en tirer parti. Par malheur, Zosime, entreprenant d’analyser les causes de la décadence romaine, était loin d’avoir l’étoffe d’un Montesquieu. Celles qu’il aperçoit sont l’ambition, l’incapacité des chefs, les abus du pouvoir absolu, la destruction de la religion nationale. De ces causes, les deux dernières seules sont intéressantes. Mais Zosime ne sait pas en suivre l’effet dans le détail. Les vices qu’il signale sont ceux de certains princes, et non ceux de l’institution impériale elle-même. Quant à la destruction de la religion nationale, il la considère en païen superstitieux, au jugement de qui les dieux, négligés ou reniés, ont retiré à l’empire leur protection. C’était déjà le point de vue d’Eunape. Comme lui aussi et pour la même raison, Zosime est sévère pour les empereurs qui ont favorisé le christianisme, pour Constantin et Théodose particulièrement. En somme, l’Histoire qu’il nous a laissée, sans répondre à ce qu’elle semble promettre, est encore une des meilleures œuvres historiques de ces derniers temps. Nette et judicieuse, bien informée, sincère, elle est de plus clairement écrite, sans longueur, sans mauvais goût, et d’une forme beaucoup moins prétentieuse que celle d’Eunape[972].

Des autres historiens du même siècle, dont il nous reste des fragments de quelque importance, deux seulement sont à distinguer ici : Priscos et Malchos. — Priscos, né à Panion en Thrace, fut sophiste, puis homme d’État sous Théodose II et Marcien[973]. Les Déclamations (Μελέται (Meletai)) et les Lettres que lui attribue Suidas sont perdues. Son œuvre historique, en huit livres, semble avoir porté le titre général d’Histoire byzantine (Ἱστορία Βυζαντιαϰή (Historia Buzantiakê)) ; mais diverses parties étaient désignées par des titres distincts (Τὰ ϰατ’ Ἀττήλαν, Ἱστορια Γοτθιϰή (Ta kat’ Attêlan, Historia Gotthikê)) ; elle se rapportait aux choses contemporaines[974]. Il nous en reste des fragments étendus, consistant en récits de sièges, d’ambassades et de négociations, parmi lesquelles figure celle dont Priscos lui-même fut chargé[975]. Autant qu’on en peut juger, son ouvrage offrait un exposé des faits détaillé, exact et assez clair, mais monotone et terne, qui ressemblait plus à un journal qu’à une histoire proprement dite[976]. — Malchos, de Philadelphie en Syrie, agrandit et continua, quelques années plus tard, le récit de Priscos[977]. Son histoire byzantine (Βυζαντιαϰά (Buzantiaka), en sept livres) commençait à Constantin et devait aller jusqu’a l’avènement d’Anastase (491)[978]. Il semble avoir été interrompu par la mort de l’auteur. — Photius en fait un grand éloge, que les fragments ne justifient pas[979]. L’œuvre de Malchos, intéressante par les faits eux-mêmes et empreinte d’une certaine couleur dramatique[980], ne paraît pas s’être élevée au-dessus de la médiocrité.

Candidus d’Isaurie, Capiton de Lycie, Eustathios d’Épiphanie en Syrie, autres historiens de la fin du ve siècle ou du commencement du vie, n’étant plus connus que par quelques fragments ou par un petit nombre de témoignages, n’ont plus pour nous de physionomie vraiment individuelle. qui les rendent dignes du moindre intérét littéraire[981].

Cette lignée d’historiens se continue sans interruption à travers tout le vie siècle et au delà ; et bien qu’on soit habitué à compter plutôt ceux de ce temps parmi les Byzantins, il faut reconnaître qu’ils ne diffèrent de leurs prédécesseurs par aucun caractère nouveau. Leur art, d’une manière générale, n’est pas inférieur, non plus que leur conception du rôle de l’histoire. C’est pourquoi, sans entrer à leur sujet dans aucun détail, nous devons au moins les mettre ici à leur place, dans la série qui se prolonge par eux jusqu’au milieu du viiie siècle.

L’historien le plus renommé du vie siècle est Procope, de Césarée en Palestine[982]. Né vers la fin du ve siècle, d’abord rhéteur et avocat, puis investi de charges publiques dès le règne d’Anastase, il s’attache, sous Justinien, à la fortune de Bélisaire, qu’il accompagne comme conseiller, en Arménie, en Afrique et en Italie. Les plus hautes dignités lui échurent successivement. Il devint sénateur, puis préfet de la ville en 562. Mais sa fortune s’arrêta là. Compromis dans une conspiration et disgracié, il mourut peu après. Son grand ouvrage historique est le récit en huit livres des Guerres du règne de Justinien (Περὶ πολέμων (Peri polemôn)) ; guerre contre les Perses (Περσιϰὰ (Persika), l. I et II), guerre contre les Vandales (Βανδηλιϰά (Bandêlika)), l. III et IV), guerre contre les Ostrogoths (Γοτθἰϰὰ (Gotthika)), l. V, VI et VII). Achevés en 551, les sept premiers livres de l’ouvrage furent complétés, en 554, par un huitième livre, qui résumait toute l’histoire du règne jusqu’à cette date. Cette grande œuvre, remarquable par son ampleur, par l’étendue et la variété des informations, par la valeur, même littéraire, de certaines descriptions, est la plus importante que les derniers siècles de l’hellénisme aient produite dans le genre historique. Procope, encourage par le succès qu’elle obtint et qu’il atteste lui-même (l. VIII, début), publia un peu plus tard (après 558) un second ouvrage en six livres Sur les constructions de Justinien (Περὶ ϰτισμάτῶν (Peri ktismatôn)), plein de renseignements précieux pour l’histoire de l’art et de l’administration byzantine. Ce qu’on peut reprocher le plus à ces deux compositions, mais surtout à la seconde, c’est le ton de panégyrique, qui était d’ailleurs imposé à l’auteur. Il prenait sa revanche, comme on le sait, dans sa célèbre Histoire secrète (Ἀνέϰδοτα (Anekdota)), qui ne put être divulguée qu’après sa mort et quand la dynastie de Justinien eut disparu ; pamphlet acerbe, qui retrace, jusqu’à l’année 559, les scandales, les intrigues, les prodigalités et le luxe de la Cour, et qui flétrit les personnages que Procope avait le plus loués dans ses écrits publics, en particulier Justinien et sa femme Théodora, Bélisaire lui-même et sa femme Antonina. L’authenticité de cette Histoire secrète n’est plus mise en doute ; la véracité de l’auteur ne semble pas pouvoir l’être non plus, en ce sens tout au moins qu’il répète avec exactitude ce qui se disait tout bas dans les cercles bien informés de Byzance ; mais il va sans dire que de tels propos, même vrais, ne peuvent former qu’un élément du jugement définitif de l’histoire, bien que Procope s’y délecte, sans en montrer la contre-partie.

Quoi qu’il en soit, les trois ouvrages historiques de Procope, lorsqu’on les rapproche et qu’on les corrige l’un par l’autre, ont une valeur incontestable. L’auteur d’une telle œuvre se révèle comme un homme qui a possédé l’expérience de la vie, qui a su s’informer, observer, juger, et qui, écrivant au moment où la monarchie romaine d’Orient tournait définitivement au despotisme byzantin, a eu le talent de faire revivre la société de son temps dans des récits et des descriptions qu’on lit encore avec intérêt. Tout cela, il est vrai, ne suffit pas à faire un historien au sens élevé du mot, et Procope, tantôt narrateur officiel, tantôt chroniqueur, ne saurait prétendre à ce titre. Comme prosateur, s’il peut être compté parmi les meilleurs de son temps, cela ne veut pas dire qu’il ait produit une œuvre littéraire vraiment distinguée. Son style, passablement correct et dégagé, n’est pas exempt de l’élégance sophistique qui régnait alors.

Procope eut pour continuateur Agathias de Myrina, le même dont nous avons parlé un peu plus haut à propos de ses poésies[983]. Ses Histoires (Ἱστορίαι (Historiai)), en cinq livres, reprennent le récit de Procope au point où celui l’avait laissé, c’est-à-dire à l’année 552, et le conduisent jusqu’en 558. Agathias écrivit cet ouvrage peu de temps sans doute après la mort de Justinien[984] ; il avait l’intention d’arriver jusqu’aux événements tout à fait contemporains, mais, pour une raison ou une autre, il ne réalisa pas son dessein. Son histoire n’embrasse qu’un espace de six années, pour lequel elle constitue notre principale source d’information[985]. Exact et bien renseigné, Agathias expose clairement, mais sans agrément ni véritable élégance : sa phrase, souvent longue, est médiocrement construite ; et, cà et là, chez le narrateur, se laisse trop voir le sophiste qui croit embellir son récit par des artifices de rhétorique[986].

L’œuvre interrompue d’Agathias fut reprise bientôt après par Ménandre, qu’on appelle Προτίϰτωρ (Protiktôr), Protector, « garde du corps ». Celui-ci écrivait sous l’empereur Maurice (582-602)[987]. Commençant à l’année 558, où Agathias s’etait arrêté, il avait conduit son récit, qui comprenait plus de huit livres, jusqu’à l’année 582, date de l’avènement de Maurice. Il comprenait donc, avec la fin du règne de Justinien, les règnes de Justin II et de Tibère. Les fragments assez étendus qui nous en restent renferment d’intéressants détails sur les peuples barbares auxquels l’empire d’Orient eut alors affaire, Avares, Sarrasins, Turcs, Lombards, Alains, Perses[988]. Imitateur d’Agathias, Ménandre lui est sensiblement inférieur comme écrivain. C’est assez dire que le mérite littéraire de son œuvre n’est pas grand.

Ménandre, à son tour, eut un continuateur au viie siècle en la personne de ce Théophylactos (dit Simocattès) dont nous avons cité plus haut la collection épistolaire[989]. L’ouvrage où il racontait le règne de l’empereur Maurice (582-602) nous a été conservé[990]. Diffus, prétentieux, plein de réflexions insignifiantes, il révèle déjà toute la faiblesse d’esprit de l’âge byzantin.

Sans nous arrêter à d’autres historiens tout à fait secondaires du vie siècle, tels que Nonnosos, Théophane de Byzance, Jean d’Épiphania, Pierre le Patrice[991], mentionnons encore, comme les derniers représentants de la tradition hellénique dans l’histoire : Hésychios de Milet (première moitié du vie siècle)[992], qui, outre le recueil biographique dont nous avons parlé plus haut, composa une Chronique embrassant toute l’histoire romaine jusqu’à Anastase (Ἱστορία Ῥωμαιϰή τε ϰαὶ Παντοδαπή (Historia Rômaikê te kai Pantodapê)), ainsi que d’autres ouvrages moins importants ; — Jean d’Antioche (viie siècle), à qui l’on doit une chronique (Ἱστορία χροννιϰή (Historia chronikê)), sérieuse et intéressante, mais surtout composée avec des extraits d’historiens antérieurs[993] ; — enfin les chronographes Eustathe d’Épiphanie (vie siècle)[994] et Jean Malalas (fin du viiie siècle). La pauvre Chronographie de ce dernier, aujourd’hui mutilée au commencement et à la fin, s’étendait à l’histoire entière du monde, depuis la création jusqu’à la fin du règne de Justinien[995]. Si nous la citons ici, toute misérable qu’elle est d’ailleurs, c’est parce qu’elle offrait l’exemple le plus frappant du procédé de compilation sans art et sans critique, réglé uniquement par une curiosité inepte, auquel aboutissait alors l’historiographie. C’est ce livre en effet, selon Krumbacher, qui a servi de type, jusqu’au xiiie siècle, aux chroniques des moines[996]. Jean Malalas est vraiment, dans l’historiographie, le premier des Byzantins.

En dehors de l’histoire proprement dite, mais dans un domaine très voisin, doit être placé ici un érudit du vie siècle, Jean Laurentius le Lydien[997]. Né vers 490 à Philadelphie en Lydie, Joan Laurentius exerça de hautes fonctions officielles dès le règne d’Anastase et jusque sous celui de Justinien. Il tomba en disgrâce en 552, vécut alors dans une demi-obscurité, et dut mourir vers 565. Ses Discours et une Histoire de la Guerre des Perses disparurent de bonne heure, car Photius paraît n’en avoir eu aucune connaissance. Les seuls ouvrages de Laurentius qu’il mentionne sont ceux qui nous ont été conservés, les trois traités Sur les mois (Περὶ μηνῶν (Peri mênôn)), Sur les magistratures romaines (Περὶ ἀρχῶν τῆς Ῥωμαίων (Peri archôn tês Rômaiôn)), et Sur les signes célestes (Περὶ διοσημείων (Peri diosêmeiôn))[998]. Le traité Sur les mois nous est parvenu mutilé ; il contient d’utiles renseignements sur le calendrier romain, sur les fêtes, leur origine et leur célébration, ainsi que les légendes qui s’y rapportent. Le traité Des signes célestes, après n’avoir été connu longtemps qu’à l’état de chapitres dispersés et incomplets, a pu être reconstitué en notre siècle grâce à de nouveaux manuscrits ; l’auteur y expose, à propos des tonnerres, des comètes, des météores, des tremblements de terre et autres prodiges, un grand nombre de faits relatifs à la science augurale et à la religion des Romains et des Étrusques. Enfin le traité Des magistratures romaines, aujourd’hui mutilé, offre une série de notices instructives sur les formes du gouvernement et de l’administration chez les Romains. Ce qui fait le prix des traités de Laurentius, c’est qu’il disposait d’une quantité d’ouvrages spéciaux aujourd’hui perdus, dont il a extrait mainte et mainte information. Mais il l’a fait sans critique, sans intelligence, et en mêlant une foule d’erreurs à des informations exactes. D’ailleurs, nul talent d’écrivain, et, comme manière propre, un mélange ridicule d’affectation, de rhétorique et de vulgarité.

La géographie, dans la même période, décline comme l’histoire : elle ne nous offre plus guère que des ouvrages de seconde main, sans valeur originale, à l’exception peut-être du seul lexique d’Étienne de Byzance.

Marcien (Μαρϰιανός (Markianos)) semble avoir vécu au commencement du ve siècle[999]. Deux des ouvrages cités sous son nom sont perdus : un Abrégé de la Géographie d’Artémidore d’Éphèse et un Relevé des distances de Rome aux principales villes du monde. Il nous en reste deux autres. L’un, intitulé Périple de la mer extérieure (Περίπλους τῆς ἔξω θαλάσσης (Periplous tês exô thalassês)), en deux livres, est tiré de Ptolémée et d’un autre géographe, Praxagoras, qui ne nous est plus connu que par quelques lignes de Photius (cod. 188). Le second est un Abrégé du Périple de la mer intérieure par Ménippe de Pergame, géographe mentionné plus haut (p. 394). Marcien, on le voit, n’a eu d’autre ambition que de vulgariser des notions contenues dans des ouvrages plus complets, mais peu lus. Lui-même fut à son tour mis à contribution plus tard par l’auteur anonyme d’un Périple du Pont Euxin, dont nous avons parlé à propos d’Arrien.

Agathémère est l’auteur d’une Esquisse de la Géographie (Γεωγραφίας ὑποτύπωσις (Geôgraphias hupotupôsis))[1000] ; livre élémentaire, où il a résumé, d’après Ératosthène, Artémidore, Posididonios et d’autres, un certain nombre de notions sur l’histoire de la géographie, sur le perfectionnement des cartes, sur les mesures de la terre et des mers, sur les vents, etc. Toute la valeur du livre vient de ses sources. La date en est d’ailleurs incertaine. — Deux autres ouvrages faussement attribués à Agathémère sont en réalité anonymes et de date inconnue[1001].

Seul entre ces géographes d’extrême décadence, Étienne de Byzance a mérité quelque renom[1002]. Postérieur à Marcien, qu’il cite, mais antérieur à Hermolaos de Constantinople, qui fit sous Justinien un abrégé de son dictionnaire, Étienne a dû vivre dans la seconde moitié du ve siècle. Grammairien de profession, il composa, sous forme de lexique, un ample recueil de notices de géographie historique, en une soixantaine de livres environ, qu’il intitula, les Ethniques (Ἐθνικά). Ce recueil, facile à consulter en raison de sa disposition alphabétique, était destiné surtout à fournir immédiatement aux lecteurs des poètes ou des historiens les renseignements qu’ils pouvaient désirer ; et, pour réaliser son intention, le savant grammairien donnait, à propos de chaque nom de peuple ou de chaque lieu célèbre, non seulement des indications géographiques, mais aussi des aperçus historiques et biographiques, tirés des meilleurs auteurs et accompagnés parfois d’intéressantes citations[1003]. Si l’œuvre en elle-même n’était guère originale, elle dénotait du moins de la science, de la méthode, du goût et une curiosité intelligente des choses du passé. Son plus grand tort était peut-être d’être trop savante pour son temps. Cela la condamnait à être abrégée, et elle le fut au vie siècle, comme nous venons de le dire. Cet abrégé d’Hermolaos nous en a conservé la substance, mais en la réduisant à de secs énoncés. De l’œuvre primitive, il ne reste qu’un petit nombre d’articles isolés, qui suffisent à la faire regretter[1004].

VII
Cet affaiblissement de l’esprit critique, qui mène alors l’histoire profane à la plus profonde décadence, n’est guère moins sensible dans la philosophie, malgré certaines apparences, et y produit les mêmes effets.

Ce n’est pas qu’on ne rencontre encore au ve siècle des intelligences capables de dialectique, d’analyse subtile et même de puissante synthèse, par exemple celle d’un Proclos. Mais à cette philosophie manque toujours davantage le sens de la réalité. Elle ne sait plus s’attacher ni à l’étude du monde, ni à celle de l’âme ; elle a pour fondement, non la recherche, mais la tradition pure et la rêverie. Plus d’observation, donc plus de renouvellement intime. Elle vit sur des textes qu’elle interprète en les torturant, en les combinant de mille manières, en les développant à sa fantaisie. Tous les maîtres du temps sont des commentateurs ; et ces commentateurs sont, de plus, des mystiques. Plongés dans les pratiques d’une dévotion ardente, ils s’adonnent passionnément à la théurgie, convaincus de la toute-puissance des formules et des pratiques secrètes, exaltés par l’ascétisme et la prière, étrangers aux choses de leur temps. Suspects au christianisme, qui règne alors en maître dans l’empire, et quelquefois même persécutés, ils voient leur influence décroître de jour en jour. Comme ils ont cessé de s’appuyer sur la raison, ils ne représentent plus qu’une tradition altérée. Quelques écrits de Platon, en particulier le Timée, quelques poèmes pseudo-orphiques, la collection des Oracles (Λόγια (Logia)) déjà commentés par Porphyre, sont à présent pour eux des livres sacrés, de même que l’Ancien et le Nouveau Testament le sont pour les chrétiens. En fait, il n’y a plus de pensée vraiment indépendante dans le monde grec. Le ve siècle assiste au dernier rayonnement du néoplatonisme, qui décline après Proclos et disparaît peu à peu dans le cours du vie siècle.

On a vu, au chapitre précédent, combien l’école syrienne de Jamblique, très brillante dans la première moitié du ive siècle, très favorisée ensuite par Julien, était retombée dans l’obscurité après la mort de cet empereur. Au début du ve siècle, toutefois, voici qu’un foyer actif de néoplatonisme se révèle à Alexandrie. Dans quelle mesure les philosophes qui enseignaient là procédaient-ils de l’école syrienne, nous l’ignorons. À vrai dire, ils semblent assez indépendants les uns des autres, étant à des degrés divers ou pythagoriciens, ou platoniciens purs, ou aristotéliciens. Simples nuances, d’ailleurs, qui s’effacent par l’éloignement.

Le plus intéressant de ces maîtres est une femme, la célèbre Hypatie[1005]. Son père, Théon, philosophe lui-même et géomètre, lui transmit sa science avec ses vertus. Devenue, comme lui, mathématicienne et philosophe, elle tint école à Alexandrie, dès la fin du ive siècle (probablement, et, dans les premières années du ve. Aussi belle que savante et digne de respect, elle exerçait une influence profonde sur ses nombreux disciples, comme l’attestent encore plusieurs lettres de Synésios, qui fut le plus illustre d’entre eux[1006]. Elle commentait Platon et Aristote, tout en enseignant aussi l’astronomie. Le préfet d’Égypte Oreste lui témoignait, dit-on, la plus grande faveur. Ces succès même la perdirent. La populace fanatique d’Alexandrie, excitée par les moines, en vint à considérer la maison d’Hypatie comme le rendez-vous des ennemis de Dieu. On ne sait au juste quel fut en cela le rôle du patriarche Cyrille. Toujours est-il qu’un jour de l’année 415, une foule sauvage se rua sur cette maison, en arracha la malheureuse et noble femme, et la déchira ignominieusement sans qu’aucune autorité intervînt à temps pour la sauver. Les seuls écrits d’elle que mentionne Suidas se rapportaient aux mathématiques ; il ne nous en est rien resté ; mais il n’est pas douteux que son influence philosophique et littéraire ne se fasse sentir chez Synésios, dont nous parlerons plus loin.

Quelques années après la mort d’Hypatie, nous voyons établis encore à Alexandrie certains maîtres renommés, entre autres Hieroclès, disciple de Plutarque, et Olympiodore, dont Proclos vint écouter là même, vers 430, les leçons aristotéliciennes[1007]. Mais Olympiodore ne nous a rien laissé ; quant à Hieroclès, il est impossible de le séparer de l’école néoplatonicienne d’Athènes, où il se forma, et dont nous avons maintenant à nous occuper.

C’est à Athènes en effet que le Néoplatonisme a pris sa dernière forme et jeté son dernier éclat[1008]. Après Jamblique, il était resté sans direction certaine, sans chef capable d’imposer son autorité, oscillant entre la tendance purement théurgique, qui, si elle eût définitivement prédominé, l’eût promptement réduit à n’être qu’une forme de dévotion individuelle, et la tendance mathématique, qui en eût fait une philosophie réservée à un petit nombre d’adeptes. L’école d’Athènes, sans écarter ni la théurgie, ni les mathématiques, y fit rentrer assez de psychologie et de raisonnement métaphysique pour maintenir quelque temps encore la solidité de la doctrine. Elle ne l’agrandit pas, comme l’avait fait autrefois Porphyre, mais elle la coordonna, elle en lia les parties entre elles, elle en fit un corps désormais immuable. Le Néoplatonisme fut par là même condamné, il est vrai, à périr bientôt, mais il recouvra du moins, pour un siècle et plus, les apparences de la force.

Celui qui apporta aux Platoniciens d’Athènes l’inspiration mystique de Jamblique fut sans doute Nestorios ; on nous le représente comme dépositaire d’une sorte de religion, qui se transmit plus tard, de lui à Proclos, par sa petite fille Asclepigénia[1009]. Mais c’est le fils de ce Nestorios, Plutarque, qui, à la fin du ive siècle, enta vraiment la nouvelle école sur l’ancienne[1010]. Son enseignement eut en effet une action décisive. À la fois raisonneur et rêveur, exégète infatigable, en commentant Aristote et Platon sous l’influence des idées de Plotin, de Porphyre et de Jamblique, il rétablissait dans l’enseignement l’autorité de la dialectique, en même temps qu’il y consacrait celle de la spéculation mystique. Du reste, Plutarque, n’ayant à peu près rien laissé de durable, n’appartient à l’histoire littéraire que par son influence[1011].

Après Plutarque, qui meurt en 431, la série des chefs d’école ou « diadoques » s’étend, à travers toute la fin du ve siècle et le premier tiers du vie, jusqu’à la fermeture de l’école ordonnée par Justinien en 529. Ces chefs sont, dans l’ordre chronologique, Syrianos (de 431 à 438, environ), Proclos (de 438 environ à 485), Marinos, Isidore, Hégias, Damaskios enfin, qui enseignait au moment où l’école fut fermée. Nous devons les distinguer spécialement. Mais quelques autres, à côté d’eux, sans figurer dans cette succession officielle, méritent de n’être pas completement passés sous silence.

Au début du ve siècle, un des disciples de Plutarque, Hiéroclès, d’Alexandrie, doit être signalé tout d’abord comme un des esprits les plus modérés et les plus fermes du Néoplatonisme à son déclin[1012]. Quelques-uns de ses écrits nous sont connus incomplètement par des extraits ou des fragments[1013] : un seul, le commentaire sur les Vers d’or pythagoriciens, nous est parvenu dans son intégrité ; remarquable par la simplicité du langage, il se fait goûter aussi par l’élévation morale, par la sincérité du sentiment religieux[1014].

Bien plus important par le rôle qu’il joua dans l’école est Syrianos, disciple lui aussi de Plutarque, auquel il succéda vers 431 comme chef d’école. Nous ne savons presque rien de sa vie ni de sa personne[1015]. Proclos, qui fut son élève, parle de lui avec une vénération enthousiaste. Il se plaît à dire qu’il lui doit tout ; il le représente comme une sorte de révélateur inspiré[1016]. Syrianos, selon l’habitude de l’école, commentait devant ses disciples les traités d’Aristote et ceux de Platon ; la lecture d’Aristote était comme une première initiation, comparée aux « petits mystères » ; celle de Platon constituait l’initiation finale et complète, la révélation vraiment divine. Le mérite du maître était d’y découvrir, devant ses fidèles éblouis, des profondeurs de spéculation qu’ils ne soupçonnaient pas. Un commentaire littéral, serrant le texte de près, aurait paru à ces esprits exaltés pauvre et froid. On savait gré au professeur de se transformer en hiérophante, on le suivait avec une admiration enthousiaste dans ses aperçus de haute spiritualité, dans ses effusions mystiques, comme aussi dans les développements subtils où il montrait comment les doctrines de Pythagore, de Platon et d’Aristote s’accordaient avec les révélations d’Homère, d’Orphée et des Oracles. Toutefois, Syrianos, à ce qu’il semble, suggérait plus d’idées neuves qu’il n’en inventait lui-même. Sa part personnelle dans la doctrine néoplatonicienne paraît avoir consisté surtout en ce qu’il établit encore plus de distinctions et de divisions que ses prédécesseurs dans la hiérarchie des êtres, préparant ainsi l’organisation définitive du système qui allait s’achever entre les mains de son successeur. Ses écrits, probablement nombreux, étaient des commentaires sur les principaux ouvrages de Platon. Nous ne les connaissons plus que par les citations et témoignages qui abondent dans les œuvres de Proclos[1017].

Le plus puissant de ces rêveurs subtils fut incontestablement Proclos ; ce fut le seul parmi eux qui fit preuve de génie. Depuis trois siècles déjà, le Néoplatonisme cherchait sa forme définitive. Plotin, après Ammonios Saccas, en avait posé les principes et institué la méthode ; Porphyre, avec sa science, l’avait enrichi, documenté, consolidé et vulgarisé ; Jamblique y avait introduit un élément important de rêverie mystique et de spéculation subtile ; Proclos condensa tout cela, en précisa les détails, et organisa le tout en un vaste système. Ce qu’il ne put pas faire, ce fut de rendre la vie à des théories qui avaient perdu depuis longtemps le contact vivifiant de la réalité[1018].

Issu d’une famille riche de Xanthos en Lycie, Proclos naquit à Constantinople en 410[1019]. Au dire de son disciple Marinos, il avait pour lui tous les avantages extérieurs, beauté, santé, fortune ; il étudia d’abord la rhétorique en vue des emplois civils, voulant suivre son père Patrikios dans la carrière des honneurs ; mais sa vocation philosophique ne tarda pas à se prononcer. Il suivit à Alexandrie les leçons aristotéliciennes d’Olympiodore, puis vint à Athènes, un peu avant 430 ; là, il fut accueilli comme un fils par le vieux Plutarque et par Syrianos, qui l’initièrent à leur philosophie. Plutarque ne tarda pas à mourir ; Syrianos fut alors son véritable maître. Après avoir vécu dans sa familiarité et s’être pénétré de ses enseignements pendant une dizaine d’années, Proclos lui succéda vers 438. Devenu ainsi chef d’école, il se donna tout entier à sen enseignement pendant près de cinquante ans[1020]. Absorbé par la réflexion et l’étude, il ne réservait que quelques heures au sommeil ; le reste de son temps, il l’employait à méditer, à écrire, à s’entretenir avec ses disciples ou à commenter devant eux ses textes préférés. Il avait refusé de se marier pour n’être distrait de la philosophie par aucun souci. C’était un ascète[1021], toujours plongé dans la haute spéculation ; mais bon, accueillant, séduisant même par son charme personnel, et qui inspirait à son entourage une vénération affectueuse. Sa santé resta bonne, malgré ses austérités, jusqu’à l’âge de soixante-dix ans ; puis, elle déclina pendant les cinq dernières années de sa vie : il mourut en 485, âgé de soixante-quinze ans.

Proclos enseignait presque sans préparation. Ses pensées sortaient, pour ainsi dire, de l’abondance de ses méditations incessantes. Sa parole était facile et comme inspirée. Quand il exposait ses idées, ses regards brillaient d’un éclat extraordinaire, tout son visage semblait éclairé. Ses disciples croyaient sentir en lui la présence de Dieu ; un jour même, un grave personnage, qui l’entendit par hasard, affirma qu’il avait vu autour de sa tête une lueur divine[1022]. Maître et auditeurs vivaient entre ciel et terre, dans une atmosphère illuminée.

Proclos écrivait comme il parlait, vite et beaucoup. Ses écrits étaient surtout des commentaires sur Platon. Beaucoup sont perdus ; mais quelques-uns des plus importants nous restent et permettent de juger des autres[1023]. Les plus intéressants sont : les Eléments de théologie (Στοιχείωσις θεολογιϰή (Stoicheiôsis theologikê))[1024], ouvrage de jeunesse, où l’auteur résume en une série de formules, fortement liées et coordonnées, la théologie de Plotin et de Porphyre ; les commentaires Sur la République de Platon, en quatre livres, texte incomplet ; Sur le Timée, écrit par Proclos à vingt-huit ans ; Sur le Parménide, œuvre de sa maturité ; le traité Sur la théologie de Platon ; enfin les Objections aux chrétiens, dont Philoponos nous a conservé quelques parties dans sa réfutation. Nous possédons, d’autre part, six Hymnes[1025], débris de l’œuvre poétique, très étendue et très variée, où le pieux philosophe avait exprimé ses sentiments de dévotion ; et, de plus, quelques écrits de mathématique et d’astronomie, dans lesquels il commente surtout Euclide et Ptolémée. Enfin, on lui attribue, avec quelque doute, un commentaire sur les Travaux d’Hésiode, dont nous avons un extrait[1026], et une Chrestomathie (Χρηστομάθεια γραμματιϰή (Chrêstomatheia grammatikê)), mentionnée plus haut[1027]. Parmi les ouvrages perdus, citons les traités Sur la théologie d’Orphée, Sur l’accord d’Orphée, d’Homère et de Platon, Sur la mère des dieux (Βίϐλος Μητρῳαϰή (Biblos Mêtrôakê)), et des commentaires sur plusieurs dialogues de Platon.

Nous n’avons pas à étudier ici la philosophie de Proclos. Pour le fond, c’est toujours celle de Plotin et de Porphyre ; mais cette philosophie est, chez lui, plus complètement organisée que chez ses devanciers. Elle apparaît là, pour la première fois, distribuée dans ses cadres et ses compartiments, éclairée dans toutes ses parties, pourvue de tout un appareil de théories et d’explications. « Toute la théologie grecque et barbare, dit Marinos, y compris celle qui s’enveloppe de fictions mythiques, il la pénétra du regard… et la mit en lumière, expliquant tout avec une inspiration divine et ramenant tout à un accord parfait[1028]. » Ce qui est vrai de la théologie, centre et foyer du néoplatonisme, l’est de la doctrine tout entière. Proclos, sans vouloir innover en rien, a tout remanié, tout combiné, tout systématisé. Chez lui, voici par exemple la théorie fondamentale du mode de développement de l’existence qui se fixe en une série de formules précises. La multitude des êtres, depuis l’unité absolue jusqu’à la matière, apparaît distribuée en une immense hiérarchie, dans laquelle chaque substance procède d’une substance supérieure sans lui rien enlever, et se communique à son tour à une substance inferieure sans rien perdre d’elle-même. Par cette immense échelle, la pensée monte à Dieu comme la vie en descend. Tous ces êtres se divisent en triades suivant une loi invariable ; et ces triades se succèdent, du haut en bas, en une série infinie, dont la régularité même atteste la subtilité puissante du dialecticien qui l’a conçue. Comme Platon et comme Plotin, Proclos affirme la providence divine et aussi la liberté humaine ; mais, pour concilier ces croyances, il a des solutions bien plus étudiées que les leurs. L’objet propre de la volonté éclairée d’en haut, c’est, pour lui comme pour ses devanciers, d’élever l’âme jusqu’au monde suprasensible ; mais la méthode pour s’élever ainsi est plus nettement arrêtée et définie chez lui que chez eux ; elle consiste dans l’étude, dans la méditation, dans l’exercice de la vertu, dans la prière, dans les pratiques variées de la dévotion.

Cette philosophie était trop abstraite pour pouvoir atteindre à la beauté vivante. Le mérite littéraire de Proclos est donc médiocre. Visionnaire et dialecticien à la fois, il énonce, avec une précision de mathématicien, des idées qui ne sont que des chiffres ou des signes algébriques sans couleur et sans vie. Les formules s’agencent, se coordonnent, se subdivisent, sans que nous puissions réellement nous y intéresser, puisqu’elles ne sont rien que des créations arbitraires de l’esprit. Effort prodigieux, qui donne l’impression d’un labeur stérile. Il n’y a rien là qui instruise vraiment, rien qui parle ni au cœur ni à l’imagination. C’est une mathématique obscure, et, ce qui est pire, c’est une mathématique bâtie sur le vide.

Proclos, comme l’a dit Zeller, est vraiment un scolastique. Tout son génie s’est appliqué à interpréter des textes sacrés, qu’il acceptait d’avance pour vrais. Par ses interprétations et ses combinaisons, il a parachevé le Néoplatonisme ; mais, en l’achevant, il l’a rendu incapable de vivre. Ainsi cristallisée, la philosophie de Plotin et de Porphyre est devenue inerte. Et c’est dans cet état d’inertie qu’elle a passé des successeurs de Proclos aux théologiens byzantins.


Après Proclos, toutefois, le Néoplatonisme se perpétue encore pendant environ un siècle. Plusieurs de ses derniers représentants se sont fait quelque notoriété à titre de commentateurs.

Hermias, à la fin du ve siècle, enseigna à Alexandrie, où il composa divers ouvrages d’exégèse platonicienne[1029]. Nous avons encore de lui un Commentaire sur le Phèdre, diffus et scolastique, sans profondeur ni originalité[1030]. — Au début du vie siècle, un des fils de cet Hermias, Ammonios, qui lui succéda dans sa chaire d’Alexandrie, se distingua, lui aussi, comme commentateur, mais plus encore comme astronome et mathématicien. Il nous reste de lui des commentaires sur plusieurs traités d’Aristote, où l’on trouve, sous le formalisme de l’école, une science véritable[1031]. Son influence fut grande : les plus célèbres néoplatoniciens du vie siècle, Damaskios, Simplikios, Asclépios, Olympiodore, Théodote, Jean Philoponos se reconnurent pour ses élèves[1032].

À Athènes, dans le même temps, Marinos occupait le scolarchat après Proclos, sans aucun éclat ; un seul écrit de lui nous est parvenu : c’est la Vie de Proclos, intéressante par les faits qu’elle expose, mais sans valeur littéraire[1033].— Isidore, qui lui succéda, paraît avoir été surtout un saint homme et un mystique exalté ; il nous est connu par une biographie, conservée en partie seulement, qui est l’œuvre de Damaskios[1034]. — Hégias[1035], le troisième scolarque d’Athènes après Proclos, n’est pour nous qu’un inconnu, malgré la notice assez ample de Suidas, empruntée à Damaskios.

Passablement déchue sous ces divers maitres, l’école d’Athenes se relève, vers 510 environ, avec Damaskios, successeur d’Hégias, et avec son disciple, Simplikios. — Damaskios, rêveur et mystique autant que l’avait été Jamblique, qu’il admirait entre tous, fut de plus, comme Proclos, un dialecticien[1036]. Il avait écrit divers commentaires sur Aristote, qui sont perdus. Nous possédons encore de lui un traité intitulé Doutes et solutions à propos des premiers principes (Ἀπορίαι ϰαὶ λύσεις περὶ τῶν πρώτων ἀρχῶν (Aporiai kai luseis peri tôn prôtôn archôn)) ; il y aborde, non sans vigueur, la difficulté fondamentale du Néoplatonisme, celle de concilier l’Unité pure, dénuée d’attributs, avec l’existence d’êtres déterminés qui procèdent d’elle ; et s’il ne la résout pas. il fait preuve du moins en cet essai d’une force d’intelligence qui était rare en ce temps[1037]. Nous avons aussi sa Vie d’Isidore, ou du moins l’analyse qu’en a donnée Photius, texte fragmentaire, forme de débris et mélange de gloses, très souvent inintelligible[1038] ; c’était probablement un simple chapitre d’une Histoire de la philosophie (Φιλόσοφος ἱστορία). Damaskios était à la tête de l’école d’Athènes, lorsqu’elle fut fermée en 529 ; il alla ensuite en Perse, puis en revint bientôt ; après quoi, nous le perdons de vue. — Priscien, contemporain et disciple de Damaskios, nous a laissé seulement quelques traces médiocres de son activité philosophique[1039].

Le plus remarquable des philosophes formés par Damaskios fut Simplikios (ou Simplicius), de Cilicie[1040]. Tout ce que nous savons de sa vie, c’est qu’il fut du nombre de ceux, qui, trois ans après la fermeture de l’école, cherchèrent un refuge auprès du roi de Perse. Il semble s’être appliqué surtout à commenter Aristote. Nous possédons encore ses commentaires Sur les Catégories, Sur la Physique, Sur le traité du ciel, Sur le traité de l’âme, et en outre, celui qui se rapporte au Manuel d’Épictète[1041]. Les premiers sont précieux par les renseignements qu’ils contiennent sur les philosophes qui y sont cités. Ils ont de plus une réelle valeur d’exégèse. Le commentaire du Manuel d’Épictète est plus accessible à la majorité des lecteurs. D’une manière générale, l’auteur s’y est proposé d’appuyer les propositions d’Épictète sur la psychologie et la métaphysique néoplatoniciennes ; et, en cela, son livre a quelque chose de scolastique ; car c’est tout un exposé de philosophie traditionnelle, à propos d’un livre purement moral ; mais cet exposé possède une certaine force d’exhortation et d’instruction, qu’il doit à un examen sérieux, simple et sincère des choses en question.

L’édit de Justinien, de 529, mit fin à l’enseignement public de la philosophie néoplatonicienne dans Athènes. L’école fut fermée, ses biens furent confisqués. Mais la doctrine ne s’éteignit pas pour cela. Les philosophes, bien qu’il leur fût interdit de professer leurs idées, semblent être restés réunis encore à Athènes quelque temps. Puis, en 532, l’avènement au trône de Perse de Khosru Nushirvan ou Chosroès, prince instruit et favorable à l’hellénisme, les décida à se rendre auprès de lui. En 535, Chosroès concluait avec Justinien un traité de paix, ou il stipulait que les philosophes ne seraient pas inquiétés pour leurs croyances. Ceux-ci rentrèrent dans l’Empire, mais il semble que les derniers représentants de l’école aient préféré dès lors le séjour d’Alexandrie à celui d’Athènes.

Nous y trouvons encore, dans la fin du vie siècle, un philosophe d’un certain renom, Olympiodore le jeune, qui paraît s’être attaché surtout à commenter Platon[1042]. Nous avons de lui un commentaire sur le Premier Alcibiade, avec une Vie de Platon en manière d’introduction, d’autres commentaires sur le Gorgias, sur le Philèbe ; et, aussi, sur la Météorologie d’Aristote[1043]. On n’y trouve guère d’originalité ni littéraire ni philosophique. — Au delà, le dernier nom à citer est celui de David l’Arménien, disciple d’Olympiodore ; quelques traces de son enseignement ont subsisté dans des scolies sur la logique d’Aristote. — Antérieur peut-être à David, mais postérieur à Damaskios, Hérennios, dont nous ne savons d’ailleurs rien, nous a laissé un Abrégé de métaphysique (Ἐξήγησις εἰς τὰ μεταφυσικά), de médiocre valeur[1044].

L’école néoplatonicienne et avec elle la philosophie hellénique disparaissent ainsi vers la fin du vie siècle. À ce moment, les classes élevées de la société sont entièrement gagnées au christianisme. Une philosophie non chrétienne est devenue impossible dans le monde grec. Ses derniers adeptes ont dû s’éteindre obscurément, sans que l’histoire ait même pris soin de noter leur disparition. Seule, la doctrine survit en se modifiant. Dès le vie siècle, la philosophie de Proclos passe en grande partie dans la théologie byzantine[1045] Jean Philoponos est un disciple d’Ammonios, et commente, au point de vue chrétien, la doctrine néoplatonicienne de Proclos. Cette même doctrine se retrouvera encore au viiie siècle, en partie au moins, chez Jean de Damas, qui la transmettra aux écoles de Byzance. Organisme stérilisé, qui depuis longtemps a perdu toute force vitale en perdant l’indépendance de la pensée.

La philosophie néoplatonicienne, par le tour mystique de ses spéculations, n’était pas faite pour favoriser le développement des sciences positives, et l’esprit du temps, avec sa tendance aux rêveries vaines, compliquée d’une crédulité superstitieuse, était également contraire aux progrès de la connaissance méthodique.

Les mathématiciens toutefois ne semblent pas avoir manqué en ce temps ; mais, après Diophante, nous n’en trouvons aucun qui ait fait preuve d’un génie original. La plupart des néoplatoniciens sont en même temps mathématiciens. Au ve siècle, Théon, le père d’Hypatie, Hypatie elle-même, Proclos, beaucoup d’autres, s’occupent de géométrie, d’astronomie, de mécanique, de calculs divers. Alexandrie continue à être un foyer d’études mathématiques. Mais il ne sort de là ni une grande œuvre, ni une théorie nouvelle. — Au vie siècle, Anthémios, l’architecte célèbre de Sainte-Sophie, applique surtout ses rares facultés à la mécanique[1046]. Il nous reste de lui un fragment Sur quelques machines merveilleuses (Περὶ παραδόξων μεχανημάτων (Peri paradoxôn mechanêmatôn))[1047]. Cela ne touche guère à la littérature et n’a même que peu d’importance dans l’histoire générale de la science. — Au delà du vie siècle, nous ne trouvons plus même de nom à signaler.

Dans les sciences d’observation, la médecine seule garde encore quelque vitalité dans cette dernière période[1048]. Le plus remarquable de ses représentants est un des frères d’Anthémios, Alexandre de Tralles, qui, après avoir exercé la médecine militaire, enseignait à Rome au temps de Justinien (527-565)[1049]. Son Art de guérir (Θεραπευτιϰά (Therapeutika)), en douze livres, atteste non seulement une érudition solide, mais une réelle indépendance de jugement, fondée sur une pratique personnelle[1050]. Les autres ne sont plus guère que des compilateurs, qui abrègent les écrits de leurs devanciers. Citons, parmi eux, d’abord Aétios, contemporain d’Alexandre de Tralles, et auteur d’un Cours de médecine (Ἰατρικά), en seize livres, dont Photius nous donne une analyse détaillée (cod. 221)[1051] ; puis Paul d’Égine, le dernier des médecins grecs, qui paraît avoir exercé son art à Alexandrie au viie siècle. Sa Chirurgie a continué à être étudiée comme un témoignage des connaissances et des méthodes des anciens[1052]. Après lui, la médecine, comme toute science, prend fin dans le monde grec.

VIII

Sur les confins du néoplatonisme et du christianisme, se place, au début du ve siècle, un personnage secondaire, mais intéressant, en qui se révèle assez bien un des aspects de la société de ce temps. C’est Synésios, de Cyrène, d’abord païen, orateur et philosophe, puis chrétien et même évêque ; homme remarquable, bien qu’il n’ait été supérieur en rien, et digne d’attirer l’attention par son talent, ses qualités morales, et les circonstances mêmes de sa vie. Son œuvre formera pour nous comme une transition naturelle entre la littérature païenne et la littérature chrétienne de ces derniers siècles.

Né vers l’an 370, à Cyrène, Synésios était issu d’une des meilleures familles de la Pentapole[1053]. Il fut élevé dans le paganisme. Sa première éducation achevée, il fréquenta les écoles supérieures d’Alexandrie ; il dut y suivre, entre 390 et 395 environ, les leçons d’Hypatie, qui semble avoir exercé une influence décisive sur la formation de son esprit. Sa correspondance témoigne de la reconnaissance affectueuse qu’il garda toujours pour elle. Elle l’initia sans doute aux mathématiques pures et appliquées, mais surtout à la philosophie platonicienne. Jeune encore, il fut chargé par sa ville natale, en 397, d’une mission auprès de l’empereur Aracadius. Pour s’en acquitter, il dut se rendre à Constantinople, où il paraît avoir séjourné jusque vers 400. Lui-même, dans son Hymne III, nous a laissé le vif témoignage de ce qu’il eut à y souffrir : sa nature, portée à l’étude, répugnait aux démarches, aux intrigues, aux négociations : les difficultés le décourageaient ; soufrant, désespéré, il priait tous les dieux de Constantinople et de Chalcédoine de lui venir en aide ; enfin, il réussit[1054]. Dans les années qui suivirent, il eut l’occasion de visiter Athènes, où il ne trouva de grand que le souvenir du passé ; les maîtres d’alors, un Plutarque, un Syrianos, lui parurent fort au-dessous de ceux d’Alexandrie : « Athènes, écrivait-il, était autrefois le domicile de la sagesse ; aujourd’hui ce sont les fabricants de miel qui font sa gloire[1055]. »

Il revint donc à Cyrène, s’y maria, et y vécut quelques années en grand propriétaire rural, administrant ses domaines, chassant, s’occupant de sa famille, et donnant tout le temps qui lui restait aux lettres et à la philosophie. Le goût de la retraite était dominant en lui, mais ne l’empêchait pas de s’occuper des affaires de la ville et de sa province. La Pentapole avait à souffrir des irruptions des bandes barbares du voisinage et aussi des caprices d’une administration despotique. Synésios organise la résistance aux brigands et usa de son influence en faveur du bien public. Il n’était pas encore chrétien, mais il inclinait de plus en plus au christianisme, sans doute sous l’influence de sa femme, et en cédant d’ailleurs à un mouvement général de l’opinion. En 409, l’évêché de Ptolémaïs étant devenu vacant, la voix publique le désigna pour ce poste, qui devait faire de lui le Métropolitain de la Pentapole. Il n’est pas certain qu’il eût encore reçu le baptême. Mais l’opinion distinguait mal entre le néoplatonicien mystique, sévère pour lui-même, secourable à tous, et le chrétien de profession. On voulait un évêque qui eût une grande situation sociale, une vertu et un talent reconnus, qui sût agir et parler : Synésios était l’homme nécessaire. Il le sentit lui-même et se résigna par dévouement, non sans scrupule. Le choix définitif dépendait du patriarche d’Alexandrie, Théophile. Nous avons la lettre que Synésios écrivit alors à son frère Énoptios, chargé, sans doute, de le représenter à Alexandria dans cette négociation. Il y fait très loyalement ses réserves, tant sur la doctrine que sur la discipline : il ne veut ni renoncer à ce qui lui parait vrai, ni rompre son mariage[1056]. Nous ne savons pas au juste comment ces difficultés furent résolues. Toujours est-il que Synésios devint évêque[1057].

Son épiscopat semble avoir été court, mais rement actif. Les misères de la Pentapole continuaient. Il fallait repousser les brigands, contenir les officiers impériaux, apaiser les dissentiments et les conflits de juridiction ecclésiastique. Synésios semble y avoir réussi, autant que cela était possible, à la fois par la fermeté et par la générosité. Nous lisons encore l’excommunication prononcée par lui en 408 contre le préfet de la Pentapole, Andronicos, et la lettre circulaire par laquelle il la communiquait aux autres évêques de la province[1058]. Mais nous avons aussi une autre lettre au patriarche Théophile, où Synésios intervient pour ce même Andronicos disgracié et humilié[1059]. On ignore la date de la mort de Synésios ; il est à croire qu’il ne vécut guère au delà de 413, car rien dans ses lettres ne paraît se rapporter à une date ultérieure. En mourant jeune, il échappa à la douleur d’apprendre la fin sanglante d’Hypatie en 415.

Ce qui subsiste de ses œuvres se compose de discours, de lettres et d’hymnes[1060]. Synésios s’y montre homme d’esprit et de sens, doué d’une imagination agréable et d’un certain charme naturel, qualités un peu gâtées par le goût du temps et aussi par sa tendance aux spéculations nuageuses. Il n’aime guère la sophistique, bien qu’il en subisse malgré lui l’influence. Il plaît surtout par les qualités de son âme, par sa droiture, sa sincérité, sa générosité, son courage, et aussi par une finesse naturelle qui donne à ses jugements quelque chose de piquant. Dans les discours soutenus, il a de la dignité, de l’autorité, un ton grave, bien qu’il recherche trop la couleur poétique ; dans le genre familier, son élégance, un peu apprêtée, n’est ni sans grâce ni sans force.

Parmi les écrits de la première période de sa vie, il faut citer la harangue Sur la royauté, prononcée par Synésios devant Arcadius en 399, lors de son ambassade à Constantinople : œuvre pleine d’une noble franchise. — L’Éloge de la calvitie (Φαλαϰρὶας ἐγϰώμιον (Phalakrias egkômion)) est une composition sophistique, d’ailleurs spirituelle, où l’auteur s’amuse à plaider contre l’Éloge de la chevelure de Dion de Pruse. — Les Récits égyptiens ou De la Providence (Αἰγύπτιοι λόγοι ἤ περὶ προνοίας (Aiguptioi logoi ê peri pronoias)) paraissent avoir été composés à Constantinople ; Synésios feint d’y raconter la lutte d’Osiris et de Typhon, mais un avant-propos (Προθεωρία (Protheôria)) nous apprend qu’il s’agit du préfet Aurélius et de ses relations avec son frère[1061]. — Le traité Sur les songes (Περὶ ἐνυπνίων (Peri enupniôn)), peu important par lui-même, n’a guère d’autre valeur que de fournir un document de plus sur les superstitions néoplatoniciennes. — Au même temps enfin appartient l’écrit Sur le don de l’astrolabe, adressé à un certain Péonios de Constantinople.

La causerie intitulée Dion, qui fut écrite par Synésios peu après son mariage, vers 405, représente à elle seule la période de sa maturité antérieure à sa conversion. Il y démontre avec agrément et justesse l’utilité d’une philosophie moyenne, qui puisse servir de transition entre la vie mondaine et la sagesse supérieure ; cette philosophie, l’auteur la trouve chez Dion, sur lequel il nous donne en passant des renseignements intéressants ; mais Dion n’est réellement que le prétexte de son développement, qui a pour sujet une question d’éducation et de discipline morale.

À la période de l’épiscopat de Synésios se rapportent deux homélies incomplètes et deux Discours (Καταστάσεις (Katastaseis)). Le premier, vraiment remarquable, a trait à l’irruption des barbares Macètes dans la Pentapole en 411. Le second, un peu antérieur par la date, est un éloge d’Anysios, préfet de la province de 405 à 407.

Mais au dessus de tous ces écrits, il faut placer la correspondance, qui contient 159 lettres, écrites entre 399 et 413 environ[1062]. À la différence des lettres sophistiques dont nous avons eu à parler plus haut, celles-ci sont éminemment instructives, car elles sont pleines de faits, de jugements sur les personnes, de discussions sur les choses du jour, de récits, de confidences. Pour les historiens, c’est le principal document sur la Pentapole dans cette période de l’empire. Il est regrettable seulement qu’elles nous soient parvenues sans classement chronologique ; mais, assez souvent, les choses s’y classent d’elles-mêmes. Nous y voyons tantôt le voyageur, tantôt l’homme énergique préoccupé du salut de son pays, tantôt le méditatif studieux, tantôt l’évêque. Ses frères, ses condisciples, ses maîtres, ses amis figurent tour à tour dans cette sorte de galerie. Et dans ces lettres si instructives, il y a de la grâce, de l’enjouement, de la malice, quelquefois de l’éloquence.

En même temps que prosateur, Synésios voulut être poète. Il nous reste, comme échantillon de son talent poétique, dix hymnes, qui appartiennent à diverses périodes de sa vie[1063]. Ces hymnes sont en dialecte dorien et en mètres anacréontiques ou logaédiques ; peut-être ont-ils été composés pour être chantés. Dans les uns, l’auteur, encore païen, s’épanche en effusions mystiques et en rêveries de métaphysique néoplatonicienne ; dans les autres, devenu chrétien, il change de dogmes, sans changer de ton. Au reste, chrétienne ou païenne, toute cette poésie est médiocre. Elle est prolixe, surchargée de formules et de redites, et, malgré certains traits de sentiment ou d’imagination, elle n’arrive jamais à créer l’expression dont elle a besoin. Les autres écrits de Synésios suffisaient à prouver qu’il y avait en lui certaines facultés poétiques ; mais le poète, au sens complet du mot, ne se montre pas plus dans ses hymnes qu’ailleurs.

IX
Nous avons dit déjà quelles causes avaient préparé la décadence littéraire du christianisme grec, jusque dans son essor du ive siècle. Il s’agit maintenant d’en montrer les effets dans chacun des principaux genres que le ive siècle avait vus fleurir.

L’historiographie ecclésiastique était née avec Eusèbe, dont nous avons apprécié l’initiative dans le précédent chapitre. Sans être ni un historien philosophe ni un grand critique, celui-ci, grâce à une idée juste et à une remarquable puissance de travail, avait ébauché, dans un genre ancien, une spécialité nouvelle, dont il avait au moins laisse entrevoir l’intérêt. Apres lui, cette spécialité ne demandait qu’à être cultivée pour grandir. Par malheur, elle était venue au monde trop tard ; le développement qu’elle attendait lui manqua.

Négligée, à ce qu’il semble, dans toute la seconde moitié du ive siècle, l’histoire ecclésiastique ne reprend faveur qu’au ve siècle. Il se trouve alors tout un groupe d’écrivains qui procèdent d’Eusèbe, et qui entreprennent de continuer son œuvre. Tous traitent à peu près le même sujet ; ils racontent l’histoire de l’Église sous Constantin et ses fils, sous Julien, Jovien, Valentinien, sous Théodose et ses fils, et ils la conduisent en général jusque vers le tiers du ve siècle. Ce qu’ils retracent, c’est donc l’établissement définitif du christianisme, sa victoire, et aussi la lutte de l’arianisme et de l’orthodoxie. Sujet bien fait assurément pour les inspirer, puisqu’il leur donnait à mettre en scène de grands événements, des conflits d’idées et de passions, des spectacles dramatiques, des hommes supérieurs, et qu’il leur fournissait encore le moyen de rassembler tous ces éléments d’intérêt dans une unité simple et naturelle. Mais c’est justement la beauté du sujet qui révèle leur insuffisance.

Entre leurs mains, l’œuvre ébauchée par Eusèbe ne fait pas de progrès. Narrateurs estimables, honnêtes, assez bien informés, écrivains médiocres, ils ne sont pas plus philosophes que lui. Les grandes choses leur échappent. Ils ne voient ni les causes profondes ni les conséquences lointaines. Ce sont des prêtres, des avocats, quelquefois des moines, jamais des hommes d’État. Tout se réduit pour eux à une série de détails, à des questions de dogme ou de discipline, à des faits sans portée, à la prédominance de certains hommes ou de certains partis. Leur avantage sur les historiens profanes du même temps, c’est qu’ils sont moins rhéteurs et surtout qu’ils traitent un sujet où il y a plus d’idées en jeu. Mais, en général, ils ne leur sont pas supérieurs par le jugement. Dans cette médiocrité, ils se ressemblent tous ; et c’est une raison de plus pour ne pas nous arrêter ici à chacun d’eux en particulier. Apres les avoir présentés en groupe, il suffira de signaler brièvement quelques noms et quelques œuvres.

Nous pouvons passer sur Philippe de Sidé et son Histoire du christianisme (publiée vers 430), sur Hésychios de Jérusalem, Timothée de Bérytos, Sabinos d’Héraclée, auteurs d’histoires ecclésiastiques ou d’ouvrages sur les conciles. Nous pouvons passer même sur Philostorge de Cappadoce, dont l’Histoire de l’Église, s’étendant depuis l’apparition d’Arius jusqu’à 423, avait principalement pour objet, suivant Photius, la glorification de l’arianisme. Tous ces auteurs ne nous sont plus connus que par des fragments, des extraits et des témoignages[1064]. Les seuls noms qui aient pour nous quelque importance au ve siècle sont ceux de Socrate, de Sozomène et de Théodoret[1065].

Socrate, le plus ancien des trois probablement, était un avocat de Constantinople, qui, vers le milieu du ve siècle, reprit le récit d’Eusèbe au point où il l’avait laissé et le conduisit jusqu’à son temps. La période qu’il embrasse ainsi dans son Histoire ecclésiastique en sept livres, va de 305 à 439. On loue avec raison son information, puisée dans les écrits, lettres ou souvenirs laissés par les personnages du temps, son esprit modéré, sa manière d’écrire simple et saine, quoique un peu sèche et monotone. Son ouvrage, intéressant par les faits qu’il retrace, se laisse lire sans effort ; mais il s’en faut de beaucoup que ce ne soit une grande œuvre[1066].

Sozomène, de Salamine, un peu plus jeune que Socrate, fut, comme lui, avocat à Constantinople et traita à peu près le même sujet que lui dans son Histoire ecclésiastique, en neuf livres. La période qu’il embrasse est pourtant un peu plus courte (de 324 à 425). Inférieur à Socrate, Sozomène l’a quelquefois suivi de fort près, quelquefois même transcrit, et quelquefois aussi redressé[1067].

Théodoret, évêque de Kyros en Syrie, est surtout un théologien, et nous parlerons bientôt de lui avec plus de détail. Mais il est aussi l’auteur d’une Histoire ecclésiastique, en cinq livres, composée vers 450. Bien qu’il y traite à peu près les mêmes faits que Socrate et Sozomène (de 323 à 428 environ), il semble indépendant de l’un et de l’autre. On y retrouve les qualités essentielles de son esprit ferme et sain, mais non une conception supérieure de l’histoire. Son récit n’en est pas moins d’une grande importance, comme témoignage et comme explication.

Ces trois noms constituent en somme un groupe assez imposant encore, dans l’historiographie chrétienne du ve siècle. Au vie siècle, le déclin est déjà bien plus sensible. Et ce n’est peut-être pas seulement parce que la culture générale s’abaisse, c’est aussi parce que les plus beaux sujets sont épuisés. L’histoire de l’Église, après 450, est loin d’offrir le même intérêt que dans la période antérieure. L’Arianisme avait été un grand mouvement, non seulement religieux, mais politique. Le Monophysitisme, le Nestorianisme ne sont plus que des disputes de théologiens.

Nommons seulement Eustathe d’Épiphanie en Syrie, auteur d’une chronique perdue qui allait jusqu’à 502 ; Théodose, dit le Lecteur (Ἀναγνώστης (Anagnôstês)), qui vers 530, continua, dans un récit en deux livres, l’histoire de Socrate, de Sozomène et de Théodoret jusqu’à l’année 527 ; Zacharie, le Rhéteur ou l’Avocat, plus tard évêque de Mitylène, en 536, qui conduisit un récit analogue de 450 environ jusqu’à 518 ; il ne subsiste de leurs œuvres que des fragments ou des traductions[1068]. — Le seul historien marquant de ce temps est Évagrios[1069]. Né à Épiphanie de Syrie vers 536, avocat à Antioche, questeur sous Tibère II (578-582), mêlé aux affaires religieuses comme conseiller du patriarche Grégoire d’Antioche au temps du concile de Constantinople de 588, préfet honoraire sous l’empereur Maurice (582-620), il mourut à Antioche vers la fin du VIe siècle. Cette vie active lui permit de mieux connaître les hommes et la politique. Comme historien, il a mis à profit cette expérience. S’étant proposé, selon ce qu’il déclare dans sa préface, de continuer, lui aussi, Socrate, Sozomène et Théodoret, il écrivit une Histoire ecclésiastique en six livres, qui va de 431 à 594. Bien informé et sincère, Évagrios, sans modifier d’ailleurs la méthode de ses prédécesseurs, se montre supérieur à eux par la valeur, tant historique que littéraire, de son récit. D’autres ouvrages d’histoire qu’il avait composés ne sont pas venus jusqu’à nous[1070].

Avec Évagrios finit, à proprement parler, l’historiographie grecque ecclésiastique. C’est le temps, comme nous l’avons vu, où finissait aussi l’historiographie grecque profane. D’un côté comme de l’autre, nous aboutissons aux rédacteurs de chronologies, à Jean d’Antioche, à Jean Malalas, nommés plus haut, et, au-delà encore, à la littérature historique des moines byzantins. Il n’y a plus assez de culture d’esprit, plus assez de force de pensée dans le monde grec, pour qu’il s’y rencontre ni des écrivains capables de constituer un récit solide, ni des lecteurs capables de s’y intéresser.

X

Le même affaiblissement progressif se manifeste dans l’éloquence religieuse et dans l’exégèse. Le ve siècle a encore en ce genre d’assez grands noms, mais il en a peu ; comparé au siècle précédent, son infériorité est éclatante. Le vie siècle et les suivants s’enfoncent dans l’obscurité.

Au ive siècle, l’éloquence religieuse avait été brusquement comme soulevée de terre et portée très haut par les causes qui ont été signalées ci-dessus. Au ve siècle, elle profite encore de la force acquise, mais elle n’a plus le même élan. Les grands évêques du ive siècle, quel que fut l’emploi qu’ils fissent de leur talent, apologétique, discussions théologiques, homélie morale ou exégèse, créaient vraiment des genres nouveaux, ou portaient les anciens à leur perfection. Au ve siècle, les mieux doués ne font plus que continuer des traditions, que suivre des exemples ; ils n’ont plus et ne peuvent plus avoir ni le même essor ni la même originalité créatrice. D’ailleurs, la situation est moins favorable littérairement. Le paganisme n’a presque plus d’existence sociale, plus de force de résistance ouverte. Les discussions se resserrent entre orthodoxes et hérétiques. De plus, elles perdent en importance réelle, bien qu’elles excitent toujours les mêmes passions. La tendance rationaliste qui perçait encore sous l’Arianisme est définitivement vaincue. Il ne s’agit, dans le Nestorianisme ou l’Eutychianisme, que de vues théologiques particulières, qui, acceptées ou rejetées, ne peuvent changer le caractère essentiel de la croyance. L’enseignement même de la morale chrétienne n’a plus les mêmes stimulants ; car le christianisme élimine peu à peu de la vie sociale l’élément païen, de telle sorte que la contradiction latente diminue chaque jour. Enfin, les thèmes d’enseignement moral sont constitués, comme aussi ceux de la dévotion. On n’a donc plus les mêmes efforts à faire, et, comme il arrive en pareil cas, dès que l’intelligence cesse de créer, elle s’affaiblit, en raison de ses ressources mêmes.

Deux noms seulement sortent du commun au ve siècle, dans l’éloquence, la polémique, ou l’exégèse religieuses ; ce sont ceux de Théodoret et de Cyrille d’Alexandrie. Montrons brièvement ce qui fait leur supériorité ; nous grouperons ensuite auteur d’eux tous ceux qui n’ont qu’une importance secondaire.


Cyrille naquit probablement à Alexandrie vers 380[1071]. Nous ne savons rien de précis sur sa famille ni sur sa jeunesse. En 404, nous le trouvons, en qualité de diacre, aux côtés de son oncle, le patriarche Théophile d’Alexandrie, qu’il accompagne à Constantinople : il l’assiste au conciliabule du Chêne, qui dépose Jean Chrysostome. À la mort de Théophile, en 412, Cyrille lui succède comme patriarche d’Alexandrie, après une élection qui semble avoir été violente. Socrate le représente comme dur et autoritaire ; il l’accuse d’avoir trempé dans l’assassinat d’Hypatie en 415. Nous ne sommes plus en mesure ni de vérifier ses assertions, ni de les réfuter. La dureté de Théophile à l’égard de Chrysostome laisse au moins planer sur Cyrille, associé à lui, un soupçon d’intolérance. Il ne consentit 1ui—même qu’en 417 à recevoir le nom de l’illustre banni dans les diptyques de son église.

Dans les quinze ou seize premières années de son patriarcat, il paraît surtout occupé à combattre les Novatiens, les Juifs et les Ariens. Puis, en 429, éclate la grande dispute théologique du Nestorianisme. Nestorios, patriarche de Constantinople, développant les enseignements de Diodore de Tarse et de Théodore de Mopsueste, affirme qu’il y a en Jésus-Christ deux personnes distinctes, l’une divine, l’autre humaine. Une partie des évêques d’Orient, notamment Théodoret et Jean d’Antioche, se rallient à son opinion. Cyrille se fait le défenseur ardent du sentiment contraire. Nestorios est condamné au concile de Rome, en 430, et Cyrille reçoit du pape Célestin mission de représenter l’orthodoxie au concile d’Éphèse, en 431. Il y porte douze anathèmes, où il a formulé la doctrine à condamner, et il les y fait sanctionner, malgré l’opposition des amis de Nestorios. Ceux-ci résistent encore. Cyrille tantôt les presse d’arguments, tantôt négocie avec eux. En 433, il leur fait signer une formule d’union qui met fin officiellement au schisme. Malgré cela, il continue à combattre ce qui peut subsister de résistance avouée ou inavouée, consciente ou inconsciente. Son rôle en face du Nestorianisme est fort analogue à celui qu’Athanase avait tenu au siècle précèdent en face de l’Arianisme ; avec cette grande différence, toutefois, que Cyrille, appuyé par l’autorité impériale, n’a point d’exils à redouter, point de persécutions à subir. Tout entier à sa tâche, il la poursuit pendant dix ans encore après la réconciliation de 433, et meurt en 444, ayant occupé le siège épiscopal d’Alexandrie pendant trente-deux ans.

Ses écrits très nombreux, bien qu’aujourd’hui incomplets[1072], peuvent se répartir en trois groupes, selon la nature des sujets qu’ils traitent ; l’apologie générale de la religion chrétienne ; 2° discussion des opinions hétérodoxes, en particulier du Nestorianisme ; 3° exégèse, prédication et correspondance.

Le premier groupe est représenté pour nous par la Défense du Christianisme contre Julien, que nous avons eu déjà l’occasion de mentionner. Cette défense comprenait trente livres, dix pour chacun de ceux qu’il réfutait. Nous n’avons plus que les dix premiers, correspondant à un seul livre de Julien. C’est une œuvre d’argumentation serrée, savante, toujours ingénieuse, alors même qu’elle élude l’attaque, et loyale en ce sens qu’elle n’affaiblit pas les objections pour en triompher. Son plus grand tort logique est de recourir sans scrupule à l’explication par l’allégorie et de ne vouloir rien concéder a l’adversaire ; son tort moral est de l’injurier.

Le second groupe, comprenant tous les écrits contre les Ariens et surtout contre les Nestoriens, est de beaucoup le plus important. Nous ne pouvons les énumérer ici complètement. Mentionnons seulement les plus connus : les deux grands ouvrages Sur la Trinité, qui visent surtout les Ariens ; les trois Adresses sur la vraie foi, dédiées à Théodose II, à ses sœurs et à sa femme ; la Réfutation de Nestorios, en cinq livres ; l’Apologie des douze propositions ; le traité Sur l’Incarnation du Verbe divin ; écrits dirigés contre le Nestorianisme[1073]. Cyrille s’y montre dialecticien tenace, abondant, doué d’une force logique incontestable, sachant découvrir et dépister tout ce qui peut servir l’opinion adverse, habile à se servir des textes, à en dégager le sens selon ses vues, à l’imposer, tant par le raisonnement que par l’autorité de la conviction. Il a de la force et aussi de la souplesse. Il est habile, tout en étant pressant et inflexible sur les opinions essentielles.

Le dernier groupe est le moins bien conservé. Il comprend un certain nombre d’Homélies, des Commentaires fragmentaires sur diverses parties de l’Ancien et du Nouveau Testament, enfin un recueil de 88 lettres[1074]. Les qualités de l’esprit de Cyrille s’y retrouvent naturellement ; mais son originalité n’est pas là.

L’influence exercée par Cyrille est la meilleure preuve de son génie. Dans les questions de dogme soulevées au ve siècle, c’est lui qui a fait prévaloir ses définitions. Il a trouvé les formulas qui ont été acceptées par les conciles et qui sont devenues celles de l’orthodoxie. Son rôle dans l’histoire du christianisme est donc très grand. On n’impose pas ainsi ses opinions aux hommes sans les dominer par quelques hautes qualités. Les siennes étaient la netteté de l’esprit, la logique, la force de la volonté, la conviction. Personne au ve siècle n’est plus près que lui des grands évêques du ive, d’Athanase surtout ; et toutefois on ne peut dire qu’il soit tout à fait leur égal. Comme homme d’action, il n’a pas eu à déployer toutes les qualités exceptionnelles d’Athanase. Comme orateur, il n’a ni la gravité noble et douce de Basile, ni la grâce brillante de Grégoire de Nazianze, ni l’éloquence pleine, animée, tantôt touchante, tantôt mordante, de Chrysostome. Il est plus homme d’école ; il n’a ni le même naturel ni le même instinct de la beauté. Son style a de la force et s’éclaire assez fréquemment d’images justes et frappantes ; mais il est abstrait, artificiel, chargé d’expressions techniques ; chose curieuse, il rappelle celui d’Origène et de Clément, autant ou plus que celui de ses devanciers immédiats.

Théodoret, avec d’autres qualités d’esprit, est loin d’avoir, dans l’histoire religieuse du temps, la même importance que Cyrille[1075]. Il n’a attaché son nom à l’établissement d’aucun dogme, il n’a remporté aucune victoire d’opinion ; il est seulement le dernier des grands docteurs de l’Église d’Orient.

Né vers 386 à Antioche, Théodoret put entendre encore, dans son enfance, la parole de Chrysostome et celle de Théodore de Mopsueste. Mais il est impossible qu’il ait été leur disciple au sens propre du mot, comme on l’a dit, puisque Chrysostome s’éloigna définitivement d’Antioche au début de l’année 398, et que Théodore de Mopsueste, à partir de 392, ne semble guère avoir quitté son diocèse de Cilicie. Théodoret s’instruisit dans le cloître. En 423, il fut nommé évêque de Kyrrhos, dans la Syrie du Nord, et il y resta jusqu’à sa mort qui eut lieu vers 458. Cet épiscopat de trente-cinq ans aurait été paisible sans les disputes soulevées par les opinions de Nestorios. Théodoret était le condisciple et l’ami de Nestorios, d’ailleurs, le tour de son esprit devait le porter plutôt vers l’opinion qui demandait en somme le moins de sacrifices à la raison. Il prit donc parti, avec Jean d’Antioche et un certain nombre d’évêques d’Orient, contre Cyrille, dont il fut le principal adversaire avant le concile d’Éphèse de 431, et même après, car il refusa de souscrire à la formule d’union de 433, et ne consentit enfin à condamner officiellement Nestorios qu’au concile de Chalcédoine en 451. Depuis quelques années déjà, il était alors en lutte avec les partisans d’Eutychès, et il avait été déposé en 449 par les évêques monophysites réunis à Éphèse ; mais l’empereur Marcien, d’accord avec le pape Léon, le rétablit en 450. En dehors de ces luttes, sa vie paraît avoir été consacrée surtout à l’étude et à ses devoirs d’évêque.

Doué d’une rare puissance de travail, Théodoret écrivit constamment. La plus grande partie de ses ouvrages est venue jusqu’à nous[1076]. On peut les répartir en quatre groupes : 1° les œuvres historiques, comprenant l’Histoire ecclésiastique dont nous avons parlé plus haut, et quelques autres écrits du moindre importance ; 2° les œuvres oratoires, homélies, sermons, panégyriques, dont il reste peu de chose, et les Lettres, au nombre de 48 ; 3° les œuvres apologétiques et exégétiques, ces dernières formant un ensemble considérable de commentaires sur l’Ancien et le Nouveau Testament ; 4° les œuvres de polémique.

Les œuvres oratoires et les œuvres de polémique, quels qu’aient été leur succès et leur influence, sont ce qu’il y a de moins remarquable dans cet ensemble. Photius nous a conservé des fragments de cinq discours à la louange de Chrysostome, qui durent être prononcés en 438, lorsque les restes de l’illustre banni furent ramenés à Constantinople. Le genre du panégyrique convenait peu à l’esprit sobre et mesuré de Théodoret ; ces discours hyperboliques sont d’un homme qui force son talent. Les principales œuvres de polémique sont la Réfutation des anathèmes de Cyrille, les Cinq discours (Πενταλόγιον (Pentalogion)) dirigés contre le même adversaire, et le traité intitulé Le Repas par écot (Ἐρανιστής (Eranistês)), où il combat le Monophysisme d’Eutychès en le rattachant à ses origines. Toutes ces œuvres sont d’une pensée vigoureuse, qui s’appuie sur une connaissance solide des textes. Mais les variations mêmes de Théodoret à propos du Nestorianisme montrent qu’il était plus fait pour la recherche que pour la polémique. Il n’était pas de ceux qui imposent leurs idées, à force de s’y attacher.

Ce qui a fait vivre son nom, ce sont ses écrits historiques, ses écrits apologétiques et ses écrits exégétiques. Nous ne reviendrons pas sur les premières ; d’autant que leurs plus remarquables qualités sont justement celles que nous avons à faire ressortir dans les autres.

Sa grande œuvre apologétique est la Démonstration de la vérité chrétienne d’après la philosophie hellénique (Εὐαγγελιϰῆς ἀληθείας ἐξ ἑλληνιϰῆς φιλοσοφίας ἐπιγνωσις (Euaggelikês alêtheias ex hellênikês filosofias epignôsis), intitulée aussi Ἑλληνιϰῶν θεραπευτιϰὴ παθημάτων (Hellênikôn therapeutikê pathêmatôn), qui comprend douze livres et semble avoir été composée dans les premières années de son épiscopat. L’auteur y compare les vues des écoles grecques et celles du christianisme sur les principales questions de la philosophie. Si l’on en considère le fond, cela n’est pas très original ; l’auteur n’a pas de vues personnelles ; il emprunte largement à ses devanciers, en particulier aux Stromates de Clément d’Alexandrie et à la Préparation évangélique d’Eusèbe. Mais il sait dégager et poser les questions, embrasser des ensembles, composer des développements bien faits. De plus, il écrit clairement et sobrement, non sans un certain agrément. On peut en rapprocher les dix Discours sur la Providence, composés vers 432, qui forment comme un traité en dix chapitres sur un des points essentiels de la philosophie religieuse. Dans ces deux séries d’œuvres, Théodoret procède de l’hellénisme qu’il combat ; il y tient, quoi qu’il fasse, par ses idées, par sa méthode, par son talent même d’exposition.

Son œuvre d’exégète est bien plus considérable ; elle est aussi, par sa nature même, plus spéciale ; mais elle présente les mêmes caractères. Photius, qui cite quelques-uns des commentaires de Théodoret sur diverses parties de l’Écriture, les met au-dessus de tous les autres[1077]. Il en loue la solidité, la pénétration, et en même temps la clarté, l’ordre, la sobriété, la forme simple, élégante sans affectation, éminemment appropriée à l’exégèse. Ces éloges ne semblent pas immérités. Théodoret a hérité des meilleures habitudes de l’école d’Antioche. Il tient d’elle la prudence, le goût des explications solides, le mépris des fantaisies allégoriques. C’est son mérite ; mais ce mérite renferme en lui-même sa restriction : Théodoret n’est créateur en rien. Il clôt dignement une très estimable tradition, mais il n’apportait aucun germe d’où pût naître quelque chose de nouveau. On n’est pas surpris qu’après lui il n’y ait plus rien, ou peu s’en faut.

XI
Si l’on met à part ces deux hommes remarquables, les divers genres où ils ont brillé ne comptent à partir du ve siècle que des noms peu connus.

L’éloquence religieuse est représentée surtout dans la première moitié de ce siècle par Acakios de Beroë et Severianos de Gabala, dont il nous reste quelques discours ; un peu plus tard, par Proclos, Théodotos d’Ancyre, Eusèbe d’Alexandrie, un des successeurs de Cyrille ; puis, vers la fin du ve siècle, elle disparaît pour nous. L’apologétique et la théologie, en tant qu’elles touchent à la littérature, ont à peu près le même sort. On cite, au début du ve siècle, Macarios de Magnésie, qui compose, vers 410, une grande œuvre d’apologie, publiée très incomplètement en 1876[1078] ; Némésios d’Émèse, du même temps, auteur d’un traité philosophique Sur la nature de l’homme, où se marque fortement l’influence du néoplatonisme[1079] ; puis au vie siècle, Jean Philoponos, le grammairien d’Alexandrie que nous avons déjà nommé, auteur de plusieurs traités théologiques perdus[1080]. Mais le seul ouvrage de ce genre qui ait exercé une durable influence, c’est la collection des œuvres de théologie mystique du faux Denys l’Aréopagite[1081]. La date en est incertaine ; toutefois, elles ne peuvent être antérieures a la fin du ive siècle, et elles appartiennent plus probablement au ve ou au vie siècle. Ces œuvres n’intéressent guère la littérature ; mais il était impossible de ne pas les mentionner ici, car elles représentent comme la forme chrétienne du néoplatonisme, et elles ont été, parmi les legs de l’antiquité grecque, un des plus appréciés du moyen-âge.

Dans le même ordre d’idées, il faut signaler d’un mot la littérature mystique qui se développe au ve siècle avec la vie monastique. Les monuments littéraires les plus intéressants qu’elle ait laissés sont : d’une part, l’Histoire des saints ascètes adressée par Palladios à un certain Lausos (Historia Lausiaca, Ἡ πρὸς Λαῦσον ἱστορία (Hê pros Lauson historia)), et composée vers 420 ; d’autre part, les œuvres variées de S. Nil, qui mourut au Mont Sinaï vers 430[1082]. Au reste, ce mysticisme n’ayant pas donné lieu à une véritable création littéraire, nous n’avons pas à y insister autrement.

On ne peut pas dire que la théologie finisse et s’éteigne tout à fait dans le monde grec comme la littérature profane. La vie religieuse demeurant active, elle se perpétue, sans noms bien marquants, à travers les vie, viie et viiie siècles, avec Anastase d’Antioche (vie siècle), Eulogios d’Alexandrie et Maxime le Confesseur (viie siècle). Elle aboutit même, d’une manière inattendue, à un homme remarquable, non seulement par l’étendue de son savoir, mais aussi par la force et la variété de son génie, Jean de Damas (viiie siècle), qui la relève et qui en marque la fin. Son grand ouvrage, la Source de la connaissance (Πηγὴ γνώσεως (Pêgê gnôseôs)), en résumant, au point de vue de l’orthodoxie, le savoir doctrinal et philosophique approprié aux besoins du temps, fait disparaître jusqu’au désir de l’augmenter[1083]. Il marque donc comme le terme extrême où vient expirer l’effort de la pensée grecque.


Ce rapide aperçu des derniers siècles de la littérature grecque chrétienne devrait être complété par quelques indications sur la poésie religieuse, s’il y avait vraiment en ce temps une poésie religieuse qui pût se rattacher à la tradition hellénique. Mais celle qui essaie de garder la forme classique se réduit vraiment à trop peu de chose.

Nous avons parlé plus haut de la paraphrase de l’Évangile de S. Jean par Nonnos au début du ve siècle et des poèmes religieux de Georges de Pisidie (commencement du viie siècle)[1084]. Cela suffit pour caractériser ce genre, et nous n’aurions rien de plus a en dire quand nous jugerions à propos de citer des œuvres intermédiaires, telles que les récits dévots de l’impératrice Eudocie, femme de l’empereur Théodose II (408-450)[1085]. — La vraie poésie religieuse de ce temps est celle des Chanteurs (Μελῳδοί (Melôdoi)), qui commence au vie siècle avec les hymnes de Romanos et se perpétue, non sans éclat, jusqu’aux Canons de Jean de Damas et de son frère Cosmas, au viiie[1086]. Celle-là du moins est naïve et sincère, elle a sa beauté ; mais elle est doublement étrangère a la tradition classique : car, d’une part, elle s’inspire uniquement du pur sentiment chrétien, et d’autre part, elle use de la versification dite « rythmique », fondée sur l’accent tonique et non sur la quantité. Elle a sa place marquée dans une histoire de la littérature chrétienne, mais non dans une histoire générale de la littérature grecque.


Nous voici donc arrivés au terme de cette longue étude qui embrasse une succession ininterrompue d’environ dix-sept siècles. Elle a commencé dans la Grèce primitive, préhistorique, avec les prédécesseurs mal connus d’Homère ; elle vient s’achever dans les cloîtres d’Orient, vers le temps où Héraclius prend parti pour les Monothélites et laisse démembrer son empire par les Arabes.

C’est en effet entre les mains du clergé que tout ce qui reste de littérature est à peu près concentré à partir du viie siècle ; aucune forme de pensée ne subsiste, qui ne soit marquée des préoccupations ecclésiastiques. Par suite, tout le mouvement des esprits est circonscrit dans des disputes d’orthodoxie. Plus de recherche, plus d’essor libre d’imagination, plus de philosophie ni d’éloquence. L’hellénisme a cessé d’exister, et le byzantinisme lui succède.

Mais cet hellénisme, qui disparaît, demeure en réalité comme un des éléments les plus durables et les plus importants du patrimoine moral de l’humanité. Enveloppé d’oubli, ou mal compris et mal apprécié pendant plusieurs siècles, il reparaîtra au temps de la Renaissance avec un éclat admirable ; et il suffira qu’il reparaisse pour que le monde soit transformé. Par lui, le moyen-âge prendra fin tout à coup ; et voici que, dans une société avide de pensées et de connaissances, il jettera, comme une semence féconde, toutes les idées qui constitueront un jour la science et la conscience modernes. Une puissance merveilleuse sortira de lui : puissance de recherche et puissance de création à la fois ; tout un afflux de poésie, de morale, de religion humaine, de beauté ; un rayonnement soudain de vérité, qui éclairera tous les problèmes, ou qui les fera brusquement apparaître ; une force irrésistible, qui secouera les préjugés, qui ébranlera même les institutions sociales, et qui poussera l’homme vers l’avenir. Rien de pareil, si l’on y songe, n’a été vu nulle part. Les autres grands mouvements qui ont agité l’humanité se sont affaiblis peu à peu ou transformés. Mais l’influence de l’hellénisme, une fois restaurée, n’a jamais diminué en réalité ; car les autres influences qui peuvent paraître lui succéder dans le monde moderne procèdent de la sienne et n’en sont que la continuation. Et cela tient à une raison bien simple : c’est que l’hellénisme n’avait été que le développement libre de la nature, en ce qu’elle a de meilleur et de plus nécessaire. En le retrouvant, l’humanité n’a fait que se retrouver elle-même et que renouer sa tradition.


PÉRIODE ALEXANDRINE
Introduction : transformation politique du monde grec ; conséquences littéraires ; les divers centres intellectuels 
 1
I. 
Athènes. Conditions politiques nouvelles ; les genres littéraires, le nouvel esprit attique ; le nouveau dialecte attique 
 3
II. 
Les autres capitales littéraires : Alexandrie ; Pergame. Les centres secondaires (l’Asie-Mineure, la Sicile, les îles, Antioche, Tarse, etc.). Les dialectes poétiques et la ϰοινή 
 10
III. 
Conclusion. Esprit général de cette période littéraire ; qualités et défauts ; ressemblances et différences avec les époques antérieures et postérieures. Méthode a suivre dans l’exposition de cette histoire 
 19
Bibliographie 
 24
Introduction 
 25
I. 
L’Ancienne Académie. Caractère général. Speusippe. Xénocrate. Polémon. Cratès. Crantor 
 26
II. 
Le Lycée. Caractère général. Théophraste. Eudème. Aristoxène. Dicéarque. Straton. Lycon. Ariston de Céos. Critolaos de Phasélis. Hiéronyme de Rhodes. Cléarque de Soles 
 32
III. 
Écoles de Cyrène et de Mégare. École cynique : Ménippe de Gadara 
 45
IV. 
Le stoïcisme. Caractère général. Les fondateurs de l’École : Zénon ; Cléanthe ; Chrysippe. La doctrine stoïcienne. La valeur morale du stoïcisme. Sa valeur littéraire 
 49
V. 
L’Épicurisme. Vie d’Épicure. Ses ouvrages. Méthode et doctrine épicuriennes. Valeur morale de l’Épicurisme. Épicure écrivain. Destinées ultérieures de l’École 
 59
VI. 
Le scepticisme. Pyrrhon. Timon de Phlionte : Les Silles 
 74
VII. 
La moyenne et la nouvelle Académie. Arcésilas. Carnéade 
 76
VIII. 
Conclusion 
 81
Introduction 
 84
I. 
L’éloquence et la rhétorique. Démétrios de Phalère. Démocharès. Charisios. Hégésias de Magnésie. Hermagoras de Temnos 
 85
II. 
L’histoire. A. Mémoires politiques et militaires : Ptolémée ; Pyrrhus ; Aratos de Sicyone ; Annibal. B. Recueils de matériaux : Cratéros ; Démétrios de Scepsis ; etc. C. Chroniques et annales : Eumène de Cardie et Diodote d’Érythrée ; Béton et Diognète : Amyntas ; ouvrages analogues de Sosibios, Ératosthèene, Douris, etc. Les Atthides : Androtiou, Philochoros, Istros. Bérose et Manéthon. D. Biographies politiques : Idoménee de Lampsaque. E. Histoire de la civilisation : Dicéarque. F. Histoire générale : cycle d’Alexandre (Aristobule, Charès, Onésicrite, Callisthène, etc.) ; cycle des diadoques et de Pyrrhus (Cinéas, Proxène, Nymphis, Hiéronyme de Cardie) ; cycle de l’Italie ; cycle de la Grèce et de la Sicile (Diyllos, Democharès, Douris, Phylarque, Timée de Tauroménium) 
 91
III. 
La géographie. Descriptions et voyages : Néarque, Mégasthène, Pythéas, Timosthène, Dicéarque, Agatharchos de Cnide, Polémon, Scymnos. Géographie mathématique : Ératosthène 
 115
IV. 
Histoire des Sciences, Héraclide du Pont, Chaméléon, Ctésibios, Hermippos, Satyros, etc. ; Antigone de Caryste ; Sotion 
 124
V. 
Philologie et grammaire. Zénodote. Callimaque. Eratosthéne. Aristoplxane de Byzance. Aristarque de Samothrace. Cratès de Mallos 
 128
VI. 
Technologie. Musique et rythmique : Aristoxène de Tarente. Mathématique et physique : Euclide, Aristarque de Samos, Archimède, Apollonios de Perga, Héron d’Alexandrie, Philon de Byzance. Médecine : Hérophile, Érasistrate. Histoire naturelle 
 139
VII. 
La littérature semi-romanesque. Hécatée d’Abdére. Évhémére de Messine. Les Lettres apocryphes. Contes Milésiens 
 146
VIII. 
Littérature gréco-judaique. Les Septante. Aristobule. Pseudo-Orphée. Pseudo-Phocylide. Oracles sibyllins 
 151
Bibliographie 
 155
Introduction 
 157
I. 
Les premiers maîtres de l’élégie et de l’épigramme alexandrines. Philétas. Hermésianax. Phanoclès. Alexandre d’Étolie. Asclépiade de Samos. Simmias de Rhodes. Posidippe. Hédylos. Bel-esprit et érudition 
 161
II. 
Les réalistes. Sotadès, Rhinton, etc. Un fragment de mime anonyme ; Hérodas 
 170
III. 
Les grands artistes alexandrins. Théocrite. Léonidas de Tarente 
 180
IV. 
Les poètes académiques. Callimaque. Aratos. Apollonios de Rhodes 
 210
V. 
Un poète bizarre : Lycophron 
 240
VI. 
Les « épigones » et imitateurs. Épopées d’Euphorion de Chalcis, de Rhianos, d’Archias. Poèmes didactiques d’Ératosthène, de Nicandre. Élégies d’Ératosthène. L’Oaristys. Idylles de Bion, de Moschos. Les épigrammes de Dioscoride, d’Alcée de Messène, d’Antipater de Sidon, de Méléagre, de Philodème, d’Archias. La Couronne et les Anthologies. Conclusion 
 243
Bibliographie 
 260
Introduction : grandeur originale de Polybe 
 261
I. 
Biographie 
 262
II. 
Ses œuvres. Plan de son Histoire ; état actuel ; questions critiques et chronologiques 
 266
III. 
Sa conception théorique de l’histoire : l’histoire pragmatique ; les devoirs de l’historien. 
 269
IV. 
Comment il s’est préparé à remplir ces devoirs : 
 272
§ 1. Sa connaissance des choses. Sa connaissance des livres ; sa critique et son impartialité 
 272
§ 2. Sa philosophie historique 
 276
V. 
Méthode d’exposition 
 283
VI. 
Son art d’écrivain. Composition. Dissertations ; narrations ; portraits ; discours. Style 
 286
VII. 
Applications et exemples 
 290
VIII. 
Conclusion 
 294
Introduction 
 296
I. 
Les sciences. Astronomie : Hipparque. Médecine : Héraclide, Asclépiade 
 298
II. 
La grammaire et la philologie. Denys de Thrace. Tyrannion (l’ancien et le jeune). Didyme. Tryphon 
 301
III. 
L’Histoire. Apollodore d’Athènes. Métrodore de Scapsis, Alexandre Polyhistor, Castor de Rhodes 
 303
IV. 
La philosophie. Panaitios. Posidonios. Phedra. Philon de Larissa, Apellicon de Téos, Philodème. Énésidème 
 307
V. 
La Rhétorique. École de Pergame ; école asiatique nouvelle ; école de Rhodes 
 312

PÉRIODE DE L’EMPIRE
I. 
Nécessité de distinguer d’avance les principales phases de la dernière période de l’hellénisme 
 317
II. 
De César à Domitien ; âge de transition ; les Grecs à Rome 
 318
III. 
La renaissance hellénique, le siècle des Antonins et le iiie siècle. Ce qui manque à la littérature de ce temps. Avénement du christianisme. Pauvreté du iiie siècle 
 320
IV. 
Éclat relatif du ive siècle. L’hellénisme chrétien. Causes de son peu de durée 
 325
V. 
Fin de l’hellénisme 
 328
Bibliographie 
 331
I. 
Disparition des royaumes grecs. Rome, centre du monde ; son influence 
 336
II. 
L’historiographie grecque à Rome : Diodore de Sicile 
 346
III. 
Premiers symptômes de renaissance d’un art littéraire. Grammairiens de Rome et d’Alexandrie au premier siècle de l’empire. Les rhéteurs : Apollodoréens et Théodoréens 
 349
IV. 
Denys d’Halicarnasse. Sa société. Ses écrits de théorie et de critique littéraire. Leur mérite 
 356
V. 
Son Histoire primitive de Rome 
 370
VI. 
Cécilius. L’auteur inconnu du Traité du Sublime 
 374
VII. 
Strabon. Ses Études historiques et sa Géographie. Géographes secondaires : Ménippe de Pergame et Isidore de Charax 
 383
VIII. 
Les historiens de second rang et l’érudition historique ; Nicolas de Damas ; Juba ; Apion ; Pamphila. 
 395
IX. 
La philosophie. Néopythagorisme ; écrits apocryphes, Les Sextius ; Sotion ; Moderatus ; Apollonios de Tyane. Le Tableau de Cébès 
 407
X. 
Le stoïcisme. Cornutus ; Musonius 
 417
XI. 
Littérature gréco-judaique. Philon le juif. Sa vie, ses écrits. Sa méthode et sa doctrine. Son mérite d’écrivain, son influence 
 421
XII. 
L’histoire juive ; son heure sous les Flaviens. Joseph ; sa vie. La Guerre des Juifs ; l’Antiquité juive ; Autobiographie ; Contre Apion. L’historien Justus de Tibériade 
 434
XIII. 
La poésie du premier siècle. Anthologie de Philippe. Poésie dramatique ; Philistion de Pruse. Poésie didactique 
 445
Bibliographie 
 452
I. 
Renaissance de l’hellénisme à la fin du ier siècle 
 455
II. 
Épanouissement de la philosophie morale après Domitien. Épictète ; sa vie et son enseignement. Les Entretiens et le Manuel. Son originalité morale et littéraire 
 457
III. 
Dion Chrysostome. Sa vie. Ses écrits perdus. Recueil de ses Discours ; classement. Sa prédication morale. Son talent 
 466
IV. 
Plutarque. Sa vie et son rôle 
 484
V. 
Ses écrits. Leur nombre et leur groupement. Leurs diverses formes et leurs qualités communes 
 490
VI. 
Fond de la philosophie de Plutarque. Son Platonisme. Autres influences qu’il a subies 
 498
VII. 
Plutarque théologien et apologiste. Sa philosophie religieuse 
 502
VIII. 
Le moraliste. Théorie du bien. Les maladies de l’âme et leurs remèdes. Préceptes sur la famille, l’amitié, la vie publique 
 512
IX. 
Plutarque historien. Les Vies parallèles 
 524
X. 
Autres philosophes. Favorinus 
 538
Bibliographie 
 543
I. 
Importance de la Sophistique. Ses origines 
 547
II. 
Principaux sophistes du second siécle : Nikétés. Scopélien, Isée, Secundus, Lollianos, Polémon ; Hérode ; ses disciples 
 551
III. 
Éducation des sophistes. Débit et mimique. Les Ἐπιδείξεις. Voyages, conférences, public. Diverses sortes de discours. Lettres. Descriptions. Les succès des sophistes et leurs mœurs 
 556
IV. 
Ælius Aristide et Maxime de Tyr 
 572
V. 
Lucien ; sa vie ; ses œuvres 
 583
VI. 
Son rôle, sa vocation satirique. Le moraliste ; l’incrédule ; le critique 
 598
VII. 
Son talent. Esprit et fantaisie. Style 
 605
VIII. 
Ses créations littéraires : le dialogue ; le pamphlet ; le récit fantastique. Conclusion 
 609
IX. 
Alciphron 
 616
X. 
La poésie au second siècle. Oppien ; Babrius ; Straton 
 619
XI. 
La rhétorique. Alexandre, fils de Nouménios, l’Anonyme de Séguier, Théon ; Hermogène et son œuvre 
 628
XII. 
Auxiliaires des rhéteurs. Grammairiens et lexicographes : Apollonios Dyscole et Hérodien ; les Atticistes ; Julius Pollux, Harpocration. Parémiographes : Zénobios. Métriciens : Héphestion. Musicographes 
 634
Bibliographie 
 654
I. 
Vue générale 
 658
II. 
L’histoire. Ses caractères nouveaux. Arrien ; Appien 
 659
III. 
Genres attenants. Pausanias. Polymnos. Apollodore de Damas. Élien le tacticien. Hérennius Philon et Hermippe de Bérytos. Phlégon de Tralles. Ptolémée Chennos. Bibliothèque dite d’Apollodore. Antoninus Liberalis 
 678
IV. 
La philosophie. Albinos, Atticos et Théon. Celse. Nouménios d’Apamée. L’empereur Marc-Aurèle. Sextus Empiricus : Œnomaos 
 691
V. 
Littérature scientifique. Ménélas d’Alexandrie et Théodore de Tripolis. Sérénos d’Antissa et Cléomède. Nicornachos de Gérasa. Artémidore d’Éphèse. Claude Ptolémée. Denys le Périégète et Denys de Byzance 
 704
VI. 
Littérature médicale. Dioscoride. Les sectes dogmatiques, empiriques, méthodiques et sceptiques. Andromachos, Damocratès. Rufus d’Éphèse. Soranos. Xénocrate d’Aphrodisias et Arétæos de Cappadoce. Claude Galien. État de l’hellénisme à la fin du second siècle 
 710
VII. 
Débuts de la littérature grecque chrétienne. Ses caractères propres. Les apologistes : vue générale. Quadratus et Aristide. Justin. Apologistes et docteurs de second rang : Tatien, Athénagoras, Théophile, Ariston, Miltiade, Méliton, Apollinaire, Irénée. Écrits faussement attribués à Justin. Lettre à Diognète. Hermias 
 727
VIII. 
La philosophie chrétienne. Clément d’Alexandrie. Sa vie. Ses œuvres. Originalité de sa pensée. Son dédain de la forme. Le christianisme en face de l’hellénisme à la fin du second siècle 
 745
Bibliographie 
 754
I. 
Vue générale sur la littérature du iiie siècle 
 759
II. 
Les continuateurs de la sophistique. Les Philostrate. Philostrate l’Athénien : Vie d’Apollonias de Tyane, Vies des sophistes, Traité de la gymnastique, Lettres. Philostrate de Lemnos : L’Héroïque, les Tableaux. Philostrate le Jeune, les Tableaux. Callistrate, les Descriptions des statues. Élien, sa vie et ses œuvres ; Sur les animaux ; Histoire variée. Athénée : le Banquet des sophistes 
 761
III. 
La rhétorique. Apsinès. Rhéteurs secondaires. Ménandre. Cassius Longin 
 781
IV. 
Le roman. Ses origines. Antonius Diogène ; Jamblique ; Xénophon d’Éphèse ; l’auteur anonyme d’Apollonius de Tyr ; Héliodore ; Longus 
 785
V. 
La poésie 
 802
VI. 
L’histoire. Dion Cassius. Sa vie et son œuvre. Hérodien. Historiens secondaires : Dexippe. L’histoire de la philosophie : Diogène Laërce 
 806
VII. 
La philosophie. Son état au commencement du iiie siècle. Le néoplatonisme. Plotin ; sa vie ; son œuvre : Les Ennéades. Grands caractères de sa philosophie : spiritualité, amour de Dieu, mysticisme. Puissance et dangers du néoplatonisme. Son influence 
 820
VIII. 
Disciples de Plotin. Porphyre. Sa vie. Son œuvre. Ses principaux écrits de philosophie et de philologie. — Les livres hermétiques 
 831
IX. 
Le Christianisme au iiie siècle. Hippolyte ; les Philosophoumena. Origène ; sa vie et son œuvre. Son enseignement ; l’Origénisme 
 842
X. 
Les écrivains chrétiens secondaires au iiie siècle. École d’Alexandrie ; école d’Antioche. Grégoire le Thaumaturge. Méthode ; le Banquet des dix vierges. Pamphile. Jules Africain. Ce que le iiie siècle a préparé 
 855
Bibliographie 
 860
I. 
Caractères généraux du ive siècle. Dernier éclat de la sophistique païenne. Avénement de l’éloquence chrétienne 
 862
II. 
Les écoles. Sophistes en renom. Himérios, Thémistios, Libanios 
 867
III. 
L’histoire profane. Eunape et Olympiodore 
 884
IV. 
La philosophie. Jamblique et ses successeurs. Les sciences : Oribase, Diophante 
 887
V. 
Julien. Ses écrits. L’historien, le moraliste, le mystique, le pamphlétaire. Sa correspondance 
 893
VI. 
La poésie profane au ive siècle. Quintus de Smyrne. Les Argonautiques orphiques 
 902
VII. 
Littérature chrétienne. Transition entre le iiie siècle et le ive : Eusèbe de Césarée 
 908
VIII. 
L’Arianisme. Arius et les écrivains ariens. Athanase, sa vie et ses écrits ; son génie et son éloquence 
 914
IX. 
Écrivains secondaires. Apollinaire de Laodicée, Macédonios, Didyme l’Aveugle, Cyrille de Jérusalem, Diodore de Tarse, Théodore de Mopsueste, Épiphane 
 924
X. 
Les Cappadociens. Basile ; sa vie et ses écrits ; caractères de son éloquence 
 929
XI. 
Grégoire de Nazianze. Sa vie et ses écrits. Le poète, le théologien et l’orateur. Grégoire de Nysse 
 939
XII. 
Jean Chrysostome. Sa vie 
 951
XIII. 
Classement de ses écrits 
 957
XIV. 
Le moraliste et l’orateur 
 960
Bibliographie 
 969
I. 
Comment se manifeste à partir du ve siècle le déclin de l’hellénisme 
 970
II. 
Grammairiens. Lexicographes : Orion, les Etymologica. Hésychios d’Alexandrie. Scoliastes. Chrestomathies et Florilèges : Stobée. Gnomologes, Parœmiographes 
 972
III. 
La rhétorique. Aphthonios. Syrianos et Sopatros. L’école de Gaza : Chorikios. Suite et fin du roman sophistique : Achille Tatios, Chariton. Genre épistolaire : Aristénète 
 982
IV. 
La poésie. Poésie officielle. Épopée mythologique, Nonnos : les Dionysiaques. Poètes secondaires : Tryphiodore, Kyros, Colouthos, Musée ; fin de l’école de Nonnos 
 994
V. 
Suite de la poésie. L’épigramme : Agathias de Myrina et les poètes de la cour de Justinien. L’Anthologie de Constantin Képhalas et ses destinées. Recueil des poésies dites Anacréontiques. Les Oracles Sibyllins 
 1004
VI. 
L’historiographie profane. Caractères généraux. Zosime ; historiens secondaires du ve siècle. Historiens du vie siècle ; Procope, Agathias, Ménandre. Chronographes. Érudition historique : Jean Laurentius. Les derniers géographes : Marcien, Agathémère, Étienne de Byzance 
 1013
VII. 
La philosophie au début du ve siècle : Hypatie, Olympiodore. L’École d’Athènes : Plutarque, Hieroclès, Syrianos. Proclos ; sa vie : ses écrits ; son rôle et son influence. Le Néoplatonisme après Proclos. Damaskios et Simplicius ; Olympiodore le jeune ; fin de la philosophie hellénique. Mathématiciens et médecins 
 1026
VIII. 
Synésios de Cyrène. Sa vie ; son talent. Ses discours et ses lettres 
 1043
IX. 
Littérature chrétienne. L’historiographie ecclésiastique au ve et au vie siècle. Socrate, Sozomène, Théodoret, Évagrios. Les chronographes 
 1049
X. 
L’éloquence et l’exégèse religieuses. Cyrille d’Alexandrie ; Théodoret 
 1054
XI. 
Décadence de toutes les formes de la littérature grecque chrétienne. Commencements de la poésie rythmique. Le byzantinisme. Conclusion 
 1063
Table des matières 
 1069


INDEX GÉNÉRAL



Les numéros des tomes sont en chiffres romains ; ceux des pages, en chiffres arabes. Les indications mises entre parenthèses se rapportent à la seconde édition.


Abaris, II, 455 (464)
Académie (Voy. Platon). Ancienne Académie, V. 26-32. Moyenne et Nouvelle, 76-81.
Acakios, arien, V, 917, note 1.
Acakios de Béroë, V, 1065.
Achéos d'Érétrie, III, 363 (370).
Achille Tatios, V, 986-987.
Acteurs. Tragiques, III, 82-93 (83-94) ; hiérarchie des rôles, 139-142, (140-143). Comiques, 482-485 (491-495).
Acusilaos, II, 539 (548).
Adon, II, 64.
Adrien de Tyr, V, 556.
Æ —, cf. É —
Ædésios, V, 891.
Ægimios (l’), poème. Voy. Kercops.
Ælinos, II, 16.
Aèdes, I, 407-412 (385-390).
Aétios, arien, V, 917, note 1.
Aétios, médecin, V.
Africanus (Julius), V, 859.
Agatharchos, V, 118.
Agathémère, V, 1024.
Agathias ; poésies, V, 1004 et 1006 ; histoire, 1020-1021.
Agathoclès, II, 360 (369).
Agathodæmon, V, 710, note 1.
Agathon, III, 364-367 (371-375).
Agias de Trézène, I, 443-444 (421-422).
Ai —, cf. Æ — et É —
Akakios, voy. Acakios.
Akestor, dit Sacas, III, 357 (364).
Albinos, V, 691.
Alcée de Lesbos, II, 216-226.
Alcée de Messène, V, 254.
Alcée, poète comique, III, 574 (585).
Alci —, etc., cf. Alki —
Alcman, II, 279-297.
Alcméonide (l’), I, 450.
Alexandre d’Étolie, V, 165.
Alexandre de Milet, dit Polyhistor, V, 306.
Alexandre de Tralles, V, 1042.
Alexandre, fils de Nouménios, V, 629.
Alexandrie, V, 11-14. Voy. École.
Alexandrinisme. Caractères généraux, V, 1-23.
Alexion, V, 351.
Alexis, III, 597 (607)
Alkidamas, IV, 505.
Alkimos, V, 106.
Alkiphron, V, 616-618.
Alphée de Mitylène, V, 448.
Alypios, V, 631.
Amazones (la Guerre des), I, 452 (430).
Amélius Gentilianus, V, 831, et note 2.
Aminias de Tarente, III, 395 (402).
Amipsias, III, 574 (585).
Ammianos, V, 627.
Ammonios, lexicographe, V, 974.
Ammonios, néoplaton., V, 1037.
Ammonios, poète de cour, V, 994.
Amphilytos, II, 438 (447).
Amphis, III, 596 (607).
Amyntas, V, 95.
Anacréon, II, 245-257. Pseudo-Anacréon, 237-263 ; V, 1009-1011.
Anagnostes (Sergios), V, 973.
Ananios (ou Ananias), II, 198.
Anastase d’Antioche, V, 1064.
Anatolios (Vindonius), V, 892.
Anaxagore, II, 527-532 (536-541).
Anaxandride, III, 595 (605).
Anaxilas, III, 596 (607).
Anaximandre, II, 483-485 (494-496).
Anaximène, II, 485-486 (496-497).
Anaximène, historien, V, 105.
Andocide, IV, 421-431.
Andromachos, V, 450.
Andronicos de Rhodes, IV, 688 ; V, 311.
Androtion, orateur, IV, 573.
Androtion, historien, V, 97.
Annibal ; ses écrits grecs, V, 93.
Annubion, V, 450, note 5 ; cf. 805, note 5.
Anonyme de Séguier, V, 630. Lexique, 976.
Anthémios, V, 1042.
Anthippos, II, 65.
Anthologie : de Méléagre, V, 257-258 ; de Philippe, 446-448 ; de Diogénianos, 627 ; de Straton, 627 ; d’Agathias, 1004 ; de Képhalas, 1008 ; de Planude, 1008 ; Palatine, 1009.
Antiatticiste (l’), V, 644.
Antigone de Caryste, V, 126-127.
Antigone, poète de l’Anthologie, V, 466.
Antimaque de Colophon : Sa Lydé, III, 653 (665) ; sa Thébaïde, 663-666 (674-677).
Antioche, V, 14. Voy. École.
Antiochos de Syracuse, II, 554 (563).
Antipater de Hiérapolis, V, 556.
Antipater de Sidon, V, 254-255.
Antipater de Thessalonique, V, 447.
Antiphane, poète comique, III, 593 (603).
Antiphane, poète de l’Anthologie, V, 446.
Antiphile de Byzance, V, 447.
Antiphon, IV, 69-86.
Antisthène, IV, 245-252.
Antoninus Liberalis, V, 690.
Antouius Diogène, V, 788.
Apellicon de Téos, IV, 688 ; V, 310.
Aphareus, III, 375 (322).
Aphthonios, V, 982-983.
Apion, V, 405.
Apocryphes (écrits judéo-grecs), V, 153.
Apollinaire de Hiérapolis, V, 740.
Apollinaire de Laodicée, père et fils, V, 924.
Apollodore d’Athènes, mythogr., V, 304. Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, 689.
Apollodore de Carystos, 621 (632).
Apollodore de Damas, V, 684.
Apollodore d’Érythrée, V, 96.
Apollodore de Pergame, V, 313 ; les Apollodoréens, 355.
Apollodore, lyrique, II, 360 (369).
Apollodore, orateur, IV, 626.
Apollon ; poésie apollinienne, I, 63-71 (60-66).
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  1. Les principaux documents anciens sur le sujet se trouvent dispersés chez les auteurs du temps qui seront cités au fur et à mesure dans ce chapitre, en particulier chez Philostrate, Vies des Sophistes. On peut consulter, aujourd’hui encore, la compilation de Modèle:Lang, Modèle:Lang, etc. (Paris, 1620). Comme études modernes, signalons Modèle:Lang (Leipzig, 1833), § 84 Modèle:Et suiv. ; les commentaires de Modèle:Lang sur les Vies de Philostrate dans son édition de 1838 ; Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg509 ; un bon chapitre d’Modèle:Lang, 1876, (chap. Modèle:Rom-maj) ; les tomes Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj de Modèle:Lang, et l’Introduction du livre de Modèle:Lang sur Dion de Pruse.
  2. Philostrate, Vies des Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 19. C’est presque certainement le même que le Nicétès Sacerdos, dont Pline le Jeune suivit les leçons en même temps que celles de Quintilien (Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 5), et que Tacite mentionne dans le Dialogue des orateurs, Modèle:Ch.Modèle:Rom, 5, composé probablement en 81 (Dialogue des Modèle:Abr, Modèle:Éd. Modèle:Lang, Modèle:Abr, Modèle:PgModèle:Rom). Mais il paraît plus difficile de l’identifier au Nicétès dont Sénèque le père, dans ses Controverses, fait mention comme d’un maître déjà renommé sous Tibère, et dont il cite d’assez nombreux fragments ; car celui-là devait être né dans les premières années de notre ère et il aurait eu par conséquent plus de 90 ans sous Nerva, qui monta sur le trône en 95.
  3. Philostrate, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 21. Suidas, Modèle:Lang. — Sur son ambassade pour les vignes, consulter (outre Philostrate) Suétone, Domitien, Modèle:Ch.Modèle:Rom. Sur les poésies de Nikétès et de Scopélianos, voir plus loin § Modèle:Rom-maj.
  4. Philostrate, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 20. Suidas, Modèle:Lang, fin de l’article, où il est appelé Modèle:Lang. Pline, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 3. Juvénal, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, 3, Modèle:Rom-maj, 74, et la scolie.
  5. Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 23 ; Suidas, Modèle:Lang.
  6. Philostrate, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 23 : Modèle:Lang. Cf. Hertzberg, Modèle:Abr de la Grèce, traduction Bouché-Leclercq, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg361 (note 2) et 413.
  7. Philostrate, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 25 ; Suidas, Modèle:Lang.
  8. On les trouve, joints à divers autres ouvrages, dans plusieurs Modèle:Abr de Florence, de Rome et de Paris, qui semblent tous dériver d’un même archétype. Le Modèle:Lang 56, 1 (Modèle:S) est celui qui s’en rapproche le plus. Ces deux déclamations ont été éditées par Henri Estienne (1567), Prevosteau (Paris, 1586), Possin (Toulouse, 1637), Orelli (Leipzig, 1819). Nous en avons aujourd’hui une édition critique, due à Modèle:Lang (Leipzig, 1873), dans la Modèle:Abr Modèle:Lang. Voir aussi Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1898.
  9. On cite souvent ces discours sous le titre de Oraisons funèbres de Callimaque et de Cynégyre, et le Modèle:Lang 56, 1 les qualifie de Modèle:Lang. Cette désignation est manifestement inexacte. Ce sont des discours judiciaires, par conséquent des plaidoyers.
  10. Philostrate, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 1. Suidas, Modèle:Lang. — Vidal-Lablache, Hérode Atticus, Paris, 1872.
  11. Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 3.
  12. Aulu-Gelle, Modèle:Rom-maj, 10 : Modèle:Lang. — Sur les ruines de cette villa, cf. Vidal-Lablache, Modèle:Op. cit., Modèle:Pg6.
  13. Sur la vie intime d’Hérode, ses entretiens, sa société, voir les souvenirs d’Aulu-Gelle, Modèle:Rom-maj, 2 ; Modèle:Rom-maj, 2 : Modèle:Rom-maj, 10 ; Modèle:Rom-maj, 12. — Parmi ses disciples, il avait fait un choix des dix plus remarquables, qu’il admettait à des exercices privés, appelés Modèle:Lang (Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 10, 1 et 13.)
  14. Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 2.
  15. Philostrate, Sur Le genre Modèle:Abr (Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg258, Kayser, Modèle:Abr Modèle:Lang) : Modèle:Lang
  16. Nous avons sous son nom un discours intitulé Modèle:Lang (Modèle:Lang, Didot, Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg189) ; c’est la harangue fictive d’un Thébain qui engage ses concitoyens à déclarer la guerre au roi de Macédoine, Archélaos. Mais l’authenticité de ce morceau ne semble pas pouvoir être défendue.
  17. Modèle:Abr Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 3.
  18. Philostrate (Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 21, 5) dit de Scopélien : Modèle:Lang. Cf. même Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 27, 6 : Modèle:Lang Ce même Hippodromos disait que si Homère était la « voix » des sophistes, Archiloque était leur « souffle. »
  19. Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 20, 2.
  20. Modèle:Ibid., 21, 5.
  21. Modèle:Ibid. Modèle:Rom-maj, 10, 1.
  22. Modèle:Ibid. Modèle:Rom-maj, 25, 7.
  23. Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, 25, 7 : Modèle:Lang
  24. Modèle:Ibid., Modèle:Rom-maj, c. 10, 5 : Modèle:Lang.
  25. Maître de rhétorique, 19 : Modèle:Lang. Cf. Modèle:Abr, Vies des Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 28 : Modèle:Lang.
  26. Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 21, 5.
  27. Modèle:Ibid., Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 25, 7.
  28. On désignait ce jeu, comme celui des acteurs, par le mot Modèle:Lang, qui pouvait s’employer avec le nom du rôle à l’accusatif : Modèle:Lang, « jouer Artabaze », Modèle:Abr prononcer un discours censé tenu par Artabaze ; Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 5, 4. On disait même Modèle:Lang, par exemple : Modèle:Lang (Modèle:Ibid., Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 25, 9). Aristide, Modèle:Abr 49 (Modèle:Abr, Modèle:Pg493) : Modèle:Lang (Aristide) Modèle:Lang
  29. Ælius Aristide, qui passait pour avoir peu voyagé, était allé en Italie, en Grèce et en Égypte. Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 9, 1. — Voyages de Lucien en Gaule, Modèle:Abr plus loin. — Voyages de Ptolémée de Naucratis, Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 15, 2 : Modèle:Lang
  30. Pline, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 3 : Modèle:Lang.
  31. Lucien, Modèle:Lang. — À Rome, Adrien de Tyr donnait ses séances oratoires dans l’Modèle:Lang (Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 1), 5). Sur ce palais, bâti par Adrien, pour être un Modèle:Lang, voir Aurelius Victor, Modèle:Lang, 14, 2, et Dion Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 11.
  32. Ælius Aristide, invité à parler devant Marc-Aurèle, demandait l’autorisation d’amener ses élèves et qu’il leur fût permis de crier et d’applaudir, Modèle:Lang. (Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 9.)
  33. Aristide, Modèle:Lang, Modèle:Pg530, Modèle:Lang : Modèle:Lang
  34. Voyez, sur cette inspiration, une autre curieuse page d’Aristide, même discours, Modèle:Pg528. « Une lumière divine, dit-il, environne l’orateur », et il ajoute : Modèle:Lang, etc.
  35. Voir Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Lang.
  36. Modèle:Ibid., Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 25, 7.
  37. Modèle:Ibid., Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 25, 10.
  38. Titre d’un discours de Lucien.
  39. Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 26.
  40. Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 25, 3.
  41. Aulu-Gelle, Modèle:Rom-maj, 1.
  42. Dion, Modèle:Abr 33, exorde.
  43. Sur l’opposition du genre judiciaire (δικανικόν) et du genre sophistique (σοφιστικόν), voyez Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 4, 2.
  44. Philostrate, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, c. 21, 3 : Modèle:Lang.
  45. Modèle:Ibid., 4 : Modèle:Lang.
  46. Modèle:Ibid., 5.
  47. Modèle:Ibid., Modèle:Abr 22, 4.
  48. Philostrate, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 95, 8.
  49. Modèle:Ibid., Modèle:Abr 21, 8. Cf. Modèle:Abr 25, 1, Polémon : Modèle:Lang
  50. Modèle:Ibid. Modèle:Abr 21, 5 ; Scopélien : Modèle:LangModèle:Abr 25, 1 ; Polémon : Modèle:Lang
  51. Les Sophistes en renom se faisaient payer fort cher. Philostrate (Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 23, 2) nous apprend que Damianos d’Éphèse paya dix mille francs à Aristide et autant à Adrien de Tyr pour suivre leurs leçons.
  52. Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 3. Voir Modèle:Lang, Modèle:Abr de la Grèce sous la Modèle:Abr, Modèle:Trad. Bouché-Leclercq, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg364, note 2.
  53. Chaire municipale, qui subsista ensuite à côté de la chaire impériale ; on l’appelait Modèle:Lang (Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 20, où l’on voit que les honoraires étaient d’un talent.)
  54. Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 2. Les honoraires étaient de dix mille drachmes. Modèle:Ibid. 11, 1.
  55. Même Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 7 ; 9, 2 ; 10, 4.
  56. Même Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 8, 2 ; 10, 5.
  57. Voir par exemple, même Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 24, 1. Antipater d’Hiérapolis, nommé, par Sévère chef du secrétariat impérial (Modèle:Lang) ; selon Philostrate, il excella dans ces fonctions. Un autre sophiste, Quirinus de Nicomédie, devint avocat du fisc. (Modèle:Ibid. Modèle:Rom-maj, 29). Lucien fut secrétaire du gouverneur d’Égypte pour les affaires judiciaires.
  58. Philostrate, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 10, 2.
  59. Biographie : Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 9 ; Suidas, Modèle:Lang ; Modèle:Abr anonymes en grec, dans l’édition de Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg137 ; nombreux renseignements dans ses propres écrits. — Voir en tête de l’édition de Modèle:Lang les Modèle:Lang de Modèle:Abr Masson. Consulter aussi Modèle:Lang, 1874, et l’Modèle:Art.de Modèle:Lang dans l’Modèle:Abr de Pauly-Wissova. La chronologie de Modèle:Abr Masson a été contestée par Modèle:Lang (Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg203), qui place la naissance d’Aristide douze ans plus tôt, en 117. Il y a donc doute sur quelques points.
  60. Modèle:Lang
  61. Modèle:Abr Isocrate, Modèle:Lang, Modèle:Abr
  62. H. E. Foss, Modèle:Lang, Altenburg, 1841.
  63. H. Baumgart, Modèle:Abr cité, Modèle:Pg6 Modèle:Et suiv.
  64. Voir surtout le discours Modèle:Rom-maj, Modèle:Lang, et comparer avec Dion (Modèle:Abr 38, 39, 40), qui est très supérieur en sincérité pratique.
  65. Ce qui n’empêche pas, bien entendu, qu’on n’y trouve quantité de détails intéressants pour l’histoire morale, religieuse, littéraire du temps.
  66. Modèle:Abr Dindorf, Modèle:Pg741, 12 : Modèle:LangModèle:Ibid., Modèle:L.21 : Modèle:Lang.
  67. Voir sur ce sujet Schmidt, Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj.
  68. Modèle:Abr sacrés, Modèle:Rom-maj. (Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg507, Dindorf). Au début de sa maladie, il raconte qu’il vit en songe un philosophe, Rhosandre, qui lui dit : Modèle:Lang. Et il ajoute : Modèle:Lang.
  69. Son contemporain, l’atticiste Phrynichos, faisait de lui la plus grand éloge dans le 10Modèle:E livre de sa Modèle:Lang (Modèle:Abr, Modèle:Abr 458, Modèle:Pg104, a, Modèle:Lang) ; il n’est pas douteux, étant donné l’esprit de l’ouvrage, qu’il ne le louât justement à ce point de vue.
  70. Longin, fragm. 12 (Spengel, Rhet., Græci, Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg396) le considère comme celui qui a réprimé, dans l’éloquence, la mollesse qui était à la mode en Asie : Modèle:Lang. Par le mot Modèle:Lang, Longin semble Modèle:Corr la continuité du discours, la suite logique de la démonstration (Modèle:Lang), aux traits incohérents et sans suite. Cf. Modèle:Abr Modèle:Lang, Modèle:Pg741, 25 : Modèle:Lang
  71. Il est cité comme un classique par les auteurs de traités de l’âge suivant. Voir l’index des Modèle:Lang de Modèle:Lang.
  72. Voir les témoignages recueillis dans le Modèle:T.Modèle:Rom-maj, de l’Modèle:Éd. Modèle:Lang, Modèle:Pg772 Modèle:Et suiv. — Eunape, dans la vie d’Himérios, l’appelle Modèle:Lang. — Cf. Modèle:Lang-Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Col.892.
  73. Suidas, Modèle:Lang. Syncelle (Modèle:Lié), d’après Eusèbe, le fait vivre sous Antonin ; mais il semble qu’Eusèbe l’a confondu avec le stoïcien Maxime, qui fut un des maîtres de Marc-Aurèle. Les six premiers discours du recueil portent le titre : Modèle:Lang ; ce qui prouve qu’il y fit plusieurs séjours distincts. Il est fort douteux qu’il puisse être identifié, comme le voulait Modèle:Lang (Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg551, Modèle:N.45, avec le Modèle:Lang dont il est question dans le Modèle:Lang de Lucien, Modèle:AbrModèle:Lié44.
  74. Il est appelé Modèle:Lang : dans le titre commun des six premières dissertations. Il professe du reste très haut son admiration pour Platon (Modèle:AbrModèle:Lié17, Modèle:AbrModèle:Lié1 et Modèle:AbrModèle:Lié27, Modèle:AbrModèle:Lié4.)
  75. Voyez notamment Modèle:Abr Modèle:Rom-maj,Modèle:Lié8 ; souvenirs d’Arabie et de Phrygie.
  76. C’est ainsi qu’il touche à des sujets admirables et n’en tire presque rien. Voir, en particulier, les quatre dissertations Modèle:Rom-maj-Modèle:Rom-maj, Sur l’érotique de Socrate.
  77. Voir Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg203 Modèle:Sqq.
  78. Dissertations Modèle:Rom-maj et Modèle:Rom-maj, Sur le génie de Socrate (Modèle:Lang).
  79. Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Lang ; Modèle:Rom-maj, Modèle:Lang ; Modèle:Rom-maj, Modèle:Lang ; Modèle:Rom-maj, Modèle:Lang ; Modèle:Rom-maj, Modèle:Lang ; Modèle:Rom-maj, Modèle:Lang.
  80. Ressemblances de sujets et quelquefois d’idées. Mais, pour apprécier ce qu’elles cachent de différences profondes, comparer, par exemple, le traité de Plutarque Sur la différence entre l’ami et le flatteur, et la Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, Modèle:Lang.
  81. Modèle:Rom-maj, Modèle:Lang ; Modèle:Rom-maj, Modèle:Lang ; Modèle:Rom-maj, Modèle:Lang ; Modèle:Rom-maj, Modèle:Lang ; Modèle:Rom-maj, Modèle:Lang.
  82. Suidas, Modèle:Lang, notice insignifiante. Photius, Modèle:Abr 128, parle de ses écrits, mais non de sa vie. — À consulter : Modèle:Lang, Modèle:Lang, Rotterdam, 4841 ; Modèle:Lang, Hambourg, 1832 ; Modèle:Lang, 1849 ; Modèle:Lang, Berlin, 1860 ; Maurice Croiset, Essai sur la vie et les œuvres de Lucien, Paris, 1882.
  83. Suidas le fait naître sous Trajan. La date approximative de 185 résulte de l’ensemble de sa vie, en particulier de ce qu’il se donne à lui-même Modèle:Unité dans l’Hermotime, manifestement écrit à Athènes, lorsque l’auteur eut renoncé à la rhétorique, mais peu après. Or Lucien s’est fixé à Athènes vers 164. Cf. Double accusation, 32.
  84. Pour tout ceci, voir Songe, 1-16.
  85. Double accusation. 21. La Rhétorique dit : Modèle:Lang — 30. Lucien répond : Modèle:Lang
  86. Suidas, Modèle:Pgc. Modèle:Lang
  87. Double Modèle:Abr, 27.
  88. Double Modèle:Abr, 27 : Modèle:Lang
  89. Apologie pour les salariés, 15, adressée à Sabinus : Modèle:Lang (moi que) Modèle:Lang
  90. Cela est prouvé par les allusions contenues dans les Portraits, la Défense des Portraits et le traité sur la Manière d’écrire l’histoire. Voir Modèle:M., Observations sur deux dialogues de Lucien (Modèle:Abr pour l’encouragement des Études Modèle:Abr, 1879).
  91. Songe, 18.
  92. Alexandre, 56. Cf. Peregrinus, 42.
  93. Cela résulte principalement des allusions dont ses Dialogues fourmillent. Ils sont pleins des choses d’Athènes.
  94. Double accusation, tout le dialogue ; Maître de rhétorique, fin ; Pêcheur, Modèle:Abr 25.
  95. Déf. des Portraits, 14, Pêcheur, 44-45, et surtout 26-27, et Apologie pour les Salariés, 3.
  96. Mêmes passages du Pêcheur, notamment 27, où il atteste le grand succès des Sectes à l’encan.
  97. Tela Cronios (Mort de Peregrinus, 1 et 43) et Celse, (Alexandre, 1 et 61).
  98. Dionysos, 6 ; Hercule, 7 ; Excuse pour un mot dit de travers, 1.
  99. Apologie pour les salariés, Modèle:Abr 9-12.
  100. Modèle:Ibid., 12 : Modèle:Lang
  101. Lors de la mort de Peregrinus, il avait failli, nous dit-il en riant, être déchiré par eux. Modèle:Abr, Modèle:Abr 2 : Modèle:Lang
  102. Lucien lui-même cite (Démonax, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj) une biographie du béotien Sostratos.
  103. Imitations des Byzantins, voir Modèle:Lang, Modèle:N°. Cf. Hase, Notices et Extraits, Modèle:T.Modèle:Rom-maj (1813) 2, Modèle:Pg129, qui signale beaucoup d’imitations encore inédites.
  104. Modèle:Lang, Modèle:Abr, Modèle:Lang, Modèle:Abr Modèle:PgModèle:Rom, Heidelberg, 1838.
  105. Modèle:Abr Athénée, Modèle:PgModèle:Lié, d’après Nicias de Nicée, et Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 62, d’après Favorinus.
  106. Modèle:Lang, Modèle:Abr cité, Modèle:N°.
  107. Modèle:Lang, Modèle:Pg16.
  108. C’est ainsi par exemple que le Démonax, dans toute la seconde partie, semble démentir son origine ; ce n’est qu’une collection de mots et d’anecdotes ; mais, à prendre l’œuvre dans son ensemble, on y reconnaît Lucien à bien des traits ; et dès lors, on peut supposer, ou qu’elle n’a pas été achevée, ou plutôt qu’elle a été abrégée et remaniée ; voir Modèle:Lang 1878, Modèle:Pg561, et Modèle:Lang, 1881, Modèle:Pg327. — Quant à mettre en doute l’authenticité d’une œuvre telle que le Modèle:Lang (Modèle:Lang. Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1819), c’est, à mon avis, prendre parti contre l’évidence même.
  109. Maurice Croiset, Essai Modèle:Abr Lucien, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj.
  110. Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1833. Modèle:Abr Croiset, le Nigrinus de Lucien, Modèle:Abr et Lettres de Montpellier, Modèle:T.Modèle:Rom-maj.
  111. Modèle:Abr, Modèle:Abr 44.
  112. Double Modèle:Abr, Modèle:Abr 32 : Modèle:Lang.
  113. On sait que le même récit a été traité en latin, non sans d’importantes variations, par Apulée. Les deux écrivains semblent indépendants l’un de l’autre ; mais la question de leurs rapports mutuels, et avec Lucius de Patras, est un sujet de controverses. Voir surtout : Modèle:Lang (2Modèle:E Modèle:Éd.), Modèle:Pg312 ; Modèle:Abr Rohde, Ueber Lucians Schrift Modèle:Lang, Leipzig, 1869 ; Modèle:Abr Bürger, Modèle:Lang, Berlin, 1887 ; H. Dec, Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1891.
  114. Double accusation, Modèle:Abr 31.
  115. Pêcheur, Modèle:Abr 20.
  116. Zeus tragédien, fin.
  117. Modèle:Abr Du Mesnil, Modèle:Lang, Stolpe. 1867 ; Modèle:Abr Chabert, l’Atticisme de Lucien, Paris, 1897.
  118. Modèle:Abr Blümner, Modèle:Lang, Berlin, 1866 ; Modèle:Lang, 1867.
  119. Rabasté, Modèle:Lang, Paris, 1856.
  120. Sur Alciphron, voir l’Modèle:Art.de Modèle:Lang dans l’Encyclopédie d’Modèle:Lang et Modèle:Lang (Cf. Modèle:Lang, Modèle:Pg91 Modèle:Et suiv.), et celui de Modèle:Lang, dans l’Modèle:Abr de Modèle:Lang.
  121. Comparer aussi la lettre Modèle:Rom-maj,Modèle:Lié40 et le début du Coq.
  122. La division en trois livres remonte à Modèle:Lang qui édita les lettres d’Alciphron au Modèle:S (Modèle:Lang, 1715). L’édition Modèle:Lang (Modèle:Lang, Venise, 1499) ne contenait que les deux premiers livres. Modèle:Lang a formé le 3Modèle:E livre de lettres découvertes par lui dans des Modèle:Abr de Vienne et du Vatican. D’autres encore encore ont été ajoutées depuis à la collection par Modèle:Lang.
  123. Lettre de Ménandre à Glycère, Modèle:Rom-maj,Modèle:Lié3 ; de Glycère à Ménandre, Modèle:Rom-maj,Modèle:Lié4.
  124. Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 21, 9.
  125. Suidas, Modèle:Lang. Étienne de Modèle:Abr, v. Modèle:Lang et Modèle:Lang.
  126. Modèle:Abr, v. Modèle:Lang. Modèle:Abr dans Bernhardy, Dionys. Perieg. Modèle:Pg515-547.
  127. Des Modèle:Lang, des Modèle:Lang, des Modèle:Lang (Suidas), dont nous possédons encore une paraphrase en prose, Didot, Modèle:Lang, Modèle:Pg407 ; Modèle:Lang Modèle:Rom-maj, 323, Le Modèle:Abr de Denys le Périégète at- tribue ces poèmes à son auteur (Modèle:Éd. Modèle:Abr Müller, Modèle:Pg427) ; mais cette opinion est réfutée par Eustathe, Modèle:Abr de Denys le Modèle:Abr, Modèle:Pg81.
  128. On a longtemps multiplié les conjectures sur son origine et sur le temps où il a vécu. Ces doutes ont été levés par une petite découverte de Modèle:Lang 42, 175. Les vers 112-134 forment un acrostiche qui se lit : Modèle:Lang (Modèle:Lang) Modèle:Lang (fils de Dionysios d’Alexandrie) ; et les vers 522-532 en forment un autre qui donne : Modèle:Lang. Cf. scol. Modèle:Éd. Modèle:Abr Müller, Modèle:Pg427.
  129. Suidas, Modèle:Lang.
  130. Ces traductions, avec la paraphrase latine, le commentaire d’Eustathe et les scolies, font suite au texte de la Modèle:Lang, dans l’édition de Modèle:Abr Müller, Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj.
  131. Suidas, Modèle:Lang.
  132. Modèle:Lang, Didot, Modèle:Pg169.
  133. Modèle:Ibid., Modèle:Pg173.
  134. Nous avons quatre notices biographiques sur Oppien (Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Pg63-68). Trois d’entre elles, qui sont d’ailleurs identiques quant au fond, le font vivre par erreur au temps de Sévère et de Caracalla. Suidas, seul, le met à sa vraie date, qui est attestée par de fréquentes allusions des Modèle:Lang. Il y a peu de fond à faire sur les récits des autres biographes. Ils nous racontent que le père d’Oppien, Agésilas, riche et philosophe, fut exilé à Malte par Sévère, mais qu’après la mort de Sévère, Oppien obtint de Caracalla la grâce de son père. Cela s’applique peut-être à un autre Oppien, auteur des Cynégétiques.
  135. Voir les biographies, en particulier celle de Constantin Manassès en vers politiques.
  136. Modèle:Abr 1, début. Les vers 4 Modèle:Et suiv., qui contiennent l’éloge de Julia Domna, semblent indiquer que le poème a été composé pour la petite cour lettrée que cette impératrice avait formée.
  137. Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj (Modèle:Lang).
  138. Les mêmes biographes attribuent aussi à un Oppien, quel qu’il soit, un poème Sur la chasse à la glu (Modèle:Lang), que nous n’avons plus ; peut-être n’y a-t-il là qu’une confusion avec le poème analogue de Denys de Samos, signalé plus haut (Modèle:Pg619) comme auteur de diverses compositions didactiques.
  139. Suidas, Modèle:Art. Modèle:Lang, ne nous apprend que le titre et le contenu de son livre. Voir l’Modèle:Art. de Modèle:Lang dans l’Modèle:Abr de Modèle:Lang ; on y trouvera toute la bibliographie du sujet.
  140. Les Byzantins ont tiré du génitif Modèle:Lang les deux formes de nominatif Modèle:Lang et Modèle:Lang. Mais Avianus, au Modèle:S ou au Modèle:S, le nomme Babrius (Modèle:Abr de ses Fables) ; nom latin, qui semble identique à Barbius. D’après le titre conservé dans le Modèle:Lang 3521, le nom complet était Modèle:Lang (dont le Modèle:Abr de l’Athos a fait Modèle:Lang pour Modèle:Lang).
  141. Modèle:Lang, 114 Modèle:Et suiv., 180 Modèle:Et suiv.
  142. Voir les témoignages réunis en tête de l’édition de Crusius.
  143. Voir les témoignages dans l’édition de Crusius. Le plus ancien est celui du Pseudo-Dosithée, qui, au commencement du Modèle:S, fait figurer deux fables de Babrius dans ses Modèle:Lang.
  144. On a voulu y reconnaître tour à tour Alexandre fils d’Antoine et Cléopâtre, Alexandre petit-fils d’Hérode et roi en Cilicie sous Vespasien, Caracalla, Alexandre Sévère, etc.
  145. Elle paraît toutefois marquer deux époques dans la manière de Babrius et répondre à deux publications successives.
  146. Voir la Bibliographie en tête du chapitre, Modèle:Pg545.
  147. Modèle:Lang, Préface de son édition ; Modèle:Lang, Philol., Modèle:Rom-maj, 214.
  148. Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1875.
  149. Modèle:Lang, Philol. Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg385 Modèle:Et suiv.
  150. Modèle:Lang, Orphica, Leipzig, 1885, Modèle:Pg55-102.
  151. Suidas, Modèle:Lang.
  152. Ces trois hymnes se trouvent, avec leur notation, dans Modèle:Lang, Modèle:Rom-majModèle:E, Modèle:Lang, Modèle:Pg54 Modèle:Et suiv. Cf. pour l’hymne de Mésomédès, Jacobs, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg6, et Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg341.
  153. Suidas, Modèle:Lang. Jacobs, Modèle:Abr, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, Modèle:PgModèle:Rom.
  154. Artémidore, Des songes, Modèle:Rom-maj, 53 ; Philostrate, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, 27, 3. Cf. Modèle:Rom-maj, 46, où il parle de la société des artistes dionysiaques de Rome (Modèle:Lang, Modèle:Pg456).
  155. Modèle:Lang, Modèle:Pg1323, semble attribuer aussi des tragédies aux sophistes Nikétès et Scopélianos en se fondant sur Philostrate, Modèle:Rom-maj, 21, 5 ; il y a là une erreur ; Philostrate dit simplement que Nikétès et Scopélianos étaient grands lecteurs de tragédies.
  156. Suidas, Modèle:Lang et Modèle:Lang. — Modèle:Lang, Alexandros, Modèle:N°.
  157. Modèle:Lang Modèle:Rom-maj, 331-339 ; Modèle:Lang Modèle:Rom-maj, 1, 6.
  158. Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 1854, Modèle:Pg295.
  159. Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg421 Modèle:Sqq. Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 9 Modèle:Sqq. Modèle:Lang, Modèle:Lang, etc. Modèle:Lang, 1861. — Nous en avons un autre abrégé dans le traité d’Modèle:Lang ; plusieurs traités analogues proviennent de la même source (Modèle:Lang, Modèle:Art. cité).
  160. Publié pour la première fois en 1840 par Séguier de Saint-Brisson d’après le Modèle:Lang Modèle:N°1874 (Notices et Extraits, Modèle:Rom-maj, 2). Modèle:Lang Modèle:Rom-maj, 427-460. — Voir Pauly-Wissowa, Modèle:Art. Modèle:Lang, 8, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 2. (2328). — Modèle:Éd. récente, Græven, Modèle:Lang, Berlin, 1391.
  161. Suidas, Modèle:Lang, Théon est en tout cas postérieur à Théodore de Gadara qu’il cite (Modèle:Abr 42) et antérieur à Hermogène qu’il ne nomme nulle part.
  162. Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg145 ; Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg59.
  163. Modèle:Abr, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, 7 ; Suidas, Modèle:Lang.
  164. Philostrate rapporte une phrase de cette improvisation, dont il note le mauvais goût :Modèle:Lang
  165. Modèle:Lang, dit Philostrate. Cela ne permet guère de croire, comme l’affirme Suidas, qu’Hermogène fût tombé en enfance à 24 ans (Modèle:Lang). Philostrate dit simplement qu’à l’âge d’homme il perdit son aptitude à improviser (Modèle:Lang) ; il continua à faire le métier de sophiste, seulement il le fit avec un succès médiocre ; un de ses rivaux, Antiochus, l’appelait Modèle:Lang. Plus tard, une sorte de légende se forma à son sujet : et peut-être ce bon mot, qui n’était qu’une méchanceté, en fut-il l’origine.
  166. Modèle:Lang Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg3-18. Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg9 Modèle:Sqq. Les Modèle:Lang d’Hermogène semblent avoir été le moins estimé de ses ouvrages. Un scoliaste les qualifie d’obscurs (Modèle:Lang), il leur reproche de manquer d’exemples (Modèle:Lang).
  167. Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 1 ; Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 133.
  168. Sur cette doctrine des Modèle:Lang, et en général sur toute cette rhétorique technique, l’ouvrage à consulter est Modèle:Lang Modèle:Lang. Leipzig, 2Modèle:E éd. 1885 (abrégée dans le Manuel d’Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj).
  169. Modèle:Lang, (Modèle:Pg267 Spengel) : Modèle:Lang.
  170. Suidas, Modèle:Lang.
  171. Dernière édition : Modèle:Lang, Modèle:Lang (Modèle:Abr Modèle:Lang), 1894.
  172. Leurs commentaires ont été recueillis, au moins partiellement, dans les Modèle:Lang de Modèle:Lang.
  173. Suidas, Modèle:Lang anonyme. Modèle:Abr Egger, Apollonius Dyscole, Essai sur l’histoire des théories grammaticales dans l’antiquité, Paris, 1854. — Modèle:Lang, Apollonius, 81, article substantiel de Cohn, contenant une bonne bibliographie.
  174. Voir par exemple (Syntaxe, Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg23 Modèle:Lang) comment il réfute ceux qui pensaient que l’article servait à « distinguer les genres », et du même coup pose en principe que chaque partie du discours procède d’une idée qui lui est propre :Modèle:Lang. Modèle:Ibid. Modèle:Pg26 : « Le propre de l’article, c’est un rapport qui consiste à représenter une personne dont on a parlé précédemment » (Modèle:Lang), et, partant de là, il montre que ce rapport se retrouve lorsqu’on parle d’une personne connue, lorsqu’on mentionne le genre entier, etc.
  175. En particulier, les Modèle:Lang de Priscien.
  176. Suidas, Modèle:Lang ; Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1864. Priscien l’appelle Modèle:Lang.
  177. Modèle:Corr écrits ne semblent pas avoir constitué plus que ceux d’Apollonios un corps de grammaire.
  178. Sur les figures (Modèle:Lang), Sur les fautes de langue (Modèle:Lang), etc. Le Modèle:Lang est une simple liste de mots et de formes à préférer ou à éviter.
  179. Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Pg34.
  180. Suidas, Modèle:Lang. Modèle:Abr, Modèle:Abr Modèle:Lang.
  181. Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg753. Modèle:Lang, Modèle:Pg163.
  182. Modèle:Lang, Nicanoris Modèle:Lang Modèle:Lang, Kœnigsberg, 1850.
  183. Fragments historiques dans Modèle:Lang, Modèle:Lang Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg632.
  184. Modèle:Lang, Modèle:Lang
  185. Photius, cod. 156 ; Athénée, VII, Modèle:Pg239 et Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg662. Ét. de Byz., Modèle:Abr Modèle:Lang. Cf. Eust. ad Iliad. 23, 230 ; Schol. Hom. Il. Modèle:Rom-maj, 352 ; Athén. Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg409 et Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg481 D. Cf. C. Müller, Scriptor. Alex. Magni, Modèle:Pg155, dans l’Arrien de Didot.
  186. Modèle:Abr de Byzance, Modèle:Lang, et Modèle:Lang. Athén., Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg678. Harpocration, Modèle:Abr Modèle:Lang.
  187. Suidas, Modèle:Lang et Modèle:Lang.
  188. Suidas, à propos du premier Denys d‘Halicarnasse (Modèle:Abr Modèle:Lang), mentionne celui-ci, qu’il appelle « l’atticiste », comme son descendant.
  189. Galien, Modèle:T., Modèle:Pg450. Suidas, Modèle:Lang ; notice où le lexique n’est pas mentionné.
  190. Modèle:Lang, 1866, dissertation à laquelle sont joints les fragments des deux lexicographes.
  191. Suidas. Modèle:Lang, cf. CIG, Modèle:N°5900.
  192. Suidas, Modèle:Lang. Photius. Modèle:Abr 140.
  193. Suidas, même article ; Photius, Modèle:Abr 150.
  194. Photius, Modèle:Abr 150.
  195. Suidas, Modèle:Lang. Photius, Modèle:Abr 158, nous donna quelques renseignements de plus sur lui. Il l’appelle Modèle:Lang. J. Bronous, Modèle:Lang, Montpellier, 1895.
  196. Selon Suidas, 47 ou même 74. Mais il y a la probablement erreur, ou bien Suidas fait allusion a une édition autrement divisée ; car le sommaire de Photius va de Modèle:Lang à Modèle:Lang, et il nous apprend d’ailleurs que le nombre 37 était indiqué par l’auteur lui-même dans la préface.
  197. Publié par Modèle:Lang dans les Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg1-74, d’aprés le Modèle:Abr Modèle:Lang 345 de la Modèle:Abr nationale.
  198. Modèle:Abr Modèle:Abr Modèle:Lang.
  199. Pour le composer, Phrynichos avait profité des travaux de ses prédécesseurs, notamment de ceux d’Ælios Dionysios, mais il n’est pas douteux qu’il n’en eut tiré la plus grande partie de ses notes personnelles.
  200. Modèle:Lang, Préface et nModèle:O 356.
  201. Les principaux Modèle:Abr sont un Modèle:Lang et le Modèle:Lang 486, Modèle:Abr, Rome, 1547. Éditions de Modèle:Lang, avec les notes de divers philologues, Leipzig, 1820, et de Modèle:Lang, Londres, 1881, avec d’intéressantes remarques, qui sont parfois de vraies dissertations sur divers points de langue ou de grammaire.
  202. Critique de Favorinus, n. 97, 189, 171, etc. ; d’Antiochus, 175 ; de Plutarque, 166 ; de Lollianos, 159 ; 147 ; de Polémon, 147 et 395 ; d’Hypéride, 313 ; de Théophraste, 320 ; d’Alexis, 349, 348 ; de Ménandre, 341, 366, 498, 397, etc., et surtout 398, où il exhale sa mauvaise humeur contre lui.
  203. Photius, Modèle:Abr 151.
  204. Le meilleur Modèle:Abr est le Modèle:Lang 345, Modèle:Abr de Modèle:Lang, 1142. Édition annotée, de Modèle:Lang, Lahaye, 1159. Éditions de Modèle:Lang, 1830 ; de Modèle:Lang, 183 ; de Modèle:Lang, Berlin, 1833.
  205. Suidas, Modèle:Lang. Suidas paraît avoir fait une confusion entre les noms d’Oros et d’Orion. Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1834 ; Modèle:Lang, 1869.
  206. Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:N°2.
  207. Suidas, Modèle:Lang. Sur le recueil de proverbes qui lui est attribué, voir plus loin.
  208. Suidas, Modèle:Lang ; Spartien, Verus, c. 2. Suidas donne la liste détaillée de ses ouvrages.
  209. Suidas, Modèle:Lang.
  210. Suidas, Modèle:Lang. Athén. Modèle:Rom-maj, 397. — Citations dans Etym. magn. Modèle:Lang. Modèle:Lang Paix, 882, 922 ; Guêpes, 710 ; Plutus, 313. Modèle:Lang Modèle:Rom-maj, 704 ; Modèle:Rom-maj, 106.
  211. Suidas, Modèle:Lang. Philostrate, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 12.
  212. Hemsterhuis, Modèle:Abr de son édition. E. Ranke, Modèle:Lang, Quedlinbourg, 1831.
  213. Modèle:Abr cité : Modèle:Lang.
  214. Signalons spécialement le livre Modèle:Rom-maj, qui traite de la musique, de la danse, du théâtre etc., le livre Modèle:Rom-maj, où il énumère les monnaies (Modèle:Abr 51 et suivants).
  215. Un manuel de conversation grec-latin, intitulé Modèle:Lang, a été attribué par Boucherie à J. Pollux (Notices et extraits, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg329) ; on l’attribuait auparavant à Dosithéos. Krumbacher a démontré que ni l’une ni l’autre de ces attributions n’était justifiée ; l’ouvrage est, selon lui, d’un inconnu du début du Modèle:S (Krumbacher, Modèle:Lang, Munich, 1883). Il n’est d’ailleurs intéressant que pour l’histoire de la langue.
  216. Suidas, Modèle:Lang. On peut se demander si Suidas, en cette circonstance comme en d’autres, n’a pas fait plusieurs personnages distincts d’un seul. Le sophiste Ælius Harpocration et le grammairien Caius Harpocration, qu’il distingue de Valérius Harpocration, se seraient pourtant, d’après lui, tous occupés spécialement des orateurs attiques. Cela est assez étonnant.
  217. E. Meier, Modèle:Lang, 1843 et 1855 (Opusc. Acad., Modèle:T.Modèle:Rom-maj), faisait d’Harpocration un contemporain de Tibère ; Bernhardy, Modèle:Lang, Halle, 1856, la place au temps d’Adrien ; Dindorf, Préface de son édition, à la fin du second siècle ; H. de Valois (Modèle:Abr de l’Modèle:Abr de Gronovius, Leyde, 1682), au temps de Libanios.
  218. Une scolie de l’Iliade (Venet. A, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, 453) porte : Modèle:Lang. Il y a sans doute lieu de lire avec Bast Modèle:Lang, c’est-à-dire dans son commentaire sur le Modèle:RomModèle:E chant ; mais, au lieu de Modèle:Lang, personnage inconnu, ne devrait-on pas lire Modèle:Lang ?
  219. Il est vrai qu’il ne cite ni grammairien ni lexicographe qui semble postérieur au temps d’Auguste ; mais cela s’explique aisément, si l’on songe que depuis ce temps il n’y avait guère eu de travail original sur les orateurs.
  220. Suidas attribue à Val. Harpocration une Anthologie (Modèle:Lang). Il attribue à Caius Harpocration des traités sur Antiphon, Hypéride et Lysias ; à Ælius Harpocration, des écrits sur les orateurs, sur Hérodote, sur Xénophon, sur la rhétorique.
  221. Voir la bibliographie en tête du chapitre.
  222. Suidas, Modèle:Lang.
  223. Suidas, Modèle:Lang.
  224. Modèle:Lang Modèle:Lang, 1812. Sur la falsification, voir Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1886.
  225. Modèle:Lang, 2. Suidas, Modèle:Lang.
  226. Bibliographie en tête de ce chapitre.
  227. Modèle:Abr, Modèle:Lang.
  228. Les deux opuscules d’Héphestion nous sont parvenus Modèle:Corr de scolies, qui proviennent d’une double origine ; on les désigne sous le titre de scolies A et scolies B. Les scolies A, plus anciennes, ont presque pour nous la valeur d’un ouvrage original. (Modèle:Lang, Modèle:Abr Modèle:Pg7.)
  229. Suidas, Modèle:Lang. Il n’y a pas de raison bien probante pour l’identifier à l’atticiste Ælios Dionysos, sinon que celui-ci était sophiste aussi, qu’il vivait aussi sous Adrien, et qu’il était peut-être aussi d’Halicarnasse, puisque Suidas dit qu’il descendait du critique contemporain d’Auguste. Mais Suidas distingue ces deux Denys.
  230. Modèle:Abr Modèle:Abr 161.
  231. Suidas, Modèle:Lang.
  232. Les œuvres des musicographes grecs ont été publiées par Modèle:Lang, Antiquæ musicæ auctores septem, Amsterdam, 1652, Aujourd’hui, l’édition à employer est celle de Modèle:Lang dans le bibliothèque Modèle:Lang, Modèle:Lang, Leipzig 1805.
  233. Modèle:Abr Alypios de Modèle:Lang dans Modèle:Lang.
  234. Modèle:Abr Bakchios, Modèle:Ibid. Modèle:Abr Ruelle (Alypios et Bacchios), Paris, 1895.
  235. Modèle:Lang, Modèle:Abr de son édition d’Aristide.
  236. Modèle:Abr Modèle:Lang de Modèle:Lang dans Modèle:Lang.
  237. Outre l’édition de Modèle:Lang, il faut citer pour Aristide Quintilien l’édition partielle de Modèle:Lang, dans sa Métrique, Modèle:Rom-maj (1867) et l’édition complète de Modèle:Lang, Berlin, 1882.
  238. Nos principaux renseignements sur Arrien proviennent : Modèle:1o d’une courte notice de Suidas (Modèle:Lang) ; Modèle:2o de Photius, cod. 58 (les cod. 91-93 contiennent des résumés de ses ouvrages historiques) ; Modèle:3o de quelques indications dispersées, dues à Arrien lui-même, à Lucien (Alex., 2 et 55), à Dion Cassius ; Modèle:4o enfin de trois inscriptions qui seront mentionnées plus loin. Consulter, dans Modèle:Lang, l’Modèle:Art.Modèle:Lang, Modèle:N°9 (Modèle:Rom-maj, 1230.)
  239. Modèle:Abr de Nicomédie (Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg253,Modèle:Lié5).
  240. Doulcet, Modèle:Lang, Paris, 1882.
  241. Inde, Modèle:Abr 4, § 15.
  242. Modèle:Lang ; Modèle:Lang Modèle:Rom-maj, 157. Cf. Suidas et Photius, 58.
  243. Les dates connues de cette légature sont 133 (CIG Modèle:Rom-maj 2408) et 137 (20Modèle:E année du règne d’Adrien, Tactique, Modèle:Abr 44, 3).
  244. Dion, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, 15.
  245. CIL, Modèle:Rom-maj 6006.
  246. CIA Modèle:Rom-maj 146 ; 1099 et 1032.
  247. Modèle:Abr 1 et 34.
  248. Modèle:Abr 1 : Modèle:Lang.
  249. Photius, 58 : Modèle:Lang.
  250. Modèle:Abr 1 : Modèle:Lang. D’ailleurs Arrien avait déjà pris ce nom au temps d’Aurien ; car dans son Périple, adressé à ce prince, il parle de Xénophon l’ancien (Modèle:Lang), Modèle:Abr 12 et 25. L’allusion est assez claire. Dans le plan de bataille contre les Alains, il se nomme simplement Xénophon. Il ne se serait pas permis ce jeu d’esprit, en s’adressant à l’empereur, si celui-ci ne l’y eût en quelque sorte invité en le nommant lui-même ainsi. Il est donc bien possible que ce soit l’empereur lettré qui ait inventé ce surnom.
  251. Voir plus haut, Modèle:Pg460 Modèle:Et suiv.
  252. Suivant Modèle:Lang (Modèle:Lang, NModèle:E Modèle:Abr, Modèle:T.51, Modèle:Abr 1), cette suite aurait été ajoutée postérieurement et ne serait pas d’Arrien.
  253. C’est ce que démontre la comparaison avec le Modèle:Lang de Ménippe de Pergame, dont un fragment nous a été conservé dans l’Modèle:Lang de Marcianus d’Héraclée (voir plus loin, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj.
  254. Le Périple d’Arrien est une des sources du Modèle:Lang, compilation byzantine, qui figure dans les Modèle:Lang Didot, Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg462 Modèle:Et suiv.
  255. La 20Modèle:E année du règne d’Hadrien (Modèle:Abr 44, 3).
  256. Tactique, Modèle:AbrModèle:Lié1 ; surtout : Modèle:Lang.
  257. Modèle:AbrModèle:Lié.
  258. Voir Pauly-Wissowa, Modèle:Art.Modèle:Lang, 10, et Modèle:Lang, Hermès, Modèle:Rom-maj, 488.
  259. Modèle:Abr 32, 2. La phrase est altérée, mais le sens ressort du contexte.
  260. Il nous a été conservé dans le Modèle:Lang 55, 4, qui contient des écrits relatifs à la tactique.
  261. Photius, 93.
  262. Arrien, qui avait fait d’Hérodote un de ses modèles, aura voulu sans doute s’assimiler autant que possible par cette imitation les secrets de son style.
  263. Inde, Modèle:Abr 47, cf. 3.
  264. Il renvoie à plusieurs reprises à son Expédition d’Alexandre et donne son nouveau livre comme un supplément indépendant (Modèle:Abr 19, 23, 26, 43). Il l’avait du reste annoncé dans son Expédition (Modèle:Rom-maj, 5, 1).
  265. L’historien Dexippos, au Modèle:S, semble avoir mis a profit l’ouvrage d’Arrien dans celui qu’il composa sous le même titre. Modèle:Abr Photius, Modèle:Abr 81 Modèle:Lang.
  266. Si cet ouvrage était surtout un récit de ses campagnes, on peut supposer, comme on l’a vu plus haut, que le Plan de bataille contre les Alains en a été extrait.
  267. La date relative de cet écrit se déduit de ce qu’Arrien, d’après Photius (Modèle:Abr 93), justifiait, dans la préface de ses Modèle:Lang, les retards qu’il avait mis a publier cette histoire de son pays en citant les autres ouvrages qui l’avaient occupé. Il citait les biographies de Dion et de Timoléon et l’histoire d’Alexandre, mais non la guerre des Parthes. Celle-ci est donc postérieure aux Modèle:Lang.
  268. On voit seulement, par le Modèle:Abr 1, que l’auteur était alors fixé à Athènes, ou du moins se considérait comme Athénien.
  269. Voir notamment le Modèle:Abr 26, où Arrien atteste sa dévotion.
  270. Modèle:Abr, préface.
  271. Modèle:Lang, Modèle:Art.cité.
  272. Voyez la phrase, très fière, qui termine la préface de l’Expédition d’Alexandre. Cf. Photius, Modèle:Abr Modèle:Lié.
  273. Photius, Modèle:Abr 57. La notice de Suidas (Modèle:Lang) ne contient qu’une analyse très incomplète de l’Hist. romaine, sans détails biographiques. Les seuls que nous possédions proviennent de la Préface d’Appien lui-même, Modèle:Ch.Modèle:Rom, et des Lettres de Fronton, citées plus loin. Consulter Modèle:Lang, Modèle:Lang.
  274. Photius, Modèle:Abr Modèle:Rom. Modèle:Lang
  275. Modèle:Ibid., fin. Modèle:Abr, Modèle:Ch.Modèle:Rom : Modèle:Lang Le sens de ces derniers mots n’est pas évident ; il paraît difficile toutefois de les interpréter autrement. Le pluriel Modèle:Lang indique probablement qu’il a rempli ces fonctions pendant plusieurs règnes.
  276. Modèle:Lang, Modèle:Éd. Naber ; Modèle:Pg244, lettre en grec d’Appien à Fronton ; Modèle:Pg246, réponse en grec de Fronton à Appien. Appien voulait offrir à Fronton deux esclaves ; Fronton ne crut pas pouvoir accepter un présent de cette valeur.
  277. Modèle:Ibid., Modèle:Pg110, lettre de recommandation en latin de Fronton à Antonin : Modèle:Lang — Antonin, comme on le voit par la même lettre, craignait d’abord que cette faveur accordée à un avocat n’engageât trop d’avocats à solliciter : Modèle:Lang
  278. Préface, Modèle:Ch.Modèle:Rom : Modèle:Lang. Le pluriel, ici encore, paraît indiquer que la confiance témoignée à Appien par Antonin lui fut continuée par ses successeurs.
  279. On voit en effet par la Préface, Modèle:Ch.Modèle:Rom, qu’Appien avait alors parcouru toute sa carrière d’honneurs. Les dates qu’il indique dans sa préface sont :(Modèle:Ch.Modèle:Rom) près de 200 ans depuis le rétablissement de la monarchie (c’est-à-dire probablement depuis la dictature à vie décernée à César en 45), ce qui donne approximativement l’an 153 ; Modèle:Ch.Modèle:Rom, 900 ans depuis la fondation de Rome, ce qui donne 147. Le désaccord de ces dates prouve qu’elles sont données en chiffres ronds, à quelques années près.
  280. Préface, 1 et 14.
  281. Photius, 57.
  282. Photius, 57. Cf. Appien, Préface, Modèle:Ch.Modèle:Rom.
  283. Le morceau qui nous reste sous le titre de Modèle:Lang n’est pas l’œuvre d’Appien. C’est une composition faite d’après Plutarque au début de la période byzantine, ainsi que l’avaient déjà reconnu Xylander et Perizonius.
  284. Préface, Modèle:Ch.Modèle:Rom.
  285. Voir sur ce sujet dans Modèle:Lang l’Modèle:Abr cité, presque entièrement consacré à l’étude des sources.
  286. Voyez Photius, Modèle:Rom, fin. — Appien fut un des écrivains qui faisaient autorité pour la langue chez les Byzantins, comme le prouvent les exemples tirés de lui qu’on rencontre dans le Lexique de Suidas en assez grand nombre et dans un grammairien anonyme (réunis dans les Fragments).
  287. Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, 1, 2 : 217 ans après le relèvement de Corinthe. Mais il l’avait commencé depuis longtemps. Le livre Modèle:Rom-maj était achevé avant qu’Hérode ne commençât son Odéon, et ce monument était terminé quand Pausanias écrivit Modèle:Rom-maj, 20.
  288. Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, 13, 1 : Modèle:Lang. Et il énumère le marais de Tantale, son tombeau, le siège de Pélops au sommet du Sipyle et une statue d’Aphrodite, en bois, que ce héros était censé avoir consacrée à Temnos. Cf. Modèle:Rom-maj, 47, 4.
  289. Séjour en Campanie, Modèle:Rom-maj, 42, 6 ; à Rome, Modèle:Rom-maj, 17, 4 ; Modèle:Rom-maj, 24, 4. Description détaillée de la Sardaigne, Modèle:Rom-maj, 17, dont certaines parties semblent être d’un témoin oculaire. Pour ce qui est de la Syrie, les témoignages sur l’Oronte sont très précis, Modèle:Rom-maj, 2, 7 : Modèle:Rom-maj, 20, 2 et surtout Modèle:Rom-maj, 29, 3. Oracle d’Ammon, Modèle:Rom-maj, 16, 1. On a cru aussi que Pausanias était allé en Arabie : mais ce qu’il sait de l’Arabie (Modèle:Rom-maj, 28, 3) provient de lectures ou de récits, et tel autre passage (Modèle:Rom-maj, 21) paraît prouver, au contraire, qu’il n’avait point pénétré dans ce pays.
  290. Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Pg357.
  291. Modèle:Lang, Modèle:Lang, t. Modèle:Rom-maj, Modèle:PgModèle:Rom-maj. — Voir les témoignages sur l’historien Pausanias dans Modèle:Lang de Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg154 Modèle:Et suiv.
  292. Modèle:Lang Berlin, 1883.
  293. Voyez plus haut, Modèle:Pg119.
  294. Modèle:Lang, Hermes, Modèle:Rom-maj, 346.
  295. Modèle:Abr principal Laurentianus, 56, 1. — Édition en usage : Modèle:Lang, rec. Modèle:Lang, Modèle:Abr Modèle:Lang.
  296. Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj). Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1883.
  297. Il était avocat. Modèle:Abr Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, préface.
  298. Modèle:Lang, Poliorcétique des Grecs, Paris, 1867, Modèle:Pg197-193. Cf. Lacoste, Revue des Études grecques, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg230 Modèle:Et suiv.
  299. Édité par Modèle:Lang dans ses Modèle:Lang, Leipzig, 1895, 2Modèle:E partie. Sur les rapports de la tactique d’Élien avec celle d’Arrien et sur les auteurs suivis par Élien, voir plus haut, Modèle:Pg665.
  300. Suidas, Modèle:Lang. La notice repose sur des renseignements évidemment altérés quant à la chronologie. Mais on peut accepter la date de naissance (Modèle:Lang), d’après laquelle la vie de Philon aurait commencé approximativement en 70. Il aurait eu par conséquent 68 ans à la mort d’Adrien. Cf. Suidas, Modèle:Lang. — Voir Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg560.
  301. C’était, à ce qu’il semble, une sorte de Bibliographie générale, par ordre de genre. Le Modèle:Rom-majModèle:E livre traitait des Modèle:Lang. Voir Modèle:Lang, Modèle:Pg576.
  302. Didot-Müller, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg573.
  303. Modèle:Ibid., Modèle:Abr 1, § 6 et Modèle:Abr 10.
  304. Fragments réunis dans Didot-Modèle:Lang, Modèle:Abr cité, Modèle:Pg563 Modèle:Et suiv.
  305. Suidas, Modèle:Lang. Cf. Eusèbe, Modèle:Abr
  306. Modèle:Lang, 1841, Modèle:Pg138. Cité dans Didot-Modèle:Lang, Modèle:Pg562, en note.
  307. Modèle:Abr 1, § 7. Cf. 2, § 6.
  308. Suidas, Modèle:Lang. Voir Didot-Modèle:Lang, Modèle:Abr, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg35, note.
  309. Suidas, Modèle:Lang. Photius, Modèle:Abr 97.
  310. Modèle:Abr, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg602 Modèle:Et suiv.
  311. Photius, Modèle:Abr cité.
  312. Publié également dans les Modèle:Abr, à la suite des Olympiades. Modèle:Lang (Modèle:Lang, Berlin, 1890) y a retrouvé 10 vers (Modèle:Abr Modèle:Rom), qui semblent être des oracles sibyllins.
  313. Modèle:Lang.
  314. Suidas, Modèle:Lang.
  315. Photius, Modèle:Abr 490.
  316. Voir le jugement de Photius, au début de son résumé : Modèle:Lang, etc. Cf. Modèle:Lang, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, 269-293.
  317. Photius, Modèle:Ibid. : Modèle:Lang.
  318. Pour la Modèle:Abr d’Apollodore, consulter l’importante préface de Modèle:Lang en tête de son édition (voir ci-dessus, Bibliographie) et l’Modèle:Abr de Modèle:Lang dans Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg2875 Modèle:Et suiv.
  319. Robert, Modèle:Lang, Modèle:Abr 1813. Cf. Modèle:Lang, Modèle:Lang (Modèle:Lang Modèle:Abr Modèle:Rom-maj) et Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1889.
  320. La question des sources, fort difficile, n’est encore qu’ébauchée. Voir l’Modèle:Abr cité de Modèle:Lang dans Modèle:Lang.
  321. Les sources sont indiquées dans le Modèle:Abr unique qui nous a conservé la Modèle:Lang. Ces indications semblent être l’œuvre d’un scoliaste ; elles sont incomplètes.
  322. Ces deux morceaux se trouvent dans la plupart des éditions de Platon, notamment dans le Platon d’Hermann, Modèle:T.Modèle:Rom-maj (Modèle:Abr Modèle:Lang).
  323. Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-majModèle:E, Modèle:Pg22 Modèle:Et suiv. ; Freudenthal, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 322 Modèle:Et suiv.
  324. Proclos, 87 B. 315 A.7, C. 30 D. 63 C, D. 129 D.187 B. 234 D.
  325. Eusèbe, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 1-2 ; Modèle:Rom-maj, 4-9.
  326. Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-majModèle:E, Modèle:Pg 808.
  327. Modèle:Lang, 1878 (Modèle:Abr Modèle:Lang).
  328. Modèle:Lang, Paris, 1849.
  329. Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-majModèle:E, Modèle:Pg212.
  330. Voir, dans l’édition citée de l’Astronomie de Théon, la dissertation de Modèle:Abr Martin.
  331. Sur Celse, les principaux ouvrages à consulter sont : Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 382-409 ; Modèle:Lang, Zurich, 1873 ; Pélagaud, Étude sur Celse, Lyon, 1878 ; Aubé, Le Discours véritable de Celse, Paris, 1878 ; Modèle:Lang, 1888, Modèle:Pg197-214. Ce dernier paraît avoir établi qu’il est impossible de confondre le platonicien Celse avec l’épicurien du même nom auquel Lucien a dédié son Alexandre.
  332. Modèle:Lang, Modèle:Abr cité, a dépouillé les huit livres du traité d’Origène contre Celse et en a tiré le pamphlet de Celse, morceau par morceau.
  333. L’Modèle:Lang paraît avoir été écrit dans les dernières années du règne de Modèle:Abr Aurèle, en 171-178, selon Modèle:Lang (Modèle:Pg261 Modèle:Sqq.) et Pélagaud (Modèle:Pg189 Modèle:Sqq.).
  334. On ne sait rien de sa vie. La courte notice de Suidas (Modèle:Lang) n’en fixe même pas l’époque. Mais celle-ci résulte approximativement du caractère de sa philosophie et de ce double fait que lui-même est nommé pour la première fois par Clément d’Alexandrie, et que son disciple Harpocration fut aussi l’élève d’Atticos, qui enseignait, comme on l’a vu, sous Marc-Aurèle.
  335. Ces titres nous sont donnés par Eusèbe (Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, 4, 13, et Modèle:Rom-maj, 7 et 8, 4), qui nous a conservé dans ces passages d’importants fragments de Nouménios.
  336. Clément, [[Les Stromates/Livre premier/Chapitre XXII|Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 22, 150]] : Modèle:Lang.
  337. Modèle:Lang, Modèle:Abr, Modèle:Rom-majModèle:E, Modèle:Pg216 Modèle:Et suiv.
  338. Sources principales : son livre Modèle:Lang ; ses Lettres ; Dion Cassius, abrégé et fragments du Modèle:Abr Modèle:Rom-maj ; Hérodien, Modèle:Lang Modèle:Rom-maj, 24 : Modèle:Lang ; Suidas, Modèle:Lang. — La vie de Modèle:Abr Aurèle est étudiée en détail, avec renvoi aux sources et indications bibliographiques, dans Modèle:Lang, Modèle:Abr Modèle:Lang (Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg2279). L’ouvrage d’ensemble le plus célèbre sur Marc-Aurèle est le volume de Renan, Marc-Aurèle et la fin du monde antique, Paris, 1883.
  339. Modèle:Lang, 1887 ; une partie de cette correspondance a été étudiée par Modèle:M., La jeunesse de Modèle:Abr Aurèle et les lettres de Fronton, Modèle:Abr des Deux Mondes, Modèle:1er avril 1868.
  340. Cette division est déjà signalée par Suidas. Elle n’est autorisée qu’en partie par le Modèle:Lang. Il est fort douteux qu’elle remonte à l’original.
  341. Modèle:Lang (au temps de Dioclétien) Modèle:Lang — Suidas le cite (au mot Modèle:Lang) sous ce titre inexact : Modèle:Lang.
  342. Suidas (Modèle:Lang) le confond avec Sextus de Chéronée, le neveu de Plutarque et l’un des maîtres de Marc-Aurèle.
  343. Modèle:Lang est le titre donné par Suidas et par Diogène Laërce ; Sextus lui-même se sert du mot Modèle:Lang pour désigner chacune des parties de son ouvrage. Contre les Modèle:Abr, Modèle:Pg721, 45 Modèle:Lang.
  344. Suidas et Diogène ne parlent que de dix livres. Sans doute le livre très court Contre les Arithméticiens était primitivement réuni au livre Contre les Géomètres.
  345. Contre les Modèle:Abr, Modèle:Pg689, 14 Modèle:Lang : Modèle:Lang. — Modèle:Abr, Modèle:Pg626, 12. Modèle:Lang.
  346. Selon Modèle:Abr, 349, il vivait sous Adrien. Selon Suidas (Modèle:Lang), il est de peu antérieur à Porphyre. Eusèbe, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 18, le cite comme « récent », Modèle:Lang. Voir sur Œnomaos, J. Bernays, Modèle:Lang, et Modèle:Lang, Modèle:Lang, Tubingue, 1887.
  347. Julien, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, Modèle:PgModèle:Lié, mentionne de lui des tragédies, qui ressemblaient par l’esprit à ses écrits en prose.
  348. Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, 19-36 ; Modèle:Rom-maj, 7.
  349. Julien, Modèle:Abr cité. Cf. Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, Modèle:PgModèle:Lié et Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, Modèle:PgModèle:Lié.
  350. Modèle:Lang (Modèle:Abr t. Modèle:Rom-majModèle:E, Modèle:Pg108, Modèle:N.5.
  351. Publié dans les Modèle:Lang de Meibom, Amsterdam, 1652. — Traduction Ruelle : Nicomaque, Manuel d’Harmonique, Paris, 1875.
  352. Modèle:Lang, Modèle:Lang.
  353. Publié par Modèle:Lang, 1897, dans les Modèle:Lang de Jamblique.
  354. Suidas, Modèle:Lang. Sa mère était de Daldis en Lydie, et lui-même était prêtre d’Apollon Modèle:Lang ; voilà pourquoi il s’appelle, Artémidore de Daldis.
  355. Suidas : Modèle:Lang.
  356. Voir, dans la Biographie universelle de Michaud, l’article de Delambre (Modèle:T.36, Modèle:Pg263 Modèle:Abr), où sont cités les jugements sévères et motivés de Modèle:Lang, de Lemonnier et de Lalande. Peut-être ne tiennent-ils pas assez de compte de ce fait que Ptolémée a un goût de simplicité et d’exactitude apparente qui se satisfait quelquefois aux dépens de l’exactitude réelle. C’est un de ces esprits qui corrigent les choses pour les mettre d’accord avec la théorie. Cela n’implique pas toujours légèreté ni mauvaise foi.
  357. Ces deux derniers ouvrages ne nous sont parvenus que dans des traductions latines.
  358. Voir, sur ce premier livre, Letronne, Examen critique des Prolégomènes de la géographie de Ptolémée, à propos de la traduction française de l’abbé Halma, Journal des savants, décembre 1830, avril et mai 1831.
  359. Marin, de Tyr, dut vivre sous Trajan ou Adrien, en tout cas après Pline l’Ancien. On ne le connaît que par Ptolémée, il est probable, sinon sûr, qu’il écrivit une géographie en grec, plus descriptive que celle de Ptolémée.
  360. Vidal de La Blache, Les Voies de commerce dans la Géographie de Ptolémée, Paris, 1896 (Extrait des comptes rendus de l’Modèle:Abr, séance du Modèle:Lié 1896). Je suis ici de près les appréciations de cet excellent mémoire.
  361. Aux manuscrits de la géographie sont jointes des cartes : et il ne peut guère en être autrement, puisque le livre est fait en vue de cartes à dresser. Dans quatre de ces Modèle:Abr (Modèle:Lang 1401 et 1402, Modèle:Lang 353, Modèle:Lang), se trouve une notice qui les attribue à Agathodæmon d’Alexandrie. Le Venetus l’appelle Modèle:Lang. Nous n’en savons rien de plus.
  362. Modèle:Lang
  363. Voyez plus haut, Modèle:Pg620.
  364. Didot-Müller, Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj. Müller rapporte cet ouvrage par conjecture au commencement du Modèle:S.
  365. Consulter en général sur ce sujet Modèle:Lang, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj.
  366. Suidas, Modèle:Lang. Notice où Dioscoride est d’ailleurs confondu immédiatement avec un homonyme qui vivait au temps d’Antoine et de Cléopâtre. Cf. Photius, Modèle:Abr 178, fin, d’après lequel son prénom était Pedanius. C’est celui qu’il porte dans un Modèle:Abr
  367. Notez aussi que la ville natale de Dioscoride, Anazarba, qui s’était appelée longtemps Diocæsarea, ne reprit son nom que sous Nerva. Modèle:Lang, Anazarba.
  368. Nous en avons en outre une analyse dans Photius (Modèle:Abr 118). L’ouvrage, tel que le lisait Photius, comprenait un 6Modèle:E livre sur les poisons et contre-poisons, et un 7Modèle:E sur les animaux venimeux et les remèdes propres à guérir leur morsure.
  369. Sur Crateuas et ses rapports avec Dioscoride, voir Modèle:Lang, Berlin, 1897.
  370. Il semble résulter d’autres allusions qu’il les parcourut à la suite des armées romaines.
  371. Galien se plaint souvent de cette nécessité de discuter qui empêche les recherches. Forces naturelles, Modèle:Rom-maj, 14 : Modèle:Lang. Mais lui-même rapporte de fort belles expériences de vivisection, provoquées par les négations des méthodistes relativement à la fonction des reins ; même Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 13 (Modèle:Pg127 Modèle:Lang).
  372. Galien, Sur ses propres livres, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj.
  373. Modèle:Ibid. préface : passage sur les libraires de la « Rue aux sandales » à Rome.
  374. Modèle:Lang
  375. Édition principale : Œuvres de Rufus d’Éphèse, texte et traduction, commencée par Modèle:Abr Daremberg, terminée par Modèle:Abr Ruelle, Paris, 1879, avec une introduction.
  376. Suidas, Modèle:Lang et Modèle:Lang. Les deux articles se rapportent au même personnage.
  377. Les principaux de ces témoignages sont ceux de Modèle:Lang, médecin du Modèle:S, qui traduisit en latin une partie des œuvres de Soranos. Voir en particulier son traité Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 9.
  378. La Vie d’Hippocrate, avec le traité Sur les fractures et les fragments du Traité sur la matrice, dans Modèle:Lang, Modèle:Lang, Berlin, 1841, Modèle:T.Modèle:Rom-maj. Le texte du traité Sur les maladies des femmes, retrouvé seulement au Modèle:S par Modèle:Lang, a été publié après sa mort d’après sa copie : Modèle:Lang, Kœnigsberg, 1848. La meilleure édition aujourd’hui est celle de Val. Rose dans la Modèle:Abr Modèle:Lang, 1882. — La Vie d’Hippocrate se trouve aussi dans les Modèle:Lang de Westermann et dans la plupart des éditions d’Hippocrate.
  379. Modèle:Lang de Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj.
  380. Édition principale : Modèle:Lang, Utrecht, 1847 ; accompagnée de prolégomènes. — Pour la bibliographie, voir l’Modèle:Art.de Wellmann dans Modèle:Lang, Aretaios, Modèle:Rom-maj, 669.
  381. Suidas, Modèle:Lang. Galien lui-même fournit de nombreux renseignements sur sa biographie ; particulièrement dans l’opuscule Sur ses propres ouvrages, Modèle:Abr 1, 2 et 11. Voir aussi Sur les passions, Modèle:Abr 4 et 8. — Études biographiques : Modèle:Lang, Modèle:Lang, dans le Modèle:T.Modèle:Rom-maj de l’édition complète de Kuhn, Modèle:PgModèle:Rom Modèle:Et suiv. ; Pass, Modèle:Lang, diss., Berlin, 1854.
  382. Sur ses propres écrits, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj : Modèle:Lang
  383. Sur les passions, Modèle:Abr 8. Dans le même Modèle:Corr, il accuse en revanche, avec peu de discrétion, le caractère emporté de sa mère, qui « criait, mordait ses servantes, et bataillait contre son mari plus que Xanthippe contre Socrate. »
  384. Modèle:Ibid. Cf. Sur l’ordre de ses écrits, Modèle:Abr 4.
  385. Sur les erreurs, Modèle:Abr 3. Les élèves intelligents et bien formés, dit-il, se moquent des maîtres légers, Modèle:Lang. Même traité, Modèle:Abr 6, à propos de la précipitation : Modèle:Lang.
  386. Sur Les passions, Modèle:Abr 8.
  387. Sur l’ordre de ses écrits, Modèle:Abr 4.
  388. Sur l’ordre de ses écrits, Modèle:Abr 3, et Sur ses propres ouvrages, Modèle:Abr 2.
  389. Sur ses propres ouvrages, Modèle:Abr 1. Modèle:Lang (Modèle:Rom-maj. Modèle:Pg96, Modèle:Abr 5, Modèle:Lang). La phrase semble altérée par une transposition, qui, je crois, n’a pas encore été signalée. Les mots Modèle:Lang doivent être transportés dans la phrase suivante et se rapportent au second séjour. L’ensemble du passage le démontre.
  390. Voir tout le chapitre cité, qui est plein de détails curieux.
  391. Sur ses propres ouvrages, Modèle:Abr 4. Modèle:Lang était alors en Orient, mais l’expression Modèle:Lang désigne naturellement un acte de l’autorité impériale, qui est censé commun aux deux empereurs.
  392. Pour tous ces détails, même Modèle:Abr, Modèle:Abr 2.
  393. Un certain nombre de ses écrits furent brûlés à Rome dans l’incendie qui consuma le temple de la Paix : Sur ses propres ouvrages, Modèle:Abr 41.
  394. Sur la chronologie des écrits de Galien, consulter l’étude de Modèle:Lang, nouvelle série, Modèle:T.51, 2Modèle:E Modèle:Abr
  395. Les ouvrages conservés que nous mentionnons sans indiquer d’édition spéciale se trouvent dans les éditions des œuvres complètes de Galien. Voir la Bibliographie en tête du chapitre.
  396. Modèle:Éd. Modèle:Lang dans les Modèle:Lang de Galien, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr Modèle:Lang, Lipsiæ, 1893.
  397. Modèle:Éd. Modèle:Lang, texte grec avec traduction latine, Lipsiæ, 1874.
  398. Modèle:Éd. Modèle:Lang, dans le volume cité plus haut.
  399. Modèle:Éd. Modèle:Lang, dans les Modèle:Lang cités, Modèle:T.Modèle:Rom-maj.
  400. Sur ses propres écrits, Modèle:Abr 11 : Modèle:Lang. Sur la logique de Galien, voir Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 559 Modèle:Et suiv.
  401. Ces deux écrits sont dans le second Modèle:Vol.des Modèle:Lang, où ils ont été édités par Modèle:Lang, 1884.
  402. Dans le tome Modèle:Rom-maj des œuvres Modèle:Abr, édition de Modèle:Lang (Modèle:Pg582 Modèle:Sqq.) — Minoïde Minas a publié en 1844, (Paris, Didot) une Modèle:Lang attribuée à Galien, mais qui n’est pas de lui. Voir Modèle:Lang, Modèle:Abr cité. Ella a été rééditée par Modèle:Lang, Modèle:Lang, Lipsiæ, 1897, Modèle:Abr Modèle:Lang.
  403. Sur ses propres écrits, Modèle:Abr 13-16.
  404. Modèle:Abr, Modèle:Abr 47.
  405. Modèle:Abr Modèle:Abr 17.
  406. Sur l’ordre de ses ouvrages, Modèle:Abr 5.
  407. Modèle:Lang. Il mentionne son écrit Modèle:Lang.
  408. Sur la philosophie de Galien, consulter Modèle:Lang (Modèle:Abr, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg893 Modèle:Et suiv., qui a eu le tort d’ailleurs de ne pas dégager des œuvres de Galien sa philosophie de la science, la seule qui nous le montre tout entier. — En français, Modèle:Abr Chauvet, La psychologie de Galien, Caen, 1867, et du même La théologie de Galien, Caen, 1873.
  409. On la trouvera principalement dans le traité Sur Les forces de la nature. Modèle:Lang, section Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 6, ne me paraît pas en avoir saisi toute la valeur.
  410. Forces physiques, Modèle:Abr 1 : Modèle:Lang
  411. Modèle:Ibid. : Modèle:Lang (la clarté) Modèle:Lang
  412. Parmi les ouvrages généraux qui traitent de ce sujet, les plus autorisés aujourd’hui sont : Modèle:Lang, Londres, 1866 ; Modèle:Lang, Modèle:Lang et Modèle:Lang, 1895 ; Modèle:Lang, Modèle:Vol. parus, Leipzig, 1893-1897 ; Bardenhewer, Patrologie, Freiburg, 1894 ; Modèle:Abr Batiffol, Anciennes littératures chrétiennes, Littérature grecque, Paris, 1897. Il faut ajouter Renan, Les Apôtres, Modèle:Abr Paul, l’Antéchrist, les Évangiles, l’Église chrétienne, Marc-Aurèle, série d’ouvrages qui étudient plutôt le développement du christianisme que celui de sa littérature, mais où la littérature chrétienne primitive tient naturellement une grande place.
  413. Nous ne distinguons pas ici entre les écrits canoniques et les écrits apocryphes ; car, au point de vue littéraire, cette distinction n’aurait évidemment aucune raison d’être.
  414. Sans excepter les apothéoses impériales ; voyez Justin, Première apologie, Modèle:Abr Modèle:Rom.
  415. Eusèbe, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 3.
  416. Eusèbe, Modèle:Ibid. ; Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg339.
  417. Eusèbe, Modèle:Ibid. La vraie date a été rétablie d’après le texte même de l’Apologie.
  418. Une traduction arménienne incomplète en fut découverte et publiée par les Mékitaristes en 1878. Harris en découvrit une seconde, en syrien, dans un cloitre du Sinaï, en 1889. L’étude de ces textes amena Robinson à reconnaître que l’original grec, quelque peu altéré, se retrouvait dans la Vie de Barlaam et de Joasaph attribuée à Jean de Damas. Ces trois textes ont été publiés par Modèle:Lang, 1893.
  419. Consulter Freppel, Les Apologistes chrétiens au Modèle:S : Modèle:Abr Justin, Paris, 1886 ; Modèle:Abr Aubé, De l’Apologétique chrétienne au Modèle:S. Modèle:Abr Justin, philosophe et martyr. Paris, 1861.
  420. Notice dans Suidas, Modèle:Lang, et dans Photius, 125.
  421. Justin, Modèle:Abr, 2. 8.
  422. Eusèbe, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 18, place à Éphèse le lieu du dialogue avec Tryphon, qui est censé avoir lieu, d’après les données même de l’auteur, après la révolte des Juifs (132-135) ; voir le Modèle:Ch.1 du dialogue.
  423. Seconde Modèle:Abr, Modèle:Ch.Modèle:Rom.
  424. Tatien, Modèle:Abr, 18.
  425. Eusèbe, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 18, 5.
  426. Justin, Modèle:Abr, 1, 26. Cf. Eusèbe, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 11, 10. 7.
  427. Voir Puech, Mélanges Henri Weil, Modèle:Pg395, Paris, 1898. — La prin- cipale édition de Justin est encore celle d’Otto, dans le Modèle:Lang cité ci-dessus, Modèle:Pg657. Elle en forme les quatre premiers volumes ; les tomes Modèle:Rom-maj et Modèle:Rom-maj contiennent les œuvres authentiques ; les tomes Modèle:Rom-maj et Modèle:Rom-maj, celles que la critique a rejetées. L’édition de la Patrologie grecque, de Migne, reproduit celle de dom Marran, Paris, 1742. Les deux Apologies ont été publiées par Modèle:Lang, 1830, 1860 ; Modèle:3e Modèle:Édit. revue par Gutberlet, Leipzig, 1883. Édition isolée de la première Apologie, par Modèle:Lang, Londres, 1889.
  428. Modèle:Abr Apologie, Modèle:Ch.Modèle:Rom : Modèle:Lang
  429. Renvois à la première, Modèle:Ch.Modèle:Rom, Modèle:Rom, Modèle:Rom.
  430. Modèle:Ch. et Modèle:Ch.. Modèle:Lang, Modèle:Abr, § 16, 3.
  431. Renvoi au Modèle:Ch..
  432. Seconde Modèle:Abr, Modèle:Ch.Modèle:Rom.
  433. Modèle:Ibid. : Modèle:Lang
  434. Modèle:Ibid., Cf. même Modèle:Abr, Modèle:Ch.Modèle:Rom, l’éloge de la morale stoïcienne.
  435. Première apologie, Modèle:Ch.Modèle:Rom.
  436. Modèle:Abr apologie, Modèle:Ch.Modèle:Rom, Modèle:Rom ; et, d’autre part, Modèle:Ch.Modèle:Rom.
  437. Pour sa biographie, nous n’avons que des renseignements épars ; d’abord son Modèle:Abr au Gentils, Modèle:Ch.Modèle:Rom ; puis Irénée, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 28 ; Eusèbe, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 29.
  438. Tatien est connu aussi par son Harmonie des quatre évangiles, écrite en syrien, et que les écrivains grecs appellent le Modèle:Lang.
  439. Diverses opinions ont été émises à ce sujet. Voir Modèle:Lang, Patrologie, § 17, 1. — Éditions. Outre celle d’Modèle:Lang dans le Modèle:T.Modèle:Rom-maj de son Modèle:Lang, citons l’édition plus récente de Modèle:Lang, 1888, dans la collection des Modèle:Lang.
  440. Voir par exemple le Modèle:Ch.Modèle:Rom et tout le mouvement satirique marqué par ce début : Modèle:Lang
  441. C’est le seul renseignement que nous ayons sur sa personne. Les écrivains ecclésiastiques ne disent rien de lui. Voir pourtant Modèle:Lang, § 18. 1, et Modèle:Abr Arnould, Modèle:Lang, Paris, 1898 (Modèle:Pg12 Modèle:Et suiv., discussion du fragment suspect où Philippe de Sida parlait d’Athénagoras).
  442. Les deux écrits d’Athénagoras forment le tome Modèle:Rom-maj du Corpus de Modèle:Lang. Ils ont été réédités par Modèle:Lang, 1891 (Modèle:Lang).
  443. Renseignements Modèle:Abr, À Autolyc., Modèle:Rom-maj, 14 ; Modèle:Rom-maj, 24 ; Eusèbe, Modèle:Abr, Modèle:Éd. Schœne, Modèle:Rom-maj, 110 ; Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 20. Les trois lettres à Autolycos sont dans le Corpus d’Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj. Sur les autres ouvrages de Théophile, voir Modèle:Lang, 19, 3.
  444. Pour plus de détails sur ces divers auteurs, consulter Modèle:Lang, 21, et Batiffol, Modèle:Abr, Modèle:Pg89, 92, 99.
  445. Sur Irénée, Photius, Modèle:Abr, 120 ; Eusèbe, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 4 et 24 ; Jérôme, Modèle:Lang, 75, 3 ; Modèle:Abr de Tours, Modèle:Rom-maj, 29. Tous les témoignages sur Irénée sont recueillis dans Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg266 Modèle:Et suiv. — Études critiques ou biographiques : Freppel, Modèle:Abr Irénée et l’éloquence chrétienne dans la Gaule pendant les deux premiers siècles, Paris, 1861 et 1886 ; Modèle:Lang, Berlin, 1871.
  446. Voir Modèle:Lang, 24, et Batiffol, Modèle:Pg205. Lettres conservées en partie, notamment celle qui se rapporte aux souvenirs d’enfance d’Irénée, Eusèbe, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 20. Cette lettre a du charme et une aimable simplicité.
  447. Photius, Modèle:Abr 120.
  448. Édition des Bénédictins (Massuet), Paris, 1716, reproduite dans la Modèle:Abr de Migne, Modèle:T.Modèle:Rom-maj. La meilleure aujourd’hui est celle de Modèle:Lang, 1857, avec les fragments du texte grec et les fragments syriens et arméniens.
  449. Son importance, comme source de l’histoire littéraire chrétienne, est très grande. Car l’auteur a largement emprunté aux écrivains chrétiens antérieurs, notamment à Justin, et aussi à Hégésippe (mort sous Commode), qui, dans cinq livres de titre inconnu, avait, lui aussi, combattu le gnosticisme, mais probablement par des faits et des témoignages plus que par des discussions. Sur Hégésippe, voir Modèle:Lang, § 23.
  450. Sur la Modèle:Lang, voir l’étude très méthodique de Modèle:Abr Puech, Mélanges Henri Weil, Modèle:Pg395. L’auteur pense que la Modèle:Lang est de la fin du Modèle:S plutôt que du second.
  451. Modèle:Lang, § 16, 5.
  452. Pour les discussions sur la date et la provenance de cette lettre, voir Modèle:Lang, § 13.
  453. Modèle:Ch., fin : Modèle:Lang
  454. À Diognète, Modèle:Abr 5.
  455. Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj. Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Pg649, Berlin, 1819.
  456. Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg782 ; Modèle:Lang, § 20.
  457. Nous n’avons pas de notice complète sur Clément d’Alexandrie. Ce que nous savons de lui provient des renseignements dispersés dans ses propres écrits et dans ceux d’Origène, d’Épiphane, d’Eusèbe, etc. — Principaux écrits sur Clément : Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1851 ; Modèle:Abr Freppel, Clément d’Alexandrie, Paris, 1865. Modèle:Lang, 1886. — Nous ne citons pas ici les nombreux ouvrages où Clément est surtout considéré au point de vue du dogme. Voir la bibliographie donnée par Modèle:Lang 38, 1.
  458. [[Les Stromates/Livre premier/Chapitre I|Stromates, Modèle:Rom-maj, 1]].
  459. Cette chronologie repose surtout sur des indices, assez sûrs d’ailleurs. Voir Eusèbe, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abr 6.
  460. Eusèbe, Modèle:Rom-maj, 10 : Modèle:Lang
  461. Étude récente de Modèle:Lang, 1896.
  462. Eusèbe, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 10. Cf. [[Les Stromates/Livre premier/Chapitre I|Stromates, Modèle:Rom-maj, 1]].
  463. Eusèbe, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 11.
  464. Bibliographie, Modèle:Pg657.
  465. Photius, 109.
  466. Modèle:Lang, Modèle:Lang, Berlin, 1886.
  467. Modèle:Lang, 1882.
  468. Les titres de ce genre, d’une fantaisie prétentieuse, étaient alors à la mode. Voir Aulu-Gelle, Modèle:Abr, Préface.
  469. Le Modèle:Abr unique des Stromates (Laurentianus, Modèle:Rom-maj, 3) donne un 8Modèle:E livre, qui figure dans toutes les éditions. Il n’est pas sûr qu’il soit de Clément ni qu’il appartienne à cet ouvrage. Voir Harnack, Modèle:Abr, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg315.
  470. Modèle:Abr, Modèle:Abr 1.
  471. Sur cette famille, assez difficile à débrouiller, consulter Bergk. Modèle:Lang, dans son recueil intitulé Modèle:Lang, Leipzig, 1883.
  472. Suidas, Modèle:Lang.
  473. Sur l’attribution du Néron, voir Modèle:Lang Modèle:Lang, Heidelberg, 1838, Proleg., Modèle:Abréviation 33.
  474. Sur cette cour lettrée, voir Modèle:Abréviation, Vie d’Apollonios, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom ; Vies des sophistes, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom ; Lettres, 73 ; Dion Cassius, 75, 15, 6 ; Suidas, Modèle:Lang ; Oppien d’Apamée, début des Cynégétiques.
  475. On l’appelle ainsi pour l’opposer à son petit-fils dont il va être question ensuite, Philostrate le jeune, parce qu’ils sont tous deux auteurs de Tableaux. Il faut bien remarquer qu’il n’est aucunement le plus ancien des Philostrate.
  476. Les attributions de Suidas sont confuses et contradictoires. Mais celles-ci sont confirmées par une scolie anonyme ajoutée au titre de l’abrégé des Vies des sophistes du Vatican (voir Modèle:Lang, Vies des Modèle:Abréviation, édition d’Heidelberg, 1838, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj) et par le rhéteur Ménandre (Modèle:Abréviation, de Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj. Modèle:Abréviation 390).
  477. Vie d’Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom.
  478. Modèle:Abréviation
  479. Modèle:Abréviation
  480. Voir Modèle:Lang, nouvelle série, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 137.
  481. On peut croire qu’il contribua à augmenter la réputation d’Apollonios. Caracalla lui dédia un sanctuaire (Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom) ; Alexandre Sévère avait sa statue dans son Modèle:Lang (Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation, 29) ; il fut honoré, ou même adoré comme un dieu, à Éphèse (Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 3) ; et dès la fin du Modèle:S, son image se trouvait dans beaucoup de temples (Modèle:Lang, 24). Modèle:Lang (Modèle:Abréviation cité) écrit à son sujet : Modèle:Lang Il se proposait d’écrire lui-même sa vie en latin.
  482. L’ouvrage d’Hiéroclès, perdu, peut encore être restitué dans ses grandes lignes, à l’aide de la réfutation d’Eusèbe, dont on trouvera le texte à la suite de la Vie d’Apollonios, dans le Philostrate de Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Lang.
  483. Voir surtout Modèle:Lang, Tubingue, 1832. Cf. Chassang, Apollonius de Tyane, traduction annotée, Paris, 1862, Introduction.
  484. Vies des Modèle:Abréviation, préface.
  485. Il semble qu’il ait dû beaucoup à Damianos d’Éphèse en particulier : Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom et Modèle:Rom. On voit par ces passages que c’était ce sophiste qui l’avait renseigné sur Ælius Aristide et sur Adrien de Tyr.
  486. Il y est fait mention, (Modèle:Abréviation Modèle:Rom) de l’athlète Hélix, célèbre sous Élagabale (Dion Cassius, 79, 40).
  487. On a vu plus haut que la « lettre » était une des formes d’amplification en honneur parmi les sophistes.
  488. On peut en dire autant de deux fragments qui accompagnent ce recueil de lettres. L’un est une définition des qualités propres au genre épistolaire : il est plaisant d’y voir l’auteur recommander, en termes d’ailleurs prétentieux, la simplicité et la clarté. L’autre est un pur développement sophistique sur l’exposition et la conciliation de la nature et de la coutume. Suidas attribue à Philostrate un recueil de Modèle:Lang : ce second fragment doit provenir d’une de ces amplifications.
  489. Ménandre (Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 190) : Modèle:Lang
  490. Héroïque, Modèle:Rom-maj, 6, mention de l’athlète Hélix, dont il a été parlé plus haut.
  491. Il utilise pour cela des tragédies perdues, ce qui donne aujourd’hui à ses récits une certaine valeur documentaire.
  492. Portraits de Palamède, d’Ajax, d’Achille, etc.
  493. Consulter E. Bertrand, Un critique d’art dans l’antiquité ; Philostrate et son école, Paris, Thorin, 1882 ; Bougot, Une Galerie antique, traduction, avec une introduction et des commentaires, Paris, 1881.
  494. Préface : … Modèle:Lang
  495. Voir Suidas, Modèle:Lang. On a vu plus haut que Lucien s’était complu à décrire des œuvres d’art et à les interpréter.
  496. La question indiquée ici a divisé et quelque peu passionné les archéologues. Selon K. Friedrichs, les tableaux de Philostrate auraient été composés par lui d’après des passages de divers poètes (Modèle:Lang, 1861). Mais, l’opinion contraire a été fortement défendue, surtout par Modèle:Lang (Modèle:Lang, même recueil, Modèle:Abréviation, 1861 et 1871). Pour l’opinion intermédiaire, voir F. Matz, Modèle:Lang, Bonn, 1867.
  497. Nous avons un certain nombre de descriptions de Libanios (voir plus loin). Il y en a aussi dans le roman d’Achille Tatios. Bien que le genre ne fût pas propre à Philostrate, l’un et l’autre avaient certainement lu ses descriptions.
  498. Modèle:Lang est le titre qu’il donne à son prédécesseur dans la Préface de ses Tableaux.
  499. Il est manifeste, toutefois, qu’en certains passages au moins, il invente ou arrange les choses à sa manière. C’est ainsi que, dans le tableau 10, un des personnages, Néoptolème, est censé porter le bouclier d’Achille ; à ce propos, Philostrate paraphrase la description du 18Modèle:E chant de l’Iliade, bien que ce bouclier n’ait pu être représenté avec tout ce détail sur un tableau.
  500. On y voit figurer trois bronzes de Praxitèle, savoir : un Éros, (Modèle:Abréviation Modèle:Rom), un Dionysos Modèle:Abréviation Modèle:Rom), une statue de jeune homme (Modèle:Abréviation Modèle:Rom, et une œuvre, également en bronze, de Lysippe, le Génie de l’à-propos (Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom).
  501. Suidas, Modèle:Lang ; Modèle:Abréviation, Vies des Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 31. — Modèle:Abréviation Modèle:Lang, dans Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 486.
  502. Vies des Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 31.
  503. Philostrate ne dit pas à quel moment cette parole fut prononcée. Il est possible que, plus tard, Élien ait visité l’Égypte. J’ai peine à croire que les mots Modèle:Lang, dans l’Modèle:Abréviation des animaux, Modèle:Rom-maj, 40, soient empruntés avec le reste du passage à Apion, comme le pense Modèle:Lang (Modèle:Lang, Modèle:Abréviation cité).
  504. Modèle:Abréviation : Modèle:Lang. Et plus loin : Modèle:Lang. Modèle:Abréviation Hist. variée, Modèle:Rom-maj, 38.
  505. Philostrate rapporte que son neveu, Philostrate de Lemnos, dit à Élien, non sans esprit : Modèle:Lang.
  506. Sur les animaux, Modèle:Rom-maj, 13.
  507. Sur les animaux, 24.
  508. Sur les sources d’Élien dans son Modèle:Lang, voir l’Modèle:Abréviation cité de Modèle:Lang dans Modèle:Lang et les études du même savant dans l’Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj et Modèle:Rom-maj. Élien prétend avoir apporté aussi des observations personnelles, Épilogue, fin. Cela reste à prouver.
  509. Épilogue, vers le milieu.
  510. Prologue Modèle:Lang. Il traduisait ses auteurs en langage littéraire : 1. Modèle:Lang. La Modèle:Lang s’oppose pour lui au langage technique des spécialistes.
  511. Suidas le cite sans cesse. Au Modèle:S, ce succès durait encore : Manuel Philès d’Éphése lui emprunta la substance de son poème Modèle:Lang, dédié à l’empereur Michel Paléologue.
  512. Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1857.
  513. Essai de Modèle:Lang dans Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj.
  514. L’authenticité de ces lettres reste douteuse, malgré l’opinion d’Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj.
  515. Suidas, Modèle:Lang. — Article Modèle:Lang, n° 22, dans Modèle:Lang.
  516. Il y parle de la mort d’Ulpien, qui eut lieu en 228 (Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 286 e) ; malgré la part de fiction qu’il mêle à la réalité, il y a lieu de croire qu’il n’eut pas fait mourir un personnage vivant (Voir Modèle:Lang, Modèle:Abréviation de son édition).
  517. Voir Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 656.
  518. La trace de cette division primitive se trouve à la marge du Modèle:Abréviation de Venise.
  519. Manquent les deux premiers livres, le commencement du troisième, deux parties du onzième, et la fin de l’ouvrage.
  520. Modèle:Rom-maj, 3. Modèle:Lang, dit l'abréviateur.
  521. Discussions à ce sujet : Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj ; Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj ; Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, et en général l’Modèle:Abréviation cité de Modèle:Lang dans Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 2032.
  522. Voir, dans le même article, l’exposé de ce que contient l’ouvrage, livre par livre.
  523. Suidas. Modèle:Lang. Modèle:Abréviation Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 33, fin. — Modèle:Abréviation de Modèle:Lang dans Modèle:Lang.
  524. Voir ces noms dans Suidas.
  525. Modèle:Lang de Spengel, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 331. Le titre de l’ouvrage est diversement altéré dans les Modèle:Abréviation Le plus important de ceux-ci est le Modèle:Lang 1874. Le texte de la rhétorique y est d’ailleurs défiguré, comme dans tous les autres Modèle:Abréviation, par diverses interpolations. Ce chaos a été débrouillé peu à peu par Modèle:Lang. Voir Modèle:Abréviation cité de Modèle:Lang. — Le traité Modèle:Lang, qui est joint à la Rhétorique, n’en est sans doute qu’un chapitre aujourd’hui détaché.
  526. Scol. de Démosth., Leptin., 458, 9, et scol. d’Hermogène, Modèle:Rom-maj, 517, Modèle:Lang.
  527. Modèle:Lang, voir C. Modèle:Lang, Fr. Hist. Gr., Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 662. Modèle:Lang, Modèle:Lang. Rhet. Gr., Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 415 ; Suidas, Modèle:Lang et Modèle:Lang. Modèle:Lang, Modèle:Lang, Rh. Gr., Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 461.
  528. Modèle:Abréviation Dindorf, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 26, 22 et surtout 260, 2. La citation de la page 53, 34 me paraît se rapporter au poète Ménandre.
  529. Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 329.
  530. Modèle:Lang. Il attribue le second traité à un auteur inconnu, d’Alexandria Troas.
  531. Suidas, Modèle:Lang. Cf. Modèle:Lang et Modèle:Lang. Eunape, Modèle:Lang
  532. Modèle:Abréviation, Vie de Plotin, § 20 (Didot).
  533. Voir la fin de la lettre citée par Porphyre, Modèle:Abréviation, § 19 et le fragment du Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, § 20.
  534. Même lettre.
  535. Vopiscus, Aurel., Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj. Zosime, Modèle:Sc, 56.
  536. Voyez plus haut, Modèle:Abréviation 783, Modèle:Abréviation 5.
  537. Modèle:Lang, Porphyre, Vie de Plotin, 14. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 463 et Modèle:Abréviation
  538. Confondu dans les Modèle:Abréviation avec la Rhétorique d’Apsinès, ce traité de Longin en a été dégagé par Modèle:Lang ; voir Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj.
  539. Voir l’appréciation de l’Anonyme (Rh. Gr. de Spengel, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 321), qui égale cette Rhétorique à celle d’Hermogène, et même la préfère Modèle:Lang (Longin) Modèle:Lang.
  540. Vie de Plotin, 20 : Modèle:Lang. Et plus loin : Modèle:Lang. Plus loin encore, 21 : Modèle:Lang — Cf. l’anonyme cité dans la note précédente, et surtout ce qu’en dit Eunape dans la vie de Porphyre.
  541. Titres cités par Suidas.
  542. Voir Modèle:Abréviation 378.
  543. L’étude capitale sur le roman grec est celle de E. Rohde, Modèle:Lang. Leipzig, 1876. Elle avait été précédée en France par celle de Chassang, Histoire du roman et de ses rapports avec l’histoire dans l’antiquité grecque et latine, 2Modèle:E Modèle:Abréviation, Paris, 1862. La définition du roman n’y étant pas assez précise, l’auteur a écrit plutôt l’histoire de la fiction, ce qui est assez différent. Cf. aussi Nicolaï, Modèle:Lang, 2Modèle:E édition, Berlin, 1867. Rappelons enfin, à cause du nom de l’auteur, l’étude de Villemain Sur les Romans grecs.
  544. On a voulu aussi autrefois le rattacher aux contes orientaux ; Huet, Lettre à Segrais sur l’origine des romans. Cette opinion paraît devoir être rejetée. Nous ne trouvons rien Modèle:Corr le roman grec qui ne s’explique par des antécédents helléniques.
  545. Bien entendu, cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu antérieurement d’autres ouvrages analogues. Le roman a pu prendre naissance un siècle ou deux plus tôt, sans que nous en saisissions la trace.
  546. Ce papyrus appartient à la section égyptienne du musée de Berlin. Il a été décrit et analysé par Modèle:Lang dans l’Hermes, 1893, 2Modèle:E Modèle:Abréviation
  547. Photius, Modèle:Abréviation, 166 ; Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation 254 Modèle:Abréviation ; Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 2615.
  548. Ajoutons que Porphyre le cite dans sa Vie de Pythagore.
  549. Photius, Modèle:Abréviation cité : Modèle:Lang.
  550. Il y en a quelques fragments dans la Vie de Pythagore de Porphyre, mais ils sont difficiles à isoler.
  551. Suidas, Modèle:Lang. — Photius, 94. Les renseignements biographiques sont au milieu de l’analyse (p. 75, Bekker ; Hercher, Erot. Scrip. Or., t. I, p. 225) ; évidemment Jamblichos les donnait là dans son récit ; mais ils doivent étre contrôlés à l’aide de la notice marginale du Modèle:Lang, 450, reproduite dans le Photius de Modèle:Lang, p. 73, note 24. — E. Modèle:Lang, Gr. Rom., p. 361.
  552. L’analyse de Photius doit être lue dans l’édition des Modèle:Lang de Modèle:Lang, t. Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 225 et Modèle:Abréviation — Voir en outre : 1° les fragments réunis dans le même volume, Modèle:Abréviation 217-220 ; 2° ceux qui ont été ajoutés après coup en tête du second volume, Modèle:Abréviation 64-67 ; 3° enfin ceux qui ont été publiés par H. Hinck, à la suite des Modèle:Lang, 1873 (Modèle:Abréviation 46-51).
  553. Selon Suidas, les Babyloniques avaient 39 livres ; mais l’analyse qu’en donna Photius s’arrête au Modèle:Rom-majModèle:E et sembla complète ; comme le livre eut grand succès, on peut expliquer cette divergence en supposant qu’il y eût plusieurs éditions, diversement divisées.
  554. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation cité, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj.
  555. Voir dans Hinck, Modèle:Abréviation cité, Modèle:Abréviation 46, le discours du maître accusant son esclave d’adultère, et, Modèle:Abréviation 49, la description du cortège du roi de Babylone.
  556. Suidas, Modèle:Lang. En dehors de cette notice, qui ne nous apprend à peu près rien, nous n’avons aucun renseignement biographique sur Xénophon.
  557. Modèle:Lang, Gr. R., Modèle:Abréviation 388 et Modèle:Abréviation Cf. Modèle:Lang, Modèle:Lang, Kempten, 1887.
  558. Dans le texte que nous possédons, il forme cinq livres, qui conduisent l’aventure jusqu’à son dénouement. Selon Suidas, il formait dix livres. Il est donc possible, mais nullement certain, que notre texte représente une édition abrégée. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation 401.
  559. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation 405, note 1.
  560. Modèle:Lang, 1896.
  561. Voir surtout la préface de A. Riese, en tête de son édition : Modèle:Lang, Leipzig, 1871 ; 2Modèle:E édition, 1893. — Cf. Modèle:Abréviation Rohde, Gr. R. Modèle:Abréviation 408 et Modèle:Abréviation, et Modèle:Lang, Apollonius, n° 89. L’existence d’un original grec, quoique certaine, ne se fonde sur aucun témoignage positif. On l’a déduite d’abord des hellénismes qu’on a cru relever dans le latin du traducteur (voir A. Riese, préface ; contredit par Modèle:Lang, 1881). Elle résulte surtout de la nature même de l’œuvre. — Les remaniements en grec vulgaire qui ont eu cours chez les Byzantins dérivent de la traduction latine (Krumbacher, Byz. Liter., § 252).
  562. Modèle:Lang, Préface, seconde édition, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj. Selon Modèle:Lang, § 252), l’imitateur serait au contraire Xénophon.
  563. Nous n’avons aucune notice sur lui. Nos seuls renseignements sont ceux que nous discutons dans le texte.
  564. Photius, Modèle:Abréviation 73, s’exprime de même : Modèle:Lang (Héliodore) Modèle:Lang. — Nicéphore Callistos, qui écrivait au Modèle:S son Histoire ecclésiastique, en sait plus long. Il raconte (Modèle:Rom-maj, 34) qu’Héliodore, ayant composé les Éthiopiques dans sa jeunesse, fut sommé par le synode de Thessalie, lorsqu’il était évêque, de les supprimer ou d’abandonner l’épiscopat. Il se démit de ses fonctions plutôt que de brûler son œuvre.
  565. Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation 432 Modèle:Abréviation
  566. Le souvenir précis de cet ouvrage se retrouve peut-être dans la façon dont sont représentés les Gymnosophistes d’Éthiopie, qui ressemblent fort aux sages Indiens de Philostrate.
  567. Voir en particulier le passage du Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj relatif aux Ænianes, à Achille, à Néoptolème et à Théagène, leur descendant ; ou encore, au Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, l’apparition d’Ulysse à Calasiris.
  568. Suidas (Modèle:Lang) cite en outre deux romanciers du nom de Xénophon, l’un d’Antioche, l’autre de Chypre, dont nous ne savons d’ailleurs rien.
  569. Voir l’avant-propos de sa pastorale.
  570. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation 302 Modèle:Abréviation
  571. Lire à ce sujet S. Marc Girardin, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom, en se défiant pourtant d’une certaine exagération qui s’y fait sentir.
  572. Hérodien, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom, 6.
  573. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom.
  574. Treb. Pollion, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom, 6.
  575. Tableaux, Modèle:Rom-maj, 23. Modèle:Abréviation Modèle:Lang, Modèle:Abréviation 457.
  576. Modèle:Abréviation, Contre Aristide, Modèle:Abréviation 391 Modèle:Lang.
  577. Suidas, Modèle:Lang.
  578. Suidas, Modèle:Lang. Pisandre semble avoir dissimulé sa personnalité et s’être donné pour un poète de l’âge antéhistorique. Voir dans l’Hésiode de Didot, la notice sur Pisandre de Rhodes, Modèle:Abréviation 6, et les fragments des Théogamies héroïques, Modèle:Abréviation 8. Mais cette supercherie n’est pas une raison pour mettre en doute l’attribution de ce poème au fils de Nestor, car les renseignements de Suidas sont précis et paraissent venir de bonne source.
  579. Porphyre, Vie de Plotin, Modèle:Abréviation 7 : Modèle:Lang.
  580. Suidas, Modèle:Lang ; cf. Modèle:Lang.
  581. Modèle:Lang a cru pouvoir considérer comme des fragments de ce poème quelques vers choliambiques qui figurent dans le récit du Pseudo-Callisthène (Pseud. Call., Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, dans l’Arrien de la Modèle:Abréviation Didot).
  582. Modèle:Lang, Modèle:Lang, 486 et Modèle:Abréviation, Modèle:Lang.
  583. Fragments dans Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 99 Modèle:Abréviation
  584. Les Modèle:Lang se trouvent dans le volume de la Modèle:Abréviation Didot qui contient Théocrite et les poètes didactiques. Voir l’étude préliminaire très complète de Modèle:Lang, seconde édition de Modèle:Lang, Leipzig, 1858. — On trouvera dans le même volume : un poème Sur les Auspices, qui porte le nom du philosophe Modèle:Sc (Modèle:S), mais qui paraît être l’œuvre d’un poète alexandrin ; des fragments astronomiques de Modèle:Sc (d’époque inconnue) ; quelques vers élégiaques Sur l’horoscope d’Modèle:Sc, probablement contemporain de Néron, mais en tout cas antérieur au Modèle:S ; Modèle:Lang, 36.
  585. Notice très courte de Suidas, Modèle:Lang ; Photius, Modèle:Abréviation 71. — Dissertation de Reimar Modèle:Lang, en tête de son édition, Hambourg, 1750, reproduite en partie dans le Dion de la Modèle:Abréviation Teubner, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj.
  586. Dion, 75, 15. La date de sa naissance ne peut être postérieure, puisqu’il était sénateur en 180, l’âge sénatorial étant de 25 ans. Elle ne peut guère être antérieure, à cause de la date de sa mort.
  587. Dion, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, 36, 4 ; Modèle:Rom-maj, 1, 3 ; Modèle:Rom-maj 1, 7, 2.
  588. Voir par ex. Modèle:Rom-maj, 1, 3 : Modèle:Lang.
  589. Modèle:Rom-maj, 14.
  590. Modèle:Rom-maj, 12.
  591. Modèle:Rom-maj, 1 ; Modèle:Rom-maj, 12.
  592. Modèle:Rom-maj, 23.
  593. Modèle:Rom-maj, 23.
  594. Pour tous ces détails, nous avons son propre témoignage, très précis ; même passage. La date initiale ne peut être déterminée qu’approximativement et par conjecture. Voir Reimar, dissertation citée, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj dans l’édition Teubner.
  595. Modèle:Rom-maj, 2 : Modèle:Lang.
  596. Reimar, Dissertation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj.
  597. Modèle:Rom-maj, 7.
  598. Modèle:Rom-maj, 1.
  599. Même passage. Cf. Reimar, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj.
  600. Modèle:Rom-maj, 4.
  601. Même passage. Cf. Photius, Modèle:Abréviation 71.
  602. Modèle:Lang, 1889).
  603. Photius, Modèle:Abréviation 71 : Modèle:Lang.
  604. Dion, Modèle:Rom-maj, 2 : Modèle:Lang. Cela n’empêche pas d’ailleurs qu’il n’y ait chez lui des expressions et des formes non classiques.
  605. Hérodien, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom, 5 et Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom, 7. Il est superflu, après cela, de faire remarquer qu’Hérodien l’historien ne doit pas être confondu, comme il l’a été autrefois par Modèle:Lang et par d’autres, avec le grammairien Hérodien dont nous avons parlé plus haut.
  606. Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom, 8, Modèle:Lang. Cf. Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom, 10, spectacles qu’il a vus à Rome sous Septime-Sévère. Jugement sur les Grecs, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom, 7.
  607. Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom, 5 : Modèle:Lang.
  608. Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom, 7.
  609. Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom, 7 : Modèle:Lang.
  610. Modèle:Lang, 12, 14 : Modèle:Lang
  611. Photius, Modèle:Abréviation 99, le loue avec excès, mais son jugement repose sur des impressions justes.
  612. Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 659.
  613. Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation 663.
  614. Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation 664-665.
  615. Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation 666 et Modèle:Abréviation — Suidas, Modèle:Lang ; Photius, Modèle:Abréviation 82. CIG, Modèle:Rom-maj, 380. Trebellius, Gallieni, Modèle:Abréviation Modèle:Rom. — Les fragments de Dexippe se trouvent aussi dans les Modèle:Lang de Dindorf, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Teubner.
  616. Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 610.
  617. Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 688 et Modèle:Abréviation
  618. Modèle:Abréviation de Modèle:Abréviation, 693, 7, Modèle:Lang. Mais il l’appelle ailleurs (239, 15) Modèle:Lang.
  619. Les deux ouvrages dont il paraît s’être le plus servi sont l’Modèle:Lang de Dioclès de Magnésie, écrivain du Modèle:S Modèle:Abréviation, et la Modèle:Lang de Favorinus. Voir Modèle:Abréviation Nietzsche, Modèle:Lang, Rhein. Mus., Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj ; V. Egger, Modèle:Lang, Bordeaux, 1881.
  620. Modèle:Abréviation Simon, Modèle:Abréviation de l’École d’Alexandrie, 2 Modèle:Abréviation, Paris, 1845 ; Vacherot, Modèle:Abréviation de l’École d’Alexandrie, 3 Modèle:Abréviation, Paris, 1846, 1851 ; Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 418 et Modèle:Abréviation ; Chaignet, Modèle:Abréviation de la Modèle:Abréviation des Grecs, 5 Modèle:Abréviation, Paris, 1893 ; le tome Modèle:Rom-maj est consacré à la psychologie de Plotin.
  621. Nous avons de lui des commentaires sur les Analytiques, sur les Topiques, sur la Météorologie, sur le traité De la Sensation, sur une partie de la Métaphysique, et en outre plusieurs écrits indépendants, dont le Modèle:Lang, dédié en 211 à Septime Sévère et à Caracalla. Les commentaires, souvent édités séparément, doivent être réunis dans la grande édition des Modèle:Lang de l’Académie de Berlin. Les Modèle:Lang ont été publiés par Bruns, Modèle:Lang, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj.
  622. Nous ne nous arrêtons pas ici aux ouvrages sans intérêt. On rapporte au Modèle:S le Lexique de Platon, du sophiste Timée, que Ruhnken a tiré d’un Modèle:Abr de la Modèle:Abr de Saint-Germain. Cf. Photius, Modèle:Abr 151. Édition de Modèle:Lang, Leyde, 1754 et 1789. Ce lexique est joint à plusieurs éditions de Platon, notamment à celle d’Hermann, dans la Modèle:Abr Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg397. Il n’y a rien à en tirer ni pour la philosophie, ni pour la philologie.
  623. Nous sommes surtout renseignés sur la vie de Plotin par la Biographie qu’a écrite Porphyre. Cf. Suidas, Modèle:Lang, et Eunape, Vie des Modèle:Abr, Plotin.
  624. Ammonios Saccas lui-même n’a rien écrit. Son rôle a été tout philosophique : il n’y a donc aucune raison de la faire figurer dans une histoire littéraire. D’ailleurs, ses idées ne nous sont pas assez connues pour qu’on puisse y discerner sûrement ce qui est de lui et ce que Plotin y a ajouté.
  625. Treb. Pollion, Gall., Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj. Porphyre rapporte (Modèle:Abréviation de Plotin, 12) qu’il fut question entre eux de fonder en Campanie une cité sur le modèle de celle de Platon. Elle devait s’appeler Platonopolis. Il est difficile de décider aujourd’hui jusqu’à quel point un tel projet était sérieux de la part de l’Empereur.
  626. Vie de Plotin, 8.
  627. Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom.
  628. Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom.
  629. Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom et Modèle:Abréviation
  630. [[Ennéades (trad. Bouillet)/I/Livre 2#I|Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom]], 1 : Modèle:Lang. — [[Ennéades (trad. Bouillet)/III/Livre 4#II|Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom]], 2 : Modèle:Lang.
  631. Vie de Plotin, 1.
  632. Non pas, bien entendu, que toutes ces conceptions soient simplement incorporées telles quelles à son système ; elles y sont fondues, mais on peut les y retrouver, et d’autres encore.
  633. Dès le siècle précédent, sous Antonin et Marc-Aurèle, la théurgie chaldéenne tendait à se populariser dans le monde grec. Suidas, Modèle:Lang et Modèle:Lang, fils du précédent.
  634. [[Ennéades (trad. Bouillet)/I/Livre 6#VIII|Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj]], Modèle:Abréviation Modèle:Rom : Modèle:Lang.
  635. Vie de Plotin, Modèle:Abréviation Modèle:Rom : Modèle:Lang.
  636. [[Vie de Plotin (trad. Bouillet)#XXIII|Modèle:Abréviation]], Modèle:Abréviation Modèle:Rom : Modèle:Lang.
  637. Modèle:Abréviation, [[Vie de Plotin (trad. Bouillet)#XXIII|Modèle:Abréviation de Plotin]], 23 : Modèle:Lang.
  638. [[Ennéades (trad. Bouillet)/VI/Livre 9#I|Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom]], 1, 3 : Modèle:Lang.
  639. [[Ennéades (trad. Bouillet)/V/Livre 3#XVII|Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom]], Modèle:Abréviation Modèle:Rom : Modèle:Lang. — [[Ennéades (trad. Bouillet)/V/Livre 5#III|Modèle:Abréviation Modèle:Rom]], Modèle:Abréviation Modèle:Rom : Modèle:Lang (les degrés inférieurs de l’être et de la connaissance) Modèle:Lang.
  640. [[Ennéades (trad. Bouillet)/V/Livre 3#XIV|Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom]], Modèle:Abréviation Modèle:Rom : Modèle:Lang. — Cf. Porphyre, Modèle:Lang.
  641. Il eut d’ailleurs une influence morale et religieuse profonde, mais seulement une influence morale et religieuse. Eunape, Modèle:Abréviation, Plotin : Modèle:Lang (au Modèle:S) Modèle:Lang. Eunape, malheureusement, est toujours suspect d’exagération oratoire.
  642. Amélius Gentilianus, le plus remarquable d’entre eux, était originaire d’Étrurie. Il s’attacha à Plotin en 247 et resta auprès de lui jusqu’à sa mort. Il avait mis en ordre les notes qu’il prenait en écoutant son maître, et il les donna a son fils adoptif ; elle formait cent volumes (Modèle:Abréviation, [[Vie de Plotin (trad. Bouillet)#III|Modèle:Abréviation de Plotin, Modèle:Abréviation Modèle:Rom]]). Ni ce recueil, ni ses autres écrits ne nous sont parvenus. Voir Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 632.
  643. Il s’appelait proprement Malchos, ce qui, en syrien, signifie « roi ». Ce nom fut traduit en grec tantot par Modèle:Lang, tantôt par Modèle:Lang. Cette dernière forme est celle qu’il avait adoptée lui-même. Sa biographie nous est connue soit par ses propres témoignages (il parle beaucoup de lui-même dans sa Vie de Plotin), soit par une notice de Suidas (Modèle:Lang) et une autre d’Eunape (Modèle:Abréviation des Modèle:Abréviation, Porphyre). — Sur Origène, voir le passage de Porphyre cité par Eusèbe, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 19.
  644. Eusèbe, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 19 : Modèle:Lang.
  645. Voyage à Carthage, Traité sur l’Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom.
  646. Lettre à Marcella, 1.
  647. Eunape, Modèle:Abréviation cité.
  648. Augustin. Cité de Dieu, Modèle:Rom-maj, 22 : Modèle:Lang. Eunape, Modèle:Abréviation cité : Modèle:Lang.
  649. Outre ceux dont nous allons parler, mentionnons, à cause de leur notoriété et sans y insister autrement, le Traité sur l’âme (Modèle:Lang), dédié à Boéthos, et la Lettre à Anébon, qui traitait de la divination. Des fragments assez importants de l’un et de l’autre subsistent dans la Préparation évangélique d’Eusèbe. Pour la Lettre à Anébon, voir aussi Augustin, Cité de Dieu, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom. — Il nous reste des fragments d’un traité Sur les forces de l’âme (Modèle:Lang) et l’Introduction du commentaire sur les catégories d’Aristote.
  650. On y trouve aussi quantité de citations intéressantes ; l’auteur a particulièrement utilisé le traité de Théophraste Sur la piété, au point qu’avec son livre on peut le restituer en partie. Il a emprunté, en outre, maint passage aux poètes. Bernays, Modèle:Lang, Berlin, 1866.
  651. Modèle:Rom-maj, 57 : Modèle:Lang
  652. Modèle:Rom-maj, 33 et Modèle:Abréviation
  653. Sur ces emprunts, voir Nauck, Modèle:Lang. Porphyre s’est particulièrement servi des Sentences de Sextus et des écrits d’Épicure.
  654. Voir sur ce livre Boucher-Leclercq, Modèle:Abréviation de la Divination, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 85. — Fragments assez nombreux et importants dans Eusèbe, Préparation évangélique, passim. — Modèle:Abréviation : Modèle:Lang, Berlin, 1856.
  655. Eusèbe, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom : Modèle:Lang.
  656. Sur ces recueils, consulter Lobeck, Aglaophamus, Modèle:Abréviation 98-111, 224-226.
  657. Eusèbe, Modèle:Rom-maj, 6 : Modèle:Lang.
  658. Si nous étudiions ici Porphyre comme philosophe, il y aurait lieu d’insister sur la part de la théurgie dans son enseignement. Voir, sur sa démonologie et sur ses pratiques théurgiques, les témoignages de Modèle:Abréviation Augustin dans sa Cité de Dieu, particulièrement Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom et Modèle:Abréviation Mais cette partie de sa doctrine n’est plus représentée par aucune œuvre qui intéresse la littérature.
  659. Eusèbe, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 6 : Modèle:Lang.
  660. Suidas, Modèle:Lang. — Cyrille, Modèle:Abréviation Julien, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 28 : Modèle:Lang.
  661. Eusèbe, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 19.
  662. L’importance de l’ouvrage est attestée aussi par ce fait, qu’au siècle suivant Apollinaire de Laodicée en composa une réfutation en trente livres, aujourd’hui perdue.
  663. Cité de Dieu, Modèle:Rom-maj, 29, 32. On voit assez par toute la discussion de Modèle:Abréviation Augustin, que, pour lui, Porphyre est le grand écrivain religieux du paganisme.
  664. M. ouv., Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom Modèle:Rom : Modèle:Lang
  665. Il est possible cependant qu'il eût indiqué brièvement, en forme de conclusion, les destinées ultérieures de la doctrine platonicienne, car nous voyons qu’il parlait de Plutarque (Modèle:Abréviation 19, Nauck).
  666. J. Malalas, Chronogr., p. 56, 11, appelle son ouvrage Modèle:Lang. Voyez aussi les Modèle:Abréviation 1, 2, 3, de Nauck.
  667. Euséb., Chron., Modèle:Abréviation 195. Voir Fr. Hist. græc., Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 688.
  668. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Herm. Schrader, Leipzig, 1880.
  669. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 224 et Modèle:Abréviation Voir aussi l’essai, de L. Ménard, joint à la traduction signalée plus bas.
  670. Suidas. Modèle:Lang.
  671. Modèle:Abréviation Pietschmann, Modèle:Lang, Leipzig, 1895.
  672. Texte grec de Turnèbe. Traduction française : Hermès Trismégiste, traduction complète, précédée d’une étude sur l’origine des livres hermétiques, par Modèle:Abréviation Ménard, Paris, 1866 et 1868.
  673. Modèle:Lang, Modèle:Lang, Berlin, 1854.
  674. Eusèbe, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 22 ; Jérôme, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation 61 ; Suidas, Modèle:Lang ; Photius, Modèle:Abréviation 94 ; Modèle:Abréviation Libérien. — Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, § 25. Batiffol, Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation 146. Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1Modèle:Re Modèle:Abréviation, t. II, Modèle:Abréviation 605 et Modèle:Abréviation
  675. À côté de lui, d’autres, que nous laissons de côté à dessein, se firent alors un nom dans le même milieu, par exemple Caïus, prêtre, un de ceux auxquels on a cru pouvoir attribuer les Modèle:Lang.
  676. P. A. de Lagarde, Modèle:Lang, Leipzig et Londres, 1858.
  677. Bibliographie de la question dans Modèle:Lang, Modèle:Abréviation et Modèle:Abréviation cités. Opinion dissidente dans Batiffol, Modèle:Abréviation cité, Modèle:Abréviation 155.
  678. Le vrai titre a dû être celui que donne Eusèbe, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, 22 : Modèle:Lang.
  679. Sur Origène, en général, Harnack, Modèle:Lang 1Modèle:Re partie, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 332-405. — Pour la biographie, Suidas nous donne dans son lexique, au mot Modèle:Lang, toute une série de notices empruntées à divers auteurs. La principale de ses sources est Eusèbe ; presque tout le Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj de l’Modèle:Abréviation se rapporte à Origène et se fonde sur des lettres ou sur les souvenirs de témoins oculaires (Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 2). Nombreuses mentions dans les historiens ecclésiastiques et dans Photius. — Modèle:Lang, 1841-46 ; Freppel, Origène, Paris, 1868 et 1875.
  680. Eusèbe, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom.
  681. Il tenait alors une école de grammaire ; il l’abandonna lorsqu’il eut la charge de l’école catéchétique : Modèle:Lang et Modèle:Abréviation Modèle:Rom, 8.
  682. Les traditions à cet égard étaient fort divergentes. Voir Modèle:Lang (dans Suidas, Modèle:Abréviation 1154, Modèle:Lang).
  683. Porphyre, dans Eusèbe, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 19.
  684. Même passage. Porphyre, il est vrai, semble dire qu’il renonça au christianisme « dès qu’il se mit à philosopher » ; mais une telle manière de dater un fait est en réalité fort vague, et Porphyre a intérêt dans ce passage à présenter la conversion d’Ammonios à l’hellénisme comme ayant eu lieu de bonne heure.
  685. Cedrenus, Modèle:Abréviation 256. D’après Eusèbe, Modèle:Rom-maj, 21, le fait aurait eu lieu peu après 222, lorsque Alexandre était déjà empereur.
  686. Eusèbe, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 23.
  687. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-Modèle:Rom.
  688. Eusèbe, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom, 42.
  689. Modèle:Abréviation : Modèle:Lang. Porphyre, dans Eusèbe, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom, 8 : Modèle:Lang. Jérôme, Ep. 70, dit qu’Origène a voulu trouver dans Platon et Aristote, Noumenios et Cornutus, la justification des dogmes du christianisme.
  690. Sur la résurrection, quelques fragments seulement. Les Stromates, en dix livres, perdus entièrement. Sur les Principes (Modèle:Lang), en quatre livres, composé à Alexandrie avant 231 ; fragments importants, surtout les chapitres conservés dans la Philocalie, recueil d’extraits d’Origène, dû à Basile et à Grégoire de Nazianze.
  691. Sur les Hexaples, voir Batiffol, Modèle:Abréviation cité, Modèle:Abréviation 168 et Modèle:Abréviation
  692. Cela ne veut pas dire qu’il ait attendu, pour commencer à commenter le texte, l’achévement des Hexaples ; il est seulement vrai de dire que la question de la constitution du texte l’a préoccupé constamment.
  693. Voir Modèle:Lang, 29, 7, et Batitfol, Modèle:Pg173 ; ou, pour plus de détails, Modèle:Lang, Modèle:Pg343 et Modèle:Abréviation
  694. J. Denis, Philosophie d’Origène, Paris, 1884.
  695. Batiffol, Modèle:Abréviation 173.
  696. Eusèbe, Jérôme, Rufin mentionnent de lui diverses controverses avec les hérétiques et un traité contre Valentinien (Modèle:Lang). On lui a aussi attribué, mais à tort, cinq dialogues contre les Gnostiques, réunis sous le titre commun Modèle:Lang, qui semblent dater du commencement du Modèle:S ; Harnack, Modèle:Abréviation 478.
  697. Ils ont été conserves par Eusèbe, dans son Modèle:Abréviation ecclésiastique.
  698. Bardenhewer, § 30 ; Battifol, Modèle:Abréviation 180487. Modèle:Lang, 1896.
  699. Bardenhewer, § 42, 3 ; Battifol, Modèle:Abréviation 187.
  700. Suidas, Modèle:Lang.
  701. Biographie, en partie légendaire, par Grégoire de Nysse, Migne, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 893-957; Suidas, Modèle:Lang.
  702. Modèle:Abréviation, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom : Modèle:Lang
  703. Les œuvres subsistantes de Grégoire sont dans la Modèle:Abréviation grecque, de Migne, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj.
  704. Jérôme, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom. Suidas, Modèle:Lang. — Modèle:Lang, § 32 ; Batiffol, Modèle:Abréviation 140.
  705. Modèle:Lang et Modèle:Lang, Modèle:Abréviation A. Iahn, Halle, 1865 ; la première partie contient les œuvres et les fragments, la seconde une étude sur le platonisme de Méthodios et des Pères grecs. — Une partie des écrits perdus se trouve traduite en vieux slavon dans un Modèle:Lang qui a été publié par Modèle:Lang, en 1891.
  706. Carel, Modèle:Lang, thèse, Paris, 1880.
  707. À la fin du repas, l’une des vierges, Thécla, chante un hymue iambique, dont ses compagnes répetent le refrain. Sur cet hymne, voir E. Bouvy, Poètes et Mélodes, Nîmes, 1886, Modèle:Abréviation 30-42, 124-126.
  708. Sur Pamphile, les principaux témoignages sont ceux d’Eusèbe, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 33 et 34 ; Modèle:Rom-maj, 32 ; Modèle:Rom-maj, 13. Eusèbe avait écrit sa vie (Modèle:Abréviation) ; cet ouvrage ne nous est pas parvenu. — Modèle:Lang, 33, 4 ; Batiffol, Modèle:Abréviation 183. — Fragments, Migne, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 521-632.
  709. Eusèbe, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 31 ; Modèle:Abréviation, Modèle:Rom, 10 ; Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj ; Suidas, Modèle:Lang. — Modèle:Lang, 22, 1 ; Batiffol, Modèle:Abréviation 185.
  710. Photius. Modèle:Abréviation 34. Jules Africain avait écrit aussi, sous le titre de Modèle:Lang (Broderie), une sorte d’encyclopédie scientifique, dont il reste d’assez nombreux fragments. Ce qui subsiste de Modèle:Abréviation Africain se trouve dans Migne, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 35-108.
  711. Chrysostome (Modèle:Abréviation contre les Modèle:Abréviation de la vie monastique, Modèle:Abréviation 42, Didot) représente un père qui tient à son fils ce langage : Modèle:Lang
  712. Sur cette vie scolaire du Modèle:S, on lira avec profit l’étude de Modèle:M. Petit de Julleville, L’École d’Athènes au Modèle:S, Paris, 1868. Les principaux témoignages se trouvent dans plusieurs discours de Libanios, notamment le premier, Sur sa fortune, dans sa correspondance et dans celle de Julien, dans les discours d’Himérios et de Thémistios.
  713. Voir les plaintes répétées de Libanios dans ses discours.
  714. Akakios est probablement l’auteur du Pied léger (Modèle:Lang), parodie tragique en vers, qui figure dans les œuvres de Lucien (Modèle:Abr, Lettres, 1380). Voir, sur lui, Modèle:Lang, Modèle:Art. Akakios, 3.
  715. Eunape, Vie des Modèle:Abr, Suidas, Modèle:Lang ; Photius, Modèle:Abr 165 et 263. Voir surtout ses Discours. Étude sur Himérios par Modèle:Lang, en tête de son édition.
  716. Modèle:Lang Modèle:Rom-maj, Discours d’Hypéride pour Démosthène ; Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation de Démosthène pour le retour d’Eschine ; Modèle:Rom-maj, Pour accuser Épicure d’impiété ; Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation de Thémistocle pour refuser la paix offerte par le grand roi ; Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj (Modèle:Lang), Éloge funèbre des Athéniens morts pour la patrie ; etc.
  717. Compliments à des personnages officiels (Modèle:Lang Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj b, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, etc.), Discours d’adieu (Modèle:Lang) ou de bienvenue, Épithalames, Lamentations funèbres, sujets d’occasion (Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, à Basile, pour les Panathénées, au commencement du printemps ; Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, à Athènes, dans un concours de rhéteurs, sur un sujet proposé par le proconsul ; Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj et Modèle:Rom-maj, Éloges de Thessalonique et de Constantinople ; Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, relatifs à divers incidents de la vie scolaire, ouverture de cours, arrivée d’auditeurs nouveaux, conflits, méthodes d’études, etc,).
  718. Suidas, Modèle:Abréviation Modèle:Lang ; Photius, Modèle:Abréviation 74. Sa vie nous est surtout connue par ses Discours, auxquels il faut joindre quelques témoignages tirés des lettres de Libanios, de Julien, de Grégoire de Nazianze (Modèle:Abréviation 140), et des historiens ecclésiastiques. Voir, dans l’édition Dindorf, p. 478, la Biographie composée par le Modèle:Abréviation Petau, et aussi, dans la Modèle:Abréviation de Michaud, l’intéressant article de V. Leclerc.
  719. Thémistios, 20Modèle:E Modèle:Abréviation, p. 291, Dindorf. Ce discours de Thémistios est l’éloge funèbre de son père. Voir aussi le Modèle:Abréviation de Constance sur Thémistios, p. 24 de l’édition Dindorf. On a cru, sans preuve bien solide, qu’il était l’Eugénios auquel est adressée la 18Modèle:E lettre de Julien.
  720. 23Modèle:E Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation 359, Modèle:Abréviation : Modèle:Lang. Nous savons qu’il avait vu Nicomédie, Antioche.
  721. Voir la Chronologie de ses panégyriques par Hardouin, reproduite dans l’Modèle:Abréviation Dindorf, Modèle:Abréviation 491. Selon l’argument anonyme du discours en question (1Modèle:Er Modèle:Abréviation Modèle:Lang), il était encore jeune, Modèle:Lang. En supposant qu’il fut né vers 315, il n’avait alors en effet que trente-deux ans.
  722. 23Modèle:E Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation 355, Modèle:Abréviation
  723. Voir l’Avant-propos (Modèle:Lang) du 20Modèle:E Modèle:Abréviation, où il se donne pour philosophe, non pour orateur. Cela implique qu’en effet son enseignement proprement dit devait être surtout exégétique. Mais ce qui nous reste de lui montre bien que l’exégèse ne lui suffisait pas.
  724. Voir le 2Modèle:E Modèle:Abréviation et le discours de Constance, qui y est joint.
  725. 34Modèle:E Modèle:Abréviation, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation 457, Modèle:Abréviation
  726. 5Modèle:E Modèle:Abréviation, Modèle:Lang.
  727. 34Modèle:E Modèle:Abréviation, Modèle:Lang.
  728. E. Barat, Modèle:Lang, Paris, 1853.
  729. Socrate, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 32, attribue à son influence l’atténuation des rigueurs dont Valens avait d’abord usée envers les catholiques orthodoxes.
  730. Les Paraphrases ont été éditées en dernier lieu par Modèle:Lang, dans la Modèle:Abréviation Modèle:Lang, 2 Modèle:Abréviation, 1866. Modèle:Langa corrigé l’édition de Modèle:Lang.
  731. Photius, Modèle:Abréviation 71.
  732. Dans la première moitié du Modèle:S, on n’en connaissait que huit, ceux qui figurent dans l’édition de Modèle:Lang. 1531. Modèle:Abréviation Estienne en publia six autres, en 1562. L’édition de Petan, 1618, en contient dix-neuf ; celle de Hardouin, 1684, trente-deux. Modèle:Lang y a joint, en 1816, le Modèle:Lang et le Modèle:Abréviation sur Modèle:Lang. Un trente-cinquième discours (à Modèle:Lang) ne nous a été conservé que dans une traduction latine.
  733. 5Modèle:E Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation 81, Dind. : Modèle:Lang
  734. La principale source, pour sa biographie, est le 1Modèle:Er Discours (Modèle:Lang), qui semble avoir été composé en 374 et complété plus tard. Il y a en outre beaucoup de renseignements à tirer de ses autres discours et de sa correspondance. Nous avons aussi une notice assez détaillée dans les Vies des Modèle:Abréviation d’Eunape, son contemporain, et une autre peu étendue dans Suidas (Modèle:Lang ; cf. Modèle:Lang). La vie de Libanios a été étudiée de près par Sievert, Modèle:Lang, Berlin, 1868. Voir L. Petit, Essai sur la vie et la correspondance du sophiste Libanius, Paris, 1866 : la vie de Libanius y est résumée commodément en un tableau chronologique, Modèle:Abréviation 15-18.
  735. 1Modèle:Er Modèle:Abréviation : Modèle:Lang.
  736. Lettre 941, adressée à Titianos, consul de cette année.
  737. Eunape, Libanios, Modèle:Abréviation 495, Didot : Modèle:Lang, et tout ce qui suit.
  738. Voir, dans la Modèle:Abréviation de Julien, les lettres 3, 14, 27, 44, 72, 74.
  739. Modèle:Abréviation 17, Modèle:Abréviation 520 R. : Modèle:Lang.
  740. Modèle:Abréviation 11, Modèle:Abréviation 275, Modèle:Lang : Modèle:Lang.
  741. Elles ferment tout le quatrième volume de l’édition de Modèle:Lang.
  742. Ces écrits sur Démosthène ne se trouvent pas dans l’édition citée de Modèle:Lang. Ils nous ont été conservés par les Modèle:Abréviation de Démosthène et figurent dans presque toutes les éditions de l’orateur. La Vie de Démosthène et les Arguments formaient un tout, qui fut composé sur la demande d’un certain Modèle:Lang, proconsul, et lui fut dédié (voir le début de la Vie : Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation 293).
  743. Spécialement étudiée par L. Petit dans l’ouvrage cité plus haut.
  744. Exactement 1607. On y joignait autrefois 400 lettres en latin, censées traduites du grec, qui ont été reconnues pour une invention de l’humaniste Modèle:Lang (Modèle:Lang, 1876).
  745. Pour les idées religieuses de Libanios, consulter surtout Modèle:Abréviation 12 (Modèle:Lang), 13 (Modèle:Lang), 17 (Modèle:Lang), et 28 (Modèle:Lang).
  746. Modèle:Abréviation 3, Modèle:Lang. 29, (Modèle:Lang. 32, (Modèle:Lang. 43, (Modèle:Lang. 59, (Modèle:Lang.
  747. Modèle:Abréviation 15, Modèle:Lang ; 16, Modèle:Lang 19. Modèle:Lang, etc., et encore : 45, Modèle:Lang ; 47, Modèle:Lang ; 49, Modèle:Lang ; 51, Modèle:Lang ; 53, Modèle:Lang ; 55, Modèle:Lang.
  748. Il avait une admiration particulière pour Ælius Aristide, qui fut toujours un de ses modèles préférés. Modèle:Abréviation Modèle:Abréviation 63.
  749. Photius, Modèle:Abréviation 90 : Modèle:Lang.
  750. Photius, Modèle:Abréviation : Modèle:Lang.
  751. Eunape (Libanios) note des emprunts à l’ancienne comédie.
  752. Il nous manque encore une édition critique de Libanios, qui, une fois publiée, pourra donner lieu à diverses sortes de travaux.
  753. Photius, Modèle:Abréviation 62 ; Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 2. — Suidas, Modèle:Lang.
  754. Suidas, Modèle:Lang.
  755. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 4.
  756. Mentionnons également Aristodème, d’époque inconnue, dont on a retrouvé quelques pages. il y a une trentaine d’années (Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj et l’Modèle:Abréviation Modèle:Lang dans Modèle:Lang). Ces pages sont un résumé de l’histoire de la Grèce au Modèle:S avant Modèle:Abréviation C’était probablement un livre de classe, où les étudiants en rhétorique apprenaient ce qu’ils devaient savoir.
  757. C’est à Eunape lui-même nous devons ce que nous savons de sa vie. Il parle fréquemment de lui dans ses Vies des Sophistes. Voir la notice de Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 7.
  758. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation 77. Fragments dans Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, et dans Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 205.
  759. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation cité : Modèle:Lang. Quand Eunape arrivait au récit de ses actions (Début du Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj), il disait : Modèle:Lang.
  760. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 11-56. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj.
  761. Sur beaucoup de points, Eunape avait pu d’ailleurs être bien informé ; il avait mis à profit les commentaires de Julien lui-même et les notes d’Oribasios, le médecin et ami de l’empereur (Modèle:Abréviation 8 et 9) ; il avait souvent le mérite de dire ce que les historiens chrétiens ont omis par un esprit de parti contraire au sien.
  762. L’histoire d’Eunape paraît avoir été soumise plus tard à une révision qui eut pour but d’en faire disparaître les passages les plus offensants pour le christianisme. On s’explique ainsi que Photius parle de deux éditions, dont une montrait une hostilité plus accusée.
  763. Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation 80. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 57 ; Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 450.
  764. Pour l’étude de ce mouvement d’idées, consulter les histoires de l’École d’Alexandrie citées plus haut, et Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj.
  765. Sur Jamblique, notice d’Eunape dans les Vies des Sophistes, une des plus vides et incohérentes du recueil ; quelques lignes de Suidas, Modèle:Lang.
  766. Eunape, Vies des Modèle:Abréviation, Ædésios, Modèle:Abréviation 461-62, Didot.
  767. On admet communément que ces lettres sont adressées à un autre Jamblique, neveu du premier : voir, pour la bibliographie de la question, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation cité, Modèle:Abréviation 679, note 2. Mais Modèle:Lang a très justement fait observer que cela est impossible et que le personnage désigné dans ces lettres ne peut être que l’oncle ; il a conclu de là que les lettres n’étaient pas authentiques. Elles ne me paraissent pas se prêter à cette opinion. J’aime mieux croire qu’Eunape, fort indifférent à la chronologie, s’est trompé sur la date de la mort de Jamblique. Celui-ci d’ailleurs, après la disgrâce et le supplice de son disciple Modèle:Lang, dut se faire oublier le plus possible.
  768. Publié par Modèle:Lang, 1816, et par Modèle:Lang à la suite du Modèle:Abréviation de la Modèle:Abréviation Didot, Paris, 1850.
  769. Modèle:Lang, 1893.
  770. Modèle:Lang, Modèle:Lang, même collection, Modèle:Lang, 1891.
  771. Modèle:Lang, Modèle:Lang, même collection, Modèle:Lang, 1892.
  772. Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1817.
  773. Le vrai titre de cet écrit est Réponse du maître Abammon à la lettre de Porphyre à Anébon et solution des doutes qui y sont proposés (Modèle:Lang). Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 715. Éditions ; voir Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1678 ; Modèle:Lang, Modèle:Lang, Berlin, 1857.
  774. Voir Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj.
  775. Mentionnons pourtant l’opuscule de Salluste, Modèle:Lang, gr. et lat., Modèle:Lang, Zurich. 1821. Ce Salluste est probablement l’ami de Julien, consul en 363. Voir Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 734, note 2.
  776. Suidas, Modèle:Lang ; Eunape, Modèle:Abréviation Cette dernière notice est une des plus intéressantes du recueil. Oribase, exilé sous Valens, vécut quelque temps chez les barbares.
  777. Une partie de l’Modèle:Lang nous a été transmise par le moyen âge ; d’autres parties ont été retrouvées et publiées de notre temps. Œuvres d’Oribase, avec traduction, par Bussemaker et Daremberg. 6 Modèle:Abréviation, Paris, 1851-76.
  778. Suidas, Modèle:Lang ; E. Sprengel, Modèle:Lang, Halle, 1832. Cf. Ihm, Modèle:Lang, Halle, 1832. — Sur Vindonios, Photius, cod. 163 ; Modèle:Abréviation de Wellmann dans Pauly-Wissowa, Anatolius. Fragments dans les Geoponica de Nicolas, Leipzig, 1781.
  779. Modèle:Lang, ed. P. Tannery, 2 Modèle:Abréviation, Leipzig, 1895.
  780. Paulos, Modèle:Lang, éd. de Schato, Wittenberg, 1586. — Pappos, Modèle:Lang, Modèle:Lang, éd. F. Hultzsch, 3 Modèle:Abréviation, Berlin, 1875-78. — Théon d’Alexandrie, Modèle:Abréviation sur Ptolémée, éd. Halma, 3 Modèle:Abréviation, Paris, 1821-23 ; Modèle:Lang, dans l’Modèle:Lang de Buhle.
  781. Julien, comme empereur, appartient à l’histoire générale. Les renseignements sur sa vie et sa personne doivent donc être cherchés d’abord dans les historiens, tels qu’Ammien Marcellin, Eunape, Eutrope, Zosime, auxquels il faut joindre les œuvres de Thémistios et de Libanios, celles d’Athanase, de Basile, de Grégoire de Nazianze, et surtout celles de Julien lui-même ; enfin Suidas, Modèle:Lang. Parmi les nombreux ouvrages modernes qui traitent de Julien, citons : celui du Modèle:Abréviation de la Bletterie, Vie de l’empereur Julien. Paris, 1735 et 1746 ; celui du duc de Broglie, L’Église et l’empire romain au Modèle:S, 2Modèle:E partie, Constance et Julien, Paris, 1859 ; les diverses études de W. Teuffel, publiées de 1845 à 1847 et réunies dans ses Modèle:Lang ; enfin celles de Modèle:Lang Modèle:Rom-maj, 183-221, et de Mücke, Modèle:Lang, Gotha, 1866-68.
  782. Modèle:Lang ; Lettre aux Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation 349, 350, Modèle:Lang.
  783. C’est pendant ce court séjour à Athènes que Basile et Grégoire de Nazianze purent, sinon le fréquenter, du moins l’apercevoir. Voyez le portrait, d’ailleurs malveillant, que Grégoire a tracé de lui dans son second Discours de flétrissure, Modèle:Abréviation Morel, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 121 D.
  784. H. Naville, Julien l’Apostat et sa philosophie du polythéisme, Neufchatel, 1877.
  785. Eunape, Modèle:Abréviation 9 (Modèle:Lang) ; Libanios, Or. 13, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 412, Modèle:Lang.
  786. Modèle:Lang ; avec des Prolégomènes, par Modèle:Lang, Leipzig, 1880.
  787. Libanios, Monodie sur Julien, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 513 ; Modèle:Abréviation funèbre, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 581. Jérôme, lettre 70, témoignage qui semble indiquer, pour la composition de l’ouvrage, une date un peu plus tardive, mais qui a été bien expliqué par Modèle:Lang, Modèle:Abréviation cité, Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation 7.
  788. Modèle:Lang, Modèle:Lang, dans ses Modèle:Lang, Modèle:Lang, 1854 ; C. Sintenis, Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation 69-76 (1866) ; Bidez et Cumont, Recherches sur la tradition manuscrite des lettres de l’empereur Julien, Bruxelles, 1898.
  789. Socrate, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 21. Cf. Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 34.
  790. Quintus de Smyrne est aussi appelé quelquefois Quintus de Calabre, parce que le premier Modèle:Abréviation de son poème fut découvert en Calabre par le cardinal Bessarion en 1450.
  791. Cf. Tzetzès, Modèle:Lang, 282.
  792. C’est le titre du principal manuscrit, confirmé par le Modèle:Abréviation de l’Iliade, Modèle:Rom-maj, 220. Le titre Modèle:Lang paraît plus récent et moins autorisé. — Sur ce poème, consulter les Prolégomènes d’A. Kœchly dans son édition de 1850. (Voir la Modèle:Abréviation en tête de ce chapitre.)
  793. Modèle:Lang, 1891 (Modèle:Abréviation Teubner).
  794. Voir la notice de Modèle:Lang, dans l’Modèle:Abréviation citée, Modèle:Abréviation 161. Suidas (Modèle:Lang) place Claudien sous Arcadius et Honorius, ce qui s’accorde bien avec les dates de la vie du poète latin. Mais Évagrios, Modèle:Rom-maj, 19, le met sous Théodose Modèle:Rom-maj. Il me paraît plus probable que le poète grec est à distinguer du poète latin.
  795. Neuf épigrammes de l’Modèle:Abréviation palatine portent aussi le nom de Claudien. Une scolie qui y est jointe dans le manuscrit du Vatican nous apprend qu’il avait composé en outre des poèmes sur l’histoire de plusieurs villes : Tarse, Anarzabe, Bérytos, Nicée.
  796. Éditée par Modèle:Lang dans le même volume que la Gigantomachie de Claudien, Modèle:Abréviation 183. Voir les Prolégomènes, pour l’histoire du texte et sa date. L’auteur renvoie à une dissertation publiée par lui (Modèle:Lang 1892, Modèle:Abréviation 26-31).
  797. Pour cette raison, il paraît impossible d’attribuer ce poème, comme on a voulu le faire, à Kyros de Panopolis, dont nous parlerons au chapitre suivant. Modèle:Lang, 39, 277.
  798. D’autres poésies orphiques dont nous n’avons rien dit ont pu naître dans les premiers siècles de l’empire, par exemple la Théogonie que citent les néoplatoniciens et qui est distincte de l’ancienne Théogonie orphique. Mais tout cela est fort incertain et intéresse peu la littérature. On trouvera quelques indications à ce sujet dans les Orphica d’Abel.
  799. Abel, Modèle:Lang (Modèle:Abréviation Modèle:Lang), Leipzig, 1885.
  800. Même recueil.
  801. Voir le préambule.
  802. Le principal Modèle:Abréviation est un Modèle:Lang du Modèle:S, conservé à la Modèle:Abréviation Mazarine ; voir la Modèle:Abréviation de l’Modèle:Abréviation de Modèle:Lang. Outre le texte grec, nous possédons une traduction latine de l’Modèle:Abréviation ecclésiastique, composée par Rufin au Modèle:S, et une traduction arménienne, du même temps. L’édition usuelle est celle de Dindorf, qui forme le Modèle:T.Modèle:Rom-maj des Modèle:Lang, 1871 (Modèle:Abréviation Modèle:Lang).
  803. Modèle:Lang, § 44, 3.
  804. Modèle:Lang, § 44, 5.
  805. Rappelons ici l’ouvrage connu de Villemain (Tableau de l’Modèle:Abréviation chrétienne au Modèle:S, Paris, 1850), exposé brillant, mais superficiel, qui ne peut donner qu’une vue très incomplète du sujet traité.
  806. Biographie d’Arius, voir l’Modèle:Art.Arius, 11, dans Pauly-Wissowa. Arius nous est connu par les œuvres d’Athanase et par les écrivains ecclésiastiques, notamment Sozomène, Socrate et Philostorge.
  807. Lettre à Eusèbe de Nicomédie (Épiph. Hér., 69, 6 ; Théodoret, Modèle:Rom-maj, 5) ; Lettre à Alexandre, évêque d’Alexandrie (Épiph., 69. 7).
  808. Socrate, Modèle:Rom-maj, 9, 16 ; Sozomène, Modèle:Rom-maj, 21. Voir Modèle:Lang, Modèle:Pg531-2.
  809. Certaines parties en étaient chantées. Selon Athanase, Arius y avait imité, quant au rythme, le poète Sotadès.
  810. Chants de meuniers, de bateliers, de voyageurs (Philostorge, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 2).
  811. Aétios, représentant de l’arianisme extrême ; fragments de son Modèle:Lang dans Épiph., Hérés., 76, 10. Asterios, Athan. Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 30. — Akakios le Borgne, successeur d’Eusèbe comme évêque de Césarée de Palestine ; fragments dans Épiph. Hérés., 72, 6, 11. — Eunomios, disciple d’Akakios ; fragments dans les écrits contradictoires de Modèle:Abréviation Basile, de Modèle:Abréviation Grégoire de Nysse.
  812. Les sources biographiques, pour Athanase, sont d’abord ses propres écrits et son panégyrique par Grégoire de Nazianze ; puis la traduction latine d’un fragment d’une histoire de sa vie, composée peu après 385, dite Modèle:Lang (Modèle:Lang, 1868, Modèle:Pg148) ; la traduction syrienne d’un Avertissement qui a été composé pour la collection des Lettres pastorales d’Athanase (A. Mai, Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:1re Modèle:Part.) ; les extraits d’une Vie du grand Athanase, dans Photius, Modèle:Abréviation 258 ; enfin une courte et insignifiante notice dans Modèle:Abréviation Jérôme, Modèle:Lang, 87. — Étude d’ensemble : E. Fialon, Saint Athanase, Paris, 1877.
  813. Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 16 Modèle:Lang
  814. Modèle:Abréviation Basile, Lettres 47-52.
  815. Pour l’ensemble des œuvres d’Athanase et les questions de chronologie et d’authenticité, consulter Modèle:Lang, § 45, 2-1, et Batiffol, Modèle:Abréviation, Modèle:Pg265 et suivantes. Pour l’appréciation historique, morale et littéraire, on peut recommander l’ouvrage cité de Fialon.
  816. Modèle:Abr du Verbe, 50, Modèle:Pg73.
  817. Apologie à Constance, 32, Modèle:Pg250 et 251.
  818. Modèle:Abr des Ariens, 74, Modèle:Pg307.
  819. Voyez, sur ces deux œuvres, les Modèle:Chap.Modèle:Rom et Modèle:Rom de Fialon, Modèle:Abr cité.
  820. Modèle:Abr Jérôme, Modèle:Lang, 104, Modèle:Lang, § 43. Modèle:Art.Apollinarios, dans Modèle:Lang.
  821. Modèle:Lang (dans les Modèle:Lang de Modèle:Lang et Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, 3, 4, 1892).
  822. Sozomène, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 18.
  823. Modèle:Abr grecque, de Migne, Modèle:T. Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg1313.
  824. Sur Macedonius et Marcellus, voir Modèle:Lang, § 222 et 223. Sur Didyme, même Modèle:Abr, § 53.
  825. Modèle:Lang, § 48 ; Batiffol, Modèle:Pg236. Ph. Gonnet, Modèle:Lang, Paris, 1816 ; G. Delacroix, Modèle:Abr Cyrille de Jérusalem, sa vie et ses œuvres, Paris, 1865 ; Modèle:Lang, 1891.
  826. Suidas, Modèle:Lang, notice ou l’on trouvera l’énumération complète de ses écrits. Socrate (Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 3), Sozomène (Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, 2). Modèle:Lang, § 55 ; Batiffol, Modèle:Pg293.
  827. Suidas, Modèle:Lang ; Photius, Modèle:Abr 4, 5, 6, 38, 81, 77, etc. ; Modèle:Abr|, Modèle:Lang, et, en outre, lettre 112. — Modèle:Lang, Modèle:Lang, Halæ, 1836 ; Modèle:Lang, § 56 ; Batitfol, Modèle:Pg296-300.
  828. Modèle:Abr Jérôme, Modèle:Lang, 114 ; Suidas, Modèle:Lang ; Photius, Modèle:Abr 122 et 123. Modèle:Lang, § 54 ; Batiffol, Modèle:Pg301. Voir aussi Modèle:Abr Thierry, Modèle:Abr Jean Chrysostôme.
  829. La partie du Modèle:Lang relative aux philosophes grecs a été extraite et publiée à part par Modèle:Lang dans ses Modèle:Lang, Berlin, 1879.
  830. Sur Modèle:Abr Basile, courtes notices de Jérôme (Modèle:Lang, 116) et de Suidas, Modèle:Lang. Divers renseignements dans Photius, Modèle:Abr 146, 113, 191 et Modèle:Lang. Les principales sources biographiques sont les Éloges funèbres dus à Grégoire de Nazianze et à Grégoire de Nysse ; quelques passages des historiens ecclésiastiques, enfin la correspondance de Basile lui-même. — Études modernes : Fialon, Étude historique et littéraire sur Modèle:Abr Basile, 2Modèle:E Modèle:Abr, Paris, 1869 ; Modèle:Lang, § 49 ; Batiffol, Modèle:Pg284.
  831. Modèle:Abr, Modèle:Abr : « Il était tout pour lui, un bon conseiller, un auxiliaire habile, un exégète des saintes Écritures, l’interprète de ses devoirs, le bâton de sa vieillesse, l’appui de sa foi, plus sûr que tous les clercs, plus entendu en affaires que tous les laïques. »
  832. On ne peut compter parmi ses ouvrages la Modèle:Lang, simple recueil d’extraits d’Origène, que Basile forma avec son ami Grégoire de Nazianze.
  833. A. Iahn, Modèle:Lang, Berne, 1839.
  834. L. Roux, Étude sur la prédication de Basile le Grand, Strasbourg, 1867.
  835. Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 3.
  836. Modèle:Abr, (Éloge Modèle:Abr de Modèle:Abr Basile, Modèle:Pg323, c Morell) dit, en parlant de l’instruction profane : Modèle:Lang
  837. Éloge Modèle:Abr de Modèle:Abr Basile, Modèle:Pg362, Morell. J’emprunte la traduction de Fialon, Modèle:Abr cité, Modèle:Pg221.
  838. V. Martin, Essai sur les lettres de Modèle:Abr Basile le Grand, Nantes, 1865.
  839. Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 20.
  840. Villemain l’a singulièrement surfaite dans l’ouvrage déjà cité.
  841. Modèle:Abr, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg372-73, Morel. Traduction de Fialon, Saint Basile, Modèle:Pg283.
  842. Modèle:Abr 29, Sur l’institution des évêques, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg486, Morel : Modèle:Lang, etc.
  843. Villemain, Modèle:Abr, Modèle:Pg131.
  844. Nous avons peu de renseignements sur lui. Ils proviennent surtout de ses propres œuvres et de sa correspondance. Voir en particulier le prologue de son homélie Modèle:Lang, celui de son commentaire sur l’Modèle:Lang, ses lettres 11, 81, etc. Voir aussi Basile, lettres 53, 60, 100. Consulter sur sa personne et ses œuvres, Modèle:Lang, Modèle:Abr, 51.
  845. Basile, lettre 58 : Modèle:Lang.
  846. Palladius, Modèle:Lang (Migne, Modèle:Abr, Modèle:T., 5-82) ; Jérôme, Modèle:Abr, 129, et Gennadius, Modèle:Ch. Modèle:Rom (notices insignifiantes) ; Suidas, Modèle:Lang, d’après Cédrénus. La vie et le rôle de Chrysostôme ne peuvent être étudiés complétement que dans ses œuvres, en tenant compte des témoignages des historiens ecclésiastiques, de Socrate en particulier. — Ouvrages à consulter : Modèle:Lang, etc., Berlin, 1821 ; 3Modèle:E Modèle:Abr, 1858 ; A. Thierry, Modèle:Abr Jean Chryostôme et l’impératrice Eudoxie, Paris, 2Modèle:E Modèle:Abr, 1874 ; A. Puech, Modèle:Abr Jean Chryostôme et les mœurs de son temps, Paris, 1891 ; Modèle:Lang, § 57 ; Batiffol, Modèle:Pg240.
  847. Sacerdoce, Modèle:Rom-maj, 2 et Modèle:Rom-maj, 8.
  848. Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 3 ; Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 2.
  849. Sacerdoce, Modèle:Rom-maj, 2-4.
  850. Même Modèle:Abr, 1, 3-4. Ce Basile ne doit pas être confondu, bien entendu, avec le grand Basile, plus âgé d’une quinzaine d’années environ.
  851. Même ouvrage, Modèle:Rom-maj, 8.
  852. Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Ch.Modèle:Rom.
  853. Palladius, Dialogue, Modèle:Ch.Modèle:Rom. — Voir dans Photius, Modèle:Abr 59, la liste des accusations qui y furent portées contre Chrysostome.
  854. Voir l’Homélie après son retour.
  855. Modèle:Abr sur la Modèle:Abr de Modèle:Abr Jean-Baptiste, exorde.
  856. Voir spécialement sur ce sujet l’ouvrage cité de A. Puech.
  857. Voir tout le traité du Sacerdoce et la discussion Contre les adversaires de la vie monastique.
  858. Voyez, par exemple : Sacerdoce, Modèle:Rom-maj, 8 ; Contre Les adversaires de la vie monastique, toute la mise en scène du livre Modèle:Rom-maj, et particulièrement Modèle:Ch. et 3.
  859. Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation 207.
  860. Sur la démarcation à établir entre la littérature grecque proprement dite et la littérature byzantine, voir les réflexions très justes de Modèle:Lang, Modèle:Abr § 1.
  861. Théodose d’Alexandrie ; Commentaires sur la grammaire de Denys le Thrace (Modèle:Lang, Modèle:Éd.Modèle:Lang, 1822) ; Règles de la déclinaison et de la conjugaison, dans Modèle:Lang, Anecd. gr. 974-1061 ; Abrégé de la prosodie d’Hérodien, aussi attribué à Arcadius d’Antioche (Modèle:Abréviation Modèle:M., 1860). — Timothée de Gaza : Règles générales de syntaxe (Cramer, Anecd. Par. Modèle:Rom-maj, 239) ; autres ouvrages, Modèle:Abréviation Suidas, Modèle:Lang. Jean Philoponos : Sur les dialectes (Append. au Thesaurus d’H. Estienne) ; Règles d’accentuation (Modèle:Abréviation Dindorf, Leipzig, 1825) ; Sur les mots dont le sens change selon l’accent (Modèle:Abréviation Egenolff, 1880). Nous avons de lui, en outre, des Commentaires sur les Analytiques d’Aristote, publiés dans l’édition de Modèle:Abréviation de Berlin. — Georges Chœroboscos : Commentaires sur les règles de Théodose (Gaisford, Oxford, 1842) et Modèle:Lang, Modèle:Abréviation A. Hilgard, Leipzig, 1894 ; Sur l’orthographe (Cramer, Anecd. d’Oxford, Modèle:Abréviation) ; Sur les accents (Modèle:Lang, Anecd. gr., 703-8), Commentaires sur Héphestion (Modèle:Lang, Modèle:Lang, I, 31-96). — Théodoret, Sur les esprits, Jean Charax, Sur les enclitiques (Modèle:Lang, Anecd. gr., 1149-56), Commentaires sur Théodose, Traité de l’orthographe (Bekker, Anecd. gr., 1127). — Sur tous ces grammairiens, voir Modèle:Lang, Modèle:Lang, § 137 et Modèle:Abréviation
  862. Sur le faux Ammonios, voir Modèle:Lang, Ammonios, 17. L’auteur de cette notice, Cohn, pense que le remaniement en question date de l’époque byzantine et que l’ouvrage ainsi transformé a été faussement attribué à Ammonios, grammairien et prêtre égyptien, qui dut quitter Alexandrie pour Constantinople en 389 (Modèle:Abr, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 16). La dernière édition est encore celle de C. F. Ammon, Erlangen, 1787.
  863. Suidas, Modèle:Lang ; Marinos. Vie de Proclos, Modèle:Chap.Modèle:Rom ; Tzetzès, Modèle:Abr Modèle:Rom-maj, 60.
  864. Notamment Héraclide de Pont, Apollodore, Philoxène, le médecin Soranos, les grammairiens du second siècle, Irénée, Apollonios Dyscole, Hérodien et un certain Oros de Milet qui a été quelquefois confondu avec lui.
  865. Les Étymologiques ont été plusieurs fois publiés. La seule édition d’ensemble est encore celle de Sturz, Modèle:Lang, Leipzig, 1816-1820, qui contient les fragments d’Orion. Elle a été complétée par Cramer, Anecd. Par., IV, et Miller, Mélanges, Modèle:Pg1-318. L’Modèle:Lang a été grandement amélioré dans l’Modèle:Abréviation de Th. Gaisford, Oxford. 1848. Sur l’histoire des Étymologiques, il faut consulter aujourd’hui Modèle:Lang, 1897.
  866. Le même sans doute dont nous avons parlé au chap. Modèle:Rom et qui vivait sous Adrien (ci-dessus, Modèle:Pg627).
  867. L’édition usitée est celle de Mor. Schmidt. Iéna, 1857. 4 Modèle:Abréviation Le même savant a donné en 1864 une Modèle:Lang en un seul volume, qui est d’un usage commode.
  868. Ce lexique grec de Cyrille ne doit pas être confondu avec le glossaire grec-latin qui porte le même nom. Disons à ce propos que nous n’avons pas cru devoir parler dans ce livre d’ouvrages qui non seulement n’ont par eux-mêmes rien de littéraire, mais qui ne se rapportent même pas aux auteurs classiques, tels que les Modèle:Lang du pseudo-Dosithée, le glossaire latin-grec de Philoxène et ce glossaire grec-latin de Cyrille.
  869. Suidas, Modèle:Lang. Cf. Suidas, Préface. Photios, Modèle:Abréviation 145 et 279 ; les Modèle:Lang citées et analysées dans ce dernier passage ne me paraissent pas distinctes du Modèle:Lang, dont on a voulu faire un autre ouvrage ; en tout cas, les deux recueils étaient de même nature. Le Modèle:Lang était, selon Photius, le plus étendu des recueils de ce genre.
  870. Modèle:Lang, § 129-135.
  871. Suidas, Modèle:Lang. Dans cet article, Suidas désigne l’Modèle:Lang comme la principale source de son propre Lexique. Fragments dans Modèle:Lang, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, p. 155-177. — Sur les autres œuvres historiques d’Hésychios, voir plus loin.
  872. Édition de Gaisford, 3 Modèle:Abréviation, Oxford, 1834 ; de Bernhardy, avec Modèle:Abréviation et annotation critique, Halle, 1834-53 ; d’Modèle:Abréviation Bekker, Berlin, 1854.
  873. Voir, au tome Modèle:Rom-maj, dans la bibliographie des principaux poètes dramatiques, l’indication des pièces qui étaient seules étudiées dans les écoles du bas-empire et de l’époque byzantine.
  874. Photius nomme l’auteur sans en rien dire. Suidas, Modèle:Lang attribue la Chrestomathie au philosophe néoplatonicien ; de même, le scoliaste de Grégoire de Nazianze (Modèle:Abréviation, Migne, 36, 914, c). C’était la tradition byzantine. Welcker, Ep. Cyclus, Modèle:Rom-maj, p. 3 et Modèle:Rom-maj, p. 508, a contesté cette attribution, et son opinion a été généralement adoptée depuis lors, peut-être sans raison suffisante. Eutychius Proculus de Sikka, maître de Marc-Aurèle, auquel il l’attribuait, était un grammairien latin, et non un Grec (Capitol., Marcus, 2). Les autres attributions sont tout à fait arbitraires ou incertaines. Wilamowitz (Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 330) revient à la tradition byzantine, et Christ (Modèle:Lang, § 374) incline vers son opinion.
  875. Modèle:Lang dans les Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, de Westphal (Modèle:Abréviation Teubner). Outre les extraits de Photius, ce volume contient quelques fragments du même ouvrage tirés de deux Modèle:Abréviation de l’Iliade (Modèle:Lang, 484 et Modèle:Lang).
  876. Les sources des Modèle:Lang de Sopatros sont énumérées par Photius dans son analyse (Modèle:Abréviation 161). Ce recueil formait douze livres ; le septième était constitué par des extraits d’Hérodote ; le onzième, par des extraits de diverses Vies de Plutarque. L’ouvrage s’adressait, comme l’auteur le déclarait dans sa préface, aux apprentis sophistes, auxquels il devait fournir toute une provision de connaissances (Modèle:Abréviation, p. 105, Modèle:Abréviation 1, Modèle:Abréviation 10, Modèle:Abréviation Bekker).
  877. Il cite des passages du néoplatonicien Hiéroclès, qui enseignait à la fin du Modèle:S ; et, d’autre part, il ne peut avoir vécu beaucoup plus tard, car il est tout païen.
  878. Cette ordonnance primitive nous est connue, ainsi que les détails qui précédent, par l’analyse de Photius (Modèle:Abréviation 167).
  879. L’édition de Gessner, Zurich, 1549, qui a constitué la vulgate, non seulement altérait l’ordre primitif, mais avait ajouté de Modèle:Tiret2 extraits à ceux du Modèle:Abréviation On est revenu au Modèle:Abréviation dans les éditions successives, notamment dans celle de Meineke (4 Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Teubner). Mais l’ordre primitif n’a été reconstitué que par Vachsmuth et House ; les deux premiers volumes de leur édition ont paru à Berlin en 1884, le troisième en 1893.
  880. Sur les divers Gnomologes grecs, consulter Modèle:Lang, Berlin, 1882 ; A. Elter, Modèle:Lang. Bonn, 1897 ; Modèle:Lang § 150 et Modèle:Abréviation
  881. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Von Leutsch et Schneidewin. Gœttingue, 1839. — Ouvrage critique : O. Crusius, Modèle:Lang, Leipzig, 1883.
  882. Modèle:Lang, § 152-153.
  883. Suidas, Modèle:Lang. — Shæfer, Modèle:Lang, Breslau, 1854. Brzoska, Modèle:Abréviation Aphthonios, I, dans Pauly-Wissowa.
  884. Éditions modernes : Walz, Rhet. gr., Modèle:Abréviation ; Spengel, Rhet. gr., Modèle:Abréviation.
  885. Commentaires de Mathieu de Camara (Walz, Modèle:Rom-maj, 12 et Modèle:Rom-maj, 1) ; Scolies aldines, publiées par Alde dans ses Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 1509 ; Scolies anonymes (Spengel, Rh. gr. Modèle:Rom-maj, 81).
  886. Publiées au complet par Nevelet dans sa collection de Fables. Vingt-deux de ces fables, celles qui appartiennent en propre à Aphthonios, figurent dans les Modèle:Lang de Furia, Lipsiæ, 1810, sous les Modèle:Nos 200 à 222.
  887. Ses déclamations, citées par Photius (Modèle:Abréviation 133), sont perdues.
  888. Syrianos, Modèle:Lang. Modèle:Abréviation Babe, Lipsiæ, 1891, (Modèle:Abréviation Teubner) ; Sopatros et Marcellin, Valz, Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation ; Troilos, Modèle:Abréviation. On peut ajouter ici un certain nombre de rhéteurs qui semblent avoir vécu entre le Modèle:S et le Modèle:S : Tibérios, postérieur à Apsinès (Modèle:Lang, Walz, Modèle:Rom-maj, 527 ; Spengel, Modèle:Rom-maj, 60) ; Phœbammon (Modèle:Lang, Walz, Modèle:Rom-maj, 492 ; Spengel, Modèle:Rom-maj, 44) ; Ælius Hérodien, Polybe de Sardes, Zonéos, et plusieurs anonymes, qui ont traité les mêmes sujets (Walz, Modèle:Abréviation ; Spengel, Modèle:Abréviation).
  889. Krumbacher, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation 86.
  890. Modèle:Abréviation à propos de la Description de l’Univers de Jean de Gaza : Modèle:Lang. K. Seitz, Die Schule von Gaza, Modèle:Abréviation, Heidelberg, 1892.
  891. Suidas, Modèle:Lang. Fragments, A. Cramer, Anecd. Oxon. Modèle:Rom-maj, p. 263-269 ; Anecd. Paris, Modèle:Rom-maj, p. 239-244.
  892. Modèle:Abréviation Modèle:Lang, 4, dans Pauly-Wissowa. Édition du Théophraste par Boissonade, Paris, 1836.
  893. Plusieurs titres de discours de Procope sont cités par les Byzantins. Photius (Modèle:Abréviation 160) Modèle:Lang. Il loue particulièrement des exercices de style sur Homère, qui semblent avoir consisté à mettre en prose sous plusieurs formes les vers du poète. On a publié de lui un Panégyrique de l’empereur Anastase (Villoison, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, p. 28-45) ; reproduit avec les œuvres de Dexippe et d’Eunape, dans l’édition de Rome, 1829. Ses Lettres figurent dans les Modèle:Lang de la collection Didot ; nous y reviendrons un peu plus loin.
  894. Photius, Modèle:Abréviation 160.
  895. Modèle:Lang Modèle:Abréviation Boissonade, Paris, 1846. Compléments : Graux, Modèle:Abréviation, 1877 ; Modèle:Abréviation Fœrster, Modèle:Abréviation Graux, p. 639, et Modèle:Lang Modèle:Abréviation B. Fœrster, Vratisl., 1891.
  896. Suidas. Modèle:Lang. Photius, Modèle:Abréviation 87. E. Rohde, Modèle:Lang, p. 472. W. Schmid, Modèle:Abréviation Achilleus Tatios, n° Modèle:Rom-maj, dans Pauly-Wissowa. Selon Suidas, Achille Tatios serait devenu chrétien, puis évêque.
  897. Photius, Modèle:Abréviation 87 : Modèle:Lang.
  898. Modèle:Abréviation Modèle:Lang.
  899. Sur Chariton, voir surtout E. Rohde, Modèle:Lang, p. 408 et Modèle:Abréviation ; il considère cette indication comme allégorique, sans raisons bien solides, à mon avis.
  900. E. Rohde, p. 489, note 3 et p. 492. Certaines ressemblances avec Achille Tatios ne permettent pas de déterminer lequel a imité l’autre.
  901. En réalité, Hermocrate était mort en 408, avant la fin de la guerre du Péloponnèse, et la révolte de l’Égypte n’eut lieu que sous le règne d’Ochus.
  902. Par exemple, la beauté de Callirrhoé, que personne ne peut voir sans être frappé de stupeur, ou encore la Renommée (Modèle:Lang, dont Chariton se sert pour faire porter au loin les nouvelles, quand cela lui est commode.
  903. E. Rohde, Modèle:Lang, p. 521 et Modèle:Abréviation Krumbacher, Modèle:Lang, § 156.
  904. Ces différents opuscules ou chapitres détachés se trouvent en tête des Modèle:Lang de Hercher, Modèle:Abréviation Didot, Paris, 1871.
  905. Didot, p. 7 Modèle:Lang. Et il rappelle le précepte de Philostrate Modèle:Lang.
  906. Modèle:Lang, Hercher, p. 259.
  907. Même recueil, p. 24.
  908. Même recueil, Modèle:Pg533. Photius, Modèle:Abr 160.
  909. Il est remarquable, en particulier, que ses nombreuses lettres à ses frères, Philippe, Zacharie, Victor, ne nous permettent qu’à peine de reconstituer à grands traits l’histoire de sa famille. Zacharie et Philippe semblent avoir occupé de grandes charges à Constantinople.
  910. Suidas (Modèle:Lang) cite un sophiste Mélésermos, d’époque inconnue, auteur de Lettres de courtisanes, de paysans, de cuisiniers, de généraux, etc.
  911. Sur Aristénète, voir Boissonade, préface de son édition ; F. Passow, Modèle:Art. Aristænetos dans l’Encycl. d’Ersch et Gruber ; W. Schmid, Modèle:Art. Aristænetos, Modèle:N°, dans l’Modèle:Abr de Pauly-Wissowa.
  912. Modèle:Éd. Modèle:Lang de Sambucus, 1566, d’après le Modèle:Abr unique (Modèle:Lang, 310 ; voir Hercher, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, 281). Nombreuses Modèle:Tiret2 francaises au Modèle:S. Éditions récentes ; Boissonade, Paris, 1822 ; Hercher, Modèle:Lang, de Didot, Modèle:Pg133-171.
  913. La lettre Modèle:Rom-maj, 26, mentionne le même Karamallos, dont Sulpice Apollinaire parle comme d’un contemporain. Emprunts d’Aristénète à Achille Tatios (Modèle:Lang, 19, 473, note 1) et à Musée (C. Dilthey, Modèle:Lang, Modèle:Pg31).
  914. Modèle:Lang de Hercher, p. 763-786. Modèle:Lang, § Modèle:Rom, 2.
  915. Modèle:Abréviation ci-dessus, p. 150. Elles forment la plus grande partie du recueil des Modèle:Lang de Hercher dans la collection Didot. Citons notamment les lettres de Phalaris, d’Anacharsis, de Solon, de Thémistocle, de Socrate, etc., jusqu’à celles d’Apollonios de Tyane.
  916. La publication de la dissertation de Richard Bentley (Modèle:Lang, 1697) a fait époque, comme on sait, dans l’histoire de la critique. Cette dissertation, traduite en latin par Lennep (Groningue, 1774, et Modèle:Lang, 1823), et réimprimée aussi en anglais (Modèle:Abréviation de Calvary ; R. Bentley, Modèle:Lang, 1874), ouvrait en effet la voie à des recherches analogues. Voir Westermann, Modèle:Lang, Leipzig, 1851-58.
  917. Sur leurs poèmes relatifs à la révolte du Goth Gaïnas, et sur le succès qu’ils obtinrent, voir Socrate, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 6 et Modèle:Lang, Modèle:Lang.
  918. Suidas, Modèle:Lang. Christodoros, de Coptos en Égypte, fut une manière de grand homme au temps de l’empereur Anastase (491-518). Il célébra la soumission de l’Isaurie révoltée dans une épopée en six livres (Modèle:Lang). Sa spécialité était de chanter les souvenirs glorieux des villes, de celles sans doute qui le payaient bien. Épopée en douze chants sur Constantinople, épopée en vingt-cinq chants sur Thessalonique, autres épopées sur Naclé de Syrie, sur Tralles, sur Aphrodisias, sur Milet, sur la Lydie, etc. Nous n’avons plus de lui que deux épitaphes emphatiques à la mémoire de son bienfaiteur Jean d’Épidamne (Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 697 et 698) et un poème, en 416 hexamétres, intitulé Description des statues destinées au Zeuxippe, gymnase de Constantinople (Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj). Au point de vue littéraire, c’est peu de chose, mais c’est assez.
  919. Jean de Gaza, qui vivait vers 530, appartient à l’école de Gaza mentionnée plus haut. Il nous a laissé une description boursouflée d’une carte du monde (Modèle:Lang), conservée dans le Modèle:Abréviation palatin de l’Anthologie, éditée par Fr. Graefe, Leipzig, 1822, et plus récemment par Abel, Berlin, 1882.
  920. Agathias, Modèle:Rom-maj, 23 : Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 198.
  921. Eunape, Modèle:Abréviation, p. 192, Modèle:Abréviation 19, Didot : Modèle:Lang.
  922. Notons aussi que, selon Modèle:Lang, 42, 233, Nonnos aurait imité quelques vers de Grégoire de Nazianze.
  923. Pour la bibliographie de Nonnos, voir la Modèle:Abréviation de l’édition de Kœchly. Celle-ci, qui fait partie de la Modèle:Abréviation Teubner, est aujourd’hui encore la meilleure ; Leipzig, 1857.
  924. Modèle:Rom-maj, 1-7 et 19-20 : Modèle:Lang
  925. Les sources de son invention sont encore mal déterminées. Il a dû puiser dans les poètes alexandrins et dans les mythographes ; il n’est pas douteux qu’il ne lût les premiers, et qu’il n’ait pu, par conséquent, leur faire bien des emprunts directs.
  926. Par exemple, au Modèle:Rom-majModèle:E chant, l’amour du pauvre bouvier Hymnos pour la belle et fière chasseresse Nikæa (Modèle:Abréviation 169-407).
  927. Les principales particularités de sa versification sont les suivantes : prédominance du dactyle, jamais deux spondées consécutifs ; emploi fréquent de la césure trochaïque au troisième pied ; présence nécessaire de l’accent tonique sur une des deux dernières syllabes du vers, généralement sur la pénultième. Cette dernière habitude, qui est un premier pas vers la versification rythmique des Byzantins, devait rendre bien plus sensible à la lecture le caractère « chantant » que je signale. On a vu plus haut qu’elle se rencontrait déjà chez le fabuliste Babrius.
  928. Modèle:Abréviation de A. Scheindler, dans la Modèle:Abréviation Teubner, Leipzig, 1881. Voir la bibliographie très complète qui forme le Modèle:Abréviation Modèle:Rom de la Préface.
  929. Suidas, Modèle:Lang.
  930. Modèle:Abréviation plus haut, p. 804.
  931. Édition critique annotée, de A. Wernicke. Leipzig, 1819. Même édition, revue et corrigée par K. Lehrs, à la suite de l’Hésiode, de Didot, Paris, 1839. Recension de A. Kœchly, Zurich, 1850.
  932. Suidas, Modèle:Lang et Modèle:Lang. Modèle:Abréviation Évagrios, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 19.
  933. Il semble qu’il fut encore païen alors. Suidas (Modèle:Lang.
  934. On a vu plus haut (p. 906) pour quelles raisons il est impossible de souscrire à la conjecture de Modèle:Lang, qui lui attribuait le poème aujourd’hui anonyme Sur la guerre contre les Blémyes.
  935. Modèle:Rom-maj, 557 ; Modèle:Rom-maj, 136, 623, 808, 809 ; XV, 9.
  936. Suidas, Modèle:Lang. Les Modèle:Abréviation l’appellent aussi Modèle:Lang.
  937. L’édition princeps est celle d’Alde, Venise, 1504. La première édition critique fut établie par Bekker d’aprés le Modèle:Lang. Berlin, 1816. L’édition de Stanislas Julien, Paris, 1822, avec traduction française et scolies inédites tirées d’un Modèle:Lang, a été reproduite à la suite de l’Hésiode de Didot, Paris, 1839, par K. Lehrs, qui a tenu compte des corrections dues à Hermann (Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation, p. 205-207).
  938. Schwabs, Modèle:Lang, Tubingue, 1876. Agathias (Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 263) semble faire allusion à son poème ; de même dans son Histoire, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom. Musée ne peut donc être postérieur au Modèle:S, puisque Agathias est mort vers 580.
  939. Modèle:Abréviation, Alde, Venise, 1494. Modèle:Abréviation de Passow, Leipzig, 1810, reproduite et améliorée par K. Lehrs dans l’Hésiode, Didot. Paris, 1839. Modèle:Abréviation critique de Modèle:Lang, Bonn, 1874. — Notes critiques de A. Koechly, Modèle:Lang, Heidelberg, 1865 ; de Modèle:Lang, 1873, 1874, 1876, 1878 ; de Modèle:Lang, 1878.
  940. Modèle:Lang (dans le recueil intitulé Modèle:Lang), Leipzig, Teubner, 1898. Selon Knaack, Musée n’aurait fait qu’imiter Callimaque. En tout cas, c’est être original que d’imiter avec goût.
  941. Modèle:Lang, § 184.
  942. Modèle:Lang, Patrologie, § 86.
  943. Modèle:Corr, Modèle:Lang. Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 3, où le titre donné dans la note préliminaire est Modèle:Lang. Modèle:Abréviation Agathias, Histoire, Modèle:Abréviation, 6. — Pauly-Wissowa, Modèle:Abréviation Anthologia et Agathias.
  944. Socrate, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 19. Jacobs, Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation, p. 917.
  945. Jacobs, Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation, p. 927.
  946. Modèle:Abréviation Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 380.
  947. Suidas, Modèle:Lang.
  948. Suidas, Modèle:Lang.
  949. Suidas, Modèle:Lang. Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 69, Modèle:Lang.
  950. Agathias, Hist. Modèle:Rom-maj, p. 153. Ce titre désignait une des charges de la cour.
  951. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Graefe, Leipzig, 1822 ; et, dans le Modèle:Lang, Modèle:Abréviation de Bekker, Bonn, 1837.
  952. Anthol. Jacobs, Modèle:Abréviation, p. 64.
  953. Notice, Anthol. Jacobs, Modèle:Abréviation, p. 906. — Épigrammes, même anthologie, III, p. 195.
  954. Notice, Auth. Jacobs, Modèle:Abréviation, p. 911 ; Épig., Modèle:Abréviation, p. 73.
  955. Pauly-Wissowa, Modèle:Abréviation Modèle:Lang, de L. Schmidt et Reitzenstein.
  956. Dilthey, Modèle:Lang, Gœttingue, 1887.
  957. L’ordre primitif de Planude est conservé dans le Modèle:Abréviation de la Modèle:Abréviation de Saint-Marc, n° 481.
  958. Le Modèle:Abréviation palatin contient en outre les descriptions en vers de Paul le Silentiaire et de Jean de Gaza, deux poèmes théologiques de Grégoire de Nazianze, et les Modèle:Lang dont nous parlerons plus loin.
  959. Tome Modèle:Rom-maj, p. 257 et Modèle:Abréviation Voir aussi, dans Pauly-Wissowa, l’art. Anacreon, de Crusius.
  960. Modèle:Lang, 1884, Préface. Stark, Modèle:Lang, 1846. Modèle:Abréviation de Haussen et de Crusius dans le Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj et Suppl. BModèle:E Modèle:Rom-maj. 2.
  961. Aulu-Gelle, Modèle:Rom-maj, 9.
  962. Barberinus 246 (Modèle:S), publié dans Bergk, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, p. 339, sous le titre de Modèle:Lang.
  963. Modèle:Abréviation de Jean de Gaza, Description : Modèle:Lang
  964. Le Modèle:Abréviation donne un nom estropié, Modèle:Lang. La restitution du vrai nom est due à H. Weil (Revue Modèle:Abréviation, 1870, p. 401).
  965. La structure par stances et refrains (Modèle:Lang), qui y est ordinaire, y dénote sans doute l’influence d’un accompagnement musical.
  966. Édités pour la première fois à Bâle, chez Herbst, 1545 ; complétés peu à peu, grâce à de nouvelles découvertes, en particulier par Modèle:Lang, qui publia en 1817 le livre Modèle:Rom-maj, retrouvé par lui à Milan, et, en 1828, les livres Modèle:Rom-maj, Modèle:Rom-maj et Modèle:Rom-maj, d’après des Modèle:Abréviation du Vatican. Éditions de C. Alexandre, avec des Excursus très importants, Paris. Didot, 1841 et 1869 ; de Friedlieb, Leipzig, 1852 ; de A. Rzach, Leipzig, 1891, texte critique, le meilleur que nous ayons aujourd’hui. Sur les parties du recueil et leur histoire, voir Bouché-Leclercq, Modèle:Abréviation de la divination, Modèle:Abréviation, p. 203-214, et la note 1 de la page 200.
  967. Heyne, Preface de l’édition de Zosime dans la collection byzantine de Bonn.
  968. Suidas, Modèle:Lang. Dans cette courte notice, le lexicographe na fait aucune mention d’ouvrages historiques.
  969. Photius, Modèle:Abréviation 98.
  970. Évagrios, Modèle:Lang, III, 41.
  971. Voir Modèle:Rom-maj, 59.
  972. Photius, Modèle:Abréviation 98. Comme l’histoire d’Eunape, et pour les mêmes raisons, celle de Zosime fut soumise à une révision qui en fit disparaître les passages les plus offensants pour le christianisme. Cette seconde édition était déjà la seule que Photius put se procurer et c’est celle qui nous est parvenue.
  973. Suidas, Modèle:Lang. C. Müller, Fragm. Hist. Gr., Modèle:Rom-maj, p. 69.
  974. Évagrios, Hist. eccl., Modèle:Rom-maj, 16, 17.
  975. Fragments de Priscos, C. Müller, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, p. 71 et Modèle:Abréviation ; Dindorf, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, p. 275 et Modèle:Abréviation
  976. Voir par exemple le Modèle:Abréviation 8 de Dindorf, contenant tout le récit de l’ambassade auprès d’Attila dont Priscos fit partie.
  977. Suidas, Modèle:Lang.
  978. C. Müller, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, p. 111. Dindorf, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, p. 383.
  979. Photius, Modèle:Abréviation 78.
  980. Suidas, Modèle:Abréviation cité : Modèle:Lang
  981. C. Müller, Modèle:Lang, p. 133, 135, 138. Dindorf, Modèle:Lang, I, p. 441, 353.
  982. Suidas, Modèle:Lang ; Photius, Modèle:Abréviation 63 (Modèle:Abréviation 206 où, à propos du rhéteur Procope de Gaza, il atteste la renommée de l’historien son homonyme). Modèle:Abréviation Dindorf, Bonn, 1833-1838.
  983. Voir plus haut, p. 1004. Niebuhr, Modèle:Lang, en tête de son édition (Bonn, 1828) et dans les Modèle:Lang de Dindorf, Modèle:Abréviation, p. 11.
  984. Agathias, Modèle:Lang, Préface, Modèle:Abréviation de Paris (1660), p. 7, D.
  985. Sommaire dans l’Modèle:Abréviation de Bonn et dans les Modèle:Lang de Dindorf, Modèle:Abréviation, p. Modèle:Rom.
  986. Voir Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj, § 12 et 13, l’étrange récit relatif à un épisode du siège de Lucques par Narsès.
  987. Suidas, Modèle:Lang ; l’article est un extrait de la préface de Ménandre, qui donne d’intéressants détails sur lui-même.
  988. Fragments de Ménandre, C. Muller, Fragm. Hist. Gr., Modèle:Rom-maj, p. 200, et Dindorf, Hist. Gr. min., Modèle:Rom-maj. p. 1.
  989. Voir page 992.
  990. Édition de Bekker, Bonn, 1834, dans le Modèle:Lang
  991. Nonnosos, notice et Modèle:Abréviation dans C. Müller, Hist. Græc. fr., Modèle:Rom-maj, p. 178 et Dindorf, Hist. Gr. min., Modèle:Rom-maj. p. 473. Phot., Modèle:Abréviation 3. — Théophane de Byzance, C. Müller, Modèle:Rom-maj, p. 270 et Dindorf, Modèle:Rom-maj, p. 446. — Jean d’Épiphania, C. Muller : Modèle:Rom-maj, p. 272 ; Dindorf, Modèle:Rom-maj, p. 375. — Pierre le Patrice, C. Müller, Modèle:Rom-maj, p. 181 ; Dindorf, Modèle:Rom-maj, p. 425.
  992. Suidas, Modèle:Lang ; Photius, Modèle:Abréviation 69. — Notice et fragments, C. Müller, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, p. 142.
  993. C. Müller, Modèle:Rom-maj, p. 533-622.
  994. C. Müller, Modèle:Rom-maj, p. 138.
  995. Modèle:Abréviation de L. Dindorf, Bonn, 1831, dans le Modèle:Lang ; Migne, Modèle:Abréviation grecque, Modèle:Abréviation.
  996. Modèle:Lang, § 50.
  997. Photius, Modèle:Abréviation 180. Sur les événements de sa vie, voir ses propres témoignages (Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-Modèle:Rom) et la dissertation de Hose, Modèle:Lang, dans l’édition de Bonn.
  998. Principaux Modèle:Abréviation : Caseolinus, Modèle:S, découvert à Constantinople par Choiseul-Gouffier en 1785, aujourd’hui à Paris, Suppl. 257 ; voir la dissertation citée de B. Hase ; Modèle:Lang, 28, 34 (Modèle:S). — Édition d’ensemble des trois traités par Modèle:Lang, dans le Modèle:Lang, Bonn, 1837. Éditions particuliéres : Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Fuss, avec Préface de Hase, Paris, 1812 ; Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Lang, 1863 (Bibl. Teubner).
  999. C. Müller, Modèle:Lang (Modèle:Abréviation Didot), Modèle:Abréviation, p. 515.
  1000. C. Müller, Modèle:Lang, Modèle:Rom-maj, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj et 471. Modèle:Abréviation l’Modèle:Abréviation Agathemerus de Berger dans Modèle:Lang.
  1001. Modèle:Lang, Modèle:Abr Müller, même Modèle:Abr, Modèle:Pg488 ; médiocre essai, où sont résumés, non sans erreur, les principes de la cartographie de Ptolémée ; — Modèle:Lang, Modèle:Abr Müller, même Modèle:Abr, Modèle:Pg494, compilation très inégale.
  1002. Nous n’avons sur lui aucune notice biographique. — L’édition la plus complète est celle de G. Dindorf, Modèle:Lang, 4Modèle:Vol.d avec une planche, Leipzig, 1825. Édition de Westermann en un Modèle:Abr, Leipzig, Teubner, 4835. Édition inachevée de Meineke, Berlin, 1850, le premier Modèle:Vol.seul paru.
  1003. Une note à la fin du Modèle:Ms.de Coislin (Modèle:Abr la note suivante) définit ainsi le contenu de l’ouvrage : Modèle:Lang. Étienne avait emprunté beaucoup à l’ouvrage de Démétrius Magnès Modèle:Lang et à celui d’Hérennius Philon Modèle:Lang (Modèle:Abr plus haut, Modèle:Pg685) ; mais, en outre, il avait puisé, directement ou indirectement, dans les œuvres des principaux géographes et historiens (Ben. Niese, Modèle:Lang, Kiel, 1873). Pour le plan, il s’était inspiré d’ouvrages antérieurs aujourd’hui disparus (par exemple, du Modèle:Abr de Clitarque d’Égine, Modèle:Lang, 221-31). En matière grammaticale (orthographe et accentuation, dérivation des noms, etc.), il se rattachait à Hérodien qu’il cite fréquemment (A. Lentz, Modèle:Lang, Leipzig, 1867, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg153).
  1004. Modèle:Abréviation Modèle:Lang, cité en entier par Modèle:Abr Porphyrogénète dans son Modèle:Lang, Modèle:Ch.Modèle:Rom, et la série d’articles qui vont du mot Modèle:Lang au mot Modèle:Lang, conservée dans le Modèle:Ms.de Coislin (Modèle:Lang ; E. Miller, Modèle:Abr, 1838). L’article Modèle:Lang est particulièrement intéressant : il a été édité par Gronovius, Leyde, 1681 et Schirlitz, Modèle:Lang, 1828.
  1005. Suidas, Modèle:Lang, deux notices, dont la seconde empruntée à la Vie d’Isidore, de Damaskios. Socrate, Modèle:Abréviation, VII, 15.
  1006. Lettres 4, 10, 15, 16, 80, 124, 132. Synésios s’adresse toujours à elle avec un ton de vénération respectueuse et de docilité, même une fois devenu évêque. La lettre 16, où il parle de la mort de ses fils, est postérieure à son épiscopat (cf. ep. 105, § 249).
  1007. Suidas, Modèle:Lang.
  1008. Sur l’éco1e néoplatonicienne d’Athènes, consulter les ouvrages généraux sur l’École d’Alexandrie cités plus haut (p. 820, Modèle:Abréviation 2), et de plus, Zeller, Modèle:Lang, Modèle:AbréviationModèle:E, p. 746 et Modèle:Abréviation
  1009. Marinos, Vie de Proclos, 28.
  1010. Suidas, Modèle:Lang. Marinos, Modèle:Abréviation cité. — Zeller, Phil. d. Gr., Modèle:Abréviation, Modèle:Pg749-753.
  1011. Modèle:Lang, dit Suidas. Il est cité assez souvent par Proclos, Olympiodore, Simplicius, Philoponos. Fragments dans Olympiodore, in Modèle:Lang, Modèle:Pg124 et 278 Finckh.
  1012. Suidas, Modèle:Lang. Né à Alexandrie, il vint à Constantinople, fut traduit en jugement, sans doute pour ses opinions, frappé de verges et exilé. Il paraît avoir enseigné dans sa ville natale pendant la première moitié du Modèle:S, avec un grand succès.
  1013. Photius, Modèle:Abréviation 214, analyse son traité Modèle:Lang. Divers morceaux d’autres ouvrages de lui figurent dans le Florilège de Stobée. — Sur la doctrine de Hiéroclès, voir Zeller, Modèle:Abréviation, p. 753.
  1014. Modèle:Abréviation Mullach-Didot, Fragm. Phil. Gr., Modèle:Abréviation, p. 408.
  1015. La notice de Suidas (Modèle:Lang) donne simplement une liste de ses écrits.
  1016. Proclos, Modèle:Abréviation, p. 216 : Modèle:Lang (il s’agit de Modèle:Lang) Modèle:Lang. Modèle:Abréviation, p. 20 : Modèle:Lang…, etc. ; et ailleurs (Modèle:Abréviation, 315 B) Modèle:Lang.
  1017. Sur la philosophie de Syrianos, consulter Modèle:Lang (Modèle:Abr Modèle:T.Modèle:Rom-majModèle:E, Modèle:Pg759-774. — La liste d’écrits donnée par Suidas est fort suspecte, car elle est en partie la même que celle qui figure ailleurs sous le nom de Proclos. Les œuvres de rhétorique de Syrianos ont été mentionnées plus haut (p. 984) : ce sont des commentaires sur Hermogène, qui ont été publiés par Hugo Rabe dans la Modèle:Abr Modèle:Lang (Modèle:Lang, Leipzig, 1894).
  1018. Modèle:Lang Modèle:Abr Modèle:T.Modèle:Rom-majModèle:E, Modèle:Pg771 Modèle:Et suiv.
  1019. Nous avons une biographie détaillée de Proclos, due à son successeur Marinos. Boissonade l’a publiée à la suite du Diogène Laërce de la Modèle:Abréviation Didot, Paris, 1850. Notice de Suidas, Modèle:Lang.
  1020. Il dut seulement quitter Athènes une année pour échapper aux menaces de persécution. Il se réfugia en Lydie, mais revint à son école dès que les passions furent apaisées. Marinos, Proclos, Modèle:Abréviation Modèle:Rom.
  1021. Sur ses abstinences, ses jeunes, ses pratiques de dévotions, Modèle:Abréviation Marinos, Proclos, Modèle:Abréviation Modèle:Rom.
  1022. Marinos, Proclos, Modèle:Abréviation Modèle:Rom.
  1023. Pour la liste complète des écrits de Proclos, conservés ou perdus, voir Zeller, Modèle:Abréviation cité, Modèle:Pg778, note 6, et 779, note 1 ; le classement chronologique probable y est donné. Les œuvres de Proclos ont été publiées par [[Auteur:Victor Cousin|Modèle:Abréviation Cousin]], Paris, 6 Modèle:Abréviation 1820-1827 ; Modèle:Abréviation, 1864.
  1024. Publié dans le Plotin de la Modèle:Abréviation Didot.
  1025. Publiés en dernier lieu dans les Orphica d’Abel, Leipzig, 1885.
  1026. Dans les Modèle:Lang, de Westermann ; Brunswick, 1845.
  1027. Voir plus haut, Modèle:Pg978.
  1028. Marinos, Proclos, 22.
  1029. Suidas, Modèle:Lang.
  1030. Publié dans l’Modèle:Abréviation du Phèdre de Fr. Ast, Leipzig, 1810.
  1031. Publiés par A. Busse, Modèle:Lang, IV, 1, Berlin, 1891. Ces commentaires sont fort altérés et interpolés ; l’attribution de tous n’est pas certaine. Voir l’article de Freudenthal sur Ammonios (n° 15) dans Pauly-Wissowa. — Nous avons aussi sous le nom d’Ammonios une Vie d’Aristote qui n’est pas de lui ; publiée par Westermann dans le Modèle:Abréviation de la Modèle:Abréviation Didot qui contient Diogène Laërce.
  1032. Scolies d’Asclépios sur Aristote, publiées par Hayduck, Modèle:Lang, VI, 2, Berlin, 1888.
  1033. Suidas, Modèle:Lang. La Vie de Proclos a été publiée par Boissonade, Leipzig, 1814, et de nouveau dans la Modèle:Abréviation Didot, à la suite du Diogène Laërce, Paris, 1850.
  1034. Suidas, Modèle:Lang. Sur sa biographie, voir plus loin, à propos de Damaskios.
  1035. Suidas, Modèle:Lang.
  1036. Suidas, Modèle:Lang. Em. Ruelle, Le philosophe Damascius, étude sur sa vie et ses ouvrages, Paris, Didier, 1861.
  1037. Modèle:Lang dans les Modèle:Lang de J. Ch. Wolf, 1724 ; Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Modèle:Abréviation Kopp, Francfort, 1826 ; Modèle:Lang, Modèle:Éd. Ruelle, Paris, 1889.
  1038. Photius, Modèle:Abr 242. Le texte de Photius est reproduit dans le Modèle:Vol.de la Modèle:Abr Didot qui contient Modèle:Abr Laërce.
  1039. Métaphrase du traité de Théophraste sur la sensation (dans le Théophraste de Wimmer, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Modèle:Pg232 et Modèle:Abr) ; Réponses aux doutes du roi des Perses Chosroès, dont nous n’avons plus qu’une traduction latine (publiée par Dübner dans le Modèle:Vol.de la Modèle:Abr Didot, qui contient Plotin, Modèle:Pg553-579).
  1040. Suidas, Modèle:Lang.
  1041. Modèle:Abr Modèle:Lang ; dans les Modèle:Lang, Modèle:Abr ; Modèle:Lang, même Modèle:Abr, Modèle:Abr ; Sur la physique, Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj ; Sur les catégories, Modèle:Abr, 1. — Commentaire du Manuel d’Épictète, Modèle:Éd. de Modèle:Lang, avec Modèle:Abr, 2 Modèle:Abr Modèle:In-8o, Leipzig, 1800 : Modèle:Éd. de Duebner, jointe au Théophraste de la Modèle:Abr Didot, Paris, 1840.
  1042. Quelques renseignements personnels sur lui dans sa Vie de Platon, Modèle:Pg2, Modèle:Lang, et dans son commentaire du Gorgias, Modèle:Pg153, Iahn.
  1043. Vie de Platon, dans les Modèle:Lang de Modèle:Lang, Brunswick, 18-15, réédité à la suite du Modèle:Abr Laërce de la Modèle:Abr Didot, Paris, 1850. et dans la plupart des éditions de Platon. Commentaire Sur le premier Alcibiade, Modèle:Éd. Creuzer, Modèle:Lang, etc., Modèle:T.Modèle:Rom-maj, Francfort, 1821 ; Sur le Phédon, Modèle:Éd. Finckh, Heilbronn, 1847 ; Sur le Philèbe, dans l’édition du Philèbe de Stallbaum, Leipzig, 1820-26 ; Sur le Gorgias, Modèle:Éd. Iahn, Jahrbuch, Modèle:Abr, Modèle:T.Modèle:Rom-maj. Commentaire sur la météorologie d’Aristote dans l’édition de Ideler, 2Modèle:Vol.d, Leipzig, 1834-36.
  1044. Modèle:Lang de Modèle:Abr Mai, Modèle:T.Modèle:Rom-maj.
  1045. Modèle:Lang, § 70 Modèle:Et suiv.
  1046. Agathias, Hist., V. 6. Voir l’art. de Hultsch sur Anthemios (n° 4), dans Pauly-Wissowa.
  1047. Westermann, Modèle:Lang, Brunswick, 1839, p. 149-158.
  1048. K. Sprengel, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation.
  1049. Modèle:Abréviation de Wellmann dans Pauly-Wissowa (Alexandros, n° 101).
  1050. Modèle:Éd. de Puschmann, en 2Modèle:Vol.d, Vienne, 1879.
  1051. Modèle:Art. de Wellmann dans Pauly-Wissowa, Modèle:Lang, Modèle:N°.
  1052. Modèle:Éd. grecques, Venise, 1528 ; Bâle, 1538. Nombreuses éditions latines. Texte et traduction française : La chirurgie de Paul d’Égine, texte grec et traduction française précédés d’une introduction par René Briau, Paris, 1855.
  1053. Suidas, Modèle:Lang ; Photius, Modèle:Abr 26 ; Volkmann, Synesius von Modèle:Tiret2, Berlin, 1869 ; H. Druon, Œuvres de Synésius, Modèle:Trad. en français, avec une étude biographique et littéraire, Paris, 1878 ; Modèle:Lang, § 58 ; Kraus, Modèle:Lang (questions chronologiques, etc.). Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, 1865.
  1054. Hymne Modèle:Rom-maj, Modèle:V.437-503.
  1055. Lettre 136 : Modèle:Lang.
  1056. Lettre 105. Ses réserves de doctrine portent sur trois points. Il n’admet ni que l’âme naisse après le corps, ni que le monde puisse périr, ni que les corps doivent ressusciter.
  1057. Évagrios, Modèle:Abréviation, Modèle:Rom-maj, 15.
  1058. Lettre 58. Cette excommunication, suspendue à la demande d’Andronicos, qui se soumit en apparence, fut confirmée peu après (Lettre 72).
  1059. Lettre 90.
  1060. Édition complète de Petau, Paris, 1633 et 1640, reproduite dans la Patrologie grecque de Migne, Modèle:Abréviation ; Modèle:Lang, Modèle:Abréviation Krabinger, Landshut, 1850, Modèle:Abréviation (seul paru d’une édition qui devait comprendre aussi les Lettres et les Hymnes).
  1061. Opinion divergente, E. Gaiser, Modèle:Lang, 1886. Modèle:Abréviation O. Seeck, Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, 1893.
  1062. On la trouve dans les éditions complètes de Petau et de Migne, et, en outre, dans les Modèle:Lang de Hercher (Modèle:Abréviation Didot), Paris, 1873 (p. 638-739). — Modèle:Abréviation française par F. Lapatz, Paris, 1871. — Étude philologique de Modèle:Lang, 1898 qui annonce une nouvelle édition.
  1063. Éditions spéciales : J. F. Boissonade, Modèle:Lang, Modèle:T.Modèle:Rom-maj. Paris, 1825 ; Christ et Paranikas, Modèle:Lang, Modèle:Pg3-23, Leipzig, 1871 ; J. Flach, Tübingen, 1875. — Les hymnes Modèle:Rom-maj appartiennent à la première partie de la vie de Synésios ; les autres, à la seconde ou à la troisième.
  1064. Voir Bardenhewer, Modèle:Abréviation, § 61, 2. Pour Philostorge, Photius, Modèle:Abréviation 40. Fragments dans Migne, Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation. Bibliographie dans Modèle:Lang, Modèle:Abréviation cité.
  1065. Photius, Modèle:Abréviation 28, 30, 31.
  1066. Les œuvres des principaux historiens de l’Église ont été publiées collectivement par Modèle:Abr de Valois, Paris, 1659-73 et 1677. Migne a reproduit le texte de Socrate d’après cette Edition dans sa Modèle:Abr, Modèle:T.Modèle:Rom-maj. Autre édition : Modèle:Lang, Modèle:Éd. R. Hussey, avec Modèle:Abr, 3Modèle:Vol.d, Oxford, 1853. — Sources : Modèle:Abr, Modèle:Rom-maj, 1 : Modèle:Lang
  1067. L’Histoire ecclésiastique de Sozomène figure dans le recueil de H. de Valois, mentionné ci-dessus, et dans la Modèle:Abr de Migne, Modèle:T.Modèle:Rom-maj, à la suite de celle de Socrate. Elle a été publiée également par Hussey, 3Modèle:Vol.d, Oxford, 1860.
  1068. Voir Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, § 84, 1 et 2.
  1069. Photius, Modèle:Abréviation 29.
  1070. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation, § 84, 3. L’Histoire ecclésiastique figure dans le recueil de H. de Valois, texte reproduit dans Migne, Modèle:Abréviation, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj. Édition séparée, d’après la même recension critique, Modèle:Lang, 1844.
  1071. Nous n’avons pas de notice sur Cyrille. Voir Photius, Modèle:Abréviation 49 et 169. Son rôle public est raconté par les historiens ecclésiastiques ; consulter aussi ses lettres. — Modèle:Lang, biographie d’après les sources, Mayence, 1881. Voir Modèle:Lang, § 59.
  1072. La seule édition comprenant toutes les œuvres est encore celle du chanoine Aubert, 7 Modèle:Abréviation in-folio, Paris, 1638. Elle a été complétée par A. Mai et reproduite avec ces compléments dans la Modèle:Abréviation grecque de Migne, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj-Modèle:Rom-maj.
  1073. La plupart de ces écrits ont été édités par Pusey, Oxford, 1815 et 1877.
  1074. Les écrits exégétiques ont été édités presque tous, avec les fragments des Homélies, par Pusey, Oxford, 1868 et 1872, et forment au total cinq volumes.
  1075. Renseignements biographiques dans les historiens ecclésiastiques et dans plusieurs passages de Photius (voir l’Index de l’Modèle:Abréviation Bekker). Pour la bibliographie moderne, consulter Modèle:Lang, Patrol., § 60 ; voir, en particulier, l’Modèle:Lang du Modèle:Lang Garnier dans son édition de Théodoret.
  1076. Édition complète, avec Modèle:Abréviation, Modèle:Lang, du Modèle:Abréviation Sirmond, Paris, 1612, complétée par le Modèle:Abréviation Garnier, Paris, 1684 (en tout, cinq Modèle:Abréviation Modèle:Abréviation). Édition de Modèle:Lang, en 5 Modèle:Abréviation Modèle:Abréviation, Halle, 1769-1771, reproduite dans la Modèle:Abréviation de Migne, Modèle:Abréviation Modèle:Rom-maj-Modèle:Rom-maj, Paris, 1860.
  1077. Modèle:Abréviation 203, 204, 205. Voir en particulier Modèle:Abréviation 203, l’appréciation du commentaire sur Daniel : Modèle:Lang.
  1078. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation C. Blondel, Paris, 1876. Voir Bardenhewer, § 61, 1.
  1079. Bardenhewer, § 51, 11. Publié sous le nom de Grégoire de Nysse dans la Modèle:Abréviation de Migne, Modèle:Abréviation, p. 188.
  1080. Bardenhewer, § 82, 3.
  1081. Voir Bardenhewer, § 52.
  1082. Bardenhewer, § 61.
  1083. Bardenhewer, § 89 ; Modèle:Lang
  1084. Voir plus haut, p. 1000 et 1002.
  1085. Modèle:Lang, Modèle:Abréviation A. Ludwich, Modèle:Abréviation Teubner, Leipzig. 1897.
  1086. Modèle:Abréviation Bouvy, Poètes et Mélodes, Nîmes, 1886 ; Bardenhewer, Modèle:Abréviation, § 86.