Histoire de la littérature grecque (Croiset)/Tome 5/Période de l’Empire/Chapitre 8


CHAPITRE VIII
LA FIN DE L’HELLÉNISME
D’ARCADIUS À HÉRACLIUS

bibliographie

Les indications bibliographiques relatives aux auteurs très nombreux de cette dernière période, ne pouvant être données que sommairement, seront mieux placées dans les notes au bas des pages.



SOMMAIRE

I. Comment se manifeste à partir du ve siècle le déclin de l’hellénisme. — II. Grammairiens. Lexicographes : Orion, les Etymologica. Hésychios d’Alexandrie. Scoliastes. Chrestomathies et Floriléges ; Stobée. Gnomologes ; Parœmiograpbes. — III. La rhétorique. Aphthonios. Syrianos et Sopatros. L’école de Gaza : Chorikios. Suite et fin du roman sophistique : Achille Tatios, Chariton. Genre épistolaire : Aristénète. — IV. La poésie. Poésie officielle. Épopée mythologique, Nonnos : les Dionysiaques. Poètes secondaires : Tryphiodore, Kyros, Colouthos, Musée ; fin de l’école de Nonnos. — V. Suite de la poésie. L’épigramme : Agathias de Myrina et les poètes de la cour de Justinien. L’anthologie de Constantin Kephalas et ses destinées. Recueil des poésies dites Anacréontiques. Les Oracles Sibyllins. — VI. L’historiographie profane. Caractères généraux. Zosime ; historiens secondaires du ve siècle. Historiens du vie siècle : Procope, Agathias. Ménandre. Chronographes. Érudition historique : Jean Laurentius. Les derniers géographes : Marcien, Agathémère, Étienne de Byzance. — VII. La philosophie au début du ve siècle : Hypatie, Olympiodore. L’École d’Athènes : Plutarque, Hiéroclès, Syrianos. Proclos ; sa vie ; ses écrits ; son rôle et son influence. Le Néoplatonisme après Proclos. Damaskios et Simplicius ; Olympiodore le jeune ; fin de la philosophie hellénique. Mathématiciens et médecins. — VIII. Synésios de Cyrène. Sa vie ; son talent. Ses discours et ses lettres. — IX. Littérature chrétienne. L’historiographie ecclésiastique au ve et au vie siècle. Socrate, Sozomène, Théodoret, Évagrios. Les chronographes — X. L’éloquence et l’exégèse religieuses. Cyrille d’Alexandrie ; Théodoret. — XI. Décadence de toutes les formes de la littérature grecque chrétienne. Commencements de la poésie rythmique. Le byzantinisme. Conclusion.


I

Nous sommes arrivés à la période extrême de l’hellénisme. Les causes décisives de son déclin ont été indiquées au début du chapitre précédent. Plus on avance dans ces derniers siècles, plus leurs effets s’accusent. Dans un empire affaibli et désorganisé, sans cesse menacé, souvent envahi par les barbares qui se pressent aux frontières, sans vie politique, sans visées sociales, les études libérales, qui n’ont plus de but, et qui d’ailleurs supposent l’aisance, les loisirs et la tranquillité, vont se dépréciant de jour en jour. De plus, l’organisme ecclésiastique, avec ses préoccupations propres, tend à prévaloir dans la société sur l’organisme civil. Querelles théologiques, conciles, excommunications et anathèmes, voilà désormais la grande affaire du monde. Les esprits actifs, les caractères ambitieux et énergiques se jettent dans cette mêlée et s’y perdent. Au milieu de ces clameurs et de ces disputes subtiles, le sens du beau s’oblitère, le goût désintéressé du vrai disparaît.

Vaine agitation d’un côté, retraite et mysticisme ascétique de l’autre. Ceux que rebute ce tumulte se donnent au rêve, à la solitude. Païens, ils compulsent les vieux livres, ils les commentent, sans dessein précis, sans ambition intellectuelle, parce qu’on a fait ainsi avant eux, parce qu’il faut bien faire quelque chose, parce qu’ils y trouvent encore plaisir et repos d’esprit ; quelques-uns, comme Proclos et les siens, continuent la méditation abstraite du néoplatonisme, qui ne mène à rien, qui n’ouvre pas d’horizons à la recherche, mais qui les rattache à un admirable passé et qui les console du présent. Chrétiens, ils·se font moines, ils habitent par l’esprit et par le cœur dans une région surnaturelle, ils travaillent à l’anéantissement de ce qui est proprement humain.

L’hellénisme se réduit donc de jour en jour dans cette société, où il est supplanté par un christianisme éristique ou ascétique. L’exposé sommaire de cette lente extinction est le sujet de ce dernier chapitre. Il nous sera permis, pour observer la proportion générale de notre composition, de passer ici très vite sur bien des choses. Nous ne dressons pas un répertoire de noms, nous essayons d’écrire une histoire.

Par suite aussi, nous ne nous sentons pas obligés d’aboutir à une date précise, ni de dire au juste en quelle année et à quel jour finit l’hellénisme. En réalité, personne ne saurait dire quand finit dans l’humanité une certaine forme de culture intellectuelle et morale, ni même si elle finit absolument, ce qui en soi est peu vraisemblable. L’hellénisme a disparu peu à peu, s’il a disparu ; mais nous n’avons pas à le suivre ici dans les consciences individuelles ; nous ne le considérons que dans la littérature. Il prend fin pour nous lorsqu’il cesse de produire des œuvres qui comptent. Or les œuvres où on le sent présent et agissant sont encore assez nombreuses au ve siècle, elles deviennent plus rares et plus médiocres au vie, elles cessent vers le milieu du viie. C’est donc sur ces trois siècles que nous avons à jeter un coup d’œil, en nous arrêtant un peu plus au premier des trois et en nous contentant d’un simple aperçu pour les deux derniers[1].

II

C’est par la philologie, sous ses diverses formes, que l’hellénisme déclinant se relie le plus expressément à l’hellénisme des grands siècles, puisque la philologie s’attache de propos délibéré aux grandes œuvres du passé pour les interpréter, les commenter et les juger. La faiblesse intellectuelle de ces derniers siècles s’y manifeste comme partout.

Nous ne citerons ici que pour mémoire les quelques hommes qui représentent alors la théorie grammaticale. Depuis Apollonios Dyscole et Hérodien, rien d’intéressant ne s’était fait en ce genre ; la même stérilité caractérise les siècles dont nous nous occupons. Les quelques grammairiens de ce temps dont les œuvres sont venues jusqu’à nous[2], Théodose d’Alexandrie (fin du ive siècle), Georges Chœroboscos qui enseignait à Constantinople au ve siècle et dont l’autorité se soutint pendant toute la période byzantine, Timothée de Gaza (aux environs de l’an 500), Jean Philoponos (première moitié du vie siècle), d’autres, dont l’époque même est incertaine, tels que Théodoret et Jean Charax, ne sont guère que des abréviateurs ou des commentateurs dociles. Nous leur devons de mieux connaître des idées qui appartiennent à leurs prédécesseurs et qu’ils sont loin d’avoir toujours éclaircies en les rapportant. Quelques autres, tels qu’Eudémos de Péluse (entre 450 et 500), Eugénios (vers 500), Sergios Anagnostes (même temps probablement), dont les noms et les ouvrages sont cités dans les notices biographiques, n’ont rien laissé qui ait survécu, ni sans doute qui méritât de survivre.

À côté de ceux qui s’attachent à maintenir la correction de la langue et à en perpétuer les règles, d’autres érudits s’occupent surtout de collectionner les mots, d’en donner le sens autorisé, d’en noter les emplois classiques. Et comme les mots ne vont pas sans les choses, les lexiques suscitent les dictionnaires historiques.

Ces lexicographes continuent l’œuvre des Atticistes du second siècle, mais avec moins de choix et presque sans critique. Le rôle dont ils se contentent est surtout de dépouiller les œuvres de leurs prédécesseurs. — Le petit ouvrage Sur les termes semblables ou différents (Περὶ ὁμοίων καὶ διαφόρων λέξεων), attribué par les manuscrits à un certain Ammonios, semble n’être qu’un remaniement d’un traité d’Hérennius Philon Sur les diverses significations des mots[3]. — Beaucoup plus important était le Lexique étymologique (Περὶ ἐτυμολογιῶν) du grammairien Orion, dont il nous reste des fragments. L’auteur fut un des maîtres du philosophe Proclos à Alexandrie vers 430 ; plus tard, il enseigna à Constantinople, et il eut l’honneur de compter parmi ses élèves la savante impératrice Eudoxie, fille du sophiste Léontios et femme de Théodose II (408-450) : il lui dédia un Recueil de pensées des Anciens (Ἀνθολόγιον), dont il ne nous est rien resté ; enfin il paraît avoir tenu école à Césarée[4]. Pour composer son lexique, il avait dépouillé avec soin les principaux ouvrages analogues qui avaient paru jusque-là[5]. Lui-même devint à son tour une autorité pour les lexicographes byzantins. C’est d’un exemplaire complet de son recueil que procèdent les principaux lexiques grecs étymologiques du moyen âge, l’Etymologicum magnum, composé vers le xe siècle, et l’Etymologicum Gudianum, ainsi nommé de Gude, à qui appartint le manuscrit aujourd’hui déposé à Wolfenbuttel. Orion, bien entendu, ne possédait pas plus que ses successeurs la vraie méthode étymologique ; leurs fantaisies nous donnent l’idée des siennes ; mais c’est grâce à de tels ouvrages que nous ont été conservés bien des fragments de textes perdus, avec de nombreux témoignages soit sur les auteurs classiques, soit sur leurs commentateurs[6]. — Au même siècle paraît devoir être rapporté le glossaire d’Hésychios d’Alexandrie. L’auteur nous apprend lui-même, dans une lettre qui sert de préface à son livre, que le grammairien Diogénianos[7] avait eu, avant lui, l’idée heureuse de réunir en un seul lexique (appelé Περιεγροπένητες (Periegropenêtes)) tout le contenu des glossaires spéciaux à l’épopée homérique, à la poésie lyrique, à la tragédie, à la comédie, aux orateurs. (C’est ce travail qu’il s’est proposé d’améliorer et de compléter. Son ouvrage est comme une revue alphabétique de tous les termes rares et aussi des proverbes employés par les auteurs classiques. Non seulement il supplée pour nous des scolies perdues, mais il permet aux éditeurs modernes de rétablir quelquefois dans les textes anciens les expressions primitives, quand les copistes y ont substitué des termes plus usités[8]. Dans le glossaire d’Hésychios paraissent avoir été fondus à une époque incertaine des éléments empruntés au Lexique de Cyrille, attribué au patriarche d’Alexandrie dont nous parlerons plus loin[9]. — Après Hésychios, on peut nommer encore Helladios, Alexandrin également, qui vivait au ve siècle[10]. Au delà, cette littérature se prolonge dans l’époque byzantine par des ouvrages tels que le Lexique d’Eudème, les Lexiques anonymes de Séguier (Lexica Segueriana), le Lexique de Vienne, etc., dont les origines, les rapports mutuels et la date demeurent encore enveloppés d’obscurité[11].

Parallèlement à cette série de lexiques proprement dits se développe une série de dictionnaires historiques, qui attestent également le souci d’aider à l’intelligence des auteurs anciens. Le plus important semble avoir été celui d’Hésychios Illoustrios de Milet, écrivain du vie siècle, qui composa, sous les règnes d’Anastase, de Justin et de Justinien, un lexique d’histoire littéraire intitulé Ὀνοματολόγος (Onomatologos) (ou Πίναξ τῶν ἐν παιδείᾳ ὀνομαστῶν (Pinax tôn en paideia onomastôn))[12]. — Cet ouvrage, et d’autres analogues, furent dépouillés au xe siècle par Suidas, qui les a fait passer en partie dans son Lexique[13]. Bien que celui-ci appartienne par sa date à la littérature byzantine, il peut donc être considéré comme représentant, sous une forme très confuse et très altérée, l’érudition grecque des derniers siècles.


Un dernier groupe de philologues comprend les scoliastes, les auteurs de chrestomathies et de recueils de sentences, enfin les collectionneurs de proverbes. Tous sont les témoins de la survivance de l’antiquité hellénique et des études dont elle continuait à être l’objet. Mais tous aussi attestent indirectement combien le domaine de ces études se restreignait chaque jour[14].

Les scoliastes de ces derniers siècles se contentent d’extraire et d’abréger les commentaires savants de leurs devanciers. Plus de recherches personnelles. Quelques-uns seulement nous sont connus par leurs noms : tels Salloustios, parmi les commentateurs de Sophocle, Dionysios parmi ceux d’Euripide, Phaeinos et Symmachos parmi ceux d’Aristophane ; Ératosthène, scoliaste de Théocrite, Ulpien, scoliaste de Démosthène. D’autres sont aujourd’hui ignorés. Pas un dans le nombre qui ait fait preuve de quelque force d’esprit ou de quelque indépendance de jugement.

L’usage des recueils d’extraits (Ἐϰλογαί, Ἀνθολόγια, Χρηστομάθειαι (Eklogai, Anthologia, Chrêstomatheiai)) était devenu de plus en plus fréquent sous l’empire. Les spécialistes seuls lisaient encore les auteurs classiques dans leur intégrité, particulièrement les philosophes. La majorité des simples lecteurs se contentait de morceaux choisis.

Ces Chrestomathies prenaient quelquefois la forme de véritables cours élémentaires de littérature ; telle par exemple la Χρηστομάθεια γραμματιϰή (Chrêstomatheia grammatikê) de Proclos. La personne de l’auteur est aujourd’hui encore un sujet de discussion, les uns l’identifiant au philosophe platonicien du ve siècle dont nous parlerons plus loin, les autres à divers grammairiens du même nom[15]. L’ouvrage lui-même nous est connu par une notice de Photius (cod. 239), qui en a analysé quelques parties, et par un petit nombre de fragments[16]. Il comprenait quatre livres ; les divers genres littéraires y étaient distingués et définis, puis l’histoire de ces genres était passée en revue dans une série de notices biographiques et d’analyses, qui faisaient connaître les grands écrivains et leurs œuvres. Les comptes-rendus de Photius et les fragments conservés se rapportent aux deux premiers livres, qui traitaient, de l’Épopée, de l’Élégie, de l’Iambe, de la Poésie lyrique ; notre connaissance du cycle épique provient en grande partie de là. Mais quelle que soit pour nous la valeur de ces débris, l’ouvrage ne dénote que de l’instruction et de l’exactitude sans la moindre critique personnelle.

D’autres chrestomathies peuvent être comparées plutôt à nos « Lectures historiques ». C’étaient des extraits d’auteurs divers, relatifs à la mythologie, à l’histoire des lettres, à celle des arts et à d’autres sujets encore. Telle était celle du sophiste Sopatros d’Apamée, de qui nous reparlerons bientôt. Elle ne nous est plus connue que par l’analyse qu’en a donnée Photius (cod. 161)[17].

Le seul ouvrage de ce genre qui nous ait été conservé presque en entier est celui de Jean de Stobes en Macédoine, communément appelé Stobée. L’auteur, d’ailleurs inconnu, vivait prohablement au vie siècle[18]. Son Ἀνθολόγιον (Anthologion) était un véritable cours d’éducation, composé par lui pour son fils Septimius. Le voyant peu disposé à lire, il s’était proposé d’extraire à son profit les meilleurs passages des auteurs nationaux, afin de lui faire goûter, sous une forme condensée, comme la fleur de l’hellénisme. Son recueil, en quatre livres, était méthodiquement ordonné, mais de façon à plaire par sa variété même[19]. Le premier livre traitait de l’importance de la philosophie et du dénombrement des sectes, de Dieu et de ses attributs, de la nature et de ses principaux phénomènes ; le second touchait rapidement aux conditions de la connaissance, à la dialectique, à la rhétorique, à la poétique, puis il abordait la morale, dont il exposait les données générales ; le ' troisième était relatif aux vertus et aux vices ; enfin, le quatrième était consacré à la politique, à la famille, à l’économie domestique, aux arts, et à diverses questions sociales. Dans la confection de cette sorte d’encyclopédie, le rôle de l’auteur s’était borné à extraire les morceaux qui répondaient à ses vues, à les grouper par sections sous des titres communs, et à les classer de son mieux dans chaque section. Ce classement paraît avoir été fait d’ailleurs très librement ; seulement, sur chaque sujet, les citations des poètes précédaient celles des prosateurs. Ces citations, Stobée sans doute ne les avait pas prises lui-même à leur source, ce qui aurait exigé d’immenses lectures ; car plus de cinq cents auteurs de toute époque, depuis Homère jusqu’aux derniers Néoplatoniciens, figuraient dans ses quatre livres. Il avait donc mis à profit des recueils antérieurs de même nature. Mais si petite que fût sa part personnelle, le recueil qu’il avait formé constituait un véritable trésor d’antiquité hellénique ; et ce trésor est devenu plus précieux encore pour nous, puisqu’il nous a conservé, bien que mutilé, une foule de textes perdus.

Les quatre livres de l’Anthologie de Stobée formaient deux volumes. Ces deux volumes furent séparés au moyen-âge et traités par les copistes comme deux recueils différents ; c’est ainsi qu’ils sont venus jusqu’à nous, l’un sous le titre d’Anthologie (Florilegium ou Sermones), comprenant les livres III et IV, l’autre sous celui d’Extraits (Eclogæ physicæ et ethicæ), comprenant les livres I et II. Dans chacune de ces fractions du recueil, les copistes ont substitué un classement arbitraire au groupement primitif. Ce n’est que de nos jours que l’ouvrage de Stobée a reparu dans la forme que l’auteur lui avait donnée[20]. Stobée et les auteurs d’anthologies recueillaient des morceaux entiers. D’autres collectionneurs ne voulaient que des pensées choisies. De là diverses collections d’Apophthegmes et de Sentences (Γνωμολόγια (Gnômologia)). Ces collections ont disparu ; mais l’érudition contemporaine en a recherché les débris dans les recueils analogues du moyen-âge byzantin, en particulier dans les Extraits de Maxime le Confesseur (viie siècle), dans les Parallèles de Jean de Damas (viiie siècle), dans la Melissa du moine Antonius (xie siècle), dans le Florilège Laurentien et dans celui de Vienne[21]. Ce qui nous intéresse ici, c’est seulement de noter la continuité de ce labeur et du goût qu’il manifestait.

De ces recueils de pensées, on peut rapprocher les recueils de proverbes. Ceux que l’antiquité nous a légués appartiennent à des époques diverses, mais ils semblent avoir achevé de se constituer dans ces derniers siècles. Le moyen-âge nous a transmis un Corpus Parœmio-graphorum græcorum dont les éléments n’ont pu être débrouillés et distingués que peu à peu[22]. Par ses origines premières, il remonte, indirectement du moins, jusqu’aux premières collections de proverbes connues, jusqu’à celles d’Aristote et des Alexandrins, mentionnées plus haut. Mais c’est, comme nous l’avons vu, l’essor de la sophistique sous l’Empire qui en détermina la naissance. Le recueil de Zénobios, dont nous avons parlé au chapitre III, forme le premier élément de notre Corpus. À ce recueil s’ajouta plus tard une série de Proverbes Alexandrins, qui semble provenir originairement du grammairien Séleucos d’Alexandrie, et qui a été attribuée, on ne sait pourquoi, à Plutarque. Enfin le troisième élément, très important, consiste en une liste alphabétique de proverbes populaires qui porte dans quelques manuscrits le nom de Diogénianos (Παροιμίαι δημώδεις ἐϰ τῆς Διογενιανοῦ συναγωγῆς (Paroimiai dêmôdeis ek tês Diogenianou sunagôgês)) ; on ne sait encore si ce Diogénianos doit être identifié avec l’auteur du lexique cité plus haut. C’est de ces collections que se formèrent dans la suite celles du moyen-âge byzantin dues au patriarche Grégoire de Chypre (xiiie siècle), au métropolite de Philadelphia Macarios Chrysoképhalos (xive siècle) et enfin à Michael Apostolios (xve siècle)[23].

III
Au dessus de l’érudition grammaticale, la rhétorique continue à vivre, soit dans l’école, soit au dehors, bien qu’avec un éclat sans cesse décroissant. Elle vit parce qu’elle a sa place marquée dans l’éducation et dans la société, mais elle ne se renouvelle plus.

Le sophiste Aphthonios est, parmi ces derniers maitres de rhétorique, un de ceux qui ne peuvent être oubliés[24]. Élève de Libanios, il vécut et enseigna à la fin du ive siècle et dans la première partie du ve siècle. Sa renommée est attachée a un petit livre de classe, les Exercices préparatoires (Προγυμνάσματα (Progumnasmata)), qui a traversé tout le moyen âge byzantin et a exercé son influence sur l’enseignement bien au delà[25]. C’est à la tradition d’Hermogène, toujours puissante, que cet ouvrage se rattache directement. La Rhétorique d’Hermogène était alors le livre classique de tous ceux qui apprenaient l’art de la parole ; mais cette rhétorique ne s’adressait qu’à des étudiants déjà formés. Pour les débutants, il fallait un cours d’exercices élémentaires ; Aphthonios réussit à imposer le sien. Son ouvrage se recommande par la simplicité et la clarté, par la précision des définitions, par le choix et le nombre des exemples, sans rien offrir d’original quant à la méthode. S’il nous intéresse encore, c’est surtout parce qu’il nous montre en action l’enseignement élémentaire de la rhétorique au ive et au ve siècle. Les commentaires qui s’y rapportaient, et dont un certain nombre ont subsisté, attestent qu’il demeura dans les siècles suivants le livre que tous les étudiants pratiquaient et que tous les maitres expliquaient[26]. Il appartient ainsi à l’histoire de l’enseignement, autant ou plus qu’à celle de la littérature. — Nous avons du même Aphthonios un recueil de 40 Fables en prose, qui probablement ont été composées par lui en vue de l’école, comme modèles d’un des genres dont il est question dans ses Exercices préparatoires[27]. Ces courts récits n’ont qu’un mérite purement scolaire[28].

Apres Aphthonios, l’enseignement de la rhétorique n’est plus représenté pour nous que par des commentaires sur les ouvrages antérieurs. Tels sont ceux de Syrianos, le philosophe platonicien du ve siècle dont nous parlerons plus loin, de Sopatros, sophiste qui semble avoir professé à Athènes au commencement du vie siècle et dont nous avons mentionné plus haut la Chrestomathie, de Marcellinos, probablement celui à qui nous devons la biographie de Thucydide, de Troilos (ve siècle)[29]. Tous avaient écrit sur la rhétorique d’Hermogène. Leurs écrits n’attestent que trop combien cet enseignement était désormais épuisé. Apres eux, il se perd dans la monotonie stérile d’une sorte de mécanisme traditionnel, qui se perpétue indéfiniment à travers la période byzantine[30].

Des écoles de rhétorique, où se donnait cet enseignement, sortaient régulièrement, alors comme auparavant, des rhéteurs qui faisaient métier de parler éloquemment. Un certain nombre d’entre eux nous sont connus de nom. Mais aucun n’a approché de l’illustration des maîtres du siècle précédent.

L’école la plus en crédit au ve siècle est celle de Gaza en Palestine, dont l’histoire mériterait peut-être d’être étudiée de plus près qu’elle ne l’a été jusqu’ici[31]. Vers la fin de ce siècle, nous voyons sortir de là, comme rhéteurs ou grammairiens, Timothée[32], Énée, auteur d’un dialogue philosophique intitulé Théophraste, qui subsiste, et de lettres dont nous parlerons un peu plus loin[33] ; puis Procope, le plus renommé de tous, sous l’influence duquel se constitue une véritable école locale, amie des figures, des épithètes, cherchant l’élégance aux dépens du bon goût et quelquefois de la clarté[34] ; enfin Jean, poète emphatique en même temps que rhéteur (voy. plus loin). Parmi les élèves de Procope, on peut citer Nestorios, Zosime, et surtout Chorikios, qui lui succéda dans sa chaire et fut le premier orateur profane sous les règnes de Justin et de Justinien. Photius, qui l’admire fort, nous apprend qu’il était chrétien, comme d’ailleurs son maître Procope[35]. Il nous reste de lui des Déclamations (Μελέται (Meletai)), les unes complètes, les autres mutilées, et quelques Discours officiels[36]. Nous n’y trouvons guère aujourd’hui qu’une éloquence vide et prétentieuse, s’exerçant éternellement sur les mêmes sujets. Chorikios eut pourtant l’honneur de devenir, avec Libanios, un des modèles les plus étudiés dans les écoles byzantines.

Cette sophistique, bien pauvre en somme par elle-même, ne gagne guère à être considérée dans les genres secondaires qu’elle continue à susciter, et parmi lesquels il faut distinguer le roman et le genre épistolaire.

Le déclin du roman sophistique est représenté par deux écrivains, dont les dates ne peuvent plus etre déterminées que d’une manière très approximative, Achille Tatios et Chariton. Le premier est le plus intéressant, surtout parce qu’on voit chez lui plus nettement les effets d’une imitation servile, qui stérilise l’invention[37].

Achille Tatios, d’Alexandrie, a composé, sous le titre d’Aventures de Leucippe et de Clitophon (Τὰ ϰατὰ Λευϰίππην ϰαὶ Κλειτοφῶντα (Ta kata Leukippên kai Kleytophônta)), un roman en huit livres, qui procède, aussi manifestement que possible, des Éthiopiques d’Héliodore. Il date donc, au plus tôt, du ive siècle. Mais certaines ressemblances frappantes avec des passages du poème de Musée donnent à penser que l’auteur a dû être en relation avec l’école de Nonnos, à la fin du ve siècle ou même au vie siècle. Dans ce roman, le jeune Clitophon raconte lui-même son amour pour Leucippe et les épreuves qu’ils ont subies avant d’être mariés. Avec eux, nous allons de Syrie en Égypte, d’Égypte en Asie Mineure. Naufrages, enlèvements, combats avec les brigands-bouviers du Delta, nous retrouvons là tout le fonds romanesque des Éthiopiques. Comme le Théagène d’Héliodore, Clitophon est aimé passionnément d’une femme riche et ardente, qui ne peut le rendre infidèle à celle qu’il a choisie ; comme la Chariclée du même Héliodore, Leucippe, devenue esclave, voit son honneur mis en danger par son maître, mais, comme elle aussi, elle est sauvée par la protection divine. Si l’invention des faits se réduit à peu de chose, l’auteur se rattrape sur les détails. Sophiste de profession, il ne cherche que l’occasion de nous montrer son savoir-faire ; il abonde en descriptions, en discours, en lettres, en plaidoyers, en lieux communs ; morceaux de rhétorique qu’il soigne avec prédilection. Il a dû à cela d’être considéré dans les siècles suivants comme un écrivain ; on le citait à Byzance parmi les modèles du style à la fois élégant et simple[38], malgré des fautes de langue qui avaient cessé d’être remarquées ; et ces qualités faisaient passer sur la liberté de ses peintures et de son langage[39].

Chariton, auteur des Aventures de Chæréas et de Callirrhoé (Τὰ περὶ ϰαὶ Χαιρέαν ϰαὶ Καλλιῤῥόην (Ta peri Xairean kai Kallirrhoên)) se donne lui-même, au début de son récit, pour originaire d’Aphrodisias en Carie et pour secrétaire du rhéteur Athénagoras[40]. Personne autre ne nous renseigne ni sur sa personne ni sur son temps. Lui aussi imite Héliodore et, de plus, Xénophon d’Éphèse[41]. Bien qu’il vise à l’élégance et à l’atticisme, la médiocrité de son style, pourtant soigné, semble autoriser à le considérer comme le dernier des romanciers de la période sophistique. Son roman touche à l’histoire par certains détails : Callirrhoé est fille du syracusain Hermocrate, qui combattit les Athéniens en 413 ; Chæréas est fils d’Ariston, d’abord antagoniste d’Hermocrate, puis réconcilié avec lui par le mariage de leurs enfants. Le drame est censé se passer après la guerre du Péloponnèse, au commencement du ive siècle. Une partie des événements a lieu en Asie dans l’empire d’Artaxercès[42]. Mais si l’auteur a tenu un certain compte de l’histoire pour constituer son cadre, il n’en a plus le moindre souci dans l’invention des péripéties. Celles-ci sont de pure fantaisie et ressemblent à celles des romans antérieurs. Callirrhoé, mariée dès le début à Chæréas, est crue morte, enterrée vivante, enlevée par des pirates, vendue en Asie, où elle épouse Dionysios, riche citoyen de Milet ; elle passe de là dans le harem d’Artaxercès ; puis, par suite de la révolte de l’Égypte, est transportée à Arados. Chæréas, de son côté, ayant appris que sa femme était vivante, part à sa recherche ; il est pris par des barbares, vendu au satrape de Carie, Mithridate, se rend avec lui à la cour du grand roi, devient un des chefs des révoltés égyptiens, s’empare d’Arados à la tête de la flotte qu’on lui a confiée, y retrouve sa femme, et la ramène à Syracuse. Au fond, l’action, malgré les invraisemblances essentielles, est moins chargée d’incidents bizarres, que dans les précédents romans. Elle marche assez droit à son but. En outre, le roman a un certain charme de douceur et d’humanité, dans la représentation des mœurs. Mais les figures y sont pâles et comme effacées, souvent même inconsistantes, les foules y agissent automatiquement, à la fantaisie de l’auteur, qui lasse le lecteur par l’emploi monotone de certaines conventions puériles[43]. Enfin, la rhétorique et le bel esprit y défigurent trop souvent la vérité.

Après Achille Tatios et Chariton, le roman disparaît pour nous. Mais nous voyons, par les témoignages de Photius et par d’autres, que ces productions fastidieuses furent beaucoup lues et très admirées dans les siècles du moyen-âge byzantin ; et, à partir du xie siècle, quand une certaine renaissance d’art littéraire se produit à Byzance sous les Comnène, le roman reparaît[44]. Héliodore et Achille Tatios, considérés comme les maîtres du genre, trouvent alors des imitateurs dans Eustathios Macrembolitès, dans Constantin Manassès, dans Théodore Prodrome, qui est lui-même imité par Niketas Eugénianos. Ce nouveau roman est l’image ou la caricature de l’ancien, défiguré par un mélange de raffinement puéril et de grossièreté barbare.

Outre ces romans, les sophistes des derniers siècles nous ont laissé aussi un assez grand nombre de lettres, qu’il est impossible de passer complètement sous silence. Elles se répartissent en trois classes : lettres réelles, lettres fictives, lettres apocryphes. Chacun de ces groupes a ses caractères propres ; mais tous ont en commun le manque de vérité, l’affectation et la recherche, qui caractérisent la rhétorique d’alors. En cela, ce sont les mœurs qui font sentir leur influence, non les préceptes. Car la théorie scolaire fait de la simplicité la loi même du genre ; et cette théorie s’affirme alors plus que jamais dans les écoles. Démétrius de Phalère, autrefois, était censé avoir composé un opuscule conservé sur les diverses sortes de lettres (Τύποι ἐπιστολιϰοί (Tupoi epistolikoi)). L’auteur de même nom, qui a composé le traité De l’élocution (Περὶ ἑρμηνίας), a, lui aussi, un chapitre sur le même sujet ; et, au ve siècle, le platonicien Proclos le traitait encore dans des pages que nous pouvons lire[45]. Tous commandent d’éviter l’enflure, Proclos en particulier[46]. Celui-ci demande avant tout la clarté, la brièveté, avec un certain « archaïsme », c’est-à-dire un choix de mots classiques qui s’éloigne un peu de l’usage courant. Mais, en réalité, on aimait trop le bel esprit alors pour n’en pas mettre dans ces courtes compositions dont il semblait faire le principal mérite. Nous l’y trouvons à satiété.

Comme lettres réelles, nous devons citer celles des sophistes Denys d’Antioche, Énée et Procope de Gaza, qui appartiennent à la fin du ive siècle ou au commencement du ve.

Denys d’Antioche nous a laissé quatre-vingt-cinq lettres, toutes fort courtes[47]. L’auteur vise à la concision élégante. Sur chaque sujet, une ou deux phrases, ciselées avec coquetterie. La lettre ainsi conçue ressemble à une épigramme. Un tel recueil pouvait faire apprécier l’art de l’auteur dans le milieu contemporain, mais ces jolies phrases ne nous apprennent rien, ni sur les personnes, ni sur les choses.

Le recueil d’Énée de Gaza comprend en tout vingt-cinq lettres, un peu plus développées que celles de Denys[48]. Ce sont d’ailleurs des morceaux travaillés avec le même soin et tout aussi futiles. Parmi ses correspondants figurent les sophistes Sopatros, Zosime, Denys, Théodore, Épiphanios, des prêtres et des évêques, quantité de gens qu’on aimerait à connaître : aucun d’eux n’est vraiment caractérisé dans ces lettres.

Le plus étendu de ces recueils est celui de Procope de Gaza, dont nous possédons cent soixante-trois lettres[49]. Ce serait de beaucoup le plus intéressant aussi par le nombre et la qualité des correspondants, si l’auteur parlait de leurs affaires et des siennes. Mais lui aussi s’enferme dans une phraséologie affectée, et ne se plaît guère qu’aux lieux communs. Il entortille ses pensées, de façon à se rendre obscur comme à plaisir, et, bien qu’il ait peut-être plus de vivacité et plus de chaleur de cœur que Denys et qu’Énée, jamais, pour ainsi dire, nous ne découvrons l’homme dans le rhéteur[50]. Si nous ne savions par Photius qu’il était chrétien, on pourrait lire ses lettres sans presque s’en douter.

Toutes ces correspondances sont donc en somme de peu de valeur. Une seule en ce temps est vraiment intéressante, celle de Synésios. Mais Synésios vaut la peine d’être étudié dans l’ensemble de son œuvre. Nous parlerons de ses lettres quand nous essaierons de lui faire sa place dans l’histoire du temps. Le genre des lettres fictives se rattache à une tradition sophistique dont nous avons parlé à plusieurs reprises. De cette tradition perpétuée[51] dérive le recueil des Lettres d’amour d’Aristénète[52], qui semble dater du vie siècle[53].

Ce recueil, aujourd’hui incomplet, comprend cinquante lettres, réparties en deux livres[54]. Ces cinquante morceaux n’ont guère, de la lettre proprement dite, que la suscription. En réalité, ce sont ou des descriptions, ou, le plus souvent, de courts récits : descriptions galantes, parmi lesquelles figure celle de la personne de Laïs (I, 1) ; récits d’aventures amoureuses, quelquefois assez piquantes, souvent vulgaires. On ne peut refuser à l’auteur, malgré son élégance maniérée, de la finesse et un certain savoir-faire. Mais il ne vaut Alciphron ni comme observateur, ni comme fantaisiste, ni comme écrivain. Éclectique dans le choix de ses sujets, il les tire, soit de la poésie alexandrine, particulièrement de l’élégie érotique, soit de la comédie attique du ive siècle, soit de contes et d’anecdotes empruntés à des recueils aujourd’hui perdus. Il a plus de métier que d’imagination. Sa langue est loin d’être pure, bien qu’il se pique d’atticisme. Il imite à la fois les prosateurs et les poëtes, Philémon, Ménandre, les anciens et les modernes, d’une part Platon, Xénophon, et de l’autre Lucien, Alciphron, les romanciers, Musée. L’œuvre, au total, ne vaut pas la réputation dont elle a joui auprès des amateurs de littérature galante.

Après Aristénète, la fortune de ce genre est loin d’être épuisée. Nous le retrouvons, très goûté encore, au viie siècle, où le futur historien, Théophylactos Simocattès, publie un recueil comprenant 95 lettres morales, lettres de paysans, lettres de courtisanes (Ἐπιστολαί ἐθικαὶ, ἀγροτικαὶ, ἑταιρικαί) ; œuvre de médiocre habileté scolaire, sans vérité ni intérêt moral[55]. Et, au delà, le même goût persiste et s’affirme en des productions analogues, jusqu’aux derniers jours de l’empire byzantin. Enfin, à côté des lettres fictives et des lettres réelles, il faut mentionner ici également, comme une autre production des écoles de rhétorique, une énorme quantité de lettres apocryphes[56]. Ces lettres attribuées à des personnages illustres, rois, tyrans, hommes d’État, philosophes, orateurs, poètes, etc., sont loin d’appartenir toutes à un même temps. Il en existait dès la période alexandrine, et l’industrie des rhéteurs n’a cessé d’en produire pendant toute la période impériale. Elles ont été tenues longtemps pour authentiques. La critique moderne, depuis Bentley, a eu le mérite d’en découvrir la fausseté ; mais il lui est impossible le plus souvent d’en déterminer avec précision ni l’origine ni la date[57]. Rassemblées de nos jours, ces lettres n’ont pas paru tout à fait à dédaigner, car elles ont été composées par des hommes instruits du passé, qui disposaient de moyens d’information aujourd’hui perdus. La difficulté est d’en séparer ce qui est réel de ce qui est inventé, et on comprend avec quelle réserve de tels documents doivent être employés.

IV

Malgré les quelques inventeurs de fictions qui viennent d’être nommés, on a une certaine peine à imaginer qu’une société qui a compté tant de compilateurs ait pu produire aussi quelques poètes. Ce fait invraisemblable est pourtant vrai. Le ve siècle a eu ses poètes ; il a vu même une sorte de rénovation de la poésie.

Passons sans insister sur les versificateurs de cour qui charmèrent Arcadius, Théodose II, ou leurs successeurs ; sur Eusébios et Ammonios, dont il ne subsiste que les noms[58] ; sur Christodoros, dont il nous reste peu de chose[59] ; sur Jean de Gaza, dont il vaudrait mieux qu’il ne restât rien[60]. La vraie poésie du temps est l’épopée mythologique, reconstituée par Nonnos, et c’est à elle qu’il faut aller tout droit.

Il faudrait etre mieux renseignés que nous ne le sommes sur l’état de la culture hellénique dans les diverses régions de l’Égypte au ive siècle, pour déterminer ce qui a pu susciter cette renaissance poétique en pleine Thébaide, à Panopolis, l’ancienne Chemnis des Pharaons. Quelle qu’ait pu y être la part personnelle de Nonnos, on doit admettre, en tout cas, qu’il y avait là en ce temps un foyer d’hellénisme encore subsistant. Nonnos, sur qui nous ne savons à peu près rien, dut grandir dans un milieu païen, où il prit le goût des vieilles légendes, l’admiration de la poésie homérique, et reçut en même temps l’empreinte profonde du goût alors régnant. Sorti de Panopolis, il semble avoir surtout habité Alexandrie[61]. Eunape, jugeant les Égyptiens du ive siècle, disait dans son langage prétentieux, qu’ils étaient « fous de poésie », mais que « l’Hermès sérieux », c’est-à-dire sans doute le dieu de l’argumentation et des raisonnements oratoires, se tenait éloigné d’eux[62]. Cela ne veut pas dire qu’ils cultivaient moins que d’autres la rhétorique, mais simplement qu’ils y portaient trop de fantaisie poétique. Cette sorte de folie dont parle Eunape, exubérance d’imagination, mobilité d’esprit, goût de l’éclat, nul plus que Nonnos n’en fut possédé. Aucun témoignage ne nous permet d’assigner une date précise à la composition de son épopée. Mais comme les poètes de son école, particulièrement Kyros de Panopolis, appartiennent au milieu du ve siècle, c’est sans doute dans les premières années de ce siècle que dut paraître l’œuvre dont ils ont subi l’influence[63]. L’audace de création qu’elle dénote est étonnante. Nous avons mentionné plus haut l’épopée dionysiaque qu’un autre Grec d’Égypte, Sotérichos d’Oasis, avait composée, un siècle auparavant, sous le titre de Bassariques. Il n’est guère douteux que Nonnos n’en ait tiré l’idée de son poème. Mais, élargissant démesurément la conception de son prédécesseur, il entreprit de lui donner des proportions grandioses. Ses Dionysiaques (Διονυσιαϰά (Dionusiaka)) forment quarante-huit livres, qui comptent environ deux fois autant de vers que l’Iliade[64]. Toute la légende de Dionysos y est mise en récits, depuis les circonstances qui ont précédé la naissance du futur dieu jusqu’à son admission dans l’Olympe. Dans cet immense développement, le motif central, qui occupe la plus grande partie du poème, c’est l’expédition contre les Indiens (du XIIIe livre au xle). Là est aussi l’idée essentielle. Dionysos, fils de Zeus et d’une mortelle, doit gagner par ses exploits le droit de siéger parmi les immortels (Discours d’Iris, XIII, 19-34). Cette guerre est pour lui l’épreuve terrestre qui prépare son entrée dans la vie bienheureuse. Elle est en outre la lutte de la civilisation contre la barbarie. Dionysos mène avec lui les peuples qu’il a déjà adoucis, ceux de la Grèce, de la Phrygie, de la Lydie, pénétrés de son influence bienfaisante, et, avec eux, le cortège de ses compagnons, Satyres, Ægipans, génies de la joie, de la nature aimable et riante ; il les mène contre une race dure et impie[65]. Conception fondamentale, qui est d’ailleurs débordée de tout côté par les digressions, et cela dès le début. Nonnos ne néglige aucune occasion de rattacher à son sujet toutes les légendes qu’il sait ; et il en sait prodigieusement[66]. Par là, son poème est devenu peu à peu comme un immense répertoire de mythologie, et c’est à ce titre qu’il est surtout lu aujourd’hui de ceux qui le lisent. Mais l’histoire littéraire n’a pas le droit de l’apprécier ainsi ; car, malgré ses énormes défauts, il mérite mieux que ce succès de pure érudition.

Ce qui manque le plus à cette masse de vers, c’est de former un tout. Nonnos avait entrevu une idée maîtresse, à la fois religieuse et morale, qui aurait pu être intéressante, et il n’a pas su en profiter. Ni la conception de l’épreuve imposée à Dionysos ni celle de la victoire d’une humanité meilleure ne sont vraiment mises en lumière. Il en résulte qu’en son ensemble, le poème n’est qu’un amas confus de récits. Si l’on en considère les parties, la composition n’en est pas meilleure. Non seulement les épisodes naissent sans raison suffisante, mais, de plus, chaque motif est amplifié à l’infini, avec des redites qui dégénèrent en bavardage. Les procédés même du développement sont essentiellement sophistiques ; à tout propos, des énumérations ; et les énumérations chez Nonnos n’en finissent plus. En outre, la déclamation à satiété, l’enflure puérile, le mauvais goût, le besoin d’intervenir sans cesse et sans raison dans le récit. Tout un chant, le XXVe est consacré par le poète à une double comparaison entre Dionysos et Persée d’une part, Dionysos et Héraclès, de l’autre. Nous prenons là sur le fait l’élève des sophistes traitant un des lieux communs de l’éloge. Bien entendu, il le traite avec toute la subtilité, toute la frivolité maniérée de ses maîtres. Même goût partout, dans les discours, dans les descriptions, dans les récits mêmes. On dirait un Ovide emphatique et boursouflé. Ses personnages sont gonflés d’exagérations ; ils s’agitent furieusement, et pourtant ils ne vivent pas. Son Dériadès, son Orontas, son Morrheus, chefs des Indiens, semblent conçus pour faire peur à des enfants ; géants présomptueux et loquaces, ils ne nous inspirent ni terreur ni pitié.

Ce sont là des défauts criants ; mais, quand on les a reconnus, il faut avouer qu’après tout l’auteur est un vrai poète. L’invention seule de cette œuvre touffue dénoterait déjà une remarquable puissance ; un esprit médiocre n’y eut pas suffi. Mais, de plus, dans cette invention, on sent une pensée de novateur et de chef d’école. L’épopée des purs homériques, tels que Quintus de Smyrne, était bien froide dans son élégance timide, et surtout bien incolore. Nonnos, par un instinct de créateur, s’est représenté tout autre chose : une série de tableaux éclatants, une action grandiose, animée, librement conduite, une versification riche, abondante, sonore, qui se déploierait en expressions magnifiques. C’est cette recherche des tons chauds et de l’éclat, du mouvement et de l’effet, qui explique toute son entreprise.

Doué d’une imagination féconde, il tira de son propre fonds des épisodes, des scènes et des personnages comme personne en Grèce ne l’avait fait depuis bien des siècles ; sa longue épopée est pleine d’enthousiasme ; ses descriptions et ses récits sont d’une richesse de détails étonnante. S’il ne sait pas dégager ni manier les grandes passions humaines, faute de simplicité et de profondeur, il réussit du moins à représenter brillamment les dehors de l’action ; et il y a même des sentiments de second plan qu’il exprime avec bonheur : certains épisodes d’amour rappellent heureusement chez lui le souvenir de Théocrite, qu’il imite sans le copier[67]. Mais surtout, c’est un créateur de sons et d’images. Venu en un temps où la langue grecque semblait avoir perdu la faculté de se renouveler, il s’est fait une langue et une versification vraiment neuves. L’invention verbale, chez lui, est incessante et hardie : il crée à profusion des composés nouveaux, et il se sert des mots anciens à sa manière. Le style qui résulte de là est un curieux mélange d’abstraction et d’images ; complexe et même compliqué, surchargé, obscur, monotone, quelquefois incorrect, il a en revanche de l’éclat, de la force, de la noblesse, il n’est jamais insipide ni banal. Le vers, assujetti à des lois très rigoureuses, mais à des lois d’instinct poétique et non d’école, est sonore et comme chantant[68]. Il se prête aux effets de douceur aussi bien qu’aux effets de force ; il met en valeur les épithètes brillantes et neuves, qui sont faites pour lui, comme il est fait pour elles. Ainsi, il y a là invention d’une forme appropriée aux choses qu’elle traduit, c’est-à-dire un des faits qui caractérisent le mieux la création poétique.

Avec de telles facultés, Nonnos devait faire école ; et il a en effet suscité des imitateurs. Malheureusement ce qu’il leur a légué, ce n’est guère qu’une forme de versification. On ne pouvait lui prendre ni son imagination ni son enthousiasme, et il n’avait créé ni thèmes épiques, ni figures vivantes, qui fussent de nature à se perpétuer après lui. Il n’en est pas moins vrai qu’en cette période extrême de l’hellénisme, il nous apparaît comme le seul qui ait fait, dans l’ordre de l’imagination pure, quelque chose de grand.

Les Dionysiaques sont une épopée toute païenne ; il est impossible de douter que Nonnos ne fut païen lors qu’il la composa. Plus tard, il devint chrétien, sans cesser d’être poète. De cette seconde partie de sa vie date une œuvre d’un genre bien different, la Paraphrase du saint Évangile de Jean (Μεταϐολὴ τοῦ ϰατὰ Ἰωάννην ἁγίου εὐαγγελίου (Metabolê toû kata Ioannên hagiou euaggeliou)), en trente et un chapitres[69]. La transcription en vers des livres édifiants répondait à un goût alors très répandu. On croyait autour de Nonnos, et il dut croire comme ses contemporains, que la versification pouvait donner plus de prix aux récits du christianisme primitif. On ne s’apercevait pas que le travail du versificateur, en cette matière, consistait surtout à inventer des épithètes superflues et à substituer des périphrases aux termes propres. Nonnos n’a guère fait autre chose, malgré un effort de précision et de simplicité. Il observe d’ailleurs ses règles métriques avec moins de rigueur dans sa paraphrase évangélique que dans son épopée.


Voilà le maître : tel qu’il est, il a sa grandeur. Mais ses disciples, il faut bien l’avouer, ne semblent guère avoir été —— si l’on en excepte un seul poète de quelque mérite, Musée, — que de pauvres ravaudeurs de légendes rebattues. La médiocrité de leurs œuvres subsistantes décourage toute tentative de classement.

Tryphiodore était, selon Suidas, un Grec d’Égypte, grammairien et poète[70]. Outre une épopée historique Sur la bataille de Marathon (Μαραθωνιαϰά (Marathôniaka)), il avait composé une Hippodamie (Τὰ κατὰ Ἱπποδάμειαν (Ta kata Hippodameian)), une Prise d’Ilios (Ἰλίου ἅλωσις), une Odyssée (Ὀδύσσεια λειπογράμματος (Odusseia leipogrammatos)), qui comprenait toute la vie d’Ulysse et où il reproduisait le tour de force inepte de Nestor de Laranda[71]. Suidas lui attribue encore une Paraphrase des comparaisons homériques (Παράφρασις τῶν Ὁμήρου παραϐολῶν (Paraphrasis tôn Homêrou parabolôn)), titre obscur pour nous. La seule de ces œuvres qui subsiste est la Prise d’Ilios, en 691 hexamètres[72]. Il y raconte (après combien d’autres !) la construction du cheval de bois, le départ simule des Grecs, la ruse de Sinon, le sac de la ville. Sur ce sujet rebattu, pas une invention originale : un récit sans couleur, sec, dont le principal mérite consiste dans une certaine élégance de forme. Le style et la versification y révèlent l’influence de Nonnos et ne permettent pas de douter que Tryphiodore ne l’ait pris pour modèle.


Kyros, né comme Nonnos à Panopolis dans la Thébaïde, eut la plus haute fortune sous Théodose II[73]. Protégé par l’impératrice Eudocie qui admirait son talent, il fut préfet du prétoire de Constantinople, préfet de la ville, consul en 441 et patrice. Puis, lorsque sa protectrice se fut retirée, la disgrâce l’atteignit[74]. Dépouillé de ses honneurs et de ses biens, il dut entrer dans les ordres, devint évêque de Cotyæon en Phrygie, et vécut jusque au temps de l’empereur Léon (457-474). Suidas le qualifie de poète épique (ἐποποιός (epopoios)) ; mais il ne cite aucune de ses épopées, et nous en ignorons tout jusqu’aux titres[75]. Kyros ne nous est plus connu comme poète que par six épigrammes de l’Anthologie[76]. Ces courts morceaux sont d’un homme d’esprit et d’un versificateur habile, qui a profité des exemples de Nonnos.


Colouthos était, lui aussi, un Égyptien[77]. Né à Lycopolis dans la Thébaïde, il vécut, selon Suidas, au temps de l’empereur Anastase (491-518). Le même biographe lui attribue une épopée mythologique en dix livres, la Chasse du sanglier de Calydon (Καλυδωνιαϰά (Kaludôniaka)), qui semble avoir été son œuvre principale ; une autre épopée, les Persiques (Περσιϰά (Persika)), dont nous ignorons la nature ; enfin, des Éloges en vers épiques, (Ἑγϰώμια δί ἐπῶν (Egkômia di’ epôn)). Il oublie de mentionner la seule œuvre de Colouthos qui ait subsisté, la courte épopée en 392 vers intitulée l’Enlèvement d’Hélène (Ἑλένής ἁρπαγή (Helenês harpagê)). Le titre en indique suffisamment le sujet. On y retrouve la facture commune à l’école de Nonnos, mais c’est bien la plus médiocre production de tout ce groupe de poètes : rien de plus sec, de plus froid, ni, pour tout dire d’un mot, de plus insignifiant. Le texte en est, de plus, fort altéré[78].


Entre ces pâles imitateurs, le seul qui mérite d’être appelé poète est Musée. Sa personne nous est entièrement inconnue, mais sa manière le rattache manifestement à l’école de Nonnos[79]. Nous avons sous son nom un poème en 340 hexamètres, justement renommé, qui tient à la fois de l’épopée alexandrine et du roman d’amour[80]. C’est l’Histoire d’Héro et de Léandre (Τὰ ϰαθ' Ἡρὼ ϰαὶ Λέανδρον (Ta kath’ Hêrô kai Leandron)). Il y raconte comment le jeune Léandre d’Abydos, venu à Sestos pour une fête, y aima la belle Héro, prêtresse d’Artémis ; comment, aimé d’elle à son tour, il venait la trouver la nuit en franchissant à la nage l’Hellespont, lorsqu’elle allumait un signal de feu sur la tour qu’elle habitait ; comment, une nuit, le signal ayant été éteint par le vent, Léandre, ballotté au hasard par les flots, se noya ; et comment enfin Héro, voyant le cadavre rejeté sur le rivage, se donna la mort en se précipitant du haut de sa tour. L’aventure en elle-même est touchante, et le poète a su, malgré quelque affectation, la raconter avec une grâce émue. Il exprime, aussi simplement qu’on le pouvait alors, des sentiments naïfs et sincères, qu’il a le bon goût de ne pas délayer. Ses personnages ont un naturel délicat et nous attachent. C’est, de toutes les œuvres de la poésie grecque finissante, celle qui a le plus de charme. Elle n’a cessé d’être lue et goûtée jusqu’à notre temps, et elle le mérite[81].

L’école de Nonnos semble avoir prolongé son influence sur l’épopée jusqu’aux derniers temps de l’hellénisme. On croit encore la sentir au viie siècle chez le poète Georges de Pisidie, qui fut diacre de Sainte-Sophie sous Héraclius (610-641)[82]. Auteur d’une Héracliade, où il racontait la victoire d’Héraclius sur Chosroès, Georges retraça, dans divers poèmes historiques, les grands événements de son temps, expéditions contre les Perses, défense de Constantinople attaquée par les Avares ; il composa aussi des poésies religieuses et morales, qui le classent bien plutôt parmi les littérateurs byzantins[83]. Mais en un autre sens, il est le dernier des poètes de tradition grecque.

V

Deux autres genres de poésie, plus modestes, n’avaient cessé d’être en honneur dans la société grecque de l’empire : l’épigramme, d’une part, et la poésie amoureuse, dite Anacréontique, de l’autre. L’une et l’autre se condensent, pour ainsi dire, au temps où nous sommes arrivés, dans des recueils qui nous fournissent une occasion naturelle d’en reprendre l’histoire et de la conduire à sa fin.

Nous avons parlé plus haut des recueils d’épigrammes de Méléagre, de Philippe, de Straton, et de quelques autres. Au vie siècle, une œuvre analogue fut tentée par Agathias de Myrrhina, qui fut avocat à Constantinople sous Justinien, se fit connaître par un ouvrage historique dont nous parlerons plus loin, et mourut entre 577 et 582. Poète d’épigrammes lui-même, il eut l’idée de composer un recueil d’épigrammes « nouvelles » (Κύκλος (Kyklos) τῶν νέων ἐπιγραμμάτων (tôn neôn epigrammatôn)), où il rassembla, avec les siennes, quelques·unes des meilleures parmi celles des derniers siècles ou de son temps[84]. Ce recueil est un des éléments de notre Anthologie palatine, où l’on en peut lire encore les prologues (IV, 3 et 3b, Stadtmüller). Quelques-uns des poètes qui y figuraient sont dignes d’être cités.

Au ive siècle appartient Métrodoros, qui semble avoir vécu au temps de Constantin[85]. Auteur de divers ouvrages perdus d’astronomie et de géométrie, il est surtout connu par une série de trente Épigrammes arithmétiques (ἐπιγραμμ. ἀριθμητιϰά (epigramm. arithmetika), Anth. Pal. XIV, 116-146) : énoncés assez agréables de petits problèmes élémentaires, qu’il s’amuse à mettre en forme dramatique.

Cent ans plus tard, nous trouvons un des poètes les plus intéressants de ce groupe, Palladas d’Alexandrie, contemporain d’Arcadius[86]. Lui-même nous fait savoir qu’il était grammairien et pauvre (Anth. Pal. IX, 168, 169 etc.), et que, sur le tard, il renonça à une profession qui ne le nourrissait plus (ibid. 171). Une de ses épigrammes (IX, 400) est adressée à Hypatie, qui enseigna à Alexandrie jusqu’en 415. Le grand nombre de morceaux de lui conservés dans l’Anthologie atteste sa réputation, qui n’est pas entièrement imméritée[87]. Sur les cent cinquante inscrits à son nom, quelques-uns au moins, surtout ceux où il se plaint de son sort, ont une certaine franchise âpre et caustique. Il se sert tantôt de l’hexamètre, tantôt du distique, tantôt de l’iambe, avec une égale facilité, qui touche au défaut.

Comme on pouvait s’y attendre, le vie siècle est plus largement représenté dans le Cycle d’Agathias. Autour de lui, figurent les poètes de la cour d’Anastase, de Justin et de Justinien. Tous avec le même genre d’esprit, plus ou moins apprêté et précieux, tous très imbus de rhétorique, mais quelques-uns non dépourvus de qualités réelles. Nourris de Callimaque, de Théocrite, des épigrammatistes anciens, ils font preuve encore de goût et de finesse, ils ont du trait et parfois du sentiment. Le tour de leur style est assez élégant, leur phrase poétique bien degagée, leur versification soignée, quoique affranchie en général des règles rigoureuses de Nonnos. — Agathias lui-même, comme une sorte de chef d’école, figure là avec une centaine d’épigrammes, qui sont parmi les mieux faites. Sa marque propre est un certain pédantisme, qui d’ailleurs ne l’empêche pas d’être agréable le plus souvent. Il tourne coquettement un madrigal, il sait dire joliment de petites choses, ce qui est le propre du genre. Outre ses épigrammes, il avait composé divers poèmes, un entre autres intitulé Δαφνιαϰά (Daphniaka) en neuf livres (Anth. de Jacobs, IV, p. 15)[88]. — Marianos, d’Éleuthéropolis en Palestine, patrice sous Anastase, avait paraphrasé en iambes, selon Suidas, une partie des œuvres de Théocrite, d’Apollonios de Rhodes, de Callimaque, d’Aratos, de Nicandre. Nous n’avons de lui que cinq épigrammes, d’un style médiocre. C’est le moindre poète de ce groupe[89]. — Makédonios de Thessalonique[90], grand personnage, consul même, a dû être un des beaux esprits les plus remarqués de l’entourage de Justinien : il excelle à tirer un court développement d’une métaphore qu’il développe adroitement ; le savoir-faire et le tour ingénieux s’allient chez lui à l’élégance naturelle. — Paul, appelé le Silentiaire (Σιλεντιάριος (Silentiarios))[91], est peut-être le mieux doué de ces poètes. Issu d’une famille distinguée et opulente, il vécut par goût dans l’étude. Ses épigrammes amoureuses sont remarquables par la vivacité et la sincérité du sentiment : il y a chez lui de la passion, de la grâce naturelle, et quelque chose de vraiment personnel. Nous avons du même auteur deux poèmes descriptifs en hexamètres, l’un Sur la grande Église (Sainte Sophie), Ἔϰφρασις τῆς Μεγαλῆς Ἐϰϰλησίας (Ekphrasis tês Megalês Ekklêsias), l’autre Sur l’Ambon de la même église, Ἔϰφρασις τοῦ Ἄμϐωνος (Ekphrasis tou Ambônos). Fort curieux l’un et l’autre pour l’histoire de l’art, ils ne sont pas d’ailleurs indignes de son talent[92]. Un autre poème, en dimètres iambiques, Sur les thermes pythiques (Εἰς τὰ ἐν Πυθίοις θερμά (Eis ta en Puthiois therma)), semble lui avoir été attribué à tort[93]. — Julien d’Égypte[94], qui fut préfet de cette province, sous Justinien probablement, nous a laissé soixante-douze épigrammes, la plupart spirituellement tournées, à propos d’offrandes ou de statues. — Léontios, dit le Scolastique (l’avocat), semble bien devoir être rattaché aussi à cette même pléiade[95]. Il nous reste de lui vingt-trois épigrammes, où il célèbre avec élégance quelques œuvres d’art et quelques édifices de Constantinople, et, par occasion, ses danseuses, ses cochers, ses citharèdes et ses rhéteurs. — Rufin, auteur d’épigrammes érotiques, est d’époque inconnue.

Cette floraison tardive a pu se prolonger au delà du vie siècle. Mais il serait sans intérêt de chercher péniblement et mettre des dates incertaines sur des noms obscurs. Sans suivre plus loin les destinées d’une poésie insignifiante, disons seulement comment elles vinrent aboutir à la constitution de l’Anthologie que nous possédons[96].

Nous ne savons rien de précis sur les tentatives purent être faites, antérieurement au xe siècle, pour fondre ensemble les divers recueils dont nous avons parlé. Deux seulement de ces anthologies rudimentaires nous sont parvenues (Sylloge Euphe miana et Sylloge Parisina)[97]. — Mais la plus importante de beaucoup est celle qui fut constituée au commencement du xe siècle par Constantin Képhalas. Divisée comme le Cycle d’Agathias en sections, d’après la nature des sujets, cette anthologie semble avoir compris huit des quinze livres de notre anthologie palatine : le IVe, composé des prologues des recueils de Méléagre, de Philippe et d’Agathias ; le Ve (Ἐρωτιϰὰ (Erôtika)), le VIe (Ἀναθηματιϰὰ (Anathêmatika)), le VIIe (Ἐπιτύμϐια (Epitumvia)), le IXe (Ἐπιδεικτιϰά (Epideiktika)), le Xe (Προτρεπτιϰά (Protreptika)), le XIe (Σϰωπτιϰά (Skôptika)}, le XIIe, qui n’était autre que la Μοῦσα παιδιϰή (Mousa paidikê) de Straton. Constantin avait réuni dans chacun de ces livres les morceaux des recueils antérieurs qui lui avaient paru les plus dignes d’être choisis, quelquefois en laissant subsister l’arrangement primitif, quelquefois en l’altérant ; il y ajouta diverses inscriptions de statues et d’œuvres d’art. — Au xive siècle, le moine Maxime Planude composa à Constantinople une nouvelle Anthologie (Ἀνθολογία διαφόρων ἐπιγραμμάτων (Anthologia diaphorôn epigrammatôn)) en sept livres, également distingués les uns des autres par la nature des sujets[98]. Il s’était servi grandement de l’ouvrage de Constantin, mais il le complétait dans quelques parties par de nouveaux emprunts aux recueils que Constantin lui-même avait mis à profit et par quelques autres additions. Cette anthologie de Planude a été longtemps la seule connue en Occident. — Ce fut seulement au début du xviie siècle que Saumaise attira l’attention sur un manuscrit qui était alors dans la bibliothèque palatine d’Heidelberg ; il en tira bon nombre d’épigrammes inédites, qu’il publia en 1607. C’est l’anthologie contenue dans ce manuscrit qu’on a pris l’habitude d’appeler Anthologie palatine. Elle a pour fond l’anthologie de Constantin Képhalas, mais grossie d’additions importantes : les plus essentielles sont : d’abord, trois livres au début, l. I (Χριστιανιϰὰ ἐπιγράμματα (Christianika epigrammata)), l. II (Χριστοδώρου ἔϰφρασις (Christodôrou ekphrasis)), l. III (Ἐν Κυζιϰῷ ἐπιγράμματα (En Kuzikô epigrammata), inscription du temple de la reine Apollonis à Cyzique) ; puis, entre le VIIe et le IXe livre de Képhalas, un VIIIe livre, formé de 254 épigrammes de Grégoire de Nazianze ; enfin, après la Muse de Straton qui terminait le recueil de Képhalas, trois livres supplémentaires, l. XIII (Ἐπιγράμματα διαφόρων μέτρων (Epigrammata diaphorôn metrôn)), l. XIV (Προϐλήματα ἀριθμητιϰὰ, Αἰνίγματα, Χρησμοί (Problêmata arithmêtika, Ainigmata, Chrêsmoi)), l. XV (Συμμιϰτά τινα (Summikta tina))[99]. Cette anthologie, ainsi constituée, comprend toutes les épigrammes que les anciens ont recueillies. Mais les inscriptions lapidaires nous en ont fourni beaucoup d’autres, sans parler de celles qui sont éparses chez divers auteurs. C’est la matière des suppléments à l’Anthologie qui ont déjà paru et de ceux qui devront paraître, à mesure que se produiront des découvertes nouvelles.

Avec l’Anthologie, le même manuscrit palatin nous a conservé aussi le recueil des Poèmes anacréontiques (Ἀναϰρεόντεια (Anakreonteia)). On a vu, au tome II de cet ouvrage, pour quelles raisons ces courtes compositions ne pouvaient plus aujourd’hui être attribuées au poète Anacréon de Téos[100]. En réalité, elles semblent dater toutes de la période impériale. La critique moderne s’est appliquée à en distinguer les diverses couches ; et, bien que, dans le détail, il y ait encore des divergences d’opinion sensibles, on peut dégager déjà de ces discussions quelques conclusions générales, qui ont leur intérêt pour l’histoire de la poésie grecque sous l’empire[101]. — Un premier groupe, compose lui-même de trois éléments distincts et sans doute d’âges différents (Hémiambes, n° 1,3, 5-14 ; ioniques brisés et logaèdes, 15-20 ; hémiambes et ioniques brisés, 21-32), paraît devoir être rapporté aux deux ou trois premiers siècles de l’empire. Destinées à être chantées dans les banquets, ces poésies avaient cours parmi la jeunesse élégante, qui fréquentait alors les principaux centres d’étude[102]. — Un second groupe, également complexe (33-59), trahit, par diverses particularités de langue et de métrique, une origine plus tardive. On peut le rapporter à la fin du Bas Empire, depuis le IIIe siècle environ jusqu’à la période byzantine. Du reste, la destination en est identique, et ces poésies ont dû naître, sous l’influence de la sophistique, dans le même milieu que les précédentes.

Nous n’avons pas à revenir ici sur l’appréciation qui en a été donnée précédemment. Leur caractère est en rapport avec les habitudes du temps. Il y a, certes, de la grâce et un enjouement aimable dans un grand nombre de ces morceaux. Mais tous ces poètes anonymes jouent avec des images, des tours de phrase, des inventions, des souvenirs, qui se répètent sans cesse. L’imitation est le fond même de leur poésie. On ne saurait tirer de toutes leurs chansons un renseignement quelconque, ni sur eux-mêmes, ni sur les personnes ou les choses de leur temps.

Le recueil dont nous parlons est manifestement un extrait de plusieurs autres analogues. Il y a lieu de croire que de tels recueils ont dû être assez nombreux dans les derniers siècles de l’hellénisme. Cette poésie, facile et frivole, convenait bien, par son élégance superficielle, à cet âge de sophistique. Sans parler des poésies chrétiennes de forme anacréontique dues à Grégoire de Nazianze et à Synésios, d’autres manuscrits que celui de l’anthologie palatine conservent encore des séries de chants du même genre. Parmi ceux qui ont été publiés, un manuscrit de la bibliothèque des Barberini nous a livré une sorte de courte anthologie anacréontique, où figurent spécialement des poètes des derniers temps de l’hellénisme ou de la période byzantine[103]. Nous y retrouvons l’école de Gaza dont nous avons parlé plus haut ; et nous savons d’ailleurs qu’elle était précisément renommée pour la poésie anacréontique[104]. Sans doute, comme l’a supposé Crusius (art. cité), ce genre dut être florissant, aux ve et vie siècles, parmi les maîtres et les étudiants des écoles de rhétorique ou de droit de Bérytos, de Césarée, de Gaza. Un morceau du recueil en question, sans nom d’auteur, est dédié a un Colouthos, qui semble bien être l’auteur de l’Enlèvement d’Hélène[105]. Six poèmes d’étendue diverse y portent le nom de Jean de Gaza déjà mentionné plus haut parmi les poètes épiques et les sophistes du vie siècle. Au même temps semble appartenir Georges le Grammairien, dont il nous reste huit morceaux. D’autres poèmes du même recueil sont l’œuvre de poètes obscurs du ixe ou du xe siècle (Constantin de Sicile, Léon, etc.) Nous saisissons donc là sur le fait la durée d’un genre qui devait se perpétuer dans la période byzantine : il n’y avait, en effet, aucune raison pour qu’il disparût, puisqu’il ne tenait à aucune institution ni à aucun temps. Toutes ces poésies sont étrangement fastidieuses, soit par leur platitude maniérée, soit par une obscurité qui provient à la fois du vague de la pensée et de la recherche impuissante de l’expression[106].

Un dernier recueil en vers, qui semble avoir été constitué au temps de Justinien, doit être encore mentionné ici : c’est celui des Oracles Sibyllins (Χρησμοὶ Σιϐυλλιαϰοί (Chrêsmoi Sibulliakoi))[107]. Les poésies, judéo-helléniques et judéo-chrétiennes, qui le composent, n’avaient primitivement aucun lien entre elles ; les plus anciennes (l. III, 97-294 et 489-828) paraissent remonter jusqu’au temps d’Antiochus Épiphane (171-168 av. J.-C.) ; d’autres (l. IV) datent des années qui suivirent l’éruption du Vésuve (79 ap. J.-C.) ; d’autres encore, du second siecle (Prologue, morceaux des livres III et VIII) ; deux livres du recueil, les VIe et VIIe, ont été composés avant le milieu du iiie siècle, sous Alexandre Sévère ; quatre autres (XI-XIV) à la fin du même siècle, au temps d’Odenat (mort en 267) ; le reste de la compilation n’est qu’un amas incohérent, auquel il est impossible d’assigner aucune date. Ce qui est commun à toutes ces poésies, c’est le caractère sombre, la malédiction prophétique, l’annonce des catastrophes vengeresses. Adoptées par les docteurs chrétiens, qui s’en servirent dans leur guerre contre l’hellénisme, elles reçurent d’eux une consécration qui les fit vivre. Au vie siècle, un diascévaste essaya de leur donner une sorte d’unité artificielle, en composant de ces morceaux épars une histoire du monde ; il semble n’avoir pas poussé cette tentative d’organisation au delà du second livre. L’ensemble, tel que nous le possédons, n’est en somme qu’un assemblage confus. La langue en est d’ailleurs le plus souvent obscure, incorrecte, violente, quelquefois inculte. Mais, en partie à cause de cela même, cette poésie étrange a exercé une influence profonde sur les imaginations, et, si elle est par elle-même en dehors de la littérature, elle s’y rattache cependant en raison de cette puissance indéniable de suggestion.

VI
Sauf quelques exceptions, la poésie de ces derniers siècles, comme on vient de le voir, dépend étroitement de la sophistique. L’histoire, dont nous avons maintenant à parler brièvement, ne s’en affranchit guère, elle non plus.

Eunape avait, pour ainsi dire, scellé l’union de ces deux genres, si peu faits cependant pour se confondre : les principaux historiens dont il va être question sont, en général, à des degrés divers, des continuateurs et des imitateurs d’Eunape. D’ailleurs les sérieuses qualités qui donnent seules à l’histoire sa valeur propre, celles qui l’affranchissent de la vaine rhétorique, intelligence sûre et large des événements, sens philosophique de la vie sociale, amour élevé de la vérité, tout cela manquait absolument à ce temps. Privé de ses éléments naturels, le genre historique était condamné à flotter trop souvent entre la chronique terre à terre, le lieu commun banal, et le commérage sans portée.

Le seul historien dont le nom ait quelque relief au ve siècle est Zosime[108]. Il n’est pas impossible qu’il soit identique au rhéteur de ce nom, originaire de Gaza ou d’Ascalon, que Suidas mentionne comme ayant vécu encore au temps d’Anastase[109] ; mais il est plus probable qu’il faut voir en lui un autre personnage, antérieur d’un certain nombre d’années. D’après Photius, il fut avocat du fisc et reçut le titre de comte du palais[110] ; Évagrios nous apprend qu’il vécut au milieu du ve siècle, sous Théodose II et ses successeurs[111]. C’est ce que confirme son œuvre même. Cette œuvre nous est parvenue ; elle est intitulée Histoire contemporaine (Ἱστορία νέα (Historia nea)) et comprend six livres. Le premier, qui est un résumé rapide de l’histoire de l’empire depuis Auguste jusqu’à Dioclétien, doit être considéré comme une introduction à l’ouvrage proprement dit, dans lequel Zosime s’était proposé de retracer les événements du ive siècle et de son propre temps. Les livres II, III et IV vont de la mort de Dioclétien à celle de Théodose en 395. Les livres V et VI retracent, avec une ampleur de développement toujours croissante, le règne d’Arcadius et les premières années de Théodose II. Photius, qui lisait encore l’histoire d’Eunape dans son intégrité, nous apprend que Zosime n’avait guère fait que l’abréger. Cela ne peut s’appliquer en tout cas qu’aux règnes de Constantin et de ses fils, de Julien, de Jovien, de Valens, de Théodose et d’une partie de celui d’Arcadius, puisque le récit d’Eunape n’allait pas au delà. Plus loin, Zosime devait reprendre son indépendance. Son récit s’arrête aujourd’hui à la prise de Rome par Alaric en 410 ; et il en était ainsi déjà dans l’exemplaire que lisait Photius. L’ouvrage est par conséquent incomplet[112], soit que l’auteur n’ait pas pu le pousser plus loin, soit qu’il ait été mutilé après sa mort.

Quelque attaché qu’il fût à Eunape, Zosime eut certainement des visées plus hautes, qu’il a déclarées lui-même. Polybe fut son modèle. De même que celui-ci avait autrefois montré l’accroissement de la puissance romaine dans une période décisive de son existence, de même il voulait, lui, en exposer le déclin dans une période également décisive en sens contraire (I, 57). C’était là incontestablement une vue d’historien, qui aurait pu donner à son ouvrage une valeur réelle, s’il eût été capable d’en tirer parti. Par malheur, Zosime, entreprenant d’analyser les causes de la décadence romaine, était loin d’avoir l’étoffe d’un Montesquieu. Celles qu’il aperçoit sont l’ambition, l’incapacité des chefs, les abus du pouvoir absolu, la destruction de la religion nationale. De ces causes, les deux dernières seules sont intéressantes. Mais Zosime ne sait pas en suivre l’effet dans le détail. Les vices qu’il signale sont ceux de certains princes, et non ceux de l’institution impériale elle-même. Quant à la destruction de la religion nationale, il la considère en païen superstitieux, au jugement de qui les dieux, négligés ou reniés, ont retiré à l’empire leur protection. C’était déjà le point de vue d’Eunape. Comme lui aussi et pour la même raison, Zosime est sévère pour les empereurs qui ont favorisé le christianisme, pour Constantin et Théodose particulièrement. En somme, l’Histoire qu’il nous a laissée, sans répondre à ce qu’elle semble promettre, est encore une des meilleures œuvres historiques de ces derniers temps. Nette et judicieuse, bien informée, sincère, elle est de plus clairement écrite, sans longueur, sans mauvais goût, et d’une forme beaucoup moins prétentieuse que celle d’Eunape[113].

Des autres historiens du même siècle, dont il nous reste des fragments de quelque importance, deux seulement sont à distinguer ici : Priscos et Malchos. — Priscos, né à Panion en Thrace, fut sophiste, puis homme d’État sous Théodose II et Marcien[114]. Les Déclamations (Μελέται (Meletai)) et les Lettres que lui attribue Suidas sont perdues. Son œuvre historique, en huit livres, semble avoir porté le titre général d’Histoire byzantine (Ἱστορία Βυζαντιαϰή (Historia Buzantiakê)) ; mais diverses parties étaient désignées par des titres distincts (Τὰ ϰατ’ Ἀττήλαν, Ἱστορια Γοτθιϰή (Ta kat’ Attêlan, Historia Gotthikê)) ; elle se rapportait aux choses contemporaines[115]. Il nous en reste des fragments étendus, consistant en récits de sièges, d’ambassades et de négociations, parmi lesquelles figure celle dont Priscos lui-même fut chargé[116]. Autant qu’on en peut juger, son ouvrage offrait un exposé des faits détaillé, exact et assez clair, mais monotone et terne, qui ressemblait plus à un journal qu’à une histoire proprement dite[117]. — Malchos, de Philadelphie en Syrie, agrandit et continua, quelques années plus tard, le récit de Priscos[118]. Son histoire byzantine (Βυζαντιαϰά (Buzantiaka), en sept livres) commençait à Constantin et devait aller jusqu’a l’avènement d’Anastase (491)[119]. Il semble avoir été interrompu par la mort de l’auteur. — Photius en fait un grand éloge, que les fragments ne justifient pas[120]. L’œuvre de Malchos, intéressante par les faits eux-mêmes et empreinte d’une certaine couleur dramatique[121], ne paraît pas s’être élevée au-dessus de la médiocrité.

Candidus d’Isaurie, Capiton de Lycie, Eustathios d’Épiphanie en Syrie, autres historiens de la fin du ve siècle ou du commencement du vie, n’étant plus connus que par quelques fragments ou par un petit nombre de témoignages, n’ont plus pour nous de physionomie vraiment individuelle. qui les rendent dignes du moindre intérét littéraire[122].

Cette lignée d’historiens se continue sans interruption à travers tout le vie siècle et au delà ; et bien qu’on soit habitué à compter plutôt ceux de ce temps parmi les Byzantins, il faut reconnaître qu’ils ne diffèrent de leurs prédécesseurs par aucun caractère nouveau. Leur art, d’une manière générale, n’est pas inférieur, non plus que leur conception du rôle de l’histoire. C’est pourquoi, sans entrer à leur sujet dans aucun détail, nous devons au moins les mettre ici à leur place, dans la série qui se prolonge par eux jusqu’au milieu du viiie siècle.

L’historien le plus renommé du vie siècle est Procope, de Césarée en Palestine[123]. Né vers la fin du ve siècle, d’abord rhéteur et avocat, puis investi de charges publiques dès le règne d’Anastase, il s’attache, sous Justinien, à la fortune de Bélisaire, qu’il accompagne comme conseiller, en Arménie, en Afrique et en Italie. Les plus hautes dignités lui échurent successivement. Il devint sénateur, puis préfet de la ville en 562. Mais sa fortune s’arrêta là. Compromis dans une conspiration et disgracié, il mourut peu après. Son grand ouvrage historique est le récit en huit livres des Guerres du règne de Justinien (Περὶ πολέμων (Peri polemôn)) ; guerre contre les Perses (Περσιϰὰ (Persika), l. I et II), guerre contre les Vandales (Βανδηλιϰά (Bandêlika)), l. III et IV), guerre contre les Ostrogoths (Γοτθἰϰὰ (Gotthika)), l. V, VI et VII). Achevés en 551, les sept premiers livres de l’ouvrage furent complétés, en 554, par un huitième livre, qui résumait toute l’histoire du règne jusqu’à cette date. Cette grande œuvre, remarquable par son ampleur, par l’étendue et la variété des informations, par la valeur, même littéraire, de certaines descriptions, est la plus importante que les derniers siècles de l’hellénisme aient produite dans le genre historique. Procope, encourage par le succès qu’elle obtint et qu’il atteste lui-même (l. VIII, début), publia un peu plus tard (après 558) un second ouvrage en six livres Sur les constructions de Justinien (Περὶ ϰτισμάτῶν (Peri ktismatôn)), plein de renseignements précieux pour l’histoire de l’art et de l’administration byzantine. Ce qu’on peut reprocher le plus à ces deux compositions, mais surtout à la seconde, c’est le ton de panégyrique, qui était d’ailleurs imposé à l’auteur. Il prenait sa revanche, comme on le sait, dans sa célèbre Histoire secrète (Ἀνέϰδοτα (Anekdota)), qui ne put être divulguée qu’après sa mort et quand la dynastie de Justinien eut disparu ; pamphlet acerbe, qui retrace, jusqu’à l’année 559, les scandales, les intrigues, les prodigalités et le luxe de la Cour, et qui flétrit les personnages que Procope avait le plus loués dans ses écrits publics, en particulier Justinien et sa femme Théodora, Bélisaire lui-même et sa femme Antonina. L’authenticité de cette Histoire secrète n’est plus mise en doute ; la véracité de l’auteur ne semble pas pouvoir l’être non plus, en ce sens tout au moins qu’il répète avec exactitude ce qui se disait tout bas dans les cercles bien informés de Byzance ; mais il va sans dire que de tels propos, même vrais, ne peuvent former qu’un élément du jugement définitif de l’histoire, bien que Procope s’y délecte, sans en montrer la contre-partie.

Quoi qu’il en soit, les trois ouvrages historiques de Procope, lorsqu’on les rapproche et qu’on les corrige l’un par l’autre, ont une valeur incontestable. L’auteur d’une telle œuvre se révèle comme un homme qui a possédé l’expérience de la vie, qui a su s’informer, observer, juger, et qui, écrivant au moment où la monarchie romaine d’Orient tournait définitivement au despotisme byzantin, a eu le talent de faire revivre la société de son temps dans des récits et des descriptions qu’on lit encore avec intérêt. Tout cela, il est vrai, ne suffit pas à faire un historien au sens élevé du mot, et Procope, tantôt narrateur officiel, tantôt chroniqueur, ne saurait prétendre à ce titre. Comme prosateur, s’il peut être compté parmi les meilleurs de son temps, cela ne veut pas dire qu’il ait produit une œuvre littéraire vraiment distinguée. Son style, passablement correct et dégagé, n’est pas exempt de l’élégance sophistique qui régnait alors.

Procope eut pour continuateur Agathias de Myrina, le même dont nous avons parlé un peu plus haut à propos de ses poésies[124]. Ses Histoires (Ἱστορίαι (Historiai)), en cinq livres, reprennent le récit de Procope au point où celui l’avait laissé, c’est-à-dire à l’année 552, et le conduisent jusqu’en 558. Agathias écrivit cet ouvrage peu de temps sans doute après la mort de Justinien[125] ; il avait l’intention d’arriver jusqu’aux événements tout à fait contemporains, mais, pour une raison ou une autre, il ne réalisa pas son dessein. Son histoire n’embrasse qu’un espace de six années, pour lequel elle constitue notre principale source d’information[126]. Exact et bien renseigné, Agathias expose clairement, mais sans agrément ni véritable élégance : sa phrase, souvent longue, est médiocrement construite ; et, cà et là, chez le narrateur, se laisse trop voir le sophiste qui croit embellir son récit par des artifices de rhétorique[127].

L’œuvre interrompue d’Agathias fut reprise bientôt après par Ménandre, qu’on appelle Προτίϰτωρ (Protiktôr), Protector, « garde du corps ». Celui-ci écrivait sous l’empereur Maurice (582-602)[128]. Commençant à l’année 558, où Agathias s’etait arrêté, il avait conduit son récit, qui comprenait plus de huit livres, jusqu’à l’année 582, date de l’avènement de Maurice. Il comprenait donc, avec la fin du règne de Justinien, les règnes de Justin II et de Tibère. Les fragments assez étendus qui nous en restent renferment d’intéressants détails sur les peuples barbares auxquels l’empire d’Orient eut alors affaire, Avares, Sarrasins, Turcs, Lombards, Alains, Perses[129]. Imitateur d’Agathias, Ménandre lui est sensiblement inférieur comme écrivain. C’est assez dire que le mérite littéraire de son œuvre n’est pas grand.

Ménandre, à son tour, eut un continuateur au viie siècle en la personne de ce Théophylactos (dit Simocattès) dont nous avons cité plus haut la collection épistolaire[130]. L’ouvrage où il racontait le règne de l’empereur Maurice (582-602) nous a été conservé[131]. Diffus, prétentieux, plein de réflexions insignifiantes, il révèle déjà toute la faiblesse d’esprit de l’âge byzantin.

Sans nous arrêter à d’autres historiens tout à fait secondaires du vie siècle, tels que Nonnosos, Théophane de Byzance, Jean d’Épiphania, Pierre le Patrice[132], mentionnons encore, comme les derniers représentants de la tradition hellénique dans l’histoire : Hésychios de Milet (première moitié du vie siècle)[133], qui, outre le recueil biographique dont nous avons parlé plus haut, composa une Chronique embrassant toute l’histoire romaine jusqu’à Anastase (Ἱστορία Ῥωμαιϰή τε ϰαὶ Παντοδαπή (Historia Rômaikê te kai Pantodapê)), ainsi que d’autres ouvrages moins importants ; — Jean d’Antioche (viie siècle), à qui l’on doit une chronique (Ἱστορία χροννιϰή (Historia chronikê)), sérieuse et intéressante, mais surtout composée avec des extraits d’historiens antérieurs[134] ; — enfin les chronographes Eustathe d’Épiphanie (vie siècle)[135] et Jean Malalas (fin du viiie siècle). La pauvre Chronographie de ce dernier, aujourd’hui mutilée au commencement et à la fin, s’étendait à l’histoire entière du monde, depuis la création jusqu’à la fin du règne de Justinien[136]. Si nous la citons ici, toute misérable qu’elle est d’ailleurs, c’est parce qu’elle offrait l’exemple le plus frappant du procédé de compilation sans art et sans critique, réglé uniquement par une curiosité inepte, auquel aboutissait alors l’historiographie. C’est ce livre en effet, selon Krumbacher, qui a servi de type, jusqu’au xiiie siècle, aux chroniques des moines[137]. Jean Malalas est vraiment, dans l’historiographie, le premier des Byzantins.

En dehors de l’histoire proprement dite, mais dans un domaine très voisin, doit être placé ici un érudit du vie siècle, Jean Laurentius le Lydien[138]. Né vers 490 à Philadelphie en Lydie, Joan Laurentius exerça de hautes fonctions officielles dès le règne d’Anastase et jusque sous celui de Justinien. Il tomba en disgrâce en 552, vécut alors dans une demi-obscurité, et dut mourir vers 565. Ses Discours et une Histoire de la Guerre des Perses disparurent de bonne heure, car Photius paraît n’en avoir eu aucune connaissance. Les seuls ouvrages de Laurentius qu’il mentionne sont ceux qui nous ont été conservés, les trois traités Sur les mois (Περὶ μηνῶν (Peri mênôn)), Sur les magistratures romaines (Περὶ ἀρχῶν τῆς Ῥωμαίων (Peri archôn tês Rômaiôn)), et Sur les signes célestes (Περὶ διοσημείων (Peri diosêmeiôn))[139]. Le traité Sur les mois nous est parvenu mutilé ; il contient d’utiles renseignements sur le calendrier romain, sur les fêtes, leur origine et leur célébration, ainsi que les légendes qui s’y rapportent. Le traité Des signes célestes, après n’avoir été connu longtemps qu’à l’état de chapitres dispersés et incomplets, a pu être reconstitué en notre siècle grâce à de nouveaux manuscrits ; l’auteur y expose, à propos des tonnerres, des comètes, des météores, des tremblements de terre et autres prodiges, un grand nombre de faits relatifs à la science augurale et à la religion des Romains et des Étrusques. Enfin le traité Des magistratures romaines, aujourd’hui mutilé, offre une série de notices instructives sur les formes du gouvernement et de l’administration chez les Romains. Ce qui fait le prix des traités de Laurentius, c’est qu’il disposait d’une quantité d’ouvrages spéciaux aujourd’hui perdus, dont il a extrait mainte et mainte information. Mais il l’a fait sans critique, sans intelligence, et en mêlant une foule d’erreurs à des informations exactes. D’ailleurs, nul talent d’écrivain, et, comme manière propre, un mélange ridicule d’affectation, de rhétorique et de vulgarité.

La géographie, dans la même période, décline comme l’histoire : elle ne nous offre plus guère que des ouvrages de seconde main, sans valeur originale, à l’exception peut-être du seul lexique d’Étienne de Byzance.

Marcien (Μαρϰιανός (Markianos)) semble avoir vécu au commencement du ve siècle[140]. Deux des ouvrages cités sous son nom sont perdus : un Abrégé de la Géographie d’Artémidore d’Éphèse et un Relevé des distances de Rome aux principales villes du monde. Il nous en reste deux autres. L’un, intitulé Périple de la mer extérieure (Περίπλους τῆς ἔξω θαλάσσης (Periplous tês exô thalassês)), en deux livres, est tiré de Ptolémée et d’un autre géographe, Praxagoras, qui ne nous est plus connu que par quelques lignes de Photius (cod. 188). Le second est un Abrégé du Périple de la mer intérieure par Ménippe de Pergame, géographe mentionné plus haut (p. 394). Marcien, on le voit, n’a eu d’autre ambition que de vulgariser des notions contenues dans des ouvrages plus complets, mais peu lus. Lui-même fut à son tour mis à contribution plus tard par l’auteur anonyme d’un Périple du Pont Euxin, dont nous avons parlé à propos d’Arrien.

Agathémère est l’auteur d’une Esquisse de la Géographie (Γεωγραφίας ὑποτύπωσις (Geôgraphias hupotupôsis))[141] ; livre élémentaire, où il a résumé, d’après Ératosthène, Artémidore, Posididonios et d’autres, un certain nombre de notions sur l’histoire de la géographie, sur le perfectionnement des cartes, sur les mesures de la terre et des mers, sur les vents, etc. Toute la valeur du livre vient de ses sources. La date en est d’ailleurs incertaine. — Deux autres ouvrages faussement attribués à Agathémère sont en réalité anonymes et de date inconnue[142].

Seul entre ces géographes d’extrême décadence, Étienne de Byzance a mérité quelque renom[143]. Postérieur à Marcien, qu’il cite, mais antérieur à Hermolaos de Constantinople, qui fit sous Justinien un abrégé de son dictionnaire, Étienne a dû vivre dans la seconde moitié du ve siècle. Grammairien de profession, il composa, sous forme de lexique, un ample recueil de notices de géographie historique, en une soixantaine de livres environ, qu’il intitula, les Ethniques (Ἐθνικά). Ce recueil, facile à consulter en raison de sa disposition alphabétique, était destiné surtout à fournir immédiatement aux lecteurs des poètes ou des historiens les renseignements qu’ils pouvaient désirer ; et, pour réaliser son intention, le savant grammairien donnait, à propos de chaque nom de peuple ou de chaque lieu célèbre, non seulement des indications géographiques, mais aussi des aperçus historiques et biographiques, tirés des meilleurs auteurs et accompagnés parfois d’intéressantes citations[144]. Si l’œuvre en elle-même n’était guère originale, elle dénotait du moins de la science, de la méthode, du goût et une curiosité intelligente des choses du passé. Son plus grand tort était peut-être d’être trop savante pour son temps. Cela la condamnait à être abrégée, et elle le fut au vie siècle, comme nous venons de le dire. Cet abrégé d’Hermolaos nous en a conservé la substance, mais en la réduisant à de secs énoncés. De l’œuvre primitive, il ne reste qu’un petit nombre d’articles isolés, qui suffisent à la faire regretter[145].

VII
Cet affaiblissement de l’esprit critique, qui mène alors l’histoire profane à la plus profonde décadence, n’est guère moins sensible dans la philosophie, malgré certaines apparences, et y produit les mêmes effets.

Ce n’est pas qu’on ne rencontre encore au ve siècle des intelligences capables de dialectique, d’analyse subtile et même de puissante synthèse, par exemple celle d’un Proclos. Mais à cette philosophie manque toujours davantage le sens de la réalité. Elle ne sait plus s’attacher ni à l’étude du monde, ni à celle de l’âme ; elle a pour fondement, non la recherche, mais la tradition pure et la rêverie. Plus d’observation, donc plus de renouvellement intime. Elle vit sur des textes qu’elle interprète en les torturant, en les combinant de mille manières, en les développant à sa fantaisie. Tous les maîtres du temps sont des commentateurs ; et ces commentateurs sont, de plus, des mystiques. Plongés dans les pratiques d’une dévotion ardente, ils s’adonnent passionnément à la théurgie, convaincus de la toute-puissance des formules et des pratiques secrètes, exaltés par l’ascétisme et la prière, étrangers aux choses de leur temps. Suspects au christianisme, qui règne alors en maître dans l’empire, et quelquefois même persécutés, ils voient leur influence décroître de jour en jour. Comme ils ont cessé de s’appuyer sur la raison, ils ne représentent plus qu’une tradition altérée. Quelques écrits de Platon, en particulier le Timée, quelques poèmes pseudo-orphiques, la collection des Oracles (Λόγια (Logia)) déjà commentés par Porphyre, sont à présent pour eux des livres sacrés, de même que l’Ancien et le Nouveau Testament le sont pour les chrétiens. En fait, il n’y a plus de pensée vraiment indépendante dans le monde grec. Le ve siècle assiste au dernier rayonnement du néoplatonisme, qui décline après Proclos et disparaît peu à peu dans le cours du vie siècle.

On a vu, au chapitre précédent, combien l’école syrienne de Jamblique, très brillante dans la première moitié du ive siècle, très favorisée ensuite par Julien, était retombée dans l’obscurité après la mort de cet empereur. Au début du ve siècle, toutefois, voici qu’un foyer actif de néoplatonisme se révèle à Alexandrie. Dans quelle mesure les philosophes qui enseignaient là procédaient-ils de l’école syrienne, nous l’ignorons. À vrai dire, ils semblent assez indépendants les uns des autres, étant à des degrés divers ou pythagoriciens, ou platoniciens purs, ou aristotéliciens. Simples nuances, d’ailleurs, qui s’effacent par l’éloignement.

Le plus intéressant de ces maîtres est une femme, la célèbre Hypatie[146]. Son père, Théon, philosophe lui-même et géomètre, lui transmit sa science avec ses vertus. Devenue, comme lui, mathématicienne et philosophe, elle tint école à Alexandrie, dès la fin du ive siècle (probablement, et, dans les premières années du ve. Aussi belle que savante et digne de respect, elle exerçait une influence profonde sur ses nombreux disciples, comme l’attestent encore plusieurs lettres de Synésios, qui fut le plus illustre d’entre eux[147]. Elle commentait Platon et Aristote, tout en enseignant aussi l’astronomie. Le préfet d’Égypte Oreste lui témoignait, dit-on, la plus grande faveur. Ces succès même la perdirent. La populace fanatique d’Alexandrie, excitée par les moines, en vint à considérer la maison d’Hypatie comme le rendez-vous des ennemis de Dieu. On ne sait au juste quel fut en cela le rôle du patriarche Cyrille. Toujours est-il qu’un jour de l’année 415, une foule sauvage se rua sur cette maison, en arracha la malheureuse et noble femme, et la déchira ignominieusement sans qu’aucune autorité intervînt à temps pour la sauver. Les seuls écrits d’elle que mentionne Suidas se rapportaient aux mathématiques ; il ne nous en est rien resté ; mais il n’est pas douteux que son influence philosophique et littéraire ne se fasse sentir chez Synésios, dont nous parlerons plus loin.

Quelques années après la mort d’Hypatie, nous voyons établis encore à Alexandrie certains maîtres renommés, entre autres Hieroclès, disciple de Plutarque, et Olympiodore, dont Proclos vint écouter là même, vers 430, les leçons aristotéliciennes[148]. Mais Olympiodore ne nous a rien laissé ; quant à Hieroclès, il est impossible de le séparer de l’école néoplatonicienne d’Athènes, où il se forma, et dont nous avons maintenant à nous occuper.

C’est à Athènes en effet que le Néoplatonisme a pris sa dernière forme et jeté son dernier éclat[149]. Après Jamblique, il était resté sans direction certaine, sans chef capable d’imposer son autorité, oscillant entre la tendance purement théurgique, qui, si elle eût définitivement prédominé, l’eût promptement réduit à n’être qu’une forme de dévotion individuelle, et la tendance mathématique, qui en eût fait une philosophie réservée à un petit nombre d’adeptes. L’école d’Athènes, sans écarter ni la théurgie, ni les mathématiques, y fit rentrer assez de psychologie et de raisonnement métaphysique pour maintenir quelque temps encore la solidité de la doctrine. Elle ne l’agrandit pas, comme l’avait fait autrefois Porphyre, mais elle la coordonna, elle en lia les parties entre elles, elle en fit un corps désormais immuable. Le Néoplatonisme fut par là même condamné, il est vrai, à périr bientôt, mais il recouvra du moins, pour un siècle et plus, les apparences de la force.

Celui qui apporta aux Platoniciens d’Athènes l’inspiration mystique de Jamblique fut sans doute Nestorios ; on nous le représente comme dépositaire d’une sorte de religion, qui se transmit plus tard, de lui à Proclos, par sa petite fille Asclepigénia[150]. Mais c’est le fils de ce Nestorios, Plutarque, qui, à la fin du ive siècle, enta vraiment la nouvelle école sur l’ancienne[151]. Son enseignement eut en effet une action décisive. À la fois raisonneur et rêveur, exégète infatigable, en commentant Aristote et Platon sous l’influence des idées de Plotin, de Porphyre et de Jamblique, il rétablissait dans l’enseignement l’autorité de la dialectique, en même temps qu’il y consacrait celle de la spéculation mystique. Du reste, Plutarque, n’ayant à peu près rien laissé de durable, n’appartient à l’histoire littéraire que par son influence[152].

Après Plutarque, qui meurt en 431, la série des chefs d’école ou « diadoques » s’étend, à travers toute la fin du ve siècle et le premier tiers du vie, jusqu’à la fermeture de l’école ordonnée par Justinien en 529. Ces chefs sont, dans l’ordre chronologique, Syrianos (de 431 à 438, environ), Proclos (de 438 environ à 485), Marinos, Isidore, Hégias, Damaskios enfin, qui enseignait au moment où l’école fut fermée. Nous devons les distinguer spécialement. Mais quelques autres, à côté d’eux, sans figurer dans cette succession officielle, méritent de n’être pas completement passés sous silence.

Au début du ve siècle, un des disciples de Plutarque, Hiéroclès, d’Alexandrie, doit être signalé tout d’abord comme un des esprits les plus modérés et les plus fermes du Néoplatonisme à son déclin[153]. Quelques-uns de ses écrits nous sont connus incomplètement par des extraits ou des fragments[154] : un seul, le commentaire sur les Vers d’or pythagoriciens, nous est parvenu dans son intégrité ; remarquable par la simplicité du langage, il se fait goûter aussi par l’élévation morale, par la sincérité du sentiment religieux[155].

Bien plus important par le rôle qu’il joua dans l’école est Syrianos, disciple lui aussi de Plutarque, auquel il succéda vers 431 comme chef d’école. Nous ne savons presque rien de sa vie ni de sa personne[156]. Proclos, qui fut son élève, parle de lui avec une vénération enthousiaste. Il se plaît à dire qu’il lui doit tout ; il le représente comme une sorte de révélateur inspiré[157]. Syrianos, selon l’habitude de l’école, commentait devant ses disciples les traités d’Aristote et ceux de Platon ; la lecture d’Aristote était comme une première initiation, comparée aux « petits mystères » ; celle de Platon constituait l’initiation finale et complète, la révélation vraiment divine. Le mérite du maître était d’y découvrir, devant ses fidèles éblouis, des profondeurs de spéculation qu’ils ne soupçonnaient pas. Un commentaire littéral, serrant le texte de près, aurait paru à ces esprits exaltés pauvre et froid. On savait gré au professeur de se transformer en hiérophante, on le suivait avec une admiration enthousiaste dans ses aperçus de haute spiritualité, dans ses effusions mystiques, comme aussi dans les développements subtils où il montrait comment les doctrines de Pythagore, de Platon et d’Aristote s’accordaient avec les révélations d’Homère, d’Orphée et des Oracles. Toutefois, Syrianos, à ce qu’il semble, suggérait plus d’idées neuves qu’il n’en inventait lui-même. Sa part personnelle dans la doctrine néoplatonicienne paraît avoir consisté surtout en ce qu’il établit encore plus de distinctions et de divisions que ses prédécesseurs dans la hiérarchie des êtres, préparant ainsi l’organisation définitive du système qui allait s’achever entre les mains de son successeur. Ses écrits, probablement nombreux, étaient des commentaires sur les principaux ouvrages de Platon. Nous ne les connaissons plus que par les citations et témoignages qui abondent dans les œuvres de Proclos[158].

Le plus puissant de ces rêveurs subtils fut incontestablement Proclos ; ce fut le seul parmi eux qui fit preuve de génie. Depuis trois siècles déjà, le Néoplatonisme cherchait sa forme définitive. Plotin, après Ammonios Saccas, en avait posé les principes et institué la méthode ; Porphyre, avec sa science, l’avait enrichi, documenté, consolidé et vulgarisé ; Jamblique y avait introduit un élément important de rêverie mystique et de spéculation subtile ; Proclos condensa tout cela, en précisa les détails, et organisa le tout en un vaste système. Ce qu’il ne put pas faire, ce fut de rendre la vie à des théories qui avaient perdu depuis longtemps le contact vivifiant de la réalité[159].

Issu d’une famille riche de Xanthos en Lycie, Proclos naquit à Constantinople en 410[160]. Au dire de son disciple Marinos, il avait pour lui tous les avantages extérieurs, beauté, santé, fortune ; il étudia d’abord la rhétorique en vue des emplois civils, voulant suivre son père Patrikios dans la carrière des honneurs ; mais sa vocation philosophique ne tarda pas à se prononcer. Il suivit à Alexandrie les leçons aristotéliciennes d’Olympiodore, puis vint à Athènes, un peu avant 430 ; là, il fut accueilli comme un fils par le vieux Plutarque et par Syrianos, qui l’initièrent à leur philosophie. Plutarque ne tarda pas à mourir ; Syrianos fut alors son véritable maître. Après avoir vécu dans sa familiarité et s’être pénétré de ses enseignements pendant une dizaine d’années, Proclos lui succéda vers 438. Devenu ainsi chef d’école, il se donna tout entier à sen enseignement pendant près de cinquante ans[161]. Absorbé par la réflexion et l’étude, il ne réservait que quelques heures au sommeil ; le reste de son temps, il l’employait à méditer, à écrire, à s’entretenir avec ses disciples ou à commenter devant eux ses textes préférés. Il avait refusé de se marier pour n’être distrait de la philosophie par aucun souci. C’était un ascète[162], toujours plongé dans la haute spéculation ; mais bon, accueillant, séduisant même par son charme personnel, et qui inspirait à son entourage une vénération affectueuse. Sa santé resta bonne, malgré ses austérités, jusqu’à l’âge de soixante-dix ans ; puis, elle déclina pendant les cinq dernières années de sa vie : il mourut en 485, âgé de soixante-quinze ans.

Proclos enseignait presque sans préparation. Ses pensées sortaient, pour ainsi dire, de l’abondance de ses méditations incessantes. Sa parole était facile et comme inspirée. Quand il exposait ses idées, ses regards brillaient d’un éclat extraordinaire, tout son visage semblait éclairé. Ses disciples croyaient sentir en lui la présence de Dieu ; un jour même, un grave personnage, qui l’entendit par hasard, affirma qu’il avait vu autour de sa tête une lueur divine[163]. Maître et auditeurs vivaient entre ciel et terre, dans une atmosphère illuminée.

Proclos écrivait comme il parlait, vite et beaucoup. Ses écrits étaient surtout des commentaires sur Platon. Beaucoup sont perdus ; mais quelques-uns des plus importants nous restent et permettent de juger des autres[164]. Les plus intéressants sont : les Eléments de théologie (Στοιχείωσις θεολογιϰή (Stoicheiôsis theologikê))[165], ouvrage de jeunesse, où l’auteur résume en une série de formules, fortement liées et coordonnées, la théologie de Plotin et de Porphyre ; les commentaires Sur la République de Platon, en quatre livres, texte incomplet ; Sur le Timée, écrit par Proclos à vingt-huit ans ; Sur le Parménide, œuvre de sa maturité ; le traité Sur la théologie de Platon ; enfin les Objections aux chrétiens, dont Philoponos nous a conservé quelques parties dans sa réfutation. Nous possédons, d’autre part, six Hymnes[166], débris de l’œuvre poétique, très étendue et très variée, où le pieux philosophe avait exprimé ses sentiments de dévotion ; et, de plus, quelques écrits de mathématique et d’astronomie, dans lesquels il commente surtout Euclide et Ptolémée. Enfin, on lui attribue, avec quelque doute, un commentaire sur les Travaux d’Hésiode, dont nous avons un extrait[167], et une Chrestomathie (Χρηστομάθεια γραμματιϰή (Chrêstomatheia grammatikê)), mentionnée plus haut[168]. Parmi les ouvrages perdus, citons les traités Sur la théologie d’Orphée, Sur l’accord d’Orphée, d’Homère et de Platon, Sur la mère des dieux (Βίϐλος Μητρῳαϰή (Biblos Mêtrôakê)), et des commentaires sur plusieurs dialogues de Platon.

Nous n’avons pas à étudier ici la philosophie de Proclos. Pour le fond, c’est toujours celle de Plotin et de Porphyre ; mais cette philosophie est, chez lui, plus complètement organisée que chez ses devanciers. Elle apparaît là, pour la première fois, distribuée dans ses cadres et ses compartiments, éclairée dans toutes ses parties, pourvue de tout un appareil de théories et d’explications. « Toute la théologie grecque et barbare, dit Marinos, y compris celle qui s’enveloppe de fictions mythiques, il la pénétra du regard… et la mit en lumière, expliquant tout avec une inspiration divine et ramenant tout à un accord parfait[169]. » Ce qui est vrai de la théologie, centre et foyer du néoplatonisme, l’est de la doctrine tout entière. Proclos, sans vouloir innover en rien, a tout remanié, tout combiné, tout systématisé. Chez lui, voici par exemple la théorie fondamentale du mode de développement de l’existence qui se fixe en une série de formules précises. La multitude des êtres, depuis l’unité absolue jusqu’à la matière, apparaît distribuée en une immense hiérarchie, dans laquelle chaque substance procède d’une substance supérieure sans lui rien enlever, et se communique à son tour à une substance inferieure sans rien perdre d’elle-même. Par cette immense échelle, la pensée monte à Dieu comme la vie en descend. Tous ces êtres se divisent en triades suivant une loi invariable ; et ces triades se succèdent, du haut en bas, en une série infinie, dont la régularité même atteste la subtilité puissante du dialecticien qui l’a conçue. Comme Platon et comme Plotin, Proclos affirme la providence divine et aussi la liberté humaine ; mais, pour concilier ces croyances, il a des solutions bien plus étudiées que les leurs. L’objet propre de la volonté éclairée d’en haut, c’est, pour lui comme pour ses devanciers, d’élever l’âme jusqu’au monde suprasensible ; mais la méthode pour s’élever ainsi est plus nettement arrêtée et définie chez lui que chez eux ; elle consiste dans l’étude, dans la méditation, dans l’exercice de la vertu, dans la prière, dans les pratiques variées de la dévotion.

Cette philosophie était trop abstraite pour pouvoir atteindre à la beauté vivante. Le mérite littéraire de Proclos est donc médiocre. Visionnaire et dialecticien à la fois, il énonce, avec une précision de mathématicien, des idées qui ne sont que des chiffres ou des signes algébriques sans couleur et sans vie. Les formules s’agencent, se coordonnent, se subdivisent, sans que nous puissions réellement nous y intéresser, puisqu’elles ne sont rien que des créations arbitraires de l’esprit. Effort prodigieux, qui donne l’impression d’un labeur stérile. Il n’y a rien là qui instruise vraiment, rien qui parle ni au cœur ni à l’imagination. C’est une mathématique obscure, et, ce qui est pire, c’est une mathématique bâtie sur le vide.

Proclos, comme l’a dit Zeller, est vraiment un scolastique. Tout son génie s’est appliqué à interpréter des textes sacrés, qu’il acceptait d’avance pour vrais. Par ses interprétations et ses combinaisons, il a parachevé le Néoplatonisme ; mais, en l’achevant, il l’a rendu incapable de vivre. Ainsi cristallisée, la philosophie de Plotin et de Porphyre est devenue inerte. Et c’est dans cet état d’inertie qu’elle a passé des successeurs de Proclos aux théologiens byzantins.


Après Proclos, toutefois, le Néoplatonisme se perpétue encore pendant environ un siècle. Plusieurs de ses derniers représentants se sont fait quelque notoriété à titre de commentateurs.

Hermias, à la fin du ve siècle, enseigna à Alexandrie, où il composa divers ouvrages d’exégèse platonicienne[170]. Nous avons encore de lui un Commentaire sur le Phèdre, diffus et scolastique, sans profondeur ni originalité[171]. — Au début du vie siècle, un des fils de cet Hermias, Ammonios, qui lui succéda dans sa chaire d’Alexandrie, se distingua, lui aussi, comme commentateur, mais plus encore comme astronome et mathématicien. Il nous reste de lui des commentaires sur plusieurs traités d’Aristote, où l’on trouve, sous le formalisme de l’école, une science véritable[172]. Son influence fut grande : les plus célèbres néoplatoniciens du vie siècle, Damaskios, Simplikios, Asclépios, Olympiodore, Théodote, Jean Philoponos se reconnurent pour ses élèves[173].

À Athènes, dans le même temps, Marinos occupait le scolarchat après Proclos, sans aucun éclat ; un seul écrit de lui nous est parvenu : c’est la Vie de Proclos, intéressante par les faits qu’elle expose, mais sans valeur littéraire[174].— Isidore, qui lui succéda, paraît avoir été surtout un saint homme et un mystique exalté ; il nous est connu par une biographie, conservée en partie seulement, qui est l’œuvre de Damaskios[175]. — Hégias[176], le troisième scolarque d’Athènes après Proclos, n’est pour nous qu’un inconnu, malgré la notice assez ample de Suidas, empruntée à Damaskios.

Passablement déchue sous ces divers maitres, l’école d’Athenes se relève, vers 510 environ, avec Damaskios, successeur d’Hégias, et avec son disciple, Simplikios. — Damaskios, rêveur et mystique autant que l’avait été Jamblique, qu’il admirait entre tous, fut de plus, comme Proclos, un dialecticien[177]. Il avait écrit divers commentaires sur Aristote, qui sont perdus. Nous possédons encore de lui un traité intitulé Doutes et solutions à propos des premiers principes (Ἀπορίαι ϰαὶ λύσεις περὶ τῶν πρώτων ἀρχῶν (Aporiai kai luseis peri tôn prôtôn archôn)) ; il y aborde, non sans vigueur, la difficulté fondamentale du Néoplatonisme, celle de concilier l’Unité pure, dénuée d’attributs, avec l’existence d’êtres déterminés qui procèdent d’elle ; et s’il ne la résout pas. il fait preuve du moins en cet essai d’une force d’intelligence qui était rare en ce temps[178]. Nous avons aussi sa Vie d’Isidore, ou du moins l’analyse qu’en a donnée Photius, texte fragmentaire, forme de débris et mélange de gloses, très souvent inintelligible[179] ; c’était probablement un simple chapitre d’une Histoire de la philosophie (Φιλόσοφος ἱστορία). Damaskios était à la tête de l’école d’Athènes, lorsqu’elle fut fermée en 529 ; il alla ensuite en Perse, puis en revint bientôt ; après quoi, nous le perdons de vue. — Priscien, contemporain et disciple de Damaskios, nous a laissé seulement quelques traces médiocres de son activité philosophique[180].

Le plus remarquable des philosophes formés par Damaskios fut Simplikios (ou Simplicius), de Cilicie[181]. Tout ce que nous savons de sa vie, c’est qu’il fut du nombre de ceux, qui, trois ans après la fermeture de l’école, cherchèrent un refuge auprès du roi de Perse. Il semble s’être appliqué surtout à commenter Aristote. Nous possédons encore ses commentaires Sur les Catégories, Sur la Physique, Sur le traité du ciel, Sur le traité de l’âme, et en outre, celui qui se rapporte au Manuel d’Épictète[182]. Les premiers sont précieux par les renseignements qu’ils contiennent sur les philosophes qui y sont cités. Ils ont de plus une réelle valeur d’exégèse. Le commentaire du Manuel d’Épictète est plus accessible à la majorité des lecteurs. D’une manière générale, l’auteur s’y est proposé d’appuyer les propositions d’Épictète sur la psychologie et la métaphysique néoplatoniciennes ; et, en cela, son livre a quelque chose de scolastique ; car c’est tout un exposé de philosophie traditionnelle, à propos d’un livre purement moral ; mais cet exposé possède une certaine force d’exhortation et d’instruction, qu’il doit à un examen sérieux, simple et sincère des choses en question.

L’édit de Justinien, de 529, mit fin à l’enseignement public de la philosophie néoplatonicienne dans Athènes. L’école fut fermée, ses biens furent confisqués. Mais la doctrine ne s’éteignit pas pour cela. Les philosophes, bien qu’il leur fût interdit de professer leurs idées, semblent être restés réunis encore à Athènes quelque temps. Puis, en 532, l’avènement au trône de Perse de Khosru Nushirvan ou Chosroès, prince instruit et favorable à l’hellénisme, les décida à se rendre auprès de lui. En 535, Chosroès concluait avec Justinien un traité de paix, ou il stipulait que les philosophes ne seraient pas inquiétés pour leurs croyances. Ceux-ci rentrèrent dans l’Empire, mais il semble que les derniers représentants de l’école aient préféré dès lors le séjour d’Alexandrie à celui d’Athènes.

Nous y trouvons encore, dans la fin du vie siècle, un philosophe d’un certain renom, Olympiodore le jeune, qui paraît s’être attaché surtout à commenter Platon[183]. Nous avons de lui un commentaire sur le Premier Alcibiade, avec une Vie de Platon en manière d’introduction, d’autres commentaires sur le Gorgias, sur le Philèbe ; et, aussi, sur la Météorologie d’Aristote[184]. On n’y trouve guère d’originalité ni littéraire ni philosophique. — Au delà, le dernier nom à citer est celui de David l’Arménien, disciple d’Olympiodore ; quelques traces de son enseignement ont subsisté dans des scolies sur la logique d’Aristote. — Antérieur peut-être à David, mais postérieur à Damaskios, Hérennios, dont nous ne savons d’ailleurs rien, nous a laissé un Abrégé de métaphysique (Ἐξήγησις εἰς τὰ μεταφυσικά), de médiocre valeur[185].

L’école néoplatonicienne et avec elle la philosophie hellénique disparaissent ainsi vers la fin du vie siècle. À ce moment, les classes élevées de la société sont entièrement gagnées au christianisme. Une philosophie non chrétienne est devenue impossible dans le monde grec. Ses derniers adeptes ont dû s’éteindre obscurément, sans que l’histoire ait même pris soin de noter leur disparition. Seule, la doctrine survit en se modifiant. Dès le vie siècle, la philosophie de Proclos passe en grande partie dans la théologie byzantine[186] Jean Philoponos est un disciple d’Ammonios, et commente, au point de vue chrétien, la doctrine néoplatonicienne de Proclos. Cette même doctrine se retrouvera encore au viiie siècle, en partie au moins, chez Jean de Damas, qui la transmettra aux écoles de Byzance. Organisme stérilisé, qui depuis longtemps a perdu toute force vitale en perdant l’indépendance de la pensée.

La philosophie néoplatonicienne, par le tour mystique de ses spéculations, n’était pas faite pour favoriser le développement des sciences positives, et l’esprit du temps, avec sa tendance aux rêveries vaines, compliquée d’une crédulité superstitieuse, était également contraire aux progrès de la connaissance méthodique.

Les mathématiciens toutefois ne semblent pas avoir manqué en ce temps ; mais, après Diophante, nous n’en trouvons aucun qui ait fait preuve d’un génie original. La plupart des néoplatoniciens sont en même temps mathématiciens. Au ve siècle, Théon, le père d’Hypatie, Hypatie elle-même, Proclos, beaucoup d’autres, s’occupent de géométrie, d’astronomie, de mécanique, de calculs divers. Alexandrie continue à être un foyer d’études mathématiques. Mais il ne sort de là ni une grande œuvre, ni une théorie nouvelle. — Au vie siècle, Anthémios, l’architecte célèbre de Sainte-Sophie, applique surtout ses rares facultés à la mécanique[187]. Il nous reste de lui un fragment Sur quelques machines merveilleuses (Περὶ παραδόξων μεχανημάτων (Peri paradoxôn mechanêmatôn))[188]. Cela ne touche guère à la littérature et n’a même que peu d’importance dans l’histoire générale de la science. — Au delà du vie siècle, nous ne trouvons plus même de nom à signaler.

Dans les sciences d’observation, la médecine seule garde encore quelque vitalité dans cette dernière période[189]. Le plus remarquable de ses représentants est un des frères d’Anthémios, Alexandre de Tralles, qui, après avoir exercé la médecine militaire, enseignait à Rome au temps de Justinien (527-565)[190]. Son Art de guérir (Θεραπευτιϰά (Therapeutika)), en douze livres, atteste non seulement une érudition solide, mais une réelle indépendance de jugement, fondée sur une pratique personnelle[191]. Les autres ne sont plus guère que des compilateurs, qui abrègent les écrits de leurs devanciers. Citons, parmi eux, d’abord Aétios, contemporain d’Alexandre de Tralles, et auteur d’un Cours de médecine (Ἰατρικά), en seize livres, dont Photius nous donne une analyse détaillée (cod. 221)[192] ; puis Paul d’Égine, le dernier des médecins grecs, qui paraît avoir exercé son art à Alexandrie au viie siècle. Sa Chirurgie a continué à être étudiée comme un témoignage des connaissances et des méthodes des anciens[193]. Après lui, la médecine, comme toute science, prend fin dans le monde grec.

VIII

Sur les confins du néoplatonisme et du christianisme, se place, au début du ve siècle, un personnage secondaire, mais intéressant, en qui se révèle assez bien un des aspects de la société de ce temps. C’est Synésios, de Cyrène, d’abord païen, orateur et philosophe, puis chrétien et même évêque ; homme remarquable, bien qu’il n’ait été supérieur en rien, et digne d’attirer l’attention par son talent, ses qualités morales, et les circonstances mêmes de sa vie. Son œuvre formera pour nous comme une transition naturelle entre la littérature païenne et la littérature chrétienne de ces derniers siècles.

Né vers l’an 370, à Cyrène, Synésios était issu d’une des meilleures familles de la Pentapole[194]. Il fut élevé dans le paganisme. Sa première éducation achevée, il fréquenta les écoles supérieures d’Alexandrie ; il dut y suivre, entre 390 et 395 environ, les leçons d’Hypatie, qui semble avoir exercé une influence décisive sur la formation de son esprit. Sa correspondance témoigne de la reconnaissance affectueuse qu’il garda toujours pour elle. Elle l’initia sans doute aux mathématiques pures et appliquées, mais surtout à la philosophie platonicienne. Jeune encore, il fut chargé par sa ville natale, en 397, d’une mission auprès de l’empereur Aracadius. Pour s’en acquitter, il dut se rendre à Constantinople, où il paraît avoir séjourné jusque vers 400. Lui-même, dans son Hymne III, nous a laissé le vif témoignage de ce qu’il eut à y souffrir : sa nature, portée à l’étude, répugnait aux démarches, aux intrigues, aux négociations : les difficultés le décourageaient ; soufrant, désespéré, il priait tous les dieux de Constantinople et de Chalcédoine de lui venir en aide ; enfin, il réussit[195]. Dans les années qui suivirent, il eut l’occasion de visiter Athènes, où il ne trouva de grand que le souvenir du passé ; les maîtres d’alors, un Plutarque, un Syrianos, lui parurent fort au-dessous de ceux d’Alexandrie : « Athènes, écrivait-il, était autrefois le domicile de la sagesse ; aujourd’hui ce sont les fabricants de miel qui font sa gloire[196]. »

Il revint donc à Cyrène, s’y maria, et y vécut quelques années en grand propriétaire rural, administrant ses domaines, chassant, s’occupant de sa famille, et donnant tout le temps qui lui restait aux lettres et à la philosophie. Le goût de la retraite était dominant en lui, mais ne l’empêchait pas de s’occuper des affaires de la ville et de sa province. La Pentapole avait à souffrir des irruptions des bandes barbares du voisinage et aussi des caprices d’une administration despotique. Synésios organise la résistance aux brigands et usa de son influence en faveur du bien public. Il n’était pas encore chrétien, mais il inclinait de plus en plus au christianisme, sans doute sous l’influence de sa femme, et en cédant d’ailleurs à un mouvement général de l’opinion. En 409, l’évêché de Ptolémaïs étant devenu vacant, la voix publique le désigna pour ce poste, qui devait faire de lui le Métropolitain de la Pentapole. Il n’est pas certain qu’il eût encore reçu le baptême. Mais l’opinion distinguait mal entre le néoplatonicien mystique, sévère pour lui-même, secourable à tous, et le chrétien de profession. On voulait un évêque qui eût une grande situation sociale, une vertu et un talent reconnus, qui sût agir et parler : Synésios était l’homme nécessaire. Il le sentit lui-même et se résigna par dévouement, non sans scrupule. Le choix définitif dépendait du patriarche d’Alexandrie, Théophile. Nous avons la lettre que Synésios écrivit alors à son frère Énoptios, chargé, sans doute, de le représenter à Alexandria dans cette négociation. Il y fait très loyalement ses réserves, tant sur la doctrine que sur la discipline : il ne veut ni renoncer à ce qui lui parait vrai, ni rompre son mariage[197]. Nous ne savons pas au juste comment ces difficultés furent résolues. Toujours est-il que Synésios devint évêque[198].

Son épiscopat semble avoir été court, mais rement actif. Les misères de la Pentapole continuaient. Il fallait repousser les brigands, contenir les officiers impériaux, apaiser les dissentiments et les conflits de juridiction ecclésiastique. Synésios semble y avoir réussi, autant que cela était possible, à la fois par la fermeté et par la générosité. Nous lisons encore l’excommunication prononcée par lui en 408 contre le préfet de la Pentapole, Andronicos, et la lettre circulaire par laquelle il la communiquait aux autres évêques de la province[199]. Mais nous avons aussi une autre lettre au patriarche Théophile, où Synésios intervient pour ce même Andronicos disgracié et humilié[200]. On ignore la date de la mort de Synésios ; il est à croire qu’il ne vécut guère au delà de 413, car rien dans ses lettres ne paraît se rapporter à une date ultérieure. En mourant jeune, il échappa à la douleur d’apprendre la fin sanglante d’Hypatie en 415.

Ce qui subsiste de ses œuvres se compose de discours, de lettres et d’hymnes[201]. Synésios s’y montre homme d’esprit et de sens, doué d’une imagination agréable et d’un certain charme naturel, qualités un peu gâtées par le goût du temps et aussi par sa tendance aux spéculations nuageuses. Il n’aime guère la sophistique, bien qu’il en subisse malgré lui l’influence. Il plaît surtout par les qualités de son âme, par sa droiture, sa sincérité, sa générosité, son courage, et aussi par une finesse naturelle qui donne à ses jugements quelque chose de piquant. Dans les discours soutenus, il a de la dignité, de l’autorité, un ton grave, bien qu’il recherche trop la couleur poétique ; dans le genre familier, son élégance, un peu apprêtée, n’est ni sans grâce ni sans force.

Parmi les écrits de la première période de sa vie, il faut citer la harangue Sur la royauté, prononcée par Synésios devant Arcadius en 399, lors de son ambassade à Constantinople : œuvre pleine d’une noble franchise. — L’Éloge de la calvitie (Φαλαϰρὶας ἐγϰώμιον (Phalakrias egkômion)) est une composition sophistique, d’ailleurs spirituelle, où l’auteur s’amuse à plaider contre l’Éloge de la chevelure de Dion de Pruse. — Les Récits égyptiens ou De la Providence (Αἰγύπτιοι λόγοι ἤ περὶ προνοίας (Aiguptioi logoi ê peri pronoias)) paraissent avoir été composés à Constantinople ; Synésios feint d’y raconter la lutte d’Osiris et de Typhon, mais un avant-propos (Προθεωρία (Protheôria)) nous apprend qu’il s’agit du préfet Aurélius et de ses relations avec son frère[202]. — Le traité Sur les songes (Περὶ ἐνυπνίων (Peri enupniôn)), peu important par lui-même, n’a guère d’autre valeur que de fournir un document de plus sur les superstitions néoplatoniciennes. — Au même temps enfin appartient l’écrit Sur le don de l’astrolabe, adressé à un certain Péonios de Constantinople.

La causerie intitulée Dion, qui fut écrite par Synésios peu après son mariage, vers 405, représente à elle seule la période de sa maturité antérieure à sa conversion. Il y démontre avec agrément et justesse l’utilité d’une philosophie moyenne, qui puisse servir de transition entre la vie mondaine et la sagesse supérieure ; cette philosophie, l’auteur la trouve chez Dion, sur lequel il nous donne en passant des renseignements intéressants ; mais Dion n’est réellement que le prétexte de son développement, qui a pour sujet une question d’éducation et de discipline morale.

À la période de l’épiscopat de Synésios se rapportent deux homélies incomplètes et deux Discours (Καταστάσεις (Katastaseis)). Le premier, vraiment remarquable, a trait à l’irruption des barbares Macètes dans la Pentapole en 411. Le second, un peu antérieur par la date, est un éloge d’Anysios, préfet de la province de 405 à 407.

Mais au dessus de tous ces écrits, il faut placer la correspondance, qui contient 159 lettres, écrites entre 399 et 413 environ[203]. À la différence des lettres sophistiques dont nous avons eu à parler plus haut, celles-ci sont éminemment instructives, car elles sont pleines de faits, de jugements sur les personnes, de discussions sur les choses du jour, de récits, de confidences. Pour les historiens, c’est le principal document sur la Pentapole dans cette période de l’empire. Il est regrettable seulement qu’elles nous soient parvenues sans classement chronologique ; mais, assez souvent, les choses s’y classent d’elles-mêmes. Nous y voyons tantôt le voyageur, tantôt l’homme énergique préoccupé du salut de son pays, tantôt le méditatif studieux, tantôt l’évêque. Ses frères, ses condisciples, ses maîtres, ses amis figurent tour à tour dans cette sorte de galerie. Et dans ces lettres si instructives, il y a de la grâce, de l’enjouement, de la malice, quelquefois de l’éloquence.

En même temps que prosateur, Synésios voulut être poète. Il nous reste, comme échantillon de son talent poétique, dix hymnes, qui appartiennent à diverses périodes de sa vie[204]. Ces hymnes sont en dialecte dorien et en mètres anacréontiques ou logaédiques ; peut-être ont-ils été composés pour être chantés. Dans les uns, l’auteur, encore païen, s’épanche en effusions mystiques et en rêveries de métaphysique néoplatonicienne ; dans les autres, devenu chrétien, il change de dogmes, sans changer de ton. Au reste, chrétienne ou païenne, toute cette poésie est médiocre. Elle est prolixe, surchargée de formules et de redites, et, malgré certains traits de sentiment ou d’imagination, elle n’arrive jamais à créer l’expression dont elle a besoin. Les autres écrits de Synésios suffisaient à prouver qu’il y avait en lui certaines facultés poétiques ; mais le poète, au sens complet du mot, ne se montre pas plus dans ses hymnes qu’ailleurs.

IX
Nous avons dit déjà quelles causes avaient préparé la décadence littéraire du christianisme grec, jusque dans son essor du ive siècle. Il s’agit maintenant d’en montrer les effets dans chacun des principaux genres que le ive siècle avait vus fleurir.

L’historiographie ecclésiastique était née avec Eusèbe, dont nous avons apprécié l’initiative dans le précédent chapitre. Sans être ni un historien philosophe ni un grand critique, celui-ci, grâce à une idée juste et à une remarquable puissance de travail, avait ébauché, dans un genre ancien, une spécialité nouvelle, dont il avait au moins laisse entrevoir l’intérêt. Apres lui, cette spécialité ne demandait qu’à être cultivée pour grandir. Par malheur, elle était venue au monde trop tard ; le développement qu’elle attendait lui manqua.

Négligée, à ce qu’il semble, dans toute la seconde moitié du ive siècle, l’histoire ecclésiastique ne reprend faveur qu’au ve siècle. Il se trouve alors tout un groupe d’écrivains qui procèdent d’Eusèbe, et qui entreprennent de continuer son œuvre. Tous traitent à peu près le même sujet ; ils racontent l’histoire de l’Église sous Constantin et ses fils, sous Julien, Jovien, Valentinien, sous Théodose et ses fils, et ils la conduisent en général jusque vers le tiers du ve siècle. Ce qu’ils retracent, c’est donc l’établissement définitif du christianisme, sa victoire, et aussi la lutte de l’arianisme et de l’orthodoxie. Sujet bien fait assurément pour les inspirer, puisqu’il leur donnait à mettre en scène de grands événements, des conflits d’idées et de passions, des spectacles dramatiques, des hommes supérieurs, et qu’il leur fournissait encore le moyen de rassembler tous ces éléments d’intérêt dans une unité simple et naturelle. Mais c’est justement la beauté du sujet qui révèle leur insuffisance.

Entre leurs mains, l’œuvre ébauchée par Eusèbe ne fait pas de progrès. Narrateurs estimables, honnêtes, assez bien informés, écrivains médiocres, ils ne sont pas plus philosophes que lui. Les grandes choses leur échappent. Ils ne voient ni les causes profondes ni les conséquences lointaines. Ce sont des prêtres, des avocats, quelquefois des moines, jamais des hommes d’État. Tout se réduit pour eux à une série de détails, à des questions de dogme ou de discipline, à des faits sans portée, à la prédominance de certains hommes ou de certains partis. Leur avantage sur les historiens profanes du même temps, c’est qu’ils sont moins rhéteurs et surtout qu’ils traitent un sujet où il y a plus d’idées en jeu. Mais, en général, ils ne leur sont pas supérieurs par le jugement. Dans cette médiocrité, ils se ressemblent tous ; et c’est une raison de plus pour ne pas nous arrêter ici à chacun d’eux en particulier. Apres les avoir présentés en groupe, il suffira de signaler brièvement quelques noms et quelques œuvres.

Nous pouvons passer sur Philippe de Sidé et son Histoire du christianisme (publiée vers 430), sur Hésychios de Jérusalem, Timothée de Bérytos, Sabinos d’Héraclée, auteurs d’histoires ecclésiastiques ou d’ouvrages sur les conciles. Nous pouvons passer même sur Philostorge de Cappadoce, dont l’Histoire de l’Église, s’étendant depuis l’apparition d’Arius jusqu’à 423, avait principalement pour objet, suivant Photius, la glorification de l’arianisme. Tous ces auteurs ne nous sont plus connus que par des fragments, des extraits et des témoignages[205]. Les seuls noms qui aient pour nous quelque importance au ve siècle sont ceux de Socrate, de Sozomène et de Théodoret[206].

Socrate, le plus ancien des trois probablement, était un avocat de Constantinople, qui, vers le milieu du ve siècle, reprit le récit d’Eusèbe au point où il l’avait laissé et le conduisit jusqu’à son temps. La période qu’il embrasse ainsi dans son Histoire ecclésiastique en sept livres, va de 305 à 439. On loue avec raison son information, puisée dans les écrits, lettres ou souvenirs laissés par les personnages du temps, son esprit modéré, sa manière d’écrire simple et saine, quoique un peu sèche et monotone. Son ouvrage, intéressant par les faits qu’il retrace, se laisse lire sans effort ; mais il s’en faut de beaucoup que ce ne soit une grande œuvre[207].

Sozomène, de Salamine, un peu plus jeune que Socrate, fut, comme lui, avocat à Constantinople et traita à peu près le même sujet que lui dans son Histoire ecclésiastique, en neuf livres. La période qu’il embrasse est pourtant un peu plus courte (de 324 à 425). Inférieur à Socrate, Sozomène l’a quelquefois suivi de fort près, quelquefois même transcrit, et quelquefois aussi redressé[208].

Théodoret, évêque de Kyros en Syrie, est surtout un théologien, et nous parlerons bientôt de lui avec plus de détail. Mais il est aussi l’auteur d’une Histoire ecclésiastique, en cinq livres, composée vers 450. Bien qu’il y traite à peu près les mêmes faits que Socrate et Sozomène (de 323 à 428 environ), il semble indépendant de l’un et de l’autre. On y retrouve les qualités essentielles de son esprit ferme et sain, mais non une conception supérieure de l’histoire. Son récit n’en est pas moins d’une grande importance, comme témoignage et comme explication.

Ces trois noms constituent en somme un groupe assez imposant encore, dans l’historiographie chrétienne du ve siècle. Au vie siècle, le déclin est déjà bien plus sensible. Et ce n’est peut-être pas seulement parce que la culture générale s’abaisse, c’est aussi parce que les plus beaux sujets sont épuisés. L’histoire de l’Église, après 450, est loin d’offrir le même intérêt que dans la période antérieure. L’Arianisme avait été un grand mouvement, non seulement religieux, mais politique. Le Monophysitisme, le Nestorianisme ne sont plus que des disputes de théologiens.

Nommons seulement Eustathe d’Épiphanie en Syrie, auteur d’une chronique perdue qui allait jusqu’à 502 ; Théodose, dit le Lecteur (Ἀναγνώστης (Anagnôstês)), qui vers 530, continua, dans un récit en deux livres, l’histoire de Socrate, de Sozomène et de Théodoret jusqu’à l’année 527 ; Zacharie, le Rhéteur ou l’Avocat, plus tard évêque de Mitylène, en 536, qui conduisit un récit analogue de 450 environ jusqu’à 518 ; il ne subsiste de leurs œuvres que des fragments ou des traductions[209]. — Le seul historien marquant de ce temps est Évagrios[210]. Né à Épiphanie de Syrie vers 536, avocat à Antioche, questeur sous Tibère II (578-582), mêlé aux affaires religieuses comme conseiller du patriarche Grégoire d’Antioche au temps du concile de Constantinople de 588, préfet honoraire sous l’empereur Maurice (582-620), il mourut à Antioche vers la fin du VIe siècle. Cette vie active lui permit de mieux connaître les hommes et la politique. Comme historien, il a mis à profit cette expérience. S’étant proposé, selon ce qu’il déclare dans sa préface, de continuer, lui aussi, Socrate, Sozomène et Théodoret, il écrivit une Histoire ecclésiastique en six livres, qui va de 431 à 594. Bien informé et sincère, Évagrios, sans modifier d’ailleurs la méthode de ses prédécesseurs, se montre supérieur à eux par la valeur, tant historique que littéraire, de son récit. D’autres ouvrages d’histoire qu’il avait composés ne sont pas venus jusqu’à nous[211].

Avec Évagrios finit, à proprement parler, l’historiographie grecque ecclésiastique. C’est le temps, comme nous l’avons vu, où finissait aussi l’historiographie grecque profane. D’un côté comme de l’autre, nous aboutissons aux rédacteurs de chronologies, à Jean d’Antioche, à Jean Malalas, nommés plus haut, et, au-delà encore, à la littérature historique des moines byzantins. Il n’y a plus assez de culture d’esprit, plus assez de force de pensée dans le monde grec, pour qu’il s’y rencontre ni des écrivains capables de constituer un récit solide, ni des lecteurs capables de s’y intéresser.

X

Le même affaiblissement progressif se manifeste dans l’éloquence religieuse et dans l’exégèse. Le ve siècle a encore en ce genre d’assez grands noms, mais il en a peu ; comparé au siècle précédent, son infériorité est éclatante. Le vie siècle et les suivants s’enfoncent dans l’obscurité.

Au ive siècle, l’éloquence religieuse avait été brusquement comme soulevée de terre et portée très haut par les causes qui ont été signalées ci-dessus. Au ve siècle, elle profite encore de la force acquise, mais elle n’a plus le même élan. Les grands évêques du ive siècle, quel que fut l’emploi qu’ils fissent de leur talent, apologétique, discussions théologiques, homélie morale ou exégèse, créaient vraiment des genres nouveaux, ou portaient les anciens à leur perfection. Au ve siècle, les mieux doués ne font plus que continuer des traditions, que suivre des exemples ; ils n’ont plus et ne peuvent plus avoir ni le même essor ni la même originalité créatrice. D’ailleurs, la situation est moins favorable littérairement. Le paganisme n’a presque plus d’existence sociale, plus de force de résistance ouverte. Les discussions se resserrent entre orthodoxes et hérétiques. De plus, elles perdent en importance réelle, bien qu’elles excitent toujours les mêmes passions. La tendance rationaliste qui perçait encore sous l’Arianisme est définitivement vaincue. Il ne s’agit, dans le Nestorianisme ou l’Eutychianisme, que de vues théologiques particulières, qui, acceptées ou rejetées, ne peuvent changer le caractère essentiel de la croyance. L’enseignement même de la morale chrétienne n’a plus les mêmes stimulants ; car le christianisme élimine peu à peu de la vie sociale l’élément païen, de telle sorte que la contradiction latente diminue chaque jour. Enfin, les thèmes d’enseignement moral sont constitués, comme aussi ceux de la dévotion. On n’a donc plus les mêmes efforts à faire, et, comme il arrive en pareil cas, dès que l’intelligence cesse de créer, elle s’affaiblit, en raison de ses ressources mêmes.

Deux noms seulement sortent du commun au ve siècle, dans l’éloquence, la polémique, ou l’exégèse religieuses ; ce sont ceux de Théodoret et de Cyrille d’Alexandrie. Montrons brièvement ce qui fait leur supériorité ; nous grouperons ensuite auteur d’eux tous ceux qui n’ont qu’une importance secondaire.


Cyrille naquit probablement à Alexandrie vers 380[212]. Nous ne savons rien de précis sur sa famille ni sur sa jeunesse. En 404, nous le trouvons, en qualité de diacre, aux côtés de son oncle, le patriarche Théophile d’Alexandrie, qu’il accompagne à Constantinople : il l’assiste au conciliabule du Chêne, qui dépose Jean Chrysostome. À la mort de Théophile, en 412, Cyrille lui succède comme patriarche d’Alexandrie, après une élection qui semble avoir été violente. Socrate le représente comme dur et autoritaire ; il l’accuse d’avoir trempé dans l’assassinat d’Hypatie en 415. Nous ne sommes plus en mesure ni de vérifier ses assertions, ni de les réfuter. La dureté de Théophile à l’égard de Chrysostome laisse au moins planer sur Cyrille, associé à lui, un soupçon d’intolérance. Il ne consentit 1ui—même qu’en 417 à recevoir le nom de l’illustre banni dans les diptyques de son église.

Dans les quinze ou seize premières années de son patriarcat, il paraît surtout occupé à combattre les Novatiens, les Juifs et les Ariens. Puis, en 429, éclate la grande dispute théologique du Nestorianisme. Nestorios, patriarche de Constantinople, développant les enseignements de Diodore de Tarse et de Théodore de Mopsueste, affirme qu’il y a en Jésus-Christ deux personnes distinctes, l’une divine, l’autre humaine. Une partie des évêques d’Orient, notamment Théodoret et Jean d’Antioche, se rallient à son opinion. Cyrille se fait le défenseur ardent du sentiment contraire. Nestorios est condamné au concile de Rome, en 430, et Cyrille reçoit du pape Célestin mission de représenter l’orthodoxie au concile d’Éphèse, en 431. Il y porte douze anathèmes, où il a formulé la doctrine à condamner, et il les y fait sanctionner, malgré l’opposition des amis de Nestorios. Ceux-ci résistent encore. Cyrille tantôt les presse d’arguments, tantôt négocie avec eux. En 433, il leur fait signer une formule d’union qui met fin officiellement au schisme. Malgré cela, il continue à combattre ce qui peut subsister de résistance avouée ou inavouée, consciente ou inconsciente. Son rôle en face du Nestorianisme est fort analogue à celui qu’Athanase avait tenu au siècle précèdent en face de l’Arianisme ; avec cette grande différence, toutefois, que Cyrille, appuyé par l’autorité impériale, n’a point d’exils à redouter, point de persécutions à subir. Tout entier à sa tâche, il la poursuit pendant dix ans encore après la réconciliation de 433, et meurt en 444, ayant occupé le siège épiscopal d’Alexandrie pendant trente-deux ans.

Ses écrits très nombreux, bien qu’aujourd’hui incomplets[213], peuvent se répartir en trois groupes, selon la nature des sujets qu’ils traitent ; l’apologie générale de la religion chrétienne ; 2° discussion des opinions hétérodoxes, en particulier du Nestorianisme ; 3° exégèse, prédication et correspondance.

Le premier groupe est représenté pour nous par la Défense du Christianisme contre Julien, que nous avons eu déjà l’occasion de mentionner. Cette défense comprenait trente livres, dix pour chacun de ceux qu’il réfutait. Nous n’avons plus que les dix premiers, correspondant à un seul livre de Julien. C’est une œuvre d’argumentation serrée, savante, toujours ingénieuse, alors même qu’elle élude l’attaque, et loyale en ce sens qu’elle n’affaiblit pas les objections pour en triompher. Son plus grand tort logique est de recourir sans scrupule à l’explication par l’allégorie et de ne vouloir rien concéder a l’adversaire ; son tort moral est de l’injurier.

Le second groupe, comprenant tous les écrits contre les Ariens et surtout contre les Nestoriens, est de beaucoup le plus important. Nous ne pouvons les énumérer ici complètement. Mentionnons seulement les plus connus : les deux grands ouvrages Sur la Trinité, qui visent surtout les Ariens ; les trois Adresses sur la vraie foi, dédiées à Théodose II, à ses sœurs et à sa femme ; la Réfutation de Nestorios, en cinq livres ; l’Apologie des douze propositions ; le traité Sur l’Incarnation du Verbe divin ; écrits dirigés contre le Nestorianisme[214]. Cyrille s’y montre dialecticien tenace, abondant, doué d’une force logique incontestable, sachant découvrir et dépister tout ce qui peut servir l’opinion adverse, habile à se servir des textes, à en dégager le sens selon ses vues, à l’imposer, tant par le raisonnement que par l’autorité de la conviction. Il a de la force et aussi de la souplesse. Il est habile, tout en étant pressant et inflexible sur les opinions essentielles.

Le dernier groupe est le moins bien conservé. Il comprend un certain nombre d’Homélies, des Commentaires fragmentaires sur diverses parties de l’Ancien et du Nouveau Testament, enfin un recueil de 88 lettres[215]. Les qualités de l’esprit de Cyrille s’y retrouvent naturellement ; mais son originalité n’est pas là.

L’influence exercée par Cyrille est la meilleure preuve de son génie. Dans les questions de dogme soulevées au ve siècle, c’est lui qui a fait prévaloir ses définitions. Il a trouvé les formulas qui ont été acceptées par les conciles et qui sont devenues celles de l’orthodoxie. Son rôle dans l’histoire du christianisme est donc très grand. On n’impose pas ainsi ses opinions aux hommes sans les dominer par quelques hautes qualités. Les siennes étaient la netteté de l’esprit, la logique, la force de la volonté, la conviction. Personne au ve siècle n’est plus près que lui des grands évêques du ive, d’Athanase surtout ; et toutefois on ne peut dire qu’il soit tout à fait leur égal. Comme homme d’action, il n’a pas eu à déployer toutes les qualités exceptionnelles d’Athanase. Comme orateur, il n’a ni la gravité noble et douce de Basile, ni la grâce brillante de Grégoire de Nazianze, ni l’éloquence pleine, animée, tantôt touchante, tantôt mordante, de Chrysostome. Il est plus homme d’école ; il n’a ni le même naturel ni le même instinct de la beauté. Son style a de la force et s’éclaire assez fréquemment d’images justes et frappantes ; mais il est abstrait, artificiel, chargé d’expressions techniques ; chose curieuse, il rappelle celui d’Origène et de Clément, autant ou plus que celui de ses devanciers immédiats.

Théodoret, avec d’autres qualités d’esprit, est loin d’avoir, dans l’histoire religieuse du temps, la même importance que Cyrille[216]. Il n’a attaché son nom à l’établissement d’aucun dogme, il n’a remporté aucune victoire d’opinion ; il est seulement le dernier des grands docteurs de l’Église d’Orient.

Né vers 386 à Antioche, Théodoret put entendre encore, dans son enfance, la parole de Chrysostome et celle de Théodore de Mopsueste. Mais il est impossible qu’il ait été leur disciple au sens propre du mot, comme on l’a dit, puisque Chrysostome s’éloigna définitivement d’Antioche au début de l’année 398, et que Théodore de Mopsueste, à partir de 392, ne semble guère avoir quitté son diocèse de Cilicie. Théodoret s’instruisit dans le cloître. En 423, il fut nommé évêque de Kyrrhos, dans la Syrie du Nord, et il y resta jusqu’à sa mort qui eut lieu vers 458. Cet épiscopat de trente-cinq ans aurait été paisible sans les disputes soulevées par les opinions de Nestorios. Théodoret était le condisciple et l’ami de Nestorios, d’ailleurs, le tour de son esprit devait le porter plutôt vers l’opinion qui demandait en somme le moins de sacrifices à la raison. Il prit donc parti, avec Jean d’Antioche et un certain nombre d’évêques d’Orient, contre Cyrille, dont il fut le principal adversaire avant le concile d’Éphèse de 431, et même après, car il refusa de souscrire à la formule d’union de 433, et ne consentit enfin à condamner officiellement Nestorios qu’au concile de Chalcédoine en 451. Depuis quelques années déjà, il était alors en lutte avec les partisans d’Eutychès, et il avait été déposé en 449 par les évêques monophysites réunis à Éphèse ; mais l’empereur Marcien, d’accord avec le pape Léon, le rétablit en 450. En dehors de ces luttes, sa vie paraît avoir été consacrée surtout à l’étude et à ses devoirs d’évêque.

Doué d’une rare puissance de travail, Théodoret écrivit constamment. La plus grande partie de ses ouvrages est venue jusqu’à nous[217]. On peut les répartir en quatre groupes : 1° les œuvres historiques, comprenant l’Histoire ecclésiastique dont nous avons parlé plus haut, et quelques autres écrits du moindre importance ; 2° les œuvres oratoires, homélies, sermons, panégyriques, dont il reste peu de chose, et les Lettres, au nombre de 48 ; 3° les œuvres apologétiques et exégétiques, ces dernières formant un ensemble considérable de commentaires sur l’Ancien et le Nouveau Testament ; 4° les œuvres de polémique.

Les œuvres oratoires et les œuvres de polémique, quels qu’aient été leur succès et leur influence, sont ce qu’il y a de moins remarquable dans cet ensemble. Photius nous a conservé des fragments de cinq discours à la louange de Chrysostome, qui durent être prononcés en 438, lorsque les restes de l’illustre banni furent ramenés à Constantinople. Le genre du panégyrique convenait peu à l’esprit sobre et mesuré de Théodoret ; ces discours hyperboliques sont d’un homme qui force son talent. Les principales œuvres de polémique sont la Réfutation des anathèmes de Cyrille, les Cinq discours (Πενταλόγιον (Pentalogion)) dirigés contre le même adversaire, et le traité intitulé Le Repas par écot (Ἐρανιστής (Eranistês)), où il combat le Monophysisme d’Eutychès en le rattachant à ses origines. Toutes ces œuvres sont d’une pensée vigoureuse, qui s’appuie sur une connaissance solide des textes. Mais les variations mêmes de Théodoret à propos du Nestorianisme montrent qu’il était plus fait pour la recherche que pour la polémique. Il n’était pas de ceux qui imposent leurs idées, à force de s’y attacher.

Ce qui a fait vivre son nom, ce sont ses écrits historiques, ses écrits apologétiques et ses écrits exégétiques. Nous ne reviendrons pas sur les premières ; d’autant que leurs plus remarquables qualités sont justement celles que nous avons à faire ressortir dans les autres.

Sa grande œuvre apologétique est la Démonstration de la vérité chrétienne d’après la philosophie hellénique (Εὐαγγελιϰῆς ἀληθείας ἐξ ἑλληνιϰῆς φιλοσοφίας ἐπιγνωσις (Euaggelikês alêtheias ex hellênikês filosofias epignôsis), intitulée aussi Ἑλληνιϰῶν θεραπευτιϰὴ παθημάτων (Hellênikôn therapeutikê pathêmatôn), qui comprend douze livres et semble avoir été composée dans les premières années de son épiscopat. L’auteur y compare les vues des écoles grecques et celles du christianisme sur les principales questions de la philosophie. Si l’on en considère le fond, cela n’est pas très original ; l’auteur n’a pas de vues personnelles ; il emprunte largement à ses devanciers, en particulier aux Stromates de Clément d’Alexandrie et à la Préparation évangélique d’Eusèbe. Mais il sait dégager et poser les questions, embrasser des ensembles, composer des développements bien faits. De plus, il écrit clairement et sobrement, non sans un certain agrément. On peut en rapprocher les dix Discours sur la Providence, composés vers 432, qui forment comme un traité en dix chapitres sur un des points essentiels de la philosophie religieuse. Dans ces deux séries d’œuvres, Théodoret procède de l’hellénisme qu’il combat ; il y tient, quoi qu’il fasse, par ses idées, par sa méthode, par son talent même d’exposition.

Son œuvre d’exégète est bien plus considérable ; elle est aussi, par sa nature même, plus spéciale ; mais elle présente les mêmes caractères. Photius, qui cite quelques-uns des commentaires de Théodoret sur diverses parties de l’Écriture, les met au-dessus de tous les autres[218]. Il en loue la solidité, la pénétration, et en même temps la clarté, l’ordre, la sobriété, la forme simple, élégante sans affectation, éminemment appropriée à l’exégèse. Ces éloges ne semblent pas immérités. Théodoret a hérité des meilleures habitudes de l’école d’Antioche. Il tient d’elle la prudence, le goût des explications solides, le mépris des fantaisies allégoriques. C’est son mérite ; mais ce mérite renferme en lui-même sa restriction : Théodoret n’est créateur en rien. Il clôt dignement une très estimable tradition, mais il n’apportait aucun germe d’où pût naître quelque chose de nouveau. On n’est pas surpris qu’après lui il n’y ait plus rien, ou peu s’en faut.

XI
Si l’on met à part ces deux hommes remarquables, les divers genres où ils ont brillé ne comptent à partir du ve siècle que des noms peu connus.

L’éloquence religieuse est représentée surtout dans la première moitié de ce siècle par Acakios de Beroë et Severianos de Gabala, dont il nous reste quelques discours ; un peu plus tard, par Proclos, Théodotos d’Ancyre, Eusèbe d’Alexandrie, un des successeurs de Cyrille ; puis, vers la fin du ve siècle, elle disparaît pour nous. L’apologétique et la théologie, en tant qu’elles touchent à la littérature, ont à peu près le même sort. On cite, au début du ve siècle, Macarios de Magnésie, qui compose, vers 410, une grande œuvre d’apologie, publiée très incomplètement en 1876[219] ; Némésios d’Émèse, du même temps, auteur d’un traité philosophique Sur la nature de l’homme, où se marque fortement l’influence du néoplatonisme[220] ; puis au vie siècle, Jean Philoponos, le grammairien d’Alexandrie que nous avons déjà nommé, auteur de plusieurs traités théologiques perdus[221]. Mais le seul ouvrage de ce genre qui ait exercé une durable influence, c’est la collection des œuvres de théologie mystique du faux Denys l’Aréopagite[222]. La date en est incertaine ; toutefois, elles ne peuvent être antérieures a la fin du ive siècle, et elles appartiennent plus probablement au ve ou au vie siècle. Ces œuvres n’intéressent guère la littérature ; mais il était impossible de ne pas les mentionner ici, car elles représentent comme la forme chrétienne du néoplatonisme, et elles ont été, parmi les legs de l’antiquité grecque, un des plus appréciés du moyen-âge.

Dans le même ordre d’idées, il faut signaler d’un mot la littérature mystique qui se développe au ve siècle avec la vie monastique. Les monuments littéraires les plus intéressants qu’elle ait laissés sont : d’une part, l’Histoire des saints ascètes adressée par Palladios à un certain Lausos (Historia Lausiaca, Ἡ πρὸς Λαῦσον ἱστορία (Hê pros Lauson historia)), et composée vers 420 ; d’autre part, les œuvres variées de S. Nil, qui mourut au Mont Sinaï vers 430[223]. Au reste, ce mysticisme n’ayant pas donné lieu à une véritable création littéraire, nous n’avons pas à y insister autrement.

On ne peut pas dire que la théologie finisse et s’éteigne tout à fait dans le monde grec comme la littérature profane. La vie religieuse demeurant active, elle se perpétue, sans noms bien marquants, à travers les vie, viie et viiie siècles, avec Anastase d’Antioche (vie siècle), Eulogios d’Alexandrie et Maxime le Confesseur (viie siècle). Elle aboutit même, d’une manière inattendue, à un homme remarquable, non seulement par l’étendue de son savoir, mais aussi par la force et la variété de son génie, Jean de Damas (viiie siècle), qui la relève et qui en marque la fin. Son grand ouvrage, la Source de la connaissance (Πηγὴ γνώσεως (Pêgê gnôseôs)), en résumant, au point de vue de l’orthodoxie, le savoir doctrinal et philosophique approprié aux besoins du temps, fait disparaître jusqu’au désir de l’augmenter[224]. Il marque donc comme le terme extrême où vient expirer l’effort de la pensée grecque.


Ce rapide aperçu des derniers siècles de la littérature grecque chrétienne devrait être complété par quelques indications sur la poésie religieuse, s’il y avait vraiment en ce temps une poésie religieuse qui pût se rattacher à la tradition hellénique. Mais celle qui essaie de garder la forme classique se réduit vraiment à trop peu de chose.

Nous avons parlé plus haut de la paraphrase de l’Évangile de S. Jean par Nonnos au début du ve siècle et des poèmes religieux de Georges de Pisidie (commencement du viie siècle)[225]. Cela suffit pour caractériser ce genre, et nous n’aurions rien de plus a en dire quand nous jugerions à propos de citer des œuvres intermédiaires, telles que les récits dévots de l’impératrice Eudocie, femme de l’empereur Théodose II (408-450)[226]. — La vraie poésie religieuse de ce temps est celle des Chanteurs (Μελῳδοί (Melôdoi)), qui commence au vie siècle avec les hymnes de Romanos et se perpétue, non sans éclat, jusqu’aux Canons de Jean de Damas et de son frère Cosmas, au viiie[227]. Celle-là du moins est naïve et sincère, elle a sa beauté ; mais elle est doublement étrangère a la tradition classique : car, d’une part, elle s’inspire uniquement du pur sentiment chrétien, et d’autre part, elle use de la versification dite « rythmique », fondée sur l’accent tonique et non sur la quantité. Elle a sa place marquée dans une histoire de la littérature chrétienne, mais non dans une histoire générale de la littérature grecque.


Nous voici donc arrivés au terme de cette longue étude qui embrasse une succession ininterrompue d’environ dix-sept siècles. Elle a commencé dans la Grèce primitive, préhistorique, avec les prédécesseurs mal connus d’Homère ; elle vient s’achever dans les cloîtres d’Orient, vers le temps où Héraclius prend parti pour les Monothélites et laisse démembrer son empire par les Arabes.

C’est en effet entre les mains du clergé que tout ce qui reste de littérature est à peu près concentré à partir du viie siècle ; aucune forme de pensée ne subsiste, qui ne soit marquée des préoccupations ecclésiastiques. Par suite, tout le mouvement des esprits est circonscrit dans des disputes d’orthodoxie. Plus de recherche, plus d’essor libre d’imagination, plus de philosophie ni d’éloquence. L’hellénisme a cessé d’exister, et le byzantinisme lui succède.

Mais cet hellénisme, qui disparaît, demeure en réalité comme un des éléments les plus durables et les plus importants du patrimoine moral de l’humanité. Enveloppé d’oubli, ou mal compris et mal apprécié pendant plusieurs siècles, il reparaîtra au temps de la Renaissance avec un éclat admirable ; et il suffira qu’il reparaisse pour que le monde soit transformé. Par lui, le moyen-âge prendra fin tout à coup ; et voici que, dans une société avide de pensées et de connaissances, il jettera, comme une semence féconde, toutes les idées qui constitueront un jour la science et la conscience modernes. Une puissance merveilleuse sortira de lui : puissance de recherche et puissance de création à la fois ; tout un afflux de poésie, de morale, de religion humaine, de beauté ; un rayonnement soudain de vérité, qui éclairera tous les problèmes, ou qui les fera brusquement apparaître ; une force irrésistible, qui secouera les préjugés, qui ébranlera même les institutions sociales, et qui poussera l’homme vers l’avenir. Rien de pareil, si l’on y songe, n’a été vu nulle part. Les autres grands mouvements qui ont agité l’humanité se sont affaiblis peu à peu ou transformés. Mais l’influence de l’hellénisme, une fois restaurée, n’a jamais diminué en réalité ; car les autres influences qui peuvent paraître lui succéder dans le monde moderne procèdent de la sienne et n’en sont que la continuation. Et cela tient à une raison bien simple : c’est que l’hellénisme n’avait été que le développement libre de la nature, en ce qu’elle a de meilleur et de plus nécessaire. En le retrouvant, l’humanité n’a fait que se retrouver elle-même et que renouer sa tradition.

  1. Sur la démarcation à établir entre la littérature grecque proprement dite et la littérature byzantine, voir les réflexions très justes de Krumbacher, Gesch. d. bysantin. Litteratur, Introd. § 1.
  2. Théodose d’Alexandrie ; Commentaires sur la grammaire de Denys le Thrace (Theod. Alexand. Grammatica, éd.Göttling, Leipzig, 1822) ; Règles de la déclinaison et de la conjugaison, dans Bekker, Anecd. gr. 974-1061 ; Abrégé de la prosodie d’Hérodien, aussi attribué à Arcadius d’Antioche (éd. M. Schmidt, 1860). — Timothée de Gaza : Règles générales de syntaxe (Cramer, Anecd. Par. IV, 239) ; autres ouvrages, v. Suidas, Τιμόθεος. Jean Philoponos : Sur les dialectes (Append. au Thesaurus d’H. Estienne) ; Règles d’accentuation (éd. Dindorf, Leipzig, 1825) ; Sur les mots dont le sens change selon l’accent (éd. Egenolff, 1880). Nous avons de lui, en outre, des Commentaires sur les Analytiques d’Aristote, publiés dans l’édition de l’Acad. de Berlin. — Georges Chœroboscos : Commentaires sur les règles de Théodose (Gaisford, Oxford, 1842) et Chærobosci scholia in canones verbales, éd. A. Hilgard, Leipzig, 1894 ; Sur l’orthographe (Cramer, Anecd. d’Oxford, t. II) ; Sur les accents (Bekker, Anecd. gr., 703-8), Commentaires sur Héphestion (Studemund, Anecdota varia græca, I, 31-96). — Théodoret, Sur les esprits, Jean Charax, Sur les enclitiques (Bekker, Anecd. gr., 1149-56), Commentaires sur Théodose, Traité de l’orthographe (Bekker, Anecd. gr., 1127). — Sur tous ces grammairiens, voir Krumbacher, Gesch. d. byz. Litter., § 137 et suiv.
  3. Sur le faux Ammonios, voir Pauly-Wissowa, Ammonios, 17. L’auteur de cette notice, Cohn, pense que le remaniement en question date de l’époque byzantine et que l’ouvrage ainsi transformé a été faussement attribué à Ammonios, grammairien et prêtre égyptien, qui dut quitter Alexandrie pour Constantinople en 389 (Socr., Hist. eccl., V, 16). La dernière édition est encore celle de C. F. Ammon, Erlangen, 1787.
  4. Suidas, Ὠρίων Θηβαῖος ; Marinos. Vie de Proclos, chap. VIII ; Tzetzès, Chil. X, 60.
  5. Notamment Héraclide de Pont, Apollodore, Philoxène, le médecin Soranos, les grammairiens du second siècle, Irénée, Apollonios Dyscole, Hérodien et un certain Oros de Milet qui a été quelquefois confondu avec lui.
  6. Les Étymologiques ont été plusieurs fois publiés. La seule édition d’ensemble est encore celle de Sturz, Etymologica, Leipzig, 1816-1820, qui contient les fragments d’Orion. Elle a été complétée par Cramer, Anecd. Par., IV, et Miller, Mélanges, p. 1-318. L’Etymologicum magnum a été grandement amélioré dans l’éd. de Th. Gaisford, Oxford. 1848. Sur l’histoire des Étymologiques, il faut consulter aujourd’hui Reitzenstein, Geschichte der griechischen Etymologica, 1897.
  7. Le même sans doute dont nous avons parlé au chap. III et qui vivait sous Adrien (ci-dessus, p. 627).
  8. L’édition usitée est celle de Mor. Schmidt. Iéna, 1857. 4 vol. Le même savant a donné en 1864 une editio minor en un seul volume, qui est d’un usage commode.
  9. Ce lexique grec de Cyrille ne doit pas être confondu avec le glossaire grec-latin qui porte le même nom. Disons à ce propos que nous n’avons pas cru devoir parler dans ce livre d’ouvrages qui non seulement n’ont par eux-mêmes rien de littéraire, mais qui ne se rapportent même pas aux auteurs classiques, tels que les Ἑρμηνεύματα (Hermeneumata) du pseudo-Dosithée, le glossaire latin-grec de Philoxène et ce glossaire grec-latin de Cyrille.
  10. Suidas, Ἑλλάδιος Ἀλεξανδρεύς (Helladios Alexandreus). Cf. Suidas, Préface. Photios, cod. 145 et 279 ; les Χρησθομάθειαι (Chresthomatheiai) citées et analysées dans ce dernier passage ne me paraissent pas distinctes du Λεξιϰόν (Lexicon), dont on a voulu faire un autre ouvrage ; en tout cas, les deux recueils étaient de même nature. Le Λεξιϰόν (Lexicon) était, selon Photius, le plus étendu des recueils de ce genre.
  11. Krumbacher, Gesch. d. byzant. Litter., § 129-135.
  12. Suidas, Ἡσύχιος Μιλήσιος (Hêsuchios Milêsios). Dans cet article, Suidas désigne l’Ὀνοματολόγος (Onomatologos) comme la principale source de son propre Lexique. Fragments dans C. Müller, Hist. græc. frag., t. IV, p. 155-177. — Sur les autres œuvres historiques d’Hésychios, voir plus loin.
  13. Édition de Gaisford, 3 vol., Oxford, 1834 ; de Bernhardy, avec trad. lat. et annotation critique, Halle, 1834-53 ; d’Em. Bekker, Berlin, 1854.
  14. Voir, au tome III, dans la bibliographie des principaux poètes dramatiques, l’indication des pièces qui étaient seules étudiées dans les écoles du bas-empire et de l’époque byzantine.
  15. Photius nomme l’auteur sans en rien dire. Suidas, Πρόϰλος (Proklos) attribue la Chrestomathie au philosophe néoplatonicien ; de même, le scoliaste de Grégoire de Nazianze (Patrol. gr., Migne, 36, 914, c). C’était la tradition byzantine. Welcker, Ep. Cyclus, I, p. 3 et II, p. 508, a contesté cette attribution, et son opinion a été généralement adoptée depuis lors, peut-être sans raison suffisante. Eutychius Proculus de Sikka, maître de Marc-Aurèle, auquel il l’attribuait, était un grammairien latin, et non un Grec (Capitol., Marcus, 2). Les autres attributions sont tout à fait arbitraires ou incertaines. Wilamowitz (Phil. Unters., VII, 330) revient à la tradition byzantine, et Christ (Gesch. d. Griech. Liter., § 374) incline vers son opinion.
  16. Procli Chrestomathiæ grammaticæ fragmenta dans les Scriptores metrici græci, t. I, de Westphal (Bibl. Teubner). Outre les extraits de Photius, ce volume contient quelques fragments du même ouvrage tirés de deux mss. de l’Iliade (Venetus, 484 et Escorialensis).
  17. Les sources des Ἐϰλογαί (Eklogai) de Sopatros sont énumérées par Photius dans son analyse (cod. 161). Ce recueil formait douze livres ; le septième était constitué par des extraits d’Hérodote ; le onzième, par des extraits de diverses Vies de Plutarque. L’ouvrage s’adressait, comme l’auteur le déclarait dans sa préface, aux apprentis sophistes, auxquels il devait fournir toute une provision de connaissances (Phot., p. 105, col. 1, l. 10, éd. Bekker).
  18. Il cite des passages du néoplatonicien Hiéroclès, qui enseignait à la fin du vie siècle ; et, d’autre part, il ne peut avoir vécu beaucoup plus tard, car il est tout païen.
  19. Cette ordonnance primitive nous est connue, ainsi que les détails qui précédent, par l’analyse de Photius (cod. 167).
  20. L’édition de Gessner, Zurich, 1549, qui a constitué la vulgate, non seulement altérait l’ordre primitif, mais avait ajouté de nouveaux extraits à ceux du ms. On est revenu au ms. dans les éditions successives, notamment dans celle de Meineke (4 vol., Bibl. Teubner). Mais l’ordre primitif n’a été reconstitué que par Vachsmuth et House ; les deux premiers volumes de leur édition ont paru à Berlin en 1884, le troisième en 1893.
  21. Sur les divers Gnomologes grecs, consulter Wachsmuth, Studien zu den griechischen Florilegien, Berlin, 1882 ; A. Elter, De gnomologiorum græcorum historia atque origine. Bonn, 1897 ; Krumbacher, Gesch. d. byz Litter. § 150 et suiv.
  22. Parœmiographi Græci, éd. Von Leutsch et Schneidewin. Gœttingue, 1839. — Ouvrage critique : O. Crusius, Analecta critica ad parœmiographos græcos, Leipzig, 1883.
  23. Krumbacher, Gesch. d. byz. Litter., § 152-153.
  24. Suidas, Ἀφθόνιος (Aphthonios). — Shæfer, De Aphthonio sophista, Breslau, 1854. Brzoska, art. Aphthonios, I, dans Pauly-Wissowa.
  25. Éditions modernes : Walz, Rhet. gr., t. I ; Spengel, Rhet. gr., t. II.
  26. Commentaires de Mathieu de Camara (Walz, I, 12 et II, 1) ; Scolies aldines, publiées par Alde dans ses Rhetores græci, II, 1509 ; Scolies anonymes (Spengel, Rh. gr. II, 81).
  27. Publiées au complet par Nevelet dans sa collection de Fables. Vingt-deux de ces fables, celles qui appartiennent en propre à Aphthonios, figurent dans les Fabulæ Æsopicæ de Furia, Lipsiæ, 1810, sous les nos 200 à 222.
  28. Ses déclamations, citées par Photius (cod. 133), sont perdues.
  29. Syrianos, Commentaria in Hermogenem. éd. Babe, Lipsiæ, 1891, (Bibl. Teubner) ; Sopatros et Marcellin, Valz, Rhet. gr., t. VIII ; Troilos, t. VI. On peut ajouter ici un certain nombre de rhéteurs qui semblent avoir vécu entre le iiie et le vie siècle : Tibérios, postérieur à Apsinès (Περὶ τῶν παρὰ Δημοσθένει σχημάτων (Peri tôn para Dêmosthenei schêmatôn), Walz, XIII, 527 ; Spengel, I, 60) ; Phœbammon (Περὶ σχημάτων ῥητοριϰῶν (Peri schêmatôn rhêtorikôn), Walz, VIII, 492 ; Spengel, I, 44) ; Ælius Hérodien, Polybe de Sardes, Zonéos, et plusieurs anonymes, qui ont traité les mêmes sujets (Walz, t. VIII ; Spengel, t. I).
  30. Krumbacher, Gesch. d. Byz. Litter., c. 86.
  31. Schol. du ms. palatin de l’Anthol. à propos de la Description de l’Univers de Jean de Gaza : Ἡ πόλις αὖτη φιλόμουσος ἦν ϰαὶ περὶ τοὺς λόγους εἰς ἄρχον ἐληλαϰυῖα (Hê polis autê philomousos ên kai peri tous logous eis archon elêlakuia). K. Seitz, Die Schule von Gaza, Dissert., Heidelberg, 1892.
  32. Suidas, Τιμόθεος (Timotheos). Fragments, A. Cramer, Anecd. Oxon. IV, p. 263-269 ; Anecd. Paris, IV, p. 239-244.
  33. Art. Aineias, 4, dans Pauly-Wissowa. Édition du Théophraste par Boissonade, Paris, 1836.
  34. Plusieurs titres de discours de Procope sont cités par les Byzantins. Photius (cod. 160) Τούτου λόγοι πολλοί τε ϰαὶ παντοδαποὶ φέρονται, ἄξιον ζήλου ϰαὶ μιμήζεος χρῆμα (Toutou logos polloi te kai pantodapoi pherontai, axion zêlou mimêseôs chrêma). Il loue particulièrement des exercices de style sur Homère, qui semblent avoir consisté à mettre en prose sous plusieurs formes les vers du poète. On a publié de lui un Panégyrique de l’empereur Anastase (Villoison, Anecd. gr. II, p. 28-45) ; reproduit avec les œuvres de Dexippe et d’Eunape, dans l’édition de Rome, 1829. Ses Lettres figurent dans les Epistolographi Græci de la collection Didot ; nous y reviendrons un peu plus loin.
  35. Photius, cod. 160.
  36. Choricii Gazæi orationes, declamationes, fragmenta éd. Boissonade, Paris, 1846. Compléments : Graux, Rev. de Philol., 1877 ; Rich. Fœrster, Mél. Graux, p. 639, et Choricii orationes nuptiales duo éd. B. Fœrster, Vratisl., 1891.
  37. Suidas. Ἀχιλλεὺς Τάτιος (Achilleus Tatios). Photius, cod. 87. E. Rohde, Der Griech. Roman, p. 472. W. Schmid, art. Achilleus Tatios, n° I, dans Pauly-Wissowa. Selon Suidas, Achille Tatios serait devenu chrétien, puis évêque.
  38. Photius, cod. 87 : Καὶ λέξει ϰαὶ συνήϰῃ δοϰεῖν διαπρέπειν,.. ἀφοριστιϰαὶ τε ϰαὶ σαφεῖς ϰαὶ τὸ ἡδὺ φέρουσαι ἁι πλεῖσται περίοδοι ϰαὶ τὴν ἀϰοὴν τῷ ἤχῳ λειαίνουσαι. (Kai lexei kai sunthêkê dokei diaprepein,.. aphoristikai te kai sapheis kai to hêdu pherousai hai pleistai periodoi kai tên akoên tô êchô leiainousai).
  39. Ibid. τὸ λίαν ὑπέραισχρον ϰαὶ ἀϰάθαρτον τῶν γνωμῶν (to lian huperaischron kai akatharton tôn gnômôn).
  40. Sur Chariton, voir surtout E. Rohde, Der Griech. Roman, p. 408 et suiv. ; il considère cette indication comme allégorique, sans raisons bien solides, à mon avis.
  41. E. Rohde, p. 489, note 3 et p. 492. Certaines ressemblances avec Achille Tatios ne permettent pas de déterminer lequel a imité l’autre.
  42. En réalité, Hermocrate était mort en 408, avant la fin de la guerre du Péloponnèse, et la révolte de l’Égypte n’eut lieu que sous le règne d’Ochus.
  43. Par exemple, la beauté de Callirrhoé, que personne ne peut voir sans être frappé de stupeur, ou encore la Renommée (Φήμη (Phêmê), dont Chariton se sert pour faire porter au loin les nouvelles, quand cela lui est commode.
  44. E. Rohde, Der Griech. Roman, p. 521 et suiv. Krumbacher, Gesch. d. byzant. Litt., § 156.
  45. Ces différents opuscules ou chapitres détachés se trouvent en tête des Epistolographi græci de Hercher, Bibl. Didot, Paris, 1871.
  46. Didot, p. 7 Ἡ γὰρ ὑπὲρ τὸ δέον ὑψήγορία ϰαὶ τὸ τῆς φράσεως ὑπερογϰον ϰαὶ τὸ ὑπεραττιϰίζειν ἀλλότριον τοῦ τῶν ἐπιστολῶν χαραϰτῆρος ϰαθέστήϰεν, ὡς πάντες οἱ παλαιοὶ μαρτυροῦσι (Hê gar huper to deon hupsêgoria kai to tês phraseôs huperogkon kai to huperattikizein allotrion tou tôn epistolôn charaktêros kathestêken, hôs pantes hoi palaioi marturousi). Et il rappelle le précepte de Philostrate δεῖ τὴν τῆς ἐπιστολῆς φράσιν… μήτε λίαν ὑψηλὴν εἴναι μήτε ταπεινὴν ἄγαν, ἀλλὰ μέσήν τινα. (dei tês epistolês phrasin… mête lian hupêlên einai mête tapeinên agan, alla mesên tina).
  47. Epistol. græci, Hercher, p. 259.
  48. Même recueil, p. 24.
  49. Même recueil, p. 533. Photius, cod. 160.
  50. Il est remarquable, en particulier, que ses nombreuses lettres à ses frères, Philippe, Zacharie, Victor, ne nous permettent qu’à peine de reconstituer à grands traits l’histoire de sa famille. Zacharie et Philippe semblent avoir occupé de grandes charges à Constantinople.
  51. Suidas (Μελέσηρμος) cite un sophiste Mélésermos, d’époque inconnue, auteur de Lettres de courtisanes, de paysans, de cuisiniers, de généraux, etc.
  52. Sur Aristénète, voir Boissonade, préface de son édition ; F. Passow, art.  Aristænetos dans l’Encycl. d’Ersch et Gruber ; W. Schmid, art.  Aristænetos, no 8, dans l’encyclop. de Pauly-Wissowa.
  53. Éd. princeps de Sambucus, 1566, d’après le ms. unique (Vindobonensis, 310 ; voir Hercher, Hermes, V, 281). Nombreuses éditions francaises au xviie siècle. Éditions récentes ; Boissonade, Paris, 1822 ; Hercher, Epistol. græci, de Didot, p. 133-171.
  54. La lettre I, 26, mentionne le même Karamallos, dont Sulpice Apollinaire parle comme d’un contemporain. Emprunts d’Aristénète à Achille Tatios (Rohde, Griech. Roman, 19, 473, note 1) et à Musée (C. Dilthey, De Callimachi Cydippa, p. 31).
  55. Epistol. græci de Hercher, p. 763-786. Krumbacher, Gesch. d. byzant. Litter., § xv, 2.
  56. Cf. ci-dessus, p. 150. Elles forment la plus grande partie du recueil des Epistolographi græci de Hercher dans la collection Didot. Citons notamment les lettres de Phalaris, d’Anacharsis, de Solon, de Thémistocle, de Socrate, etc., jusqu’à celles d’Apollonios de Tyane.
  57. La publication de la dissertation de Richard Bentley (De epistolis Phalaridis, Themistoclis, etc., 1697) a fait époque, comme on sait, dans l’histoire de la critique. Cette dissertation, traduite en latin par Lennep (Groningue, 1774, et Bentleii opuscula philolog., Lipsiæ, 1823), et réimprimée aussi en anglais (Biblioth. philolog. de Calvary ; R. Bentley, Dissertation upon the letters of Phalaris and 4 other critical works, with introduction and notes by W. Wagner, 1874), ouvrait en effet la voie à des recherches analogues. Voir Westermann, De epistolarum scriptoribus græcis, Leipzig, 1851-58.
  58. Sur leurs poèmes relatifs à la révolte du Goth Gaïnas, et sur le succès qu’ils obtinrent, voir Socrate, Hist. eccl., VI, 6 et Etymol magn., Μιμαλῶνες (Mimalônes).
  59. Suidas, Χριστόδωρος Πανίσϰου (Christodôros Paniskou). Christodoros, de Coptos en Égypte, fut une manière de grand homme au temps de l’empereur Anastase (491-518). Il célébra la soumission de l’Isaurie révoltée dans une épopée en six livres (Ἰσαυριϰά (Isaurika)). Sa spécialité était de chanter les souvenirs glorieux des villes, de celles sans doute qui le payaient bien. Épopée en douze chants sur Constantinople, épopée en vingt-cinq chants sur Thessalonique, autres épopées sur Naclé de Syrie, sur Tralles, sur Aphrodisias, sur Milet, sur la Lydie, etc. Nous n’avons plus de lui que deux épitaphes emphatiques à la mémoire de son bienfaiteur Jean d’Épidamne (Anthol. Pal., VII, 697 et 698) et un poème, en 416 hexamétres, intitulé Description des statues destinées au Zeuxippe, gymnase de Constantinople (Anthol. Pal., l. II). Au point de vue littéraire, c’est peu de chose, mais c’est assez.
  60. Jean de Gaza, qui vivait vers 530, appartient à l’école de Gaza mentionnée plus haut. Il nous a laissé une description boursouflée d’une carte du monde (Ἔϰφρασις τοῦ ϰοσμικοῦ πίναϰος (Ekphrasis tou kosmikou pinakos)), conservée dans le ms. palatin de l’Anthologie, éditée par Fr. Graefe, Leipzig, 1822, et plus récemment par Abel, Berlin, 1882.
  61. Agathias, IV, 23 : Anthol., IX, 198.
  62. Eunape, V. d. Soph., p. 192, l. 19, Didot : τὸ δὲ ἔθνος ἐπὶ ποιητικῇ μὲν σφόδρα μαίνονται, ὁ δὲ σπουδαῖος Ἑρμῆς αὐτῶν ἀποκεχώρηϰεν (to de ethnos epi poiêtikê men sphodra mainontai, ho de spoudaios Hermês autôn apokechôrêken).
  63. Notons aussi que, selon Ludwich, Rhein. Mus., 42, 233, Nonnos aurait imité quelques vers de Grégoire de Nazianze.
  64. Pour la bibliographie de Nonnos, voir la Préf. de l’édition de Kœchly. Celle-ci, qui fait partie de la Bibl. Teubner, est aujourd’hui encore la meilleure ; Leipzig, 1857.
  65. XIII, 1-7 et 19-20 : Ἀλϰήεις Διόνυσε, τεὸς γενέτής σε ϰελεύει Εὐσεϐίης ἀδίδαϰτον ἀιστῶσαι γένος Ἰνδῶν. (Alkêeis Dionuse, teos genetês se keleuei Eusebiês adidakton aistôsai genos Indôn.)
  66. Les sources de son invention sont encore mal déterminées. Il a dû puiser dans les poètes alexandrins et dans les mythographes ; il n’est pas douteux qu’il ne lût les premiers, et qu’il n’ait pu, par conséquent, leur faire bien des emprunts directs.
  67. Par exemple, au XVe chant, l’amour du pauvre bouvier Hymnos pour la belle et fière chasseresse Nikæa (v. 169-407).
  68. Les principales particularités de sa versification sont les suivantes : prédominance du dactyle, jamais deux spondées consécutifs ; emploi fréquent de la césure trochaïque au troisième pied ; présence nécessaire de l’accent tonique sur une des deux dernières syllabes du vers, généralement sur la pénultième. Cette dernière habitude, qui est un premier pas vers la versification rythmique des Byzantins, devait rendre bien plus sensible à la lecture le caractère « chantant » que je signale. On a vu plus haut qu’elle se rencontrait déjà chez le fabuliste Babrius.
  69. Éd. de A. Scheindler, dans la Bibl. Teubner, Leipzig, 1881. Voir la bibliographie très complète qui forme le chap. i de la Préface.
  70. Suidas, Τρυφιόδωρος (Truphiodôros).
  71. Voy. plus haut, p. 804.
  72. Édition critique annotée, de A. Wernicke. Leipzig, 1819. Même édition, revue et corrigée par K. Lehrs, à la suite de l’Hésiode, de Didot, Paris, 1839. Recension de A. Kœchly, Zurich, 1850.
  73. Suidas, Κῦρος Πανοπολίτης (Kuros Panopolitês) et Θεοδόσιος ὁ μιϰρός (Theodosios ho mikros). Cf. Évagrios, Hist. eccl., I, 19.
  74. Il semble qu’il fut encore païen alors. Suidas ((Θεοδόσιος) : Καθαιρεῖται γοῦν… ὡς Ἕλλήν καὶ ϐασιλείαν ἐλπίζων. ((Theodosios) : Kathaireitai goun… hôs Hellên kai basileian elpidzôn).
  75. On a vu plus haut (p. 906) pour quelles raisons il est impossible de souscrire à la conjecture de Benseler, qui lui attribuait le poème aujourd’hui anonyme Sur la guerre contre les Blémyes.
  76. VIII, 557 ; IX, 136, 623, 808, 809 ; XV, 9.
  77. Suidas, Κόλουθος (Kolouthos). Les mss. l’appellent aussi Κόλλουθος (Kollouthos).
  78. L’édition princeps est celle d’Alde, Venise, 1504. La première édition critique fut établie par Bekker d’aprés le Mulinensis. Berlin, 1816. L’édition de Stanislas Julien, Paris, 1822, avec traduction française et scolies inédites tirées d’un Parisinus, a été reproduite à la suite de l’Hésiode de Didot, Paris, 1839, par K. Lehrs, qui a tenu compte des corrections dues à Hermann (Opusc., t. IV, p. 205-207).
  79. Schwabs, De Musæo Nonni imitatore, Tubingue, 1876. Agathias (Anthol., V, 263) semble faire allusion à son poème ; de même dans son Histoire, V, II. Musée ne peut donc être postérieur au vie siècle, puisque Agathias est mort vers 580.
  80. Éd. princ., Alde, Venise, 1494. Éd. de Passow, Leipzig, 1810, reproduite et améliorée par K. Lehrs dans l’Hésiode, Didot. Paris, 1839. Éd. critique de Dilthey, Bonn, 1874. — Notes critiques de A. Koechly, De Musæi grammatici codice Palatino, Heidelberg, 1865 ; de A. Ludwich, Jahrb. f. class. Phil., 1873, 1874, 1876, 1878 ; de Al. Rzach, Zeitsch. f. d. oesterr. Gymn., 1878.
  81. G. Knaack, Hero und Leander (dans le recueil intitulé Festgabe für Franz Susemihl), Leipzig, Teubner, 1898. Selon Knaack, Musée n’aurait fait qu’imiter Callimaque. En tout cas, c’est être original que d’imiter avec goût.
  82. Krumbacher, Gesch. d. byzant. Liter., § 184.
  83. Bardenhewer, Patrologie, § 86.
  84. Suidas, Ἀγαθίας (Agathias). Anthol. Pal., IV, 3, où le titre donné dans la note préliminaire est Συλλογὴ νέων ἐπιγραμμάτων (Sullogê neôn epigrammatôn). Cf. Agathias, Histoire, Préf., 6. — Pauly-Wissowa, art. Anthologia et Agathias.
  85. Socrate, Hist. eccl., I, 19. Jacobs, Anthol., t. XIII, p. 917.
  86. Jacobs, Anth., t. XIII, p. 927.
  87. Voy. Anth. Pal., IX, 380.
  88. Suidas, Ἀγαθίας (Agathias).
  89. Suidas, Μαριανός (Marianos).
  90. Suidas, Ἀγαθίας (Agathias). Anthol. Pal., VI, 69, Μαϰηδονίου ὑπάτου (Makêdoniou hupatou).
  91. Agathias, Hist. V, p. 153. Ce titre désignait une des charges de la cour.
  92. Descriptio Magnæ ecclesiæ et Ambonis, éd. Graefe, Leipzig, 1822 ; et, dans le Corpus scriptor. hist. byzant., éd. de Bekker, Bonn, 1837.
  93. Anthol. Jacobs, t. IV, p. 64.
  94. Notice, Anthol. Jacobs, t. XIII, p. 906. — Épigrammes, même anthologie, III, p. 195.
  95. Notice, Auth. Jacobs, t. XIII, p. 911 ; Épig., t. IV, p. 73.
  96. Pauly-Wissowa, art. Anthologia, de L. Schmidt et Reitzenstein.
  97. Dilthey, De epigrammatum syllogis quibusdam minoribus, Gœttingue, 1887.
  98. L’ordre primitif de Planude est conservé dans le ms. de la Bibl. de Saint-Marc, n° 481.
  99. Le man. palatin contient en outre les descriptions en vers de Paul le Silentiaire et de Jean de Gaza, deux poèmes théologiques de Grégoire de Nazianze, et les Anacreontea dont nous parlerons plus loin.
  100. Tome II, p. 257 et suiv. Voir aussi, dans Pauly-Wissowa, l’art. Anacreon, de Crusius.
  101. Fr. Haussen, Anacreonteorum sylloge palatina recensetur et explicatur, Lipsiæ, 1884, Préface. Stark, Quæstionum Anacreont. libri duo, Lipsiæ, 1846. art. de Haussen et de Crusius dans le Philologus, t. XLVI, XLVII, LII et Suppl. Bd V. 2.
  102. Aulu-Gelle, XIX, 9.
  103. Barberinus 246 (xie siècle), publié dans Bergk, Poetæ lyr. gr., t. III, p. 339, sous le titre de Appendix Anacreonteorum.
  104. Scol. de Jean de Gaza, Description : Ἐλλόγιμοι ταύτης τής πόλεως Ἰωάννης, Προϰόπιος,.. ϰαὶ οἱ τῶν Ἀναϰρεοντείων ποιηταὶ διάφοροι. (Ellogimoi tautês tês poleôs Iôannês, Prokopios,.. kai hoi tôn Anakreonteiôn poiêtai diaphoroi.)
  105. Le ms. donne un nom estropié, Ἀϰαλούθου (Akolouthou). La restitution du vrai nom est due à H. Weil (Revue crit., 1870, p. 401).
  106. La structure par stances et refrains (οἶϰοι, ϰουϰούλια (oikoi, koukoulia)), qui y est ordinaire, y dénote sans doute l’influence d’un accompagnement musical.
  107. Édités pour la première fois à Bâle, chez Herbst, 1545 ; complétés peu à peu, grâce à de nouvelles découvertes, en particulier par Angelo Mai, qui publia en 1817 le livre XIV, retrouvé par lui à Milan, et, en 1828, les livres XI, XII et XIII, d’après des mss. du Vatican. Éditions de C. Alexandre, avec des Excursus très importants, Paris. Didot, 1841 et 1869 ; de Friedlieb, Leipzig, 1852 ; de A. Rzach, Leipzig, 1891, texte critique, le meilleur que nous ayons aujourd’hui. Sur les parties du recueil et leur histoire, voir Bouché-Leclercq, Hist. de la divination, t. II, p. 203-214, et la note 1 de la page 200.
  108. Heyne, Preface de l’édition de Zosime dans la collection byzantine de Bonn.
  109. Suidas, Ζώσιμος Γαζαῖος (Zôsimos Gazaios). Dans cette courte notice, le lexicographe na fait aucune mention d’ouvrages historiques.
  110. Photius, cod. 98.
  111. Évagrios, Hist. eccl., III, 41.
  112. Voir IV, 59.
  113. Photius, cod. 98. Comme l’histoire d’Eunape, et pour les mêmes raisons, celle de Zosime fut soumise à une révision qui en fit disparaître les passages les plus offensants pour le christianisme. Cette seconde édition était déjà la seule que Photius put se procurer et c’est celle qui nous est parvenue.
  114. Suidas, Πρίσϰος Πανίτης (Priskos Panitês). C. Müller, Fragm. Hist. Gr., IV, p. 69.
  115. Évagrios, Hist. eccl., I, 16, 17.
  116. Fragments de Priscos, C. Müller, Fragm. Hist. Græc., IV, p. 71 et suiv. ; Dindorf, Hist. Gr. min., I, p. 275 et suiv.
  117. Voir par exemple le fr. 8 de Dindorf, contenant tout le récit de l’ambassade auprès d’Attila dont Priscos fit partie.
  118. Suidas, Μάλχος (Malchos).
  119. C. Müller, Hist. Gr. fr., IV, p. 111. Dindorf, Hist. Gr. min., I, p. 383.
  120. Photius, cod. 78.
  121. Suidas, art. cité : Τὸν ἐμπρησμὸν τῆς δημοσίας βιβλιοθήϰης.. ϰαὶ ἄλλα τινὰ διεξέρχεται μάλα σεμνῶς καὶ τραγῳδίας δίϰην ἀποθρηνῶν αὐτά. (Ton emprêsmon tês dêmosias bibliothêkês.. kai alla tina diexerchetai mala semnôs kai tragôdias dikên apothrênôn auta.)
  122. C. Müller, Fragm. Hist. Gr., p. 133, 135, 138. Dindorf, Hist. Gr. min., I, p. 441, 353.
  123. Suidas, Προϰόπιος Ἰλλούστριος (Prokopios Illoustrios) ; Photius, cf. cod. 63 (cf. cod. 206 où, à propos du rhéteur Procope de Gaza, il atteste la renommée de l’historien son homonyme). Éd. Dindorf, Bonn, 1833-1838.
  124. Voir plus haut, p. 1004. Niebuhr, Commentatio de vita Agathiæ ejusque libris historiarum, en tête de son édition (Bonn, 1828) et dans les Histor. Gr. min. de Dindorf, t. II, p. 11.
  125. Agathias, Histoire, Préface, Éd. de Paris (1660), p. 7, D.
  126. Sommaire dans l’éd. de Bonn et dans les Histor. Gr. min. de Dindorf, t. II, p. XIX.
  127. Voir l. I, § 12 et 13, l’étrange récit relatif à un épisode du siège de Lucques par Narsès.
  128. Suidas, Μένανδρος Προτίϰτωρ (Menandros Protiktôr) ; l’article est un extrait de la préface de Ménandre, qui donne d’intéressants détails sur lui-même.
  129. Fragments de Ménandre, C. Muller, Fragm. Hist. Gr., IV, p. 200, et Dindorf, Hist. Gr. min., II. p. 1.
  130. Voir page 992.
  131. Édition de Bekker, Bonn, 1834, dans le Corpus scriptor. histor. byzant.
  132. Nonnosos, notice et frag. dans C. Müller, Hist. Græc. fr., IV, p. 178 et Dindorf, Hist. Gr. min., I. p. 473. Phot., cod. 3. — Théophane de Byzance, C. Müller, IV, p. 270 et Dindorf, I, p. 446. — Jean d’Épiphania, C. Muller : IV, p. 272 ; Dindorf, I, p. 375. — Pierre le Patrice, C. Müller, IV, p. 181 ; Dindorf, I, p. 425.
  133. Suidas, Ἡσύχιος Μιλήσιος (Hêsuchios Milêsios) ; Photius, cod. 69. — Notice et fragments, C. Müller, Hist. Græc. fr., IV, p. 142.
  134. C. Müller, IV, p. 533-622.
  135. C. Müller, IV, p. 138.
  136. Éd. de L. Dindorf, Bonn, 1831, dans le Corpus script. hist. byz. ; Migne, Patrol. grecque, t. LXXXVII.
  137. Krumbacher, Gesch. d. byzant. Litter., § 50.
  138. Photius, cod. 180. Sur les événements de sa vie, voir ses propres témoignages (Magistrat., chap. XXVI-XXX) et la dissertation de Hose, Commentatio de Johanne Lydo, dans l’édition de Bonn.
  139. Principaux mss. : Caseolinus, xe siècle, découvert à Constantinople par Choiseul-Gouffier en 1785, aujourd’hui à Paris, Suppl. 257 ; voir la dissertation citée de B. Hase ; Laurentianus, 28, 34 (xie siècle). — Édition d’ensemble des trois traités par Bekker, dans le Corpus scriptor. hist. byzant., Bonn, 1837. Éditions particuliéres : Lydi de magistratibus, éd. Fuss, avec Préface de Hase, Paris, 1812 ; Lydi de Ostentis, éd. C. Wachsmuth, Leipzig, 1863 (Bibl. Teubner).
  140. C. Müller, Geogr. græci min. (Bibl. Didot), t. I, p. 515.
  141. C. Müller, Geogr. Gr. min., II, p. XLII et 471. Cf. l’art. Agathemerus de Berger dans Pauly-Wissowa.
  142. Διάγνωσις ἐν ἐπιτομῇ τῆς ἐν τῇ σφαίρᾳ γεωγραφίας, C. Müller, même vol., p. 488 ; médiocre essai, où sont résumés, non sans erreur, les principes de la cartographie de Ptolémée ; — Ὑποτύπωσις γεωγραφίας ἐν ἐπιτομῇ, C. Müller, même vol., p. 494, compilation très inégale.
  143. Nous n’avons sur lui aucune notice biographique. — L’édition la plus complète est celle de G. Dindorf, Stephanus Byzantine cum annotationibus L. Holstenii, A. Berkelii et Th. de Pinedo cum Guil. Dindorfii praefatione, 4 vol. avec une planche, Leipzig, 1825. Édition de Westermann en un vol., Leipzig, Teubner, 4835. Édition inachevée de Meineke, Berlin, 1850, le premier vol. seul paru.
  144. Une note à la fin du ms. de Coislin (voy. la note suivante) définit ainsi le contenu de l’ouvrage : Περὶ πόλεων νήσων τε καὶ ἐθνῶν δήμων τε καὶ τόπων καὶ ὁμωνυμίας αὐτῶν καὶ μετονομασίας καὶ τῶν ἐντεῦθεν παρηγμένων ἐθνικῶν τε καὶ τοπικῶν καὶ κτητικῶν ὀνομάτων. Étienne avait emprunté beaucoup à l’ouvrage de Démétrius Magnès Περὶ ὁμωνύμων πόλεων et à celui d’Hérennius Philon Περὶ πόλεων καὶ οὒς ἑκάστη αὐτῶν ἐνδόξους ἣνεγκεω (voy. plus haut, p. 685) ; mais, en outre, il avait puisé, directement ou indirectement, dans les œuvres des principaux géographes et historiens (Ben. Niese, De Stephani Byzantini auctoribus, Kiel, 1873). Pour le plan, il s’était inspiré d’ouvrages antérieurs aujourd’hui disparus (par exemple, du Lex. géogr. de Clitarque d’Égine, Etym. Magn., 221-31). En matière grammaticale (orthographe et accentuation, dérivation des noms, etc.), il se rattachait à Hérodien qu’il cite fréquemment (A. Lentz, Herod. reliq., Leipzig, 1867, t. I, p. 153).
  145. L’art. Ἰβηρία, cité en entier par Const. Porphyrogénète dans son De administrando imperio, ch. xxiii, et la série d’articles qui vont du mot Δύμη au mot Δώτιον, conservée dans le ms. de Coislin (cod. Coislianus sive Seguierianus ; E. Miller, Journ. des Sav., 1838). L’article Δωδώνη est particulièrement intéressant : il a été édité par Gronovius, Leyde, 1681 et Schirlitz, Schulzeit., 1828.
  146. Suidas, Ὑπατία (Hypatia), deux notices, dont la seconde empruntée à la Vie d’Isidore, de Damaskios. Socrate, Hist. ecclés., VII, 15.
  147. Lettres 4, 10, 15, 16, 80, 124, 132. Synésios s’adresse toujours à elle avec un ton de vénération respectueuse et de docilité, même une fois devenu évêque. La lettre 16, où il parle de la mort de ses fils, est postérieure à son épiscopat (cf. ep. 105, § 249).
  148. Suidas, Ὀλυμπίοδωρος.
  149. Sur l’éco1e néoplatonicienne d’Athènes, consulter les ouvrages généraux sur l’École d’Alexandrie cités plus haut (p. 820, n. 2), et de plus, Zeller, Phil. d. Gr., t. V3, p. 746 et suiv.
  150. Marinos, Vie de Proclos, 28.
  151. Suidas, Πλούταρχος Νεστορίου (Ploutarchos Nestoriou). Marinos, pass. cité. — Zeller, Phil. d. Gr., t. V, p. 749-753.
  152. Ἔγραψε πολλά (Egrapse polla), dit Suidas. Il est cité assez souvent par Proclos, Olympiodore, Simplicius, Philoponos. Fragments dans Olympiodore, in Phæd., p. 124 et 278 Finckh.
  153. Suidas, Ἰεροϰλῆς (Hieroklês). Né à Alexandrie, il vint à Constantinople, fut traduit en jugement, sans doute pour ses opinions, frappé de verges et exilé. Il paraît avoir enseigné dans sa ville natale pendant la première moitié du ve siècle, avec un grand succès.
  154. Photius, cod. 214, analyse son traité Περὶ προνοίας (Peri pronoias). Divers morceaux d’autres ouvrages de lui figurent dans le Florilège de Stobée. — Sur la doctrine de Hiéroclès, voir Zeller, t. V, p. 753.
  155. Éd. Mullach-Didot, Fragm. Phil. Gr., t. I, p. 408.
  156. La notice de Suidas (Συριανός (Surianos)) donne simplement une liste de ses écrits.
  157. Proclos, Plat. Theol., p. 216 : Καὶ παραδέδωϰεν ἡμιν τοῖς ἑαυτοῦ μύσταις ἀπηϰριϐωμένην τὴν περὶ αὐτῆς (Kai paradedôken hêmin tois eautou mustais apêkribômenên) (il s’agit de ἡ οὐρανοῦ βασιλεία (hê ouranou basileia)) ἀλήθειαν (alêtheian). Ibid., p. 20 : τὸν ἡμέτερον ἡγεμόνα, τὸν ὡς ἀληθώς βάϰχον, ὃς πρὸς τὸν Πλάτωνα διαφερόντως ἐνθεάζων (ton hêmeteron hêgemona, ton hôs alêthôs bakchon, hos pros ton Platôna diapherontôs entheazôn)…, etc. ; et ailleurs (in Tim., 315 B) ἄνωθεν ὢσπερ ἀπὸ σϰοπιᾶς τὰ ὄντα θεώμενος (anôthen hôsper apo skopias ta onta theômenos).
  158. Sur la philosophie de Syrianos, consulter Zeller (Phil. d. Griech. t. V3, p. 759-774. — La liste d’écrits donnée par Suidas est fort suspecte, car elle est en partie la même que celle qui figure ailleurs sous le nom de Proclos. Les œuvres de rhétorique de Syrianos ont été mentionnées plus haut (p. 984) : ce sont des commentaires sur Hermogène, qui ont été publiés par Hugo Rabe dans la Bibl. Teubner (Syriani in Hermogenem commentaria, Leipzig, 1894).
  159. Zeller Phil. d. Griech. t. V3, p. 771 et suiv.
  160. Nous avons une biographie détaillée de Proclos, due à son successeur Marinos. Boissonade l’a publiée à la suite du Diogène Laërce de la Bibl. Didot, Paris, 1850. Notice de Suidas, Πρόϰλος ὁ Λύϰιος (Proklos ho Lukios).
  161. Il dut seulement quitter Athènes une année pour échapper aux menaces de persécution. Il se réfugia en Lydie, mais revint à son école dès que les passions furent apaisées. Marinos, Proclos, ch. XV.
  162. Sur ses abstinences, ses jeunes, ses pratiques de dévotions, voy. Marinos, Proclos, ch. XIX.
  163. Marinos, Proclos, ch. XXIII.
  164. Pour la liste complète des écrits de Proclos, conservés ou perdus, voir Zeller, ouv. cité, p. 778, note 6, et 779, note 1 ; le classement chronologique probable y est donné. Les œuvres de Proclos ont été publiées par V. Cousin, Paris, 6 vol. 1820-1827 ; sec. édit., 1864.
  165. Publié dans le Plotin de la bibl. Didot.
  166. Publiés en dernier lieu dans les Orphica d’Abel, Leipzig, 1885.
  167. Dans les Βιογράφοι (Biographoi), de Westermann ; Brunswick, 1845.
  168. Voir plus haut, p. 978.
  169. Marinos, Proclos, 22.
  170. Suidas, Ἑρμείας φιλόσοφος (Hermeias philosophos).
  171. Publié dans l’éd. du Phèdre de Fr. Ast, Leipzig, 1810.
  172. Publiés par A. Busse, Comm. in Aristot., græc., IV, 1, Berlin, 1891. Ces commentaires sont fort altérés et interpolés ; l’attribution de tous n’est pas certaine. Voir l’article de Freudenthal sur Ammonios (n° 15) dans Pauly-Wissowa. — Nous avons aussi sous le nom d’Ammonios une Vie d’Aristote qui n’est pas de lui ; publiée par Westermann dans le vol. de la Bibl. Didot qui contient Diogène Laërce.
  173. Scolies d’Asclépios sur Aristote, publiées par Hayduck, Comm. in Aristot., græc., VI, 2, Berlin, 1888.
  174. Suidas, Μαρῖνος Νεαπολέτες (Marinos Neapoletês). La Vie de Proclos a été publiée par Boissonade, Leipzig, 1814, et de nouveau dans la Bibl. Didot, à la suite du Diogène Laërce, Paris, 1850.
  175. Suidas, Ἰσίδωρος (Isidoros). Sur sa biographie, voir plus loin, à propos de Damaskios.
  176. Suidas, Ἡγίας (Hêgias).
  177. Suidas, Δαμάσϰιος (Damaskios). Em. Ruelle, Le philosophe Damascius, étude sur sa vie et ses ouvrages, Paris, Didier, 1861.
  178. Damascii fragmenta dans les Anecdota gr. de J. Ch. Wolf, 1724 ; Damascii philosophi platonici quaestiones, éd. Jos. Kopp, Francfort, 1826 ; Damascii successoris dubitationes et solutiones, éd. Ruelle, Paris, 1889.
  179. Photius, cod. 242. Le texte de Photius est reproduit dans le vol. de la Bibl. Didot qui contient Diog. Laërce.
  180. Métaphrase du traité de Théophraste sur la sensation (dans le Théophraste de Wimmer, t. III, p. 232 et suiv.) ; Réponses aux doutes du roi des Perses Chosroès, dont nous n’avons plus qu’une traduction latine (publiée par Dübner dans le vol. de la Bibl. Didot, qui contient Plotin, p. 553-579).
  181. Suidas, Πρέσβεις.
  182. Comm. Περὶ ψυχῆς ; dans les Comment. gr. in Aristotel., t. XI ; Περὶ οὐρανοῦ, même collect., t. VII ; Sur la physique, t. IX, X ; Sur les catégories, t. IV, 1. — Commentaire du Manuel d’Épictète, éd. de Schweighæuser, avec tr. lat., 2 vol. in-8o, Leipzig, 1800 : éd. de Duebner, jointe au Théophraste de la Bibl. Didot, Paris, 1840.
  183. Quelques renseignements personnels sur lui dans sa Vie de Platon, p. 2, Wester­mann, et dans son commentaire du Gorgias, p. 153, Iahn.
  184. Vie de Platon, dans les Biographici scriptores de Westermann, Brunswick, 18-15, réédité à la suite du Diog. Laërce de la Bibl. Didot, Paris, 1850. et dans la plupart des éditions de Platon. Commentaire Sur le premier Alcibiade, éd. Creuzer, Initia philosophiæ, etc., t. II, Francfort, 1821 ; Sur le Phédon, éd. Finckh, Heilbronn, 1847 ; Sur le Philèbe, dans l’édition du Philèbe de Stallbaum, Leipzig, 1820-26 ; Sur le Gorgias, éd. Iahn, Jahrbuch, supplém., t. XIV. Commentaire sur la météorologie d’Aristote dans l’édition de Ideler, 2 vol., Leipzig, 1834-36.
  185. Scriptores classici de A. Mai, t. IX.
  186. Krumbacher, Gesch. der byz. Litterat., § 70 et suiv.
  187. Agathias, Hist., V. 6. Voir l’art. de Hultsch sur Anthemios (n° 4), dans Pauly-Wissowa.
  188. Westermann, Παραδοξογράφοι (Paradoxographoi), Brunswick, 1839, p. 149-158.
  189. K. Sprengel, Gesch. der. Arzneikunde, t. II.
  190. Art. de Wellmann dans Pauly-Wissowa (Alexandros, n° 101).
  191. Éd. de Puschmann, en 2 vol., Vienne, 1879.
  192. art. cap de Wellmann dans Pauly-Wissowa, Aetios, no 8.
  193. Éd. grecques, Venise, 1528 ; Bâle, 1538. Nombreuses éditions latines. Texte et traduction française : La chirurgie de Paul d’Égine, texte grec et traduction française précédés d’une introduction par René Briau, Paris, 1855.
  194. Suidas, Συνέσιος ; Photius, cod. 26 ; Volkmann, Synesius von Cyrene, Berlin, 1869 ; H. Druon, Œuvres de Synésius, trad. en français, avec une étude biographique et littéraire, Paris, 1878 ; Bardenhewer, Patrologie, § 58 ; Kraus, Studien ueber Synesios (questions chronologiques, etc.). Theol. Quartalschrift, t. XLVII, 1865.
  195. Hymne III, v. 437-503.
  196. Lettre 136 : Αἱ δὲ Ἀθῆναι, πάλαι μὲν ἦν ἡ πόλις ἑστία σοφῶν, τὸ δὲ νῦν ἔχον σεμνύνουσιν αὐτάς οἱ μελιττουργοί.
  197. Lettre 105. Ses réserves de doctrine portent sur trois points. Il n’admet ni que l’âme naisse après le corps, ni que le monde puisse périr, ni que les corps doivent ressusciter.
  198. Évagrios, Hist. ecclés., I, 15.
  199. Lettre 58. Cette excommunication, suspendue à la demande d’Andronicos, qui se soumit en apparence, fut confirmée peu après (Lettre 72).
  200. Lettre 90.
  201. Édition complète de Petau, Paris, 1633 et 1640, reproduite dans la Patrologie grecque de Migne, t. LXVI ; Synesii Cyrenaei orationes et homiliarum fragmenta, éd. Krabinger, Landshut, 1850, t. I (seul paru d’une édition qui devait comprendre aussi les Lettres et les Hymnes).
  202. Opinion divergente, E. Gaiser, Des Synesius von Cyrene ægyptische Erzaehlungen, Woffenbüttel, 1886. Cf. O. Seeck, Studien zu Synesios, Philol., t. LII, 1893.
  203. On la trouve dans les éditions complètes de Petau et de Migne, et, en outre, dans les Epistolographi græci de Hercher (Bibl. Didot), Paris, 1873 (p. 638-739). — Trad. française par F. Lapatz, Paris, 1871. — Étude philologique de W. Fritz, Die Briefe d. Bischofs Synesius von Kyrene, Leipzig, 1898 qui annonce une nouvelle édition.
  204. Éditions spéciales : J. F. Boissonade, Poet. græc. sylloge, t. XV. Paris, 1825 ; Christ et Paranikas, Anthol. græca carminum christianor., p. 3-23, Leipzig, 1871 ; J. Flach, Tübingen, 1875. — Les hymnes I-IV appartiennent à la première partie de la vie de Synésios ; les autres, à la seconde ou à la troisième.
  205. Voir Bardenhewer, Patrol., § 61, 2. Pour Philostorge, Photius, cod. 40. Fragments dans Migne, Patrol. gr., t. CIII. Bibliographie dans Bardenhewer, pass. cité.
  206. Photius, cod. 28, 30, 31.
  207. Les œuvres des principaux historiens de l’Église ont été publiées collectivement par H. de Valois, Paris, 1659-73 et 1677. Migne a reproduit le texte de Socrate d’après cette Edition dans sa Patrol. gr., t. LXVII. Autre édition : Socrates Scholasticus, Eccles. historia, éd. R. Hussey, avec trad. lat., 3 vol., Oxford, 1853. — Sources : Hist. ecclés., II, 1 : Ἡμεῖς οὖν πρότερον Ῥουφίνῳ ἀκολουθήσαντες τὸ πρῶτον καὶ τὸ δεύτερον τῆς ἱστορίας βιβλίον ᾗ ἐκείνῳ ἐδοκει συνεγράψαμεν, τὰ δὲ ἐκ διαφόρων συναγαγόντες, τινὰ δὲ καὶ παρὰ τῶν ἔτι ζώντων ἀκούσαντες ἐπληρώσαμεν.
  208. L’Histoire ecclésiastique de Sozomène figure dans le recueil de H. de Valois, mentionné ci-dessus, et dans la Patrol. gr. de Migne, t. LXVII, à la suite de celle de Socrate. Elle a été publiée également par Hussey, 3 vol., Oxford, 1860.
  209. Voir Bardenhewer, Patrol., § 84, 1 et 2.
  210. Photius, cod. 29.
  211. Bardenhewer, Patrol., § 84, 3. L’Histoire ecclésiastique figure dans le recueil de H. de Valois, texte reproduit dans Migne, Patrol. gr., t. LXXXVI. Édition séparée, d’après la même recension critique, Oxford, 1844.
  212. Nous n’avons pas de notice sur Cyrille. Voir Photius, cod. 49 et 169. Son rôle public est raconté par les historiens ecclésiastiques ; consulter aussi ses lettres. — J. Kopallik, Cyrillus von Alexandrien, biographie d’après les sources, Mayence, 1881. Voir Bardenhewer, Patrol., § 59.
  213. La seule édition comprenant toutes les œuvres est encore celle du chanoine Aubert, 7 vol. in-folio, Paris, 1638. Elle a été complétée par A. Mai et reproduite avec ces compléments dans la Patrol. grecque de Migne, t. LXVIII-LXXVII.
  214. La plupart de ces écrits ont été édités par Pusey, Oxford, 1815 et 1877.
  215. Les écrits exégétiques ont été édités presque tous, avec les fragments des Homélies, par Pusey, Oxford, 1868 et 1872, et forment au total cinq volumes.
  216. Renseignements biographiques dans les historiens ecclésiastiques et dans plusieurs passages de Photius (voir l’Index de l’éd. Bekker). Pour la bibliographie moderne, consulter Bardenhewer, Patrol., § 60 ; voir, en particulier, l’Historia Theodoreti du Père Garnier dans son édition de Théodoret.
  217. Édition complète, avec trad. lat., B. Theodoreti opera omnia, du P. Sirmond, Paris, 1612, complétée par le P. Garnier, Paris, 1684 (en tout, cinq vol. in-fol.). Édition de Schulze, en 5 vol. in-8°, Halle, 1769-1771, reproduite dans la Patrol. gr. de Migne, t. LXXX-LXXXIV, Paris, 1860.
  218. Cod. 203, 204, 205. Voir en particulier cod. 203, l’appréciation du commentaire sur Daniel : ἐστι δὲ τὴν φράσιν, εἴ τις ἄλλος, ἐρμηνείαις (esti de tên phrasin, ei tis allos, ermêneiais).
  219. Macarii Magnetis quæ supersunt, édit. C. Blondel, Paris, 1876. Voir Bardenhewer, § 61, 1.
  220. Bardenhewer, § 51, 11. Publié sous le nom de Grégoire de Nysse dans la Patrol. gr. de Migne, t. XLV, p. 188.
  221. Bardenhewer, § 82, 3.
  222. Voir Bardenhewer, § 52.
  223. Bardenhewer, § 61.
  224. Bardenhewer, § 89 ; Krumbacher, Gesch. d. byzant. Litter.
  225. Voir plus haut, p. 1000 et 1002.
  226. Eudociæ Augustæ reliquiæ, éd. A. Ludwich, Bibl. Teubner, Leipzig. 1897.
  227. E. Bouvy, Poètes et Mélodes, Nîmes, 1886 ; Bardenhewer, Patrol., § 86.