Histoire de la littérature grecque (Croiset)/Tome 5/Période alexandrine/Chapitre 3


CHAPITRE III
RHÉTORIQUE, HISTOIRE, ÉRUDITION, ETC.

Sommaire.
Introduction. — I. L’éloquence et la rhétorique. Démétrios de Phalére. Démocharès. Charisios. Hégésias de Magnésie. Hermagoras de Temnos. — II. L’histoire. A. Mémoires politiques et militaires : Ptolémée ; Pyrrhus ; Aratos de Sicyone ; Annibal. B. Recueil de matériaux : Cratéros ; Démétrios de Scepsis ; etc. C. Chroniques et annales : Eumène de Cardie et Diodore d’Érythrée ; Béton et Diognéte ; Amyntas ; ouvrages analogues de Sosibios. Ératosthène, Douris, etc. Les Atthides : Androtion, Philochoros, Istros, Bérose et Manéthon. D. Biographies politiques : Idoménée de Lampsaque. E. Histoire de la civilisation : Dicéarque. F. Histoire générale : cycle d’Alexandre (Aristobule, Charès, Onésicrite, Callisthène, etc.) ; cycle des diadoques et de Pyrrhus (Cinéas, Proxène, Nymphis, Hiéronyme de Cardie) ; cycle de l’Italie ; cycle de la Grèce et de la Sicile (Diyllos, Démocharès, Douris, Phylarque, Timée de Tauroménium). — III. La géographie. Descriptions et voyages : Néarque, Mégasthéne, Pythéas, Timosthène, Dicéarque, Agatharchos de Cnide, Polémon, Scymnos. Géographie mathématique : Ératosthène. — IV. Histoire des Sciences. Héraclide du Pont, Chaméléon, Ctésibios, Hermippos, Satyros, etc. ; Antigone de Caryste ; Sotion. — V. Philologie et grammaire. Zénodote. Callimaque. Ératosthène. Aristophane de Byzance. Aristarque de Samothrace. Cratès de Mallos. — VI. Technologie. Musique et rythmique : Aristoxène de Tarente. Mathématique et physique ; Euclide, Aristarque de Samos, Archimède, Apollonios de Perga, Héron d’Alexandrie, Philon de Byzance. Médecine : Hérophile, Érasistrate. Histoire naturelle. — VII. La littérature semi-romanesque. Hécatée d’Abdère. Évhémère de Messine. Les Lettres apocryphes. Contes Milésiens. — VIII. Littérature gréco judaïque. Les Septante. Aristobule. Pseudo-Orphée, Pseudo-Phocylide. Oracles sibyllins.


Si la philosophie grecque, durant les cent cinquante années qui suivent la mort d’Alexandre, fait encore assez bonne figure, il n’en est pas de même des autres genres en prose. Et la raison n’est pas seulement dans ce fait accidentel que la plupart des œuvres ont péri. Elle est plus grave et plus profonde : elle est dans un ensemble de circonstances qui condamnaient ces œuvres à la médiocrité. Mettons à part les sciences mathématiques et physiques, qui comptent alors des recherches originales, mais qui sont en dehors de la littérature proprement dite. Dans tout le reste, le meilleur est de second ordre. On y trouve souvent une érudition curieuse et diligente, une certaine finesse de jugement, une louable indépendance d’esprit. Mais les qualités essentielles font défaut, et ne pouvaient pas ne pas faire défaut. L’érudition, à cette date, est trop neuve encore pour être vraiment méthodique. L’éloquence n’a pas grand’chose à dire, et l’histoire ne sait plus ni la politique ni la guerre. Dans ces conditions, des hommes même bien doués ne pouvaient créer des chefs-d’œuvre : à plus forte raison la foule des médiocres qui, à cause de la diffusion générale de la culture, se tournent alors vers les lettres.

I

L’éloquence est, de tous les genres, celui qui a le plus souffert de cet état de choses[1]. Denys d’Halicarnasse, dans la préface de ses Jugements sur les orateurs anciens, dit que la mort d’Alexandre marque pour l’art oratoire le début d’une période de décadence lamentable et que c’est seulement la gravité romaine qui devait faire revivre le goût classique.


Au seuil de cette période, nous rencontrons un personnage que Quintilien appelle le dernier des orateurs attiques[2], mais qui est aussi le premier de la décadence, et qui d’ailleurs, par la variété de ses écrits, par son érudition, par sa philosophie, par sa vie elle-même et par ses mœurs, est un très curieux exemplaire de l’esprit du temps : c’est Démétrios de Phalère. On le range souvent parmi les philosophes ; à vrai dire, il fut surtout un polygraphe ; mais c’est peut-être comme orateur qu’il a eu le plus d’originalité. De toute façon, personne ne relie mieux que Démétrios de Phalère la philosophie aux autres formes de la littérature et n’ouvre plus convenablement l’étude de ces genres divers en prose qu’il a tous pratiqués[3].

Démétrios, du dème de Phalère, était fils de Phanostrate, ancien esclave de la famille de Conon, mais devenu citoyen, et riche sans doute ; car le jeune Démétrios reçut une éducation soignée. Il suivit l’enseignement de Théophraste et se tourna vers la politique. Il fit ses débuts, dit-on, dans la vie politique, vers le temps de l’affaire d’Harpale (324)[4]. Il avait sans doute alors de vingt-cinq à trente ans. Partisan de Phocion et ami de la Macédoine, il fut mêlé aux négociations qui suivirent la guerre Lamiaque (322)[5]. Après la mort d’Antipater, en 319, le triomphe momentané du parti national, qui mit à mort Phocion, força Démétrios à chercher son salut dans la fuite ; mais, dès l’année suivante, l’intervention de Cassandra remit Athènes sous la main de la Macédoine. Démétrios fut alors choisi par les Athéniens et agréé par Cassandre en qualité de régent. Cette régence dura dix ans[6]. Durant ces dix années, Démétrios, avec des formes libérales, fut le maître de la cité, qui lui éleva trois cent soixante statues[7]. En 307, il fut renversé par Démétrios Poliorcète, et se retira à Thèbes, où il vécut une dizaine d’années. En 397, il se rendit en Égypte, auprès de Ptolémée Soter. Il y prit une grande influence et fut, dit-on, l’initiateur des projets relatifs à la fondation de la célèbre bibliothèque. Exilé par Ptolémée Philadelphe dans un des dèmes de l’Égypte, il y mourut, de la piqûre d’un serpent[8], vers 280.

Ses écrits étaient plus nombreux, dit Diogène, que ceux d’aucun autre Péripatéticien[9]. Ils étaient très variés. On y trouvait des dialogues philosophiques, des traités dans le genre de ceux de Théophraste, des ouvrages d’histoire, des compilations érudites, des études de littérature et de rhétorique, des lettres, des œuvres oratoires. Il nous en reste fort peu de chose. Parmi ceux dont la perte semble particulièrement regrettable, citons : ses écrits politiques (notamment un traité Sur la Démagogie[10]); son Histoire de dix ans (Περὶ τῆς δεϰαετείας), récit de sa régence ; — son recueil des Fables Ésopiques ; — ses commentaires sur l’Iliade et l’Odyssée ; — sa Rhétorique, enfin, où il donnait sur Démosthène des informations de première main[11].

Comme orateur, Démétrios de Phalère ne nous est connu que par les jugements des critiques anciens, en particulier de Cicéron[12] et de Quintilien[13]. Mais ces jugements sont assez précis pour que nous puissions nous faire une idée de son éloquence. Elle avait au plus haut degré toutes les qualités d’élégance, de grâce, de fraîcheur agréable et brillante qui conviennent au « genre tempéré ». Elle ne manquait même pas d’une certaine vigueur philosophique[14]. Ce qu’on regrettait de n’y pas trouver, c’était la passion, la grande puissance oratoire, et cet aiguillon que Périclès, selon le mot d’Eupolis, laissait dans l’âme de ses auditeurs. L’éloquence de Démétrios était exactement celle qu’on pouvait attendre d’un contemporain de Théophraste et de Ménandre.

À côté de Démétrios, il faut citer les noms de deux orateurs qui furent surtout des logographes : Démocharès et Charisios. Démocharès, neveu de Démosthène, était un imitateur fervent du grand orateur[15]. Charisios prit pour modèle Lysias, dont il exagérait la simplicité jusqu’à la sécheresse[16].

Après Charisios et Démocharès, après Démétrios, il n’y a plus en Grèce ni orateurs proprement dits ni logographes ; il n’y a que des maîtres de rhétorique et des déclamateurs. L’éloquence politique n’avait plus d’emploi. Même l’art des logographes ne trouvait plus de grandes causes à plaider. Athènes n’était plus qu’une ville de province, une cité universitaire et philosophique sans commerce. Les nouvelles capitales commerciales du monde grec étaient soumises à des rois qui n’avaient aucun goût pour la parole libre. Il ne restait de place que pour l’éloquence d’école ou pour les considérations théoriques sur l’éloquence. La théorie de l’éloquence fut en partie l’affaire des philosophes : le Lycée, l’Académie, le Portique s’en occupaient à l’envi, comme d’une province de la dialectique. On y disputait sur la définition de la rhétorique, sur ses parties constitutives, sur les genres. Tout cela était peu fécond. Les rhéteurs proprement dits, sans s’interdire cette sorte de recherches, s’appliquèrent surtout à donner des modèles de l’art oratoire. À défaut de causes réelles, on en plaida de fictives ; on fit parler des ambassadeurs, des hommes d’état, dans des débats imaginaires[17]. Cela valait mieux, sans doute, que de composer, comme les anciens sophistes, l’éloge du « moucheron » ou celui de « Busiris ». Mais ces harangues n’en étaient pas moins des exercices d’école assez creux, et que l’oubli toujours croissant de la réalité devait faire verser de plus en plus dans le bel esprit et dans le mauvais gout. Denys d’Halicarnasse est très sévère pour toute cette rhétorique[18]. Il la traite d’« imbécile » et de « barbare ». Nous ne pouvons plus en juger avec assurance : elle a péri presque tout entière. Il est pourtant probable qu’il avait raison au fond, et que ses vivacités de langage, dont l’excès sent la polémique, n’étaient pas tout-à-fait imméritées.

Une douzaine de noms de rhéteurs appartenant au iiie et au iie siècle sont arrivés jusqu’à nous[19]. Le plus connu, le seul peut-être qui mérite un bref souvenir, est Hégésias de Magnésie, qui vivait vers le milieu du iiie siècle[20]. C’etait un polygraphe, qui avait composé, outre ses œuvres oratoires, au moins un écrit historique : une histoire d’Alexandre le Grand[21]. Ce qui fait que le nom d’Hégésias mérite de survivre plus peut-être que quelques autres, ce n’est ni l’intérêt de ses œuvres, aujourd’hui perdues, ni son talent, car il est malmené par les critiques anciens les plus autorisés ; — mais c’est son influence. Il est en effet le représentant principal de ce qui s’est appelé plus, tard « l’éloquence asiatique »[22]. Il a servi de modèle à de nombreuses générations d’orateurs ou de rhéteurs. Son goût, ou son manque de goût, a fait école. Des historiens même ont essayé d’écrire comme lui. Et, à cause de cela, il est nécessaire de se demander comment il écrivait.

Les critiques anciens nous le représentent comme un écrivain prétentieux, un bel-esprit vide d’idées et de sentiments, riche de mots affectés, de métaphores bizarres, de tours recherchés, de jeux de mots et de pointes, de rythmes sautillants et incongrus[23]. C’était une sorte de Trissotin. Quelques citations textuelles nous permettent d’en juger. La plus longue est donnée par Denys : c’est une page de l’Histoire d’Alexandre où est raconté un épisode du siège de Gaza. Il est difficile, après l’avoir lue, de ne pas souscrire au jugement de Denys, qui déclare que ce récit a l’air d’être fait par quelque plaisantin efféminé[24]. Un autre passage cité par Strabon[25], semble tiré d’un discours ; ce sont quelques lignes sur l’Acropole d’Athènes ; rien n’est plus guindé, plus déclamatoire et plus froid[26].

Cette rhétorique naquit dans les cités grecques d’Asie-Mineure, qui n’avaient ni les traditions de l’Atticisme, ni, à cette date, aucun sérieux : on y vivait mollement, dans le luxe et dans la douceur du climat. Elle fit de nombreux prosélytes dans tout le monde grec. Une réaction finit par se produire. Elle vint d’abord d’un certain Hermagoras de Temnos qui essaya, vers le milieu du iie siècle, de réconcilier la rhétorique purement déclamatoire et pratique avec la recherche des règles[27] ; ensuite des écoles de Pergame et de Rhodes. L’école de Pergame, en relations étroites avec Athènes, fut surtout une école de philologues ; celle de Rhodes, une école de rhéteurs. Mais déjà de nouvelles influences, venues de Rome, tendaient à ramener le monde grec aux idées sérieuses. Nous retrouverons plus tard les unes et les autres[28].

II

L’histoire, au iiie siècle, est supérieure en somme à l’éloquence, bien qu’Hégésias ait eu des imitateurs même parmi les historiens, et que les exemples cités plus haut soient tirés d’un de ses ouvrages historiques. Tous les historiens, heureusement, ne sont pas ses élèves. Si l’on trouve, chez quelques-uns, les défauts de la mauvaise rhétorique, on trouve aussi, chez d’autres, de la curiosité, une information étendue, quelquefois de la critique, et, sinon de l’éloquence, du moins une netteté judicieuse.


Ce qui manque surtout à la plupart, c’est l’intelligence et le goût des affaires. Il faut pourtant faire une exception pour quelques généraux ou hommes d’état qui ont écrit le récit des événements auxquels ils avaient été mêlés, et qui méritent à ce titre de prendre place dans l’histoire littéraire. Par ce fait qu’ils sont des hommes d’action, ils se distinguent de tous les autres et doivent être mis à part. La tradition de l’Anabase se continue dans leurs écrits. Le peu qui nous en reste ne nous permet pas de les juger comme écrivains ; et du reste les anciens eux-mêmes ne semblent pas s’être beaucoup souciés de relever leurs mérites à cet égard : c’est probablement qu’ils n’étaient pas des artistes. Ce qu’on peut affirmer du moins, c’est qu’ils avaient quelques-unes des qualités essentielles de l’historien, la connaissance des choses dont ils parlaient, la compétence particulière que donne la vie pratique.

Dans ce groupe, nous rencontrons tout d’abord un des lieutenants d’Alexandre, Ptolémée, fils de Lagos, le fondateur de la dynastie des Lagides. Après la mort du conquérant[29], et probablement même dans les années qui suivirent la bataille d’Ipsus (301), Ptolémée avait écrit ses souvenirs. Son Histoire d’Alexandre est souvent citée par Arrien, qui la considère comme l’une des sources les plus sûres de l’histoire du roi de Macédoine[30]. On voit, par ces citations ou allusions, que c’est surtout aux choses de la guerre, aux détails de la tactique et de la stratégie, que Ptolémée s’était attaché. En revanche, il était bref sur les merveilles de l’Inde[31] : c’est la marque d’un bon esprit. On trouvait aussi chez lui quelques anecdotes[32] ; et même, à l’occasion, des récits merveilleux, comme l’histoire des deux dragons doués de la voix qui servirent de guide à l’armée dans sa marche vers l’oracle d’Ammon[33]. Peut-être la politique avait-elle plus de part que la naïveté dans les récits de ce genre. Ce n’en est pas moins un fâcheux symptôme.

À côté de Ptolémée, trois autres hommes d’état doivent être mentionnés. — D’abord Pyrrhus, le roi d’Épire, dont les Mémoires (Ὑπομνήματα), plusieurs fois cités par les anciens, nous sont à peu près inconnus[34]. — Ensuite Aratos de Sicyone, le stratège de la ligue achéenne, qui avait écrit des Mémoires en trente livres. Son biographe, Plutarque, les mentionne et s’en inspire sans doute le plus souvent. Le style en était négligé[35], mais Polybe en loue la véracité et la clarté[36]. — Enfin Annibal, le célèbre général carthaginois, qui avait composé en grec quelques ouvrages historiques[37].

En dehors de ce premier groupe d’écrits, peu considérable en somme, la littérature historique de ce temps est extrêmement abondante et variée. La curiosité des générations nouvelles est insatiable. La forme et le fond de l’histoire en sont renouvelés à certains égards. Ce n’est plus seulement la vie collective d’une cité, d’un peuple, qu’on raconte, c’est souvent celle d’un homme ; la forme biographique devient fréquente et répond à une conception nouvelle du rôle de l’individu. L’histoire des lettres, celle des arts, tendent à se faire une place à côté de l’histoire des événements politiques. Au milieu de tant d’écrits si divers, il est indispensable, si l’on veut prendre une idée générale un peu nette de l’ensemble, de classer logiquement ce chaos et de répartir par groupes les productions dont nous avons à nous occuper.

Un premier groupe, le moins littéraire de tous, est celui des écrits qui sont essentiellement des recueils de matériaux. Aristote avait donné par son exemple une vive impulsion à ce genre d’ouvrages : réunir des faits de même ordre, préparer ainsi aux synthèses ultérieures les éléments indispensables, était devenu une forme habituelle du travail scientifique. Le Macédonien Kratéros, fils du général d’Alexandre et général lui-même au service de son demi frère Antigone Gonatas, composa un célebre recueil de ce genre, celui des décrets du peuple athénien (Ψηφισμάτων συναγωφή), avec un commentaire explicatif des textes officiels[38]. Philochoros était l’auteur d’un recueil d’Inscriptions attiques[39], probablement analogue. De nombreuses monographies sont consacrées aux mœurs et aux institutions des divers pays, grecs et barbares. On écrit des ouvrages « sur les jeux », « sur les fêtes », « sur les sacrifices ». On compose des volumes de « mélanges » et de « notes » (ὑπομνήματα, συμμιϰτά, ἄταϰτα), etc). Tout le monde paie tribut à ce goût d’érudition. Dans la liste des écrivains qui ont composé des ouvrages de ce genre, on trouve un poète comme Callimaque à côté de chronographies ou d’historiens comme Philochoros et Istros, comme Sosibios, comme Douris de Samos et Néanthès de Cyzique[40]. On peut rattacher à ce groupe un écrivain savant, Demétrios de Skepsis (dans la Troade), qui vivait au commencement du second siècle, auteur d’un grand ouvrage en trente livres intitulé Catalogue des Troyens, (Τρωιϰὸς διάϰοσμος), sorte de commentaire historique du catalogue de l’Iliade, mine inépuisable d’informations variées et même de vues originales sur les antiquités de la Grèce et de la Troade[41]. Toutes ces œuvres sont aujourd’hui perdues, sauf de rares fragments. La perte en est assurément très regrettable, mais pour la connaissance des choses plus que pour la littérature proprement dite, qui n’avait sans doute que peu de part dans tout cela.

On peut en dire à peu près autant d’un autre groupe d’écrits, plus voisin pourtant de l’histoire traditionnelle et classique, mais encore médiocrement littéraire : c’est la série des chroniques, journaux ou éphémérides, annales plus ou moins sèches, mais exactes et précises, qui se sont multipliées au iiie siècle. — Voici d’abord les Éphémérides de l’expédition d’Alexandre (Βασίλειοι ἐφημερίδες), journal officiel de la campagne, rédigé par deux des compagnons du roi de Macédoine, Eumène de Cardie et Diodote d’Érythrée. Diodote est d’ailleurs inconnu. Quant à Eumène, c’est le général, ami de Perdiccas et ennemi d’Antigone, qui le fit périr en 315[42]. Les fragments qui nous restent de ces Éphémérides nous font voir avec quel détail les événements y étaient racontés ou plutôt notés[43]. Plutarque, dans son récit de la mort d’Alexandre, suit de très près les Éphémérides, qui marquaient jour par jour les phases de la maladie[44]. Eumène était quelque chose comme le Dangeau du roi de Macédoine. — À côté des Éphémérides, mentionnons les Étapes d’Alexandre, de Béton et Diognète, et les Étapes d’Asie, d’Amyntas, qui semblent avoir eu le même caractère[45]. — La Chronologie de Sosibios (Χρόνων ἀναγραφή), avait un intérêt plus général[46]. Sosibios, de Laconie, était un contemporain de Ptolémée Philadalphe[47]. Il avait noté, dans sa Chronologie, une foule de dates intéressantes qu’il fixait principalement par leurs rapports avec la liste des rois de Sparte ; mais rien ne permet de supposer que ce fut un écrivain. — Dans le même ordre de recherches chronologiques, nous rencontrons encore un ouvrage capital, la Περὶ Χρονογραφιῶν du grand géographe Ératosthène. Mais il semble que ce fut plutôt un essai de méthode chronologique qu’un recueil de dates. Nous y reviendrons. Il avait écrit aussi un tableau des vainqueurs olympiques.

À côté de ces travaux d’érudition, on peut ranger les chroniques locales, comme la Chronique de Samos, de l’historien Douris[48] ; ou celles de Rhodes, par un certain Zénon ; de Pallène et de Milet, par Hégésippe[49] ; de Mégare, par Héréas[50] ; d’Érythrée, par Apollodore[51] ; d’Argos, par Dinias[52]. Mais tout cela, en somme, est peu important et n’a guère laissé de traces. — Dans ce groupe des chroniques locales, les seuls ouvrages qui méritent une attention particulière sont les Atthides, ou chroniques athéniennes, qui se rattachaient à la vieille tradition d’Hellanicos et des logographes, et qui forment, après Alexandre, une branche assez considérable de la littérature historique. Il y avait eu des auteurs d’Atthides au début du ive siècle : nous avons mentionné plus haut Clitodème et Phanodème[53]. Dans la fin du iiie siècle et au ive, ce genre d’ouvrages se multiplie. Nous connaissons les noms de six auteurs d’Atthides dans cette période. Les plus célèbres sont Androtion, Philochoros et Istros, très souvent cités par les anciens[54]. Cet Androtion est-il le même que l’orateur contemporain de Démosthène ? On ne sait trop[55]. Il nous reste de son livre une soixantaine de citations plus ou moins brèves. Nous y voyons qu’il avait raconté l’histoire d’Athènes depuis les origines jusqu’au ive siècle, qu’il donnait probablement la liste des archontes[56], et qu’il portait dans la critique des vieilles traditions un rationalisme très indépendant, sinon très éclairé. — Philochoros est le plus célèbre des auteurs d’Atthides et le plus souvent cité[57]. Nous avons plus de deux cents citations ou mentions de ses ouvrages. Il était, dit Suidas, devin de son métier (μάντις ϰαὶ ἱεροσϰόπος) ; un passage textuel de son livre, conservé par Denys d’Halicarnasse, nous fournit en effet la preuve de cette affirmation et nous donne en même temps la mesure de sa crédulité[58]. Le fait raconté dans ce passage se rapporte à l’année 306. Philochoros était donc déjà en fonction à cette date. Il mourut vieux, vers le milieu du siècle suivant, égorgé par l’ordre d’Antigone Gonatas. Ses écrits étaient nombreux et variés[59] : on y trouvait représentées toutes les formes de l’érudition et de la curiosité, depuis un recueil d’Inscriptions attiques jusqu’à des vies de poètes. Mais le plus considérable était l’Atthide ou Histoire attique, en dix-sept livres. On ne pouvait attendre du devin Philochoros une critique bien intelligente des vieux mythes. Mais sa crédulité valait peut-être autant que le rationalisme superficiel de ses contemporains. Il portait du moins dans ses recherches une extrême application, une attention soutenue à la chronologie, beaucoup de conscience et de minutie. De là son succès mérité. Son style n’avait, comme celui de tous ces annalistes, qu’un mérite de simplicité et de clarté. — Istros[60], enfin, né à Paphos sans doute, élève de Callimaque, auteur d’ouvrages en vers et en prose, fut surtout remarquable par l’étendue de son érudition. Il avait fait un livre sur les Locutions attiques (Ἀττιϰαὶ λέξεις). D’autres étaient consacrés à l’étude de questions historiques particulières, à des polémiques contre son contemporain Timée[61]. Son Histoire attique, qui comprenait au moins seize livres, était surtout une compilation. À propos d’une certaine fontaine de l’Acropole, Istros rapportait toutes les opinions des historiens[62]. Telle était sans doute sa méthode ordinaire. Son ouvrage méritait bien ce titre de Recueil des Atthides (Συναγωγὴ τῶν Ἀτθίδων), par lequel il semble avoir été désigné.

D’autres avaient fait des recherches sur certains peuples barbares[63].

En outre, deux prêtres de Chaldée et d’Égypte, Bérose et Manéthon, passent pour avoir écrit en grec, à la fin du ive siècle, l’un, ses Chroniques de Chaldée (Χαλδαιϰά), l’autre ses Chroniques d’Égypte (Αἰγυπτιαϰὰ), en trois livres[64]. Bérose, d’après Syncelle et Tatien[65], avait été prêtre de Bel et contemporain d’Alexandre. Manéthon, de Sébennyte, prêtre lui aussi, aurait vécu sous les deux premiers Ptolémées[66]. L’un et l’autre, d’après l’opinion commune, avaient entrepris de faire connaître aux Grecs les traditions de leurs pays respectifs. Il nous reste de ces deux ouvrages des fragments étendus et fort curieux, mais qui ne nous ont été conservés que par des écrivains, d’époque relativement récente, Josèphe, Athénée, Clément d’Alexandrie, Eusèbe. S’il était démontré qu’Eusèbe, par exemple, qui cite ordinairement Bérose d’après Alexandre Polyhistor, avait réellement sous les yeux un texte authentique de cet Alexandre, l’authenticité du livre de Bérose s’ensuivrait presque nécessairement. Mais cela est douteux. Ernest Havet, dans un très savant mémoire[67], a montré combien sont fragiles tous ces témoignages. En revanche, il a fait ressortir avec force combien il est peu vraisemblable que deux Orientaux se soient trouvés, dès le temps d’Alexandre et de Ptolémée, assez hellénisés pour écrire ces deux livres[68], et combien les sentiments prêtés à Manéthon à l’égard des Juifs semblent peu convenir à l’époque où on les place[69]. Il arrive à cette conclusion que les ouvrages attribués à Bérose et à Manéthon sont des compositions apocryphes datant de la fin du iie siècle avant l’ère chrétienne, et dues sans doute à des Orientaux fortement hellénisés[70].

Avant d’arriver à la grande histoire, nous avons encore à mentionner ici le genre des biographies, qui prend vers le même temps une certaine extension. C’est surtout, à vrai dire, dans l’histoire des lettres et des arts que cette forme de récit se développe. Mais on la rencontre aussi dans l’histoire politique. L’un des premiers disciples d’Épicure, Idoménée de Lampsaque[71], avait composé un ouvrage Sur les Démagogues (Περὶ δημαγωγῶν), qui paraît être la source originale de quelques-unes des informations contenues dans les Vies des dix orateurs du pseudo-Plutarque[72]. Ajoutons qu’Idoménée, par malheur, semble avoir inauguré ce nouveau genre, si intéressant, de manière à mériter peu d’éloges ; ses fragments contiennent surtout des commérages et des histoires scandaleuses[73].

Mentionnons encore une tentative curieuse du péripatéticien Dicéarque[74] : il avait tracé un tableau sommaire de la civilisation grecque, sous ce titre : La vie de la Grèce, (Βίος Ἑλλάδος). Cet ouvrage, en trois livres, est souvent loué par les anciens[75] ; il abondait, semble-t-il, en détails de mœurs vivement présentés. Dicéarque avait en outre composé un ouvrage célèbre Sur les Lois de Sparte (très goûté des Spartiates)[76], puis divers

écrits sur la philosophie, sur l’histoire littéraire, sur la géographie[77]. Nous aurons à mentionner ces derniers un peu plus loin.

Arrivons enfin à ce qu’on peut appeler la grande histoire, celle qui raconte dans leur ensemble, avec ampleur, avec éloquence, les événements les plus considérables de la vie des peuples ou des cités, l’histoire inaugurée et pratiquée par les Hérodote et les Thucydide, les Xénophon, les Éphore et les Théopompe.

Le nombre des historiens, depuis la fin du ive siècle jusqu’à Polybe, est considérable. Quiconque, n’étant pas poète, a le gout des lettres (et le nombre des lettrés s’accroît alors avec rapidité), n’a guère le choix qu’entre la philosophie ou l’histoire ; ce sont là les deux grandes routes ou passe la foule ; l’histoire, en particulier, avec ses chemins latéraux, ses sentiers d’érudition et de curiosité, attire de nombreux travailleurs. De cette production si abondante, il reste fort peu de chose. Si la substance même de ces écrits a passé plus ou moins dans les œuvres historiques postérieures, la physionomie des écrivains — à supposer qu’elle ait jamais été très distincte — s’est évanouie. Nous n’essaierons pas de la faire revivre. Il s’agit uniquement ici de donner une esquisse légère de cette activité historique, d’en indiquer les principaux objets, et d’en chercher les traits essentiels dans celui qui a été, de l’aveu de tous, le plus remarquable des historiens de cette période et de cette école, Timée de Tauroménium.

L’expédition d’Alexandre était un événement trop extraordinaire pour ne pas frapper vivement les imaginations. Les historiens devaient y trouver une matière neuve, grande, inépuisable pour la curiosité. Nous avons déjà mentionné le récit militaire et personnel de Ptolémée, ainsi que les Éphémérides, officielles ou non, qui relatèrent les marches du roi de Macédoine et l’emploi minutieux de ses journées. Une foule d’autres récits furent publiés. Au reste, le conquérant lui-même semblait avoir sollicité le concours des historiens. Il était parti d’Europe avec un cortège de beaux-esprits, rhéteurs ou philosophes, qui avaient pour tâche principale, sans doute, de continuer à lui faire goûter, au milieu de ses campagnes, le plaisir délicat de leurs entretiens, mais qui devaient aussi répandre sa gloire par leurs écrits. C’est ce qui fut fait. D’autres vinrent à la suite des premiers, et, pendant un siècle, il y eut comme un « cycle d’Alexandre » incessamment parcouru par les historiens. La matière était belle, mais elle était dangereuse par sa richesse même pour des esprits que ni la pratique des affaires ni le respect austère de la science ne défendaient contre des tentations de toute sorte. La première de ces tentations fut, chez les contemporains du roi, le désir de le flatter : de même que les démagogues avaient flagorné le peuple d’Athènes, les historiens prirent l’habitude de flatter les princes. D’ailleurs, la grandeur des choses accomplies devait inviter les écrivains à enfler la voix : en dehors de toute flatterie, il était bien tentant, pour un Grec, d’être éloquent à si bon compte. Enfin la nouveauté des pays parcourus, leur éloignement presque fabuleux, le caractère exotique des hommes, des animaux, des plantes, de la nature entière, tout concourait à pousser les imaginations en verve un peu au-delà de l’exacte vérité. Graves inconvénients, auxquels certains hommes sans doute échappèrent plus ou moins, mais qui se firent fâcheusement sentir dans les œuvres de la plupart[78]. Laissons de côté les plus obscures de ces œuvres, celles dont le temps n’a presque rien épargné[79]. Une demi-douzaine environ méritent une mention.

Le meilleur peut-être de ces historiens, celui qu’Arrien considère comme étant le plus véridique avec Ptolémée, c’est Aristobule, qui avait fait partie de l’expédition (et probablement de l’armée) d’Alexandre[80]. Il écrivit son ouvrage après la mort du roi, à Cassandrie, où il passa les dernières années de sa longue vie[81]. C’était, semble-t-il, un esprit sobre, ennemi du merveilleux et même du théâtral, disposé à préférer, dans les choses extraordinaires, les explications les plus simples[82]. Une anecdote plus que suspecte ne saurait suffire à le convaincre de flatterie[83] : il n’en paraît aucune trace dans ses fragments. On y trouve des descriptions précises, des récits vraisemblables, et quelquefois des anecdotes à demi-romanesques[84].

Charès, de Mytilène, fut chambellan d’Alexandre[85]. Sa situation lui permit de bien connaître l’histoire privée du roi et la vie intérieure du palais. Son ouvrage, en dix livres au moins[86], s’étendait volontiers sur cet ordre de choses. La description des fêtes du mariage y était ample et précise[87]. On y lisait le récit des songes du roi[88], et parfois, comme chez Aristobule, de ces anecdotes-romans qui paraissent avoir été alors fort à la mode. L’une de celles-ci, conservée textuellement par Athénée, est assez longue pour donner quelque idée du style de Charès : il imite visiblement Hérodote dans ce morceau, qui ne manque pas de grâce[89].

Onésicrite, d’Astypalée ou d’Égine, était un philosophe, disciple de Diogène[90]. Il fit partie de l’expédition. Aux Indes, c’est lui qu’Alexandre, à l’en croire, aurait chargé d’aller interroger les brahmanes[91]. Lorsque Néarque fit son célèbre périple, Onésicrite était à bord de la flotte comme chef-pilote[92]. Son histoire passait pour l’œuvre d’un hâbleur[93]. Le plus long morceau qui en subsiste est le récit de son prétendu entretien avec les fakirs, qu’il appelle « gymnosophistes »[94]. Récit fort arrangé, sans doute, mais où beaucoup de choses sont bien vues, et qui est en tout cas d’un homme d’esprit. Si nous étions surpris, comme il dit l’avoir été, de retrouver chez ses fakirs toute la sagesse de Pythagore, de Socrate et de Diogène, nous n’aurions qu’à nous souvenir du joli mot qu’il prête à l’un d’eux : celui-ci disait que, lorsque la vérité doit passer par la bouche de trois interprètes qui comprennent le sens extérieur des mots, mais non leur esprit, il lui est aussi difficile de ne pas s’altérer qu’à une eau de rester pure en coulant à travers un bourbier. La remarque, à cette date, n’était pas d’une intelligence vulgaire.

Callisthène, d’Olynthe, neveu et disciple d’Aristote, était historien de profession autant que philosophe. Il avait composé des Helléniques dont il reste quelques fragments[95]. On sait comment il suivit Alexandre et comment il finit par encourir sa disgrâce par une attitude d’opposition qui passe pour une conspiration proprement dite. Il avait commencé d’écrire une Histoire d’Alexandre lorsqu’il mourut. Chose singulière, cet opposant, ce prétendu conspirateur, était, en histoire, un flatteur et un rhéteur. Il y avait là, de sa part, mauvais goût littéraire, sans doute, plutôt que bassesse d’âme : car on vantait son caractère[96]. Mais il n’est guère possible de douter que ce ne fût un pauvre historien[97]. Bien qu’il ne soit pas directement responsable des absurdités que renferme un récit de basse époque publié beaucoup plus tard sous son nom[98], on peut dire qu’il avait mérité en quelque mesure cette fausse attribution par les mauvais exemples qu’il avait certainement donnés.

Le même reproche doit être adressé à trois autres historiens d’Alexandre dont il nous reste à dire un mot. Ce sont : 1° Clitarque, dont il reste une trentaine de fragments[99] ; 2° Anaximène de Lampsaque, le rhéteur à qui l’on a quelquefois attribué la Rhétorique à Alexandre[100] ; 3° enfin Hégésias, dont nous avons parlé plus haut, et sur lequel nous n’avons pas à revenir ici. Quant à Clitarque, on louait son talent, mais on le déclarait indigne de créance[101] ; Anaximène est jugé tout aussi sévèrement par Denys d’Halicarnasse[102].

Après l’histoire d’Alexandre, on raconta celle de ses successeurs, les « Diadoques », et celle de Pyrrhus, roi d’Épire, cet aventurier qui voulut être un second Alexandre et ne fut qu’un Charles XII. Avec l’importance décroissante des événements, il semble que le talent des historiens faiblit encore. Cinéas[103], Proxène[104], Nymphis[105] ont laissé peu de souvenir. Hiéronyme de Cardie est plus célèbre[106]. Il mourut plus que centenaire vers le milieu du iiie siècle, après avoir servi plusieurs rois de Macédoine. Son Histoire des successeurs d’Alexandre et son Histoire des Épigones (où il racontait le règne de Pyrrhus) paraissent avoir été la source principale de Diodore et de Plutarque pour les événements de cette période. Comme écrivain, Denys d’Halicarnasse le déclare illisible, mais surtout, à vrai dire, à cause du peu d’harmonie de son style[107].

Puis viennent des historiens qui ont raconté l’histoire de l’Italie, depuis les origines jusqu’à la première guerre punique. Ici encore, il suffit de nommer Dioclès, Philinos, Sosylos, Chæreas, un certain Xénophon, Alkimos[108]. Ce que nous savons d’eux est insignifiant.

L’histoire de la Grèce proprement dite, avec celle de la Sicile qui en est inséparable, avait suscité des ouvrages plus mémorables. Les principaux écrivains de ce groupe, en dehors de Timée, sont Diyllos, Démocharès, Douris et Phylarque[109].

Diyllos, d’Athènes, auteur d’une Histoire de la Grèce et de la Sicile, en 21 livres, qui commençait à la guerre sacrée de 340 (ou s’arrêtait l’histoire d’Éphore), et qui s’étendait probablement jusqu’au règne de Cassandre[110]. Il n’en subsiste qu’une demi-douzaine de fragments insignifiants.

Démocharés, ce neveu de Démosthène que nous avons déjà mentionné plus haut comme orateur[111], et qui, à la fin d’une existence agitée[112], compose une Histoire d’Athènes contemporaine et des événements auxquels il avait été mêlé. Le peu qui en reste est sans intérêt littéraire[113]. Cicéron dit qu’il avait porté dans l’histoire le style qui appartient à la tribune[114].

Douris, de Samos[115], qui vivait à la même époque, avait composé, outre un certain nombre d’opuscules sur divers sujets[116], deux grands ouvrages historiques : une Histoire de la Grèce et de la Macédoine (Ἑλληνιϰά, Μαϰεδονιϰά) depuis la bataille de Leuctres, en vingt-huit ou trente livres probablement, et une Histoire d’Agathocle (appelée aussi Λιϐυϰά), qui complétait ce grand ensemble. Denys d’Halicarnasse n’aimait pas son style[117]. Peut-être, en effet, n’était-il pas un artiste : les fragments ne nous permettent plus d’en juger. Mais il avait au moins le mérite de condamner formellement la prétendue éloquence des disciples d’Isocrate et de chercher avant tout l’expression exacte de la réalité[118]. Il semble avoir été un homme de bon jugement, exempt de passion politique, ni flatteur ni médisant, curieux d’anecdotes piquantes ou expressives[119].

Phylarque, dont la patrie n’est pas connue[120], est un contemporain d’Aratos de Sicyone, c’est-à-dire qu’il vivait dans la seconde moitié du iiie siècle[121]. Son histoire, en 28 livres, embrassait les soixante-dix années environ qui séparent le début du règne de Pyrrhus et la mort de Ptolémée Évergète[122]. Il en reste un peu plus de soixante-dix fragments, dont plusieurs, conservés par Athénée, ont quelque étendue[123]. Polybe l’accuse de partialité[124], et Denys d’Halicarnasse blâme son style[125]. Ces jugements sont peut-être trop sévères[126]. À en juger par ce qui nous reste de lui, Phylarque semble avoir été un historien attentif surtout aux mœurs, aux anecdotes, aux mille détails qui amusent la curiosité, et un écrivain d’assez bonne école, qui a du moins le mérite du naturel.

Timée est à la fois le plus célèbre des historiens de ce temps, et celui dont nous connaissons le mieux la physionomie[127]. Par la date de sa naissance, il est un des plus anciens, car il naquit vers le milieu du ive siècle ; mais il vécut environ cent ans[128], jusqu’au milieu du iiie, et poussa ses récits tout près de cette dernière date. Son père, Andromachos, était un riche et courageux Naxien qui, après la destruction de Naxos par Denys, avait contribué plus que personne à entraîner les survivants de ses compatriotes à Tauroménium, nouvellement fondée en Sicile[129]. C’est là que naquit Timée[130]. À une date qu’on ne peut déterminer avec précision, il fut chassé de Tauroménium par le tyran de Syracuse, Agathocle[131]. Il se rendit à Athènes, où il était sans doute déjà venu dans sa jeunesse pour écouter les leçons de Philiscos, disciple d’Isocrate[132], et il resta cinquante années consécutives[133]. C’est alors qu’il dut écrire la plus grande partie de ses ouvrages. Mais, à la fin de sa vie, il revint en Sicile, probablement à Syracuse[134], où régnait Hiéron II. Il y vécut encore une dizaine d’années, et mourut après avoir achevé ses deux grands ouvrages : d’abord son Histoire de Sicile (Σιϰελιϰά, Σιϰελιϰαὶ ἱστορίαι), qui paraît avoir formé au moins quarante-cinq livres[135] ; ensuite son Histoire de Pyrrhus[136], qui faisait suite à la précédente, et qui se terminait à l’année 264. On cite encore sous son nom divers autres écrits, mais nous ne savons trop ce qui en était[137]. Nous ne savons guère non plus comment sa grande Histoire était composée. Le plus probable est qu’elle se divisait en plusieurs parties assez distinctes : une première (Ἰταλιϰὰ ϰαὶ Σιϰελιϰά), sur la géographie de la Sicile, ses premières relations avec l’Italie et les origines de son histoire ; une seconde (Σιϰελιϰά ϰαὶ Ἑλληνιϰά), sur la période de ses relations avec la Grèce, jusqu’au règne d’Agathocle, raconté en cinq livres ; une troisième enfin, qui groupait autour du nom de Pyrrhus toute l’histoire de la Grèce depuis la mort d’Agathocle (289) jusqu’au début de la première guerre punique (264)[138]. De cet immense ouvrage, riche en informations de toute sorte, il ne nous reste que de misérables lambeaux (cent cinquante-neuf fragments dans l’édition de Müller), et, comme les citations textuelles sont rares dans ce nombre, ce n’est guère que par les jugements des anciens (et en particulier à travers les critiques de Polybe) que nous pouvons nous faire une idée de ce que fut Timée de Tauroménium.

Polybe l’a sans cesse et cruellement attaqué[139]. Il l’ accusé d’ignorance de superstition, de partialité, de mensonge. Le jugement de Polybe est considérable par lui-même et beaucoup de ses arguments sont persuasifs. Mais il exagère ; il fait de la polémique plutôt encore que de la critique : il accable, dans la personne de Timée, le représentant le plus illustre d’une école historique qu’il juge avec raison détestable, et il ne lui rend justice qu’à contrecœur. On voit clairement, dans un de ces passages[140], qu’il avait été, comme tout le monde, séduit d’abord par certains mérites de Timée. C’est seulement à la réflexion qu’il se ressaisit, et non sans mauvaise humeur. Essayons de voir les choses plus froidement, d’une manière plus objective et plus impartiale.

Le grand mérite de Timée, sur lequel il faut insister d’abord, c’est son immense labeur d’érudit[141]. Pendant les cinquante années de son séjour à Athènes et jusqu’à la fin de sa vie, il avait lu tous les écrits de ses prédécesseurs[142]. Il ne s’était pas contenté des ouvrages historiques ; il avait eu recours aux documents originaux, non sans tirer quelque vanité de ses recherches en ce genre[143]. Polybe semble le soupçonner sur ces matières d’un peu de charlatanisme : il lui reproche de ne pas dire où il avait trouvé certaine inscription qu’il invoquait contre une opinion d’Aristote. Mais Timée, qui n’était pas grand voyageur, n’avait probablement pas lu l’inscription en original : il suffisait que, l’ayant trouvée dans quelque recueil, il eut eu l’idée de l’utiliser, pour que son travail fût digne de plus d’éloges que ne lui en donne Polybe.

Dans ses immenses lectures, il semble que Timée ait porté d’utiles qualités critiques. Il était fort pendant à l’égard de ses prédécesseurs et les jugeait avec une vivacité souvent signalée[144]. Il avait du bon sens et de la mesure. Il n’enflait pas ses chiffres aussi volontiers qu’Éphore[145]. Dans les récits des choses anciennes ou fabuleuses, il semble qu’il s’en tint volontiers à la lettre des légendes. Sur quoi Polybe l’accuse tantôt de mensonge[146], tantôt de ridicule superstition[147]. Mais cette exactitude valait peut-être mieux que les interprétations maladroitement rationalistes de l’école d’Éphore. Enfin son souci de la chronologie était célèbre. Dans le chaos des différents systèmes de computation alors en usage (chaos qui avait conduit Thucydide à compter par années de la guerre et par saisons), Timée le premier essaie de mettre un peu d’ordre et de lumière : il établit des concordances entre les rois et les éphores de Sparte, les archontes athéniens, les prêtresses d’Argos, les vainqueurs olympiques ; il ramène tous les systèmes à ce dernier, et se fait gloire d’établir ainsi la date d’un fait à trois mois près[148]. Polybe raille cette minutie, mais il en profite pour son propre compte, et tous les historiens, après Timée, ont compté par Olympiades. Ramener les différents systèmes chronologiques à l’unité était assurément rendre à la science historique un grand service.

Voilà donc bien des mérites à porter au compte de l’érudit. Les défauts, par malheur, étaient considérables aussi. Ils venaient de deux sources : sa science était toute « livresque », et elle était infestée de rhétorique. Sur ces deux points, il faut donner pleinement raison aux attaques de son impitoyable adversaire.

L’historien, dit Polybe, doit connaître les livres, les lieux, les affaires. Or Timée, de son propre aveu, ignore la guerre et n’a pas voyagé ; il ne connaît que les livres[149]. Il en résulte qu’il commet de monstrueuses erreurs et que, même quand il évite l’erreur matérielle et grossière, son œuvre n’atteint pas à la vérité vivante que donne seule la connaissance des choses réelles, la pratique de la guerre, de la politique, des voyages. Sur ce sujet, qui lui tient au cœur, Polybe entre en verve ; son style, plutôt gris d’ordinaire, s’éclaire d’images. Il compare l’historien de cette sorte, l’homme qui ne sait que les livres[150], à un médecin qui n’aurait étudié les maladies que dans les traités de médecine[151], à un homme qui se croirait peintre pour avoir vu les chefs-d’œuvre des maîtres[152], à un peintre qui, au lieu de regarder la nature, ne travaillerait que d’après des mannequins[153] : celui-là, dit-il, peut arriver à reproduire la forme extérieure et grossière des êtres vivants, mais non la vérité de leur physionomie[154].

Un défaut plus grave encore peut-être de Timée, c’était sa malheureuse passion pour la rhétorique. Il opposait quelque part avec fierté l’art de l’historien, qui a pour objet la réalité, à l’art des rhéteurs, qui, dans leurs discours d’apparat, ne bâtissent que des « décors de théâtre » (σϰηνογραφίαι)[155]. Mais, dans le fait, il leur ressemblait beaucoup plus qu’il ne le croyait lui-même. Il ne songe qu’à louer ou à blâmer[156]. Dans la louange comme dans le blâme, il passe toute mesure. S’il vante Timoléon, il en fait un dieu[157]. S’il attaque Aristote, Démocharès ou Agathocle, c’est avec une violence de termes qui est indécente et ridicule[158]. On croirait entendre un poète satirique ou un orateur de panégyrique. Les discours qu’il prête à ses personnages n’ont rien de vrai. Il ne s’inquiète pas de savoir ce qu’ils ont dit réellement et de chercher dans leurs paroles l’explication profonde de leurs actes : il ne s’occupe qu’à leur prêter des phrases qu’il croit éloquentes et qui ne sont que ridiculement prétentieuses ; par exemple, ce sot discours qu’il met dans la bouche du Syracusain Hermocrate, et qui est plus digne d’un élève des rhéteurs que d’un homme d’état[159]. Polybe y voit un mensonge intentionnel ; disons plutôt que c’est un manque de goût lamentable.

Tout le style de Timée est gâté par cette affectation. Ce n’est pas qu’il fût sans talent : Longin lui reconnaît parfois de la grandeur[160]. Cicéron loue son habileté à faire la phrase[161]. Il le déclare un des plus admirables parmi les Asiatiques[162]. Mais c’est un Asiatique, en somme, un Asiatique à la façon d’Hégésias, c’est-à-dire un de ces rhéteurs prétentieux et puérils dont tout l’effort n’aboutit qu’à donner une impression générale de froideur et d’ennui[163].

Timée avait assez généralement, au temps de Polybe, la réputation d’être le premier des historiens[164]. Rien ne montre mieux que ce fait la décadence profonde de l’histoire au iiie siècle et l’importance de la révolution tentée par Polybe lui-même au siècle suivant.

III

Si la « connaissance des lieux », selon le mot de Polybe, est indispensable à l’historien, la géographie est comme une annexe de l’histoire, et il convient d’étudier les géographes à côté des historiens.

La période qui nous occupe en ce moment a été pour la géographie grecque un âge de développement et de progrès. Les conquêtes d’Alexandre ouvraient à la Grèce des horizons inconnus. Le commerce prit une extension considérable. Une vive curiosité s’empara des esprits. On décrivit ces pays nouveaux ; on relit l’étude méthodique de l’ancienne Grèce. En même temps, les progrès des sciences exactes conduisaient certaines intelligences à se former une idée plus juste de la Terre prise dans son ensemble. L’étude de la Terre sous ses deux formes essentielles — géographie descriptive et géographie mathématique, — produit alors toute une bibliothèque. Mais la plupart des écrits de cette sorte ne nous sont aujourd’hui connus qu’indirectement, par les témoignages des écrivains postérieurs, et les plus importants d’ailleurs devaient leur intérêt moins à l’art qu’au fond des choses. Double raison de ne pas nous arrêter à d’inutiles catalogues et de signaler seulement quelques noms célèbres[165].

Le premier est Néarque, l’amiral d’Alexandre, chargé par lui d’explorer le cours de l’Indus, et qui, ayant descendu ce fleuve jusqu’à la mer, ramena sa flotte le long des côtes de l’océan Indien jusqu’à l’Euphrate[166]. Il avait raconté son voyage d’exploration (son « périple »), dans un ouvrage spécial qui n’était pas seulement un journal de route, mais qui contenait aussi de nombreuses informations sur les choses de l’Inde. Il y rapportait avec sincérité et non sans critique, semble-t-il, à la fois ce qu’il avait vu lui-même et ce qu’il avait appris par ouï-dire. Il paraît avoir vu des Brahmanes[167] ; mais il se bornait à répéter ce que les Indiens lui avaient dit sur leurs tigres[168] et leurs serpents[169] ; en revanche, il avait rencontré des baleines et décrivait leurs jeux terrifiants[170]. Au point de vue géographique, il est certain que son livre apportait aux Grecs des renseignements d’une grande nouveauté et d’une grande valeur sur les pays dont il avait longé les côtes et sur l’océan qu’il avait parcouru. Les fragments qui nous en restent ne nous permettent pas d’en juger le mérite littéraire[171].

Au même groupe appartient Mégasthène, qu’on range souvent parmi les historiens d’Alexandre, mais qui a plus de titre, semble-t-il, à être compté parmi les représentants de la géographie descriptive[172]. Mégasthène était au service de Séleucus Nicator et fut chargé de plusieurs missions auprès du roi indien Sandracotta. Il eut donc l’occasion de voir l’Inde de plus près et plus complètement que ses predécesseurs. Son ouvrage, intitulé Ἰνδιϰά, comprenait au moins trois livres, peut-être quatre[173]. On ne peut que faire des conjectures sur l’ordre suivi par Mégasthène. Mais ce qu’on voit sans peine dans ses fragments, c’est la variété de son information, qui portait à la fois sur la géographie physique, sur l’histoire naturelle, sur les mœurs, sur la géographie politique, sur l’histoire et sur la légende. Il avait beaucoup vu et beaucoup interrogé. L’étendue de ses recherches a fait de son livre le point de départ de tous ceux que les anciens ont composés dans la suite sur le même sujet : il servit de modèle à Diodore, à Strabon, à Arrien. Avait-il montré autant de critique que de curiosité ? Ératosthène l’accusait de mensonge, et Strabon répète ce jugement avec complaisance[174]. Mais ces condamnations sommaires sont injustes. Mégasthène paraît avoir rapporté fidèlement ce qu’il avait vu de ses yeux et ce que les Indiens lui avaient raconté. Ne lui demandons pas une critique dont son temps était incapable. Il a été sincère autant que curieux : c’est le seul mérite qu’on fut en droit d’exiger de lui. Quant à son talent d’écrivain, nous ne le connaissons pas.

À peu près vers le même temps que Mégasthène, vivait Pythéas, de Marseille, qui parcourut deux fois, probablement sur des vaisseaux phéniciens, les côtes de l’Atlantique depuis Gadès jusqu’aux îles Britanniques[175]. Il avait consigné le résultat de ses explorations dans un ouvrage intitulé Περὶ Ὠϰεανοῦ. Polybe et Strabon lui sont peu favorables. Mais cette divergence vient surtout d’une différence de point de vue. Pythéas n’était pas seulement un voyageur, un peintre de mœurs et de pays : c’était un mathématicien qui savait se servir du gnomon ; ses déterminations de latitude avaient une valeur positive que des erreurs de détail ne sauraient affaiblir. Polybe et Strabon, mieux informés sur nombre de détails, sont plutôt des politiques et des philosophes que des savants : en somme, c’est souvent Pythéas qui avait raison contre eux sur l’essentiel[176]. Mais rien ne prouve qu’il fût un écrivain.

À côté de ces explorateurs qui décrivent des pays nouveaux, voici maintenant un marin qui fait le relevé des ports et la description des escales de la Méditerranée, Timosthène, amiral de Ptolémée Philadelphe, dont Ératosthène a utilisé les travaux[177] ; — un péripatéticien, le philosophe Dicéarque, géomètre autant que philosophe, auteur d’un travail intitulé Καταμετρήσεις τῶν ἐν Πελοποννήσῳ ὀρῶν[178] ; — un autre péripatéticien, Agatharchos de Cnide, qui vivait dans la première moitié du second siècle, et qui avait composé, outre un écrit spécial Sur la mer Rouge, un grand ouvrage en 59 livres Sur l’Europe et sur l’Asie, travail à la fois historique et géographique, suivi de près par Diodore dans ses descriptions de l’Égypte et de l’Éthiopie, vaste et savante composition, dont Photius vante le style original, soigné sans pédantisme et sans affectation[179].


Voici maintenant le groupe des périégètes, c’est-à-dire des guides, des explicateurs, qui s’attachent à faciliter la connaissance des pays helléniques aux voyageurs de plus en plus nombreux attirés dans les villes célèbres par leurs affaires ou par la curiosité[180]. Ces périégètes furent nombreux et de valeur inégale. Aux descriptions topographiques ou archéologiques, ils joignaient des légendes locales, des anecdotes, des détails de mœurs ; ils racontaient l’origine des monuments et des sanctuaires ; ils savaient le nom des artistes qui avaient bâti les temples ou enrichi les villes de statues et de tableaux. Toute cette science était souvent de très médiocre aloi ; la frivolité de leur bavardage est tournée en ridicule par Lucien. Littérairement, ils ne valaient guère mieux. Dans la foule de ces compilateurs sans critique et sans talent, quelques-uns cependant ont eu du mérite et sont devenus justement célèbres. L’un des principaux fut Polémon, né vers la fin du iiie siècle dans un bourg de la nouvelle Ilion, et qui fit de nombreux voyages dans tout le monde grec[181]. Il reçut le droit de cité ou la proxénie dans un certain nombre de villes dont il avait décrit les merveilles. Ses ouvrages étaient fort nombreux. Les uns étaient proprement descriptifs : par exemple ses livres Sur l’Acropole d’Athènes, Sur la Voie sacrée, Sur le Portique de Sicyone, Sur les trésors de Delphes, Sur les Péplos de Carthage, et sa Périégèse d’Ilion. D’autres racontaient les origines (Κτίσεις) des villes de la Phocide, des villes du Pont, des villes siciliennes et italiennes. D’autres encore étaient des écrits de polémique ou il relavait des erreurs réelles ou prétendues d’Ératosthène, de Timée, de Néanthès, etc. D’autres enfin, fort nombreux encore, étaient des mémoires archéologiques, critiques, littéraires, sur une foule de points de détail : il avait étudié notamment les poètes comiques et les auteurs de parodies. Strabon et Plutarque, qui se sont beaucoup servis de ses ouvrages, vantent sa curiosité infatigable[182]. Athénée la cite sans cesse. En somme, Polémon semble avoir eu quelques-unes des qualités essentielles de l’érudit.

À côté de Polémon, il faut encore mentionner Skymnos de Chios, qui vivait au commencement du second siècle, et dont la Περιήγησις paraît avoir été une description de tout le monde connu des anciens[183].


Le plus grand de tous les géographes de ce temps est à coup sûr Ératosthène, le véritable fondateur et le maître de la géographie scientifique dans l’antiquité[184].

Ératosthène naquit a Cyrène dans le premier quart du iiie siècle[185]. Il fut à Alexandrie l’élève de Callimaque, puis se rendit à Athènes pour étudier la philosophie. Il y entendit peut-être Zénon de Cittion ; en tout cas, il connut le stoïcien Ariston et l’académicien Arcésilas, qu’il vantait fort tous deux[186]. Cette impartialité montre assez qu’Ératosthène n’était l’homme d’aucune secte : il combattit même Ariston dans un de ses écrits sans cesser d’avoir du goût pour le stoïcisme. Après un long séjour à Athènes, il fut, vers l’âge de quarante ans, rappelé par Ptolémée Évergète à Alexandrie, pour y diriger la célèbre Bibliothèque après la mort de Callimaque. Il passa dans ces fonctions de bibliothécaire toute la fin de sa vie, qui s’étendit jusqu’aux premières années du second siècle[187].

Ératosthène fut un homme universel, à la fois géomètre, géographe, chronographe, philosophe, philologue et même poète. Ses ennemis raillaient cette universalité, ordinairement inséparable d’une certaine médiocrité : ils l’appelaient pentathle, parce que les athlètes qui s’exerçaient à ce genre de combat n’étaient les premiers dans aucune spécialité ; ou encore ils le désignaient par la seconde lettre de l’alphabet (Β), qui exprime en grec le chiffre 2. Ces railleries, d’ailleurs inoffensives, avaient peut-être quelque justesse quand elles s’appliquaient à ses productions poétiques ou philosophiques. Ses petites épopées intitulées Hermès et Anterinnys (récit du meurtre d’Hésiode et de la punition qui frappa ses meurtriers), son élégie d’Érigone (relative sans doute à la culture de la vigne, enseignée par Dionysos au père d’Érigone), n’étaient selon toute apparence que les œuvres d’un versificateur de talent, et rien de plus[188]. On admettra volontiers aussi qu’il ne s’élevait pas au-dessus d’une honnête moyenne dans ses Dialogues philosophiques, dans son ouvrage sur les Sectes des philosophes (d’ailleurs inconnu), dans son traité Sur les Biens et les Maux, et dans quelques autres ouvrages de polémique dont le caractère est incertain[189]. Mais son traité Sur la Comédie ancienne, en 12 livres, paraît avoir été une œuvre considérable par la pénétration autant que par le savoir[190]. Et surtout, en matière de géographie mathématique et de chronographie, il est impossible de ne pas le considérer comme un savant de premier ordre.

Sa Géographie (Γεωγραφιϰά) en 3 livres, s’ouvrait, semble-t-il, par une revue des systèmes géographiques antérieurs. Cet examen critique remplissait sans doute le premier livre. Strabon nous a conservé quelques-uns de ses jugements sur l’autorité historique d’Homère. Ces jugements, que lui-même combat, sont des plus remarquables. Ératosthène disait que, dans Homère, il ne fallait pas chercher des faits ; il ajoutait spirituellement qu’avant de retrouver le chemin suivi par Ulysse, il fallait retrouver le corroyeur qui avait cousu l’outre d’Éole. Strabon, après Polybe, était choqué de ce langage, qui montre pourtant chez Ératosthène un sens critique d’autant plus admirable qu’il est plus rare dans l’antiquité. — Dans le second livre, il exposait ses vues sur la forme générale de la Terre, qu’il considérait comme sphérique, sur l’étendue de la partie habitée (ἡ οἰϰουμένη), sur les latitudes et les longitudes, sur la situation relative des pays, sur les phénomènes constatés par les explorateurs. On voit, par divers passages de Polybe et de Strabon[191], qu’il s’attachait de préférence aux mesures géométriques, aux observations astronomiques ; qu’il acceptait, par exemple, les idées de Pythéas sur la latitude de Marseille et les théories de Dicéarque sur la configuration du Péloponnèse : en quoi il faisait preuve encore de plus d’esprit scientifique que Polybe lui-même et que Strabon. — Enfin, dans le troisième livre, il donnait un aperçu de la géographie politique de son temps. — Le tout était accompagné d’une carte géographique. On sait qu’Anaximandre passait pour avoir eu le premier, en Grèce, l’idée de dresser une carte de la terre : celle d’Ératosthène devait permettre de mesurer facilement d’un coup d’œil l’immensité des progrès accomplis depuis le vie siècle.

Ses recherches sur la chronographie (Περὶ Χρονογραφιῶν), n’étaient pas moins remarquables que les précédentes, à la fois par l’étendue des informations et par la fermeté hardie de la critique. C’est Ératosthène qui semble avoir dit nettement pour la première fois que l’âge historique commençait avec les Olympiades, et que les âges précédents étaient ou totalement inconnus ou mythiques[192]. Il avait essayé cependant de porter quelque lumière dans ces demi-ténèbres du mythe. Il avait interrogé les documents égyptiens[193]. Il avait déployé, dans l’appréciation des dates relatives à Homère et à Hésiode, une critique très ingénieuse et très fine[194].

Son système chronologique, qui va de la guerre de Troie à son temps, était devenu classique dans l’antiquité, et l’est resté jusqu’à nos jours[195]. Chemin faisant, d’ailleurs, il éclaircissait une foule de problèmes particuliers, et son livre abondait en informations de détail, aussi bien sur l’histoire littéraire que sur l’histoire politique[196]. La hardiesse de sa critique allait parfois jusqu’à effrayer, parmi ses successeurs, de bons esprits comme Arrien[197] : elle ne nous semble, en général, que judicieuse et ferme[198].

Sur le mérite littéraire des écrits d’Ératosthène, nous ne savons à peu près rien. Nous pouvons tout au plus conjecturer, d’après les passages cités plus haut sur Homère, qu’il ne manquait ni de verve ni de finesse. Mais ce qu’on peut affirmer avec certitude, c’est qu’il a été, avant Hipparque, l’un des plus illustres représentants de la science alexandrine[199].

IV

L’histoire des œuvres de l’esprit humain (philosophie, lettres, beaux-arts) est encore comme une annexe de l’histoire proprement dite, et une annexe qui se construit dans la période alexandrine. C’est dans l’école d’Aristote surtout que la curiosité pour les faits de cet ordre semble avoir été d’abord ressentie.

Rappeler, au début de chaque nouvelle étude, les opinions de ses prédécesseurs, était une pratique constante d’Aristote. Son disciple Théophraste en vint à former des ouvrages distincts avec le recueil des « opinions » (δόξαι) émises par les philosophes sur tel ou tel sujet : il fut le premier des doxographes. La curiosité des péripatéticiens ne se bornait pas d’ailleurs aux opinions philosophiques : en toute matière, ils étaient avides de faits. À côté d’eux, des académiciens aussi, ou des curieux qui n’étaient d’aucune secte, se mirent à écrire sur les poètes, sur les orateurs, sur les artistes, sur les genres littéraires aussi bien que sur les philosophes et sur la succession des doctrines. Toute cette production, jadis considérable, nous est aujourd’hui fort mal connue. De sa valeur littéraire, nous ne savons absolument rien. Bornons-nous donc aux grandes lignes.

Voici d’abord, dès la première génération péripatéticienne, Aristoxène de Tarente, qui passait pour avoir inauguré le genre des biographies de philosophes et de poètes (βίοι ἀνδρῶν) et qui avait aussi composé un ouvrage Sur les poètes tragiques[200] : — puis Héraclide, né à Héraclée du Pont, qui avait abordé à la fois, outre la philosophie proprement dite dans de nombreux traités, l’histoire de la philosophie dans un écrit Sur les Pythagoriciens, l’histoire littéraire dans des ouvrages Sur l’âge d’Homère et d’Hésiode, Sur Archiloque et Homère, l’histoire de la musique dans son livre Sur certains caractères d’Euripide et de Sophocle[201] ; — et en même temps son compatriote et contemporain Chaméléon, auteur d’écrits souvent cités sur Homère, Hésiode, Stésichore, Sappho, Anacréon, Lasos, Pindare, Simonide, Thespis, Eschyle, sur le drame satyrique, sur l’ancienne comédie[202].

Pendant tout le iiie siècle, ces études sont à la mode ; elles se multiplient d’une manière extraordinaire. Les vies des philosophes, des poètes, des musiciens, des orateurs, sont racontées dans des ouvrages spéciaux par des historiens de profession, comme Ctésibios de Chalcis, Idoménée de Lampsaque, Douris de Samos, Istros, Sosibios, Néanthès, aussi bien que par des grammairiens, comme Hermippos de Smyrne, ou des philosophes, comme le péripatéticien Satyros. Ces deux derniers, en particulier, ont fourni de nombreux renseignements, sur les orateurs et les philosophes, aux biographes qui les ont suivis[203]. Il serait aussi fastidieux qu’inutile d’énumérer toutes ces œuvres dont nous ne savons guère que les titres. Il y a cependant deux noms qui, vers le milieu et la fin de cette période, se détachent entre les autres par certains traits originaux et réclament une attention particulière : ce sont ceux d’Antigone de Caryste et de Sotion.


Antigone, né à Caryste, en Eubée, dans le premier quart du iiie siècle, fut, à Érétrie, l’élève du philosophe Ménédème ; puis il vint à Athènes, où il vécut parmi les philosophes et les artistes. Il devait avoir une cinquantaine d’années lorsque sa réputation fit désirer à Attale I, roi de Pergame, de l’attirer dans sa capitale. Antigone de Caryste y vécut sans doute jusqu’à sa mort[204].

Nous avons sous son nom un Recueil d’Histoires merveilleuses Ἱστοριῶν παραδόξων συναγωγή), qui est une assez misérable compilation, sans originalité et sans critique ; si elle est vraiment d’Antigone de Caryste, elle n’ajoute rien à sa gloire. Il est au contraire fort regrettable que nous ne puissions plus lire ses Vies des philosophes (Polémon, Crantor, Cratès, Arcésilas, Pyrrhon, Timon, Zénon, etc.), non plus que ses études sur les artistes. Diogène Laërce cite souvent ses Vies des philosophes : on voit que les souvenirs personnels y tenaient une grande place ; c’était, semble-t-il, une histoire anecdotique et vivante qui devait offrir un vif intérêt. Dans ses écrits sur les artistes, dont les titres exacts ne nous sont pas connus, il discutait l’attribution de certaines œuvres, exposait la liaison des écoles et devait donner beaucoup d’informations précieuses dont nous n’avons qu’un faible écho dans les écrivains postérieurs, notamment dans Pline l’ancien[205].

Quant à Sotion, qui semble avoir vécu à Alexandrie vers le début du iie siècle, il était l’auteur d'un écrit célèbre, en treize livres, sur la Succession des philosophes (Διαδοχὴ τῶν φιλοσόφων), c'est-à-dire sur la filiation des écoles et des doctrines[206]. On y trouvait de nombreux renseignements sur la biographie des philosophes, sur les principaux traits de leurs systèmes, sur leurs « apophthegmes ». Diogène Laërce lui a beaucoup emprunté. L'ouvrage de Sotion, outre sa valeur intrinsèque, eut le mérite de susciter toute une série d’ouvrages analogues, dont nous savons malheureusement fort peu de chose[207].

V

Cet esprit de curiosité érudite, qui a multiplié, après Alexandre, les recherches historiques de toute sorte, s’est fait sentir avec non moins de force dans un autre domaine jusque-là peu cultivé, mais que les circonstances mettent alors fort en vue, — le domaine grammatical et philologique.

Avant l’hégémonie macédonienne, les Grecs avaient été plus artistes et créateurs en littérature que théoriciens et savants. Déjà, pourtant, ils avaient commencé à réfléchir sur la langue dont ils se servaient et sur les œuvres qu’ils lisaient. Les premières études grammaticales remontent à Prodicos et aux plus anciens sophistes. Platon et Aristote avaient aussi touché par occasion à ces problèmes. On sait l’attention que leur donnèrent les stoïciens. La lecture assidue d’Homère et des vieux poètes lyriques ou gnomiques, qui formait le fond de l’éducation littéraire à Athènes, avait fait naître une sorte de philologie rudimentaire et instinctive. On peut dire, en un sens, que la philologie avait commencé avec la rédaction des poèmes homériques. Elle s’était créé peu à peu une sorte de tradition et des règles par l’étude de plus en plus constante de ces antiques chefs-d’œuvre. Au temps d’Isocrate, il y avait des sophistes qui faisaient profession d’expliquer et de commenter Homère[208]. Les « problèmes » et « questions homériques » étaient un genre de recherches fort à la mode dans les écoles de philosophes au temps d’Aristote et de ses premiers successeurs. Il y avait donc en Grèce, à la fin du ive siècle, bien des ébauches déjà de science grammaticale et philologique.

Les conditions nouvelles de la vie littéraire les développèrent infiniment. La fondation de la bibliothèque d’Alexandrie fut, dans cet ordre d’idées, un évènement capital. On eut alors, pour la première fois, dans un même lieu, une collection immense des œuvres écrites par des Grecs depuis l’origine de la race. Dans le choix même des achats à faire, il fallait se décider par des raisons philologiques entre plusieurs rédactions différentes et de valeur inégale ; il fallait apprendre à distinguer méthodiquement les bonnes éditions des mauvaises, et surtout il fallait déjouer les faussaires, rendus audacieux par l’espoir du gain. Il fallait ensuite mettre de l’ordre dans ces richesses, classer les œuvres, vérifier les attributions, dresser des catalogues, des tables chronologiques, des notices biographiques et historiques de toute sorte. Il fallut surtout rendre ces richesses, une fois réunies, de plus en plus accessibles à la foule des curieux et des lettres, par de nouvelles éditions aussi correctes que possible, par des commentaires, par un immense travail d’exégèse grammaticale et historique ; travail d’autant plus nécessaire que cette littérature appartenait à un passé de jour en jour plus lointain, et que la masse des lecteurs se trouvait moins préparée d’avance à l’aborder de plain-pied. Après la bibliothèque d’Alexandrie, on vit naître et grandir la bibliothèque de Pergame, presque aussi considérable, sans parler des collections secondaires qui se formèrent en divers endroits à l’imitation de celles-là. Ainsi, de tous côtés, les matériaux du travail philologique s'accumulaient, rendant ce travail à la fois plus facile et plus indispensable.

Les hommes ne manquèrent pas à cette tâche nouvelle. Ce furent tout d’abord les bibliothécaires mêmes placés par les rois d’Égypte et de Pergame à la tête de ces dépôts ; ensuite, à leur exemple, la foule de leurs disciples et de leurs imitateurs. La série des bibliothécaires alexandrins au iiie et au iie siècle est remarquable : elle ne comprend que des hommes d’un grand mérite ; Zénodote, Callimaque, Ératosthène, Apollonios de Rhodes, Aristophane de Byzance, Aristarque[209]. Au temps d’Aristarque, la bibliothèque de Pergame avait à sa tête Cratès de Mallos, le rival d’Aristarque en réputation. Tous furent des travailleurs infatigables. Leurs écrits se comptaient par centaines. Il n’en reste que des débris, venus jusqu’à nous par l’intermédiaire des scoliastes et des grammairiens postérieurs. Sans attribuer à ces érudits une valeur littéraire à laquelle eux-mêmes sans doute ne prétendaient pas, essayons de rappeler brièvement ce qu’ils ont fait et de caractériser leur méthode.

Zénodote, d’Éphèse, fut l’élève de Philetas de Cos[210]. Comme son maître, il associait à la pratique de la poésie l’étude théorique et savante de la langue[211]. Son œuvre de poète est oubliée ; son œuvre de grammairien l’a rendu célèbre. Ptolémée I Soter lui confia l’éducation de ses enfants. L’aîné de ceux-ci, Philadelphe, devenu roi à son tour (vers 285), chargea son maître Zénodote de diriger la grande bibliothèque dont Ptolémée Soter avait commencé sans doute la formation, mais qui fut surtout l’œuvre de Philadelphe. Zénodote s’entoura de collaborateurs dont quelques-uns sont inconnus, par exemple les poètes Alexandrie d’Étolie et Lycophron. Ceux-ci eurent dans leur « département » les poètes tragiques et les poètes comiques ; Zénodote se réserva les poètes épiques et lyriques[212]. Il s’occupa, dit-on, de les classer ; ajoutons qu’il dut sans doute en acheter beaucoup et faire le catalogue de ses collections. — Comme philologue, il est d’abord l’auteur d’une sorte de lexique des « mots rares » ou γλῶσσαι qu’on trouvait dans Homère[213] : c’était un travail qui devait ressembler à ceux de son maître Philétas. Sa véritable originalité n’est pas là : elle est dans sa célèbre édition de l’Iliade et de l’Odyssée. Zénodote est le premier en date des diorthotes alexandrins[214], c’est-à-dire des éditeurs savants et critiques, qui, au lieu de reproduire servilement le premier texte venu de leur auteur, se sont donné pour tâche d’en comparer les versions différentes et d’en faire sortir un texte aussi pur que possible. Par là, Zénodote est l’ancêtre vénérable de tous les éditeurs modernes. Dans sa récension des poèmes homériques, il avait signalé les interpolations et corrigé les fautes. Par malheur, il s’était attaqué, pour son coup d’essai, au texte dont la critique était de beaucoup la plus difficile, à cause de l’antiquité de la langue et du caractère particulièrement flottant de la tradition. Ses successeurs, et surtout Aristarque, l’ont très souvent combattu. Il était impossible en effet qu’il n’eût pas commis de nombreuses erreurs. Autant que nous en pouvons juger aujourd’hui à travers les citations des critiques, il semble que son défaut principal fut d’avoir trop souvent prononcé des jugements arbitraires, fondés sur son goût personnel plus que sur une intelligence assez historique et assez profonde de cette poésie déjà si lointaine[215]. Mais c’était là un inconvénient inévitable à cette date, et même, s’il faut l’avouer, un défaut auquel ses plus célèbres successeurs sont loin d’avoir toujours échappé. D’ailleurs le problème que se posèrent les éditeurs alexandrins était probablement insoluble. Leur prétention était de retrouver le texte authentique d’Homère. Le problème serait difficile, mais non insoluble, s’il était vrai qu’il eût jamais existé un texte authentique d’Homère. Mais si ce texte n’a pas existé, à quoi pouvaient aboutir les efforts des chercheurs les plus savants ? Le malicieux Timon, l’auteur des Silles, un jour qu’on lui demandait quelle édition d’Homère il fallait lire, répondit que le mieux était de tâcher de trouver un vieux texte qui n’eût pas encore subi les retouches des « diorthotes »[216]. Il avait peut-être raison.

Callimaque d’Éphèse, qui paraît avoir été le successeur de Zénodote, est surtout célèbre comme poète. Nous le retrouverons à ce titre au chapitre suivant. Bornons-nous à dire ici que son rôle, comme bibliothécaire, fut considérable[217]. Il avait rédigé (ou fait rédiger sous ses yeux par des collaborateurs) une immense publication en 120 livres, intitulée ; Tableaux des écrivains illustres et de leurs œuvres (Πίναϰες τῶ ἐν πάσῃ παιδείᾳ διαλαμψάντων ϰαὶ ὦν συνέγραψαν). C’était une bibliographie raisonnée, à la fois biographique, historique et critique, où tous les ouvrages de la bibliothèque, classés par genres et par ordre de dates, étaient énumérés et catalogués. Cet admirable répertoire était une mine d’informations de toute sorte sur la vie des écrivains et sur l’histoire littéraire, en même temps que sur la bibliographie proprement dite. On y trouvait, par exemple, avec un résumé des didascalies dramatiques, des indications sur le nombre des vers, des lignes ou stiques de chaque ouvrage[218]. Rien de pareil n’avait jamais été fait sur l’ensemble de la littérature grecque. Mais Callimaque ne s’en était pas tenu là : Suidas, dans sa notice, énumère encore une assez longue liste d’écrits dont Callimaque était l’auteur sur des questions particulières de philologie.

Nous avons déjà parlé d’Ératosthène et de son traité sur la Comédie ancienne. Quant à Apollonios de Rhodes, il semble avoir consacré toute son activité à la poésie : ce n’est donc pas le lieu de l’étudier. Restent trois noms, qui sont des plus grands dans cet ordre de science.

Aristophane de Byzance est le premier en date[219]. Né vers le milieu du iiie siècle en Macédoine, il était fils d’un officier de fortune que les hasards de la vie amenèrent à Alexandrie. Il y fut l’élève de Callimaque, peut-être de Zénodote[220] ; il y connut Ératosthène. Sa réputation de savant le fit choisir par Ptolémée Épiphane comme bibliothécaire, quand la place devint vacante par la mort d’Apollonios. Aristophane avait soixante-deux ans. Le roi Eumène de Pergame voulut l’attirer chez lui. Ptolémée, pour garder son bibliothécaire, le fit emprisonner et ne lui rendit la liberté qu’après avoir pris ses garanties. Ainsi disputé par deux rois, le glorieux bibliothécaire vécut encore une quinzaine d’années. — Cette grande réputation était fondée sur des travaux exclusivement philologiques[221]. Aristophane de Byzance fut grammairien, lexicographe, bibliographe, éditeur de textes, et il le fut avec une supériorité de méthode et de savoir qui le met au premier rang[222]. En grammaire, il est le fondateur de la théorie de l’analogie, c’est-à-dire de la régularité rationnelle, par laquelle il essayait d’expliquer la déclinaison grecque[223] : c’était une tentative pour faire pénétrer un peu de lumière dans le chaos de l’usage ; tentative évidemment prématurée et souvent fautive, mais qui dénote une force d’esprit remarquable. C’est lui aussi qui avait rendu plus général et plus régulier l’emploi des signes d’accentuation[224]. En lexicographie, il avait accumulé d’immenses recherches sur le sens précis des mots dans les divers dialectes (Ἀττιϰαὶ λέξεις, Λαϰωνιϰαὶ γλῶσσαι), sur les proverbes (Περὶ παροιμιῶν, en 6 livres), sur certains passages obscurs des poètes[225], et même, chose plus délicate et plus fine, sur les changements récents de la langue grecque (Περὶ τῶν ὑποπτευομένων μὴ εἰρῆσθαι τοῖς παλαιοῖς). En bibliographie, il avait apporté des additions et des corrections aux Tableaux de Callimaque[226]. Comme éditeur, enfin, il donna des éditions nouvelles non seulement d’Homère, mais aussi d’Hésiode, des principaux poètes lyriques (Alcée, Anacréon, Pindare), des grands poètes tragiques et comiques, et même de certains prosateurs, comme Platon. Ces éditions étaient remarquables par l’esprit critique[227], par le savoir, par d’ingénieux efforts pour rendre plus facilement accessible au lecteur le résultat de ses recherches et l’intelligence du texte. C’est ainsi qu’il avait composé des arguments (ὑποθέσεις) pour les pièces de théâtre, qu’il avait groupé les dialogues platoniciens en trilogies, et surtout qu’il avait créé ou perfectionné tout un système de signes critiques (obèle, sigma, antisigma, etc.) qui lui permettaient, sans perte de temps ni de place, de signaler rapidement au lecteur les passages qui lui semblaient interpolés, ou notables par quelque raison. Il avait également imaginé de séparer, dans les œuvres lyriques, les différentes parties de la strophe (cola, vers, périodes), qu’on écrivait auparavant sans alinéa, comme de la prose[228]. Ajoutons enfin que, par le choix qu’il avait fait de certains poètes de préférence aux autres, il avait commencé d’établir ce canon des « classiques » qui fut surtout son œuvre et celle d’Aristarque[229], et qui n’a cessé de prévaloir.

Aristarque fut le plus célèbre des disciples d’Aristophane de Byzance et son successeur comme bibliothécaire[230]. Né à Samothrace vers 215, il vint, comme tant d’autres, à Alexandrie, où Ptolémée Philométor (181-146) lui confia l’éducation de ses enfants. À la mort d’Aristophane de Byzance (vers 180), il fut nommé bibliothécaire. Il mourut à soixante-douze ans (vers 143). — Comme Aristophane de Byzance, il avait défendu, en grammaire, la théorie de l’analogie. Mais son activité se porta de préférence vers la publication et le commentaire des poètes classiques. On lui devait des éditions d’Homère, d’Hésiode, d’Alcée, de Pindare, de certaines parties d’Eschyle, et d’innombrables commentaires exégétiques (huit cents, selon Suidas) qui touchaient à presque toute la poésie classique.

Le nom d’Aristarque éveille aussitôt l’idée d’un goût sûr, fondé sur une science profonde de la langue grecque. Son principal titre de gloire était dans ses deux éditions d’Homère et dans les commentaires dont il les accompagna. Les scholies du manuscrit de Venise nous ont transmis de nombreux vestiges de sa doctrine, que nous pouvons encore apprécier dans une certaine mesure. Il semble bien qu’en effet il ait eu à peu près toute la science grammaticale et toute la sûreté de goût qu’on pouvait avoir de son temps. Il comprend qu’il ne faut chercher dans Homère ni arrière-pensées ni symboles, comme faisaient les stoïciens. Il l’entend au sens direct et naïf, l’explique par lui-même, et connaît à merveille les textes. Mais cela ne veut pas dire qu’il satisfasse entièrement la science moderne, qui lui trouve souvent le goût timide et l’esprit un peu étroit[231]. C’était, par exemple, une étrange idée que de faire d’Homère un Athénien[232]. Aristarque avait bien vu qu’il y avait de certains rapports entre le génie d’Athènes et celui des poèmes homériques, mais ni le sens de l’histoire ni le goût ne l’avaient averti de la mesure très restreinte où la chose était vraie. C’est qu’Aristarque, en effet, comme tous ses contemporains, fait mal la différence des temps. En outre, il est plutôt un « humaniste » qu’un érudit : il est assez peu curieux de l’histoire. Dans son commentaire sur Pindare, en particulier, cette insuffisance a été relevée par Bœckh avec vivacité[233]. Quoi qu’il en soit de ces réserves (et de celles que nous avons exprimées plus haut sur la possibilité de donner un bon texte d’Homère), l’autorité d’Aristarque fut triomphante dans l’antiquité, et l’Homère que nous lisons aujourd’hui est probablement en grande partie l’Homère d’Aristarque[234]. De nombreux disciples continuèrent sa doctrine et défendirent sa gloire[235], si bien que son nom même est devenu comme synonyme de critique presque impeccable[236].

Le dernier des grands critiques de ce temps est Cratès, de Mallos (en Cilicie), contemporain d’Aristarque et parfois son adversaire[237]. Cratès de Mallos fut attiré à Pergame par Attale II, qui l’envoya à Rome comme ambassadeur[238] (en 168). C’était un stoïcien, que sa philosophie même conduisit aux études grammaticales. Après Chrysippe, il défendit la théorie de l’anomalie, c’est-à-dire de l’irrégularité grammaticale, combattue par Aristarque au nom de l’analogie. Son traité Sur le dialecte attique, en cinq livres au moins, ne nous est connu que de nom[239]. Il avait publié des commentaires sur l’Iliade et l’Odyssée, sur la Théogonie d’Hésiode, sur d’autres poètes encore. Son point de vue paraît avoir été fort différent de celui d’Aristarque et de son école. Il semble avoir été géographe et savant autant que philologue, et, dans les matières de philologie proprement dite, avoir porté le même goût des faits en défendant l’anomalie, c’est-à-dire la liberté de la poésie et la diversité vivante des dialectes. De plus, en sa qualité de stoïcien, il restait fidèle à l’habitude de chercher dans les œuvres littéraires des allégories. Peut-être fut-il un des auteurs des Πίναϰες (tableaux ou catalogues) de la bibliothèque de Pergame[240], et contribua-t-il à fixer, pour les orateurs attiques, le canon classique, qui semble venir de Pergame plutôt que d’Alexandrie[241]. Cratès de Mallos, en somme, est mal connu. Ajoutons qu’il passe pour avoir été le maître de Panætios[242] : ceci, comme le fait de son ambassade à Rome, nous avertit que nous sommes arrivés aux confins d’une nouvelle période, caractérisée par des relations de plus en plus fréquentes avec l’Occident.

VI

Tous ces critiques et ces érudits nous acheminent naturellement vers la littérature technique et savante, très abondante dans le monde alexandrin. Le iie siècle, en effet, a été un âge d’investigation en tous sens, de progrès, de découvertes parfois considérables. En mathématiques, en physique, en histoire naturelle, en médecine, il a produit une riche moisson d’écrits. Nous ne pouvons guère pourtant nous y arrêter. Non seulement la plupart de ces ouvrages ont péri, mais l’importance même de ceux qui subsistent est toute scientifique ; ils appartiennent à l’histoire des sciences, non à celle de la littérature. Nous sommes donc obligés de nous en tenir à quelques noms seulement, choisis parmi les plus grands ou les plus significatifs[243].

Mettons d’abord à part un disciple d’Aristote, Aristoxène, qui est un des premiers en date, et dont les études sont un peu en dehors du cadre des sciences qui viennent d’être énumérées : il s’est occupé surtout, en effet, de théorie rythmique et musicale[244]. Aristoxène, né à Tarente d’une famille de musiciens, se livra d’abord à l’étude pratique de la musique. Son père, Spintharos, était un musicien célèbre. Le jeune Aristoxène fut son élève, puis celui de plusieurs autres maîtres renommés. La philosophie ne tarda pas à l’attirer également. Il connut d’abord, semble-t-il, des Pythagoriciens. Mais il vint, ensuite à Athènes, au temps où Aristote y enseignait. Il s’attacha aussitôt à ce maître incomparable. On raconte que la réputation d’Aristoxène dans l’école fut assez grande pour qu’il pût espérer de devenir scolarque à son tour : mais ce fut Théophraste qui l’emporta, et Aristoxène, dit-on, s’en montra blessé. Quoi qu’il en soit de ces historiettes, ce fut un esprit vigoureux et original. Il avait laissé de nombreux écrits (453, selon Suidas), qui se rapportaient aux sujets les plus variés. Aristoxène fut un des premiers, après Aristote, à donner l’exemple d’un savoir encyclopédique et d’une curiosité insatiable en tous sens. Ses ouvrages philosophiques eux-mêmes avaient un caractère historique et érudit très marqué : c’étaient des traités sur les lois (Νόμοι παιδευτιϰοί, Νόμοι πολιτιϰοί) et un recueil de Sentences Pythagoriciennes[245]. Puis il avait composé, suivant une mode alors naissante, plusieurs volumes de Souvenirs ou de Mélanges, dont les plus célèbres étaient des Propos de table (Σύμμιϰτα συμποτιϰά). Il fut le premier, nous l’avons vu, ou l’un des premiers, à écrire l’histoire des philosophes et des écrivains. Ses Vies des hommes illustres (Βίοι ἀνδρῶν), consacrées à Pythagore, à Archytas, à Socrate, à Platon, au poète dithyrambique Télestès, à d’autres encore que nous ne savons plus, — puis ses écrits Sur les poètes tragiques et Sur les joueurs de flûte, ont été un modèle souvent imité, en même temps qu’une source féconde de renseignements pour la postérité. Ces ouvrages d’Aristoxène étaient encore classiques au temps de Plutarque[246], et même au temps de saint Jérôme[247]. Mais c’est surtout comme théoricien de la musique qu’Aristoxène fut une autorité de premier ordre. On l’appelait ὁ μουσιϰός. Il avait composé, sur cette matière, de nombreux écrits. Les plus importants étaient ses Élements harmoniques, dont il nous reste trois livres, et ses Éléments rythmiques, dont nous n’avons plus que des fragments, mais très instructifs et très précieux. Aristoxène avait traité ces sujets en musicien et en disciple d’Aristote. Il fondait sa théorie sur l’analyse directe des faits, qu’il constatait en praticien expérimenté et qu’il étudiait avec la rigueur, la précision, la clarté de style dont son maître lui avait donné l’exemple. D’une nature plutôt sévère et un peu triste, d’un goût ferme et sobre, il condamnait les affectations de la musique contemporaine et cherchait à remettre en honneur le grand art classique, celui des Pindare, des Eschyle, des Sophocle. Il n’est pas douteux qu’Aristoxène ne fût à la fois un très savant homme et une très vigoureuse intelligence. Comme écrivain, il avait au moins le mérite de la simplicité la plus précise et la mieux appropriée aux sujets qu’il traitait[248].

Les mathématiques pures et appliquées, auxquelles il faut joindre la physique, sont représentées dans cette période par quelques très grands noms : le géomètre Euclide, l’astronome Aristarque de Samos, le géomètre et physicien Archimède, le géomètre Apollonios de Perga, les ingénieurs Héron d’Alexandrie et Philon de Byzance.

Euclide, qui vivait sous Ptolémée Soter à Alexandrie, est l’auteur des célèbres Éléments de géométrie, en 13 livres, où toute l’humanité civilisée n’a cessé depuis d’aller chercher les principes de cette science[249]. Il avait encore composé de nombreux ouvrages dont il nous reste une demi-douzaine[250].

Aristarque de Samos, élève du péripatéticien Straton de Lampsaque, est le premier, semble-t-il, qui ait eu cette vue de génie que c’était la Terre qui tournait autour du Soleil, et non le Soleil autour de la Terre : idée qui ne pouvait être encore à cette date qu’une hypothèse, et qui rencontra longtemps des incrédules même parmi les astronomes les plus illustres, comme Hipparque[251].

Archimède, géomètre et arithméticien, fut surtout un prodigieux ingénieur et le véritable fondateur de la physique au sens moderne du mot[252]. Né à Syracuse vers 287, il vécut longtemps à Alexandrie et revint à Syracuse dans les dernières années de sa vie. On sait son rôle dans le siège que Syracuse eut à soutenir contre Marcellus en 212, et les circonstances de sa mort. Il nous reste de lui quelques écrits, dont la plupart se rapportent à la géométrie : nous ne possédons plus qu’une traduction latine du célèbre traité Sur les corps flottants, où se trouvait énoncé et développé le principe qui porte son nom.

Apollonios, de Perga (en Pamphylie), est un contemporain plus jeune d’Archimede. Il avait composé de nombreux ouvrages de géométrie. Il s’était occupé aussi d’astronomie[253].

Héron d’Alexandrie, qui vivait dans la seconde moitié du iiie siècle[254], fut un habile géomètre, mais surtout un mécanicien : il nous reste notamment de lui de curieux traités sur les Machines de trait et sur les Automates[255].

Philon de Byzance, son contemporain, est également un ingénieur, qui s’est occupé surtout des applications militaires de son art (Βελοποιιϰά, Πολιορϰητιϰά)[256].

Tous ces hommes ne doivent pas être mis sur la même ligne. Archimède est certainement le plus grand de tous. Il a eu à la fois la vision divinatrice et pénétrante qui trouve les nouveautés fécondes, et l’analyse rigoureuse qui les établit définitivement. Les autres, à côté de lui, ne sont que des hommes de beaucoup de talent, entre lesquels d’ailleurs il y aurait des degrés à établir, si c’en était ici la place. Euclide lui-même, malgré son universelle célébrité, n’est probablement pas aussi grand par ses inventions originales que par un certain art de choisir dans les découvertes antérieures, de les classer et de les exposer. Par là, il est vrai, son art se rattache en quelque mesure à celui de l’écrivain. On a dit avec une finesse ingénieuse que la géométrie, telle que les Grecs nous l’ont faite, portait la marque de leur esprit au même degré que leur littérature[257]. S’il est incontestable qu’une certaine rigueur et subtilité dialectique, aussi bien dans la démonstration d’un théorème que dans un dialogue de Platon, est comme la signature de l’hellénisme, la géométrie traditionnelle est profondément hellénique. Or elle doit ce caractère à Euclide pour une forte part. C’est pour cela que les historiens de la littérature sont tenus de nommer dans leurs histoires Euclide d’abord, et, par une raison analogue, tant d’autres savants ou érudits qui ont également fait passer dans leurs travaux cette tournure propre de l’esprit grec, l’aptitude à enchaîner des idées avec souplesse et rigueur, par une série de raisonnements bien liés.

En médecine, l’œuvre des Alexandrins n’a pas été moins considérable. Dès la fin du ive siècle et le commencement du iiie, deux très grands médecins, Hérophile de Chalcédoine et Érasistrate d’Iulis, ont fait faire à l’anatomie d’immenses progrès. Non contents de disséquer des cadavres, ils opéraient des vivisections, sur des animaux le plus souvent, parfois même sur des criminels, mis à leur disposition par les rois d’Égypte ou de Syrie[258]. Hérophile avait écrit une Anatomie et de nombreux traités sur des points de détail[259]. Érasistrate est le célèbre médecin qui, suivant une anecdote bien connue, découvrit l’amour du jeune Antiochus pour sa belle-mère Stratonice[260]. Il avait également laissé de nombreux écrits[261]. Toute cette littérature médicale ne nous est aujourd’hui connue que par les témoignages des médecins plus récents, en particulier ceux de Galien. Cela suffit pour reconstituer à peu près leur doctrine, non pour les apprécier au point de vue littéraire. Ils firent école l’un et l’autre, et leurs disciples, comme il arrive, exagérèrent les différences qui les avaient séparés : les Hérophiléens défendirent avec passion la tradition Hippocratique. Les Érasistratéens s’attachèrent aux doctrines nouvelles. Entre les deux écoles, une troisième, dite l’école empirique ou de l’expérience, s’éleva dès le iiie siècle, faisant une grande part, semble-t-il, aux remèdes « de bonne femme », aux recettes traditionnelles et plus ou moins magiques. De là toute une foule d’écrits, aujourd’hui perdus, qui sont cités parfois par les médecins de l’âge suivant. Bornons-nous à rappeler le nom d’Archagathos, qui fut (en 219) un des premiers médecins grecs établis à Rome[262].


À côté de la médecine, nous trouvons encore, dans cette période, un développement assez remarquable des sciences naturelles et de leurs applications à l’agriculture. On composa alors en abondance des traités Περὶ θηρίων, des Θηριαϰά, des Λιθιϰά, puis des Γεωργιϰά[263]. Varron, au début de son De re rustica, déclare connaître plus de cinquante ouvrages grecs consacrés à des points particuliers de son sujet. Comme aucun de ces écrits n’a survécu et qu’aucun même de leurs auteurs n’a laissé dans l’histoire littéraire une trace appréciable, nous n’avons pas à nous en occuper davantage. La seule chose intéressante à noter, à propos de cette floraison exubérante d’écrits techniques, c’est le fait même de cette floraison, c’est ce besoin de savoir, de cataloguer des faits, de les mettre dans des traités, qui s’empare alors de l’esprit grec, et qui est dû certainement en grande partie à l’existence même de la bibliothèque d’Alexandrie, c’est-à-dire aux habitudes nouvelles que suscite ce prodigieux entassement de livres : il y a désormais un public de lecteurs pour tous les écrits, et, par conséquent, il y a des écrivains, bons ou mauvais, mais toujours séduisants par quelque endroit pour une curiosité devenue insatiable.

VII

Au milieu de tant d’érudition, de savoir positif et souvent aride, on découvre avec surprise que, même en prose, l’imagination ne perd pas facilement tous ses droits. Elle se glisse, à vrai dire, trop souvent jusque dans la science, pour la gâter, par exemple chez les périégètes et chez les nombreux auteurs de mirabilia. » Mais, de plus, elle se réserve un domaine à part, un domaine en partie nouveau, mal délimité encore et mal défriché, qu’elle s’efforce de mettre en valeur : c’est le domaine du roman, ou, pour mieux dire, du romanesque, car le roman proprement dit, sous sa forme pure et spécifique, est le dernier terme d’une évolution alors commençante et incertaine[264].

Le romanesque conscient et volontaire (très différent du romanesque inconscient des logographes et d’Hérodote) avait fait sa première apparition dans la prose grecque avec la Cyropédie de Xénophon. La conception de l’Atlantide, dans le Timée et dans le Critias de Platon, était un produit du même genre d’inspiration, et Théopompe, dans son Histoire Philippique, avait parfois mêlé aussi (d’une manière assez étrange) la fiction romanesque à l’histoire[265] ; mais ni Platon ni Théopompe n’avaient, en somme, donné de pendant a la Cyropédie. Dans la période alexandrine, cette forme d’art reparaît avec les ouvrages d’Hécatée d’Abdère, d’Évhémère de Messine et de quelques autres écrivains moins connus.


Hécatée, d’Abdère ou de Téos, était un contemporain de Ptolémée, fils de Lagos, roi d’Égypte : il accompagna ce prince dans son expédition de Syrie et vécut peut-être à sa cour. Il avait suivi l’enseignement de Pyrrhon[266]. C’est tout ce qu’on sait de sa vie[267]. Les anciens lisaient sous son nom un ou deux écrits apocryphes sur les Juifs[268], et deux ouvrages authentiques qui avaient fait sa célébrité : l’un Sur les Hyperboréens, l’autre intitulé Αἰγυπτιαϰά[269]. Il ne nous en reste que peu de fragments textuels, mais le caractère en est facilement reconnaissable. Dans son ouvrage sur les Hyperboréens, il mettait en œuvre une légende grecque déjà mentionnée par Pindare et qui faisait de ce peuple imaginaire un peuple de sages[270]. Diodore de Sicile résume l’image qu’il avait tracée de leur manière de vivre[271]. C’est aussi Diodore qui nous donne les indications les plus précises sur ses Ægyptiaca[272]. On y trouvait, avec des descriptions de monuments, des informations abondantes, mais évidemment fantaisistes, sur les idées religieuses de l’ancienne Égypte et sur les emprunts que les sages de la Grèce, depuis Orphée jusqu’à Démocrite et Platon, n’avaient cessé de faire à la science des Égyptiens. La méthode d’Hécatée n’avait rien de critique : elle était à peu près la même, dans ces récits sur l’Égypte, que dans sa description des Hyperboréens. L’histoire n’était pour lui qu’un cadre, où il enfermait des vues personnelles et arbitraires sur la religion et sur la philosophie. Bien qu’il ait trouvé des imitateurs[273], son influence fut limitée et ne saurait se comparer à celle d’Évhémère.


Évhémère, de Messine en Sicile, fut l’ami de Cassandre, roi de Macédoine, qui paraît lui avoir confié certaines missions lointaines d’où il tira peut-être l’idée de son livre, ou du moins le cadre de ses fictions[274]. Cet ouvrage était intitulé L’Inscription sacrée (Ἱερὰ ἀναγραφή). Évhémère y racontait qu’après avoir parcouru la Phénicie et l’Égypte, il était arrivé dans l’Arabie Pétrée et aux trois îles de la Panchaïe, dont la capitale s’appelle Panara. Au milieu de récits d’aventures et de descriptions de mœurs, il s’attachait surtout à mettre en lumiere l’idée essentielle de ce qui s’est appelé ensuite l’Évhémérisme, à savoir que les dieux sont d’anciens mortels divinisés. C’est une inscription du temple de Panara (d’où le titre de son ouvrage) qui servait de prétexte à l’exposition de sa théorie. Cette inscription, en effet, consacrée aux trois plus antiques divinités de la mythologie grecque, Ouranos, Kronos et Zeus, racontait que ces dieux avaient été d’abord des rois de la Panchaïe. Évhémère partait de là pour exposer à sa façon l’histoire des dieux et leurs généalogies. Le récit de ces voyages lui donnait sans doute l’occasion de renouveler, à propos d’une foule de dieux et de héros, la démonstration de sa thèse fondamentale. Cette théorie, à vrai dire, n’était pas entièrement nouvelle : outre que les éléments s’en trouvaient déjà dans certaines légendes fort anciennes, elle était tout à fait conforme à l’esprit platement rationaliste dans lequel Éphore, après bien d’autres, avait expliqué les vieux mythes locaux. Mais jamais elle n’avait été exposée avec cette suite ; jamais l’idée générale n’en avait été mise en lumière avec tant de netteté. L’ouvrage, d’ailleurs, avait probablement le genre de mérite littéraire qui plaisait aux lecteurs de ce temps. Comme il exprimait une manière de voir qui était conforme à l’esprit d’une époque où la foi naïve avait disparu des intelligences cultivées, et où l’intelligence des âges très anciens était médiocre, il eut un immense succès. Le Romain Ennius s’en fit l’interprète passionné[275]. L’Évhémérisme, qui était au fond une sorte d’athéisme, devint la religion d’une foule de savants : il leur offrait cet avantage de les intéresser aux vieux mythes et de leur donner une nouvelle raison de n’y pas croire. Pour des générations à la fois curieuses et incrédules, c’était double plaisir.


À côté de ces œuvres ou l’imagination romanesque est mise au service de certaines thèses historico-philosophiques, d’autres la faisaient servir à mettre en scène les grands hommes d’autrefois. C’est l’objet de la littérature pseudo-épistolaire, qui prend alors un grand développement. Quelques écrivains illustres avaient laissé des lettres authentiques. Isocrate, si soucieux de sa gloire, si foncièrement bel-esprit, avait peut-être recueilli les siennes. Les écoles philosophiques conservaient et lisaient sans doute des lettres de leurs maîtres, sans parler de celles qu’Épicure avait expressément rédigées en vue d’une publication au moins restreinte. De là, par une imitation ou la rhétorique, le goût de la fiction et certaines tendances philosophiques trouvaient également leur compte, tant de lettres apocryphes qui furent mises sous les noms de Platon, d’Aristote, de Démosthène, de Philippe et de bien d’autres. Nous n’avons pas à nous arrêter à ces exercices d’école, généralement insignifiants, sinon pour y signaler cette nouvelle apparition de l’esprit romanesque en quête de sa véritable voie[276]. »


Quant au roman proprement dit et au conte, c’est-à-dire au récit d’une action fictive servant de cadre à la peinture des mœurs, on en peut, à cette date, saisir quelques premiers vestiges, mais rares et faibles[277]. C’est dans la période alexandrine que furent composés ces Contes milésiens (Μιλησιαϰά) dont les officiers de l’armée de Crassus faisaient leurs délices et qui, trouvés par le roi des Parthes dans les bagages de l’armée romaine, offensèrent la pudeur du prince barbare[278]. On les attribuait à un certain Aristide de Milet[279], mais on en ignore la date exacte, et le peu qui en reste ne permet pas de les juger. Divers passages des ouvrages de Cicéron sur la rhétorique semblent aussi attester l’existence de certaines narrations fictives que l’on appellerait aujourd’hui des romans[280]. Mais tout cela n’a laissé aucune trace et nous ne pouvons que signaler à ce propos, sans y insister, les très humbles débuts d’une forme littéraire appelée à de si brillantes destinées.

VIII

Il nous reste à dire quelques mots d’une dernière sorte d‘écrits qui complètent curieusement, à l’époque alexandrine, le spectacle de cette prodigieuse diversité que présente alors l’érudition hellénique : ce sont les écrits grecs d’origine juive[281].

Une colonie juive nombreuse s’était établie à Alexandrie dès la fondation de la ville nouvelle. Ils obtinrent une situation privilégiée sous les Ptolémée et prospérèrent si bien que Philon, trois siècles plus tard, évaluait leur chiffre total, pour Alexandrie et les environs, à un million[282]. Ces Juifs avaient apporté avec eux leur langue, leurs livres sacrés, leurs traditions. Mais ils ne tardèrent pas à s’helléniser en partie. La langue que leur devint plus familière que l’hébreu : il leur fallut traduire en grec leurs livres sacrés pour l’usage du grand nombre. La culture grecque aussi leur révéla un monde des « gentils » qu’ils ne connaissaient guère : certaines idées des philosophes leur rappelaient celles de leurs prophètes ; ressemblances et différences les firent réfléchir, et de là sortit, chez quelques esprits d’élite, un travail de pensée qui devait aboutir à des œuvres originales écrites en grec.


Une légende racontait que Ptolémée Philadelphe avait chargé soixante-douze savants juifs de traduire en grec la Bible hébraïque[283]. C’est ce qu’on appelle la version des Septante. Nous n’avons pas à entrer dans l’examen des innombrables problèmes de critique que soulève ce texte, ni même à l’étudier littérairement, car il est totalement étranger à la littérature grecque proprement dite, par le fond et par la forme. Quelle que soit la date exacte et l’origine des divers morceaux qui le composent, il a été écrit par les Juifs hellénisants d’Alexandrie, d’après des originaux hébreux ou sur leur modèle, pour leur usage propre, dans le dialecte qu’ils parlaient, et il n’est sorti de leur cercle, pour agir sur la pensée du monde entier, que beaucoup plus tard.


Il n’en est pas tout à fait de même d’un certain Aristobule, Juif d’Alexandrie, qui vivait dans la première moitié du second siècle, et qui nous est donné comme un Péripatéticien[284]. Si nous connaissions mieux son Explication de la loi mosaïque (Ἐξηγήσεις τῆς Μωυσέως γραφῆς), il y aurait peut-être quelque intérêt avoir comment il démontrait aux païens (car c’est à eux qu’il s’adressait) que la sagesse de leurs philosophes dérivait des sources juives. Philosophe et lettré, Aristobule n’écrivait pas le grec des Septante ; mais cela ne veut pas dire qu’il fût un grand écrivain.


C’est encore à des Juifs d’Alexandrie qu’il faut rapporter divers écrits apocryphes inspirés, comme l’ouvrage d’Aristobule, par le désir de rapprocher la pensée juive de la pensée grecque : on fabriqua des vers d’Orphée et de Phocylide, des ouvrages d’Hécatée, des oracles sibyllins. Le Pseudo-Orphée, le Pseudo-Phocylide n’ont aucune valeur littéraire, mais témoignent d’un état d’esprit curieux. Nous avons mentionné plus haut les ouvrages qu’on attribuait à Hécatée d’Abdère Sur les Juifs et Sur Abraham : on n’en connait guère que les titres.

Quant aux oracles sibyllins, on sait que, dans leur état actuel, ils forment un amalgame confus de vers prophétiques d’origines variées[285] ; parmi les diverses Sibylles auxquelles on les rapportait, il en est une qu’on appelait Chaldéenne ou Juive. C’est elle qu’on regardait comme l’auteur des oracles qui forment le IIIe livre de nos éditions. Beaucoup de ces oracles sont visiblement d’époque récente et même chrétienne, mais une partie au moins d’entre eux semblent appartenir à la période alexandrine. Le seul intérêt littéraire de ces centons prophétiques est de nous montrer que, dans la colonie juive d’Égypte, la connaissance familière des vieux poètes grecs était assez répandue pour permettre la fabrication et la diffusion de semblables pastiches. Ils sont d’ailleurs si peu poétiques qu’on nous excusera de les avoir mentionnés dans ce chapitre avec les autres productions de l’inspiration judéo-grecque.

Après ce long voyage à travers tant de médiocres productions en prose, revenons à la poésie, qui nous montrera du moins un peu d'art véritable et parfois une veine encore pure de délicat hellénisme.


    Mersebourg, 1848 (Progr.). V. surtout, pour l’appréciation de Pythéas, M.  Dubois, Examen de la géogr. de Strabon, p. 253 et suiv.

  1. Sur l’ensemble de cette période, cf. Blass, Die griechische Beredsamk, in dem Zeitraum von Alex. bis Aug., Berlin, 1865.
  2. Quintilien, X, 1, 80.
  3. Vie dans Diog. L., V, 75-85. Cf. Ostermann, De Demetrii Phalerei vita, rebus gestis et scriptorum reliquiis, en deux parties, Hersfeld et Fulda, 1847-1857. — Les fragments de Démétrios sont réunis dans Müller (Didot), Fragm. Hist. graec., t. II, et Fragm. Orat. graec., t. II. Cf. aussi, pour les fragments oratoires, Sauppe, Oratores graeci, append., p.  344-346, Fragments épistolaires dans Hercher (Didot), Epistolographi græci.
  4. Diog. L., V, 75.
  5. Cf. Démétrios, De l’Élocution, 289.
  6. Diod. de Sicile, XVIII, 74, 3 ; Strabon, IX, 398.
  7. Diog. L., V, 75.
  8. Diog. L., V, 77-78.
  9. Liste dans Diog. L., V, 80-81.
  10. Cicéron goûtait fort chez Démétrios le philosophe politique. Cf. De offic. I, 1, 3 ; De Legibus, III, 6, 14.
  11. Cf. Plutarque, Démosth., 11. — Le Περὶ ἑρμηνείας qui nous a été conservé sous son nom est rempli d’observations intéressantes sur le style et sur le rythme oratoires. Mais c’est un ouvrage de date postérieure. Ce traité semble être d’un rhéteur de l’époque romaine (Cf. § 108, allusion aux laticlaves des patriciens), qui avait sous les yeux les premières éditions complètes d’Aristote (très souvent cité), et qui se rattachait par ses préférences littéraires à l’école classique de Denys d’Halicarnasse. Éditions de Walz. Rhetores graeci, t. IX, C. Müller, Orat. attici (Didot), II ; Spengel, Rhetores graeci, III. Trad. fr. de Durassier, Paris, 1875. — Cf. Dahl, Demetrios, Περὶ Ἑρμ., dans Berliner Philolog. Wochenschrift, 1896, n. 3. V. aussi la notice de Walz, en tête de son édition.
  12. Cicéron, Brutus. 9, 31 ; Orat., 27, 92 ; De Orat. II, 23, 95.
  13. Quintilien, X, 1, 80.
  14. Diog. L., V, 82.
  15. Cicéron, Brutus, 83.
  16. Id., ibid.
  17. Quintilien, II, 4, 41.
  18. Denys d’Halic., Préface de ses Jugements des orateurs anciens. Voir aussi Cicéron, dans le Brutus.
  19. Cf. Susemihl, II, p. 462 et suiv.. — Citons seulement, pour mémoire, Matris de Thèbes, dont l’Éloge d’Héraclès a été la principale source des récits de Diodore, I, 24, 4.
  20. Il était postérieur à Charisios, dont il suivait les exemples (Cicéron, Brutus, 83), et antérieur à l’école de Pergame, qui réagit contre son influence.
  21. Plutarque, Alex., 3. — Les fragments d’Hégésias ont été recueillis par C. Müller à la suite de son Arrien (Bibl. Didot), dans les Fragments des historiens d’Alexandre, p. 138-144.
  22. Il s’agit ici de la première forme de l’éloquence asiatique. Sur la deuxième forme, cf. plus bas, ch. VI.
  23. Voir surtout Cicéron, Brutus, 67 et 69 ; Denys d’Halic., Arrang. des mots, c. 18 ; Théon. Progymnasm., t. I, p. 169 des Rhetores graeci de Walz (t. II, p. 71, Spengel) ; Pseudo-Longin, Sublime, 3, 2 ; Quintilien, XII, 10, 16-17.
  24. Ὑπὸ γυναιϰῶν ἢ ϰατεαγότων ἀνθρώπων… ϰαὶ οὐδὲν τούτων μετὰ σπουδῆς, ἀλλ’ ἐπὶ χλευασμῷ ϰαὶ ϰαταγέλωτι..
  25. Strabon, IX, p. 396.
  26. Voir encore dans C. Müller, fragm. 2 (p. 139-441), les passages cités par Agatharchides. La ruine de Thèbes, par exemple, lui inspirait des jeux de mots dont voici un échantillon : Δεινὸν τὴν χώραν ἄσπορον εἶναι τὴν τοὺς Σπαρτοὺς τεϰοῦσαν.
  27. Cf. Susemihl, II, p. 471.
  28. Pour les écoles de Pergame et de Rhodes, v. chap. VI.
  29. Arrien, Anab., préface.
  30. Id., ibid.Fragm. dans C. Müller (Didot), Historiens d’Alexandre (à la suite de l’Arrien), p. 86-93.
  31. Cf. C. Müller, p. 86.
  32. Fragm. 2.
  33. Fragm. 7.
  34. Cf. C. Müller, Fragm. Hist. gr., II, p. 161. Le doute de C. Müller sur l’authenticité de cet ouvrage semble peu fondé.
  35. Plutarque, Aratus, 3.
  36. Polybe, II, 40, 1. — Susemihl (I, p. 630) signale, d’après quelques mots de Plutarque, la tendance probablement apologétique de cet ouvrage.
  37. Corn. Nepos, Hannib., 13.
  38. Fragments dans C. Müller (Didot), Fragm. Histor. graec. II, p. 617-622. — Cf. Krech, De Crateri ψηφισμάτων συναγωγῇ, etc. Greifswald, 1888 ; Susemihl, I, 599 et suiv.
  39. Cf. Suidas.
  40. Nous reviendrons plus loin sur ces divers personnages.
  41. Cf. Susemihl, I, p. 681-685.
  42. Biographies de Corn. Nepos et de Plutarque.
  43. Fragment dans C. Müller (Didot), Hist. d’Alexandre (à la suite de l’Arrien), p. 121-124.
  44. Plutarque, Alex., 76.
  45. Cf. Susemihl, I, p. 544.
  46. C. Müller. Fragm. Hist. graec., II, 625.
  47. Athénée, XI, p. 493, C-D.
  48. Ὦροι Σαμίων (Athénéa, p. 696, E).
  49. Cf. Susemihl, I, p. 641 et 643.
  50. Id., p. 602.
  51. Id., p. 626.
  52. Id., p. 633.
  53. Cf. t. IV, p. 496.
  54. Les trois autres sont Démon, Andron et Melanthios. Sur les auteurs d’Atthides, cf. C. Müller, Fragm. Hist. gr., I, p. LXXXI-XCI. Fragm. dans le même vol., p. 371 et suiv.
  55. C. Müller (loc. cit.) ne le croit pas, Christ les identifie (p. 419).
  56. Cf. fragm. 46.
  57. Notice dans Suidas. Cf. C. Müller, p. LXXXVIII et 384. Cf. surtout A. Roersch, Étude sur Philochore, Louvain, 1897 (65 p., extrait du Musée belge.)
  58. Jug. sur Dinarque, 3.
  59. Liste dans Suidas.
  60. Notice de Suidas. Cf. Susemihl, I, p. 622. Fragm. dans C. Müller, p. 418-427.
  61. Liste de ces écrits dans C. Müller, p. XC.
  62. Fragm. 11 (Schol. Aristoph., Oiseaux. 1694).
  63. Lydiaca, de Xénophile ; Gaulois en Asie, de Démétrios de Byzance ; Lyciaca, de Ménékratès ; Cariaca, d’Apollonios ; Rois grecs et barbares, de Ménandre d’Éphèse. Pour tous ces noms, v. l’Index de Susemihl.
  64. Fragments dans C. Müller, Fragm. hist. gr., II, p. 495-696.
  65. Textes cités par C. Müller, p. 495.
  66. Textes cités par C. Müller, p. 511.
  67. Mémoire sur la date des écrits qui portent les noms de Bérose et de Manéthon, Paris (Hachette), 1873.
  68. Ibid., p. 29.
  69. Ibid., p. 37.
  70. Ibid., p. 49. Susemihl, qui connaît seulement le titre du mémoire de M. Havet et le compte-rendu de Thurot dans la Revue critique (1874, I, p. 132 et suiv.), reste fidèle à l’opinion traditionnelle (I, p. 606) et cite quelques travaux où l’idée de Havet est combattue.
  71. Diog. L., X, 25.
  72. Fragments dans C. Müller, Fragm. hist. gr., II, 489-494.
  73. V. fragm. 4, 5, 7, etc.
  74. Notice sur Dicéarque et fragments dans C. Müller, ibid., p. 225-268. Notice de Suidas.
  75. Cf. C. Müller, p. 226. Voir aussi, p. 229 et suiv., la discussion sur l'authenticité de quelques-uns des fragments.
  76. Ils en faisaient faire, dit-on, tous les ans une lecture publique (Suidas).
  77. Liste dans C. Müller, p. 227.
  78. Sur l’ensemble des historiens d’Alexandre, le travail de Croix (Examen critique des historiens d’Alex.) garde une partie de sa valeur. Les fragments de ces historiens ont été recueillis p. C. Müller (Bibl. Didot), sous ce titre ; Scriptores rerum Alexandri magni, et publiés à la suite de l’Arrien de cette collection. Cf. Susemihl. J. p. 532 et suiv.
  79. Nous ne connaissons guère que de nom Menæchmos de Sicyone, Marsyas de Pella, Éphippos, Medios, Kyrsilos, etc. Cf. C. Müller et Susemihl.
  80. Arrien, Préface. — Fragm. dans C. Müller, p. 94-143.
  81. Cf. fragm. 1.
  82. Cf. fr. 4 et 5 ; etc.
  83. Lucien, Manière d’écrire l’hist., 12.
  84. Cf. fragm., 2 (histoire de Timoclée la Thébaine.)
  85. Εἰσαγγελεύς (Plut. Alex., 46. — Fragm. dans C. Müller, p. 114-120.
  86. Athénée, XIII, p. 575, A.
  87. Fragm. 16. Cf. 10, etc.
  88. Fragm. 2.
  89. Fragm. 17.
  90. Diog. L., VI, 84. — Fragm. dans C. Müller, p. 47-57.
  91. Fragm. 10.
  92. Plutarque, Alex., 66. Cf. Arrien, VI, 2, 3 et VII, 5, 6.
  93. Cf. Arrien, VI, 2, 3.
  94. Fragm. 10 (Strabon, XV, p. 715).
  95. Fragm. dans C. Müller, p. 1-32. Une inscription de Delphes, récemment publiée par M.  Homolle (Bull. de corresp. Hellén., 1898, p. 260 et suiv.) le montre comme le collaborateur d’Aristote pour l’ouvrage intitulé Πυθιονῖϰαι.
  96. Plutarque, Alex., 53.
  97. Voir surtout Polybe, XII, 42, et 17-22. Dans ce second passage, Polybe, par une critique suivie d’un récit de Callisthène, montre que celui-ci enfle arbitrairement ses chiffres contrairement à toute possibilité.
  98. Cf. C. Müller, Pseudo-Callisthène (à la suite des Historiens d’Alexandre).
  99. Fragments dans C. Müller, p. 74-85.
  100. Fragments dans C. Müller, p. 33-39.
  101. Quintilien, X, 1, 74, Cf. Cicéron, Brutus, II, 42.
  102. Jugement sur Isée, 19. Cf. Stobée, Floril., XXXVI, 20.
  103. C. Müller, Fragm. Hist. gr. II, p. 463.
  104. C. Müller, p. II, p. 461.
  105. C. Müller, III, p. 12.
  106. C. Müller, II, p. 450-461. Cr. Susemihl, I, p. 560.
  107. Denys d’Halic., Arrang. des mots, 4.
  108. Voir, pour tous ces noms, l’Index de Susemihl.
  109. Mentionnons encore, pour mémoire, Cratippe (C. Müller, II, 75-78), qui avait continué Thucydide, et dont personne ne se souviendrait s’il n’avait eu l’idée d’expliquer par une raison saugrenue pourquoi le viiie livre de son glorieux prédécesseur ne contenait pas de discours. Cf. Denys d’Halic., Sur Thuc., 16. L’époque exacte de sa vie est inconnue.
  110. C. Müller, Fragm. Hist. gr., II, 361.
  111. Cf. p. 88.
  112. V. Plutarque, Démétr., 24. Cf. Polybe, XII, 13.
  113. C. Müller, ibid., p. 445-449.
  114. Brutus, 83 ; De Orat. II, 23.
  115. C. Müller, ibid., p. 466-488.
  116. Περὶ τραγῳδίας, Περὶ ἀγώνων, Περὶ ζωγράφων.
  117. Arrang. des mots, 4.
  118. Cf. fragm. 1.
  119. Il citait tout au long, dans son 22e livre, la chanson des Athéniens en l’honneur de Démétrius, qu’Athénée (IV, p. 253, D) nous a conservée d’après lui.
  120. On le faisait naître à Athènes, à Sicyone, en Égypte. V. Suidas.
  121. Notice dans C. Muller, Fragm. Hist. gr., I, p. LXXVII et suiv. ; fragments, p. 334-358, et IV, p. 645.
  122. Il était aussi l’auteur de quelques ouvrages moins importants dont les titres mêmes sont douteux. Cf. Müller, p. LXXVIII.
  123. Cf. fragm. 43 et 45.
  124. Polybe, II, 56-63.
  125. Arrang. des mots, 4.
  126. Sur sa partialité, cf. C. Müller, p. LXXX.
  127. Suidas, Τίμαιος. — Notice dans C. Müller, Fr. hist. gr., I, p. XLIX-LXVII ; fragments, p. 193-233. Timée a été l’objet d’une demi- douzaine de dissertations doctorales ou inaugurales (Cf. Susemihl, I, p. 563-583) ; les plus instructives sont celles de Kothe, De Timaei Taur. vita et scriptis, Breslau, 1871, et de Clasen, Untersuch. über Timaios von Taur., Kiel, 1883.
  128. Pseudo-Lucien, Longévité, 22.
  129. Diodore, XVI, 7. 1.
  130. Susemihl (p. 561) croit que la jeunesse de Timée fut remplie par des voyages chez les Ligures, les Celtes, les Ibères. Mais le passage de Polybe (XII, 28, a, 4) sur lequel s’appuie cette opinion montre bien que c’est à Athènes (ϰαθήμενον ἐν ἄστει) que Timée avait étudié ces peuples, et non de visu (αὐτόπτης).
  131. Susemihl place le fait en 312, lorsqu’Agathocle se prépare à passer en Afrique (Diodore, XIX, 102, 6). Mais il semble qu’à ce moment Agathocle ait fait périr ses ennemis de Tauroménium. L’exil de Timée peut être antérieur ou postérieur de quelques années.
  132. Suidas.
  133. Polybe, XII, 25 b. 1.
  134. Diodore l’appelle quelque part ὁ Συραϰόσιος (XXI, 16, 5).
  135. C. Müller, p. L et suiv. Cf. Susemihl, p. 569.
  136. Denys d’Halic., Antiq. Rom., I, 6. Cf. Polybe, I, 5, 1.
  137. Suidas parle d’une Συλλογὴ ἀφορμῶν ῥητοριϰῶν en 68 livres, par confusion sans doute avec le chiffre total de ses livres historiques (cf. Müller, p. LI ; Susemihl, p. 567, n. 246), trois livres Περὶ Συρίας (dont on ne sait rien), et des Χρονιϰὰ πραξίδια, qui semblent avoir été un extrait de son principal ouvrage (cf. Müller, p. LIV).
  138. Cf. C. Müller, p. LI.
  139. Surtout au livre XII, ch. 3-15 et 23-28, a. Pour les autres passages, v. l’Index de Polybe (éd. Hultsch), au mot Timaeus.
  140. XII, 26 d.
  141. Polybe, XII, 28 a, 2-3.
  142. Polybe, XII, 25 d, 1. Cf. Cicéron, De orat., II, 14.
  143. Polyb., XII, 10, 4.
  144. Polyb., ibid.
  145. Cf. Diodore, XIII, 54 ; 60 ; 80 ; XIV, 54. Passages cités par C. Müller, p. LVI.
  146. Polybe, XII, 4 d.
  147. Polybe. XII, 24, 5. Cf. Pseudo-Longin, Sublime, IV, 3 (fragm. 103 de Timée).
  148. Polybe, XII, 11, 1. Cf. Diodore, V, 1.
  149. Polybe, XII, 25 h. Cf. ibid., 25 d.
  150. Τοὺς ἀπὸ ταύτης τῆς βυϐλιαϰῆς ἑξεως ορμωμένους (XII, 25 L, 3).
  151. XII, 25, d.
  152. XII, 25 e, 7.
  153. Ἀπὸ τῶν σεσαγμένων θυλάϰων (XII, 25 h, 2).
  154. Ibid., 3.
  155. Polybe, XII. 23 a, 1.
  156. Id., ibid., 7, 1.
  157. Id., ib., 23. 4.
  158. Id., ib., 8, 3-4 ; 13 ; 15. Cornelius Nepos range Timée (Alcib. 24) parmi les maledicentissimi scriptures.
  159. Polybe, XII, 26 ; cf. 25, k ; 25 a, 3-5 ; 23 b, 4 ; 26 b ; 26 d, 6 ; etc.
  160. Pseudo-Longin, Sublime, 4, 1.
  161. De Orat., II. 14.
  162. Brutus, c. 93.
  163. Cf. Denys d’Halic., t. II, p. 125, 25 ; Plutarque, Nicias, 1 ; Pseudo-Longin, 4, 1.
  164. Polybe, XII, 28, 6.
  165. La plupart des textes géographiques grecs de cette période doivent être cherchés dans les Geographi graeci minores de C. Müller (Didot). Quelques-uns des plus importants cependant figurent dans d’autres volumes de la même collection : nous les indiquerons à mesure. — Consulter, pour l’histoire de la géographie grecque, outre les travaux anciens de Letronne et de Gossellin ( Recherches sur la géographie systématique et positive des anciens), l’ouvrage capital de Hugo Berger, Geschichte der wissenschaftliche Erdkunde der Griechen, Leipzig, 1887. Pour la période étudiée ici, voir Susemihl, I, 649-701, où l’on trouvera tous les noms. Cf. aussi M.  Dubois, Examen de la géographie de Strabon, Paris, 1891, p. 231-285.
  166. C. Müller, Script. rerum Alex. (à la suite de l’Arrien), p. 651.
  167. Fragm. 7.
  168. Fragm. 12.
  169. Fragm. 14.
  170. Fragm. 25, 31, etc.
  171. Un de ses compagnons de voyage, Androsthène, avait aussi publié un Παραπλοῦς τῆς Ἰνδιϰῆς. Cf. Susemihl, I, p. 653.
  172. Notice et fragments dans C. Müller, Fragm. Hist. gr., t. II, p. 397-439. Cf. aussi Schwanbeck, Megasthenia indica, (Bonn, 1846), ouvrage classique sur le sujet.
  173. C. Müller, p. 399.
  174. Strabon, II, p. 70.
  175. Cf. A. Schmeckel, Pytheae Massiliensis fragm. quae supersunt,
  176. En particulier sur la latitude de Marseille, malgré les objections de Strabon.
  177. Περὶ λιμένων, Περὶ νήσων, Σταδιασμον. Cf. Strabon, IX, p. 421 (Susemihl, I, p. 660).
  178. C. Müller, Fragm. Hist. gr., II, p. 225-268.
  179. C. Müller, Fragm. Hist. gr., III, 190-197. — Cf. Photius, cod.
  180. On les appelait aussi exégètes, ou, s’ils s’occupaient spécialement des sanctuaires, mystagogues.
  181. Notice de Suidas. Notice et fragments dans C. Müller, Fragm. Hist. gr., III, p. 108-148. Cf. Egger, Polémon le voyageur archéologue (dans les Mém. d’Hist. anc. et de Philol.), p. 15-57. Cf. aussi Foucart, Revue de Phil., 1878. p. 215-216, et Susemihl, I, p. 665-676.
  182. Voy. surtout Plutarque, Quæst. conviv. V, 2, p. 675 B.
  183. Susemihl, I, p. 677-678.
  184. Notice de Suidas. — Sur Ératosthène géographe, la source principale est Strabon, dans ses Prolégomènes. Cf. Marcel Dubois, Examen de la géogr. de Strabon, p. 266-283. Mais Ératosthène est aussi un chronographe et un érudit. Sur l’ensemble de ses œuvres, cf. Bernhardy, Eratosthenica, Berlin, 1822, et les pages de Susemihl, I, p. 409-428. — Les fragments géographiques sont presque tous dans Strabon. Les fragm. chronographiques ont été publiés par C. Müller (Didot), à la fin de l’Hérodote. Les fragments poétiques ont été publiés par Hiller, Eratosthenis carminum relliquiae, Leipzig, 1872. — Nous avons, sous le nom d’Ératosthène, un ouvrage ordinairement intitulé Καταστερισμοί, qui n’est qu’une compilation apocryphe sur les constellations et les mythes qui s’y rapportent. Éd. d’A. Oliviari, dans les Mythographi graeci (Teubner), t. III, 1897.
  185. Suivant Strabon (I, p. 15), il connut Zénon de Cittion. Suivant Suidas, il naquit dans la 126e Olympiade (276-273). Ces deux affirmations ne sont pas exactement conciliables, car Zénon mourut vers 260 au plus tard.
  186. Strabon, passage cité.
  187. Il avait environ quatre-vingts ans, et se laissa, dit-on, mourir de faim volontairement (Suidas ; Pseudo-Lucien, Longév., 27).
  188. V., dans l’Anthologie de Jacobs, I, p. 227-229, quelques fragments de ces poèmes et une épigramme.
  189. Susemihl, I, p. 421.
  190. Bernhardy, Eratosthenica, p. 203-237.
  191. Polybe, XXXIV, 2, 11 ; 3, 4 ; Strabon, II, 4.
  192. Fragm. 2 (C. Müller).
  193. Fragm. 1.
  194. Fragm. 5.
  195. Fragm. 3. Cf. Denys d’Halic., Arch. Rom. I, 46 : ὅτι δέ εἰσιν οἱ κανόνες ὑγιεῖς οἴς Ἐ. κέχρηται, etc.
  196. Fragm. 9, 11, 14, 15.
  197. Fragm. 18.
  198. Ou même un peu timidement subtile, quand elle imagine, par exemple, deux Événos de Paros (fragm. 11), pour concilier des traditions divergentes.
  199. Sur Hipparque, voir plus bas, chap. VI.
  200. Il sera question d’Aristoxène plus loin, § VI, avec plus de détails.
  201. Diog. L., V, 86-92. C. Müller, Fr. Hist. graec., II, 197-207, où l’on trouvera surtout, avec une notice sur Héraclide, les extraits de ses prétendues Πολιτεῖαι, abrégé des Πολιτεῖαι d’Aristote dû probablement à un autre Héraclide (Héraclide Lembos ; cf. Susemihl, I, p. 501-505).
  202. Cf. Köpke, De Chamaeleonte Heracleota, Berlin, 1856.
  203. Cf. Susemihl, I, 492-495 et 498.
  204. Sur Antigone de Caryste, cf. Wilamowitz-Mœllendorf, Ueber Antig. von Karyslos, Berlin, 1831 (fascic. IV des Philol. Untersuch.) Il n’y a pas d’édition complète des fragments d’Antigone de Caryste. Les Historiae mirabiles qui lui sont attribuées ont été publiées dans les Paradoxographi de Westermann (Brunschweig, 1839) et dans ceux de O. Keller (Leipzig. Teubner, 1877).
  205. Cf. Wilamowitz-Moellendorff, p. 10 et suiv. On a contesté que l’auteur de ces écrits fût le même que l’historien des philosophes ; mais Zénobios, V, 83, le donne expressément comme étant, lui aussi, de Caryste. — Antigone de Caryste avait eu pour prédécesseur, dans cet ordre d’études, un certain Zénocrate (Pline, XXXIV 83), qui paraît avoir vécu aussi au iiie siècle.
  206. Cf. Diels, Doxographi graeci, p. 146-148.
  207. Cf. Susemihl, I, p. 499 et suiv.
  208. L’un d’eux fut le célèbre Zoïle, celui qu’on surnomma « le fléau d’Homère » (Ὁμηρομάστιξ). Et Suidas, Ζωίλος. Voy. aussi A. Pierron, Iliade, Introd. du t. I, p. XXV, et t. II, append. VI. — Zoïle avait composé sur Homère un ouvrage en neuf livres, intitulé peut-être Ὁμηρομάστιξ, où il s’amusait à relever toutes les absurdités que le poète attribue aux dieux et aux héros. Le principal caractère de cette critique était de manquer absolument du sens historique.
  209. Sur toute cette chronologie, dont certains points sont obscurs, cf. A. Couat, Poésie Alexandrine, chap. II.
  210. Notice de Suidas. Cf. Susemihl, I, 330-335. Date de naissance inconnue.
  211. Sur Philetas, cf. plus bas, {abréviation|chap.|chapitre}} IV.
  212. Tzetzès, Proleg. in Aristoph., cité par Ritschl, Opusc., I, p. 124.
  213. Schol. Odyss., III, 444.
  214. Διορθῶται.
  215. Cf. Römer, Ueber die Homerrecension des Zenodot, Munich, 1885 (dans les Abhandlungen de l’Acad. bavaroise, t. XVII, p. 639-722).
  216. Diogène L., IX, 113.
  217. Notice de Suidas. Cf. Egger, Callimaque bibliographe (dans l’Annuaire des Études grecques, 1876). V. aussi Susemihl, I, p. 337-340.
  218. Cf. Graux, Nouvelles recherches sur la stichométrie, Revue de Philologie, 1878, p. 79 et suiv.
  219. Notice de Suidas. Consulter surtout l’ouvrage classique de Nauck, Aristophanis Byzantii grammatici Alexandrini fragmenta, Halle, 1848.
  220. Callimaque dans sa jeunesse, après l’avoir été de Zénodote dans son enfance, selon Suidas. Comment Zénodote, alors au comble de la réputation, fût-il le maître d’un tout jeune enfant ? — Athénée lui donna aussi pour maître le poète comique Machon (VI, 241, F, et XIV, 664, A).
  221. Sauf peut-être un poème intitulé Φαινόμενα.
  222. Willmowitz-Moellendorff, Isyllos von Epidauros, p. 11 (dans les Philol. Untersuch., IX, Berlin, 1886), l’appelle « le plus grand grammairien de l’antiquité ».
  223. Varron, De ling. lat., X, 68.
  224. Cf. Lentz, Herodiani relliq., I, préface, p. XXXVII.
  225. Par exemple, dans un traité Περὶ τῆς « ἀχνυμένης σϰυτάλης », où il expliquait ce mot célèbre d’Archiloque.
  226. Athénée, p. 408, F.
  227. Il discutait, par exemple, l’authenticité des diverses œuvres d’Hésiode (Quintilien, I, 1, 15, à propos des Ὑποθῆϰαι de Chiron).
  228. Les péans delphiques retrouvés par M. Homolle, de même que celui d’Isyllos à Épidaure, à peu près contemporains d’Aristophane de Byzance, sont encore écrits selon l’ancien système.
  229. Cf. Quintilien, X, 1, 54 et I, 4, 3. Cf. Steffen, De Canone qui dicitur Aristophanis et Aristarchi, Leipzig, 1876.
  230. Notice de Suidas. Cf. Egger, Mémoires de littér. anc., p. 126-163 ; Lehrs, De Aristarchi Studiis Homericis, Leipzig, 1865 (2e éd.), et Ludwig, Aristarchs Homerische Text·Kritik, Leipzig, 2 vol., 1884 et 1885 (travail confus, mais plein de choses, où l’on trouve notamment tout ce que Didyme nous a transmis des commentaires d’Aristarque sur Homère). — A. Pierron, dans l’Introduction de son édition de l’Iliade, consacre à Aristarque quelques pages instructives, mais où l’admiration n’est pas assez critique. V. aussi Wilamowitz, Euripides Herakles (1ère éd.), p. 138 et suiv., et P. Cauer, Grundfragen der Homer Kritik, Leipzig, 1895, p. 11-35.
  231. Cf. Wolf, Prolegomena, p. CCXXXI.
  232. Cf. Westermann, Vilarum scriptores, 2e et 3e biogr. homériques.
  233. Bœckh. Schol. Pind., préface, p. 13.
  234. C’est du moins l’opinion généralement admise. V. cependant chez A. Ludwig et P. Cauer, des conclusions assez différentes.
  235. Suidas rapporte qu’il eut une quarantaine de disciples de son vivant.
  236. Rappelons ici, pour mémoire, deux adversaires d’Aristarque, Xénon et Hellanicos, qui se rendirent célèbres pour avoir été les premiers chorizontes : ils « séparaient », parmi les poèmes homériques l’Iliade de l’Odyssée, et ne laissaient à Homère que le premier des deux ouvrages. Aristarque avait composé un traité Contre le paradoxe de Xénon. Cf. Susemihl, I, p. 453, n. 101, et II, p. 149-150.
  237. Fragments recueillis par C. Wachsmuth, De Cratete Mallota, Leipzig, 1860. Notice de Suidas.
  238. Suétone, De gramm. et rhet., p. 100 (Reifferscheid).
  239. Athénée, p. 497, E.
  240. Mentionnés par Athénée, VIII, p. 336, E.
  241. Cf. Brzoska, De Canone decem oratorum atticorum, Breslau, 1883.
  242. Strabon, XIV, p. 676.
  243. Pour la bibliographie complète de cette catégorie d’ouvrages et d’écrivains, voy. Susemihl, t. I, p.  700-883.
  244. Notice dans Suidas. Cf. aussi C. Müller (Didot). Fragm. Hist. graæc. II, p. 269-292 (avec notice biogr.). Les fragments des ouvrages historiques d’Aristoxène sont seuls recueillis dans ce volume. Les Éléments harmoniques ont été publiés par Marquard (Berlin, 1868), et traduits en français par Ruelle (Paris, 1870). Les Éléments rythmiques (ou plutôt les fragments qui en restent) ont été publiés d’abord par Morelli (1785) et depuis, par Westphal et Rossbach, à la fin du tome I de leur Metrik der Griechen (2e édition). Cf. aussi Westphal, Aristoxenus von Tarent, Leipzig, 1883 (traduction en allemand avec commentaires).
  245. Sur Aristoxène philosophe, v. surtout Ueberweg, Grundriss der Philosophie der Griechen, 8e éd., publiée par Heinze, Berlin, 1894 (p. 252 et suiv.).
  246. Plutarque, Moralia, p. 1093, C.
  247. Saint Jerôme, préface de son Histoire ecclésiastique.
  248. Sur les successeurs d’Aristoxène, cf. Susemihl, II, pp. 218-237. Le grand défaut de beaucoup d’entre eux est d’avoir étudié la métrique en dehors de la rythmique, c’est-à-dire la quantité apparente des syllabes au lieu de leur valeur vraie dans les poèmes destinés à être chantés. De là tant d’absurdités chez les métriciens postérieurs, comme, par exemple, le nom de pentamètre donné à un vers qui, réellement, comptait six pieds ou mesures. Mais tout cela n’a plus rien de commun avec la littérature proprement dite.
  249. La seule édition complète d’Euclide a été longtemps celle de Gregory (avec trad. lat.), Oxford, 1703, in-f. Heiberg et Menge viennent d’en donner une nouvelle (Euclidis opera omnia, 7 volumes, Leipzig, 1888-1895.) Cf. Susemihl, t. I, p. 704 suiv.
  250. Nous avons sous son nom une Εἰσαγωγὴ ἁρμονιϰή, qui est apocryphe. Cf. Susemihl, p. 717.
  251. Sur Hipparque, cf. chap. VI. Il nous reste, sous le nom d’Aristarque de Samos, un traité Sur la grandeur et les distances du Soleil et de la Lune. Cf. Susemihl, p. 719.
  252. Cf. Susemihl, p. 723 et suiv.Éd. de Torelli, Oxford, 1792 ; de Heiberg, Leipzig, 1880 (Teubner).
  253. Cf. Susemihl, p. 749. Éd. de Heiberg, Leipzig, 1883 (Teubner).
  254. W. Christ (Gr. Lit., p. 634), adoptant l’opinion de Th. H. Martin, le fait vivre beaucoup plus tard, au début du ier siècle. V. à ce sujet Susemihl, I, p. 737, n. 164.
  255. Il n’y a pas d’édition complète de Héron d’Alexandrie. Sa Dioptrique a été publiée par Vincent (Notices et extraits, t. XIX) ; ses ouvrages géométriques et métrologiques par Hultsch ; ses écrits militaires par Thévenot, dans ses Mathematici veteres. Cf. Susemihl, p. 737 et suiv. V. aussi Th. H. Martin, Recherches sur la vie et les ouvrages d’Héron d’Alexandrie, Paris, 1854, et Prou, Les théâtres d’automates en Grèce (Acad. des Inscript., Mém. prés. par divers savants, t. x).
  256. Cf. Susemihl, p. 744 et suiv.
  257. G. Milhaud, La géométrie grecque considérée comme œuvre personnelle du génie grec, dans la Revue des Ét. g., 1896, p. 371-423. Cf. Tannery, La géométrie grecque (1887), p. 142-143, avec une très intéressante citation de Proclus sur ce sujet.
  258. Cf. Celse, Préf. du liv. I, p. 4 (éd. Daremberg) ; Tertullien, De Anima, 10 (passages cités par Susemihl, I, p. 777, n. I 3).
  259. Il avait même touché a la philologie par des études sur les γλῶσσαι d’Hippocrate. (Galien, XIX, 64). Cf. Susemihl, I, p. 787 et suiv.
  260. Plutarque, Démétrius, 49 ; etc.
  261. Cf. Susemihl, I, p. 810 et suiv.
  262. Pline, Hist. Nat., XXIX, 6.
  263. Cf. Susemihl, I, p. 829-883. Il y a aussi des livres sur la cuisine, sur l’art des songes, etc.
  264. Cf. Erwin Rohde, Der griechische Roman, Leipzig, 1876 (surtout p. 194-241).
  265. Théopompe, fragm. 76. Cf. plus haut, t. IV, p. 661 ; E. Rohde, p. 204.
  266. Diog. L., IX, 69.
  267. Notice et fragments dans C. Müller (Didot), Fragm. Hist. græc., t. II, p. 385-396. Cf. Rohde, p. 208-217.
  268. Cf. C. Müller, p. 385.
  269. Ou peut-être, selon Diogène Laërce (I, 10), Περὶ τῆς τῶν Αἰγυπτίων φιλοσοφίας.
  270. Pindare, Pyth. X. 29-44. Cf. le poème attribué à Abaris (v. plus haut, t. II, p. 455).
  271. Diodore, II, 47.
  272. Diodore, I, 46-49. Cet ouvrage a été l’une des principales sources de Diodore pour ce qui concerne l’Égypte.
  273. Mentionnons ici son contemporain Amometos, l’auteur mal connu d’un ouvrage sur les Ἀτταϰόραι (Rohde, p. 217), c’est-à-dire sur les Utta Kourou de l’Inde ; et Iamboulos (Rohde, p. 224), qui avait composé aussi un livre de voyages plus ou moins imaginaires, où il décrivait des mœurs de fantaisie.
  274. Rohde, p. 220-224 ; Susemihl, I, p. 316-322. Cf. surtout De Block, Évhémère, Mons, 1869, et Némethy, Evhemeri reliquiae, Buda-Pesth, 1889. V. aussi C. Müller, Fragm. Hist. gr., t. II, p. 100, note sur les allusions anciennes à l’ouvrage d’Évhémère.
  275. Cicéron, Nat. Deor. I, 42. Cf. De Offic. III, 28.
  276. Cf. Susemihl, II, p. 579 et suiv.
  277. Cf. Susemihl, II, p. 574-577.
  278. Plutarque, Crassus, 32. Cf. Ovide. Tristes, II, 413.
  279. C. Müller, Fragm. Hist. graec., t. IV, p. 320-327.
  280. De Inventione, I, 19, 27 ; ad Herennium, I, 8, 12. Ces passages, relevés pour la première fois par Thiele, sont cités par Susemihl.
  281. Cf. Susemihl, II, p. 601-656, où l’on trouvera, d’après Schürer (Geschichte des Judaischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, Leipzig, 1886) toute la bibliographie du sujet, qu’on ne peut ici qu’effleurer.
  282. Philon, In Flacc., t. II, p. 523, Mangey.
  283. Eusèbe, Chronique, II, p. 118.
  284. Clément d’Alex., Strom. I, 305 D. Cf. Valckenaer, De Aristobulo Judaeo, philosopho peripatetico Alexandriae, Leyde, 1806 (Susemihl, II, p. 629).
  285. Édités par Alexandre, Paris, 1869 (2e édition), et récemment par Rzach, Leipzig (Freytag). 1891.