Dictionnaire de la Bible/Tome 4.1 L-GYPAÈTE

Dictionnaire de la Bible
(Volume IVp. som.-369-370).
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Sommaire Tome IV

ENCYCLOPÉDIE

DES

SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES

RÉDIGÉE PAR

LES SAVANTS CATHOLIQUES LES PLUS ÉMINENTS
DE FRANCE ET DE L’ÉTRANGER


1° DICTIONNAIRE DE LA BIBLE

Publié par F. VIGOUROUX, prêtre de Saint-Sulpice
Ancien professeur à l’Institut catholique de Paris, Secrétaire de la Commission biblique


2° DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE

Commencé sous la direction de A. VACANT, prof, au Sém. de Nancy,
Continué sous celle de Eug. MANGENOT, professeur à l’Institut catholique de Paris.


3° DICTIONNAIRE D’ARCHÉOLOGIE CHRÉTIENNE

ET DE LITURGIE

Publié par le R me dom Fern. CABROL, abbé de Farnborough et dom H. LECLERCQ.


4° DICTIONNAIRE D’HISTOIRE ET DE GÉOGRAPHIE

ECCLÉSIASTIQUES

Publié par Mgr Alfred BAUDRILLART, recteur de l’Institut catholique de Paris,
Albert VOGT, docteur ès lettres, et Urbain ROUZIÈS.


5° DICTIONNAIRE DE DROIT CANONIQUE

(En préparation)

DICTIONNAIRE

DE LA BIBLE

CONTENANT
TOUS LES NOMS DE PERSONNES, DE LIEUX, DE PLANTES, D’ANIMAUX
MENTIONNÉS DANS LES SAINTES ÉCRITURES
LES QUESTIONS THÉOLOGIQUES, ARCHÉOLOGIQUES, SCIENTIFIQUES, CRITIQUES
RELATIVES À L’ANCIEN ET AU NOUVEAU TESTAMENT
ET DES NOTICES SUR LES COMMENTATEURS ANCIENS ET MODERNES

PUBLIÉ PAR

F. VIGOUROUX

PRÊTRE DE SAINT-SULPICE

AVEC LE CONCOURS D’UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS

DEUXIÈME TIRAGE


TOME QUATRIÈME

PREMIÈRE PARTIE

L— MEZUZA


PARIS

LETOUZEY ET ANÉ, ÉDITEURS

76 bis, RUE DES SAINTS-PÈRES, 76 bis

1912

TOUS DROITS RÉSERVÉS












Imprimatur

Parisiis, die 6 Januarii 1908.

† Franciscus, Card. RICHARD,
Arch. Par.

LISTE DES COLLABORATEURS
DU TOME QUATRIÈME

MM.

Apollinaire (le R. P.) (†), de l’ordre des Capucins.

Bertrand Louis (†), prêtre de Saint-Sulpice, bibliothécaire du grand Séminaire de Bordeaux.

Beurlier Émile (†), docteur es lettres, curé de Notre-Dame d’Auteuil, à Paris.

Bihl (R.P.M.) Franciscain, à Fulda.

Bliard Pierre, bibliographe, à Paris.

Bonaccorsi Joseph, missionnaire du Sacré-Cœur, à Florence.

Broise (Bené de la) (†), docteur es lettres, ancien professeur à l’Institut catholique de Paris.

Ermoni V., prêtre de la Mission, docteur en théologie, ancien professeur d’Écriture Sainte au séminaire de Saint-Lazare, Paris.

Fillion Louis-Claude, prêtre de Saint-Sulpice, professeur honoraire à l’Institut catholique, Paris.

Folletête, curé de Sagnelegier (Suisse).

Heidet Louis, ancien professeur à l’École biblique de Jérusalem.

Heurtëbize (le R. P. dom Benjamin), bénédictin de la Congrégation de France, à Ravenswood Ryde (Angleterre).

Hy Félix, professeur de botanique à la Faculté catholique d’Angers.

Ingold Aug., à Colmar (Alsace).

Lagier (B. P. Camille), S. J. au collège de la Sainte-Famille, au Caire (Egypte).

Lagrange (R. P. J. M.), professeur à l’École des Études bibliques de Jérusalem.

Larrivaz (R. P.), S. J. au collège de la Sainte-Famille, au Caire (Égypte).

Legendre Alphonse (Ma’), docteur en théologie, professeur d’Écriture Sainte et d’archéologie biblique, doyen de la Faculté catholique d’Angers.

Le Hir Daniel, chanoine de Notre-Dame de Paris.

Lepin Mar., professeur au grand séminaire de Lyon.

Lesêtre Henri, curé de Saint-Étienne-du-Mont, Paris

Lévesque Eugène, prêtre de Saint-Sulpice, professeur d’Écriture Sainte à l’école supérieure de théologie, Paris.

Mangenot Eugène, professeur d’Écriture Sainte à l’Institut catholique de Paris.

Martin François, professeur d’assyrien à l’Institut catholique de Paris.

Martinez y Vigil (Mgr Raimondo), évêque d’Oviédo.

Méchineau (R. P. Lucien), S. J., professeur d’Écriture Sainte à l’Université grégorienne à Rome.

Michels (R. P.), Franciscain, à Metz.

Miskgian Jean, (Mgr), à Constantinople.

Molini (R. P. Augustin), Frère mineur, à Rome.

Montagne (J.), à Blackburn (Angleterre).

Nau François, professeur à l’Institut catholique de Paris.

Palis Eugène (†), aumônier, à Béziers.

Pannier Eugène, professeur d’archéologie et de langues orientales à la Faculté catholique de Lille.

Parisot (R. P. Jean), à Plombières-les-Bains.

Prunier, professeur au grand séminaire de Séez.

Prat Ferdinand, ancien professeur d’Écriture Sainte, à Rome.

Régnier Adolphe, bibliothécaire à l’Institut de France, à Paris.

Renard Paul, docteur en théologie, supérieur du grand séminaire de Chartres.

Rey Octave, du clergé de Paris.

Sedlàcek Jaroslaus, professeur à Prague.

Toussaint, professeur au grand séminaire de la Rochelle.

Van den Gheyn (le R. P. Joseph), de la Compagnie de Jésus, bollandiste, conservateur des Manuscrits de la Bibliothèque royale, à Bruxelles.

Van Kasteren (R. P. P.), de la Compagnie de Jésus à Maëstricht (Hollande).


DICTIONNAIRE
DE LA BIBLE
L


L, douzième lettre de l’alphabet hébreu. Voir Lamed.

LAABIM (hébreu : Lehâbim ; Septante : Λαϐιείμ, Λαϐείν), nom d’un peuple descendant de Mesraïm. Gen., x, 13 ; I Par., i, 11. La plupart des exégètes pensent que ce mot, qui n’apparaît pas ailleurs dans la Bible, est le même que Lûbim. Voir Libyens. Cependant S. Bochart, Opera, 4e édit., in-fol. 1712, t. i, p. 279, nie cette identification. Il fait remarquer que Phut ou Lûbim est le frère de Mesraïm et non son fils. Son argument est sans valeur, car Pût ou Phut et Lûbim (Vulgate : Africa et Libyes) désignent deux peuples différents, Nahum, III, 9, et c’est Phut qui est le frère de Mesraïm. On n’a aucun renseignement précis sur les Laabim, s’ils sont distincts des Lûbim.Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’ils sont une nation africaine, du groupe égyptien.

E. Beurlier.

LAAD (hébreu : Lâhad ; Septante : Λαάδ), fils de Jahath de la tribu de Juda. I Par., iv, 2.

LAADA (hébreu : La’edâh ; Septante : Λααδά), second fils de Séla et petit-fils de Juda. Il est appelé père, c’est-à-dire fondateur ou restaurateur de la ville de Marésa. I Par., iv, 21. Voir Marésa.

LAADAN (hébreu : La’edân ; Septante : Λααδάν), Éphraïmite, fils de Thaan et ancêtre de Josué, successeur de Moïse. I Par., vii, 26. — Un lévite, qui porte le même no n dans le texte hébreu, est appelé par la Vulgate Léédan dans I Par., xxiii, 7, 8, 9, et Lédan dans I Par., xxvi, 21. Voir Léédan.

LABAN (hébreu : Lâbân, « blanc » ), nom du frère de Rébecca et d’une localité dans le voisinage de la mer Rouge.

1. LABAN (Septante : Λάϐαν), frère de Rébecca et beau-père de Jacob. — Quand Jacob se fut attiré la colère d’Ésaü, en se faisant attribuer le droit d’aînesse par son père Isaac, Rébecca lui conseilla de fuir à Haran, près de Laban. Gen., xxvii, 43-44. Voir Haran, t. iii, col. 424426. Laban, frère de Rébecca et par conséquent oncle de Jacob, avait jadis bien accueilli le visiteur d’Abraham, Éliézer, qui venait chercher une épouse pour Isaac, Gen., xxiv, 29-33 ; il avait donné, conjointement avec son père Bathuel, voir Bathuel, t. i, col. 1508, son consentement au mariage de Rébecca avec Isaac et avait reçu des présents à cette occasion. Gen., xxiv, 50-60. Rébecca suggéra elle-même à Isaac d’ordonner à son fils d’aller prendre pour épouse une des filles de Laban. Celui-ci résidait à Paddan-Ararn. Gen., xxviii, 2-5. Jacob partit et arriva dans le pays de Haran, près d’un puits autour duquel les bergers se réunissaient pour abreuver leurs troupeaux en commun. Il apprit d’eux que Rachel, fille de Laban, allait arriver avec les brebis de son père. Quand elle fut venue, Jacob fit passer au puits les premiers les troupeaux de la jeune fille, puis salua sa cousine et se fit connaître à elle. Averti par Rachel, Laban accueillit Jacob, qui lui raconta tout ce qui pouvait l’intéresser au sujet de son voyage. Au bout d’un mois de séjour, Laban apprécia les services que pouvait lui rendre son neveu, très expert dans le soin des troupeaux. Pour le retenir, il lui fit donc cette proposition : « Puisque tu es mon parent, faut-il que tu me serves pour rien ? Dis-moi donc quel sera ton salaire ? » Jacob était venu pour demander en mariage une des filles de Laban ; il était obligé en conséquence de payer au père de la jeune fille une dot, le mohar. Voir Dot, t. ii, col. 1495-1496. Il offrit donc à Laban de le servir pendant sept ans, afin d’obtenir en mariage Rachel, sa fille cadette, qui lui plaisait bien, mieux que l’aînée, Lia, dont les yeux étaient délicats. Laban répondit : « Mieux vaut que je la donne à toi qu’à un autre, » et la convention fut acceptée.

Au bout de sept ans de service, Jacob réclama son épouse. Laban voulut que le mariage fût accompagné d’un festin, el, le soir, il amena à son neveu non pas Rachel, mais sa sœur aînée, Lia. La nuit et le repas qu’il venait de faire, dit Josèphe, Ant. jud., i, xix, 6, empêchèrent Jacob de reconnaître la vérité. Ce fut seulement le lendemain qu’il s’aperçut de la substitution frauduleuse dont il avait été la victime. À sa juste plainte, Laban répondit : « Il n’est point d’usage en ce pays-ci de donner la cadette avant l’aînée. » Il promit cependant à Jacob de lui donner Rachel au bout de sept jours, s’il s’engageait à le servir encore pendant sept autres années. Celui-ci accepta et Laban réussit de la sorte, bien que tort malhonnêtement, à assurer le sort de ses deux filles. Gen., xxix, 9-30.

Pendant quatorze ans, Jacob prit soin des intérêts de son beau-père et lui acquit une grande prospérité. Aussi, quand au bout de ce temps il demanda à partir, Laban le pria de rester encore, en lui offrant de fixer lui-même son salaire. Jacob avait appris, à ses dépens, à connaître l’avarice de son beau-père. Il fit donc avec lui une convention qui devait le mettre personnelle meut en possession de ce qu’il gagnerait. Voir Jacob, t. iii, col. 1063, et Brebis, t. i, col. 1917-1918. La manière ingénieuse dont Jacob traita dès lors les troupeaux de Laban fit peu à peu passer la richesse de son côté. Laban et ses fils s’en émurent ; Jacob donna à entendre qu’il y avait là un juste retour des choses et une marque de la faveur divine envers celui qui avait été traité avec si peu de loyauté. Puis, jugeant qu’il ne pouvait rester davantage chez Laban, auprès duquel il avait vécu quatorze ans pour obtenir ses épouses, puis six nouvelles années pour répondre au désir de son beau-père, il se disposa à retourner en Chanaan. Lia et Rachel approuvèrent sa résolution et lui dirent : « Y a-t-il encore pour nous une part et un héritage dans la maison de notre père ? Ne nous a-t-il pas traitées comme des étrangères, en nous vendant et ensuite en mangeant le prix que nous avions rapporté ? » Elles connaissaient par expérience la cupidité de leur père ; elles la constataient en remarquant qu’il avait tout reçu sans rien leur donner. Jacob profita du moment où Laban était allé tondre ses brebis, pour partir avec sa famille et ses troupeaux. Gen., xxx, 25-xxxi, 21.

Trois jours après, Laban, informé de ce départ, se mit à la poursuite de Jacob, qu’il atteignit au bout de sept jours, près de la montagne de Galaad. Il était doublement mécontent, et de ce départ inopiné, et de la disparition de ses teraphim, espèces d’idoles domestiques qui lui servaient d’amulettes. Voir Idole, t. lii, col. 822, et Théraphim. Rachel les lui avait emportées sans rien dire à personne. Laban attachait grand prix à la possession de ces objets, qui semblent avoir eu pour lui une signification plutôt superstitieuse qu’idolâtrique. Comme il était animé de sentiments assez malveillants à l’égard de Jacob et avait amené avec lui ses frères et leurs gens, Dieu se montra à lui en songe pour lui signifier de ne tenir à son gendre aucun propos désobligeant. Laban n’en manifesta pas moins son dépit, parla de son amour pour ses fils et ses filles et des fêtes par lesquelles il eût été heureux de les saluer au départ. Puis il ajouta : « Ma main est assez forte pour te maltraiter ; mais le Dieu de votre père m’a dit hier : Garde-toi

d’adresser à Jacob de dures paroles. » Cette expression, « le Dieu de votre père, » indique que, comme Jacob, Lia et Rachel servaient le Dieu d’Abraham. et d’isaac. Laban se mit ensuite à faire grand éclat à propos de ses théraphim ; Jacob, qui ne savait rien, lui dit de les chercher dans toutes les tentes et Rachel usa d’un subterfuge pour empêcher son père de les trouver dans la sienne. Voir Rachel. Jacob, que cette scène avait irrité, querella son beau-père au sujet de ses perquisitions, de sa poursuite hostile, de la manière dont il l’avait traité quand il était à son service. Laban fut réduit au silence. Pour tout conclure, il demanda à son gendre de faire alliance avec lui, afin que leur séparation fût amicale. « Que Jéhovah, dit-il, veille sur toi et sur moi… Que le Dieu d’Abraham, le Dieu de Nachor, le Dieu de leur père soit juge entre nous ! » Il faut conclure de ces formules que Laban était un adorateur du vrai Dieu, bien qu’à son culte il mêlât des pratiques superstitieuses. Jacob dressa une pierre comme monument de l’alliance contractée ; Laban fit apporter un monceau de pierres par ses frères, et sur elles on prit un repas en commun, On donna au monument le nom de Gal’êd, ou Galaad, « monceau témoin. » Voir Galaad, t. iii, col. 45. Un sacrifice fut ensuite oftert sûr la montagne, le serment d’alliance fut mis sous la sauvegarde du Dieu d’isaac, et, le lendemain matin, après avoir baisé et béni ses fils et ses filles, c’est-à-dire Jacob, ses femmes et leurs enfants, Laban reprit le chemin de son pays : Gen., xxxi, 22-55. — Laban paraît avoir été dominé par une cupidité excessive, qui le portait à ne tenir aucun compte de la parole donnée, quand son intérêt était en jeu. Il manqua odieusement à sa promesse envers Jacob, quand celui-ci l’eut servi fidèlement durant sept ans. Josèphe. Ant. jud., i, xix, 9, l’accuse même d’autres méfaits : « Voyant que Dieu l’aidait en ce qu’il entreprenait, il lui promettait de lui donner tantôt ce qui naîtrait de blanc, tantôt ce qui naîtrait de noir. Quand augmentaient les animaux qui devaient appartenir à Jacob, au lieu de tenir sa parole dans le présent, Laban promettait de les lui abandonner, l’année suivante ; jaloux de l’accroissement de ses biens, il promettait, quand il comptait que le produit serait médiocre, puis trompait, quand ce produit était sous ses yeux. » Il faut avouer que ces accusations ne font que détailler le reproche que Jacob adresse lui-même à son beau-père : « Dix fois tu as changé mon salaire, et si je n’eusse pas eu pour moi le Dieu de mon père, … actuellement tu m’aurais renvoyé les mains vides. » Gen., xxxi, 41, 42. La Sainte Écriture ne dit plus rien de Laban, à partir de sa dernière entrevue avec Jacob à Galaad.

2. LABAN (Septante : Λοϐόν), localité située sur la route que suivirent les Israélites en se rendant dans la Terre Promise. Deut., i, 1. L’écrivain sacré la nomme entre Tophel et Haséroth, « dans le désert, dans la plaine, vis-à-vis de la mer Rouge. » C’est probablement le campement qui est appelé Lebna dans les Nombres, xxxm, 20-21. Voir Lebna.

LABANA (hébreu : Libnâh ; Septante : Λεϐνά), ville de la tribu de Juda. Jos., xv, 42. La Vulgate l’appelle ordinairement Lebna. Voir Lebna 2.

LABANATH (hébreu : Libnât ; Septante : Λαϐανάθ), dans la tribu d’Aser. Jos., xix, 26. La Vulgate, à la suite des Septante, fait de Labanath une ville différente de Sihor, mais, d’après le texte hébreu, Sihor-Labanath n’était qu’une seule et même ville. Voir Sihor-Labanath.

LABORDE (Léon-Emmanuel-Simon-Joseph, comte de), érudit français, né à Paris le 12 juin 1807, mort à Beauregard (Eure) le 25 mars 1869. Après de sérieuses études à l’Université de Goettingue, il fit un voyage en Orient et parcourut l’Asie Mineure, la Syrie, l’Égypte et l’Arabie Pétrée. À son retour, il fut attaché d’ambassade ; mais en 1836 il renonça à la diplomatie pour se livrer entièrement aux études, et en 1842, il était élu membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Trois ans plus tard, il était nommé conservateur des Antiques au Musée du Louvre ; enfin, le 4 mars 1857, il devint directeur général des Archives. Le comte de Laborde a publié de nombreux ouvrages, mais nous n’avons à mentionner que les suivants : Voyage en Arabie Pétrée, in-fol., Paris, 1830-1833 ; Voyage en Orient, publié en fascicules, in-f », Paris, de 1837 à 1864 ; et surtout le Commentaire géographique sur l’Exode et les Nombres, in-f°, Paris, 1842. — Voir Revue des questions historiques, 1869, t. vii, p. 292 ; Polybillion, 1869, t. iii, p. 233 ; Annuaire Bulletin de la Société de l’histoire de France, 1869, t. vii, p. 117.

LABOURAGE (hébreu : ḥârîš ; Septante : ἀροτρίασις), travail qui consiste à ameublir le sol, à l’aide d’instruments (fig. 1), avant d’y jeter la semence. Les verbes qui désignent ce travail sont les suivantes : gûb, ḥâraš, pâṭaḥ, « ouvrir » la terre avec la charrue ; ἀροτριάω, arare. La terre qu’on laboure s’appelle yâgêb, Jer., xxxix, 10 (Vulgate, faussement, cisternæ) ; ἀρός, γεώργιον, I Cor., iii, 9, agricultura. Le labourage ne constitue que le travail préliminaire de la culture de la terre. Sur l’ensemble du travail agricole, voir Agriculture chez les Hébreux, avec les figures, t. i, col. 276-286. Sur les instruments employés pour le labourage, voir Charrue, avec les figures, t. iii, col. 602-605 ; Herse, t. iii, col. 655 ; Houe, t. iii, col. 766-767. — Le labourage était rigoureusement interdit le jour du sabbat. Exod., xxxiv, 21. — La Palestine était un pays fertile ; le labourage y était facile dans les grandes plaines, mais plus malaisé dans les régions montagneuses. On se servait, pour labourer, de bœufs, Jud., xiv, 18 ; Job, i, 14, et quelquefois d’ânes. Is., xxx, 24. Élisée labourait avec douze paires de bœufs et conduisait lui-même la douzième paire. III Reg., xix, 19. Le champ qu’il cultivait de la sorte et dans lequel il pouvait faire manœuvrer un pareil attelage, était situé à Abelméhula, dans la vallée du Jourdain, au sud-est de la tribu d’Issachar. Voir Abelméhula, t. i, col. 33, et carte d’Issachar, t. iii, col. 1008. Les grasses terres d’alluvions ne pouvaient être remuées que par une puissante charrue. Les terrains trop rocheux étaient rebelles au labour. Am., vi, 13. Certains animaux, comme l’aurochs, étaient trop sauvages et trop dangereux pour qu’il fût possible de les employer au labourage. Job, xxxix, 10. Voir Aurochs, t. i, col. 1260. La loi, qui défend souvent de mêler ensemble des choses différentes, interdisait de labourer avec un bœuf et un âne attelés ensemble. Deut., xxii, 10. Sur les motifs de cette prohibition, voir Âne, t. i, col. 572. Les Israélites peu aisés n’avaient souvent à leur disposition qu’un bœuf et un âne, et ils auraient été tentés de les atteler ensemble à la même charrue.



1. — Labourage en Égypte. D’après Wilkinson, Manners and Customs of the anc. Egyptians, 1878, t. ii, fig. 165, p. 391.

C’est ce que font aujourd’hui sans scrupule les laboureurs syriens. Voir t. ii, fig. 215, col. 605. — Dans les temps de grande et persistante sécheresse, le labourage devenait impossible et la famine en était la conséquence. Gen., xlv, 6. L’Ecclésiastique, vii, 16, recommande la culture de la terre : « Ne dédaigne pas les pénibles labeurs, et le travail des champs (γεωργία, rusticatio) institué par le Très-Haut. » Cf. Gen., ii, 15. — Les prophètes annoncent que Sion sera labourée comme un champ, Jer., xxvi, 18 ; Mich., iii, 12, et par là ils -veulent montrer combien sa ruine sera complète. — Au point de vue spirituel, l’âme du chrétien est une terre que Dieu laboure, γεώργιον agricultura. I Cor., iii, 9.


LABOUREUR (hébreu : ʾikhâr, yogbîm ; Septante : γεωργός, ἄγροιϰος ; Vulgate : arator, agricola), celui qui laboure la terre. — Voir Agriculture, t. i, fig. 45, col. 277 ; lig. 46, col. 283 ; sur ceux qui, d’une manière générale, s’adonnent aux travaux agricoles, voir Cultivateur, t. ii, col. 1158. — 1° Les laboureurs proprement dits sont des gens du peuple qui travaillent soit pour leur compte, soit pour le service d’un autre. Tels sont le paresseux qui ne veut pas labourer sous prétexte que le temps est mauvais, Prov., xx, 4, et l’esclave qui, après avoir labouré, a encore à servir son maître. Luc, xvii, 7. Les faux prophètes, convaincus de mensonge et menacés du châtiment, veulent se faire passer pour de simples laboureurs, des esclaves achetés pour cultiver la terre. Zach., xiii, 5. Il fallait qu’une calamité fût bien grande pour que les laboureurs eux-mêmes fussent appelés à prendre part à un deuil public. Am., v, 16. — Les grands propriétaires du sol avaient des laboureurs pour cultiver leurs terres. Samuel, en énumérant devant le peuple les charges qu’un roi fera peser sur lui, ne manque pas de dire qu’il prendra des fils du peuple pour labourer ses terres. I Reg., viii, 12. C’est ce qui se réalisa. L’historien sacré le signale à propos de David, I Par., xxvii, 26, et d’Ozias, II Par., xxvi, 10, qui avaient des laboureurs enrôlés pour la culture de leurs domaines. Quand les Chaldéens envahirent le royaume de Juda, ils détruisirent le laboureur et ses bœufs, Jer., li, 23, et furent ensuite obligés de laisser aux plus misérables du pays le soin de cultiver les champs et les vignes. IV Reg., xxv, 12 ; Jer., lii, 16. Les prophètes promirent qu’après la captivité les laboureurs reprendraient leurs travaux. Jer., xxxi, 24 ; Ezech., xxxvi, 9. À l’époque évangélique, on prenait à gage des cultivateurs, γεωργοί, agricolæ, pour les envoyer travailler dans les vignes et dans les champs. Matth., xxi, 33-41 ; Marc, xii, 1, 2. — 2° La Sainte Écriture fait encore quelques remarques sur la vie des laboureurs. Ils ne sont pas toute l’année à labourer, Is., xxviii, 24, mais ils ont soin de le faire au temps voulu s’ils veulent obtenir une récolte. II Tim., 11, 6. Leur travail accompli, ils attendent la pluie bienfaisante, Jacob., v, 7, et vivent dans l’espérance. I Cor., ix, 10. Ils sont consternés quand la pluie tarde à tomber, Jer., xiv, 1, ou quand les sauterelles s’abattent sur les moissons. Joël, i, 11. Pour marquer l’abondance extraordinaire des récoltes, Amos, ix, 13, dit que le laboureur talonnera le moissonneur. La moisson était habituellement terminée à la Pentecôte, vers la fin de mai ; les semailles se faisaient avant la première pluie qui tombait vers la fin d’octobre. Le labourage précédait les semailles de quelques semaines. Pour se heurter au laboureur, il fallait donc que le moissonneur eûtà prolonger son travail près de quatre mois plus longtemps que de coutume. Leprophète parle d’ailleurs ici d’une récolte figurative. Le laboureur n’a ni le temps ni le goût de s’occuper d’autre chose que de son œuvre agricole. « Celui qui mène la charrue et est fier de manier l’aiguillon, excite les bœufs de la pointe, s’occupe de leurs travaux et ne parle que des petits des taureaux. Il met tout son cœur à retourner les sillons et ne songe qu’à engraisser les vaches. » Eccli., xxxviii, 26, 27., 3° Dans le sens métaphorique, les laboureurs qui « labourent le dos » et y tracent de longs sillons sont les persécuteurs du juste. Ps. cxxix (cxxviii), 3,. Labourer l’iniquité ou le mal, Job, iv, 8 ; Ose., x, 3 (hébreu), c’est avoir une conduite impie qui donnera ensuite une récolte de péchés et de malheurs. Sur l’expression : « Juda labourera, Jacob hersera, » Ose., x, 11, voir Herse, t. iii, col. 655. Isaïe, lxi, 5, dit qu’après la venue du Messie les fils des étrangers seront les laboureurs et les vignerons d’Israël, c’est-à-dire que les peuples, autrefois ennemis et persécuteurs d’Israël, se feront les serviteurs de l’Église et travailleront dans un champ spirituel. Il est recommandé de venir à la sagesse comme le laboureur et le semeur, Eccli., vi, 19, par conséquent en se donnant de la peine pour la posséder et en obtenir les fruits. — Enfin, Notre-Seigneur dit qu’il est lui-

même la vigne, et son Père le cultivateur, γεωργός, agricola. Joa., xv, 1. Voir Vigneron.

H. Lesêtre.

LAC (grec : λίμνη), grand amas d’eau enclavé dans les terres. La langue hébraïque n’a pas de mot spécial pour désigner un lac proprement dit : elle appelle yâm, « mer, » le lac de Génésareth, Num., xxxiv, 11 ; Jos., xiii, 27, de même que le lac Asphaltite, λίμνη Ἀσφαλτῖτις, Josèphe, Ant. jud., i, IX, etc., qu’elle désigne sous le nom de « mer de sel », mare salis, Gen., xiv, 3, etc., de « mer de l’Arabah », mare solitudinis, Deut., iv, 49, etc. Pour d’autres appellations, voir Morte (Mer). Le lac Mérom est appelé « eaux de Mérom », mê Mêrôm, aquæ Meromi. Jos., xi, 5, 7. Pour les étangs, voir Étang, t. ii, col. 1996. Voir aussi Piscine. — Dans le Nouveau Testament, les écrivains sacrés, habitués à parler dans leur enfance une langue sémitique, donnent aussi au lac de Tibériade, à l’exception de saint Luc, le nom de θαλάσσα, « mer, » mare Galileæ. Matth., iv, 18 ; Marc, i, 16 ; etc., mare Tiberiadis, Joa., vi, 16 ; xxi, 1, etc. Le troisième Évangéliste est le seul qui, grâce à sa connaissance plus exacte de la langue grecque, l’ait désigné par le mot propre de λίμνη, « lac. » Luc, v, 1, 2 ; viii, 22-23. La Vulgate porte : stagnum, « lac, étang, » dans tous ces passages. Pline emploie le terme lacus pour désigner le lac de Génésareth : lacus quem plures Genesaram vocant, H. N., V, xv, 2, comme pour la mer Morte : Asphaltites lacus, H. N., II, cvi, 4 ; V, xv, 2 ; VII, xiii, 3. — Saint Jean, dans l’Apocalypse, se sert métaphoriquement du mot λίμνη pour désigner l’enfer qu’il appelle λίμνη τοῦ πυρός. La Vulgate traduit : stagnum ignis, qu’on a coutume de rendre par « étang de feu », quoiqu’il fallût dire, d’après l’original, « lac de feu. » Apoc. xix, 20 ; xx, 10 (Vulgate, 9), 14-15 ; xxi, 8. Voir Enfer, t. ii, col. 1796. — Saint Jérôme a aussi employé le mot stagnum, Lev., xi, 9, pour traduire l’hébreu yâni, « mer, » transformant ainsi en poissons de lac ou d'étang les poissons de mer. — Le second livre des Machabées, xii, 16, mentionne le lac ou plutôt l'étang de Casphin (λίμνη ; Vulgate, stagnum). C’est probablement le marais qui est au sud-ouest de Kisphin. Voir Casphin, t. ii, col. 331-332.

Le mot lacus se lit plusieurs lois dans notre Vulgate latine, mais il y est employé le plus souvent — 1° dans le sens de « fosse », Ps. vii, 16 ; xxvii (xxviii), 1, etc. (hébreu : bôr ; Septante : λάϰϰος). Voir Fosse, t. ii, col. 2329. — 2° Il a la signification de « pressoir » dans Marc, xii, 1 (ὑπολήνιν) ; Apoc, xiv, 19, 20, ληνός, parce que le pressoir formait un creux ou fosse. — 3° Mais il désigne aussi un amas d’eau (hébreu : miqvêh), Exod., vii, 19 ; un réservoir d’eau (hébreu : miqvâh), Is., xxii, 11 ; une citerne ou une piscine, I Mach., ix, 33 (grec : λάϰϰος). Voir Asphar, t. 1, col. 1123. — Pour lacus Asan, traduction, dans la Vulgate, de l’hébreu Kôr ʿAšân, voir Asan, t. i, col. 1035.

F. Vigouroux.

LACÉDÉMONIENS (grec : Λαϰεδαίμονιοι, Σπαρτιάται ; Vulgate : Lacedæmones, Spartiatæ, Spartiani), habitants du principal État du Péloponnèse (fig. 2). On les appelait aussi Spartiates et c’est le nom qui leur est partout donné dans les livres des Machabées, excepté II Mach., v, 9, où ils sont appelés Lacédémoniens. La Bible mentionne les relations des Juifs et des Lacédémoniens à l'époque des Machabées.

1° Onias Ier, qui exerça les fonctions de grand-prêtre de 323 à 300 avant Jésus-Christ, écrivit au roi Arius ou Aréus Ier de Sparte (voir Arius, t. 1, col. 965) et reçut en réponse une lettre dans laquelle ce prince déclarait avoir trouvé dans un écrit relatif aux Spartiates et aux Juifs l’affirmation que ces deux peuples étaient frères et descendaient d’Abraham. Il en concluait que les Juifs feraient bien de lui écrire « sur leur prospérité », c’est-à-dire de le tenir au courant de leurs affaires. Lui-même leur déclarait que les troupeaux et les biens des deux peuples seraient communs. Un envoyé du roi était chargé de développer ces propositions. I Mach., xii, 19-23 ; Josèphe, Ant. jud., XII, iv, 10. Arius régna à Sparte de 309 à 265 avant Jésus-Christ, l'échange de ces lettres eut donc lieu entre 309 et 300. À ce moment-là les Spartiates étaient opprimés par les rois de Macédoine, il était donc naturel qu’ils cherchassent un appui auprès des Juifs qui dépendaient alors des Ptolémées.

[Image à insérer] 2. — Tétradrachme d’argent de Lacédémone. Tête casquée de Pallas, à droite. — ʀ. Hercule nu, assis, à gauche, sur un rocher recouvert d’une peau de lion ; la main droite appuyée sur la massue : il est accosté des lettres ΛA(ϰεδαίμονιοι).

2° Le grand-prêtre Jonathas chercha à son tour l’amitié des Spartiates. Il écrivit en son nom, au nom des anciens, des prêtres et de tout le peuple une lettre adressée à la nation Spartiate. Il y rappelait la lettre d’Arius à Onias, dont il donnait une copie. Onias avait reçu avec honneur l’envoyé d’Arius et les lettres où il était question d’alliance et d’amitié. Sans doute les Juifs n’avaient pas besoin de cela, car ils avaient pour consolation les Saints Livres. Néanmoins ils avaient voulu envoyer une députation vers Sparte, pour renouveler la fraternité et l’amitié entre les deux nations, car il s'était déjà écoulé un temps assez long depuis la venue des ambassadeurs d’Arius. Ils n’avaient du reste pas oublié les Spartiates et s'étaient souvenus d’eux dans les sacrifices, comme il convient de le faire à l'égard de frères. Ils se réjouissent de leur gloire. Pour eux, ils avaient traversé de nombreuses tribulations et des guerres, mais ils, n’avaient pas voulu être à charge à leurs amis et alliés. Dieu les avait secourus et sauvés. Jonathas envoyait à Sparte Numénius, fils d’Antiochus, et Antipater, fils de Jason, qui après avoir porté dans cette ville les lettres relatives au renouvellement de l’amitié et de l’alliance, devaient se rendre à Rome dans le même dessein. I Mach., xii, 2, 5-18.

La plupart des commentateurs croient que l’opinion énoncée dans ces deux passages, à savoir l’origine commune des Spartiates et des Juifs, n’est pas soutenable. Cf. B. Haneberg, Histoire de la révélation biblique, trad. franc., in-8°, Paris, 1856, t. ii, p. 107. Quoi qu’il en soit, cela n’importe pas à la véracité de la Bible. L'écrivain sacré rapporte simplement les deux documents, il en constate l’existence sans garantir l’exactitude des opinions qu’ils expriment. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., in-12, Paris, 1902, t. iv, p. 625. M. Vigouroux croit qu’il pouvait exister en réalité un lien de parenté, sinon entre la nation Spartiate, au moins entre quelques Spartiates et les Juifs. Il en donne pour preuve le fait que Jason se réfugia à Lacédémone pour y trouver un asile, à cause de sa parenté. II Mach., v. 9. Cf. F. Vigouroux, Manuel biblique, il' édit., t. ii, p. 227. Cf. Les Livres Saints, p. 626, n. 4. En fait, dans ce passage l’auteur rapporte le motif qui détermina Jason sans en garantir le bien fondé. Cf. R. Cornely, Introd. in libros sacros, in-4°, Paris, 1885-1887, t. ii, part. 1, p. 462. E. Stillingfleet, Origines sacræ, in-4°, Londres, 1662, iii, 4, 15, suppose que les Juifs regardaient les Spartiates comme représentant les Pélasges qu’ils supposaient descendre de Péleg (Vulgate, Phaleg), fils d’Héber. Gen. x, 25 ; xi, 16. Cf. H. Ewald, Geschichte des Volkes Isræl, 3e édit., in-8°, 1868, t. IV, p. 277, note. On trouvait une tradition analogue à Pergame, dont les habitants faisaient remonter leur amitié avec les Juifs jusqu’au temps d’Abraham. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 22. Il est du reste très probable qu’il y avait une colonie juive à Sparte, car cette ville est nommée parmi celles à qui le consul Lucius envoya une copie de la lettre qu’il adressait à Ptolémée, à tous les rois et à toutes les cités chez qui se trouvaient des communautés israélites, afin qu’ils les respectassent comme appartenant à un peuple allié des Romains. I Mach., xv, 23, La croyance à la parenté des deux nations persistait encore au temps de Josèphe. Voir Bell. jud., i, xxvi, 1. Cf. G. Wernsdorff, Commentatio de Fide Librorum Maccabæorum qua Frœhlichii Annales Syriæ eorumque Prelogomena ex instituto examinantur, in-4°, Breslau, 1747, § 94, p. 145.

3° Que les Juifs aient été ou non liés aux Spartiates par les liens du sang, cela n’a rien à faire avec l’authenticité des lettres elles-mêmes. Aussi la réalité de l’alliance est-elle admise par l’immense majorité des historiens, bien qu’elle ne nous soit pas connue par d’autres documents. H. Palmer, De Epistolarum, quas Spartiani atque Judei invicem sibi misisse dicuntur, veritate, in-4o, Darmstadt, 1828, p. 21, pense, et c’est l’opinion que nous avons adoptée, que l’alliance remontait à l’an 302 avant Jésus-Christ. À cette époque Démétrius Poliorcète, roi de Macédoine, après avoir conquis le Péloponnèse, marchait au secours de son père Antigone contre Cassandre, Lysimaque, Ptolémée et Séleucus, confédérés contre lui. Les Spartiates cherchaient à augmenter le nombre des ennemis d’Antigone et de Démétrius. Arius Ier était alors, comme nous l’avons dit plus haut, roi de Sparte, et Onias Ier, fils de Jaddus, grand-prêtre. Comme les noms d’Arius et d’Onias reparaissent simultanément dans l’histoire, d’autres commentateurs ont placé ces lettres à d’autres dates. H. Ewald, Geschichte, t. iv, p. 276, suppose que la lettre d’Arius Ier fut adressée à Onias II durant sa minorité, entre 290 et 265, alors que les Juifs étaient en guerre avec Démétrius. Cette hypothèse est très peu vraisemblable, car les grands-prêtres en exercice étaient alors Éléazar et Marnasse, oncles d’Onias II, et c’est avec eux qu’eût été échangée la correspondance. On pourrait aussi songer à Arius II et à Onias II qui furent contemporains pendant quelques années, 264 à 243, mais ce roi était un enfant qui mourut à 8 ans. Plutarque, Agis, 3 ; Pausanias, III, VI, 6. Josèphe, Ant. jud., XII, IV, 10, croit que la lettre a été adressée à Onias III, au temps d’Antiochus IV, entre 175 à 164, mais à cette époque, il n’y avait pas à Sparte de roi du nom d’Arius. Voir Aftius, t. i, col. 965. E. Schürer, Geschichte des Jüdischen Volkes im Zeitalter Jesu-Christi, in-8°, Leipzig, 1890, t. i, p. 186, n. 32.

4° L’auteur du Ier livre des Machabées ne cite pas textuellement les documents qu’il rapporte, il se sert évidemment d’une traduction grecque, faite elle-même sur une traduction hébraïque de l’original. C’est pour cela qu’on y trouve des mots qui n’appartiennent pas à la langue dorienne : εἰρήνη, ϰτήνη, xii, 22-25 ; ἀδέλφοι, xiv, 20. Il n’y a pas lieu de tenir plus de compte de l’absence du nom du second roi de Sparte que de l’absence du nom du second consul dans la lettre de Lucius. I Mach., xiv, 16. C’est qu’Arius était le personnage important. L’autre roi de Sparte, soit Archidamus IV, soit Eudamidas II, n’eut qu’un rôle effacé. Au temps où fut écrite la lettre de Jonathas, il n’y avait plus de roi à Sparte, le dernier roi de la famille des Agides avait été Agésipolis III en 221. Après lui, on avait vu à Sparte des tyrans, dont le dernier, Nabis, avait péri en 192. Tite-Live, xxxv, 35. La cité était gouvernée par les Éphores et par le sénat. Antigone avait rétabli ces magistrats et le sénat, supprimés par Cléomène. Polybe, IV, xxxv, 5. Après la conquête romaine, la ville de Sparte avait gardé son indépendance et avait reçu des Romains le titre de Civitas fœderata. Strabon, VIII, v, 5 ; cf. J. Marquardt, Manuel des Antiquités romaines de Th. Mommsen et J. Marquardt, trad. franc., t. IX, Organisation de l’Empire romain, in-8o, Paris, 1892, t. ii, p. 224. Elle pouvait encore être de quelque utilité aux Juifs. On ne peut donc rien alléguer de sérieux contre cette correspondance. G. Wernsdorff, qui a le plus attaqué les livres des Machabées, le reconnaît. « Dans la lettre de Jonathas, dit-il, je ne trouve rien qui n’ait pu être écrit par un grand-prêtre juif. Elle paraît certainement écrite par un homme pieux, grave, prudent et assez versé dans les affaires civiles. J’y remarque des mots bien enchaînés et des pensées justes. Je n’y trouve rien qui puisse être repris à bon droit, si ce n’est qu’il y parle trop souvent de l’ancienne alliance entre Arius et Onias et de la parenté supposée entre les deux nations. Mais il était homme et il put être trompé. » G. Wernsdorff, Comment., § 96 et 111, p. 148, 169-170. W. Grimm, Kungefasstes exegetisches Handbuch zu den Apocryphen des Alten Testaments, in-8°, Leipzig, part, iii, 1853, p. 211 ; C. F. Keil, Commentar über die Bücher der Makkabäer, in-8°, Leipzig, 1875, p. 201-206, défendent l’authenticité de tous les documents.

5° Les deux lettres paraissent citées plus complètement dans Josèphe. Celle d’Arius, d’après lui, était écrite en caractères carrés et portait un sceau représentant un aigle porté sur un dragon. Elle fut apportée à Onias par un certain Demotélès. Ant. jud., XII, IV, 10 ; cf. XIII, v, 8. La lettre de Jonathas portait en titre : « Le grand-prêtre Jonathas, le sénat et la communauté des Juifs aux éphores des Lacédémoniens, au sénat et au peuple, leurs frères, salut. » Ant. jud., XIII, V, 8. A cette époque, en effet, les premiers magistrats de Sparte étaient les éphores. Il ajoute que les ambassadeurs juifs furent reçus avec bienveillance et que les Spartiates votèrent un décret d’amitié et d’alliance. Lacédémone fut au nombre des villes qui eurent part aux générosités d’Hérode le Grand. Josèphe, Bell. jud., i, xxi, 11.

6° Mentionnons seulement à titre de curiosité l’opinion qui suppose que le mot Sparte est une transcription erronée pour Sepharad, Separatim ou Sefaradim, et qui place en Lycie le peuple dont il est question dans les Machabées. Hitzig, dans la Zeitschrift des deutschen morgenland. Gesellschafts, t. ix, 1855, p. 731-737 ; Id. Geschichte des Volkes Israël, in-8o, Leipzig, 1869, t. ii, p. 345-349, et celle de Frankel, Monatschrift fur Geschichte und Wissenschaft des Judenthums, 1853, p. 456, qui fait du mot Spartiate la désignation d’une colonie juive à Nisibe en Arménie. Il n’est pas admissible qu’une colonie juive eût besoin de rappeler sa parenté avec les Israélites de Palestine, et les détails concordent si bienavec la constitution de Sparte qu’il est inutile de chercher ailleurs.

E. Beurlier.

1. LA CERDA (Gonzalve de), prêtre de l’ordre d’Alcantara et secrétaire de Philippe II, vivait dans le cours du xvie siècle. Il a composé Commentaria in Epistolas D. Pauli ad Romanos, in-fol., Lisbonne, 1583. — Voir N. Antonio, Bibliotheca Hispana nova, t. i, p. 553 ; Dupin, Table des auteurs ecclésiastiques du xvie siècle, p. 1242.

2. LA CERDA Joseph, bénédictin, né à Madrid, mort à Badajoz le 12 juin 1645. Profès du monastère de Saint-Martin de Madrid, il fut professeur de théologie à Salamanque et successivement évêque d’Almeria et de Badajoz. On lui doit un commentaire sur le livre de Judith, In sacram Judith Historiam commentarius litteralis et moralis, 2 in-fol., Almeria, 1641. — Voir N. Antonio, Bibliotheca Hispana nova, t. i, p. 803 ; Ziegelbauer, Historia rei literariæ ordinis sancti Benedicti, t. iv, p. 29, 179.

LACET, ou LACS, lien de corde disposé pour prendre une proie sans qu’elle s’y attende et la retenir comme dans un piège. Plusieurs mots hébreux servent à désigner le lacet, toujours d’ailleurs dans un sens figuré : — 1° Ḥébél, σχοινία, funes, le piège de corde que l’on tend pour s’emparer d’un ennemi. Ps. cxix (cxviii), 61 ; cxl (cxxxtx), 6. Ce piège saisit par le talon. Job, xviii, 9. Le même nom est donné aux lacs de la mort qui surprend sa proie, II Reg., xxii, 6 ; Ps. xvii (xviii),

5(hébreu), et à ceux du šeʾôl qui la détient. Ps. xvii (xviii), 6 ; cxvi (cxiv), 3 (hébreu). Voir Corde, t. ii, col. 964. — 2° Malkodéṭ, de lâkad, « prendre au piège, » σχοινίoν, pedica, le lacet caché sur le sol pour prendre le passant par le pied. Job, xviii, 10. Cf. Is., viii, 15 ; xxviii, 13. Les nations tombent dans la fosse qu’elles ont creusée et leur pied est pris au lacet, nilkedâh, συνέληφθή,comprehensus est. Ps. ix, 16. — 3° Môqêš, le lacet servant à prendre un gros animal. Job, XL, 19 (24). L’oiseau ne peut se prendre au filet s’il n’y a pas de môqêš, ἐξευτής, auceps. Am., iii, 5. Le môqêš n’est pas l’oiseleur, comme traduisent les versions, mais le lacet invisible qui met le filet en mouvement. Voir Filet, t. ii, col. 2245. Le moqês est l’image des embûches que le méchant dresse contre le serviteur de Dieu. Ps. lxiv (lxih), 6 ; cxl (cxxxix), 6. — 4° Sammim, le lacet qui accompagne le piège. Job, xviii, 9. À la place de ce mot, les versions ont lu èemêyim, διψῶντες, sitis. — 5° C’est avec le lacet, laqueus, qu’on suspend au gibet. Gen., XL, 19, 22 ; xli, 13 ; Num., xxv, 4 ; Jos., viii, 29 ; x, 26 ; I Reg., xxxi, 10 ; Esth., vii, 10 ; ix, 13, 14 ; I Mach., i, 64, etc. Judas se pendit de la sorte. Matth., xxvii, 5 ; Act., i, 18. — 6° Les lacets du diable sont ses tentations de toute nature. I Tim., iii, 7 ; vi, 9 ; II Tim., ii, 26.

H. Lesêtre.

LA CHETARDYE (Joachim Trotti de), né le 23 novembre 1636, au château de la Chetardye, sur la paroisse d’Exideuil (Charente), autrefois du diocèse de Limoges, mort à Paris, le 9 juin 1714. Sa famille était originaire d’Italie. Admis au séminaire de Saint-Sulpice en 1657 et dans la Société des prêtres de ce nom en 1663, il alla d’abord enseigner la morale au séminaire du Puy, où l’évêque le chargea du soin des conférences ecclésiastiques, dont M. de la Chetardye rédigea ensuite et fit imprimer les résultats. En 1679, sur le désir de l’archevêque de Bourges qui venait de confier son séminaire aux prêtres de Saint-Sulpice, il fut adjoint aux nouveaux directeurs et chargé de desservir la paroisse de Moutier-Moyen qui était unie au séminaire. Celle de Saint-Sulpice, à Paris, l’eut pour pasteur depuis le 13 février 1696 jusqu’à sa mort ; et il s’y appliqua surtout au soin des congrégations religieuses, des pauvres et des enfants, pour lesquels il multiplia les écoles gratuites jusqu’au chiffre de 28. En même temps, il était supérieur de plusieurs couvents de religieuses. De concert avec Fénelon et M. Tronson, il négocia et obtint, en 1696, de Mme Guyon, un désaveu formel des erreurs contenues dans ses écrits, et fut même appelé à la diriger pendant sa détention à Vaugirard. Il dirigea aussi la princesse de Condé et la princesse de Conti qui habitaient sur sa paroisse ; et, à partir de 1709, Mme de Maintenon, après la mort de Godet des Marais, évêque de Chartres. M. Leschassier, supérieur de Saint-Sulpice, écrivait le 21 avril 1702 : « Le jour de Pâques, M. de la Chetardye fut nommé à l’évêché de Poitiers par le roi. Il écrivit aussitôt à Sa Majesté pour le prier d’agréer ses excuses. Sa lettre a été bien reçue, et Sa Majesté en a été si édifiée qu’il l’a fait voir à plusieurs courtisans. M. le Prince, Mmes les princesses de Condé et de Conti sont venus le

voir pour témoigner de la joie qu’ils avaient de sa nomination et de son refus. Ses paroissiens en sont charmés. » On a de lui : Explication de l’Apocalypse par l’histoire ecclésiastique, Bourges, 1691, in-8o ; réimprimée à Paris, de format in-4°, en 1701, 1702 et 1707, sous ce titre : L’Apocalypse expliquée par l’Histoire ecclésiastique, avec les Vies de quelques Empereurs romains, auteurs de la dernière persécution dont il est parlé dans cette explication de l’Apocalypse. Cf. Journal des Savants, année 1695, in-4°, p. 129, 130, et année 1701, p. 353, 354 ; Mémoires de Trévoux, novembre 1702, p. 63-78, et décembre 1707, p. 2022-2031 ; Bible de Vence, Préface (par Rondet) sur l’Apocalypse, art. vi, — Le système de M. de la Chetardye a été complété et perfectionné dans l’ouvrage suivant : Histoire générale de l’Église chrétienne, depuis sa naissance jusqu’à son dernier état triomphant dans le ciel ; ouvrage traduit de l’anglois de Mgr Pastorini (Charles Walmesley), par un religieux bénédictin de la congrégation de Saint-Maur (Jacques Wilson) ; Rouen et Paris, 1777, 3 in-12. Enfin, l’ouvrage de M. de la Chetardye a servi de base, concurremment avec celui d’Holzhauser sur le même sujet, au travail de l’abbé Lafont-Sentenac intitulé : Le plan de l’Apocalypse et la signification des prophéties qu’elle contient, pour avertir les hommes des événements qui, de nos jours à la fin des temps, doivent intéresser l’Église et le monde, in-8o, Paris, 1872. — M. de la Chetardye a encore composé des Homélies sur les Évangiles des dimanches de l’année, qui, imprimées séparément de format in-4o, aussitôt qu’elles étaient prononcées, de 1706 à 1713, ont été réunies en 3 vol. in-8o, à Avignon en 1848, et à Paris en 1854. Cf. Bertrand, Bibliothèque Sulpicienne, 3 in-8o, Paris, 1900, t. i, p. 170-207.

L. Bertrand.

LÂCHETÉ, vice opposé au courage et à l’énergie de la volonté. Dans le sens de manque de courage, la lâcheté n’a pas de nom spécial en hébreu ; dans celui de manque d’énergie, de nonchalance, elle est désignée dans l’Écriture par le mot remîyâh qui signifie aussi « fraude », et qui n’est employé dans l’acception particulière de lâcheté, que comme complément d’un substantif, ce qui équivaut à un qualificatif : néféš remîyâh, littéralement « âme de lâcheté » pour « homme lâche, nonchalant ». Prov., xix, 15 (Septante : ἀεργός ; Vulgate : anima dissoluta). Les conséquences de cette espèce de lâcheté, indiquées dans l’Écriture, sont le dénuement et la faim qui en découle. Prov., x, 4 ; xix, 15 ; cf. xxxi, 27. Le lâche est prêt à subir toutes les servitudes, Prov., xii, 24 ; il ne sait faire aucun effort pour obtenir le moindre résultat, même lorsqu’il lui est imposé, comme ces sept tribus d’Israël auxquelles Josué reproche de n’avoir pas encore occupé la terre de Chanaan. Jos., xvii, 3. La Vulgate emploie ici le mot ignavia, mais le texte hébreu a seulement miṭrappîm, « négligents. » La lâcheté est surtout répréhensible, quand il s’agit du service de Dieu. C’est pourquoi Jérémie voue à la malédiction celui qui fait lâchement 1’« œuvre de Dieu ». Jer., xlviii, 10. Dans ce dernier passage, où il s’agit de la destruction de Moab, la nonchalance, remîyâh, touche de près à la lâcheté, produite par la peur, qui fait fuir le danger, par la crainte de la mort. Parce que la mort inspire à l’homme une crainte instinctive, c’est le fait du lâche de fuir, quand il se trouve en danger, par exemple au combat, tandis que l’homme courageux affronte le danger jusqu’à mourir. L’Écriture appelle simplement le lâche « un homme peureux et craintif », ʾîš hay-yârê’ ve-rak, Deut., xx, 8 ; yârê’veḥârêd, Jud., vii, 3 (Vulgate : fermidolosus et corde pavido, formidolosus et timidus). Dans ces passages, le lâche est invité à ne pas se battre et à quitter l’armée. Mais si Dieu ne voulait point de lâches parmi les combattants israélites, il n’en désapprouvait pas moins ceux qui manquent de courage. Le texte sacré blâme tous ceux qui sont sans courage et sans confiance en Dieu ; les Israélites tremblant devant les Égyptiens, malgré la merveilleuse assistance de Dieu, Exod., xiv, 10-12, et regrettant l’Égypte, en face des difficultés de la conquête de Chanaan, Num. » xiii, 27-34 ; xiv, 1-3 ; cf. Deut., i, 27-28 ; Saül tremblant de peur en face des Philistins, -I Reg., xxviii, 4-5 ; les Apôtres s’endormant et abandonnant Jésus au jardin des Olives, Matth., xxvi, 56 ; Marc, xiv, 50 ; Pierre le reniant, Matlh., xxvi, 69-75 ; Marc., xiv, 66-72, Luc, XXII, 56-59 ; Joa., xviii, 17-27 ; Pilate le livrant malgré la conviction <le son innocence. Matth., xxvii, 24. — D’après la traduction de la Vulgate, l'élégie de David sur la mort d’Abner commence par ces mots : « Ce n’est pas comme meurent les lâches (ignavi) qu’est mort Abner. » II Reg., iii, 33. Cette traduction est difficile à justifier. Abner, ayant été tué par trahison, n’avait succombé ni en hrave ni en lâche. Le mot que saint Jérôme a rendu par ignavi est en hébreu nâbdl, qui signifie « insensé ». Les Septante l’ont pris à tort pour un nom propre et y ont vu une allusion à la mort de Nabal, l'époux d’Abigaïl. I Reg., xxv, 38. La paraphrase chaldaïque a pris nâbdl dans le sens d’impie (et. Ps. xiv xlii, li), et l'on traduit généralement aujourd’hui l’hébreu : « Abner devait-il mourir comme un criminel, » que l’on met à mort pour lui faire expier ses crimes ?

P. Renard.

LACHIS (hébreu : Lâkiš, Jos., x, 3, 5, 23, etc. ; avec local, Lâkišâh, Jos., x, 31 ; IV Reg., xiv, 19 ; xviii, 14 ; II Par., xxv, 27 ; Septante : Λαχίς), ville importante de la tribu de Juda, dont le véritable site a été retrouvé de nos jours. Jos., x, 3 ; xv, 39, etc. Les documents cunéiformes nous en ont conservé la représentation (fig. 4) et le nom. On lit *~r~"i JH1 "ïîn’l, La-ki-su, sur un bas-relief de Ninive relatif à Sennachérib ; La-ki-si, La-ki-sa, sur les tablettes de Tell el-Amarna. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iv, p. 41 ; E. Schrader, Die Keilimchriften und das Alte Testament, Giessen, 1833, p.287 ; II. Winckler, Die Thontafeln, von Tell el-Amarna, Berlin, 1896, p. 306, 310, 338, 340, lettres 180, 181, 217, 218.

I. Situation. — Lachis appartenait au midi de la Palestine, Jos., x, 3, 5, 23 ; xii, 11, au deuxième groupe des villes de « la plaine » ou de la Séphélah, d’après l'énumération du livre de Josué, xv, 37-41. Eusèbe et saint Jerôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 135, 274, la mentionnent comme étant encore de leur temps un village, x<a|U|, situé à sept milles (un peu plus de 10 kilomètres) d'Éleuthéropolis (aujourd’hui Beit Djibrîn), en allant vers le Daroma ou le sud. Dans cette direction, mais vers le sud-ouest et à une distance un peu

[Image à insérer]

3. — Colline de Tell el-Hésy. D’après une photographie.


plus éloignée, on trouve un site dont le nom UmmLâqh ou Lâkîs rappelle celui de l’ancienne cité chananéenne. Aussi jusqu'à ces dernières années, y voyait-on l’emplacement de cette ville. Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 299303. Cependant Robinson, Biblical researches in Palestine, Londres, 1856, t. H, p. 47, remarquait justement que les restes observés en cet endroit ne sont certainement pas ceux d’une antique place forte qui fût capable de résister, pour un temps du moins, aux assauts d’une armée assyrienne. Dès 1878, Conder signalait à 4 ou 5 kilomètres au sud-est une colline, nommée Tell elHésy, dont le nom et la position stratégique le frappèrent. Cf. Palestine Exploration fund, Quarterly Statement, Londres, 1878, p. 20. Le rapprochement onomastique qu’il voulut faire entre Lâkîs et el-Hésy est inadmissible, mais son coup d'œil ne l’avait pas trompé dans les autres observations. En apparence rien ne distinguait le tell de tant d’autres monticules naturels ou artificiels de la Palestine, mais sa situation à proximité des confins de l’Égypte et de la Syrie, dans cette plaine des Philistins qui, de tout temps, a servi de passage aux M

LACHIS

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armées venues de l’Assyrie ou de l’Egypte, les sources qui alimentent à ses pieds un ruisseau abondant, faisaient soupçonner une place importante autrefois. Des fouiïles seules pouvaient confirmer ces conjectures, qui cependant s’accréditèrent encore par un rapide examen d’ÏTmm. LâkU, où l’on ne découvrit que des ruines de date récente et de minime importance. Cf. Pal. Explor. Fund, Quart. St., 1890, p. 161. En 1890, un habile explorateur, M. Flinders Pétrie, pratiqua des tranchées, des intersections dans les flancs de Tell el-Hésy, et y fit d’intéressantes découvertes, qui sont consignées dans le Pal. Expl.

peu près sec en été. Voir fig. 5. Depuis que la ville est bâtie, il a entamé la face orientale du monticule, dont la pente escarpée descend assez brusquement sur ses bords. Le tertre, aux contours plus ou moins arrondis au sud et au nord, est pénétré par une légère dépression à l’est et au sud-ouest. De ce dernier côté est une crête faite d’une hauteur naturelle et d’un rempart artificiel, qui dépasse de près de 3 mètres le sommet de la colline. Cette crête continue sa ligne courbe vers l’est. Le point le plus important du tell est celui de la cité, au nord-est. En dehors de ce coin où sont accumulées

.W.StBsGiïiwvre 3aa.

5. — Carte de Lactis et de ses environs. D’après Bliss, À Mound of many Citiee, pi. i.

Fund, Quart. St., 1890, p. 459-166, 219-246, et dans son ouvrage intitulé Tell el-tîesy (Lachish), in-4o, Londres, 1891. Mais il n’avait eu que le temps de creuser quelques pieds. Après lui, M. Bliss put opérer des fouilles plus complètes et arracher au monticule de précieux secrets archéologiques. Cf. Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1891, p. 282-298 ; 1892, p. 36-38, 95115, 192-196 ; 1893, p. 9-20, 103-119 ; et F. J. Bliss, À Mound of many Cities, in-8o, Londres, 1898. C’est le résultat de ces travaux que nous donnons ici dans un simple aperçu.

II. Description. — La colline de Tell el-Hésy (voir fig. 3), appelée aussi Tell el-Hélu, « la douce colline, » à cause du voisinage de sources d’eau douce, s’élève à 103 mètres au-dessus du niveau de la mer, et à 36 mètres au-dessus de l’ouadi de même nom, qui la longe à l’est puis se dirige an nord et à l’ouest en faisant de nombreux zigzags. Torrent en hiver, Youadi el-Hésy, qu rejoignent en cet endroit Youadi Djizâir et Youadi Muleihah, est à

les ruines dont nous allons parler, le plateau n’a qu’une légère profondeur de terre : après 50 centimètres en certaines parties, de 1 à 3 mètres dans d’autres, on arrive à une couche d’argile restée intacte. Ce fut peut-être là la première assiette de la ville ; on y a trouvé de très anciennes poteries. Un grand pan de murailles au nord /est un reste de vieilles fortifications.

L’enceinte irrégulière de la cité est parfaitement marquée au nord, à l’ouest et au midi. Trois murs à peu près parallèles au nord, mais à un niveau différent, représentent trois époques différentes, peut-être celle des premiers Chananéens, celle de Roboam et celle de Manassé. Le coin nord-ouest semble avoir été prolongé le plus possible pour renfermer un puits, dont on voit les vestiges. C’est dans une partie de cet espace qu’ont été retrouvés les restes d’au moins huit villes superposées, dont l’âge a été déterminé par les objets découverts dans les diverses couches. Celte accumulation de ruines,

fruit des ravages de douze siocles au moins, s’explique facilement d’après la manière de bâtir en Orient, et principalement dans cette contrée de la Palestine. Dès les temps les plus anciens, les constructions étaient faites de briques séchées au soleil, de blocs d’argile mêlée de paille hachée. Qu’une guerre ou les éléments de la nature viennent à renverser les premiers édifices, le sol s’exhaussera des débris épars, et pour peu que le site reste un certain temps abandonné, lèvent et la pluie auront bientôt fait de niveler le terrain. Les nouveaux habitants, ne trouvant pas de matériaux à utiliser comme dans les villes bâties en pierre, élèveront leurs demeures de même façon que leurs devanciers, mais à un niveau supérieur. Une nouvelle civilisation s'établira sur les ruines de la première, quelque catastrophe l’enfermera plus tard dans un tombeau, et c’est ainsi que se forme mais dont la nature et l’usage ne sont pas bien connus. Fragments de poterie peinte.

troisième ville, à 13 m. 70 : série de chambres à l’appui du mur septentrional. C’est là qu’a été découverte la pièce la plus importante, une tablette avec inscription, cunéiforme, dont nous parlons plus loin ; avec cela, différents objets en bronze, pointes de lances, poinçons, épingles à cheveux, aiguilles, couteaux, etc. —Au-dessus de cette cité s'étend un lit de cendres, qui se trouve ainsi à peu près au milieu de la colline. Des couches alternées de poussière noire et blanche, de charbon et de chaux, rayent la face du monticule sur une épaisseur qui varie de 1 à 2 mètres. Des os et des débris de poterie se rencontrent dans cet amas mystérieux.

quatrième ville. — Cité int'. iv, à Il m. 27 : murs bâtis sur le lit de cendres ; petite idole de bronze avec

6. — Tablette de Lachis. D’après la Revue biblique, 1894, p. 433.

ront par couches successives les pages de l’histoire ; ainsi le sol s’est élevé de 18 mètres à Tell el-Hésy. L’Egypte nous offre plus d’un exemple de ces monticules produits ou accrus par la démolition de maisons en brique, à Damanhur, à Tanis et ailleurs. M. Bliss ne reconnaît que huit villes bien caractérisées, mais il croit pouvoir en distinguer jusqu'à onze. Il suit, en les décrivant, l’ordre chronologique, c’est-à-dire en allant de bas en haut. Nous donnons dans un simple tableau le résumé de ses découvertes, en maintenant ses propres distinctions :

première ville. — Cité inf. i, à 19 m. 80 au-dessous du sommet de la colline ; elle renferme, au coin nordest, une tour d’angle avec deux chambres, mais n’a révélé aucun objet caractéristique. — Cité i, à 16 m. 75, dans le quartier sud-est du tell : on y a découvert des objets en cuivre et en bronze, pointes de lances, hermineltes, etc., une figurine en bronze, et de nombreux débris d’une poterie que les explorateurs appellent « amorrhéenne ».

deuxième ville. — Cité inf. ii, à 16 mètres environ : chambres bâties avec de l’argile brun foncé mélangée d’un peu de paille. — Cité ii, à 14 m. 60 : chambres bâties avec de l’argile jaune rougeâtre, pleine de paille. On y a trouvé un fourneau circulaire, avec scories et cendres,

collier d’or, chèvre de bronze avec chevreaux, figurine en terre ; pressoir à vin avec plusieurs cuves, pavé cimenté, çà et là. — Cité iv, à 9 m. 75 : ruines d’un large édifice, avec chambres symétriques. Dans les deux ont été trouvés des objets importants, scarabées, cylindres, petites pointes de lances, couteaux, aiguillas, etc. Poteries phéniciennes, dont un fragment avec trois lettres phéniciennes.

cinquième ville, à 6 m. 70 : grandes constructions, représentées par des pierres placées à distance â peu prés égale et servant de bases à des piliers ou à des colonnes.

sixième ville, à 5 m. 50 : large muraille d’enceinte au nord, retrouvée par Flinders Pétrie, constructions à l’est, fosses circulaires et fours. Entre cette cité et la suivante, le sol est argileux, d’un gris verdàtre et très résistant ; on y a découvert un fragment de poterie avec inscription phénicienne.

septième ville, à 2 m. 40 : traces d’un violent incendie ; au côté est, curieuse stratification de sable fin, jaune clair ; pavement couvert de sable. On y remarque des fosses qui servaient de greniers ou de magasins ; on y a retrouvé des grains de froment et d’orge, du sésame brûlé, des grains de raisin. À la partie nord, maisons dont les fondements sont encore nettement tracés.

huitième ville, à 1 m. 50, dans un état de destruction pitoyable. Elle renferme une douzaine de tanmirs ou « fours » de forme circulaire, qui attestent que les anciens habitants, 400 ans avant notre ère, faisaient leur pain de la même manière que les Syriens et Arabes d’aujourd’hui. Les pierres à bâtir sont brutes, quelques-unes seulement, de forme carrée, indiquent un certain travail. Jarres et nombreuses poteries.

La chronologie du tell peut être approximativement établie d’après les objets trouvés in situ, que l’on ramène aux quatre classes suivantes :

1° Objets avec inscriptions. — 1. En premier lieu vient la tablette cunéiforme, découverte dans la troisième ville. Voir fig. 6. Par sa forme et ses dimensions, elle ressemble à celles de Tell el-Amarna ; l'écriture et les formules employées sont celles des scribes du sud de Chanaan dans les lettres adressées aux rois d’Egypte. Zimrida était gouverneur de Lachis sous le règne d’Amenhotep IV, Khu-n-Aten, de la XVIII 8 dynastie. On peut donc la l’aire remonter à environ 1450 ans avant notre ère. — 2. Nous avons en second lieu deux inscriptions phéniciennes. Sur un fragment de poterie, mis à jour vers le sommet de la IVe cité, on lit : ïbs, de bâla « absorber. » M. Sayce ne croit pas l'écriture plus ancienne que le XIe siècle. Sur un autre (vie cité), M. Clermont-Ganneau lit "jDnb, le-hassêk, « ad libandum, » ce qui indique un « vase à libation », Cf. 1er., XLIV, 19, 25. Palestine Exploitation Fund, Quart. St., 1892, p. 126-128. Quelle que soit la différence de lecture (cf. Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1891, p. 70, 158, 240, 250, 311), les archéologues lui assignent comme date 700 ou 800 av. J.-C.

2° Scarabées et cylindres. — 1. Aux cités H et m appartiennent deux scarabées portant le nom A' Amen lia et pouvant remonter à la XVIIIe ou peut-être la XIXe dynastie égyptienne (fig. 7-8). À la cité inf. iv : un avec le cartouche de la reine TU, mère d’Amenhotep IV, XVIIIe dynastie (fig. 9) ; un autre avec le nom d’Osi 7 8 9 10

7-8. — Scarabées portant le nom de Âmen-Ra.

9. — Scarabée portant te nom de la reine TH.

10. — Scarabée portant le nom de Ah^Hotep.

D’après Bliss, À Mound of many Cities, fig. 116, 117, 119 et 123.

TiSfUm-nefer ; d’autres sont des copies de modèles égyptiens. Cité ]v : un porte le nom de Ah-Hotep, qui fut celui de la femme d’Amenhotep I er, de la XVIIIe dynastie (fig. 10). — 2. Les cylindres, trouvés dans les cités inf. IV et iv, sont assignés à une période qui va de 1400 à 1000 avant l'ère chrétienne.

III. Objets en métal. — 1° Le bronze a été trouvé dans toute l'épaisseur du monticule. Les objets les plus caractéristiques sont les plus anciens, mais comme ils dilfèrent, au point de vue de la forme, des instruments et des armes rencontrés en Egypte et ailleurs, ils ne peuvent par eux-mêmes conduire à des dates précises. — 2° Le fer se révèle depuis le sommet de la colline jusqu’au sommet de la cité iv, où il cesse, ce qui peut mener jusque vers l’an 1100.

IV. Poteries. — Les poteries offrent non seulement un nombre considérable d'échantillons, mais des types spéciaux en rapport avec les groupes de villes. Bans les premières couches apparaissent les poteries dites « amorrhéennes », qui diffèrent de celles trouvées en Egypte et en Syrie. Le type phénicien commence avec

les cités il et iii, devient prédominant dans les cités IV inf. et IV, et diminue progressivement dans les parties supérieures. De la cité v à la vine, le terrain est caractérisé par le style juif, c’est-à-dire une grossière imitation de l’ancien type phénicien. Enfin, dans les deux dernières villes, vne et viii=, on rencontre la poterie grecque, avec le poli et les couleurs rouge et noir, tait important qui paraît dater ces assises de 5C0 à 400 avant l'ère chrétienne. Voir de nombreux dessins dans Flinders Pétrie, Tell el-Hesy, pi. v, vi, vii, viii, ix, et dans Bliss, À Mound of many Cities, pi. 3, 4, p. 118, 119, 120.

De toutes ces données, M. Eliss tire les conclusions suivantes au point de vue chronologique, en assignant à chaque ville une date évidemment approximative : Cité inf. r, 1700 ; cité i, 1600 ; cité inf. ii, 1550 ; cité H, 1500 ; cité iii, 1450 ; cité iv inf., 1400 ; cité iv, 1300 ; cité v, 1000 ; cité vi, 800 ; cité vii, 500 ; cité viii, 400 av. J.-C. L’absence de monnaies et de restes des époques séleucide et romaine montre que Tell el-Hésy fut abandonné après 400.

III. Histoire. — 1° Les ruines de Tell el-Hésy répondent parlaitement à l’histoire de Lachis. Cette ville fut dés les origines une place importante du sud de Cha naan. Vassale de l’Egypte sous les rois de la XVIIIe dynastie, elle payait un tribut en nature, et deux de ses gouverneurs, Zimrida et Jabni-ilu, nous sont connus par les tablettes de Tell el-Amarna. Ct. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amarna, p. 306, 310, 338, 340. Le premier, nous l’avons vii, est également mentionné sur la tablette cunéiforme trouvée à Tell el-Hésy, et dont nous donnons la traduction d’après le P. V. Scheil, dans la Revue biblique, Paris, 1894, p. 435 : « Au chef… j’ai dit : à tes pieds je me prosterne. Sache que Daian Addi et Zimrida se sont réunis et que Daian Addi a dit à Zimrida : Pisyaram envoie vers moi et me fait présenter deux chevaux (?), 3 glaives et 3 poignards. Si donc j’envahis le pays du roi et si tu m’aides à m’en emparer, je te rendrai plus tard la principauté dont il (t') avait donné le principat. J’ai dit : envoie donc (des troupes) au-devant de moi et… j’ai dépêché Rabil… Tiens compte de ces avis. » Il s’agit ici sans doute d’une de ces tentatives d'émancipation si fréquentes parmi les gouverneurs de provinces. Le déchiffrement du P. Scheil diffère assez sensiblement de celui de Sayce, publié dans le Pal. Expl. Fund, Qu. St., 1893, p. 27, et dans Bliss, A Mound of many Ciliés, p. 185.

2° Lorsque Josué envahit la Palestine, Lachis avait pour roi Japhia, qui s’unit à ceux de Jérusalem, d’IIcbron, de Jérimoth et d'Églon, pour marcher contre Gabaon et la punir de son alliance avec les Israélites^ Vaincu comme les autres confédérés, il vint se cacher dans la caverne de Macéda, fut pris, mis à mort et suspendu à un gibet. Jos., x, 3, 5, 23. Sa ville tomba ensuite entre les mains du conquérant. Jos., x, 31-33 ; xii, 11. Elle fit partie du territoire assigné à Juda, Jos., xv, 39. Plus tard, Roboam, roi de Juda, répara ou augmenta ses fortifications, HPar., xi, 9, et Amasias, chassé de Jérusalem par une conspiration, vint s’y réfugier, mais ne put échapper à la mort. IV Reg., xtv, 19 ; II Par. v xxv, 27. Le prophète Michée, i, 13, la presse de fuir devant l’invasion : « Attache les coursiers au char, peuple déLachis, » s'écrie-t-il (d’après l’hébreu). La suite du Verset semblerait placer là « le début du péché pour la fille de Sion », et faire de cette ville comme l’instigatrice des péchés d’Israël. Qu’elle ait été adonnée à l’idolâtrie, les touilles l’ont prouvé, mais on ne comprend guère l’influence qu’elle a pu avoir sous ce rapport sur Jérusalem, à moins que celle-ci ne lui ait emprunté quelque pratique idolâtrique.

3° L’importance de Lachis ressort encore de la campagne de Sennachérib contre Juda. C’est là que le monarque assyrien vint s'établir avant de diriger ses troupes vers Jérusalem. C'était pour lui une excellente base

d’opération contre l’armée égyptienne d’un côté, et, de l’autre, contre les places fortes du midi de la Palestine. Il fit représenter lui-même sur les monuments de l’époque le siège de cette ville. Voir fig. 5, col. 15-16, d’après Layard, M onuments of Ninevek, 2e série, pi. 21. L’image est d’une parfaite exactitude au point de vue topographique et correspond à la vue de la cité prise du sud. Cf. Flinders Pétrie, Tell el-Sesy, p. 37-38. C’est là qu’Ézéchias effrayé envoya des ambassadeurs au roi de Ninive et lui remit le tribut demandé. IV Reg., xviii, 14-16. Sennachérib fit plus tard reproduire cette scène et la reddition de Lachis à Ninive sur un bas-relief qui nous a été conservé. Voir fig. Il et 12. Le roi est assis sur son trône, en un lieu planté d’arbres ; des Juifs s’avancent vers lui, les mains suppliantes. Au-dessus du tableau on lit l’inscription cunéiforme suivante : « Sennachérib, roi des nations, roi d’Assyrie, sur un trône élevé est assis, et les dépouilles de Lachis devant lui viennent. » Cf. G. Smith, History of Sennachérib, 1878, p. 69 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 41. Le monarque assyrien ne se contenta pas de ce tribut de guerre, et exigea la reddition de Jérusalem. Informé des préparatifs de résistance que faisait la ville, il envoya de Lachis trois de ses principaux officiers, son tartan, son rab-saris et son rab-êaqêk, avec une escorte imposante, espérant ainsi intimider Ézéchias et l’obliger à se rendre sans coup férir. IV Reg., xviii, 17 ; II Par., xxxii, 9 ; Is., xxxvi, 2. Confiant en Dieu et fortifié par la parole prophétique d’Isaïe, le roi de Juda repoussa avec fermeté les demandes de Sennachérib, qui, du reste, avait déjà quitté Lachis, pour commencer son mouvement en arrière, lorsque ses envoyés revinrent. IV Reg., xix, 8 ; Is., xxxvii, 8. Lorsque plus tard Nabuchodonosor, roi de Babylone, détruisit le royaume de Juda, Lachis fut au nombre des places fortes qui tombèrent sous ses coups. Elle fut de nouveau habitée par les Juifs au retour de la captivité ; II Esd., xi, 30. Mais elle ne retrouva jamais son antique puissance. Il n’en est plus question dans la Bible à partir de ce moment.

A, Legendre.

    1. LACHMANN Karl##

LACHMANN Karl, philologue allemand protestant, né à Brunswick le 4 mars 1793, mort à Berlin le 13 mars 1851. Il étudia à Leipzig et à Gœttingue où, au lieu de suivre les cours de théologie qu’il négligea complètement, il s’adonna exclusivement à l’étude de la philologie. En 1816 il devint professeur au gymnase Friedrich-Werder, puis à l’Université de Berlin, plus tard à Kœnigsberg. En 1825 il revint à Berlin, où dès 1827 il fut nommé professeur ordinaire. Deux ans plus tard on lui confia la section latine du séminaire philologique et en 1830 il devint membre de l’Académie des sciences à Berlin.

En dehors de ses travaux sur les classiques allemands, il étudia avec le plus grand soin le texte du Nouveau Testament. Il exposa les principes de sa critique : Rechenschaft ûber seine Ausgabe des Neuen Testaments, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1830, p. 819-845. Ce traité rend compte de la nouvelle édition du texte sacré qu’il venait de terminer et qu’il édita peu après sous le titre Novum Testamentum grsece, in-12, Berlin, 1831. Cette édition comprend la recension du texte (sans indication des sources) avec des notes marginales citant différentes leçons et une table des variantes du textus receptus. — Dans cet ouvrage et dans le mémoire qui le précéda Lachmann entre dans une voie toute nouvelle de la critique du texte. Comme point de départ les critiques avant Lachmann avaient pris le textus receptus et cherché à l’amender. Lachmann remonta aux manuscrits les plus anciens) aux traductions et citations des Pères. Les anciens critiques considéraient comme leur tâche de ne restituer la leçon originale que pour les passages en litige et avaient recours, à défaut de témoignages extrinsèques, avec une chance très douteuse, à des arguments

purement subjectifs. Comme il s’agissait des Écritures Saintes, Lachmann remit dans la mesure du possible à l’arrière-plan son propre jugement, il n’eut pas la prétention de restituer dans chaque cas particulier la véritable leçon. Il ne se mit pas même en quête de la plus ancienne, mais se contenta des plus anciennes entre celles qui étaient le plus répandues, guidé par cette pensée qu’un texte de ce genre se rapprocherait plus sûrement du texte primitif que celui des « recepta corrigés » et que ce serait le meilleur point de départ pour atteindre par des opérations critiques ultérieures le texte primitif lui-même. Jusqu’alors lès critiques se servaient indistinctement d’anciens et de nouveaux manuscrits. Lachmann abandonna ces complications en majeure partie inutiles et sans valeur pour la pratique et ne choisit qu’un nombre restreint d’anciens témoins pour découvrir la piste cherchée. Quelques règles, peu nombreuses et d’autant plus simples, devaient régulariser la marche dans ses opérations. Son premier axiome était que, entre les leçons existantes, il fallait toujours donner la préférence à celle quj se trouverait dans les documents les plus anciens arrivés jusqu’à nous. Lachmann fonda ses principes sur la doctrine de Richard Bentley (mort en 1742) et sur celle de saint Jérôme. Le fameux critique anglais avait depuis de longues années l’intention d’éditer une recension du Nouveau Testament grec, concordant avec les manuscrits grecs les plus anciensetceux de la Vulgate, conjointement avec une recension nouvelle de la Vulgate elle-même. Après de nombreux travaux préparatoires en ce sens il publia en 1720 ses Proposais for printing a new Edition of the Greek Testament and S* Hierom’s Latin Version, dans lesquels il explique le plan et l’importance de l’édition projetée. Malheureusement cette édition ne put être publiée, à cause des attaques d’un certain nombre de théologiens anglais. Voir l’écrit de Bentley, imprimé dans Tischendorf, Novum Testamentum, edit. vii, Proleg., p. 87-96. Lachmann s’en tient à saint Jérôme, parce que celui-ci pour la rédaction de la Vulgate avait puisé dans les anciens, sans s’occuper des manuscrits grecs de date plus récente et parce que la concordance d’un manuscrit avec les anciennes traductions lui était un garant de leur authenticité, et le témoignage harmonisant avec les anciens manuscrits grecs et les anciennes traductions, Un critérium certain pour la justesse d’une leçon. Lachmann dit des axiomes critiques desaint Jérôme, qu’ils sont « très raisonnables » et « excellents » et qu’ils seront « toujours la règle qu’on devra suivre pour déterminer le texte du Nouveau Testament » (p. 823). Encouragé par l’approbation donnée à ses idées et principes, Lachmann se mit en devoir de publier une édition plus considérable. Soutenu dans ses travaux par Philippe Buttmann, fils du célèbre grammairien grec, il édita le Nouveau Testament avec des prolégomènes détaillés, avec indication des sources et le texte de la Vulgate, sous le titre : Novum Testamentum grs.ce et latine, in-8°, Berlin, 1. 1, 1842 ; t. ii, 1850. Le texte grec n’a guère subi de modification et reste semblable à celui de la petite édition, réimprimée à plusieurs reprises (1837, 1846). La grande édition de Lachmann est une preuve de plus de la valeur de son système ; mais son appareil critique est assez médiocre, le nombre des témoins qu’il produit est trop restreint. Le Vaticanus, YEphrsenii rescriptus, le Claromontanus, VAmiatinus et d’autres, bien que très importants, ne lui étaient accessibles que par des collations imparfaites, souvent fautives ou douteuses. Lachmann méconnut la nécessité d’une base généalogique construite par Griesbach pour la critique du Nouveau Testament. Il a été dépassé depuis par Tischendorf, Tregelles et autres, mais il eut le mérite d’inaugurer une époque nouvelle dans’l’histoire des études néo-testamentaires. Voir Scherer, dans Allgemeine deutsche Biographie, t. xvii, p. 471-81 ; Hundhausen, dans le Kirchenlexicon, 2e édit., Fribourg, 2$

LACHMANN — LADANUM

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-1883-1901, t. ii, p. [620-623 ; M. Hertz, Karl Lachmann, Berlin, 1851 ; Jakob Grimm, Rade auf Lachmann, Kleine Schriflen, t. i, col. 145 ; G. Heinrichs, Lachmanniana, dans Anzciger fur deutsches Allerthum, t. vi, p. 354 ; t. v, p. 289 ; Westcottand Hort, The New Testament in the original greek, Cambridge, 1881, t. H, p. 13 ; Tischendorl, Nov. Test, griec., edit. vn a min., p. 102-112.

E. Michels.

B.ACHMI (hébreu : Lahmî ; Septante : Aaxi « ’)> frère de Goliath. I Par., xx, 5. La Vulgate a traduit « Bethléhémite ». Pour l’explication de ce passage, voir Adéodat, t. i, col. 215.

    1. LADANUM##

LADANUM (hébreu : lot ; Septante : (jraxrr, ; Vulgate : stade, Gen., xxxvii, 25 ; xliii, 11), substance résineuse aromatique.

I. Description. — Le Ladanum est une oléorésine gluante et aromatique produite par exsudation des feuilles de diverses espèces de cistes. Le genre Qistus de Linné, qui a donné son nom à la famille des Cistacées, se compose d’arbrisseaux de petite taille, répandus dans les lieux incultes de toute la région méditerranéenne. Les feuilles persistantes, opposées et sans stipules, sont le siège principal d’une sécrétion si abondante, pendant la saison chaude, que la surface du limbe en devient visqueuse, et que l’air ambiant est tout imprégné de vapeurs balsamiques. Les fleurs sont formées de cinq pétales réguliers, larges, tordus dans le boulon et très caducs, d’étamines nombreuses, et d’un ovaire simple qui devient à la maturité une capsule polysperme, à déhiscence valvaire. — L’espèce que Linné a nommée Cistus ladaniferus, très abondante dans la péninsule Ibé 13. — Cistus salviifolius. — Dessin d’après nature. Hameau cueilli à Bethlêhem par le Frère Jouannet-Marie, des Écoles chrétiennes (avril 1890).

Tique, ne dépasse pas la Sicile vers l’Orient, mais plusieurs autres, qui sécrètent la même résine, habitent TAsie Mineure et spécialement les lies de Crète et de Chypre. Les plus remarquables sont le Cistus villosus,

qui se distingue de ses congénères à fleurs roses par la longueur du style égalant au moins les étamines, et parmi les espèces à fleurs blanches, le Cistus laurifolius à trois sépales caducs, le Cistus monspeliensis dont les feuilles sont longues et étroites, tandis que celles du Cistus salviifolius (fig. 13) ont un limbe court et fortement rugueux à la surface. F. Hï.

II. Exégèse. — Les marchands ismaélites auxquels Joseph fut vendu par ses frères, allaient de Galaad en Egypte pour y porter des aromates et en particulier du lot. Gen., xxxvii, 25, Jacob chargeant ses fils de présents pour le premier ministre d’Egypte, leur remet entre autres produits du pays du lot. Gen., xliii, 15 (hébreu). On reconnaît généralement dans ce nom le ladanum. Le mot lot est apparenté avec les noms des langues sémitiques et indo-européennes qni désignent certainement le ladanum ou la résine odorante des Cistus : il suffit de comparer l’arabe lâdlian, le sabéen ladan, l’assyrien ladunu, le persan lâd, le grec tSov, ou X^Savov, ou XâSavov, et le latin ladanum ou labdanum. D’après les textes de la Genèse que nous venons de citer, le ladanum est donné comme un produit de Galaad et de Palestine, importé en Egypte. Il ne paraît pas avoir été recueilli, du moins en quantité suffisante, dans la vallée du Nil, où cependant on l’employait fréquemment dans les embaumements. Fr. Wônig, Die Pflanzen im alten Aegypten, in-8o, Leipzig, 1886, p. 386. Il venait en Egypte par terre de la Palestine, de l’Arabie, de la Syrie, et doit être compris dans l’expression générale qui revient souvent dans les textes, « les parfums de Syrie. » Mais le nom sous lequel il était connu dans la vallée du Nil n’a pas encore été trouvé. Il pouvait venir aussi par mer de i’ile de Chypre. Le ladanum d’Arabie, Hérodote, iii, 112 ; Pline, Hist. nal., xii, 37, celui de Chypre et de Syrie, Pline, xxvi, 30, sont en effet les espèces les plus renommées chez les anciens. Le ladunu est mentionné dans les tributs que Teglathphalasar tirait de Damas. E. Schrader, Die Keïlinschriften und das Alte Testament, in-8o, Giessen, 1883, p. 151. Les Cistus, soit le villosits, soit le salviifolius, sont encore très abondants sur les collines de Palestine.

Comme cette résine exsudait des feuilles du Cistus pendant les grandes chaleurs, on la recueillait, dit Pline, xii, 37 ; xxvi, 30, en peignant la barbe et le poil des chèvres qui en broutant en étaient bientôt toutes chargées. Dans son Voyage au Levant, Amsterdam, 3 in-12, 1727, t. i, p. 329, J. Thévenot nous décrit le même procédé : « Il y a aussi en ces quartiers plusieurs bergers qui gardent des chèvres et les montagnes y sont pleines d’une certaine herbe, que Mathiole appelle Ledum, et les Grecs d’aujourd’hui Kissaros ; quand les chèvres paissent de cette herbe, il s’attache à leur barbe une certaine rosée visqueuse et gluante, qui se trouve sur cette herbe, cette rosée se congelant en une espèce de gomme, qui a fort bonne odeur, qui s’appelle Ladanum et pour la recueillir, il faut couper (ou plutôt peigner) la barbe aux chèvres. »

On obtient plus communément cette résine en promenant sur ces arbrisseaux des fouets ou lanières de cuir. Pline, H. N., xxvi, 30, indique ce procédé que Tournefort, Relation d’un voyage au Levant, 2 in-4o, Paris, 1^07>tri, p. 74-75, nous expose en détail tel qu’il le vit pratiquer dans l’Ile de Candie : « Tirant du côté de la mer, nous nous trouvâmes sur des collines sèches et sablonneuses, couvertes de ces petits arbrisseaux qui fournissent le ladanum. C’était dans la plus grande chaleur du jour, et il ne faisait pas de vent. Cette disposition du temps est nécessaire pour amasser le ladanum. Sept ou huit paysans roulaient leurs fouets sur ces plantes : à force de les secouer et de les frotter sur les feuilles de cet arbuste, leurs courroies se chargeaient d’une espèce de glu odoriférante, attachée sur les feuilles ; c’est une partie du suc nourricier de la plante, lequel trans

sude au travers de la tissure de ces feuilles comme une sueur grasse, dont les gouttes sont luisantes, et aussi claires que la térébenthine. Lorsque les fouets sont bien chargés de cette graisse on en ratisse les courroies avec un couteau, et l’on met en pains ce que l’on en détache : c’est ce que nous recevons sous le nom de ladanum. Un homme qui travaille avec application en amasse par jour environ une oque (trois livres deux onces) et même davantage, lesquelles se vendent un écu sur le lieu. Cette récolte n’est rude que parce qu’il faut la faire dans la plus grande chaleur du jour et dans le calme. Cela, n’empêche pas qu’il n’y ait des ordures dans le ladanum le plus pur, parce les vents des jours précédents ont je té de la poussière sur ces arbrisseaux. » Cf. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. i, p. 280-288 ; E. F. K. Rosenmuller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, in-8°, Leipzig, 1830, t. iv, 1° part., p. 156-159 ; Trislram, The Nalural history of the Bible, in-12, Londres, 1889, p. 458-460. — Comme les Septante traduisent par o-raxT-f, le lot hébraïque, ou ladanum, il pourrait être question de cette gomme aromatique dans Eccli., xxiv, 21 où on lit uTaxT-rj (Vulgate, gutta) ; mais on ne saurait l’affirmer, parce qu’ils traduisent plus souvent par le même mot l’hébreu nalaf, le styrax ; et malheureusement ce passage de l’Ecclésiastique n’est pas du nombre des parties retrouvées en hébreu.

E. Levesque.

    1. LADVOCAT Jean-Baptiste##

LADVOCAT Jean-Baptiste, érudit et hébraïsant français, né à Vaucouleurs le 3 janvier 1709, mort à Paris le 29 décembre 1765. Il commença ses études au collège des jésuites de Pont-à-Mousson et alla les terminer à Paris. Il entra ensuite dans la Société de Sorbonne. Docteur en théologie, il fut d’abord curé de Domrémy. En 1740, il obtint une chaire à la Sorbonne, en devint bibliothécaire et en 1751 fut choisi comme professeur d’hébreu. Parmi ses nombreux ouvrages nous avons à mentionner : Dissertation historique et critique sur le naufrage de saint Paul, in-12, Paris, 1752 : l’apôtre n’aurait pas fait naufrage sur les côtes de l’île de Malte, mais à Meléda près de Raguse ; Gramntaire hébraïque, in-8°, Paris, 1755, ouvrage qui eut de nombreuses éditions ; Jugement et observations sur les traductions des Psaumes de M. Pluche et de M. Gralien et en particulier sur celle des RR. Pères capucins et de M. Laugeois, à l’usage des écoles de Sorbonne, in-12, Paris, 1753 : il réfute le système de l’abbé Villefore et des capucins qui l’avaient adopté. On lui répondit par l’écrit suivant : Appel du jugement rendu par M. Ladvoçat dans la cause où il s’est constitué juge des quatre traductions des Psaumes, par M. de Saint-Paul, in-12, Paris, 1763 ; Notice d’un manuscrit original apporté à Pans en 1764, dans le Journal des Savants, août 1765, p. 540 : il s’agit d’un manuscrit du Pentateuque ; Lettre dans laquelle l’auteur examine si les textes originaux ; de l’Écriture sont corrompus et si la Vulgate leur est préférable, in-8°, Amsterdam, 1766 : les fautes du texte hébreu n’en détruisent ni l’authenticité, ni l’intégrité ; Interprétation historique et critique du Ps % lxmii : Exsurgat Deus, in-12, La Haye, 1767. — "Voir Éloge historique de l’abbé Ladvoçat, dans l’Année littéraire, t. n ; Picot, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique pendant le xyiii> siècle, t. iv (1855), p. 449 ; Quérard, La France littéraire, t. iv, p. 386.

B. Heurtebize.

LAEL (hébreu : Ld’êl, « (appartenant] à Dieu ; » Septante : Aori)). ; À lexandrinus : a.r{k), père d’Éliasaph qui fut le chef de la famille de Lévites descendant de Gerson du temps de Moïse. Num., iii, 24.

LA FAYE (Antoine de), théologien protestant, né à Châteaudun, mort à Genève vers 1618. Il fut professeur au collège de Genève, puis enseigna la philosophie à l’université de cette ville, dont il devint recteur en 1580.

Vers cette date, il fut nommé pasteur et quatre ans plus lard professeur de théologie. Il composa la préface de la traduction française de la Bible à laquelle il avait travaillé avec d’autres pasteurs de Genève et qui fut publiée en 1588 après avoir été revue par Théodore de Bèze. Il accompagna ce célèbre réformateur au synode de Montbéliard. Parmi les nombreux écrits d’Antoine de La Faye nous mentionnerons : De vernaculis Bibliorum interpretationibus et sacris vernacula lingua peragendis, in-4°, Genève, 1572 ; Commentarii in Èpistolam ad Romanos, in-8°, Genève, 1608 ; Commentarii in Ecclesiasten, in-8°, Genève, 1609 ; Commentarii in Psalmos xlix et lxxxvii, in-8°, Genève, 1609 ; Commentarii in priorem Epistolam ad Timotheum, in-8°, Genève, 1609. — Voir Lelong, Riblioth. sacra, p. 348, 722 ; Walch, Biblioth. theologiea, t. iv (1765), p. 522, 685.

B. Heurtebize.
    1. LAGARDE##

LAGARDE (Paul Anton de), orientaliste protestant allemand, né le 2 novembre 1827 à Berlin, mort à Gœttingue le 22 décembre 1891. Son vrai nom était Bôtticher ; il emprunta à sa mère celui de Lagarde à partir de 1854. 11 étudia à Berlin et à Halle la théologie, la philosophie et les langues orientales et se livra ensuite à des études scientifiques à Londres et à Paris, en 1853-1854. Après avoir enseigné dans diverses écoles, il devint en 1869, à Gœtlingue, le successeur d’Ewald comme professeur de langues orientales et il conserva cette chaire jusqu’à sa mort. Ses publications sont innombrables. Voici celles qui se rapportent à l’exégèse : Epistolse Novi Testamenti coptice, Halle, 1852 ; Didascalia Aposlolorum (en syriaque, fruit du voyage à Paris et à Londres), in-8°, Leipzig, 1854 ; Analecta syriaca, Leipzig, 1858 ; Hippolytï Romani qux feruntur omnia grsece, Leipzig, 1853 ; Libri Veteris Testamenti apocryphi syriace, Leipzig, 1861 ; Constitutiones Apostolorum, Leipzig, 1862 ; Anmerkungen zur griechischen Vebersetzung der Proverbien, Leipzig, 1863 ; Die vier Evangelien arabisch, Leipzig, 1864 ; Gesammelte Abhandlungen, Leipzig, 1866 ; Materialien zur Kritik und Geschichte des Pentateuchs, Leipzig, 1867 ; Hieronymi Qusestiones hebraicse in libro Geneseos, Leipzig, 1868 ; Onomastica sacra (de saint Jérôme et d’Eusèbe etc.), Gœttingue, 1870 ; 2e édit., 1887 ; Der Pentaleuch koptisch, Leipzig, 1871 ; Prophétie chaldaice, Leipzig, 1872 ; Hagiographi chaldaice, Leipzig, 1873 ; Psalterium juxta Hebrseos Hieronymi, Leipzig, 1874 ; Ankûndigung einer neuen Ausgabe der griechischen Vebersetzung des alten Testaments, Gœttingue, 1881 ; Orientalia, 2 in-4° Gœttingue, 18791880 ; Prsetermissorum libri duo (écrits divers en syriaque), Gœttingue, 1879 ; Psalmi 1-49 arabice, Gœttingue, 1875 ; Psolterii versio memphitica, Gœttingue, 1875 ; Psalterium, Job, Proverbia arabice, Gœttingue, 1876 ; Semitica, 2 in-4° Gœttingue, 1878 ; Symmicta, 2 in-8° Gœttingue, 1877-1880 ; Veteris Testamenti ab Origene recensiti fragmenta apud Sijros servata quinque. Prxmittitur Epiphanii de mensuris et ponderibus liber, nunc primum integer et ipse syriacus, Gœttingue, 1880 ; ^5fypftaca, Gœttingue, 1883 ; 2e édit., 1896 ; . Catenx in Evangelia xgyptiacx qux supersunl, in-4° Gœttingue, 1886 ; Librorum Veteris Testamenti canonicorum pars I, grsece édita, Gœttingue, 1883 ; Probe einer neuen Ausgabe der lateinischen Vebersetzungen des alten Testaments, Gœttingue, 1885 ; Novm PsalteHi grseci editionis spécimen, in-4° Gœttingue, 1887 ; Ueber* sicht uber die im Aramâischen, Arabischen und Hebrâisclien ûbliche Bildung der Nomina, in-4° Gœttingue, 1889 ; Nachtrâge zu der Uebersicht, in-4°, Gœttingue, 1891 ; Septuaginta-Studien, in-4° Berlin, 1892 ; PsalteHi grseci quinquagena prima (publié après la mort de P. de Lagarde, par A. Rahlfs), in-4° Gœttingue, 1892 ; Bibliothecse syriacse collectx qusé ad pkilologiam sacrum pertinent (contient VEvangeliarium Hierosolymitanum), in-4% Gœttingue, 1892 ; Altes und Neues ùber

das Weihnachtsfest, extrait des Mittheilungen (18841890), Gcsttingue, 1891. — Voir R. Gottheil, Bibliography of the Works of P. A. de Lagarde, dans les Proceedings of the American Oriental Society, "1892 ; Anna de Lagarde, Paul de Lagarde, Erinnerungen aus seinem Leben, Gœttingue, 1894. F. Vigouroux.

    1. LAGIDES##

LAGIDES, nom donné à la dynastie égyptienne des Ptoléniëes. Voir Ptolémée.

LA HAYE (Jean de), né à Paris, le 20 mars 1593, d’une famille qui, au dire du bibliographe Jean de Saint-Antoine, portait le nom de Sapin, se rendit dans sa jeunesse en Andalousie. Il y prit l’habit des Frères Mineurs de la réforme de saint Pierre d’Alcantara, dans la province dite de Saint-Gabriel, et y prononça ses vœux, dans le couvent de Séville, le 9 janvier 16l3, entre les mains du B. Jean de Prado, plus tard martyr. La province de Saint-Didace ayant été ensuite formée d’une partie de celle de Saint-Gabriel, il appartint à celle-là, et y enseigna pendant sept ans la philosophie et la théologie. Après ce temps, Anne d’Autriche, se rendant en France pour devenir la femme de Louis XIII, voulut être accompagnée du Père de La Haye, qu’elle lit son prédicateur, et qui devint ensuite celui du roi son époux. Dans la capitale de la France, î>ù il mourut le 15 octobre 1661, il acquit une immense réputation de savoir, et publia une quarantaine de volumes, parmi lesquels nous avons à signaler : 1. Sancti Francisci Assisiatis, Minorum Patriarchse, nec non sancti Antonii Paduani opéra omnia postillis illustrata, în-f°, Paris, 1653. Nous ne signalons cet ouvrage que parce que le P. de La Haye y a édité divers commentaires mystiques de saint Antoine de Padoue sur certains livres de la Sainte Écriture. —

2. Apocalypsis B. Joannis elaborata ab irrefragabili doctore nostro B. Alexandro de Aies, additis illustrationibus, indicibus, ac vita authoris, in-f », Paris, 1647. —

3. Commentarii littérales et conceptuales in Genesim, sive Arbor vitse concionatorum, 4 in-f », Paris, 1636 ; 2 8 édit., Paris, 1647 ; 3e édit., Paris, 1651. Dans une pensée poétique, l’auteur trouve que le livre de la Genèse est la racine de son arbre de vie ; l’exposition littérale en est le tronc ; la variété des versions en forme les branches et les feuilles ; leur concordance en est la fleur, et le fruit est dans son interprétation appuyée sur celle de très nombreux Pères de l'Église. — 4. Commentarii littérales et conceptuales in Exodum, vel Concionatorum virga, percutiens peccatores, 3 in-f », Paris, 1641. — 5. Commentarii littérales, et conceptuales in Apocalypsim B. Joannis Evangelistx, omni lectionum grsecse, arabicse, syriacse, etc. varietate, earumque concôrdia, innumeris animi conceptibus plus quam septingentorum Patrum authoritate confirmatis et concatenatis illustrati, 3 in-f », Paris, 1648. — 6. Biblia Magna commentariorum litteralium Joannis Gagnai, doctoris Parisiensis, Gulielmi Estii, doctoris Duacensis, Emmanuelis Sa, Joannis Menochii et Jacobi Tirini, S. J., erudite et intègre Sacra/m Scripturam exponentium, prolegomenis, chronico sacro, indicibus locupletissimis illustrata, 5 in-f », Paris, 1643. — 7. Biblia Maxima versionum ex linguis orientalibus, pluribus sacris mss. codicibus, innumeris fere SS. et veteribus Patribus et interpretibùs orthodoxis collectarum, earumque concôrdia cum Vulgata, et ejus expositione litterali, cum annotationibus Nicolai de Lyra, minorilx Joannis Gagnsei, doctoris Parisiensis, Gulielmi Estii, doctoris Lovaniensis, Jo. Menochii, ac Jacobi Tirini, S. J., additis amplissimU prolegomenis, universa quee possunt agitari circa S. Scripturse ma/estatem, antiquitatem, autoritatem, obscuritatem, sensuum di yersitatem, indicem, canonem, versionum originem, antilogiam, etc., decidentibus. Non omissis chronico sacro, tractatu de ponderibus, mensuris, nwnetis, idiomes. DE LA BIBLE.

tismis linguarum, amplissimis indicibus, 19 in-f », Paris, 1660, dédiés au cardinal Mazarin. Dans son livre sur les Études monastiques, chap. ir, § 2, dom Mabillon exprime, pour la Biblia Magna, plus d’estime que pour la Biblia Maxima. P. Apolinaire.

    1. LAHÉLA##

LAHÉLA, nom donné par la Vulgate, dans I Par., v, 26, à la ville qu’elle appelle plus exactement Hala, IV Reg., xvii, 6 ; xviii, 11. La est une préposition qui a été prise ici à tort comme formant partie intégrante du nom. Voir Hala, t. iii, col. 400-401.

    1. LAHEM##

LAHEM, nom d’une localité, d’après la Vulgate. I Par., iv, 22. Le texte original de ce verset fort obscur porte : « Et Yoqîm et les hommes de Kôzêba' et Yô'âs et Sâràf qui dominèrent sur Mo'âb et sur Yâsubi Lâhém, » ce que la Vulgate a traduit, en rendant en partie les noms propres par des noms communs : « Et celui qui a fait arrêter le soleil et les hommes du Mensonge et le Sûr (Securus) et l’Incendiaire (Incendens) qui furent princes dans Moab et qui retournèrent à Lahem. » Voir Incendiaire, t. iii, col. 864. D’après quelques-uns, YâSubi Lâheni ou Léhem serait un nom d’homme, comme Yôqîm, etc., mais d’après le plus grand nombre, c’est une localité, ville ou région, comme Moab. La situation en est d’ailleurs inconnue. On peut dire seulement qu’il faut la chercher dans la plaine des Philistins (Séphéla) ou dans son voisinage, si ce n’est pas simplement une corruption du nom de Bethléhem.

LA H U ERG À (Cyprien de). Voir Huerga, t. ii, col. 768.

    1. LAINE##

LAINE (hébreu : gêz, sémér ; Septante : £ptov ; Vulgate : lana), poils qui recouvrent le corps de certains animaux, particulièrement de la race ovine. La laine se compose de filaments longs et plus ou moins contournés en spirale ; elle est naturellement imprégnée d’une matière oléagineuse qui la rend souple et élastique. La laiae se distingue par là du poil des chèvres, des chameaux, etc., du crin des chevaux, des soies du porc, du pelage des fauves, etc. La laine a été utilisée de toute antiquité ; on la tondait sur le dos de l’animal et après un nettoyage et un dégraissage sommaire, on la cardait, on la filait et on la tissait pour en faire des couvertures, des manteaux, des vêtements, etc. Dans la Sainte Écriture, il est question de la laine sous trois aspects différents.

1° Laine à l'état de toison. — La toison est la laine de l’animal accompagnée de la peau à laquelle elle adhère, ou déjà détachée de cette peau par la tonte. La tonte des brebis était une des opérations importantes de la vie agricole. Gen., xxxi, 19 ; xxxviii, 13 ; I Reg., xxv, 2 ; II Reg., xiii, 23, etc. Voir Tonte. C’est en se servant d’une toison que Gédéon obtint le signe miraculeux qu’il réclamait avant de partir en guerre contre les Madianites. Jud., vi, 37-40. Voir Gédéon, t. iii, col. 147. Dans la première épreuve, il n'était point extraordinaire que la toison fût couverte d’une rosée abondante, mais il l'était que cette rosée ne se fût pas écoulée en partie sur le sol pour l’arroser, d’autant plus que la laine, toujours un peu grasse, n’absorbe pas l’humidité. La seconde épreuve fut pluVsignificative encore ; le sol seul était détrempé, bien j^ue protégé par la toison contre le rayonnement nocturne, et la toison était restée sèche, bien qu’exposée comme la veille à ce rayonnement. Job, xxxi, 20, réchauffait les reins des indigents avec les toisons de ses brebis qu’il leur donnait. Dans le tribut de cent mille agneaux et cent mille béliers que Mésa, roi de Moab, paya à Joram, roi d’Israël, il est bien spécifié que les animaux étaient amenés « avec leur laine ». IV Reg., iii, 4. La Loi prescrivait de consacrer au Seigneur les prémices de la laine. Deut., xviii, 4. La quantité de laine à offrir en prémices n'était pas déterminée ; suivant les docteurs

IV. -2

juifs, elle variait d’un trentième à un soixantième. Voir Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 203. La laine apportée à Damas par les pasteurs du désert était de là dirigée sur les marchés de Tyr. Les Tyriens la teignaient et la travaillaient. Le texte hébreu appelle cette laine sémér sahar. Ezech., xxvii, 18. Le mot sal.iar signifie probablement « blanchâtre », d’un blanc un peu rougeàtre, comme la couleur du sol du Sahara. Buhl, Gesenius' Handworterbuch, Leipzig, 1899, p. 700. Les Septante traduisent : ëpia èx Mouron. La laine de Milet était célèbre chez les anciens. Pline, E. N., viii, 73 ; Virgile, Géorgie., iii, 306 ; iv, 334 ; Tertullien, De cultu feminarum, i, 1, t. i, col. 1305. Il se pourrait cependant que, dans le texte des Septante, McXiqtoç ait été transcrit fautivement au lieu de p)Xw"ri), « peau de mouton, » qui devient mêlât dans l’hébreu rabbinique. Buxtorf, Lexicon chald. talmud., Bâle, 1640, p. 1215. Le mot iMr)Xo>T7| est le nom que les Septante donnent par deux fois au manteau d'Élie. III Reg., XIX, 13 ; IV Reg., ii, 13. Aquila et Théodotion ont tait de sahar un nom propre, Soor, désignant quelque région du désert arabique dont la laine était plus renommée. La Vulgate traduit par « laine d’excellente couleur », et le Syriaque par « laine blanche ». Les Égyptiens recueillaient la laine des troupeaux qu’ils élevaient, Hérodote, ii, 42 ; iii, 81 ; Diodore, i, 36 ; mais cette laine était de qualité inférieure. Pline, H. N., "VIII, lxxiii, 3. Les meilleures laines provenaient d’Arabie. Pline, H. N., viii, 72. Parfois on enveloppait les agneaux de couvertures ou de peaux, afin de rendre leur laine plus parfaite. Pline, H. N., VIII, lxxii, 3 ; Varron, De re rustic, II, ii, 18 ; xi, 7 ; Horace, Od., I, vi, 10. — La couleur de la laine a donné lieu à quelques comparaisons. Par l’effet du pardon divin, les péchés, rouges comme la pourpre, deviennent blancs comme la laine, c’est-à-dire sont effacés. Is., i, 18. Certains personnages, dans les visions prophétiques, ont les cheveux blancs comme la laine. Dan., vii, 9 ; Apoc, i, 14. En Orient, où la neigeât rare, on peut dire que Dieu « donne la neige comme de la laine », Ps. cxlvii, 16, les flocons de neige ressemblant beaucoup à ceux de la laine, et cette dernière servant de terme de comparaison pour décrire un phénomène plus rare.

2° Les étoffes de laine. — La laine était filée pour être ensuite tissée et servir à la fabrication des étoffes. Prov., xxxi, 13. Même à Rome, dans les maisons riches, les femmes tissaient elles-mêmes la laine. Plaute, Merc, V, ii, 46 ; Vitruve, vi, 10 ; Tite Live, i, 57 ; Ovide, Fast., n, 74. On teignait parfois la laine en cramoisi ou en pourpre. Dans l'Épître aux Hébreux, ix, 19, il est dit que Moïse, après avoir lu la Loi au peuple, l’aspergea avec l’eau et « la laine cramoisie », c’est-à-dire avec des branches d’hysope liées par un ruban de laine cramoisie. Il n’est pas question de ce détail dans l’Exode, xxiv, 8, mais il est parlé du ruban cramoisi à l’occasion d’autres aspersions. Lev., xiv, 4, 6, 49, etc. On faisait des vêtements de laine. Ose., ii, 5, 9 ; Ezech., xxxiv, 3. L’usage de ces sortes de vêtements remontait très haut, puisque déjà le Lévitique, xiii, 47, s’occupe de la lèpre des vêtements de laine, c’est-à-dire d’une moisissure particulière qui peut les ronger, et il prescrit les précautions à prendre en pareil cas. Voir LÈPREj iv. Isaïe, Li, 8, dit qu’Israël infidèle sera rongé par le châtiment comme le vêtement de laine par la moisissure.

3° Les étoffes mélangées de laine et de lin. — La Loi défendait expressément aux Israélites de porter des vêtements en tissus mélangés de laine et de lin. Lev., xix, 19 ; Deut., xxil, 11. Ces sortes d'étoffes s’appelaient Sa’atnêz. Ce mot, comme la chose qu’il désigne, est certainement d’origine égyptienne, puisque l'étoffe en question se trouve mentionnée dès l'époque de Moïse et que son nom n’est point hébraïque. On l’explique par les deux mots coptes sascht, « "tissu, » et nous, « faux. » Cf. Buhl, Gesenius' Eandwbrlerbuch, p. 865. Septante :

xi'ëôrjXoç, « falsifié ; » Vulgate : ex duobus textum. Les traducteurs grecs qui connaissaient bien la chose et le sens de son nom égyptien, marquent le vrai sens de ce nom. La Sainte Écriture n’indique nulle part la raison pour laquelle l’usage des étoffés tissées de laine et de lin. était interdit. Il y avait là, sans doute, une leçon destinée à rappeler continuellement au peuple choisi qu’il ne devait exister aucun mélange entre lui et les nations idolâtres. Ci. De Hummelauer, In Exod. et Levit.', Paris, 1897, p. 492. Ézéchiel, xuv, 17, dans sa description du service du Temple, dit que les prêtres seront vêtus de lin et ne porteront rien qui soit en laine. Cependant Josèphe, Ant. jud, , IV, viii, 11, dit formellement, dans son résumé de la Loi : « Que personne d’entre vous ne porte de vêtement tissu de laine et de lin ; car cela n’est établi que pour lesprêtres. » Le texte sacré ne fait pas mention de l’usage du Sa’atnêz par les prêtres. Cf. Exod., xxxix, 1-30. Mais la tradition des Juifs note expressément que la laine entrait avec le lin dans la confection de ce qu’on appelait les « vêtements d’or » du grandprêtre ou de leurs accessoires : la tunique, l'éphod, le pectoral et les attaches de la lame d’or. La ceinture du grand-prêtre et celle des simples prêtres était également formée de ce tissu. Il est probable que les parties colorées que le texte sacré mentionne dans ces divers ornements, étaient' obtenues au moyen de laines teintes en hyacinthe, en cramoisi ou en pourpre. D’ailleurs, les prêtres ne sortaient jamais du Temple avec ces ornements, et, dans la vie privée, ils étaient soumis, comme les autres Israélites, à la prescription du Lévitique, xix, 19. Cf. Reland, Antiquitates sacrse, p. 77, 78, 95 ; Iken, Antiquitates hebraicx, Brème, 1741, p. 113.

H. Lesêtre.

LAIS (hébreu : Lavé), nom d’un Israélite et d’une ville de Palestine.

1. LAÏS (Septante : 'AjiJç, I Reg., xxv, 44 ; SeXXîjç. II Reg., iii, 15), père de Phaltiel à qui Saiil donna pour femme sa fille Michol qu’il avait fait épouser auparavant par David. I Reg., xxv, 44 ; Il Reg., iii, 15.

2. LAÏS (hébreu : LaïS, Jud., xviii, 14, 27, 29 ; avec le hé local : Làyesâh, Jud., xviii, 7) nom primitif de la ville de Dan. Voir Dan 3, t. ii, col. 1200.

    1. LAISA##

LAISA (hébreu : LayeSâh ; Septante : Aaë<râ dans Isaïe, et 'EXeomtoï dans I Mach.), localité mentionnée deux fois dans l'Écriture. Is., x, 30, et I Mach., ix, 5. — 1° Le prophète, décrivant la marche de Sennachérib sur Jérusalem, s'écrie : « Fais retentir ta voix, fille de Gallim t Prends garde, Laïsa ! Malheur à toi, Anatoth ! » Quelques commentateurs ont cru que Laïsa n’est pas autre que Laïs-Dan, avec le hé local, et suppose que les cris poussés par les habitants de Gallim devaient être si forts qu’on les entendrait à Dan, à l’extrémité septentrionale de la Palestine. Mais cette opinion n’est pas soutenable. Les deux villes entre lesquelles est nommée Laïsa, c’est-à-dire Gallim et Anatoth, se trouvaient dans le voisinage de Jérusalem. Voir Gallim 2, t. iii, col. 98, et Anatoth 3, t. ï, col. 550. Laïsa était donc probablement située, comme ces deux localités, dans la tribu de Benjamin, mais le site n’en a pas été retrouvé. On a pensé cependant à l’identifier avec El-Isaniyét, un peu au sud d’Anathoth. Cf. J. P. von Kasteren, Aus der Umgegend von Jérusalem, dans la Zeitschrit des Deut. Pal. Vercius, Leipzig, t. xiii, 1890, p. 101.

2° La Vulgate, I Mach., ix, 5, appelle Laïsa l’endroit où campait Judas Machabée avant la funeste bataille où il perdit la vie en combattant contre Bacchide. On peut conclure de là que le traducteur latin identifiait cette localité avec la Laïsa d’Isaïe, x, 30. Cependant cette identification n’est pas certaine. Le texte grec porte 'EXeairà {Alexandrinw : 'AXaaà) et plusieurs pensent qu’il s’agit

de P’ASaaà (Vulgate : Adarsa et Adazer) où Judas Machabée remporta sur Nicanor une éclatante victoire.

I Mach., vii, 40, 45. Voir Adarsa, t. i, col. 213. Cette explication s’appuie sur la facilité de confondre en grec AAASA et AAASA et sur le témoignage de Josèphe qui, Bell, jud., i, i, 6, dit que Judas Machabée périt à Adasa, mais le récit de Josèphe ne mérite aucune confiance, car il place la mort de Judas sous Antiochus V Eupator (164-162 av. J.-C), tandis que cet événement eut lieu en 161 avant J.-C, sous Démétrius I er Soter, qui s'était emparé du trône de son cousin en 162. Voir C. L. W. Grimm, Dos erste Buch der Maccab&er, 1853, p. 134. La situation de Bérée, où campaient les généraux syriens Bacchide et Alcime pendant que Judas Machabée se trouvait à Laïsà, est également inconnue. Voir Bérée 1, t. i, col. 1606. De la sorte, il est impossible de déterminer avec certitude l’endroit où campait Judas. On peut dire seulement qu’il était à l’ouest de Jérusalem, puisque I Mach., ix, 15, raconte que le général juif poursuivit les Syriens jusque dans le voisinage de la montagne d’Azot. Mais l’identification de cet Azot avec l’ancienne ville philistine est elle-même contestée.

II existe à l’est et près de Béthoron-le-Bas des ruines appelées ll’asa. Conder croit y reconnaître ]"A>auâ du texte grec. Voir Survey of Western, Palestine Memoirs, t. iii, 1883, p. 36, 115. Ce même explorateur propose de reconnaître le mont d’Azot dans la colline du village moderne de Bir ez-Zeit, près de Djiméh, l’ancienne Gophna, à 16 kilomètres au nord-est i’Ilasa. Memoirs, t. H, 1882, p. 293-294. Bir ez-Zeit est ainsi identifié avec la B-fjO^J) nommée par Josèphe, au lieu de Béthoron, dans ses Antiquités judaïques, XII, XI, 1. Cl. R. Conder, Judas Maccabœus, in-12, Londres, 1879, p. 155158. Fi Vigouroux.

    1. LAISNÉ##

LAISNÉ, sieur de la Marguerite, mort en 1678, écrivain français, conseiller-clerc au Parlement, a publié un Commentaire sur Isaïe avec une méthode pour bien entendre et lire les prophètes, in-4o, Paris, 1654. — Voir Dupin, Table des auteurs ecclésiastiques du XVIIe siècle, col. 2371. B. Heurtêbize.

LAIT (hébreu : frâMô ; Septante :-fàXa ; Vulgate : lac), liquide sécrété par les glandes mammaires, chez la femme et les femelles des mammifères, et destiné à la nourriture des enfants et des petits des animaux. Le lait est d’un blanc opaque, d’où le nom de lében, « blanc, » que lui donnent les Arabes. Il est composé d’eau, tenant en dissolution ou à l'état d'émulsion du lactose ou sucre de lait, du beurre, de la caséine et certains sels qui entrent comme éléments dans la constitution des os et des tissus vivants. C’est donc un aliment complet, qui suffit à lui seul à la nourriture et au développement de l’enfant durant les premières années. Par certains procédés, on dégage du lait le beurre, voir Beurre, t. i, col. 1767-1769, et la caséine ou caillé, voir Fromage, t. ii, col. 2406-2408. Les peuples pasteurs et les peuples agricoles ont toujours fait grand usage du lait. Il constituait pour eux un aliment abondant, agréable, aisé à recueillir, utilisable sans aucune préparation, nutritif à tous les âges de la vie et de facile digestion, même dans la vieillesse et dans la maladie. Aussi la Sainte Écriture le suppose-t-elle habituellement employé chez les Israélites qui, tant en Egypte et au désert qu’en Palestine, élevaient les troupeaux en si grand nombre.

I. Les usages du lait. — 1° On servait le lait parmi les tnets qu’on offrait à un hôte. Abraham présente du lait à ses trois visiteurs. Gen., xviii, 8. À Sisara, qui lui demande de l’eau, Jahel offre du lait contenu dans une outre, afin de mieux gagner sa confiance. Jud., iv, 19 ; y, 25. Josèphe, Ant. jud., V, v, 4, prétend que c'était <du lait aigre, SiaçOopoç ; ce détail est étranger au texte sacré. Voir Jahel, t. iii, col. 11Q6. Parmi les. biens que

Dieu a départis à son peuple, Moïse mentionne le lait des vaches et des brebis. Deut., xxxii, 14. Celui des chèvres était également utilisé. Prov., xxvii, 27. En général, chez les anciens, le lait des brebis et des chèvres était plus en usage que celui des vaches. Varron, De re rustic, ii, 11. Le lait comptait parmi les aliments quotidiens, Eccli., xxxix, 31, et le pasteur vivait naturellement du lait de son troupeau. I Cor., rx, 7. Dans sa description des ravages qu’exerceront en Palestine les Égyptiens et les Assyriens, Isaïe, vii, 21-22, dit qu’en ces jours chacun entretiendra une vache et deux brebis et qu’il y aura une telle abondance de lait qu’il deviendra, avec le miel, la base de la nourriture de tous ceux qui seront restés dans le pays. Saint Jérôme, In 1$., iii, 8, t. xxiv, col. 113, explique ce passage en disant que, sur cette terre dévastée, le blé fera défaut, que les champs non cultivés deviendront des pâturages et que les quelques habitants laissés dans le pays n’auront plus pour se nourrir que le lait et le miel, mais l’auront à satiété. Cette abondance est donc ici une marque de désolation. — 2° Par trois fois, Exod., xxiii, 19 ; xxxiv, 26 ; Deut., xiv, 21, la Loi défend de cuire le chevreau dans le lait de sa mère. Il est question du chevreau, plutôt que de l’agneau, parce que c’est le premier de ces animaux qui servait le plus habituellement de nourriture. Voir Chevreau, t. ii, col. 696. Cette défense suppose que le chevreau cuit dans le lait constituait un mets particulièrement délicat, dont les Israélites étaient exposés à faire usage à l’exemple soit de leurs ancêtres, soit de leurs voisins. Or, on ne trouve mention de cet apprêt culinaire chez aucun peuple ancien, pas plus en Egypte que chez les Asiatiques : Chananéens, Phéniciens, Babyloniens ou Assyriens. Aben Ezra paraît avoir été seul à l’attribuer aux Arabes. Mais son témoignage si tardif est très suspect, et, si le chevreau cuit dans le lait avait un tel attrait, on trouverait encore aujourd’hui, au moins en Orient, des peuples qui le prépareraient ainsi. Or, il n’en est rien, et nulle part la viande cuite dans du lait ne semble avoir tenté le goût de personne. La plupart des commentateurs s’en sont tenus, sur ces textes, à la traduction des Septante et de la Vulgate. Mais le mot que les versions ont lu hdlâb, « lait, » peut aussi bien se lire hèléb, « graisse, » et cuire un chevreau, dont la chair est tendre et maigre, dans la graisse de chèvre, est une opération culinaire plus naturelle et d’un meilleur résultat que la précédente. Elle est aussi plus conforme aux habitudes des Arabes. Ceux-ci cuisent volontiers un chevreau ou un agneau tout entier dans un chaudron couvert, après avoir farci l’animal de graisse de mouton et de différents condiments. Quelquefois, ils font aussi bouillir des boulettes de viande et de blé, qu’ils servent ensuite avec du lait aigre ; mais ils ne font pas cuire de viande dans du lait. Cf. de la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 198-200. Il est donc probable que la prohibition de la Loi visait le chevreau cuit, non dans le lait, mais « dans la graisse de sa mère ». Cf. Fr. von Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 244. Il est à remarquer qu’au Psaume cxviii (cxix), 70, où le texte massorétique lit : « Leur cœur est insensible comme la graisse, » hèléb, les versions ont lu hâldb, « comme le lait, ï alors que, si la graisse est parfois le symbole de l’inintelligence, voir Graisse, t 1. iii, col. 292, jamais le lait n’est mentionné pour servir de terme à une pareille comparaison. Quel que soit le sens adopté, l’intention de la Loi est la même. Il y aurait une sorte de cruauté, une méconnaissance des sentiments naturels les plus doux et les plus délicats, à se servir, pour cuire le chevreau, de quelque chose qui provient de sa mère. — 3° Sur l’allaitement des enfants, voir Enfant, 5°, t. ii, col. 1786-1787. Sur celle qui allaite l’entant, voir Nourrice. La Sainte Écriture mentionne aussi les animaux qui allaitent leurs petits, les ânesses, Gen., xxxii, 15 ; les brebis et les vaches, Gen.,

xxxm, 13 ; I Reg., vi, 7, 10 ; Is., XL, 11, et les cétacés. Lam., iv, 3. Voir Cachalot, t. ii, col. 6.

II. Lk lait dans les comparaisons bibliques. — 1° A raison de ses riches qualités nutritives, le lait est, conjointement avec le miel, la caractéristique d’un pays fertile. Telle était la terre de Gessen, paç opposition au désert. Num., xvi, 13, 14. Une vingtaine de fois, les auteurs sacrés donnent au pays de Chanaan le’nom de « terre où coulent le lait et le miel ». Exod., iii, 8, 17 ; xiii, 5 ; xxxiii, 3 ; Lev., xx, 24 ; Num., xiii, 28 ; xiv, 8 ; Deut., vi, 3 ; xi, 9 ; xxvi, 9, 15 ; xxvii ; 3 ; xxxi, 20 ; Jos., v, 6 ; Eccli., xlvi, 10 ; Jer., XI, 5 ; xxxii, 22 ; Bar., i, 20 ; Ezech., xx, 6, 15. Le lait et le miel étaient des produits naturels qu’on se procurait sans peine ; ainsi la terre de Chanaan produisait comme d’elle-même ce qui était nécessaire aux Israélites. Le lait et le miel étaient des aliments agréables. Voir Miel. Les Arabes les prennent même à l’état de mélange. « Un des principaux régals qu’ils aient pour leur déjeuner, c’est de la crème ou du beurre Irais, mêlé dans un plat de miel. Cela ne parait pas s’accommoder fort bien ensemble ; mais l’expérience apprend que ce mélange n’est pas mauvais, ni d’un goût désagréable, pour peu qu’on y soit accoutumé. » De la Roque, Voyage dans laPalestine, 1718, p. 197. Juda « a les dents blanches de lait » (d’après l’hébreu), Gen., xlix, 12, parce que son sol aura de riches pâturages où abonderont les troupeaux et le lait. « Les fils de l’Orient mangeront le lait des Ammonites, » Ezech., xxv, 4, c’est-à-dire s’empareront de toutes leurs richesses. — 2° La couleur du lait donne lieu à deux comparaisons. Les yeux de l’Épouse sont « comme des colombes se baignant dans le lait », Cant., v, 12, et les princes de Jérusalem sont « plus blancs que le lait ». Lam., iv, 7. Ces expressions se rapportent au teint clair des personnes qui ne vivent pas habituellement en plein air, comme les travailleurs des champs, et qui n’ont pas la figure hâléc par le soleil.

— 3° Le lait désigne encore certains biens d’un ordre supérieur" : les charmes de l’Épouse, Cant., iv, ll ; v, 1, , et les biens spirituels promis à tous les peuples par le Messie : « Venez, achetez du vin et du lait, sans argent, sans rien payer. » Is., lv, 1. Dans un autre passage, le même prophète invite les nations à accourir auprès de Jérusalem régénérée et à se rassasier à « là mamelle de ses consolations ». Le mot zîz, employé dans ce seul passage, Is., lxvi, 11, désigne en effet l’extrémité de la mamelle, Septante : |iaar<Sç ; Vulgate : ut sugeatis, « afin de traire. » Ce qui sort de cette mamelle, c’est le lait des consolations. — 4° Dans le Nouveau Testament, le lait est le symbole de la doctrine spirituelle, simple et élémentaire, telle qu’on la présente aux néophytes, qui ne sont encore que des enfants dans la loi. I Cor., iii, 2 ;

Heb., v, 12, 13 ; I Pet., ii, 2.

H. Lesêtre.
    1. LAITUE##

LAITUE, plante herbacée de la tribu des chicoracées. La Vulgate rend par lactucse agrestes, « laitues sauvages, » Exod., xii, 8 ; Num., ix, 11, le mot hébreu merôrîm, qui désigne des herbes amères. Voir Herbes amères, t. iii, col. 601-602.

    1. LAMBERT François##

LAMBERT François, connu aussi sous [le nom de Jean Serranus, théologien protestant français, né en 1487 à Avignon, mort à Marbourg, le 18 août 1530. Son père, qui était catholique, était secrétaire de légation du pape. Lui-même fut élevé dans la religion catholique et il se crut même la vocation sacerdotale. Entré de bonne heure chez les cordeliers, il fut ordonné prêtre, mais il ne tarda pas à être dégoûté de la vie monacale. Il prêcha néanmoins pendant quelques années, et non sans succès. Mais, ayant songé à se faire chartreux, il rencontra chez ses supérieurs une opposition et une défiance qui lui inspirèrent du dépit, et bientôt après, en 1522, il abandonna le couvent des cordeliers. Il se rendit alors à Lausanne, puis à

Fribourg, à Berne, à Zurich, à Bâle, à Eisenach, et arriva enfin à Wittenberg au printemps de 1523. Dans le cours de ces voyages, il s’entretint d’abord, à Zurich, avec Zwingle, qui commença à modifier assez profondément ses idées religieuses pour qu’il entreprit dès lors de prêcher la Réforme, sous le pseudonyme de Jean Serranus. À Wittenberg, il vit Luther, qui le gagna tout à fait auxidées nouvelles. Il épousa cette même année la fille d’un boulanger d’Hertzberg. Comme ses leçons sur l’Évangile de saint Luc ne lui fournissaient pas de quoi vivre, il partit pour Metz, qu’il quitta au bout de peu de jours pour se rendre à Strasbourg, où il fit encore des cours de théologie. Il retourna à Wittenberg en 1626 ; mais il quitta bientôt cette ville, appelé à Hombourg par Philippe, landgrave de Hesse, qui avait besoin de son assistance pour introduire, le luthéranisme dans ses États. Ce prince ferma les monastères et s’empara de leurs revenus, avec lesquels il fonda à Marbourg une académie dont Lambert fut le premier professeur de théologie. Il mourut de la peste dans cette ville. Parmi ses ouvrages, qui sont nombreux, nous-nous contenterons de citer : Commentarius in Evangelium Lucx, in-8°, Wittenberg, 1523 ; in-8°, Nuremberg et Strasbourg, 1525 ; in-8°, Francfort, 1693. — In Cantica canticorum Salomonis libellum quidem sensibus altissimis, in quo sublimia sacri conjugii mysteria, quse in Christo et Ecclesia sunt, pertractantur, in-8°, Strasbourg, 1524 ; in-8°, Nuremberg, 1525. — Commentarii in Oseàm, in-8°, Strasbourg, 1525 ; in-8°, Nuremberg, 1525. — In Johelem prophetam commentarii, in-8°, Strasbourg, 1525. — In Amos, Abdiam et Joram prophetas commentarii. Ailegorise in Jonam, in-8°, Strasbourg, 1525 ; in-8°, Nuremberg, 1525. — Commentarii in Micheam, Naum et Abacuc, Strasbourg, 1525 ; Nuremberg, 1525. — Commentarii in Sophoniam, Aggeum, Zachariam et Malachiam, in-8°, Strasbourg, 1526. — Exegeseos in Apocalypsim lïbri vu, in-8°, Marbourg, 1528 ; in-8°, Bâle, 1539. — Commentarii in quatuor libros Regum et in Acta Apostolorwm, in-8°, Strasbourg, 1526 ; in-8°, Francfort, 1539.

    1. LAMBETH##

LAMBETH (LES ÉVANGILES DE), BookofMac-Durnan, manuscrit des Évangiles selon la Vulgate, datant du x » siècle, et appartenant aujourd’hui à la bibliothèque du palais archiépiscopal deLambeth. 216 feuillets ; dimensions : m 16 X O m ll ; colonne unique de 20 à 25 lignes. Jolie écriture irlandaise, peintures grossières. On lit au ꝟ. 3 v° : Mseielbrithus Mac-Dumain istum. textum per triquadrum Deo digne dogmatizat. Ast JEtheUtanus Anglosaxona rex et rector Doruvernensi metropoli dat per eevum. Le roi ou demi-roi (halfking ) Ethelstan mourut en 962. On trouve des fac-similés dans Westwood, Palœogr. sacra, Londres, 1843, pi. xiii-xv, et Anglo-Saxon and IrishManuscr., pi. xii.

F. Prat.

    1. LAMBRIS##

LAMBRIS (hébreu : siffûn ; Septante : <ç Aïvo>i.<x. ; Vulgate : laquear), revêtement des plafonds et des murs intérieurs d’une salle, ordinairement à l’aide de planches plus ou moins ouvragées. La Sainte Écriture mentionne le lambrissage de certains édifices avec des panneaux de cèdre ou de cyprès. Voir Cèdre, t. ii, col. 378 ; Cyprès, col. 1174. — 1° Les murs intérieurs du Temple de Salomon furent lambrissés de cèdre (ixoio<rtâQ).rioi, operuit), de telle sorte que la pierre n’apparaissait nulle part, et ces lambris étaient ornés de sculptures représentant des coloquintes et des fleurs épanouies. III Reg., vi, 15, 18. Cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, iii, 2. Il y eut aussi des parties lambrissées en cyprès, avec des ornements d’or et des sculptures. II Par., ii, 57. On employa le bois de cèdre dans la construction du second Temple, I Esd., iii, 7 ; mais le texte sacré ne dit pas si l’on s’en servit pour faire des lambris ; tout au moins, les plafonds devaient être construits en poutres de ce bois. 41

LAMBRIS — LAME D’OR

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Dans le Temple d’Hérode, les plafonds étaient lambrissés en bois et sculptés en haut relief. Josèphe, Ant. jud., XV, XI, 5. — 2° Les palais de Salomon furent égaJement parés de lambris de cèdre ou de cyprès. Le portique du trône, où se rendait la justice, était lambrissé de cèdre du haut en bas. III Reg., vii, 7. Ce même genre de décoration fut adopté pour le palais du roi et celui de la reine. III Reg., vii, 8-12. L'Épouse du Cantique, i, 16 (17), fait allusion à des lambris de cyprès, dans le palais où elle habite. Le roi Joachaz fit lamirisser sa maison en bois de cèdre. Jer., xxil, 14. A JBabylone, on avait aussi adopté cet usage de revêtir l’intérieur des palais de bois précieux. Les rois se vantent, dans leurs inscriptions, d’avoir fait apporter dans leur capitale des bois de cèdre, de pin et de chêne tirés de l’Amanus et du Liban. Cf. Rabelon, Archéologie orientale, Paris, 1888, p. 72-73 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 288-291. Ils durent en utiliser une partie à faire des lambris, car Sophonie, ii, 14 (hébreu), annonce à Babylone que ses lambris de cèdre, 'arzdh, seront arrachés. — 3° L’usage des lambris passa des palais aux maisons des particuliers plus aisés. Dès le retour de la captivité, les grands de Jérusalem restaurèrent leurs maisons et les firent lambrisser, ce qui leur attira cette apostrophe d’Aggée, i, 4 : « Est-ce le temps d’habiter vos demeures lambrissées {sefûnim, xotXôora9[j.ot, laqueatœ), quand le Temple est détruit ? » Cf. Pline, H. N., xxxiii, 18 ; xxxv, XL, 1, 2.

H. Lesêtre.

LAMECH (hébreu : Lémék ; à la pause : Lâmék ; Septante : Aâu.ex), norn de deux patriarches antédiluviens. L'étymologie de ce nom est inconnue et les explications qu’on a essayé d’en donner ne sont pas satisfaisantes.

1. LAMECH, le cinquième descendant de Caïn, fils de Mathusaël et père de Jabel, de Jubal, de Tubalcaïn et de Noéma. Gen., iv, 18, 22. Il est, avec Hénoch, le seul Caïnite sur lequel la Genèse donne quelques détails biographiques. Elle nous apprend qu’il eut deux femmes, Ada et Sella, peut-être pour indiquer qu’il fut le premier qui pratiqua la polygamie. C’est à elles qu’il adressa les vers suivants qui sont le plus ancien morceau poétique contenu dans la Bible :

Ada et Sella, écoutez ma voix,

Femmes de Lamech, prêtez l’oreille à mes paroles :

J’ai tué un homme pour ma blessure

Et un jeune homme pour ma meurtrissure.

Sept fois sera vengé Caïn

Et Lamech soixante-dix-s.ept fois. Gen., iv, 23-24.

A quels faits ces vers font-ils allusion ? II est impossible de le dire, mais plus ils sont obscurs, plus on a fait d’hypothèses à leur sujet parmi les Juifs et parmi les chrétiens. Saint Jean Chrysostome, Boni, xx. In Gen., 2, t. un, col. 168 ; Exp. in Ps. vi, 2, t. lv, col. 73, voit en lui un meurtrier repentant qui obtient le pardon de son crime. Cf. S. Basile, Epist., cclx, 2-5, t. xxxii, col. 936-964 ; Théodoret, Quxst. in Gen., q. xi.iv, t. lxxx, col. 145 ; Cornélius a Lapide, In Gen., iv, 23, dans Migne, Curs. compl. Script. Sacr., t. v, col. 300. D’après une tradition rapportée par saint Jérôme, Epist. xxxvi, ad Damas., 4, t. xxii, col. 455, Lamech aurait tué accidentellement Caïn, le prenant, ajoute Jarchi, pour une bête fauve, lorsqu’il était à la chasse. Que Lamech ait été le meurtrier de Caïn, c’est ce que semblent dire en effet les mots : « sept fois sera vengé Caïn, » qui rappellent les paroles de Dieu au meurtrier d’Abel. Gen., iv, 15. Beaucoup de commentateurs modernes, à la suite de Herder, Histoire de la poésie des Bébrettx, traduct. Carlowitz, dial. x, 1855, p. 241, croient que le patriarche, mis en possession, par les inventions métallurgiques de son fils Tubalcaïn, d’armes inconnues avant lui, brave dans ce chant tous ses ennemis, parce

qu’ils seront incapables de résister aux coups des épées forgées par les siens, et ils donnent à ces vers le nom de <r chant du glaive ». Cette opinion, quoiqu’elle ait trouvé grande faveur, ne s’appuie sur rien de précis dans le texte. Il n’est pas dit, Gen., IV, 22, que Tubalcaïn ait forgé des armes et Lamech ne parle point d'épée. H. Gunkel, Genesis, in-8°, Gœttingue, 1901, p. 47. Le seul point qui ressorte clairement de ses paroles, c’est que le sang versé doit être vengé. Dans ces temps primitifs, la loi de la vengeance du sang étant le seul moyen d’empêcher les meurtres. Voir Goël, ii, zv, t. ii, col. 261. Lamech était le chef de la tribu des Caïnites ; il semble avoir été célèbre par sa force, ses fils le rendirent plus célèbre encore par leurs inventions et son nom resta populaire, quoique enveloppé d’obscurité, grâce à tous ces souvenirs et au vieux chant qu’on se transmit d'âge en âge. Ce chant est adressé à ses deux femmes. On trouve, chez les Arabes, plusieurs poèmes qui sont pareillement adressés aux femmes du poète. Avec Lamech et ses fils finit l’histoire des descendants de Caïn. « Combien cette conclusion de l’histoire primitive des Caïnites est significative ! Un chant de meurtre couronnant une histoire inaugurée par un meurtre ! » H. J. Crelier, La Genèse, 1888, p. 75. —Voir Hase, De oraculo Lamechi, Brème, 1712 ; Schrôder, De Lamecho homicida, Marbourg, 1721.

F. Vigouroux.

2. LAMECH, le septième descendant de Set ii, dans la généalogie de Gen., v, 25-31. Il était fils de Mathusala et devint le père de Noé. Gen., v, 25, 30 ; I Par., i, 3 ; Luc, iii, 36-37. Il était âgé de 182 ans quand il engendra Noé et mourut à l'âge de 777 ans, c’est-à-dire 595 ans après, d’après les chiffres du texte hébreu. S’il fallait en croire certains exégètes rationalistes, le père de Noé serait le même que Lamech, père de Jabel, de Jubal et de Tubalcaïn. Comme ce nom, ainsi que celui d’Hénoch, se trouve tout à la fois dans la généalogie caïnite et dans la généalogie séthite, Philippe Buttmann (1764-1829), le premier, soutint en 1828, Mythologus oder gesammelte Abhandlungen ûber die Sagen der Alterihums, 2 in-8°, Berlin, 1828, t. i, p. 152-179, que les deux généalogies n’en formaient primitivement qu’une. Mais de la présence fortuite de deux noms semblables dans les deux listes à des places différentes, on n’a pas le droit de conclure à leur identité. On rencontre des noms qui sont pareils dans les généalogies de tous les pays. Ici, les différences sont nombreuses entre les deux tables généalogiques. Nous avons dix générations dans la descendance de Seth ; il n’y en a que huit dans celle de Caïn. Les détails historiques donnés sur les deux Hénoch et sur les deux Lamech sont complètement différents ; l’ordre des noms n’est pas le même ; la généalogie séthite seule marque la durée de la vie des patriarches. Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., 1902, t. iv, p. 218-221 ; Fr. von Hummelauer, Comm.in Gènes., 1895, p. 184-189 ; Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, 1880, 1. 1, p. 176-181 ; K. Budde, Die biblische Urgeschichte, in-8°, Giessen, 1883, p. 89-182.

3, LAMECH, livre apocryphe. Voir Apocryphes, 7, 1. 1, col, 771.

    1. LAMED##

LAMED, nom de la douzième lettre de l’alphabet hébreu. Ce mot signifie aiguillon de bœuf, comme malmàd. Jud., iii, 31. Sa forme, dans l'écriture phénicienne, est considérée comme représentant grossièrement un aiguillon : 7, £.

    1. LAME D’OR##

LAME D’OR (hébreu : sîs ; Septante : ité-ra).ov ; Vulgate : lamina), ornement d’or que le grand-prêtre portait sur le front, en avant de la tiare. Voir t. iii, fig. 64, col. 296. — 1° Le mot sîs a ordinairement le sens de t feuille » ou de d pétale », Is., XL. 6-8 ; Job, xiv, 2 ; Ps. 43

LAME D’OR — LAMENTATIONS

Cil (Cin), 15, et quelquefois celui de fleurs formant couronne ou guirlande. III Reg., vi, 18, 29, 32, 35 (Vulgate : eminentes, protninentes) ; Is., xxviii, 1. La lame d’or est appelée sîs, « teuille, » moins à cause de sa forme, que de sa faible épaisseur et de la place qu’elle occupait sur la tête du grand-prêtre, auquel elle servait comme de diadème ou de couronne. Sur cette lame d’or pur étaient gravés, comme sur un cachet, par conséquent en creux, les deux mots : qodéê laYehôvâh, à"fîa<ru.a xupfou, sanctum Domino, , « sainteté à Jéhovah, » ou « consacré de Jéhovah », comme traduisent les Septante. Cette lame était attachée sur le devant de la tiare par des cordons couleur d’hyacinthe. Quand le grand-prêtre se présentait devant Jéhovah, chargé des iniquités d’Israël, Jéhovah, à la vue de cette lame d’or, se montrait propice. Exod., xxviii, 36-38 ; xxxix, 29-30. Ailleurs, la lame d’or est appelée nèzér hag-qôdéS, « diadème de sainteté, » x’o iclîaXov xà « y(a<in « , lamina sancta, Exod., xxix, 6, et sis hazzàhdb nèzér haq~qodés, to Tté-raXov ta ^pù^oOv to xaOrçyiaa^évov aytov, lamina aurea cùnsecrata in sànctificatione. Lev., viii, 9. Dans ce dernier passage, le diadème, nèzér, est clairement identifié avec la lame, sis. Il y a une évidente allusion à la lame d’or du grand-prêtre dans ce verset du Psaume cxxxi (cxxxii), 18, où Dieu dit du Messie futur : 'alâî yâsîs nizerô, « sur lui brillera » ou « fleurira son diadème », l% y aùtov èSavGJjirsîTÔ ôtylaonû (iou, super ipsutn efflorebit sanctificatio mea. Le fils de Sirach parle avec admiration de la lame d’or : « La couronne d’or qui était sur sa mitre portait l’empreinte du cachet de la sainteté, ornement d’honneur, ouvrage de puissance, délices des yeux, parure magnifique ; il n’y en a pas eu de semblable et il n’y en aura jamais. » Eccli., xlv, 14, 15. Cf. Sap., xviii, 24. — 2° Josèphe, Ant. jud., III, vii, 7, donne du diadème d’or une description très détaillée. Il était composé de trois rangs et orné de fleurs d’or dont la forme rappelait celle des fleurs de la jusquiame. Il entourait toute la partie postérieure de la tête, tandis que le front était recouvert par la lame d’or, « qui porte gravé en caractères sacrés le nom de Dieu. » LTÎistorien juif dit ailleurs, Bell, jud., V, v, 7, que, sur la tiare, le grand-prêtre avait « une autre couronne d’or, sur laquelle étaient gravées les lettres sacrées, à savoir les quatre consonnes ». Il désigne sous ce nom le tetràgrammaton, mais sans vouloir prétendre, sans doute, que de son temps il n’y eût plus sur la lame d’or que le nom de Jéhovah. Il atteste d’ailleurs que la lame d’or, gravée par l’ordre de Moïse, fut conservée jusqu'à l'époque où il vivait lui-même. Ant. jud., VIII, m, 8. Ce qu’il dit du diadème, qui entourait la partie postérieure de la tête et se reliait à la lame d’or, correspond vraisemblablement à une réalité qu’il avait eue sous les yeux. Si cette addition a été vraiment faite par Jes grands-prêtres de la dernière époque, elle ne s’appuie sur aucune prescription de la Loi. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 177, pense que cette couronne d’or fut probablement adoptée par les grands-prêtres de la race royale des Machabées. Les docteurs juifs disent que la lame d’or n’avait que deux doigts de largeur et qu’elle allait d’une tempe à l’autre. Cf. Gem. Succa, 5, 1 ; Joma, 39, 1 ; 41, 3 ; Jer. Megilla, 71, 4 ; Braun, De vestitu sacerdot. hebrmor., Leyde, 1680, p. 630-644 ; Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 78 ; Bè'hr, Symbolik desmosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 112-115. — 3° La signification mystérieuse de la lame d’or est indiquée par le texte sacré. Exod., xxviii, 38 : « Aaron portera l’iniquité des choses saintes qu’auront sanctifiées les enfants d’Israël dans tous les dons de leurs sanctifications, » c’est-à-dire les fautes que les enfants d’Israël auront commises dans l’exercice du culte de Jéhovah, fautes qui pourraient empêcher leu’rs prières d'être exaucées. Pour bien marquer qu’il ne s’agit ici que des manquements liturgiques, le texte sacré répète trois fois

le mot qui exprime la sainteté. Dieu se montre miséricordieux en apercevant sur le front d' Aaron la marque de cette sainteté qu’il exige dans son culte. Cette marque sur le front est un signe auquel Dieu reconnaît ceui qui lui appartiennent. Ezech., ix, 4 ; voir Front, t. ii, col. 2410. Comme le mot siè signifie également « ce qui brille, ce qui est éclatant », la lame d’or est faite pour briller aux yeux de Dieu, comme pour frapper les regards des hommes. Les mots qodéS la-Yehovâh peuvent être interprétés de différentes manières : « la sainteté convient à Jéhovah, » il ne veut devant lui que ceux qui sont saints ; ou : « la sainteté appartient à Jéhovah, » lui seul est saint ; ou : « sainteté pour Jéhovah, » c’est-à-dire consacré à Jéhovah, en pariant du grand-prêtre ; ou : « la sainteté vient de Jéhovah, » c’est lui qui sanctifie ses adorateurs. Le sens le plus probable est : « sainteté pour Jéhovah, » ces mots signifiant que la sainteté est exigée dans les rapports de l’homme avec Jéhovah, et que celui-là en est le médiateur qui porte ces deux mots écrits sur le front. Cf. Bâhr, Symbolik, t. ii, p. 142-146.

H. Lesêtre.

LAMENTATIONS. — I. Nom et but du livre. — Les Lamentations portent dans le texte hébreu le nom de 'Êkâh, qui signifie « comment » ; c’est le mot par lequel elles commencent. Lam., i, l ; ii, l ; iv, 1. L’usage de désigner un livre par le premier mot n’est pas propre aux Lamentations ; on sait que quatre livres du Pentateuque, la Genèse, l’Exode, le Lévitique, le Deutéronome, sont désignés en hébreu par le premier mot de chacun d’eux. Le mot 'êkâh paraît avoir été un terme consacré pour le début d’une élégie. Cf. II Reg., i, 19, 25, 27 (forme abrégée : 'ék). En s’appuyant sur le contenu du livre, les rabbins, cf. tr. Baba Bathra, 14 b, ont donné aux Lamentations le nom de Qinôf, « Lamentations. » Ce mot se trouve dans d’autres passages de la Bible ; cf. II Reg., i, 17 ; II Par., xxxv, 25 ; Jer., vii, 29 ; ix, 10, 20 (hébreu, 9, 19) ; Ezech., ii, 9 ; xix, 1, 14 ; xxvi, 17 ; xxvii, 2, 32 ; xxviii, 11 (hébreu, 12) ; xxxii, 2, 16 ; Am., v, 1 ; viii, 10. — Les Septante adoptèrent le mot grec équivalent à celui des rabbins, ©pî|vo[. Cette même dénomination a été adoptée par la Vulgate latine : Threni, id est, Lamentationes Jereniise prophetœ. La Peschito porte un titre analogue : 'Ûlyto', « hurlements » (ululatus). — D’après un vieil usage on composait des élégies sur la mort de personnes aimées. Cf. II Reg., i, 18 b -27 (élégie de David sur la mort de Saül et de Jonathas). Cette coutume fut étendue aux malheurs publics. Cf. Jer., vii, 29 ; ix, 2, 19 ; Ezech., xix, 1 ; xxvi, 17 ; xxvii, 2 ; Am., v, 1. Ce fut à l’occasion de la ruine de Jérusalem et du temple que Jérémie fit entendre ses Lamentations, bien que saint Jérôme, In Zach., xii, 11, t. xxv, col. 1515, suppose qu’elles lurent composées à l’occasion de la mort de Josias, dont il est fait mention dans II Par., xxxv, 25.

IL Division et analyse du livre. — Toutes les Lamentations ont pour objet la ruine de Jérusalem par les Chaldéens. Le livre contient cinq élégies ou lamentations selon le nombre des chapitres. — 1° La première décrit la désolation de Jérusalem ; la ville est déserte et solitaire ; elle est comme une veuve, i, 1 ; abandonnée de ses amis et assaillie par ses ennemis, elle a perdu toute sa splendeur passée, et gémit dans la tristesse et la misère, ꝟ. 2-11 ; dans une touchante prosopopée, la ville elle-même décrit sa triste situation et se lamente sur les malheurs que ses péchés lui ont attirés, t- 12-22. — 2° Le second poème décrit la ruine du royaume de Juda, et en particulier de la ville de Jérusalem ; le prophète commence par tracer un saisissant tableau de la colère et du jugement de Dieu, ii, 1-12 ; la désolation de Jérusalem dépasse tout ce qu’on peut imaginer, ꝟ. 13 ; les prophètes ont fermé les yeux sur ses égarements, les passants et ses ennemis en ont fait l’objef de leurs railleries, ꝟ. 1416 ; c’est Dieu qui est l’auteur de tous ces malheurs, c’est donc vers lui que la ville doit se tourner pour implorer 45

LAMENTATIONS

son secours, ꝟ. 17-19 ; supplication de la ville à Dieu, ꝟ. 20-22. — 3° Le troisième poème roule spécialement sur les malheurs personnels du prophète ; tableau de ses souffrances et de ses misères, iii, 1-18 ; le souvenir des miséricordes de Dieu tait renaître l’espoir dans son cœur, ꝟ. 19-39 ; le prophète reconnaît les justes jugements de Dieu, qui a voulu punir les péchés du peuple, ꝟ. 40-54 ; il s’adresse à Dieu et invoque son secours, espérant qu’il le vengera de ses ennemis, ꝟ. 55-66. — 4° La quatrième élégie montre que la cause de ces malheurs, ce sont les péchés du peuple ; les habitants de Sion sont tombés dans la misère parce que leur péché était plus grand que celui de Sodome, iv, 1-11 ; Jérusalem a été livrée à ses ennemis parce que ses prophètes et ses prêtres ont versé le sang des justes, ꝟ. 12-16 ; et aussi parce que le peuple, trompé par ses chefs, a mis sa confiance dans le vain secours des hommes, ꝟ. 17-20 ; toutefois Dieu punira les ennemis de Sion et mettra fin à ses malheurs, t. 21-22. — 5° La cinquième élégie est une ardente prière du prophète ; c’est pourquoi elle porte dans la Vulgate le titre de : « Prière de Jérémie le prophète. » Le prophète énumère tous les maux que souffre le peuple juit depuis la prise de Jérusalem, y, 1-18 ; il supplie Dieu d’y mettre fin et de rétablir le peuple dans son ancienne splendeur, ꝟ. 19-21, il termine pourtant par une pensée de découragement, y. 22.

III. Unité d’auteur. — L’unité du livre a été contestée ou niée par un certain nombre de critiques. Thenius soutint que les chapitres II et IV sont de Jérémie, mais que les chapitres i, iii, v appartiennent à des auteurs différents. Dans Kurzgef. exegetisch. Handbuch zum alten Testament, xvi, Leipzig, 1855, p. 117. — Pour Kuenen, Einleitung in die Bâcher des A. Test., Fribourg-en-Brisgau, 1887-1894, § 147.9, les chapitres ii, iii, v sont, sous le rapport de la poésie, bien supérieurs aux chapitres i, iv ; il en conclut que ce n’est pas le même auteur qui parle dans tout le livre. Budde, dans Zeitschrift fur die Alttest. Wissenschaft, 1882, p. 45, pense que le chapitre v n’est que le couronnement des chapitres i, II, IV et n’attribue à un auteur différent que le chapitre m. Stade, Geschichte des Volkes Israël, Berlin, 1888-1889, t. i, p. 701, est du même avis. Lbhr, dans Zeitschrift fur die Alttest. Wissenschaft, 1894, p. 31, attribue les chapitres II, iv à un auteur écrivant vers l’an 570 avant J.-C, les chapitres i, v à un second auteur écrivant vers l’an 530 avant J.-C, et le chapitre m à un troisième auteur écrivant à la même époque ou peu de temps après. Cf. Driver, Introduction, p. 464-465. — L’unité d’auteur est prouvée :

1° Par l’unité de plan. — « Cette analyse succincte fait voir clairement que ces poèmes sont écrits d’après un plan très clairement conçu et exécuté avec une véritable science. L’idée se développe avec unité, et il est impossile de partager l’opinion de Thenius et de ceux qui, après lui, veulent voir dans cette œuvre les traces de mains différentes. Il n’y a qu’un seul auteur à pouvoir concevoir ce plan et à l’exécuter avec tant de vigueur et d'émotion. » Trochon, Jérémie, in-8°, Paris, 1878, p. 340.

2° Par le vocabulaire. — On trouve des-expressions communes à différents poèmes ou chapitres ; les principales sont : 'ônï, « affliction, » i, 3, 7, 9 ; iii, 1, 19 ; mô'êd, « solennité, » i, 4, 15 ; ii, 6, 7, 22 ; Sàmam, « dévaster, » i, 4, 13, 16 ; iii, 11 ; yâgâh, « affliger, » i, 4, 5, 12 ; iii, 32, 33 ; sûr, « ennemi, » i, 5, 7, 10 ; IV, 12 ; màrûd, « pleur, » i, 7 ; iii, 19 ; mahâmudîm, « désirs, » « choses désirables, i> i, 7, 10, 11 ; ii, 4 ; nibat, « regarder, » i, 11, 12 ; iii, 63 ; iv, 16, v, 1 ; dâvdh, « languissant, » i, 13 ; v, 17 ; 'âdôn, « Seigneur » (seul, sans apposition), i, 14, 15 ; ii, 1, 2, 5, 7, 18, 19, 20 b ; iii, 31, 36, 37, 38 ; mê'ay hômarmârû, « mes entrailles sont troublées, » i, 20 ; ii, 11 ; 'âlal, « faire, » i, 22 ; ii, 20 ; iii, 51 ; lô' hdmal, « il n’a pas épargné, » ii, 2, 17, 21 ; iii, 43 ; zànah, « rejeter, » ii, 7 ; iii, 17, 31 ; gillàh 'al, « . dé voiler » (l’iniquité, le péché), ii, 14 ; iv, 22 ; Se pour 'âsér, a qui, » ii, 15, 16 ; iv, 9 ; v, 18 ; pdsahpi 'al, « ouvrir la bouche sur, » ii, 16 ; iii, 46 ; fùgdh, « cessation, i n, 18 ; iii, 49 ; ro’S kôlbûsôf, « tête [= coin] de toutes les rues, » ii, 19 ; iv, 1 ; negînâh, s modulation, » « chant, » m, 14 ; v, 14. Driver, Introduction, p. 463, 464.

IV. Authenticité du livre. — Les premières attaques contre l’authenticité des Lamentations commencèrent en 1712. Herman von der Hardt, dans un programme publié â Helmstadt, attribua les Lamentations à Daniel, à ses trois compagnons Sidrach, Misach et Abdénago et au roi Joakim ; chacun aurait écrit un des cinq chapitres. Enl819, un auteur anonyme attaqua aussi l’authenticité des Lamentations dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, p. 69. J. Ch. W. Augusti, Einleitung in’s Alte Testament, Leipzig, 1806, 1827, p. 227, Conz et Kalkar, dans Knabenbauer, p. 367, marchèrent dans la même voie. Ewald, Poetische Bûcher des Alten Bundes, 2e édit., 1854, t. i, 2e partie, p. 326 ; Geschichte Israël, 3e édit., 1864, t. IV, p. 25-26, attribua les Lamentations à un des disciples de Jérémie. Bunsen, Gott in der Geschichte, 1857-1858, t. i, p. 426 ; Nâgelsbach, dans le Bibelwerk de Lange, 1868, et Nœldeke, Histoire littéraire de l’Ancien Testament, trad. Derembourg et Soury, Paris, 1873, p. 209, soutinrent la même thèse. Enfin Schrader, Vatke, Reuss et Wellhausen se sont ralliés à la même opinion. Cf. Trochon, Jérémie, p. 334-335 ; Knabenbauer, In Danielem, in-8°, Paris, 1891, p. 367, 368.

I. preuves de l’authenticité. — 1° Externes. — La tradition, sous ses formes multiples, est unanime â attribuer les Lamentations au prophète Jérémie : — 1. La croyance des Hébreux nous est attestée par les mots placés en tête du livre dans les Septante et la Vulgate : « Lorsque Israël eut été mené en captivité et que Jérusalem fut demeurée déserte, le prophète Jérémie, fondant en larmes, s’assit et fit ces Lamentations sur Jérusalem, soupirant dans l’amertume de son cœur et disant avec de grands cris. » Ce titre manque, il est vrai, dans le texte hébreu, mais il exprime une croyance générale ; quelques auteurs pensent même que ce passage a été traduit de l’hébreu, qu’il se trouvait originairement dans quelque manuscrit hébreu, et qu’il a disparu dans la suite ; de plus, à l’origine, les Lamentations étaient unies au livre de Jérémie dans le texte grec. Cf. Knabenbauer, In Daniel., p. 368, 369. — 2. Le Targum de Jonathan fait précéder les Lamentations de ces mots : « Jérémie prophète et grand-prêtre a dit. » —

3. Le Talmud, Baba Bathra, 15% dit : « Jérémie a écrit son livre, le livre des Rois et les Lamentations. » —

4. L’historien Josèphe dit aussi, Ant. jud., X, v, 1 : « Jérémie le prophète composa une élégie (un chant de lamentations), (iiXo ; 8pï)Vï]Ttxciv, sur lui (Josias) ; » il faut reconnaître cependant qu’il n’y a là qu’une vague allusion. — 5. La tradition chrétienne nous est attestée par les Pères. Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 580, 581, où il parle d’après la tradition juive : « Comme les Hébreux nous l’ont transmis ; » In Ps. I, t. xii, col. 1085, 1086 ; S. Épiphane, Hier., viii, 6, t. xli, col. 213 ; S. Jérôme, Prologus galeatus ; In Zach., 511, 11, t. xxv, col. 1515.

/ 2° Internes. —1. Citations de l’Ancien Testament. On sait que Jérémie dans ses prophéties se plaît à citer le Lévitique et le Deutéronome ; on constate cette même tendance dans les Lamentations ; cf. Lam., i, 3 ; et Deut., xxvin, 65 ; Lam., i, 5, et Deut., xxviii, 44 ; Lam., i, 7, et Lev., xxvi, 34 ; Lam., i, 10, et Deut., xxiii, 3 ; Lam., i, 20, et Deut., xxxii, 25 ; Lam., ii, 8, et Deut., xxviii, 52 ; Lam., ii, 17, et Lev., xxvi, 14, 18, 24 ; Deut., xxviii, 15 ; Lam., ii, 20, et Lev., xxvi, 29 ; Deut., xxviii, 57 ; Lam., iv, 10, et Deut., xxviii, 53 ; Lam., iv, 11, et Deut., xxxii, 22 ; Lam., iv, 12, et Deut., xxviii, 52 ; Lam., iv, 16, et Deut., xxviii, 50 ; Lam., iv, 19, et Deut., xxviii, 49 ;

Lam„ v, 11, et Deut., xxvtii, 30°. — 2. Identité de pensées entre le livre de Jérémie et les Lamentations ; cf. Lam., i, 17°, et Jer., iv, 31 b ; Lam., iv, 2 b, et Jer., Xxiii, 4, 6 ; Lam., iv, 6°, et Jer., xxiii, 14e ; Lam., iv, 12, et Jer., xxi, 13 b ; Lam., y, 6, et Jer., ii, 18 ; Lam.. v, 7, et Jer., xvi, 11 ; Lam., v, 14°, 15, et Jer., xvi, 9 ; xxv, 10 ; Lam., v, 16°, et Jer., xiii, I8 b ; Lam., v, 21°, et Jer., xxxi, 18e. — 3. Même sensibilité. L’auteur des Lamentations fait paraître la même sensibilité que Jérémie en présence des malheurs de la nation ; cf. Jer., xiv, xv. — 4. Mêmes causes aux malheurs de la nation ; l’auteur des Lamentations assigne aux calamités du peuple juif les mêmes causes que Jérémie : — a) Les péchés de la nation ; cf. Lam., i, 5, 8, 14, 18 ; iii, 42 ; iv, 6, 22 ; v, 7, 16, et Jer., xiv, 7 ; xvi, 10-12 ; xvii, 1-3 ; — b) Les fautes des prophètes et des prêtres ; cf. Lam., ii, 14 ; iv, 13-15. et Jer., ii, 8 ; v, 32 ; xiv, 13 ; Xxm, 10-40 ; xxvii ; — c) La vaine confiance du peuple dans les alliés ; cf. Lam., i, 2, 19 ; iv, 17, et Jer., H, 18, 36 ; xxx, 14 ; xxvii, 5-10. — 5. Similitude d’images : « la "vierge fille de Sion opprimée, » Lam., 1, 15 b ; ii, 13, et Jer., viii, 21, 22 ; xiv, 17 b ; « larmes coulant des yeux » du prophète, Lam., i, 16* ; ii, 11°, 18* ; iii, 48, 49, et Jer., IX, 1, 18 b ; xiii, 17 b ; xiv, 17° ; « les terreurs l’entourent, » Lam., ii, 22°, et Jer., vi, 25 b ; xx, 10° ; « l’appel à la justice du juge, » Lam., iii, 64-66, et Jer., xi, 20 ; xx, 12 ; « désolation des nations qui se sont réjouies de la chute de Jérusalem, » Lam., iv, 21, et Jer., xlix, 12 ; « les chaînes au cou, » Lam., i, 14, et Jer., xxvii, 2. —6. Identité de sentiments : « véhémence de la douleur, » Lam, , 1, 20 ; ii, 11 ; iii, 1-20, et Jer., iv, 19 ; ix, l, 10 ; xv, 18 ; xx, 18 ; « que Dieu exerce sa vengeancesur les nations, » Lam., i, 22, et Jer., x, 25 ; xvii, 18 ; xviii, 23 ; « la prière n’est pas exaucée, » Lam., iii, 8, et Jer., vii, 16 ; xi, 14 ; xiv, 11 ; « tu (Dieu) nous as rejetés, » Lam., v, 22, et Jer., xiv, 19°. — 7. Vocabulaire. On remarque beaucoup d’expressions ^ identiques ou presque identiques : « elle a pleuré beaucoup, » Lam., i, 2° ; « elle pleurera beaucoup, » Jer., xiii, 17 b ; tous ses amis « l’ont méprisée », Lam., i, 2 b ; tes amants « t’ont méprisée », Jer., iv, 30 b ; ils ont vu son « ignominie », Lam., i, 8 b ; ton « ignominie » a apparu, Jer., xiii, 26 b ; « j’ai appelé mes amis et ils m’ont trompée, » Lam., i, 19° ; « tous tes amants t’ont oubliée, » Jer., xxx, 14° ; « je suis devenu la risée, » Lam., iii, 14°, et Jer., xx, 7e ; il m’a enivré « d’absinthe », Lam., III, 15° ; je nourrirai ce peuple « d’absinthe », Jer., ix, 15 b ; souviens-toi… de « l’absinthe et du fiel », Lam., iii, 19 ; je les nourrirai « d’absinthe » et les abreuverai de « fiel », Jer., xxiii, 15 ; « une frayeur, un piège, » Lam., iii, 47 ; « la frayeur, … et le piège, » Jer., xlviii, 43 ; ils m’ont pris « à la chasse », Lam., iii, 52 ; j’enverrai de nombreux « chasseurs et ils les chasseront », Jer., xvi, lô 1° ; « le calice, » Lam., iv, 21 b ; prends « le calice », Jer., xxv, 15 ; boire « le calice », Jer., xlix, 12. — 8. Répétitions. On sait que les Prophéties de Jérémie se distinguent par des répétitions des mêmes pensées et parfois des mêmes mots ; ce phénomène se produit aussi dans les Lamentations : « il n’y a pas de consolateur, » Lam., i, 2 b, 9 b, 17°, 21° ; sûb néfès, « convertir l’âme, » Lam., i, 11, 16, 19 ; « vois. Seigneur, » Lam., i, 9 « , 11e, 20° ; ii, 20° ; « la colère de la fureur, » Lam., i, 12 h ; ii, 3° ; « la fureur, la colère de l’indignation, » Lam., iv, 11° ; « la contrition de la fille de mon peuple, s Lam., ii, 11 1° ; iii, 48 ; iv, 10 b ; « tous tes ennemis ont ouvert la bouche contre, » Lam., H, 16° (toi) ; iii, 46 (nous) ; cf. aussi i, 16° ; ii, i&> ; iii, 48° ; ii, 20 b, et iv, 10° ; ii, 2°, 17 b, et iii, 43 b (& pas épargner » ). Cf. Flôckner, Ueber den Verfasser der Klagelieder, dans Theologische Quartalschrift de Tûbingue, 1877, p. 187-280 ; Knabenbauer, In Dan., p. 370-372 ; Driver, Introduction, p. 462.

II. objections. — Elles sont de plusieurs sortes. — 1° Littéraires. — On prétend en général que le point

de vue de l’auteur des Lamentations est tout à fait différent de celui de Jérémie ; on dit même qu’il y a contradiction entre les idées de l’un et celles de l’autre. Ainsi : 1. Dans xxxi, 29, 30, Jérémie dit : « En ces jours on ne dira plus : Les pères ont mangé le raisin vert, et les dents des Sis ont été agacées. Mais chacun mourra dans son iniquité, et celui qui mangera le raisin vert aura lui-même les dents agacées. » Au contraire, l’auteur des Lamentations dit, v, 7 : « Nos pères ont péché, et ils ne sont plus ; et nous, nous avons porté leurs iniquités. »

— Mais il n’y a aucune contradiction entre ces deux passages ; le prophète énonce une espèce de maxime ; le texte des Lamentations n’est pas en opposition avec celui de la Prophétie, car les enfants, qui portent les iniquités de leurs pères, sont eux-mêmes pécheurs, comme on le voit, ꝟ. 16 b : « Malheur à nous parce que nous avons péché. » En portant les iniquités de leurs pères, ils portent aussi les leurs propres, selon Jér., xxxi, 30. Le langage de Lam., v, 7, n’est donc pas exclusif, mais compréhensif, c’est-à-dire qu’il dit d’une manière générale que tout le monde est coupable, comme Exod., xx, 5 ; Jer., xvi, 11-13. — 2. On soutient aussi que Lam., i, 21, 22 ; iii, 59-66, ne peut pas convenir à Jérémie ; le prophète était persuadé que les Chaldéens exécutaient les desseins de Dieu sur Juda. Comment donc peut-il dans les Lamentations demander leur châtiment ? — Mais ces deux points de vue peuvent se concilier. Quoique le prophète fût convaincu que les Chaldéens exécutaient les desseins de Dieu, il a pu cependant demander leur châtiment, car les Chaldéens étaient eux aussi coupables et avaient gravement péché. — 3. On prétend également que Lam., ii, 9° : « Il n’y a pas de loi, et ses prophètes (de la fille de Sion) n’ont pas reçu de visions du Seigneur, » est déplacé dans la bouche de Jérémie et ne peut convenir qu’à quelqu’un qui n’était pas lui-même prophète. — Mais on peut s’expliquer cette manière de parler. Après la ruine du Temple, les lois n’étaient plus observées ; c’est ce que veut dire l’auteur des Lamentations lorsqu’il affirme qu’il n’y a plus de loi ; quand il ajoute que les prophètes ne reçoivent plus de visions, il faut entendre cela de visions consolantes et de bon augure, qui étaient un signe de l’amour de Dieu ; après la prise de Jérusalem, le Seigneur n’enverra plus des messages de consolation et d’espérance ; le cycle de ces messages est désormais fermé. — 4. On ajoute que Lam., iv, 17, est impossible dans la bouche de Jérémie ; dans ce passage l’auteur se place parmi ceux qui attendent le secours de la part des Égyptiens ; or Jérémie ne compte jamais sur le secours des Égyptiens, mais au contraire il fait tout son possible pour tirer le peuple de cette illusion, Jer., xxxvii, 5-10 ; si donc Jérémie était l’auteur des Lamentations, il aurait écrit, IV, 17, « eux » et « leur », au lieu de « nous » et « nôtre ». — On peut répondre qu’il n’y a là qu’une simple fiction ou figure de langage ; l’auteur ne se met pas au nombre de ceux qui attendent la délivrance de l’Egypte, mais il traduit les impressions et les espérances des Israélites ; il n’est qu’un écho, un rapporteur, pour ainsi dire ; il les lait parler par sa bouche, et c’est pourquoi il emploie la première personne. — 5. Enfin on affirme que Jérémie ne peut pas parler, Lam., IV, 20, en termes si élogieux de Sédécias, après ce qu’il en avait dit dans Jer., xxiv, 8-10. — Mais rien ne prouve que les mots : « le souffle de notre bouche, le Christ Seigneur (l’oint de Jéhovah), » dans Lam., iv, 20°, désignent le roi Sédécias ; quelques auteurs pensent qu’il s’agit de Josias ; d’autres croient qu’il est question du roi théocratique en général, du roi modèle ; enfin d’autres et en plus grand nombre appliquent ces paroles au Messie lui-même.

2° Objection tirée de l’ordre alphabétique. — Jérémie, dit-on, dans ses Prophéties, suit toujours une marche vive, naturelle et spontanée ; c’est là comme la

caractéristique de son style ; au contraire, en employant l’ordre alphabétique ; i-iv, l’auteur des Lamentations se soumet à une disciplina rigoureuse ; on ne reconnaît plus l’allure franche et libre de Jérémie. — On peut répondre en premier lieu avec Ed. Riehm : dans la 2e édit. de Hnpfeld, Die Psalmen, 4 in-8°, Gotha, 18671871, t. i, p. 31 : « Dans la poésie lyrique, l’emploi de cette forme artificielle est justifié naturellement et intrinsèquement quand une idée unique remplit l'âme du poète : il revêt cette idée de lormes différentes, et en compose ainsi une élégie. » En second lieu : « D’ailleurs le poète est libre d’employer la forme qui lui convient et le critique n’a pas le droit de lui reprocher le choix de son instrument. » Trochon, Jérémie, p. 338.

3° Objection tirée de la variation de l’ordre alphabé~ tique. — Cette objection vise autant l’unité que l’authenticité des Lamentations. Dans le premier poème, i, l’ordre de l’alphabet hébreu, dont chaque lettre est le commencement d’un verset, est régulier, tandis que dans, ii, iii, iv, l’ordre de deux lettres est renversé ; la lettre phé précède toujours la lettre aïn ; ainsi : ii, 16 (phé), 17 (aïn) ; iii, 46, 47, 48 (phé), 49, 50, 51 (aïn) ; iv, 16 (phé), 17 (aïn) ; on en conclut que ces poèmes ne sont pas du même auteur. — L’interversion des lettres de l’alphabet ne prouve pas qu’on ait affaire à des auteurs différents ; cette interversion peut s’expliquer et de tait on l’a expliquée de diverses manières : 1° Grotius pensa que les Chaldéens avaient dans leur alphabet un autre ordre que les Hébreux ; dans Lam., i, Jérémie parlerait comme un Hébreu, et dans ii, iii, iv, comme sujet des Chaldéens ; mais cette raison n’est pas sérieuse. — 2° Houbigant et Kennicott attribuèrent cette interversion à la négligence des copistes ; il est vrai qu’un certain nombre de manuscrits, ci. De Rossi, Variée lectïones V. Test., t. iii, p. 242, et la Peschito conservent l’ordre naturel ; toutefois cette hypothèse ne paraît pas probable, car cette interversion est suivie : 1. Par les Septante ; la version grecque observe l’ordre naturel des lettres aïn, phé, mais pour les versets, elle suit l’ordre du texte hébreu. — 2. Par la "Vulgate latine. — 3. Elle est exigée par le contexte : ainsi ii, 16, continue naturellement ii, 15 ; cet ordre serait brisé si l’on mettait le ꝟ. 17 avant le ꝟ. 16 ; de plus le il. 17 sert de transition au il. 18 ; de même dans iii, le % 46 suit naturellement le il. 45, et le ꝟ. 48 sert de transition au ꝟ. 49 ; pareillement dans iv, le ꝟ. 16 suit le ꝟ. 15 et le jl. 17 prépare le ꝟ. 18. — 3° J. D.Michaëlis, Bibliotheca orientons, t. XX, p. 34, et notes à R. Lowth, De sacra poesi HebrSBorum, prælect. xxii, 2e édit., 1770, p. 453-455, Tegarde comme probable que la lettre phé, ayant une double prononciation, une dure, p, l’autre douce, f, selon qu’elle est dagueschée ou non, occupait différentes places dans l’alphabet hébreu. — 4° L’opinion la plus probable est que les poètes hébreux jouissaient d’une certaine liberté dans l’arrangement des lettres de l’alphabet ; cf Pareau cité par Rosenmùller, In Jer., t, ii, 1826, p. 464 ; de cette liberté on constate bien des exemples dans la Bible ; ainsi : Ps. ix (hébreu) manque du daleth, et, au ꝟ. 20, au lieu du caph il a qoph ; Ps. xxv (hébreu), manquent beth et vav ; qoph est omis ; resch se trouve, deux (ois, il. 18, 19 ; après thav, le ꝟ. 22 commence par pé ; Ps. xxxiv (hébreu), vav manque, et après thav, le ꝟ. 23 commence par pé ; Ps. xxxviii (hébreu), t. 25, aïn est remplacé par tsadé, qui est répété à sa place naturelle, ꝟ. 32, après pé ; Ps. cxlv (hébreu), manque nun ; Prov., xxxi, 24, 25 (texte grec), suit l’interversion des Lamentations : il met <rr6|j.a, « bouche » (hébreu pi), avant a-/y v > " puissance » (hébreu, 'ôz). Cf. Trochon, Jérémie, p. 338, 339 ; Knabenbauer, In Dan., 365, 366.

4° Objection tirée de ce que l’auteur des Lamentations "connaîtrait Ézéchiel. — À cet effet on cite : Lam., ii, 4 : kôl mahâmmadê 'âin, « tout ce qui est beau à voir ; » ci. Ezech., xxiv, 16, 21, 25 ; mais cette expression se

trouve aussi dans III Reg., xx, 6 ; Lam., ii, 14 : hâzâh sâve', « voir la vanité, » cf. Ezech., xiii, 6, 9, 23 ; xxi, 34 ; xxii, 28 (cf. aussi, avec légère variante, xii, 24 : hâzôn Sâve', « vision vaine ; » XIII, 7 : mahâzêh sâve', « vision vaine » ) ; ces deux mots réunis ne se trouvent, il est vrai, que dans Lam. et Ezech., mais, séparés, ils se trouvent dans Jérémie, xxiii, 16 (/.làzôn) ; ii, 30 ; iv t 30 ; vi, 29 ; xviii, 15 ; xlvi, 11 (Sâve' avec le préfixe la) ; de plus, Jer., xiv, 14, nous fournit une locution équivalente : hâzôn séqér, « vision mensongère ; » Lam.,

11, 14 : tâfêl, « insanité, folie, » cf. Ezech., xiii, 10, 11, 14, 15 ; xxii, 28 ; mais ce mot se trouve aussi dans Job, vi, 6 ; Jer., xxiii, 13, a la même racine (iflâh ; cf. aussi Job, i, 22 ; xxiv, 12 ; Lam., ii, 15 : kelilat yofî, « parfaite en beauté, » cf. Ezech., xvi, 14, légère variante : yôfi kâlîl, « beauté parfaite ; » xxvii, 3, 4, 11 ; xxviii,

12, même variante que Xvi, 14 : kelîl yôfî, « parfaite beauté ; » mais cette expression se trouve aussi, avec une très légère variante, dans Ps. L, 2, appliquée à Sion, comme dans Lam., tandis qu'Ézéchiel l’applique à Tyr et à son roi ; Lam., iv, 11 : killâh Yehôvâh 'éthâmâf, « Jéhovah a accompli [sa] fureur, » cf. Ezech., v, 13 avec variante ; vi, 12 ; xiii, 15 ; cf. aussi xx, 8, 21, avec 'af ; cette locution est très rare dans la Bible. — Au surplus : « Quand bien même il y aurait des emprunts faits par l’auteur des Lamentations à Ézéchiel, en quoi cela empêcherait-il Jérémie d’en être l’auteur ? Pourquoi, ajoute Keil, quelques-unes des prophéties d'Ézéchiel n’auraient-elles pas été Connues de Jérémie ? Les rapports entre les exilés à Babylone et les habitants de Jérusalem et de la Judée étaient assez fréquents pour que les prophéties d'Ézéchiel aient pu être connues à Jérusalem, bien avant la prise de cette ville. » Trochon, Jérémie, p. 337.

5° Objections lexicographiques. — On prétend que les Lamentations contiennent un certain nombre de mots inconnus à Jérémie. Ces mots, relevés par Nâgelsbach, sont, outre quelques-uns que nous avons déjà signalés, m, 2°, col. 45, les suivants : Lam., i, 1 : rabbâfî, « pleine ; » mais ce mot se trouve aussi dans Jer., Ll,

13, sous la forme abrégée rabbâf, Lam., i, 2 : léhî, « joue ; » mais ce mot, dit Driver, Introduction, p. 463, peut être un simple accident, ainsi que Sêbét, « verge, » Lam., iii, 1, et sippôr, « oiseau, » Lam., iii, 52 ; Lam., i, 4 : sâbêl, « pleurant ; » on trouve le susbtantif sêbél, « pleur, » dans Jer., VI, 26 ; xvi, 7 ; Lam., i, 7 ; iii, 19 : mdrûd, « pleur ; » ce mot ne se trouve que dans Lam. ; Lam., i, 7 : mahâmûdim, « choses désirables ; » on lit le verbe hdmad, « . désirer, » dans Jer., iii, 19 ; xii, 10 ; xxv, 34 ; Lam. i, 8 : hêttë, « péché ; » le verbe hâta', « pécher, » est dans Jer., xxxii, 35 (forme régulière) ; Lam., i, 9 : tumâ'h, « impureté ; » tdmê', « se souiller, souillés, » est dans Jer., ii, 7, 23 ; vii, 30 ; xix, 13 ; xxxii, 34 ; Lam., i, 9 : pélâh, « chose admirable ; » Jer., xxi, 2 ; xxxii, 17, 27, emploie le verbe pâlâ', « être admirable. » Cf. Lohr, dans Zeitschrift fur die Alttest. Wissenschaft, 1894, p. 31 ; Driver, Introduction, p. 463, 464 ; Knabenbauer, In Dan., p. 372, 373.

Y. Époque de lu. composition. — 1° H. Ewald, Geschichte des Volkes Israël, l re édit., Gœttingue, 1843-1852, t.lV ;-p. 25, soutient que les Lamentations turent composées en Egypte, à l'époque où Jérémie y résidait. Il s’appuie sur Lam., i, 3. Mais ce passage ne prouve nullement la thèse qu’il soutient, car il peut très bien se rapporter au temps visé dans Jer., xli, 17, 18, et dont il est question dans Lam., v, 6, 9. — 2° Tout porte à croire que les Lamentations furent écrites peu de temps après la prise et la destruction de Jérusalem. En effet : 1. La vivacité des descriptions, la véhémence de la tristesse et de la douleur du prophète indiquent que la terrible catastrophe était encore récente. — 2. La famine est décrite comme étant très grande, Lam., i, 11, 19 ; ii, 19, 20 ; iv, 3-5, ce qui convient au temps de détresse et de 5.1

LAMENTATIONS

m

désolation qui suivit immédiatement la ruine de Jérusalem. L’époque de la composition peut être, jusqu’à un certain point, déterminée en comparant Lam., i, 3 : v, 6, et Jer., xli, 1 ; lii, 6, 12 ; IV Reg., xxv, 8. Cf. Bleek, Eirileitung in das Alte Testament, 1878, p. 503 ; Trochon, Jérémie, p. 340 ; Knabenbauer, In Dan., p. 374, 375.

VI. Canonicité. — On n’a jamais soulevé de contestation sur la canonicité des Lamentations. Ce livre a toujours fait partie du canon juif, et du canon chrétien. Voir Canon, t. ii, col. 137-162. Cf. Eaulen, Einleitung, 3e édit., p. 372.

VII. Texte. — Le texte original est l’hébreu ; cependant ce n’est pas un hébreu pur et absolument classique ; il présente parfois quelques formes irrégulières et chaldaïsantes. Les Lamentations se trouvent dans toutes les versions.

VIII. Style. — Le style des Lamentations est d’une poésie et d’une beauté remarquables ; il présente toutes les qualités qu’on peut désirer dans ce genre littéraire : vif, imagé, expressif, grave, en un mot en harmonie avec les idées qu’il exprime etles malheurs qu’il retrace. Aussi a-t-on toujours admiré les beautés littéraires des Lamentations. Pour les éloges qu’on a toujours faits des Lamentations, cf. Lowth, De sacra poesi Hebrxorum, prælect. xxii, p. 458-4-60 ; Trochon, Jérémie, p. 341, 342, § vi.

IX. Forme littéraire des Lamentations. — I. le rythme. — Tout le monde admet que les cinq élégies des Lamentations sont en vers ; mais on n’est pas d’accord sur le caractère de la métrique ou la nature du vers. Cf. Maldonat, Comment, in Jer., Mayence, 1611, p. 248. Ainsi, d’après Bickell, Carniina hebraïca meirice, p. 112-120, les quatre premiers poèmes sont des vers de douze syllabes ; Gietmann, De re metrica Hebrseorum, p. 58, pense que les quatre premiers poèmes se composent de vers de neuf [— onze] syllabes ; quant au cinquième poème, ils reconnaissent tous les deux qu’il se^xompose de vers de sept syllabes. Dans ces derniers temps, K, Budde, Das hebrâische Klagelied, dans Zeitschrift fur die Alttest. Wissenschaft, 1882, p. 1-52, a fait une étude approfondie de la métrique des Lamentations. Il observe que le rythme de Lam., iiv, se rencontre dans d’autres endroits de l’Ancien Testament, qui sont aussi des élégies ; il en conclut que c’est le rythme propre aux élégies. Le vers se composerait d’un ou plusieurs membres ; mais chaque membre, qui ne contient en moyenne pas plus de cinq ou six mots, serait divisé par une césure en deux parties inégales : la première ayant la longueur ordinaire d’un membre, la seconde étant plus courte, et très souvent sans parallélisme d’idées avec la première. On peut voir l’application de cette théorie dans les exemples suivants :

i, 1. Comment la ville est-elle assise solitaire, — elle qui était pleine de peuple ? Elle est devenue comme une veuve, — elle qui était la maîtresse des nations : La reine des provinces, — elle est devenue tributaire.

n, 3. Il a brisé dans l’ardeur de sa fureur rtoute la corne d’Israël : Il a ramené en arrière sa main droite — de devant l’ennemi : Il a allumé dans Jacob comme un feu brûlant — qui a dévoré tout autour.

m, 1-3. Je suis un homme qui voit son affliction — sous la verge de son indignation : Il m’a conduit et fait marcher — dans les ténèbres et non dans la lumière : Il a tourné et retourné sa main contre moi — tout le jour.

Le premier membre est quelquefois d’une longueur démesurée, par exemple : ii, 13 a ; iii, 56 ; iv, 18 b, 20° ; quelquefois il ne contient que deux mots, quand ces mots sont très longs, par exemple : I, l b, c, 4e, 9 b ; quelquefois, ce qui arrive plus rarement, il y a une légère collision entre le rythme et la pensée, par exemple : i, 10e, 13° ; ii, 8 b. Cependant certains vers ne peuvent pas se ramener à ce type ; Budde suppose, Zum liebrâische Klagelied, dans Zeitschrift, 1892, p. 264, que dans ces cas le texte ne nous est pas parvenu intact. Les morceaux

de l’Ancien Testament qui se ramèneraient au type métrique des Lamentations seraient surtout : Is., xiv, 4 b -21 (élégie sur le roi de Babylone) ; Ezech., xix ; xxvi, 17 (à partir de’êk, « comment » )-18 ; xxviii, 18, 19 ; Jer., îx, 9 b (à partir de mê-’ôf, « depuis l’oiseau » )-10, 18, 20-21 (dabbêr koh ne’um Yehôvâh, « dis : ainsi parle Jéhovah, » élant omis [Septante] ou regardé comme une parenthèse) ; xxii, 6 (à partir de Gil’âd, « Galaad » )-7, 21-25 ; Am., v, 2.

II. LA stropbiqVe. — Elle n’est pas partout uniforme. Dans les trois premières élégies (Mi), la strophe a trois vers ; dans la quatrième et la cinquième (iv, v) elle se compose de quatre vers. Dans i, ii, iv, le nombre des strophes est de vingt-deux selon le nombre même des lettres de l’alphabet hébreu ; m a vingt-deux strophes et 66 versets (membres), chacun des trois vers d’une mêmestrophe commençant par la même lettre de l’alphabet ; v se compose aussi de vingt-deux strophes. En outre la cinquième élégie est un remarquable exemple d’assonance ; sur les quarante-quatre vers et les vingt-deux versets dont elle se compose, la syllabe nù se rencontre trente-trois fois : l a, >, 2<s 3% b. 4°, b, 5°, ii, 6°, 7 a, b, 9% 10°, Ils 15°, b, 16V, 17 a. b, 20°, b, 21% b, 22% b.

m. LE caractère acrostiche. — Les quatre premiers poèmes (i-rv) sont acrostiches ou alphabétiques, c’est-à-dire que chaque strophe commence par une lettre de l’alphabet hébreu, Aleph, Beth, etc. On a cherché la raison de cette forme alphabétique, et l’on a fait plusieurs hypothèses. 1° Les uns n’y ont vu qu’un expédient mnémonique, un moyen d’aider la mémoire. 2° Bickell pense que cette forme indique qu’on traite le même sujet depuis le commencement jusqu’à la fin. 3° On y voit plus généralement une simple disposition, propice à un genre particulier de poésie : c’est lorsque le sujet qu’on y traite est un, mais d’autre part non susceptible d’un développement logique et régulier ; on supplée alors à ce défaut par la répétition qui donne de l’intensité à l’expression des sentiments et des émotions. Cf. Driver, Introduction, p. 459 ; Knabenbauer, In Dan., p. 366, 367.

X. Usage liturgique des Lamentations. — La Synagogue et l’Église ont toujours fait le plus grand cas des Lamentations. Dans les circonstances les plus douloureuses, elles empruntent les accents du prophète pleurant les malheurs de sa patrie pour exprimer leurs émotions. Après la captivité, les Juifs rentrés dans leur patrie voulurent perpétuer la mémoire des maux qu’ils avaient soufferts. Chaque année, le neuf du mois A’Ab quillet) ils jeûnèrent et lurent dans les synagogues les Lamentations de Jérémie. Cet usage se perpétua dans la suite. Cf. Rosenmûller, In Jeremiee Threnos proœmium. L’Église catholique a emprunté aux Lamentations les leçons de l’office des trois derniers jours de la Semaine sainte.

XI. Bibliographie. — Origène, Selecta in Threnos, t. xiii, col. 606-652 ; Théodoret de Cyr, In Threnos, t. lxxxi, col. 779-806 ; S. Éphrem, S. Ephrxm Syri hymni et sermones, dans Lamy, t. ii, in-4o, Malines, 1886, p. 217-228 ; Olympiodore, In Jer. Lament., t. xcni, col. 725-761 ; Raban Maur, Expositio super Jer., t. CXI, col. 1181-1272 ; Paschase Radbert, In Threnos, t. cxx, col. 1059-1256 ; Guibert, TropologiminLam.Jer., t. clvi, col. 451-488 ; Rupert, In Jer., t. cxxvil, col. 1378-1420 ; Hugues de Saint-Victor, In Threnos Jer., t. clxxv, col. 255-322 ; Albert le Grand, In Threnos Jer., t. VIII de ses œuvres, Lyon, 1651, p. 1-39 ; S. Bonaventure, Expositio in Lam. Jer., t. x de ses œuvres, Paris, 1867, p. 138-206 ; dans les œuvres de saint Thomas, t. xiii, se trouve un petit commentaire que les critiques attribuent à Thomas de Galles ; del Rio, Corn. Utter. in Threnos, in-4o, Lyon, 1608 ; *Tarnow, Comment, in Threnos, in-4°, Rostock, 1642, et Hambourg, 1707 ;

  • Lessing, Observationes in tristitiaJer., in-8o, Leipzig,

1770 ; * Pareau, Threni Jer. philologice et critice illustrati, in-8o, Leyde, 1790 ; *Neumann, Jeremias und Klageheder, in-8o, Leipzig, 1858 ; L. A. Schneedorfer, Die

Klagélieâer des Propheten Jeremxa, in-8°, Prague, 1876 ;

  • M. Lôhr, Die Klagelieder Jeremias, 1891 ; et dans

Hand Komment. de Nowack, 1894 ; S. Minocchi, Le Lamentazioni di Geremia, in-8°, Rome, 1897 ; *K. Budde, dans Kurzer Handkomment., Abth. xvii, Fribourg-en-Brisgau, 1898. V. Ermoni.

    1. LAMIE##

LAMIE, nom par lequel la Vulgate désigne deux animaux différents. — 1° Dans une description de ridumée réduite à l’état de désert, Isaïe, xxxiv, 14, dit : « La Ulîf y

mamelle et allaitent leurs petits. » Ces tannin ne sont pas les chacals, qui n’ont nul besoin d’extraire leur mamelle pour allaiter leurs petits, mais les grands cétacés, qui extraient de l’eau leur mamelle pour la donner à téter. Voir Cachalot, t. ii, col. 6. Les Septante traduisent par SpâxovTeç et la Vulgate par laniise. II n’est pas vraisemblable que saint Jérôme ait eu en vue ici un monstre fabuleux, comme dans le passage d’Isaïe. La Xâ(ua est dans Âristote, Hist. anim., V, v, 3, une sorte de requin, et dans Pline, H. N., IX, xxiv, 40, une

14. — Lampes primitives de Palestine : les deux premières d’après les originaux du Musée judaïque du Louvre ; la troisième d’après Ch. Warren et Conder, The Survey of Western Palestine, Jérusalem, 1884, p. 535.

aura sa demeure, elle trouvera là son lieu de repos. » Le mot Ulît, en assyrien lilîtu, de lilaatuv, « soir, » Schrader, Die Keilinschriften und des A. T., Giessen, 1872, p. 11, veut dire la « nocturne ». On a cru que la Ulît était une sorte de fantôme nocturne. Buhl, Gesenius’Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 409. Les Septante ont traduit par èvoxsvTaupoç et saint Jérôme par lamia. La Xâpua, lamia, était pour les anciens une espèce de monstre féminin qui dévorait lés hommes et les enfants. Aristophane, Pax, 757 j Vesp., 1035 ; Plutarque, Curios.,

espèce de poisson plat. C’est plutôt au sens d’Aristote que se sera référé saint Jérôme. Ce sens est le plus conforme

à l’hébreu.

H. Lesêtre.
    1. LAMPE##

LAMPE (hébreu : nér ; Septante : ), 15^voc ; Vulgate : lucerna), appareil d’éclairage, composé d’un récipient à huile dans lequel trempe une mèche qu’on allume.

I. Les lampes dans l’antiquité. — 1° Fabrication des lampes. — La lampe des anciens, tant en Orient que dans les pays grecs et romains, a toujours été essen K.

— Lampes trouvées à Jérusalem. D’après The Survey of Western Palestine, Jérusalem, 1884, p. 539, 182. Sur celle du milieue st représenté le chandelier à sept branches.

2 ; Diodore, xx, 41 ; Strabon, I, 19 ; Horace, Epod., v, 20 ; Ars poet., 340 ; Ovide, Fast, , vi, 131. Cf. Rich, Dict. des ant. grecques et romaines, trad. Chéruel, Paris, 1873 p. 347. Comme le mot lîlîf n’apparaît que cette seule fois dans la Bible hébraïque, saint Jérôme a cru devoir le traduire, d’après le sens populaire qu’on lui prêtait, par un équivalent. Sur la traduction des Septante, voir Onocentàure. Il est plus probable que, dans Isaïe, la Ulît est un oiseau nocturne. Voir Chat-huant, t. ii, col. 627. — 2° On lit dans Jérémie, Lam., iv, 3 : « Les tannin même mettent dehors (hàlsû, « extraient » ) leur

tiellement formée d’un récipient destiné à contenir une certaine quantité d’huile. À ce récipient étaient adaptés un ou plusieurs becs plus ou moins allongés, ordinairement dans le même plan horizontal que le récipient lui-même, et servant à conduire au dehors l’extrémité de la mèche imbibée d’huile. Les becs de lampe étaient ainsi disposés parce que l’expérience avait montré que l’huile, toujours imparfaitement épurée chez les anciens, montait très difficilement dans des mèches qui étaient elles-mêmes assez peu conductrices. Voir Mèche. Le récipient, primitivement à air libre, tut ensuite nabi

toellement muni d’un couvercle adhérent, dans lequel on ménageait un ou plusieurs trous pour verser l’huile. De petits couvercles mobiles servaient parfois à fermer ces trous. Les premières lampes furent en terre cuile. Elles avaient la forme très rudimentaire de petites « cuelles ou de coquilles contenant l’huile dans laquelle

fine, Samarie, Paris, 1875, t. ii, p. 91 ; Survey, Jérusalem, pi. XLY-Lxvr. Les lampes ont pris peu à peu des formes moins primitives (fig. 15 et 16). On les a couvertes, arrondies ou allongées, aplaties, munies de becs plus saillants, d’anses, de crochets ou d’appareils de suspension. On a multiplié les becs, de manière à obte — Lampes juives chrétiennes de Jérusalem. Celle de droite a été trouvée dans la piscine de Béthesda. D’après The Survey of Western Palestine, Jérusalem, 1884, p. 539, 640.

trempait la mèche. Le bord avait été pincé pour ménager à cette dernière un passage fixe (fig. 14). On n’a point trouvé ce genre de lampes en Egypte, bien que Clément d’Alexandrie, Strom., i, 16, t. viii, col. 809, dise que les Grecs ont emprunté la lampe aux Égyptiens. Hérodote, il, 62, 130, 133, parle des lampes égyptiennes.’: >

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i 1 -.’../..’.-teisî’17. — Moule de lampes.

Au-dessus, lampe fabriquée avec ce moule.

D’après l’original. Musée judaïque du Louvre.

Mais en Phénicie, et dans les pays de fondation phénicienne, Gypre, Carthage, Sardaigne, on a rencontré une quantité de < ; es lampes à forme rudimentaire. Cf. Renan, Mission de Phénicie, Paris, 1874, p. 489-490 ; A. L. Delattre, Lampes antiques du musée de Saint-Louis de Carthage, Lille, 1889. La Palestine en a également fourni un grand nombre. Cf. Guérin, Description de la Pales nir une lumière plus intense. Puis on a donné au récipient toutes sortes de formes plus ou moins élégantes et commodes, comme celles du pied humain, de quadrupèdes accroupis, d’oiseaux, etc. On y a ajouté des ornements, des inscriptions, le nom du potier ou du destinataire. Les lampes primitives, en Egypte et dans l’Afrique du Nord, ont été faites au tour. Aristophane, Ecoles., 1, les appelle à cause de cela’zçoyJX « zii, « tournées à la roue. » Plus tard, les potiers modelèrent les lampes à la main et les fabriquèrent avec des moules. On a retrouvé de ces derniers, en terre cuite très dure (fig. 17). Le moule se composait de deux parties, sur le fond desquelles le potier étalait l’argile ; il rapprochait ensuite les deux parties, l’argile se soudait par les bords, se détachait aisément du moule au bout de quelque temps et n’avait plus qu’à recevoir les derniers apprêts avant la cuisson. On faisait aussi des lampes en bronze, dont la façon réclamait naturellement plus de soins. La forme générale des lampes d’argile n’a guère varié. Des lampes de terre cuite, du genre le plus simple, sont encoreen usage en Syrie et à Tyr. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 144. Les anciennes lampes égyptiennes (fig. 18) sont simples ou diversement ornées, suivant la fantaisie du potier. Les lampes chaldéennes (fig. 19), assyriennes (fig. 20) ont des formes plus lourdes et moins régulières. Les potiers israélites se sont inspirés des modèles égyptiens et phéniciens. Voir t. ii, fig. 186, col. 546. L’industrie phénicienne fournissait d’ailleurs à la Palestine une grande quantité de lampes, et on en a retrouvé un bon nombre que conservent les musées, spécialement celui du Louvre (fig. 21), Les lampes palestiniennes, postérieures à l’ère chrétienne, ne s’éloignent pas des types des anciens céramistes. Plusieurs sont décorées d’inscriptions grecques (fig. 22) ou arabes. Cf. Revue biblique, 1892, p. 260 ; 1893, p. 632 ; 1898, p. 486, 487. Des lampes analogues, à emblèmes chrétiens (fig. 23), ont souvent été découvertes en Occident et en Afrique. Cf. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 3e èdit., Paris, 1889, p. 406, 408, 426, etc. ; A. L. Delattre, Lampes chrétiennes de Carthage, 5 fasc, Lille, 1890-1893.

2° Usage des lampes. — Les lampes servaient avant tout aux usages domestiques. Naturellement très basses, on aurait pu les placer sous un lifc Marc, iv, 21. Mais, pour qu’elles fussent utiles, on les posait à un endroit d’où elles pouvaient éclairer toute la demeure, dans une petite niche ménagée dans la muraille, sur une tablette,

sur un meuble et plus habituellement sur un support ou chandelier qui permettait à la lumière de se répandre dans toute la pièce. Matth., v, 17 ; Marc., iv, 21 ; Luc, vin, 16 ; xi, 33. Voir Chandelier, t. ii, col. 546. On prenait la lampe à la main quand on voulait explorer des endroits obscurs et retrouver un objet. Luc., xv, 8. So crales. De Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t, ii, p. 223, a trouvé dans les tombeaux des rois, à Jérusalem, de petites niches triangulaires destinées à recevoir des lampes dont la trace est encore visible. Les catacombes chrétiennes furent éclairées de la même manière. Cf. Marucchi, Éléments d’archéologie

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18. — Lampes égyptiennes. D’après les originaux du Musée du Louvre.

phonie, I, 12, parlant du jugement rigoureux que le Seigneur s’apprête à exercer contre Juda et Jérusalem, dit que Dieu « fouillera Jérusalem avec des lampes ». — Les lampes servaient encore, chez les anciens, dans certaines cérémonies publiques, Suétone, Cxsar, 37, dans

chrétienne, Paris, 1899, 1. 1, p. 343-344. — Sur les lampes dans l’antiquité, voir Licetus, De lucernis antiquorum reconduis, Udine, 1652 ; Santi Bartoli et Bellori, Le antiche lucerne sepolcrali, Rome, 1691 ; Montfaucon, L’antiquité expliquée, Paris, 1722, t. v, 2 me part. ; Birch,

19. — Lampe chaldéenne placée sur un porte-lampe.

Figurée sur la pierre-borne de Nabuchodonosor 1°.

D’après Brown, Besearches on primitive Constellations,

2 in-8° Londres, 1899-1900, t. II, p. 233.

les jeux du cirque, Suétone, Domit., 4, dans les thermes, Lampride, Alex. Sever., xxiv, 6, et surtout dans le culte rendu aux dieux. Apulée, Metam., xi, etc. Baruch, vi, 18, parle des lampes nombreuses allumées devant des idoles qui ne voyaient rien. Josèphe, Cont.

20. — Lampes assyriennes. D’après les originaux du Musée du Louvre.

History of ancient pottery, Londres, 1873 ; Blûmmer, Technologie und Terminologie der Gewerbe, Leipzig, 1879, t. u ; De Rossi, Roma sotlerranea, Rome, 1877, t. m ; Toutain, Lucerna, dans le Dict. des antiq. grecques et romaines de Daremberg et Saglio, t. iii, p. 1320-1339.

Lampes phéniciennes. D’après les originaux du Louvre.

Apion., Il, 39, dit que la plupart des villes grecques et barbares avaient adopté l’usage juif des lampes dans les cérémonies religieuses. — Enfin on [mettait des lampes daDS les tombeaux. Les monuments égyptiens n’en renferment pas, il est vrai ; mais elles se rencontrent abondamment dans ceux de la Phénicie, d’où l’usage passa dans les pays grecs et romains. En général, les becs de ces lampes ne portent aucune trace de combustion. Par contre, on éclairait avec des lampes les salles sépul II. Les lampes dans la Bible. — 1° Les lampes du chandelier du sanctuaire. — Il y avait sept lampes d’or sur le chandelier à sept branches. Il en est question souvent dans la Sainte Écriture. Exod., xxv, 37 ; xxx, 8 ; xxxv, 14 ; xxxvii, 23 ; xxxix, 37 ; xl, 4, 25 ; Lev., xxiv, 4 ; Num., rv, 9 ; viii, 2, 3 ; III Reg., vii, 49 ; I Par., xxviii, 15 ; II Par., iv, 20 ; xxix, 1 ; I Mach., iv, 50 ; II Mach., i, 8 ; x, 3. Cf. Zach., iv, 2. Voir Chandelier, t. ii, col. 542543. La beauté de la femme vertueuse est comparée à

l’éclat de la lampe placée sur le chandelier sacré. Eccli., xxvi, 22. On ignore quelle forme avaient ces lampes. Elles étaient mobiles, et le chandelier à sept branches de l’arc de Titus représente seulement les cavités dans lesquelles on les plaçait. Voir t. ii, col. 544, fig. 184.

2° Les lampes dans l’usage ordinaire. — 1. On conservait une lampe allumée dans la maison ou sous la tente pendant la nuit, tant pour conserver du feu que pour être en mesure de parer à toute alerte. Cette coutume est encore en vigueur. « S’il arrive au voyageur de traverser de nuit les campagnes de la Palestine ou de la Syrie, il est tout surpris de voir quantité de lumières sur les coteaux et dans les vallées. C’est que l’Oriental, pauvre ou riche, ne dort jamais dans sa maison sans lumière. Dire d’une personne qu’elle dort dans l’obscurité, c’est, en Syrie, une manière d’exprimer qu’elle est dans l’extrême pauvreté. Le domestique syrien ne resterait pas chez un maître qui lui refuserait

laquelle saint Paul parla à Troade, Act., xx, 8, étaient de même nature que les précédentes. — Plusieurs métaphores sont empruntées par les écrivains sacrés à la lampe. — a) La lampe est le symbole de la prospérité. Dieu la fait briller sur les bons, Job, xxix, 3 ; Ps. xvin (xvii), 29 ; cxxxii (cxxxi), 7 ; Prov., xiii, 9, tandis qu’il éteint la lampe des méchants. Job, xviii, 6 ; xxi, 17 ; Prov., xxiv, 20, — b) La lampe désigne le principe qui préside à la vie et à la conduite de l’homme, le souffle de Dieu, Prov., xx, 27 ; la parole de Dieu, Ps. cxlx (cxviii), 105 ; II Pet., i, 19 ; sa loi, Prov., vi, 23 ; le péché, pour » le méchant. Prov., vi, 23. L’œil est la lampe du corps, il en dirige les mouvements, Matth., vi, 22 ; Luc., xi, 31.

22. — Lampes chrétiennes trouvées en Palestine. D’après la Revue biblique, 1898, p. 485.

une lampe de nuit ; ce serait lui refuser le sommeil et l’humilier. Le petit enfant qui s’éveille et voit la lampe prête à s’éteindre, appelle sa mère pour qu’elle renouvelle la flamme. » Jullien, L’Egypte, Lille, 1891, p. 256. Aussi est-il noté, dans l’éloge de la femme forte, que « sa lampe ne s’éteint pas pendant la nuit », Prov., xxxi, 18, parce que cette femme diligente a pris le soin nécessaire pour que cette lampe fût suffisamment alimentée pour la nuit. Si, au contraire, il s’agit du méchant, c’est une malédiction pour lui que sa lampe s’éteigne dans sa tente, Job, xviii, 6, et au milieu des ténèbres. Prov., xx, 20. Pour annoncer la destruction de Babylone et des nations ennemies, les auteurs sacrés disent que la lumière de la lampe cessera d’y briller. Jer., xxv, 10 ; Apoc, xviii, 23. — 2. Le fidèle serviteur avait la lampe allumée à la main pour recevoir son maître, quand celui-ci rentrait tard à la maison. Luc, xii, 35. — 3. Ce sont encore des lampes que les jeunes filles ont avec elles pourattendre l’arrivée de l’époux qu’elles doivent accompagner, bien que saint Matthieu, xxv, 1-8, appelle ces lampes, non plus des Xûxvot, lucernm, mais des luy.T : àbzç, lampades. Il est en effet question de vases dans lesquels on verse de l’huile qui doit alimenter la flamme de là mèche. — 4. Orner les lampes, Matth., xxv, 7, c’était les garnir d’huile et disposer la mèche de manière qu’elle fournît une lumière brillante. — 5. Les lampes nombreuses, Xau.mt8e « , lampades, qui éclairaient la salle dans

23. — Lampe chrétienne.

D’après Bellori, Li antiche lucerne sepolcrali,

in-i’, Rome, 1691, part, iii, pi. 29.

— c) Saint Jean-Baptiste a été la lumière, 6 Xû^voç, ardente et brillante, envoyée par Dieu devant son divin Fils, pour lui préparer la voie. Joa., v, 35. Dans le ciel, c’est le Seigneur qui est lui-même la lampe des élus. Apoc, xxi, 23 ; xxii, 5. — d) La lampe, alors appelée nir, désigne spécialement la descendance royale, semblable à une lampe que Dieu ne peut laisser s’éteindre au sein de son peuple. III Reg., xi, 36 ; xv, 4 ; IV Reg., vin, 19 ; xxi, 17 ; II Par., xxi, 7.

III. La lampe improprement dite. —Elle prend le nom de lapîd, Xaputaç, lampas. C’est plutôt une sorte de flambeau ou de torche, consistant en une matière combustible imbibée d’huile ou de résine. Les Grecs donnaient le nom de Xa^itôtSsç aux flambeaux que les coureurs se passaient les uns aux autres. Hérodote, vi, 105 ; Aristophane, Vesp., 1203, etc. Avec des lampes de ce genre, on allait au-devant d’HoIoferne dans les villes de Syrie. Judith, iii, 10. Ces réceptions aux flambeaux étaient analogues à certaines processions nocturnes qui se taisaient en Egypte. Hérodote, ii, 62. Le mot lapîd sert à désigner, dans la Sainte Écriture, les flammes qui parurent au milieu des, victimes immolées par Abraham, Gen., xv, 17 ; les feux qui brillaient sur le Sinaï, Exod., xx, 18 ; les lampes des soldats de Gédéon, Gl

LAMPE

LAMY

62

Jud., vii, 16, voir Cruche, t. ii, col. 1138 ; les torches attachées par Samson à la queue des chacals, Jud., xv, 4-5, voir Chacal, t. ii, col. 477, 478 ; la vapeur brillante qui s’échappe de la gueule du crocodile, Job, XLI, 10, voir Crocodile, t. ii, col. 1125 ; l’aurore de la délivrance qui apparaît comme un flambeau qui s’allume, Is., lxii, 1 ; le ibrillant aspect des chérubins d’Ézéchiel, i, 13, voir Chérubin, t. ii, col. 668, et des yeux du personnage qui se montre à Daniel, x, 6 ; l’éclat des chars qui marchent contre Ninive, Nah., ii, 4, et enfin l’ardeur victorieuse des chefs de Juda.qui, aux jours de la grande restauration messianique, seront au milieu des peuples « comme des torches enflammées au milieu des gerbes ». Zach., xii, 6. Le mot lapîd embrasse donc, dans sa signification, différentes sortes de lumière et même de simples apparences lumineuses. "Voir Torche.

H. Lesêtre.
    1. LAMPSAQUE##

LAMPSAQUE (grec : San^M ouSa[A^âi"i ; Vulgate : Lampsacos), ville de Mysie (fig. 24). — Le nom de

Vk. — Monnaie de Lampsaque.

Tôte présumée d’Ulysse, coiffé du pileus laurë, à gauche. —

^. Protomé de cheval ailé à droite.

Lampsaque a été introduit par conjecture dans la Vulgate, I Mach., xv, 23, à la place du nom grec Sa^âx » ) ou Sajjn|/à|*v], dans la liste des cités auxquelles est envoyée la lettre du consul Lucius. On ne connaît pas de ville du nom de Sampsaque ou Sampsame. Winer, dans son Realwôrterbuch, au mot Sampsake, 3e édit., 1848, t. ii, p. 375, pense qu’il s’agit de Samsun, petit port situé entre Sinope et Trébizonde et qui porte maintenant le nom d’Abulféda. L’auteur de la Vulgate suppose au contraire qu’il est question de la ville de Mysie, très florissante à l’époque des Machabées. Lampsaque résista à l’attaque d’Antiochus le Grand et vota une couronne d’or aux Romains qui reçurent la ville au nombre des cités alliées. Polybe, xxi, 10 ; Tite Live, xxxiii, 38 ; xxxv, 42 ; xliii, 6. Cette dernière circonstance rend très vraisemblable la conjecture de la Vulgate.

La ville de Lampsaque était située sur la côte de l’Hellespont, entre Parium et Abydos, en face de la ville de Callipolis, qui s’élevait sur le rivage opposé de la Chersonèse. Comme celle-ci, elle était bâtie à l’extrémité d’un cap, en sorte que la distance entre les deux n’était que d’environ 7 kilomètres. Lampsaque couvrait une superficie considérable et avait un port excellent. Cette ville conservait une fameuse statue de Lysippe, représentant un lion couché. Agrippa la fil transporter à Rome. Strabon, XIII, i, 18-19. Lampsaque était une colonie de Milet ; ses habitants honoraient tout spécialement Priape, c’est dire que leurs mœurs étaient très corrompues. Athénée, Deipnosoph., i, 54 ; Pausanias, IX, xxxi, 2 ; Ovide, Fast., VI, 345 ; Virgile, Georg., iv, 110. Parmi les habitants illustres de la cité, on compte l’historien Charon, le rhéteur Anaximène, et le philosophe Mélrodore, disciple d’Épieure. Strabon, XIII, i, 19. Le territoire voisin était célèbre par ses vignobles. Strabon, loc. cit. Aujourd’hui la ville ancienne a complètement disparu. Une petite localité du voisinage, Lapsaki, a conservé son nom, mais on n’y a treuvé aucune ruine ancienne. C’est une bourgade qui compte à peine deux cents maisons. Le voisinage est toujours couvert de vignes et d’oliviers. Cf. Choiseul-Gouffier, Voyage pittoresque en Grèce, in-î", Paris, 1809, t. ir, p. 449.

E. Beurlier.

    1. LAMUEL##

LAMUEL (hébreu : lemû’êl ; Vulgate : Lamuel), nom d’un roi auquel sa mère jlorina des conseils qui furent ensuite consignés dans le livre des Proverbes, xxxr, 1-9. Ces conseils tendent à le détourner des femmes, qui perdent les rois, et du viii, qui les empêche de juger sainement et de prendre en main la cause des opprimés. Le mot lemû’el peut se décomposer en lemô, forme poétique de le, et’êl, et il signifie « à Dieu », c’est-à-dire consacré ou dévoué à Dieu, comme Læl. Num., iii, 24. Les Septante traduisent littéralement par ÛTtô ©Eoû pa<7tXéwç, paroles dites « par Dieu roi ». Dans les autres versions, le nom propre est conservé ; Aquila : Aa^fioûv, Symmaque : ’la^ou^X, Théodotion : ’Ptêovfr, Syriaque : Muel. Quel est ce roi ? Son nom. est inconnu dans l’histoire. D’après un certain nombre d’exégètes modernes, c’était un roi de Massa en Arabie. Ils traduisent l’hébreu : « Paroles de Lamuel, roi de Massa, » Prov., xxxi, l, prenant pour un nom de lieu le mot Massa, que la Vulgate a traduit comme substantif commun par « vision ». Voir Agur, t. i, col. 288. Le nom de Lamuel n’est vraisemblablement qu’un pseudonyme. Suivant les différents commentateurs, ce pseudonyme lui-même désignerait un roi connu, Salomon, Ézéchias, un roi arabe, etc. Rien ne permet de justifier ces identifications d’une manière satisfaisante. Il se peut que Lamuel et sa mère soient des personnages supposés, destinés à faire passer, sous le voile de l’anonyme, une leçon donnée aux rois par un sage

d’Israël.

H. Lesêtre.
    1. LAMY Bernard##

LAMY Bernard, savant oratorien, né au Mans en juin 1640, et mort à Rouen, le 29 janvier 1715. Son père, Alain Lamy, sieur de la Fontaine, le fit entrer comme élève, à l’âge de douze ans, chez les Oratorjens du Mans : il y montra de remarquables dispositions, aussi bien pour les lettres que pour la philosophie et les sciences les plus diverses. En 1658, il entra dans la congrégation de l’Oratoire. Il étudia la philosophie à Paris, puis à Saumur ; ensuite il enseigna dans les collèges de Vendôme, en 1661, et de Juilly, en 1664 ; ordonné prêtre en 1697, il fut pendant deux ans professeur au Mans ; puis, après un nouveau séjour à Saumur, il alla enseigner à Angers. Là, comme ses doctrines philosophiques, jugées trop exclusivement cartésiennes, avaient suscité des discussions passionnées, le recteur de l’université d’Angers, nommé Rebous, s’en émut et obtint contre lui un arrêt du Conseil d’État, qui fut rendu le 2 août 1675. Ses supérieurs jugèrent à propos de l’envoyer à Grenoble, où, grâce à la protection du cardinal Le Camus, il put reprendre ses cours de philosophie. En 1686, il revint à Paris, où il fit un séjour au séminaire de Saint-Magloire. Enfin, en 1689, il se fixa à Rouen, où.il passa ses dernières années. Les ouvrages du P. Lamy sont nombreux et très variés. Nous citerons seulement parmi eux : Apparatus ad Biblia sacra per tabulas dispositus, in quibus quæ ad illa intelligenda in génère necessaria sunt, oculis subjiciuntur ac dilucide explicantur, in-f », Grenoble, 1687. Ce livre fut traduit en français, sur l’ordre de l’évêque de Châlons, par l’abbé Fr. Boyer, sous le titre de : Introduction à la lecture de l’Écriture Sainte, in-12, Lyon, 1689. — Rarmonia, siv& eoncordia quator Evangelistarum, in qua vera séries actuum et sermonum Jesu Christi, hoc est vera viia ejus, historia restituitur, adjecta locis suis novi ordinis ratione, in-12, Paris, 1689. Dans ce livre, le P. Lamy soutient que saint Jean-Baptiste fut emprisonné deux fois, d’abord à Jérusalem, par ordre du grand Sanhédrin, ensuite en Galilée, par Hérode. Il y soutient également que Jésus-Christ ne mangea pas l’agneau pascal dans la dernière cène et qu’il fut crucifié le jour où les Juifs célébraient la Pâque ; il y défend enfin l’identité de Marie-Magdeleine, de Marie, sœur de Lazare, et de la femme pécheresse. Ces opinions furent la

source de longues discussions, principalement avec Bulteau, curé de Rouen, Jean Piénud et Lenain de Tillemont, puis avec les PP. Hardouin, Mauduit, Rivière, Daniel. — Traité historique de l’ancienne Pâque des Juifs, in-12, Paris, 1693. — Apparatus biblicus, sive manuductio ad sacram Scripturam tum clarius tum facilius intélligendam, nova edïtio aucta et locupletata oninibus quse in apparatu biblico desiderari possunt, in-8°, Lyon, 1696 ; in-12, Iéna, 1709 ; in-12, Amsterdam, 1710, etc. C’est le développement de Y Apparatus ad Biblia. Il fut traduit en français, par l’abbé de Bellegarde, in-12, Paris, 1697 ; in-4°, Lyon, 1699, et par l’abbé Boyer, in-4°, Lyon, 1709. Dans son Apparatus, Lamy attaque le caractère historique des livres de Tobie et de Judith. Il prétend aussi à tort que, même après le décret du Concile de Trente sur les livres canoniques, il existe entre les protocanoniques et les deutérocanoniques cette différence que ces derniers ont une autorité moindre. — Défense de l’ancien sentiment de l’Église latine touchant l’office de sainte Madeleine, in-12, Rouen et Paris, 1497. —’Commentarius in harmonium sive concordiam qv&tuor Evangelistarum, cum, apparatu chronologico et geographico, 2 in-4°, Paris, 1699. — De tabernaculo fœderis, de sancta civitate Jérusalem et de templo ejus libri septem, in-f°, Paris, 1720 (avec planches), ouvrage posthume, publié par le P. Desmollets, qui mit en tête une vie de l’auteur. Voir A. M. P. Ingold, Essai de bibliographie oratorienne, in-8°, Paris, 1880-1882, p. 64-70. A. Régnier.

    1. LANCE##

LANCE, arme offensive servant à transpercer l’ennemi (fig. 25).

I. La lance chez les Hébreux. — 1° Noms. — Les Hébreux désignent par deux noms différents l’arme que nous appelons du nom générique de lance : 1. Hânit,

I Sam. (Reg.), xiii, 19, 22 ; xvii, 7, 45, 47 ; xviii, 10, 11 ; xix^ 9, 10 ; xx, 33, etc. ; II Sam. (Reg.), i, 6 ; ii, 23, etc. ; I Par., xi, 25 ; xli, 34, etc. Ce mot est traduit ordinairement dans les Septante par Sôpu. Cependant on trouve quelquefois le mot otc), ov, « arme, » Ps. [lvi (lvu), 6 ; Nahum, iii, 3 ; Ç16ûvy], Is., u- 4 ; ailleurs, par suite de la confusion qu’on rencontre souvent entre les différentes armes, le mot lance est remplacé par uctponâ <rtï]ç, sorte de pique, IV (II) Reg., xi, 10 ; po^çaîa, glaive, I Par., xi, 11, 20 ; Ps. xxxiv (hébreu, xxxv), 3 ; nâx at P a > <( sabre, s II Par., xxiii, 9 ; Job, xxxix, 23. La Vulgate se sert habituellement du mot hasta, I Reg., xvii, 7, 45 ; xxi, 8 ; xxii, 6, etc., ou du mot lancea, I Reg., xm, 19, 22 ; xviii, 10, etc. En comparant ces passages, on voit que les deux mots îont employés indifféremment. Elle rétablit la traduction exacte là où les Septante avaient substitué le mot vague d’arme ou le nom d’une autre arme. — 2. Rômah, Num., xxv, 7 ; Jud., v, 8 ; I (III) Reg., xviii, 28 ; II Par., xi, 12, etc.’Les Septante traduisent par 86pu, II Par., xi, 12 ; xiv, 8 ; xxv, 5 ; Jer., xlvi, 4 ; ou par X&yxIi II Esd., iv, 13, 16, 21 ; Èzech., xxxix, 9. Dans quelques passages, ils traduisent par <7Eipo| « ier"]ç, Num., xxv, 7 ; Jud., v, 8 ; III (I) Reg., xviii, 28 ; Joël, iii, 10. La Vulgate traduit par hasta, Jud., v, 8 ; II Par., xi, 12 ; xiv, , 8 ; etc. ; par lancea,

II Esd., iv, 13, 16, 21 ; mais aussi par pugio, « poignard, » Num., xxv, 7 ; culter et lanceolus, III (I) Reg., xviii, 28.

2° Description et usage. — La Bible ne donne aucune description de la rômah. Dans le récit du combat de David contre Goliath, nous trouvons au contraire une description assez minutieuse de la }}ânit. Il s’agit, il est vrai, de l’arme du Philistin, mais celle des Hébreux devait être pareille. La hânit se composait d’une hampe de bois, 1}ês ; grec, xovtôç, Çfoov ; Vulgate, hastile, lignum ; cette hampe est comparée à l’ensouple ou rouleau du tisserand. I Sam. (Reg.), xvii, 7 ; II Sam. (Reg.), xxi, 19 ; xxiii, 7 ; I Par., xx, 5. Au

bois était fixée une pointe de fer, que le texte hébreu appelle lahébéf, « flamme, » pointe brillante du ter, ou barzel, « fer ; » grec : >oyxi> l’SVipoç ; Vulgate : ferrum. I Sam. (Reg.), xvii, 7 ; II Sam. (Reg.), xxiii, 7. Lorsque les guerriers dormaient dans leur tente, ils fichaient leur lance en terre, à leur chevet. I Reg. (Sam.), xxvi, 7, 11. La lance a figuré dès le temps de Moïse dans l’armement des HébreuxNum., xxv, 7. Aussi, dans son cantique, Débora, pour marquer qu’à l’époque de Jaël Israël était désarmé, dit-elle : « On ne voyait ni bouclier ni lance chez quarante milliers en Israël. » Jud., v, 8. Pour empêcher les Israélites de fabriquer des épées et des lances, les Philistins leur avaient interdit le métier de forgeron. I Reg. (Sam.), xiii, 19. Quand Saûl souleva le peuple de Dieu contre ses oppresseurs, lui-même et son fils Jonathas étaient les seuls à possé 25. — Têtes de lances, en bronze, trouvées dans les fouilles

de Tell el-Hésy. — D’après Bliss, À Mound of many Cities,

p. 36, 37.

derune épée et une lance. IReg. (Sam.), xiii, 22. Dans l’énumération des troupes de David, les guerriers de la tribu de Juda et ceux de la tribu de Nephthali sont indiqués comme armés du bouclier et de la lance. I Par., xii, 24, 34. Ceux de Juda ont la hânit et ceux de Nephthali la rômah. Les Septante traduisent l’expression hébraïque nâsa’rômah par Sopocrdçopo ; . I Par., XII, 34. Les chefs combattaient avec la lance comme les simples soldats ; la Bible mentionne les lances de Saûl, d’Abner, de Jesbaam. I Reg. (Sam.), xviii, 10 ; xix, 9, 10 ; xx, 33 ; xxvi, 7, etc. ; II Reg. (Sam.), ii, 23 ; I Par., xi, 11. C’est en se précipitant sur le fer de sa lance que Saùl se donna la mort. II Reg. (Sain.), i, 6. Roboam établit dans les villes qu’il fortifia des arsenaux où il déposa des lances et des boucliers. II Par., xi, 12. Asa avait dans son armée trois cent mille hommes de Juda portant le bouclier et la lance, tandis que les deux cent quatre-vingt mille de Benjamin portaient le bouclier et l’arc. II Par., xiv, 8. Amasias trouve le même nombre de lanciers. II Par., xxv, 5. La lance figure également dans l’armement des troupes d’Ozias. II Par., xxvi, 14. Il en est de même après le retour de la captivité. Néhémie, pour défendre les ouvriers qui reconstruisirent les murs de Jérusalem, place dans des enfoncements, derrière la muraille, des guerriers armés d& lance8, d’épées et d’arcs. II Esd., iv, 13, 16, 21.Al’époque

des Machabées, les lances figuren toujours dans l’armement des Juifs. II Mach., xv, 11. Les cavaliers qui apparaissent dans le ciel à Jérusalem, au temps de la seconde expédition d’Antiochus IV Épiphane en Egypte, portent des lances. II Mach., v, 2. La lance jouait un tel rôle dans les batailles, que s’emparer de vive force d’une ville se dit Xa|16âvstv irôXiv SopuâXwrav. II Mach., Y, II ; x, 24. Lorsque les prophètes veulent exciter à la guerre ils disent : <r De vos serpes faites des lances. » Joël, iii, 10. Au contraire le temps de la paix est celui où avec les fers de lances on fabrique des serpes. Michée, iv, 3.

qu’un bâton, il arracha à l’Égyptien sa lance et l’en transperça. II Reg., xxiii, 21. Le bois de cette lance est comparé, comme le bois de lance de Goliath, à l’ensouple du tisserand. I Par., xi, 23. Dans les armées égyptiennes, dès les temps les plus anciens, figurent des corps de troupes armées de lances et de boucliers. G. Wilkinson, The Manners and customs of the ancient Egyptians, 2° éd., in-8°, Londres, 1878, t. i, p. 456 ; G. Maspero. Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, in-4°, Paris, 1895, t. i, p. 352. On les voit souvent représentées sur les monuments figurés. Cf. Maspero, i/isf.

20. — Le pharaon Ramsès II armé de la lance. D’après Champoïïion, Monuments de l’Egypte, pi. xvii.

II. La lance chez les peuples en rapports avec les Hébreux. — 1° Philistins et Moabites. — Nous avons signalé plus haut la description de la lance du Philistin Goliath. Le fer de cette arme pesait six cents sicles de 1er, soit 8 kil. 250. C’était, il est vrai, l’arme d’un géant. I Reg. (Sam.), xvii, 7, 45 ; II Reg. (Sam.), xxi, 19 ; I Par., XX, 5. Il n’est pas question dans la Sainte Écriture de la lance des Moabites, mais un bas-relief conservé au musée du Louvre qui représente un guerrier de cette nation armé de la lance est le monument qui peut le plus exactement nous donner l’idée de la forme de cette arme chez les Hébreux et chez les peuples voisins. Voir t. ii, fig. 125, col. 390.

2° Égyptiens. — La Bible mentionne plusieurs fois la lance parmi les armes des Égyptiens. Banalas, fils de Joiada, au temps de David, attaqua un géant égyptien qui venait à lui, la lance à la main. Banaïas n’avait

D1CT. DE LA BIBLE.

anc., t. t, p. 457 ; t. ii, p. 213, 391. Les rois eux-mêmes portaient cette arme. Ramsès II est représenté perçant de sa lance un chef libyen (fig. 26). Maspero, Hist. anc, t. ii, p. 414 ; Rosellini, Monumenti dell’Egittoe délia Nubia, Monumenti storici, in-f », Florence, 1833-1838, pi. Lxxxm. L’arme est munie à la base d’une pomme ornée d’un gland. Voir Armées étrangères, 2, iii, Armée égyptienne, t. i, fig. 267, 268, 270, col. 991-993 ; Bouclier, t. i, fig. 581, col. 1882.

3° Assyriens et Babyloniens. — Fantassins et cavaliers, les Assyriens se servaient de lances. Celle des fantassins avait un peu moins de deux mètres de long, celle des cavaliers était longue de trois mètres à trois mètres vingt centimètres. La hampe était en bois, la pointe en métal, d’abord en bronze, puis en fer. Sa forme était celle d’un triangle, d’un losange allongé ou d’une feuille. G, Raftiinson, The five great monar IV. -3

67

LANCE

C8

chien of the ancient Eastern World, 4e édit., Londres, 1879, t. ii, p. 456 ; cf. p. 425, 426. L’extrémité intérieure était ornée d’un cône ou d’une grenade. L’arme était trop lourde pour pouvoir être utilisée comme javelot,

27. — Lance assyrienne.

D’après Layard, Monuments of Nineveh, t. ii, pi. 20.

on ne pouvait s’en servir que pour transpercer l’ennemi. Les fantassins armés de la lance portaient en même temps un bouclier rond (fig. 27). G. Maspero, Hist. anc, t. ii, p. 627 ; t. iii, p. 47. Cf. G. Perrot et Ch. Chipiez, Histoire de l’art dans V’antiquité, in-4°, Paris, 1884, t. ii, pi. xiv. Voir d’autres lances, t. i, fig. 224, 261, 262, col. 902, 982, 985 ; t. ii, fig. 91, 430, 431, 540, col. 313, 1151, 1153, 1635. Ceux qui combattaient dans des chars portaient leur lance attachée à l’arrière du char. Maspero, Hist. anc, t. ii, p. 626. La lance servait à la chasse aussi bien qu’à la guerre. Maspero, Hist. anc., t. ii, p. 621, 623. 4° Années de Gog. — Ézéchiel, xxxix, 9, nomme la

28. — Scythes armés de lances.

D’après le vase de Koul-Oba.

lance parmi les armes des soldats de l’armée de Gog. On pense généralement que l’invasion décrite par le prophète est celle des Scythes qui eut lieu en Asie, dans les dernières années du vir 3 siècle avant J.-C. Un vase du musée de l’Hermiiage nous représente les Scythes armés de lances (fig. 28). Voir Gog 2, t. iii, col. 265 ; G. Maspero, Hist. anc, t. iii, p. 342. 5° Mèdes et Perses, — Les lances des Mèdes étaient

semblables à celles des Assyriens, le fer avait la forme d’un losange ou d’une feuille et l’extrémité inférieure se terminait par une pomme on une grenade, t. ii, fig. 93. Hérodote, vii, 41 ; C. Rawlinson, The five great monarchies, t. ii, p. 314. Celles des Perses étaient relativement courtes, Hérodote, v, 49 ; vii, 61, et terminées aussi par une pomme à l’extrémité inférieure. Hérodote, vii, 41. Les piquiers mèdes et perses sont représentés sur les monuments figurés. G. Maspero, Hist. anc, t. iii, p. 466. Les Mèdes sont reconnaissables à leurs longues robes et portent des boucliers ; les Perses sont vêtus de tuniques courtes et n’ont pas de bouclier (fig. 29). Voir Darius 1,

29. — Fantassins mèdes et perses armés de lances, D’après Coste et Flandin, La Perse ancienne, pi. ci.

t. ii, fig. 479, col. 1303. Les gardes placés derrière Darius sur le bas-relief de Behistoun sont armés de lances, G. Maspero, Hist. anc, t. iii, p. 681 ; ses archers sont de même porteurs d’une lance sur la fameuse frise de Suse qui est au musée du Louvre. Ci. G. Maspero, Hist. anc, t. iii, p. 694. Lui-même est représenté perçant un prisonnier de sa lance sur une intaille de Saint-Pétersbourg. G. Maspero, Hist anc, t. iii, p. 677.

6° Grecs. — Les soldats qui accompagnent Héliodore sont appelés SopvçcSpoi, c’est-à-dire lanciers. II Mach., m, 23, 28. La Vulgate traduit ce mot par satellites, gardes. du corps ; le mot grec indique l’arme que portaient ces gardes. Voir t. i, fig. 588, col. 1887.

III. La sainte Lance. — Après la mort de Notre-Seigneur, un des soldats qui gardaient les crucifiés lui perça le côté de sa lance. Joa., xix, 34. Cette arme, que le grec appelle Xôyx T le * l a Vulgate lancea, se composait d’une longue hampe de bois, munie d’un fer terminé en haut par une pointe et" en bas par une douille dans laquelle entrait le bois. Voir t. i, fig. 594, col. 1898. A. Baumeister, Denkniâler des klassischen Altertums »

69

LANGE —’LANGE

70

in-4°, Leipzig, t. iii, 1888, p. 2077, fig. 2308-2311. Voir Croix, t. ii, fig. 414, col. 1133. D’après saint André de Crète, Orat., x, t. xcvii, col. 1025, la Lance (X<5yx*i) fat enterrée avec les autres instruments de la passion. C’est une pure conjecture et l’on ne conçoit pas bien pourquoi on aurait enterré l’arme d’un soldai. Aucun auteur ne fait mention de la découverte de la sainte Lance. Cassiodore, In Is., lxxxvi, concl., t. lxx, col. 621, dit qu’elle était conservée à Jérusalem. En 570, Antoine le Martyr la vit dans la basilique de Sion. T. Tobler, Itinera hierosolymitana, in-8°, Genève, 1877, t. i, p. 103. Saint Grégoire de Tours, De gloria martyrum, ix, t. lxxi, col. 712, la cite parmi les reliques de la passion vénérées à Jérusalem ; il annonce qu’il en parlera plus au long, mais il n’en dit rien ailleurs. En 614, nous apprend la Chronique Pascale, Patr. Gr., t. xcii, col. 990, après la prise de Jérusalem par les Perses, la pointe de la Lance -^it donnée par eux au patriarche de Constantinople, Nicétas. Celui-ci la plaça à Sainte-Sophie. Cf. Th. Nœldeke, Geschichte der Perser undvraber zur Zeit der Sasaniden, aus arabischen Chronih des Tabari, in-8°, Leyde, 1879, p. 290. D’autre part, en 670, Arculfe, visitant Jérusalem, vit le reste de la Lance dans la basilique Constantinienne. Adamannus, De lotis sanctis, i, 9, t. lxxxviii, col. 785. Après cette date il n’est plus question de la sainte Lance à Jérusalem. Au contraire, elle est honorée à Constantinople. Constantin Porphvrogénète, Cérémonial, il, 34, Patr, Gr., . cxii, çol. 11-32 ; Riant, Exuvise sacræ Constanlinopolitanæ, in-8°, Paris, 1878, t. ii, p. 212, 213, 216, 231. La pointe, qui avait été insérée dans l’Ycona de Mursuphle, fut prise par Pierre de Bracieux, lorsque les croisés pillèrent Constantinople en 1201, mais elle fut restituée à l’empereur latin Beaudouin II, qui la céda à saint Louis en 1241 ; Chronica Alberici mo nachi, dans Pertz, Script, reruni Gertnan. , t. xxiii, p. 883, cf. E. Miller, dans le Journal des Savants, 1878, p. 299-302. Le roi de France la fit déposer à la Sainte-Chapelle (fig. 30). En 1793, cette relique fut transportée à la Bibliothèque nationale où l’abbé Coterel la vit en 1796. Gosselin, Notice historique sur la sainte Couronne, in-8°, Paris, 1828, ’p. 161. Cette relique a disparu depuis lors. Le reste de la sainte Lance demeura à Constantinople. Elle est mentionnée dans les itinéraires russes et on peut la, suivre jusqu’en 1422. B. de Khitrowo, Itinéraires russes en Orient, in-8°, Genève, 1889, p. 162, 205 ; Ph. Brunn, Constantinople, ses sanctuaires, ses reliques, fragments de l’Itinéraire de Clavijo, in-8°, Odessa, 1883, p. 17 ; Bucoléon, Patr. Gr., t. cxxxiii, col. 701. En 1492, Bajazet II envoya la relique au pape Innocent VIII qui, après quelques hésitations,

30. — Reliquaire de la sainte Lance,

à la Sainte-Chapelle de Paris.

D’après Morand. Voir la Revue

de tort chrétien, 1897, p. 9.

provenant de ce que parmi les cardinaux, quelques-uns soutenaient que la vraie lance était à Nuremberg, tandis que d’autres la croyaient à Paris, le pape la fit porter solennellement à Saint-Pierre. J. Burchard, Diarium, 1483-1506, in-4°, Paris, 1883, t. i, p. 472-486. Il existe à la Bibliothèque ambrosienne de Milan un dessin de la sainte Lance de Rome fait en 1599, par G. Grimaldi, clerc de la Basilique Vaticane. Le fer est représenté (fig. 31) privé de sa pointe. Il a été reproduit par F. de Mély, dans la Revue de l’art chrétien, t. xlvi, 1897, p. 8. L’histoire de la lance soi disant découverte à Antioche par les croisés est très sujette à caution. F. de Mély, Revue, ibid., p, 120-126. La lance d’Estchmiazin, celle de Nuremberg, aujourd’hui à Vienne, en Autriche, celle de Cracovie, les fragments de Cologne, d’Ancône, et celui que conservent les dominicains à Smyrne ont tous les caractères de reliques apocryphes. Cf. F. de Mély, Revue, ibid., p. 122-127, 287302 ; J. H. Friedlieb, Archéologie de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, trad. franc., in-8°, Paris, 1895, p. 343-359 ; Rohaut de Fleury, Mémoire sur les instruments de la Passion, in-4°, Paris, 1865, p. 272. E. Beurlier.

    1. LANGE Joachim##

LANGE Joachim, grammairien et théologien protestant allemand, né à Gardelegen, le 26 octobre 1670, mort à Halle, le 7 mai 1744. Il fit ses premières études avec son frère Nicolas, puis fréquenta les écoles d’Osterwick en 1685, de Quedlinbourg en 1687, de Magdebourg en 1789. Ensuite, sous la direction d’àug. Herm. Francke, il étudia à Leipzig, puis à Erfurt et à Halle. À partir de 1693, il fut quelque temps précepteur à Berlin et exerça diverses fonctions à différents endroits. Enfin, en 1709, il fut créé professeur de théologie à l’université de Halle et il demeura dans cette place jusqu’à sa mort. Il fut l’un des adversaires de la philosophie de Wolf. Ses ouvrages, tant philologiques que théologiques, .sont nombreux ; mentionnons seulement : Sciographia sacra, quse in mémorise mbsidium Ubrorum utriusque Testamenti historicorum Sttructuram et analysin succincte exhibet, in-8°, Halle, 1712 ; Isagoge exegetica generalis in primant sancti apostoliJoannis Epistolam, generalia totius Epistolx mowiienta ejusdemque analysin continens, Halle, 1712 ; Exegesis Epistolarum apostoli Pétri, in-4°, Halle, 1712 ; Exegesis Epistolarum Joannis, Halle, 1713 ; Commentatio historico-hermeneutica de vita et Epistolis Pauli, isagogen generalem et specialem historico-exegeticam prsebens in Acta Apostolorum et Pauli Epistolas, una cum compendio hermeneuticse sacrée, in-4°, Halle, 1718 ; Historia ecclesiastica Novi Testamenti, Halle, 1722 ; Epitome historise ecclesiaslicx Veteris et Novi Testamenti ; Apokalyptisches Licht und Recht, das ist Erklàrung der Ofjenbarung Johannis, in-f », Halle, 1730 ; Mosaisches Licht und Recht, das ist Erklârung der

81. — La sainte Lance. D’après le manuscrit A. 168 de l’Ambrosienne de Milan.

71

LANGE

LANGUE

72

sâmmtliehen historischen Bûcher des alten Testaments, voni Buch Josua bis Hiob, in-f°, Halle, 1734 ; Evangelisches Licht und Recht, in-f, Halle, 1735 ; Erklârung der Apostelgeschichte, Halle, 1735 ; Davidisches und Sqlomonisches Licht und Recht, in-f°, Halle, 1737 ; Prophetisches Licht und Recht ; Hermeneutica sacra, in-8°, Halle, 1733 ; Urim et Thummim, seu exegesisEpistolarum Pétri et Joannis cum appendice dissertationum anti Poiretianarum, in-f°, Halle, 1734 ; Hermeneutische Einleitung in die Offenbahrung Johannis, und dadwch in die Propheten, in-8°, Halle, 1738 ; Biblia parenthetica, oder Bausbibel, in-f°, Leipzig, 1743.

A. Régnier.

    1. LANGES##

LANGES (hébreu : hâtulldh ; Septante : onipytxwv ;

Vulgate : parmi, involumenta), linges dans lesquels on

enveloppait les enfants nouveau-nés. — L’auteur de

Job, xxxviii, 9, compare le brouillard qui entoure la

32. — Enfant emmailloté.

. D’après un bas-relief romain représentant probablement la naissance de Télèphe.

mer aux langes qui enveloppent les enfants. Le personnage royal qui est censé parler dans la Sagesse, vii, 4, dit qu’il a été élevé dans les langes, comme tous les autres enfants. L’enfant Jésus fut enveloppé de langes par sa mère à sa naissance, et les anges annoncèrent aux bergers qu’ils trouveraient un enfant « enveloppé de langes et couché dans une crèche ». Luc, ii, 7, 12. — Chez les anciens Égyptiens, on n’emmaillotait pas les enfants ; on les laissait grandir, comme aujourd’hui encore, sans leur faire porter de vêtements. Cf. Maspero, Lectures historiques, Paris, 1890, p. 15 ; Lady Gordon, Lettres d’Egypte, trad. Ross, Paris, 1869, p. 37. En Chaldée, le climat réclamait plus de précautions dans le, soin des jeunes enfants. Les monuments y représentent d’ailleurs les personnages de tout âge beaucoup plus vêtus qu’en Egypte. Chez les Spartiates, on couvrait légèrement le corps de l’enfant, mais sans le serrer dans un maillot. À Athènes, on traitait l’enfant avec plus de délicatesse. Le OTrapyavov est ordinairement nommé au pluriel, ce qui le suppose composé de plusieurs pièces. Cf. Hymn. honieric., Merc, 237 ; Eschyle, Choeph., 755, etc. Les Romains enveloppaient le nouveau-né dans la fascia, cf. Plaute, Truc., v, 13, longue et étroite bande d’étoffe qu’on repliait autour du corps, de la tête aux

33. — Enfant romain dans les langes. D’après Auvard et Pingat, Hygiène infantile ancienne et moderne, in-18, Paris, 1889, fig. 3, p. 9.

pieds, et qui ne laissait à découvert que la figure. Un bas-relief romain (fig. 32) représente un entant ainsi emmailloté. Dans une autre figure (fig. 33) l’enfant est enveloppé dans un linge étroit qui fait plusieurs tours et assujettit les membres dans une position droite et raide, de peur qu’ils se déforment. Dans les anciens monuments chrétiens, le divin Enfant apparaît emmailloté de la même façon que l’enfant du bas-relief (iig. 34). Voir t. i, fig. 146, col. 573. C’est par exception que l’enfant Jésus du cimetière de Priscille, cꝟ. 1. 1, fig. 102, col. 394, est représenté sans vêtement, au moins dans ce qui reste de la peinture. Les Juifs n’admettaient pas qu’un enfant fût dépouillé de tout vêtement pour être porté, ni même pour être mis au berceau ou en être retiré. Cf. Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 516. De petits enfants juifs de Lachis sont cependant représentés nus. Voir t. ii, fig. 637, 638, col. 2189. C’était du reste une malédiction, à leurs yeux, que de naître sans les soins ordinaires et d’être privé de langes. Ezech., xvi, 4. Saint Jérôme, In Ezech., t. xxv, col. 128, dit que les langes sont mis aux petits enfants pour empêcher leurs membres de se déformer, et qu’ils y restaient jusqu’à l’âge de deux ou trois ans. Actuellement, les petits enfants de Palestine ont des langes. Les femmes du Liban placent les leurs dans des berceaux spéciaux, dont les langes ne sont changés que toutes les vingt-quatre heures, et dans lesquels les enfants demeurent jusqu’à l’âge de deux ans. Les femmes de Bethléhem couchent les leurs dans des espèces de filets de laine à longues franges, qu’elles peuvent porter sur leur dos et accrocher n’importe où. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 84, 347. L’enfant Jésus fut donc enveloppé de langes et sa mère fut elle-même en état de prendre ce soin. Quand l’ange donne comme signe aux bergers qu’ils trouveront un enfant emmailloté et couché dans une crèche, Luc, ii, 12, ce n’est pas l’emmaillotement qui singularisait l’Enfant, c’est bien plutôt la

34. — L’Enfant Jésus enveloppé, de langes. .D’après le sarcophage d’Adelphia. Musée de Syracuse.

nature de son berceau. La Sainte Vierge avait, selon toute apparence, apporté avec elle ces langes de Nazareth, où ses mains virginales les avaient préparés. Ils servirent à Jésus pendant ses premiers jours, à sa présentation au Temple et durant son voyage et son séjour en Egypte.’H. Lesêtke. 1. LA NGUE (hébreu : IdSôn, mot commun aux langues sémitiques sous la forme lisôh, assyrien : lisânu ; Septante : yûi<i< : a ; Vulgate : lingua), corps charnu et

mobile, qui est fixé par sa base au fond de la bouche, et est l’organe principal du goût et, chez l’homme, de la parole.

I. Langue des animaux. — La langue des chiens a sa part des ennemis vaincus. Ps. lxviii (lxvii), 24. La langue des chiens lèche le sang de Naboth, III Reg., xxi, 19, d’Achab, III Reg., xxii, 38, et de Jézabel que ces animaux ont dévorée. IV Reg., ix, 36. Elle lèche également les ulcères du pauvre Lazare. Luc, xvi, 21. Pendant la dixième plaie d’Egypte, pas même un chien ne devait remuer la langue au milieu des Hébreux. Exod., xi, 7. Sur ces deux derniers passages, voir Chien, t. ii, col. 702. La langue de la vipère donne la mort. Job, XX, 16. Voir Vipère. Il est impossible de prendre le crocodile avec une corde par la langue. Job, XL, 20.

II. Langue de l’homme. — 1° Au sens littéral. — 1. La langue sert à laper l’eau, à la manière des chiens, c’est-à-dire à boire non plus en taisant couler l’eau dans la bouche, mais en l’aspirant avec la langue. C’est ce que firent les soldats de Gédéon. Jud., vii, 5-7. — Dans la soif ardente, la langue se dessèche et s’attache au palais. Ps. xxii (xxi), 16 ; Is., xli, 17 ; Lam., IV, 4. C’est pourquoi le mauvais riche, torturé dans l’enfer, demande que Lazare vienne humecter sa langue avec l’extrémité de son doigt trempée dans l’eau. Luc, xvi, 24. — L’exilé proteste que sa langue s’attachera à son palais avant qu’il oublie Jérusalem. Ps. cxxxvi (cxxxv), 6. — On dit aussi que la langue s’attache au palais pour signifier que l’on est silencieux et attentif. Job, xxix, 10. — Moïse avait la langue embarrassée, il était kebad IdSôn, (3poc-S >yXu>a<soç, tardions linguse, et le Seigneur lui substitua son frère Aaron pour prendre la parole. Exod., iv, 10.

— Notre-Seigneur guérit un muet en lui touchant la langue, qui alors se déliait, c’est-à-dire devenait capable de parler. Marc, vii, 33, 35 ; et. Luc, i, 64. C’est une des merveilles messianiques qu’Isaïe, Xxxil, 4 ; xxxv, 6, avait annoncées. — 2. Parmi les plaies qui frapperont les ennemis de Jérusalem, Zaicharie, xiv, 12, mentionne la langue tombant en pourriture. Saint Jean, Apoc, xvi, 10, parle des hommes que Dieu trappe et qui se mâchent (ê[j.a<Tâ>vTo, commanducaverunt) la langue de douleur.

— Antiochus fit couper la langue à l’aîné et au troisième des sept frères Machabées. II Mach., vii, 4, 10. — Après la mort de Nicanor, sa langue tut coupée en morceaux et livrée en pâture aux oiseaux. II Mach., xv, 33. La barbarie des anciens peuples prenait plaisir à couper ! a langue des prisonniers et des vaincus. Ct. Masperi), Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 189 ! ), t. iii, p. 423, 545. Une scène chaldéenne, voir t. i, fig. 266, col. 989, représente des prisonniers que l’on torture et auxquels on arrache la langue.

2° Dans le sens métaphorique. — La langue désigne très fréquemment la parole elle-même et la manière bonne ou mauvaise de s’en servir. Les livres des Psaumes, des Proverbes et de l’Ecclésiastique renterment un très grand nombre de sentences qui se rapportent à ce sujet. — 1. La langue est l’instrument de la parole. Job, xxxiii, 2 ; Ps. xxxrx (xxxym), 5 ; xlv (xliv), 2 ; cxxxix (cxxxv.m), 4 ; II Reg., xxiii, 2 ; Is., xlv, 24, etc. La parole est tantôt bi-leSônî, « sur ma langue, » Job, vi, 30 ; Ps. xv (xiv), 3 ; Prov., xxxi, 26, etc. ; tantôt fahaf laSôn, « sous la langue, » Ps. x, 7 ; lxvi (lxv), 17, les deux expressions ayant d’ailleurs le même sens. L’épouse a sous la langue du miel et du lait, Cant., iv, 11, c’est-à-dire de douces et aimables paroles.

— 2. Selon les paroles qu’elle profère, la langue est douce ou perverse, Prov., xv, 4 ; arrogante, Ps. xii (xi), 4 ; mensongère, Ps. crx (cvm), 3 ; Prov., vi 17 ; trompeuse, Ps. lu (li), 6 ; méchante. Prov., x, 31. C’est pourquoi il est dit que « la mort et la vie sont au pouvoir de la langue ». Prov., xviii, 21. — 3. La langue, sans qualificatif, est ordinairement prise en mauvaise part. Le « fléau de la langue » désigne la médisance et la

calomnie, ce que nous appelons des « coups de langue », Job, v, 21 ; Eccli., xxvi, 9. Les ennemis de Jérémie veulent le tuer « avec la langue ». Jer., xviii, 18 ; cl. Ezech., xxxvi, 3. Aussi la langue est-elle comparée au serpent, Ps. cxl (cxxxix), 4 ; à l’arc, Jer., ix, 3 ; à la flèche..Ter., ix, 8. — 4. L’  « homme de langue », ’iS Idsôn, y’ws<n£3ïiî, linguosus, Ps. cxl (Cxxxix), 12 ; Eccli., rx, 25, ou linguatus, Eccli., vin 4, et la lemme yXw<t<t(Ô8ïi<, linguata, Eccli., xxv, 27, sont des personnes de mauvaise langue. Les versions appellent U-^Xuxsaai ; , bilinguis, « double langue, » celui qui parle mal, disant le pour et le contre et blessant la vérité et la charité. Prov., viii, 13 ; xviii, 8 ; Eccli., v, 17 ; vi, 1 ; xxviii, 15. Saint Paul ne veut point de diacres qui soient SiXôyoi, bilingues. I Tim., iii, 8. La troisième langue ou triple langue, jXSxiira rpiT » ), lingua tertia, est quelque chose de pire encore. Eccli., xxviii, 16, 19. « Donner de la langue, » lô’éên, c’est calomnier, xaTaXaXoïv, detrahere. Ps. ci (c), 5. — 5. Saint Pierre recommande d’empêcher sa langue de mal parler, I Pet., iii, 10, et saint Jacques, i, 26, taxe d’irréligion celui dont la langue est sans frein. Ce même apôtre compare la langue au gouvernail qui, malgré sa petitesse, imprime la direction au vaisseau, au petit feu qui peut incendier une grande forêt, aux bêtes sauvages qui sont moins indomptables qu’elle. Il rappelle les biens et les maux dont elle peut être la cause et veut qu’elle ne soit pas autre chose qu’une source de biens. Jacob., iii, 4-12. — Sur les péchés de la langue, voir Médisance, Mensonge,

III. Langue au sens figuré. — 1. Le nom de « langue d’or », lesôn zâhâb, yXSiaaa. -/puirÉa, est donné à une barre d’or, régula aurea, ayant la forme de langue. Jos., vii, 21, 24. — 2. La pointe que tait la mer Morte tant au sud qu’au nord est appelée « langue ». Jos., xv, 2, 5 ; xviii, 19. C’est de la langue du sud que partait la frontière de Juda, pour rejoindre au nord l’autre langue de la mer. Celle-ci s’avançait comme une langue au milieu des terres ; elle y formait des golfes. Aujourd’hui le nom A’El-Lisân est donné au contraire à la langue de terre qui se rattache à la rive orientale de la mer Morte et s’avance vers le nord en forme de langue. Voir Morte (Mer). Isaïe, xi, 15, appelle aussi « langue de la mer d’Egypte » soit l’embouchure du Nil, soit la pointe septentrionale de la mer Rouge. Les géographes arabes donnent également le nom de « langues » aux golfes. Cf. Rosenmûller, Jesaise vatidn., Leipzig, 1811, t. i, p. 450. — 3. Isaïe, v, 24, dit que « la langue de ieu dévore le chaume ». Ailleurs, xxx, 27, il compare la langue de Jéhovah à un feu dévorant. La flamme affecte en effet la forme d’une langue, elle en a la mobilité et semble lécher les objets qu’elle atteint. Quand le Saint-Esprit descendit sur les apôtres, il apparut sous forme de « langues séparées, comme de teu », SiaiispiÇôpievat Y^âddai rixrsl nupdç, dispertitæ linguse tanguam ignis. Aet., ii, 3. Ces langues, ayant l’apparence du feu, symbolisaient la prédication évangélique, et ce teu représentait la grâce qui purifie et qui embrase. Cf. Deut., iv, 24 ; Is., vi, 6-7 ; Matth., iii, 11 ; Luc, iii, 16 ; xii, 49.

H. Lesêtre.

2. LANGUES (CONFUSION DES) à Babel. Voir CpwrtrsiON DES LANGUES, t. ii, col. 920.

3. LANGUE8 (DON DES), faculté surnaturelle de parler des langues étrangères sans les avoir apprises. Notre-Seigneur avait mentionné, parmi les signes qui devaient accompagner ceux qui croiraient en lui, le don de « parler des langues nouvelles », Marc, xvi, 17, c’est-à-dire inconnues de ceux qui s’en serviraient. On appelle quelquefois ce don « glossolalie ».

1° À la Pentecôte. — 1. Quinze peuples de langues diverses sont représentés à Jérusalem au moment de la descente du Saint-Esprit. Act., ii, 9-11. À peine ont-ils reçu cet Esprit, que les Apôtres et les disciples, au

nombre d’environ cent vingt, Act., 1, 15, se mettent à parler des langues étrangères, éiépat. ; yXa><r<raiç, variia linguis, selon que l’Esprit-Saint leur donnait de le taire. La multitude rassemblée autour du Cénacle était stupéfaite, car chacun les entendait parler sa propre langue, t » j I8(a ScaXéxTto XaXoûvTOV atarâv, lingua sua illos loquentes. Ils parlaient tous ensemble ou un grand nombre à la fois, si bien qu’aux yeux des malveillants ils ressemblaient à des hommes ivres. Leurs paroles ne s’adressaient pourtant pas directement aux auditeurs, mais à Dieu dont ils célébraient les louanges dans des langues différentes que comprenaient ceux qui les entouraient. C’est ce qu’exprime la réflexion de ces derniers : « Nous les entendons dire dans nos langues les grandeurs de Dieu. » Act., ii, 4-13. Saint Pierre prend alors la parole, non plus en langue étrangère, mais en araméen, compris également par les Juifs de Judée, et par la majeure partie de ceux de la dispersion et des prosélytes ; il leur montre, dans, ce phénomène surnaturel, l’accomplissement d’une prophétie de Joël, leur prêche Jésus-Christ et convertit trois mille Juifs. Act., ii, 15-41.

— 12. Il résulte de ces textes, que le don de parler les langues étrangères venait aux Apôtres et aux disciples du Saint-Esprit lui-même, de qui dépendaient exclusivement le choix de la langue que chacun devait parler, le moment où il devait parler et les choses qu’il avait à dire. Il faut en conclure encore que le don résidait objectivement dans ceux qui parlaient et non dans ceux qui écoutaient. Saint Grégoire de Nazianze, Orat., xli, 15, t. xxxvi, col. 449, cite et rejette avec raison l’opinion de ceux qui pensaient que les Apôtres parlaient leur langue naturelle, mais étaient miraculeusement compris par des hommes qui n’entendaient pas cette langue. Enfin le texte restreint l’usage des langues diverses à la louange de Dieu et ne l’étend pas à la prédication elle-même. Saint Thomas, Sum. theol, Il a 11*, q. clxxvi, a. 1, dit que les Apôtres ont reçu le don des langues pour pouvoir prêcher l’Évangile aux diverses nations. L’opinion qu’il en a été ainsi est même assez répandue. Elle ne s’appuie pourtant sur aucune donnée scripturaire. À l’aide de l’araméen, les Apôtres ont pu communiquer aisément avec la plupart des Juifs répandu » dans le monde, et le grec a servi à saint Paul pour convertir les Gentils. Les Apôtres ont-ils appris et parlé d’autres langues, ou ont-ils été favorisés, comme saint François-Xavier, du don de prêcher l’Évangile en des langues inconnues d’eux ? Ou bien étaient-ils compris de tous, même quand ils ne parlaient que leur langue habituelle, comme il arrivait pour saint Vincent Ferrier ? Cf. Fages, Histoire de S. Vincent Ferrier, Paris, 1901, t. i, p. 161. Il est possible qu’il en ait été ainsi : mais les textes se taisent à ce sujet, et, toutes les fois qu’il est parlé du don des langues, dans les Actes et les Épltres, c’est dans le sens restreint que nous venons de voir. Le don des langues, en rapport avec la forme que le Saint-Esprit choisit pour manifester sa présence, Act., ii, 3, symbolise l’universalité de la prédication apostolique, par l’effet de laquelle Dieu sera loué dans toutes les langues de l’univers. Rom., xiv, 11 ; Phil., ii, 11. — 3. On s’est demandé quelles langues avaient parlées les cent vingt personnes, apôtres et disciples, qui reçurent le Saint-Esprit au Cénacle. Différentes réponses ont été données : chaque disciple parlait toutes les langues (S. Augustin), chacun parlait la langue du pays qu’il était appelé à évangéliser plus tard (S. Jean-Chrysostome), chacun parlait une langue différente, etc. La question n’est pas de haute importance ; on manque d’ailleurs d’éléments pour la résoudre. Toujours est-il qu’il y eut au moins quinze langues parlées, puisque quinze peuples divers comprenaient ce qui était dit. Act., ii, 8-11. Il y avait là comme une contre-partie de la confusion des langues à Babel ; autrefois des hommes parlant la même langue avaient cessé de se

comprendre ; maintenant des hommes parlant des langues diverses comprenaient ce qui était dit à la gloire de Dieu. C’était le symbole de la prochaine conversion des hommes à la même foi, malgré la diversité de leurs nationalités et de leurs langages. Dans son discours, saint Pierre signale ce phénomène de glossolalie comme l’accomplissement de la prophétie de Joël, ii, 28 (in, 1), disant qu’aux jours du Messie les fils et les filles d’Israël prophétiseront, nibb’ou, itpo< ?/iit)<Tov<31, propfietabunt. Saint Paul, comme nous allons le voir plus loin, fait de la prophétie et du don des langues deux choses nettement distinctes. I Cor., xiv, 5. Mais ce n’est pas dans le même sens que saint Pierre prend le mot prophétie. Il s’agit, dans son discours, de la prophétie telle qu’on l’entendait dans l’Ancien Testament, c’est-à-dire de la manifestation extérieure d’une action extraordinaire exercée par Dieu à l’intérieur de l’âme. L’exercice du don des langues était une prophétie dans le même sens que les actes inspirés par l’Esprit de Dieu à Saùl et aux prophètes de Béthel, I Reg., x, 5-13, aux envoyés de Saùl à Ramatha, I Reg., xïx, 20-24, à Asaph et à Idithun dans le Temple. I Par., xxv, 2, 3.

2° Dans la primitive Eglise. — Le don des langues ne fut pas accordé exclusivement à ceux qui se trouvaient dans le Cénacle, le jour de la Pentecôte. Il devint fréquent et presque coutumier dans la primitive Église. A Joppé, où il était venu surl’ordre de Dieu, saint Pierre instruisait le centurion Corneille et ceux de sa maison, quand tout d’un coup le Saint-Esprit descendit sur eux, avant même qu’ils fussent baptisés, et on les entendit parler les langues, XaXoiivrwv y)(i<7<jat{, loquentes linguis. Act., x, 46. À Éphèse, saint Paul baptisa des disciples de Jean et il leur imposait les mains quand, à la venue du Saint-Esprit en eux, ils se mirent à parler les langues, èXâXouv yXôxiiran ; , loquebantur linguis. Act., xix, 6. À Corinthe, le don des langues était communiqué à beaucoup de fidèles. Saint Paul appelle ce don de différents noms : yêvr) yXoxiijwv, gênera linguarum, « diversité des langues, » I Cor., xii, 10, 28 ; xiv, 10, ou simplement yXtS<r<ja, lingua, « langue, » I Cor., xiv, 2, ou yXw<j<rai, lingual, « les langues. » I Cor., xiii, 8 ; xiv, 5, 22. Il exprime le désir que tous puissent recevoir ce don, etXaXeîv yXw<r<rat ; ou yXw<r<nr), linguis ou lingua loqui, parler « en langues » ou « en langue ». I Cor., xiv, 2, 5, etc. Il ne reproduit pas complètement l’expression de saint Marc, XVI, 67 : XaXsïv xatvaïc yXwa(jaiç, novis linguis loqui, « parler en langues nouvelles, » ni celle des Actes, ii, 4, è-répatc yXw<j<jacç XaXîïv, aliis linguis loqui, « parler en d’autres langues. » Mais toutes ces formules paraissent équivalentes. Saint Paul emploie le mot langue tantôt au singulier, quand il s’agit d’un seul fidèle ne parlant qu’une seule langue, I Cor., xiv, 4, tantôt au pluriel, quand il s’agit de plusieurs fidèles parlant plusieurs langues différentes. I Cor., xiv, 5, 22. Dans les deux cas, il s’agit du même don spirituel. Ce don fut accordé, sans nul doute, à bien d’autres chrétientés. Saint Irénée, Adv. hmres., V, vi, 1, t. vil, col. 1137, atteste qu’il avait encore vu de son temps des chrétiens qui, par la grâce du Saint-Esprit, parlaient toutes sortes de langues, itavToSa-jratçyXûddaiç. Cf. Eusèbe, H. E., v, 7, t. xx, col. 448. La glossolalie disparut peu à peu, quand l’effet qu’elle était destinée à produire put être suppléé par des moyens moins extraordinaires. Dans tous les cas précédents, le don des langues apparaît comme une aptitude d’ordre spirituel, xâpidiia, I Cor., xii, 31, mais nullement comme moyen de prédication. Il n’est pas la spécialité de ceux qui enseignent ; il est accordé à tous les fidèles indistinctement.

3° Nature du don des langues. — Le mot « langue » peut désigner soit l’organe de la parole, soit le langage particulier à chaque peuple, soit la manière de parler propre à chacun des individus qui se servent de la même 77

    1. LANGUES##

LANGUES (DON DES,

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langue. Ces trois sens du mot ont donné lieu à diverses interprétations du don des langues. — 1. Plusieurs auteurs se sont arrêtés au premier sens. D’après eux, le don consistait à parler de la langue, XaXetv ylÛMja-ri, à émettre au moyen de la langue des sons confus et inarticulés, comme ceux des enfants qui commencent à parler (Eichhorn, Néander, Schmidt, etc.), ou bien des exclamations incohérentes et des mots sans suite (Meyer, etc.), ce qui faisait ressembler la glossolalie à l’inspiration des pythonisses, ou enfin des sons imperceptibles, à voix basse, qu’il fallait ensuite interpréter, c’est-à-dire traduire à haute voix (Wiseler). On ne voit pas la nécessité d’une grâce spéciale pour obtenir un pareil résultat, qui est une déformation et non un perfectionnement du langage humain. D’autres ont voulu s’appuyer sur certaines expressions de saint Paul pour identifier plus ou moins la glossolalie avec les langues des anges, I Cor., xiii, 1, les paroles qu’on entend dans le ciel, II Cor., xii, 4, les discours accompagnés d’instruments, I Cor., xiv, 7, 8, comme le kinnôr dont se servaient les anciens prophètes, I Reg., x, 5, les chants en esprit, I Cor., xiv, 15 ; Eph., v, 19, les cris inspirés par l’EsprikSaint, Rom., viii, 15 ; Gal., iv, 6, les soupirs inexprimables de l’Esprit. Rom., viii, 26, etc. Tontes ces explications se heurtent à ce fait que l’Apôtre parle de langues, et qu’il est inadmissible qu’il se soit servi de ce mot dans un autre sens que son sens habituel sans en avertir ses lecteurs. Le mot « langue » a ici sous sa plume la même signification que dans les passages de saint Marc, xvi, 67, et des Actes, II, 4, où il est question de « langues nouvelles » et d’  « autres langues ». D’autre part, saint Paul avait trop présent à l’esprit le phénomène du don des langues â la Pentecôte, pour parler dans les mêmes termes et avec le même mot « langue » d’un don qui eût été différent. Saint Luc fut d’ailleurs longtemps son compagnon d’apostolat, et l’on ne conçoit pas le disciple et l’Apôtre se servant l’un et l’autre d’expressions identiques pour faire connaître des faits extraordinaires dont la nature n’eût pas été la même. Du reste, saint Paul établit clairement l’identité du don des langues dont parle saint Marc avec ce qui se passa à la Pentecôte et à Corinthe, quand lui-même, I Cor. xiv, 21, cite le texte d’Isaïe, xxviii, 11, dans lequel Dieu promet de parler à son peuple en langues étrangères, iv £tepoY>.t » aaoiç et qu’il applique cette prophétie à la glossolalie corinthienne. — 2. D’autres préfèrent le troisième sens du mot langue et font consister le don dans l’usage d’un langage archaïque, poétique, métaphorique à l’excès, semblable à celui qui rendait si obscurs les oracles du paganisme (Bleek, Heinrici, etc.). C’est ce qu’ils appellent parler en « gloses ». On a dit aussi que « parler en langue », c’était parler avec franchise, à découvert, ce que les disciples ne firent qu’à dater de la Pentecôte (Van Hengel). Les textes s’opposent encore à ces interprétations ; il y est question de langues parlées et de diverses langues et nullement d’idiotismes de langage ou de publicité de la parole. — 3. Reste le troisième sens du mot « langue », celui qu’imposent les textes et que tous reconnaissent, à l’exception de quelques commentateurs non catholiques. Il en est cependant, parmi les catholiques (Bisping, etc.), qui croient que le don portait seulement sur l’usage de la langue primitive de l’humanité, que les Apôtres auraient parlée à la Pentecôte, et qui, par miracle, aurait été comprise de chaque auditeur, comme si elle était sa langue propre. Pour expliquer l’intelligibilité de cette langue primitive, on suppose qu’elle renfermait toutes les racines des langues postérieures. D’autres (Billroth, etc.) ont imaginé que dans la glossolalie on parlait une langue composée de mots empruntés à toutes les autres langues. Les expressions du texte sacré ne permettent pas d’admettre ces explications : il y est question non d’une seule langue, mais -de langues variées ; non d’un assemblage quelconque de

mots divers, mais d’un ensemble formant ce qu’on appelle une langue ; non d’une langue primitive, mais de langues que les contemporains peuvent comprendre. Act., H, 11. Il n’y a donc qu’une manière d’entendre les textes : ceux qui étaient favorisés du don spirituel parlaient soit une, soit plusieurs langues étrangères. — 4. À part quelques Pères grecs (saint Cyrille d’Alexandrie, Théodoret, etc.) qui ont pensé que celui qui parlait une langue étrangère, en vertu du don spirituel, la comprenait lui-même, la plupart des anciens ont cru au contraire qu’on recevait le don de parler une langue étrangère sans recevoir en même temps celui de la comprendre. C’est ce qui ressort des explications de saint Paul. I Cor., xiv, 1-25. Celui qui parle les langues a besoin qu’on interprète ses paroles ; il doit prier pour qu’un interprète lui soit donné. S’il se comprenait complètement lui-même, il lui serait aisé de traduire ses paroles en langage ordinaire. — 5. Il est assez difficile de savoir quel était l’état psychologique de celui qui était favorisé du don des langues. L’Apôtre dit que celui qui parle en langue s’édifie lui-même, I Cor., xiv, 4, par conséquent travaille à son propre bien spirituel et à son union avec Dieu. Mais dans quelle proportion la grâce divine et l’activité humaine concouraient-elles à la production de cet heureux résultat ? D’après Dôllinger, Le christianisme et l’Église, trad. Bayle, Paris, 1861, p. 444, « l’état de ceux qui parlaient sous l’influence du don des langues était complètement un état d’enthousiasme et d’extase, qui interrompait la réflexion, la pensée discursive. Ils éclataient en témoignages d’actions de grâces, en hymnes, en prières. Mais ils ne restaient pas libres de choisir la langue dans laquelle ils voulaient se faire entendre ; une force intérieure eé obligeait à parler dans une langue déterminée, qui pouvait leur être entièrement étrangère. Ils avaient bien conscience, dans une certaine mesure, du contenu de leurs discours ; il en avaient une idée générale ; mais d’ordinaire ils éprouvaient une grande difficulté ou une incapacité absolue pour les répéter dans leur langue habituelle. » Saint Paul dit formellement que l’intelligence, voûç, ne tirait pas de profit de la glossolalie, I Cor., xiv, 14, sans nul doute parce qu’elle ne comprenait rien ou du moins ne saisissait que très peu de chose dans ce qui était dit. La même inintelligence se produisait d’ailleurs assez souvent chez les prophètes, cf. S. Thomas, Sum. theol., II a II*, q. clxxiii, a. 4 ; il n’est donc pas étonnant qu’elle se retrouvât chez ceux qui ne recevaient qu’un don inférieur. Ces derniers cependant avaient certainement conscience de leur état el de l’impulsion divine dont ils étaient l’objet. Il faut même conclure des paroles de saint Paul, I Cor., xiv, 27, 28, qu’ils pouvaient soit régler, soit arrêter les effets de cette impulsion. Il est d’ailleurs possible que, dans le don des langues, l’action surnaturelle variât selon les sujets, et que dans ces derniers l’état d’intelligence et de conscience fût assez différent, suivant les circonstances, les aptitudes naturelles, etc. Les textes ne permettent pas de conclure d’une manière plus précise au sujet d’un phénomène transitoire et depuis si longtemps disparu. On ne peut dire non plus si le don était per-* maitent dans celui qui l’avait reçu, ou s’il n’était que momentané. Cette seconde hypothèse paraît plus vraisemblable. Act., ii, 4. — 6. Enfin il est hors de conteste que le don des langues était accordé non pour l’enseignement, mais pour la célébration des louanges divines. Les Apôtres, le centurion Corneille, les disciples de Jean ne reçoivent le don des langues que pour glorifier Dieu. Act., ii, 4-13 ; x, 46 ; xix, 6. Les auditeurs s’instruisent si peu en les écoutant qu’ils les prennent pour des fous. Act., ii, 13 ; I Cor., xiv, 23. C’est en vertu d’un don tout différent que saint Pierre parla aux Juifs dans la langue qu’ils comprenaient et les convertit. Act., ii, 14-37.

4° Usage du don des langues. — Saint Paul s’étend avec détail sur l’usage qui doit être lait dans l’Église du don des langues et en même temps il en complète la notion. — 1. Le don des langues est inférieurs la prophétie, par laquelle on parle aux hommes au nom de Dieu pour les instruire et les encourager. Par la glossolalie on parle â Dieu, non aux hommes. On n’édifie que soi, ce qui suppose que, même en ne comprenant pas ce qu’on dit, on reçoit cependant, en même temps que le don, une grâce intérieure qui unit l’âme à Dieu. C’est pourquoi l’Apôtre souhaite ce don à tous ; mais il préfère la prophétie, à moins que quelqu’un ne soit là pour expliquer ce qui a été dit en langue étrangère et ainsi édifier l’Église. I Cor., xiv, 1-6 ; cf. S. Thomas, Sum theol., II » II*, q. clxxvj, a. 2. — 2. S’il est isolé, le don des langues n’a donc pas grande utilité. Ceux qui désirent les dons spirituels doivent aspirer à de plus utiles. I Cor., xiv, 7-12. Pratiquement, celui qui a la glossolalie doit prier pour qu’un autre auprès de lui obtienne le don de l’interprétation. Saint Paul a dit plus haut que le possesseur de ce don s’édifie lui-même. Ici, il distingue : c’est le mvj^.a, spiritus, qui prie, c’est-à-dire que la iaculté affective de l’âme, sous l’impulsion de l’Esprit-Saint, s’élève utilement à Dieu et s’unit à lui ; pendant ce temps, le voû ; , mens, la faculté intellectuelle de l’âme, ne comprenant à peu près rien à ce qui est dit en langue étrangère, demeure sans profit, axapitoc, sine fructu. Ainsi en e^t-il, par exemple, de celui qui récite un psaume en latin sans comprendre cette langue ; son âme tend vers Dieu par des sentiments affectifs, mais son intelligence ne trouve aucun aliment dans les paroles latines. Le mot mvsûfia ne saurait avoir ici un autre sens. Le irveûu.a de l’homme est, dans ce passage, le siège du sentiment et de l’intuition de l’amour divin, sous l’action du izvzvy.a âytov, par opposition au voûc, qui est le siège de la connaissance consciente et réfléchie. Le voûç et le icvevijj.a représentent ainsi dans l’homme une image de ce que sont en Dieu le Fils, voû< ou 16yo< ; , et le Saint-Esprit, icveOaa. Cf. Frz. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 184-186. Dans son Épître aux Éphésiens, iv v 23, l’Apôtre réunit les deux mots, quand il dit qu’il faut se renouveler râ 7tveij(iau toû vo<5ç, spiritu mentis. Ces deux mots désignent l’âme elle-même, mais en deux de ses facultés, et c’est par le Ttveûjia, en communication par la grâce avec l’Esprit-Saint, que doit se renouveler le vo0 « , l’intelligence, qui autrement ne recevrait ses inspirations que de la chair et serait un voï ; tï)Ç erapx<Sç. Eph., M, 18. Cf. S. Augustin, De Trinitate, XIV, xvi, 22, t. xlii, col. 1053. Le « vêtira dont parle saint Paul n’est donc ni l’essence intime de l’âme (Bisping), ni la partie la plus profonde de l’intelligence |Bengel, Meyer, etc.), ni la faculté imaginative, ni la raison inspiratrice, ni le souffle physique qui fait proférer la parole, ni l’Esprit-Saint lui-même qui pousse à la prière. Saint Paul veut qu’on prie et qu’on chante à la lois avec le itve0(ta et avec le voûç, par conséquent avec tout ce qui doit rendre l’acte religieux affectif et intelligent. Il conclut en disant qu’il préfère cinq paroles dites avec le voû ; , de manière à instruire les autres, que dix mille avec le ïuve-j|kx, qui intervient seul dans la glossolalie. I Cor., xiv, 13-19. — 3. Même en présence des infidèles, le don des langues ne peut être utilisé qu’imparfaitement. Ce don est un signe pour les infidèles, signe qui peut les édifier en les étonnant, lorsqu’ils comprennent ces langues étrangères, comme à la Pentecôte, Âct., ii, 11, mais signe qui d’ordinaire n’attire leur attention qu’en les déconcertant. Ainsi arrivet-il que si, dans une assemblée où s’exerce la glossolalie, entrent des infidèles ou même une personne qui ignore ce genre de manifestations spirituelles, un tSwàrriç, idiota, ils prendront pour des fous, pour des agités du démon, naivciŒ, ceux qui ont le don des langues. Ces

infidèles seront, au contraire, touchés et convertis si le fidèle qui a le don de prophétie et qui parle au nom de Dieu leur tient des discours qui vont au fond du cœur et y portent la conviction. I Cor., xiv, 20-25. — 4. Il faut donc régler l’exercice du don des langues, aussi bien que celui des autres dons spirituels, afin que tout se passe à l’édification générale. Quand des fidèles reçoivent le don des langues, deux seulement et trois au plus peuvent prendre la parole, et encore ils ne doivent le faire que tour à tour. Mais comme oatte parole a besoin d’être interprétée, si l’interprète lait défaut, que le fidèle qui a le don des langues garde le silence. Toutefois, la glossolalie comporte une grâce d’édification personnelle, I Cor., xiv, 4 ; il ne convient donc pas d’en priver le fidèle. Celui-ci parle alors en langue étrangère, mais en silence et seulement pour deux auditeurs, lui-même et Dieu. En terminant ce qu’il a à dire sur ce sujet, l’Apôtre résume tout en deux mots : « Souhaitons le don de prophétie, » parce que c’est un don des plus utiles à l’Église ; mais « n’empêchez pas de parler en langues », parce que, malgré son infériorité, ce don profite à tous quand l’interprétation accompagne la glossolalie, et il profite au fidèle qui le possède, même quand celui-ci ne peut l’exercer publiquement. I Cor., 26-28, 39. — 5. De ces remarques de l’Apôtre, il suit que le don des langues ne différait pas à Corinthe de ce qu’il avait été à Jérusalem, à Joppé et à Éphèse. Il ne s’agissait pas de langues créées de toutes pièces, ni de cris inarticulés, ni d’exclamations extatiques, ni même seulement d’expressions figurées et enthousiastes, mais de langues connues et parlées par d’autres hommes, dont le Saint-Es.prit communiquait l’usage momentané à certains fidèles, dans l’unique but de louer Dieu. Cette louange de Dieu en langue étrangère ne pouvait être comprise et ne devenait utile que si on la traduisait à l’usage des auditeurs. C’est pourquoi le don des langues avait à être complété par un autre, que l’Apôtre appelle èp|ievesa yX^aa-ûv, interprétatif) sermonum, « interprétation des langues, » I Cor., xii, 10, et ce don d’interprétation dépendait du Saint-Esprit, I Cor., xii, 11, mais n’était pas toujours accordé en même temps que le premier. ICor., xiv, 28. Il est à noter que, dans l’énumération des dons spirituels, la glossolalie et l’interprétation viennent en dernière ligne, à raison sans doute de leur moindre importance. I Cor., xii, 8-10. Le don d’interprétation était même beaucoup plus rare que le don des langues. Le Saint-Esprit ne devait pas communiquer le don d’interprétation quand il n’y avait rien à interpréter, et, de plus, ce don faisait assez souvent défaut, alors que le premier s’exerçait. I Cor., xiv, 28.

5° Caractère surnaturel du don des langues. — El » pfusieurs circonstances, on a vu des personnes parler des langues qu’elles n’avaient jamais apprises. Le fait se constate fréquemment dans les cas de possession diabolique, si bien que le Rituel romain, De exorcizandis obsessis a dsemonio, range parmi les signes de la possession la faculté de parler une langue inconnue ou de comprendre celui qui la parle. Il est de toute évidence que le don des langues accordé aux Apôtres et aux premiers fidèles ne provient pas d’une pareille source. Les textes l’attribuent formellement à l’action du Saint-Esprit, Act., ii, 4 ; x, 44, 46 ; xix, 6 ; I Cor., xiv, 2, et saint Paul n’aurait pas pris pour la manifestation de la puissance divine une faculté due à la présence du. démon. On a également constaté chez certaines personnes soumises à l’influence hypnotique cette même facufté de parler ou de comprendre des langues qui leur étaient étrangères. Mais on a remarqué aussi que les hypnotisés, ou les esprits qui sont censés agir en eux, ne pouvaient parler ou comprendre que des langues connues du médium ou des assistants, ce qui parait ramener cette faculté à un simple phénomène naturel

de suggestion ou de lucidité. Cf. A. Arcelin, La dissociation psychologique, dans la Revue des questions scientifiques, Bruxelles, avril 1901, p. 452. Le don des langues était certainement de tout autre nature chez les premiers chrétiens, puisqu’il se manifestait d’ordinaire dans des milieux où les langues parlées étaient si bien ignorées qu’on ne trouvait pas toujours d’interprètes, tels que le Saint-Esprit pouvait seul en susciter, pour Iraduire ce qui avait été dit. I Cor., XIV, 13, 28. Ce qui prouve encore le caractère surnaturel du don des langues, tel qu’il s’exerçait à Corinthe, c’est la iacilité qu’il avait d’être réglé par l’obéissance. I Cor., xiv, 27. Or, en théologie mystique, on a toujours regardé l’obéissance du sujet comme la garantie la plus sûre de l’action divine. Cf. Ribet, La Mystique dÏOT « e, Paris, 1883, t. iii, p. 66. Voir Dons surnaturels, t. ii, col. 1484-1486 ; J.Frd. Melville, Observationes theologico-exegeticse de dona linguarum in Novo Testamento commemoralo, in-4°, Bàle, 1816 ; Bleek, Veber die Gabe des yû>aaait XaXeîv in der ersten christlichen Kirche, dans les Theologische Sludien und Kritiken, t. ii, 1829, p. 379 ; Ad. Hilgenfeld, Die Glossolalie in der alten Kirche, in-8°, Leipzig, 1850 ; Ëd. Reuss, La Glossolalie, dans la Revue de théologie de Strasbourg, t. iii, 1851, p. 65-97 ; Dollinger, Le christianisme et Vhglise, trad. Bayle, Tournai, 1863, p. 442-446 ; Corluy, Langues (dans la primitive Église), dans le Dictionnaire apologétique de Jaugey, Paris, 1889, col. 1785-1800 ; Cornely, In S. Pauli prior. Epist. ad Corinthios, Paris, 1890, p. 410-447 ; Le Camus, L’œuvre des Apôtres, Paris, 1891, p. 16-23 ; Fouard, Saint Paul, ses missions, Paris, 1892, p. 241-247.

H. Lesêtre.
    1. LANTERNE##

LANTERNE (grec : <pav6<i ; Vulgate : laterna), sorte de boîte, dont les parois de vessie, de corne ou de verre, protègent une lumière portative contre le vent tout en la laissant transparaître. La Bible n’en parle qu’une fois, dans le Nouveau Testament. Quand Judas marche vers Gethsémani, il est accompagné d’une cohorte et de serviteurs du Temple, (letà tfmmv xaî XajjutâSiov, « avec des lanternes et des torches. » Joa., xviii, 3. Il était en effet nécessaire, bien qu’on fût à l’époque de la pleine lune, d’avoir des lumières pour éclairer l’ombre épaisse des oliviers du jardin. Le <pav<Sç, qui désigne ordinairement un flambeau ou une torche, est aussi le nom de la lanterne, bien qu’assez

tard, dans Athénée, Deipno soph., 700. La mention des

torches, XotfnràSeç, dans ce

passage de l’Évangile, per met d’affirmer qu’ici les <pa vot sont bien des lanternes,

conformément à la traduc tion de la Vulgate. Les lan ternes paraissent avoir été en

usage chez les Égyptiens

(fig. 35). En tout cas, elles

étaient bien connues à l’épo que romaine. Cf. Rich, Dict.

des Antiq. romaines et grec ques, trad. Chéruel, Paris,

1873, p. 352. Les lanternes

étaient employées à bord des

navires. Cf. Xénophon, Hel len., V, i, 6 ; Diodore de Si cile, xx, 75 ; Tite Live, xxix,

25. On a retrouvé, à Hercu lanum et à Pompéi, des lan ternes de bronze, cylindriques, avec des parois de corne, ouvrant seulement par le haut (fig. 36, col. 83). Les soldats romains de l’Antonia avaient certainement des lanternes à leur usage. Les Juifs de l’époque évangélique se servaient aussi très probablement de lanternes, au moins dans le Temple et dans les demeures importantes. Il

35. — Lanterne égyptienne.

D’après Wilkinson, Man ners and Customs of

the ancient Egyptians,

édit. Birch, t. ii, fig. 385.

n’est donc pas étonnant d’en trouver dans l’escorte nocturne

de Judas.

H. Lesêtre.
    1. LAODICÈE##

LAODICÈE (grec : AaoStxec’a ; Vulgate : Laodicia), ville de Phrygie, située sur la rive gauche du Lycus (fig. 37).

1° Laodicée dans le Nouveau Testament. — 1. Une Église chrétienne fut créée dans cette ville dés le temps des Apôtres. Saint Paul, Col., ii, 1, la mentionne comme étant étroitement unie à celle de Colosses. Comme celle-ci, elle n’avait pas été établie directement pat* l’Apôtre ; elle était de celles qui « n’avaient pas encore vu son visage de chair », mais pour lesquelles il soutenait « un grand combat ». Col., ii, 1. La chrétienté de Laodicée avait été très probablement fondée, comme celles de Colosses et d’Hiérapolis, par le Golossien Épaphras. Saint Paul nous montre en effet, celui-ci qui avait été son disciple, probablement à Éphèse dans l’école de Tyrannus, s’occupant avec grande sollicitude des fidèles de Laodicée et d’Hiérapolis. Col., IV, 13. Voir Épaphras, t. ii, col. 1819. Il avait eu pour collaborateur Nymphas dans la maison de qui était le lieu de réunion des fidèles de Laodicée. Col., iv, 15. Voir Nymphas. En même temps qu’il demandait aux Colossiens de communiquer à l’Eglise de Laodicée la lettre qu’il leur envoyait, il leur recommandait de lire eux-mêmes publiquement celle qui leur parviendrait de Laodicée, c’est-à-dire, selon toutes les vraisemblances, une lettre que lui-même avait écrite ou devait écrire aux Laodicéens. Col., iv, 16. Voir Laodicéens (Épitre aux). — 2. L’Église de Laodicée est une des sept aux évêques desquelles sont adressées les lettres par lesquelles débute l’Apocalypse. Apoc, I, 11. La lettre à l’Ange de Laodicée (voir Ange, 8, t. i, col. 591) contient des reproches sur sa tiédeur. Son amour des richesses l’a aveuglé. Il ne voit pas qu’en réalité devant Dieu il est misérable, pauvre, aveugle et nu. Il doit acheter du Seigneur : de l’or éprouvé par le feu, pour être riche ; des vêtements blancs, pour que la honte de sa nudité ne paraisse pas et un collyre (voir Collyre, t. ii, col. 842) pour oindre ses yeux afin de voir. En d’autres termes, il faut qu’il ait du zèle et se repente. Apoc, iii, 14-21. La première Épîtreà Timothée se termine sur un certain nombre de manuscrits grecs par ces mots : « écrite à Laodicée, métropole de la Phrygie Pacatienne. » La Vulgate n’a pas inséré cette mention.

2° Histoire. — La ville de Laodicée portait originairement le nom de Diospolis ou de Rhoas. Pline, H. N., V, xxix, 105. Sur le même emplacement, Antiochus II Théos établit entre 266 et 246 une des colonies que les rois syriens multiplièrent dans leur royaume pour assurer leur domination. Il lui donna le nom de sa temme Laodicé. Etienne de Byzance, 1825, 1. 1, p. 272. La population grecque fut toujours très peu nombreuse et ne consista guère que dans les ionctionnaires et la garnison ; les habitants restèrent en immense majorité syriens. La principale divinité de la ville est désignée sous le nom de Zsjç’A<reîç. Le mot Aseis ne paraît être autre chose que la transcription grecque d’un mot sémitique, Aziz, qui signifie puissant et qui est traduit dans les inscriptioBa de Laodicée par û^iaxo ; . C. Waddington, Voyage en Asie Mineure au point de vue numismatique, in-4°, Paris, 1853, p. 25-26 ; W. Ramsay, The Cities and Bishoprics of Phrygia, in-4°, Oxford, 1895, p. 78, insc. 14. La ville de Laodicée était située sur un des contreforts des monts Salbacus, sur la rive gauche du Lycus, entre l’Asopus et le mont Cad m us. Le territoire de la cité s’étendait entre le Lycus et le Caprus. Laodicée était donc sur la frontière de la Carie donl le Caprus formait la limite. Pline, H. N., V, xxix, 118 ; Strabon, XII, vm, 16. La ville fit partie des États d’Eumène, roi de Pergame ; elle souffrit beaucoup durant la guerre de Mithridate contre les Romains. Appién, Bell. Mithr., 20 ;

Strabon, XII, viii, 16 ; mais elle recouvra bien vite, sous la domination romaine, une prospérité qui alla se développant. Strabon tait dater sa splendeur de son propre temps, c’est-à-dire de la fin du premier siècle avant J.-C. À cette époque, en effet, Laodicée devint une des villes les plus importantes de l’Asie mineure

également renommées. Talmud, Kelim, xxix, 1 ; NitMa, vm, 1. Cf. Buchenschûtz, Die Haupstàtten des Gewerhfleisses im klassichen Altertlmm, Leipzig, in-8°, 1869, p. 61, 65 ; Blûmner, Technologie und Terminologie der Gewerbe und Kûnste bei Greichen und Rômern. in-8°, Leipzig, 1875-1884, p. 26-28. Il est encore

  • &>&

80. — Lanternes romaines trouvées à Herculanum et à Pompéi. D’après une photographie.

par ses richesses et son commerce. Les environs produisaient une race de moutons dont la laine était très

37. — Monnaie de Laodicée de Phrygie. ÏÏEPQN KAIEAP. Tête de Néron jeune, à droite. Grénetis au pourtour. — 3. TAIŒ nŒTOMOr AAOAIKEQN. Jupiter debout à gauche. Dans le champ, la lettre B dans une couronne.

recherchée à cause de sa finesse et de leur belle teinte noire qu’on appelait coraccine, ou noir de corbeau. Strabon, XII, viii, 16. Les sandales de Laodicée étaient

question de ces produits dans l’édit de Dioclétien sur le maximum. Le Bas et Waddington, Voyage archéologique en Asie Mineure, in-f°, Paris, 1847-1863, t. iii, p. 164, 174.

Un certain nombre d’habitants de Laodicée étaient parvenus à une très grande richesse, avaient embelli leur ville et lui avaient légué des sommes considérables. Parmi ces citoyens opulents et généreux, Strabon cite Hieron, Zenon et son fils Polémon qu’Antoine etvuguste élevèrent à la dignité royale et à qui furent attribués le Pont qui porta le nom de Polémoniaque, l’Arménie et la côte autour de Trébizonde. Voir Dion Cassius, xlix, 25, 33, 34 ; cf. Th.Mommsen et J. Marquardt, Manuel des Antiquités romaines, t. ix (.T. Marquardt, Organisation de l’Empire romain, t. n), trad. franc., in-8°, Paris, 1892. p. 279. De nombreux banquiers étaient établis à Laodicée. Cicéron, Ad. fam., iii, 5 ; cf. ii, 17. Cette prospérité de la ville explique la nature des reproches que saint Jean adresse à l’évêque de Laodicée

et des conseils qu’il lui donne : « Achète-moi l’or éprouvé par le feu, » par opposition à l’or qu’on trouve chez les banquiers. Apoc., iii, 17, 18.

Laodicée avait reçu de Rome le privilège de ville libre. Corpus inscript, latin., t. i, n. 587. Le district judiciaire ou conventus dont elle faisait partie, quoique appartenant à la province d’Asie, en avait été détaché du temps de Cicéron et soumis au gouverneur de Cilicie. Cicéron, Ad. fam., xiii, 67, 1. Les vingt-cinq cités du conventus se réunissaient à Laodicée où se tenaient les assises judiciaires. Pline, H. N., V, xxiv, 105 ; Cicéron, Ad. Attic., V., 21, 9 ; Ad famil., III, viii, 5 ; XV, iv, 2. Toute cette région était fréquemment bouleversée par des tremblements de terre. Celui qui eut lieu en 60 après J.-C., sous le règne de Néron, fut

the East and sonie others countries, Londres, 1745, t. ii, part, ii, p. 71 ; Chandler. Travels in Asia Minor, in-8°, Oxford, 1775, p. 224 ; F. V. Arundell, À visit to the seven Churches in Asia, in-S°, Londres, 1828, p. 84 ; Id., Dixcoveries in Asia Minor v in-8°, Londres, 1834, t. ii, p. 180 ; W. J. Hamilton, Researches in Asia Minor, in-8°, Londres, 1842, t. i, p. 514 ; W. Ramsay, The Cities and Bishoprics of Phrygia, in-4°, Oxford, 1895, t. i, p. 32-84 ; J. B. Lightfoot, Epistles to the Colossians and to Philemon, 3e édit., in-8°, Londres, 1879, p. 5-9, 42-43 ; E. Le Camus, Voyage aux Sept Églises de l’Apocalypse, in-4°, Paris, 1896, p. 196-202 ; Anderson, dans le Journal of Hellenic Studies, 1897, p. 404 ; Weber, dans le Jarhrbuch des k. deutschen arcliâologischen Instituts, t. xiii, 1898, p. 1. E. Beurlier.

38. — Ruines de Laodicée. D’après une photographie de M. H. Camboumac.

l’un des plus terribles ; mais les désastres qu’il produisit turent vite réparés, Strabon, ibid. ; Tacite, Ann., xiv, 27.

Il y avait à Laodicée une colonie juive considérable. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 20, publia une lettre des autorités de Laodicée à un magistrat romain, probablement le proconsul d’Asie, dans laquelle ils s’engagent à ne pas troubler les Juifs dans l’observance du sabbat et 4e leurs usages religieux. Les Juifs de Laodicée envoyaient régulièrement leur tribut au temple de Jérusalem. Le proconsul Flaccus, durant son administration en 62 avant J.-C., confisqua ce tribut qui pour Laodicée s’élevait à vingt livres d’or. Cicéron, Pro Flacco, xxviii. — Certains auteurs font d’Archippe, dont il est question dans Col., iv, 17, et de Nymphas, Col., iv, 15, les premiers évêques de Laodicée. Voir Archippe, t. iii, col. 932, et Nymphas. Diotrèphe, III Joa., 9, aurait été le troisième, mais cela n’est pas prouvé.

3° Site. — Le site de Laodicée a été souvent décrit par les voyageurs. Ils signalent parmi les ruines qui subsistent celles d’un stade, d’un gymnase, d’un aqueduc, de théâtres, d’odéons, de temples, et enfin celles des murailles de la ville (fig. 38). La plus ancienne description est celle de Smith, Survey of seven churches of Asia, in-8°, 1678, p. 250. Cf. Pococke, Description of

    1. LAODICÉENS##

LAODICÉENS (ÉPITRE AUX). À la fin de l’Épitre aux Colossiens, saint Paul exhorte ceux-ci à envoyer aux Laodicéens la lettre qu’il leur adresse et à lire celle qui leur viendra de Laodicée. Col., iv, 16. S’agit-il d’une lettre de l’Apôtre aux Laodicéens ou d’une lettre des Laodicéens à l’Apôtre ? il est difficile de le dire, Winer, Grammatik des Neutestamentlich Sprachidioms, in-8°. Leipzig, 1830, p. 434, pense ^qu’il s’agit d’une lettre écrite aux Laodicéens et envoyée de Laodicée à Colosses. En effet s’il agit d’une lettre des Laodicéens à saint Paul, il aurait fallu que celui-ci l’envoyât aux Colossiens. De plus, on se demande à quoi eût pu servir cette lettre aux Colossiens ? À cette question ceux qui prétendent qu’il s’agit d’une lettre de saint Paul répondent qu’elle pouvait contenir des renseignements qui auraient amené l’Apôtre à écrire certains passages de son Epltre aux Colossiens et qu’à cause de cela il leur dit de la lire après qu’ils auront lu celle qu’il leur adresse. Ce sont là de pures hypothèses, et le plus vraisemblable est qu’il s’agit d’une lettre de saint Paul aux Laodicéens. Un grand nombre d’auteurs pensent que l’Épitre aux Laodicéens était la même que l’Épitre aux Éphésiens. — Celle-ci, en effet, est une sorte d’encyclique et, si elle porte dans le recueil canonique le nom d’Éphèse, c’est qu’elle a été copiée d’après l’exemplaire conservé dans 87

    1. LAODICÉENS##

LAODICÉENS (ÉPITRE AUX) — LAPIDATION

cette ville, métropole de l’Asie. Marcion prétendait qu’il iallait lire en tête de la lettre : Ad Laodicaros. Il est possible que ce fût une simple conjecture de sa part. Tertullien, Adv. Marcionem, v, 11, 17, P. L., t. ii, col. 500-502. Cf. S. Épiphane, Hier., xliii, 9, t. xli, col. 708, el t. xlviii, col. 721 ; E. Jacquier, HistQire des Livres du Nouveau Testament, in-18, Paris, 1903, t. i, p. 286, 289 ; Éphésiens (Épitre aux), t. ii, col. 1849-1851.

— Il existe une épître apocryphe qui porte le nom d’Êpître aux Laodicéens et dont on n’a qu’une version latine et une version arabe faite d’après le latin. C’est un centon de passages empruntés à l’Epltre aux Galates et à l’Epître aux Éphésiens. Le texte arabe a été publié dans la Revue biblique, 1896, p. 221. Voir ÉpitbES apocryphes, 7, t. ii, col. 1899. Cf. R. Anger, Ueber den Laodicenerbrief, in-8°, Leipzig, 1843 ; A. Sartori, Ueber den Laodicenserbrief, in-8°, Lûbeck, 1853.

E. Beurlier.

LAOMIM (hébreu : Le’ummîm, « peuples ; » Septante : Ai[US(i) ; nom ethnique du troisième fils de Dadan. Il était petit-fils de Jecsan et arriére-petit-fils d’Abraham et de Cétura. La Vulgate écrit son nom Loomim dans Gen., xxv, 3, et Laomim dans I Par., i, 32. L’hébreu et l’édition sixtine des Seplante omettent Laomim et ses deux frères dans I Par. La forme plurielle du nom semble désigner la tribu ou les tribus dont Laomim a été la souche. Laomim, dit saint Jérôme, Quœst. heb. in Gen., xxv, t. xxiii, col. 976, cfiXapyoi, id est, principes multarum tribuum et populorwm. — Les Laomim n’ont pas été jusqu’ici identifiés. Voir Arabie, 1. 1, col. 860. On à rapproché hypothétiquement leur nom de divers noms géographiques, tels que celui des’A ».o-j|AiwTçts de Ptolémée, vi, 7, 24, qui étaient voisins des Gerrhéens (Gesenius, Thésaurus, p. 737), en supposant Le’ummîm précédé de l’article arabe al. On l’a rapproché aussi de Aou|xâ, ville de l’Arabie déserte mentionnée dans Ptolémée, vj-19. Voir Ch. Forster, The historical Geography of Arabia, 2 in-8°, Londres, 1844, t. i, p. 335-336. D’après Fresnel, les Le’ummîm ne sont pas autres que les Oumayyîm, leur nom étant précédé de l’article dans la forme hébraïque. Les Oumayyîm sont une des plus anciennes tribus arabes, dont la généalogie est inconnue aux plus anciens écrivains du pays. Sur l’histoire des Arabes avant l’islamisme, dans le Journal asiatique, 3e série, t. vi, 1838, p. 217-218. On a trouvé dans une inscription sabéenne un nom qui ressemble à celui des Le’ummîm. D. S. Margoliouth dans Hastings, Dictionary of the Bible, t. iii, p. 99. Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und Géographie À rabiens, t. ii, 1890, p. 460, place les Laomim dans la péninsule du Sinaï, et il fait, p. 401, la remarque qu’un certain Ahiyababa, dont il est question dans une inscription d’Assurnasirhabal, i, 75, pouvait appartenir à la tribu des Laomim, car il est appelé mârlaam-man, « homme de Lâamman. » Steiner, dans Schenkel, Bibel-Lexicon, t. iv, 1872, p. 29, émetl’hypothèsequele moi Le’ummîm est un nom d’artisans et signifie s soudeurs de métaux ». Frd. Keil, Genesis, 2e édit., 1866, p. 174, identifie les Le’ummîm avec les BanuLâm qui s’étendaient jusqu’à Babylone et à la Mésopotamie. Une telle diversité d’opinions montre que la question n’est pas résolue.

F. Vigodrocx.

LA PEYRIÈRE (Isaac de), érudit français, né à Bordeaux eu 1594, mort à Paris le 30 janvier 1676. Il suivit d’abord la carrière des armes et s’attacha à la fortune du prince de Condé qui le chargea d’une mission particulière en Espagne ; il l’accompagna ensuite dans les Pays-Bas. Ce fut en Hollande que Isaac de la Peyrière fit paraître sans nom d’auteur son fameux livre : Prœadafiiitse sive exercitatio super versibus 12, 13 et 14 capitis v Epistolse D. Pauli ad Romanos quibus indicantur primi homines anle Adamum condili, in-4°, s. 1., 1655 ; in-12, s. 1., 1656. D’après l’auteur, il y eut deux créa tions, l’une du monde physique, l’autre pour le peuple juif dont Adam fut le chef. Certaines nations sont plus anciennes qu’Adam. Le déluge ne submergea que la Judée et n’engloutit pas tous les hommes à l’exception de Noé et de sa famille. Le parlement de Paris condamna le livre au feu etl’archevéque de Malines fit arrêter l’auteur à Bruxelles. Mis en liberté, il se rendit à Rome, rétracta ses erreurs et abjura le calvinisme. Il rejoignit ensuite le prince de Condé dans les Pays-Bas, rentra en France avec lui et devint son bibliothécaire en 1659. Il se retira au séminaire de Notre-Dame-des-Vertus, près de Paris, où il mourut. Nous citerons encore les ouvrages suivants d’Isaac de la Peyrière : Traité du rappel des Juifs, in-8°, Paris, 1643 : tous les Juifs finiront par se convertir et un roi de France les rétablira en Terre-Sainte ; Systetna theologicum exPreeadamitarumhypothesi, in-io, s. 1., 1655 ; Epislola ad Philotitnum qua exponit rationes propter quas ejuravit sectam Calviniquamprofitebatur et librum de Prseadamitis quem ediderat, in-4°, Rome, 1657 : une traduction française en a été publiée sous le titre : Apologie delà Peyrière faitepar lui-même, in-12, Paris, 1663. Il était en outre l’auteur des notes de la Bible française de l’abbé de Marolles dont l’impression fut arrêtée par ordre du chancelier Pierre Séguier. — Voir Lelong, Bibliolh. sacra, p. 332 ; Walch, Biblioth. theologica, t. i, p. 755, 756. B. Hedrtebize.

LAPIDATION, supplice infligé à certains coupables que l’on tuait à coups de pierres. Le nom de la lapidation ne se lit pas dans la Sainte Écriture ; on n’y rencontre que les verbes qui signifient « lapider », sâqal et rdgam, auxquels s’ajoute quelquefois le complément bâ’ébén, « avec la pierre, » ou bâ’âbdnîm, « avec des pierres. » Septante : XiOoêoXecv, XiOâÇeiv ; Vulgate : lapidare.

I. La lapidation populaire. — Quand le peuple entre en fureur contre quelqu’un qui l’offense ou le contrarie, il cherche à le frapper. Chacun saisit alors ce qui se rencontre le plus facilement sous la main : des pierres ; il les jette de loin ou de près contre celui qui a excité sa colère, et souvent arrive ainsi à le mettre à mort. Cf. Thucydide, v, 60 ; Pausanias, Vm, 5, 8 ; Elien, Var. kist.j v, 19 ; Strabon, iii, 155 ; Ctésias, Persic, 43 ; Quinte-Curce, vi, 11, 38. La Sainte Écriture fournil un certain nombre d’exemples de ce genre d’exécutions : 1° Quand le Pharaon d’Egypte permet à Moïse et à Aaron d’offrir des sacrifices à leur Dieu, mais dans le pays même et non dans le désert, Moïse objecte que les Égyptiens seront tentés de lapider les sacrificateurs en les voyant immoler des animaux que l’on vénère sur les bords du Nil. Exod., viii, 26. Dans les monuments et les textes égyptiens jusqu’ici connus, il n’est jamais question de lapidation. Il est donc probable que dansca passage, sâqal signifie simplement « tuer, faire mourir de mort violente ». — À Raphidim, quand le peuple se révolte contre Moïse, celui-ci dit au Seigneur : « Encore un peu et ils me lapideront. » Exod., xvii, 4. De fait, dans une nouvelle révolte au désert, les Hébreux parlèrent de lapider Moïse et Aaron. Num., xiv, 10. — 2° Les habitants de Siceleg songèrent à lapider David, auquel ils attribuaient la responsabilité des ravages exercés dans leur pays par les Amalécites. I Reg., xxx, 6. Pendant sa, fuite devant Absalom, David fut poursuivi par Séméï, qui l’injuriait et lui jetait des pierres. II Reg., xvi, 6, 13. Adoniram (Aduram), intendant des impôts sous David et sous Salomon, fut lapidé par les hommes des dix tribus révoltées, auxquelles Roboam l’avait envoyé. 1Il Reg., xti, 18 ; II Par., x, 18. Voir Adoniram, t. i, col. 227. — 3° La lapidation était encore familière aux Juifs à l’époque évangélique. Josèphe, Ant. jud., XIV, ii, 1, raconte que quelques années auparavant, sous Aristobule II, ua saint homme, du nom d’Onias, avait été lapidé à Jérusalem par des Juifs révoltés, dont il ne voulait pas épou

ser la cause. Les contemporains du Sauveur tentèrent plusieurs fois de le lapider dans le Temple. Joa., viii, 59 ; x, 31, 33 ; xi, 8. Les docteurs eux-mêmes craignirent d’être lapidés dans le Temple par le peuple, s’ils disaient que le baptême de Jean venait des hommes et non de Dieu. Luc, xx, 6. Ce Temple, dont Hérode avait commencé la restauration en l’an 19 avant Jésus-Christ, ne fut complètement achevé que sous Agrippa II, l’an 64 après Jésus-Christ. Cet achèvement, au dire de Josèphe, Ant. jud., XX, ix, 7, laissa plus de dix-huit mille ouvriers inoccupés. On comprend que les déchets d’appareillage et de sculpture aient mis longtemps aux mains des Juiis toutes les pierres qu’ils pouvaient désirer pour lapider quelqu’un dans le Temple même. Sous Archélaûs, au cours d’une émeute qui avait eu lieu dans l’édifice sacré contre la garnison de l’Antonia, un grand nombre de soldats avaient été lapidés. Josèphe, Ant. jud., XVII, ix, 3 ; Bell, jud., II, i, 3. — 4° Quand les Apôtres, délivrés de prison par un ange, se remirent à prêcher dans le Temple, le chef des gardes vint les reprendre, mais sans violence, parce qu’il avait peur d’être lapidé par le peuple. Act., v, 26. — 5° La lapidation de saint Etienne fut une exécution populaire à laquelle les Juifs s’efforcèrent de donner des apparences légales. Act., vii, 57, 58. Voir Etienne, t. ii, col. 2035.

— 6° Paul et Barnabe faillirent être lapidés à Iconium. Act., xiv, 5. Paul le fut réellement à Lystres par des Juifs, qui le crurent mort. Act., xiv, 18 ; II Cor., xi, 25.

II. La lapidation judiciaire. — i. la législation. — La lapidation était la peine capitale la plus ordinairement appliquée chez les Hébreux. On croit que quand la loi portait la peine de mort, il s’agissait toujours de la mort par lapidation, si quelque autre supplice n’était indiqué. Lev., xx, 2-27. La loi indique les différents crimes qui la méritaient : 1° L’idolâtrie. Deut., XIII, 10 ; xvii, 5. — 2° La consécration des enfants à Moloch. Lev., xx, 2. — 3° Le blasphème. Lev., xxiv, 14. — 4° La divination. Lev., xx, 27. — 5° La fausse prophétie, c’est-à-dire la prétention injustifiée de parler au nom de Dieu. Deut., xiii, 5. — 6° La transgression du sabbat. Num., xv, 35.

— 7° L’indocilité opiniâtre d’un enfant à l’égard de ses parents. Deut., xxi, 21. — 8° L’adultère. Deut.j xxii, 2224. — 9° La fornication de la jeune fille. Deut., xxii, 21. Les Juifs comptaient dix-huit cas passibles de la lapidation : trois cas d’inceste, la sodomie, deux cas de bestialité, l’adultère, le blasphème, l’idolâtrie, l’offrande des enfants à Moloch, la pythomancie, la divination, la magie, la propagande publique et la propagande privée en faveur de l’apostasie, la profanation du sabbat, la malédiction contre les parents et, enfin, l’indocilité opiniâtre envers eux. Iken, Antiquitates hebraicx, Brème, 1741, p. 424. Ces dix-huit cas ne font que reproduire ou appliquer les prescriptions de la loi mosaïque. — En dehors de ces cas généraux, la lapidation dut être infligée à tout homme et à tout animal qui toucherait le Sinaî, au delà des limites marquées, pendant que Moïse y était en colloque avec Dieu. Exod., xix, 12, 13 ; Heb., xii, 20. Quand un bœuf tuait quelqu’un à coups de cornes, il fallait le lapider et il était défendu de manger sa chair. Exod., xxi, 28.

II. application DE LA loi. — 1° Au désert, le fils d’une Israélite et d’un Égyptien blasphéma et maudit le nom de Dieu. Sur l’ordre de Moïse, on le fit sortir du camp, les témoins posèrent la main sur sa tête et ensuite toute l’assemblée le lapida. Lev., xxiv, 10-14. — 2° Un Israélite fut surpris à ramasser du bois le jour du sabbat ; toute l’assemblée le lapida encore hors du camp. Num., xv, 32-36. — 3° Après la prise de Jéricho, Achan, de la tribu de Juda, se permit de prendre pour lui quelques objets de valeur, alors que la ville, avec tout ce qu’elle renfermait, avait été youée à l’anathème. Sur l’ordre de Josué, il lut lapidé, et tout ce qui lui appartenait dut

être consumé par le feu. Jos., VII, 24, 25. Voir Achan, t. i, col. 128-130. — 4° Pour se débarrasser de Naboth, Jézabel le fit accuser par deux faux témoins d’avoir maudit Dieu et le roi. En conséquence, le malheureux fut condamné, conduit hors de la ville et lapidé. III Reg., xxi, 10-14. — 5° Après la mort du grand-prêtre Joïada, son fils, Zacharie, reprocha au peuple ses transgressions et le menaça de la colère divine. Le roi Joas, circonvenu par des conseillers impies, fit lapider Zacharie dans le parvis même du Temple. II Par., xxiv, 21. Cette odieuse exécution laissa de profondes traces dans les souvenirs du peuple de Dieu. Notre-Seigneur la rappela dans sa parabole des vignerons homicides, Matth., xxi, 35, et dans ses reproches à Jérusalem infidèle à toutes les grâces de Dieu. Matth., xxiii, 37 ; Luc, xiii, 34 ; cf. Heb., xi, 37. — 6° Un jour, des scribes et des pharisiens amenèrent à Notre-Seigneur une femme surprise en adultère et lui demandèrent s’il fallait la lapider, conformément à la loi de Moïse. Joa., viii, 4, 5. Cette demande, à elle seule, prouvait déjà que la loi invoquée n’était plus appliquée ; d’ailleurs, depuis l’occupation romaine, les Juifs ne pouvaient plus exécuter aucune sentence de mort, le procurateur ayant seul le droit de condamner à la peine capitale et de la faire exécuter. Ézéchiel vise la loi contre l’adultère, quand il dit que Jérusalem 3t Samarie seront lapidées l’une et l’autre, c’est-à-dire ruinées par les ennemis du dehors, à cause de leur idolâtrie qui constitue une infidélité, semblable à l’adultère, à l’égard du Seigneur. Ezech., xvi, 40 ; XXIII, 47.

— 7° D’après la Vulgate, Eccli., xxii, 1, 2, le paresseux est lapidé avec une pierre souillée et de la bouse de bœufs, pour marquer tout le dégoût qu’inspire sa paresse. Dans les Septante, il est dit seulement qu’il est semblable à ces deux objets. Il est probable que le traducteur latin a lu dans le texte primitif un verbe comme mâial, « assimiler, » au lieu de sâqal, « lapider, » ou dans le texte grec, xaTegXïjOï], « il a été jeté à bas, » au lieu de <ruveëXi^6ri, « il a été comparé. »

m. LE MODE d’exécution. — 1° La Sainte Écriture n’indique que quelques-unes des conditions dans lesquelles on lapidait les coupables. L’exécution se faisait hors du camp ou de la ville. Lev., xxiv, 14, 25 ; Num., xv, 36 ; III Reg., xxi, 10, 13 ; Act., vii, 57. Les témoins devaient jeter les premières pierres, puis le peuple achevait le supplice. Lev., xxiv, 14 ; Deut., xiii, 9 ; xvii, 7 ; Joa., vm, 7. On pouvait ensuite suspendre le cadavre à un poteau, mais il fallait l’en détacher et l’inhumer avant la nuit. Deut., xxi, 23 ; cf. Jos., x, 26. — 2° La tradition juive est plus explicite ; Quand le condamné était arrivé à quatre coudées du lieu du supplice, on le dépouillait de ses vêtements, ne laissant aux hommes qu’un caleçon et aux femmes que le vêtement de dessous. On choisissait, pour l’exécution, un endroit au bas duquel il y eût à pic une dépression ayant deux fois la hauteur d’un homme ; au besoin, on construisait un échafaud dans ces conditions. Le condamné y montait, accompagné des deux principaux témoins du crime. Là, on lui liait les mains, de manière qu’il ne pût s’en servir pour atténuer l’effet de sa chute, et le premier témoin le poussait par le milieu du corps. Le malheureux tombait ainsi sur la tête ou sur le dos. Si cette chute amenait la mort, on s’en tenait là. S’il en était autrement, le second témoin saisissait, avec l’aide du premier quand c’était nécessaire, une grosse pierre constituant à peu près la charge de deux hommes, et la laissait tomber sur la poitrine ou sur la tête du coupable. Si ce dernier survivait, le peuple intervenait alors pour l’achever à coups de pierres. Voilà pourquoi on profitait, pour procéder à ces exécutions, des fêtes à l’occasion desquelles le peuple se rassemblait. Quand ensuite il avait été ordonné d’attacher le cadavre au poteau, « pour qu’il fût vu de tous, » Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 24, on l’y suspendait par les mains, le visage tourné en avant pour les

hommes et du côté du poteau pour les femmes. Le cadavre ne pouvait être inhumé dans le sépulcre de famille, mais dans un lieu ordinairement désigné par le sanhédrin. On enterrait près de lui la pierre qui lui avait donné le coup fatal et qui ne pouvait plus désormais servir convenablement à un autre usage. Enfin, il était défendu de porter le deuil du supplicié. Cf. Sanhédrin, iv, 4 ; vi, 1-5 ; Iken, Antiq. hebraic, p. 423 ; Fr. Baringius, De 7tapa5eifiiaTicr|jiâ sponsm adultérée, 24, 25, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. ii, p. 103, 104 ; F. S. Ring, De lapidatione Hebrœorum, Francfort, 1716. Dans la lapidation de saint Etienne, il semblé que l’on ait suivi au moins l’essentiel de ces règles ; dans les lapidations populaires, les assistants, sous l’empire de la colère, se contentaient d’atteindre leur victime avec les traits qu’ils avaient sous la main. Comme la précipitation était le prélude ordinaire de la lapidation, il ne serait pas impossible que les gens de Nazareth, en cherchant à précipiter Notre-Seigneur du haut d’un rocher, aient eu l’intention de le lapider ensuite comme blasphémateur. Luc, iv, 29.

I, Pt : Ê*, rTiTr

    1. LAPIDE##

LAPIDE (CORNÉLIUS A). Voir Cornélius a Lapide, t. ii, col. 1014.

    1. LAPIDOTH##

LAPIDOTH (hébreu : Lappidôf, « torches ; » Septante : Aaqj18<&8), époux de la prophétesse Débora. Jud., iv, 4. On ne connaît que son nom, mais c’est sans raisqn qu’on a contesté son existence et qu’on a voulu l’entendre, soit d’un nom de lieu, soit d’un qualificatif de Débora qui aurait été « une femme d’éclat 9, d’après les uns, une marchande de lampes ou de torches, ou bien chargée de l’entretien des lampes du sanctuaire, d’après les autres. Voir Fr. de Hummelauer, Conim. in Jud., 1888, p. 93.

    1. LAPIN##

LAPIN, quadrupède du genre lièvre, dont il se distingue par une taillé plus petite et par son habitude de creuser des terriers pour s’y abriter. Plusieurs auteurs ont cru que le lapin est désigné dans la Bible par le mot sâfdn. Lev., xi, 5 ; Deut., xiv, 7. Cette identification est inexacte. Le sâfân est le daman ou chœrogrylle. Voir Chœrogr’ïlle, t. ii, col. 712-714 : Le daman ressemble extérieurement au lapin, il est vrai, mais il appartient à un genre différent et, au lieu de se terrer, il habite dans des trous de rochers. Il n’existe aucune espèce de lapins en Arabie et en Palestine, ou du moins on ne rencontre que très rarement cet animal dans ce dernier pays. Le silence de la Bible indique qu’il en était de même autrefois. Tristram, The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 75 ; Chauvet et Isambert,

Syrie, Palestine, Paris, 1882, p. 94.

H. Lesêtre.

LARCIN. Voir Vol. Voleur.

    1. LARDNER Nathaniel##

LARDNER Nathaniel, théologien anglais, né le 6 juin 1684 à Hawkhurst dans le comté de Kent, mort dans la même ville le 24 juillet 1768. Il fit ses premières études à Londres et alla les terminer dans les universités étrangères. En 1703, il était de retour en Angleterre et se consacra entièrement aux travaux théologiques qui lui valurent la réputation d’être un des meilleurs théologiens de son temps. Son principal ouvrage est : Crédibilité of the Gospel History, 5 in-8°, Londres, 17271743, réfutation des objections soulevées contre l’authenticité desÉvangiles. Toutefois ses doctrines le rapprochent beaucoup des sociniens. Ses œuvres ont été réunies et publiées en Il in-8°, Londres, 1788, par Kippis, qui les a fait précéder d’une vie de N. Lardner, — Voir Kippis, Life of Nat. Lardner, in-8°, Londres, 1788 ; Memoirs of the Life and Writings of the late Rev. N. Lardner, in-8°, Londres, 1769 ; Walch, Biblioth. theolog., t. i, p. 797, 841 ; t. ii, p. 492. B. Heurtebke.

    1. LARGEUR##

LARGEUR (Vulgate : Lalitudo), nom d’un puits. Gen., xxvi, 22. La Vulgate traduit ainsi le nom d’un puits, appelé en hébreu Rehoboth, et creusé par les gens d’Isaac. Voir Rehoboth.

1. LARME (hébreu : bâkût, bekîf, bêkéh, bekî, dim’âh, marzêah ; Septante : Sâxpu, Bâxpuov ; Vulgate : lacryma, fletus, ploratus), goutte limpide et transparente, de saveur amère, sécrétée par la glande lacrymale et s’échappant de l’œil sous l’action d’excitations diverses. Quelquefois, l’excitation est purement physique, comme un coup donné sur l’œil, Eccli., xxii, 24, le contact de la fumée. Prov., x, 26, etc. Le plus souvent, cette excitation provient du système nerveux ébranlé plus ou moins fortement par une sensation ou uu sentiment. Les larmes coulent ordinairement avec quelque abondance. Verser des larmes ou pleurer s’exprime par les verbes suivants : hébreu : bâkâh, dâlaf, ddma’; Septante : Saxp-Sw, xXaiM, UTaïw ; Vulgate : lacrymari, ftere, plorare.

I. Causes des larmes. — Il est très souvent parlé dans la Sainte Écriture de personnes qui pleurent. Leurs larmes sont excitées par des causes assez* différentes. Voici les principales. 1° La mort de quelqu’un qu’on aime. On pleure la mort de Sara, Gen., xxiii, 2, de Joseph qui passe pour avoir été dévoré, Gen., xxxvii, 35, de Jacob, Gen., L, 11, 17, de Moïse, Deut, xxxiv, 8, de Saùl, II Reg., i, 24, d’Amnon, II Reg., xiii, 36, d’Absalom, II Reg., xix, 1, du jeune homme de Naïm, Luc, vu, 13, de la fille de Jaïre, Luc, viii, 52, etc. Les disciples, Marc, xvi, 10, et Marie-Madeleine, Joa., xx, 11, 13, 15, pleurent la mort du Sauveur. Rachel pleure ses enfants qui ne sont plus. Jer., xxxi, 15 ; Matlh., ii, 18. En beaucoup d’autres passages, il est parlé des larmes que la douleur fait verser au sujet des morts. Deut., xxi, 13 ; Job, xxvii, 15 ; Ps. lxxviii (lxxvii), 64 ; Jer., xvi, 5, 6 ; xxii, 10 ; Ezech., xxiv, 16 ; Eccli., xxii, 10 ; xxxvih, 16 ; II Mach., iv, 37 ; Act., ix, 39, etc. Voir Deuil, t. ti, col. 1397. Il y avait même des personnes qui faisaient métier de pleurer aux funérailles. Marc, v, 38. Voir Pleureuses. — 2° Les malheurs publics. Les malheurs futurs ou passés d’Israël excitent les pleurs des prophètes ou du peuple lui-même. Lev. ; x, 6 ; Num., xxv, 6 ; Is., xxii, 4 ; Jer., iii, 21 ; îx, 1, 18 ; xiii, 17 ; xiv, 17 ; Lam., i, 2, 16 ; ii, 18 ; Joël, ii, 12 ; Mich., i, 10 ; Zach., vit, 3 ; I Reg., xi, 5 ; Judith, vi, 14, 16 ; vu, 18, 22 ; xiv, 14 ; I Esd., iii, 13 ; x, 1, etc. Ces larmes seront séchées quand Dieu restaurera son peuple. Is., xxv, 8 ; xxx, 19, Jer., xxxt, 16. Les peuples étrangers ont aussi à pleurer leurs malheurs. Sap., xviii, 10 ; Is., xv, 3 ; xvi, 9 ; Ezech., xxvii, 31. Aux derniers jours, on pleurera sur la ruine de la grande Babylone. Apoc, xviii, 9, 11, 19. — 3° Les épreuves particulières. Agar pleure à la vue de son enfant qui va mourir. Gen., xxi, 16. La fille de Jephté pleure sa jeunesse qui va être sacrifiée. Jud., xi, 37. Job, xvi, 17, verse des larmes à cause des maux qui le frappent. Les crimes d’Absalom font pleurer ceux qui en sont les témoins ou les victimes. II Reg., xiii, 36 ; xv, 23, 30. Ézéchias pleure dans sa maladie à cause de l’issue fatale qu’il redoute. IV Reg., xx, 3, 5 ; Is., xxxviii, 3, 5. La mère de Tobie ne cesse de verser des larmes en attendant le retour de son fils. Tob., x, 4. Esther et les Juifs du royaume de Perse pleurent en songeant aux épreuves qui les menacent. Esth., iv, 3 ; xiv, 2. Les pleurs sont le lot de tous les affligés. Eccle., iv, 1 ; Ps. cxxxvii (cxxxvi), 1. Les larmes inondent leur couche, Ps. vi, 7, et sont parfois tellement abondantes que Dieu pourrait les recueillir dans une outre. Ps. lvi (lv), 9. Elles se mêlent au breuvage du malheureux, Ps. en (ci), 10, et deviennent comme un pain dont il se nourrit. Ps. xlii (xli), 4 ; lxxx (lxxix), 6, C’est Dieu qui essuie ces larmes en écartant l’épreuve. Ps. cxvi (cxrv), 8 —

Les peines de l’enfance. L’enfant pleure en naissant. Sap., vii, 3. Le petit Moïse pleurait dans son berceau sur le Nil. Exod., II, 6. Notre-Seigneur parle des enfants qui, dans leurs jeux, disent à leurs compagnons : « Nous nous sommes lamentés et vous n’avez pas pleuré. » Luc, vii, 32. Ces enfants jouent à imiter des funérailles et se plaignent de leurs compagnons qui n’entrent pas dans leur rôle. Voir Mgr Le Camus, Les enfants de Nazareth, in-8°, Paris, 1900, p. 63, 101. — 5° Les ardents désirs. Ésaü pleure en demandant à son père une bénédiction comme celle qu’a obtenue Jacob. Gen., xxvii, 38. Les Israélites pleurent dans le désert en demandant de la viande à manger. Num., xi, 4, 10, 13. Saint Jean pleure, dans sa vision, parce qu’il ne se trouve personne pour ouvrir le livre scellé. Apoc. v., 4, 5.

— 6° L’attendrissement affectueux. Des larmes sont versées dans les rencontres de Jacob et de Rachel. Gen., xxix, 11, d’Esaü et de Jacob, Gen., xxxiii, 4, de Joseph et de ses frères, Gen., xlii, 24 ; xliii, 30 ; xlv, 2, 14, 15, de Jacob et de Joseph. Gen., xlvi, 29, etc. Job, xxx, 25, a des larmes pour l’infortune. Raguël, Anne et Sara versent des larmes en voyant le jeune Tobie. Tob., vu, 6, 8, 19. Les femmes de Jérusalem pleurent en voyant Jésus conduit à la mort. Luc, xxiii, 28. Les disciples de saint Paul pleurent en le retrouvant. Act., xx, 37 ; xxi, 13 ; II Tim., i, 4, et lui-même verse des larmes en les rencontrant ou en leur écrivant. Act., xx, 31 ; II Cor., ii, 4 ; Phil., iii, 18. C’est encore un attendrissement mêlé d’amour et de regrets qui excite les pleurs des disciples, Marc, xvi, 10, et de Marie-Madeleine, Joa., xx, 11, 13, 15, après la mort du Sauveur. — 7° Le repentir. Quand il est profond, il est accompagné d’une douleur qui se traduit souvent par des larmes. Les prêtres doivent pleurer dans le sanctuaire pour demander le pardon des péchés du peuple. Joël, ii, 17. La pécheresse, Luc, vii, 38, 44, et saint Pierre, Matth., xxvi, 75 ; Marc, xiv, 72 ; Luc, xxii, 62, se repentent de leurs péchés avec larmes. Saint Paul sert Dieu avec humilité et avec larmes, à cause de sa faiblesse et de ses fautes. Act., xx, 19. — 8° La prière. La prière instante s’adresse à Dieu avec des larmes, qui marquent à la fois l’ardeur du désir, la confiance, l’amour et le sentiment que le suppliant a de son indignité. Jud., xx, 26 ; Job, xvi, 21 ; Ps. vi, 9 ; xxxix (xxxviii), 13 ; xcv (xciv), 6 ; Bar., i, 5 ; Mal., ii, 13 ; Tob., III, 1, 22 ; vii, 13 ; xii, 12 ; Judith, vii, 22, 23 ; viii, 14 ; xiii, 6 ; ’I Esd., x, 1 ; II Mach., xi. 6 ; xiii ; 12 ; Eccli., xxxv, 18, etc. Le père qui demande à Notre-Seigneur la guérison de son fils épileptique supplie avec larmes. Marc, IX, 23. (Ces larmes ne sont pas mentionnées dans quelques manuscrits grecs.) Le don des larmes, signes de douleur, de désir et d’amour, a été accordé à plusieurs saints pour accompagner leurs prières, et probablement à sainte Madeleine, à saint Paul, peut-être aussi à d’autres personnages de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Cf. Ribet, La mystique divine, Paris, 1879, t. ii, p. 432-433. — 9° L’hypocrisie. Le méchant semble pleurer, mais c’est pour mieux tromper et frapper sa victime. Eccli., xii, 16, 18. Par pratique idolâtrique, les femmes de Jérusalem pleurent Adonis (Thammouz). Ezech., viii, 14. Voir Thammuz. — 10° Le châtiment éternel. Il est accompagné de pleurs et de grincements de dents. Matth., viii, 12 ; xiii, 42, 50 ; xxii, 13 ; xxiv, 51 ; xxv, 30 ; Luc, xiii, 28.

II. Les larmes de Notre-Seigneur. — Les Évangélistesnne disent pas que le Sauveur ait jamais ri ; mais ils racontent qu’en plusieurs circonstances il a pleuré. Auprès du tombeau de Lazare, pendant que Madeleine pleurait, Joa., XI, 31, 33, Jésus pleura, Joa., XI, 35, et les Juifs en conclurent qu’il aimait beaucoup Lazare. Il pleura encore, le jour de son entrée triomphale à Jérusalem, lorsqu’en face des murs de la Ville il pensa à son infidélité et à sa ruine prochaine. Luc, xix, 41. Enfin, dans l’Épitre aux Hébreux, v, 7, il est dit qu’aux jours de sa chair il présenta des prières et des supplications à grands cris et avec larmes, et mérita ainsi d’être exaucé.

III. Remarques sur les larmes. — 1° Les larmes ne coulent pas toujours. Il y a « un temps pour pleurer et un temps pour rire ». Eccle., iii, 4. « On sème dans les larmes, et on moissonne dans l’allégresse. » Ps. cxxvi (cxxv), 5. Notre-Seigneur proclame « bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils riront », c’est-à-dire seront consolés par la grâce et la récompense éternelle, si leurs larmes ont été versées pour Dieu. Luc, VI, 21 ; cf. Matth., v, 5. tandis que « ceux qui rient maintenant seront dans le deuil et les larmes ». Luc, vi, 25. Les disciples pleureront sur la mort du Sauveur, puis se réjouiront de le revoir. Joa., xvi, 20. — 2° C’est seulement dans l’éternité que Dieu essuiera à jamais les larmes de ses enfants. Apoc, vii, 17 ; xxi, 4. En vue de cet avenir, saint Paul recommande aux fidèles de « pleurer comme ne pleurant pas », c’est-à-dire de mêler l’espérance et la joie à leurs larmes. I Cor., vii, 30. En attendant, les enfants de Dieu doivent « pleurer avec ceux qui pleurent », en compatissant aux maux des autres. Eccli., vii, 38 ; Rom., xii, 15. — 3° Les larmes versées ont déterminé le nom de certaines localités. Le lieu où Débora, nourrice de Rébecca, fut inhumée sous-un chêne, près de Bethel, fut appelé ’attôn bâkôṭ, ϐάλανος πένθους, quercus fletus, le « chêne des pleurs ». Gen., xxxv, 8. Voir Bethel, t. i, col. 1678. — Le mot « larmes » entre dans deux noms de lieu. Voir l’article suivant.

2. LARMES (LIEU ET VALLÉE DES). 1° Dans la Vulgate : Locus flentium sive lacrymarum, « le Lieu des pleurants ou des Larmes, » traduit l’hébreu Bokim, dans Jud., ii, 5. Voir Bokim, t. i, col. 1843. — 2° Vallis lacrymorum, « Vallée des Larmes, » Ps. lxxxiii (lxxxiv), 7, traduit ’Êniéq hab-bâkâʾ Voir Baca, t. i, col. 1372.

LARRON (Matth., Marc. : ληστής ; Luc. : ϰαϰούργος ; Vulgate : latro, malfaiteur qui exerce le brigandage et vole les passants à main armée. Voir Voleur. En français, le nom de « larrons » est réservé aux deux criminels qui furent crucifiés avec Notre-Seigneur. — 1° Ces criminels étaient probablement du même genre que Barabbas, bien que moins coupables que ce dernier, qui fut mis en parallèle avec le Sauveur pour que le contraste fût plus saisissant, indignât le peuple et le déterminât à réclamer la grâce de Jésus. Voir Barabbas, t. i, col. 1443. Les deux malfaiteurs furent conduits au supplice en même temps que le Sauveur, et dans les mêmes conditions que lui, puis crucifiés l’un à sa droite et l’autre à sa gauche, pour signifier que celui qui occupait le milieu méritait la même réprobation que ses deux compagnons. Les trois croix étaient probablement semblables, comme le suppose le récit légendaire de l’invention de la Croix du Sauveur. Voir Croix, t. ii, col. 1130. Les deux larrons devaient, eux aussi, être attachés par des clous. Matth., xxvii, 38 ; Marc, xv, 27, 28 ; Luc, xxiii, 33. D’après les deux premiers évangélistes, les larrons se mirent l’un et l’autre à insulter le Sauveur, à l’exemple des princes des prêtres et de la foule qui entourait le Calvaire. Matth., xxvii, 44 ; Marc, xv, 32. Saint Luc, qui raconte avec plus de détail l’épisode des voleurs, rapporte seulement que l’un des deux blasphémait et disait : « Si tu es le Christ, sauve-toi toi-même et nous » avec toi. Luc, xxiii, 39. Pour rendre compte de cette divergence apparente, saint Augustin, De consens. Evangelist., iii, 53, t. xxxiv, col. 1190, dit que saint Matthieu et saint Marc parlent des voleurs d’une manière générale, comme dans l’Épître aux Hébreux, si, 33, 37, il est marqué que les saints ont fermé la gueule des lions, ont été lapidés, etc., quand il ne s’agit que de Daniel, de Zacharie, etc. Toutefois, dans l’Évangile, il n’y a pas une narration oratoire, mais un récit très circonstancié. Aussi pourrait-on dire que les deux larrons ont commencé par blasphémer, mais qu’à un moment l’un d’eux est rentré en lui-même. C’est à ce moment que prend le récit de saint Luc. Le bon larron interpelle son compagnon et lui dit : « Tu ne crains donc pas Dieu, alors que tu es dans la même condamnation (ϰρίματι) » que moi, et que le même supplice va nous conduire l’un et l’autre au tribunal de Dieu. « Pour nous, c’est justice, car nous recevons ce que nous avons mérité. Mais celui-ci n’a rien fait de répréhensible. » Le grec οὑδὲν ἄτοπον, « rien qui ne soit à sa place, » rien d’inconvenant, est plus respectueux que le latin nihil mali, « rien de mal, » car un acte peut être fait mal à propos sans être mauvais. Cette remarque du bon larron témoigne en lui d’une foi éclairée en Notre-Seigneur, et d’une connaissance de sa mission divine qui suffit à lui inspirer confiance. Les Juifs croyaient qu’un homme pieux pouvait introduire avec lui en paradis celui qui assistait à son dernier soupir. Ketuboth, v. 103. Peut-être le larron partageait-il cette croyance. Toujours est-il que, convaincu de la puissance et de la sainteté du Sauveur qu’il voyait sur le point d’expirer, il lui dit : « Souvenez-vous de moi, Seigneur, quand vous arriverez dans votre royaume. » Une telle prière suppose que le larron reconnaît en Jésus le Messie, celui qui vient fonder le grand royaume attendu de tout Israël. Il va mourir lui-même, comme celui qu’il implore ; mais il est manifeste que, pour lui, la mort n’est un obstacle ni à l’établissement de ce royaume par Jésus, ni au bienfait qu’il espère retirer personnellement de cet établissement. Il va de soi que cette foi du bon larron a pour cause principale la grâce qui émane du divin crucifié. Jésus lui répondit : « En vérité, je te le dis : aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » Luc, xxiii, 40-43. Le corps du Sauveur et celui du larron vont bientôt rester inanimés sur leurs croix ; c’est donc l’âme du larron qui suivra dans le paradis l’âme du Sauveur. Ce paradis, c’est le séjour dans lequel les âmes des justes attendent les effets de la rédemption. Voir Enfer, t. ii, col. 1795 ; Paradis ; S. Augustin, Ep. cxxxvii, ad Dardan., 6-9, t. xxxiii, col. 834. C’est ainsi que « le larron échange sa croix pour le paradis et du châtiment de son homicide fait un martyre ». S. Jérôme, Ep. lviii, 1, t. xxii, col. 580. Cf., dans les Sermons attribués à S. Augustin, Serm. clv, De cruce et latrone, t. xxxix, col. 2047-2053. — 2° Comme, d’après la loi juive, Deut., xxi, 23, un corps ne pouvait demeurer sur la croix après le coucher du soleil, les Juifs demandèrent à Pilate d’infliger aux trois crucifiés un nouveau supplice, le crurifragium ou brisement des os des jambes, qui devait les achever cruellement. Ce supplice était en usage chez les Romains. Sénèque ; De ira, iii, 18, 32 ; Suétone, Octav., 67 ; Tiber., 44 ; Ammien Marcellin, xiv, 9. Le brisement s’exécutait à coups de massue. Les deux larrons, qui n’étaient pas encore morts quand arrivèrent les soldats, eurent à le subir. Joa., xix, 31, 32. — 3° Comme les Évangélistes ne donnent aucun détail sur le passé des deux larrons, la légende a cherché à compléter leurs récits à ce sujet. Les deux larrons se seraient appelés Desmas et Gismas, ou Dimas et Gesmas, d’après les Acta Pilati, ix, Gênas et Gestas, d’après l’Évangile de Nicodème, Titus et Dumachus, d’après l’Évangile de l’Enfance, xxiii. Cf. Le Camus, La Vie de N. S. J.-C., 6e édit., Paris, 1901, t. iii, p. 376. Le bon larron aurait été le fils d’un chef de brigands qui arrêta la Sainte Famille au cours de son voyage en Égypte. Émerveillé de la splendeur qui illuminait le visage de l’Enfant, le fils du chef délivra la Sainte Famille. C’est lui qui, plus tard, serait devenu le bon larron. Cf. S. Aelredus Rhievallensis, De vita eremitica, 48, dans les Œuvres de S. Augustin, t. xxxii, col. 1466. Au moyen âge, les pèlerins latins ont cru que la localité appelée Laṭrûn, près d’Emmaüs (voir la carte, t. ii, col. 1757), n’était autre que le village du bon larron, Castrum boni latronis. Roland, Palæstina illustrata, Utrecht, 1714, p. 429. Cf. Liévin, Guide de la Terre-Sainte, Jérusalem, 1887, t. i, p. 123 ; Chauvet et Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 1900, p. 237. Mais l’étymologie qui fait venir Laṭrûn de latro est absolument inacceptable. Si des souvenirs de brigands se rattachaient primitivement à cette localité, peut-être faudrait-il les faire remonter jusqu’à un certain berger nommé Athronges, Ἀθρόγγης ; c, qui se proclama roi après la mort d’Hérode, et qui, aidé de ses quatre frères, arrêta une cohorte romaine près d’Emmaüs, et fil périr son chef, Arius, avec quarante de ses soldats. Varus vengea cette aggression en brûlant Emmaüs. Josèphe, Ant. jud., XVII, x, 7, 9 ; Bell, jud., II, iv, 3. Voir Emmaûs, t. ii, col. 1746. Il se pourrait alors que le nom de el-Laṭrûn ou el-Altrûn dérivât de celui d’Athronges. Cf. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 185. Cette seconde étymologie n’est que probable ; il lui manque d’être appuyée par d’anciens documents.

H. Lesêtre.

LASTHÈNE (Λασθήνης), ministre de Démétrius II Nicator, roi de Syrie. Ce roi, dans une lettre qu’il écrit à Jonathas Machabée, appelle Lasthène « notre parent », συγγενῆς ἡμῶν, I Mach., xi, 31 (Vulgate : parens noster), et dans une lettre qu’il lui avait adressée à lui-même, il le qualifie de « père », πατήρ (Vulgate, parens, I Mach., xi, 32). C’était donc un grand personnage de la cour d’Antioche, comme l’indiquent ces titres. D’après Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 3, il était Crétois d’origine et s’était concilié la faveur de Démétrius en lui fournissant un contingent de troupes mercenaires considérable, lorsque ce prince se rendit de Crète en Syrie, cf. I Mach., x, 67, pour arracher le pouvoir royal à Alexandre Ier Balas. Voir t. ii, col. 1362. Lasthène était probablement à leur tête (148 ou 147 avant J.-C). Quand Démétrius II fut devenu roi, il fit de lui son principal ministre, et lorsqu’il accorda à Jonathas Machabée diverses faveurs que celui-ci lui avait demandées, il notifia ses concessions à Lasthène, dans une lettre qu’il lui écrivit et dont il envoya à Jonathas lui-même une copie que nous a conservée l’auteur du premier livre des Machabées, xi, 30-37, ainsi que Josèphe avec quelques légères variantes. Lasthène fut ainsi chargé de diminuer les charges des Juifs envers la Syrie, mais il est simplement nommé à cette occasion dans l’Écriture. Quand Démétrius eut triomphé de ses ennemis, ce fut lui sans doute qui le poussa à renvoyer son armée, à l’exception des forces étrangères « qui lui venaient des îles des Gentils ». Mach., xi, 38 ; Josèphe, Ant. jud., XIV, iv, 9. Ce renvoi suscita un tel mécontentement qu’il fut une des causes de la révolte qui éclata contre Démétrius II et qui eut pour résultat l’avènement de Tryphon au trône. Cf. Diodore, Reliq., xxxiii, 4, édit. Didot, t. ii, p. 522. On ne sait plus rien de l’histoire de Lasthène.

F. Vigouroux.


LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE. On peut distinguer, en suivant l’ordre même des temps, trois classes de versions latines.

— 1° La première en date comprend tous les textes antérieurs à saint Jérôme, que l’on appelait autrefois d’un nom commode, bien qu’inexact, la version italique. À cette classe se rattache cette partie des anciens textes qui furent soumis à révision, tels, par exemple, les Évangiles et les Psaumes de notre Vulgate que saint Jérôme corrigea d’après le grec.

— 2° La seconde, c’est la version que le même saint docteur fit directement soit sur l’hébreu soit sur le chaldéen et qui est connue sous le nom de Vulgate.

— 3° Il a paru, à partir de la Renaissance, un certain nombre de versions latines, faites les unes sur les Septante, les autres sur les textes originaux. Elles forment une troisième classe. 97 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A S. JÉRÔME 98

1. LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES A SAINT JÉRÔME. — I. La langue des anciennes versions latines. — Ces versions sont écrites en une langue particulière. Ce n’est pas le latin des classiques de la belle époque, mais le bas latin, qui a cours dans l’usage populaire, à Rome, en Italie, dans les Gaules, en Afrique et partout où l’on trouve quelque colonie romaine. — Les particularités linguistiques de ce latin biblique concernent tantôt l’orthographe, tantôt le vocabulaire et tantôt la syntaxe. Les mots en effet ne s’écrivent pas et sans doute ne se prononçaient pas toujours comme à l’époque classique : on trouvera, par exemple, vinis, que, dispargam, fobeas, scribsit, locuntur, sepellierunt, etc., pour venis, quæ, dispergam, foveas, scripsit, loquuntur, sepelierunt. Le vocabulaire s’est surchargé de mots composés, ou bien de mots portant soit des préfixes soit des suffixes jusqu’alors inusités ; d’autres fois, il acceptera des expressions populaires ou des vocables d’importation étrangère : longanimitas, multiloquium, gaudimonium, capillatura, superextollo, particulatim, æruginare, amaricare, anathematizare, agonizare, sabbatum, etc. Je ne dis rien des sens nouveaux que l’on donne même aux expressions classiques ; car c’est un phénomène linguistique général que les mots prennent à l’usage des significations nouvelles. Mais ce qui est sans doute le plus surprenant dans ce latin de décadence, c’est trop souvent le parfait dédain des conventions grammaticales concernant es genres, les cas, les conjugaisons, et ce que l’on appelle les règles d’accord ou de compléments. On dira, par exemple, cubilis tuus, fodire, odire, misereor super, posuistis in carcerem, dico vobis quod, cognovit quia, etc. Inutile de faire remarquer que toutes ces particularités sont restées dans notre latin de moyen âge. Cette langue déplaisait fort aux anciens rhéteurs, quand pour la première fois ils entraient en contact avec nos Écritures. Arnobe de Sicca († 327), Advers. nat., i, 45, t. v, col. 775, avouait, non seulement que le Christ parlait un langage simple, avec « des termes populaires et de tous les jours », popularibus et quotidianis verbis ; que les Apôtres avaient écrit « dans une langue triviale et sordide » : trivialis et sordidus sermo est, i, 58, t. v, col. 796 ; mais encore, ce qui semble bien cette fois viser les versions usuelles, que la langue des Écritures est remplie « de barbarismes, de solécismes et des vices les plus difformes » : barbarismis, solœcismis obsitæ sunt, inquit, res vestræ et vitiorum pollutæ. Ibid., i, 59, t. v, col. 797. À cela, Arnobe répond qu’il faut préférer l’utilité à l’agrément. Ibid, , col. 797-798. Saint Augustin, de son côté, fut longtemps choqué par le style incorrect et la langue triviale de la Bible latine. Confess., iii, 5, t. xxxii, col. 686. Mais, dans la suite, il jugea que la simplicité de l’Écriture était une raison de plus de la trouver vénérable. Confess., vi, 5, t. xxxii, col. 723. Il savait du reste, comme Arnobe, que l’utilité prime l’agrément, quand il s’agit de rendre exactement une idée, de la faire entendre à ses auditeurs, De doctr. Christ., iii, 3, t. xxxiv, col. 68 ; et lui-même, un jour, il préféra le barbarisme à la correction (fenerat à feneratur), afin de se faire mieux comprendre. Enarr. in Ps. xxxii, serm. iii, 6, t. xxxvi, col. 386. Voir sur le latin biblique : Huré, Dictionnaire universel de l’Écriture Sainte, 2 in-f°, Reims, 1715 ; réédité par Migne sous le titre de Dictionnaire universel de philologie sacrée, 4 in-4°, Paris, 1846 (c’est un dictionnaire complet de la Vulgate ; et quoiqu’il ne s’occupe directement que de la Vulgate, comme plusieurs des ouvrages suivants, il est utile pour l’étude du latin post-classique) ; Weitenauer, Lexicon biblicum, in quo explicantur Vulgatæ vocabula et phrases quæcumque propter linguæ græcæque peregrinitatem injicere moram legenti possunt, in-12, Augsbonrg et Fribourg-en-Brisgau, 1758 ; Venise, 1760 ; in-12, Rome, 1846 ; Kaulen, Handbuch zur Vulgata. Eine systematische Darstellung ihres lateinischen Sprachcharakters, in-12, Mainz, 1870 ; Goelzer, Étude lexicographique et grammaticale de la latinité de saint Jérôme, in-8°, Paris, 1884 ; C. Paucker, De latinitate B. Hieronymi observationes ad nominum verborumque usum pertinentes, 2e édit. in-8°, Berlin, 1880 (travail de pure philologie lexicographique) ; Hagen, Sprachliche Erörterungen zur Vulgata, Fribourg-en-Brisgau, 1863 ; Cavedoni, Saggio délla latinita biblica dell’antica Volgata Itala, Modène, 1869 ; G. Koffmane, Geschichte des Kirchenlateins, tome I : Entstehung und Entwickelung des Kirchenlateins bis Augustinus-Hieronymus, in-8°, Breslau, fasc. i, 1879 ; fasc. ii, 1881 ; Rönsch, Itala und Vulgata. Das Sprachidiom der urchristlichen Itala und der katholischen Vulgata unter Berücksichtigung der römischen Volksprache erläutert, Marbourg, 1869 ; 2 8 édit., 1875 ; Id., Studien zur Itala, ’dans la Zeitschrift fur wissenschaftl. Théologie, 1875, p. 128, 425 ; 1876, p. 287, 397 ; 1881, p. 198 ; Id., Zur vulgären und biblischen Latinität, dans la Zeitschrift fur die österreichischen Gymnasium, Vienne, t. xxx, p. 806-811, 1879 (reproduit dans la collection posthume Collectanea, philologa, p. 212-216, in-8°, Brème, 1891) ; Id., Die ältesten lateinischen Bibelàbersetzungen nach ihrem Werte fur die lateinische Sprachwissenschaft, dans les Collectanea, p. 1-20 ; Id., Grammatisches und Lexicalisches aus dem Urkunden der Itala, dans les Collectanea, p. 20-32 ; Ph. Thielmann, Ueber die Benutzung der Vulgata zu sprachlichen Untersuchungen, dans le Philologus ; t xlii, 1884, p. 319-378 ; P. Monceaux, Le latin vulgaire d’après les dernières publications, dans la Revue des deux mondes, 15 juillet 1891, p. 429-448 ; Id., Les Africains, étude sur la littérature latine d’Afrique, Paris, 1894 ; Gaston Boissier, Les Africains, étude sur la littérature latine d’Afrique par Paul Monceaux, dans le Journal des savants, 1895, p. 35-46 ; P. Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne depuis les origines jusqu’à l’invasion arabe, t. i, Tertullien et les origines ; t. ii, S. Cyprien et son temps, Paris, 1901 ; Sittl, Die localen Verschiedenheiten der lateinischen Sprache mit besonderer Berücksichtigung des afrikanischen Lateins, in-8°, Erlangen, 1882 ; Hauschild, Einige sichere Kennzeichen des afrikanischen Lateins, Francfort, 1889 ; Ehrlich, Beiträge zur Latinität der Itala. Programm d. Realschule Rochlitz, in-4°, 1895 ; P. Corssen, Bericht ûber die lateinischen Bibelübersetzungen, dans Jahresbericht über die Fortschritte der classischen Àlterthumswissenschaft, xxviie Jahrgang, 1899, t. ci, i Heft, p. 1-83, Leipzig, 1900 (la quatrième partie de cet ouvrage concerne la langue de la Bible latine). Dans Archiv fur lateinischen Lexikographie und Grammatik publié à Leipzig par Wolfflin, on trouvera aussi nombre de travaux concernant le latin post-classique. Nous signalerons notamment les articles suivants : 1. Thielmann, Lexicographisches aus dem Bibellatein. Archiv, t. 1, 1884, p. 6881. — 2. Hartel, Lucifer von Cagliari und sein Latein, t. iii, 1886, p. 1-58 ; — 3. Schepss, Die Sprache Priscillian’s, t. iii, 1886, p. 309-328. — 4. Wolfflin, Die ersten Spuren des african. Lateins, t. vi, 1889, p. 1-8.

— 5. Sittl, Die Heimath der Appendix Probi, t. vi, 1889, p. 557-561 — 6. Wolfflin, Minucius Félix. Ein Beitrag zur Kenntnis des african. Lateins, t. vil, 1892, p. 467-484. — 7. Kûbler : Die lateinische Sprache auf africanischen Inschriften, t. viii, 1893. p. 161-202. — 8. Thielmann, Die europàischen Bestandtheile des latein Sirach., t. rx, 1894, p. 247-284. — 9. Geyer, Spuren Gallischen Lateins bei Marcellus Empiricus, t. viii, 1893, p. 469-481. Dans Jahresbericht über die Fortschritte der classischen Alterthumswissenschaft de Bursian et Iwan Müller, voir aussi : 1. K. Sittl, Jahresbericht über Vulgär- und Spätlatein, t. lxviii, 1891. — 2. C. Weyman, Die christlich lateinische literatur von 1886-1881 bis ende 1894, ibid., 1896. — 3. L. Bayard, Le latin de saint Cyprien, in-8°, Paris, 1902.

II. Énumération des textes de nos anciennes versions.

Nous sommes encore loin de posséder toute la Bible dans son vieux texte latin, s’il s’agit du moins de l’Ancien Testament. Nous allons énumérer ici les textes connus jusqu’à ce jour. On en trouve dans la Vulgate, dans les œuvres des premiers Pères latins et surtout dans les manuscrits bibliques qui ont échappé aux ravages du temps.

I. dans la vulgate.

Saint Jérôme a inséré dans sa propre version, et sans en faire la révision, un certain nombre de livres et fragments de l’ancienne version, à savoir tous les livres et fragments deutérocanoniques de l’Ancien Testament, à l’exception de Tobie et de Judith traduits par lui. La Vulgate contient donc, tels qu’ils étaient avant saint Jérôme, les textes suivants : la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch, I et II des Macchabées, dans Esther le fragment x, 4-xvi, dans Daniel iii, 24-100, et xiii-xiv. M. Ph. Thielmann, sur l’invitation de l’Académie royale de Munich, prépare une édition critique des deutérocanoniques du Vieux Testament selon l’ancienne version. Il a dans ce but exploré déjà les manuscrits, les éditions, les citations des Pères et tous les documents qui peuvent éclairer sa route. Il a exposé le résultat de ses premières recherches dans un travail que l’Académie royale a publié dans ses Comptes rendus (Section de phil. et d’hist., t. xiii, Heft ii, p. 205-243), et dont il a paru un tirage à part : Bericht über das gesammelte handschriftliche Material zu einer kritischer Ausgabe der lateinischen Uebersetzungen biblischer Bücher des alten Testamentes, Munich, 1900.

Outre les textes non revisés de l’ancienne version, on trouve encore dans la Vulgate un certain nombre de livres que saint Jérôme a revus et corrigés sur le grec, à savoir : les Psaumes (2e revision faite à Bethléhem) et le Nouveau Testament, peut-être revu en entier. Ces textes revisés appartiennent plutôt à l’histoire de la Vulgate ; il n’en sera pas autrement question ici.

II. Dans les œuvres des pères latins.

Tous les Pères latins antérieurs à la version de saint Jérôme, et même un certain nombre de ceux qui vécurent après lui, ont utilisé dans leurs œuvres les anciennes versions latines. C’est pourquoi l’on doit avoir recours à leurs écrits, soit pour retrouver la teneur de ces versions, soit surtout pour juger de leur origine et de leur diversité. Les principaux parmi les écrivains ecclésiastiques qui ont été étudiés au point de vue de nos anciens textes, ou qui mériteraient de l’être, sont les suivants :

En Italie et au nord de la Péninsule.

L’auteur de la version latine de I Cor. de saint Clément de Rome, version retrouvée par dom Morin et publiée par lui dans les Anecdota Maredsolana, t. ii, Maredsous, 1894 ; l’auteur de la plus ancienne des deux versions du Pasteur d’Hermas, dite Vulgate, et remontant peut-être au IIe siècle (dans Migne, Patr. Gr., t. ii) ; — Novatien, qui écrivait en 252 (t. iii) ; — Victorin de Pettau, en Pannonie, † vers 303 (t. v) ; Firmicus Maternus, écrivait vers 347 (t. xii) ; — Lucifer de Cagliari, † 371(t. xiii) ; — Eusèbe de Verceil, † 371 (t. xii) ; — Philastre de Brescia, écrivait en 380 (t. xii) ; — l’auteur de la traduction latine des Deux Voies, c’est-à-dire de la première partie de la Didachè, Διδαχὴ τῶν δώδεϰα Ἀποστόλων, Doctrina XII Apostolorum, una cum antiqua versione latina prioris partis de Duabus Viis, primum edidit J. Schlecht. Fribourg-en-Brisgau, 1900. Cette traduction latine « a été faite par un Africain, avant l’an 200 », dit le Bulletin critique, 1902, p. 425. Si cette dernière remarque était vraie, il faudrait classer la présente version parmi les ouvrages africains (voir plus bas) ; nous la laissons ici à cause du lien qui la rattache à la Didascalie ; — l’auteur de la version latine de la Didascalia sive Doctrina XII Apostolorum, Cette version est peut-être du IVe siècle et d’origine milanaise. Cf. Batiffol, Anciennes littératures chrétiennes. Littérature grecque, in-12, Paris, 1897, p. 74. Découverte dans un palimpseste de Vérone, elle a été publiée par E. Hauler, Eine lateinische Palimpsestübersetzung der Didasc. Apost., Vienne, 1896 ; — saint Ambroise, évêque de Milan de 374 à 397, t. xiv-xvii ; Ambrosiaster ou Pseudo-Ambroise, vers la fin du IVe siècle (identifié à tort avec Hilaire, diacre de Borne ; Bardenhewer, Patrologie, Fribourg-en-Br., 1894, p. 386 ; c’était un Juif converti, appelé Isaac et contemporain du pape Damase, d’après D. Morin, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1899, p. 97, t. xxi) ; — saint Jérôme lui-même, dans ses œuvres, utilise l’ancien texte ou le discute, t. xxii-xxx ; — l’auteur du livre De promissionibus attribué par erreur à Prosper d’Aquitaine. Le véritable auteur écrivait peut-être en Campanie vers le milieu du Ve siècle, pense Kennedy, Dictionary of the Bible, 1900, t. iii, p. 53. Mais Bardenhewer, Patrologie, p. 485, en fait un Africain ; — l’auteur de la version latine de l’Épître dite de Barnabé, version qui peut être de la fin du Ve siècle. Il est douteux que l’auteur appartienne à l’Italie. Le texte de cette version a été publié par Gebhardt et Harnack dans Patr. apost. Opera, Leipzig, 1875, fasc. i, part. 2 ; 2e édit, 1878. Voir aussi Patr. Gr., t. II.

En Gaule. — Saint Irénée, † 202, dans la version latine de ses œuvres qui est peut-être de la fin du IIe siècle (voir Batiffol, Littérature. 106), t. vii ; — Lactance, né probablement en Afrique, mort à Trêves, vers 260-340, t. vi-vii ; — saint Hilaire de Poitiers, † 368, t. ix-x ; — saint Victrice, évêque de Rouen vers 408, t. xx ; — Cassien, † 435, t. xlix ; — Salvien ; florissait vers 450, t. liii ; — saint Avit devienne, vers 450-517, t. lix ; — Gildas le Sage, vers la fin du vie siècle (voir Bardenhewer, Patrologie, p. 593), t. lxix.

En Espagne. — Juvencus, écrivait en 330, t. xix ; — Priscillien, évêque d’Avila, fin du IVe siècle. Ses œuvres ont été découvertes et publiées par Schepss : Priscilliani quss supersunt, maximam partent nuper deteccit adjectisque commentariis criticis et indicibus primus edidit G. Schepss, Vienne, 1889 (Corpus script, eccl. lat., t. xviii) ; — Bachiarius, moine, vers l’an 400, t. xx ; l’auteur du Liber de divinis Scripturis ou Spéculum, du viiie-ixe siècle. C’est un recueil de textes de l’Ancien et du Nouveau Testament, qui n’est pas dans Migne. Il a été publié : 1. par l’oratorien Viguier en 1654 (voir Bardenhewer, Patrologie, trad. française, Paris, 1898-1899, t. ii, p. 426) ; 2. par Mai, partiellement dans le Spicilegium Romanum Rome, 1843, t. ix, append. 2, p. 61-75 et 75-86 ; 3. par le même, au complet dans Patrum nova collectio, t. i, part. 2, Rome, 1852 ; 4. par Weihrich, en 1887, t. xii du Corpus script. de Vienne. On l’avait attribué à tort à saint Augustin, trompé par ce fait que saint Augustin a publié en effet un ouvrage analogue, appelé aussi Speculum, qui se trouve dans Migne, t. xxxiv, p. 887-1040. Malheureusement, dans cet ouvrage d’Augustin, on a substitué le texte de la Vulgate à l’ancienne version que portait l’ouvrage primitif. Notre Speculum anonyme, au contraire, porte bien toujours l’ancienne version. Parlant du Codex Sessorianus, qui est le principal manuscrit de cet ouvrage, Gregory estime que le texte biblique du Speculum est parent du texte de Priscillien, et confirme son opinion en mentionnant l’avis de Hort qui rangeait cet ouvrage parmi les textes de recension espagnole. Gregory, Prolegomena à l’édit. 8a major du Nouv. Test. grec de Tischendorf, p.961, et Textkritik, Leipzig, 1900-1902, p. 606.

En Afrique. — Tertullien, 150-240, t. i-ii ; — saint Cyprien, † 258, t. iii-iv ; — l’auteur du De Pascha Computus, en 243. Inter opera S. Cypriani, t. iv ; — l’auteur du De Aleatoribus, vers le temps de saint Cyprien. Inter opera S. Cypr., t. iv ; — l’auteur de l’Exhortatio ad pœnitentiam, attribuée à tort à saint Cyprien. Inter opera S. 101 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES À S. JÉRÔME 102

Cypr., t. iv ; — Commodien, vers le milieu du IIIe siècle, t. v. Mais il est douteux que Commodien soit Africain ;

— Arnobe de Sicca, commencement du iv « siècle ; t. v ; — Optat de Milève, écrivait en 368, t. xi ; — Tyconius, donatiste ; écrivait en 390, t. xviii ; — saint Augustin, 354r430, t. xxxii-xlvii ; — Capreolus, évêque de Carthage ; écrivait en 431, t. lui ; — Vigile de Thapse ; écrivait en 484, t. lxii ; — Fulgence, évêque de Ruspe, vers 458-533, t. txv ; — Primasius d’Adrumète, milieu du VIe siècle, t. lxvih ; — Victor de Tunis, milieu du VIe siècle, t. Lxviii.

5° Auteurs qui ont étudié les Pères du point de vue des anciennes versions latines. — Les citations bibliques des premiers écrivains latins ont été étudiées, dans ces derniers temps, avec beaucoup d’attention. Sans doute, les Pères ne citent pas toujours leurs textes mot à mot, comme nous le taisons aujourd’hui, et c’est pourquoi il est assez difficile de retrouver avec certitude chez la plupart d’entre eux le texte fixe des versions latines de leur époque. Il n’en esl pas moins vrai que pour arriver à démêler l’écheveau des versions ou recensions latines, à connaître parfaitement leurs origines, leur mode de propagation, il est indispensable de tenir le plus grand compte des citations des Pères. Les travaux faits dans ce sens méritent donc d’être signalés. Dès le XVIe siècle, Flavius Nobilius, dans sa traduction latine des Septante, Vetus Testamentum secundum lxx latine redditum, in-f°, Rome, 1588, avait donné l’exemple. Dans des notes placées en renvoi à la fin de chaque chapitre, on trouve semés çà et là quelques passages des anciennes versions, simples extraits des œuvres des Pères. Au xviiie siècle, P. Sabatier, bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, publiait en 3 in-f° une collection de textes et de fragments embrassant toute la Bible, pris non seulement des manuscrits, mais encore des écrits des Pères : Bibliorum Sacrorum latinæ versiones antiquæ seu vetus Italica et cæteræ quæcumque in codicibus manuscriptis et antiquorum libris reperiri potuerunt, quæ cum Vulgata latina et cum textu græco comparantur, Reims, 1743-1749. Le même ouvrage se rencontre avec un simple changement dans le titre : Paris, François Didot. 1751. On a dit avec raison que cet immense travail est « un de ceux qui l’ont le plus d’honneur, à l’érudition française ». Revue critique, 28 mai 1870, p. 342. Cf. Mangenot, Les travaux des bénédictins de Saint-Maur, de Saint-Vanne et de Saint-Hydulphe, sur les anciennes versions latines de la Bible, Amiens, 1888. Au XIXe siècle et dans ces premières années du XXe, de nombreuses publications ont paru dans ce genre d’études. Citons les suivantes : 1852, Mai, Patrum nova collectio, Rome, t. i, part. 2, où il publia en entier, comme nous l’avons dit plus haut, le Speculum composé d’extraits de l’Ancien et du Nouveau Testament. — 1860-1864, Vercellone, Variæ lectiones Vulgatæ latinæ, Rome, où l’auteur a inséré divers fragments dont quelques-uns sont tirés des Pères. — 1871, Ronsch, Das Neue Testament Tertullian’s, Leipiis. — 1875, le même, Die alltestamentliche Itala in den Schriften des Cyprian. Vollständiger Text mit kritischen Beigaben, dans la Zeitschrift fur historische Theologie, p. 86-161. Dans cette même revue, Rœnsch avait déjà publié : Beiträge zur patristichen Bezeugung der biblischen Texgestalt und Latinität. I. Aus Ambrosius, 1869, p. 433-479, « t 1870, p. 91-150. H. Aus Lactantius, 1871, p. 531-629. — 1885, P. de Lagarde, Probe einer neuen Ausgabe der lateinischen Uebersetzungen des A. T., Goettingue. L’auteur apporte sur les psaumes i-xvii les citations bibliques de vingt-deux Pères de l’Église. — 1887, Zingerle, Kleine philologische Abhandlungen, Inspruck, IV. Heft, p. 75-89, où il étudie les citations bibliques de saint Hilaire. — 1889, Wunderer, Bruchstücke einer africanischen Bibelübersetzung in der pseudocyprianischen Schrift Exhortatio de pænitentia, Erlangen. — 1890, J. M. Bebb, The Evidence of the early Versions and patristic Quotations on the text of the Books of the New Testament, dans Studia biblica et ecclesiastica d’Oxford, t. ii, p. 185240. — 1892, P. Corssen, Der Cyprianische Text der Acta Apostolorum, Berlin. —. 1893, J. B. Ullrich, De Salviani Scripturæ Sacræ versionibus. Programm der kgl. Studienanstalt zu Neustadt, Neustadt. — 1893, Franz Weihrich, Die Bibelexcerpte de divinis Scripturis und die Itala des Augustinus, dans Sitz-Ber. d. Wien. Akad., . cxxix, philos, histor. Klasse (tirage à part).

— 1894. F. C. Burkitt, The book of Rules of Tyconius edited from the Mss. with an introduction and an examination into the text of the biblical quotations, dans Texts and Studies, t. iii, n. 1, Cambridge. — 1895, Tougard, Saint Victrice. Son livre De laude Sanctorum, Paris. On trouve dans cet ouvrage des fragments ou citations d’une ancienne version latine. — Voir pour d’autres travaux du même genre, parus dans des revues françaises ou étrangères, Nestlé, Urtext und Uebersetzungen der Bibel, Leipzig, 1897, p. 90-91, 94-95.

III. Dans les manuscrits bibliques. — Les manuscrits bibliques ont sur les citations des Pères cet avantage de nous offrir un texte fixé, arrêté, des versions latines. C’est pourquoi, quand on se propose de déterminer le véritable texte suivi communément dans l’antiquité, ce sont les manuscrits qu’il faut mettre en œuvre les premiers, comme fournissant les matériaux les plus sûrs. — Depuis l’époque où Sabatier rassemblait dans son grand ouvrage tous les vieux textes latins connus de son temps, on a fait de nombreuses et précieuses découvertes de manuscrits. Nous sommes encore relativement pauvres pour l’Ancien Testament ; mais pour le Nouveau nous avons le droit d’être satisfaits de nos richesses. Dans l’énumération que nous allons donner, nous suivrons l’ordre canonique des livres de la Bible, indiquant pour chaque livre ou groupe de livres les manuscrits qui les renferment au complet ou en partie : et les éditions qui en ont été publiées. Pour plus de détails, voir Samuel Berger, Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles du moyen âge, Paris, 1893 ;

— Gregory, Prolegomena du Novum Test, grœce de Tischendorf, edit. 8° major, t. iii, 1894, p. 948-971. et Textkritik des neuen Testamentes, t. ii, Leipzig, 1902, p. 594-613 (textes du Nouveau Testament) ; — Scrivener, A plain Introduction to the criticism of the New Testament, 3e édit., par Miller, London, 1894, t. ii, p. 41-56, Le chapitre où il est question des versions latines n’est pas de Scrivener, mais de H. J. White ; — Corssen : Bericht über die lateinischen Bibelübersetzungen, dans Jahresbericht über die Fortschritte der classischen Altertumswissenschaft fondé par Conrad Bursian, Leipzig, 1899, t. ci, fasc. i, p. 1-83 ; — Ph. Thielmann, Bericht ûber dos gesammelte handschriftliche Material zu einer kritischen Ausgabe der lateinischen Vebersetzungen biblischer Bücher des alten Testamentes. Extrait des Comptes rendus de l’Académie royale de Bavière, sect. de phil. et d’hist., t. xiii, fasc. ii, p. 205-243. Malgré son titre général, cet ouvrage ne s’occupe que des deutérocanoniques de l’Anc. Test. ; — Nestlé, Lateinische Bibelübersetzungen, dans Urtext und Uebersetzungen der Bibel, Leipzig, 1897, p. 86-95 (tirage à part d’articles parus dans la 3e édit. de la Realencyclopädie für protestantische Theologie und Kirche) ; — Kennedy, Latin Versions (The Old), dans le t. III du Dictionary of the Bible, de Hastings, Edimbourg, 1900, p. 47-62.

1° Manuscrits complets ou fragmentaires de l’Ancien Testament ; leurs éditions diverses. — 1. Pentateuque : Lugdunensis (codex), y-vr siècle, à Lyon, ms. 54. Contient le Pentateuque à partir de Genèse, xvi, 9, et aussi Josué et les Juges. Lord Ashburnham a publié de ce manuscrit le Lévitique et les Nombres, qui faisaient alors partie de sa bibliothèque : Librorum Levitici et Numerorum versio antiqua Itala, e codice Ashburnhamiense, in-f°, Londres, 1868. À son tour, M. U. Robert a 103 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES À S. JÉRÔME 104

publié, en 1881, les parties suivantes du Pentateuque : Genèse de xvi, 9 à la fin ; Deut., depuis i, 1 jusqu’à xi, 4b ; après quoi, il a ajouté comme complément les deux livres déjà édités par Ashburnham : Pentateuchi versio latina antiquissimæ codice Lugdunensi, Paris, 1881. Enfin, en 1900, le même auteur nous a donné la fin du Pentateuque à partir de Deut., xi, 4 b, avec Josué et Juges du même manuscrit qui formait donc un Heptateuque : Heptateuchipartis posterioris versio latina antiquissima e codice Lugdunensi, Lyon, 1900 ; — Ottobonianus, VIIIe siècle, au Vatican, n. 66. Fragments de la Genèse et de l’Exode, publiés par Vercellone, Variæ lectiones Vulgatæ latinæ, Rome, 2 in-4°, 1860-1864, au t. i, p. 183 et 307. Cf. Apparatus, p. lxxxvi ; — Wirceburgensis (palimpseste), vi 8 siècle, à Wurzbourg, ms. 64 a. Fragments de Gen., Exod., Lévit., Deut., publiés par Ranke, Par palimpsestorum Wirceburgensium. Antiquissima Veteris Testamenti versionis latines fragmenta, Vienne, 1871. Cet ouvrage contient aussi les fragments renfermés dans le même manuscrit des prophètes suivants : Osée, Jonas, Isaïe, Jérémie, Lamentations, Ezéchiel et Daniel. Voir ci-dessous Prophètes ; — Monacensis (palimpseste), Ve-VIe siècle, à Munich, lat. 6225. Fragments d’Exode, Lévit., Nombres et Deut., publiés par Ziegler, Bruchstücke einer vorhieronymianischen Uebersetzung des Pentateuch aus einem Palimpseste der Bibliothek zu München, Munich, 1883 ; — Vindobonensis (palimpseste), Ve siècle, à Vienne (Autriche). Fragment de Genèse, publié par Belsheim, Palimpsestus Vindobonensis. Antiquissimæ Veteris Testamenti translationis latinæ fragmentæ codice rescripto, Christiania, 1885 ; — Mediolanensis (palimpseste), à Milan, c. 73. Fragments du Pentateuque. Peyron en a publié quelques versets seulement : M. Tulli fragmenta ex membranis palimpsestis, Stuttgart et Tubingue, 1824, p. 131. Cf. Corssen, Bericht, p. 36.

2. Josué. —Lugdunensis. Voir ci-dessus, Pentateuque ;

Ottobonianus, n. 66. Fragments. Voir ci-dessus, Pentateuque. Publiés par Vercellone. Variæ lect., t. ii, passim ;

Gothicus, Xe siècle, en Espagne, à Léon, dans les archives de la collégiale de San-Isidro. Quelques fragments des anciennes versions dans les marges du manuscrit. Voir S. Berger, Hist. de la Vulgate, p. 18-19. Publiés par Vercellone, Varies lect., t. ii, passim.

3. Juges. — Lugdunensis. Voir ci-dessus, Pentateuque ;

Ottobonianus, n. 66. Fragments. Voir ci-dessus, Pentateuque. Publiés par Vercellone, Variæ lect., t. ii, passim ; — Gothicus. Voir ci-dessus, Josué. Fragments dans les marges du manuscrit. Publiés d’après une copie qui est à la Vaticane par Vercellone, ibid. ; — Fritzschiana fragmenta. Publiés par Fritzsche, Fragmenta libri Judicum post Petrum Sabatier paullo auctiora, Zurich, 1867.

4. Ruth. — Complutensis, rx » siècle, à Madrid, bibliothèque de l’Université, ms. 31. Publié par S. Berger, Notice sur quelques textes latins inédits de l’Ancien Testament. Paris, 1893. Tiré des Notices et extraits des mss. de la Bibliothèque Nationale, t. xxxiv, 2e partie. Cf. du même sur ce ms. : Hist. de la Vulgate, p. 22.

5. Rois. — Gothicus. Voir ci-dessus Josué. Fragments des quatre livres, aux marges du manuscrit. Publiés par Vercellone d’après la copie du Vatican, Variæ lect., t. ii, passim ; — Vindobonensis (palimpseste). Voir ci-dessus, Pentateuque. Fragments de I et II Reg. Publiés par Belsheim en 1885 (op. laud., ibid.) ; — Fragments de I, II et IV Reg., publiés d’après quelques anciens mss. de Corbie et de Saint-Germain par Sabatier, Bibliorum latinæ versiones, Reims, 1743-1749, t. i ; — Fragments de I, II et III Reg. sur deux feuillets de Magdebourg et de Quedlinbourg. Les fragments du I Reg. ont été publiés par Schum, Das Quedlinburger Fragment einer illustrirten Itala, dans Theologische Studien uni Kritiken, 1876, p. 121-134 ; le tout par Weissbrodt, Index lectionum Brunsburgensis, 1887. — Autre fragment de Quedlinbourg, fragment du III Reg., publié par A. Düning, Ein neues Fragm. d. Quedl. Italacodex, 1888 ; — Fragments du I Reg. dans le ms. n. 2 d’Einsiedeln, XVe siècle. Publiés par S. Berger, Notice, etc. Voir ci-dessus, Ruth ;

— Fragments du II Reg. dans un ms. de Vienne, publiés par Haupt, Veteris versionis antehieronymianss libri II Reg. sive Samuelis fragmenta, Vindobonensia, Vienne, 1877.

6. Paralipomènes. — Gothicus. Fragments aux marges du ms. Voir ci-dessus, Josué.

7. Esdras. — Deux mss. d’après lesquels Volkmar a publié le texte : Esdras propheta, ex duobus manuscriptis Italæ, Tubingue, 1863.

8. [727 Esdras, apocryphe.] — On trouve le texte latin de cet apocryphe : 1° dans la Vulgate ; 2° à la Bibl. Nat., à Paris, latin 111 (publié par Sabatier) ; 3° à la Mazarine, à Paris, 29 ; 4° à Douai, n. 7 ; 5° à Vienne, n. 1191 ; 6° à Madrid, E. R. 8.

9. [IV Esdræ, apocryphe.] — Le texte est dans la Vulgate. Un fragment perdu, qui est à placer entre v. 35 et 36 du c. iii, a été retrouvé, puis publié en 1875, par Bensly. Depuis, le livre complet a paru dans Texts and Studies de Cambridge, t. iii, n. 2 : The fourth Book of Ezra. The latin version edited from the mss., Cambridge, 1895.

10. Tobie. « - Se trouve dans beaucoup de manuscrits : 1° À Paris, Bibl. Nat., latin 6 (dit Bible de Rosas. Voir S. Berger, Hist. de la Vulg., p. 24-25) ; 93, publié par Sabatier ; 161 ; 11505 et 11553, ces deux derniers encore dans Sabatier. Cf. S. Berger, Hist. de la Vulg., p. 65. — 2°A Metz, ms. 7. — 3° En Espagne, à Léon, codex Gothicus (voir ci-dessus, Josué) ; à Madrid, Complutensis (voir ci-dessus, Ruth) ; de nouveau, à Madrid, musée archéologique, Bible de Huesca. Voir Berger, Hist. de la Vulg., p. 20. — 4° À Munich, ms. 6239 du IXe siècle, publié par Belsheim, Libros Tobiæ, Judith, Ester… ex codice Monacensi, Trondhjem, 1893. Cf. S. Berger, ibid., p. 6768, 95-96, 101. — 5° À Milan, bibliothèque Ambrosienne, ms. E 26 inferior. Ct. S. Berger, ibid., p. 138. — 6° Au Vatican, codex Regio-Vaticanus, n. 7, dans Sabatier. Sur Tobie et les autres deutérocanoniques on consultera surtout l’ouvrage de Thielmann indiqué en tête de notre énumération des manuscrits : Bericht, etc.

11. Judith. — Se trouve : 1° À Paris, Bibl. Nat., n. 6, 93, 11505, 11553, comme Tobie (voir ci-dessus), et de plus n. 11549 aussi utilisé par Sabatier. — 2° À Metz, 7.

— 3° En Espagne, dans les mêmes manuscrits que Tobie (ci-dessus). — 4° À Munich, n. 6239 même manuscrit que Tobie (ci-dessus). — 5° En Angleterre, Oxford, Bibl. Bodléienne, Auctarium, E infra 2.

12. Esther. — Se trouve : 1° dans la Vulgate, pour le fragment deutérocanonique non révisé par saint Jérôme, X, 4-xvi. — 2° À Paris, Bibl. Nat., latin 11549, utilisé par Sabatier. — 3° À Lyon, n. 356, qui contient le commencement et la fin d’Esther. Publié en partie par S. Berger, Notice, etc. (ci-dessus, Ruth). Cf. Hist. de la Vulgate, p. C2. — 4° Dans le codex Pechianus, ainsi nommé du nom du chanoine dé Narbonne, Pech, auquel il appartenait. Ce manuscrit aujourd’hui perdu contenait des fragments d’Esther, de ni à la fin. Sabatier s’en est servi dans sa grande publication. — 5° À Madrid, Codex Complutensis (voir ci-dessus, Ruth). — 6° À Munich, n. 6239, même manuscrit que Tobie (voir ci-dessus) ; n. 6225. Voir Thielmann, Bericht, etc., p. 217. — 7° A Rome, Biblioth. Vallicellane, B 7. Contient c. I-II. Publié par J. M. Carus (nom que prenait par dévotion pour la Vierge le cardinal Tommasi), Sacrorum Bibliorum… veteres tituli sive capitula, sectiones et stichometriæ, in-4°, Rome, 1688, p. 92-93. Utilisé aussi par Sabatier ; par Bianchini, Vindiciæ, 1740.

13. Job. — Fragment de Fleury. Contient xliii, 3-9. Dans Sabatier, t. 1, p. 904. Cf, S. Berger, Hist. de la 105 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES À S. JEROME 106

Vulg., p. 86 ; — Gothicus. Fragments dans les marges du manuscrit. Publiés par S. Berger, Notice, etc. (voir ci-dessus, Ruth), p. 20-23. Cf. Hist. de la Vulg., p. 18 sq.

14. Psaumes. — Veronensis, à Vérone. Publié par Bianchini, Psalterium duplex, dans ses Vindiciæ, 1740.

Sangermanensis, à Paris, Bibl. Nat., latin n. 11947. Publié par Sabatier, t. n. — Fragments dans des palimpsestes de Carslruhe, sur lesquels voir F. Mone : Lateinische und griechische Messen, Francfort-sur-le-Main, 1850, p. 40 ; et du même auteur : De libris palimpsestis tam latinis quam græcis, Carslruhe, 1855, p ; 48. — Sur les trois psautiers du Codex Cavensis, voir S. Berger, Hist. de la Vulgate, p. 14-15.

15. Proverbes. — Fragments, à Vienne, Biblioth. Impériale, palimpseste, n. 954. Publiés par Vogel : Beiträge zur Herstellung der alten lateinischen Bibel-Vebersetzung. Zwei handschriftliche Fragmente aus dem Buche des Ezechiel und aus Sprichwörten Salomos zum ersten Male herausgegeben, Vienne, 1868. — Fragments sur deux feuillets palimpsestes conservés au monastère de Saint-Paul, Lavantthal, en Carinthie. Publiés par Mone, De libris palimpsestis, Carlsruhe, 1855. — Codex II de Saint-Gall., VIIIe siècie. Extraits de l’ancienne version, publiés par S. Berger, Notice, etc. (voir ci-dessus, Buth) ; du même, cf. Hist. de la Vulg., p. 121-122. — Quelques leçons marginales dans le manuscrit latin 11553, Paris, Biblioth. Nat. Cf. S. Berger, Hist. de la Vulg., p. 65-66.

16. Ecclésiaste. — Leçons marginales dans le manuscrit latin 11553, Bibl. Nat., Paris. Voir ci-dessus, Proverbes. — Codex II de Saint-Gall. Extraits de l’anc. version, publiés par S. Berger, Notice, etc., comme ci-dessus, Ruth. Du même, voir Hist. de la Vulg., p. 121122.

17. Cantique des Cantiques. — Mêmes manuscrits que pour l’Ecclésiaste, mêmes publications de M. S. Berger.

18. Sagesse. — Dans la Vulgate, texte non révisé de l’ancienne version. Paul de Lagarde a donné une édition du texte de la Sagesse, dans ses Mittheilungen, Gœttingue, 1884, p. 241-282.

19. Ecclésiastique. — Dans la Vulgate, texte non révisé de l’ancienne version. Voir ici encore l’édition de Lagarde, ibid., p. 283-378. — Fragment de Toulouse. Publié par Mgr Douais, Une ancienne version latine de l’Ecclésiastique, Paris, 1895, gr. in-8° de 36 p. Cl. Herkenne, De veteris latinæ Ecclesiastici capitibus 1-XLI1I una cum notis ex ejusdem libri translationibus æthiopica, armeniaca, copticis, latina altera, syro-hexaplari depromptis, Leipzig, 1899.

20. Prophètes divers. — Wirceburgensis (palimpseste), VIe siècle, à Wurzbourg, bibliothèque de l’Université, ms. 64°. Contient des fragments des prophètes Osée, Jonas, Isaïe, Jérémie, Lamentations, Ezechiel, Daniel (où l’on trouve Oratio Azariæ, Bel et Draco). Publiés en partie par Münter, Fragmenta versionis antiques latinse antehieronymianæ Prophetarum Jeremiæ, Ezechielis, Danielis et Hoseæ, e codice rescripto Wircehurgensi, Copenhague, 1819. Publiés au complet par Ranke, Par palimpsestorum Wirceburgensium. Antiquissimæ Veteris Testamenti versionis latinæ fragmenta, Vienne, 1871. Cf. ci-dessus, Pentateuque, Wirceburgensis. — Ms. de Weingarten, dont on a les divers fragments à Fulda, Darmstadt, Stuttgart et au monastère de Saint-Paul en Carinthie, Lavantthal. Ils contiennent des passages des prophètes suivants : Osée, Amos, Michée, Joël, Jonas, Ézéchiel, Daniel. M. Ranke a publié : Fragmenta versionis sacrarum Scripturarum latinæ antehieronymianæ e codice manuscripto, 2 in-4°, Marbourg, 1860 (fragments d’Osée, Amos, Michée, Joël, Jonas, Ezechiel et Daniel), 2e édit., Vienne, 1868, avec un appendice de Vogel, contenant les fragments d’Êzéchiel, du même manuscrit, retrouvés par Sickel, au monastère des bénédictins de Saint-Paul, Lavantthal, en Carinthie : Beiträge zur Herstellung, etc. (voir Proverbes), Vienne, 1868. Ranke retrouva plus tard, à Stuttgart d’autres fragments des prophètes Amos, Ezéchiel et Daniel : Ernesti Ranke, Antiquissimæ Veteris Testamenti Versionis Latinæ fragmenta. Stuttgardiana, in-4, Marbourg, 1888. Enfin, en 1897, M. Corssen ayant découvert à Darmstadt d’autres fragments du manuscrit, les a publiés sous ce titre : Zwei neue Fragmente der Weingartener Prophetenhandschrift, in-4°, Berlin, 1899. Ce sont encore des fragments d’Êzéchiel et de Daniel. — Lectionarium Bobbiense, à Turin. Contient des fragments d’Isaie et de Jérémie, découverts par Amelli. Non publiés. Voir Ziegler, Die lateinischen Bibelûbersetzungen, Munich, 1879, p. 105, n. 2.

21. Cantiques de divers prophètes. — Sous ce titre groupons les publications de cantiques faites par les auteurs suivants : Sabatier, t. II. — Bianchini, dans ses Vindiciæ, où il publie 7 cantiques d’après un manuscrit des Psaumes de Vérone. — Fleck, Fragmenta Italæ vetustissimæ V. T. e codice reg. Armamentarii parisiensis Cantica : Dmt., xxxii ; Habac., m ; IBeg., li ; Isaias, xxvi ; Daniel, iii). Dans Wissenschaftliche Reise durch das südliche Deutschland, t. ii, part. 3, p. 337, Leipzig, 1837. — Hamann, Canticum Moysi, Iéna, 1874.

22. Jérémie. — Sangallensis, à Saint-Gall, n. 912. Fragments, publiés par Tischendorf, Anecdota sacra et profana, 2 a edit., 1861, p. 231 ; et plus complètement par Burkitt dans son ouvrage : The Old latin and the Itala, Cambridge, 1896, dans Texts and Studies, t. iv, n. 3.

23. Baruch. — On le trouve : 1° dans la Vulgate, texte non revisé ; — 2° à Paris, Bibl. Nat., latin 11, 161, 11951, ce dernier publié par Sabatier ; — 3° de nouveau à Paris, Bibl. de l’Arsenal, n. 65 et 70 ; — 4° à Reims, n. 1, voir encore Sabatier ; — 5° à Rome, Vallicellane, B 7. Publié par Sabatier ; par Bianchini, Vindiciæ ; par Carus, op. laud. (voir ci-dessus, Esther), p. 147-150 ; — 6° Cassinensis, 35 ; — 7° à Léon, en Espagne, codex Gothicus. Voir Hoberg, Die älteste lateinische Uebersetzung des Büches Baruch, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1902, p. 22. Cf. ci-dessus, Josué.

24. Daniel. — Dans la Vulgate, fragments deutérocanoniques non révisés, iii, 24-100 et xiii-xiv.

25. 1 Machabées. — 1° Dans la Vulgate, texte non révisé. — 2° Complutensis, ixe siècle, à la bibliothèque de l’Université de Madrid, n. 31. Des fragments en ont été publiés par S. Berger, Notice (comme ci-dessus, Ruth). Cf. Histoire de la Vulgate, p. 22. — 3° Fragments dans le codex 356 de Lyon. S. Berger en a donné quelques-uns dans Notice. — Fragments, I-XIII, à Paris, Bibl. Nat., latin, n. 11553. Publié par Sabatier.

26. II Machabées. — 1° Dans la Vulgate, texte non revisé. — 2° À Milan, Bibl. Ambrosienne, ms. E 26 infer. Publié par A. Peyron, M. Tullii Ciceronis Orationum fragmenta inedita, Stuttgart, 1824, p. 70. Voir S. Berger, Hist. de la Vulg., p. 138. — 3° Complutensis, et 4° Codex 356 de Lyon. Des fragments de ces deux manuscrits ont été publiés par S. Berger, Notice (ci-dessus I Mach.).

— 5° Fragments à Rome, Vaticane, lat. 474. Publiés par G. Mercati, Fragmenti Urbinati d’un’antica versione latina del libro II de’ Maccabei editi ed illustrati, dans la Revue biblique, 1er avril 1902, p. 184-211.

Manuscrits complets ou fragmentaires du Nouveau Testament ; leurs éditions diverses. — i. Évangiles. — a. Vercellensis, IVe siècle, à l’église cathédrale de Verceil. Contient les quatre Évangiles presque en entier. Publié par J. Irico, Sacrosanctus Evangeliarum codex S. Eusebii Magni, Milan, 1748 ; par Bianchini, Evangeliarium quadruplex latinæ versionis antiquæ, Rome, 2 in-fol., 1749 ; réimprimé par Migne, Patr. Lat., t. xii ; de nouveau édité par Belsheim, Codex 107 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES À S. JÉRÔME 108

Vercellensis, Quattuor Evangelia, Christiania, 1894. — a 3. Curiensia fragmenta, V-VIe siècle, en Suisse, à Coire, Rhetisches Museum. Fragments de Luc. Publiés par Ranke, Curiensia Evangelii Lucani fragmenta latina, Vienne, 1874 ; par Wordsworth, Sanday et White dans Old latin biblical Texts, n. ii, Oxford, 1886. — a 2 (autrefois n). Sangallensia fragmenta, V-VIe siècle, en Suisse, au monastère de Saint-Gall, ms. 1394, vol. I ; ms. 172, fol. 256 ; item, à la bibliothèque de la ville ou Vadiana bibliotheca, 70. Publié par Batiffol, Fragmenta Sangallensia, Contribution à l’histoire de la Vetus Itala, Paris, 1885. Voir du même auteur : Note sur un évangéliaire de Saint-Gall, Paris, 1884. Publié aussi comme le précédent dans les Old latin biblical Texts, ibid. Les feuillets de ces fragments appartenaient autrefois au même manuscrit que les Curiensia fragmenta ci-dessus. — a 2 (autrefois o). Sangallense fragmentum, viie siècle, encore dans le ms. 1394, t. i. Édité par Batiffol avec le précédent (ancien n) et de même dans les Old latin biblical Texts, ibid. — a 2 (autrefois p). Sangallense fragmentum, VIIe-VIIIe siècle, toujours dans le manuscrit 1394, mais cette fois t. n. Publié par Forbes dans Arbuthnott Missal, préface, p. xlviii, Burntisland, 1864 ; par Haddan et Slubbs dans Councils and ecclesiaslical documents relating to Great Britain and Ireland, t. i, appendix G, p. 197, Oxford, 1869 ; et de nouveau avec les précédents dans Old latin bibl. Texts, ibid. ; enfin, par Batiffol dans Note sur un évangéliaire de Saint-Gall, Paris, 1884. — b. Veronensis, IV-Ve siècle, à Vérone, bibliothèque du chapitre de la cathédrale. Les quatre Évangiles. Publié par Bianchini, Evangelium quadruplex. — c. Colbertinus, XI-XIIIe siècle, à Paris, Bibl. Nat., latin 254. Les quatre Évangiles ; le reste du manuscrit est de la Vulgate. Publié par Sabatier, Bibliorum sacrorum latinæ versiones ; par Belsheim, Codex Colbertinus Parisiensis. Quatuor Evangelia ante Hieronymum latine translata post editionem Petri Sabatier cum ipso codice collatam denuo edidit J. B., Christiania, 1888. — d. Cantabrigiensis, græco-latinus (appelé autrefois Claromontanus, et plus connu aujourd’hui sous le nom de Codex Bezæ = D grec des Évangiles ; ne pas le confondre avec le Claromontanus Parisiensis, autre gréco-latin, qui est le D grec des Épîtres paulines et le d. latin de ces mêmes Épîtres), VIe siècle, à Cambridge, Bibl. de l’Université, n.2.41. Contient Évangiles et Actes. Publié par Kipling, Codex Theodori Bezæ Cantabrigiensis, 2 in-fol., 1793 ; par Scrivener, Bezæ Codex Cantabrigiensis, being an exact copy, in ordinary type, of the celebrated uncial græco-lalin manuscript of the four Gospels and Acts of the Apostles, written early in the sixth century, and presented to the university of Cambridge, by Theodore Beza. A. V. 1581, in-4°, Cambridge, 1864. — e. Palatinus, IVe-Ve siècle, à Vienne, latin 1185. Quatre Évangiles. Publié par Tischendorf, Evangelium palatinum ineditum sive reliquise textus Evangeliorum latini ante Hieronymum versi ex codice Palatino purpureo quarti vel quinti post Christum seculi, Leipzig, 1847, — Fragment de e. Matth., xiii, 1323, à Dublin, Trinity College, n. 4-18. Publié par Abbot, Par palimpsestorum Dublinensium, Londres, 1880. — Autres fragments de e, à Rome, Bibliothèque Vallicellane, II. 66, mais cette fois simple copie faite en 1762 pour Bianchini. Publiés d’après cette copie par H. Linke, Neue Bruchstücke des Evangelium Palatinum, dans Sitzungsberichte der bayerischen Akademie, Munich, 1893, t. i, p. 281-287. Belsheim a réédité le tout, c’est-à-dire le codex Palatinus et les fragments, Evangelium Palatinum, Christiania, 1896. — v. Brixianus, VIe siècle, à Brescia, bibliothèque du chapitre. Quatre Évangiles. Publiés par Bianchini (voir a) ; par Migne, Patr. Lat., t. XII ; par Wordsworth et White dans leur édition du Nouveau Testament selon saint Jérôme : Novum Testamentum D. N. Jesu Christi latine, secundum editionem sancti Hieronymi, Oxford, fasc. 1, 1889 ; fasc. 2, 1891 ; iasc. 3, 1893 ; fasc. 4, 1895 ; fasc. 5, 1891. — v. 1. Corbeiensis primus, vme-xe siècle, autrefois au monastère de Corbie en Picardie, maintenant à Pétersbourg, Bibl. Impériale, D 326. Contient saint Matthieu. Publié par Martianay, Vulgata antiqua latina et ltala versio evangelii secundum Matthæum, Paris, 1695 ; par Sabatier ; par Bianchini ; par Migne d’après Bianchini, P. h., t. XII ; par Belsheim, Das Evangelium des Matthæus nach dem lateinischen Codex v. 1 Corbeiensis auf der kaiserlichen Bibliothek zu Sanct Petersburg von neuem in verbesserter Gestalt herausgegeben. Nebst einem Abdruck des Briefes Jacobi nach Martianays Ausgabe von 1695, Christiania, 1881. — v. 2. Corbeiensis secundus, vie-vne siècle, à Paris, Bibl. Nationale, lat. 17225. Les quatre Évangiles. Les leçons de ce manuscrit ont été données par Aug. Calmet, Nouvelles dissertations importantes et curieuses sur plusieurs questions qui n’ont point été touchées dans le Commentaire littéral sur tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, Paris, 1720 ; item, par Sabatier ; par Bianchini. Le texte a été publié au complet par Belsheim : Codex v. 2 Corbeiensis sive Quatuor Evangelia ante Hieronymum latine translata, Christiania, 1888. — g 1. Sangermanensis primus, VIIIe-IXe siècle, à Paris, Bibl. Nat., latin 11553, ancienne version latine seulement pour Matthieu et texte mêlé d’anciennes leçons pour les autres Evangiles. Cité par Robert Estienne dans sa Bible latine de 1538-1540 et dans celle de 1546 ; collationné et utilisé par Martianay dans son édition de v. 1 (ci-dessus) ; utilisé d’après Martianay par Bianchini ; publié par Wordsworth dans Old lalin bibiical Texts, n. 1 : The Gospel according to saint Matthew from the Saint Germain ms. g 1, Oxford, 1883. — g 2. Sangermanensis secundus, s* siècle, à Paris, Bibl. Nat., latin 13169. Cf. S. Berger, Histoire de la Vulgate, p. 48. — h. Claromontanus, IVe-VIIe siècle, à Rome, au Vatican, latin 7223. Ancienne version latine seulement pour Matthieu. Utilisé par Sabatier ; publié par Mai, Scriptorum veterum nova collectio, t. iii, p. 257, Rome, 1828 ; et de nouveau par Belsheim, Evangelium secundum Matthseume codice olim Claromontano nunc Vaticano, Christiania, 1892. — i. Vindobonensis, Ve-VIIe siècle, à Vienne, lat. 1235. Contient en grande partie Marc et Luc. Utilisé par Bianchini ; publié pour la partie de Marc, par Alter dans Neues Repertorium fur bibl. und morgenl. Literatur, Iéna, t. iii, p. 115-170, 4791 ; et, pour la partie de Luc, dans les Memorabilia de Paulus, t. vii, p. 58-95, Leipzig, 1795 ; au complet, par Belsheim, Codex Vindobonensis membranaceus purpureus. Antiquissimæ Evangeliorum Lucæ et Marci translationis latinæ fragmenta, Leipzig, 1885. — j. Voir plus loin z. — k. Bobbiensis, Ve-VIe siècle, à Turin, Bibl. de l’Université, G. VII, 15. Grands fragments de Marc et de Matthieu. Publié par Fleck, Anecdota sacra, Wissenschaftliche Reise, Leipzig, 1837, t. II, part. 3, p. 1-109 ; par Tischendorf, dans Jahrbücher der Literatur, Anzeige-Blatt, Vienne, 18471849, vol. 120, 121, 123, 124 et 126 ; par Wordsworth, Sanday et White, dans Old latin biblical Texts, a. n : Portions of the Gospels according to saint Mark and saint Matthew, from the Bobbio ms. k, Oxtord, 1883. — 1. Rehdigerianus (non Rhed.), VIIe siècle, à Breslau, église Sainte-Elisabeth. Quatre Évangiles. Publié partiellement par Scheibel, Codex quatuor evangeliorum latinus Rehdigerianus, Matthæus et Marcus, Breslau, 1763. Leçons du manuscrit insérées par David ; Schulz dans sa troisième édit. du Nov. Tes. gr. de Griesbach, Berlin, 4827, t. I. Publié par Haase, Evangeliorum quattuor vetus latina interpretatio ex codice Rehdigerano nunc primum edita, Breslau, 1865-1866. — m. Sessorianus, VIIIe-IXe siècle, à Rome, Bibliothèque 109 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES À S. JÉRÔME 110

dite Sessorienne du monastère de Sainte-Croix de Jérusalem, manuscrit principal du Liber de divinis Scripturis, ou Speculum dit de saint Augustin, contenant des extraits de presque toute l’Écriture. Peut-être eût-il été préférable de ne point classer ce codex parmi les manuscrits bibliques à texte continu. Voir ci-dessus ce qui a été dit du Speculum, quand nous avons énuméré les Pères d’Espagne. — n, o, p, devenus a2. Voir ci-dessus — q. Monacensis (autrefois Frisingensis), VIe-VIIe siècle, à Munich, Bibl. Royale, latin 6224. Quatre Évangiles. Publié par White dans Old latin bibl. Texts, n. iii, Oxford, 1888. — r 1. Usserianus primus, VIe-VIIe siècle, à Dublin, Trinity Collège, A. iv, 15. Quatre évangiles. Publié par Abbot, Evangeliorum versio antehieronymiana, ex codice Usseriano (Dublinensi), adjecta collalione codicis Usseriani alterius, Dublin, 1884. — r 2. Usserianus secundus, IXe-Xe siècle, à Dublin, Trinity Collège, A. IV, 6. Quatre Évangiles. Leçons publiées par Abbot, avec r 1. — s. Ambrosiana fragmenta, VIe siècle, à Milan, Bibl. Ambrosienne, C 73 int. Publié par Ceriani, Monumenta sacra et profana, t. i, fasc. 1, Milan, 1861, p. 1-8 ; Fragmentum Evangelii sancti Lucæ ex vetere latina versione seu recensione ; par Wordsworth, Sanday et White dans Old latin bibl. Texts, n. ii, Oxford, 1886. — t. Bernensia fragmenta, palimpseste du Ve-VIe siècle, à Berne, bibliothèque de l’Université, ms. 611, foll. 143 et 144. Publiés par Hagen, Ein Italafragment aus einem Berner Palimpsest des VI. Jahrhunderts, dans la Zeitschrift fur wissenschaftliche Theologie, Leipzig, a. 1884, p. 470-484 ; par Wordsworth, Sanday et White dans Old latin bibl. Texts, n. ii, Oxford, 1886. — v. Vindobonense fragmentum, VIIe siècle, à Vienne, au commencement du latin 502, qui est intitulé : Pactus legis ripuariæ. Publié par White, Old latin Texts, n. iii, Oxford, 1888. — z (j chez plusieurs auteurs). Sarzannensis Saretianus, Ve siècle, découvert à Sarezzano, près de Tortone, par Amelli. Voir G. Amelli, Un antichissimo codice biblico latino purpureo conservato nella Chiesa di Sarezzano presso Tortona, Milan, 1872 ; 2e édit., 1885, où l’auteur ne donnait qu’un passage des longs fragments de Jean contenus dans ce manuscrit. Le manuscrit est maintenant au Mont-Cassin et a été publié par le même éditeur : Un antichissimo codice biblico latino purpureo, Mont-Cassin, 1893. Voir Archiv fur latein. Lexikogr. und Grammatik, Leipzig, 1894, p. 323, et Kennedy, article cité, p. 51, contrairement à Corssen, Bericht, p. 23, et Gregory, Textkritik, p. 608, où il se réfère à Corssen.

2. Actes des Apôtres. — A. Cantabrigiensis. Le même que pour les Évangiles. Voir ci-dessus. — e. Laudianus. Manuscrit gréco-latin (= E des mss. grecs pour les Actes), VIe siècle, à Oxford, Bibl. Bodléienne, 35. Publié par Thomas Hearne, Acta Apostolorum græcolatine e codice Laudiano, Oxford, 1715 ; par Sabatier (op. cit.), d’après Hearne ; par Andr. Christian Hwiid, Libellus criticus, Copenhague, 1785, probablement d’après Hearne ; par Tischendorf, dans Monumenta sacra inedita. Nova collectio, t. IX, 1870, après deux collations distinctes faites en 1854 et 1865 ; par J. Belsheim, Acta Apostolorum ante Hieronymum latine translata, ex codice latino-græco Laudiano Oxoniensi, Christiania, 1893. — g. Gigas Holmiensis, xme siècle, à Stockholm. On y trouve une ancienne version pour les Actes et l’Apocalypse, la Vulgate pour le reste. Publié par Belsheim, Die Apostelgeschichte und die Offenbarung Johannis in einer alten lateinischen Uebersetzung, Christiania, 1879. Voir Gigas Librorum, t. iii, col. 238. — g 2. Mediolanense fragmentum, xe-xie siècle, à l’Ambrosienne de Milan. Publié par Ceriani, Monumenta sacra et profana, t. i, fasc. 2, p. 127-128, Milan, 1866. — h. Floriacus codex. Palimpseste de Fleury-sur-Loire, VIe-VIIe siècle, aujourd’hui à Paris, Bibl. Nat., lat. 6400 G. Publié en partie par Sabatier (op. cit.) ; par Vansittart, dans Journal of Philology, Londres, t. II, 1869, p. 240-246 ; t. IV, 1872, p. 219-222 ; par Omont, Bibliothèque de l’École des Chartes, 1883, t. xuv. Publié au complet par Belsheim, Appendix epistularum Paulinarum ex codice Sangermanensi Petropolitano in quo continetur I Collatio Ep. Paulinarum cum codice Claromontano-Parisiensi ; II Palimpsestus Parisiensis, fragmenta Act. Apost., Ep. Petri, Ep. Joh. primæ, Apocalypseos Joh., ex codice rescripto Parisiensi, Christiania, 1887 ; enfin par S. Berger, Le palimpseste de Fleury, Paris, 1889. — m. Sessorius ou Speculum. Voir m. des Évangiles. — p. Parisiense fragmentum, xiiie siècle. Comprendi-xiii, 6 et xxviii, 16-31. À la Bibl. Nat., latin 321. Découvert et publié par S. Berger, Un ancien texte latin des Actes des Apôtres retrouvé dans un manuscrit provenant de Perpignan. Tiré des Notices et extraits des mss. de la Bibl. Nat., Paris, t. xxxv, 1re partie, 1895. Le même auteur a également publié xxviii, 16-31, dans les Mélanges Julien Havet, Paris, 1895, p. 9-14 : De quelques anciens textes des Actes des Apôtres. Cf. du même, Hist. de la Vulgate, p. 77. — s. Bobbiensis palimpsestus, y-w siècle, à Vienne, latin 16. Publié par Tischendorf, Jahrbücher der Literatur, Anzeige Blatt, Vienne, t. cxx, 1847, p. 36-44 ; par Belsheim, Fragmenter af apostlernes Gjerninger, Jakobs Brev og 1 st Petri Brev i den seldste latinske Bibeloverseettelse efter en Palimpsest i det keiserlige Hofbibliothek i Wien, dans Theol. Tidskrift for den evang. luth. Kirke i Norge, 3. Reihe, Christiania, 1886, t. i, fasc. 3, p. 307-326 ; par White dans Old lat. bibl. Texts, n. iv, Oxford, 1897 ; — w. Au château de Wernigerode, dans le Harz (Bohême), chez le comte de Stolberg, manuscritt Za 81, XVe siècle. Blass en a publié les leçons : Neue Texteszeugen fur die Apostelgeschichte, dans Theologische Studien und Kritiken, année 1896, p. 436-471. — x. Bodleianensis, fonds Selden 30, vne-vme siècle, à Oxford. Voir S. Berger, Hist. de la Vulgate, p. 44 et 398 ; — Bibl. de Rosas, à Paris, Bibl. Nat., latin 6. Leçons et passages de l’ancien texte. Voir S. Berger, Hist., p. 24-25.

3. Épîtres catholiques. — ff. Corbeiensis, Xe siècle, à Pétersbourg, Q. v, i, 39. Épître de saint Jacques. Publié par Martianay, en 1695 avec v. 1. des Évangiles (voir plus haut) ; par Sabatier (Op. laud.) ; par Belsheim, une première fois d’après Martianay : Das Evangelium des Matthieus nebst einem Abdruck des Briefes Jacobi nach Martianays Ausgabe, Christiania, 1881 ; par le même, une seconde lois, d’après le manuscrit : Der Brief des Jakobus in aller lateinischen Uebersetzung, Christiania, 1883 ; par Wordsworth, dans les Studia biblica et ecclesiastica, t. i, Oxford, 1885. — h. Le même que pour les Actes. Voir ci-dessus. — m. Le même que pour les Évangiles et les Actes. Voir ci-dessus. — q (g dans Nestlé). Monacense fragmentum, vie-vne siècle, à Munich, Clm. 6436. Fragments de I Pétri, II Pétri, I Joan. Ziegler a publié les fragments de Pierre dans Bruchstücke einer vorhieronymianischen Uebersetzung der Petrusbriefe, Munich, 1877 ; et ceux de Jean dans Italafragmente, Marbourg, 1876. — s. Contient fragments de Epist. Jacobi et del Pétri. Le même que pour les Actes. Voip eiTdessus. Voir aussi S. Berger, Hist. de la Vulgate, n° 8-10, sur un texte de I Joa., dans un palimpseste conservé aux archives de la cathédrale de Léon (Espagne).

4. Épîtres de saint Paul. — d. Claromontanus, græco-latinus (= D paul. ; ne pas confondre avec le Codex Bezæ, D evang.), VIe siècle, à Paris, Bibl. Nat., gr. n. 107. Publié par Sabatier ; par Tischendorf, Codex Claromontanus, Leipzig, 1852. — e ( =E paul.). Sangermanensis, græco-latinus, IXe siècle, maintenant à Pétersbourg. Publié par Sabatier ; par Belsheim, Epistulæ Paulinæ ante Hieronymum latine translatæ ex codice Sangermanensi. gr.-lat. ; olim Parisiensi, nunc 111 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES À S. JÉRÔME 112

Petropolitano, Christiania, 1885. — f (= F paul.). Augiensis, græco-latinus, IXe siècle, à Cambridge, Trinity college, B, 17, 1. Publié par Scrivener, An exact transcript of the codex Augiensis, Cambridge, 1859. — g (= G paul.). Bœrnerianus, græco-latinus, IXe siècle, à Dresde, A. 145 b. Publié par Matthæi, Tredecim Epistolarum Pauli Codex græcus Bœrnerianus, Misniae (Meissen), 1791. Une seconde édition a paru en 1818. — gue. Guelferbytanus palimpsestus, VIe siècle. Fragments de l’Ép. aux Romains, à Wolfenbüttel, Weissemburg, 64. Publié par Knittel avec des fragments de la version gothique, Ulphilæ versio Gothica nonnullorum capitum Ep. Pauli ad Rom., Brunswick, 1762 ; par Tischendorf, Anecdota sacra et profana, Leipzig, 1835, p. 153-158. — r. Frisingensis, ve-vie siècle. Fragments de diverses Épîtres, à Munich, Clm. 6436. Publié par Ziegler, Italafragmente der Paulinischen Briefe, Marbourg, 1876. — Deux autres fragments du même manuscrit trouvés par Schnorr von Karolsfeld en 1892, ont été publiés par Wölfflin, Neue Bruchstücke der Freisinger Itala, dans Sitzungsberichte der Mùnchener Akademie, 1893, I. Band, p. 253-280. — r 2. Fragments de Philipp. et 1 Thess., VIIe siècle, à Munich, Clm. 6436. Publiés par Ziegler avec r, Italafragmente comme ci-dessus. — r 3. Fragments de Rom., Gal., VI-VIIe siècle, au monastère de Göttweig sur le Danube. Publiés par Rönsch, dans la Zeitschrift fur wissenschaftliche Theologie, Leipzig, 1879, p. 224-234. — x 2. Oxoniensis, IXe siècle, à Oxford, Bibl. Bodléienne, Laud, lat. 108, E, 67. Texte corrigé trois fois.

5. Apocalypse. — g. Gigas Holmiensis. Voir g des Actes. — m. Sessorianus ou Speculum. Voir m des Évangiles et des ictes. Cf. H. Linke, Studien zur Itala, I. Die vorhieronymische Ueberlieferung der Offenbarung Johannis. u. Zum Codex Sessorianus. m. Mœnianum, Breslau, 1889. — h (reg chez Gregory). Floriacum fragmentum. Voir h des Actes. C’est le latin 6400 G, Bibl. Nat., Paris. Il contient, aux folios 115 v° et 118 v°, les fragments suivants : i, 1-n, 1 ; viii, 7-ix, 12. Publiés par Omont dans la Bibliothèque de l’École des Chartes, t. xliv, 1883, p. 445-451 ; par Vansittart, Journal of Philology, London et Cambridge, t. iv, 1872, p. 219222 ; par Belsheim et S. Berger (op. cit.). Voir ci-dessus, h des Actes.

II. À quelle époque se fit la traduction des Écritures en latin. — Les textes que nous venons d’énumérer donnent lieu à un certain nombre de questions que nous allons maintenant examiner. La premiers concerne l’époque où fut faite la traduction en latin de nos textes sacrés. Les plus anciens manuscrits que nous ayons rencontrés sur notre route sont des IVe et Ve siècles seulement. Mais grâce aux écrits des Pères, il nous est possible de remonter beaucoup plus haut. Saint Cyprien, dont la vie s’étend du commencement du m » siècle à l’an 258, avait certainement sous la main, quand il écrivait, une Bible latine, on peut dire complète ; car il cite à chaque instant et dans les mêmes termes, des textes pris de presque toute l’Écriture ; il a même publié des ouvrages, comme l’Epistola ad Fortunatum de Exhortatione Martyrii et les Testimoniorum contra Judæos libri tres (Patr. Lat., t. iv), qui ne sont autre chose que des collections de textes sacrés en latin. Aussi peut-on parler en toute rigueur de la Bible latine de Cyprien. Voir P. Monceaux, La Bible latine en Afrique, parue dans la Revue des Etudes juives, 1901, surtout p. 152-172.

— Avant saint Cyprien, Tertullien, qui naît en plein IIe siècle pour prolonger sa longue carrière jusque vers l’an 240, cite également presque tous les livres de l’Écriture et plusieurs même de ceux que nous ne rencontrons pas sous la plume de Cyprien. À peine s’il en est quatre ou cinq que Tertullien n’ait employés. Il est vrai que ses citations ne se reproduisent pas toujours dans les mêmes termes, ce qui a fait penser à plusieurs que peut-être il traduisait directement le texte grec qu’il avait certainement en sa possession et auquel plusieurs fois il se réfère. Mais comme précisément il se réfère au grec pour discuter certaines interprétations admises dans l’Église de Carthage, il est donc évident que ces interprétations ou versions latines existent. Voir De monog., 11, t. ii, col. 946 ; Advers. Marc, ii, 9, col. 294. C’est aussi des versions latines, croyons-nous, malgré la nouvelle explication que l’on a essayé de donner à ce passage (Voir Corssen, Bericht, p. 13) que parle Tertullien quand il dit : Hæc sunt enim duo Testamenta, sive duæ ostensiones, sicut invenimus interpretatum (Adv. Marc, v, 4, t. ii, col. 478). Cf. P. Monceaux sur Tertullien, loc. cit., p. 138-151. — Bien antérieurement à Tertullien, nous trouvons encore un témoignage formel que l’on avait traduit des livres de l’Écriture en latin dès le milieu, sinon dés le début du IIe siècle. Les Acta Martyrum Scillitanorum, qui sont le plus ancien document chrétien de l’Église d’Afrique (voir Harnack, Geschichte der altchristlichen Literatur, t. i, lasc. 2, Leipzig, 1893, p. 817-819 ; Bardenhewer, Les Pères de l’Église, trad. franc., t. i, Paris, 1898, p. 234-235), nous rapportent qu’en l’an 180, douze martyrs furent décapités à Scillium, en Numidie, par ordre du proconsul Saturninus. Or dans l’interrogatoire des saints martyrs, nous lisons ceci, d’après le texte original latin (British Muséum, n. 11880) [publié par Armitage Robinson : Le proconsul Saturninus dit : Qu’y a-t-il dans vôtre boîte ? — Speratus (l’un des martyrs) dit : Les livres et les Épîtres de Paul, homme juste : Libri et Epistulæ Pauli, viri justi. » Voir A. Robinson, Texts and Studies, t. i, n. 2, Cambridge, 1891, p. 114. Selon la version grecque du manuscrit de la Bibl. Nat. daté de 890 (Fonds grec, n. 1470, Martyrium S. Sperati), la réponse du martyr serait : « Les livres en usage chez nous et les Épîtres de Paul, homme saint : Αἱ ϰαθ' ἡμᾶς βιϐλοι ϰαὶ αἱ προσεπὶ τούτοις Ἐπιστολαὶ Παύλου τοῦ ὁσίου ἀνδρός. Cité dans Robinson, ibid., p. 115. Plus clairement selon un texte latin de Baronius, reproduit par Ruinart et Robinson : Quatuor Evangelia Domini Nostri Jesu Christi, et Epistolas sancti Pauli apostoli, et omnem divinitus inspiratam Scripturam. Ruinart, Acta martyrum, édit. de Ratisbonne, 1859, p. 132 ; Robinson, ibid., p. 120. Et enfin un autre texte latin (Bibl. Nat., fonds latin, nouvelles acquisitions, n. 2179) fait dire plus simplement au martyr : Libri Evangeliorum et Epistolæ Pauli viri sanctissimi apostoli. Texte reproduit aussi par Ruinart, ibid., p. 133, et par Robinson, ibid., p. 119. Comme on le voit, quant au fond, l’accord est complet, les martyrs de Scillium possédaient les Épîtres de Paul et d’autres livres sacrés, qu’il est plus difficile de déterminer. Or ces martyrs étaient des gens du peuple et des esclaves, qui ne pouvaient évidemment comprendre les Écritures que dans leur propre langue. Il n’est donc pas douteux que dès cette époque, en l’an 180, « les livres et les Épîtres de Paul » ne fussent traduits et même répandus parmi le peuple chrétien d’Afrique. Cl. P. Monceaux, loc. cit., p. 137-138. Faut-il, avec saint Augustin, remonter plus haut encore et parler « des premiers temps de la foi », comme étant ceux où l’on commença à traduire les saintes Lettres en latin ? En vérité, il n’est guère possible d’en douter, si l’on veut bien, à défaut de textes plus anciens que les précédents, examiner cette question en dehors de tout esprit de parti. Chacun sait que l’Écriture en langue vulgaire est pour l’évangélisation d’un peuple un objet de première nécessité. Les premiers apôtres de l’empire romain durent traduire ou faire traduire de bonne heure les Livres saints, dans cette langue latine que parlait le peuple romain, en Italie, dans les Gaules, en Espagne ou en Afrique.

On a dit, il est vrai, qu’à cette époque le grec était 113 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES À S. JÉRÔME 114

partout connu dans la société romaine, et qu’à Rome même les premiers monuments de la civilisation chrétienne, la liturgie, l’épigraphie, les documents émanés des apôtres Pierre et Paul, et de tous les papes jusqu’au milieu du IVe siècle, sont écrits en grec. Il est vrai que les premiers apôtres prêchèrent tout d’abord dans le milieu hellène de la diaspora, et c’est ce qui explique qu’ils écrivirent en grec et que la liturgie, à l’origine, fut grecque. Mais le IIe siècle n’était pas commencé que déjà l’Église avait brisé les premiers cadres de son action devenus trop étroits, débordé le cercle restreint des synagogues, pénétré enfin dans la société romaine où l’hellénisme juif n’était qu’un point perdu dans l’espace. On parlait grec, dit-on, dans la société romaine et à Rome surtout. La vérité est que le peuple parlait latin. On sait, à n’en pas douter, par le témoignage de Tertullien, Apolog., xxxvii, t. i, col. 462-463, que de son temps déjà les masses populaires chrétiennes inondaient toute la société romaine et que, par conséquent, l’évangélisation du bas peuple, parlant uniquement le latin, devait remonter jusqu’aux origines. On peut donc conclure que vers la fin du v siècle, à Rome comme en plusieurs autres contrées de la péninsule ou de l’empire, on devait posséder déjà quelque traduction de l’un ou de l’autre des trois premiers Évangiles. Peu à peu, les autres documents, Évangile de saint Jean, Épîtres de saint Paul ou des autres apôtres, arrivent à la connaissance du monde d’Occident et sont pareillement traduits en latin pour l’usage soit du peuple, soit des prêtres et des évêques eux-mêmes. L’Ancien Testament, lui aussi, dut être bientôt traduit, non pas de l’hébreu, mais, comme le prouvent nos anciens textes, du grec des Septante que les Juifs hellènes avaient déjà semé sur tous les rivages de la Méditerranée, alors que le christianisme était encore à son berceau. C’est dans la première moitié du IIe siècle, de l’an 100 à 150 environ, que se fit la plus grande partie de ce travail, et sur la fin du même siècle que le reste s’acheva. Cf. Kaulen, Einleitung, 1899, § 145-146 ; Westcott, dans le Dictionary of the Bible de Smith, article Vulgate, n. 5, t. iii, p. 1690.

IV. De la pluralité des versions latines antérieures à saint Jérôme. — Dans la question présente nous n’avons pas à nous demander si la Bible latine antérieure à saint Jérôme est l’œuvre d’un ou de plusieurs auteurs ; la pluralité des traducteurs de nos textes n’est contestée par personne. Il ne s’agit pas non plus de rechercher si la Bible fut traduite plusieurs fois en entier ; les renseignements et les textes qui nous restent ne sont pas assez nombreux pour qu’on puisse trancher cette question. Nous nous demandons simplement si pour un certain nombre de livres, et en particulier pour ceux dont nous possédons des textes divers, il faut reconnaître une seule version fondamentale avec des recensions subséquentes qui expliqueraient la diversité de ces textes, ou bien au contraire s’il y eut des versions multiples dès l’origine, entreprises par des traducteurs différents. À la question ainsi posée tous ne répondent pas de la même manière. Des auteurs éminents, tels que Sabatier et Bianchini au XVIIIe siècle, Vercellone et Tischendorf de nos temps, plus près de nous encore Kennedy, Scrivener, Gregory (bien que ce dernier fasse une grave concession dans son récent ouvrage Textkritik, t. ii, 1902, p. 597), sont pour l’unité de version. Voir Sabatier, Bibliorum sacr. lat. versiones antiques, t. i, p. vi ; Bianchini, Evangelium quadr., proleg., p. 29 ; Vercellone, Dissertazioni accademiche, Roma, 1864, p. 21 ; Tischendorf, Novum Test. triglottum, Leipzig, 1854, proleg., col. xlvii-li ; Kennedy, dans Dictionary of the Bible, art. Latin Versions [The old], t. iii, p. 48-49 ; Scrivener, A plain Introduction, 4e édit v t. ii, p. 41-43 ; Gregory, Proleg., p. 949-952, et Textkritik, loc. cit. D’autres, au contraire, surtout depuis les derniers travaux qui ont été faits, admettent la thèse de la pluralité. De ce nombre sont, chez les Allemands. Gams, Rönsch, Ziegler, Nestlé, Kaulen, et chez nous, L. Delisle, U. Robert, Gaston Paris, P. Monceaux. Voir Gzm%Kirchengeschichte Spaniens, 1879, t. ii, p. 501 ; Rönsch, Itala und Vulgata, p. 2 ; Ziegler, Die latein. Bibelübersetzung vor Hieron., p. 1 ; Nestlé, Urtext und Uebersetzungen der Bibel, Leipzig, 1897, p. 85-86 ; Kaulen, Einleitung, 1899, § 146 ; L. Delisle, Notice sur un manuscrit de Lyon, dans la Biblioth. de l’École des Chartes, 1878, t. xxxix, p. 428 ; U. Robert, Pentat. versio, introd., p. cxxxii, et Heptateuchi versio latina, p. xxv ; G. Paris, dans le Journal des savants, 1883, p. 387 ; P. Monceaux, La Bible latine en Afrique, dans la Revue des Études juives, 1901, p. 15-17. Cette seconde opinion nous paraît l’emporter en probabilité ; nous allons en donner nos raisons.

Il est à propos de remarquer tout d’abord qu’aux époques reculées où remonte la traduction latine, Ier et IIe siècles, avons-nous dit, il n’y eut pas évidemment de version pour ainsi dire officielle, élaborée par autorité ecclésiastique pour être ensuite communiquée identiquement aux différentes communautés chrétiennes. Les premiers pasteurs des églises n’avaient ni le temps ni les moyens de constituer une sorte de commission savante, chargée de préparer pour tous les peuples de langue latine une traduction officielle et unique de nos livres sacrés. Saint Augustin a dit en peu de mots comment l’Écriture parvint aux Églises latines : « Aux origines de la foi, le premier venu, s’il lui tombait entre les mains un texte grec et qu’il crût avoir quelque connaissance de l’une et de l’autre langue, se permettait de le traduire. » De doct. christ., ii, 11, t. xxxiv, col. 43. Donc pas de texte officiellement élaboré, arrêté pour tous, mais une série de travaux privés, entrepris sans aucune entente préalable par des écrivains que séparent de longues distances et que sollicitent les mêmes besoins. Dès lors il est probable qu’un certain nombre de livres ont dû être traduits par plusieurs travailleurs.

Les premiers Pères, en effet, qui se sont servis des textes antérieurs à la Vulgate, semblent tous d’accord pour nous attester l’existence, non pas seulement de variantes dans les manuscrits d’un même texte, mais encore de traducteurs multiples pour les mêmes livres. Tertullien paraît déjà avoir eu connaissance de plusieurs versions : Quidam de græco interprétantes… pro afflatu spiritum ponunt. Adv. Marc, II, 9, t. ii, col. 294. — Saint Hilaire, à différentes reprises, nous parle aussi de traducteurs multiples d’un même passage : Aliqui translatores nostri ; latini quidem interpretes transtulerunt. In Ps. LIV, 1, t. ix, col. 347 ; m Ps. cxviii, littera xii, 3, t. ix, col. 577. Cf. De Trinit., 1. VI, 45, t. x, col. 194. — Saint Ambroise se sert bien souvent d’expressions du même genre, et il n’est pas rare de le voir discuter les traductions discordantes. In Ps. xxxvi, 56, t. xiv, col. 994 ; ïn Ps. cxvill, Serm., xii, 7, t. xv, col. 1362 ; Serm., xv, 3, col. 1410 ; Serm., xx. 10, col. 1486. Cf. Ambrosiaster, Comm. in Rom., v, 14, t, xvii, col. 96. — Le langage de saint Jérôme suppose aussi notre thèse, notamment dans sa Préface aux quatre Évangiles, t. xxix, col. 525, et dans la lettre xviii, 21, au pape Damase. Præf. in quatuor Evang., t. xxix, col. 525 ; t. xxii, col. 376.

Mais de tous les Pères aucun n’a parlé plus clairement que le grand évêque d’Hippone, saint Augustin. C’est au livre second de son traité De doctrina christiana surtout (t. xxxiv), qu’il a dit sa pensée sur ce sujet. Après avoir énuméré les livres canoniques (c. viii), et indiqné ce que l’on doit chercher avant tout dans les Écritures, il signale au travailleur les difficultés d’ordre philologique qu’il rencontrera sur sa route (c. ix-x), 115 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES À S. JÉRÔME 116

puis (c. xi) arrive aussitôt aux moyens de les vaincre : « Les hommes de langue latine, dit-il, ont besoin pour la connaissance des Écritures du secours de deux autres langues : la langue hébraïque et la langue grecque, afin que, si l’infinie variété des interprètes latins les jette dans le doute, ils puissent recourir aux deux autres textes. » Ce secours, poursuit-il, leur sera utile, non seulement pour entendre certains mots hébreux restés dans le latin, tels que : « Amen, Alléluia. Racha, Hosanna…, mais encore et surtout, comme je l’ai dit, à cause des divergences des interprètes. Car on peut bien compter ceux qui ont traduit les Écritures de l’hébreu en grec, mais non ceux qui les ont traduites en latin. » Le cardinal Wiseman, qui était partisan de l’unité, a essayé d’éluder la force de ces dernières paroles, en disant que saint Augustin opposait ici aux traducteurs grecs les recenseurs et non les traducteurs de la version latine. Lettres au Catholic Magazine, dans Migne, Démonstrations évangéliques, t. xvi, p. 272. Mais n’est-ce pas là solliciter les textes à plaisir, pour en obtenir ce qu’ils se refusent d’eux-mêmes à donner ? Du reste, pour couper courte toute hésitation, saint Augustin lui-même précise sa pensée, en expliquant comment il s’est lait que l’on ait pu avoir des versions multiples. Car c’est à cet endroit qu’il écrit les célèbres paroles citées plus haut : « Aux origines de la foi, le premier venu, s’il lui tombait entre les mains un texte grec, et qu’il crût avoir quelques connaissance de l’une et de l’autre langue, se permettait de le traduire. » Très évidemment le sens de ces dernières paroles n’est pas « se permettait d’en faire la recension », mais bien « d’en faire la version ». Et ce n’est pas tout encore. Au chapitre suivant (xii), il nous dit que cette multiplicité de traductions a d’ailleurs un avantage, celui de nous faire connaître de combien de manières on a compris les Écritures avant nous, ce qui permet au travailleur d’étudier, de comparer les opinions diverses et de faire ainsi un choix éclairé. Après quoi (c. xiii), il ajoute les paroles suivantes qui sont bien significatives dans la question : « Mais parce que la pensée que plusieurs interprètes se sont efforcés de rendre, chacun selon sa capacité et sa manière de voir, ne se montre bien que dans la langue même de laquelle ils traduisent, et aussi, parce que le traducteur, à. moins d’être très docte, trahit souvent le sens de l’auteur, il faut, ou bien apprendre les langues d’où l’Écriture a passé en latin, ou bien consulter les traductions les plus littérales ; non qu’elles suffisent, mais parce qu’elles serviront à découvrir l’exactitude ou l’erreur de ceux qui se sont attachés à traduire le sens plutôt que les mots. » Enfin, pour rendre ses conseils plus pratiques, le grand docteur (c. xiv-xv), après avoir une fois de plus recommandé comme très utile le recours aux textes des nombreux traducteurs latins : Juvat interpretum numerositas collatis codicibus inspecta atque discussa, indique lui-même parmi tant de versions celle qu’il croit préférable aux autres, parée qu’il la juge à la fois plus littérale et plus claire. Cette version, il lui donne un nom, par lequel il la distingue nettement des autres, c’est l’Italique : In ipsis autem interpretationibus, Itala cæteris præferatur ; nam est verborum tenacior cum perspicuitate sententiæ. Ces dernières paroles sont si manifestement en faveur de la pluralité des versions latines, que les partisans de l’unité n’ont cru pouvoir les expliquer qu’en accusant les copistes d’avoir altéré le texte. Ce n’est pas Itala qu’il faudrait lire, mais illa, ou bien encore usitata, le copiste ayant par distraction combiné le commencement de ce mot avec la fin du précédent : interpretationibusitata. En vérité, la critique est souvent contrainte de s’en prendre aux copistes pour défendre ses propres droits et ceux du simple bon sens ; mais du moins faut-il, quand on a recours à ce procédé, pouvoir le justifier par quelque raison plausible, et le seul désir de faire triompher une opinion contestable n’en est pas une.

Qu’était-ce en somme que la version italique ? Si le mot Itala est authentiquement d’Augustin, comme nous le croyons, il est évident que l’Italique était pour le docteur d’Hippone une version en usage en Italie, ou, si l’on tient à donner à ce dernier mot plus de précision, une version répandue dans la circonscription politique appelée diocèse d’Italie, qui comprenait le nord de la péninsule, et dont Milan était la capitale. Cf. Gaston Paris, dans le Journal des savants, 1883, p. 287 et 388 ; S. Berger, Histoire de la Vulgate, p. 6 ; P. Monceaux, dans la Revue des Études juives, juillet 1901, p. 16. Et ainsi l’on est induit à penser que l’Italique devait être la version latine qu’Augustin avait sous les yeux, quand, à Milan, il allait entendre les commentaires d’Ambroise ou qu’il se rendait à l’église pour y pleurer au chant des Psaumes. Nous essaierons de dire plus loin quels textes représentent l’Italique ; pour le moment il nous suffit de bien constater que, dans la pensée d’Augustin, l’Italique n’est pas l’unique version latine, mais parmi les diverses versions dont il a connaissance, celle qu’il recommande.de préférence. On voit du même coup que c’est par erreur que l’usage a prévalu durant quelque temps de se servir de cette dénomination pour désigner toutes les traductions latines antérieures à saint Jérôme.

Après avoir montré par le témoignage des Pères combien est plus vraisemblable la thèse de la pluralité des versions, il nous resterait à établir la même thèse par l’étude directe des textes que nous avons encore entre les mains. Mais pour être démonstrative, cette preuve nécessiterait de longues citations ; il faudrait mettre en regard sous les yeux du lecteur nombre de passages des Écritures puisés aux différentes sources, les comparer les uns avec les autres, relever leurs divergences et alors montrer que ces divergences trouvent leur explication, leur raison suffisante dans la multiplicité des traductions et non pas dans la multiplicité des recensions, comme le voudraient les défenseurs de l’opinion contraire. Comme il n’est pas possible de transcrire ici toutes les pièces du procès, ce qui demanderait des volumes, nous renverrons d’abord le lecteur aux auteurs qui, de notre temps, ont démontré la pluralité des versions latines par les plus larges citations : M. Ziegler, Die lateinischen Bibelübersetzungen vor Hieronymus, in-4°, Munich, 1879 (antidaté), p. 102-123 ; M. U. Robert, Pentateuchi versio latina, in-4°, Paris, 1881, p. cxxxh-CXLi ; M. P. Monceaux, dans les deux articles déjà cités de la Revue des Études juives, avril 1901, p. 129-172 ; juillet, p. 15-49. Sur le premier ouvrage, celui de M. Ziegler, et à l’appui de la même thèse, on peut aussi voir Desjacques : Les versions latines de la Bible avant saint Jérôme, dans les Études, décembre 1878, p. 721-744. Cela fait, nous allons dire cependant ici le nécessaire dans la question, en appuyant particulièrement sur la méthode à suivre pour donner à l’argument toute la force qu’il peut et doit avoir, mais sans rien exagérer de sa valeur. Car, on le comprend bien, si la preuve était absolument péremptoire, nous n’aurions pas contre nous tant d’hommes éminents.

Plusieurs parmi ceux-ci réclament d’abord contre l’emploi de textes empruntés aux ouvrages des anciens Pères pour prouver notre thèse, et en cela ils n’ont pas tout à fait tort. Il est, en effet, très délicat d’argumenter ici d’après les citations des Écritures que l’on rencontre chez les premiers écrivains ecclésiastiques. Que Tertullien, saint Hilaire ou quelque autre raconte une des touchantes histoires de l’Évangile, il est tout aussitôt manifeste qu’à cette époque le tait évangélique se rencontrait dans le texte ; mais la teneur même du récit, qui se trouve dans Hilaire ou Tertullien, est-ce bien celle des Évangiles d’alors ? En d’autres termes, a-t-on affaire à une citation littérale des Évangiles, tels qu’on les avait alors en manuscrit, ou bien n’est-ce qu’un récit fait de mémoire et en gros, peut-être une traduction nouvelle de ce passage improvisée sur le texte grec qu’on a sous les yeux ? On le voit, les citations scripturaires des anciens doivent être examinées de près et jusque dans les détails, si l’on veut être sûr que l’on tient entre les mains une version dont le texte était à l’avance fixé, une version enfin que l’écrivain rapporte fidèlement, littéralement, sans commentaire comme sans omission. En négligeant cette précaution, on s’exposerait à trouver chez un même Père plus de versions qu’on n’en voudrait. D’autre part, et pour ne rien perdre des avantages auxquels ils ont droit, les partisans de la pluralité doivent surveiller les éditions des Pères dont ils se servent à défaut de manuscrits, parce que trop souvent il arrive que l’éditeur maladroit remanie les citations scripturaires pour les rendre conformes à quelque texte reçu, et fait ainsi disparaître toutes les divergences. Au total, l’emploi de textes pris dans les ouvrages des Pères est parfaitement légitime, mais le maniement en est fort délicat, si l’on ne veut ni exagérer ni affaiblir la valeur des arguments puisés à cette source, et il est préférable, quand on en a la facilité, de recourir directement aux textes continus des Écritures, que l’on rencontre dans les manuscrits ou dans les éditions qui en ont été publiées.

Mais est-il possible d’établir d’après les seuls manuscrits la pluralité des anciennes versions latines pour chacun des livres de l’Écriture ? Évidemment non ; car nous sommes loin de posséder, en particulier pour l’Ancien Testament, le nombre de textes qui seraient requis pour faire une telle démonstration. Aussi bien, selon ce quia été dit en commençant, n’est-il pas nécessaire de prétendre que l’antiquité ait possédé plusieurs versions latines de tous les Livres saints sans exception. Mais, si nous sommes relativement pauvres en manuscrits du Vieux Testament, il n’en est plus tout à fait de même pour les livres du Nouveau. C’est pourquoi nos adversaires ont ici le droit d’exiger que nous leur prouvions, d’après les textes qui nous restent des Évangiles, des Actes ou des Épîtres de saint Paul, la pluralité des anciennes versions latines. Cette preuve, on peut la faire, et, à notre avis, elle est à tout le moins suffisante pour établir solidement notre thèse, encore qu’elle ne force pas la conviction de tous les critiques.

Nous donnerons un exemple qui permettra au lecteur de voir à peu près dans quelle mesure nos textes s’éloignent ou se rapprochent les uns des autres. Voici en quels termes les trois manuscrits a. Vercellensis, b. Veronensis et f. Brixianus racontent la visite des saintes femmes au sépulcre, le matin de la résurrection, d’après saint Luc, xxiv, 1-11 :

a. Vercellensis. b. Veronensis. f. Brixianus.
1. prima autem die sabbatorum 1. una autem sabbati 1. una autem sabbati
2. venerunt ante lucem valde ad monumentam 2. venerunt valde tempore ad monumentum valde diluculo venerunt ad monumentum
3. adferentes quæ paraverunt 3. portantes quæ paraverant 3. portantes quæ paraverant aromata
4. 4. 4. et aliæ simul cum eis
5. invenerunt autem lapidem revolutum a monumento 5. et invenerunt lapidem revolutum 5. et invenerunt lapidem revolutum a monumento
6. ingressæ autem non invenerunt corpus 6. ingressæ autem non invenerunt corpus 6. et ingressae non invenerunt corpus
7. et factum est dum stuperent de hoc 7. et factum est dum mente consternatæ essent de facto 7. et factum est dum hæsitarent de hoc
8. ecce viri duo adstiterunt juxta illas in veste fulgenti 8. et ecce duo viri steterunt secus illas in veste fulgente 8. ecce duo viri adstiterunt juxta illas in veste fulgenti
9. timere autem adprehensæ inclinantes faciem ad terram 9. cum timerent autem et declinarent vultum in terram 9. cum timerent autem et declinarent vultum in terram
10. dixerunt ad illas quid quæritis vivum cum mortuis 10. dixerunt ad illas quid quæritis viventem cum mortuis 10. dixerunt ad illas quid quœritis vîventem cum mortuis
11. 11. 11. non est hic sed surrexit
12. memoramini sicut locutus est vobis 12. rememoramini qualiter locutus est vobiscum 12. recordamini qualiter locutus est vobis
13. dum adhuc esset in galilæa 13. cum adhuc in galilæa esset 13. cum adhuc in galilæam esset
14. dicens quoniam filium hominis oportet tradi 14. dicens quia oportet fllium hominis tradi, 14. dicens quia oportet filium hominis tradi
15. 15. in manus hominum et crucifigi 15. in manus hominum peccatorum et crucifigi
16. et tertia die resurgere 16. et die tertia resurgere 16. et tertia die resurgere
17. et memoratæ sunt verborum horum 17. et rememoratæ sunt verborum horum 17. et recordatae sunt verborum ejus
18. et reversæ renuntiaverunt hœc omnia illis omnibus et ceteris omnibus 18. et regressae renuntiaverunt hæc omnia illis XI et ceteris omnibus 18. et regressas a monumento nuntiaverunt hæc omnia illis undecim et ceteris omnibus
19. erat autem magdalena 19. erat autem maria magdalenæ 19. erat autem maria magdalena
20. et maria iacubi et iohanna 20. et iohanna et maria iacobi 20. et iohanna et maria iacobi
21. et reliquat cum eis quai dicehant ad apostolos hæc 21. et ceteræ quæ cum ipsis fuerant hæc dicebant ad apostolos 21. et ceteræ quæ cum eis erant quæ dicebant ad apostolos hæc
22. et visa sunt illis tanquam délira verba hæc 22. et visa sunt ante illos sicut deliramentum verba ista 22. et visa sunt coram illos quasi deliramentum verba illarum
23. et non credebant eis 23. et non credebant illis 23. et non credebant illis.


Les trois récits qu’on vient de lire sont-ils l’œuvre de différents traducteurs, ou bien n’étaient-ils à l’origine qu’une seule et même version qui s’est modifiée dans la suite entre les mains de divers recenseurs ? Telle est exactement la question qui se pose en face de ces textes et tant d’autres semblables. Pour nous, il nous paraît que les variantes de nos manuscrits sont trop nombreuses pour qu’on puisse les expliquer autrement que par l’existence de plusieurs versions. De plus, si nous n’avions affaire qu’à des recensions, les divergences trahiraient la préoccupation qu’a toujours un recenseur de rendre son texte ou plus exact ou plus littéraire. Or nous ne voyons aucun souci de ce genre se trahir dans nos trois rédactions.

Une difficulté reste toutefois. On nous dit : Si nous admettons que ces textes viennent d’auteurs différents, comment expliquer qu’il s’y rencontre encore tant d’expressions semblables, absolument les mêmes ? Nous. 119 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES À S. JÉRÔME 120

pourrions d’abord répondre que ce sont les recenseurs peut-être qui ont ainsi rapproché les textes, car enfin, quand on a plusieurs textes d’un même ouvrage entre les mains, une recension a pour conséquence tout aussi bien de les rapprocher que de les éloigner les uns des autres. Mais n’insistons pas sur cet argument, qui n’est après tout qu’un argument ad hominem, et venons à la réponse directe. Or, nous disons que la rencontre des mêmes mots sous la plume des divers traducteurs était inévitable. Les Livres saints ont été pensés, puis écrits par des Sémites qui ont toujours suivi la syntaxe de leur propre langue, même quand ils ont écrit en grec. De là cette perpétuelle succession de petites phrases courtes, sans aucun lien qui les réunisse pour former quelque chose qui ressemble à nos périodes latines. Saint Luc lui-même, le meilleur écrivain grec du Nouveau Testament, n’a pas d’ordinaire échappé à cette loi. Or, un livre ainsi composé ne peut être traduit fidèlement que si l’on coule presque constamment sa propre phrase dans le moule de la phrase sémitique ; autrement, on ne semble pas traduire, mais paraphraser. Ajoutons à cela que le principal souci, et, pour ainsi dire, l’unique souci du traducteur des saints Livres a toujours été l’exactitude, la fidélité stricte. Il devait en être ainsi ; ce qui importe par-dessus tout dans l’étude des Écritures, c’est de savoir d’une manière précise ce que Dieu a dit. Car il s’agit d’une parole révélée et faisant loi, à laquelle on ne peut donc rien ajouter, rien retrancher, sans forfaire aussi bien à la science qu’au respect de la foi. C’est ce qui nous explique pourquoi toutes les versions approuvées dans les Églises sont des versions en somme littérales. Une version de la Bible doit pouvoir faire autorité comme un texte juridique ; or, elle ne le peut que si elle est littérale et rend l’affirmation divine telle quelle, rien de moins rien de plus. Dans ces conditions, il est absolument inévitable que les traducteurs se rencontrent souvent. Le lecteur est ^ même d’en faire l’expérience. Qu’il prenne un chapitre des Évangiles grecs, ou simple, ment le passage de saint Luc donné plus haut d’après nos trois manuscrits, et qu’il se mette lui-même à le traduire fidèlement, littéralement en latin ; il constatera que sa traduction se rapproche ou s’éloigne des anciennes versions qui datent de dix-sept à dix-huit cents ans, dans la mesure même où celles-ci s’éloignent ou se rapprochent les unes des autres. Et ainsi, l’examen intrinsèque de nos textes, comme aussi les témoignages des anciens écrivains ecclésiastiques, nous amènent à cette conclusion que partout où l’on rencontre des textes aussi divergents que le sont ceux de nos trois manuscrits, on a affaire, non pas à de simples recensions, mais bien à des traductions différentes.

VI. Du classement des textes par groupes de versions ou recensions diverses. — Les anciens textes latins ont été classés, mais pour la partie du Nouveau Testament seulement, par les deux célèbres critiques anglais Westcott et Hort, The New Testament in the original Greek, Introduction, p. 78-84, Cambridge, 1881, et l’on peut dire que leur système a été universellement accepté. Voir par exemple Scrivener, A plain Introd., p. 55-56 ; Gregory, Prolegomena, p. 948-949, et Textkritik, p. 598 ; Kenyon, Our Bible, London, 1895, p. 78 ; P. Monceaux, Revue des Études juives, avril 1901, p. 130-131 ; S. Berger, Histoire de la Vulgate, p. 5 ; Nestlé, dans Urtext und Uebersetzungen, p. 87-88 ; Kennedy, Diclionary of the Bible, t. m. p. 55-60. Se plaçant au point de vue de la diversité des versions ou recensions, Westcott et Hort en ont distingué trois groupes : groupe africain, groupe européen, groupe italien. Il va sans dire que cette classification ne comprend ni les textes alors insuffisamment étndiés ou même inconnus, ni les textes par trop mêlés pour qu’on puisse discerner leur groupe originel. Mais que faut-il entendre par textes africains, européens, italiens, si l’on veut rester dans le vrai, sans préjuger la question d’origine première de chaque version ou recension, et quels sont les textes à ranger daus chaque groupe ?

I. textes africains. — Par textes africains il faut entendre tous les textes, d’où qu’ils viennent, principalement apparentés avec ceux dont se servirent les Pères d’Afrique, Tertullien et surtout saint Cyprien. Car, nous l’avons dit, Cyprien a pour nous cet avantage qu’il cite souvent la Bible et la cite dans les mêmes termes ; c’est évidemment qu’il possédait une collection de textes déterminés, fixés, une véritable Bible latine qui peut par conséquent servir de point de départ ou de terme de comparaison pour retrouver la teneur des textes usités en Afrique à l’origine des Églises. Or on regarde comme se rapprochant particulièrement des citations de Tertullien et de Cyprien, pour les Évangiles : le Codex Bobbiensis (k), le Palatinus (e) ; pour les Actes et pour l’Apocalypse : le palimpseste de Fleury-sur-Loire (h).

II. textes européens. — Par textes européens on entend ceux qui ont été en usage dans les anciennes Églises latines d’Occident et sont restés en dehors des textes revisés par saint Jérôme. Les textes de cette catégorie sont fort nombreux. On cite, par exemple, pour les Évangiles les manuscrits suivants : Vercellensis (a), Curiensia fragmenta (a 2), Sangallensia fragmenta (anciens n, o, p, qui ont fait retour au a 2), Veronensis (b), Golbertinus (c), Corbeiensis (v. 2), Claromontanus (h) Vindobonensis (i), Usserianus primus (r 1) ; pour les Actes : Gigas Holmiensis (g), fragmentum Mediolanense (g 2), Bobbiensis palimpsestus (s) ; pour les Épitres catholiques : le Corbeiensis (ff) de Pétersbourg, contenant l’Êpître de saint Jacques ; enfin, pour l’Apocalypse : le Gigas Holmiensis (g).

III. textes italiens. — Les textes italiens sont, comme nous l’avons expliqué plus haut, en parlant de l’opinion de saint Augustin sur la pluralité des versions, les textes ainsi dénommés par ce Père, et qui, avons-nous dit encore, devaient être en usage, sinon dans toute l’Italie, au moins dans la partie nord du pays, appelée « diocèse d’Italie », comprenant entre autres les villes de Vérone, Aquilée, Brescia, Ravenne et Milan. Cf. S. Berger, Hist. de la Vulgate, p. 6. Les textes italiens sont donc eux aussi des textes d’Europe ; on les a mis pourtant dans une classe à part, à cause du mot célèbre d’Augustin. Comme le grand docteur les préférait aux autres et s’en servait dans ses propres écrits, que d’autre part il apprit vraisemblablement à les connaître quand il était à Milan, on les retrouvera facilement en voyant s’ils sont apparentés avec les citations bibliques d’Augustin, avec celles d’Ambroise ou des autres écrivains du nord de l’Italie.

Il faut cependant noter ici une opinion spéciale qui vient de se produire. Jusqu’à ces derniers temps, presque tous les auteurs avaient considéré l’Italique ou les textes italiens comme absolument différents des textes hiéronymiens. On citait pourtant saint Isidore de Séville, qui avait appliqué aux travaux de saint Jérôme l’éloge donné par Augustin à l’Itala. Presbyter quoque Hieronymus, trium linguarum peritus, ex Hebrœo in Latinum eloquium easdem Scripturas convertit eloquenterque transfudit, cujus interpretatio merito ceteris antefertur ; nam est et verborum tenacior et perspicuitate sententiæ clarior atque utpote a Christiano interprète verior. Etym., 6. 4, t. lxxxiii, col.236. Dans les Prolégomènes à la Glose ordinaire de Walafrid Strabon (Patr. Lat., t. cxiii, col. 26), on lisait aussi quelque chose de semblable. Plus récemment, C. A. Breyther, Diss. de vi quam antiquissimæ versiones, quæ extant latine, in crisin Evang. IV habeant, Mersebourg, 1824, 8°, cité par Nestlé, Urtext, p. 87, avait parlé dans le même sens, et de même enfin Ed. Reuss, dans la 2e et 121 LATINES (VERSIONS) DE LA BIBLE ANTÉRIEURES À S. JÉRÔME 122

la 3e édition de sa Geschichte der heil. Schrifte des N. T., au § 452, en entendant cela pourtant de la recension hexaplaire faite par saint Jérôme. Or voici que tout dernièrement M. Burkitt, The Old Latin and the Itala, Cambridge, 1896, p. 55-65, Texts and Studies, t. iv, n. 3, a tenté à son tour de démontrer que l’Italique pour Augustin serait la Vulgate et la traduction même de saint Jérôme. Plusieurs graves auteurs inclinent à donner raison à Burkitt, entre autres Th. Zahn, dans le Theologisches Literaturblatt, 1896, t. xvii, n. 31 ; S. Berger, dans le Bulletin critique, 1896, 5 sept., p. 481-485 ; Corssen, Bericht über die latein. Bibelübersetzugen, Leipzig, 1899, p. 5. Mais cette opinion trouve aussi des opposants d’autorité : Mercati, dans la Revue biblique, 1897, p. 474-478, ou Rivista bibliografica italiana, 10 nov. 1896, p. 257 ; P. Monceaux, dans la Revue des Études juives, juillet 1901, p. 16 ; Kennedy, Dictionary, p. 57 ; P. Lejay, dans la Rev. d’hist. et de litt. religieuses, 1900, p. 175-176. L’opinion de ces derniers auteurs nous paraît seule vraisemblable et voici pourquoi : Dans le célèbre passage d’Augustin sur l’Itala, De doctr. christ., ii, 15, il ne peut s’agir tout d’abord de la version de Jérôme sur l’hébreu. Le livre II du De doct. christ. est de 397. Or, à cette époque, la version de Jérôme était loin d’être achevée et, de plus, Augustin la combattit jusque vers l’an 405, comme nous l’avons raconté dans les Études, nov. 1895, p. 386-392. — Il ne s’agit pas non plus de la recension de l’Ancien Testament faite par Jérôme sur les Septante. Car, de tout l’Ancien Testament, Jérôme ne fit en Italie que la première révision du Psautier (Psautier romain), qu’il recommença plus tard à Bethléhem (Psautier gallican) d’après les Hexaples d’Origène. C’est aussi à Bethléhem qu’il continua et acheva sa recension sur les Septante. Pourquoi dès lors Augustin eût-il appelé version italienne cette recension de Bethléhem ? De plus, Augustin ne connaissait guère, en 397 du moins, quand il parlait de l’Itala, qu’une très minime partie de la recension achevée à Bethléhem en 390. En effet, en 394, il ne possède encore que le livre de Job, et en 397, quand il parle de l’Itala, à peine en a-t-il fait l’éloge qu’immédiatement après il recommande aux Latins de corriger leurs textes sur les Septante : Et latinis quibuslibet emendandis græci adhibeantur, in quibus Septuaginta interpretutn, quod ad Vetus Testamentum attinet, excellit auctoritas. De doctr. christ., n, 15, t. xxxiv, col. 46. Pourquoi cette recommandation, si l’Itala est pour lui précisément un texte déjà revu sur les Septante par saint Jérôme, dont les recensions étaient si appréciées d’Augustin ? — Enfin l’Itala n’est pas non plus, semble-t-il, la recension du Nouveau Testament faite à Rome par saint Jérôme de 383 à 385. Augustin, en effet, dans le célèbre passage sur l’Italique, paraît viser surtout l’Ancien Testament, puisqu’il recommande, comme nous le voyions à l’instant, de corriger le latin sur les Septante. Mais quand il viserait aussi bien le Nouveau Testament, quelle raison de croire qu’il entendait par Itala la recension de Jérôme ? On ne le voit pas. M. Burkitt appuie son opinion sur l’accord frappant que les citations d’Augustin dans le De Consensu Evangelistarum et dans le livre Contra Felicem ont avec le texte de la Vulgate. Mais d’abord on remarque un accord à peu près semblable entre la Vulgate du Nouveau Testament et certains manuscrits (ft2) qui sont pourtant indépendants de la recension hiéronymienne. S’il est vrai d’autre part, comme le croient Kaulen, Einleitung, § 146, et M. P. Monceaux, Revue des Etudes juives, juillet 1901, p. 48, que Jérôme ait pris pour base de sa recension du Nouveau Testament précisément un texte italien, l’accord des citations d’Augustin avec le texte hiéronymien s’explique très bien, sans qu’il soit nécessaire de supposer que la célèbre Italique soit la recension même de Jérôme. Enfin, on l’a dit et répété, c’est à Milan, dans le « diocèse d’Italie », qu’Augustin a dû faire connaissance avec son texte préféré. Selon toute probabilité, c’est donc celui-là qu’il a nommé texte italique, et non point la recension romaine de Jérôme, qui était du reste encore peu répandue. Telles sont les raisons pour lesquelles on ne doit pas, croyons-nous, identifier la recension romaine de Jérôme avec les textes italiques ou milanais.

Il nous reste à dire quels sont les textes classés parmi les italiques. On cite comme étant de ce nombre, pour les Évangiles : le Brixianus (f), le Monacensis, ancien Frisingensis (q) ; pour les Épîtres catholiques, le fragmentum Monacense (q) ; pour les Épîtres paulines, le codex Frisingensis (r), les fragments de Munich (r 2), les fragments de Göttweig (r3). — Sur tous ces classements, voir en ce qui concerne le Nouveau Testament, après Westcott et Hort (pp. cit., n. 113-116), principalement S. Berger, Hist. de la Vujgate, p.5 ; Kennedy, Dictionary, p. 55-56 ; P. Monceaux, Revue des Études juives, avril 1902, p. 130 ; juillet, p. 42. — Pour l’Ancien Testament, nous n’avons cité aucun manuscrit. Cette partie ayant été jusqu’à présent fort peu étudiée, il est assez difficile de donner des exemples assurés. Kennedy a cependant essayé un premier classement, Dictionary, p. 58-60.

VII. Lieu d’origine de l’ancienne Bible latine. — Dans quel pays se fit la première traduction des Écritures en latin ? Presque tous les défenseurs de l’unité de version placent en Afrique l’origine de cette version unique, surtout depuis les lettres célèbres du cardinal Wiseman, Two letters on some parts of the controversy concerning 1 Joh., v, 7, etc., parues dans le Catholic Magazine,1832-1833, reproduites dans Migne, Demonstr. évang., t. xvi, p. 287-299. Cette opinion fut partagée par des critiques du plus haut mérite, tels que Lachmann, Tischendorf, Davidson, Tregelles, et aujourd’hui encore elle est suivie par un certain nombre d’écrivains, tels que Cornely, Introduclio generalis, t. i, p. 363 ; Gregory, Prolegomena, p. 949-950, et Textkritik, p. 596-597. Scrivener soutenait aussi cette thèse ; mais le continuateur de son œuvre, M. White, ne semble pas partager son avis. A plain lntrod., 4e édit., Londres, 1894, t. ii, p. 44, note 1.

On fait valoir tout d’abord en faveur de cette opinion des raisons externes. C’est en Afrique en effet, comme on l’a vii, que nous trouvons les premières traces certaines et positives d’une version latine, dans les œuvres de Cyprien, de Tertullien et jusque dans les Actes des martyrs de Scillium. À Rome, au contraire, tout est grec, liturgie, épigraphie, épistolographie, et cela durant plus de trois siècles. — Que l’Afrique ait possédé de très bonne heure une version latine même complète de la Bible, on ne peut songer à le nier, mais qu’il n’y en ait pas eu au même temps dans les pays d’Occident, et spécialement en Italie, et à Rome même, c’est ce qui n’est aucunement démontré. Nous avons dit plus haut, en traitant de l’antiquité de la traduction latine, pourquoi nous pensions qu’à Rome aussi bien qu’en Afrique il dut y avoir de très bonne heure une version latine. Scrivener lui-même, qui croit à la seule origine africaine, ne craint pas de dire que l’argument apporté d’ordinaire à la suite de Wiseman, et qui conclut de l’usage du grec dans l’Église de Rome durant les trois premiers siècles contre l’origine romaine d’une version latine, n’est pas un argument convaincant pour un lecteur réfléchi. A plain Introd., p. 43.

Mais il est une autre preuve en faveur de l’origine africaine, et, ajoute-t-on encore, contre l’origine romaine ou occidentale de nos versions latines, c’est la preuve tirée des africanismes de nos textes. On nous dit que nos anciennes versions regorgent de locutions populaires et rustiques, qui sont propres aux écrivains latins d’Afrique des IIe et IIIe siècles et ne se rencontrent pas dans les écrivains romains. C’est l’argument qu’a fait valoir de nouveau avec science et talent le cardinal Wiseman, et que Rönsch lui-même a accepté pour l’Itala dans laquelle il croit retrouver des africanismes caractérisés. Itala und Vulgata, Marbourg, 2e édit., 1875, p. 5. — Encore ici cet argument est loin de satisfaire tous les esprits ; et des savants tels que White, dans Scrivener, op. cit., t. ii, p. 44, note 1 ; Kennedy, Dictionary, p. 54 ; Corssen, Bericht, p. 82, ne craignent même pas de dire que la preuve tirée des africanismes est de moins en moins goûtée dans le monde de la science. Il est vrai que des mots, des locutions, des phrases de notre vieille Bible latine se retrouvent chez les écrivains d’Afrique et ne se recontrent guère que chez eux. Seulement l’on doit observer que durant cette époque, IIe et IIIe siècles, presque tous les représentants de la littérature latine chrétienne sont Africains. Il n’est donc pas étonnant que le vocabulaire des textes bibliques ne se rencontre guère que chez eux. C’est la réponse de White et de Kennedy (loc. cit.). En outre, on a fait remarquer que certains mots souvent donnés pour exclusivement africains sont des composés ou des dérivés formés par des procédés en usage chez tous les auteurs latins de la décadence. M. Misset ; U. Robert, Heptat., p. xxii-xxrv. Mais il y a plus ; pendant que, au nom de la philologie, tel savant conclut à l’africanisme d’un document, au nom de cette même philologie un autre savant conclura à l’origine gauloise ou peut-être lyonnaise de ce même document. « Les grammairiens anciens, dit M. Gaston Boissier, ne paraissent pas avoir réussi à découvrir bien sûrement quels étaient les signes distinctifs de la latinité d’Afrique. Ceux d’aujourd’hui ont-ils été plus heureux ? Je ne le pense pas. » Journal des savants, 1895, p. 38-39.

D’autres auteurs, parmi ceux surtout qui sont partisans de la pluralité des versions latines, placent en Italie les tout premiers commencements d’une traduction latine. Tel est, par exemple, l’avis de Gams, dans sa Kirchengeschichte von Spanien, Ratisbonne, 18621879, t. i, p. 86-Î02. Ct. t. iii, 2* Abth., p. 501. Kaulen va plus loin. C’est à Rome même qu’il fait apparaître la plus ancienne, d’après lui, de toutes les versions, à savoir la célèbre Italique. Einleitung, § 146. — Nous ne voyons pas, quant à nous, la nécessité de décider en quel pays parut le premier essai d’une version latine de la Bible. Convaincu, comme on peut l’être en matière probable, de la thèse que nous avons défendue plus haut, de la pluralité des versions, nous disons simplement que la Bible fut traduite, partiellement au moins, dans différents pays et d’une façon indépendante, sans que nous voyions clairement quel pays commença le premier. L’Afrique avait déjà son texte complet ou à peu près dès le IIe siècle ; c’est ce qui résulte des témoignages historiques que nous avons apportés, en traitant de l’antiquité des versions latines. Nous ne doutons pas qu’il ne faille en dire autant de Rome ou de l’Italie, et peut-être aussi de plusieurs autres Églises d’Occident, en Espagne, dans les Gaules. Le lecteur n’a qu’à se rappeler, en effet, ce qui a été dit précédemment sur la pluralité des versions, et même sur le classement des textes. Car il y a tout lieu de croire que si nous avons des textes d’Afrique, d’Europe, d’Italie, ce n’est pas seulement parce qu’ils étaient usités dans ces pays, mais bien encore parce que beaucoup d’entre eux y avaient pris naissance. — Kennedy, Dictionary, p. 54-55, à la suite de Sanday, place dans la province de Syrie l’origine première de nos versions latines, Cette hypothèse n’a aucune vraisemblance.

2. LATINE (VERSION) DE SAINT JEROME. Voir Vulgate.

3. LATINES (VERSIONS) NON DÉRIVÉES DE LA VULGATE.

I. Catholiques. — 1° La Polyglotte de Ximénès, Alcala de Hénarès, 1522, contient la Vulgate entre le texte hébreu et le texte grec. Mais on y trouve aussi une version latine interlinéaire du texte grec alexandrin et une version latine de la paraphrase chaldaïque d’Onkélos. Une traduction latine interlinéaire accompagne tous les textes grecs, protocanoniques ou deutérocanoniques, sauf pour le Psautier, où il n’y a que la Vulgate et la version de saint Jérôme. Voir Polyglotte.

2° Santés Pagninoa fait une traduction latine du texte hébreu, Nova Translatio, Lyon, 1527. On reproche à cette traduction d’être trop servilement littérale, parfois inexacte et trop habituellement dans la dépendance des interprétations rabbiniques. Voir Pagnino.

3° Cajetan professait que ce n’était point entendre l’Écriture qu’entendre l’interprète latin, et qu’il fallait en conséquence recourir au texte hébreu pour l’Ancien Testament et au grec pour le Nouveau. Cf. P. Sarpi, Hist. du concile de Trente, trad. Amelot, Amsterdam, 1683, p. 142. Dans ses différents commentaires, il s’appliqua donc à donner une version latine des textes primitifs. Mais comme il n’avait de l’hébreu et du grec qu’une connaissance fort imparfaite, il fit appel à la collaboration d’un juif, expert en langue hébraïque, et d’un chrétien possédant à fond le grec. Une telle méthode était trop aventureuse pour donner de bons résultats, et les libertés que l’auteur prenait si volontiers à l’égard de la tradition scripturaire ne donnèrent pas grand crédit à son œuvre. Voir Cajetan, t. II, col. 47.

4° Isidore Clario, dans sa Vulgata editio Novi ac Veteris Testamenti, Venise, 1542, 1557, sous prétexte de corriger la Vulgate, se permit d’en changer arbitrairement le texte, et en parla en tels termes dans sa préface, que son ouvrage fut mis à l’Index. Ses corrections sont d’ailleurs en général assez peu judicieuses. Voir Clario, t. ii, col. 793.

5° Arias Montano revit la traduction de Pagnino et l’inséra dans la Polyglotte d’Anvers, Hebraicorum Bibliorum V. T. latina interpretatio, Anvers, 1572. Il y exagère encore la littéralité de Pagnino, au point de rendre inexactement le sens d’un bon nombre de passages. Voir Arias Montano, t. i, col. 954.

6° Thomas Malvenda, pour défendre la Vulgate, entreprit une version latine du texte hébreu, mais fut interrompu par la mort pendant qu’il traduisait Ezéchiel. Thomas Turcus a publié l’ouvrage : Commentaria in S. S. una cum nova de verbo ad verbum ex hebræo translatione, Lyon, 1650. Malvenda se sert des versions antérieures et des travaux de différents auteurs, mais sans jamais indiquer de références. De plus, sous prétexte de rendre plus littéralement l’hébreu, il forge de nouveaux mots latins, ce qui donne à son œuvre un air barbare.

7° Houbigant, dans sa Biblia hebraica cum notis criticis et versione latina ad notas criticas facta, Paris, 1743-1754, n’a donné qu’une œuvre imparfaite, parce qu’il n’a pu avoir sous la main tous les manuscrits hébreux qu’on a recueillis depuis, et parce que trop souvent il pousse la hardiesse jusqu’à la témérité dans ses corrections du texte massorétique. Voir Houbigant, t. iii, col. 765.

8° J. de la Haye a réuni dans sa Biblia maxima, Paris, 1660, les traductions latines d’une foule de versions anciennes. Elles sont au nombre de vingt ou trente pour certains passages, ce qui produit une confusion inutile et une accumulation indigeste de documents qui se répètent sans profit appréciable.

II. Protestants. — 1° S. Munster, cordelier devenu luthérien, publia à Bâle, 1534 et 1546, une traduction latine de l’Ancien Testament faite sur l’hébreu. Il s’y inspire des explications des rabbins et ne tient pas assez compte des anciennes versions. Il est cependant littéral et ordinairement exact. Sa traduction est préférée à celles de Pagnino et d’Arias Montano. 2° Léon de Juda, du parti de Zwingle, a traduit l’Ancien Testament sur l’hébreu, Zurich, 1543 ; Paris, 1545. Comme il mourut avant la fin de son travail, Bibliander acheva Ezéchiel et traduisit Daniel, Job, PEcclésiaste, le Cantique et les quarante-huit derniers Psaumes ; P. Cholin traduisit du grec les livres que les protestants nomment apocryphes. Ces traductions sont assez bonnes ; elles évitent la littéralité excessive et la paraphrase ; on y signale cependant certaines inexactitudes et quelques passages peu intelligibles.

3° La traduction de Castalion, Biblia V. et N. Testam., Bâle, 1551, d’après l’hébreu et le grec, vise à l’élégance et ne l’atteint qu’aux dépens de la fidélité. Bien des passages sont ainsi affaiblis, modifiés ou rendus par des équivalents oratoires qui dénaturent plus ou moins l’original. Voir Castalion, t. ii, col. 340.

4° Emm. Tremellius et F. Junius ou du Jon sont les auteurs d’une autre version latine de la Bible : Bibliorum, i. e. libri latini recens ex hebræeo facti, pars i-iv, Francfort-sur-le-Main, 1575-1579, et Apocryphi, 1579, par Junius. Convaincus d’inexactitude en beaucoup d’endroits, ils ont donné une autre édition, Londres, 1581. Ils prennent bon nombre de libertés avec le texte sacré, quelquefois paraphrasent et ajoutent des mots qui ne sont pas dans l’original. Voir Jon, t. iii, col. 1602.

5° Le Polyglotte de Walton contient aussi des traductions latines des textes et des versions orientales, Londres, 1657. Ces traductions sont dues à différents auteurs.

6° Luc Osiander et son fils André, mort en 1552, donnèrent chacun une édition de la Vulgate, mais en la corrigeant d’après le texte hébreu. Dans ses traductions de la Bible, Robert Estienne inséra, en 1545, la version de Léon de Juda, et en 1557, celle de Pagnino. — Cf. Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, Rotterdam,

1685, p, 313-329, 416-418 ; Mariana, Pro editione Vulgata dissertatio, xxv, dans le Scripturæ Sacræ Cursus completus de Migne, 1. 1, col. 685-691 ; Cornely, Introduct. gêneral. in N. T. libros sacros, Paris, 1885, t. i, p. 505, 508, 668, 669, 682, 688, 696.

H. Lesêtre.

LATRINES (hébreu : maḥǎrâ’âh ; Septante : λυτρῶναι ; Vulgate : latrinæ), endroit destiné à recevoir les déjections humaines. La Loi prescrivait qu’un emplacement particulier, hors du camp, fût réservé à cet usage pendant le séjour du peuple dans le désert ; elle imposait certaines précautions intéressant à la fois la décence et l’hygiène, en vertu de ce principe supérieur que rien d’impur ne doit offenser la sainteté divine. Deut., xxiii, 12-14. Le contact d’une souillure humaine, quelle qu’elle fût, produisait une impureté légale. Lev., v, 5. Les précautions imposées par la Loi avaient l’avantage de préserver la population contre bien des germes de maladies meurtrières, le sol étant le meilleur désinfectant des matières putrides. Cf. Guéneau de Mussy, Étude sur l’hygiène de Moïse et des anciens Israélites, Paris, 1885, p. 12. Une fois établis dans la terre de Chanaan, les Hébreux durent demeurer fidèles aux usages que leurs pères avaient appris à suivre dans le désert. Pour obéir à l’esprit de la Loi, ils ne manquaient pas, quand ils étaient obligés de s’arrêter dans la campagne, de se couvrir entièrement de leur manteau. De là l’expression hébraïque hêsêk raglâî, « couvrir ses pieds. » (Vulgate : purgare alvum, ventrem.) Jud., iii, 24 ; I Reg., xxiv, 4. Cf. Josèphe, Ant. jud., ~VI, xiii, 4. Le Talmud interprète de même ces passages. Cf. Gesenius, Thesaurus, p. 951. On s’explique ainsi comment David put aisément couper un pan du manteau traînant de Saül, dans la caverne d’Engaddi. I Reg., xxiv, 5. Dans les villes et les agglomérations de quelque importance, la nécessité dut obliger les habitants à se réserver certains endroits, soit publics, soit privés. Toujours est-il qu’à Samarie, Jéhu, pour souiller et déshonorer à jamais le temple de Baal, en fit des latrines publiques. IV Reg., x, 27. De même plus tard, à Rome, on fit une latrine publique de la salle de la curie de Pompée, dans laquelle César avait été frappé à mort. Dion, xlvii, 19. Le mot que le texte sacré emploie pour nommer cet édifice, maḥǎrâ’âh, parut inconvenant à partir d’une certaine époque, et on le remplaça par le mot môsâ’âh (voir le qerî), de yâfd, « sortir, » l’endroit où l’on sort. Le mot dont se servent les Septante, λυτρῶναι, n’est pas grec et ne semble qu’une reproduction du mot latin latrinæ, qu’on lit ici dans la Vulgate. Le mot latin n’est qu’une contraction de lavatrina, parce que la salle qui servait au bain passa peu à peu à un autre usage hygiénique. Il est question de ces endroits dans les auteurs latins. Plaute, Curcul., iv, 4, 24 ; Suétone, Tib., 58 ; Columelle, x, 85, etc. Il y avait, chez les anciens Grecs et Romains, des latrines publiques, en hémicycle, ou rectangulaires, comme on peut en voir dans les ruines de Timgad, en Afrique ; les maisons particulières en étaient pourvues. Élagabale fut tué dans l’un de ces endroits. Lampride, Elag., xvii. Cf. Rich, Dict. des antiq. rom. et grecq., trad. Chéruel, Paris, 1873, p. 353 ; H. Thédenat, dans le Dict. des antiq. grecques et romaines de Daremberg et Saglio, t. iii, p. 987-991. Ils existaient certainement chez les Israélites de l’époque évangélique. Ils sont désignés par saint Matthieu, xv, 17, et saint Marc, vii, 19, sous le nom de ἄφεδρὼν, secessus. Ce mot, qui n’appartient pas au grec classique, a peut-être été suggéré par le mot ἄφεδρος, dont les Septante, Lev., xv, 19, et le médecin Dioscoride, il, 85, se servent pour désigner un certain genre d’impureté. — Les latrines étaient d’ordinaire ménagées hors de la maison et en plein air ; on les établissait de telle façon que, pour s’en servir, on eût toujours le visage tourné vers le midi. Cf. Iken, Antiquitates hebraicæ, Brême, 1741, p. 539.

H. Lesêtre.


LATUSIM (hébreu : Letušĭm ; Codex Samaritanus : Lotšâʾîm ; Septante : Λατουσιείμ), nom ethnique du second fils de Dadan. Il était petit-fils de Jecsan et arrière-petit-fils d’Abraham et de Cétura. Gen., xxv, 3 ; I Par., i, 32 (dans la Vulgate seulement, où leur nom est écrit Latussim). On s’accorde à reconnaître dans ce nom celui d’une tribu arabe, mais sans pouvoir la déterminer avec précision. Steiner, dans Schenkel, Bibel-Lexicon, t. iv, 1872, p. 28, explique le nom comme dérivant de lâtaš, « marteler, » et signifiant « forgerons », de même que Le’ummîm signifierait « soudeurs de métaux ». Cf. S. Jérôme, Quæst. hebr. in Genes., xxv, 3, t. xxiii, col. 976, seris ferrique metalla cudentes. Voir Laomim. On a cru retrouver des traces des Latusim dans quelques inscriptions nabatéennes. M. A. Levy, Ueber die nabatäischen Inschriften, dans la Zeitschrift des deutschen morgenländischen Gesellschaft, t. xiv, 1860, p. 403-404. Cf. Ed. Glaser, Skizze der Geschichte Arabiens, 1890, t. ii, p. 460-461. Frd. Keil, Genesis, 2e édit., 1866, p. 194, les identifie avec les Banu Leiṣ habitant le Hedjaz. Ch. Forster, The historical Geography of Arabia, 2 in-8°, Londres, 1844, t. i, p. 334, suppose que les Latusim sont compris, dans les écrits des prophètes, sous la désignation générale de Dadan, leur père (voir Dadan 2, t. ii, col. 1203), et qu’ils habitaient dans le désert à l’est du pays d’Édom. F. Fresnel, dans le Journal asiatique, IIIe série, t. VI, 1838, p. 217-218, identifie les Latusim avec les Tasm, ancienne tribu éteinte de l’Arabie. Ce sont là tout autant d’hypothèses qu’on n’a pu prouver jusqu’à présent.

F. Vigouroux.


LATUSSIM, orthographe de Latusim dans la Vulgate, I Par., i, 32. Voir Latusim.


LAUDIANUS (CODEX). - I. Description. - Le Laudianus est un manuscrit grec-latin des Actes, écrit vers la fin du VIe siècle, en lettres onciales, sur un parchemin fort et grossier. Il comprend 226 feuillets hauts de 0,27 m, larges de 0,22 m ; il est à deux colonnes, de 23 à 26 lignes chacune. L’encre blanchie et presque effacée par le temps a été renouvelée par endroits. L’écriture est plus grosse et moins élégante que dans les grands codex Sinaiticus, Vaticanus et Alexandrinus. En général, les mots ne sont pas séparés. Pas d’accents ni d’esprits, sauf l’esprit rude, la barre horizontale ou le tréma sur l’υ initial (ὑ, ῡ, ϋ) et le tréma sur l’ι initial (ϊ). Ponctuation très rare ; un point de temps en temps : les deux points servent à séparer le grec du latin quand les deux textes arrivent presque à se toucher. Par-ci par-là une lettre plus grande, placée en vedette, indique un alinéa.

— Point d’iota souscrit ou adscrit. On remarque le changement fréquent de ει en ι, de αι en ε, plus rarement de oι en υ, quelquefois de o en ω, et réciproquement. Dans les composés, l’assimilation des consonnes est souvent négligée. — Les abréviations sont : ΘΣ, ΙΣ, XΣ, KΣ, ΟΥNΟΣ, ΠNA, ANOΣ, ΠPΩN, ΠPA, MPI, ΔAΔ, IΛM, IHΛ, M (pour μου) ; αι final est souvent contracté, ν final remplacé par une ligne horizontale placée à l’extrémité supérieure de la lettre précédente. En latin, pas d’abréviations. Jésus est écrit Jhesus. — Dans son état actuel le codex a une lacune de Act., xxvi, 29 (εὔξαίμην), à Act., xxviii, 26 (λέγων). — Il est désigné en critique, par la lettre È ou Eact pour le distinguer du Basiliensis (E. des Évangiles) et du Sangermanensis (E. de Paul).

II. Histoire. — Tout porte à croire que le Laudianus fut copié en Occident, probablement en Sardaigne, par un scribe plus familier avec le grec qu’avec le latin. En tout cas, le manuscrit est passé par la Sardaigne, car il contient à la fin, d’une écriture plus récente, un décret d’un duc de Sardaigne, Flavius Pancratius : Φλ[αuιoς] πανϰρατιoς συν θεω απο επαρχων δουξ σαρδινιας ϰ. τ. λ. Des ducs gouvernèrent la Sardaigne de 534 à 749. Nous y lisons encore d’autres noms propres, mais qui ne nous apprennent rien sur l’âge ni sur l’histoire du manuscrit. On ignore à quelle époque il a été apporté en Angleterre ; il est seulement très probable, comme nous le verrons plus bas, que le vénérable Bède (673-735) s’en est servi pour ses derniers travaux d’exégèse. À cette époque, il était complet, car Bède cite trois passages compris dans la lacune actuelle. En 1636, il appartenait à l’archevêque Laud et était déjà mutilé. Laud en fit présent à l’Université d’Oxtord, dont il était alors chancelier. Fell l’utilisa en 1675 pour son édition du Nouveau Testament. Le manuscrit se trouve maintenant à la Bodléienne (Oxford) où il est conservé sous la cote Laud, 35.

III. Particularités. — 1° Une des singularités de ce codex c’est que le latin occupe la place d’honneur, à la gauche du lecteur, tandis que le grec est à la droite. Comme il est écrit stichométriquement et que les stiques sont très courts (un ou deux mots, rarement trois ou quatre), le latin répond au grec presque mot pour mot. On a pensé que le grec était adapté au latin, pris pour base. Mais cette hypothèse a priori ne résiste pas à l’examen des faits. Au contraire, c’est le latin qui est adapté au grec sans en être toutefois une traduction nouvelle. La version pré-hiéronymienne, représentée par le Laudianus, se rapproche plus dé la Vulgate que celle du codex de Bèze. Le texte grec se distingue par des leçons excellentes, qu’on retrouve en partie dans le codex 218 des Actes (minuscule du XIVe siècle). — 2° Un autre fait curieux, c’est que le vénérable Bède s’est servi de ce manuscrit ou d’un autre tout semblable. Il en prit occasion pour composer son Liber Retractationis in Actus Apost., t. xcii, col. 995-1032, où il complète et modifie son Exposition des Actes, publiée plusieurs années auparavant, par les leçons du texte grec qu’il a remarquées depuis. Plus de soixante-dix leçons qu’il mentionne sont conformes au Laudianus et souvent lui sont spéciales. Mill, Nov. Test. græcum, Rotterdam, 1710, Prolegom., p. 98, conclut de cette comparaison que le codex employé par Bède aut illum ipsum esse aut ejus plane gemellum. Woide, Notitia Cod. Alexandr., Leipzig, 1788, p. 160, s’exprime de même après une comparaison plus complète. — 3° On peut remarquer dans le fac-similé (lig. 38) la forme des lettres déjà en décadence par rapport à la. pureté et à l’harmonie de l’écriture onciale du IVe siècle. En grec : B ouvert par le haut ressemble parfois au ϐ minuscule, avec un trait oblique pour remplacer la boucle supérieure ; Δ a quelquefois les barres prolongées hors du triangle et terminées par des crochets ; M est trop large ; la barre supérieure du Π est amincie et ne dépasse pas les montants ; Φ est très aplati ; Ξ contourné a l’aspect de ξ minuscule ; P, Υ, Φ, Ψ, descendent au-dessous de la ligne ; la partie supérieure de E et de Σ est formée par un trait distinct. En latin : b et h sont minuscules ; d a le bout crochu ; l se termine par un trait exagéré ; m a le premier trait recourbé ; p a la boucle petite ; dans le t, la barre perpendiculaire est courbe au fond, la barre transversale se termine par deux crochets ; f, p, q, r descendent au-dessous dé la ligne (fig. 39). — 4° Quelques mots sont grattés au couteau ou effacés à l’éponge ; plus fréquemment des points, placés au-dessus d’une lettre ou d’un mot, équivalent à une rature. D’après Gregory, il y a eu trois correcteurs : l’un est probablement le scribe lui-même ; le second est un contemporain, qui inscrivit en outre le Symbole des Apôtres, en latin, sur le feuillet 226 ; le troisième, qui paraît avoir vécu au vil » siècle, ajouta, le titre des chapitres, lesquels ne coïncident ni avec la capitulation de l’Amiatinus ni avec celle du Fuldensis. En effet, le chap. lviii (commençant Act., xxvi, 24) correspond au chap. lxvi de l’Amiatinus et au chap. lxxi du Fuldensis.

IV. Bibliographie. — 1° Éditions : T. Hearne, Acta Aposte Codice Laudiano, Oxford, 1715 ; Hansell, Nov. Test. græce, Oxford, 1864, t. ii, p. 2-227 (donne en quatre colonnes parallèles l’Alexandrinus, le Vaticanus, le Codex rescr. Êphrœmi, le Codex Bezæ et, au fond des pages, le Laudianus), édition médiocre ; Tischendorf, Monumenta sacra inedita, t. ix, Leipzig, 1870 (fruit de deux collations, en 1854 et en 1863). — Pour le latin, Sabatier, Biblior. sacr. Lat. version. antiquæ, Paris, 1751, t. iii, part. i, p. 493-588. — 2° Fac-similés. Astley, Origin and progress of writing, Londres, 1784, pi. IV ; Copinger, The Bible and its transmission, Londres, 1897, p. 126 ; The Palœographical Society, Facsimile of Manuscr. and Inscript., Londres, 1873-1883, t. l, fac sim. n° 80 (c’est celui que nous reproduisons). — Voir encore : Gregory, Prolegomena (de la viiie édit. crit. de Tischendorf), Leipzig, 1894, p. 410-413 ; Textkritik des N. T., Leipzig, 1900, t. I, p. 97-99 ; Scrivener, Introduction, 4e édit., Cambridge, 1894, t. I, p. 169-171 ; de plus, Mill et Woide cités plus haut.

F. Prat.


LAUGOIS Benoit, de Paris, mort le 18 juin 1689. Voir Franciscains (Travaux des) sur les Saintes Écritures, t. ii, col. 2385.

LAUNAY (Pierre de), sieur de la Motte et de Vauferlan, théologien protestant, né à Blois en 1573, mort à Paris le 27 juin 1661. Contrôleur général des guerres en Picardie, il abandonna cette charge, en 1613, pour se livrer entièrement à l’étude, ne conservant que le titre honorifique de conseiller-secrétaire du roi. Il fut un des membres les plus importants du parti protestant à cette époque. Il assista à plusieurs synodes régionaux et pendant quarante ans fut membre du consistoire de Charenton. Pendant quelque temps il enseigna le grec 129 LAUNAY — LAVAGE 130

à l’Académie de Saumur. Il a publié : Paraphrase et Exposition du prophète Daniel, in-8°, Sedan, 1624 ; Paraphrase et claire Exposition du livre de Salomon, vulgairement appelé l’Ecclésiaste, in-8°, Saint-Maurice, 1624 ; Paraphrase et Exposition de l’Épître de saint Paul aux Romains, in-8°, Saumur, 1647 ; Paraphrase et Exposition des Proverbes de Salomon et du premier chapitre du Cantique des Cantiques, 2 in-8°, Charenton, 1650 ; Paraphrase sur les Épîtres de saint Paul ; 1 in-4°, Charenton, 1650 ; Paraphrase et Exposition de l’Apocalypse, in-4°, Genève, 1650, sous le pseudonyme de Jonas le Buy de la Prie : les opinions de l’auteur sur le règne de mille ans furent combattues par Amyraut, ce qui donna lieu à Launay de publier : Examen de la Réplique de M. Amyraut, in-8°, Charenton, 1658 ; Traité de la Sainte Cène du Seigneur avec l’explication de quelques passages difficiles du Vieux et du Nouveau Testament, in-12, Saumur, 1650 ; Remarques sur le texte de la Bible ou Explication des mots, des phrases et des figures difficiles de la Sainte Écriture, in-8°, Genève, 1667. — Voir Walch, Bibliotheca theologica, t. iv, p. 770.

B. Heurtebize.

LAURELLE. Voir Laurier-Rose.

LAURIER. Quelques interprètes ont voulu voir le laurier dans le mot ʾézrâḥ du Ps. xxxvii (Vulg., xxxvi), 35, qui en réalité signifie indigène. On y compare l’impie au comble de la puissance à un arbre vert, raʿânân, qui se dresse dans le sol qui l’a vu naître, ʾézrâḥ. C’est un arbre qui croît dans son sol natal, qui n’a pas été transplanté et par conséquent n’en tient que plus fermement à la terre. Le même mot s’emploie des hommes, pour signifier « un indigène ». Exod., xii, 19 ; Lev., xvi, 29, etc. Il s’agit donc en général d’arbres verts et non pas spécialement du laurier. Les Septante, suivis par la Vulgate et les versions arabe et éthiopienne, ont lu une autre leçon dans leurs manuscrits hébreux : ils traduisent : « comme les cèdres du Liban, » ce qui suppose la lecture אדזילבנן, ʾarzê Lebânôn, au lieu de אזרה רצנן, ʾézrâḥ raʿânân.

LAURIER-ROSE (grec : φυτὰ ῥόδου, ῥόδον ; Vulgate : plantatio rosæ, rosa, Eccli., xxiv, 14 [Vulgate, 18] ; xxxix, 13 [Vulgate, 16]), arbuste aux belles fleurs roses.

[Image à insérer] Nerium Oleander.

1. Description. — C’est l’espèce typique du genre Nerium, de la famille des Apocynées, qui abonde sur le bord des eaux dans toute la partie chaude de la région méditerranéenne. Le Nerium Oleander de Linné {fig. 40) est un arbrisseau à suc laiteux, à feuilles coriaces et persistantes, dont le limbe lancéolé est porté par un court pétiole, verticillées par trois, sauf les inférieures de chaque rameau qui sont opposées, légèrement pubescentes sur les deux faces, avec des nervures latérales très rapprochées et presque à angle droit avec la côte médiane. L’inflorescence terminale et ramifiée en cymes a ses pédoncules un peu veloutés, comme les sépales ; les cinq pétales d’un beau rose, à limbe étalé, portent à la gorge des appendices liguliformes, dentés ; les cinq étamines ont le filet velu et l’anthère garnie de poils sur le dos. À la fleur succède un fruit formé de deux follicules rapprochées et laissant échapper à maturité de nombreuses graines soyeuses. d

II. Exégèse. — Le laurier-rose est tellement répandu en Palestine, qu’il y a lieu de s’étonner de ne point trouver dans la Sainte Écriture le nom d’un arbuste qui attire autant les regards. Et en effet aucun nom hébreu : des plantes mentionnées dans la Bible hébraïque ne paraît s’y appliquer. Mais peut-être dans les livres deutérocanoniques, serait-il désigné quelquefois sous le nom de ῥόδον, qui comprendrait et le rosier proprement-dit et le laurier-rose. On lit dans l’éloge de la sagesse, Eccli., xxiv, 13, 4 :

Je me suis élevée comme le cèdre sur le Liban
Comme le cyprès sur la montagne d’Hermon.
Je me suis élevée comme le palmier à Engaddi
Et comme les φυτὰ ῥόδου à Jéricho,
Comme un bel olivier dans la plaine
Et j’ai grandi comme un platane.

Le parallélisme demande ici un arbuste dont le port est bien plus celui dû laurier-rose que du rosier. Et il faut remarquer que le laurier-rose est très abondant à Jéricho : ce qui n’a pas lieu pour le rosier. — Au chapitre xxxix, 13, du même livre, il est dit :

Écoutez-moi, fils pieux,
Et croissez comme le ῥόδον sur le bord d’une eau courante.

Cette situation sur le bord de l’eau convient mieux encore au laurier-rose qu’au rosier. « Du site de Jéricho, et de la situation au bord des eaux) dit, au sujet de ces deux passages, H. B. Tristram, The Naturel History of the Bible, in-12, Londres, 1888, p. 477, ce ῥόδον est plus probablement l’Oleander, le laurier-rose, une des plus belles et charmantes plantes de la Palestine, qui abonde dans toutes les parties plus chaudes de la contrée, sur le bord des lacs ou des cours d’eau, et fleurit spécialement à Jéricho, où je n’ai point vu notre rose. » J. Kitto, Cyclopædia of Biblical Literature, Édimbourg, 1866, t. iii, p. 681, et plusieurs exégètes sont de cet avis. On ne pourra décider la question que par la comparaison avec l’original hébreu de ces passages, qui malheureusement n’a pas encore été découvert. On peut cependant fortifier les raisons données par cette remarque que le mot grec £680v désignait plusieurs espèces de plantes et s’appliquait au ῥόδοδάφνη, appelé aussi ῥόδοδένδρον. Dans les écrivains arabes, in materia medica, rodyon est donné comme le nom syrien de l’Oleander. Le nom syriaque du ῥόδοδάφνη est ɘoʾʾɑ, harduf. Quant à Eccli., L, 8, dans l’éloge où Simon, fils d’Onias, est comparé « à la fleur des rosiers aux jours du printemps », l’hébreu découvert présente un tout autre sens ; il s’agit de la floraison des arbres en général au printemps, « comme la fleur aux branches à l’époque du printemps. » Et dans la Sagesse, xi, 8, il s’agit de vraies roses. Voir Rose.


LAVAGE, nettoyage d’un objet au moyen de l’eau. L’action de laver est exprimée par les verbes râḥaṣ, νίπτειν, lavare. — On peut laver le corps tout entier, voir Bain, t. i, col. 1386-1388, les mains, voir Laver (Se) les mains, les pieds, voir Lavement des pieds. On employait dans les lavages une sorte de savon végétal le borîṭ, voir Borith, t. i, col. 1852, et un savon minéral le néṭér, voir Natron. Jer., ii, 22. Différents objets sont mentionnés par la Sainte Écriture comme soumis au lavage.

Le visage. Après avoir pleuré, Joseph se lave le visage pour que ses frères ne s’aperçoivent de rien. Gen., xliii, 31. Notre-Seigneur recommande à ceux qui jeûnent de se laver le visage, pour que les hommes ne sachent rien de leur pénitence. Matth., vi, 17.

Les yeux. Notre-Seigneur met de la boue sur les yeux de l’aveugle-né et l’envoie se laver à la piscine de Siloé ; sitôt qu’il se lave, l’aveugle recouvre la vue. Joa., ix, 7-15. La lotion ne fut pour rien dans le miracle, pas plus que les bains de Naaman dans la guérison de sa lèpre. IV Reg., v, 14. Mais, de part et d’autre, il y avait acte d’obéissance et confiance en Dieu qui guérit.

Des plaies. À Philippes, le geôlier de la prison lave les plaies que saint Paul et Silas ont reçues dans leur flagellation. Act., xvl, 33.

Un mort. Quand Tabitha fut morte à Joppé, on lava son corps avant de l’ensevelir. Act., ix, 37.

Différents objets qui ont besoin d’être purifiés ou nettoyés, le vase d’airain dans lequel a été cuite une victime d’expiation, Lev., VI, 28, le vase ou ustensile de bois touché par une personne impure, Lev., xv, 12, un char souillé du sang d’un blessé, III Reg., xxii, 38, des filets de pêcheurs, qu’il faut débarrasser de la vase, des herbes et des détritus restés dans les mailles. Luc, v, 2, etc.

Les victimes des sacrifices. On lave les entrailles et les jambes du bélier offert en holocauste pour la consécration des prêtres, afin de purifier les unes et les autres du sangetde toute souillure, Exod., xxix, 17 ; les entrailles et les jambes des victimes de tous les holocaustes. Lev., i, 9, 13 ; viii, 21 ; ix, 14 ; II Par., iv, 6. Ézéchiel, xl, 38, parle d’une chambre spéciale dans laquelle s’exécutaient ces lavages. Dans le second Temple, cette chambre était située au nord du grand parvis. Middoth, v, 2 ; Tamid, iv, 2. Les entrailles étaient lavées au moins trois fois dans la chambre du parvis, puis on les rapportait sur des tables de marbre placées au nord de l’autel et là, on les lavait encore avec un plus grand soin, ainsi que les autres parties de la victime. Cf. Iken, Antiquitates hebraicæ, Brême, 1741, p. 181.

Les vêtements. Le peuple dut laver ses vêtements avant l’apparition du Seigneur sur le Sinaï. Exod., xix, 10, 14. Il fallait laver le vêtement taché par le sang d’une victime expiatoire, Lev., vi, 27, les vêtements de ceux qui portaient les cadavres de bêtes impures, Lev., xi, 25, 28, ou qui mangeaient de la chair des animaux purs morts naturellement, Lev., xi, 40, ceux des dartreux, Lev., xiii, 6, des teigneux, Lev., xiii, 34 ; les vêtements ayant apparence de lèpre, Lev., xiii, 54, 56, 58, voir Lèpre, iv ; ceux des lépreux guéris de leur mal, Lev., xiv, 8, 9, des personnes qui avaient couché dans une maison atteinte de la lèpre, voir Lèpre, v, qui avaient été atteintes d’une impureté quelconque ou qui avaient touché quelqu’un ou quelque chose d’impur. Lev., xv, 5, 8, 10, 11, 13, 17, 21, 22, 27. Celui qui menait dans le désert le bouc émissaire et celui qui brûlait les restes des deux victimes immolées au jour de l’Expiation, devaient ensuite laver leurs vêtements. Lev., xvi, 26, 28. Les lévites étaient tenus de faire la même chose avant leur consécration. Num., viii, 7, 21. La même précaution était prescrite dans l’accomplissement des rites de la vache rousse et de l’eau de purification. Num., xix, 7, 8, 10, 19, 21. — Au retour de la bataille contre les Madianites idolâtres, les soldats eurent l’ordre de laver leurs vêtements. Num., xxxi, 24. — En signe de deuil, on ne lavait pas ses vêtements. II Reg., xix, 24. Comme on le voit, le lavage des vêtements était prescrit soit pour assurer la pureté physique, soit pour symboliser la pureté morale nécessaire à l’accomplissement des rites sacrés. — Dans sa prophétie sur Juda, Jacob dit qu’il lave son vêtement dans le vin et son manteau dans le sang des raisins, Gen., xlix, 11, pour marquer la fertilité des vignobles qui occuperont les coteaux de la tribu de Juda. — Saint Jean dit des saints qu’ils ont lavé leur robe et l’ont blanchie dans le sang de l’Agneau, Apoc, vii, 14 ; xxii, 14, parce que c’est le sang du Sauveur qui purifie l’ârne des souillures du péché. Apoc, i, 5.

H. Lesêtre.

LAVAL Antoine, sieur de Belair, littérateur français, né dans le Bourbonnais le 24 octobre 1550, mort en 1631, en son château de Belair, près de Moulins. Il fut capitaine du parc et du château de Beaumanoir-lez-Moulins et, en 1583, reçut le titre de géographe du roi. Ardent catholique, il prit part à diverses controverses, pour essayer de ramener les protestants à l’Église romaine. Parmi ses écrits, nous remarquons : Paraphrase des cl Psaumes de David, tant littérale que mystique, avec annotations nécessaires, in-4°, Paris, 1612 ; 2e édition, in-4°, Paris, 1614.

B. Heurtebize.


LAVATER Louis, théologien calviniste, né le 1er mars 1527, mort le 15 juillet 1586. Il étudia à Strasbourg, puis à Paris et devint archidiacre, puis premier pasteur de Zurich. Nous avons de lui plusieurs commentaires : Commentarius in librum. Proverbiorum sive sententiarum Salomonis. Accessit et concio Salomonis quam Ecclesiasten Vocant de summo bono, in-4°, Zurich, 1562 ; Homiliæ lxiii in librum Josue, in-4°, Zurich, 1565 ; Homiliæ in Ezechielem, in-f°, Zurich, 1571 ; Homiliæ in librum Judicum, in-4°, Zurich, 1576 ; Homiliæ in Ruth, in-8°, Zurich, 1578 ; Homiliæ in Hieremiam et Threnos, in-f°, Genève, 1580 ; Commentarius in Ecclesiasten, in-8°, Zurich, 1584 ; Homiliæ in Job, in f°, Zurich, 1585 ; Homiliæ in Esdram, Nehemiam et Estheram, in-4°, Zurich, 1586 ; Commentarius in libros Paralipomenon sive Chronicorum cum tabulis de Genealogia Christi, de Summis Pontificibus Hebræorum, in-f°, Zurich, 1599 ; Commentarius in octo postrema capita Geneseos, in-f°, Zurich. Ce dernier ouvrage a été publié pour compléter les commentaires de Pierre Vermigli sur les premiers chapitres de la Genèse, — Voir Walch, Biblioth. theolog., t. iv, p. 455, 479, 514, etc.

B. Heurtebize.


LAVEMENT DES PIEDS (hébreu : raḥaṣ raglaîm ; Septante : νίπτειν τοὺς πόδας ; Vulgate : lavare pedes), action de laver ses pieds ou les pieds d’un autre. Le substantif raḥaṣ n’est employé qu’une fois dans le texte hébreu : Ps. lx (lix), 10, répété Ps. cviii (cvii), 10 : « Moab est le bassin de mon lavage, » c’est-à-dire dans lequel je me lave les pieds, expression par laquelle David veut marquer qu’il a réduit les Moabites à une humble servitude. II Reg., viii, 2 ; 1 Par., xviii, 2. Les Septante et la Vulgate traduisent : « Moab est le bassin de mon espérance, » ce qui n’a guère de sens. Le mot rahas ne signifie « espérance » qu’en chaldéen. La version syriaque traduit plus justement ; « Moab est le lavage de mes pieds.»

Dans l’usage ordinaire. — Si l’on marche habituellement nu-pieds ou avec de simples sandales sur un sol desséché et naturellement poudreux, il devient nécessaire de se laver souvent les pieds. C’est le cas en Palestine et dans les pays voisins. Voir Chaussure, t. i, col. 633. Aussi le premier devoir de l’hospitalité était-il de procurer au nouveau venu le moyen de se laver les pieds, pour les débarrasser de la poussière, les rafraîchir et les délasser. Nous trouvons cet usage fidèlement suivi par Abraham à l’égard de ses trois visiteurs à Mambré, Gen., xviii, 4, par Lot à Sodome à l’égard des deux anges, Gen., xix, 2, par Laban à Haran à l’égard d’Éliézer, Gen., xxiv, 32, par l’intendant égyptien à l’égard des frères de Joseph, Gen., xliii, 24, par le vieillard de Gabaa à l’égard du lévite d’Éphraïm, Jud., xix, 21, etc. Le fils de Tobie se lavait lui-même les pieds dans le Tigre au cours de son voyage. Tob., vi, 2. Quand. David veut persuader à Urie de passer la nuit dans sa maison et d’y coucher, il lui dit : « Descends dans ta maison et lave tes pieds, » c’est-à-dire prends-y la précaution par laquelle commence tout hôte qui veut être reçu quelque part. II Reg., xi, 8. Aussi, lorsque l’Épouse endormie dans sa maison entend l’Époux frapper à la porte, elle lui répond : « J’ai ôté ma tunique, comment la remettre ? J’ai lavé mes pieds, comment les salir ? » Cant., v, 3. Le devoir de présenter à l’hôte de quoi se laver les pieds, encore en vigueur dans les pays d’Orient, cf. Shaw, Reisen, Leipzig, 1765, p. 208 ; Rosenmüller, Schol. in Genes., Leipzig, 179O, p. 196, l’était aussi au temps du divin Maître. Invité par le pharisien Simon, Notre-Seigneur put lui adresser ce reproche : « Je suis entré dans ta maison et tu ne m’as pas donné d’eau pour laver mes pieds. » Luc, vii, 44. C’était l’office des esclaves de laver les pieds de leurs maîtres (fig. 41).


41. — Antiphata lavant les pieds d’Ulysse. Vase de Chinai.
D’après Monumenti inediti dell’Instituto di Correspondenza archeologica, t. x, 1869-1873, pl. 42.


Demandée pour épouse par David, Abigaïl répond, en témoignage de son entière soumission : « Ta servante sera une esclave pour laver les pieds des serviteurs de mon seigneur. » I Reg., xxv, 41. Madeleine remplit cette fonction auprès de Notre-Seigneur ; elle baigne ses pieds de ses larmes et les essuie avec ses cheveux. Le Seigneur fait ressortir le contraste qui existe entre cet acte et la négligence du pharisien, qui a manqué au premier devoir de l’hospitalité. Luc., vii, 38, 44. Saint Paul veut qu’une veuve, pour être admise par l’Église, ait « exercé l’hospitalité et lavé les pieds des saints ». I Tim., v, 10. — « Se laver les pieds dans le beurre, » Job, xxix, 6, marque l’abondance de tous les biens. Les « baigner dans le sang des méchants », Ps. lviii (lvii), 11, c’est voir ces derniers subir le châtiment de leurs crimes.

Dans la liturgie mosaïque. — Avant d’entrer dans le Tabernacle, Moïse, Aaron et ses fils devaient se laver les mains et les pieds. Exod., xxx, 19, 20 ; xl, 29. Cette loi fut suivie plus tard par tous les prêtres. En entrant dans le sanctuaire, ils devenaient comme les hôtes du Seigneur, devant lequel ils ne pouvaient d’ailleurs se présenter qu’avec une pureté parfaite. Cette pureté devait surtout paraître aux pieds et aux mains, parce que les pieds les conduisaient dans le sanctuaire, où les prêtres ne pouvaient pénétrer et servir que pieds nus, et les mains leur servaient à offrir les sacrifices. Cf. Bähr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1837, t. i, p. 491-492. Les prêtres avaient à se soumettre à ces lotions liturgiques alors même qu’ils étaient en état de pureté légale. Yoma, iii, 3. À la fête de l’Expiation, le grand-prêtre était astreint par le cérémonial traditionnel à cinq ablutions complètes et à seize changements de costume, ce qu’il ne pouvait faire sansase laver autant de fois les pieds et les mains. Voir Expiation (Fête de l’), t. ii, col. 2137 ; Reland, Antiquitates sacræ, Utrecht, 1741, p. 249. Les prêtres se lavaient les pieds et les mains avec l’eau d’une grande cuve d’airain qui était placée entre le Tabernacle et l’autel, Exod., xxx, 17, et qui, dans le temple de Salomon, prit le nom de mer d’airain. III Reg., vii, 23-26. Voir Mer d’airain.

À la dernière Cène. — Avant d’instituer la sainte Eucharistie, Notre-Seigneur veut bien exercer lui-même l’office de l’esclave en lavant les pieds à ses Apôtres. Il ôte son vêtement de dessus, se ceint d’un linge, met de l’eau dans un bassin, lave les pieds des Apôtres et lés essuie avec le linge dont il est ceint. Il ajoute cette remarque, à l’adresse de Pierre, que celui qui a pris un bain, ὁ λελουμένος, qui lotus est, n’a plus besoin que de se laver les pieds, τούς πόδας νίψασθαι, ut pedes lavet, s’il vient du dehors. Joa., xiii, 4-10. Notre-Seigneur indique lui-même la triple leçon qu’il entend donner : leçon d’humilité, probablement pour répondre à la compétition sur la préséance qui a eu lieu ayant le repas, Luc., xxii, 24-30 ; cf. Luc, xxii, 26, 27, et Joa., xiii, 13-15 ; leçon de charité, Joa., xiii, 14, et leçon de pureté. Joa., xiii, 8-10. Ces trois dispositions conviennent très spécialement avant la participation au banquet eucharistique.

Dans la liturgie chrétienne. — Il était d’usage, dans les églises des Gaules et de Milan, de laver les pieds des néophytes, avant ou après la cérémonie du baptême. Ce lavement des pieds se faisait le jeudi-saint, en souvenir de l’exemple donné par Notre-Seigneur. Saint Augustin, Ep. lit, ad Januar., 7, 10, t. xxxiii, col. 204, attribue à ce rite un but purement physique. Comme le bain était incompatible avec le jeûne du carême, il convenait que le catéchumène eût les pieds lavés avant de descendre dans le baptistère. Saint Ambroise, De myster., 6, t. xvi, col. 398, fait au contraire du lavement des pieds un rite complémentaire du baptême, et il ajoute même que le baptême remet les péchés personnels, et le lavement des pieds les péchés héréditaires, ce qu’on entend de la concupiscence qui provient du péché originel et qui est atténuée par ce rite religieux. Cf. Franzelin, De sacrament. in gen., Borne, 1873, p. 290-293. La coutume de laver les pieds avant ou après le baptême n’existait guère en dehors des Gaules et de Milan. On ne la suivait certainement pas à Rome. Cf. De sacrament., iii, 1, 4, 5, dans les œuvres de saint Ambroise, t. xvi, col. 432-433. Les Grecs tentèrent d’imposer le lavement des pieds comme rite obligatoire et même lui attribuèrent une efficacité sacramentelle. En 306, le concile d’Elvire, can. 48, mit l’Occident en garde contre cette exagération en prohibant le rite lui-même. Saint Augustin, Ep. lv, ad Januar., 18, 33, t. xxxiii, col. 220, atteste que, de son temps, beaucoup s’abstenaient du lavement des pieds liturgique et le combattaient, pour bien marquer qu’il ne tenait en rien au sacrement de baptême. Cf. Kraus, Hist. de l’Église, trad. Godet-Verschaffel, Paris, 1891, t. i, p. 366. Néanmoins, le rite persista dans l’Église et même s’étendit partout comme mémorial de ce que le Sauveur avait accompli le jeudi-saint et comme leçon de charité envers le prochain et surtout l’étranger. Dans le passage de sa lettre liv Ad Januar., citée plus haut, saint Augustin dit que le lavement des pieds du jeudi-saint était aussi considéré comme préparation à la communion qui allait suivre, et que, cet acte emportant la rupture du jeûne, beaucoup communiaient dès le matin de ce jour. L’évêque lui-même faisait le lavement des pieds et rappelait la leçon de charité fraternelle qui ressort de cette cérémonie. L’auteur du Sermo cxlix, 1, attribué à tort à saint Augustin, t. xxxix, col. 2035, dit que le lavement des pieds peut effacer, chez celui qui l’accomplit avec humilité et charité, même les péchés graves. En 694, un concile de Tolède, can. 3, constatant que le lavement des pieds le jeudi-saint tombait en désuétude, ordonna de le rétablir partout. Cf. Chardon, Histoire des sacrements, Paris, 1874, p. 60, 61, 140 ; Martigny, Diction. des antiq. chrétiennes, Paris, 1877, p. 3-4 ; Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1899, p. 314. Dans la liturgie romaine, cet acte liturgique prit le nom de Mandatum, premier mot d’une phrase qui résume la pensée de Notre-Seigneur à ce sujet. Joa., xiii, 34. Dans le Liber responsalis attribué à saint Grégoire le Grand, t. lxxviii, col. 848, les répons à chanter pendant la cérémonie commencent, comme dans la liturgie actuelle, par les mots : Mandatum novum do vobis. On y rappelle même le lavement des pieds du Sauveur par les larmes de Marie-Madeleine, la veille des Rameaux. Ce dernier souvenir était plus spécialement célébré, dans la province ecclésiastique de Rouen, par un lavement des pieds qui se faisait solennellement le samedi d’avant les Rameaux. Cf. t. lxxviii, col. 887. Les Ordines romani, x, 12 ; xi, 41 ; xii, 25 ; xiv, 84 ; xv, 69, t. lxxviii, col. 1013, 1041, 1074, 1207, 1311, parlent souvent du lavement des pieds fait par le pape à douze sous-diacres. À l’exemple du pape, l’empereur de Constantinpple lavait les pieds à douze pauvres le jeudi-saint. Beaucoup de princes chrétiens ont depuis agi de même. Le Mandatum se célèbre actuellement dans toutes les églises catholiques. Ce qui se chante pendant cette cérémonie rappelle d’abord l’acte accompli par le Sauveur la veille de sa mort, et ensuite fait ressortir d’une manière très instante la leçon de charité et d’union fraternelle qui en découle. Cf. Missal. roman., In Cœn. Dont.

H. Lesêtre.

LAVER (SE) LES MAINS (hébreu : šâlaf yâdâv ; Septante : τὰς χεῖρας νίπτειν ; Vulgate : lavare manus suas), se passer les mains à l’eau pour les nettoyer.

1° Dans l’Ancien Testament, cet acte est prescrit en quelques circonstances. Aaron et ses fils, par conséquent les prêtres leurs successeurs, doivent se laver les mains avant de remplir leur office dans le sanctuaire. Exod., xxx, 19, 21. Ce soin leur est même prescrit sous peine de : mort. Le Seigneur y attachait donc grande importance, moins sans doute à raison de la pureté extérieure que de la pureté intérieure signifiée par la première. Exod., xl, 29. Cf. I Tim., ii, 8. Tout homme touché par un autre homme atteint d’impureté devait se laver les mains, sous peine d’avoir à laver ses vêtements, à se laver lui-même et à rester impur jusqu’au soir. Lev., xv, 11. De ses mains non lavées la souillure pouvait en effet passer à ses vêtements et à toute sa personne. Dans le cas où un homicide avait été commis par un inconnu, les anciens de la localité la plus voisine devaient immoler une génisse dans des conditions déterminées, et se laver les mains au-dessus d’elle en disant : « Nos mains n’ont point répandu ce sang. » Deut., xxi, 6, 7. Voir Homicide, t. iii, col. 742. C’était une manière de se déclarer pur du meurtre. Cette action symbolique entra dans les usages du peuple hébreu. Se laver les mains constituait en certains cas une protestation d’innocence. Ps. xxvi (xxv), 6 ; lxxiii (lxii), 13. Bien que la signification d’un tel acte soit naturelle et que d’autres peuples l’aient employé parfois dans des circonstances analogues, c’est très vraisemblablement à l’usage juif que Pilate se réfère, quand il se lave les mains devant le peuplé et dit : « Je suis innocent du sang de ce juste. » Matth., xxvii, 24. La formule dont il se sert ressemble trop à celle du Deutéronome pour que le procurateur n’ait pas eu l’intention de suivre ici le rite mosaïque, qu’il avait dû voir souvent pratiqué par ses administrés.

2° Dans le Nouveau Testament, l’usage de se laver les mains avant le repas apparaît revêtu d’une importance extraordinaire aux yeux des Juifs. Un jour, des pharisiens et des scribes s’aperçoivent que les disciples de Notre-Seigneur s’abstiennent de se laver les mains avant de prendre leur nourriture. « Car les pharisiens et tous les Juifs ne mangent pas sans s’être lavé les mains, conformément à la tradition des anciens ; et, quand ils viennent du dehors, ils ne mangent qu’après des ablutions. » Ils s’adressent donc à Notre-Seigneur et lui disent : « Pourquoi vos disciples transgressent-ils la tradition des anciens ? En effet, ils ne lavent pas leurs mains pour manger leur pain. » Matth., xv, 1, 2 ; Marc, vii, 1-4. Une autre fois, un pharisien qui reçoit chez lui le Sauveur s’étonne qu’il ne se soumette à aucune ablution avant le repas. Luc, xi, 38. Pour prescrire cette formalité, les docteurs juifs s’appuyaient sur le texte du Lévitique, xv, 11, qui vise un cas tout particulier. Tout le traité talmudique Yadaim est consacré à expliquer la manière de se laver les mains. Le Talmud comprend plus de six cents ordonnances à ce sujet. Négliger l’ablution des mains, c’était encourir l’excommunication et la lapidation. Babyl. Berachoth, 46, 2. Si peu qu’on eût d’eau pour se désaltérer, il fallait en garder une partie pour se laver les mains. Le rabbin Akiba aima mieux mourir de soif que de se dispenser de l’ablution traditionnelle. Des démons particuliers nuisaient aux transgresseurs de ce devoir, etc. Cf. Yadaim, i, 1-5 ; ii, 3 ; Berachoth, viii, 2-4 ; Chagiga, ii, 56 ; Eduioth, iii, 2 ; Taanith, xx, 2; Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes ira Zeilalt. J. C., Leipzig, t. ii, 1898, p. 482-483. On comprend qu’il soit bon de se laver [Image à insérer]

les mains avant le repas dans un pays où les convives ont l’habitude de manger avec les doigts en prenant au même plat. Cf. de la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 202-203 ; Jullien, L’Egypte, Lille, 1891, p. 258. Cette coutume avait dû être en vigueur dès les anciens temps. IV Reg., iii, 11. Aussi voyons-nous, à la porte de la maison de Cana, des urnes destinées à contenir de l’eau pour les ablutions. Joa., ii, 6. Mais contrevenir à cet usage n’était en soi qu’une infraction aux règles de l’hygiène et du savoir-vivre, pour le cas où l’on avait à prendre son repas en compagnie. Cf. Cicéron, De orat., ii, 60. Malgré la prétention des docteurs, cette négligence n’impliquait aucune faute morale. Notre-Seigneur réagit donc énergiquement contre leur enseignement. Il déclara que la vraie souillure est celle qui atteint l’âme, quand le mal procède d’elle en pensées ou en actions. « Mais manger sans se laver les mains ne souille pas l’homme. » Malth., xv, 3-20 ; Marc, vii, 8-23 ; Luc, xi, 39, 40, 46. Dans le texte de saint Marc, vii, 3, la Vulgate dit que les Juifs ne prennent leur repas qu’après s’être fréquemment lavé les mains, nisi crebro laverint. Cette traduction répond à la leçon mjxvà vi’iî/uvtai de quelques manuscrits grecs. Ce multiple lavage des mains avant le repas n’est mentionné nulle part. Le texte grec porte dans la plupart des manuscrits, itây|i>j W+omai, « ils se lavent avec le poing, » ce qui doit signifier tout simplement qu’avec le poing d’une main on frotte le creux de l’autre main. Cf. KnaCenbauer, Evang. sec. Marc, Paris, 1894, p. 187, 188. Peut-être même faudrait-il voir là l’indice de ces prescriptions méticuleuses des docteurs, qui réglaient jusque dans les moindres détails les actions les plus simples. Les versions copte et syriaque traduisent iziyi.-ç par « soigneusement », et la version éthiopienne par « intensivement ». C’est tout ce que semble vouloir dire le texte grec.

H. Lesêtre.

LAVOIR (hébreu : rahsàh ; Septante : XoOtpov ; Vulgate : lavacrum), « lieu où l’on se lave. » On lit deux fois dans le Cantique des Cantiques, IV, 2, et vi, 5 : « Tes dents sont comme un troupeau de brebis (tondues, iv, 2), qui remontent du lavoir. » Pour exprimer que les dents de l’Épouse sont blanches et bien rangées, l’Époux les compare à des brebis qui sont éclatantes de blancheur au sortir du lavoir et qui se pressent les unes contre les autres, selon leur coutume, pour se réchauifer.


LAWSONIA, arbrisseau dont les Orientaux tirent la poudre colorante du henné. Voir Henné, t. iii, col. 590.


LAZARE (AàÇapoç ; dans le Talmud, L’âzâr, forme abrégée de’El’âzàr, « Dieu aide ; » Vulgate : Lazarus). Voir ÉLÉAZAR, t. ii, col. 1649. La forme AiÇapoçse lit dans Josèphe, Bell.jud., V, xiii, 7. Nom du frère de Marthe et de Marie et du pauvre de la parabole de Notre-Seigneur.

1. LAZARE de la parabole, Luc, xvi, 19-31, nom du pauvre dont la misère est mise en opposition avec la fortune et l’insensibilité au mauvais riche, comme sa glorieuse récompense après cette vie est opposée au châtiment de son contempteur ; le riche sans entrailles est précipité dans l’enfer et Lazare est reçu dans le « sein d’Abraham » (t. i, col. 83). C’est le seul exemple d’un nom propre dans une parabole, et peut-être a-t-il été choisi parce qu’il était très répandu à cette époque dans la classe des pauvres. D’après l’opinion commune, ce nom aurait été pris par Jésus comme personnification de la misère, pour graver plus vivement dans l’esprit de ses auditeurs sa doctrine sur la conduite de Dieu à l’égard des élus méprisés en ce monde. Il en est qui croient que le nom du Lazare de la parabole n’est pas une contraction : d’Éléazar, mais un composé de lu nù., lô*’êzér, 4 sans secours, » à60T, 8>]i : oç. Cf. J. Stockmeyer, Exegetische und praktische Erklàrung ausgewâhller

Gleichnisse Jesu, in-8°, Râle, 189’/, p. 365 ; A. Jùlicher, Die Gleichnissreden Jesu, 2 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1888-1899, t. ii, p. 622. Suivant quelques autres, Lazare serait un personnage réel et Jésus raconterait une histoire véritable. On ne peut nier que cette opinion a pour elle une très ancienne tradition. Cf. S. Irénée, Cont. hier., IV, n, 4, t. vii, col. 977 ; II, xxxiv, l, col. 834-835 ; Tertullien, De anim., 7, t. ii, col. 697. Plusieurs commentateurs affirment que Lazare était un mendiant très connu dans Jérusalem, assertion peu fondée en autorité. Quelquesuns ont été jusqu’à prétendre spécifier, d’après le texte, la nature de sa maladie. Luc, xvi, 20, 21. C’est là une entreprise vaine. Cette parabole met en lumière la réalité

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42. — Lazare de la parabole. D’après les Heures de Pigouchet, 1497.

des récompenses et des châtiments de l’autre vie et la justice rémunératrice de Dieu, ꝟ. 25. Elle insinue l’éternité des peines, ꝟ. 26, et la résurrection des morts, ꝟ. 31° Il est digne de remarque que Lazare, dans le récit de la parabole, ne prononce pas un seul mot. On peut conclure, de son silence, que, le mauvais riche n’est pas puni à cause de ses richesses, mais parce qu’il n’en a pas fait bon usage^L§zare n’est pas récompensé à cause de sa pauvreté, niais à cause de la patience et de la résignation avec lesquelles il a supporté son état. — Au moyen âge, la désignation latine du mauvais riche, Dives, était devenue comme un nom propre. D’après Euthymius Zigabène, In Luc., xvi, 20, t. cxxix, col. 1037, le mauvais riche se serait appelé Ninevis. D’après d’autres, il s’appelait Phinées. A. Jùlicher, Gleichnissreden, t. ii, p. 621. On prétend montrer à Jérusalem la maison qu’il habitait. Le Lazare de la parabole a toujours été très populaire (fig. 42). Il fut au mc-en âge le patron des mendiants et des pauvres, qui furent désignés par le mot ladre, dérivé ds (cure ; contraction de Lazare, plus spécia-

lement il devint le patron des lépreux et de tous les affligés de maladies infectieuses, à cause des ulcères dont son corps était couvert. Luc, XVI, 20, 21. De là aussi les noms de ladrerie donné autrefois aux hôpitaux et de lazaret donné aux établissements de désinfection. L’ordre hospitalier de Saint-Lazare se réclamait du même patronage d’après Ch. Cahier, Caractéristiques des saints, Paris, 1867, t. ii, p. 503, 621, Il est certain qu’il soignait lgs lépreux, mais ses origines nef sent pas bien connues et l’on ne sait pas exactement pourquoi ses fondateurs lui avaient donné ce nom.

thanie. Du récit évangélique on conclut que Lazare mourut le jour même où l’envoyé de Marthe et de Marie rejoignit le Sauveur, car après ce message, Jésus demeura deux jours en Pérée, jꝟ. 6 ; il consacra le jour suivant à parcourir les 16 milles qui le séparaient de Béthanie, où il arriva probablement le soir. Alors il fut vrai de dire que Lazare était mort depuis quatre jours, y. 39. Le miracle de la résurrection de Lazare est raconté en détail dans saint Jean, xi. Les synoptiques l’ont omis à dessein, comme ils ont omis toutes les œuvres de Jésus en Judée, à l’exception de celles de la der 43. - Tombeau de Lazare à Béthanie. Extérieur et porte d’entrée. D’après une photographie.

Voir P. Hélyot, Dictionnaire des ordres religieux, édit. Mjgne, 1848, t. ii, col. 742 ; Stork, dans Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, 2e édit., t. vii, col. 1559.

P. Renard.

2. LAZARE de Béthanie, frère de Marthe et de Marie, Juif de haute condition que Jésus honora de son amitié et de ses visites. La maison de Larare à Béthanie était la, résidence habituelle du Sauveur, quand il venait à Jérusalem. Matlh., xxi, 17 ; Marc, xi, 11 ; Luc, x, 38 ; Joa, , xi. Pour obtenir la guérison de Lazare, atteint d’une grave maladie, que l’Écriture ne détermine pas, Marthe et Marie envoyèrent vers Jésus, qui se trouvait alors dans la Pérée, lui faisant dire que « celui qu’il aimait » était malade. Joa., xi, 1-6. Par un dessein secret qui devait merveilleusement manifester la gloire de Dieu, Joa-, xi, 4, Jésus ne se rendit que trois jours après à Bé nière semaine de sa vie, se bornant à raconter le ministère du Sauveur en Galilée et au delà du Jourdain. Us mentionnent d’autres résurrections. Matth., ix, 25 ; Marc, v, 41 ; Luc, vii, 14 ; viii, 54. Nul doute qu’ils n’eussent mentionné celle-ci, si ce récit fût entré dans leur dessein. La haute situation et les nombreuses relations de Lazare, Joa., XI, 19, contribuèrent à donner à ce miracle un grand retentissement. La mission du Sauveur en fut accréditée auprès d’un grand nombre, qui dès lors crurent en lui, ꝟ. 45. La haine des Sanhédrites, qui d’ailleurs ne contestaient pas le miracle, redoubla à cette occasion, Joa., xi, 47, d’autant plus que la présence de Lazare était une preuve indéniable et permanente de la puissance de Jésus. L’Évangile mentionne spécialement la présence de Lazare ressuscité au festin qui eut lieu à Béthanie, six jours avant la Pâque, chez Simon le 1$.

preux, Joa., xii, 1, 2 ; cf. Matth., xxvi, 6 ; Marc, sn, 3, où une grande foule vint constater que Lazare était bien vivant. Joa., xii, 9. Et comme de cette constatation résultaient de nombreuses adhésions à la doctrine de Jésus, les Sanhédrites cherchèrent tous les moyens de faire mourir Lazare. Joa., xii, 10, 11. Rien n’indique que ce projet ait été exécuté ; il semble plus probable que leur haine étant satisfaite par la mort du Sauveur, les Sanhédrites laissèrent Lazare vivre en paix.

Le tombeau où avait été enseveli Lazare a toujours été fixé par la tradition au même endroit (voir S. Jérôme. De situ et nominibus, t. xxiii, col. 884), sur le flanc sud-est du mont des Oliviers, au haut d’un village qui porte maintenant le nom d’El-Azariéh, « village de Lazare. » Voir Béthanie 1, t. i, col. 1655. Le tombeau {fig. 43) a subi, dans la suite des temps, divers changements qui en ont modifié l’aspect, mais dont la plupart ont été nécessités par le besoin de consolider l’édifice. C’est une grotte souterraine creusée dans un rocher friable qui a l’apparence d’une terre argileuse, excepté dans là partie avoisinant l’entrée où il a conservé sa dureté primitive. Le monnment est revêtu d’une maçonnerie, dont la voûte est en ogive ; cette maçonnerie fut sans doute destinée à soutenir l’oratoire qu’on éleva au-dessus et qui, sans cet appui, aurait été exposé à s’effondrer. La porte d’entrée actuelle regarde le nord, on descend par un escalier de 24 marches construit en 1337. On arrive ainsi à une chambre carrée, ayant à peu près 3 mètres de long sur autant de large et revêtue d’une maçonnerie assez grossière. C’est là que devait se tenir Notre-Seigneur quand il commanda à Lazare de se lever. On y remarque, à l’est, une porté cintrée, aujourd’hui murée, qui devait être l’entrée primitive du tombeau. Par nne ouverture pratiquée dans la paroi du nord on a vue dans le sépulcre proprement dit. C’est une chambre pareille à la première, où l’on descend par 3 marches. Le corps de Lazare avait été déposé là, probablement sur une couche en forme de banc. La chambre sépulcrale était destinée à recevoir trois corps ; chacune des trois parois a son banc ; seule, celle où se trouve la porte d’entrée reste libre. Ce tombeau est également vénéré par les musulmans et par les chrétiens. Voir Liévin de Hamme, Guide indicateur de la Terre-Sainte, 4e édit., Jérusalem, 1897, t. ii, p. 317-323. Cf. Béthanie 1, t. i, col. 1658.

Les archéologues remarquent que la manière dont avait été enseveli Lazare témoigne de sa haute situation sociale, car les riches seuls étaient ainsi déposés dans un tombeau creusé dans le roc et fermé par une pierre. Ils ajoutent que le deuil des riches durait sept jours et que cette durée des funérailles explique comment, le quatrième jour après la mort de Lazare, beaucoup de Juifs se trouvaient encore à Béthanie. Cf. Gen., L, 10 ; I Reg., xxxi, 13, ; Judith, xvi, 29 ; Eccli., xxii, 13 ; Josèphe, Ant. jud., XVII, viii, 4. Voir Funérailles, t. ii, col. 2416, Tombeau.

Une tradition fait venir Lazare en Provence avec Marthe et Marie. Il aurait prêché la foi chrétienne à Marseille, dont il serait devenu l’évêque. Fabricius, Codex Apocr. N. Test., t. iii, p. 475 ; Thilo, Apocryph., p. 711. Cf. Launoy, De commentitio Lazari appulsu in Provinciam, in-8°, Paris, 1660 (dans ses Opéra omnia, in-f°, Cologne, 1731, t. ii, part. i, p. 202-373) ; Faillon, Monuments inédits sur l’apostolat de sainte Marie-Madeleine en Provence, saint Lazare, etc., 2 in-4°, Paris, 1848. D’après une autre tradition, les reliques de Lazare auraient été découvertes en 890 dans l’île de Chypre. Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, 2e édit., 1701, t. ii, p. 34. Saint Lazare est mentionné au martyrologe romain, le 17 décembre.

P. Renard.

    1. LAZARISTES##

LAZARISTES (TRAVAUX DES) SUR LES

SAINTES ÉCRITURES. L’étude des saintes Écritures a toujours été en honneur parmi les prêtres de la

Mission, appelés communément lazaristes. Pour inspirer à ses enfants l’amour de la parole de Dieu, saint Vincent de Paul, leur iohdateur, prit soin de les obliger par un article de la règle à lire chaque joar au moins un chapitre du Nouveau Testament, à genoux et tête nue. Le directoire des grands séminaires, élaboré par les assemblées générales de la congrégation, accorde, parmi les sciences sacrées, la première place à l’Écriture sainte. Fidèles à ces prescriptions, les enfants de saint Vincent ont toujours cultivé l’étude des saintes Lettres dans la mesure compatible avec l’esprit de leur vocation et la fin de leur Institut. Qu’il nous suffise d’énumérer les travaux les plus importants :

1° Travaux divers. — 1. En langue latine : A. Putijatycki, lazariste polonais (1787-1862), Enchiridion Hermeneuticx sacræ, in-8°, Varsovie, 1859 ; A. Pohl, autre lazariste polonais (1742-1820), Scriptura Sacra per qusestiones exposita, responsionibus explicata, contra incredulos defensa, 5 in-8°, Vilna, 1810-1812 ; E. Bersani, lazariste italien, Propsedeutica ad Evangelia, in-18, Plaisance, 1898. — 2. En langue française : J. Barbé, Prières touchantes et affectives où sont expliqués en peu de mots les Évangiles des dimanches de l’année, 3 in-12, Paris, 1712-1720 ; J. Compans (17481835), Histoire de la vie de Jésus-Christ, 2 in-12, Paris, 1786, 1788 ; P. F. Viguier (1745-1821), Exposition du sens primitif des Psaumes, 2e édit., 2 in-8°, Paris, 18181819 ; la première édition avait paru en 1806, 2 in-12, sous le titre de : De la distinction primitive des Psaumes en monologues et dialogues ; Id., Le vrai sens du Psaume Lxrw Exurgat Deus, in-8°, Paris, 1819 ; E. Bore, Jugement sur la traduction nouvelle de la Bible par J. Cahen, dans les Annales de philosophie chrétienne, août, 1836 ; E. Guillaume, Tableaux synoptiques pour servir à l’étude de l’Écriture Sainte, in-4°, Cambrai, 1876. — 3. En langue italienne ; L. Biancheri, L’Apocalisse spiegata, in-8°, Rome, 1836 ; J. Buroni, Del voto di Geftee degli lstituti monastici del Vecchio Testamento, in-8°, Florence, 1866 ; Id., Délia concordia Evangelica, in-8°, Florence, 1868 ; Id., 1 quattro Evangeli delV’ultima cena, in-12, Turin, 1869 ; Ceresa, L’Apocalisse e rivelazione dei destinie del corso storico del génère umano, 2 in-8°, Gênes, 1869 ; G. F. Dassano„ Spiegazione dei Salmi, 3 in-8°, Gênes, 1874. — 4. En langue éthiopienne : M9 r Touvier, Psalterium Ungua xthiopica idiomate Ghez, in-12, Keren, 1883 ; J.-B. Coulbeaux, Psalmi davidici Ungua œthiopica idiomate Ghez, in-12, Keren, 1893. — 5. En langue chaldéenne : P. Bedjan, Liber Psalmorum, in-§ », Paris, 1886.

2° Traductions. — 1. En italien : J. Buroni, L’archeologia del Passio ovvero la scienza délV antichità adoperata a spiegare la storia délia passions di N. S. G. C. (traduction de l’ouvrage allemand de L. H. Friedlieb), in-12, Turin, 1870. — S. En grec : A. Elluin, EùaTfeXia tûv xùpiaxoov (traduction en grec des Évangiles des dimanches et des principales fêtes), in-16, Smyrne, 187-L

— 3. En turc : Sinan, Le saint Évangile selon saint Matthieu traduit en langue turque, in-16, Paris, 1885.

— 4. En français : R. Flament, Les Psaumes traduits en français, in-8°, Montpellier, 1897 ; Paris, 1898.

V. Ermoni.

    1. LEANDRE dé Dijon##

LEANDRE dé Dijon, capucin français, né à Dijon et mort en cette ville, en 1669. Habile théologien, prédicateur zélé, et définiteur de son ordre, il a publié les ouvrages suivants : Veritates evangeliese in quibus continentur et comprehuntur mysteria vitse Jesu Christi, veritates fidei catholicæ, perfectiones deiparx virginis Mariée et sanctorum, miracula sanctissimæ Eucharisties, sécréta sublimiora vitse triysticæ et materim. ad mores spectantes cum exemplis, reflexionibus, moralilatibus practicis et affections devotis, 3 in-f", Paris, 1659 ; Les vérités de l’Évangile ou l’Idée parfaite de l’amour divin exprimée dans l’intelligence du Cantique

des Cantiques, 1 ! in-f°, Paris, 1661-1662 ; Commentaria in orttnes epîstolas S, Pauli Apostoli, 2 in-f°, Paris, 1663. — Voir Dupin, Table des auteurs ecclésiastiques du xvw siècle, col. 2472 ; Jean de Saint-Antoine, Bibliothèque univ. franciscaine, t. ii, p. 279.

B. Heuktebize.

    1. LEBANA##

LEBANA (hébreu : Lebânâh, « la lune ; » Septante : Aaëavti, I Esd., H, 45 ; Aagavi, II Esd., vii, 48), Nathinéen dont les descendants retournèrent de la captivité de Babylone en Palestine avec Zorobabel. I Esd., ii, 45 ; II Esd., vii, 43.

    1. LEBAOTH##

LEBAOTH, ville de la tribu de Siméon, dont le site est inconnu. Jos., xv, 32. Son nom complet est Bethlebaoth. Voir Bethlebaoth, t. i, col. 1688.

    1. LEBBÉE##

LEBBÉE (grec : AeSgaîoç), surnom de l’apôtre saint Jude. Voir Jude l, t. iii, col. 1806. Aeg6aîoç se lit en grec, Matth., x, 3, dans un certain nombre de manuscrits et d’éditions imprimées. Voir C. Tischendorf, Nôvûm Teslamentum grsce, edit. octava major, 1869, 1. 1, p. 47. D’autres portent ©aSStxîo ? et la Vulgate a Thaddmùs. Dans le textus receptus, on lit : Atëêaïoç 6 èutxV^siç ©oeoSatoç, a Lebbée, surnommé Thaddée, » leçon peu justifiable, car Lebbée est un surnom comme Thaddée et peut-être le même surnom sous une. forme différente. En saint Marc, iii, 18, la forme ordinaire est ©àSSaïoç et elle est assez généralement préférée aujourd’hui par les critiques. Ce surnom avait dû être donné à saint Jude pour le distinguer de Judas Iscariote, Lebbée parait dériver de l’hébreu lêb, « cœur, » et signifier par conséquent cordatus, « ayant du cœur, courageux, » corculum, comme l’interprète saint Jérôme. In Matth., x, 4, t. xxvi, col. 61. On a donné du surnom de Thaddée de nombreuses explications. La plus vraisemblable est peut-être celle qui considère cette forme-comme la forme araméenne de Lebbée et la rattache au syriaque "tn, équivalent de^ Thébreu tv, sad, « mamelle, » en donnant à in le sens de pectus, « poitrine. » A. Resch, Aussercanonische Paralletexte zu den Evangelien, iii"> s Heft, 1895, p. 827. Mais les critiques sont extrêmement divisés sur ce point. F. Vigouroux.

    1. LEBNA##

LEBNA (hébreu : Libndh ; Septante : Atëuva, AeSvà, Aoêvâ, etc.), nom d’une station des Israélites dans le désert et d’une ville de Palestine.

11. LEBNA (hébreu : Libndh ; Septante : Codex Vaticanus, Asjiwvâ ; Codex Alexandrinus, Ae6t>>vâ), une des stations des Israélites dans le désert, du Sinaï à Cadès. Num., xxxiii, 20, 21. Elle est inconnue. Si Ressa, qui la suit dans l’énumération, se trouvait à l’ouadi Suega (Sueiqa), on doit alors la chercher au nordouest d’Aqaba. L’étymologje de « blancheur » conviendrait à tout le plateau de Tih où les Israélites étaient désormais certainement montés. Cf. M. J. Lagrange, L’itinéraire des Israélites du pays de Gessen aux bords du Jourdain, dans la Revue biblique, 1900, p. 277 ; croquis iii, p. 281. Il est impossible, comme quelques auteurs l’ont fait, de la confondre avec Lebna. Jos., x, 29 ; xii, 15. Voir Lebna 2.

A. Legendre.

2. LEBNA (hébreu : Libndh ; Septante : Codex Vaticanus, Asêvâ, Jos., x, 29, 31, 32 ; xii, 15 ; Codex Alexandrinus, Aeëjivoî, Jos., x, 29 ; xii, 15 ; Aaê^a, Jos., X, 31, 32), nom d’une ville de la Palestine prise par Josué, et, d’après le contexte, située entre Macéda et Lachis. Jos., x, 29, 30 (Vulgate), 31, 32, 39 (Vulgate) ; xii, 15. Elle est appelée Labana, Jos., xv, 42, et Labna, Jos., xxi, 13 ; IV fieg., viii, 22, etc. Voir Lobka.

A. Legendre.
    1. LEBNI##

LEBNI (hébreu r Libnî, « blanc ; » Septante : Ao6evi), fils aîné de Gerson et petit-fils de Lévi. Num., iii, 18.

Partout ailleurs, Exod., vi, 17 ; Num., xxvi, 58 ; ï Par., vi, 17, 20, la Vulgate écrit son nom Lobni. Il fut le chef de la famille Lébinite. Num., iii, 21 ; xxvi, 58. Dans I Par., xxiii, 7, 8, 9 ; xxvi, 21, il est appelé par corruption en hébreu La’eddn ; Vulgate, dans I Par., xxiii, 7-9, Leedan, et xxvi, 21, Ledan. Il eut pour fils Jahath. I Par., VI, 20, 43. Dans ce dernier verset, la Vulgate écrit son nom Jeth. Voir Jahath et Jeth, t. In, col. 1105 et 1519. Le chef de chœur Asaph fut un de ses descendants. Voir Asaph 1, t. ï, col. 1056.

    1. LEBNITIQUE##

LEBNITIQUE (hébreu : hal-Lïbnx ; Septante : Aoëevî ; Vulgate : Lebnitica), famille de lévites descendant de Lebni bu Lobni, une des branches de la famille Gerson. Num., iii, 21 ; xxvi, 58. Dans ce dernier passage, la Vulgate l’appelle : familia Lobni. Voir Gerson, t. iii, col. 214.

    1. LEBONA##

LEBONA (hébreu : Lebônàh ; Septante : Vaticanus, riiî Ae6wvâ ; Alexandrinus, toO A16avo0), ville de Palestine, mentionnée une seule fois dans l’Écriture. Jud., xxi, 19. Elle se trouve comprise dans une glose destinée à préciser l’emplacement de Silo, aujourd’hui Seilûn, situé « au sud de Lebona ». Le mot négéb doit se prendre ici dans le sens de « sud-est », car la cité dont nous parlons est parfaitement identifiée avec le village actuel A’El-Lubbân, au nord-ouest de Seilûn. Voir la carte de la tribu d’Éphraïm, t. H, col. 1876. L’hébreu n :  !  ! 1 }, Lebônâh, est exactement reproduit par

l’arabe,-yp, généralement prononcé Lubban ou Lubbân, ^jUJ ; on rencontre cependant Lebben dans V. Guérin, Samarie, t. ii, p. 164 ; Leban dans Van de Velde, Reise durch Syrien und Palâstina, Leipzig, 1855, t. H, p. 259. Cf. G. Kampffmeyer, Aile Namen im heutigen Palâstina, und Syrien, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xvi, 1893, p. 47. Lebona est l’ancienne Belh Laban, renommée pour ses vins dans le Talmud. Cf. A. Neubauer, La géographie duTalmud, Paris, 1868, p. 82. — Le village A’El-Lubbân consiste en un amas de petites maisons d’apparence misérable, qui s’élève sur les pentes d’une colline, à l’ouest et près de la route de Jérusalem à Naplouse. Dans la construction de plusieurs de ces maisons, notamment aux portes, >n remarque un certain nombre de belles pierres régulières, évidemment antiques. Trois tronçons de colonnes, provenant également de quelque ancien édifice, ont été placés dans la cour d’une petite mosquée. Dans les flancs d’une colline voisine a été jadis creusée une nécropole. Parmi les grottes sépulcrales qu’on y voit encore, les unes ont pour ouverture une large baie arrondie en plein cintre ; les autres, une baie bien moindre et de forme rectangulaire. Quelques-uns de ces tombeaux sont bouchés, et les habitants de Lubbdn s’en sont servis pour enterrer leurs morts. Cf. V. Guérin, Samarie, t. ii, p. 164 ; E. Robinson, Biblical researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 272 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. ii,

p. 286.

A. Legendre.
    1. LÉCHA##

LÉCHA (hébreu : Lêkâh ; Septante : Ar, -/S), probablement ville de la tribu de Juda. Dans la généalogie de Séla, fils de Juda, Her, fils de Séla, est appelé « père de Lécha ». I Par., IV, 21, Dans ce verset, comme en plusieurs autres endroits, « père » signifie fondateur ou restaurateur d’une ville et c’est certainement ici le cas pour Marésa dont Laada, autre fils de Séla, est dit « la père ». Le sens du passage paraît donc être que Lécha était une ville qui fut peuplée par les descendants de Her. La seule raison qu’on puisse alléguer pour considérer Lécha comme un nom d’homme, c’est qu’on ne trouve nulle part de trace d’une localité appelée de ce nom.

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LÉCHI — LECTEUR

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    1. LÉCHI##

LÉCHI (hébreu : Lehi, à la pause : Léhî ; ordinairement avec l’article ; hal-Lehî, « joue, mâchoire ; » Septante : Aeyf, Eiôyeov ; Vulgate : Lechi, id est, maocilla), localité de la tribu de Juda, où Samson tua mille Philistins avec une mâchoire d’âne. Jud., xv, 15.

1° Nom et histoire de Léchi. — Les Septante et la Vulgate ont tantôt conservé le nom hébreu et tantôt l’ont traduit par mâchoire. Le texte, Jud., xv, 17, semble indiquer que ce lieu fut appelé Léchi ou Ramath-Léchi, en mémoire de l’exploit de Samson, qui avait dit : « Avec une mâchoire (bi-lehî) d’âne (ha-hâmôr), j’ai frappé une troupe [hâniôr), deux troupes (hâmôrâ(âïm) ; avec une mâchoire d’âne j’ai frappé mille hommes, » ou, selon une autre Iraduction de ce passage que le jeu de mots rend obscur : « Avec la mâchoire d’un [âne] roux, rougissant (les Philistins), je les ai rougis (couverts de leur sang). » Jud., xv, 16. Le texte ajoute, ꝟ. 17 : « Et quand il eut achevé de parler, il jeta de sa main la mâchoire (hal-lehî) et il appela* (ou on appela) ce lieu Ramath Léchi. » Au ꝟ. 9, le texte hébreu n’est pas aussi précis que la Vulgate. Celle-ci dit expressément que les Philistins campaient « au lieu qui fut appelé plus tard (postea) Léchi », mais l’original dit simplement : « Les Philistins campèrent en Juda et s’étendirent jusqu’à Léchi. » Un certain nombre d’exégètes supposent que cette localité s’appelait déjà Léchi, à cause d’une colline ou d’un rocher ayant la forme d’une mâchoire, Gesenius, Thésaurus, p. 752, mais ce n’est là qu’une hypothèse, et rien ne prouve que ce ne soit pas Samson qui ait le premier donné à ce lieu le nom de Ramath Léchi ou colline de la Mâchoire.

Dieu fit jaillir en cet endroit une source pour désaltérer Samson, ’En haq-gôrê’(Vulgate : « Fontaine de celui qui invoque, » t. ii, col. 2304). La Vulgate traduit ce passage : « Le Seigneur ouvrit une dent molaire de la mâchoire d’âne et il en sortit de l’eau… C’est pourquoi ce lieu a été appelé jusqu’aujourd’hui la Fontaine de celui qui invoque, [sortie] de la mâchoire. » Jud., xv, 19. Saint Jérôme a traduit par « dent molaire », le mot hébreu rnaktci, qui signifie « mortier » à piler et désigne dans Sophonie, i, 11 (Vulgate : Pilse), une localité voisine de Jérusalem. On s’accorde aujourd’hui universellement à traduire ainsi l’hébreu : « Dieu fendit le mortier (le rocher de ce nom, creux comme un mortier), qui est à Léchi et il en sortit de l’eau… C’est pourquoi on a appelé [cette fontaine], la Fontaine d’haq-qorê’; elle existe encore aujourd’hui à Léchi. » Le Targum de Jonathas expliquait déjà ainsi ce passage. De même Josèphe, Ant. jud., V, viii, 9 ; Calmet, Commentaire littéral, Jttges, 1720, p. 239-210 ; de Hummelauer, In lib. Judicum, 1888, p. 276. — Léchi est mentionné une seconde fois dans II Reg., xxiii, 11, selon une interprétation très probable. « Les Philistins s’étaient assemblés à Léchi (hébreu : Lahayyâh, à lire Lehî, avec le hé local ; Vulgate : in stations). Il y avait là une pièce de terre pleine de lentilles et le peuple fuyait devant les Philistins. Semma (un des braves de David) se plaça au milieu du champ, le protégea et frappa les Philistins. »

2° Site. — La situation de Léchi est incertaine. Saint Jérôme dit que sainte Paule, en allant en Egypte, passa de Sochoth à la fontaine de Samson. Epist., cviii, ad Eustoch., 14, t. xxii, col. 889. D’autres la placent à Éleuthéropolis (Beit-Djibrin), Reland, Palsestina, 1714, p. 872, ce qui est inacceptable, comme on va le voir plus loin. Victor Guérin croit avoir retrouvé Léchi dans le Khirbet Ain el-Lehi actuel, au sud-ouest de Jérusalem, un peu au-dessous, au sud, d’Aïn Kar*m (voir sa carte), sur les flancs d’une montagne cultivée par étages. Il y a là, dit-il, Judée, t. ii, p. 396-400, « une source abondante qui découle d’un petit canal antique dans un birket demi-circulaire ; de là, elle se répand dans des jardins plantés de vignes, de divers arbres fruitiers et de légumes. Plus haut, sont d’autres jardins, dont les murs

sont fermés avec des matériaux provenant de constructions antiques, et où l’on distingue encore, au milieu des arbres qui y sont cultivés, les débris d’un ancien village presque complètement rasé. Je remarque aussi plusieurs tombeaux antiques creusés dans le roc, dont les entrées sont obstruées… La source que les Livres Saints désignent sous le nom d’En hak-Korê… me parait être celle qui s’appelle aujourd’hui Aîn el-Lehi, et la montagne sur les flancs de laquelle se trouve le Kirbet Aîn el-Lehi est, à mes yeux, le Ramath Lehi du livre des Juges. Les noms sont identiques et, en outre, il semble résulter de ce même chapitre que cette localité n’était pas fort distante d’Étam. Or, Y Aîn el-Lehi n’est distant de YAïn Atan, regardée généralement comme étant située sur l’emplacement d’Étam, que d’un intervalle de deux heures de marche au plus. Je suis donc très disposé à reconnaître dans cette fontaine celle qu’a rendue célèbre l’histoire de Samson, au lieu de la chercher, conformément à une tradition assez ancienne, mais peu en harmonie avec les données de la Bible, dans YAïn Lehi es-Safer, dont j’ai retrouvé le canal près de Beit-Djibrin. Comment supposer, en effet, que les Philistins, voulant se saisir de Samson retiré dans la caverne d’Étam, aient établi leur camp à une distance si grande de l’ennemi qu’ils voulaient surprendre, et que les Juifs, après avoir lié Samson, l’aient traîné jusqu’aux portes de Beth-Gabra, plus tard Éleuthéropolis, actuellement Beit-Djibrin ? Six heures de marche au moins séparent ces deux points. D’ailleurs, si l’événement raconté par la Bible s’était passé près de Beit-Djibrin, c’est-à-dire sur le seuil seulement des montagnes de la Judée, l’écrivain sacré n’aurait pas dit que les Philistins étaient montés dans la terre de Juda, puisque Beth-Gabra devait faire partie de la Sêfêlah, c’est-à-dire de la grande plaine occupée par ce peuple, et non de la montagne de Juda. »

F. Vigouroux.

LECI (hébreu : Liqhi ; Septante : Aax£(j. ; Alexandrinus : Aaxeia), le troisième des fils de Sémida, de la tribu de Manassé. I Par., vii, 19. Voir Sémida.

    1. LECTEUR##

LECTEUR, celui qui faisait la lecture (àvâyvMaiî ; Vulgate : leclio) des passages de la Loi et des prophètes, dans les synagogues. — Aux réunions qui avaient lieu le jour du sabbat dans les synagogues, on commençait par la récitation du Sema’, Deut., VI, 4-9 ; xi, 13-21 ; Num., xv, 37-41, et de prières déterminées. Puis venait la lecture d’un passage de la Loi. Le Pentateuque avait été divisé en cent-cinquante quatre parSiyôt ou sections, de telle façon que la lecture complète en fût faite en trois années. Il n’y avait pas de lecteur attitré ; le chef de la synagogue désignait pour remplir cet office ceux qu’il en jugeait capables. Dans les synagogues palestiniennes, l’usage était d’appeler sept lecteurs consécutifs ; hors de Palestine, on se contentait habituellement d’un seul. Les sept lecteurs étaient appelés, autant que possible, dans l’ordre suivant : un prêtre, un lévite, un des principaux disciples des sages, un autre disciple des sages digne de cette fonction, un fils des précédents, un des principaux de la synagogue et enfin quelqu’un du peuple. Gittin, v, 8. Même un mineur pouvait faire la lecture. On lisait debout. Luc, iv, 16. Le premier et le dernier lecteur récitaient une formule de bénédiction au commencement et à la fin de la lecture. Le hazzân, ûrnipéTTjç, ou serviteur de la synagogue, Luc, iv, 20, tendait le rouleau au lecteur et le lui reprenait quand il avait fini. Il se tenait d’ailleurs auprès de lui pour veiller à ce que le texte fût lu correctement et à ce que l’on passât ce qui ne convenait pas à une lecture publique. Chaque lecteur devait lire au moins trois verseis, sans qu’il lui fût jamais permis de les débiter par cœur. Après ïa lecture de la Loi venait celle des prophètes, nebVîm, appellation qui comprenait Josué, ’les Juges, les livres de Samuel et des Rois et les prophètes proprement dits. Ces livres étaient également divisés en sections ou haf tarât, c’est-à-dire « finales », parce que cette lecture terminait la réunion. Nos Bibles hébraïques indiquent ordinairement les parHyôf dans le texte du Pentateuque et les haf tarât à la fin du volume. Il n’était pas obligatoire de lire à la suite, chacun pouvant choisir son passage. Luc, iv, 17. Ces lectures de la Loi et des prophètes ne se faisaient qu’à la réunion principale du sabbat ; elles n’avaient pas lieu aux réunions de semaine ni à celle de l’après-midi du sabbat. Comme la langue originale des Livres Saints avait cessé d’être comprise, un interprète, mefûrgemân, traduisait l’hébreu enaraméen, verset par verset, quand il s’agissait de la Loi, et trois versets à la fois dans les prophètes, à moins que le sens fût complet dès le premier ou le second. On ignore si l’interprète était un fonctionnaire attitré de la synagogue, ou si la charge de traduire le texte était dévolue à tour de rôle à ceux qui en étaient capables. À l’époque évangélique, l’usage s’était introduit d’expliquer ensuite le passage qui venait d’être lu. Philon, De septenario, 6, atteste que, de son temps, quelque assistant de grande expérience, ni tùv È|XTOiporaT<ûv, encourageait de son mieux l’auditoire à rendre sa vie meilleure. Celui qui faisait cette exhortation s’asseyait. Luc., iv, 20. Cf. Megilia, iv, 1-6 ; Reland, Antiquitates sacras, Utrecht, 1741, p. 66-67 ; Iken, Antiquitates hebraicss, Brème, 1741, p. 300-302 ; Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découv, archéol. mod., 2e édit., Paris, 1896, p. 156-158 ; Schiirer, Geschi-chte des jûdischen Volkes, Leipzig, t. ii, 1898, p. 454-457. — Un jour, Notre-Seigneur se présenta dans la synagogue de Nazareth et y fit la lecture de deux versets d’Isaïe, qu’il expliqua ensuite. Luc, iv, 16-22. Il devait procéder de manière analogue quand il entrait dans les synagogues pour y enseigner. Matth., iv, 23 ; Marc, i, 21 ; vi, ^ Luc, iv, 15 ; vi, 6 ; xiii, 10 ; Joa., VI, 60 ; xviii, 20. Il est possible qu’après avoir fait la , lecture du texte, il ait eu l’habitude de traduire lui-même l’hébreu en araméen, comme il eut sans doute celle de discuter sur le texte hébreu avec les docteurs. C’est du moins ce que peut donner à penser la réflexion des Juifs : « . Comment donc celui-ci sait-il les lettres, puisqu’il n’a pas appris ? » Joa., vii, 15. Les Apôtres font plusieurs fois allusion aux lectures qui avaient lieu dans les synagogues. Act., xiii, 27 ; xv, 21 ; II Cor., iii, 15.

— La fonction du lecteur s’est perpétuée dans l’Église. Elle y a même pris un caractère officiel et est devenue Je second des ordres mineurs. Le Pontifical romain, De ordinat. lectorum, indique la nature de la fonction : faire la lecture de ce qui doit servir de thème à la prédication, s’acquiî’sr de ce devoir d’une voix haute et distincte, de manière que les fidèles comprennent, et sans jamais altérer le sens des textes, enfin lire d’un lieu élevé, avec obligation pour le lecteur d’avoir une conduite digne de son office. Il était naturel que l’Église en adoptant les textes sacrés comme base de ses enseignements, eût, comme la synagogue, des ministres pour en faire la lecture publique. Seulement elle leur conféra une consécration spéciale, afin de pouvoir les employer aussi aux fonctions liturgiques qui accompagnent son enseignement dans l’assemblée des fidèles. — Au moyen âge, on croyait que Jésus-Christ avait exercé lui-même tous les ordres. On lit dans un manuscrit de Munich, 6330, s. viii-ix, fol. 49 b : « Quando Christus implevit VII gradus Ecclesiæ primus gradus lector quando aperit librum Isaise prophetse et dixit : Spiritus Dei super me. f> Luc, iv, 17. Cf. Weyman, Jésus-Christ et les ordres, dans la Revue d’hist. et de littérat. relig., Paris, 1899, p. 93.

H. Lesêtre.

LECTIONNAIRES. — I. Nom et espèces. — Les lectionnaires, lectionaria, sont des livres liturgiques, contenant les passages détachés de l’Écriture Sainte qui

sont lus dans les offices publics, notamment à la messe. Ces recueils ne reproduisent pas la Bible entière, mais seulement les âvafviisEic, « va-fvâxrjJiaTà, lectiones, leçons ecclésiastiques, désignées parfois sous les noms des anciennes sections bibliques : xspixoitat, TpïJt*aTa, xs<pi-Xata, segmenta. On nomme quelquefois àvaYvwo-tâpiov le livre rare des leçons extraites de l’Ancien Testament, de telle sorte que le nom générique de lectionnaire serait devenu le nom spécifique du recueil des sections liturgiques de l’Ancien Testament. Quant à celles du Nouveau Testament, elles ont été réunies en des volumes distincts, selon qu’elles appartiennent aux Évangiles ou bien aux Actes et aux Épîtres des Apôtres. Ces deux recueils sont diversement désignés par les Grecs et par les savants européens.

1 « Le recueil qui contient les leçons des Évangiles s’appelle strictement chez les Grecs EùayïAiov, ou’ExXo--fiSiov (parfois’ExXoyâStM) to3 £.vxfyeiov. On ignore à quelle époque ce nom a été donné* dans l’Église grecque au lectionnaire évangélique. La plus ancienne désignalion connue jusqu’aujourd’hui se trouve dans l’Évangcliaire grec 131, écrit en 980. On lit, en effet, dans la souscription : ’Eypâçri tô tî’jjuov xsî âfiov EùàYYéXiov. Celui qui a relié ou fait relier ce volume en 1049 a employé le même nom. L’évangéliaire 330, qui est de 1185, a un titre analogue : EûaYYeXtorov x-rjv OsiîiveuaTOv Pi’6Xov 7]Y 0U v to âytov EùaYYÉXtov. Ce nom distingue le iectionnaire évangélique du xexpævaYYÊXtov, ou manuscrit contenant le texte continu des quatre Évangiles. — -Les noms : Evangelarium ou Evangelislarium sont souvent employés par les savants européens pour désigner le lectionnaire évangélique. Le second de ces noms avait été usité avant Mill, à qui on en attribuait la paternité, par dom de Montfaucon et par Fell. Cependant, dans quelques lectionnaires grecs imprimés, EùaYY E ^ l<J xâpiov est le nom donné à la liste finale des jours et des leçons de chaque jour. Bien plus, dans les catalogues des bibliothèques et dans les ouvrages des savants, on trouve ces mots employés à tort pour désigner les manuscrits grecs, de telle sorte qu’on appelle Evangelistarium, Evangelarium ou Evangelium un Tctp « £u « y-Y ^Xiov, et un EùaYyéXiov est nommé faussement TetpæuaY-YÉXtov.

2° Les livres qui contiennent les passages liturgiques des Actes des Apôtres, des Épîtres catholiques et des Épîtres de saint Paul sont nommés par les Grecs’Aîio(rxoXoç ou Hpai-aTiéo-ToXoç. Le premier de ces noms est le plus répandu. La dénomination de Ilpai ; a7rôo-ToXo< ; sert le plus souvent à désigner les textes continus et forme pendant au TerpasuaYYsXtov. Les manuscrits de ces livres liturgiques sont moins nombreux que ceux des Évangiles ; ils se distinguent moins nettement des manuscrits à texte continu ; d’où il résulte que les dénominations sont employées indistinctement. — Dans l’Europe occidentale, on appelle fréquemment r’AuôirroXoç « Lectionnaire » par excellence et par opposition à l’Évangéliaire. Cette désignation est tout à fait étrangère aux usages grecs. Les Grecs ne connaissent pas non plus le nom d"Av « YV(oortxov ou de BtëXîov àirooroXixov pour désigner l’EOaYYÉXiov et 1°A7to<jtoXoç, réunis en Un seul volume, que nous appellerions un lectionnaire complet.

Ces livres liturgiques ne sont pas chez les Grecs les seuls qui contiennent soit des leçons ecclésiastiques soit des indications relatives à la lecture de la Bible dans les offices publics. Les livresde prière à l’usage des fidèles en contenaient plus ou moins. Ainsi Goar, Eùj<o-Xoyiov sive rituale Grœcorum, 2e édit., Venise, 1730, p. 711-724, indique les’Aicoo-roXoeuaYY £Ata de toute l’année, c’est-à-dire les Épîtres et les Évangiles du Ménologe et les EOayYEXta êo>61và àvao-râ<ji[jia. Vdir E. A. Marcelli, Ménolnge, Rome, 1788. De même les Menées ou offices des saints, les TpnôSia, les IUvTïjxôo-râpia, les IlapaxXiiuxi, en un mot, la plupart des livres lilur

giques contiennent ou des fragments des Évangiles ou des rubriques concernant les leçons ecclésiastiques. Mais ces livres n’ont pas encore été étudiés au point de vue particulier qui nous occupe, et désormais nous ne parlerons plus que des EOaYY^)’» et des’Ait<5<rtoXoi. Cf. Martinov, Annus ecclesiasticus, grxcoslavicus, Bruxelles, 1863. Sur les livres liturgiques des Grecs, on peut consulter L. Allatius, De libris ecclesiasticis Grsecorum ; In libros ecrlesiasticos Grsecorum triodium, pentecostarium, paracleticum examen, Paris, 1644 ; ouvrages reproduits par Fabricius, Bibliotheca grseca, Hambourg, 4712, t. v ; G. Cave, Dissertatio secunda de libris et officiis ecclesiasticis Grsecorum, dans Script, eccl. hist., Genève, 1705, appendice, p. 179-193 ; Ducange, Glossarium ud scnplores médise et infimse latinitatis, Paris, 1733, t. iv, col. 173-174 ; Kirchenlexikon, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1886, t. IV, col. 1034-1035 ; Realencyelopàdie de Herzog, 3e édit., Leipzig, 1898, t. v, p. 652659.

II. Origine et uate des Lectionnaires. — Les plus anciens Lectionnaires qui nous restent sont un fragment, l’évangéliaire 1043, du iv* ou du Ve siècle, et les évangéliaires 348 et 349, du VIe siècle. Il y a peu de manuscrits de cette sorte antérieurs au viif siècle. Les Lectionnaires sont cependant d’origine antécédente, et la lecture de l’Écriture aux offices liturgiques remonte au berceau même de l’Église. On estime généralement et non sans raison que l’usage de lire l’Écriture dans les réunions publiques a été emprunté par l’Église aux Juifs. S. Isidore, De eccl. nffie., i, x, 1, t. lxxxiii, col. 744-745. Ceux-ci lisaient chaque samedi à la synagogue une section du Pentateuque et un morceau détaché des livres prophétiques. Act., xiii, 15, 27 ; xv, 12 ; Marc, xil, 26 ; Luc, iv, 16-21. Ils eurent d’abord un cycle de 153 parsiyôf, suivant lequel le Pentateuque était lu chaque trois ans, puis un autre de 54 pour la lecture complète du livre pendant une année. Ils choisirent dans les livres prophétiques 85 haf tarât, destinés à être lus les jours de sabbat et de fêtes. Cf. du Voisin, Observaliones ad proœmium Pugionis fidei, dans Martini, Pugio fidei, Paris, 1651, p. 97-103, 133-134 ; Vitringa, De synagoga vetere, 2e édit., 1726, p. 946-1015 ; O. Schmid, Ueber verschiedene Eintheilungen derlieil. Schrift, Graz, 1892, p. 4-13 ; E. Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, 3e édit., Leipzig, 1898, t. ii, p. 455-456. Les cinq Megillôt étaient lus aux cinq grandes fêtes de l’année. Talmud de Jérusalem, traité Meghilla, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 198. On n’a pas la preuve directe que les Apôtres empruntèrent eux-mêmes aux Juifs la pratique de lire l’Écriture et le sectionnement liturgique usité. F. Probst, Liturgie derdrex ersten christlichen Jahrhunderte, Tubingue, 1870, p. 23. Il est vraisemblable que, le service des lectures publiques s’est organisé peu à peu dans l’Église. Ce qui est certain, c’est que les documents des trois premiers siècles témoignent de la diversité des usages suivant les temps et les lieux.

Saint Justin, Apol., i, 67, t. 71, col. 429, parle explicitement des réunions que les chrétiens de son temps faisaient chaque dimanche à la ville et à la campagne €t dans lesquelles ils lisaient, autant qu’il fallait, les mémoires des Apôtres, c’est-à-dire les Évangiles, et les écrits des prophètes. Tertullien, Apologetic., 39, t. 1, col. 468-469, rapporte aussi que dans les assemblées chrétiennes on lisait les lettres divines. Or, il dit, De prœscr., 37, t. 11, col. 49-50, que l’Église romaine joignait la loi et les prophètes aux écrits des Apôtres et des Évangélistes pour y nourrir sa foi. On peut conclure de ces deux textes rapprochés que ces quatre sortes de livres étaient lus dans les réunions liturgiques. Saint Cyprien, Epist., xxxiii, xxxiv, t. 11, col. 328, ordonnait des lecteurs pour lire publiquement l’Évangile du Christ. Les Canons d’Hippolyte et la Constitution apos tolique égyptienne, qui sont du 111e siècle, parlent du lecteur, àvayviifftriç, comme d’un ministre chargé d’un office public dans l’Église. Achelis, Die Canones Hip~ polyti, dans Texte und TJnters., Leipzig, 1891, t. vi, fasc. 4, ’p. 70, 119, 122. Le VIII » livre des Constitutions apostoliques, qui est du IVe siècle, parle, à propos de l’ordination épiscopale, c. v, t. 1, col. 1076, de la lecture de la loi, des prophètes, des Épitres et des Actes des Apôtres et aussi des Évangiles. D’après le Testamentum D. N. J. C., édit. Rahmani, Mayence, 1899, p. 24, 58, les lecteurs lisaient les prophètes et les autres leçons en un lieu déterminé, peu dislant de l’autel, mais c’était un prêtre ou un diacre qui lisait l’Évangile. Les Constitutions apostoliques, 1. II, c. lvii, t. 1, col. 728-729, donnent les mêmes renseignements ; elles indiquent, en outre, les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, qui étaient lus par les lecteurs. L’Écriture était lue, non seulement aux messes du dimanche, mais encore dans les vigiles et aux jours de station, le mercredi et le vendredi. Socrate, H. E., v, 22, t. lxvii, col. 636. Au IVe siècle, le samedi devint jour de synaxe. Constitutions apostoliques, 1. II, c. lix ; 1. V, c. xx ; 1. VII, c. xxvii ; 1. VIII, c. xxxiii, t. 1, col. 744, 904, 1013, 1133. Saint Épiphane, Exposit. fidei, 24, t. xlii, col. 832, dit que cet usage était particulier à certains lieux seulement. La Pérégrination de Sylvie mentionne les synaxes du samedi pour le Carême à Jérusalem, elle ne parle pas de celles du reste de l’année. Le concile de Laodicée (372), can. 16, prescrit d’ajouter, le samedi, la lecture de l’Évangile à celle des autres Écritures. Hardouin, Acta concil., t. 1, col. 783. Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1889, p. 218-221. Cet usage a probablement donné lieu aux leçons dites aaSëatoxupiixaî. Cassien, De cœnob. instit., ii, 5-6, t. xiix, col. 83, 89, 90, . relate les usages de l’Egypte et de la Thébaïde.

Pendant longtemps, les lectures étaient faites dans les livres bibliques eux-mêmes, soit isolés, soit groupés de diverses façons. Le président de l’assemblée déterminait les passages à lire et arrêtait le lecteur quand il le jugeait à propos. Mais, vers la fin du IVe siècle, on constate à Antioche un sectionnement réglé, et il semble que, pour chaque dimanche et chaque fête, il y avait un texte assigné d’avance. Des renseignements précis, fournis par les homélies de saint Chrysostome, le montrent bien, La Genèse était lue dès le commencement du Carême jusqu’à la grande semaine. In Gen., Hom. 11, 3 ; Hom. xxx, 1, t. lui, col. 27, 274 ; In Gen., Serm. 1, 1, t. liv, col. 501. Un passage de la passion, Matth., xxvii, 27-29, était lu le samedi saint. In Matth., Hom, lxxxvii, 1, t. LVlll, col. 770. C’était une règle établie par les anciens qu’on lût le livre des Actes à la Pentecote, parce que ce livre raconte les événements dont on célèbre alors l’anniversaire. C’est pour la même raison qu’aux jours de la croix, de la résurrection et des autres fêtes, on lit les récits qui s’y rapportent. Homil., CurinPentecoste…, n. 3-5, t. li, col. 101-105. Les Épitres de saint Paul étaient entendues trois ou quatre fois par semaine aux fêtes des martyrs. Comment, in Epist. ad Rom., t. lx, col. 391. Cf. In Reb., Hom. viii, 4, t. lxiii, col. 75-76. L’Épitre de l’Epiphanie était tirée de Tit., 11, 11-13. De baptismo Christi, n. 2, t. xiix, col. 365. Quand Chrysostome commente l’Évangile de saint Matthieu qu’on Ht alors à l’église, il recommande aux fidèles, comme il l’a fait pour les autres livres de l’Écriture, de lire d’avance la péricope qu’il doit expliquer. In Matth., Hom. 1, 6, t. lvii, col. 21. Cf. Hom. vi, 4, col. 66. La plupart des homélies de Chrysostome sur saint Matthieu et saint Jean coïncident a.vec les leçons de l’office. Il en est de même des homélies de saint Cyrille d’Alexandrie sur saint Luc.

L’ordre des leçons adopté à Antioche a passé à Constantinople, et de cette dernière ville dans toutes les Églises grecques orthodoxes. Sans parler des divergences 151

LECTIONNAIRES

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provenant des usages locaux, cet ordre a subi au cours des âges des modifications qui n’ont pas encore été étudiées. Une des plus importantes est que la leçon prophétique qui, au temps de saint Chrysostome, précédait la leçon apostolique et la leçon évangélique, Hoin. in inscript, altaris, 3, t. ii, col. 71 ; In Act., Hom. xxix, 3, t. lx, col. 217, fut supprimée dans le courant du y siècle. Les plus anciens livres liturgiques du rite byzantin ne la connaissent plus, tandis que la liturgie arménienne, qui est une forme ancienne de la liturgie byzantine, l’a conservée. Quand le sectionnement liturgique eut été fixé, on se servait encore de manuscrits à texte continu. On se contentait d’indiquer aux marges, à l’aide de rubriques, le commencement et la fin des leçons. Il reste encore aujourd’hui de ces manuscrits ainsi adaptés à l’usage liturgique. Le Codex Lugdunensis Pentateuchi (en latin) est de ce genre. Voir l’édition d’U. Robert, in-f », pars post, Lyon, 1900, p. XIII, etc. On trouve souvent au début une table des leçons afférentes aux dimanches et aux fêtes. Cette table est désignée en grec par le nom de <ruvà|aptov et en latin par celui de Capilulare. Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, p. 106, 160, .186 ; . S. Bàumèr, Gesckickte des Breviers, Fribourg-eri-Brisgau, 1895, p. 265266 ; F. Probst, Liturgie des vierten Jahrhunderts und deren Reform, Munster, 1893, p. 161, 205.

Mais on en vint bientôt à découper dans les livres bibliques les leçons des différents jours de l’année et à former des Lectionnaires proprement dits. Une feuille d’un Évangéliaire du Ve siècle nous est parvenue. A. partir du vme siècle, les Lectionnaires isolés sont nombreux. Ils sont en écriture onciale ou en écriture cursive. Cependant, on n’en a pas fait, comme pour." les manuscrits à texte continu, deux classes distinctes. Les listes qu’on en a dressées confondent les onciaux et les cursifs. Les premières de Matthâi et de Scholz : étaient bien incomplètes, Scrivener, À plain introduction : to tiie criticism of thé N. T., 4e édit., Cambridge ; p : 80-89 ; Gregory, Prolegomena, fasc. 2, Leipzig, 1890, p. 695791 ; fasc. 3, 1894, p. 1313, les avaient complétées. L’abbé P. Martin a décrit ceux qui se trouvent à Paris, Description technique des manuscrits grecs relatifs au N. T., conservés dans les bibliothèques de Paris (Hthog.), Paris, 1884, p. 136-174. Gregory, Texlkriiik des Neuén Testaments, Leipzig, 1900, t. i, p. 387-478, a publié une liste de 1072 Évangéliaires et de 303 Épistolaires. Dès le XVIe siècle, on a imprimé des Lectionnaires grecs. Les premières éditions ne reproduisaient pas le texte des manuscrits, mais celui des éditions de Ximénès et d’Érasme. Voici quelques éditions signalées par Gregory, op. cit., t. i, p. 341-342 : Iipdv eùayYéXiov, Venise, 1539 ; ©etov xcù tépov sùayYÉXto-j, Venise, 1614 ; 2e édit., 1645 ; ©etov xat lèpôv eùayYÉXiov, 1851 ; ’A7c15<rToXo ; , 1844 ; Athènes, 1885. Une édition in-folio de l’évangéliaire grec a paru à Rome en 1880, et une de 1°Atiô<jtoXo< ; en -1882.

III. Plan des Lectionnaires grecs. — Ne pouvant tenir compte des nombreuses divergences que présentent les manuscrits, nous nous contenterons de décrire le plan général et uniforme des Lectionnaires. L’Évangile et l’Apôtre sont divisés en deux parties : la première, qui commence à la fête de Pâques, contient seulement les évangiles et les épîtres des dimanches et constitue proprement l’année liturgique ; la seconde, qui part du mois de septembre (ancien commencement de l’année), contient les leçons lues aux fêtes des saints, disposées mois par mois de septembre à août.

La première partie n’a pas de nom distinct dans le Lectionnaire ; mais dans les listes préliminaires, elle est au début du SuvaÇâpiov. Pour l’Évangile, elle commence par celui de saint Jean, dont la lecture’se prolonge, sauf quelques exceptions, pendant sept semaines jusqu’au dimanche de la Pentecôte. Dans le même in-.

tervalle de temps, on lit, comme à l’époque de saint Chrysostome, les Actes des Apôtres. À partir du lundi de la Pentecôte, l’Évangile de saint Matthieu est lu dix-sept dimanches consécutifs. Durant les onze premières semaines, il fournit encore les évangiles de tous les jours de chaque semaine ; mais à partir de la douzième, les évangiles du lundi au vendredi sont empruntés à saint Marc, ceux du samedi et du dimanche étant encore tirés de saint Matthieu. Le dimanche qui suit la fête de l’Exaltation de la Sainte-Croix (14 septembre), commence la lecture de l’Évangile selon saint Luc. Elle se poursuit pendant dix-huit semaines jusqu’au Carême. Les évangiles de chaque jour sont empruntés à saint Luc pendant les douze premières semaines. À partir de la treizième, le troisième Évangile fournit encore les leçons du samedi et du dimanche ; mais celles des cinq autres jours sont dès lors prises en saint Marc. Dès le samedi qui précède, le dimanche du Tyrophage, ou premier dimanche de Carême, l’Évangile est emprunté à saint Matthieu. Les évangiles des samedis et dimanches de la sainte Quarantaine forment le groupe spécial, dont nous avons déjà, parlé, .les ; EiayysXîa CTaêêxrox-jptaxâ. Ceux de « la sainte et grande semaine » sont en partie constitués par des fragmentsrde divers Évangiles. Deux groupes, diversement placés dans les manuscrits, conviennent encore à la semaine sainte : 1° les douze EÙayYsXia twv àytiov jrâOwv ; 2° les quatre evayYÉXia twv mpwv. Enfin un dernier groupe, qui est peut-être la partie la plus ancienne du lectionnaire, comprend les onze eùayyéXia iu>biva. : àya.<rcàmi.a, ou récits concernant la résurrection de Notre-Seigneur. Les Épltres de saint Paul et les Épîtres catholiques sont lues pendanttoutes les semaines durant lesquelles les évangiles sont tirés de saint Matthieu, de saint Luc et de saint Marc, c’est-à-dire à partir du lundi de la Pentecôte.

La deuxième partie du Lectionnaire grec porte, dans les listes des Évangiles et des Épîtres, le nom de Mu]vo-X 6y’ov - C’est un extrait du grand Ménologe. Celui-ci contient au complet les offices des saints. Le petit ménologe ne reproduit que les Épîtres et les Evangiles, lus aux jours des fêtes fixes, ou seulement leur indication. Cette partie du Lectionnaire est la plus variable, chaque église ayant ses fêtes spéciales et ses usages locaux. Toutefois, elle contient des évangiles et des épîtres pour le samedi et le dimanche avant l’Exaltation de la Croix, pour le dimanche après cette fête, pour les samedis et les dimanches avant Noël, avant et après l’Epiphanie. Il y a enfin des évangiles eîç Siaipôpou ? [ivir (iaç. Cf. Gregory, Textkrilik des Neuen Testaments, Leipzig, 1900, t. i, p. 343-386.

IV. Forme des leçons. — Les leçons liturgiques ne reproduisent pas purement et simplement le texte intégral dont elles sont tirées. Elles présentent deux particularités qu’il est important de signaler :

1° Au commencement et-i la fin de la plupart, on a supprimé, dans les récits évangéliques surtout, des circonstances de temps et de lieu trop précises pour être maintenues dans la leçon liturgique, et on les a remplacées par des expressions plus vagues ou plus générales. C’est ainsi que les Évangiles commencent presque tous par ces formules : ’Ev xÇ xaipû âxeiW, ou : E’tcv 6 Kipioç. Celle-ci est parfois développée en une phrase entière, telle que : Eïirev 4 K-ipio ; tt, v mxpaëoXïiv Ta’JTïjv ou 7tpo ; toyç iXrjXuôfiTa ; 7tpbç a-jxôv’Iou-Satouç. Les exemples de ces additions abondent, et dans les manuscrits adaptés à l’usage liturgique, elles sont écrites aux marges. Lorsqu’une section est lue à des jours différents, les débuts varient selon les circonstances. Des changements analogues sont encore, quoique moins fréquemment, opérés à la fin des sections. Dans ce cas, on se contente le plus souvent de modifier un peu la finale. Plus rarement, on ajoutait une phrase faite exprès pour la circonstance.. Or, souvent les modi

attribuée à saint Jérôme et reproduite Pair. Lai., t. xxx, col. 487-532. Ranke avait reconnu que cette préface était antérieure à saint Léon le Grand. Dom Morin, Constantins évêque de Conslantinople et les origines du Cornes romain, dans la Revue bénédictine, 1898, t. xv, p. 241246, s’est efforcé de montrer que le destinataire en était Constance, évêque de Cosenza au commencement du v 8 siècle. Le lectionnaire est aussi indiqué dans le Capitulare que contiennent beaucoup de manuscrits de la Vulgate latine. Voir S. Berger, Histoire de la Vulgate vendant les premiers siècles du moyen âge, Paris, 1893, p. 374-422 passim. Celui du Codex Adas, du IXe siècle, à Trêves, voir ibid., p. 420, a été publié, Die Trierer Ada-Handschrift, in-f", Leipzig, 1889, p. 16-27. On le trouve aussi dans des Évangéliaires séparés, tels que celui qui est conservé à la bibliothèque d’Arras, n. 1045, et qui a été signalé par M. Léopold Delisle, L’Évangéliaire de Saint-Vaast d’Arras et la calligraphie francosaxonne du ix" siècle, in-f°, Paris, 1888, p. 5-12. Voir aussi YAnliquus Ordo romanus, édité par Martène, Thésaurus novus anecdotorum, Paris, 1717, t. v, col. 10°110, et reproduit Patr. Lat., t. lxvi, col. SS9-1006. Cf. Gerbert, Monumenta veteris liturgise alemannicæ, Saint-Biaise, 1779, t. ii, p. 175-177. Il faudrait aussi étudier les homiliaires, qui font connaître les épîtres et les évangiles lus, les jours de dimanches et de fêtes de toute l’année liturgique. Cf. F. Wiegand, Das Homiliarium Karls des Grossen auf seine wspriingliche Gestalt, Leipzig, 1897. Â partir du Xe siècle, il y a enfin des missels pléniers, qui réunissaient le sacramentaire, le lectionnaire et le graduel. Ce n’est qu’au nu" siècle que ces missels deviennent d’un emploi universel. — L’usage gallican nous est connu par le lectionnaire de Luxeuil, édité par Mabillon, De liturgia gallicana, Paris, 1685, 1. IT, P. L., t. lxxii, col. 171-216. Dom Morin, Revue bénédictine, 1893, p. 438, a prouvé que ce lectionnaire pouvait être rapporté à la région parisienne. Les épîtres et les évangiles se trouvent aussi dans le Sacramentaire gallican, édité par Mabillon, , Muséum italicum, 1. 1 b, p. 278-397, Patr. Lat., t. lxxii, col. 451-568. -*- L’usage mozarabe est représenté par le missel mêlé de Ximénès, reproduit Patr. Lat., t. lxxxv-lxxxvi. Dom Morin a édité le lectionnaire de Tolède, Liber comicus sive lectionarius misses quo Toletana ecçlesia ante annos mille etducentos utelaiur, dans Anecdota Maredsolana, Maredsous, 1893, t. i. L’appendice iv reproduit les Capitula Evangeliorum Neapolilana, p. 426-435 ; cf. Revue bénédictine, 1891, t. vni, p. 481, 529. L’appendice v contient les leçons des Épîtres de saint Paul, usitées au vr> siècle dans l’Église de Capoue, p. 436-444. Ranke les avait déjà publiées, Codex Fuldensis, Marhourg, 1875, p. 165. Enfin dom Morin a étudié L’année liturgique à Aquilée antérieurement à l’époque carolingienne d’après le Codex Evangeliorum Rehdigeranus, dans la Revue bénédictine, 1902, t. xix, p. 1-12. Il a réédité le Capitulare evangeliorum de ce manuscrit du vne siècle, déjà publié par Haase, Breslau, 1865-1866. Sur le rite ambrosien, voir Mabillon, Muséum italicum, t. i b, p. 104-109 ; Dictionnaire de théologie catholique, Paris, 1900, t. i, col. 954. — Cf. Ranke, Dos kirchliche Pericopensystem aus den âltestender Rbniischen Liturgie, Berlin. 1847 ; Schu, Die biblischen Lesungen der katholischen Kirche indem Officium und der Messe de fempore, Trêves, 1861. Pour les leçons de l’office, voir Patr. Lat., t. lxviii, col. 393-396 ; S. Bâumer, Geschichte des Rreviers, Fribourg-en-Brisgau, 1895, p. 619-622.

E. Mangenot.

    1. LÉCUM##

LÉCUM (hébreu : Laqqûm ; Septante : AcùSâgx ; Alexandrinus : "A/.pov), ville de Nephthali. Jos., xix, 33. Elle est nommée dans l’énumération des frontières de cette tribu, au nord-est, après Jebnaël, dans la direction du Jourdain. Le site en est inconnu. Elle est nommée, mais non localisée, sous la forme Actxoûp., dans

YOnomasticon d’Eusébe, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 262-263. Reland, Palsestina, 1714, p. 875, pense que c’est la ville qui est appelée Lokim dans le Talmud de Jérusalem. Megilloth, 70, 1. La lecture &udii des Septante doit être une altération de wnii. ou Ati>*o-j(i. Lécum était probablement dans le voisinage du lac Houléh.

    1. LÉDAN##

LÉDAN (hébreu : La’edân ; Septante : ’ESâv dans I Par., xxiii, 7, 9 ; AaSôv dans I Par., xxvi, 21), fils aîné de Gerspn, fils de Lévi. Ce nom est une corruption de Lebni ou Lobni. Voir Lebni. La Vulgate, qui écrit ce nom Lédan dans I Par., xxvi, 21, l’écrit Leédan dans

1 Par., xxiii, 7, 9,

    1. LEE Samuel##

LEE Samuel, exégète anglican, né à Longnor (Shropshire), le 14 mai 1783, mort à Barley (Somersetshire), le

2 décembre 1852. Il fut d’abord apprenti charpentier, mais, doué d’une rare aptitude p’our les langues, il en apprit seul un certaiu nombre, devint maître d’école et puis étudiant à Cambridge, où il prit ses grades en 1817. Il y fut nommé professeur d’arabe en 1819 et, en 1834, professeur d’hébreu. Il mourut recteur de Barley. Ses principaux ouvragés sont Grammar of the Hebrew Language, compiled from the best authorities, chieflff Oriental, in-8°, Londres, 1830 ; 6e édit., 1844 ; Hebrew, Chaldaic and English Lexicon, in-8°, Londres, 1840 ; 3e édit., 1844 ; The Book of the Patriarch Job translatée, from the Hebrew, with Introduction and Commentary, in-8°, Londres, 1837 ; An Inquiry into the Nature, Progress and End of Prophecy, in-8°, Cambridge, 1849 ; The Events and Times of the Visions of Daniel and St. John investigated, identified and determined, in-8 « , Londres, 1851. On lui doit aussi des Prolegomena in Biblia Polyglotta Londinensia minora (de S. Bagster), Londres, 1831. — Voir Th. Hamilton, dans le Dictio~ nary of National Biography, t. xxxii, 1892, p. 378.

    1. LEÉDAN##

LEÉDAN, orthographe de Lédan dans la Vulgate. I Par., xxiii, 7, 9. Voir Lédan.

LEEWIS Denys. Il est plus connu sous le nom de Denys le Chartreux. Voir ce nom, t. ii, col. 1385.

LE FÈVRE Jacques, commentateur français, surnommé d’Étaples, Faber Stapulensis, du lieu de sa naissance en Picardie. Il naquit vers 1450-1455, et mourut à Nérac vers 1536. Il fit ses études à l’Université de Paris et eut pour maître de grec Jérôme de Sparte. Il habita de 1507 à 1520 l’abbaye de Saint-Germain des. Prés, devint en 1523 vicaire général de Briçonnet, évêque de Meaux, et alla enûn mourir en Guyenne à la cour de la reine Marguerite de Navarre qui le protégeait à cause de ses tendances protestantes. On a de lui : Quincuplex [(sic) dans la l re édit. ; Quintuplex dans la 2° et la 3° ) Psalterium, gallicum, romanum, hebraicum, vêtus, conciliatum, in-f », Paris, 1509, 1513 ; Cæn^ 1515 ; Epistolee Divi Pauli cum commentariis, in-f", Paris, 1513, 1515, 1531 ; Gommentarii iniliatorii in quatuor Evangelia, in-f°, Paris, 1522 ; Bàle, 1523 ; Cologne, 1541 ; Gommentarii in Epistolas catholicas, . in-f », Bâle, 1527 ; Anvers, 1540 ; De Maria Magdalena et tnduo Christi disceptatio, in-8°, Paris, 1816 ; la seconde édition porte le même titre avec cette addition : et una ex tribus Maria, in-4°, Paris, 1518 ; 3e édit., 1519 ; De tribus et unica Magdalena disceptatio secunda, . in-4°, Paris, 1519. Ces derniers opuscules, ainsi que les-Commentaires sur les Évangiles, sur les Épîtres de saint Paul et les Épîtres catholiques, furent mis, avec le Psalterium quintuplex, à l’index du Concile de Trente, donec corrigantur. Le Fèvre traduisit aussi le Nouveau Testament en français et publia sa version en 1523. Plus tard, il traduisit également l’Ancien Testament en fran159

LE FÈVRE — LEGUMES

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çais d’après la Vulgate et son travail parut à Anvers, en 1528, en quatre volumes in-8°. Voici le titre de ces traductions : Le S. Evangile selon S. Matthieu. — S. Marc.

— S. Luc. — /S. Jottan. Simon de Colines, l’an de grâce mil cinq cens xxm. — Ceste seconde partie du N. T. contenant les Epistres de S. Pol, les Epistres catholiques, les Actes des Apostres, l’Apocalypse de S. Johan l’Évangéliste. Simon de Colines, l’an de grâce 1523. — Le Psaultier de David. Simon de Colines, Tan de grâce 1525. — Le premier volume de l’Ancien Testament, contenant les chine premiers livres de Moyse translatez en francoys selon la pure et entière version de S. Hierosme, etc. Il parut trois éditions complètes de la Bible sous ce titre : La saincte Bible en francoys translatée selon la pure et entière traduction de Sainct Hierosme, conférée et entièrement revisitee selon les plus anciens et plus correetz exemplaires, in-f°, Anvers, 1530, 1534, 1541. Sur le caractère et l’histoire de cette version, voir t. ii, col. 2361-2362. — Voir Çh. A. Graf, Essai sur la vie et les écrits de Lefèvre d’Étaples, in-8°, Strasbourg, 1842 ; Id., Jacobus Faber Htapulensis, dans Zeitschrift fur hisloriche Théologie, t. xxii, 1852, p. 3-86 ; 165237. F. Vigouroux.

    1. LÉGION##

LÉGION (Vulgate : legio). Ce mot est plusieurs fois employé dans la Vulgate, mais jamais dans le sens technique du mot, c’est-à-dire pour désigner le corps de troupes qu’on appelait de ce nom dans l’armée romaine.

— 1° Il est question des légions des Céréthiens et des Phé lethiens. II Reg. (Sam.), xv, 18 ; IV (II) Reg., xi, 19 ; IPar.,

xviii, 17. Dans le premier de ces textes, l’hébreu emploie le mot kôl et les Septante le mot rcàç, c’est-à-dire l’ensemble. Dans les autres, il n’y a rien en hébreu et simplement l’article à dans les Septante. Dans I Mach., vi, 35, 38, 45, le mot legio traduit le grec çocaocy ? (çâpotv$ par suite d’une faute de copiste au t. 38). Les éléphants de l’armée syrienneYsont divisés en phalanges ; cela veut dire simplement en troupes, sans que le mot désigne la phalange grecque avec son organisation particulière. — Dahs I Mach., ix, 12 ; x, 82, çdcXafE, l’armée de Bacchide est rangée en phalanges, Vulgate : legio. Ici il peut être question de la phalange proprement dite, c’est-à-dire d’une troupe profonde dont Philippe II de Macédoine avait emprunté l’organisation aux Thébains, Diodore de Sicile, xvi, 3, et qui subsista jusqu’à la conquête romaine dans les armées helléniques.

2° Dans le Nouveau Testament on trouve le mot grec >sYei<5v ; Vulgate : legio, mais c’est pour désigner simplement une multitude. Notre-Seigneur dit à Pierre qui veut se défendre au jardin des Oliviers contre ceux qui viennent pour l’arrêter : « Penses-tu que je ne puisse invoquer mon Père qui me donnerait à l’instant plus de douze légions d’anges ? » Matth., xxvi, 53. — Lorsque le démon interrogé par Notre-Seigneur sur son nom répond : « Je m’appelle Légion. » il veut dire simplement qu’ils sont. un grand nombre dans le corps du possédé, Marc, v, 9 ; Luc, viii, 30, 36. Dans ce dernier verset, le mot « légion » n’est pas dans le texte grec — Sur la « légion » dans l’armée, voir Armées, t. i, col. 994.

£. Beurlier.

    1. LEGIONENSIS##

LEGIONENSIS (CODEX). Trois anciens manuscrits de la Vulgate portent ce nom, qu’ils doivent à leur lieu d’origine, Léon, en latin Legio (Espagne). Tous les trois sont datés, ce qui ajoute à leur valeur paléographique, et ornés d’abondantes et curieuses illustrations, d’un grand intérêt pour l’histoire de l’art visigothique. Un autre trait commun aux trois, c’est qu’ils intercalent l’Épître apocryphe aux Laodicéens entre Col. et I Thess. Comme texte, ils sont étroitement apparentés avec le Codex Mmilianus (Bible de San ïiillan, du IXe siècle, maintenant à l’Académie d’histoire de Madrid), la Bible d’Alcala (ix c siècle, actuellement à l’Université de Madrid) et autres manuscrits espagnols

provenant de l’ancien royaume de Léon. « Les textes espagnols se montrent à nous, dès leur première apparition, avec un caractère absolument à part. Aucune famille de textes, excepté les textes irlandais, ne montre une originalité aussi exclusive. » S. Berger, Histoire de la Vulgate, p. 8. Les nombreuses citations bibliques de l’évéque hérétique d’Avila Priscillien, dont nous possédons maintenant onze traités (Corp. Scriptor. eccles. latin., Berlin, 1889, t. xviii), nous montrent qu’avant saint Jérôme régnait en Espagne une version dont nous retrouvons la trace certaine dans le texte espagnol de la Vulgate.

1° LEaiONENsis I. — Seconde partie d’une Bible du Xe siècle (Isaïe-Apocalypse), conservée dans les archives de la cathédrale de Léon sous le n° 6. Berger a lu la date 968 de l’ère espagnole, répondant à l’an 920 dé notre ère. Une notice récente, insérée au début, atteste que le manuscrit provient du monastère des Saints-Cômeet-Damien. Il s’agit du monastère d’Albarès, situé dans la banlieue de Léon et qui venait d’être fondé en 920, quand le codex fut écrit. Deux copistes se nomment : Jean, qualifié ordinairement de diacre, mais une fois de prêtre (ꝟ. 3), et Vimara, prêtre (ꝟ. 2), bu Vimaranus, pécheur (ꝟ. 233 v°). Les Canons de Priscillien et le Proœmium sancti Peregrxiii episcopi, avant les Epîtres de saint Paul, sont la marque de fabrique espagnole.

2° legionensis il. — Bible, entière conservée dans les archives de la collégiale de San-Isidro de Léon. Elle est datée de l’ère espagnole 998, correspondant à l’année 960. Il y a sur les marges des notes arabes et de nombreuses citations d’une ancienne version latine. Le Psautier est d’après l’hébreu ; Tobie et Judith présentent un texte différent de la Vulgate. Une collation (texte et marge) fut faite en 1587, en vue de la re vision de la Vulgate à laquelle on travaillait alors, et envoyée à Rome avec une lettre de l’évéque de Léon, Fr. Trugillo, qui décrit exactement le codex. Cette collation se conserve encore à la Vaticane, Cod. lat. 4859. La lettre de Trugillo a été publiée par Vercellone, partie dans ses Dissertazioni accademiche, Rome, 1864, p. 93-94, partie dans ses Variée Lectiones Vulgatse, t. i, p. ci-en. — Ce manuscrit est plus connu sous le nom de Codex Gothicus Legionensis ou simplement de Codex Gothicus’.

3° legionensis ni. — N’est qu’une copie du codex précédent, faite en 1162. Voir S. Berger, Histoire de la Vulgate, Nancy, 1893, p. 17-21, 384-385 ; Egurén, Memoria descriptiva de los côdices notables de Espana, Madrid, 1859, p. 46-47 ; Tailhan, dans Nouveaux Mélanges du P. Cahier, 1877, t. iv, p. 306-307.

F. Prat.

LÉGISLATION MOSAÏQUE. Voir Loi mosaïque.

    1. LÉGUMES##

LÉGUMES (hébreu : yârdq ; Septante : âx<t.tm ; Vulgate : olus, III Reg., xxi, 2 ; Prov., xv, 17 ; Septante : X « x « vsi’a ; Vulgate : omis dans Deut., xi, 10 ; hébreu : yéréq ; Septante : Xer/avov ; Vulgate : olus, Gen., IX, 3 ; Ps. xxxvh (Vulgate, xxxvi), 2 ; hébreu : ’ôrôf ; Septante : àpiciô (simple transcription du mot hébreu) ; Vulgate : herbse agrestes, IV Reg., iv, 39 ; hébreu : zéro’im et zêre’onim ; Septante : ô’intpiov ; Vulgate : legumina, Dan., i, 12, 16), partie que l’on cueille (legumen, de légère) sur une plante potagère pour l’alimentation, soit le fruit, soit les feuilles, soit la racine etc., et par extension la plante potagère elle-même.

1° Les mots yârâq, « vert, » et yéréq, « verdure, » désignent les plantes potagères, que nous appelons légumes, surtout les légumes verts. Le nom zérô’îm ou zêre’ônîm (car ce doit être le même mot auquel est tombé ou a été ajoutée la lettre 2, nun, par faute du copiste) comprend tous les légumes. — Les légumes verts et les légumes secs entraient dans l’alimentation des Hébreux. La Genèse, re, 3, les regarde comme donnés à l’homme pour sa nourriture avant la chair des animaux. Ils passent pour une nourriture commune en regard de la chair des animaux gras, qui est un aliment de fête. Prov., xv, 17.

Mieux vaut un plat de légumes avec de l’affection Qu’un bœuf gras avec de la haine.

Dans la crainte de contracter une souillure légale en se nourrissant des viandes provenant de la table royale, Daniel et ses trois compagnons demandèrent au chef des eunuques de leur servir seulement des légumes et de l’eau. Dan, i, 12, 16. À Rome, certains fidèles convertis du judaïsme se faisaient scrupule de manger de la viande achetée au marché, craignant sans doute qu’elle n’eût été immolée aux idoles, et ne mangeaient que des légumes. Rom., xiv, 2. On faisait cuire les légumes au pot, IV Reg., iv, 38, dans l’eau, ou on les assaisonnait avec de l’huile et des condiments divers, on en faisait une sorte de purée. Gen., xxv, 29, 34. Il est fait mention de jardins potagers, où on les cultivait, Deut., xi, 10 (hébreu) ; III Reg., xxi, 2 ; on les cultivait aussi en pleine campagne, IV Reg., IV, 39, où l’on en rencontrait des champs entiers. II Reg., xxiii, 11. — Sous le ciel de feu de la Palestine, s’ils ne sont pas. arrosés, ils se dessèchent promptement comme l’herbe et ils servent d’image de la prospérité passagère des méchants. Ps. xxxvii {Vulgate, xxxvi), 2. — De la graine si petite du sénevé s’élève une plante qui dépasse tous les légumes iu plantes potagères : et cette croissance qui paraît si disproportionnée avec ses origines est dans la parabole l’image de l’extension du royaume de Dieu. Matth., xiii, 32 ; Marc, iv, 32. — Pour faire parade de leur zèle à observer la loi, les pharisiens avaient étendu les prescriptions au sujet de la dîme jusqu’aux moindres produits de leurs jardins, aux légumes, Luc, xi, 42, quoique la loi ne demandât la dime que du revenu en blé, viii, huile. Lev., xxvii, 30 ; Nom, , xviii, 12 ; Deut., xiv, 22, 23.

2° Différents légumes verts ou secs entraient dans l’alimentation des Hébreux. Voici ceux qui sont désignés nommément :

Ail, hébreu : sûm ; Septante : Ta uxôpSa, " Vulgate : allia. Num., xi, 5. Voir t. i, col. 310.

Chicorée, une des plantes comprises sous le nom général d’herbes amères (hébreu : merôrîm). Exod., xii, S ; Num., ix, 11. "Voir t. ii, col. 697, et t. iii, col. 600.

Concombre, hébreu : qiSSu’im ; Septante : aUvoc, Vulgate : cucumeres. Num., xi, 5 ; Is., i, 8 ; Baruch, vi, 69. "Voir t. ii, col. 890.

Fève, hébreu : pôl ; Septante : x15au.oç ; "Vulgate : faba. II Reg., xvii, 28 ; Ezech., iv, 9. Voir t. ii, col. 2228.

Laitue, une des herbes amères, merôrîm, du repas pascal. Exod., xii, 8 ; Num., ix, 11. Voir t. iii, col. 600.

Lentille, hébreu : ’âdâéim ; Septante : œaxoç ; Vulgate : lens. Gen., xxv, 34 ; Il Reg.. xvii, 28 ; xxiii, 11 ; Ezech., iv, 9. Voir col. 164.

Melon, hébreu : ’âbattihini ; Septante : jtsirwv ; Vulgate ; pepones. Num., xi, 5.

Oignon, hébreu : besalim ; Septante : xp<5u, uvjov ; Vulgate : cèpe. Num., xi, 5.

Poireau, hébreu, hâsîr ; Septante : iupâ<rov ; Vulgate : porrunt. Num., xi, 5.

Vesce. Voir Fève, t. ii, col. 2228.

E. Levesque.

    1. LÉHÉMAN##

LÉHÉMAN (hébreu : Lahmâs ; Septante : Vaticanus : Mor^ç ; Alexandrinus : Aau.àî), ville de la tribu de Juda, mentionnée une seule fois dans l’Écriture, Jos., xv, 40. Au lieu de lahmâs, on trouve, dans un certain nombre de manuscrits hébreux, Lahmâm. D’autres offrent une lecture douteuse à cause de la ressemblance du D, samech, et du D, mém final. Les Septante ont adopté la première leçon, comme on peut le voir, malgré la corruption du texte en certains manuscrits. Seule la Vulgate a Léhéman, et encore rencontre-ton en beaucoup de manuscrits et de vieilles éditions Léé

mas ou Lékémas. Cf. B. Kennicott, Vêtus Testamentum heb. cum variis leclionibus, Oxford, 1776, t. t, p. 465 ; J.-B.De Rossi, Variée lectiones Vet. Testamenli, Parme, 1785, t. ii, p. 90 ; C. Vercellone, Varix lectiones Vulgatse latinx, Rome, 1864, t. ii, p. 44. Léhéman fait partie du deuxième groupe des villes de ce la plaine » ou Séphélah. On l’identifie d’une manière satisfaisante avec hhirbet el-Lahm, au sud de Beit-Djibrîn. Cf. Survey

of Western Palestine, Memoirs, Londres, 18811883, t, iii, p. 261.

A. Legendre.
    1. LÉHETH##

LÉHETH (hébreu : Yahat ; Septante : ’IÉ6), fils aîné de Séméi, de la tribu de Lévi. C’était le chef d’une l’amille gersonite Ju temps de David. I Par., xxiii, 10-11. C’est par altération du nom que la Vulgate porte Léheth au lieu de Jahath. Voir Jahath, t. iii, col. 1105.

LE H1R Arthur Marie, né le 5 décembre 1811, à Morlaix (Finistère), mort à Paris le 18 janvier 1868. Entré au séminaire de Saint-Sulpice le 10 octobre 1833, il devint professeur, au même séminaire, de théologie pendant les premières années de son enseignement, puis d’Écriture Sainte et d’hébreu jusqu’à sa mort. Peu de temps auparavant, le nonce du pape à Paris avait appris que Pie IX appelait M. Le Hir à Rome pour prendre part aux ravaux préparatoires du concile du Vatitican. Voir sa notice, p. iv-xxiv de V Introduction aux Etudes bibliques. Cette introduction est de M. Grandvaux, directeur au séminaire de Saint-Sulpice, lequel a publié, après la mort de M. Le Hir, les ouvrages que nous avons de lui, savoir : — 1. Études bibliques, avec Introduction et sommaires, 2 in-8°, Paris, 1869. Les articles qui composent ce recueil avaient presque tous paru, du vivant de l’auteur, dans les Etudes religieuses, publiées par des Pères de la Compagnie de Jésus, III » série, t. viii, ix, x, xi, xii, xm ; IV » série, t. i, il.

— 2. Le livre de Job ; Traduction sur l’hébreu et commentaire, précédé d’un Essai sur le rythme chez les Juifs, et suivi du Cantique de Débora et Psaume ex, in-8°, Paris, 1873. — 3. Les Psaumes traduits de l’hébreu en latin, analysés ef annotés en français, avec la Vulgate en regard et l’indication des différences entre les deux versions, in-12, Paris, 1876. — 4. Les, tris ogrands Prophètes, haïe, Jérémie, Ezéchiel ; analyses et commentaires, avec traduction de l’hébreu en français des parties principales, in-12, Paris, 1876. — 5. Le Cantique des Cantiques, avec traduction spéciale sur l’hébreu et commentaires, précédé d’une Etude sur le vrai sens du Cantique, par M. l’abbé Grandvaux, in-8°, Paris, 1883 ; fait partie de la grande Bible publiée par le libraire Lethielleux. — 6. Résumé chronologique de la vie du Sauveur, publié par M. Vigouroux dans L’Université catholique, mai et juin 1889, t. i, p. 6-27, 189-202. Cf. Bibliothèque sulpicienne, 3 in-8°, Paris, 1900, t. ii, p. 292-299. M. Renan, qui avait été l’élève de M. Le Hir, a ainsi résumé, dans ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse, 1883, p. 273, les qualités de son ancien maître : « M. Le Hir était un savant et un saint ; il était éminemment l’un et l’autre. » L. Bertrand.

    1. LEIGH Edouard##

LEIGH Edouard, exégète protestant anglais, né le 23 mars 1602^ à Shawell, comté de Leicester, mort le 2 juin 1671’, dans son domaine de Rushall Hall, dans le comté de Stafford. Il fit ses études à Oxford, où il s’adonna particulièrement à l’histoire, au droit et à la théologie. Après un court séjour en France, en 1625, il se. rendit à Banbury, dans le comté d’Oxford, où il suivit les prédications du ministre puritain William Wheatly, pour qui il professait une grande admiration. Le 30 octobre 1640, il fut nommé, par la ville de Stafford, membre du Parlement ; il fit d’abord partie de l’opposition, puis il adopta des idées plus modérées ; mais il fut compris dans les membres du Long Parle IV. - e

153

LEGTIONNAIRES

154

fications du début ou de la finale des Évangiles ont été introduites dans la trame du texte et ont pénétré ainsi dans le récit en nombre de manuscrits.

2° La composition elle-même des sections liturgiques a occasionné dans les manuscrits à texte continu, employés dans la liturgie, des modifications plus sensibles. Les leçons, en effet, ne se succèdent pas de telle sorte que tout le texte est lu à l’église. Trois cas se présentent :

— l « r cas : les leçons restent séparées par des passages intermédiaires qui n’appartiennent à aucune section. Ces passages non lus ont plus ou moins d’étendue. Généralement, ils ne se composent que de quelques lignes, de quelques mots, parfois d’un simple xai ou d’une particule semblable. Ils couraient le risque de ne pas être transcrits, lorsqu’une copie était prise sur un manuscrit adapté à l’usage liturgique et muni des rubriques nécessaires. — 2 « cas : les leçons, au contraire, enjambent les unes sur les autres, de telle sorte que la fin d’une section est le commencement d’une autre. Il y a, par suite, des versets qui sont communs à deux leçons consécutives. Ordinairement le nombre de ces versets n’est pas considérable et il ne dépasse guère deux ou trois phrases. Les notes indiquant le commencement et la fin de ces leçons se mêlent et s’enchevêtrent au point de causer parfois de la confusion, au moins pour un lecteur inexpérimenté. — 3e cas : une leçon n’est pas toujours formée par un seul texte ; elle réunit parfois divers récits, tirés soit du même Évangile soit d’Évangiles différents. Elle se compose donc de fragments agglutinés. Le cas est assez fréquent, non seulement dans les eûa-yyéXia tûv àf iwv ra16wv, mais encore au cours de l’année. Ainsi l’évangile du premier dimanche après la Pentecôte comprend Matth., x, 32, 33, 37, 38 { xiv, 27-30. Dans un évangéliaire, ces divers fragments étaient juxtaposés de manière à constituer une leçon unique. Mais lorsqu’on se servait d’un manuscrit à texte continu, il fallait, au moyen de rubriques, renvoyer d’un passage à l’autre. Ces rubriques ont reçu le nom de îmepêiietç ; elles sont marquées dans les manuscrits par des abréviations accompagnées de notes indiquant les références. Elles compliquaient la transcription des textes et amenaient bien des erreurs qui se sont transmises dans les manuscrits copiés l’un sur l’autre.

V. Influence fâcheuse des Lectionnaires sur le texte grec du Nouveau Testament. — Les critiques ont signalé dans les manuscrits des altérations dues aux lectionnaires ecclésiastiques. On peut les ramener à trois classes : 1° à des additions ; 2° à des omissions ; 3° à des transpositions.

1° Des additions, provenant du lectionnaire, ont été constatées dans le texte reçu ou dans des manuscrits. Dans le texte reçu, le nom de Jésus est ajouté, Matth., xiv, 22 ; Luc, sur, 2 ; xxiv, 36 ; Joa., vi, 14 ; xiii, 3, parce qu’on avait coutume de le suppléer au pronom dans les leçons liturgiques qui commençaient à ces passages. Pareille addition est possible encore : Matth., viii, 5 ; Joa., i, 29, 44 ; xxi, 1. Des formules entières, propres au texte reçu, dérivent de l’usage liturgique : Eine Se i xûpioc, Luc, VII, 31 ; xat arpaçetç npôç roùc (j.a9r, Tâc tint. Luc., x, 22. Des additions plus considérables se trouvent dans quelques manuscrits ; elles ont vraisemblablement la’même origine. Cette phrase : KaX Ù7to<npéiJ/a ; 6 IxawSvuap^o ; et ; tov oTxov aù^où ev au-rîj tï] <î>pa eupevTov ?raï8a OycaivovTa, suit Matth., viii, là, dans le Sinaiticus, VEphrsemiticûs, un certain nombre de cursifs, la version philoxénienne et l’Évangéliaire hiérosolymitain. VAlexandrinus reproduit deux fois Rom., xvi, 25-27, d’abord à sa place naturelle, puis après le chapitre xiv, où il se trouve dans l’épltre du samedi rrjç xupoqi âyov. Le Codex Bezse est remarquable par ses interpolations liturgiques. Luc, xvi, 19, insère ces mots : eïitev 8s étépav nàpaëoXrjv, qui se lisent avec une légère variante au début de l’évangile du cinquième dimanche de saint

Luc. Joa., xiv, commence ainsi : Kai ûtki toï ? tiaôr.caïî otÙToy ; une phrase équivalente se lit en plusieurs manuscrits de la Vulgate. J. Wordsworth et A. Whito, Kovum Testamentum D. N. J. C. laline, fasc. 4, Oxford, 1875, p. 605. L’addition la plus curieuse est celle de-o ziloi, Marc, X)V, 41 ; il est vraisemblable que-ciloç, indiquant la fin d’une leçon liturgique, a glissé de la marge, dans le texte. On la trouve dans les cursiꝟ. 13, 47, 51, 56, 61, 69, 124, 439, 473, 511. On la lit aussi dans des manuscrits de la Peschito, de la philoxénienne et de la Vulgate latine. J. Wordsworth et H. White, Nov. Test., fasc. 2, Oxford, 1891, p. 258.

2° Les rubriques qui, dans les manuscrits anciens, marquaient le commencement et la fin des sections liturgiques, surtout dans les cas d’enjambements ou d’ûmpêâ<reic, ont amené certains copistes à supprimer les passages, chargés de notes dont ils ne comprenaient pas le sens. Ainsi le Codex Bezse omet Luc, xxiv, 12. Or, ce verset termine le quatrième évangile èmâivôv àvccaràiTijvov et commence le cinquième, . Le Sinaiticus, le Vaticanus et le Codex Bezse omettent Joa., viii, 59, à partir de 8tE18(i)v. Or, la leçon du cinquième mardi après Pâques se termine avant ces mots et la leçon du dimanche suivant reprend Joa., îx, 1. Le Vaticanus, V Ephrmmiticus, le Codex Bezse, les cursiꝟ. 38 et 435, les manuscrits a, b, d, de la vieille Vulgate et quelques manuscrits de la traduction memphitique n’ont pas Luc, xxiii, 34. Mais la leçon du jeudi tyj ;-cupocpot-fou saute ce verset, qui figure cependant dans le huitième évangile tùv àyiiai notOtiiv. Le Sinaiticus, le Vaticanus et le Regius omettent 8tu-TepoTtpÛTM, Luc, vi, 1, remplacé dans les Évangéliaires par èv rot ; aâêëaai.

3° Les transpositions de textes, nécessaires pour constituer certaines leçons liturgiques et indiquées par des rubriques spéciales, ont produit parfois des transpositions réelles et des déplacements de textes. On cite comme exemple Luc, xxii, 43, 44, transportés dans un groupe de cursifs après Matth., xxvi, 39, comme à l’évangile du jeudi saint, et Joa., xix, 31-37, transportés dans les mêmes cursifs à la suite de Matth., xxvii, 51, comme dans un des évangiles tùv àytwv itdcflwv. Cf. Mill, Novum Testamentum greecum, édit. Kuster, Leipzig, 1723, proleg., n. 1055-1057, p. 103-104 ; Burgon-, Miller, The Causes of the corruption of the traditional texl of the Holy Gospels, Londres, 1896, p. 67-88.

VI. Valeur critique des Lectionnaires. — Jusqu’à présent, les lectionnaires n’ont guère été ulilisés par les critiques pour l’étude et la constitution du texte grec du Nouveau Testament. Les critiques les plus avancés les ont négligés de parti pris, les regardant comme des représentants de la plus mauvaise forme du texte, du texte dit syrien, reproduit dans quelques onciaux et la plupart des cursifs. Sans aller jusqu’à prétendre, par un excès opposé, que les lectionnaires représentent la meilleure forme du texte original du Nouveau Testament, il faut reconnaître à tout le moins que, de soi, un Évangéliaire a, sous le rapport de la transmission du texte, autant de valeur qu’un manuscrit ordinaire de la même époque. Il va sans dire que le critique, en s’en servant, devra toujours tenir compte des changements que l’usage ecclésiastique introduit ordinairement au commencement et à la fin des leçons liturgiques.

D’ailleurs, par leurs caractères propres, les lectionnaires ecclésiastiques ont une autorité supérieure à un manuscrit ordinaire qui n’est qu’un document privé et ne représente souvent que le sentiment d’un individu, du copiste ou du premier possesseur. Les livres liturgiques sont, de leur nature, très conservateurs ; les plus récents reproduisent les textes antérieurs et, sauf pour les fêtes locales ou nouvelles, écartent toute section nouvelle, toute expression récente ; ils tendent plutôt à conserver les formes archaïques. C’est ainsi que longtemps après que l’écriture cursive était employée dans la transcription des manuscrits privés, on continuait encore à se servir de l’onciale pour les manuscrits liturgiques. Cette tendance conservatrice des lectionnaires permet de conclure qu’ils ont retenu et transmis une ancienne forme du texte, alors que les manuscrits à L’usage des particuliers avaient adopté des textes divergents, retouchés ou corrigés. En fait, il est donc nécessaire d’examiner le texte transmis par les lectionnaires, et il ne faut pas les mettre absolument sur le même rang que les cursifs. D’autre part, les évangéliaires et les épistoliers sont des livres publics, des documents ecclésiastiques, transcrits pour l’usage d’une église, d’un couvent, pour le service liturgique. Leur transcription était par là même éloignée de toute nouveauté et elle était soignée et surveillée dans le dessein d’écarter des modifications, des usages nouveaux. Elle a donc de ce chef encore plus de chance de reproduire un texte ancien. Les savants qui font de la critique textuelle du Nouveau Testament l’objet de leurs travaux, si patients et si méritoires, ne doivent pas dédaigner les lectionnaires grecs, dont l’examen fera progresser leur art et leur fournira peut-être des éléments de solution de certains problèmes critiques.

Cf. F. H. Rheinwald, Kirchliche Archeologie, Berlin, 1830, p. 273-278 ; E. Reuss, Die Geschichte der heil. Schriften N. T., 6e édit., Brunswick, 1887, n. 384, p. 430431 ; Caspari, Dissertation sur les péricopes, Strasbourg, 1835 ; Scrivener, A plain introduction, 4e édit., t. i, p. 74-89 ; Smith et Gheetham, Dictionary of Christian antiquities, t. i, p. 740-745 ; 'Kirchenlexikon, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1891, t. vii, col. 1593-1602 ; P. Martin, Introduction à la critique textuelle du N. T., Partie théorique (lithog.), Paris, 1882-1883, t. i, p. 417-480 ; R. Gregory, Prolegomena, Leipzig, 1890, fasc. 2, p. 687791 ; Id., Textkritik des N. T., Leipzig, 1900, t. i, p. 327-478.

VII. Lectionnaires latins. — Sur les lectionnaires des diverses Églises arménienne, syriaque, copte, etc., il y aurait à dire à peu près les mêmes choses, sauf de nombreuses diversités de détails, que sur les lectionnaires grecs. Ajoutons seulement quelques mots sur les lectionnaires latins, qui nous intéressent : de plus près.

1° À la messe, on lisait trois leçons : la leçon prophétique, tirée de l’Ancien Testament, la leçon apostolique, extraite des Épîtres des Apôtres, et l’Évangile. Saint Ambroise, Epist., xx, 13-15, t. xvi, col. 997-998, parle des leçons lues à l’église à l’occasion d’un passage de Job. C’était un enfant qui lisait le Ps. xxiii, 4, 6. De excessu fratris Satyri, i, 61, t. xvi, col. 1309. Au rapport de Grégoire de Tours, De miraculis S. Martini, i, 5, t. lxxi, col. 918-919, le lecteur avait coutume, à Milan, de venir, le livre en mains, demander à l’évêque l’autorisation de lire. Un dimanche, la leçon prophétique récitée, le lecteur étant déjà debout devant l’autel pour lire la leçon de saint Paul, saint Ambroise s’endormit sur l’autel. Au bout de deux heures, on l’éveilla pour qu’il permît au lecteur de lire l’Épître. Parmi les sermons attribués à saint Ambroise, le IIe, t. xvii, col. 608, indique que l’Évangile de la fête de Noël était le récit de la naissance de Jésus dans saint Luc, ii, 1 sq. Cf. Mabillon, Museum Italic., Paris, 1687, t. 1er, p. 101-104 ; Magistretti, La liturgia della Chiesa Milanese nel secolo IV, Milan, 1899, t. r. À Rome, la messe comprenait ces trois leçons. La suppression de la leçon prophétique eut lieu au cours du Ve siècle. Le Liber pontificalis, édit. Duchesne, Paris, 1886, t. i, p. 230, constate que sous le pontificat de Célestin I er (422-432), auquel il attribue l’institution de la psalmodie, on ne lisait à la messe que les Épîtres de saint Paul et le saint Évangile. La leçon prophétique a cependant persévéré jusqu’aujourd’hui à certains jours de Quatre-Temps et de Carême. Le graduel est placé entre cette leçon et Pépltre. On en conclut que ce Psaume était primitivement intercalé entre la leçon prophétique et la leçon apostolique, et que, la première ayant été supprimée, le graduel a été transporté après Pépître. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1889, p. 159-160. — Saint Augustin parle plusieurs fois de trois leçons, mais il entend expressément par l’épître, le psaume intercalé et l’évangile. Serm., CLXV, 1, t. xxxviii, col. 902 ; Serm., clxxvi, 1, ïbid., col. 950. L’évêque commentait l’une ou l’autre et beaucoup d’Enarrationes in Psalmos sont de véritables sermons. Comme il explique l’Évangile selon saint Jean ex ordine lectionum, In Epist. Joa. ad Parthos, prol., t. xxxv, col. 1977, nous en pouvons conclure qu’on lisait encore un livre tout entier, d’autant que si Augustin interrompt son commentaire, il se propose de reprendre l’ordre momentanément interrompu. D’ailleurs, cette interruption s’est produite aux fêtes pascales, quibus certas ex Evangelio lectiones oportet in Ecclesia recitari, quæ ita sunt annuæ, ut aliæ esse non possint. Ïbid., prol., et tr. IX, col. 1977, 2045. En effet, on avait coutume de lire, ces jours-là, les récits de la résurrection de Jésus-Christ ex omnibus libris sancti Evangelii. Serm., ccxxxi, 1, t. xxxviii, col. 1104. On lisait d’abord le récit de saint Matthieu, puis celui de saint Marc, ensuite celui de saint Luc. Serm., ccxxxii, 1, ibid., col. 1107-1103. On n’omettait pas celui de saint Jean, Serm., ccxxxiv, 1, col. 1115. Cf. Serm., ccxxxv, CCXXXIX, CCXL, CCXLIII, CCXLIV, CCXLV, CCXLVII, col. 1115, 1117, 1118, 1127, 1130, 1143, 1147, 1151, 1156, 1157. On lisait en même temps les Actes des Apôtres. In Epist. S. Joa. ad Parthos, tr. II, t. xxxv, col. 1989. La passion n’était lue qu’une fois, le vendredi saint, et toujours selon saint Matthieu. Une année, saint Augustin, ayant voulu varier le récit évangélique, fit lire un autre évangéliste ; mais les fidèles, n’entendant pas la leçon accoutumée, en furent troublés. Serm., ccxxxii. 1, t. xxxviii, col. 1108. Cf. Enar. in Ps. xxi, en. ii, 2, t. xxxvi, col. 171. Le samedi-saint l’office comprenait beaucoup de leçons. Serm., ii, t, xlvi, col. 821. À Noël, on lisait le récit de la naissance de Jésus selon saint Luc. Serm., exem, t. xxxviii, col. 1013. À l’aide des Sermons, t. xxxviii, il serait facile de déterminer nombre de sections évangéliques, lues à Hippone, et de fixer parfois l’épître lue aux jours correspondants. — Les Sermons de saint Léon le Grand contiennent sur les leçons ecclésiastiques des renseignements, dont quelques-uns concordent avec le sectionnement qui a prévalu dans l’Église romaine. Ainsi, le 1er dimanche de Carême, l’épître était la même qu’aujourd’hui. II Cor., vi, 2. Serm., XL, c. ii, t. lix, col. 268. Le samedi qui précède le second dimanche de Carême, l’évangile était celui d’aujourd’hui. Serm., Li, col. 308. Toute une série de sermons sur la passion ont été prononcés sur les leçons faites les jours de dimanche et de mercredi et s’étendent jusqu’au samedi-saint. Serm., lii-lxx, col. 314-380, Le jour de Pâques, le récit de la résurrection servait d’évangile. Serm., lxxii, col. 390. — La liturgie gallicane comprenait deux leçons à la messe, l’Évangile compris : la leçon prophétique était tirée de l’Ancien Testament, l’épître de l’apôtre saint Paul. En carême, on lisait les livres historiques de l’Ancien Testament, et au temps pascal, les Actes des Apôtres et l’Apocalypse. S. Germain de Paris, Epist., i, t. lxxii, col. 90. Cf. Duchesne, Origines du culte, p. 185-186.

2° Peu à peu, il y eut un système déterminé de leçons ; mais les diverses Églises avaient leurs particularités. Les documents qui les reproduisent sont ou bien des lectionnaires séparés, qui portent différents noms, par exemple Comes, Liber comicus, Lectionnarium, ou bien des manuscrits à texte suivi et continu, surtout les quatre Évangiles, mais adaptés à l’usage liturgique au moyen d’une table des Évangiles, nommée Capitulare. Bornons-nous à quelques indications. — Le lectionnaire romain se retrouve dans le Comnes, précédé d’une préface

ment qui, en 1648, sur l’ordre de Cromwell, furent chassés de cette assemblée, lorsqu’elle fut purgée de tous ceux qui s’opposaient à la politique du Protecteur. Il renonça dès lors à la vie publique. Ses écrits sont assez variés ; parmi ses ouvrages théologiques, il convient de citer Annotations upon ail the books of the New Testament, philological and theological, in-f°, Londres, 1650 ; Annotations on five poetical books of the Old Testament, in-f°, Londres, 1657 ; Critica sacra ; or Observations on ail the Radiées or primitive Hebrew words of the Old Testament in order alphabeticaïl, in-f", Londres, 1650 ; Critica sacra ; or philological and theological Observations upon ail the Greek words of the New Testament in order alphabeticaïl, in-4°, Londres, 1639, 1646, 1650. Louis Wolzogue a traduit en français les Critica sacra sous le titre de Dictionnaire dé langue sainte, contenant ses origines avec des observations, in-4°, Amsterdam, 1703. Voir W. Orme, Bibliotheca biblica, 1824, p. 287. A. Régnier.

LE JAY Gui Michel, savant français, né à Paris en 1588, mort le 10 juillet 1675, éditeurde la Polyglotte de Paris. Voir Polyglotte.

    1. LELONG Jacques##

LELONG Jacques, bibliographe français, né à Paris le 19 avril 1665, mort dans cette ville le 13 août 1721. Étant entré à l’Oratoire, en 1628, il enseigna pendant quelques années les humanités, puis devint bibliothécaire de la maison Saint-Honoré. Il remplit cette charge pendant vingt-deux ans, jusqu’au moment de sa mort. On lui doit la bibliographie la plus savante qu’on ait publiée sur l’Écriture, Bibliotheca sacra seu syllabus omnium ferme Sacres Scripturx editionum ac versionum secundum seriem linguarum quïbus vulgatse sunt, nolis historicis eteriticis illustratus, adjunctis prsestantissimis codicibm manuscriptis, 2 in-8°, Paris, 1702 ; 2e édit., 1709 ; nouvelle édition augmentée par Frd. Chr. Boemer, 2 in-8°, Anvers, 1709 ; in-f°, Paris, 1719 ; 21nf°, Paris, 1723 (édition donnée par le P. Desmolets, qui a mis en tête une Vie de l’auteur) ; nouvelle édition augmentée par Ant. Gottlieb Masch, supérieure aux précédentes, 6 in-4°, Halle, 1778-1790. On a aussi de Lelong : Discours historique sur les principales éditions des Bibles polyglottes, in-8°, Paris, 1713. — Voir A. M. P. Ingold, Essai de bibliographie oratorienne, in-8°, Paris, 1880-1882, p. 82.

LE MAISTRE Isaac Louis, appelé communément de Saci (anagramme d’Isaac), janséniste français, né à Paris, le 29 mars 1613, mort le 4 janvier 1684. Ordonné prêtre en 1650, il devint le confesseur et le principal directeur des religieuses de Port-Royal. Il est surtout célèbre par sa traduction de la Bibie : La Sainte Bible en latin et en françois avec des explications du sens littéral et du sens spirituel, 32 in-8°, Paris, 1682-1702 ; la plus belle, édition est celle en 12 in-8°, Paris, 17891804. Voir t. ii, col. 2367.

    1. LENGERKE##

LENGERKE (Csesar von), théologien protestant allemand, né à Hambourg le 30 mars 1803, mort le 3 février 1855. Il fut professeur de théologie et des langues orientales à Kœnigsberg. Ses écrits théologiques s’occupent en général de la Bible, Son premier ouvrage de ce genre fut le Conimentarius criticus de Ephrsemo Syro Scripiurse Sacrée interprète, in-8°, Kœnigsberg, 1828, collection de leçons différentes du textus receptus syriaque empruntées aux commentaires bibliques de saint Éphrem. Lengerke admet avec Rœdiger que le texte syriaque de saint Éphrem a des gloses empruntées au texte primitif. Il lit suivre cet ouvrage d’une monographie : De Ephrxmi Syri arle hemieneutica, in-8°, Kœnigsberg, 1831. L’auteur y parle des matériaux dont se servit saint JÉpiirem pour ses travaux exégétiqHes, de l’influence

qu’eurent sur lui les écrivains juifs et grecs (voir Siegfried, Philo von À lexandria, Iéna, 1875, p. 379), des écoles exégétiques d’alors, enfin de la doctrine de saint Éphrem, quant à l’Écriture Sainte et à sa méthode de l’interpréter. Voir Diestel, Geschichte des Alten Testamentes, Iéna, 1869, p. 138. La première œuvre exégétique de Lengerke est son Commentarius criticus de duplici Psalmi 22. exemplo, in-4°, Kœnigsberg, 1833. Sa traduction en allemand avec commentaire du livre de Daniel est très importante pour son époque : Das Buch Daniel, verdeutscht und ausgelegt, in-8°, Kœnigsberg, 1835. Il s’occupe en premier lieu de l’authenticité de ce livre, de ses idées fondamentales, de sa tendance et de la forme du livre, puis il en donne la traduction et une explication. Plusieurs opinions qu’y émet Lengerke ont été reconnues depuis insoutenables. Voir de Wette-Schrader, Einleitung in das alte Testament, 1869, p. 486 ; Bleek-Wellhausen, Einleitung, 1878, p. 468. Différentes parties cependant sont encore pleines d’intérêt, par exemple, ses recherches sur les divergences des Septante et du texte massorétique, etc. — L’ouvrage principal de Lengerke, est un travail archéologico-historique, Kenaan, in-8, ’Kœnigsberg, 1843, l’histoire du peuple d’Israël et de sa religion jusqu’à la mort de Josué. L’ouvrage est dans sa totalité un commentaire des livres historiques de la Bible. Y figurent, un traité de la langue hébraïque, une méthode d’écrire l’histoire et une critique de l’hexateuque basée sur Bleek, Tuch, de Welte, Stâhelin et Ewald. Voir Bleek-Wellhausen, Einleitung in das alte Test., 1878, §§ 81-87, p. 152-178. Cet ouvrage ne fut pas continué, ce qui du reste n’est guère regrettable, parce qu’il fut bientôt surpassé par des publications appuyées sur des découvertes nouvelles. Le dernier ouvrage de Lengerke fut son commentaire des Psaumes : Die fûnf Bttcher der Psalmen, 2 in-8°, Kœnigsberg, 1847. Cet ouvrage n’eut aucun succès et ne valut à son auteur que des critiques très sévères d’ailleurs bien méritées. — Voir Siegfried, Allgemeine deutsche Biographie, t. xviii, p. 252-255 ; Winer, Bandbuch der theol. Lilteratur, t. ii, p. 637 ; De Wette-Schrader, Einleitung in das alte Testament, p. 179. E. Michels.

    1. LENTILLE##

LENTILLE (hébreu : ’âdâSim ; Septante : çctxic ; Vulgate : lens, Gen., xxv, 34 ; II Reg., xvii, 28 ; xxiii, 11 ; Ézech., iv, 9), plante légumineuse dont la graine est employée comme aliment.

I. Description. — Ce genre de Légumineuses, de la tribu des Viciées, qui doit son nom à la forme arrondie, comprimée de ses graines, comprend un petit nombre d’espèces successivement rattachées, suivant l’appréciation des botanistes, aux divers groupes Cicer, Ervum, Lathyrus et Vicia. Mais le genre Lens déjà adopté par Adanson et Tournefort mérite d’être conservé pour la forme caractéristique de ses graines d’abord et surtout de son style grêle, comprimé, creusé à la face supérieure d’un sillon longitudinal recouvert de poils courts. L’es-’pèce principale, Lens esculenta de Mœnch (fig. 44), cultivée de temps immémorial comme plante alimentaire pour ses graines charnues et farineuses, n’existe plus nulle part à l’état spontané. Toutes sont des herbes annuelles, à feuilles imparipennées dont la foliole terminale est remplacée par un mucron et même par une vrille simple et courte vers le haut de la tige. Les fleurs petites, en grappes pauciflores, ont un calice à dents sensiblement égales, un étendard obovale, les ailes soudées avec la carène ; la gousse courte et comprimée ne renferme à la maturité que 1 ou 2 graines. F. Hv.

IL Exégèse. — Il ne saurait y avoir de doute sur l’identification des *âdàsîm avec les lentilles, Le nom

arabe de ce légume, l ^ 3 *>><z, ’adas ; la traduction constante des Septante par <paic<5c et de la Vulgate par lens, l’interprétation rabbinique, rendent certaine cette iden

tification. Le nom sémitique est passé même chez les Berbères sous la forme adès. La couleur attribuée dans Gen., xxv, 20-34, aux’âdâsîm ou plutôt à la bouillie ou purée d’âddsim convient bien aux lentilles. Ésaù revenant des champs épuisé de fatigue et apercevant Jacob en train de préparer de la bouillie d’âddsim, dit à son frère : « Laisse-moi manger de cette chose rougeàtre. » Ces lentilles étaient sans doute d’une espèce commune en Egypte, et dont on voit quelques spécimens au Musée du Louvre, de très petite taille et semblables à la variété appelée Lentille rouge ou Lentillon. V. Loret, Études de botanique égyptienne, dans Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l’archéologie égyptiennes, t. xvii, 1895, p. 192. Mais lorsque les graines sont dépouillées de leur écorce, comire les Égyptiens ont l’habitude de les préparer, elles ont plus encore, ainsi que la bouillie qu’on en fait, la couleur poiige pâle. Reynier, Économie publique et rurale des Arabes et des Juifs, in-8°, Genève, 1820, p. 429. Les lentilles entraient dans l’alimentation des Hébreux.

44. — Lens esculenta.

Elles figurent à côté des fèves et des pois parmi les aliments que Sobi, fils de Naas, et Berzellaï de Galaad apportèrent à David, obligé de fuir devant Absalom révolté. II Reg., xvii, 28. C’est dans un champ de lentilles que Semma, fils d’Agé, un des vaillants guerriers de David, battit une troupe de Philistins. II Reg., xxiii, 11-12. Nous voyons dans Ézéchiel, iv, 9, que les lentilles étaient mélangées au froment avec des grains de nature inférieure, sans doute en temps de disette ou pour les indigents. C’est ce qu’Athénée, Deipnos., iv, 15, appelle apToç çâxtvo ; . C’était aussi la première nourriture qu’on prenait dans le deuil : Les lentilles sont la nourriture du deuil et de la douleur, dit Rabbi Éléazar dans le Pirke, c.XL. Windet, De vita functorum statu, , daifs, Crenii Opuscula quse ad historiam ac philologiam spectant, fasc. 4, 1694, p. 74. Saint Jérôme y fait allusion dans sa lettre à Paula sur la mort de sa fille Blésilla, t. xxii, col. 470 : Dans le deuil, dit-il, les Juifs, « d’après une vaine tradition des pharisiens, prennent des lentilles pour première nourriture, faisant voir par là que ce mets fatal leur a fait perdre le droit dlainesse. » Cependant bieiv préparées, elles formaient et forment encore en Orient un, mets estimé et recherché. Robinson, Diblical Researches, 3e édit., 1867, t. ii, p. 167 ;

t. iii, p. 40. C’est pour une bouillie ou purée de lentilles qu’Ésaû épuisé de fatigue céda à Jacob son droit d’aînesse. Gen., xxv, 32-34. Sans doute on préparait cette bouillie comme maintenant avec de l’huile et de l’ail. Les peintures du tombeau de Ramsès III, d’après Wilkinson, Manners and Customs, 1878, t. ii, p. 32, nous font assister à la préparation de ce mets (fig. 45). On voit un homme occupé à faire cuire des lentilles, derrière lui son compagnon apporte du bois pour alimenter le feu, et à côté se trouvent des corbeilles pleines de lentilles. Les Égyptiens, dit Théophraste, Hist. plant., iv, 5, faisaient grand usage de ce légume. Les lentilles, dit Raffeneau-Delile, Mémoire sur les plantes qui croissent en Egypte, dans Description de l’Egypte, Histoire naturelle, t. ii, Paris, in-4°, 1812, p. 23, sont communes en Egypte comme elles l’étaient autrefois. Elles portaient, chez les Romains, le nom de lentilles de Péluse. Virgile, Georg., i, 228 ; Martial, xill, épigr. 9. On les sème aujourd’hui sans labour dans la haute et dans la basse Egypte, et on les récolte sèches en grande quantité ; elles sont rougeàtres et fort petites. On les monde quelquefois de leur écorce, en les broyant sous des meules

45. — Égyptien occupé à faire cuire des lentilles. D’après Wilkinson, Manners and Customs, t. ii, p. 32.

à bras, afin de les rendre plus délicates quand on les

fait cuire. Le nom hiéroglyphique est i ttttt Jk

v, âarosana, arSana, d’où le copte xpcyin.

Ce nom rie paraît pas égyptien, mais plutôt sémitique, importé sans doute avec la plante dans la vallée du Nil. On a fait remarquer qu’il pourrait bien êlre le nom sémitique’âdâsîm, avec confusion facile du t, d, avec le "i, r. En écriture hiératique même les deux signes peuvent se prendre l’un pour l’autre. V. Loret, La flore pharaonique, 2e édit., 1892, p. 93. Cf. Ch. Joret, Les plantes dans l’antiquité, 1. 1, 1897, p. 103 ; Fr. Wœnig, Die P flanzen im alten Aegypten, in-8°, Leipzig, 1886, p. 214-215.

E. Levesque.

    1. LENTISQUE##

LENTISQUE (grec : axïvo ;  ; Vulgate : schinus, Dan., xm, 54), arbre commun en Orient.

I. Description. — Le Pistacia Lentiscus de Linné est un petit arbre de la famille des Térébinthacées des plus répandus dans les lieux arides de toute la région méditerranéenne, où l’on recueille sur ses rameaux tortueux après incision la gomme-résine nommée mastic. Ses feuilles persistantes ont un pétiole ailé, pourvu de 3 à 5 paires de folioles petites, coriaces, ovales ou lancéolées, obtuses avec un court mucron. Les fleurs sont agglomérées à l’aisselle des feuilles supérieures, en grappes spiciformes, dioïques et sans corolle. — Le calice, à 5 divisions dans les fleurs mâles (fig. 46), n’en a que 3 ou 4 dans les fleurs femelles (fig. 47) ; les étamines, au nombre de 5 superposées aux sépales, ont de grandes anthères au sommet d’un filet très court ; l’ovaire uniloculaire devient une toute petite drupe rouge, puis noirâtre, un peu comprimée, recouvrant un najau osseux sous une enveloppe membraneuse. F. Ilï.

367

LENTISQUE — LENTULUS

168

II. Exégèse. — 1° Le lentisque n’est mentionné qu’une fois dans la Bible, dans la partie deutérocanoniqué du livre de Daniel, qui raconte l’histoire de Susanne.

K A

46. — Pistacia lentiscus. Rameau et fleur mâles. Fleur grossie.

Cuand Daniel demanda à l’un des vieillards accusateurs de Susanne sous quel arbre il l’a vue commettre le crime, il répondit, xiii, 54 : « sous un lentisque, » Oirb cxïvov. « Tu mens pour ta perte, s’écria Daniel, car l’ange de Dieu qui a déjà reçu l’arrêt divin est prêt à te fendre par le milieu, oyjtni. » On a souvent mis en avant ce jeu de mot du texte grec, pour nier l’existence

47..

— Pistacia lentiscus, rameau femelle avec fruits. Fleur femelle grossie.

d’un original sémitique de cette partie deutérocanoniqué, le même jeu de mots ne pouvant s’y retrouver exactement. Origène, Epist. ad Africanum de historia Susannx, t. XI, col. 61, répondait déjà que dans l’ignorance où l’on est relativement au nom hébreu de cet arbre, onne pouvait pas se prononcer ainsi contre l’authenticité d’un original hébreu. On peut ajouter qu’en sup posant un original chaldéen, il serait facile de retrouver le même jeu de mots, avec NpriDS, pisfeqâ’, nom araméen du lentisque, et le verbe pesaq, pDS, « couper en deux. » Ainsia traduit une des versions syriaques. Du reste, le traducteur grec a bien pu ne pas conserver les mêmes noms d’arbres, si la paronomase n’était plus possible avec eux, et y substituer d’autres noms qui lui permettaient un jeu de mot équivalent. On peut voir des exemples nombreux dans Welte, Specielle Einleitung in die deuterocanonischen Bûcher des alten Testament, 1844, p. 248 ; Wiederholt, Die Geschichte Susanna, dans la Tùbing. Quartalschrift, 1869, p. 296-308 ; Vigouroux, Mélanges bibliques, 2 B édit., Paris, 1889, p. 477-4E3.

2° Plusieurs exégètes et naturalistes regardent la résine du lentisque, connue sous le nom de mastic, en arabe mastaka, comme le son, Gen., xxxvii, 25, cette résine odorante que les marchands ismaélites portaient en Egypte. Plus communément on voit dans le son la résine du Pistacia Terebinthus. Il est vrai que les Arabes ont souvent confondu le lentisque et le térébinthe sous e même nom » -è>, dirû, nom qui a une certaine analogie avec le sôri hébreu. Voir Résine.

E. Levesque.

    1. LENTULUS Publius##

LENTULUS Publius, personnage imaginaire auquel on a attribué une lettre apocryphe décrivant la personne de Notre-Seigneur. Il est censé avoir été gouverneur de la Judée, avant Ponce Pilate, et avoir écrit la lettre qui suit au Sénat romain.

I. Lettre de Lentulhs. — « Lentulus, gouverneur (presses) des Jérosolymitains, au sénat et au peuple romain, salut. » Ce préambule ne se lit pas dans tous les textes. Voici maintenant le texte de la lettre même d’après E. Dobschiitz, Christusbilder, Beilage viii, Leipzig, 1899, p. 319° : « Il a paru en ces temps-ci, et il vit encore, un homme d’une grande puissance (virtutis), appelé Jésus-Christ. Les peuples l’appellent prophète de vérité et ses disciples, fils de Dieu. Il ressuscite les morts et guérit toutes les maladies. C’est un homme d’une taille moyenne… (homo quidem slatura procerus mediocris et spectabilis). Il a une figure vénérable qui lui attire l’amour et la crainte de ceux qui le voient. Ses cheveux sont de la couleur de la noisette dans sa maturité, lisses jusqu’aux oreilles, et à partir des oreilles bouclés, frisés (circinos crispos), avec des reflets bleuâtres et brillants, ilottants au-dessous des épaules ; ils sont partagés en deux au sommet de la tête à la manière des Nazaréens. Son front est uni et très serein, avec un visage sans ride et sans tache, et le teint d’un bel incarnat. Son nez et sa bouche sont sans défaut ; sa barbe est abondante, de la couleur des cheveux, point longue et (un peu) divisée en deux au (milieu du) menton. Son air est simple et posé ; ses yeux sont glauques et clairs. Il est terrible dans ses réprimandes ; doux et aimable dans ses avertissements ; de bonne humeur avec gravité. Il a pleuré quelquefois, mais il n’a jamais ri. Sa taille est droite, ses mains et ses bras beaux à voir. Sa conversation est grave, brève et modeste. De sorte qu’on peut dire justement avec le prophète que c’est le plus beau des enfants des hommes. » — Voir l’énumération des manuscrits et l’Àpparatits anticus dans Dobschùtz, Christusbilder, p. 308°-324°. UEpistola Lentuli se trouve en manuscrit dans de nombreuses bibliothèques. Elle fut imprimée d’abord dans la Vita Jesu Christi de Ludolphe le Chartreux, qui parut in-f", à Cologne, 1474, Proœmium, 14 (t. i, p. 10, de l’édition de Paris, 1870), et à Nuremberg en 1491 dans l’Introduction aux œuvres de saint Anselme de Cantorbéry. E. von Dobschùtz, Christusbilder, p. 309°310°, et L. Hain, Repertorium bibliographicum,-t. i, 1826, n. 1136, p. 126, ainsi que dans les Opuscula du même docteur » sans date. Voir ibid. Plus tard, elle fut reproduite dans YEcclesiastica historia per aliquot stttr diosos et pios viros in urbe Magdeburgica, connue sous le nom de Centuries de Magdebourg, 13 in-8°>

Bâle, 1559-1574, t. i, p. 344. Elle a été souvent réimprimée depuis, en particulier dans plusieurs collections de livres apocryphes du Nouveau Testament. — L’auteur de cette lettre s’était visiblement proposé de satisfaire la pieuse curiosité des fidèles, avides de détails sur la personne sacrée du Sauveur.

II. Opinions diverses sur la personne physique de Jésus. — Dès les premiers siècles de l’Église, les Pères s’étaient demandé ce qu’était physiquement Notre-Seigneur ; mais comme tout renseignement direct faisait défaut, on eut recours aux prophéties. Isaïe, lui, 2, avait dit de lui : « Il n’a ni beauté ni agrément pour attirer nos regards, et son aspect n’a rien qui puisse nous plaire. » Sans faire attention que cet oracle se rapportait à l’état dans lequel se trouvait le Messie pendant sa passion, plusieurs écrivains ecclésiastiques prirent ces paroles pour le portrait même de Notre-Seigneur et en conclurent qu’il était sans beauté : àe1503ç, <oç aï rpaçori Ixrjpuatrov, dit saint Justin, Dial. cum. Tryph., 88, t. vi, col. 688, et même laid : tov Kûptov auTÔv tï)v o^iv « [<r/pbv ysyovévac, Stà’H<jatou to IIvsO[Aa [lapTVpei, dit Clément d’Alexandrie, Psedag., iii, 1, t. viii, col. 557 ; cf. Strom., vi, 23, t. ix, col. 381 ; Celse, dans Origène, Cont. Cels., vi, 75, t. xi, col. 1409, affirme que « Jésus était, d’après ce que l’on dit, petit, laid, difforme », <S ; çaat, fimpôv xa SixreiSèî -/.ai àïev^c ïjv. Saint Cyrille d’Alexandrie s’exprime dans le même sens, Glaphyr. in Exod., i, 4, t. lxix, col. 396 : « Le Fils a apparu sous un aspect très difforme, » ’Ev e"8e’. yàp néçrivev ô Yîbç tô Xîav àxaXXsdTÔoTip. Cf. aussi saint Irénée, iii, 19, t. vii, col. 940 ( « homo indecorus » ). En Afrique, Tertullien parle de la même manière : « Adultus, dit-il de Notre-Seigneur, De patientia, 3, 1. 1, col. 1252, non gestit agnosci, sed contumeliosus (digne de contuméiie, difforme, voir la note, ibid.) insuper sibi est. » II répète la même chose en d’autres termes, Adv. Marc, iii, 17, t. ii, col. 344 : « Si inglorius, si ignobilis, si inhonorabilis, meus erit Christus. » De même, Adv. Judmos, xiv, t. ii, col. 639 : « ne aspectu quidem honestus ; » De carne Christi, 9, col. 772 : « Adeo nec humanae honestatis corpus fuit, nedum cœlestis claritatis. » Saint Augustin tient le même langage, Enarr. in Ps. mu, 16, t. xxxvi, col. 489 : « Ut homo non habebat speciem neque decorem… Ideo formam illam deformem carnis ostendens, etc. »

Cependant, en Egypte même, on avait commencé de bonne heure à réagir contre cette opinion. Origène réfute Celse, Cont. Cels., vi, 75-77. t. xi, col. 1413-1416, en s’appuyant sur le Psaume xliv, 4-5 et sur le miracle de la Transfiguration. Matth., xvii, 2. À partir du IVe siècle, la croyance que Notre-Seigneur avait été « le plus beau des enfants des hommes » devint prédominante. c< Le seul aspect du Christ était rempli d’une grâce admirable, dit saint Jean Chrysostome, In Matth., Hom. xxvii, 2, t. lvii, col. 346 ; c’est ce que le prophète indique par ces paroles : Il était le plus beau des enfants des hommes. » Saint Jérôme dit à son tour : « Le Christ avait un regard qui lançait des rayons de feu et de lumière céleste, et la majesté divine brillait sur son front : Igneum quiddam atque sidereum radiabat ex oculis ejus, et Divinitatis majeslas lucebat in facie. » In Matth., xxi, 15, t. xxvi, col. 152. « Plus fort que l’aimant, il attirait tout à lui, » écrit le même saint docteur à un de ses correspondants. Epist., Lxv, 8, ad Princip., t. xxil, col. 627. « À l’extérieur, dit saint Bernard, le Christ était le plus beau des enfants des hommes. » Serai. // inDom. i post Oct. Epiph., 1, t. clxxxiii, col. 157. « Selon le corps, dit saint Thomas, III, q. xlvi, art. 6 ; q. liv, art. 1, ad3 um, le Christ avait une complexion parfaite, … rien de désordonné et de difforme n’était dans son corps : Secundum corpus, Christus erat optiine complexionatus… Nihil inordinatum et déforme fuerat in corpore Christi. »

Il se forma ainsi peu à peu un type de Notre-Seigneur, qui finit par être accepté au moyen âge sans contestation.

A vrai dire, il n’avait pour fondement aucun document authentique. Le langage de saint Irénée, Adv. hier., i, xxv, 6, t. vii, col. 685, et de saint Épiphane, Hser., xxvii, 6, t. xli, col. 373, lorsqu’ils parlent des Carpocratiens qui vénéraient un portrait de Jésus-Christ avec celui de divers grands hommes, montre que ces Pères ne connaissaient aucun témoignage formel et authentique sur la personne physique de Notre-Seigneur. Cf. aussi Eusèbe de Césarée, dans sa lettre à Constance (dans Labbe, Acta Concilii Nicasni II, ann. 787, art. vi, p. 494) et saint Augustin, De hœr., 7, t. xlii, col. 27. L’évêque d’Hippone dit, De Trinit., viii, 7, t. xiii, col. 951-952, qu’on ignore quelle était la figure (faciès carnis) du Sauveur. On peut dire : forte talem habebat faciem, forte non talem, en d’autres termes, on ne peut faire que des hypothèses.

Toutefois malgré l’absence de documents, la pieuse curiosité des fidèles voulait avoir un portrait du Sauveur j il fut peint de bonne heure par des peintres religieux. De son côté l’imagination populaire ne resta pas inactive : elle se donna libre carrière, elle se fit peu à peu, un type idéal, qui après avoir passé de bouche en bouche, fut consigné par écrit. Saint Jean Damascène (vers 676-760) nous a laissé un portrait graphique dé Notre-Seigneur. Epist. ad Théoph. imp., 3, t. xcv, col. 349. L’auteur du Livre des peintres (du mont Athos) le reprit au XIe siècle. Kraus, Real-Encyklopâdie, t. ii, p. 15. Au XIVe, un historien grec, Nicéphore Calliste, Hist. eccl., i, 40, t. cxlv, col. 748, le développa, en s’appuyant sur la tradition populaire : « comme nous l’avons appris des anciens, » dit-il, col. 748. Tous ces premiers portraits sont écrits en grec. Un latin voulut, à son tour, faire aussi connaître la figure du Sauveur à ceux qui parlaient sa langue et la décrivit dans la lettre qui o-st connue sous le nom d’Epistola Lentuli.

III. La lettre de Lentulus est une composition apocryphe. — Le caractère apocryphe de cette lettre est indubitable. Les copistes ne savent trop quel titre donner à son auteur prétendu ; ce titre varie dans la plupart des manuscrits qu’on en connaît ; les uns l’appellent proconsul, d’autres gouverneur ou presses Hierosolymitanorum, etc. Leur embarras provient de ce qu’il n’y a jamais eu à Jérusalem ni en Judée de gouverneur du nom de Lentulus. Il existait un presses ou un proconsul Syrise, et un procurator Judsese, mais on ne connut jamais aucun prseses Hierosolymitanorum, ni aucun proconsul Judmse. Bien plus, aucun procurateur de Judée ne s’est appelé Lentulus. Les auteurs classiques nous ont conservé le nom de plus de quarante Lentulus ; Cicéron, à lui seul, en mentionne dix-huit dans ses écrits. Dans ce nombre, quatre seulement ont vécu du temps de Tibère. L’un d’eux, ^Eneas Lentulus Gætulicus, fut consul avec Tibère en l’an 26, d’après Tacite, Ann., iv, 46, et, en 34, il commanda les légions romaines dans la haute Germanie. Il pourait avoir été en Judée entre l’an 26 et 33, d’après Suétone, Caligula, 8, et Pline, Epist., v, 3, mais rien ne le prouve, et il n’a pas été, en tout cas, procurateur de Judée, et il ne s’appelait pas Publius, mais Enée. D’ailleurs, un Romain n’aurait jamais pu employer plusieurs des expressions qu’on lit dans la lettre : propheta veritatis, filii honiinum ; ce sont là des hébraïsmes et le dernier est emprunté au Ps. xliv, 3. La dénomination de Jésus Christus trahit aussi une époque postérieure et est empruntée au Nouveau Testament. Enfin, sans relever d’autres détails, notons que, si elle avait été écrite par un procurateur de Judée, elle aurait été adressée, non au Sénat, mais à l’empereur, parce que la Syrie, dont faisait partie la Judée, était une province impériale, et non une province sénatoriale. « Il suffit de la lire, dit dom Ceillier, Histoire des auteurs ecclésiastiques, 1. 1, p. 498, pour être persuadé de sa supposition. »

IV. Date. — Aucun ancien écrivain ecclésiastique n’a parlé de la lettre de Lentulus, quoiqu’ils aient si souvent m

LENTULUS — LEOPARD

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cité les autres écrits apocryphes connus de leur temps. On la trouve, comme nous l’avons dit plus haut, dans la Vita Jesu Christi de Ludolphe le Chartreux et dans l’Introduction aux œuvres de saint Anselme de Cantarbéry (1033-1109), où elle est accompagnée d’un portrait graphique de la Sainte Vierge. Cette introduction comme la. Vita Jesu Christi sont du xv « siècle. La lettre de Lentulus y a été jointe, mais elle n’y pas été mise par saint Anselme, et elle n’est pas l’œuvre de Ludolphe. Laurent Valla (1406-1457) est le premier écrivain connu qui ait fait mention de cette pièce, en la déclarant apocryphe, dans sa célèbre dissertation De falso crédita et ementita Constantini donatione declarnatio, composée vers 1440. "Voir ses Opéra, in-f », Bâle, 1540, p. 786. Le manuscrit d’Iéna qui contient VEpistola Lentuli porte à la fin ces mots : « Explicit Epistola Jacobi de Columpna, anno Domini 1421 reperit eam in annalibus Romæ in libre antiquissimo in Capitolio ex dono Patriarchae Gànstantinopolitani. » Si l’on peut s’en rapporter à cette note, la lettre aurait donc été envoyée de Constantinople au xve siècle, comme présent à la cour romaine et un Jacques Colonna, de l’illustre famille de ce nom, l’aurait trouvée en 1421 au Capitole et insérée dans les Annales de Rome. Mais le patriarche de Constantinople n’avait pu envoyer en Italie que des manuscrits grecs et’le premier auteur de VEpistola Lentuli dut s’en servir nour la composer. Sa parenté avec le portrait tracé par Nicéphore est incontestable : l’un et l’autre, ont puisé à dès sources communes. D’après E. von Dobschiitz, Christusbilder, p. 330**, elle est probablement pour le fond d’origine grecque, mais elle a été rédigée en latin, en Occident, au XIIIe ou au xiv » siècle ; elle a reçu de quelque humaniste du xve ou du xvie siècle la forme nouvelle sous laquelle elle s’est répandue partout dans l’Église latine. Quant au type décrit, Wilhelm Grimm constate sa conformité, pour tous les points essentiels, avec le portrait Nie Notre-Seigneur, qui porte le nom d’Abgar (voir Abgar, t. i, col. 31), et qu’il reproduit en oouleur tel qu’il est conservé au Vatican. Christusbilder, dansses Kleinere Schriften, édit. G. Hinrichs, 8 in-8°, Giitersloh, 1881-1890, t. iii, p. 171, 183, et dans les Abhandlungen der Akademie zu Jierlin, Plril., 1842, pi. et p. 150, 161. Ce portrait est aussi reproduit en couleur dans L. Glùckselig, Studien ûber Jésus Christus. Voir Jésus-Christ, fîg. 264, t. iii, col. 1423. — Frédéric Mlinler, Die Sinnbilder und Kunstvorstellungen der alten Ckristen, in-4°, Altona, 1825, p. 9, fait remonter à torti VEpistola Lentuli jusque vers l’époque de Dioctétien. « Telle que nous la possédons enjatin, dit F. X. Kraus, Real-Encyklopàdie der christlichen Alterthûmer, t. ii, 1886, p. 16, … elle ne peut être considérée que oomme un écho des siècles précédents. Je puis affirmer quelle est certainement traduite du grec, comme paraissent le démontrer aussi les diverses recensions, et qu’elle remonte à la même source où ont puisé saint Jean Damascène, le Livre des peintres (du mont Athos) et’Nicéphore Calliste : l’accord, malgré certaines divergences, est, en plusieurs endroits, littéral. » Portraits points et portraits écrits ont ainsi une commune origine : ils-ne nous font pas connaître d’une manière authentique le Sauveur tel qu’il a été, mais ils nous le montrent tel 1 que se l’est représenté la piété des fidèles.

V. Bibliographie. — Michel Neander, Apocrypha, BMë, 1567, p. 410 ; J. J. Grynæus, Monumenta S. Palruni orthodoxographa, in-f », Bâle, 1569 ; Jor. Reiskius, Exercitationes historicmdeimaginibusJesu Christian, ih-4° 3 Iéna, 1685 ; Christophe Mylius, Memorabilia bibiiothecœ académies Ienensis, in-8°, Iéna, 1746, p. 301 ; J. Aîlb. Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, 2>édi, Hambourg, 2 in-8°, 1719, t, i, p. 391*-3Q2* ; François’Vavasseur, S. J., Déforma Chrhti dum viveret in terris, in-8°, Paris, 1648 ; Rostock, 1666, et dans ses Opéra omnia. in-f », Amsterdam, 1709, p. 317-341 (ne

parle pas de la lettre de Lentulus) ; N. Rigault, De pulchritudine corporis D. N. Jesu, Christi, à la fin de son édition des Opéra S. Cypriani, in-f », Paris, 1649, p. 235-246 ; Pierre Pijart, De singulari Christi Jesu D. N. Salvatoris pulchritudine, assertio, in-12, Paris, 1651 ; J.-B. Carpzov, Programma : de oris et corporis Jesu Christi forma Pseudolentuli, Joannis Damasceni ac Nicephori prosopographise, in-4°, Helmstadt, 1774 ; J.’Ph. Gabier, In aulhentiam epistolæ Publii Lentuli, ad Senatum romanum de Jesu Christo scriptse, deux programmes de 1819 et 1822 ; (G. Peignot, ) Recherches historiques sur la personne de Jésus-Christ, sur celle de Marie, in-8°, Dijon, 1829, p. 11-32 (il reproduit, p. 96130, avec quelques additions, la Dissertation de dom Calmet sur la beauté de Jésus-Christ) (Bibliothèque Nationale, Réserve, H 2068 A) ; Grimouard de Saint-Laurent, Guide de l’art chrétien, t. ii, Paris, 1873, p. 205-289 ; H. Detzel, Christliche Ikonographie, 2 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1894-1896, t. i, p. 76 ; Didron, Iconographie chrétienne, Histoire de Dieu, in-4°, Paris, 1843, p. 251 (déclare avec raison la lettre de Lentulus apocryphe, mais la tait remonter à tort aux « premiers temps de l’Église » ) ; W. K. Grimm, Die Sage von Ursprung der Christusbilder, Berlin, 1843, et dans les Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften zu Berlin, Philolog., 1842, p. 160-161 ; Legis Glùckselig, Studien ûber Jésus Christus und sein wahres Ebenbild, in-4°, Prague, 1863, p. 82^91 ; Ad. Harnack, Lentulus, dans Herzog, Real-Encyklopâdie ; 2e édit., t. viii, 1881, p. 548 ; F. X. Kraus, Real-Encyklopâdie des christlichen Alterthùmer, 2 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 18821886, t. ii, p. 16 ; E. von Dobschûtz, Christusbilder (Texte und Vntersuchungen, t. xviii), Leipzig, 1899, Beilagen, p. 308**-329* F. Vigodroux,

    1. LÉOPARD##

LÉOPARD (hébreu : ndmêr, le nimru assyrien et le nim’r des Arabes ; chaldéen : nemar ; Septante : TOcpSaX’. ;  ; Vulgate : pardus), carnassier du genre Chat, long de 1 mètre à l m 50, haut de m 60 à 0°>80, et pourvu d’un long pelage jaune sur le dos, blanc sur le ventre, avec des taches noires groupées circulairement en

Felis Leopardus.

forme de roses sur tout le corps. C’est le Felis leopardus ou Leopardus varius des naturalistes (fîg. 48). On l’a souvent confondu, surtout dans l’antiquité, avec la panthère, Pardalis, qui a beaucoup de ressemblance avec le léopard, mais s’en distingue par une taille en général moins grande, - des taches plus larges et moins rapprochées et quelques détails anatomiques.’Au même genre appartiennent d’autres carnassiers qui diffèrent peu des précédents : le guépard, felis jubata, ou tigre des chasseurs, le chetah des Arabes, plus élancé que la 473

LÉOPARD

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panthère, avec une tête plus petite et la peau d’un blanc jaunâtre parsemée de taches noires et rondes ; le lynx, l’élis lynx, quin’a que m 75 de long, porte un pelage d’un roux clair avec des mouchetures noires, et a un naturel très féroce, et l’once, Felis uncia, qui a la queue plus longue que celle de la panthère et le pelage blanchâtre avec de grandes taches noires irrégulières. — Les léopards, ou les carnassiers similaires, ont été jadis abondants en Palestine. Tristram, The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 113, pense qu’ils ont donné leur nom à Bethnemra, Num., xxxii, 3, 36, voir Bethnemra, 1. 1, col. 1697, qui voudrait dire « maison des léopards », appelée aujourd’hui Tell Nimrîm, sur le passage du torrent de Nimrim ou des Léopards, qui se jette dans le Jourdain, sur la rive gauche, à douze kilomètres de la mer Morte. Voir la carte de Gad, col. 28. De tait, les léopards sont encore nombreux aujourd’hui dans les forêts de Galaad, d’où ils font de grands ravages parmi les troupeaux. On peut constater leurs traces autour de la mer Morte, sur le Carmel et le Thabor,

Nègres du haut Nil couverts de peaux de léopards. Thèbes, XVIf dynastie.

D’après Lepsius, Denkmàler, Abth. III, pi. 117.

bien qu’ils soient rares en Galilée. On en rencontre souvent dans les épais fourrés qui remplissent les ravins aboutissant à la mer Morte, comme dans d’autres endroits pourvus d’eau vive et claire, dont ces animaux ne peuvent se passer. Cf. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. H, p. 148. D’ordinaire, ils fuient l’homme, mais lui deviennent très redoutables quand ils sont blessés ou excités par un long jeûne. C’est surtout la nuit qu’ils sortent de leurs repaires pour se jeter sur les troupeaux et étrangler sur place un grand nombre de bêtes, n’en prenant qu’une ensuite pour la dévorer à l’écart. Aussi est-on obligé d’enfermer les troupeaux dans des enceintes formées de iranchages épineux, pour les protéger contre les léopards. Les Bédouins ont un grand nombre de peaux de ces fauves, dont ils font des tapis ou dont ils parent leurs selles. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 440. Le guépard ou chetah, moins terrible que le léopard, se voit quelquefois aux environs du Thabor et dans les montagnes de Galilée ; il est plus abondant « n Galaad. Le l ; nx, principalement le lynx caracal, se trouve aussi en Palestine, mais assez rarement. Tristram, The natural History, p. 111-114 ; Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 29-36. — La Sainte Écriture parle plusieurs fois du léopard en faisant allusion à ses différents caractères. Le Cantique des cantiques, iv, 8, appelle « montagnes des léopards » le Sanir et l’Hermon, où ces animaux habitaient comme dans les mon tagnes de Galilée. Le léopard joint la ruse à la force pour attaquer sa proie. Il se cache ordinairement dans les broussailles épaisses, d’où il épie les autres animaux au passage, surtout quand ils vont pour s’abreuver. Dès qu’il aperçoit sa proie, bœuf, mouton, chèvre ou autre quadrupède de cette espèce, il rampe vers elle avec les ondulations du serpent, et, parvenu à sa portée, il foud sur elle par un bond formidable, la terrasse et l’emporte à l’écart pour la dévorer. Le Seigneur dit à propos des Israélites qui l’ont oublié, après s’être « rassasiés dans leurs pâturages » : « Comme un léopard, je les épierai sur la route. » Ose., xiii, 7. Jérémie, v, 6, dit des Juifs prévaricateurs : « Le léopard est aux aguets devant leurs villes, tous ceux qui en sortiront seront déchirés. » Le léopard est ici le Chaldéen qui va venir. « Ses chevaux sont plus rapides que les léopards, » Hab., i, 8, ils arrivent par bonds formidables et seront en Judée avant

50. — Prêtre égyptien couvert d’une peau de léopard. D’après Lepsius, Denkmàler, Abth. III, pi. 232.

qu’on s’aperçoive de leur approche. Les médisants qui dévorent les autres avec leur langue seront à leur tour dévorés comme par un léopard. Eccli., xxviii, 27. Aussi pour qu’on voie un léopard couché inoffensif auprès d’un chevreau, Is., xr, 6, faudrait-il un changement tel, que le règne du Messie pourra seul en produire un semblable. Daniel, vii, 6, dans une de ses visions, décrit sous la figure du léopard l’empire gréco-macédonien d’Alexandre. Voir Daniel, t. ii, col. 1273-1274. Saint Jean compare aussi à un léopard la bête qu’il voit monter de la mer, Apoc, xiii, 2, et qui, selon quelques auteurs, représenterait l’Antéchrist. Voir Antéchrist, t. i, col. 658. Enfin Jérémie, xiii, 23, pour stigmatiser les mauvaises habitudes qui étaient devenues, chez ses concitoyens, comme une seconde nature, apporte cette comparaison : « Un Éthiopien peut-il changer sa peau et un léopard ses taches ? » Ce pelage élégant du léopard servait de parure chez les anciens. Des nègres du Haut-Nil, prisonniers de Ramsès II, sont représentés avec un pagne en peau de léopard ou de panthère (fig. 49}. Rosellini, Monumenti storici, pi. lxxxv. Cf. Wilkinson, Manners and Customs, Londres, 1878, t. i, p. 259, n » 13, et t. ii, fig. 619, col. 2009. La peau de léopard faisait partie du costume officiel de certains prêtres ou de per

gonnages accomplissant des rites particuliers (fig. 50). Cf. de Rougé, Notice sommaire des monuments de la galerie égyptienne, Paris, 1872, p. 36, 38, 39, 44 ; Wilkinson, Manners and Customs, 1. 1, p. 181-182 ; Maspero, Histoire des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, 1. 1, p. 5355. Les léopards étaient chassés en Egypte, Wilkinson, Manners and Customs, t. ii, p. 90, et en Assyrie. Raw-’inson, Ancient monarchies, t. i, p. 223. Les Hébreux n’étaient pas assez grands chasseurs pour poursuivre de pareils animaux, et on ne voit nulle pari qu’ils aient utilisé les peaux de léopard comme vêtement ou ornement.

H. Lesêtre.
    1. LÈPRE##

LÈPRE (hébreu : sârâ’at ; Septante : XÉTrpa : Vulgate : lepra), maladie grave causée par la multiplication de bacilles spéciaux dans les tissus organiques (fig. 51).

I. Nature de la lèpre. — 1° Sa cause. — On a ignoré jusqu’en ces dernières années la cause déterminante de la lèpre. C’est seulement en 1873 que le médecin norvégien Hansen découvrit le microbe de la lèpre, le Bacillus leprse, et en 1881 que Neisser, de Breslau, trouva le moyen de le reconnaître et de l’étudier.

Lépreuse de Palestine d’après une photographie.

Ce bacille a la forme d’un petit bâtonnet, long de trois à sept millièmes de millimètre et épais d’un demimillième. Il est assez semblable d’aspect à celui de la tuberculose. Il se multiplie étonnamment dans le milieu qui lui est favorable. Les bacilles s’agglomèrent entre eux de manière à former des amas ou tubercules : ils fourmillent alors dans les tissus atteints et dans les liquides qui en découlent. Mais c’est seulement par exception qu’on les rencontre dans le sang ou dans les sécrétions des glandes. Ce microbe est spécial à l’homme ; il se montre absolument rebelle à la culture et il n’est pas inoculable aux animaux. Il faut même des circonstances particulières pour qu’il puisse être inoculé à l’homme naturellement ou artificiellement.

2° Conditions favorables à sa propagation. — La lèpre se rencontre sous tous les climats : elle sévit avec autant de violence en Norvège et dans les provinces baltiques que dans les îles équatoriales. Les pays à climat tempéré semblent cependant plus réfraclaires à ce mal que les contrées de froid ou de chaleur extrêmes. Le climat n’a donc qu’une influence restreinte sur la lèpre. L’alimentation en a bien davantage. On a constaté que

la lèpre est de beaucoup plus fréquente dans tes lies et sur les côtes maritimes que dans l’intérieur des continents. De sérieux observateurs en ont conclu que si le mal éprouve ainsi les populations ichthyophages, c’est qu’elles se nourrissent trop souvent de poissons plus ou moins en décomposition ou de salaisons avariées. On sait, d’autre part, que diverses affections cutanées sont fréquemment engendrées par l’usage des poissons, des crustacés ou des mollusques. De lait, la lèpre abandonne progressivement les îles Féroë, depuis une soixantaine d’années, c’est-à-dire depuis que les insulaires ont renoncé à la pêche et à l’usage de la chair de baleine pour se livrer à l’agriculture. Enfin, la misère paraît favoriser éminemment la propagation de la lèpre, à cause des conséquences qu’elle entraîne : malpropreté du corps, des vêlements, des habitations, insuffisance ou nature très malsaine de la nourriture, défaut absolu d’hygiène, etc. Aucune de ces causes, cependant, ne produit la lèpre par elle-même ; elles ne font que mettre le sujet en état de moindre ou de nulle résistance en face du bacille, s’il arrive jusqu’à lui. II faut en dire autant de l’hérédité ; elle ne transmet pas la lèpre, mais seulement les dégénérescences favorables au développement de la lèpre.

3° Ses caractères. — Les lésions de la lèpre n’atteignent d’abord que deux organes, les nerfs ou la peau. De là, deux variétés de lèpre, la lèpre des nerfs, appelée antonine ou anesthésique, et la lèpre de la peau, appelée léonine, noueuse ou tuberculeuse. Ce ne sont pas là, d’ailleurs, deux maladies différentes, mais seulement deux manifestations distinctes du même mal, qui souvent se succèdent et habituellement coexistent. — La lèpre tuberculeuse apparaît tout d’abord sous forme de taches pâles ou colorées de la peau, bientôt suivies depetites nodosités ou tubercules qui grossissent peu à peu et vont jusqu’à atteindre le volume d’une noix. Comme c’est surtout sur le visage que se multiplient ces tubercules, l’aspect du malade devient hideux parla ressemblance vague de sa face avec celle du lion, d’où le nom de « léonine » donné à cette forme de la lèpre. En même temps, les doigts se déforment et sont bientôt hors d’usage. Le lépreux peut demeurer en cet état pendant des années, avec des accès violents mais intermittents. À un moment, les tubercules remplis de bacilles dégénèrent en ulcères sanieux et fétides, qui vont en se multipliant ; les yeux sont rongés et se vident, les phalanges des doigts se détachent, parfois la main ou le pied tombent à leur tour, la bouche et le nez sont complètement rongés, le malade se sent consumer lentement, jusqu’à ce que les organes essentiels soient atteints et que le malheureux périsse soit par suffocation, soit par épuisement, soit par l’altération progressive de son organisme tout entier. — La lèpre nerveuse ou anesthésique complique quelquefois la précédente ou apparaît seule la première. Elle commence aussi parune tache sur la peau, puis des ampoules se forment et crèvent en laissant échapper un liquide répugnant. Des troubles graves se produisent dans la sensibilité et la motilité et le malade ne sent plus ce qui se passe dan » certaines parties de son corps. Par contre, il souffre, dans d’autres parties, des douleurs terribles et sans intermittence, qui peuvent durer même des années. Le » moindres contacts deviennent alors intolérables. Les mêmes phénomènes de destruction organique que dans la lèpre tuberculeuse se succèdent progressivement. Le malade ne peut plus se servir de ses membres, même pour porter ses aliments à sa bouche. De vastes ulcères les dénudent jusqu’aux os. En proie à une soif inextinguible, le lépreux tombe dans un marasme épouvantable et, devenu indifférent à tout, il passé ses jours assis ou couché, sans un mouvement, sans uné~ plainte, attendant la fin de son interminable agonie. Souvent, heureusement pour lui, l’épuisement, l’ulcération des voies

respiratoires ou des complications provenant d’autres maladies amènent la mort. Il est même assez fréquent que le lépreux meure d’une autre maladie que la lèpre. Il faut six ans, huit ans et même dix ans à la lèpre tuberculeuse, qui est la plus grave, pour tuer d’elle-même le malade. La lèpre anesthésique subit parfois de longs arrêts, qu’on pourrait prendre pour la guérison ; mais c’est pour reparaître presque infailliblement plus ou moins longtemps après. La rechute peut ne se produire qu’au bout de vingt ou trente ans et même plus. Ces longs arrêts ne présentent nullement des périodes d’incubation réelle, mais seulement des états de microbisme latent, dans lesquels le bacille attend que les conditions favorables à son développement viennent à se reproduire. 4° Sa contagiosité. — De toute antiquité, la lèpre a été regardée comme contagieuse. Une maladie aussi essentiellement microbienne doit avoir, en effet, une facilité extrême à se propager. Sa contagiosité est cependant loin d’être aussi terrible qu’on pourrait l’imaginer. Les inoculations elles-mêmes ne réussissent pas toujours sur l’homme. C’est pourquoi beaucoup de médecins de haute autorité ne regardent plus la lèpre comme contagieuse. On cite un bon nombre de faits à l’appui de cette manière de voir. Dans certains mariages, le conjoint non lépreux reste sain, malgré une longue cohabitation. Souvent, en dépit d’une promiscuité continuelle, les parents ou les amis du malade demeurent indemnes. On le constate au Japon, où les lépreux vont et viennent en toute liberté, au milieu de la population. A Paris, on n’isole pas les lépreux dans les hôpitaux, et aucune contagion n’en résulte. D’autre part, les exemples de contagion sont indéniables. Ceux qui soignent les lépreux n’échappent pas toujours à leur mal ; tel le Père Damien, à Molokaï. En 1831, dans la Guyane anglaise, 431 lépreux nègres furent séquestrés sur un territoire occupé par des tribus indiennes. Celles-ci quittèrent la région, à l’exception des Warrows qui, restés en contact fréquent avec les lépreux, furent infectés à leur tour. Il paraît bien enfin que c’est par contagion que la lèpre s’est répandue à travers le monde, tandis que, quand on procède par la méthode d’isolement, la maladie finit par disparaître. Les pays d’Europe qui ont appliqué cette méthode avec le plus de rigueur et de suite sont aujourd’hui à peu près débarrassés du mal. En Norvège, où l’isolement n’est imposé que depuis 1885, la lèpre diminue, tandis qu’auparavant elle se maintenait avec intensité. Ces faits, et beaucoup d’autres que citent les auteurs qui ont écrit sur la lèpre, paraissent contradictoires. Ils s’expliquent cependant. Dans les pays où la lèpre est combattue depuis longtemps et où le bacille a perdu de sa virulence, la contagion est presque nulle ; elle est active, au contraire, dans les pays où la lèpre est endémique et peu efficacement combattue. Les conclusions suivantes s’imposent aujourd’hui : « La léprose ne saurait avoir plusieurs origines, puisqu’elle est exclusivement humaine… Elle est caractérisée par un élément pathogène, le bacille de Hansen ; or ce bacille ne peut s’éveiller spontanément, puisque les générations spontanées n’existent pas ; c’est donc chez le lépreux, et uniquement chez le lépreux, qu’est la source de la maladie. Donc, la léprofe visnt toujours du lépreux, directement ou non. La k’prose a ravagé le monde entier ; elle frappe encore de nos jours des centaines de mille de victimes ; donc, elle se répand, elle se propage. » Dom Sauton, La léprose, Paris, 1901, p. 131132. La contamination se produit très probablement par les muqueuses nasales et par les plaies accidentelles des téguments, ce qui fait que les peuplades qui marchent pieds nus sont plus exposées à recueillir les bacilles par les blessures qui entament fréquemment l’épiderme et le derme de ces membres. Les follicules pileux servent aussi de porte d’entrée aux microbes ;

mais c’est surtout par les vaisseaux sanguins et lymphatiques qu’ils s’introduisent dans l’organisme. Leur développement dépend de leur virulence et surtout de l’état de réceptivité du sujet atteint. Il y a tout lieu d& croire qu’ils agissent alors par leurs toxines, c’est-à-dire par les substances qu’ils sécrètent, et non par leur simple présence dans les téguments ou les viscères. Les bacilles peuvent être très nombreux, mais morts ou inertes ; ils ne sont nuisibles que quand leur virulence commence à s’exercer ou qu’elle retrouve son activité après l’avoir perdue.

5° Ses remèdes. — La lèpre a été jusqu’aujourd’hui considérée comme incurable. Le malade qui en est atteint

52. — Visage et main du lépreux Petre J. Badea, berger âgé 23 ans. D’après V. Bâties, Die Lepra, in-8° Vienne, 1901, pi. 4 et 5.

s’affaiblit peu à peu_et meurt fatalement de consomption. On a essayé toutes les médications, la cautérisation ou l’ablation chirurgicale des parties contaminées, l’inoculalion de virus divers, même de venins de serpents, soit pour enrayer le développement de la lèpre, soit pour lui substituer un autre mal moins rebelle aux efforts de la médecine. Ces diverses médications ont parfois exercéune influence heureuse, mais éphémère, sans qu’on soit en droit d’affirmer qu’il y avait connexion entre l’action du remède et l’amélioration constatée. Le remède efficace ne viendra probablement que quand on aura trouvé l’agent destructeur du Bacillus leprse. Malheureusement^ jusqu’à ce jour, ce microbe n’a jamais pu être cultivé

avec succès, ni dans des organismes vivants, ni dans les substances qui conviennent le mieux à la multiplication et au traitement des autres microbes. — Si la médecine ne peut guérir lalèpre, » il est un fait d’expérience, c’est que souvent un climat sain, une alimentation choisie et la propreté semblent suffire pour produire des rémissions de deux, cinq, dix, quinze, vingt années, équivalant à une guérison. » Dom Sauton, La léprose, p. 445. Ces sortes de guérisons spontanées ont été constatées’de temps en temps, même dans les pires conditions hygiéniques. On a trouvé récemment, dans l’infecte léproserie de Siloàm, près de Jérusalem, plusieurs malheureux chez lesquels la lèpre était arrêtée depuis quinze et vingt ans, et qu’on aurait pu rendre à la vie ordinaire sans aucun inconvénient. Quand la maladie arrive à cet état neutre, le lépreux ne garde plus que les cicatrices de ses plaies antérieures, comme du reste garde les siennes celui qui a eu à subir des blessures ou des brûlures. Si le lépreux meurt pendant cette période d’inaction microbienne, on peut croire qu’il a été radicalement guéri de sa lèpre. Il n’en était rien cependant ; les bacilles pouvaient toujours reprendre leur virulence à un moment donné.

6° Sa propagation dans le monde. — C’est dans le Pentateuque que se trouve la mention la plus ancienne et la plus détaillée de la lèpre. L’Egypte paraît avoir été le berceau de ce mal, Lucrèce, De nat. rerum, vi, 11-12, en attribue l’origine à l’action du Nil. Les Hébreux emportèrent avec eux la lèpre à leur sortie d’Egypte. Un roman égyptien, qu’enregistre Manéthon, Eistoric. Grsec. fragm., édit. Didot, t. ii, p. 578-581, fait des Hébreux un ramassis de lépreux que les Égyptiens auraient chassés des bords du Nil. Cf. Justin, xxxvi, 2 ; Tacite, Hist., v, 3 ; Maspero, Histoire ancienne des peuple » de l’Orient classique, Paris, t. H, 1897, p. 449-450. Josèphe, Cont. Apion., i, 26, s’élève avec raison contre cette allégation. Les Hébreux n’avaient pas la lèpre avant de venir en Egypte, car il n’en est nullement question dans l’histoire des patriarches ; mais c’est en ce pays qu’ils furent contaminés au contact des indigènes. Les anciens auteurs signalent également l’Inde comme l’un des foyers de la lèpre. Ctésias, Persic, 41 ; Hérodien, I, 1, 38. Mais là encore elle était probablement un legs des Egyptiens. Les Phéniciens furent contaminés à la même source que les Hébreux : ils semèrent le mal dans les pays avec lesquels ils avaient de fréquents rapports commerciaux. Les Syriens le gagnèrent rapidement, au contact direct des Égyptiens, des Hébreux ou des Phéniciens. La lèpre sévit chez les Israélites pendant tout le cours de leur histoire. La dispersion des Juifs, les campagnes des Grecs et des Romains en Asie favorisèrent sa propagatiou en Occident. La conquête arabe et ensuite les croisades contribuèrent à raviver le mal dans nos pays. Cf. G. Kurth, La lèpre en Occident avant les croisades, dans le Congres scient, internat, des catholiques, Sciences historiques, Paris, 1891, p. 125-147. Il n’a cédé depuis lors qu’aux précautions prises pour l’isolement des lépreux. En Orient, les lépreux sont encore assez nombreux aujourd’hui. À Jérusalem, ils ont une maison de refuge dans laquelle, en 1888, ils étaient près d’une cinquantaine, vivant du pain et de l’eau que leur fournit le gouvernement et des aumônes que leur accordent les passants. Cf. E. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris, 1890, t. i, p. 375-376. La léproserie turque est située à Siloam. Il y en a encore deux autres à Ramlèh et à Naplouse. Le séjour des autres villes et villages est interdit aux lépreux. On a remarqué que ces malheureux sont tous des paysans, venant de la campagne, et que les habitants des villes de Palestine, malgré les déplorables conditions hygiéniques dans lesquelles ils vivent, ne sont jamais atteints par le terrible mal. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 305 ; cf. dom Sauton, La léprose, p. 64-G6.

7° Les maladies similaires. — On a longtemps confondu avec la lèpre un certain nombre d’affections cutanées, telles que scrofules, dartres, ulcères de diverge nature et d’autres maladies qui sont le fruit de l’inconduite et dont les stigmates ressemblent parfois extrêmement aux pires manifestations de la lèpre. On a rangé parmi les espèces de la lèpre l’éléphantiasis, dont les effets sont analogues. Voir Éléphantiasis, t. ii, col. 1662 ; Pline, H. N., xxvi, 5 ; C. Celse, De re medic., iii, 25 ; Arétée, Morb. diut., ii, 13. Les Grecs appelaient éléphantiasis la lèpre elle-même. Sous le nom de dartres, on a aussi désigné différentes maladies de peau que produisent les causes les plus diverses, ingestion de substances acres, suppression brusque de certaines évacuations, débilité générale, action des parasites, hérédité, contagion, etc. Parmi ces maladies qui empruntent des caractères extérieurs à la lèpre, il faut signaler l’eczéma, maladie éruptive assez voisine de l’impétigo, voir Impétigo, col. 844 ; l’érysipèle, mal épidémique, dû à l’action de micro-organismes végétaux et produisant sur la peau des taches rouges à rebords saillants ; l’exanthème, se manifestant par des accidents superficiels, taches, éruptions ou ulcérations ; là gale, voir Gale, col. 82 ; la gourme ou maladie cutanée de l’enfance ; le pityriasis, la lèpre des Grecs, que caractérisent des sécrétions abondantes de l’épiderme ; le psoriasis, dans lequel se forment sur quelques parties du corps, spécialement aux articulations, des squames d’un blanc nacré qui se détachent ; la rougeole, qui s’annonce à l’extérieur par des taches rouges de forme et de dimensions variées ; la scarlatine, caractérisée par de larges plaques d’un rouge écarlate sur presque toute la surface du corps ; la teigne, voir Teigne. La syphilis surtout et les maladies du même ordre ont été confondues avec la lèpre chez tous les anciens et jusqu’au XVIe siècle. La syphilis est une maladie cutanée contagieuse, qui doit son origine à l’inconduite. — Sur la lèpre, voir F. Pruner, DieKrankheitendes Orients, ih-8°, Erlangen, 1847, p. 163 ; Trusen, Die Sitten, Gebrâuche und Krankheiten der alten Hebrâer, 2e édit., Breslau, 1833 ; H. Leloir, Traité pratique et théorique de la lèpre, Paris, 1886 ; Zambacopacha, État de nos connaissance, actuelles sur la lèpre, dans la Semaine médicale, Paris, 10 juin 1893 ; M. Lefebvre, La lèpre, dans la Revue des questions scientifiques, Bruxelles, avril 1894, p. 437-479 ; Danielsen et Boeck, Traité de la Spédalskhed, Paris, 1898 ; A. Dastre, Lèpre, dans la Revue des Deux Mondes, Paris, 1° juillet 1901, p. 198-218 ; D’dom Sauton, La léprose, Paris, 1901.

II. La législation MOSAÏQUE SUR LA LÈPRE. — 1° Diagnostic de la lèpre. — Le Lévitique, xiii, 2-46, indique minutieusement les signes auxquels on reconnaît la lèpre et les précautions à prendre en conséquence. — 1. Lèpre en général. Lev., xiii, 1-8. L’homme qui aura sur le corps une tumeur (sé’êf, o-jXtj aTHJuxciaç Tï)XavyYJç, « cicatrice de marque brillante, » diversus color, une partie qui n’est pas de même couleur), une dartre (sajmhaf. pustula), ou une tache blanche (bahérét, lucens quippiam) qui ressemblera à une plaie de lèpre, devra se présenter devant Aaron ou l’un de ses fils, par conséquent devant un prêtre de rang supérieur, auquel la multiplicité des cas donnera une expérience suffisante. Le prêtre examinera la plaie : si le poil de la plaie a blanchi et si la peau forme à cet endroit une dépression, c’est la lèpre. Si la peau présente une tache blanche {bahérét, Xsûxï), lucens candor) sans dépression et sans coloration blanche des poils, le malade est mis en observation pendant sept jours. Si au bout de ce temps aucune modification ne s’est produite, on attend encore sept jours. Si alors la plaie est devenue sombre L (kêhâh, à[iaupdt, obscurior) et ne s’est pas étendue, ce n’est pas la lèpre, mais une dartre (sapahat, arijuxat’a, scabies). Le malade n’a qu’à laver ses vêtements. La plaie pour

tant pourra s’étendre par la suite. Ce phénomène obligera à un nouvel examen et l’extension de la plaie sera un nouveau signe de la lèpre. — 2. Lèpre sous-cutanée. Lev., xiii, 9-17. Quand on reconnaîtra sur la peau une tumeur blanche x se’ê{-lebànâh, oùXj] Xeûxi], color albus), avec coloration des poils en blanc et apparence de chair vive, c’est une lèpre invétérée. Si au contraire l’éruption de couleur blanche couvre tout le corps de la tête aux pieds, ce n’est pas la lèpre. Elle ne surviendrait en pareil cas que si la chair vive commençait à apparaître à travers l’éruption blanche. — 3. Lèpre après ulcère. Lev., xiii, 18-23. Quand un ulcère a été guéri et que sur la cicatrice apparaît une tumeur blanche ou une tache d’un blanc rougeâtre, le prêtre doit l’examiner. Une dépression de la peau et la coloration en blanc des poils indiqueront que la lèpre a envahi l’ulcère. S’il n’y a ni dépression ni poils blancs, le malade sera mis en observation pendant sept jours. Si au boutde ce temps la tache s’est étendue, c’est encore la lèpre ; sinon, c’est simplement la cicatrice de l’ulcère.— 4. Lèpreaprès brûlure. Lev., xiii, 24-28. Le prêtre doit procéder exactement de même quand il y a eu une brûlure suivie de cicatrice. L’ulcère et la brûlure, en mettant la chair à nu, facilitaient l’inoculation de la lèpre, dans un pays où elle était endémique ; aussi fallait-il surveiller de près les cicatrices de ces plaies. — 5. Lèpre du cuir chevelu. Lev., xiii, 29-37. Celui qui a une plaie à la tête, sous les cheveux ou sous la barbe, doit aussi être examiné. S’il y a dépression et poils jaunâtres et minces, c’est la teigne (né(éq, 9p « 0<j|i.a, inocula) appelée lèpre de la tête ou de la barbe. Quand il n’y a ni dépression de la peau ni décoloration des poils, le malade est mis en observation durant sept jours. S’il n’y a pas de modification apparente, le malade se rase au bout des sept jours, sans cependant toucher à la place atteinte de la teigne. Au bout de sept autres jours, on l’examine encore. Si la teigne ne s’est pas étendue sur la peau, le malade n’a qu’à laver ses vêtements et n’est pas impur. Si au contraire la teigne s’est étendue, cela sutfit pour que l’impureté soit déclarée. Il s’agit ici de la teigne, maladie très distincte de la lèpre, puisque cette dernière respecte le cuir chevelu. Cf. domSauton, La lêprose, p. 364. — 6. Fausse apparence de lèpre. Lev., xm, 38, 39. Les taches blanches (béhârôt lebânâf, « ùfi<j(tata aÙYâÇovta Xsuxav6îÇ<mix, « éclats brillants blanchâtres, » candor) sur le corps, quand elles deviennent d’un blanc sombre (kêhôf lebânôf, subobscurus albor), indiquent une affection qui n’est pas la lèpre (bohaq, àXtpôç, macula). — 7. Lèpre des chauves. Lev., xiii, 40-43. Quand un chauve a sur la tête une plaie d’un blanc rougeâtre, comportant une tumeur (ie’êl) d’un blanc rougeâtre semblable à celles que la lèpre produit sur le corps, ce chauve est un lépreux. — 8. Évolution des signes de la lèpre. On voit que l’auteur sacré distingue différents degrés dans le développement des signes de la lèpre ou des maladies similaires : tout d’abord apparaît la tache ou tumeur blanche, qui par elle-même n’est pas caractéristique de la lèpre ; puis la tache évolue tantôt vers le blanc sombre, et alors ce n’est pas la lèpre, tantôt vers le blanc transparent, laissant voir la chair vive, et prenant en conséquence une teinte rougeâtre, ce qui caractérise la lèpre. Le mot àXtpdi ; par lequel les Septante désignent le mal appelé bohaq en hébreu, Lev., xm, 39, est, dans Hippocrate, Aphorism., 1248, le nom d’une dartre blanche et farineuse ; le mot Xe-Jxr], Lev., xm, 4, 10, est dans les auteurs grecs le nom de la lèpre blanche. Hérodote, i, 138 ; Aristote, Générât, animal., v, 4, etc. Le législateur prescrivait que ces différents signes fussent examinés avec grand soin. Dès leur première apparition, celui qui était atteint devait se présenter au prêtre, sans avoir le droit de diagnostiquer lui-même sa maladie ; les deux périodes consécutives de sept jours permettaient aux signes extérieurs de se développer suffisamment pour être sûrement reconnus,

et, en cas de retour offensif, le malade avait à se représenter. — Moïse base le diagnostic de la lèpre sur des signes facilement reconnaissables. Les savants d’aujourd’hui rangent aussi parmi les symptômes de la lèpre l’apparition de taches qui vont en grandissant, jusqu’à dépasser en largeur la paume de la main, et qui ont des colorations variées, d’un rouge pâle ou vineux, parfois livides ou violacées, puis d’un brun fauve et cuivré et d’un gris ardoise ou noir. Toutefois « il est certain que Moïse n’a jamais eu l’intention de faire un traité de pathologie, qu’il a parlé le langage du temps et que, par conséquent, il englobait, sous le nom de lèpre, toutes les maladies que l’on confondait alors avec elle : la gale, le psoriasis, la teigne, la syphilis, etc. D’autre part, l’étude attentive du texte mosaïque, les caractères attribués à cette maladie, qui s’attaque non seulement à l’homme, mais aussi aux animaux, aux vêtements, aux maisons, cette étude, dis-je, ne permet pas de croire que Moïse parlait uniquement de la léprose, en tant qu’espèce nosologique bien déterminée. Il semble même que, le plus souvent, la description des symptômes et les prescriptions s’adressent à une maladie telle que la syphilis, et il est démontré aujourd’hui que la syphilis existait du temps des Hébreux ». Dom Sauton, La léprose, p. 4.

2° Précautions imposées aux lépreux. — Moïse prescrivit aux lépreux l’isolement ; c’était le moyen le plus simple et le plus efficace pour arrêter la propagation du mal. Le lépreux, déclaré impur à la suite de l’examen fait par le prêtre, devait se retirer de la société de ses semblables. Pour qu’on le reconnût et qu’on pût l’éviter, il portait des vêtements déchirés, gardait la tête nue, se couvrait la barbe de son mante au et criait aux passants : tâmê’, tâmê’, « impur impur ! » Il habitait seul, dans un endroit isolé. Lev., xih 1-46 ; Num., v, 2-4 ; xii, 14, 15. Cet isolement avait pour but d’éviter tout danger de contagion. Il n’était pas défendu cependant aux lépreux d’habiter ensemble pour s’entr’aider. Les Juifs pensaient que l’accès des villes enceintes de murailles au temps de Josué était seul interdit aux lépreux. Dans les derniers temps ceux-ci pouvaient même fréquenter les synagogues, à condition d’y entrer avant les autres, de s’y asseoir à part et d’en sortir les derniers. C. Iken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 266 ; Negaim, xiii, 12. Mais ils n’étaient pas admis dans Jérusalem. Josèphe, Bell, jud., V, v, 6. — Quand un prêtre était atteint de la lèpre, il lui était défendu de manger des choses saintes, c’est-à-dire des aliments provenant des sacrifices. Lev., xxii, 4. — Dans le Deutéronome, xxiv, 8, il est encore recommandé de bien observer toutes les prescriptions relatives à la lèpre et de suivre exactement ce que diront les prêtres et les lévites. La loi qui commande aux juges de déférer au tribunal de Jérusalem les cas embarrasants, range parmi ces cas, d’après la Vulgate, la distinction « entre lèpre et lèpre ». Deut., xvii, 8. Le texte hébreu dit seulement « entre plaie et plaie ». Les plaies, coups, blessures, etc., étaientdu ressort des tribunaux composés de lévites et d’anciens, tandis que, seuls, les lévites et les prêtres avaient charge d’examiner la lèpre.

3° Purification du lépreux. — 1. La guérison. — Le texte de la loi suppose le lépreux « guéri de la plaie de la lèpre », nirpd’néga’-hassâra’at, IStou r| âtpr, t-/|c Xéwpaç, lepram esse mundalam. Il est certain d’autre part que la lèpre est rebelle à tout remède et ne s’arrête que spontanément et pour un temps. La guérison dont parle le texte sacré doit donc s’entendre tout d’abord des fausses lèpres, c’est-à-dire des dermatoses qu’il n’était pas possible aux lévites de distinguer d’avec la lèpre proprement dite, et qui guérissaient au bout d’un certain temps, soit d’elles-mêmes soit par application de remèdes. Il faut ensuite l’entendre de ces arrêts prolongés qui se constatent dans l’activité du mal, et qui peuvent durer de longues années. Pendant ces périodes,

le malade ne présente d’autres symptômes lépreux nue la défiguration ou la déformation des extrémités, produites par des accès antérieurs. Bien que ces arrêts ne constituent jamais des guérisons radicales, ils rendent le commerce habituel des lépreux absolument inoffensif. On comprend donc que le législateur hébreux les ait traités pratiquement comme des guérisons. Il constate que la plaie (néga’), c’est-à-dire la chair à vif, n’est plus visible et qu’une couleur uniforme de la peau a succédé à la couleur sanguinolente formant tache sur une surface blanchâtre. Cette constatation lui suffit pour être assuré que le mal n’a plus son activité contagieuse et que le malade peut impunément rentrer dans la compagnie de ses semblables. Il eût été souverainement dur et inutile de séquestrer le lépreux, même pendant la période inoffensive de son mal. Il restait d’ailleurs à celui-ci l’obligation de se représenter devant les prêtres, dès que les symptômes dangereux reparaissaient.

2. La purification. — Quand le prêtre avait constaté l’état satisfaisant du lépreux, il procédait à sa purification légale, qui était assez compliquée. Elle comprenait une aspersion symbolique, des précautions hygiéniques et un sacrifice. La lèpre était considérée comme une sorte de mort, qui excluait le malade de la vie civile et de la vie religieuse. Il était donc naturel que le rite de purification symbolisât le retour à cette double vie. Voilà pourquoi la première partie de la purification s’accomplit « hors du camp », et l’autre « devant Jéhovah », àl’entrée du tabernacle. Lev., xiv, 3, 11. — a) Aspersion. Le prêtre, s’étant transporté hors du camp ou de la ville, fait prendre deux petits oiseaux (sipôrîm, ôpvc’Oia, passeres ) parmi ceux qui sont purs, un morceau de bois de Cèdre, un lien cramoisi et de l’hysope. Il immole un des oiseaux au-dessus d’un vase rempli d’eau vive, de manière que le sang se mêle à cette eau. Ensuite il trempe l’oiseau vivant et les trois autres objets dans ce mélange, en asperge sept fo^s le lépreux et rend la liberté à l’oiseau vivant. Le prêtre n’agit pas ici comme sacrificateur, mais comme représentant de la société civile, et l’immolation de l’oiseau n’est pas un sacrifice, puisqu’elle n’est pas faite devant ! e tabernacle. Mais ce sang, cette eau vive, ce bois de cèdre, ce cramoisi et cet hysope sont des symboles de vie et de pureté. Voir Couleurs, t. ii, col. 1070 ; Hysope, t. iii, col. 796. L’oiseau trempé dans le mélange de sang pur et d’eau vive figure le lépreux purifié et rendu à la liberté, — b) Précautions hygiéniques. Aprèscette aspersion, le lépreux lave ses vêtements, rase ses poils et prend un bain. Il peut dès lors rentrer dans le camp ou dans la ville, mais ne doit pénétrer dans sa demeure que le huitième jour. Là veille, c’est-à-dire le septième jour, il a dû renouveler les précautions prises le premier jour. Le but de ces purifications physiques se comprend de lui-même ; les moindres traces du mal devaient disparaître. Cf. Hérodote, ii, 37. ïl est à remarquer, dans le poème de Gilgamès, que le héros atteint de la lèpre a aussi à se laver dans l’eau de la mer et à changer sa bandelette et son pagne, Haupt, Dos babylonische Nimrodepos, Leipzig, 1884, p. 146. — c) Le sacrifice. Il a pour but de réintégrer le lépreux dans la société religieuse. Le huitième jour, le lépreux guéri se présente au prêtre devant le sanctuaire avec deux agneaux, une brebis d’un an, trois dixièmes d’éphi de ileur de farine pétrie à l’huile, et un log d’huile. Le prêtre immole un des agneaux pour le délit et l’offre avec le log d’huile. Puis il met du sang de cette victime au lobe de l’oreille droite, au pouce de la main droite et à l’orteil du pied droit du lépreux. Ayant versé l’huile dans sa main gauche, il en prend de sa main droite, fait sept aspersions devant le Seigneur et met de cette huile aux trois endroits où il a déjà mis du sang sur le corps du lépreux ; il lui verse ensuite le reste de l’huile sur la tête. Enfin, il offre la brebis eu sacrifice pour le péché et l’autre agneau en holocauste. — Si celui qui

est purifié est trop pauvre pour se procurer tout ce qui est prescrit, il ne présente qu’un seul agneau pour le délit, un seul dixième d’éphi de fleur de farine, le log d’huile, et deux touterelles ou deux pigeons à la place delà brebis et dû second agneau. Les mêmes cérémonies sont d’ailleurs accomplies avec ces victimes plus modestes. Lev., xiv, 1-32. — Ces onctions de sang et d’huile indiquent à la fois la purification du lépreux et une sorte de consécration par laquelle lui est rendu le droit d’entendre les paroles de la loi divine, de prendre part aux choses saintes et de venir au sanctuaire du Seigneur. Les sacrifices pour le délit, pour le péché, et l’holocauste sont l’exercice même du droit rendu au lépreux de se servir des moyens communs pour implorer la miséricorde de Dieu et lui rendre ses hommages. Cf. Bâhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. H, p. 512-522, et, dans la Mischna, le traité Negaim, vi, 3. Dans le temple d’Hérode, les cérémonies de la purification des lépreux s’accomplissaient dans la cour ou chambre des Lépreux, située à l’angle sud-ouest du parvis des femmes. Cf. Ezech., xlvi, 22 ; Negaim, xiv, 8. III. Les lépreux de la Bible. — Quand les Hébreux sortirent d’Egypte, il y avait certainement parmi eux un certain nombre de lépreux, victimes du mal contracté dans le pays de Gessén et surtout au contact des Égyptiens, pendant les derniers temps de leur séjour. Les durs travaux, la misère et la promiscuité auxquels les condamnèrent alors leurs persécuteurs les placèrent dans les conditions les plus défavorables pour se préserver de la contagion. Ils emportèrent la lèpre avec eux. Dès le séjour au désert, Moïse dut prendre des mesures pour circonscrire le domaine du mal, par un examen rigoureux des premiers signes de la lèpre, et par la séquestration hors du camp de ceux qui étaient atteints. Lev., xiii, 45-46. Le mal resta endémique dans la nation. Il n’est pas inutile de remarquer que les Hébreux, après avoir regretté les poissons d’Egypte, Num., xi, 5, mangèrent beaucoup de poissons venant de la mer, II Esd., xiii, 16, ou du lac de Genésareth, Matth., vu, 10 ; xiv, 17 ; xv, 36 ; Marc, vi, 38 ; Luc, ix, 13 ; xr, 11 ; Joa., vi, 9 ; xxi, 6, etc., surtout après la captivité. Il y avait une porte des Poissons à Jérusalem. II Par., xxxiii, 14 ; II Esd., iii, 3 ; xii, 38. Les poissons salés ou desséchés servaient souvent d’aliment au peuple. Or ce genre de nourriture est particulièrement favorable au développement de la lèpre. — Un certain nombre de lépreux sont signalés dans la Bible. — 1° Au désert même, Marie, sœur de Moïse, et Aaron tinrent des propos irrespectueux contre leur frère, à cause de sa femme, Séphora, qu’ils traitaient d’étrangère, et surtout de l’autorité suprême dont il était revêtu. Pour punir Marie, Dieu la frappa de la lèpre et elle devint subitement « blanche comme la neige ». Aaron, qui avait été épargné à raison de son sacerdoce, s’humilia devant Moïse et celui-ci se hâta d’intercéder auprès du Seigneur, qui se laissa fléchir. Sur l’ordre de Dieu, Marie fut séquestrée pendant sept jours hors du camp ; elle rentra ensuite auprès des siens sans autre formalité, Dieu levant lui-même le châtiment dont il l’avait frappée. Num., xii, 1-15 ; Exod., iv, 6. — 2° David, justement irrité contre Joab, à cause du meurtre d’Abner, appela sur sa maison plusieurs malédictions terribles, entre autres la lèpre. II Reg., iii, 29. — 3° Quand Naaman, chef de l’armée de Syrie, fut atteint de la lèpre, il n’avait naturellement aucun espoir de guérison. Une esclave israélite lui parla du prophète Elisée comme opérant des merveilles et capable de le guérir. Le roi de Syrie envoya donc Naaman à Joram, roi d’Israël, pour le faire guérir. Joram fut épouvanté de cette requête et s’écria : « Suis-je donc Dieu, ayant pouvoir de mort et de vie, pour qu’on m’envoie un homme à guérir de la lèpre ? » Le roi regardait évidemment la lèpre comme une maladie pour laquelle l’homme n’a point

de remède. Elisée guérit Naaman en vertu de son pouvoir surnaturel, mais en le soumettant à une épreuve qui, au jugement même de l’intéressé, n’était en rien capable de modifier son état. Bien d’autres lépreux de l’époque eussent demandé leur guérison aux eaux du Jourdain, si elles avaient eu une vertu curative de la lèpre. Luc, iv, 27. Naaman attribua sa guérison au Dieu d’Israël. IV Reg, , v, 1-15. En punition de ses mensonges et de sa cupidité, Giézi, le serviteur du prophète, hérita pour lui et pour sa postérité de la lèpre de Naaman. IV Reg., v, 21-27. — 4° Quand les Syriens, pris de panique, levèrent précipitamment le siège de Samarie, ce furent quatre lépreux, habitant à la porte de la ville, qui s’aperçurent de leur départ et avertirent leurs concitoyens. IV Reg., vii, 3-10. — 5° Le roi Ozias, pourtant fidèle à Dieu, s’enorgueillit un jour de sa prospérité et de sa puissance et poussa la présomption jusqu’à pénétrer dans le sanctuaire même pour y brûler les parfums sur l’autel. Les prêtres l’avertirent du sacrilège qu’il commettait. Il s’irrita de leurs remontrances, mais aussitôt la lèpre apparut sur son front. Il dut sortir et resta lépreux [jusqu’à, sa mort. Il ne lui fut plus permis de pénétrer dans le Temple. Confiné dans une demeure écartée, ménagée sans doute dans les dépendances de son palais, il cessa d’exercer ses fonctions royales et abandonna le gouvernement à son fils Joatham. Ainsi un roi même était obligé de se plier aux prescriptions de la loi mosaïque. IV Reg., xv, 5 ; II Par., xsvi, 16-21. — 6° Il n’est plus question de lépreux marquants jusqu’à l’époque évangélique. Quand Notre-Seîgneur eut commencé son ministère, il donna à ses Apôtres, en les envoyant en mission, le pouvoir de purifier (xaOapi’Çeie, mundate) les lépreux, Matth., x, 8, et lui-même indiqua cette purification (xadapsCovrai, mundantur) comme la preuve de son caractère de Messie. Matth, ., xi, 5 ; Luc, vii, 22. — 7° Un jour, en Galilée, un lépreux qui avait entendu parler de ses miracles fit appel à sa puissance en disant : « Si vous voulez, vous pouvez me purifier (xa6apîa, at, niundare). » Et Jésus lui répondit : « Je le veux, sois guéri (xa8apfo91r)Tt, mundare). » Matth., viii, 2-4 ; Marc, I, 40-45 ; Luc, v, 12. — 8° Une autre fois, alors qu’il longeait la frontière de la Samarie et de la Galilée pour se rendre à Jérusalem, il rencontra dix lépreux qui se tenaient à distance, selon les prescriptions de la Loi, et vivaient probablement ensemble. Ils implorèrent sa bonté et le Sauveur leur commanda d’aller se montrer aux prêtres, qui avaient à constater leur état. Cf. Matth., vin, 4. Chemin faisant, ils furent purifiés (êxa9apio81r)<rav. mundati sunt). Luc, xvii, 11-19. Il est à remarquer que, toutes les fois que les Évangélistes parlent des lépreux, ils emploient le verbe xaôaptCeïv, qui d’ailleurs n’est pas classique et ne se trouve que dans les Septante. Eccli., xxviii, 10. Pour les autres guérisons, ils se servent des verbes 8spaTOueïv, lâ<î()ai, sanare, curare. Matth., x, 8 ; xv, 30 ; Marc., iii, 2 ; Luc, iv, 40 ; viii, 43 ; ix, 2 ; xxii, 51, etc. On n’est pas autorisé à conclure de ià que le Sauveur se contentait de mettre les lépreux en état d’obteDir leur purification légale, en arrêtant à le cours du mal, mais en leur laissant les déformations corporelles qui en étaient déjà résultées pour eux. Il est bien plus vraisemblable que sa bonté allait jusqu’à les guérir complètement, comme si la lèpre ne les avait jamais atteints. Le verbe xaOapiCeïv signifie seulement que la guérison avait pour conséquence une purification, qui rendait au lépreux le droit d’être reçu dans la société de ses semblables et d’échapper ainsi à cet isolement si dur auquel le condamnait son mal. — 9° À la veille de son entrée solennelle à Jérusalem, Notre-Seigneur prit son repas à Béthanie, chez Simon le lépreux. Matth., xxvi, - 6 ; Marc, xiv, 3. Simon n’était certainement plus lépreux â cette époque ; autrement il n’eût pu recevoir personne dans sa maison. Avait-il été guéri

par le Sauveur ? Il semble qu’en pareil cas, les Évangélistes auraient mentionné le fait pour expliquer le titre de lépreux donné à Simon ; de même que saint Marc, xvi, 9, en parlant de Marie-Madeleine, rappelle que la divin Maître a chassé d’elle sept démons. Il paraît donc plus probable que Simon était un de ces lépreux dont le mal subit un de ces longs arrêts qui font croire à une guérison. — 10° Dans sa prophétie sur le Messie souffrant, Isaï, lui, 4, dit de lui : « Nous l’avons considéré comme frappé, ndgûa’, puni par Dieu et humilié. » Les Septante traduisent ndgûa’par sv jtôvo), « dans la peine, » et la Vulgate par leprosus, « lépreux. » Cette dernière traduction s’appuie sur ce que la lèpre est plusieurs fois mentionnée dans la Sainte Écriture à titre de châtiment divin, comme c’est le cas de Marie, sœur de Moïse, de Giézi, d’Ozias, et qu’elle est désignée par le mot néga’, « plaie. » Lev., xiv, 3, etc. En réalité, le Sauveur a été vraiment traité comme un lépreux, puisqu’il a été frappé par Dieu et mis hors de la société des hommes.

IV. Lèpre des vêtements. — Par analogie, le législateur désigne sous le nom de lèpre certains phénomènes qui se produisent sur les vêtements ou sur les pierres. Ces phénomènes n’ont absolument rien de commun avec la lèpre humaine. — 1° Quand un vêtement de laine ou de liii, une peau ou un ouvrage de peau présente une tache verdâtre ou rougeâtre, il faut le montrer au prêtre. Celui-ci l’enferme pendant sept jours et s’il remarque au bout de ce temps que la tache a grandi, c’est qu’il y a là une lèpre niam’érét, s’(i(j, ovoc, perseverans. L’objet doit être complètement brûlé. Lev., xiii, 47-52. Le mot mam’érët veut dire « pernicieux ». Il s’agit donc ici d’une sorte de moisissure capable de rendre nuisible l’usage de l’objet atteint. — 2° Si la tache examinée n’a pas grandi, le prêtre la fait laver et enferme l’objet pendant sept autres jours. Quand au bout de ce temps la tache, sans s’étendre, n’a pas changé d’aspect, c’est que l’étoffe ou la peau a été « entamée » dans sa substance, pehéfét, limipix’cai, infusa. Il tant encore brûler l’objet en pareil cas. Lev., xiii, 53-55. — 3° Si la tache est devenue pâle et continue à paraître, c’est une lèpre éruptive, porahaf, è$av800c7a, volatilis et vaga. On déchire alors la partie attaquée et on la brûle ; le vêtement ou l’objet de peau est lavé de nouveau et peut servir comme auparavant. Lev., xiii, 56-59. Les trois mots hébreux que nous avons cités caractérisent probablement trois espèces de moisissures bien connues en Palestine. Ces moisissures provenaient ordinairement de champignons microscopiques, surtout de mucorinées et de mucédinées, qui étendent progressivement leur action sur les étoffes et les peaux, et les pénètrent assez profondément pour n’être pas détruits par un simple lavage à l’eau. Les précautions imposées par la Loi intéressaient la santé publique et rentraient dans ce système général de pureté physique et légale, au moyen duquel le législateur voulait inculquer la pureté morale à son peuple.

V. Lèpre des maisons. — Le législateur intervenait encore ici pour les mêmes raisons que quand il s’agissait des vêtements. Son intervention était d’autant plus nécessaire qu’il y avait parfois à faire subir au propriétaire de la maison des dommages au-devant desquels il ne serait pas toujours allé dans le seul intérêt de sa santé. — 1° Dès qu’une sorte de lèpre apparaît sur les murs d’une maison, on doit avertir le prêtre qui fait aussitôt évacuer la maison et enlever le mobilier sommaire qu’elle contient, puis procède à l’examen des parties attaquées. S’il aperçoit des taches verdàtres ou rougeâtres, formant une sorte de dépression à la surface du mur, il ferme la maison pour sept jours. Le septième jour, il renouvelle son examen. Si les taches se sont étendues, il prescrit différentes mesures : enlèvement des pierres atteintes, raclage des murs, remplacement des pierres enlevées par des pierres neuves et recrépis

sage de la maison. Lev., xiv, 34-42. — 2° Si malgré ces précautions le phénomène se reproduit, on se trouve en face d’une lèpre pernicieuse (mam’éret, e’[i(J.ovo ; , perseverans). Il n’y a plus qu’à abattre la maison et à jeter tous ses matériaux hors de la ville, dans un endroit impur. Ceux qui ont habité la maison ou y ont pris leur repas doivent laver leurs vêtements. Lev., xiv, 43-47. — 3° Quand, à la suite des réparations, la maison parait complètement assainie, le prêtre la déclare pure. Il prend alors deux oiseaux, un morceau de bois de cèdre, un lien cramoisi et de l’hysope, et il procède dans la maison à une aspersion absolument identique à celle qui se fait pour la purification du lépreux. Voir col. 183. L’oiseau survivant est à la fin relâché dans les champs, en signe de la liberté rendue aux habitants de la maison. Lev., xiv, 48-53. — 4° D’après plusieurs auteurs, la lèpre des maisons ne serait autre chose que le salpétrage de leurs murs. Dans les lieux humides et exposés aux émanations des animaux, il se forme en eflet, sur le calcaire des constructions, du nitre ou salpêtre qui a une certaine ressemblance extérieure avec la lèpre. Cette production de nitre présente de sérieux dangers pour la santé, moins par elle-même qu’à raison de l’humidité qui en est la cause. Cependant il est difficile d’admettre que le texte sacré fasse ici allusion au salpétrage des murs. Le salpêtre est d’un gris blanc, tandis qu’il est question dans le texte de taches verdâ1 très ou rougeâtres. Lev., xiv, 37. Les taches qui ont ces colorations proviennent ordinairement des lichens (XeiXV, dartre), sortes de dartres végétales qui se développent sur toute espèce de support, spécialement sur les pierres humides. Les lichens sont des thallophytes qui tiennent à la fois de l’algue et du champignon. Cf. Hy, Observations sur la nature des lichens, dans le Congrès scientif. internat, des catholiques, Paris, 1888, t. I), 468-479. Leur nature comporte bien le développement et les colorations que v mentionne le texte sacré. Il est dit, il est vrai, que la lèpre des maisons forme des seqà’ârûrôt, y.oi).dc8s ; , valliculss, des creux, Lev., xiv, 37, taudis que les lichens ont plutôt l’aspect de croûtes. La même observation s’applique au salpétrage. Mais comme ensuite il est question de terre grasse, ’àfâr, xoSc> pulvis, ou mortier dont on enduit la muraille, Lev., xiv, 42, 45, il y a lieu de penser que le lichen, en végétant sur la pierre même, en faisait détacher l’enduit et ainsi se présentait en creux. Les espèces de lichens qui s’attaquent aux murailles humides sont surtout la lepraria flava, qui est verdàtre, la leproplaca xantholyta et le leproloma lanuginosum. Les mêmes apparences sont parfois produites par des champignons, ou par des algues filàmenteu ses ou cellulaires à coloration rouge.

H. Lesêtre.
    1. LÉPREUX##

LÉPREUX (hébreu : mesora’; Septante : ), s7rp<Sî, Lev., xiv, 2, etc. ; XeXeTtpiottévo ; , IV Reg., v, 1, 27 ; xv, 5 ; ).ETtpwaa [conctraction de Xezpiouerot, dit de Marie, sœur de Moïse}, Num., xii, 10 ; Vulgate : leprosus), celui qui est atteint de la lèpre. Pour les lépreux mentionnés dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament, voir Lèpre, iii, col. 184.

LÉSA (hébreu : Li’Sa’; a la pause : LdSa’; « fissure, » d’après Gesenius, Thésaurus, p. 764 ; Septante : Aao-â), ville à l’est de la mer Morte. Elle est nommée une seule fois par l’Écriture, dans rémunération des frontières du pays qu’habitaient les Cliananéens. Gen., x, 19. D’après la tradition ancienne, attestée par le Targum de Jonathan (le texte porte >rn*Tp, mais il faut lire >mbp), par le Targum de Jérusalem et par saint Jérôme, Quœst. in Gen, , x, 19, t. xxiii, col. 321, Lésa se trouvait sur le site ou dans le voisinage de Callirhoé. Callirhoé.devint Célèbre vers le commencement de notre ère par ses eaux thermales, que de nombreux exégèies croient être les « . eaux chaudes » dont parle la Genèse, xxxvi, 21. On

n’a aucune raison de rejeter la tradition juive. Voir Callirhoé, t. ii, col. 69.

LE SAVOUREUX Eugène, exègète protestant, né à Paimbeuf (Loire-Inférieure), le 2 novembre 1821, mort à Meschers près de Royan (Charente-Inférieure), le 13 juillet 1882. Né catholique, il était devenu protestant et ministre calviniste. On a publié de lui, après sa mort, Études historiques et exégétiques sur l’Ancien Testament, avec une Préface de J.-F. Astié (qui raconte la vie de l’auteur), in-12, Paris, 1887 ; Le prophète Joël, introduction critique, traduction et commentaire, publié d’après les notes d’E. Le Savoureux par A.-J. Baumgartner, in-4°, Paris, 1888. V Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger contient un article de Le Savoureux : Massore, t. viii, 1880, p. 774-786.

    1. LESCALOPIER Pierre##

LESCALOPIER Pierre, jésuite français, né à Paris le 27 octobre 1608, mort à Dijon le 6 août 1673. Après avoir professé les humanités à Charleville et à Pont-à-Mousson, la rhétorique à Reims, il professa pendant treize ans l’Écriture Sainte à Dijon. Il nous reste de lui un pieux et savant commentaire sur les Psaumes : Scholia seu brèves elucidationes in librwni Psalmorum in usum et commodum omnium qui Psalmos cantant vel récitant, ut quse difficilia sunt intellîgant. Adduntur scholia in Cantica Breviarii romani, auctore Stephano Thiroux Societatis Jesusacerdote. Lyon, 1727. Quelquesuns ont cru que l’ouvrage entier était du P. Thiroux, mais l’explication seule des hymnes du bréviaire lui doit être attribuée. P. Bliard.

    1. LÉSEM##

LÉSEM (hébreu : Lésém ; Septante, manque dans l’édition sixtine ; Complute : Aserév ; Alexandrinus : AEeré[/., A^aevêâv), forme particulière du nom de Laïs, appelée depuis Dan, dans Jos., xix, 47, où on la trouve deux fois. Voir Dan 3, t. ii, col. 1240.

    1. LÉTHECH##

LÉTHECH (hébreu : lé(ék), mesure de grains. L’étymologie de ce mot est inconnue. Il n’est mentionné qu’une fois dans la Bible, Ose., iii, 2 : « Je l’achetai (une femme) quinze sicles d’argent, un hômér. d’orge et un léiék d’orge. » Les Septante ont traduit : véêeX oïvou, « une outre de vin ; » la Vulgate : « un demi-cor d’orge. » Josèphe ne cite pas cette mesure dans ses ouvrages. Saint Jérôme, / »  » Ose., i, iii, t. xxv, col.842, se contente de dire : « Pour une outre de viii, on lit en hébreu : léthech seorim, mots que les autres interprètes ont traduit T)(j.(Kopov d’orge, c’est-à-dire la moitié d’un cor, ce qui fait quinze boisseaux. » Dans son Demensuris ac ponderibtis, saint Épiphane, t. xlhi, col. 273, lui attribue aussi la valeur de quinze boisseaux ; selon lui, le mot léthech signifie Eîtapua, « élévation, » parce qu’un jeune homme peut lever quinze boisseaux et les placer sur un âne. Il dit encore qu’on appelle égale ment cette mesure le gomor, ou plutôt le grand gomor, car le petit gomor ne vaut d’après lui que douze boisseaux. Cf. Frd. Hultsch, Metrologicorum scriptorum reliquise, Leipzig, 1864-1866, p. 260-261. Les rabbins ont vu dans le léféh la moitié du hômér et répété les explications de saint Épiphane sur le sens de ce mot, mais de plus ils l’ont assimilé à Vardeb arabe qu’ils appellent ardôb. Waser, De antiquis mensuris Hebrœorum, Heidelberg, 1610, p. 85-87. Partant de cette assimilation et de la valeur relative qui lui est généralement attribuée, M. E. Révillout, dans la Revue ègyptologique, t. ii, 1882, p. 190, voit dans le léfék la mesure hébraïque correspondant, pendant la période des Ptolémées, à la grande mesure thébaine ardeb, qui est la moitié du double ardeb, comme le léthech’est la moitié du cor, mais cette opinion n’est qu’une hypothèse. En tout cas, le léfék ne rentre pas dans le système^ sexagésimal qui est à la base du système des mesures.

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LÉTHECH — LETTRE

190

hébraïques. Saint Jérôme, saint Épiphane et les rabbins n’ont eu, semble-t-il, d’autre raison pour lui attribuer la valeur d’un demi-cor (ou Ifômér) que la position du mot dans la phrase d’Osée. Cette absence de données positives et la djvergence des Septante permettent de se demander si le léték est véritablement une mesure déterminée. S’il l’est et s’il vaut un demi-cor, sa contenance est de 194 lit. 40 ou de 181 lit. 80, selon la valeur qu’on reconnaît au cor.^ Voir Cor, t. ii, col. 955.

F. Martin.

1. LETTRE, caractère d’écriture. Le rabbin Sadaja a compté combien de fois chaque lettre de l’alphabet hébreu est employée dans l’Ancien Testament : s, 42377 ; 3, 38218 ; i, 29537° ; i, 32530 ; ii, 47554 ; i, 76922 ; t, 22867 ; n, 23447 ; b, 11052 ; >, 66420 ; =, 48253 ; ii, 41514 ; ii, 77778 ; 3, 41696 ; d, 13580 ; y, 20175 ; a, 22725 ; s, 21822 ; p, 22972 ; -i, 22148 ; ur, 32148 ; ii, 59343. Dans I. Jaquelot, Dissertations sur l’Existence de Dieu, in-4°, La Haye, 1697, p. 13. Voir Alphabet, t. i, col. 402 ; Écriture, t. ii, col. 1573. Voir aussi le nom de chaque lettre. — Le mot Ypi[i|ia, Mitera, est employé dans le sens de caractère alphabétique, — 1° dans Luc, xxiii, 38, où il est dit que le titre de la croix du Sauveur fut écrit en lettres grecques, latines et hébraïques ; — 2° d’après plusieurs commentateurs, dans Gal., vi, 11, où saint Paul dit : « Voyez avec quels caractères (quelle écriture) je vous ai écrit. » D’autres expliquent ces mots en ce sens : « avec quelle main ferme » ou « quelle longue lettre ». — 3° Dans Rom., ii, 27, 29 ; vii, 6, la « lettre » est opposée à 1’  « esprit ». -*- 4° Dans Joa., vii, 15 ; II Tim., iii, 15, t « ypôjji(iona désignent la Sainte Écriture. —5° Dans Act., xxvi, 21, cette même expression signifie la science, les connaissances humaines consignées dans des écrits. — 6° Enfin « lettre » se dit d’un écrit quelconque, Luc, xvi, 6, et spécialement d’une missive. Act., xxviii, 21.

2. LETTRE MISSIVE (hébreu : sêfér, II Sam. (Reg.), xr, 14-15 ; I (III) Reg., xxi, 8, 9, U ; II (IV) Reg., x, 1-7 ; xix, 14 ; xx, 12 ; II Par., xxxii, 17 ; etc., miketâb, Il Par., xxi, 12 ; Esther, viii, 13 ; ’igérét, 1 Esd., v, 6 ;

II Esd., ii, 7-9 ; Esther, ix-26-29 ; niStevân, I Esd., iv, 7, 18. Septante : piê).iôv, II Reg., xi, 14, 15 ; III Reg., xxi, 8-9, ii, etc. ; Ypâçm, II Par., xxi, 12 ; àx-uypoeçov, Esther, vm, 13 ; imaxo).^, II Par., xxx, 1 ; Act., xv, 30 ; xxin. 25, etc. ; Vulgate : Epistola, II Reg., xi, 14-15 ; II Par., xxxii, 17, etc. ; Act., xv, 30 ; xxiii, 26, etc. ; littéral. IV Reg., x, 1-7 ; xix, 14 ; II Par., xxi, 12, etc.), communication envoyée par écrit à un correspondant.

I. Lettres missives chez les Juifs. — 1° Dans l’Ancien Testament. — La première lettre dont il soit question dans la Bible est celle que David envoya à Joab et dans laquelle il lui ordonnait de placer Urie à un poste où il dût trouver la mort. Urie lui-même fut chargé par le roi de remettre cette lettre. IIReg., xi, 14. On comprend trop pourquoi David n’avait pu faire transmettre oralement cet ordre. La réponse constatant l’exécution fut faite de vive voix. — C’est la même nécessité du secret qui explique l’envoi de la lettre par laquelle Jézabel demandait aux anciens et aux magistrats de Jezrahel un faux témoignage contre Naboth, afin de le faire condamner à la lapidation et de s’emparer de sa vigne. La reine scella la lettre du sceau de son mari, le roi Achab.

III Reg., xxi, 8. Du même caractère sont les lettres de Jéhu réclamant des chefs d’Israël, des anciens et des gouverneurs des fils d’Achab, le massacre des soixante-dix fils de ce roi. IV Reg., x, 1-7, Dans des conditions différentes, le prophète Êlie envoya une lettre au roi Joram, pour lui annoncer que Dieu le châtierait de son impiété et de ses crimes. II Par., xxi, 12. Ézéchias écrivit à Éphraïm et à Manassé pour les engager à venir faire la Pàque à Jérusalem. II Par., xxx, 1. À l’époque de la captivité appartient la lettre de Jérémie aux exilés de Babjlone. Jer., xxix, 1-32. Il y est fait mention

d’une autre lettre envoyée par le faux prophète Séméia, au peuple de Jérusalem et aux prêtres. Jer., xxix, 27-29. Jusqu’à cette époque le terme usité dans la Bible pour désigner une lettre est celui de sêfér, (iiëXîov, « libelle, » ou mikpâb, Y, oâp ?), « écriture, » et c’est le contexte seul qui montre qu’il s’agit d’une lettre missive.

II est quelquefois fait mention du sceau qui sert à lui. donner un caractère d’authenticité et à empêcher qu’elle ne soit lue par d’autres que par le destinataire.

III Reg., xxi, 8. Après la captivité, nous voyons apparaître des termes plus précis et empruntés à la langue des peuples avec lesquels les Juifs étaient en relations. Tels sont le mot’igérét emprunté à l’assyrien ou au persan et le mot d’origine persane nisfevdn. Mardochée et Esther écrivirent aux Juifs dispersés dans les 127 provinces du royaume perse, pour les inviter à célébrer la fête des Phurim, en souvenir de leur délivrance et du châtiment d’Aman. Esther, ix, 27, 29-30. De l’époque des Machabées datent la lettre des habitants de Galaad à Judas pour lui demander des secours contre les peuples voisins. I Mach., v, 10-14. La Bible ne nous donne aucun renseignement surla matière qu’employaient les Juifs pour leurs lettres missives. Il est vraisemblable qu’ils se servaient des mêmes que les peuples avec lesquels ils étaient en relations aux diverses pê~ riodes de leur histoire.

2° Lettres dans le Nouveau Testament. — Le Nouveau Testament ne mentionne aucune lettre de Notre-Seigneur. La lettre à Abgar, roi d’Édesse, est apocryphe. Voir ABGAR, t. i, col. 37. Cf. Dictionnaire d/archëologie et de liturgie, t. i, col. 87. Dans les Actes, xv, 23-29, se trouve une lettre des Apôtres, écrite après le concile de Jérusalem, aux chrétiens d’Antioche et de Cilicie.

— Les Juifs de Jérusalem étaient en correspondance avec les communautés de la dispersion. C’est pourquoi lorsque saint Paul vint à Rome, ses compatriotes lui dirent qu’ils n’avaient pas reçu de lettres à son sujet » Act., xxviii, 21.

Les Épltres des Apôtres sont rédigées à la manière des lettres ordinaires. Elles commencent, à l’exception de l’Épître aux Hébreux et de la première Épltre de saint Jean, par le nom de ceux qui les ont écrites, et leur salut aux destinataires ; ce salut est un souhait de grâce et d3 paix au nom de Jésus-Christ. Rom., 1, 1-7 ; I Cor., i, 13 ; II Cor., i, 1-2 ; Gal., i, 1-5 ; Eph., i, 1-2 ; Phil., 1, 1-2 ; Col., i, 1-2 ; IThess., i, l ; II Thess., i, 1-2 ; I Tim., i, 1-2 ; II Tim., i, 1-2 ; Tit., i, 1-4 ; Phil., i, 1-3 ; Jac, I, 1 ; I Pet., i, 1-2 ; II Pet., i, 1-2 ; II Joa., 1-3 ; III Joa., 1 ; Jud., 1-2 L’auteur aborde ensuite le sujet qu’il veut traiter. Il parle à la première personne tantôt au singulier, tantôt au pluriel. Dans les lettres profanes que nous possédons, dans celles de Cicéron, par exemple, les deux nombres sont de même indifféremment usités. Lorsque le rédacteur de la lettre a terminé ce qu’il veut dire, il conclut par denouvelles salutations à ses correspondants. Comme celles du début, ce sont des bénédictions et des prières. Rom., xvi, 1-27 ; I Cor., xvi, 19-24 ; II Cor., xiii, 13 ; Galat., vi, 18 ; Eph., vi, 23-24 ; Phil., iv, 20-23 ; Col., iv, 18 ; 1 Thess., v, 25-28 ; II Thess., iii, 17-18 ; I Tim., vi, 21 ; II Jim., iv, 18-22 ; Tit., iii, 15 ; Phil., i, 23-25 ; Heb., xiii, 20-25 ; I Pet., v, 12-14 ; II Pet., iii, 18 ; II Joa., 13 ; III Joa., 14 (grec, 15) ; Jud., 20-25. Souvent aux salutations de l’auteur sont jointes celles de ceux qui sont en ce moment auprès de lui. Rom., xvi, 16-21-23 ; I Cor., xvi, 19-20 ; II Cor., xiii, 12 ; Phil., iv, 22 ; Col., iv, 7-14 ; Phil., 24 ; Heb., xiii, 24 ; I Pet., V ; 13 ; II Joa., 13 ; III Joa., 14 (grec, 15). Les Apôtres se servaient de secrétaires pour écrire leurs Épitres ; plusieurs d’entre eux sont nommés, ce sont Tertius, pour saint Paul, Rom., xvi, 22 ; Silvain, pour saint Pierre. I Pet., v, 12. Voir Silvain, Tertius. Saint Paul ajoute parfois une phrase écrite de sa propre main ; ce salut

autographe est sa signature. I Cor., xvi, 21 ; Col., iv, 18 ; II Thess., iii, 17. L’Épitre aux Galates est écrite de sa propre main, d’après le sens le plus naturel de la phrase ; il fait remarquer la grosseur des caractères. Gal., VI, 11. Une fois, le secrétaire ajoute son salut à celui de l’Apôtre. Rom., xvi, 22. Les Apôtres faisaient porter leurs lettres par leurs disciples ; il est plusieurs fois question dans les Actes et dans les Épttres de ces envoyés. Jude, Barsabas et Silas sont chargés, avec Paul et Barnabe, de la missive de l’Assemblée de Jérusalem aux chrétiens d’Antioche et de Cilicie. Act., xv, 22, 27. Tychique porta l’épître aux Éphésiens, Eph., i, 21 ; et avec Onésime, celle aux Colossiens. Col., IV, 7-8. — Nous n’avons aucun renseignement sur la matière dont se servaient les Apôtres. Ils usaient, selon toutes les vraisemblances, de papyrus ou de parchemin comme le faisaient les Grecs et les Romains de leur temps. Saint Jean mentionne seulement l’encre et le roseau avec lesquels 11 écrit. III loa., 13. Cf. J. Marquardt, La Vie privée des Romains, trad. fr., t. h (Manuel des antiquités romaines de Th. Mommsen et J. Marquardt, t. xv), in-8°, Paris, 1893, p. 476-498.

II. Les leitres missives chez les peuples en relations avec les Juifs. — 1° Égyptiens. — L’usage de

émanent de rois de l’Asie occidendale, d’autres d’officiers égyptiens gouverneurs de villes dont plusieurs sont nommés dans la Bible, par exemple, Gébal ou Byblos. À Guide to ttie Babylonian and Assyrian anliquities (British Muséum), in-8°, Londres, 1900, p. 160. n. 12-25 ; p. 164, n. 45 ; voir Gébal 1, t. iii, col. 138 ; Tyr, p. 162, n. 28-31, voir Tïr ; Accho, p. 162. n. 32 ; voir Accho, t. i, col. 108 ; Gézer ou Gazer, p. 165, n. 49-51, voir Gézer, t. iii, col. 126 ; Ascalon, p. 165, n. 52-54 ; Gaza et Joppé, p. 166, n. 57 ; cf. p. 167, n. 71, voir Gaza, t. iii, col. 118 ; Joppé, t. iii, col. 1631 ; voir Lacbis, col. 13 ; A. Delattre, Proceedings of the Society of Biblical Archeeology, t. xiii, 1891, p. 319. Cf. ïbid., p. 215, 219, 233, 317, 322, d’autres lettres où il est question de la Palestine et des pays environnants. Quelques lettres sont relatives aux guerres du roi de Jérusalem, Abdikhipa contre les chefs des cités voisines, Zimmern, Palâstina um der Jahr 1400 n. Ch. nach neuen Quellen, dans la Zeitschrift des deustchen Palâstina Vereins, t. xiii, 1890, p. 142. Une lettre d’un gouverneur d’un district de Palestine est adressée aux rois de Canaan, À Guide, p. 166, n. 58. Les lettres de Tell el-Amarna contiennent des gloses où l’on rencontre souvent des mots palestiniens pour expliquer leurs

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53. — Scribes égyptiens. Saqara, V dynastie. D’après Lepsius, Denkmàler, Abth. II, pi. 62.

la lettre missive date de la plus haute antiquité chez les Égyptiens. Les monuments nous représentent des scribes occupés â plier des lettres et à les cacheter (fig. 53). Lepsius, Denkmàler aus Aegypten, in-f°, Berlin, 18501858, t. H, pi. 9, 51, 56 a bis. Un grand nombre de ces lettres existent dans les musées ; ce sont des rouleaux de papyrus, liés d’un cordon et cachetés d’un sceau d’argile. Letronne, Papyrus grecs du Louvre, in-4°, Paris, 1838, p. 408. Au dos sont inscrits des noms propres, accompagnés de titres religieux ou civils. Le roi et les fonctionnaires faisaient parvenir ces missives par des courriers réguliers, les riches employaient dans le même dessein leurs esclaves, les pauvres attendaient une occasion. La lettre contenait d’abord le nom de celui qui écrivait, puis un hommage au destinataire et des souhaits religieux. Le contenu propre de la lettre était précédé de ces mots : « il y a que. » Elle se terminait par un salut. Ces formules pouvaient s’allonger à volonté. Le style épistolaire était cultivé par les Égyptiens à un si haut degré qu’il était devenu un genre littéraire et que plusieurs traités ont été rédigés en forme de lettres. G. Maspero, Du genre épistolaire chez les anciens Égyptiens, in-8°, Paris, 1872 ; A. Lincke, Beitrâge zur Kentniss der altâgyptischen Briefliteratur, in-8°, Leipzig, 1879. En 1887, on a découvert à Tell el-Amarna, dans la Haute Egypte, environ 320 lettres ou fragments de lettres adressées principalement à Aménophis III et à son fils Aménophis IV, vers 1508-1450 avant J.-C. Ces lettres sont écrites en caractères cunéiformes et pour la plupart en babylonien. Un certain nombre de ces lettres

équivalents babyloniens. Elles commencent toutes par des formules de salutations qui varient suivant les personnages qui les écrivent. Les rois appellent le roi d’Egypte leur frère et lui envoient leurs compliments à lui, à ses femmes, à ses parents et leurs sincères félicitations au sujet de ses chevaux et de ses chars. Les gouverneurs ou les autres officiers royaux se proclament la poussière de ses pieds, le sol qu’il foule, et se précipitent sept fois aux pieds de leur seigneur, soleil du ciel, en se roulant sur le ventre et sur le dos. C’était donc un échange perpétuel de lettres entre les petits souverains voisins ou vassaux du roi d’Egypte et ce prince. La correspondance des rois d’Ethiopie se faisait sur papyrus et en égyptien, celle des rois d’Asie en caractères cunéiformes et sur des tablettes d’argile séchée. Les scribes de la cour égyptienne traduisaient ces dépêches. Les courriers auxquels on confiait les lettres étaient de très petits personnages, mais pour les missives importantes on avait recours aux messagers du roi, qui portaient les titres de messagers pour les régions du midi ou pour les régions du nord, selon qu’ils connaissaient les langues de l’Afrique ou celles de l’Asie. Quelques-uns s’appelaient messagers pour toute contrée. Le roi d’Egypte leur confiait parfois des pouvoirs très étendus. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, in-4°, Paris, 1897, t. ii, p. 275-276. Voir Courrier, t. ii, col. 1089 ; British Muséum, a Guide to the Babylonian and Assyrian antiquities, in-8°, Londres, 1900, p. 153-168, n. 1-86 ; Winckler-Abel, Der Thontafelfund von El Amarna,

im Umschrift und Vebersetzung mit Anmerkungen, in 8°, Berlin, 1896. La traduction en français de ces lettres a été publiée par J. Halévy, dans le Journal asiatique, t. xvi-xx, 1890-1802, et Revue sémitique, 1. 1 et II, 1899-1894, et par Delattre, dans les Proceedings of the Society of Biblical Archseology, t. xm-xv, 1891-1893. Cf. Delattre, La correspondance asiatique d’Aménophis III et d’Amenophis IV, dans la Revue des questions historiques, t. liv, 1893, p. 353-388.

2° Assyriens, Babyloniens et Syriens. — La Bible mentionne une’lettre de Sennachérib à Ézéchias. Elle n’en donne pas le contenu, mais dit qu’elle fut portée par des messagers. IV Reg., xix, 14. Le roi de Babylone, Mérodach-Baladan, envoya également par des mes 64. — Lettre assyrienne’eDfermée dans son enveloppe. D’après une photographie.

sagers à Ézéchias une lettre à l’occasion de sa maladie. IV Reg., xx, 12. Il est aussi question d’une lettre de Bénadad, roi de Syrie, à Joram, roi d’Israël, pour lui demander la guérisondeNaaman, général de son armée. IV Reg., v, 5-7.

L’organisation de messageries chez les Assyriens paraît remonter aux temps les plus reculés. On a découvert à Tell-Loh des monceaux de briques portant le sceau de Sargon I er, des marques de petites cordes et, sur la surface extérieure, à côté du sceau royal, les noms des gens à qui étaient adressés les messages. M. H. V. Hilprecht a trouvé à Nippour une lettre proprement dite qu’il fait remonter à 2300 avant J.-C. ; elle est scellée et adressée à Lustamar et encore renfermée dans son enveloppe, fig. 54. Die Ausgrabungen im Bêl-Tempel zu Nippur, in-8°, Leipzig, 1903, p. 62. On a découvert un certain nombre de lettres qui remontent à environ l’an 2200. Elles datent des règnes d’Hammourabi et de ses successeurs. Ces lettres sont écrites sur des tablettes oblongues d’argile. Quand elles avaient été écrites, on les enfermait dans une enveloppe également de brique, après

DICT. DE LA BIELE.

les avoir saupoudrées de poussière de la même matière, pour empêcher le contact. L’enveloppe extérieure assurait le secret de la lettre et portait le nom et l’adresse du destinataire. Au moment de la découverte, quelques-unes de ces lettres étaient encore dans leur enveloppe et par conséquent n’avaient pas été lues. British Muséum, A Guide, p. 114. Les tablettes sont écrites en caractères cursifs et réglées horizontalement avec un stylet. Chacun des rois faisait écrire ses lettres par un seul scribe, car elles sont toutes de la même main pour le même prince. La plupart de ces messages se rapportent à l’administration de l’empire, mais il y a aussi des lettres de particuliers et les détails qui sont donnés sur les affaires commerciales et sur les incidents de la vie privée, prouvent que l’usage des lettres missives était courant. Les particuliers avaient aussi recours à des scribes, à qui ils dictaient leurs lettres. Les dépêches de cette collection sont d’un style bref et les formules initiales ou finales qu’on trouve dans celles de Tell el-Amarna ne s’y rencontrent pas. L. W. King, The letlers and despatches of Hammurabi, together with other officiai and private correspondance, in-8°, 1898-1900. Dans Luzac’s Semitic Text and translation séries, t. ii, m et viii, voir en particulier, t. viii, 1900, introduction, p. xxi-xxiv ; British Muséum, À Guide, p. 114, 118-124, n. 36-105. Une autre collection de lettres trouvées à Koyoundjik date des temps de Sennachérib, d’Asarhaddon et de ses fils. Elles se rapportent elles aussi à des affaires publiques et privées. On y rencontre quelques longues formules de salut au début et quelquefois une courte salutation à la fin. R. F. Harper, Assyrian and Babylonian letlers belonging lo the Koyoundjick colection of the British Muséum, in-8°, Chicago, 18921900 ; British Muséum, À Guide, p. 56-63, n. 104-105 ; Fr. Martin, Lettres assyriennes et babyloniennes, dans la Revue de l’Institut catholique, 1901, p. 403-443. 3° Perses. — Les rois de Perse communiquaient leurs instructions parlettres.il est question dans le livre d’Esther de dépêches envoyées par Assuérus aux satrapes, aux gouverneurs des cent vingt-sept provinces de son empire, pour signifier à ses officiers la permission accordée aux Juifs par les rois de se rassembler, pour défendre de les attaquer et de piller leurs biens. Ces lettres contenaient une copie de l’édit du roi en faveur des Juifs. Elles étaient écrites par les scribes ou secrétaires du roi dans la langue de chacune des provinces et pour les Juifs en écriture et en langue hébraïques. Esth., viii, 9-13. Elles étaient scellées avec l’anneau du roi. Esth., viii, 10. Des courriers montés sur des chevaux et des mulets portèrent ces lettres à leur destination. Esth., viii, 10, 14. Voir Courrier, t. ii, col. 1089.

— Lorsque les Juifs à la suite de l’édit de Cyrus reconstruisirent Jérusalem, les chefs des colons établis dans ce pays écrivirent aux rois de Perse, Assuérus et Artaxerxès, pour se plaindre d’eux. I Esd., iv, 6-23. La lettre écrite à Artaxerxès fut transcrite en langue et en caractères araméens. I Esd., iv, 7. Une autre missive fut envoyée par le gouverneur pour informer Darius des travaux entrepris et lui demander si réellement un édit de Cyrus avait donné l’autorisation dont se prévalaient les Juifs. I^Esd., v, 6-17. Le roi leur répondit affirmativement. I Esd., vi, 6-12. Un peu plus tard Artaxerxès écrivit à Esdras pour lui confirmer l’autorisation donnée par ses prédécesseurs. I Esd., vii, 21-26. Dans la transcription de ces lettres la Bible abrège les préambules. Josèphe, Ant. jud., XI, i, 3 ; ii, 1, 2, 8 ; m, 7 ; iv, 9 ; v, l, publie aussi toute cette correspondance à laquelle il ajoute quelques autres lettres. L’étiquette demandait que les lettres fussent fermées, c’est pourquoi Néhémie, II Esd., vi, 5, mentionne comme une impolitesse le fait que Sanaballat lui envoie une lettre ouverte par son serviteur. Néhémie avait fait placer dans la bibliothèque, où il conservait les Livres Saints,

IV. - 7

les lettres des rois, c’est-à-dire les édits de Cyrus, de Darius et d’Artaxerxès, autorisant les Juifs â reconstruire Jérusalem et le temple. II Mach., ii, 13.

4° Grecs. — Le roi de Sparte Arius écrivit au grandprêtre Onias une lettre dans laquelle il qualifiait les Juifs de frères des Spartiates. I Mach., xii, 7. Une autre lettre fut adressée par les magistrats de Sparte à Simon. I Mach., xiv, 20-25. Voir Arius, t. i, col. 965 ; Lacédémoniens, col. 7. Il est aussi fréquemment question de lettres envoyées par les Séleucides ou par leurs officiers. Alcime écrit à ses partisans pour les exhorter à s’emparer de Jonathas. I Mach., IX, 60. Démétrius I er Soter écrit à Jonathas pour faire la paix avec lui. I Mach., x, 3. Le roi Alexandre fait de même.

I Mach., x, 17. Les lettres de Démétrius à Jonathas sont citées intégralement. I Mach., xi, 29-37 ; xiii, 35-40. Il en est de même de la lettre d’Antiochus V Eupator aux Juifs, II Mach., ix, 19-27 ; de celle de Lysias aux Juifs,

II Mach., xi, 16-21, et de celles d’Antiochus V à Lysias, xi, 22-25 et aux Juifs, 26-33. Ces lettres commencent par une salutation très courte, par exemple : « Le roi Alexandre à son frère Jonathas, salut, » I Mach., x, 17 ; .xi, 29 ; xiii, 35 ; II Mach., xi, 16, 22 ; « Aux excellents citoyens Juifs grand salut, portez-vous bien et soyez heureux, le roi et prince Antiochus. » II Mach., ix, 19. Parfois il y a une salutation finale : « Portez-vous bien. » II Mach., xi, 21, 33. Quelques-unes sont datées après ce dernier mot. II Mach., xi, 21, 33. Une seule lettre émane des Lagides, celle de Ptolémée VII Physcon à Antiochus VII Sidète, pour lui demander des secours contre Jean Hyrcan. I Mach., xvi. Josèphe, Ant. jud., XII, iv, 10, nous donne quelques détails sur la lettre d’Arius. Elle commence par le salut ordinaire. Elle était écrite en caractères carrés et le sceau représentait un aigle, supporté par un dragon. Le même historien donne le texte de lettres échangées entre les Ptolémées et divers correspondants relativement aux affaires de Palestine : lettres de Ptolémée II Philadelphe et d’Éléazar, au sujet de la traduction des Septante, Josèphe, Ant. jud., XII, ii, 4-5 ; lettre d’Antiochus III le Grand à Ptolémée IV Philopator, XII, iii, 3 ; du même à Xeuxis, gouverneur de Phrygieetde Lydie, XII, iii, 4 ; d’un certain Josèphe aux Alexandrins, XII, iv, 8 ; d’Alexandre à Jonathas, XIII, ii, 2 ; d’Onias à Ptolémée et à Cléopâtre, XIII, ii, 4 ; réponse de Ptolémée à Onias, XIII, iii, 2 ; lettre de Démétrius à Jonathas, XIII, iv, 9 ; lettre de Jonathas aux Lacédémoniens, XIII, v, 8. Les salutations placées en tête de ces lettres sont courtes et simples comme celles qui sont dans les lettres de la Bible. Nous n’avons pas ici à discuter l’authenticité de ces documents.

Le musée du Louvre possède un certain nombre de lettres écrites sur papyrus et datant de l’époque des Ptolémées, qui nous donnent une idée exacte de la façon dont étaient rédigées les lettres missives à cette époque et de leur forme matérielle. Théod. Deveria, Catalogue des manuscrits égyptiens, in-12, Paris, 1881, p. 234-248, xiv, 3, 5, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 16-27, 29-40. Les n. xiv, 34-36, sont des billets roulés et fermés par un fil de papyrus sur lequel était appliqué le cachet. Le nom du destinataire est écrit au verso, comme dans la lettre du n » 34 (inventaire n » 2366) adressée par Sarapion le 21 d’épiphi de l’an 28 de Philométor (145 avant J.-C.) à Ptolémée et à Apollonius (fig. 55).

5° Romains. — Les livres des Machabées citent plusieurs lettres émanant de magistrats romains. Ce sont 1° la lettre de Lucius, adressée au roi Ptolémée VII Physcon et à tous les peuples en relations avec les Juifs, pour leur demander leur bienveillance envers ce peuple, devenu allié de Rome. I Mach., xv, 16-23. Voir Lucius ; 2°la lettre des légats Q.MemmiusetT.Maniliusaux Juifs pour confirmer les concessions faites par Lysias’et Antiochus V Eupator. II Mach., xi, 34-38. L’une et l’autre commencent par le salut ordinaire, la seconde seule se

termine par les mots : « portez-vous bien, » suivis de la date. — Dans les Actes, xxiii, 26-30, est insérée une/ lettre du tribun Claudius Lysias au procurateur Félix, pour lui annoncer qu’il lui envoie saint Paul, qu’il vient de faire arrêter. Voir Lysias ; Félix, t. ii, col. 2186.

6° Lettres de recommandation. — Les chrétiens recommandaient à la charité de leurs frères ceux d’entreeux qui allaient dans une autre ville où se trouvait une communauté chrétienne. C’est ainsi qu’Aquila et Priscille donnèrent à Apollo une lettre pour les chrétiens d’Achaïe. Act., xviii, 27. Saint Paul, II Cor., iii, 1, lait allusion à ces lettres : « Où avons-nous besoin, dit-il, comme quelques-uns, de lettres de recommandation auprès de vous ou de votre part ? C’est vous qui êtes notre lettre, écrite dans vos cœurs, connue et lue de tous les hommes. » Les Pères des premiers sièclesiont souvent mention de ces lettres de recommandatioa et l’usage en a persisté jusqu’à nos jours pour les prêtres ; on les appelle litterse testimoniales.

E. Beurlier.

    1. LEUSDEN##

LEUSDEN, orientaliste hollandais, né à Utrecht le 26 avril 1624, mort dans cette ville le 30 septembre 1699. Après avoir étudié les langues orientales à’l’universitéd’Utrecht, d’abord et à Amsterdam ensuite, il fut nommée le 2 juillet 1650, professeur d’hébreu à l’université desa ville natale. li occupa sa chaire jusqu’à sa mort, sans ; autre interruption qu’un voyage en Allemagne, en France et en Angleterre, où il aila recueillir des documentspour ses travaux. On a de lui : Jonas illustratus, hebraicechaldaice et latine, in-8°, Utrecht, 1656 ; Joël explicatus ; adjunctus Obadias illustratus, in-8°, Utrecht, 1657 ; . Onomastieum sacrum, in quo omnia nomina propria hebrsea, chaldaica, grxca et origine latina tum in Velere quam in Novo Testamento occurrentia explicantur, in-8°, Utrecht, 1665, 1684 ; Philologus hebrseus, continens qusestiones hebraicas quse circa Vêtus Testamentum hebrseum moveri soient, in-4°, Utrecht, 1656, 1672, 1695 ; Amsterdam, 1686 ; Philologus hebrseo-mixtus, in quo qusestiones mixtx scilicet de versione Vulgata, de versione Septuaginta interpretum, de Paraphrasibus chaldaicis, de variis Judssorum sectis et de aliis multis rébus prpponuntur, in-4°, Utrecht, 1663 ; Leyde, 1682, 1699 ; Philologus hebrseo-grsecus, in quo qusestiones hebrœo-grsecie, cirea Novum Testamentum gi’iecum moveri solilse enodantur, in-4°, Utrecht, 1670 ; Leyde, 1685, 1695 ; les trois Philologus ont été réimprimés ensemble, 3 in-4°, Bâle, 1739 ; Pirke Aboth, sive tractatus-. talmudicus, cum versione hebraica duorum capitum chaldaicomm Danielis, in-4°, Utrecht, 1665 ; 2= édit. r 1675, augmentée de plusieurs autres chapitres de Daniel «  et d’Esdras, traduits en hébreu, etc. ; Manuale hebrxolalino-belgicum, in-12, Utrecht, 1668 ; Grammatica hebrseo-belgica, in-12, Utrecht, 1668 ; Clavis hebraica et philologica Veteris Testamenti, in-8°, Utrecht, 1683 ; Clavis grœcaNovi Testamenti, in quo et themata Novi Testamenti secundum ordinem librorum referuntur, et ejusdem dialecti, hebraismi ac rariores constructiones explicantur, necnon variée observationes philologicse, antiquitates item sacrée et profanée annotantur, in-8°, Utrecht, 1672 ; Libellus de dialectis Novi Testamenti, singulatim hebraismis, extrait du Philologus hebreeogreecus, par J. F. Fischer, in-8°, Leipzig, 1754, 1792 ; Compendium grsecum Novi Testamenti, in quo 1829 versiculi qui continent omnes et singulas totius Novi Testamenti voces asteriscis sunl annotati et a cgeteris versiculk distincti, in-8°, Utrecht, 1674 ; in-12, . 1677 ; in-8°, 1682 ; 1762 (la plus correcte de toutes) ; Compendium biblicum, in quo ex versiculis 23602 totius Veteris Testamenti, circiter bis mille tanty/m versiculi hebraice et latine sunt annotati et allegati, in quibus omnes universi Veteris Testamenti voces primitivse et derivatee, tant hebraicee quam chaldaicse, occurw.nl, quo omnes, sub Leusdenii prsesidio et ductione collegit

D. Daniel Van Vianen Vltrajectensis, in-8°, Utrecht, 1674 ; Halle, 1736 ; nombreuses éditions ; Psalterium hebraieum, hebrxo-latinum, hebrseo-belgicum, in-12, Utrecht, 1667 ; Novum Testamentum greecum, in-24, Utrecht, 1675 ; Biblia hebraïca cum prxfatione, in-8°, Amsterdam, chez Joseph Athias, 166-1 ; 2e édit., ’1661, cum lemmatibus latinis (cette Bible fut regardée comme la meilleure jusqu’à celle de Van der Ilooght en 1705 ; voir Journal des savants, 1707, Supplément, p. 219-238) ; Novum Testamentum syriacum, cum versione latina Tremelln paululum recognita, in-4°, Leyde, 1708 (édition achevée par Charles Schaaf). On doit aussi àLeusden les éditions suivantes : Samuelis Bocharli opéra omnia (avec la collaboration de Pierre Villemondi), 2 in-f », Leyde, 1675 ; 3 in-f°, 1692 ; Martini Pooli Synopsis criticorum, 5 in-f°, Utrecht, 1686 ; Joannis Lightfoot opéra omnia, 3 in-f", 1699. « Leusden, dit’Michel Nicolas dans la Nouvelle Biographie générale, Paris, t. xxxi, 1862, col. 11, n’a été ni un esprit original ni un savant de premier ordre ; mais ses travaux ont été utiles, en rendant plus faciles les études philologiques nécessaires à l’intelligence de l’Ancien et du Nouveau Testament. » — Voir le Journal des savants, 1707, p. 160 ; 1710, p. 141-142 ; C. Burmann, Trajectum eruditum, in-4°, Utrecht, 1738, p. 185-191 ; Laboudène, dans la Biographie universelle, t. xxiv, p. 385 ; Michel Nicolas, dans la Nouvelle Biographie générale, t. xxxi, 1862, col 11.

F. VlGOUROUX.

    1. LEVAIN##

LEVAIN (hébreu : ie’ôr ; chaldéen : ie’ôr, Septante : ïO|jlti ; Vulgate : fermentum ; hébreu : hdmês, ce qui est fermenté, fermentatum), pâte aigrie servant à déterminer la fermentation de la pâte fraîche. — 1° Le levain est une substance déjà fortement ferm entée qu’on ajoute à la pâte dont on veut faire le pain. Aujourd’hui, cette substance est ordinairement la levure de bière. Pline, H. N., XVIII, xi, 26, dit que, de son temps, on faisait lever le pain d’orge avec de la farine de lentille ou de cicerole ou pois chiche. Chez les Hébreux, on se servait communément de lie de vin ou de vin doux pour provoquer la fermentation de la pâte. Cf. Pesachim, iii, 1. Le levain le plus facile à obtenir et le plus habituellement employé chez les anciens était emprunté à de la pâte antérieurement levée. C’était celui qu’on utilisait en Egypte. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, t. i, 1895, p. 320. Pour l’obtenir, on prélève une partie de la pâte déjà préparée pour la cuisson ; au bout de huit à dix heures, dans une enceinte à température assez douce, la fermentation se développe d’elle-même dans cette pâte ; si à plusieurs reprises on l’additionne d’eau et de farine, au bout de quelques heures encore, cette masse se change en levain. On la mélange ensuite à la pâte nouvelle, dans la proportion d’un tiers à une moitié, selon que la température est plus ou moins élevée. La fermentation se produit dans la pâte aux dépens des matières sucrées de la farine ; l’acide carbonique qu’elle dégage rend la pâte poreuse et légère et fait qu’ensuite le pain constitue une nourriture à la fois plus agréable et plus facilement assimilable.

2° Il.est fait plusieurs allusions, dans la Sainte Écriture, à l’effet du levain sur la pâte. Le boulanger chauffe son four en attendant que sa pâte soit levée. Ose., vii, 4. Un peu de levain soulève une masse de pâte. I Cor., v, 6 ; Gal., v, 9. Il faut au levain quelques heures pour qu’il puisse produire son effet. C’est pourquoi les Hébreux, sortis à la hâte de la terre d’Egypte, durent faire cuire des pains sans levain à leur première station. Exod., xii, 39. Ils furent ainsi obligés, dès le début de leur voyage et à peu de jours du premier festin pascal, de se nourrir de pains azymes, comme ils auront à le faire désormais chaque année durant l’octave de la Pâque. Exod., xii, lS.Voir Azymes, t. i, col. 1311. Durant toute cette octave, aucune trace de levain ne devait subsister dans les demeures ni dans tout le pays d’Israël. Exod.,

xii, 19 ; xiii, 7 ; Deut., xvi, 3. Il fallait éloigner toute tentation de violer la loi, en supprimant ce qui servait d’ordinaire à rendre le pain plus agréable. Les docteurs juifs veillèrent à l’accomplissement rigoureux de cette prescription. L’agneau pascal était immolé le 14 nisan, au soir, et alors seulement commençait le temps des azymes. Mais ils voulaient que, dès la nuit précédente, le père de famille inspectât toute sa maison le flambeau à la main, et que tout ce qui était fermenté fût brûlé vers le milieu de la journée. Vers dix heures du matin de ce jour, on prenait le dernier repas avec du pain levé. Cf. Iken, Antiquitates hebraicæ, Brème, 1741, p. 308.

3° La raison principale qui faisait proscrire le pain fermenté dans l’octave de la Pâque et dans la plupart des offrandes, Exod., xxix, 2 ; Lev., ii, 11 ; vii, 12 ; viir, 2 ; Num., vi, 15, était que la fermentation implique une sorte de corruption. Dans les deux passages de saint Paul, I Cor., v, 6 ; Gal., v, 9, la Vulgate traduit Cuptot, « fait lever, » par corrumpit, « corrompt. » Cette idée, du reste, a été familière aux anciens. On n’offrait point aux dieux de pains fermentes, parce qu’on les regardait comme corrompus en quelque manière. Cf. Aulu-Gelle, X, xv, 19 ; Perse, Sat., i, 24 ; Plutarque, Quscst. rom., 109. Les Hébreux n’emportèrent pas de levain d’Egypte, ce qui signifie symboliquement qu’ils laissèrent à l’Egypte sa corruption, sans en prendre rien avec eux quand ils partirent pour le désert. Cf. Bâhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 630, 631. Aux fêtes de la Pentecôte, Lev., xxiii, 17, et dans les sacrifices d’actions de grâces, Lev., vil, 13 ; Ami, iv, 5, on présentait des pains fermentes. Mais ces pains n’étaient pas offerts sur l’autel. Cf. Menachot, v, l ; Siphra, ꝟ. 77, 1 ; Reland, Antiquitates sacrse, Utrecht, 1741, p. 194 ; De Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 370. Il convenait qu’à la Pentecôte, fête destinée à remercier Dieu de la récolte, on présentât devant lui le fruit de la récolte dans l’état où l’homme l’utilisait d’ordinaire, par conséquent sous forme de pain fermenté. Une raison analogue explique l’offrande de pareils pains dans le sacrifice d’actions de grâces. Cf. Bâhr, Symbolik, t. H, p. 372, 650 ; Iken, De duobus panibus Pentecostes, Brème, 1729.

4° Il est à croire que, la plupart du temps, les Hébreux faisaient leur pain sans levain. C’est ainsi que procèdent Abraham et Gédéon vis-à-vis d’hôtes respectables. Gen., xix, 3 ; Jud., vi, 19. Sans doute, dans l’un et l’autre cas, il fallait agir vite. Toujours est-il que les deux personnages n’avaient pas habituellement de levain tout préparé ; car il n’eût pas été plus long de faire des pains levés que des pains azymes. Aujourd’hui encore, c’est la pratique commune en Orient, au moins dans les villages d’Egypte, de Syrie et de Palestine, de pétrir la pâte sans levain et de la faire cuire immédiatement. Les Arabes font aussi leur pain avec de la pâte sans levain, qu’ils se contentent de délayer dans l’eau et d’appliquer ensuite avec le creux de la main sur la cruche qui leur sert de four. Ce pain sans levain ne vaut plus rien le lendemain. C’est seulement quand ils ont besoin d’en conserver plus longtemps et qu’ils ont le temps et la commodité de préparer du levain, qu’ils en mettent dans leur pâte. Cf. de la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 192-194.

5° Dans le Nouveau Testament, le levain représente aussi quelquefois un principe de corruption. Notre-Seigneùr avertit les disciples de se garder du levain des. pharisiens. Les disciples croient d’abord qu’il s’agit du levain avec lequel on prépare le pain. Le Sauveur leur explique que le levain dont il parle n’est autre que la doctrine des pharisiens, leur hypocrisie, leur méchanceté, leur attachement pour les traditions humaines au mépris de la loi de Dieu. Matth., xvi, 6-12 ; Marc., irai, 15 ; Luc, xii, 13. Cette comparaison entre le levain et la mauvaise doctrine était familière aux docteurs juils. Cf. Buxtorf, Lexicon talmud., édit. Fischer, p. 1145. Saint

Paul, après avoir reproché aux Corinthiens l’inceste qui a été commis parmi eux, leur recommande de se débarrasser de tout vieux levain de mal et de méchanceté, afin de célébrer la Pâque du Christ avec les azymes de la pureté et de la vérité. I Cor., v, 7, 8. — Dans une de ses paraboles, Notre-Seigneur mentionne le levain au point de vue de son action sur la masse de la farine : « Le royaume des cieux est semblable à du levain qu’une femme prend et mêle à trois se’âh de farine, jusqu’à ce que le tout soit fermenté. » Matth., nu, 33. Le Sauveur dut reproduire plusieurs fois cette parabole, puisqu’on la retrouve dans saint Luc, xiii, 21, assignée à une autre époque. Le se’dh vaut un tiers du bath ou éphah, soit treize litres. Trois se’dh constituaient la contenance ordinaire d’un pétrin. Gen., xviii, 6 ; Jud., vj, 19 ; 1 Reg., i, 24. Ce nombre n’a donc pis de signification particulière dans la parabole. Le royaume des cieux, c’est-à-dire l’Église, doit, par la prédication évangélique, produire dans le monde un effet analogue à celui du levain dans la pâte : être mêlée à toute l’humanité comme le levain à la pâte ; agir sur elle, malgré sa iaiblesse numérique, comme le levain agit sur la pâte ; produire sur l’humanité une transformation qui la soulève, la transforme, lui donne de la valeur aux yeux de Dieu et l’aide à se conserver en bon état, de même que le levain soulève la pâte, la fait entrer tout entière en fermentation, , lui donne du goût et l’aide à se conserver. Les dernières paroles de la parabole, « jusqu’à ce que le tout soit fermenté, » indiquent que l’Église est destinée à agir sur toute l’humanité, dans l’universalité des temps et des lieux. Il est de toute évidence que, dans cette parabole, le levain ne saurait être pris dans le sens péjoratif qui lui convient dans d’autres passages de la Sainte Écriture. Cf. S. Jérôme, In Evang. Matth., ii, 13, t. xxvi, col. 91, 92 ; S. Augustin, Qusest. evang., i, 12, t. xxxv, col. 1326 ; Knabenbauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 533, 534 ; Jûlicher, Die Gleichnissreden Jesu, Fribourg-en-Brisgau, 1899, t. ii, p. 577-581.

H. Lesêtre.
    1. LEVANT##

LEVANT, partie de l’horizon où le soleil se lève. Voir Cardinaux (Points), t. ii, col. 257.

LÉVI (hébreu : Lêvî ; Septante : Aeue ? ou Aeuî), nom d’un fils du patriarche Jacob, d’une tribu d’Israël et de trois autres Israélites.

1. LÉVI, le troisième fils que Jacob eut de Lia. Gen., xxix, 34. Son nom, comme celui de ses frères, est un jeu de mots provenant de l’exclamation de sa mère lorsqu’elle le mit au monde : « Elle conçut de nouveau et engendra un fils, et elle dit : Maintenant mon mari s’unira (hébreu : yilldvéh) à moi, parce que je lui ai enfanté trois fils. C’est pourquoi elle l’appela du nom de Lêvî. » Gen., xxix, 34. Personnellement, Lévi n’est connu que par un épisode sanglant, raconté Gen., xxxiv. Pour venger l’honneur de sa sœur Dina, il ne craignit pas, avec Siméon, son frère, d’employer la ruse et la cruauté. Au mépris de la parole donnée et de l’alliance contractée, ils surprirent au milieu des douleurs de la circoncision Hémor et Sichem, chefs ehananéens, et leur ville, les mirent à mort, égorgèrent les hommes et emmenèrent en captivité les femmes et les enfants après avoir tout pillé et dévasté dans les maisons et dans les champs. Jacob adressa à Ses fils de durs reproches : « Vous m’avez troublé, leur dit-il, et vous m’avez rendu odieux aux Chananéens et aux Phérézéens, habitants de cette terre. Nous sommes peu nombreux ; , ils se rassembleront et me frapperont, et je serai détruit, moi et ma maison. » Gen., xxxiv, 30. C’est sans doute parce que cette considération devait-produire le plus d’impression sur les coupables que le patriarche la tait valoir. Elle n’exclut pas l’horreur que dut lui inspirer le crime de ses enfants, comme on peut en

juger d’après les paroles de la Bénédiction. Gen., xlix, 5-7. Voir LÉvi 2. Lévi est le père de la tribu qui porte son nom. Ses fils furent Gerson, Caath et Mérari.

Gen., xlvi, 11 ; I Par., vi, 1.

A. Legendre.

2. LÉVI (TRIBU DE), une des tribus d’Israël, spécialement consacrée au culte religieux. Nous en examinerons le nom et l’origine, la division et les fonctions, les droits et les privilèges, et enfin l’histoire. Par là même se trouveront éclaircies plusieurs difficultés soulevées par l’école critique contemporaine.

I. Nom. — La Genèse, xxix, 34, interprète le mot rh, Lèvîj dans le sens de « . uni, attaché ». La racine

rnb, lâvdh, est employée, à la forme niphal, avec la

signification de « adhérer, s’attacher à quelqu’un », dans Isaïe, lvi, 3, 6, et Ps. lxxxii (hébreu, lxxxiii), 9. Dans les Nombres, xviii, 2, les Lévites sont représentés comme « attachés » (illdvû) à Aaron, , le grand-prêtre. Leur nom patronymique exprime ainsi en même temps leurs fonctions de ministres sacrés. Mais certains exégètes ne voient là qu’un procédé artificiel, au moyen duquel le patriarche Lévi eût été appelé ainsi à une date postérieure à l’organisation de la tribu. Lévi n’eût donc été à l’origine ni un nom d’homme ni un nom patronymique, mais un qualificatif indiquant une fonction ou une « attache » quelconque à une institution. De cette façon P. de Lagarde, Orientalia, Gœttingue, 1880, t. ii, p. 20 ; Mittheilungen, Gœttingue, 1887, t. î, p. 54, ’prend les Lévites pour les Egyptiens qui se joignirent aux Sémites lorsque ceux-ci quittèrent la contrée du Nil pour rentrer en Asie. Cf. Exod., xii, 38 ; Num., xt, 4. Voir aussi E. Renan, Histoire du peuple d’Israël, Paris, 1887, t. i, p. 149. Cette hypothèse est non seulement contredite par le texte sacré, mais elle manque de toute vraisemblance ; on ne peut admettre que les Israélites, avec leur amour-propre national, aient confié à des étrangers un ministère aussi important que celui du sacerdoce. — Maybaum, Die Entwickelung des altisrælitischen Priesterthums, Breslau, 1880, p. iv, s’élevant contre l’opinion de P. de Lagarde, conclut de l’étymologie de làvàh que les Lévites portaient ce nom en leur qualité de « clients du temple ». Il est sûr que le participe lôvèh, « emprunteur, débiteur, » et, si l’on veut, « client, » a pour corrélatif malvéh, « prêteur, créancier » ou « patron ». Cf. Prov., xxii, 7 ; Is., xxiv, 2, etc. Mais le lévite n’est jamais nommé lôvéh, ni le temple malvéh. — Baudissin, Geschichte des alttestamentlichen Priesterthums, Leipzig, 1889, p. 50, s’appuyant sur Num., xviii, 2, 4, prétend que les Lévites, appelés à « s’adjoindre » aux prêtres, ne devaient pas par là même leur vocation à leur naissance. Outre que cette conclusion pèche contre la logique, elle est condamnée par le texte biblique lui-même, où nous voyons Dieu présenter les Lévites à Aaron comme « ses frères, la tribu de Lévi, la race de son père ». L’auteur sacré marque simplement ici la supériorité des enfants d’Aaron sur les autres membres de la famille de Lévi, de même que la priorité de leur vocation et de leur consécration. Baudissin, ibid., p. 72, n’est pas plus heureux en expliquant l’hébreu Leviim par « les attachés » ou « l’escorte de l’arche ». Être attaché à l’arche ou former son escorte n’était pas le privilège exclusif des Lévites, les prêtres tenaient de plus près au symbole sacré. Accompagner l’arche ne fut, du reste, qu’une fonction transitoire. Après l’établissement des Hébreux dans le pays de Chanaan, les anciens leviim étaient devenus des kôhanîm ou € prêtres ». Comment ce dernier nom n’aurait-il pas supplanté le premier, donnant ainsi naissance à la tribu des Kôhanîm et au patriarche Kôhên plutôt qu’à celle des Leviim et au patriarche Lêvî ? — F. Hommel, Aufsàtze und Abhandlungen, Munich, 1893, p. 30 ; Die altisrælitische Ueberlieferung, Munich, 1897, p. 278, fait

un rapprochement intéressant avec certaines inscriptions minéennes trouvées par Euting à el-Ola, au nord de Médine, et où il est question de personnes appartenant au Dieu Wadd, désignées sous le nom de lawi’u, féminin, lawVat, « prêtres, prêtresses. » Le rapport de ces mots avec l’hébreu lévi est accepté par Mordtmann, Beitrâge zur tninâiscken Epigraphik, Weimar, 1893, p, 43, et Sayce, Early history of the Hebrews, Londres, 1897, p. 80. Mais en admettant que telle soit leur signification exacte, leur emploi n’est pas conforme à celui de lêvî. Si l’on peut dire : « le prêtre, la prêtresse de Wadd, » on ne trouve nulle part dans l’Ancien Testament : « le lévi de Jehovah. » L’idée de « prêtre » est exclusivement représentée en hébreu par kôhên. S’il y a eu emprunt, c’est plutôt du côté des Minéens, emprunt qui s’expliquerait par l'établissement de colonies israélites dans le pays. — Wellhausen, Prolegomena zur Geschichte lsræls, Berlin, 1899, p. 146, prétend que Lêvi est simplement le nom ethnique dérivé de Lé'dh (Vulgate : Lia). Tel est aussi le sentiment de Stade, Lea und Rahel, dans la Zeitschrift fur die alttestamentliche Wissemchaft, Giessen ; t. i, 1881, p. 116.

II. Origine. — II y a là, on le voit, bien des subtilités pour échapper à l’autorité de la tradition biblique. C’est pourtant la seule qui réponde aux exigences de l’histoire. Il est certain qu'à l’origine il a existé une tribu distincte, du nom de Lévi, Nous en avons la preuve dans la Bénédiction de Jacob, Gen., xlix, 5-7 : où elle a sa place marquée parmi les descendants du patriarche, à côté de Siméon. Voici, d’après l’hébreu, la traduction de ce très ancien morceau poétique. Il est probable cependant que le texte massorétique ne représente pas partout le texte primitif ; de là certaines restitutions qu’il est permis de faire d’après les anciennes versions ou d’après des conjectures critiques. Cf. J. M. Lagrange, La prophétie de Jacob, dans la Revue biblique, Paris, t. vii, 1898, p. 525 ; C. J. Bail, The Book of GenesU in hebrew, Leipzig, 1896, p. 107.

y. 5. Siméon et Lévi sont frères,

Ils ont consommé la violence avec leurs ruses : t. 6. Que mon âme n’entre pas dans leur complot,

Que mon honneur ne s’unisse pas à leur coalition,

Car dans leur colère ils ont tué des hommes,

Et dans leur caprice ils ont énervé des taureaux. y. 7. Maudite soit leur colère, car elle a été violente,

Et leur fureur, car elle a été inflexible.

Je les diviserai dans Jacob,

Et je les disperserai dans Israël.

Il est clair que ce passage fait allusion au récit de Gen., xxxiv, 25-31, à la fourberie et à la cruauté de Siméon et de Lévi à l'égard des Sichémites. Voir Lévi 1. C’est pour cela que, dans le premier vers, au lieu de 'ab-im, « frères, » on propose de lire 'ôhîm, « hyènes » (Bail) ou « hurleurs » (Lagrange). Cf. Is., xiii, 21. Des allusions semblables sont faites à propos de Ruben. Cf. Gen., xlix, 4 ; xxxv, 22. On remarquera que, dans la Bénédiction, Lévi, représentant réel ou simplement idéal de la tribu, n’apparaît pas comme type de l’ordre sacerdotal. Par conséquent, ce n'était pas non plus comme ministres du culte que les Levîîm portaient ce nom. . Par là même aussi, puisque nous trouvons, dès les premiers temps de l’histoire d’Israël, une vraie tribu de Lévi, qui n’est pas envisagée comme la tribu sainte, nous en conclurons qu’elle existait comme tribu politique, au même titre que les autres, et indépendamment de sa consécration au service divin.

Wellhausen et d’autres critiques admettent cette conclusion, mais prétendent qu’il est impossible de rattacher à cette tribu primitive celle des ministres sacrés : la première aurait disparu de bonne heure, et la seconde, d’origine récente, aurait eu des débuts indépendants. Nous ne pouvons réfuter en détail ces assertions ni les raisons mises en avant. Qu’il nous suffise

de dire que la prétendue disparition est une supposition gratuite, que l’histoire ne nous montre nulle part ces débuts indépendants dont on parle. Ce qu’il y a de certain, c’est que le Deutéronome, quelle que soit son origine, suppose la tribu de Lévi en possession universellement reconnue des prérogatives sacerdotales, et que, dans la Bénédiction de Moïse, Deut, xxxiii, 8-11, la tribu sacerdotale de Lévi est bien, comme dans la Bénédiction de Jacob, sœur de Ruben, de Juda et des autres, par conséquent identique à la tribu primitive. Voici, du reste, le passage de Deut., xxxiii, 8-11 ; il nous apportera quelque lumière sur les origines de la famille lévitique : « Et [Moïse] dit à Lévi (c’est-à-dire au sujet de Lévi) :

t. 8. Donne à Lévi (d’après LXX) ton Tummim

Et ton Urtm à ton homme pieux,

Que tu as tenté à Massa,

Que tu as jugé aux Eaux de Mériba ; ꝟ. 9. Qui a dit de son père

Et de sa mère : Je n’y ai point égard ;

[Qui] n’a pas considéré ses frères

Et n’a pas connu ses enfants.

Parce qu’ils ont observé tes commandements

Et gardé ton alliance, ꝟ. 10. Us enseigneront tes jugements à Jacob

Et ta loi à Israël ;

Es présenteront l’encens à tes narines,

Et l’holocauste sur ton autel. f. M. Bénis, Jéhovah, sa lortune (ou sa force)

Et agrée l'œuvre de ses mains ;

Brise les reins de ses adversaires

Et de ses ennemis, afin qu’ils ne puissent se lever contre lui.

L’Urîm et le Tummîm représentent un des attributs du sacerdoce. Donner au peuple l’enseignement religieux, offrir l’encens et le sacrifice sont les principales fonctions du ministère sacré. Et tels sont les privilèges dont nous trouvons la tribu de Lévi déjà investie. Mais d’où lui vint cette prérogative ? Elle la dut, non pas à un acheminement graduel, comme on le prétend, mais à un choix spécial de Dieu, à une institution positive. Cf. Num., i, 50 ; iii, 3, 6, etc. Cependant la raison de sa vocation est clairement indiquée ici : ce fut sa fidélité envers Dieu. Quelle que soit, en effet, l’obscurité de l’allusion par rapport à Massa et à Mériba (cf. Exod., xvii, 1-7 ; Num., XX, 1-13 ; xxvii, 14), les paroles du ꝟ. 9 sont également l'écho d’un événement historique, raconté Exod., xxxii, 21-29. Moïse, après l’incident du veau d’or, voulant châtier les coupables, s'écria : « À moi quiconque est pour Jéhovah ! » Les Lévites seuls entendirent cet appel. Armés de glaives, ils parcoururent le camp d’un bout à l’autre, frappant tous ceux qu’ils rencontraient, « frères, amis, parents, » c’est-à-dire sans ménagement, sans distinction de personnes. C’est ce que le poète sacré rappelle en disant qu’ils ne connurent ni père, ni mère, ni frères, ni enfants. Il n’a donc pas voulu par là exprimer un principe abstrait, c’est-à-dire le détachement habituel des Lévites, le renoncement aux liens les plus chers, mais un fait réel, qui a mis en relief leur attachement absolu à la cause de Jéhovah. Aussi est-ce ce jour-là qu’ils reçurent la promesse de l’investiture des fonctions saintes. Ils avaient, par leur zèle, changé en bénédiction la malédiction qu’avait attirée sur eux la conduite criminelle de leur père. Il est permis peut-être de remonter plus haut dans l’histoire et d’expliquer les aptitudes spéciales des enfants de Lévi au culte religieux. On a remarqué parmi eux plusieurs noms propres égyptiens ou renfermant un élément égyptien ; tels sont ceux de Phinéès (hébreu : Pinehés), Exod-, vi, 25 ; Num., xxv, 7 ; Phutiel (hébreu : Pûti'êl ; et. Pûlîfar), Exod., VI, 25, et celui de Moïse (MôSëh}- lui même. Il est donc possible que des familles influentes de la tribu soient entrées en rapport avec les Egyptiens, pendant leur séjour dans la vallée du Nil. L’homme de Dieu qui s’adresse au grand-prêtre Héli, rappelle que

les ancêtres de celui-ci avaient été « les serviteurs de la maison de Pharaon », I Reg., ii, 27, formule qui n’est jamais appliquée à Israël dans son ensemble. Sous le coup de l’aversion dont furent l’objet les fils de Lévi par suite du crime de Sichem, ils se tournèrent peut-être plus que les autres Israélites vers les habitants de l’Egypte et acquirent dans ce commerce une culture plus élevée, une certaine connaissance de la religion égyptienne, ce qui ne les empêcha pas d’être les ardents défenseurs de leurs traditions religieuses. « Ainsi Lévi se préparait à prendre la direction spirituelle des autres tribus. Lorsque, après les jours d’oppression, l’heure de la délivrance sonna, ce fut un lévite qui fut choisi pour sauver ses frères de la servitude et pour leur donner leur organisation religieuse, principe de leur unité et de leur future puissance. Les lévites furent tous désignés pour remplir, au sein de la nation nouvelle, les fonctions de ministres du culte ; ils restèrent attachés au service de Jéhovah, dont ils avaient assuré le triomphe. Les analogies que l’on a signalées entre divers éléments des institutions rituelles des Hébreux et des Égyptiens s’expliqueraient très bien par les circonstances que nous venons d’exposer. » A. van Hoonacker, Le sacerdoce lévilique, Londres et Louvain, 1899, p. 309.

III. Division : Prêtres et Lévites. — La tribu de Lévi a compris de tout temps deux groupes distincts de ministres sacrés : les prêtres et les lévites proprement dits. Les premiers appartenaient exclusivement à la famille d’Aaron, les seconds se rattachaient aux autres descendants de Lévi. Voici, du reste, d’après Exod., vi, 16-25, un arbre généalogique qui fera mieux comprendre ce que nous dirons à ce sujet :

Lévi

1. Gèrson, 2. Caath, 3. Mérari.

4. Amrsm, 2. Isaar, 3. Hébron, 4. Oziel.

I

1. Marie, 2. Aaron,

I

3. Moïse.

1. Nadab, 2. Abiu, 3. Eléazar, 4. Ithamar. 1. Gersam, 2. Eliézer.

Phinéès.

Le sacerdoce existait même avant la vocation de la tribu de Lévi. Déjà, au moment de l’exode, Aaron est associé à Moïse, dont il est le porte-voix. Exod., iv, 14. Là, il est appelé « le lévite », titre qui nous le représente comme le chef de l’ordre lévitique. Plus tard il est convoqué par Dieu sur le Sinaï avec ses deux premiers fils, Nadab et Abiu, en compagnie de Moïse et des 70 Anciens. Exod., xxiv, 1, 9. Si Nadab et Abiu se trouvent ici associés à leur père, c’est qu’ils sont considérés comme partageant ses fonctions et sa dignité. Il est probable même que les na’ârê benè Ysrâ’êl, « les jeunes gens » ou « les serviteurs des fils d’Israël », qui, en cetle circonstance, jp. 5, offrent les sacrifices, sont, non pas les fils aînés des familles ou en général « des jeunes gens », mais les ministres du culte constitués parmi les enfants d’Israël, regardés comme s les serviteurs du peuple » dans la célébration du service religieux. Il est vrai qu’Aaron et ses fils ne sont pas encore solennellement consacrés. Mais leur investiture solennelle, Exod., xxviii-xxix, est motivée par l’institution du sanctuaire et l’organisation des cérémonies qui devaient s’y accomplir ; elle ne prouve pas qu’Aaron ne fut pas, avant sa consécration, attaché au service de Jéhovah. Le même motif s’applique au choix et à la consécration des Lévites, destinés a être les aides des enfants d’Aaron.

Les deux groupes lévitiques étaient, comme nous le verrons, nettement distingués par leurs attributions, et

jamais la classe inférieure, quelle qu’ait été sa situation à telle ou telle époque de l’histoire, n’a pu s’élever à la hauteur de l’autre et se confondre avec elle. Cependant la communauté d’origine devait parfois occasionner une certaine obscurité, le mot lévite désignant, dans son acception générale, la tribu tout entière, et, dans son sens restreint, une catégorie spéciale de ministres sacrés. C’est pour cela que, dans quelques livres de l’Écriture, la distinction entre les deux ordres n’est pas aussi bien marquée que dans d’autres. Dans les Nombres, par exemple, le titre de prêtre est réservé aux fils d’Aaron, Num., iii, 3 ; x, 8 ; xvi, 37, 39, etc. ; les lévites « leur sont donnés » comme ministres inférieurs, iii, 6-10 ; ils ne peuvent toucher les vases du sanctuaire sous peine de mort, le soin de les envelopper pour le transport n’appartient qu’aux prêtres, iv, 15, 19, 20 ; Dieu dit à Aaron : « J’ai pris pour vous du milieu des entants d’Israël les lévites vos frères, pour être un don à Jéhovah, afin qu’ils le servent dans le ministère du tabernacle ; mais toi et tes fils avec toi, gardez votre sacerdoce à l’égard de tout ce qui concerne l’autel, etc. », xviii, 6, 7. Dans le Deutéronome, au contraire, le lévite, c’est le membre de la tribu de Lévi, sans détermination ultérieure et sans aucune notion d’infériorité ; le prêtre, c’est le lévite en tant qu’investi du droit à l’exercice des fonctions saintes. Deut., x, 8, 9 ; XII, 12, 18, 19 ; xviii, 3-8. On trouve des expressions comme celle-ci : Kôhânîm ha-leviyyîm, « les prêtres lévites, » Deut., xviii, 1 ; la Vulgate a mis la particule conjonctive, « les prêtres et les lévites, » mais ni le texte massorétique ni les Septante ne la portent, ce qui est conforme à la terminologie habituelle du Deutéronome. Il ne faudrait cependant pas conclure de là que le Deutéronome ignore la distinction entre les fils d’Aaron et les autres membres de la tribu. On remarque, du reste, que, même dans les livres où la distinction est le plus clairement marquée, le mot lévite est parfois employé dans son sens général, sans détermination précise ; ainsi Num., xxxv, 2, 6, 8 ; Jos., xiv, 4 ; xxi, 8.

Les Paralipomènes présentent à la fois les deux caractères que nous venons de constater dans le Pentateuque. D’un côté, la ligne de démarcation est nettement tracée entre prêtres et lévites au point de vue de l’origine. Ceux-ci sont parfaitement distingués de ceux-là dans une énumération des douze tribus avec leurs chefs respectifs : « Les Lévites avaient pour chef Hasabias, fils de Camuel, et les Aaronides, Sadoc. » I Par., xxvii, 17. Il en est de même pour les attributions spéciales à chacun des deux groupes. Cf. I Par., vi, 48, 49 (hébreu, 33, 34) ; XVI, 39, 40 ; xxiii, 13, 28, 20, etc. Voir ce que nous disons plus bas : Fondions. D’un autre côté cependant, malgré ces titres distinctifs, les deux ordres semblent parfois se confondre sous la plume de l’auteur. Ainsi les Lévites sont aussi bien que les prêtres « saints, saints à Jéhovah » >.II Par., xxiii, 6 ; . xxxv, 3 ; ils exercent comme eux le ministère sacré (Sùrêf) « devant l’arche, dans la maison de Jéhovah, envers Jéhovah lui-même ». I Par., xvi, 4, 37 ; xxvi, 12 ; xv, 2. Il semble, d’après I Par., ix, 32, que ce sont des lévites de la famille de Caath, non pas des Aaronides, qui doivent renouveler chaque semaine les pains de proposition, fonction que la Loi réservait aux prêtres. Les lévites et « les prêtres lévites » sont confondus, II Par., v, 4, comme « porteurs de l’arche », du tabernacle, des meubles sacrés qu’ils introduisent dans le nouveau temple ; cependant, au *. 7, ce sont les prêtres qui placent l’arche dans le saint des saints. Dans la description d’une Pâque solennelle, célébrée sous le règne d’Ézéchlas, II Par., xxx, 15, l’auteur, parlant des prêtres et des lévites, dit qu’  « ils offrirent des sacrifices dans la maison de Jéhovah ». Il ajoute plus loin, ji. 23, que les lévites « mangèrent durant la solennité, pendant sept jours, immolant des victimes pacifiques et louant Jéhovah le Dieu

de leurs pères ». Déjà, dans le chapitre xxix, 4, 5, nous voyons les deux divisions du clergé traitées pas le roi sur le même pied ; et cependant les prêtres proprement dits, les fils d’Aaron, sont, au coars des cérémonies, plus d’une fois soigneusement distingués des simples lévites, ꝟ. 12-16, 21-25, 26. Cette sorte d’égalité entre prêtres et lévites s’explique par la situation élevée que ces derniers possédaient à l’époque préexilienne. En tout cas, ce que nous venons de dire suffit pour montrer que les différentes manières de parler, chez les auteurs sacrés, tiennent à leurs points de vue différents ou à certaines conditions historiques, mais que la distinction fondamentale entre Aaronides ou prêtres et lévites proprement dits n’a jamais été méconnue.

Le tableau généalogique que nous avons donné plus haut montre l’origine commune et la distinction des deux groupes lévitiques.Aaron, le premier grand-prêtre, decendait de Lévi par Caath. Le sacerdoce fut héréditaire dans sa famille exclusivement. Ses deux fils aînés, Nadab et Abiu, que nous avons vus partager dès le début son ministère et sa dignité, moururent frappés par la colère divine, comme il est raconté Lev., x, 1-2. Les prérogatives sacerdotales passèrent alors à leurs frères, Éléazar et Ithamar, et leurs descendants. Les fils d’Aaron furent donc divisés en deux branches principales, et, après la mort de celui-ci, ce fut Éléazar qui revêtit les insignes du souverain pontificat. Num., xx, 25-28. Éléazar eut pour successeur son fils Phinéès. Num., xxv, 11-13. Pour le reste, voir Grand-Prêtre, t. iii, col. 295. David partagea les deux branches sacerdotales en 24 classes, dont 16 de la souche d’Éléazar, et 8 de celle d’Ithamar. L’ordre de rang et de service fut déterminé entre ces classes par. le sort. I.Par., xxiv, 4-19. Les Lévites, de leur côté, se trouvèrent divisés dès l’origine en trois grandes familles, celle de Gerson, de Caath et de Mérari.

IV. Fonctions et consécration. — Les prêtres et les lévites, avons-nous dit, étaient nettement distingués par leurs attributions. Nous ne pouvons indiquer ici que d’une manière générale les fonctions sacerdotales. Pour les détails, voir Prêtres. Aux prêtres seuls appartient le. service de l’autel, oblation des sacrifices, offrandes et libations. Eux seuls peuvent entrer dans le tabernacle, pour taire brûler l’encens sur l’autel des parfums, veiller au service de la table des pains de proposition, à l’entretien du chandelier d’or. Exod., xxx, 7, 20 ; Lev., xxiv, 2-9, etc. Leur mission près du peuple, dans ces fonctions mêmes, est de le réconcilier avec Dieu, de le bénir, de l’instruire dans la Loi, de le maintenir dans la pureté légale. Lev., iv, v, x, 10, 11 ; xiii, xiv ; Num., vi, 22-27. Un de leurs privilèges est l’usage des trompettes sacrées dans les circonstances solennelles. Num., x, 8. Ils doivent être exempts de certains défauts corporels, se purifier des souillures légales avant de remplir leur ministère et de manger les choses saintes. Lev., xxi, 16-23 ; xxii, 2-7. Tous sont tenus de pratiquer les ablutions réglementaires, et de s’abstenir de boissons enivrantes chaque fois qu’ils doivent entrer dans le tabernacle. Exod., xxx, 19 ; Lev., x, 9.

Les lévites sont les gardiens du sanctuaire et les serviteurs des prêtres, auxquels ils sont absolument subordonnés. Num., i, 50 ; iii, 6-10. Leur exclusion des offices et des droits sacerdotaux est indiquée d’une manière saisissante dans le récit de la révolte et du châtiment de Coré, de Dathan et d’Abiroh. Num., xvi, 1-35. Ils sont offerts à Dieu par Aaron pour remplacer les premiers-nés d’Israël. Num., iii, 12, 45 ; viii, 11, 13-19. Au désert, ils sont chargés du transport du tabernacle et de son mobilier. Les attributions de chaque famille sont ènumérées d’une manière précise. Num., iv. Les fils de Caath, sous la conduite d’Éléazar, devaient porter les meubles sacrés, préalablement enveloppés par les prêtres en de précieuses couvertures. Les fils de Gerson, sous

la conduite d’Ithamar, avaient pour mission de porter les rideaux et les tentures du tabernacle. Les fils de Mérari, également soumis à Ithamar, portaient les planches, les barres et les colonnes qui formaient la charpente du tabernacle, les piquets et les cordages de l’enceinte du parvis. Sous David, nous trouvons les Lévites divisés en quatre classes : 1° les gardiens du matériel et du trésor de la maison de Dieu, I Par., xxiii, 4 ; xxvi, 20-28 ; 2° les magistrats et les juges, iôterîm û-Sôfetim, I Par., xxiii, 4 ; xxvi, 29-32 ; 3° les portiers, I Par., xxm. 5 ; xxvi, 1-19 ; 4° les chantres. I Par., xxiii, 5 ; xxv. Ces derniers, à leur tour, étaient partagés en trois groupes, sous la direction de trois chefs de chœur : Asaph, des fils de Gerson, avec quatre sections ; Éthan ou Idithun, des fils de Mérari, avec six sections ; Héman, des fils de Caath, avec quatorze sections ; ce qui faisait en tout vingt-quatre sections, dont chacune était divisée en douze familles, d’où 288 familles de chantres. I Par., xxv, 1-7. Voir Chantres du Temple, t. ii, col. 556. La classe des portiers comprenait quatre groupes suivant les quatre points d’orientation du sanctuaire. Voir Portiers. Il est probable que les « magistrats et juges » étaient divisés en six classes diversement dénommées à différentes époques suivant l’une ou l’autre des familles les plus éminentes. VoirCAATHiTES, t. ii, col. 3 ; Gerson, t. iii, col. 214 ; Mérari. Les Lévites entraient en fonctions à l’âge de trente ans, d’après Num., iv, 3, 23, 30, à vingt-cinq ans, d’après Num., viii, 24 (les Septante portent 25 dans tous les passages). Cet âge fut fixé par la constitution davidique à vingt ans. I Par., xxiii, 24-28. Le service cessait à cinquante ans. Toute la période des rois fut la plus brillante pour les lévites. Après l’exil, nous les trouvons chargés de la surveillance des travaux du nouveau temple. I Esd., iii, 8-9. Ils entourent Esdras pendant la lecture de la Loi, II Esd., viii, 4, 7, 9, et c’est dans leur bouche qu’est placée la confession qui précède le renouvellement de l’alliance avec Dieu. II Esd., IX, 5. Ils sont chargés, sous l’inspection d’un prêtre, de procéder au prélèvement des dîmes. II Esd., x, 37-38. Cependant la classe des « magistrats et juges » disparaît presque complètement dans les documents qui se rapportent à cette époque du second temple.

Prêtres et lévites ne pouvaient entrer en fonctions sans une consécration spéciale, tant était grande la sainteté de leur ministère. Et ici encore la différence des deux ordres est marquée par la différence des rites. Sans parler de la consécration du grand-prêtre, qui était la plus solennelle, celle des simples prêtres se composait essentiellement des cérémonies suivantes : purification corporelle, vêture, c’est-à-dire remise de la tunique de liii, de la ceinture et de la mitre, remise des offrandes entre leurs mains, imposition des mains sur la victime, une sorte d’onction avec le sang d’un bélier sur l’extrémité de l’oreille droite, sur le pouce de la main droite et le pouce du pied droit, une aspersion avec un mélange de sang et d’huile sainte, enfin repas sacré. Cl. Exod., xxix, 1-37 ; Lev., viii, 1-36. Quant à l’onction proprement dite, voir Huile, t. iii, col. 776. — L’ordination des lévites était beaucoup plus simple, comme la reconnaît lui-même le texte sacré. Il Par., xxix, 34. La cérémonie préliminaire comprenait aussi la purification, c’est-à-dire une aspersion « d’éau de péché » ou symbolisant fa rémission des péchés, puis purification du corps et des vêtements. Une double donation caractérisait la consécration proprement dite : les lévites étaient donnés à Jéhovah par les enfants d’Israël, et Jéhovah de son côté les donnait aux prêtres. On distingue quatre rites successifs : 1° Les princes du peuple imposaient les mains aux lévites, pour marquer qu’ils les substituaient aux premiers-nés que Dieu s’était réservés. 2° Le grand-prêtre les offrait à Dieu avec une cérémonie particulière que le texte hébreu exprime par les mots hênîf fenûfâh’. Num., viii, 11. Hénif signifie « agiter, balancer de côté et d’autre », et tenûfâh est le nom donné à l’offrande ainsi présentée à Dieu. Cf. Exod., xxix, 24, 26 ; Lev., vii, 30, etc. 3° Les Lévites à leur tour mettaient les mains sur la tête des deux bœufs qu’on devait immoler. 4° Enfin ils étaient remis aux prêtres, dont ils devaient être les serviteurs. Num., viii, 5-19. On voit parce rituel toute la distance qui les séparait des ministres de l’autel. Avaient-ils des insignes ? La Loi ne renferme aucune disposition spéciale à ce sujet ; son silence ferait plutôt croire que non. Cependant les Paralipomènes nous présentent les lévites préexiliens revêtus de la tunique blanche comme les prêtres. I Par., xv, 27 ; II Par., v, 12. Était-ce en raison du caractère exceptionnel de certaines solennités ? La situation élevée qu’ils avaient à cette époque les avait-elle conduits à cette sorte d’usurpation ? On ne sait. Le fait est qu’après l’exil, ils n’avaient plus d’uniforme distinctif. Dans le récit de la reconstruction du temple, I Esd., iii, 10, on mentionne les ornements sacrés des prêtres, on ne parle pas de ceux des lévites. Josèphe, Ant. jud., XX, ix, 6, rapporte que, sous le règne d’Agrippa, les lévites-chantres demandèrent et obtinrent l’autorisation de porter aussi bien que les prêtres une robe blanche. Dans son mécontentement, il s’écrie : « Toutes ces mesures étaient contraires aux usages nationaux, dont la violation devait attirer sur les Juifs de si justes châtiments. »

V. Droits et privilèges. — La tribu de Lévi, consacrée à Dieu, devait lui appartenir entièrement, sans souci des biens terrestres. Dieu seul était son héritage, Num., xviii, 20 ; mais, en retour, il lui cédait une partie de ses droits sur la terre d’Israël. Les familles sacerdotales et lévitiques n’eurent donc point, comme les autres, de territoire propre et distinct dans le pays de Chanaan. Jos., xili, 14, 33. Elles vécurent disséminées, ayant pour séjour garanti et privilégié certaines villes déterminées. Jos., xxi. Voir Lévitiques (Villes). Leur entretien tombait à la charge de la nation par là même qu’elles la représentaient auprès de Jéhovah. Des contributions de diverses natures étaient destinées soit aux membres de la tribu qui vivaient dispersés, soit à ceux qui étaient attachés au sanctuaire national pour l’exercice du ministère sacré. La dotation du clergé comprenait les revenus suivants :

1° La dîme. — La loi mosaïque plaçait dans la dime la principale source de subsistance pour les prêtres et les lévites. Cf. Deut., xtv, 22-29. Voir Dime, t. ii, col. 1431.

2° Les premiers-nés et les prémices. — La même loi établit que les premiers-nés mâles des troupeaux appartiennent à Jéhovah et doivent lui être consacrés, que les prémices de tous les produits des champs doivent lui être données. Exod., xiii, 11-16 ; xxiii, 19 ; xxxiv, 19-20 ; Deut., xv, 19-23 ; xxvi, 1-10. Or, la part de la tribu de Lévi en Israël n’est autre que la part de Jéhovah. Num., xviii, 8-19 ; Deut., xviii, 1-2. Les ministres sacrés avaient donc un droit à prélever sur ces offrandes, mais en laissaient une partie aux donateurs pour leurs repas de fêtes. Voir Premiers-nés et Prémices.

3° Les sacrifices et les offrandes. — L’autel lui-même constituait pour les prêtres une source abondante de revenus. Nous savons, d’après Num., xviii, 9-10, que « les choses très saintes » étaient exclusivement réservées aux prêtres, et qu’elles devaient être consommées dans le lieu saint, par les seuls membres mâles des familles sacerdotales. Sous ce nom étaient comprises les viandes des victimes offertes pour le péché (hattâ’f), dans les cas où ce qui restait après les parties consumées sur l’autel ne devait pas être brûlé, et les viandes des victimes offertes pour le délit ou la réparation ÇâSàm). Parmi ces mêmes choses était compté le sacrifice non sanglant (minhâh), c’est-à-dire l’offrande de farine fine avec de l’huile et de l’encens, ou de gâteaux sans levain pareillement trempés dans l’huile. Une partie était brûlée sur l’autel, le reste devait être consommé dans le lieu saint, par les prêtres. Lev., ii, 1-11 ; Num., xv, 1-15. Tous les membres des familles sacerdotales, les

femmes comme les hommes, pouvaient prendre leur part de certaines offrandes, des prémices en particulier. Num., xviii, 11-19. Le Lévitique, vii, 29-34, déterminece qui revient au prêtre des victimes pacifiques. Dans l’holocauste, le sacrificateur ne prélevait que la peau de l’animal. Lev., vil, 8. Voir Offrandes, Sacrifices.

4° Les choses consacrées à Dieu. — Dans la consécration simple ou par vœu, il n’y avait point, semble-t-il, de bénéfice direct pour le prêtre ; les dons revenaient au sanctuaire. Mais, dans la consécration absolue ou hêrém, l’objet consacré, n’étant soumis à aucune condition de vente ou de rachat, appartenait à Jéhovah comme « chose très sainte ». Lev., xxvii, 28. Or, d’après Lev., xxvii, 21, cette chose revenait au prêtre : celui qui, après avoir consacré son champ, ne le rachète point et le vend malgré cela à un tiers, perdra son droit de rachat et soix titre de propriété, de sorte qu’en l’année du jubilé, le champ, au lieu de lui revenir, sera considéré commechose sainte de Jéhovah à l’instar d’un champ hêrém, et par conséquent « passera en la possession du prêtre ».

— Pour le privilège de l’hérédité dans la tribu de Lévi, voir Prêtres.

VI. Histoire. — 1° Du Sinaï à la conquête de Chanaan. — La tribu de Lévi, par sa consécration même, était séparée des autres tribus d’Israël ; aussi ne fut-elle pas comprise dans le dénombrement du peuple ou plutôt des guerriers, fait au Sinaï. Num., i, 47, 49 ; ii, 33, Mais, comme les Lévites avaient été substitués aux premiers-nés, ils furent comptés d’après un autre système, c’est-à-dire depuis un mois et au-dessus, et non pas depuis la vingtième année, selon le mode de recensement adopté pour les hommes en état de porter le » armes. Num., iii, 15. Si l’on se fût restreint à ne les prendre que depuis l’âge de vingt ans jusqu’à soixante, leur nombre n’aurait pu égaler, à beaucoup près, celui de tous les premiers-nés des autres tribus. On trouva 7 500 Gersonites, 8600 Caathites et 6200 Mérarites, Num., iii, 22, 28, 34 ; au total 22 300. La Bible, cependant, Num., iii, 39, ne parle que de 22 000, ce qui tient sans doute à une erreur de transcription dans ce chiffre ou dans l’un des précédents. Dans les campements, la place des lévites et des prêtres était naturellement auprès du tabernacle : les fils de Gerson étaient à l’ouest, avec Éliasaph pour chef ; ceux de Caath, au sud, ayant à leur tête Élisaphan ; ceux de Mérari, au nord, sous la direction de Suriel ; Moïse, Aaron et ses fils occupaient le côté oriental. Num., iii, 23-24, 29-30, 35, 38. Pour porter les diverses parties du mobilier sacré, les Gersonites reçurent deux chars et quatre bœufs, et les Mérarites quatre chars et huit bœufs, le tout offert par les chefs des douze tribus. Les Caathites ne reçurent rien, parce que, en raison de la sainteté de leurs fardeaux, ils devaient les. porter sur leurs épaules. Num., vii, 6-9. Pour convoquer le peuple devant le tabernacle, pour réunir les chefs de la nation, pour annoncer la levée du camp et le départ, les prêtres faisaient retentir les trompettessacrées. Il en était de même pour proclamer la guerre ou annoncer certaines solennités. Num., x, 3-10. Le privilège sacerdotal accordé à la lamille d’Aaron rut pour un certain nombre de Lévites un objet de jalousie et une occasion de révolte. Le Caathite Coré fut le chef des mécontents. Le châtiment des rebelles fut terrible. Num., xvi, 1-35. Voir Coré 3, t. ii, col. 969. La verge fleurie d’Aaron confirma la dignité du grand-prêtre par un miracle. Num., xvii. Plus tard, dans les steppes de Moab, Phinéès, fils d’Eléazar, vengea la gloire divine et l’honneur du peuple, indignement outragés, en perçant de son glaive deux coupables dont le crime arrachait des larmes aux Israélites fidèles. Num., xxv, 6-8. Il reçut en récompense la promesse du souverain pontificat pour lui et ses descendants. Num., xxv, 13. Il succéda, en effet, à Éléazar, et dans la suite, après une interruption momentanée, qui dura d’Héli à David, Sadoc*

issu de sa race, ceignit la tiare pontificale, qui resta dans la maison de Phinéès jusque vers la ruine de l’État juif. Au recensement qui fut fait dans les plaines de Mcab, et d’après le même système qu’au Sinaî, les Lévites étaient au nombre de 23000, avec une augmentation de 700. Num., xxvi, 57-62. Après la défaite des Madianites, ils reçurent leur part du butin. Num., xxxi, 30, 47. Cette première partie de leur histoire est ainsi marquée par leur vocation, leur consécration, leur zèle pour la gloire de Dieu, avec quelques défections, et l’accomplissement de leurs fonctions dans le désert.

2° De la conquête de Chanaan à David. — La tribu de Lévieutson rôle, dans la conquête de la Terre Promise, mais un rôle uniquement religieux. Les prêtres, portent l’arche d’alliance, se mirent à la tête du peuple pour traverser le Jourdain, et c’est au moment où leurs pieds touchèrent les eaux du fleuve que celles-ci se séparèrent pour livrer passage aux Israélites. Jos., Ht, 15-17. C’est aussi au son de leurs trompettes sacrées et devant l’arche qu’ils avaient promenée autour de Jéricho, que les murailles de la ville tombèrent. Jos., vi, 4, 9, 20. Dans la grandiose cérémonie qui eut lieu dans la vallée de Sichem, pour la prise solennelle de possession de la Terre Sainte, la tribu de Lévi se trouvait sur le Garizim pour les bénédictions. Deut., xxvii, 12. Les prêtres et l’arche sainte se tenaient au milieu des deux groupes de tribus, entre le Garizim et l’Hébal, et des membres de la famille lévitique, probablement des prêtres, prononcèrent les bénédictions et les malédictions. Deut., xxvii, 14 ; Jos., viii, 33. Au moment du partage du pays chananéen, la tribu de Lévi demanda, par l’intermédiaire de ses chefs, à être mise en possession des villes qui lui avaient été promises. Jos., xxi, 1, 3.

Une fois installée dans ces villes, quelle fut sa situation ? L’histoire fait à peine mention d’elle pendant la période des Juges, et les récits qu’elle nous donne sont plutôt de nature à dérouter nos idées. On connait les aventures du lévite Jonathan, qui loue ses services à un riche Éphraïmite, Michas, et se fait prêtre d’une idole dans un sanctuaire domestique, puis, quittant son maître, s’en va avec les Danites à Laïs, où il établit un sacerdoce idolâtrique. Jud., xvit, xviu. Ces aventures ont servi de prétexte aux théories dont nous parlions en commençant, relatives aux débuts de l’organisation du sacerdoce chez les Hébreux. La Bible nous dit que Jonathan était « un jeune homme de Bethléhem de Juda, de la famille (mispahat) de Juda ». Jud., xvil, 7. Donc, concluent certains critiques, il était de la tribu de Juda et lévite de profession, d’où il suit que la tribu de Lévi s’est conlituée artificiellement. Nous répondons simplement qu’il était de la tribu de Juda, mais non pas de la race de Juda, puisqu’il était « fils de Gersam, fils de Moïse », Jud., xviii, 30 ; il n’était pas originaire de Bethléhem, puisqu’il y était en étranger (gêr) ou en simple résidence. Jud., xvii, 7. Wellhausen, Prolegomena, p. 130, croit remarquer une énorme différence entre la position d’Héli et celle de Jonathan. Le premier représente un sacerdoce indépendant ; le second, lévite nomade, est pris à gages par le propriétaire d’un sanctuaire privé ; celui-ci nous offre sans doute le type de ce qui se pratiquait en règle générale, celui-là représente l’exception. Pourquoi ? « Un sacerdoce indépendant ne pouvait prendre pied qu’auprès d’un sanctuaire considérable et public ; celui de Silo semble avoir été seul de cette espèce ; les autres sanctuaires dont l’histoire fait mention étaient des propriétés privées. » Il est sur que le sanctuaire de Silo était le seul où put se pratiquer le culte officiel par le ministère ordinaire des prêtres. Il y avait d’autres endroits où l’on pouvait, où l’on devait même invoquer le nom de Jéhovah et répandre en son honneur, sur l’autel de terre ou de pierre hrute, le sang des animaux qu’on immolait, Exod., xx, 24, 25, mais les prêtres n’avaient pas à intervenir dans ces

actes du culte populaire. Le contact avec les populations chananéennes amena un certain affaiblissement de l’unité religieuse. Peu à peu les dieux étrangers prirent place à côté de Jéhovah, et, à côté de son sanctuaire, on vit s’élever les bâmôt, développement abusif des autels populaires. Les lévites, dispersés dans le pays, vinrent chercher là l’emploi de leurs prérogatives avec la considération qui s’y attachait, et en même temps les ressources que leur exclusion du partage du territoire et l’insuffisance des revenus de la maison de Jéhovah ne leur permettaient pas de se procurer autrement. Il ne s’agit donc point ici de règle générale et d’exception, mais plutôt de régulier et d’irrégulier. Les prêtres de Silo devaient réaliser aux yeux du peuple le type le plusélevé et le plus pur du sacerdoce israélite. Van Hoonacker, Le sacerdoce lévitique, p. 228, à qui nous empruntons ces pensées, conclut justement : « Il nous semble queles prêtres de Nob avaient plus de titres à se faire valoir devant Israël comme « types de la règle » que le lévite nomade Jonathan. » Aussi, tandis que les Danites emmènent Jonathan avec eux sans trop de façon, nous voyons les sicaires de Saûl, saisis de respect devant Achimélech et ses collègues, se refuser à exécuter les ordres du roi et à servir sa vengeance en les massacrant. I Reg., xxii, 17.

3° De David à la captivité. — Les livres des Paralipomènes sont les seuls documents où nous trouvions de nombreux détails sur la tribu de Lévi, pendant la période de la royauté. Les livres de Samuel et des Rois ont surtout pour objet d’exposer la suite des événements politiques qui marquèrent la vie de la nation, sans préoccupation des institutions liturgiques. Le côté religieux se résume pour eux dans la fidélité d’Israël envers Jéhovah ou sa défection, dans les prérogatives du Temple de Jérusalem. Les prêtres semblent plutôt appelés sur la scène par leurs relations avec tel héros ou tel fait historique. L’histoire d’Héli et de ses fils, qui jette pourtant un certain jour sur la vie intime du sanctuaire, sert d’introduction à celle de Samuel et par là à celle de Saûl. Les prêtres de Nob ne forment qu’un épisode dans le récit des rivalités entre Saül et David. Abiathar et Sadoc n’apparaissent que dans le rôle qu’ils remplissent prés de David et de Salomon. Joïada a pour mission de renverser Athalie et d’élever Joas sur le trône. On observe le même silence chez les prophètes. S’ils parlent assez souvent des cérémonies du culte, c’est pour protester contre les manilestations purement extérieures de la piété, qui ne sont rien sans la vertu et la fidélité aux lois de la justice. Ils considèrent plutôt le prêtre d’une manière abstraite, au point de vue de sa situation morale vis-à-vis du peuple. Les Paralipomènes, au contraire, s’appliquent à montrer en toute occasion le rôle glorieux du clergé. On peut voir, en particulier, la différence des deux récits concernant le transport de l’arche sainte à Jérusalem, sous David. II Reg., vi ; IPar., xv-xvi. Les mêmes documents nous révèlent, comme nous l’avons déjà dit, l’importance et le prestige que les lévites acquirentsous le premiertemple. Le lait s’explique par l’organisation nouvelle du service religieux, organisation qui associa ceux-ci d’une manière plus régulièreet plus intime aux prêtres proprement dits. Il s’explique encore par l’opposition que le schisme établit entre les droits légitimes et exclusifs de la famille lévitique tout entière et l’usurpation des ministres que Jéroboam plaça à la tête de ses sanctuaires officiels. Ceux-ci « n’étaient point des fils de Lévi », III Reg., xii, 31, et cette violation des prérogatives sacerdotales ne fit que mettre en relief l’origine et les aptitudes de la tribu de Lévi, et la distinction entre ministres de premier et de second rang, sans s’effacer jamais complètement, s’atténua beaucoup.

A ces considérations générales il nous suffit d’ajouter quelques détails particuliers. David, avant d’organiser les lévites, en fit faire le recensement, et en trouva sa

LÉVI (TRIBU DE)

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38000 à partir de 30 ans et au-dessus. I Par., xxiii, 3. .Nous savons comment il répartit leurs fonctions. Ils furent chargés de la musique et du chant, de la garde du temple, de ses portes et de ses trésors. I Par., xxvjîxvi. Au moment du schisme, ils furent, comme les prêtres, chassés du royaume d’Israël et contraints d’abantdonner leurs possessions ; ils vinrent se réfugier en -Tuda et à Jérusalem ? II Par., xi, 13-14. Peut-être Jéroboam les punissait-il de ne pas accepter, comme la plupart de ses autres sujets, le culte sacrilège qu’il avait imposé au nouveau royaume. Josaphat, voulant répandre l’instruction religieuse parmi le peuple, constitua une commission composée de cinq princes, deux prêtres et huit ou neuf lévites pour aller dans tout le royaume enseigner la Loi. II Par., xvii, 7-9. Prêtres et lévites eurent leur rôle dans le plan de Joïada pour faire monter Joas sur le trône. II Par., xxiii, 5-8. Voir Joïada 2, t. iii, col 1593. Ils eurent plus naturellement encore leur part flans les réformes religieuses d’Ézéchias et de Josias. II Par., xxix-xxxi, xxxiv, xxxv. Voir Ézéchias, t. ii, .col. 2141 ; Josias 1, t. iii, col. 1679.

4° De la captivité à la ruine du Temple. — La situation des Lévites changea pendant l’exil ; elle se trouva -amoindrie, ou plutôt elle fut ramenée aux termes de la ILoi, à ce qu’elle était avant les privilèges de l’époque royale. Les ministres inférieurs furent, comme les prêtres, obligés de chercher leur subsistance ailleurs que dans les revenus du Temple. Mais, au moment de la restauration, les premiers ne se trouvèrent plus dans les mêmes conditions que les seconds Ceux-ci allaient naturellement avant les autres vivre de l’autel. Les Lévites pouvaient craindre que, dans les misères qui devaient suivre le rapatriement, leurs intérêts ne fussent sacrifiés à ceux des prêtres, et l’avenir, nous le verrons, justifia leurs appréhensions. On comprend donc que beaucoup d’entre eux aient hésité à reprendre le chemin de la Judée etfu’un petit nombre seulement ait consenti à revenir. I Esd., viii, 15-19.Àutant les prêtres mirent d’empressement, autant les lévites en mirent peu, comme il est facile de le constater par les listes officielles du retour. I Esd., ii, 3C-42 ; II Esd., vii, 3946. Pendant les deux premiers siècles de la restauration, ceux-ci occupèrent une position moins élevée sans doute .qu’avant la captivité, mais beaucoup plus importante <jue celle à laquelle nous les verrons réduits à la fin de l’histoire juive. Ils eurent leur part dans la reconstruction et la dédicace du temple, I Esd., iii, 8-12 ; vi, 15-20, dans la reconstruction et la consécration solennelle des murs de Jérusalem. H Esd., iii, 17 ; xii, 27-42. La ville sainte comptait parmi ses habitants 284 lévites et chantres, et 172 portiers ; les autres s’établirent dans les cités de Juda. II Esd., xi, 15-19, 36. Il est probable que les prescriptions relatives au paiement de la dîme ne Jurent par toujours fidèlement observées. La mesure votée par la grande assemblée sous Néhémie, II Esd., je, 37-39, avait pour objet de remettre la Loi en vigueur, sous ce rapport. Mais, aussitôt après le départ du gouverneur juif, les abus recommencèrent. Néhémie le -constata à son retour : « Je reconnus, dit-il, que les parts des lévites n’avaient pas été données et que les lévites et les chantres, chargés du ministère, s’étaient retirés chacun dans sa terre. » II Esd., xiii, 10. Il est à présumer que ces irrégularités avaient profité aux prêtres, que Malachie, i, 7-13 ; ii, 1-10, accuse d’avarice, de spéculation sordide, d’attachement excessif à leurs intérêts matériels, au mépris de la Loi et des égards dus à leurs frères. Néhémie s’attacha à préserver les lévites de nouvelles injustices, II Esd., xiii, 11-13, mais leur abstention significative au moment où Esdras revint en Judée montre le peu d’attraits qu’avait pour .eux Jérusalem. Cette attitude ne fit qu’aggraver la situation des ministres inférieurs, contre lesquels on exploita la prétendue intelligence de leurs frères. Les prêtres

accaparèrent les fonctions pour accaparer les revenus et réduisirent progressivement le rôle et le prestige des lévites.

Durant les deux ou trois derniers siècles de l’État juif, nous ne trouvons nulle part vestige d’un rôle quelconque que les lévites, comme tels, auraient rempli dans les affaires publiques, dans l’exercice de la justice, dans l’enseignement de la Loi. À la différence des prêtres, dont l’influence était très grande, ils semblent n’avoir pas eu d’occupation en dehors du Temple. Cet abaissement nous explique pourquoi leur nom ne paraît pas une seule fois dans les deux livres des Machabées, où pourtant l’occasion ne manquait pas de les mettre en scène, à côté des prêtres très souvent cités. Il n’est question d’eux ni à propos de la restauration du Temple sous Judas Machabée, I Mach., iv, 36-58, ni dans le récit de la découverte du teu sacré par Néhémie. II Mach, , i, 18-36. Dans les Évangiles, où les prêtres et les scribes occupent une si grande place, ils ne sont mentionnés que deux fois : Luc, x, 32 ; Joa., i, 19. Bien que formant un corps distinct dans la tribu lévitique, ils n’étaient pas représentés dans le Sanhédrin, qui comprenait les trois classes des prêtres, des scribes et des anciens du peuple. La Mischna suppose en plusieurs endroits qu’ils ne recevaient plus la dîme. Josèphe, de son côté, ne paraît pas se douter que, selon le précepte formel de la Loi, la dime devait être donnée directement aux lévites par lepeuple. Dans les passages où il touche à ce sujet, il ne parle que des prêtres comme bénéficiaires de ce tribut. Ant. jud., XX, viii, 8 ; îx, 2 ; Vita, 12, 15 ; cf. Heb., vii, 5. D’autre part, il laisse de côté les Lévites là où il n’eût pas manqué de les mettre en scène, s’ils avaient encore eu une situation analogue à celle qu’ils possédaient sous le premier temple. Cf. Ant. jud., XI, iv, 5 ; Cont. App., II, 21, 23. — Ainsi finit dans l’obscurité cette branche de la tribu de Lévi, que nous avons surtout cherché à mettre en relief, sans perdre de vue la branche sacerdotale, Dans son ensemble, la tribu que nous avons suivie depuis son origine jusqu’à sa fin eut au sein du peuple israélite un rôle des plus importants, mais qu’il nous est impossible d’apprécier ici, en dehors d’une histoire détaillée du sacerdoce. Chacunedes autres tribus a eu son caractère particulier, sa part plus ou moins grande dans les événements nationaux, celle-ci a eu une place de choix dans le plan divin, dans la vie d’un peuple dont les destinées ont été surtout religieuses. Comme les autres, elle a eu ses vicissitudes, ses gloires et ses défections, mais, en somme, elle a été l’âme de cette nation choisie, dont la raison d’être dans l’antiquité a été de rendre au vrai Dieu le culte qui lui est dû. Dispersée au milieu de ses frères, elle y a maintenu l’unité, dont le châtiment et l’épreuve n’ont fait que resserrer les liens. Le sacrifice et la prière, qui furent son unique apanage, ont mis à son front une auréole dont l’éclat illumine toute l’histoire d’Israël. VII. Bibliographie. — J. Lightfoot, Mvnisterium Templi quale erat tempnre nostri Salvatoris, dans ses Opéra, Rotterdam, 1686, t. i, p. 671-758 ; G. Carpzov, Apparatus historieo-criticus antiquitatum sacri codicis, Francfort et Leipzig, 1748 ; H. Graf, Zur Geschichte des Stammes Levi, dans Merx, Archiv fur wissenschaftliche Erforschung des Alten Testamentes, t. i, 1867-1869, p. 68-106, 208-236 ; S. J. Curtiss, The Levitical Priests, a contribution to the criticism of the Peniateuch, Edimbourg et Leipzig, 1877 ; W. Baudissin, Die Geschichte des alttestamentlichen Priesterlhums tintersuckt, Leipzig, 1889 ; Id., Priests and Lévites, dans J. Hastings, Victionary of the Bible, Edimbourg, 1898-1902, t. iv, p. 67-97 ; J. Benzinger, Hebrâische Archâologie, Fribourg-en-Brisgau, 1894, p. 405-428 ; , W. Nôwack, Lehrbuch der hèbrâiscken Archâologie, Fribourg-en-Brisgau, 1894, t. ii, p. 87-130 ; E. Schûrer, Geschichte des jùdischen Volkes im Zeitaller Jesu Christi, Leipzig,

t. ii, 1898, p. 214-299 ; A. van Hoonacker, Le sacerdoce lévitique dans la Loi et dans l’histoire des Hébreux, Louvain, 1899 ; Fr. von Hummelauer, Dos vormosaische Prieslerthum in Israël, Fribourg-en-Brisgau, 1899.

A. Legendre.

3. LÉVI (Aeuiç), nom de l’apôtre et évangéliste saint Matthieu dans Marc., ii, 14 ; Luc, v, 27, 29. Voir Matthieu 4. LÉVI (Aeui), fils de Melchi et père de Mathat, un des ancêtres de Notre-Seigneur, nommé le quatrième dans la généalogie de saint Luc, iii, 24.

5. LÉVI (Ae-jf), fils de Siméon et père de Mathat, ancêtre de Notre-Seigneur, nommé le trente-deuxième dans la généalogie ascendante de Jésus-Christ en saint Luc, iii, 29.

    1. LÉVIATHAN##

LÉVIATHAN (hébreu : Uvyâtân), nom qui désigne des animaux divers dans l’Ancien Testament. Gesenius, Thésaurus, p. 747, fait dériver ce mot de livyâh, « couronne, guirlande, » avec la terminaison adjective an, et lui attribue la signification d’animal sinueux, qui se roule en spirales. D’autres lexicographes lui donnent pour étymologie livyâh et tân, « monstre tortueux. » — On le lit six fois dans la Bible hébraïque. Les Septante l’ont rendu cinq fois par Spàfcwv et une, Job, iii, 8, par liéya « îjwç. La Vulgate a conservé le nom de Léviathan dans Job, iii, 8 ; xl, 20 ; ls., xxvii, 1 (deux fois) ; elle l’a traduit par draco, Ps. lxxiii (lxxiv), 14 ; cm (civ), 26, la traduction de ces deux derniers passages étant faite directement sur le grec des Septante. Dans ces six passages, le mot livyd(dn est employé dans trois sens diflérents. —1° Il désigne le crocodile dans Job, xl, 20-xi.i, 25 (hébreu, xl, 25-xli, 26). Voir Crocodile, t. ii, col. 1120. Livyâfân (draco) a aussi la signification de crocodile dans le Psaume lxxiv, 14, mais ce grand saurien qui habite les eaux du Nil est en cet endroit l’emblème du pharaon d’Egypte. Cf. Is., li, 9 ; Ezech., xxix, 3. — 2° Dans le Ps. cm (civ), 26, livyâtdn est dit d’un monstre marin « qui se joue dans les flots », c’est-à-dire la baleine, d’après plusieurs exégètes ; la grande et vastemer nommée ꝟ. 25, est la Méditerranée. — Isaïe, xxvii, 1, pour annoncer la chute du roi de Babylone, dit : « En ce jour, Jéhovah frappera de son glaive dur, grand et fort le léviathan, serpent (nâhâs) fuyant, le léviathan, serpent (nâhâS) tortueux, et il tuera le monstre qui est dans la mer. » Léviathan est ici un cétacé, emblème du roi de Babylone, et le mot nâhâs ne doit pas s’entendre d’un serpent proprement dit, mais d’un grand poisson dont les mouvements onduleux ressemblent à ceux du serpent. — 3° Enfin, Léviathan, dans Job, iii, 8, est, d’après plusieurs commentateurs, la constellation du Dragon. Frz. Delitzsch, Bas Buch Job, 1864, p. 52. Cf. Dragon, t. ii, col. 1505. D’autres pensent, au contraire, que léviathan doit s’entendre aussi du crocodile dans ce passage. Voir H. Zschokke, Das Buch Job, 1875, p. 19 ; 3. Knabenbauer, Comment, in Job, 1886, p. 62.

    1. LÉVIRAT##

LÉVIRAT, loi hébraïque qui, par dérogation à la prohibition des mariages entre beau-frère et belle-sœur, Lev., xviii, 16 ; xx, 21, autorisait et même obligeait jusqu’à un certain point un beau-frère à épouser sa belle-sœur, quand celle-ci avait été laissée veuve sans entants. Le beau-frère qui se trouvait dans ce cas particulier portait le nom de yâbâm. La loi qui le concernait a reçu, dans nos langues modernes, le nom de lévirat, tiré du mot latin levir, qui signifie beau-frère.

1° À l’époque patriarcale. — La première application d3 la coutume du lévirat est très antérieure à Moïse. E’un des fils de Jacob, Juda, avait pour fils Her, Onan et Séla. Il maria l’aîné, Her, à Thamar. Après la mort prématurée de Her, Juda dit à son second fils, Onan : « Va à la femme de ton frère, et comme yâbâm épouse la, pour susciter une postérité à ton frère. » Onan, sachant que cette postérité ne serait pas pour lui, trahit son devoir de yâbâm et mourut comme son aîné. L’obligation d’épouser Thamar passait à Séla. Juda, prétextant que celui-ci était encore trop jeune, et espérant peut-être que Thamar trouverait un autre époux, lui dit d’attendre dans la maison de son père. C’est alors que Thamar, frustrée dans ses droits, Gen., xxxviii, 26, s’arrangea pour obtenir criminellement de Juda lui-même la postérité qu’elle désirait. Gen., xxxviii, 6-11. Dans ce récit, le lévirat apparaît à l’état de coutume obligatoire dans le pays de Chanaan, et l’obligation en est reconnue par Juda lui-même, qui dit de Thamar, après son inceste : « Elle est moins coupable que moi, puisque je ne l’ai pas donnée à mon fils Séla. » Gen., xxxviii, 26. Cette coutume n’était pas particulière aux Chananéens. On l’a constatée chez d’anciens peuples d’Italie, Diodore de Sicile, xii, 18, chez les Arabes, les Indiens, les Perses, les Mongols, les Éthiopiens, les Druses, les Gallas d’Abyssinie, les Caucasiens, etc. Cf. Winer, Bibl. Bealwôrterbuch, Leipzig, 1838, t. ii, p. 23 ; Fr. de Hummelauer, In Deuteron., Paris, 1901, p. 417. Le lévirat avait pour but évident d’assurer une descendance au frère aîné mort prématurément, afin que le nom de celui qui était arrivé à l’âge d’homme et avait déjà contracté mariage ne se perdît pas. Par le fait même, l’héritage du défunt, au lieu de passer à des collatéraux, était assuré à la descendance directe que lui procurait le lévirat. Enfin, l’exemple consigné dans la Genèse montre, qu’à défaut du second frère, c’était au troisième et aux suivants qu’incombait le devoir d’épouser la veuve. La chose était encore ainsi comprise au temps de Notre-Seigneur, puisque les sadducéens lui proposent l’exemple de sept frères épousant successivement la même femme. Matth., xxii, 23-27 ; Marc, xii, 18-23 ; Luc, xx, 27-32.

2° Dans la loi mosaïque. — Moïse inséra dans sa législation la loi du lévirat. Cette loi, qui n’apparait que dans le Deutéronome, n’a dû être promulguée que sur la fin du séjour au désert, peu avant l’entrée du peuple d’Israël dans ce pays de Chanaan où le lévirat était en usage depuis si longtemps. Rien ne permet d’affirmer que cette coutume ait été en vigueur parmi les Hébreux durant leur séjour en Egypte. Il est probable que si le lévirat avait été pratiqué alors, Moïse en aurait rappelé la loi dès le commencement du séjour au désert, en même temps que celles qui règlent les mariages. Lev., xvhi, 1-25. La loi mosaïque suppose des trères habitant ensemble, par conséquent des frères du même père, puisque entre des frères de même mère mais de pères différents il n’y a communauté ni d’héritage, ni d’habitation. Si l’aîné meurt sans entant, selon l’hébreu : « sans fils, » bên’ên-lô, tandis que les Septante disent : « sans descendance, » et la Vulgate : « sans entants, » la veuve ne peut épouser un étranger ; le trère du défunt doit la prendre en qualité de yâbâm, et le premier-né de cette union porte le nom et reçoit l’héritage de celui qui n’est plus. Il arrivait pour l’ordinaire que le second frère n’était pas encore marié au moment où l’aîné mourait sans laisser d’enfant. La loi, qui tolère la bigamie, ne dit rien du cas où le second frère était déjà marié quand mourait l’atné. La veuve ne pouvait donc accepter en mariage/ un autre que son beau-frére ; par contre, celui-ci pouvait se soustraire à l’obligation d’un pareil mariage. La veuve le citait alors devant les anciens, qui devaient chercher à le persuader. S’ils n’y réussissaient pas, la veuve s’approchait de lui en présence des anciens, lui était son soulier du pied, lui crachait au visage, ou peut-être simplement crachait devant lui, et disait : s. Ainsi en arrivera-t-il de l’homme qui ne relève pas la maison de son frère. » La maison de celui qui avait refusé d’être yâbâm était désormais appelée en Israël : bê( Ijtâlûs han-nâ’al, « maison de celui qui a quitté son soulier. s Deut., xxv, 5-10. Se laisser ôler son soulier, 215

LÉVIRAT — LÉVIT1QUES (VILLES)

216

c’était renoncer à un droit, se rendre incapable de mettre le pied sur un héritage, de même que jeter son soulier sur un pays, c’était s’en emparer. Ps. lx (lis), 10. La veuve crachait ensuite, pour signifier que le beau-frère, par son refus, devenait souverainement méprisable. "Voir t. ii, col. 1099. Il suit de là que le mariage avec la veuve s’imposait au yâbâm comme un devoir de haute convenance et presque de justice à l’égard de l’aîné ; s’il se refusait à le remplir, malgré les admonestations des anciens, il était disqualifié aux yeux de ses concitoyens.

3° Le cas de Ruth. — Le livre de Ruth, iv, 1-3, montre en action les formalités prescrites pour le refus ou l’acceptation du lévirat. Voir Booz, t. i, col. 1851. Booz était parent d’Élimélech, beau-père de Ruth, la Moabite veuve elle-même, qu’il désirait épouser. Il se rend donc à la porte de la ville, où arrive de son côté un autre parent plus rapproché de Ruth. Là, devant dix anciens, il propose à ce dernier le droit de préemption pour un champ que possédait leur « frère » commun, c’est-à-dire leur parent, et que Noémi, veuve d’Élimélech, voulait vendre. Le parent rapproché consent à acheter le champ, mais quand Booz lui fait observer qu’il devra aussi épouser Ruth, l’héritière, pour relever le nom de son mari défunt, Mahalon, fils d’Élimélech, il se désiste, par crainte des inconvénients qu’il croit voir à ce mariage. Lui-même alors ôte son soulier, en signe de désistement, et Booz conclut solennellement le contrat en présence des anciens. Il résulte de cet exemple que, si les frères avaient à épouser la veuve de leur aîné défunt, l’obligation était étendue, à défaut de frères, aux parents les plus proches. Mais alors l’obligation s’imposait sans doute moins impérieusement. De fait, ce n’est pas Ruth, mais Booz qui règle l’affaire avec le parent plus rapproché. L’acquisition du champ et le mariage avec Ruth semblent constituer pour ce dernier un droit plutôt qu’un devoir ; il y renonce volontairement et ôte lui-même son soulier, sans que la veuve le lui retire, comme le prescrivait la loi du Deutéronome, xxv, 9. D’ailleurs, dans le livre de Ruth, IV, 7, l’abandon du soulier est formellement indiqué comme le signe extérieur d’un contrat de vente ou d’échange passé devant les anciens ; ce signe n’est pas considéré comme caractéristique de la renonciation au lévirat. Cf. Sagittarius, De nudipedalibus veterum, 3, dans le Thésaurus d’Ugolini, t. xxix ; Rosenmûller, Das alte und das neue Morgenland, Leipzig, 1818, t. iii, p. 70. Josèphe, Ant. jud., V, ix, 4, complète le récit en disant que, sur l’invitation de Booz, Ruth retira le soulier de son parent et lui cracha au visage. L’historien se méprend visiblement en introduisant dans le récit des traits empruntés à la législation, mais non nécessairement applicables au cas de Ruth. — À part l’allusion des sadducéens dans l’Évangile, il n’est plus question du lévirat dans la Sainte Écriture. Néanmoins la loi en dut être fréquemment appliquée dans le cours des âges. On estime qu’elle intervient trois fois dans la série des ancêtres du Sauveur, et c’est ainsi qu’on explique les différences qui existent entre les deux listes généalogiques de saint Matthieu et de saint Luc. Voir Généalogie de Jésus-Christ, t. iii, col. 170, et Cornely, Introd. in lib. N. T., Paris, 1886, t. iii, p. 198-200.

4° À l’époque évangélique. — La loi du lévirat était toujours en vigueur à cette époque. Le commentaire de cette loi fait l’objet du traité Jebamoth de la Mischna. Voici ce que les docteurs juifs avaient réglé à ce sujet. Le yâbâm ne pouvait épouser la veuve que trois mois au moins après la mort du premier mari, afin qu’on pût au préalable constater qu’elle n’était pas enceinte. Le mariage était même alors précédé des fiançailles, en présence de deux témoins, et moyennant la tradition d’une pièce d’au moins un prutah, de la valeur du Xsictôv, Luc, xii, 59, c’est-à-dire d’à peu près un centime. Si le parent se refusait au mariage, la veuve procédait à son égard comme il est prescrit au Deutéro’nome, xxv, 5-10. Les juges avaient d’ailleurs donné au yâbâm une consultation préalable pour l’exhorter soit à accepter soit à refuser le mariage. On avait un soulier tout préparé, dans des conditions spéciales, pour le mettre au pied du retusant. La veuve devait être à jeun pour l’accomplissement de la formalité officielle ; on avait même réglé la quantité de salive qu’elle devait émettre, quantité suffisante pour qu’on pût l’apercevoir à terre. Les juges criaient ensuite par trois fois : hâlûs han-nâ’al, « dépouillé de son soulier, » à celui qui n’acceptait pas le mariage, et ils lui délivraient un certificat constatant le fait. Le yâbâm dépouillé de son soulier pouvait ensuite se marier comme il l’entendait ; la veuve abandonnée par lui recouvrait aussi sa liberté, sans pouvoir cependant épouser un prêtre. Si elle épousait un autre homme, avant la renonciation du yâbâm, elle était passible de la flagellation, ainsi que son mari, et celui-ci devait la renvoyer avec une lettre de divorce. Le grand-prêtre, d’après la loi, Lev., xxi, 13, 14, ne pouvait épouser qu’une vierge ; il était donc par là même exempté de l’obligation du lévirat. Le premier fils qui naissait du mariage contracté en vertu du lévirat, prenait le nom du défunt, lui succédait dans ses biens et continuait sa race. Il est à remarquer pourtant qu’Obed est traité comme fils de Booz, et non comme fils de Mahalon. Ruth, iv, 21, 22 ; Matth., i, 5. La cause en est probablement que Booz n’était pas frère, mais seulement cousin de Mahalon. Les docteurs décidaient encore que dans le cas où il se trouvait plusieurs veuves, un frère n’en avait qu’une à épouser, que l’obligation passait du plus âgé au puîné, que cette nouvelle union entraînait les mêmes empêchements matrimoniaux avec les parents de la veuve qu’une union normale, mais que l’obligation du lévirat n’existait qu’entre parents unis à un degré qui prohibait le mariage. Cf. Yebamoth, ii, 3, 8 ; rv, 5, 7, 10 ; x, 1, 3.

5° Cas où le défunt ne laissait que des filles. — Comme il a été dit plus haut, la loi suppose que le défunt n’a pas laissé de fils, bên. Il suivrait de là en rigueur que, s’il ne laissait que des filles, le lévirat s’imposait. Pourtant les filles pouvaient être héritières, Num., xxxvi, 1-12, et le lévirat eût été d’une application bien - difficile si les frères puînés se trouvaient déjà mariés au moment de la mort d’un aîné ne laissant que des filles, ou s’il y avait trop grande disproportion d’âge entre eux et la veuve. Il est clair que le frère déjà marié était exempt du lévirat, autrement la loi eût prescrit la bigamie, au lieu de la tolérer simplement. D’après Josèphe, Ant. jud., V, ix, 4, le parent de Ruth refuse le mariage parce qu’il a déjà femme et enfants. Il est à croire que, dans le texte de la loi, le mot bên est à prendre dans le sens large. C’est ce que font les Septante : mzipyjx, « descendance ; » la Vulgate : absque liberis, « sans enfants, » et Josèphe", Ant. jud., IV, viii, 23 : a-cexvot, « sans enfant. » Dans l’exemple cité par les sadducéens, le défunt laisse la veuve [ati ëx wv <nrépfi.ce, « sans descendance, » Matth., xxii, 25 ; Marc., xii, 20, atexvoç, « sans entant. » * Luc, xx, 29. D’après l’interprétation juive, la loi du lévirat ne s’appliquait donc pas si, à défaut de fils, le défunt laissait une ou plusieurs filles. — Cf. Benary, De Hebrseorum leviratu, Berlin, 1835 ; Redslob, Die Leviratseke bei den Hebrâern, Leipzig, 1836 ; Iken, Antiquitates

hebraicee, Brème, 1741, p. 504-507.

H. Lesêtre.
    1. LÉVITES##

LÉVITES, voir Lévi 2, col. 203.

    1. LÉVITIQUE##

LÉVITIQUE, troisième livre du Pentatcuque. Voir

Pentateuque.

    1. LÉVITIQUES##

LÉVITIQUES (VILLES), villes assignées aux prêtres et aux lévites comme lieu d’habitation dans les différentes tribus d’Israël. Num., xxxv, 1-8 ; Jos., xxi ; I Par., VL, 54-81. Voir Lévi (Tribu de), col. 207.

1. Noms et croupes. — Ces villes étaient au nombre de 48. Num., xxxv, 7. Deux documents parallèles nous en ont conservé la liste, Jos., XXI, et I Par., VI, 54-81. Malgré des variantes et certaines lacunes dans les Paralipomènes, nous avons, au fond, identité de renseignements dans les deux endroits. Voici par familles lévitiques et par tribus la nomenclature de ces villes :

I. fils db caate. — Cette ligne se divisait en deux branches :

1° Aaronides ou prêtres. — Ceux-ci curent dans les deux tribus de :

A) Juda et Siméon. — 1. Hébron (hébreu : ffébrôn ; Septante : Xeêptiv), Jos., xxi, 11 ; I Par., vi, 57 (hébreu, 40, 42), aujourd’hui El-Khalîl, au sud de la Palestine, dans la montagne de Juda. Voir Hébron 3, t. iii, col. 554.

2. Lobna (hébreu : Libnâh ; Septante, Codex Vaticanus : Ae|*vâ ; Codex Alexandrinus ; Aeëvâ, Jos., xxi, 13 ; Vat. et Alex. : Aoêvà, 1 Par., vi, 57 [hébreu, 42], appelée aussi Labana, Jos., xv, 42, et Lebna, Jos., x, 29-32 ; xii, 15. L’emplacement est inconnu, mais devait se trouver dans les environs de Beit-Djibrîn.

3. Jéther (hébreu : Yaplir ; Septante, Vat. : A’ù, û, p, transposition fautive ; Alex. : ’IéDep, Jos., xxi, 14 ; Vat. : ’IeOOàp ; Alex. : ’léftep, I Par., VI, 58 [hébreu, 43], actuellement Khirbet’Attîr, au sud d’El-Khalîl, sur la frontière de Juda et de Siméon. Voir Jéther 6, t. iii, col. 1519.

4. Esthémo (hébreu : ’EStem ôa’; Septante, Vat. : Teu.â ; Alex. : ’Ec6s( « o, Jos., xxi, 14 ; Vat. et Alex. : ’E<fian<i, I Par., vi, 57 [hébreu, 42], appelée ailleurs Istemo, Jos., xv, 50 ; Esthamo, I Beg., xxx, 28, et justement identifiée avec Ès-Semu’a, au nord-est de la précédente. Voir Esthémo, t. ii, col. 1972.

5. Holon (hébreu : B~ôlôn, Jos., xxi, 15 ; Biîlên, I Par., vi, 58 [ hébreu, 43] ; Septante, Vat. : ViWx ; Alex., ’QXwv, Jos., xxi, 15 ; Vat..-SeXvâ ; Alex. : NrjXwv, I Par., vi, 58 [hébreu, 43 ; Septante, 57], appelée aussi Hélon, I Par., vi, 58, et Olon, Jos., xv, 51. Inconnue. Voir Hélon 2, t. iii, col. 586.

6. Dabir (hébreu : Debîr ; Septante : AaSei’p), également appelée Cariathsehna, Jos., xv, 49, et Cariath-Sépher, Jos., xv, 15, peut vraisemblablement être placée à Edh-Dhâheriyéh, au sud-ouest d’Hébron. Voir Dabir 2, t. ii, col. 1197.

7. Aïn (hébreu : ’Ain ; Septante, Vat..-’Aai ; Alex. :

  • Aîv), Jos., xxi, 17 ; Asan (hébreu : ’ÂSdn ; Septante : ’Aaàv), d’après I Par., vi, 59 (hébreu, 44). Position incertaine.

Voir Aïn 2, t. i, col. 315, et Asan, t. i, col. 1055.

8. Jeta (hébreu : Yuttâh ; Septante : Tavû), omise dans la liste des Paralipomènes. C’est aujourd’hui le village de Yutta, situé au sud d’Hébron. Voir t. iii, col. 1517.

9. Bethsamès, Jos., xxi, 16 ; Bethsémès, I Par., vi, 59 (hébreu, 44) (hébreu : Bêt-Sémés ; Septante : BaiOaan’Jî, Jos., xxi, 16 ; I Par., vi, 59 [hébreu, 44] ; Alex. : Be6<j « |/, lî, Jos., xxi, 16), actuellement Ain Schems, sur la limite de Juda et de Dan. Voir Bethsamès 1, t. i, col. 1732.

B) Benjamin. — 10. Gabaon (hébreu : Gib’ôn ; Septante : r<x6a<iv), omis dans la liste des Paralipomènes, correspond au village d’El-Djîb, au nord-ouest de Jérusalem (t. iii, col. 15).

11. Gabaé, Jos., xxi, 17 ; Gabée, I Par., vi, 60 (héb., 45) (hébreu : Géba’; Septante, Vat. : TaôsO, Jos., xxi, 17 ; rà6ai, I Par., vi, 60 : Alex. : VaUt, Jos., xxi, 17 ; I Par., vi, 60), appelée aussi Gabaa, 1 Reg., xiv, 5, aujourd’hui Djéba’, au nord nord-est de Jérusalem. Voir Gabaa 2, t. iii, col. 3.

12. Anathoth (hébreu : ’Ânâfôt ; Septante : ’Avo19<18) =’Anâta, au nord-est de Jérusalem. Voir Anathoth 3, t. 1, col. 550.

13. Almon (hébreu : ’Almôn ; Septante, Vat. : Td(iaXa ; Alex, : ’AXjiuv), Jos., xxi, 18 ; Almath (hébreu : ’AUémét ; Septante, Vat. : ra.Uy.tf ; Alex. : TaX^sS),

I Par., vi, 60 (hébreu, 45) = Khirbet Almîêt, près u"Anàta, vers le nord-est. Voir Almath 2, t. i, col. 397. 2° Lévites.

C) Tribu d’Éphraïm. — 14. Sichem (hébreu : Sekém ; Septante : Su/ép.), Jos., xxi, 21 ; 1 Par., VI, 67 (hébreu, 52), aujourd’hui Naplouse.

15. Gazer (hébreu : Gézér ; Septante, Vat. : raÇapà, Alex. : TàCep, Jos., xxi, 21 ; Vat. : TâCep, I Par., vi, 67 [52])=TeU Djézer, au sud-estde Bamléh. VoirGAZER’l, t. iii, col. 126.

16. Cibsaïm (hébreu : Qibsaîm ; Septante, Vat. : omis ; Alex. : Kaèaæin), Jos., xxi, 22 ; Jecmaam (hébreu ; Yoqrne’âm : Septante, Vat. : Ixaâp. ; Alex. : Iexii.aâv), I Par., vi, 68 (53). Il y a peut-être ici une faute de copiste produite par la confusion de certaines lettres, t. ii, col. 749. En tout cas, la ville est inconnue. Voir cependant Jecmaam 2, t. iii, col. 1212.

17. Bethoron (hébreu : Bêp R~ôrôn ; Septante, Bck-Swpwv ) — Beit’Vr et-tahta ou el-fôqâ, sur la frontière d’Ephraïm et de Benjamin (t. i, col. 1699).

D) Tribu de Dan. — 18. Elthécon (hébreu : ’Élpeqê’; Septante, Vat. : ’EXxwOaîp. ; Alex..’EXŒxw), omise dans la liste des Paralipomènes (t. ii, col. 1707). Cette ville est aussi appelée Êlthécé, Jos., xix, 44 (t. ii, col. 1706), mais n’a pu jusqu’ici être identifiée.

19. Gabathon (hébreu : Gibbepôn ; Septante, Vat. : rs9e8àv ; Alex. : TaëeSuv), omise dans les Paralipomènes, appelée ailleurs Gebbéthon, Jos., xix, 44, peut-être actuellement Qibbiyéh, à l’est de Ludd. Voir Gebbéthon, t. iii, col. 142.

20. Aïalon (hébreu : ’Ayyâlôn ; Septante, Vat. : AîXwv : Alex. : ’IaX<iv), Jos., xxi, 24 ; Hélon (hébreu : ’Ayyàlôn ; Septante, Vat. : ’EyXâ|ji ; Alex., ’HXtiv), I Par., VI, 69(54). Le premier nom est le vrai et subsiste encore dans celui de Ydlô, village situé un peu au nord de la route de Jaffa à Jérusalem. Voir Aïalon 1, t. ii, col. 296.

21. Gethremmon (hébreu : Gat-Rimmôn ; Septante, Vat. : r66epe[A[(, wv ; Alex. : re6pep.|ji(iv, Jos., xxi, 24 ; Vat. : TeOwptiv ; Alex. : r16pep.[Ativ, I Par., VI, 69 [54]). Inconnue. Voir Gethremmon 1, t. iii, col. 229.

2 ?) Demi-tribu occidentale de Manassé. — 22. Thanach (hébreu : Ta’nàk ; Septante, Vat..- T’avà/ ; Alex. : Oaavâx), Jos., xxi, 25 ; Aner (hébreu : ’Ânêr ; Septante, Vat. : ’Ap.àp ; Alex. : ’Eviîp), I Par., vi, 70 (55). Il y a probablement ici une corruption de mot ou un faute de copiste. Voir Aner 2, t. i, col. 575. Thanach a subsisté jusqu’à nos jours sous le même nom de Ta’annûk, au nord-ouest de Djenîn.

23. Gethremmon (hébreu : Gap-Rimmôn ; Septante, Vat. : ’Ie6a81 ; Alex. : Bac90 « ), Jos., xxi, 25 ; Balaam (hébreu : BU’âm ; Septante, Vat. : omis ; Alex. : ’IëXaât ».), I Par., VI, 70 (55). Il est probable que Gethremmon est une répétition fautive du même nom propre mentionné au verset précédent. D’autre part, on pense, d’après la leçon des Septante, ’IeêaOi, ’IeSXaâpi, que Balaam est identique à Jéblaani (hébreu : Yble’âm), aujourd’hui Khirbet Bel’améh, à deux kilomètres au sud de Djenîn. Voir Gethremmon 2, t. iii, col. 229.

il. fils de gebson. — F) Demi-tribu orientale de Manassé. — 24. Gaulon (hébreu : Gôlàn ; Septante, Vat. : r<xvX<iv ; Alex. : TwXâv, Jos., xxi, 27 ; Vat. : TwXâv ; Alex..-TacuX^v, I Par., vi, 71 [56]), aujourd’hui Sahem el-Djàûlân, au delà du Jourdain, à la hauteur du lac de Tibériade, sur Vouadi esch-Schéféil. Voir Gaulon, t. iii, col. 116.

25. Bosra (hébreu : Be’eSperâh ; Septante, Vat. : Booopâ ; Alex. : BeeOâpa), Jos., iii, 27 ; Astaroth (hébreu : ’Aêtârôp ; Septante, Vat. : ’AoripiàO ; Alex. : Pap.c’)6), I Par., vi, 71 (56). Plus probablement Astaroth, actuellement Tell el-Asch’ari on Tell’Astara, au sud-est et au nord-est de Sahem. el-Djaûlàn. Voir Bosra 2, 1. 1, col. 1860.

G) Tribu d’Issachar. — 26. Césion (hébreu : QiSyôn,

Septante, Vat. : Kucév ; Alex. : Kjoiùv), Jos., xxi, 28 : Cédés (hébreu : Qédés ; Septante, Vat. : KiSa ; Alex. : KéSse), I Par., vi, 72 (57). À quel nom donner la préférence ? On ne sait. Césion n’est pas connue. Cédés est identifiée avec Tell Abu Qudéis, dans la plaine d’Esdrelon, au sud-est d’El-Ledjdjûn. Voir Cédés 3, t. ii, col. 369.

27. Daberetb (hébreu : Dâberaf, Jos., xxi, 28 ; Dobrat, I Par., vi, 57 [72] ; Septante, Vat. : Aeëëà ; Alex. : AîêpiB, Jos., xxi, 28 ; Vat. : Asêspet, I Par., vi, 72) = Debûriyéh, à l’ouest et au pied du Thabor (t. ii, col..1195).

28. Jaramoth (hébreu : Yarmûf ; Septante, Vat. : ’Pemiâô ; Alex. : ’Ieppuie), Jos., xxi, 29 ; Ramoth (hébreu : Râ’môt ; Septante, Tapiâô), I Par., vi, 73 (58). Les deux noms ne diffèrent que par la forme ; la ville est inconnue. Voir Jaramoth, t. iii, col. 1128.

29. Engannim (hébreu : ’Ên-Gannim ; Septante : IlriYÎi vpa(ii*aTft>v), Jos., xxi, 29 ; Anem (hébreu : ’Anêm ; Septante : Alvàv), Par., VI, 73 (58). Le dernier nom est probablement une contraction du premier. Engannim s’appelle aujourd’hui Djénîn, au sud de la plaine d’Esdrelon. Voir Engannim 2, t. ii, col. 1802.

H) Tribu d’Asèr. — 30. Hasal (hébreu : Mis ai, Jos., xxr, 30 ; MàSàl, I Par., vi, 59 [74] ; Septante, Vat. : Ba<rsXXâ ; Alex. : Maaail, Jos., xxi, 30 ; Vat. : Maamt ; Alex. : Maa-â), I Par., vi, 74), peut-être Khirbet Misiliyéh, au nord d’Athlit.

31. Abdon (hébreu : ’Abdôn ; Septante, Vat. : Aaëëœv ; Alex. : ’AêSiiv, Jos., xxi, 30 ; Vat. : ’Agapâ ; Alex. : "AëStiv, I Par., vi, 74 [59] = Khirbet’Abdéh, au nordest d’Ez-Zîb. Voir Abdon 5, t. i, col. 25.

32. Helcath (hébreu : Jjiélqàt ; Septante : Vat. : XêXxixt ; Alex..-©eXiuiû), Jos., xxi, 31 ; Hucac (hébreu : ifûqôq ; Septante, Vat. ; ’Ixâx ; Alex. : laxocx), I Par., Vi, 75 (60), appelée aussi Halcath, Jos., xix, 25, aujourd’hui Yerka, au nord-est de Saint Jean-d’Acre. Voir Halcath, t. iii, col. 403. v

33. Rohob (hébreV : Rehôb., Septante, Vat. : ’Paie ; Alex. : To<ië, Jos., xxi, 31 ; Vat. : ’Po<ië, 1 Par., vi, 75 [60]), peut-être Tell er-Rahib.

]) Tribu de Nephthali. — 34. Cédés en Galilée (hébreu : Qe’déH bag-Gâlil ; Septante : KotSeç, KéJe ; èv T7j raXiXafa) a subsisté jusqu’à nos jours sous le même nom de Qadès ou Qédès, au nord-ouest du lac Mérom ou Bahr el-Huléh. Voir Cédés 1, t. ii, col. 360.

35, Hammoth Dor (hébreu : ffammôf Dô’r ; Septante, Vat. : Nsnitie ; Alex. : ’Ep.a680>p), Jos., xxi, 32 ; Hamon (hébreu : JJammôn ; Septante : Vat. : Xa(iwO ; Alex. : Xauwv), I Par., vi, 76 (61). Les deux mots se rattachent à la même racine et représentent la même ville appelée ailleurs Émath, Jos., xix, 35, aujourd’hui la localité d’El-Hammâm, voisine de Tibériade (t. iii, col. 408).

36. Carthan (hébreu : Qartân ; Septante, Vat. : ©eupiàiv ; Alex. : Noe[i(i<âv), Jos., xxi, 32 ; Cariathaïm (hébreu : Qiryâfaim ; Septante : KapiaOa’i>), I Par., vi, 76 (61). C’est le même nom, malgré la différence de forme ; la ville est inconnue. Voir Carthan, t. ii, col. 324.

/II. fils DE mÈrari. — J) Tribu de Zabulon. — 37. Jecnam (hébreu : Yoqne’àm ; Septante, Vat. : Maàv ; Alex. : ’Exvàji), omise dans la liste des Paralipomènes. Elle est appelée aussi Jachanan, Jos., xii, 22, et Jéconam, Jos., xix, 11. On a cherché à l’identifier avec Tell el-Qaimûn, à la pointe sud du Carmel, position douteuse. Voir Jéconam, t. iii, col. 1213.

38. Cartha (hébreu : Qarfàh ; Septante, Vat. : KiSr, c, Alex. : Kap8â), omise dans les Paralipomènes. Inconnue. Voir Cartha, t. ii, col. 324.

39. Damna (hébreu : Dimnâh ; Septante, Val. : omis ou remplacé par SeXXà ; Alex. : Aapwà), Jos., x-xi, 35 ; Remmono (hébreu : Rimmônô : Septante, Vat. : ’Pefituiv), I Par., vi, 77 (62). La vraie forme du nom est probablement Rimmono ou Rimmônâh, dont Dimnàh

ne serait qu’une lecture fautive. Dans ce cas, la ville serait actuellement représentée par Rummanéh, village situé au nord de Nazareth. Voir Damna, t. ii, col. 1231.

40. Naalol (hébreu : Nahâlol ; Septante, Vat. : omis ; Alex. : NoaXmX), Jos., xxi, 35 ; Thabor (hébreu : Tâbôr ; Septante, Vat. : ©a^eià ; Alex. : ©aëwp), I Par., vi, 77 (62). Lé premier nom est identifié par plusieurs auteurs avec Ma’lûl, à l’est-sud-est de Semûniyéh. On ne sait au juste ce que représente le second. Voir Thabor.

K) Tribu de Ruben. — 41. Bosor (hébreu : Bésér ; Septante : Boaôp). Jos., xx, 8 ; I Par., vi, 78. Plusieurs l’identifient avec Qsûr el-Beschéir, au sud-ouest de Dhxbân. Voir Bosor 1, t. i, col. 1856.

42. Jaser (hébreu : Yahsâh ; Septante : ’Iaîijp), Jos., xxj, 36 ; Jassa (hébreu : Yahsâh ; Septante : ’Iaoà), IPar., vi, 78 (63). Ce dernier nom est le vrai. Inconnue, malgré de nombreuses hypothèses. Voir Jasa, t. iii, col. 1138,

43. Jethson (hébreu : Qedêmôf ; Septante, Vat. : Aex(i<ôv ; Alex. : re8<r<£v), Jos., xxi, 36 ; Cadémoth (hébreu : Qedêmôf, Septante, Vat. : Ka8aua> « ; Alex. : Ka(ir18c18, sans doute pour Ka8Y)p.à>6), I Par., vi, 79 (64), Jethson est fautif, comme on le voit d’après l’hébreu ; Cadémoth est inconnue. Voir Jethson, t. ut, col. 1523.

44. Mephaath (hébreu : Mêfâ’af ; Septante, Vat. : Maçà ; Alex..-Maa-tpà, Jos., xxi, 37, Vat..MaKpXaj.Aiex..4>aà6, I Par., vi, 79 [64]). Inconnue.

L) Tribu de Gad. — 45. Ramoth en Galaad (hébreu : Râmôt bag-Gil’âd ; Septante : Tap.ù6 év rîj TaXaseî, Jos., xxi, 38 ; Vat. : Ta|iquov ; Alex. : ’Papià)8 TaXaàS, I Par., vi, 80 [65]). Position incertaine ; peut-être Es-Salt.

46. Manaïm (hébreu : Mahànaîm : Septante, Vat. ; Ka|ieiv ; Alex. : Maval|i, Jos., xxi, 38 ; Vat. : Maavai’6 ; Alex. : Maavaip., I Par., vi, 80 [65]. Peut-être Mahnéh, au nord du Nahr ez-Zerqa.

47. Hésébon (hébreu : JféSbôn ; Septante : ’E<reët.’iv) T aujourd’hui Hesbân, au nord du mont Nébo (t. iii, col. 657).

48. Jazer (hébreu : Ya’zér ; Septante : ’Io^p), Jos., xxi, 39 ; Jézer (hébreu Ya’àzér ; Septante, Vat. : Tai ; ép ; Alex. : Ta^p), I Par., vi, 81 (66), probablement Khirbet Sâr, à l’ouest d’Amman (t. iii, col. 1150).

Comme on le voit, les deux documents se suivent d’assez près. Celui des Paralipomènes a des lacunes : six noms sont tombés de la liste, bien que l’énumération relative à chacun des groupes renferme les mêmes chiffres que le livre de Josué, c’est-à-dire treize villes pour les prêtres, I Par., vi, 60 ; dix pour les Lévites Caathites, ꝟ. 61 ; treize pour les Gersonites, ꝟ. 62 ; douze pour les Mérarites, ꝟ. 63. Les différences de noms s’expliquent soit par la confusion de certaines lettres, soit par la corruption ou la contraction du mot, soit par une répétition fautive ; dans quelques cas seulement, le choix est difficile entre les deux textes. La version des Septante n’apporte que peu de secours. La Vulgate suit généralement bien l’hébreu ; on se demande cependant pour^ quoi elle amis Hélon au lieu de Aîalon, jJ.69 ; Jethson pour Cadémoth, Jos., xxi, 36 ; Jaser pour Jassa, Jos., xxi, 36 ; de même Misor, Jos., xxi, 36, est une additioa fautive. — Parmi les villes lévitiques sont comprises les six villes de refuge : trois à l’ouest du Jourdain, c’est-à-dire Hébron, Sichem et Cédés de Nephthali ; trois, à l’est, Bosor, Ramoth Gaalad et Gaulon. Jos., xx, 7. 8. — On remarquera enfin comment on avait réservé aux prêtres la proximité de Jérusalem. Jos., xxi, 13-19.

II. Dispositions légales. — C’est le livre des Nombres, xxxv, 1-8, qui renferme les prescriptions légales concernant les villes lévitiques. Nous y voyons d’abord, ꝟ. 3, qu’elles n’étaient pas données à ta. tribu de Lévi comme un territoire, mais aux lévites comme lieu d’habitation, et non à titre de propriété ; ils n’en étaient même pas les seuls habitants. Cependant Tel

clusion du partage de la Terre Promise n’entraînait pas pour eux l’incapacité de posséder des immeubles. Le Lévilique, xxv, 32-34, suppose que, dans leurs villes, ils possèdent des maisons, lesquelles, venant à être aliénées, pourront toujours être rachetées ; sinon, elles reviendront à leurs anciens propriétaires en l’année du jubilé. Les pâturages qui leurs sont concédés dans le voisinage ne pourront jamais être aliénés ; ils ont une affectation spéciale d’ordre public. Quant au mode d’établissement des Lévites, il est permis de croire, d’après les données de la loi, qu’il leur était réservé des quartiers plus ou moins étendus suivant leurs besoins et les ressources des localités. — Le même texte, ꝟ. 3-5, délimite ensuite strictement l’étendue des pâturages qui leur étaient accordés dans la banlieue des villes. On comptait d’abord « depuis le mur de la cité vers le dehors, tout autour », c’est-à-dire dans la direction des quatre points cardinaux, une ligne de 1000 coudées (525 mètres). Puis, à l’est, au midi, à l’ouest et au nord, on mesurait perpendiculairement à cette ligne une autre de 2000 coudées, ce qui déterminait comme quatre terrains rectangulaires, destinés aux troupeaux des Lévites. Tel est du moins le sens qu’il faut attribuer aux ꝟ. 4 et 5, et que le diagramme suivant aidera â comprendre.

N

ci

1000 c.

1000 c.

Ville. « 

  • -<

2000 c.

Enfin, après avoir fixé le nombre des villes lévitiques, c’est-à-dire 48, dont 6 de refuge, ꝟ. 6-7, la Loi définit, ꝟ. 8, que la part à céder par les différentes tribus pour la demeure des Lévites sera en proportion de l’importance du territoire de chacune. Malgré cela, il est facile de voir, d’après l’énumération donnée ci-dessus, que les villes sont assez uniformément réparties raison de quatre par tribu, à l’exception de Juda et de Siméon réunis qui en fournissent neuf, et de Nephthali, qui n’en fournit que trois. Mais il faut remarquer que le ji. 8 ne dit pas, à la rigueur, que le nombre des villes à céder par chaque tribu sera proportionné à l’étendue de son territoire ; il porte, en effet, d’après l’hébreu : « Quant aux villes que vous donnerez de la possession des fils d’Israël, de la (tribu) grande, vous donnerez beaucoup et de la (tribu) petite, vous donnerez peu ; chacun en proportion de son lot donnera (une part) de ses villes aux lévites. » Il y là une formule générale qui peut s’entendre de l’importance plus ou moins considérable des cités, de la place plus ou moins vaste qui y était laissée aux

Lévites.

A. Legendre.
    1. LÈVRE##

LÈVRE (hébreu : èdfâh ; assyrien : Saptu ; Septante : ^es’Xo ;  ; Vulgate : labium), partie charnue qui forme le contour de la bouche, et qu’on distingue en lèvre supérieure et lèvre inférieure.

I. Au sens propre. — 1° Les lèvres recouvrent les dents. Job, xtx, 20. Les lèvres de l’Épouse sont comme un fil cramoisi, Cant., iv, 3, à cause de leur couleur vermeille ; comme des SôSanîm- (Vulgate : lilia ; voir Anémone, t. i, col. 575) d’où découle la myrrhe, Cant., v, 13, à cause de la beauté de leur forme et de la douceur de leurs paroles. Les lèvres frémissent sous l’influence de la crainte, Habac, iii, 16, et elles remuent doucement chez celui qui prononce des paroles sans

émission de voix. Job, xvi, 6 ; I Reg., i, 13 ; Judith, xiii, 6. — Les Assyriens passaient un frein en formed’anneau, méfég, dans les lèvres de leurs prisonniers. Voir Anneau, et la fig. 158, t. i, col. 636-637, qui montre des prisonniers d’Assurbanipal avec ce frein. De la part du Seigneur, Isaïe, xxxvii, 29, dit à Sennachérib, qui menace Jérusalem : « Je mettrai mon métég à tes lèvres. ? IV Reg., xix, 28. — 2° Les lèvres sont un desinstruments du langage ; elles concourent à la formation de la parole, donnent leur caractère aux labiales et doivent nécessairement s’entr’ouvrir pour laisser passerles sons. « Ouvrir les lèvres, » c’est donc parler. Job, xi, 5 ; xxxii, 20 ; Prov., viii, 6 ; xx, 19. Ouvrir les lèvresà quelqu’un, c’est le faire parler. Ps. li (l), 17. « Fermer les lèvres, » Prov., xvii, 28, « retenir les lèvres, » Prov., x, 19 ; Ps. xl (xxxix), 10, c’est se taire. Celui quii ferme les yeux et « se mord les lèvres » pour ne rien dire, mais pense au mal qu’il veut commettre, est déjà, coupable. Prov., xvi, 30. Moïse dit de lui-même qu’il est’âral sefdfayîm, incircumcisus labiis, « incirconcis des lèvres, » Exod., VI, 12, 30, pour signifier qu’il n’a pas les lèvres dégagées, qu’il parle difficilement, qu’il est, selon les expressions des Septante, aXoyoç, « sans parole, » îo^vdçwvo ; , « de voix faible » ou « bégayant ». II. Au sens figuré. — Les lèvres sont habituellement prises pour la parole elle-même. 1° On attribue aux lèvres ce qu’énonce la parole, le serment, Lev., v, 4, le vœu. Deut., xxiii, 23, etc. Cf. Job, xii, 20 ; xiii, 6 ; xv, 6, etc. ; Prov., x, 21, 32, etc. ; Jer., xvii, 16. — 2° Elles sont mises pour la langue qu’on parle. Primitivement, les hommes n’ont qu’une seule lèvre et c’est à Babel que les langues se diversifient. G-en., xi, 1, 6, 7 (lingua), 9. Dans le texte hébreu, la lèvre de Chanaan, Is., xix, 18, la> lèvre obscure à entendre, Is., xxxiii, 19 ; Ezech., iii, 5, . C, les lèvres d’étrangers, Ps. lxxxi (lxxx), 6 ; I Cor., xiv, 21, désignent la langue chananéenne, une langue barbare et des langues étrangères, — 3° Les qualités morales de la parole sont souvent appliquées aux lèvres mêmes. Il y a des lèvres pures, Soph., iii, 9, et des lèvres souillées, ls., vi, 5, perverses, Prov., xix, 1, iniques, Prov., xvii, 4, menteuses. Ps. su (xi), 3, 4 ; xxxi (xxx), 19 ; Prov., xii, 12 ; frauduleuses, Ps. cxx (cxix), 2 ; Prov., x, 18 ; xvii, 4, 7, etc. — 4° Quand les lèvresparlent seules, c’est que la pensée est légère, sotte ou hypocrite. S’exprimer légèrement des lèvres, c’est taire un serment répréhensible, Lev., v, 4, et parler inconsidérément. Ps. cvi (cv), 33. L’  « homme de lèvres » est un bavard (verbosus). Job, xi, 2 (hébreu). Les paroles des lèvres, c’est-à-dire celles qui ne sont que sur les lèvres, ne mènent à rien de bon. Prov., xiv, 21 ; Is., xxxvi, 5 (hébreu). Aussi Dieu réprouve ceux, qui l’honorent des lèvres quand leur cœur est loin de lui. Is., xxix, 13 ; Jer., xii, 2 (Vulgate : os) ; Matth., xv, 8 ; Marc, vii, 6.-5° Les effets de la parole sont attribués aux lèvres. En bonne part, les lèvres sont savantes, Prov., xx, 15, ou gardent la science. Mal., ii, 7. Elles glorifient Dieu, Eccli., l, 22 ; Heb., xiii, 15. Job, i, 22 ; ii, 10, n’a pas péché par ses lèvres. Sur les lèvres sont les chants d’allégresse, Job, viii, 21 ; les oracles du roi, Prov., xvi, 10 ; la grâce, Ps. xlv (xliv), 3 ; Eccli., xxi, 19, le miel et la myrrhe, Cant., iv, 11 ; v, 13, c’est-à-dire les paroles douces, aimables et sages/Ties lèvres des prophètes sont préparées à la parole par des contacts qui les purifient, Is., vi, 7, et les inspirent. Dan., x, 16. Judith, ix, 13, demande à Dieu la grâce de frapper Holofeme avec ses lèvres, c’est-à-dire de le prendre par ses paroles. En mauvaise part, le miel que distillent les lèvres, ce sont les paroles qui invitent au mal. Prov., v, 3. Le venin des aspics sur les lèvres, Ps. cxl (cxxxix), 4 ; xiv (xm), 3 ; Rom., iii, 13, figure la calomnie et la méchanceté des discours. Le feu ardent sur les lèvres du pervers, Prov., xvi, 27, est celui de la malice. Des lèvres brûlantes sur un cœur dépravé, Prov., xxvi, 23-24, sont ga

signe d’hypocrisie : elles marquent une affection que le cœur n’a pas. Les lèvres qui se font les instruments de la sottise, Prov., x, 8, 10 ; Eccle., x, 12, et de la méchanceté, Ps. cxl (cxxxrx), 10 ; Sap., i, 6 ; Eccli., xxvi, 28, attirent le malheur sur le sot et le méchant. — 6° Une réponse juste est comparée à un baiser sur les lèvres. Prov., xxiv, 26. Voir Baiser, t, i, col. 1389. — 7° Les lèvres figurent aussi une porte qui donne passage à la parole et a besoin de surveillance. Ps. cxli (CXL), 3. Saint Pierre recommande aux chrétiens de préserver leurs lèvres des paroles trompeuses. I Pet., iii, 10.

III. Par analogie, — En hébreu, on donne le nom de « lèvre » à ce qui constitue une bordure, parce que la partie vermeille des lèvres humaines borde les contours de la bouche. 1° On appelle donc ainsi la bordure d’or de la table de proposition, Exod., xxv, 24, 25 ; xxxvii, 11, 12 ; Ezech., xl, 43 ; celle de l’autel du temple d’Ezéchiel, xliii, 13 ; les bords de la mer d’airain, III Reg., vii, 23, 24, 26 ; II Par., iv, 2, 5 ; la bordure d’un vêtement, Exod., xxviii, 32, et des tentures du Tabernacle. Exod., xxvi, 4-10 ; xxxvi, 11 (ora). — 2° En poursuivant l’analogie, on désigne eneore en hébreu sous le nom de « lèvre » le rivage de la mer, Gen., xxii, 17 ; Exod., xiv, 30 (31) ; Jos., xi, 4 ; Jud., vii, 12 ; la rive du Nil, Gen., xli, 3, 17 ; Exod., ii, 3 ; vii, 15 ; celle du Jourdain, fV Reg., ii, 13, celle d’un torrent, Deut., ii, 36 ; iv, 48. Dans un autre passage, Jud., vil, 23, le mot sâfdh, crepido, est employé dans le sens de limite d’une localité.

H, Lesêtre.

    1. LEWIN Thomas##

LEWIN Thomas, historien anglais, né à Ifleld (Sussex), le 19 avril 1805. mort à Londres le 5 janvier 1877. Il fit ses études à Oxford et exerça la profession d’avocat. Parmi ses écrits, le plus important est The Life and Epislles of St. Paul, 2 in-12, Londres, 1851 ; 2e édit, 2 in-4, 1874 ; 3e édit., 1875 ; ces deux dernières avec illustrations archéologiques. Il consacra quarante années de sa vie à lè’p’réparer et à le revoir et visita plusieurs fois les localités principales qu’il avait à décrire. Mentionnons aussi de lui : An Essay on the Chronplogy of the New Testament, in-8°, Oxford, iS51 ; Jerusalem, a Sketch of the City and Temple from the earliest Urnes to the Siège by Titus, in-8°, Londres, 1861 ; The Siège of Jérusalem by Titus : with the Journal of a récent Visit to the Holy City and a General Sketch of the Topography of Jérusalem from the earliest Urnes <town to the Siège, in-8°, Londres, 1863 ; Fasti sacri ; or a Key to the chronology of the New Testament, in-8°, Londres, 1865.

    1. LÉZARD##

LÉZARD, reptile de l’ordre des sauriens. Les sauriens sont des reptiles ordinairement quadrupèdes, bien que plusieurs soient apodes. Ils ont les côtes et les vertèbres dorsales mobiles, la peau écailleuse, la bouche fortement dentée, la queue longue et les doigts pourvus d’ongles crochus..Les principales familles de l’ordre des sauriens sont les crocodiliens, voir Crocodile, t. ii, col. 1120, les geckotiens, voir Gecko, t, iii, col. 143, les caméléoniens, voir Caméléon, t. ii, col. 90, les lacertiens ou lézards, les scincoïdiens, les varaniens, etc. Les lézards sont caractérisés par le prolongement des os du crâne formant bouclier sur le dessus de la tête, « ne double rangée de dents au fond du palais, quatre pattes courtes et grêles munies de cinq doigts avec ongles déliés, et une queue assez longue qui se désarticule très aisément et repousse ensuite. Les lézards sont pour la plupart ovipares ; quelques espèces seulement sont vivipares. Il existe en Palestine de nombreuses espèces de lézards. Ces animaux abondent dans les terrains stériles ; ils habitent les rochers et les fissures des gorges et sont en nombre immense dans les, sables des déserts. Certaines espèces fréquentent les plaines cultivées, d’autres les montagnes et les forêts de Galaad et de Galilée. Les enfants de Jérusalem disent encore aujour d’hui dans leurs chansons : « Dis ta prière, ô lézard, ta mère est morte dans le four. i> Cf. G, H. Dalman, Paliistinischer Diwân, Leipzig, 1901, p. 174. Ces paroles font allusion à la posture que prend le gros lézard de Palestine, quand, penché au sommet des pierres, il lève la tête comme pour regarder le ciel. On trouve cinq noms dans la Bible pour désigner différentes espèces de lézards ou de sauriens similaires :

1° Le Letâ’âh, (joc-jpoc, lacerta. Lev., xi, 30. C’est le lézard proprement dit, représenté en Palestine par un grand nombre d’espèces et abondant dans les parties cultivées du pays. On distingue spécialement le Lacerta viridis, le lézard vert du sud de l’Europe (fig. 56), et le

56. — Lézard vert.

Lacerta Isevis. Us se nourrissent d’insectes, de sauterelles, de vers et d’ceuts de petits oiseaux dont ils atteignent les nids sur les branches des arbres. Ils sont absolument inoffensîfs et restent tout l’hiver endormis dans des creux de rochers. Attaqués, ils se cramponnent avec grande ténacité au support qui se présente à eux. La Zoo 57. — Lézard des murailles.

toca vivipara ou lézard des murailles (fig. 57) est très commune en Palestine et y compte plusieurs variétés. On la trouve partout dans les rocs, ou dans les murs. Ce lézard se prend aisément ; c’est le plus éveillé et le plus intelligent des animaux de son espèce, et il se laisse très docilement apprivoiser. Les Bédouins le mangent, bien qu’il soit un objet d’horreur pour tout rigide mahométan. À la famille des scinques appartient le

68. — Plestiodon auratus.,

Plestiodon auratus (fig. 58), de couleur jaune avec des taches rouges et orange. C’est le plus grand des sauriens

de Palestine. On le trouve peu dans les endroits cultivés ; il fréquente de préférence les régions arides et rocheuses, comme les environs de la mer Morte. À la différence des lézards, il ne grimpe pas, mais se cache dans le sable ou sous les pierres. Les pattes des scinques sont très courtes ; chez certaines espèces, elles sont rudimentaires ou même cachées sous la peau, ce qui fait que ces animaux se meuvent à la manière des serpents. Le Pseud/ipus pallasii, serpent de verre ou orvet, a les pattes invisibles et la peau noire, ce qui fait prendre ce saurien pour un serpent par les indigènes. Rien pourtant de plus inoffensif que cet animal. Il est long de deux pieds à deux pieds et demi, sa queue comptant pour les deux tiers de sa longueur. Il vit surtout dans les plaines cultivées et s’y nourrit de petits lézards et de souris. Aux environs de Nazareth, on rencontre dans les herbes et dans les pierres d’énormes Pseudopus, dont plusieurs atteignent presque le diamètre du poignet. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 176.

2° Le homét, £aXot6ciT/)ç (àuxaXotëcîpTrK, « lézard moucheté, » Aristote, Hist. animal, , IV, xi, 9), stellio, Lev., XI, 30, est vraisemblablement un saurien du genre seps, le lézard des sables ou chulaca des Arabes, qui habite les lieux secs et sablonneux, surtout dans le désert de Judée, la vallée du Jourdain et la presqu’île sinaïtique. Les animaux de ce genre sont généralement petits et ont la couleur du sable dans lequel ils se terrent. Plusieurs espèces n’ont pas de pattes visibles. Les Arabes les appellent « poissons de sable » et en mangent la chair qui est blanche et agréable. Il est assez à croire que Moïse aura voulu désigner par un nom particulier ce petit animal que les Hébreux rencontrèrent à tout instant dans le désert et qui avait toutes les allures du serpent.

3° Le sâb, xpox<îp8eiXoç, crocodilus, Lev., xi, 29, a été regardé par les versions comme un saurien de taille considérable, puisqu’ils le prennent pour le crocodile. C’est le dhabb des Arabes, YUromastix spinipes (fig. 59),

59. — Uroma&tix spinipes.

grand lézard commun dans le nord de l’Afrique, en Arabie et dans le désert de Judée. Il atteint quelquefois une longueur de deux pieds. Il a une forte queue ; large et massive, couverte par des rangées concentriques d’écaillés très piquantes, dont il se sert avec succès comme d’une arme défensive. Il vit dans les trous de rochers et peut se terrer dans le sable. Il est de couleur verte, tachetée de brun, se fonçant quand l’animal est irrité. Il se nourrit d’insectes, mais ne craint pas parfois de s’attaquer même à des poulets. Les Arabes prétendent qu’il tient tête au céraste, et que, quand celui-ci envahit son trou, il a bientôt les vertèbres disloquées par les coups de la puissante queue du dhabb. Ce lézard a une allure lente, gauche et craintive en apparence. On peut l’apprivoiser et les Bédouins le mangent. Tristram, The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 255-256, 266-269.

4° Le koah, Lev., xi, 30, dans lequel les versions voient un caméléon, bien que le nom de ce dernier soit


tinsémét. Voir t. ii, fig. 33, col. 90. Le mot koafy désigne probablement les sauriens appelés monitors ou varans, dont la taille est intermédiaire entre celle des crocodiles et celle des lézards ordinaires. Le Monitor terrestris (fig. 60) et VHydrosaurus niloticus font la chassa

60. — Monitor terrestris.

aux œufs de crocodile et en détruisent un grand nombre. Le premier, appelé aussi Psammosaurus scincus, long parfois de quatre à cinq pieds, est commun dans les sables de l’Egypte, dans la presqu’île sinaïtique, la partie méridionale de la Judée et même dans la vallée du Jourdain. Les gens du pays le mangent. Le second est maintenant plus abondant en Egypte, où il était jadis un objet de respect. Il atteintl m 30 à l 1° 65 centimètres de long. On le trouve en Palestine, mais assez rarement. Cf. Tristram, The natural History, p. 262 ; Fillion, Allas d’hist. nat. de la Bible, Paris, 1881, p. 61.

5° Le Seniâmif, xot>aMTr)t, stellio, est le lézard ordinaire, le même que le letâ’âh. Il est dit de lui : « Le lézard saisit avec les mains et se trouve dans les palais des rois. » Prov., xxx, 28. Il est mis sur le même rang que la fourmi, le daman et la sauterelle, et tous quatre sont qualifiés de petits animaux fort sages. Le lézard justifie cette mention, parce qu’en grimpant il sait trouver un refuge jusque dans les palais des rois. En dehors de ce dernier passage, la Bible ne parle des lézards que pour défendre aux Hébreux de les manger. Cette défense avait sans doute pour motif la difficulté de dis--cerner ceux qui sont comestibles et que les Bédouins pauvres sont d’ailleurs les seuls à manger, et aussi la ressemblance de certains d’entre eux avec les serpents.

H. Lesêtre.

LIA (hébreu : Lê’âh ; Septante : Aeîa), fille de l’araméen Laban et sœur de Rachel. Gen., xxix, 16. Elle devint, par une supercherie de son père, l’épouse de Jacob, à la place de Rachel, qui était désirée par Jacob, et pour laquelle celui-ci avait servi Laban pendant sept années. Lia se prêta à cette fraude, s’appuyant, comme son père, sur une coutume d’après laquelle une fille cadette ne devait pas être mariée avant sa sœur aînée. Gen., xxix, 22-26. Moins favorisée de la nature que Rachel, elle avait de plus une infirmité d’yeux qu’il est difficile de déternjiner. C’était, d’après les Septante, une faiblesse de’vue, ô ?6a>|io « uOsveîç ; des « yeux chassieux », selon la Vulgate, dont la traduction ne semble pas justifiée. Gen., xxx, 17. Tant à raison de cette infirmité que pour la fraude qui l’avait faite épouse de Jacob, Lia ne put jamais obtenir de son mari une grande affection. Au contraire, Rachel que, huit jours après son mariage avec Lia, Jacob avait prise comme seconde épouse, voir Polygamie, fut toujours l’objet de sa prédilection. Voir Rachel. C’est pourquoi, au moment critique où Ésàù s’avançait menaçant, à la tête d’une troupe armée, Jacob plaça le plus loin possible du dan IV. - 8

ger Bachel et ses enfants, puis, devant elle, Lia et ses enfants, enfin en avant, et les plus exposées, les deux esclaves Zelpha et Bala. Gen., xxxui, 1, 2. Malgré cela, Lia semble avoir gardé à l'égard de Jacob une parfaite fidélité. Tandis que Rachel demeurait stérile, Lia donna tout d’abord à Jacob quatre fils : Ruben, Sitnéon, Lévi et Juda. Gen., xxix, 32-35 ; cf. xxxv, 23. Dans la suite elle cessa elle-même d’avoir des enfants, et comme Rachel, par la substitution de Bala, sa servante, avait trouvé moyen de donner deux fils à Jacob, Lia, devenue jalouse, employa le même procédé, et par le moyen de sa servante Zelpha, elle donna à Jacob Gad et Aser. Gen., xxx, 9-13. Ruben, l’alné des fils de Lia, fut pour sa mère l’occasion d’une nouvelle fécondité. Car, comme en revenant de la campagne, il apportait à sa mère des mandragores, celle-ci les ayant cédées à Rachel, Gen., xxx, 14-15, put devenir mère d’Issachar. Voir Mandragore. Elle eut ensuite un nouveau fils, qu’elle appela Zabulon, puis enfin une fille nommée Dina. Gen., xxx, 18-21. Il semble probable que Lia vivait encore lorsque sa fille Dina fut déshonorée, Gen., xxxiv, et qu’elle survécut à Débora, la nourrice de Rébecca, et à Rachel. Gen., xxxv, 8-19. Il est probable qu’elle mourut en Chanaan, car il n’est pas fait mention d’elle dans la nomenclature des émigrants en Egypte. Gen., xliv, 8-27. Elle fut ensevelie dans le tombeau de famille à Hébron. Gen., xux, 31. P. Renard.

    1. LIBAN##

LIBAN (hébreu : Lebânôn, avec l’article dans les livres historiques, excepté IV Reg., xix, 23 ; II Par., ii, 7 [Vulgate, 8] ; plus sauvent sans article dans les livres poétiques et prophétiques ; Septante : 'AvTt>i'6<xvoç, Deut., i, 7 ; iii, 25 ; xi, 24 ; Jos., i, 4 ; ix, 1 ; partout ailleurs, Aië<ivo « ), chaîne de montagnes de. Syrie, frontière septentrionale de la Palestine et renommée pour ses cèdres. Deut., i, 7 ; iii, 25 ; los., i, 4 ; III Reg., iv, 33 ; v, 6, 9, etc.,

I. No ». — L’hébreu Lebânôn se rettache. à la racine lâban, « être ilanc. » La chaîne syrienne est donc le « mont blanc » de l’Asie antérieure, nom qui lui vient, soit de la couronne de neige dont elle est couverte une partie de l’année, soit de l’aspect blanchâtre que présente la masse de ses roches. C’est cette dernière explication qu’adopte E, Robinson, Physieal Geography of the Holy Land, Londres, 1865, p. 309 : « Près de la mer, dit-il, les dernières pentes du Liban s’abaissent d’une manière abrupte, de telle sorte qu'à celui qui le voit d’en bas, tout ce côté de la montagne semble uniquement composé de masses immenses de roches nues et blanchâtres, sillonnées de ravins profonds qui descendent vers la plaine par des pentes rapides. Cette apparence blanchâtre de la montagne, quand la lumière est renvoyée par les roches de la surface, explique suffisamment l’ancien nom de Lebânôn, ou « montagne Blanche ». L’appellation ne vient pas de ses neiges ; car en été la neige ne se trouve que dans des places abritées, voisines du sommet et que l’on n’aperçoit pas d’en bas, de sorte que les crêtes n’en sont pas blanchies. » Il suffit cependant, semble-t-il, que le Liban soit couronné de ntige une bonne partie de l’année pour que ce fait ait frappé l’esprit des Orientaux autant et plus que l'éclat des roches calcaires et crétacées, et lui ait valu son nom. Les monuments assyriens ont conservé ce nom sous les formes Labnânu, Labnâna, Labndni. Cf. EL Schrader, Die Keilinschriften und das AUe Testament, Giessen, 1883, p. 183, 209, 220 ; Fried. Delitzsch, Wo lag das Parodies ? Leipzig, 1881, p. 103. Il subsiste peut-être dans l'égyptien Ramami. Cf. W. Max Mûller, Asien und Europa nach altâgyptischen Denkmâlern, Leipzig, 1893, p. 197. La dénomination arabe est Djebel cl-Libnàn.

IL Le Liban dans l'Écrtouke. — Le Liban est mentionné plus de soixante fois dans l’Ancien Testament,

pas une fois dans le Nouveau. Il détermine la frontière septentrionale de la Terre Promise. Deut., i, 7 ; iii, 25 ; xi, 24 ; Jos., i, 4 ; ix, 1 ; xiii, 5, 6. Mais il est surtout cité à cause de ses cèdres. Jud., ix, 15 ; III Reg., iv, 33 ; v, 6, 9 ; IV Reg., xix, 23 ; II Par., ii, 8 ; I Esd., iii, 7 ; Ps. xxviii (hébreu, xxix), 5 ; xxxvi (xxxvil), 35 ; xci (xcii), 12 : cm (crv), 16 ; Eccli., xxiv, 17 ; Is., ii, 13 ; x, 34 ; xiv, 8 ; xxxvii, 24 ; lx, 13 ; Ezech., xvii, 3 ; xxvii, 5 ; xxxi, 3 ; Zach., xi, 1. Voir Cèdre, t. ii, col. 374. La Bible parle aussi de ses pins, de ses cyprès, de ses bois et de ses forêts en général. IV Reg., xix, 23 ; II Par., ii, 8, 16 ; Cant., iii, 9 ; Is., xxxvii, 24 ; XL, 16 ; des eaux qui l’arrosent, Cant., iv, 15 ; des bêtes sauvages qui l’habitent, IV Reg, , xiv, 9 ; II Par., xxv, 18 ; des fleurs qui y poussent, Nah., i, 4 ; du vin qu’il.produit, Ose., xiv, 8 ; des senteurs qui s'échappent de ses bois, Cant., iv, 11 ; Ose., xiv, 7 ; de la neige qui couvre ses sommets, Jer., xviii, 14 ; enfin de sa beauté ou de sa gloire. Cant., v, 15 ; Is., xxxv, 2 ; lx, 13. Elle compte les Hévéens parmi ses habitants. Jud., iii, 3. Il semble que Salomon ait élevé certaines constructions, peut-être des maisons de campagne, sur le Liban. III Reg., ix, 19 ;

II Par., viii, 6. Le palais qu’il se construisit à Jérusalem s’appelait « la maison de la forêt du Liban », à cause de ses colonnades en bois de cèdre, qui lui donnaient quelque zessemblance avec cette forêt si vantée.

III Reg., vii, 2 ; x, 17, 21 ; II Par., ix, 20. La « vallée du Liban » (hébreu : biq’af hal-Lebânôn)j. dont il est question dans Josué, xi, 17 ; xii, 7, n’est pas, comme l’ont cru plusieurs auteurs, la Cœlésyrie ou la grande vallée qui s'étend entre les deux chaînes du Liban et de l’Anti-Liban, mais plutôt la plaine qui se trouve au sud et au sud-ouest de Banias, « sous l’Hermon. » Cf. Cœlésyrie, t. ii, col, 820 : Baalgad, t. i, col. 1336.

III. Description. — La chaîne du Liban commence au sud du Nahr el-Kebir, et se prolonge du nord-nordest au sud-sud 7 ouest jusqu'à la brèche que s’est creusée le Nahr el-Qasimiyéh. Plus régulière encore que la côte de Syrie, dont elle est éloignée de 20 à 25 kilomètres en moyenne, 35 dans le nord, elle s'étend sur une longueur de 150 kilomètres, s Vue de la mer, la longue crête du Liban, bleue en été, argentée de neige en hiver et au printemps, est d’un aspect grandiose ; les vapeurs de l’espace prêtent aux monts éloignes une transparence aérienne, mais à cette douceur se mêle la force que donnent les puissants contours des sommets et les escarpements des pentes. De près, la montagne paraît moins belle. Le long rempart ne présente guère que des croupes jaunâtres et sans arbres, des vallées monotones, des sommets à rondeur uniforme. Dans le nord, principalement sur le versant cœlésyrien, on ne voit que parois nues dominant de longues pentes de terre rougeâtre, restes morainiques d’avalanches et de coulées de glace. Vers le sud, les vallées sont plus fertiles, plus riantes, mieux cultivées, et çà et là on rencontre des paysages pittoresques. » E. Reclus, L’Asie antérieure, Paris, 1884, p. 692. Le Liban s’abaisse vers la Méditerranée par une série de plateaux en gradins, et par des ramifications allant de l’est à l’ouest ou du nord-est au sud-ouest, entre lesquelles les rivières se sont creusé de profondes vallées. Le versant oriental, au contraire, est très abrupt : il borde comme un long mur la plaine de la Beqa’a. Aucun de ses sommets n’atteint la zone des neiges persistantes. Au nord, le Djebel Akhar a 2129 mètres ; le Djebel Aito, le point le plus élevé des chaînes latérales, 1936 mètres. Divers massifs se succèdent ensuite vers le sud. Le Djebel M akmel prolonge, sur une étendue de 20 kilomètres, ses sommets aux formes aiguës et pyramidales ; sa crête se hérisse de sept à huit pics, dont le plus septentrional, le jQhor eU Khodib, avec ses 3068 mètres, est généralement considéré comme le point culminant de la chaîne, à moins que, suivant certains voyageurs, le premier rang ne soit

attribué au Tiz-Marûn, situé plus au nord dans le même massif et auquel on assigne une hauteur de 3212 mètres. Le Fum el-Mizab en a 3049. C’est dans ces parages que se trouvent les quelques cèdres encore subsistants. Voir t. ii, fig. 120, col. 377. Plus loin se dressent les deux massifs du Djebel Akura et du Djebel Munéitirah, entre lesquels est un col de 1 982 mètres, puis le Djebel Sannîn, 2 490 mètres, et le Djebel Kenéiséh, 2 033 mètres. C’est au sud dé ce dernier que passe le plus important des cols qui échancrent la chaîne, celui de Mughiltéh, que franchit, à l’altitude de 1 585 mètres, la route de Bey perpétuels ou intermittents. Ces torrents sont, en descendant du nord au sud, le Nahr-Akkar, au-dessous du Nahr el-Kebir, le Nahr el-Arka, le Nahr el-Barid, le Nahr Abu Ali ou Kadischa, qui reçoit les eaux des plus hautes cimes et se jette dans la mer près de Tripoli, le Nahr el-Djô 1 : , le Nahr Fedar, le Nahr Ibrahim (Adonis), dont l’une des branches sort delà grande grotte d’Afkâ, le Nahr el-Kelb (Lycus) (lig. 61), au nord de Beyrouth, le Nahr Béirût, e Nahr ed Damur (Tamyras) ; enfin Vouadi el-Aulé (Bostrenus) et Youadi ez-Zahardny, l’un au-dessus, l’autre au-dessous de Sidon, ne

61. — Vallée du Nahr el-Kelb.

D’après de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, Atlas, pi. 1.

Touth à Damas. Les autres massifs, qui vont en diminuant de hauteur vers le sud, sont le Djebel Barûk. 2151 mètres ; le Djebel Niha, 1890 mètres ; le Djebel Rihan, 1 715 mètres.

Les deux versants de la chaîne diffèrent par l’abondance des eaux. Celui de l’est n’a presque pas de sources, la neige à peine tombée s’évaporant très vite. La seule rivière perpétuelle est le Berdani, qui se jette dans le Léontès. Quelques lacs se rencontrent sur cette pente : celui de Yaniunéh est un profond entonnoir, où les eaux s’engouffrent pour reparaître probablement sur l’autre versant en sources abondantes. Le côté occidental, au contraire, est bien arrosé. Grâce à l’humidité et aux vapeurs, qui montent de la mer, la neige tombe davantage, est plus persistante, et constitue de vastes réservoirs qui alimentent de nombreux cours d’eau ou

sont que des rivières temporaires. En descendant des hautes cimes, les torrents ont découpé la montagne en énormes cirques d’érosion. Quand ils n’ont pu déblayer la roche, ils l’ont percée de manière à former de gigantesques açCàdés. Ainsi, au nombre des curiosités les plus intéressantes du Liban, on compte le pont nature) jeté sur le Nahr el-Lében, une des sources du Nahr el-Kelb. Situé au-dessus d’une gorge profonde, il mesure cinquante mètres d’ouverture et vingt de hauteur. L’arche est si régulière qu’on se demande si elle n’a pas été rectifiée de main d’homme. De gros blocs éboulés dans le lit de la rivière font jaillir en écume des eaux glaciales qui, à la fonte des neiges, prennent une blancheur éclatante, d’où est venu le nom de Nahr el-Lében ou c< fleuve du lait ». Quelquefois les eaux disparaissent dans les fissures du sol, et des ruisseaux sou

terrains s’échappent en sources magnifiques, descendent en cascades de rocher en rocher, remplissent du bruit de leur chute la solitude des hautes vallées. Ce sont là « les puits d’eaux vives, qui coulent avec impétuosité du Liban ». Cant., iv, 15. Un spectacle plus imposant encore est celui du cirque d’Afka et des cascades du Nahr Ibrahim. Voir Aphéca 1, t. i, col. 732. Au point de vue géologique, la chaîne du Liban est composée, dans son ensemble, de dolomites, de calcaires grossiers, de marbres, de grès et de marnes, que des basaltes ont percés sur d’innombrables points sans en déranger les assises. Les roches sont coupées par des fissures profondes, dirigées du nord au sud et de l’est à

les empreintes dans les calcaires argileux, feuilletés, sans silex, de Saltel Aima, à 100 mètres au-dessus de la mer, et à Hakel, dans une vallée profonde. Cf. de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, Paris (sans date), t. iii, Géologie, par Louis Lartet, p. 52-58.

Trois noms spéciaux désignent, dans la bouche des habitants, les zones de climat et de végétation, sur les pentes occidentales du Liban. La région du littoral est le Sahil ou Sahel, étroite bande de terrain, d’une extrême fertilité, où s’élevaient les cités commerçantes de l’ancienne Phénicie. Au-dessus, jusqu’à 1200 mètres environ, s’étend la région moyenne, ou Wusut, moins peuplée que la précédente, mais encore parsemée de

62. — Paysage des hautes régions du Liban. D’après Van de Velde, Le pays d’Israël, pi. 95.

l’ouest, et qui partagent le Liban en massifs distincts. La partie centrale est constituée par des calcaires gris. compacts, caverneux ou oolithiques, avec polypiers, térébratules, grandes natices, nérinées et baguettes de Cidaris glandifera. Au-dessus de ces roches généralement rangées dans le terrain jurassique, viennent les grès rougeâtres, auxquels succèdent des calcaires et des marnes que tous les auteurs rapportent au terrain crétacé. Ces différentes couches, sur le versant occidental, inclinent vers la mer, tandis que, sur le versant opposé, elles plongent en sens inverse. « Le calcaire crétacé Unit par atteindre jusqu’à 3000 mètres d’altitude, formant au sommet un plateau horizontal et presque rectiligne, semé de déserts de pierres et de dolines, dont la masse se dresse comme un mur en face de la Méditerranée. L’élévation du calcaire s’est faite par une série de cassures parallèles, qui dessinent autant de terrasses. » A. de Lapparenl, Leçons de géographie physique’, Paris, 1898, p. 598. Parmi les fossiles recueillis dans le Liban, les plus remarquables sont les poissons dont on trouve

villages ; on y cultive le tabac, des céréales, les pommes de terre ; les arbres y croissent en plus grand nombre : les pins (Pinus brutia), qui donnent à certaines pentes un aspect verdoyant ; plus bas, les chênes nains ; plus haut, les cyprès et les cèdres, auxquels se mêlent quelques chênes, des charmes, le pin d’argent de Cilicie, Je genévrier, le Rhododendron ponticum. La troisième zone, appelée le Djurd, est celle de la stérilité, des vents furieux etdes avalanches (fig. 62) ; cependant les cultures se montrent encore à 1800 et 2 000 mètres, mais seulement dans les vallons et les bassins abrités : çà et là, s’élèvent des bouquets de chênes aux troncs rabougris, des térébinthes, des érables, des poiriers sauvages, des genévriers, dont quelques-uns ont de puissantes dimensions. En été, les troupeaux de brebis et de chèvres montent des plaines vers le Djurd pour paître les herbages et les feuilles des arbrisseaux. En général, le Liban n’a ni forêts, ni pâturages, mais seulement de rares endroits où croît une herbe peu abondante, et le plus souvent des pentes nues. C’est dans la région, 233

LIBAN - LIBATION

m

supérieure, à plus de 2000 mètres d’altitude, près d’un col ouvert au sud du Djebel Makmel, que se trouvent les fameux cèdres, dont l’odeur pénétrante avait lait jadis du Liban la « montagne des Parfums ». — La faune du Liban n’a rien de remarquable : les ours n’y sont plus très nombreux ; on rencontre encore l’once et la panthère, et plus souvent le sanglier, l’hyène, le loup, le renard, le chacal et les gazelles. — La population, qui descend pour la plus grande partie des anciens Syriens, est répandue dans de nombreux villages, accrochés aux flancs des montagnes (fig. 63). Elle se distingue moins par l’origine et le sang que par la différence des cultes, sous le rapport desquels elle comprend les Druses,

whilt Drake, Vnexplored Syria, Londres, 1872 ; Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xliv, p. 394-416 ; E. Reclus, L’Asie Antérieure, Paris,

1884, p. 692-696.

A. Legendre.
    1. LIBATION##

LIBATION (hébreu : nésék, nêsék, nâsik ; Septante : (ttovôti ; Vulgate : libamen, libamentum, libatio), effusion de vin ou d’un autre liquide en l’honneur de la divinité. Quand Jacob consacra le monument de Bethel, « il fit une libation et y versa de l’huile. » Gen., xxxv, 14. Il est probable qu’il ne s’agit ici que d’une libation d’huile, d’une onction, comme dans une circonstance antérieure. Gen., xxviii, 18. Voir Bétyle, t. i, col. 1766 ; Onction.

63. — Le village d’Arbeyh. (Mont Liban, au sud-est de Beyrouth.) D’après Van de Velde, Le pays d’Israël, pi. 2.

les Métoualis et les Maronites..— Le Liban a conservé peu de traces d’antiquités. Les roches calcaires sont percées de grottes nombreuses, dont quelques-unes se prolongent fort loin dans l’intérieur de la montagne, et où l’on trouve des restes d’animaux et d’habitations humaines. On voit encore, vis-à-vis de la source d’Afka, un peu au sud, les ruines du temple de Vénus Aphaca, dont les soubassements seuls sont restés à peu près intacts. Près de l’embouchure du Nahr el-Kelb, les rochers gardent, dans des inscriptions célèbres le souvenir des invasions étrangères en Syrie et en Phénicie. Les Égyptiens, les Assyriens, les Perses, les Grecs d’Alexandre, les légions romaines, les croisés, les Français de l’expédition de Syrie, ont franchi cet étroit défilé.

IV. Bibliographie. — Col. Churchill, Mount Lebanon, 3 in-8°, Londres, 1853 ; E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. iii, p. 421, 530, 546-548, 624-625 ; Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, p. 411-414 f ; W.M. Thomson, The Land and the Book, Londres, 1886, t. iii, p. 1-316 ; R. P. Burton et C. F. Tyr I. Libations liturgiques. — 1° Des libations devaient accompagner la plupart des sacrifices, chez les Hébreux. Ces libations se taisaient habituellement avec du viii, « le sang du raisin, » Gen., xlix, 11 ; Deut., XXXII, 14, ce qui avait pour but de consacrer au Seigneur l’un des plus importants produits du pays de Chanaan. Pour justifier l’assimilation du vin avec le sang, on avait ordinairement soin qu’il lût rouge, et l’on écartait le vin vieux qui^avait perdu sa couleur. Cf. Menachoth, vin, 6 ; Sufyka, iv, 9 ; Bâhr, Symbolik des nwsaischen Cullus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 303, 316. - 2° Les libations ne se faisaient jamais seules ; elles accompagnaient les offrandes des holocaustes et des sacrifices pacifiques ou d’actions de grâces, mais elles étaient exclues des sacrifices pour le délit et pour le péché. Elles sont souvent mentionnées à ce titre. Lev., vi, 14 ; xxiii, 18, 37 ; Num., vi, 17 ; xxviii, 31 ; I Par., xxix, 21 ; II Par., xxix, 35 ; I Esd., vii, 17 ; Ezech., xlv, 17. Une libation suivait l’immolation de l’agneau du sacrifice quotidien, matin et soir, Num., xxviii, 7, 8, et pendant

cette libation, les trompettes sonnaient neuf fois. Cf. Suhka, v, 5. D’autres libations analogues se taisaient aux néoménies, Num., xxviii, 14, 15, au jour de l’offrande des prémices, Lev., xxiii, 13, après le sacrifice du nazir, Num., vi, 15, et en général après tous les sacrifices non expiatoires, sauf dans l’holocauste pour la purification du lépreux. Lev., xiv, 31. Il n’y avait pas non plus de libation après les sacrifices d’oiseaux, ni après ceux des premiers-nés, ou de l’agneau pascal. Cf. Menakhoth, ix, 6 ; Siphra, 109, 2.

— 3° La quantité de vin à répandre dans les libations était ainsi réglée par la loi : un quart de hin de vin pour l’offrande des prémices, Lev., xxiii, 13 ; la même quantité avec l’holocauste d’un agneau, un tiers de hin avec le sacrifice d’un bélier, ^t un demi-hin avec le sacrifice d’un bœuf. Num., XV, 5-10 ; Xxvifi, 7, 14. La quantité de vin nécessaire à la libation était donc de 1 lit. 62, 2 lit. 16 ou 3 lit. 24, suivant la nature des victimes. Voir Hin, t. iii, col. 714. Le lépreux ajoutait un quart de hin à chacune de ses offrandes de farine.

— 4° Les libations se faisaient avec des vases d’or pur. Exod., xxv, 29 ; xxxvii, 16. D’après le Talmud, celui qui avait à offrir des libations en payait le prix à un préposé « au cachet » qui lui délivrait un jeton ; celui-ci était remis à un préposé « aux libations » qui présentait le vin à l’autel. Cf. Schekalim, v, 3-5. Le prêtre le versai ; à l’angle sud-ouest de l’autel, et de là le vin s’écoutait par un conduit intérieur et se perdait dans le sol. Cf. Eduyoth, VI, 1 ; Suhka, iv, 7. Il n’était pas nécessaire que la libation suivit immédiatement le sacrifice ; elle pouvait attendre jusqu’au dixième jour, pourvu que le vin ne passât pas la nuit dans les vases, ce qui l’eût rendu impur. Cf. Iken, Anliquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 209. Les libations ne pouvaient jamais se faire à l’autel des parfums, Exod., xxx, 9, mais seulement à celui des sacrifices. — 5° Après avoir fait construire dans le Temple un autel conforme au modèle qu’il avait vu à Damas, le roi Achaz y monta lui-même et y offrit son holocauste, son offrande et ses libations ; les libations continuèrent ensuite sur cet autel. II Reg., xvi, 13, 15. Osée, ix, 4, et Joël, i, 9, annoncent qu’Israël infidèle à Dieu ne pourra plus offrir ses libations. Après le retour de la captivité, le grand-prêtre Onias offrait lui-même la libation, avec « le sang du raisin », et cette libation parfumait le fondement de l’autel, c’est-à-dire descendait du coin, où "on la versait, jusqu’à la base de l’autel, où elle était absorbée. Eccli., ii, 16, 17. — 6° Saint Paul fait allusion à la libation qui accompagnait le sacrifice, quand il dit de lui-même : <jravSou.ai lut t^ 6u<rîa, immolor supra sacrificium, ma vie est « une libation versée avec le sacrifice de votre foi ». Phil., ii, 17. Sur le point de mourir, il dit encore : lyti yàp rfir^ cnrevSofj.ai, ego enim jam delibor, je suis moi-même comme une libation qui va être répandue. II Tim., iv, 6. — En plusieurs passages, Num., xxix, 11-29 ; Lev., vi, 14, etc., les versions mentionnent des libations là où le texte hébreu ne parle que d’offrandes. Les deux en effet allaient ordinairement ensemble. Le mot nesdkim désignait même parfois les deux objets à la fois, et le préposé’al han-nesdkîm délivrait les jetons pour les offrandes et les libations. Cf. Schekalim, v, 4.

IL Libations d’eau. — 1° La libation d’eau est employée par Samuel à Masphath, comme symbole de pénitence ; sur son ordre, les Israélites puisent l’eau, la répandent devant Jéhovah, jeûnent tout le jour et disent : « Nous avons péché contre Jéhovah. » I Reg., vil, 6. Samuel alors prie pour eux. — 2° Quand trois vaillants hommes rapportèrent à David l’eau qu’ils étaient allés chercher à la citerne de Belhléhem, à travers le camp de Philistins, le roi ne voulut pas la boire, mais il la répandit devant Jéhovah. II Reg., xxiii, 16 ; 1 Par., xi, 18. Il faisait ainsi hommage à Dieu d’une eau qui aurait pu coûter la vie à trois de ses guerriers.

— 3° Il n’y avait pas de libations d’eau prescrites par la Loi pour le service liturgique du Temple. Néanmoins, Notre-Seigneur fait allusion à des libations de cette nature qui avaient lieu solennellement pendant l’octave de la fête des Tabernacles. Chaque jour un prêtre descendait à la fontaine de Siloé, y remplissait d’eau un vase d’or, de la contenance de trois logs, soit 1 litre 42, remontait au Temple, et pendant la libation qui accompagnait le sacrifice du matin, versait l’eau dans le conduit qui se trouvait le plus à l’ouest, à l’angle sudouest de l’autel. Cet angle en effet était muni de deux conduits d’argent pour recevoir l’un les libations de vin, l’autre les libations, d’eau. Les docteurs n’étaient pas d’accord sur l’origine de cette institution des libations d’eau pour la fête des Tabernacles. Les uns croyaient que Moïse lui-même les avait prescrites, sans doute en souvenir de l’eau accordée au peuple dans le désert. Cf. Gem. Jer. Sukka, 54, 2. S’il en était ainsi, le Pentateuque en ferait mention. D’autres rattachent cette institution à David, II Reg., xxiii, 16, cf. Midr. Ruth, 48, 3, ou aux prophètes, Is., xii, 3 ; Jo., iii, 18 ; Zach., xiii, 1 ; cf. Gem. Sukka, 50, 2 ; Midr. Ruth, 48,

64. — Her-Hor, pharaon de la xxr> dynastie, offrant une libation. Thèbes. D’après Lepsius, Denkmaler, Abth. III, Bl. 245.

2. Il est possible aussi que ce rite ait eu pour but de demander à Dieu les pluies qui allaient être nécessaires après les semailles prochaines. Toujours est-il que les sadducéens désapprouvaient ces libations. Un jour, un prêtre de cette secte ayant versé l’eau de la libation sur ses pieds, au lieu de la répandre dans le conduit de l’angle de l’autel, on lui fit un mauvais parti et la corne de l’autel fut brisée par les projectiles ; on dut la remplacer par une corne de pierre. À partir de ce jour, le peuple criait au prêtre pendant la libation : « Lève la main, pour que nous voyions si tu verses l’eau dans le conduit. » Cf. Sukka, iv, 9 ; Gem., Yoma, 26, 2 ; Iken, Antiquitates hebraicse, p. 321 ; Reland, Antiquitates sacrée, Brème, 1741, p. 242, . 243. — 4° L’acte du prophète Élie faisant verser par trois fois quatre cruches d’eau sur son holocauste ne peut guère être considéra comme une libation : c’est plutôt une précaution que prend le prophète pour bien convaincre le peuple qu’il n’y a aucun feu naturel sur son autel, et que le feu du cieL

seul consumera son sacrifice. III Reg., xviii, 34, 35, 38. III. Libations idolatriqces. — Les libations de vin ou d’eau, quelquefois avec mélange de sang, étaient fréquentes dans les religions païennes, en l’honneur des divers dieux. Cf. Odys., xii, 363 ; xviii, 151 ; Iliad., xi, 775 ; Hésiode, Oper., 336 ; Sophocle, Elect., 270 ; Euripide, Elect., 512 ; Orest., 1322 ; Hérodote, i, 132 ; Salluste, Catil., 22 ; Silius Italicus, ii, 360, etc. Chez les Assyriens, le roi, au retour de la chasse, ne manquait pas d’oftrir un sacrifice d’actions de grâces à Assur ou à Istar. Il prenait la coupe pleine de viii, l’effleurait de ses lèvres et en versait le contenu sur la tête des victimes immolées. Ct. Place, Ninive et l’Assyrie, t. iii, pi. 57 ; Layard, The monuments of Nineveh, 1. 1, pi. 12. Voir t. i, col. 1160, fig. 321. Les monuments égyptiens représentent fréquemment des rois (lîg. 64) et des prêtres (voir Léopard, fig-. 50, col. 174) faisant des libations à leurs dieux. Les libations aux idoles sont prévues au Deutéronome, xxxii, 38, et reprochées aux Israélites par les prophètes. Isaïe, lvii, 6, parle de libations offertes aux pierres des torrents. Voir Bétyle, t. i, col. 1757. Jérémie, vii, 18 ; xix, 13, mentionne les libations faites par ses contemporains aux faux dieux. Il rapporte leurs propos au sujet de la volonté qu’ils ont d’oifrir des libations à la reine du ciel, à la lune, Jer., xliv, 17-19, 25, et leur annonce que les Chaldéeus ruineront ces maisons sur le toit desquelles on faisait des libations aux dieux..1er., xxxii, 29. Ezéchiel, xx, 28, parle aussi des libations idolâtriques. En quoi ces libations peuvent-elles servir aux idoles ? Eccli., xxx, 19. En deux endroits, Ps. xvi (xv), 4 ; Zach., ix, 7, il est fait allusion aux libations que les idolâtres avaient coutume de faire avec le sang. — Sur l’emploi du sang dans le culte

liturgique du Temple, voir Sang.

H. Lesêtre.
    1. LIBER##

LIBER (grec : Aidvuaoç), nom k tin de Bacchus dans II Mach., vi, 7 ; xiv, 33. Voir Bacchus, t. r, col. 1374.

LIBERTÉ. Ce mot a dans l’Écriture plusieurs sens distincts. — 1° Il désigne l’état d’une personne libre, par, opposition à servitude et à captivité. Cette liberté s’appelle en hébreu hufsâk (Septante : éJ.sudepia ; Vulgate : libertas), Lev., xix, 20 ; la mise en liberté se nomme derôr (Septante : açsoiç ; Vulgate : libertas, indulgentia), 1er., xxxiv, 8 (hébreu), 15, 17 ; Is., lxi, 1 ; l’année jubilaire, où l’on rendait la liberté aux esclaves, Sénat hadderôr, « l’année de la mise en liberté » (Septante : 6T0J tt)ç àcpéuewç ; Vulgate : annus remissionis). Ezech., xlvi, 17 ; cf. Lev., xxv, 10. L’homme libre, par opposition à l’esclave ou au captif, est dit, en hébreu, hofU, Job, iii, 19 ; Deut., xv, 12, 13, etc. ; en grec, èXeûCepoc ; en latin, liber. Joa., viii, 33 ; I Cor., vii, 22, etc. Ct. Esclavage, Esclave, t. ii, col. 1918, 1921. — 2° Dans le Nouveau Testament les mots êXeutept’a, êXeûQepoç, ont pris un sens particulier ; ils signifient dans plusieurs endroits la liberté de ne pas pratiquer la loi mosaïque, l’affranchissement du joug des pratiques rituelles des Juifs. Gal., ii, 4 ; v, i, 13 ; iv, 26 ; I Pet., ii, 16. Cf. I Cor., x, 29. Dans cette acception, la loi chrétienne est une loi de liberté vifto ; i% iXsuSept’aç, Jac, I, 25 ; ii, 12 ; et là où est l’esprit de Dieu, là est la liberté. II Cor., iii, 17 ; cf. Rom., viii, 21. Voir aussi Joa., viii, 36. — 3° La liberté morale, c’est-à-dire la faculté qu’a l’homme de choisir entre le bien et le mal, ce qu’on appelle aussi le libre arbitre, n’a pas de nom spécial dans le langage biblique. L’Écriture suppose partout son existence, puisqu’elle attribue toujours à l’homme la responsabilité de ses actes bons ou mauvais, Gen., IV, 7 ; Ps. xvii, 21 ; l, 5-6, Ezech., xviii, 4-32 ; Joël, ii, 12, etc., mais elle ne possède point de terme particulier pour l’exprimer et" elle se sert de périphrases, d’ailleurs parfaitement claires et précises. « ; Vois, dit Moïse à son peuple, Deut., xxx, 15-20, je mets aujourd’hui devant

toi la vie et la mort, le bien et le mal…, la bénédiction et la malédiction… Choisis la vie, afin que tu vives. » Cf. Lev., xviii, 5 ; Jos., xxtv, 15 ; Eccli., xv, 14-18 ; Matth., vii, 24, etc. — Voir J. C. Erler, Commentatio exegetica de libertatis christianse notione in Novi Testamenti libris obvia, in-4°, Sorau, 1830.

    1. LIBERTIN##

LIBERTIN (SYNAGOGUE DES) à Jérusalem. Act., vi, 9. Voir Affranchis, t. i, col. 255.

    1. LIBONOTUS##

LIBONOTUS, nom latin du vent du sud-ouest. Quelques-uns l’ont confondu à tort avec le x&ç>oi corus, vent du nord-ouest, mentionné dans les Actes, xxvli, 12. Voir Corus, t. ii, col.J030.

LIBRE ARBITRE. Voir Liberté, 3°.

    1. LIBYENS##

LIBYENS (Septante : At’êueç ; Vulgate : Libyes). Sous ce nom les Septante et la Vulgate désignent deux peuples qui portent en hébreu deux noms différents Le premier s’appelle dans le texte original Lûbini (Le

65. — Carte de la Libye et du Pût.

bim, Dan., xi, 43), le second Phul ou Pût (fig. 65). La distinction entre les deux est clairement indiquée dans Nahum, iii, 9, Ce prophète cite parmi les peuples au service de Thèbes, Pût et les Lùbim (Vulgate : Africa et Libyes). Les Septante ont mal lu le verset et ont rendu Pût par <piJYT)ç, qu’ils ont joint au membre de phrase précédent : « Il n’y aura pas de terme à sa fuite (de l’Egypte). »

1. LIBYENS (hébreu : Lûbini), peuple d’Afrique. Les Libyens sont nommés parmi les peuples qui composent l’armée de Sésac, roi d’Egypte, dans sa campagne contre Roboam, IL Par., xii, 3 ; ils figurent également dans l’armée égyptienne que vainquit Asa, roi de Juda. Voir Asa, t. i, col. 1051 ; Roboam, Sésac. La Libye était pour les Égyptiens le désert qui s’étendait à l’ouest de leur pays, depuis la Méditerranée au nord, jusqu’à l’Ethiopie au sud et dont les limites étaient mal définies à l’ouest. Les habitants de cette région sont représentés sur les monuments égyptiens comme des hommes grands, bien bâtis, plus blancs que les Syriens et les Européens, avec des yeux bleus, une chevelure et une barbe blonde. C’est tout à fait le type des Kabyles actuels qu’on a souvent regardés comme des descendants des Germains.

Les peintures égyptiennes tendraient à faire croire qu’ils sont au contraire les fils des Libyens. Leur chevelure est ornée de plumes d’autruche ; elle est liée des deux côtés en une queue, pendant par-dessus l’oreille, et, au contraire, coupée à moitié de la longueur derrière la tête ; la barbe est pointue Jig. 66). Des tatouages bleus, variant selon les tribus, sont marqués sur leur corps. Leur vêtement consiste en un pagne et un long manteau de laine ou de toile teinte et rayée. C’est un peuple de guerriers (fig.67) et surtout de pasteurs, errant à travers

— Libyen.

D’après RoseUini, Monumenti, pi. cltx, 4.

]e désert avec ses tentes de peaux et ses troupeaux. Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orienl, 9° édit., t. H, p. 282 ; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. ii, 1897, p. 430-431. Cf. Champollion, Monuments de l’Egypte et de la Nubie, in-f", Paris, 1833-1845, pi. ccl, 1-2 ; CCLXXIH, 1 ; RoseUini, Monumenti deW EgittoedellaNubia, Monumenti s(o » ict, in-f°, Florence, 1833-1838, pi. clvi, clviii, clix, clx, 4 ; clxi, 5 ; Lepsius, Denkmâler aus Aegypten, in-f°, Berlin, 1850-1858, t. iii, p, 126, 204. Les tribus libyennes porlaient des noms différents, ta principale était celle des Labu, Lebu, ou Lubu qui figurent sur les textes de Ramsès II. Papyrus Anaslasi II, pi. iii, 1. 2. Cf. Chabas, Études sur l’antiquité historique d’après les sources égyptiennes et les monuments réputés préhistoriques, in-8°, Chalonsur-Saône, 1872, p. 184 ; Brugscli, Geographische lnschriften altâgyptischer Denkmâler, in-8°, Berlin, t. ii, p. 79-80. Ces peuples avaient facilement repoussé la race de Phût ou Pût qui était établie dans le pays ou s’était incorporé la partie de ce peuple qui n’avait pas émigré. Fr. Lenormant, loc. cit. ; G. Maspero, Hist. anc, p. 431. Séti I er avait fait des invasions heureuses dans le désert libyque et à Karnak, il est représenté en vainqueur des Libyens en même temps que des Asiatiques. Fr. Lenormant, Hist. anc., ï. ii, p. 238 ; G. Maspero. Hist. anc, t. ii, p. 373. Les Libyens envahirent à leur tour l’Egypte sous Menephtah ; Inscription triomphale de Menephtah, lig. 4, 13, 37 ; Champollion, Monuments de l’Egypte, t. ii, p. 1A3 ; Lepsius, Denkmâler, t. iii,

p. 199 a ; Brugsch, Geographische lnschriften, t, ii, pi. xxxv ; E v de Rougé, Inscriptions hiéroglyphiques copiées en Egypte, in-f », 1877-1879, pi. clxxxix-CXCViti. Ils furent vaincus près de Piriou ; leur défaite fut un véritable massacre que chantèrent les poètes égyptiens et qui assura la tranquillité des Pharaons pour un temps assez long. Stèle de l’Amenophium de Thèbes, Flinders Pétrie, dans la Contemporary Review, 1896, n. 365, p. 362. Cf. Fr. Lenormant, Hist. anc, t. H, p. 285-290 ; G. Maspero, Hist. anc., t. ii, p. 431-437. Les prisonniers libyens étaient employés comme matelots sur les vaisseaux égyptiens. Dès le temps de la reine Hatespou et surtout à partir de Ramses III, les Pharaons les enrôlèrent dans leurs armées. G. Maspero, Hist. anc., t. ii, p. 214, n. 4, p. 458. Les Libyens attaquèrent de nouveau l’Egypte la cinquième année du règne de ce prince. Celui-ci les battit, mais leur empire resta comme un péril redoutable pour l’Egypte. Fr. Lenormant, Hist. anc, t. ii, p. 301-304 ; G. Maspero, Hist. anc. t. ii, p. 459-461. L’invasion recommença quelques années plus tard et de nouveau les Libyens furent exterminés. Les tribus confédérées cessèrent d’être unies ; elles furent refoulées au delà de la chaîne des monts Libyques, des forteresses leur barrèrent la route et leur pays ne fut plus qu’une réserve où les Pharaons levèrent chaque année des soldats. Fr. Lenormant, Hist. anc, t. ii, p. 316-318 ; G. Maspero, Hist. anc, t. ii, p. 470-474. La décadence de l’esprit mililaire chez les Égyptiens donna une importance de plus en plus grande aux Libyens. 31entôt ils furent les maîtres du pays. Ils avaient conservé leur armement et leur coiffure spéciale. Leurs chefs avaient une influence prépondérante à la cour, certains d’entre eux en profitèrent pour monter sur le trône, d’autres faisaient ou défaisaient les rois à leur gré. La dynastie Tanitequi avait cru se consolider ens’appuyant sur eux se trouva bientôt entièrement à leur merci. Les chefs libyens de Bubaste s’emparèrent du trône et fondèrent la vingt-deuxième dynastie. Sésac ou Scheschonq appartenait à cette famille libyenne. Fr. Lenormant, Hist. anc, t. ii, p. 356 ; G. Maspero, Hist. anc, t. ii, p. 765-769 j’Stern, Die xxil Manethonische Kôni-gs l4 „ ; >

67. — Guerrier libyen.

D’après les Monuments Piot ; t. IX, fasc. 2.

dynastie, dans la Zeitschrift fur âgyptische Sprache, 1883, p. 15-26. Le chef de la vingt-quatrième dynastie saïte, Tafnakti, était probablement de sang libyen. Fr. Lenormant, Hist. anc, t. ii, p. 340. C’est donc à cette race qu’ap

partenaient les Pharaons de la période des prophètes. Sous l’influence des Grecs établis à Cyrène, des Carthaginois et plus encore des Romains, les Libyens se civilisèrent au moins superficiellement dans les cités, mais la partie de ce peuple qui continua à habiter le désert garda ses habitudes pastorales et nomades, se livrant à l’élève des troupeaux et à la chasse (fig, 68). Ils avaient adopté depuis longtemps le culte égyptien d’Ammon dont le principal temple était dans l’oasis de ce nom, au nord-est de la Libye. Daniel, xi, 43, annonce que le roi du Septentrion, c’est-à-dire de la Syrie, s’emparera de l’Egypte et que la Libye et l’Ethiopie lui seront soumises. C’est la prophétie des victoires des rois de Syrie contre les Ptolémées, dans le royaume desquels la Libye était comprise. J. G. Droysen, Histoire de l’Hellénisme, trad. franc., in-8°, Paris, 1883-1885, t. iii, p. 310, 315, 337. — Parmi les Juifs de la dispersion qui entendirent le discours de saint Pierre, le jour de la Pentecôte, les Actes, ii, 10, nomment les habitants de la Libye voisine de Cyrène. Les Romains désignaient

Il cite un fleuve de ce nom en Mauritanie. Ce fleuve est également cité par Ptolémée, IV, i, 3, qui l’appelle Phthuth, et par Pline, H. N., V, I, mais les Égyptiens ne connaissaient pas la Mauritanie, il ne peut donc y avoir de rapport entre le fleuve et le peuple. C’est sans doute à cause de la tradition juive rapportée par Josèphe, que dans les prophètes les Septante traduisent Pût par Aïêveç et la Vulgate par Libyes. Jérémie, xlvi, 9 (Septante, xxvi, 9), les nomme parmi les auxiliaires de l’Egypte armés du bouclier. Nahum, iii, 9, les distingue des Lûdim et la Vulgate traduit dans ce passage le mot Pût par Africa. Ézéchiel, xxvii, 10, les cite parmi les mercenaires au service de Tyr. Cela semble étonnant au premier abord, car il est difficile de comprendre que les Tyriens aient été si loin chercher des soldats, mais cela n’est pas plus invraisemblable que la présence des Perses nommés dans le même verset ; un peuple commerçant devait recruter des soldats partout. Les Tyriens étaient en relations permanentes avec les Égyptiens et pouvaient avoir trouvé chez eux des esclaves ou

8. — Chasseurs libyens. D’après l’original. Musée du Louvre.

sous le nom de Libye la partie du désert libyque située sur les côtes, entre l’Egypte et la grande Syrte. Cyrène et les pays qui l’environnaient formaient la Libye grecque. Voir Ctoène, t. ii, col. 1177. Elle faisait partie de la province de Crète et Cyrénaïque. Le reste de la Libye était réparti entre la province d’Egypte et celle d’Aïuque. Les tribus y avaient conservé leur nom, leur culte et en partie leur autonomie. Henzen, dans les Annali dell’Inslituto archeologico di Roma, 1860, p. 54 ; 80-82.

Bibliographie. — P. délia Cella, Viaggio da Tripoli di Barber, aile frontière occidentali dell’Egitto, in-8°, Gênes, 1819 ; J. R. Pacho, Voyage dans la Marmariqite et la Cyrénaïque, in-8°, Paris, 1827 ; Vivien de Saint-Martin, Le nord de l’Afrique dans l’antiquité grecque et romaine, in-8°, Paris, 1863 ; H. Kiepert, Manuel de géographie ancienne, trad. franc., in-8°, Paris, 1887, p. 126-127. E. Beurlier.

2. LIBYENS, nom, dans la Vulgate, Jer., xlvi, 9 ; Ezech., xxvii, 10 ; xxxviii, 5, des descendants de Phuth. Elle appelle aussi Libye le pays de Phuth dans Ézéchiel, xxx, 8. Elle n’a conservé le nom de Phuth que dans Gen., x, 6 ; I Par., i, 8. Dans tous ces passages, l’hébreu porte Pût. — Pût ou Phuth, comme transcrit la Vulgate, est le nom du troisième fils de Cham. Gen., x, 6 ; I Par., i, 8. Il est placé entre Mesraïm et Chanaan. Tandis que les descendances de Mesraïm et de Chanaan sont indiquées, celles de Phuth ne le sont pas. D’après Josèphe, Antiq. jud., i, vi, 2, Phoutès peupla la Libye.

des matelots du pays de Pût. Enfin après le percement du canal de Néchao qui reliait le Nil à la mer Rouge, leurs vaisseaux avaient pu étendre leur commerce jusqu’au pays des aromates et de l’encens, c’est-à-dire jusqu’au Pût. Néchao lui-même avait lancé les capitaines phéniciens de sa flotte dans cette direction. C’est alors qu’ils firent le tour de l’Afrique de la mer Rouge à la Méditerranée en passant par le sud. Hérodote, iv, 42. Cf. G. Maspero, Hist. anc., t. iii, p. 532-533. Ézéchiel, xxxviii, 5, place Pût dans les peuples qui formèrent l’armée de Gog. Cela paraît plus surprenant encore, puisqu’il s’agit de l’armée d’un roi scythe, mais il est aussi question dans ce passage des Éthiopiens, autre peuple d’Afrique. Cela s’explique par la campagne que les Scythes firent en Egypte. Psammétique les arrêta par des présents. C’est là qu’ils durent recruter des soldats africains. Hérodote, i, 105 ; Justin, ii, 3. Cf. G. Maspero, Hist. anc., t. iii, p. 479. Dans la Version grecque de Judith, ii, 23, $oyS est nommé près de Aoû8 parmi les peuples que battit Holoferne, c’est peut-être une interpolation due à l’habitude qu’avaient les copistes d’associer ces deux mots. La campagne d’Holoferne se passe en Asie et il ne peut s’agir d’un peuple africain. On peut aussi supposer, sans que rien du reste prouve la vérité de cette hypothèse, qu’il y avait en Asie un peuple dont le nom se rapprochait de celui de $ov8. Isaïe, lxvi, 19, annonce que le Messie sera prêché à Pûl, il faut probablement lire Pût, c’est ainsi qu’ont lu les Septante qui traduisent par IoOS et la Vulgate qui traduit par Africa.

243

LIBYENS — LICORNE

244

Les textes de la Bible ne donnent aucune indication de quelque précision sur la situation géographique du pays de Pût, sinon qu’il est africain et dépend de l’Egypte. Fr. Lenormant, Hist. anc, t. ii, p. 382 suppose que la nation de ce nom habitait originairement la Libye, d’où elle fut chassée par les Lûbim ; si cette hypothèse est vraie, la race de Phuth se serait retirée dans le pays que les inscriptions égyptiennes appellent Punt, Puent ou Pouanit. D’après la plupart des égyptologues c’est le pays des Somalis. Krall, Bas Land Punt, dans les Sitzungsberichte der Akademie der Wissenschaften zu Wien, t. xxxi, 1898 p. 1-81 ; G. Maspero, Hist. anc, t. H, p. 247 ; Naville, The Temple of Deir et Bahari, in-8°, Londres, 1894, p. 21-22. Cf. Egypl Exploration Fund, Archxological Report, 1894-1895, p. 34. Les premières expéditions égyptiennes dans ce pays au temps de la douzième dynastie n’avaient pas dépassé Souakîn et Massouah. G. Maspero, Hist. anc, t. i, p. 495496 ; Id., De quelques navigations des Égyptiens sur les côtes de la mer Erythrée, dans la Revue historique, t. ix, 1879. Le Pount proprement dit commençait au delà. Au temps de la reine Hatespou, la flotte égyptienne y aborda. Le principal fleuve du pays s’appelait la rivière de l’Éléphant. Les vaisseaux égyptiens le remontèrent et se trouvèrent dans un village dont les cabanes éparses au milieu des sycomores et des palmiers, étaient construites en tissus d’osier et posées sur des pilotis. Les indigènes étaient de couleur brune, leur barbe se terminait en pointe et leur chevelure était soit coupée court, soit étagée en petites mèches ou en nattes minces (fig. 69). Les hommes étaient vêtus d’un pagne, les

CD. — Indigène du pays de Put.

D’après Prisse d’Avesnes, Histoire de l’art égyptien, pi. 50.

femmes d’une robe jaune sans manches, serrée à la taille et tombant jusqu’à mi-jambes. Voir t. i, fig. 145, col. 571, la reine de Pount et sa suite. Les Égyptiens échangèrent les produits de leur pays surtout contre de l’ivoire, de l’or, de l’ébène, de la myrrhe, des singes verts, et des arbres à encens. Les arbres turent plantés à Deir el-Bahari. G. Maspero, Hist. anc, t. ii, p. 247253. Les prophètes ne distinguent pas entre les diverses tribus du pays de Pût, comme le font les Égyptiens, ils englobent probablement sous ce nom toute la cote est de l’Afrique située au sud de l’Egypte et de l’Ethiopie.

La grande inscription perse de Nakhsch-î-Roustem dans la liste des vingt-huit pays tributaires de Darius le Mède, nomme Kutiya, Putiya et Masiya, en babylonien Pûta, KûSu et Massù. Cf. F. H. Weissbach-Beng, Die Altpersischen Keilinschriften, in-4°, Leipzig, 1893, lig. 22-30, p. 36-37. Ce texte confirme l’identification de Pût avec le Pount des Égyptiens. Ceux-ci prononçaient le t après’n par un son que les Grecs rendraient par 5 et les Sémites par t. Punt fait donc régulièrement Pût. Cf. G. Kbers, Aegypten und die Bûcher Mose’s, in-8°, Leipzig, 1868, t. i, p. 64. — Les Coptes appellent <J>xixt, Faiat, la Libye, spécialement la partie ouest du Delta ; on ne connaît pas l’hiéroglyphe correspondant à ce mot, mais il paraît probable que les Septante ont été influencés par le terme copte lorsqu’ils ont traduit Pût par At’êueç. E. Beuruer.

    1. LICORNE##

LICORNE (Septante : u.ovo"xEptoç ; Vulgate : unicornis), animal fabuleux, qui n’aurait eu qu’une corne au milieu du front. Il est question de la licorne dans les auteurs profanes, Aristote, Générât, animal., iii, 2 ; Hist. anim., ii, 1, 32 ; Plutarque, Pericl., 6 ; Élien,

70. — La licorne (Antilope).

D’après Coste et Flandin, Perse ancienne, pi. cx.xx.vj.

Nat. animal., xvi, 20 ; Pline, II. N., VIII, xxi, 30 ; Xt, xlvi, 106. Les Septante emploient le mot (iovinspwç dans huit passages, Num., xxiii, 22 ; xxiv, 8 ; Deut., xxxiii, 17 ; Job, xxxix, 9 ; Ps. xxi, 22 ; xxviii, 6 ; lxxvii, 69 ; xci, 11, et la Vulgatè le mot unicornis dans les quatre passages des Psaumes et dans Isaïe, xxxiv, 7 (c/ » inoceros, dans les autres endroits). Dans deux passages, Deut., xxxiii, 17 ; Ps. xxi, 22, ces versions parlent au pluriel des cornes de la licorne. Dans tons ces textes, excepté Ps. lxxvii, 69, les versions traduisent ainsi l’hébreu re’êm, qui est le nom de l’aurochs. Voir Au

iîochs, t. j, col. 1260. Le licorne n’est donc ni l’antilope oryx, voir Oryx, ni un animal à part, caractérisé par une seule corne. Les anciens auteurs qui mentionnent la licorne ne font que rapporter ce qu’ils ont entendu dire et, en réalité, personne n’a jamais vu ni licorne, ni antilope à une corne. Cf. Frz. Delitzsch, Die Psalinen, Leipzig, 1873, t. i, p. 259. Ce qui paraît beaucoup plus probable, c’est que les traducteurs grecs de la Bible ne connaissaient le re’êm que par les représentations qui existaient dans les monuments de Persépolis et de Babylone. Or, dans tous les monuments assyriens et chaldéens, le procédé de perspective adopté par les artistes fait que, quand deux objets symétriques sont placés l’un derrière l’autre, celui qui est au second plan disparaît, complètement caché par celui qui est au premier plan. Si un animal est représenté de profil, on ne lui voit qu’une corne, quelquefois une seule oreille, etc. Cf. t. i, fig. 235, col. 908 ; fig. 320, col. 1160 ; fig. 367, 368, col. 1264 ; fig. 563, 564, col. 1837 ; t. ii, fig. 213, col. 602. Le même procédé était familier aux Perses (fig. 70). Cf. Flandin et Coste, Voyage en Perse, Atlas, 18431854, pi. cxxxvi ; Dieulafoy, L’art antique de la Perse, Paris, 1884-1889, t. iii, pi. xviii ; Perrot et Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. v, 1890, p. 835, 841, 842, etc. On le retrouve quelquefois dans les représentations égyptiennes. Cf. t. ii, fig. 148, col. 446, Il y a donc tout lieu de croire que les anciens traducteurs de la Bible n’ont pas connu d’autres animaux à une corne que ceux qui étaient ainsi figurés sur les monuments. — Voir Quatremère, dans le Journal des Savants, mai 1845, p. 273-280 ; W. Haughton, On the Unicom of the Ancients, dans Annals and Magazine of natural Ilislory, t. x, 1862, .p. 363-370, 416-417 (avec une bibliographie, p. 363-364) ; Schrader, Silzungsber. der kônigl. Preuss. Akadem. der Whsenschaft, 1892,

p. 573.

H. Lesêtre.
    1. LICTEUR##

LICTEUR (grec : p « 6601-/oç ; Vulgate -.lictor). — 1° Dans l’Ancien Testament.

— La Vulgate emploie une

fois le mot lictor pour tra duire le mot hébreu malé’âk

que les Septante traduisent

par aiftloi. I Reg. (Sam.),

xix, 20. Il s’agit des satellites ou envoyés du roi. Ailleurs

elle traduit le même mot par

nuntius, I Reg. (Sam.), xvi,

19 ; satelles, xix, 11 ; apparitor, xix, 14.

2° Dans le Nouveau Testa ment. — Le mot lictor, paë 80û)( î> est employé dans son

sens technique, c’est-à-dire

pour désigner les appariteurs

des magistrats romains. Les

préteurs ou duumvirs de la

colonie romaine de Philippes

en Macédoine envoient leurs

licteurs pour dire au geôlier

de faire sortir de prison Paul

et Silas. Saint Paul répondit

aux licteurs que cela ne suffi sait pas, qu’ils avaient affaire à des citoyens romains et que

les magistrats devaient venir

eux-mêmes pour les mettre

en liberté. Act., xvi, 35-38.

Nous savons en effet que les

magistrats des colonies ro maines avaient à leur service des licteurs, comme ceux de la capitale. Lex eoloniss Juliw Genetivai, c. lxii. Corpus inscriptionum latinarum, t. ii, suppl., n. 5439 ;

71. — Licteur romain.

D’après ViscoDtï, Musée

Pio-Clêmentino, t. v, pi. 32.

t. xii, n. 4428. C’étaient par eux que ces magistrats faisaient exécuter leurs ordres. Ils marchaient devant eux un à un dans les cérémonies publiques. Leur présence était le symbole du droit de commandement et de justice. Les licteurs étaient revêtus de la toge et portaient, comme emblèmes de leurs fonctions, des faisceaux. Les faisceaux des licteurs accompagnant les magistrats romains à l’armée se composaient d’une hache mise à l’extérieur et de plusieurs verges ou bâtons réunis par une courroie rouge. Les verges étaient de bouleau ou d’orme. Le licteur portait le faisceau de la main gauche sur l’épaule gauche par le manche (fig. 71). Dans les funérailles ils portaient le faisceau renversé. Les licteurs des magistrats municipaux étaient au nombre de deux et ne portaient pas de hache, pour marquer que les magistrats n’avaient pas le pouvoir de vie et de mort sur les citoyens. Il en était du reste de même pour les, licteurs des magistrats romains à Rome. E. Beurlier.

LIE (hébreu : sémér ; Septante : M ; , rpuyiaç, « vin ayant un dépôt de lie ; » Vulgate : fœar), dépôt qui se forme dans le vin reposé et qui se compose de particules solides renfermant des ferments de viii, des débris de raisin, des sels, de la crème de tartre, etc. Ces différentes substances tombent d’elles-mêmes, après la fermentation, au fond du récipient qui contient le vin. Les anciens laissaient volontiers le vin reposer sur sa lie, afin de lui conserver son goût et sa force. Jérémie, xlviii, 11, mentionne cet usage quand il dit de Moab : « Il reposait sur sa lie, sans avoir été transvasé d’un récipient dans un autre, sans être allé en captivité. Ainsi son goût fui est resté et son bouquet ne s’est pas modifié. » Moab’s’était maintenu fort et tranquille en restant toujours sur son même territoire. Sophonie, l, 12, parle des hommes de Juda « qui reposent sur leurs lies », c’est-à-dire qui vivent dans l’insouciance et ne s’inquiètent nullement de l’intervention de la Providence. Pour les châtier, Dieu va fouiller Jérusalem avec des lampes, comme quand on veut examiner un cellier pour voir en quel état se trouve le vin. Pour obtenir du vin clarifié, Is., xxv, 6, et complètement débarrassé de sa lie, on le transvasait, comme le suppose Jérémie, xlviii, 11, de manière que la lie restât au fond du premier récipient, ou bien on le filtrait au moyen d’un sac de linge à tissu serré que la Mischna appelle meSammëréf. Cf. Schàbbath, xx, 1 ; Pirke Aboth, 5. La lie qui reste au fond du récipient ou qui se dépose au fond de la coupe, quand le vin est trouble, a un goût amer et désagréable. Il est dit des méchants qu’ils boiront jusqu’à la lie la coupe de la colère de Dieu, Ps. lxxv (lxxiv), 9, c’est-à-dire qu’ils subiront les effets de cette colère dans leur plénitude et leur amertume. Jérusalem boira aussi jusqu’à la lie la coupe de l’étourdissement, Is., ii, 17, elle la sucera, de manière à n’en rien perdre ; coupable envers le Seigneur, elle sera l’objet de sa colère, et cette colère produira en elle un étourdissement pareil à celui de l’ivresse et qui l’empêchera de marcher. — Au Psaume xxxix, 3, la Vulgate parle de « lie » quand il est questioi de « boue s dans le texte hébreu. Dans Isaïe, xlix, 6, elle appelle « lies d’Israël », ce qui reste du peuple d’Israël, ceux que l’hébreu nomme tiesûrê Ièrd’êl, « les préservés d’Israël, » ceux qui ont été délivrés de l’exil. Enfin, là où Ézéchiel, xxiii, 34, parlant de la coupe de désolation qu’a vidée Samarie, dit à Jérusalem : « Tu la boiras, tu la suceras, » la Vulgate rend ce second verbe par : « Tu la boiras jusqu’aux lies. » Voir Vin.

H. Lesêtre.

LIEN, corde, courroie ou autre objet souple et solide dont on se sert pour attacher. En hébreu, le lien a différents noms : — 1°’âgudddh, qui désigne les liens du joug, oipa-ff » ’-' », fasciculus, Is., lviii, 6, etunlien, c’est-à-dire un bouquet d’hysope, Exod., xii, 22 ; — 2° ’êsùr, xaXwSiov, vinculum, les cordes qui lient Samson,

Jud., xv, 14, et, au figuré, les liens de la passion, Eccte., vil, 27, en chaldéen, ’ësûr, Dan., iv, 12, 20 ; I Esd., vii, 26 ; — 3f> môaêr, 8eir(iôç, vinculum, le lien avec lequel on attache les esclaves et les prisonniers, Job, xxxiii, 16 ; xxxix, 5 ; Ps. ii, 3 ; cvn (cvi), 14 ; cxvi.(cxv), 16 ; Is., xxviii, 22 ; iii, 2 ; Jer., ii, 20 ; v, 5 ; xxvii, 2 ; xxx, 8 ; Nah., i, 13 ;

— 4° ma’âdannôt, 8î<t|ju5 ; , conjungere, les liens qui unissent les étoiles de la constellation des Pléiades. Job, xxxviii, 31. Le plus souvent, l’idée de « lien » est exprimée par les verbes qui signifient « lier » : ’âsar, lyâbas, qâSad, ’âsam, ’âqad, §âmad, l}âzaq, dont les quatre derniers ne sont employés qu’une seule fois ; chaldéen, kefat ; Septante : êsirfieijeiv, 8etv, Sr)<rai, êraSeïv, xaTaSeïv, àipanTEÏv ; Vulgate : Ugare, alligare, vincire.

I. Au sens propre. — 1° Il y a des liens qui servent à attacher les animaux. Gen., xlix, 11 ; IV Reg., vii, 10 ; Matth., xxi, 22 ; Marc, xi, 2, 4 ; Luc, xix, 30. Mais certains animaux, comme le buffle et le crocodile, ne peuvent être attachés. Job, xxxix, 10 ; XL, 24. Au bœuf qui foule le grain, on ne doit pas lier la bouche. Deut., xxv, 4 ; I Cor., ix, 9 ; I Tim., v, 18. Voir Bœuf, t. i, col 1830.

— 2° Quelquefois on liait les victimes avant de les immoler. Ps. cxviii (cxvii), 27 (hébreu). C’est ainsi qu’Abraham procéda à l’égard d’Isaac Gen., xxii, 9. — 3° Il est question de liens pour faire des gerbes, Gen., xxxvii, 7 ; Judith, viii, 3 ; des bouquets d’hysope, Exod., XII, 22 ; des bottes de mauvaises herbes, Matth., xiii, 30 ; pour attacher différents objets, des coffres et des ballots de marchandises, Ezech., xxvii, 24 ; le rational, Exod., xxxix, 19 ; Lev., viii, 13 ; Ezech., xxiv, 17 ; un ornement à la coiffure, Exod., xxviii, 37 ; une épée au côlé, II Reg., xx, 8 ; un objet à un autre, Judith, xiii, 8 ; Is., lviii, 6 ; Jér., li, 63 ; ou enfin pour servir de signe Gen., xxxviii, 27 ; Jos., ii, 18. Voir Ceinture, t. ii, col. 389 ; Corde, t. ii, col. 964. — 4° On liait de cordes ou de chaînes ceux dont on voulait s’emparer ou que l’on gardait prisonniers. La Sainte Écriture mentionne ainsi les liens de Joseph, Sap., x, 14 ; de Siméon, Gen., xlii, 16, 34, 36 ; de Samson, Jud., xvi, 5, 6, 12, 13 ; de saint Jean-Baptiste, Matth., xi, 2 ; xiv, 3 ; de Notre-Seigneur pendant sa passion, Joa., xviii, 12, 24 ; de saint Paul, Act., xx, 23 ; xxiii, 29 ; xxvi, 29, 31 ; Phil., i, 7, 13, 14, 17 ; Col., iv, 18 ; II Tim., ii, 9 ; Philem., 10, 13 ; des serviteurs de Dieu, Heb., xi, 36 ; des premiers disciples du Sauveur, Act., IX, 14 ; de prisonniers, Ezech., iii, 25 ; iv, 8 ; de fous à châtier, Prov., vii, 22 ; de possédés furieux. Luc, viii, 29, etc. Parfois on liait les mains et les pieds de ceux qu’on voulait maltraiter. Judith, VI, 9 ; Dan., iii, 21 ; Matth., xxii, 13 ; Act., xxi, ll, 13, 33 ; xxii, 29. Voir Chaîne, t. ii, col. 481. — 5° Les liens devenaient encore des bandeaux pour couvrir les yeux, Is., xxxiii, 15 (hébreu) ; des bandages pour panser les blessures, Job, v, 18 (hébreu) ; Is., xxx, 26 ; Jer., xxx, 13 ; Ezech., xxx, 21 ; xxxiv, 4, 16 ; Ose., vi, 1 (hébreu) ; Luc, x, 3’t, et des bandelettes pour ensevelir les morts. Joa., xi, 44 ; xix, 40. Voir Bandelettes, t. i, col. 1427. — 6° On lit dans l’Épitre de Jérémie, Baruch, vi, 42-43, que les femmes babyloniennes se tiennent assises sur les chemins « ceintes de liens », nep16é".Evai u^oivs’a, circumdatx funibus, en signe de consécration au culte d’Istar. Voir Hérodote, i, 199 ; Strabon, xvi, 1. Un bas-relief trouvé à Charcamis (fig. 72) représente peut-être une de ces femmes.

II. An sens figuré — 1° Les liens désignent d’abord toute contrainte physique, celle de la servitude, ls., xxviii, 22 ; lii, 2 ; Jer., ii, 20 ; v, 5 ; xxvii, 2 ; xxx, 8 ; Nah., i, 13 ; du châtiment, Ps. cxlix, 8 ; Is., xxviii, 22 ; de l’infirmité qui empêche de parler, Marc, vii, 35, ou de se mouvoir. Luc, xiii, 16.. II est dit qu’Abner n’avait pas les mains liées, pour signifier qu’il aurait pu se défendre. II Reg, , iii, 34. Les pires liens sont ceux des démons dans leur enfer. Judæ 6. — 2° Ils désignent ensuite la contrainte morale, de caractère odieux, celle qu’il faut

imposer aux puissances spirituelles adverses, Matih., xii, 29 ; Marc, iii, 27 ; celle qu’une langue perverse exerce sur ses victimes, Eccli., xxviii, 23 ; celle qui résultait des minutieuses prescriptions des pharisiens, Matth., xxiii, 4 ; celle enfin à laquelle la sagesse soumet un sot. Eccli. , xxi, 22. — 3° Les liens marquent encore les obligaftions morales imposées ou proposées à la volonté de l’homme. Ainsi sont mentionnés le lien du mariage, Rom., vii, 2 ; I Cor., vii, 27, 39 ; le lien de l’alliance, Ezech., xx, 37 ; le lien de la sagesse, Eccli., vi, 26 ; le lien de la paix, Eph., iv, 3 ; le lien de la perfection, qui est la charité, Col., iii, 14 ; les liens d’amour qui attirent la créature au Créateur. Ose., xi, 4.-4° Enfin la Sainte Écriture marque sous cette forme l’attachement qu’il faut avoir pour la Loi. L’Israélite doit lier les commandements à ses mains et à son cou, Deut., vi, 8 ; xi, 18 ;

^m

&& 72. — Femme.’. ! _ ? liens autour de la ceinture. D’après le Graphie, Il décembre 1880, p. 608.

Prov., iii, 3 ; vi, 21 ; vii, 3, c’est-à-dire qu’il doit les avoir sans cesse présents à la pensée afin de les pratiquer dans sa conduite. Les pharisiens prirent à la lettre cette prescription, et se crurent fidèles à la loi en portant sur eux des bandes d’étoffe ou de parchemin sur lesquelles étaient écrits des versets de la Loi. Voir Phylactères. III. Le pouvoir de « lier » et de « délier ». — Notre-Seigneur donne à Pierre les clefs du royaume des cieux, et ajoute : « Ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. » Matth., xvi, 19. Il dit ensuite à tous les Apôtres : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » Matth., xviii, 18. Comme dans le premier passage l’idée de lier et de délier semble dépendre du don des clefs, plusieurs auteurs ont pensé que la métaphore employée par Notre-Seigneur supposait des clefs servant à lier ou à délier des cordes ou des courroies. Chez les Grecs, il est question d’un verrou ou clef, xXei’; , que deux courroies font manœuvrer par ses extrémités, même du dehors, pour fermer ou ouvrir une porte. Iliad., xiv, 168 ; Odyss., i, 442 ; iv, 802, etc. D’autres fois, ce sont des courroies qui assujettissent un verrou, xXetépov, et qu’on délie pour ouvrir. Eschyle, Sept., 396. Il n’y a pas là, cependant, de clef ou de verrou liant et déliant ; d’ailleurs, les serrures en usage chez les Hébreux étaient d’autre nature, et ne semblent pas avoir comporté de nœuds à faire ou à défaire. Voir Clef, t. ii, col. 800. Il n’y a donc pas de dépendance entre les deux métaphores. Pierre reçoit les clefe du royaume U

des cieux, ce qui signifie symboliquement qu’il est . constitué le grand dignitaire de l’Église. Comme tel, il aura le pouvoir de lier ou de délier. Les Apôtres reçoivent ce même pouvoir, sans cependant recevoir les clefs, ce qui confirme encore l’indépendance mutuelle des deux symboles. Dans deux auteurs grecs, on lit les expressions : Iy<1) &t[<sv>, o-l » 6s.Iç SyvaTai ïvaxi, « je lierai, personne ne pourra délier, » paroles inscrites sur le tombeau d’Isis, d’après Diodore de Sicile, i, 27, et ok lôéXoisv ).’j£tv te xat Sstv, « nous voulons qu’ils aient pouvoir de délier et de lier, » paroles par lesquelles la reine Alexandra consacre l’influence politique des pharisiens. Josèphe, Bell, jud., i, v, 2. Mais le sens de ces expressions ne paraît nullement comporter une autorité souveraine. Dans une lettre des chrétiens de Gaule, citée par Eusèbe, II. E., v, 2, t. SX, col. 436, les deux mots Xusiv et 8e(T[Uijeiv sont pris dans le sens restreint de rejeter ou d’admettre le bien fondé d’une accusation. La même expression est fréquente dans le Talmud pour signifier « interdire » et « permettre ». Cf. Fillion, Évang. selon S. Matthieu, Paris, 1878, p. 326, 327. Il est certain qu’à l’époque de Notre-Seigneur les docteurs de la Loi jouissaient d’une très haute autorité en Israël. À eux appartenait de formuler théoriquement le droit, de l’enseigner à leurs disciples et de l’appliquer pratiquement. Cf. Schûrer. Geschichte des jûdisehen Volkes, Leipzig, t. ii, 1898, p. 320-328. Ils liaient et déliaient, c’est-à-dire imposaient des obligations morales ou en dégageaient, soit en droit, soit en fait. Notre-Seigneur fait allusion au pouvoir qu’ils exerçaient quand il dit d’eux : « Ils lient des fardeaux lourds et intolérables, » 5zauioiai çopxJa papéa xa SuffêâoraxTa, Matth., xxiii, 4, paroles qui_ visent leur enseignement. De plus, ces docteurs prétendaient à un tel respect de leurs décisions qu’ils en étaient venus à déclarer leurs paroles plus « aimables que celles de la Loi, plus importantes que celles des prophètes ». Berachoth, ꝟ. 3, 2. La formule employée par le Sauveur s’explique dans un sens analogue, et plus étendu encore. Les Apôtres reçoivent le droit de lier et de délier dans le nouveau royaume. Ce droit n’est pas limité ; c’est ce que donnent à conclure les expressions : ô èàv Séduit, « ce que tu lieras, » ôaa. làv êr^Te, « ce que vous lierez, » dans lesquelles les pronoms &, 8<rix sont indéterminés. Le pouvoir de lier et de délier s’étend donc à la croyance, à la morale, à tout ce qui peut être du domaine religieux. Enfin Notre-Seigneur ne compare pas le pouvoir qu’il donne à ses Apôtres à l’autorité de Moïse ou des prophètes ; il se contente de déclarer que l’exercice de ce pouvoir sera ratifié dans les cieux, ce qui le consacre par la plus haute autorité qui existe. Cette interprétation semble bien la plus naturelle. Elle s’appuie, du reste, sur des usages connus des Juifs et des idées qui leur étaient familières. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Matth.,

Paris, 1893, t. ii, p. 66, 67.

H. Lesêtre.
    1. LIÉNARD Jacques-Antoine##

LIÉNARD Jacques-Antoine, théologien catholique, né à Douai en 1792, mort en cette ville dans la première moitié du xixe siècle. Il fut professeur à Douai et avait laissé des Elucidationes in Novum Testantentum qui furent publiés par Ledent, 4 in-8°, Douai, 1859. — Voir Hurler, Nonienclator literarius, t. m (1895), col. 1034.

B. Heurtebize.
    1. LIERRE##

LIERRE (Septante : xt<r<j6ç ; Vulgate : hedera, plante grimpante.

I. Description. — Le lierre, Hedera Hélix de Linné (fig. 73), famille des Araliacées, est un arbrisseau à tige rampante, appliquée contré le sol ou plus souvent le long d’un support vertical, tel que les murs ou les troncs d’arbres, auquel elle se fixe par de nombreuses petites racines latérales modifiées en forme de crampons, pouvant atteindre ainsi la hauteur d’une vingtaine de mètres ou davantage. Quand les racines adventives plongent dans la terre, elles développent des ramifications nom breuses et servent alors à l’absorption. La tige appliquée ou rampante reste stérile, pourvue seulement de feuilles pétiolées à limbe toujours vert, luisant, et échancré sur le pourtour de 5 lobes plus ou moins profonds. Mais les

73. — Hedera Hélix.

rameaux qui s’en détachent, surtout dans la partie élevée, pour flotter librement dans l’air sont munis de feuilles plus étroites, presque indivisêes, puis se terminent par des fleurs. L’inflorescence est une anthèle d’ombelles hémisphériques dont la terminale seule, formée de fleurs hermaphrodites, devient fructifère, les inférieures réduites à des fleurs mâles se détachant après l’anthèse. Les sépales peu distincts alternent avec 5 pétales jaunâtres et sont surmontés d’autant d’étamines. Un disque glanduleux entoure le style et couronne le fruit en baie globuleuse, ordinairement noire, mais parfois jaune, qui renferme sous sa pulpe un nombre variable de noyaux, souvent deux, charnus eux-mêmes, et au sein desquels est inclus un très petit embryon entouré d’un albumen ruminé. F. Hy.

II. Exégèse. — Le lierre est rare en Palestine, excepté le long des côtes et sur les montagnes. Il n’est mentionné nulle part dans la Bible hébraïque et seulement une fois dans la partie grecque. IIMach., vi, 7. Dans la persécution d’Antiochus, lorsqu’on célébrait la fête de Bacchus, on contraignait les Juifs de suivre la procession solennelle, iro[ « ceiieiv, ayant du lierre, xuraoùç £-/ovieç, c’est-à-dire portant des couronnes de lierre, et des thyrses ou tiges entourées de lierre. La Vulgate met seulement : « aller par les rues couronnés de lierre. » On sait que le lierre était une plante consacrée à Bacchus ; Hedera gratissimaBaccho, dit Ovide, Fast., iii, 767. — D’après le III » livre des Machabées, ii, 29, Ptolémée Philopator faisait marquer les Juifs d’Egypte au fer rouge d’une feuille de lierre, marque de la consécration à Bacchus. Voir Bacchus, 1. 1, col. 1377. — Le mot hedera, « lierre, *> se lit aussi dans la Vulgate comme traduction du mot hébreu qîqdyôn, Jonas, iv, 6, 7, 9, 10, mais cette traduction n’est pas plus exacte que celle des Septante qui ont mis xoXoxûv 87], « courge. » Le qîqâyôn est le ricin. Voir COURGE et Ricin. E. Levesque.

    1. LIÈVRE##

LIÈVRE (hébreu : ’arnébét, désignant le même animal que l’assyrien annabu et l’arabe’arneb ; Septante : SaoïjTtoui ;  ; Vulgate : lepus), quadrupède de l’ordre des rongeurs et derla^fàmille des léporidés, comme le lapin. Les lièvres ont le museau arrondi, les yeux latéraux et saillants, la lèvre supérieure fendue et très mobile, les oreilles longues et molles, le poil long, rude, et ordinairement d’un gris roux. Timides et inoffensifs, ils sont avertis du danger par la subtilité de leur ouïe, et s’y soustraient grâce à la rapidité de leurs musculeùses et longues jambes. Us se nourrissent de végétaux ; sont très féconds, ne terrent point comme le lapin, mais ne supportent pas la domesticité. Le lepus syriacus est commun dans le nord de la Palestine et dans les parties boisées ou cultivées du pays, notamment dans la plaine m

LIÈVRE — LIGHTFOOT

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d’Esdrelon..Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 185. Il est semblable à celui de nos pays, avec les oreilles plus courtes et la tête plus large. Le lepus Judseœ {dg. 74). fréquente les régions méridionales de la Ju 74. — Lepus syriacus.

<lée et la vailée du Jourdain ; il abonde dans les lieux les plus arides. Il a la taille plus petite que le précédent, de longues oreilles et le pelage fauve. On trouve des levrauts à toutes les époques de l’année, les deux espèces précédentes ayant quatre petits à chaque portée. D’autres espèces, peu différentes d’ailleurs, mais de moindre taille encore, se rencontrent accidentellement du côté de la frontière du sud-est, le lepus sinaiticus, qui est le lièvre d’Arabie, le lepus segyptiacus, commun en Egypte, et le lepus isabellinus, ainsi nommé à cause de sa couleur chamois. Cf. Tristram, The natural History of the Bible Londres, 1889, p. 99. Lortet, Là Syrie d’aujourd’hui, p. 413, 455, a constaté dans les environs de Jéricho la fréquence en nombre du lepus sinaiticus. Les Hébreux avaient connu dans la terre de Gessen le lièvre sinaïtique et le lièvre d’Egypte. Les monuments figurés les représentent (fig. 75), et Je nome central de la. Moyenne 75. — Égyptien portant un lièvre et deux hérissons dans des

cages. Beni-Hassan. XII’dynastie.

D’après Lepsins, Denkmàler, Ahth. D, H. 120.

Egypte s’appelait le « nome du lièvre ». Les Arabes estiment beaucoup la chair du lièvre. La loi mosaïque la défend aux Israélites, Lev., xi, 6 ; Deut., xiv, 7, sans doute parce que cette nourriture est lourde et facilement indigeste, surtout dans les pays chauds. Les Syriens d’aujourd’hui ne mangent pas la chair du lièvre, qui pourtant abonde autour d’eux ; ils prétendent que cet aliment peut donner la fièvre. Cf. Vigouroux, Les

Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., Paris, 1992, t. lv, p. 434. Pour permettre de distinguer le lièvre et de le ranger parmi les animaux impurs, le texte sacré dit qu’il rumine. Or, on sait que le lièvre ne peut prendre rang à aucun titre parmi les ruminants. De là une ditflculté, soulevée déjà au sujet du daman, voir ChœrogryllE, t. ii, col. 714, et qu’on ne se lasse pas de mettre en avant. Cf. L’encyclique et les catholiques anglais et américains, Paris, 1894, p. 36-37, traduction d’un article de la Conteniporary Review, avril 1894. L’expression hébraïque que la Vulgate rend par le mot ruminare est hë’élâh gêrâh, que les Septante traduisent par àvayeïv (t7)(>uxi<r[iivv, « ramener en haut la rumination. » Buhl, Gesenius’Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 161, rattache gêrâh à la racine gârâh, dont le sens n’est déterminable que par celui des dérivés gârôn, « gosier, » et l’arabe gêrn, « gosier. » Le mot gêrâh a donc un sens analogue, très probablement le même que (l’jxx » )pifffidç ; il marque l’acte de ruminer, ou ce qui remonte dans le gosier. L’expression hébraïque signifierait donc « faire remonter ce qui est dans le gosier », ou, en un seul mot, c< ruminer. » On arrive au même sens en acceptant l’étymologie de Gesenius, Thésaurus, p. 305, qui rattache gêrâh à la racine gârar, à laquelle il attribue le sens de « ruminer ». Il est donc certain que l’auteur sacré n’entend pas donner à hë’ëldh gêrâh le sens de « remuer les lèvres », mais celui de ruminer. Toutefois, on ne pourrait prétendre raisonnablement que par « ruminer » il veuille signifier « avoir plusieurs estomacs et en faire remonter la nourriture pour la remâcher ». Il caractérise la rumination par une marque extérieure, facile à reconnaître, le mâchonnement perpétuel, sans affirmer qu’il y a rumination réelle. Il parle d’après les apparences, comme le font si souvent, et à si bon droit, les écrivains inspirés. C’est ici un de ces cas où, suivant l’enseignement de l’Encyclique Providentissimus, cꝟ. 1. 1, p. xxtx, l’auteur sacré décrit un phénomène naturel « en se servant du langage communément usité de son temps, langage dont les plus grands savants se servent encore de nos jours dans la vie ordinaire ». Il est curieux de rapprocher de cette observation de l’Encyclique la manière dont Linné parle du lièvre dans son Systema naturee, Lyon, 1789, t. i, p. 160-161 : Victitat ruminans raniulis fruticum et cortice arborum, « il se nourrit, en ruminant, de rejetons d’arbrisseaux et d’écorce d’arbres. » Cf. Rosenmùller, In Levit-, Leipzig, 1798, p. 62. Le savant s’exprime ici comme le législateur antique ; on ne l’accusera pas, cependant, d’avoir pris le lièvre pour un ruminant. Moïse exige deux conditions pour que les animaux puissent servir de nourriture : qu’ils soient ruminants, et qu’ils aient aux pieds une corne fendue. Lev., xi, 2. Le daman et le lièvre, qui semblent ruminer, sont exclus parce qu’ils n’ont pas aux pieds des cornes fendues. Les quatre doigts que le lièvre porte à chaque patte ne forment point de corne, et sont enfermés dans une peau qui ne laisse distinguer

que les quatre ongles.

H. Lesêtre.

1. LIGHTFOOT John, théologien protestant anglais, né le 29 mars 1602, à Stocke, dans le comté de Stafford, mort à Ely, le 6 décembre 1675. Après avoir suivi les leçons du docteur Whitehead, à Congletori, dans le comté de Chester, il entra en juin 1617 à Ghrist’s collège, à Cambridge. Après avoir achevé ses études, il passa deux ans à Repton, dans le comté de Derby, en qualité d’assistant de son vieux maître Whitehead, qui tenait une école dans cette ville. Puis il entra dans l’état ecclésiastique et fut nommé pasteur à Norton-in-Hales, dans le comté de Shrop, où il lit la connaissance de Rowland Cotton, dont il devint le chapelain, et "qui lui facilita l’étude des langues orientales, en particulier de l’hébreu. Il ne tarda pas à accompagner son protecteur à Londres, puis il fut, bientôt après, nommé ministre à

Stone, dans le comté de Stafford, où il resta deux ans. En 1628, il alla habiter Hornsey, dans le Middlesex, où il espérait trouïer des ressources précieuses pour ses travaux ; c’est en effet dans ce lieu qu’il commença à écrire. En septembre 1630, il fut nommé recteur à Ashley, dans le comté de Stafford, où il continua ses études avec ardeur. En 1643, il devint recteur de l’église Saint-Barthélémy de Londres ; en 1644, recteur deGreat Munden, dans le comté de Hertford ; en 1650, recteur du collège de Sainte-Catherine de Cambridge, et, en 1654, vice-chancelier de cette université. Créé chanoine à Ely le 22 janvier 1667, il mourut dans cette ville.

— Lightfoot prit souvent part aux discussions religieuses de son temps, soit dans l’assemblée de Westminster, soit ailleurs : ses principes sont ceux de l’Église anglicane ; du reste on reconnaît généralement qu’il a beaucoup plus les qualités d’un érudit que celles d’un théologien. Ses principaux ouvrages sont : Horee hebraicm et talmudicx, impensx in chorographiam aliquam terres isræliticse, in quatuor Evangelistas, in Acta Apostolorum, in quwdam capita Epistolm ad Romanos, in Epistolam primant ad Corinthios, 3 in-4°, Cambridge, 1658 et 1679. C’est la traduction latine d’un livre qui avait paru d’abord en anglais (2 in-4°, Londres, 1644 et 1650). L’auteur, qui, selon Gibbon, « était devenu presque un rabbin lui-même à force de lire les rabbins, » a une grande tendance à expliquer le Nouveau Testament par les écrits rabbiniques et talmudiques. — Hartnony of the four Evangelists among themselves and with the Old Testament, with an Explanation of the chiefest difflculties both in language and sensé, in-4°, Londres, 1644-1650. — Harmony, Chronicle and Order of the Old Testament, Londres, 1647. — Harmony, Chronicle and Order of the New Testament, Londres, 1655. — À feiv and neu> Observations upon the Book of Genesis, the most of them certain, the rest probable, ail harmless, strange and rarely heard of before, Londres, 1642. — À Handfull of Gleanings out of the Book of Exodus, in-4 « , Londres, 1643 ; traduit plus tard en latin. — À Commentary upon the Acts of the Apostles, c. i-xii, in-4°, Londres, 1645. — Description of the Temple service as it stood in the days of our Saviour, in-4°, Londres, 1649. — On the canon of Scripture, 1652. — Collatio Pentateuchi hebraici cum samaratico, Londres, 1660. — Rules for a Student of the Holy Scripture, 1700. — On a imprimé plusieurs fois ses œuvres complètes, sous le titre de Lightfootii Opéra omnia ; ses ouvrages anglais y sont traduits en latin, 2 in-f°, Rotterdam, 1686 ; meilleure édition due à Jean Leusden, 3 in-f », Utrecht, 1699. Une édition anglaise a été donnée par George Bright, The Works of J. Lightfoot, 2 in-f », Londres, 1684 ; elle est précédée d’une vie de l’auteur par J. Strype. Une nouvelle édition, supérieure à toutes les précédentes et plus complète, a été éditée par J. R. Pitman, avec une vie de l’auteur, 13 in-8°, Londres, 18221825. Voir aussi D. M. Welton, John Lightfoot, The English Hebraist, in-8°, Londres, 1878.

A. Régnier.

2. LIGHTFOOT Joseph Barber, exégète anglican, né à Liverpool le 13 avril 1828, mort à Bournemouth le 21 décembre 1889. Il fit ses études à Cambridge, devint professeur de théologie en 1861, dans cette université, puis, en 1871, chanoine de la cathédrale de Saint-Paul ; de nouveau professeur de théologie à Cambridge, en 1875 et enfin évêque de Durham en 1879. On lui doit des travaux importants sur les Pères apostoliques et les commentaires suivants : St. Paul’s Epistle tlie to Galatians, in-8°, Londres, 1865 ; 7e édit., 1881 ; St. Paul’s Epistle to the Philippians, in-8°, Londres, 1868 ; 4e édit., 1878 ; St. Paul’s Epistles to the Colossians and to Philemon, in-8°, Londres, 1875 ; 6e édit., 1882. Ces commentaires sont suivis de dissertations savantes sur divers sujets scripturaires. — Voir F. J. A. Hort, dans le

Dictionary of National Biography, t. XXXI", 1893, p. 232-240.

    1. LIGURE##

LIGURE (hébreu : lésera ; Septante : Xiyûpiov ; Vulgate : ligurius, Exod., xxviii, 19 ; xxxix, 12), pierre précieuse du rational.

I. Description. — Les minéralogistes ne sont pas d’accord pour identifier le ligure des anciens, XrpJpiov ou Xiyxûptov. Pour les uns ce serait la tourmaline moderne ; pour d’autres, en plus grand nombre et avec plus de raison, ce serait la pierre hyacinthe. Ce qui faisait hésiter à admettre ce dernier sentiment, c’est que Thécphraste, rcepi).18wv, parlant des propriétés du ligure, dit qu’il attire à lui les parcelles de bois et de fer : or, semblait-il, l’hyacinthe n’avait pas cette propriété. Mais on a reconnu qu’elle l’acquérait, une fois frottée. Théophraste et Pline décrivent le ligure comme une pierre semblable à l’escarboucle et d’un éclat luisant comme du feu : il y a des hyacinthes qui ont cette couleur et cet éclat, en particulier celle qu’on appelle l’hyacinthe la belle. Voir Hyacinthe, t. ri, col. 787.

II. Exégèse.— La pierre lésém n’apparaît que deux fois dans la Bible hébraïque, Exod., xxviii, 19 et xxxix, 12 : c’est dans l’énumération des pierres du rational, la première pierre du troisième rang. Les Septante et Josèphe, Bell, jud, V, v, 7, traduisent ce mot parXepipiov, ce que la Vulgate transcrit par ligurius. Or saint Épiphane, De duodecim gemmis, vii, t. xlui, col. 300, identifie cette pierre ligure avec la pierre hyacinthe. La comparaison avec les 12 pierres de l’Apocalypse, xxi, 19-20, confirme cette vue. On admet communément que les douze pierres de la Jérusalem céleste rappellent les douze pierres du rational : or, en comparant les deux listes, la pierre qui répond au l£sém, ligure, c’est l’hyacinthe. Voir Braun, Vestitus sacerdotum Hebrseorum, in-8°, Leyde, 1680, 1. II, p. 694-703. Dans l’énumération d’Ezéchiel, xxviii, 13, manifestement empruntée à la description du rational dans l’Exode, le texte hébreu ne donne que neuf pierres : mais les Septante en ajoutent trois, conformément à l’Exode, et parmi elles le ligure.

E. Levesqde.

    1. LILIENTHAL Michel##

LILIENTHAL Michel, littérateur protestant, né à Liebstàdt le 8 septembre 16.86, mort à Kœnigsberg le 23 janvier 1750. Il fit ses études à Kœnigsberg et à Iéna et fut professeur à Rostock et à Kœnigsberg. En 1714, il fut nommé sous-bibliothécaire de cette dernière ville, où il exerça ensuite les fonctions de diacre. En 1711, il avait été élu membre de l’Académie de Berlin et en 1733 de celle de Saint-Pétersbourg. Parmi ses nombreux ouvrages, nous devons mentionner Biblisch-exegelische Bibliothek, 3 in-8°, Kœnigsberg, 1740-1744 ; Biblischer Archivafius der heiligen Schrift, 2 in-4°, Kœnigsberg, 1745-1746 ; les commentateurs de la Bible sont classés d’après les passages à interpréter. Il publia en outre une dissertation De vocatis ab Adamo animalibus, dans les Selecta historica et litteraria, 2 in-8°, Kœnigsberg, 7111719. — Voir Lilienthal, Autobiographie, publiée dans le t. m des Acta Borussica, in-8°, Kœnigsberg, 1732 ; Walch, Bibliotheca theologica, t. i, p. 83, 121.

B. Heurtebize.
    1. LILITH##

LILITH (hébreu : lîlî(), mot qui ne se lit qu’une seule fois dans la Bible hébraïque, pour désigner un oiseau nocturnç, très probablement le chat-huant. Voir Chat-huànt, t. ii, col. 627. En le traduisant par Xâ[j.ia, Uxmia, Is., xxxiv, 14, les Septante et saint Jérôme semblent se conformer à une croyance populaire : le peuple, ignorant le sens primitif du mot lîlif, le prenait pour le nom d’une espèce de monstre nocturne. Les rabbins firent plus tard de Lilith une première épouse infidèle d’Adam, devenue la première des quatre femmes du diable et la persécutrice des nouveau-nés. Lilith en effet détestait la descendance d’Eve, qui l’avait remplacée auprès d’Adam. La croyance à son pouvoir néfaste devint

si enracinée chez les Juifs superstitieux, que, quand une femme allait accoucher, le père de famille ou quelque autre personnage connu pour sa piété attachait à la porte de la maison, aux murailles, au lit, des écriteaux avec ces mots : « Adam, Eve, dehors Lilith. » On ajoutait parfois le nom de trois anges, Senoï, Sansenoï, Sanmanglof, qui, chargés de noyer Lilith dans la mer Rouge, l’avaient épargnée à condition qu’elle ne fit aucun mal aux enfants, là où elle verrait leurs noms écrits. La nuit qui précédait la circoncision de l’enfant, on écartait Lilith par des lectures pieuses. Cf. lien, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 512 ; Drach, De l’harmonie entre l’Église et la synagogue, Paris, 1844, t. ii, p. 319-325. Voir Lamie, col- 53.

H. Lesêtre.
    1. LIMAÇON##

LIMAÇON, mollusque gastéropode de l’ordre des pulmonés, pourvu d’une coquille qui se déroule régulièrement jusqu’à une assez large ouverture, par laquelle l’animal sort la plus grande partie de son corps. Le type de la famille des limaçons ou hélicidées est Y hélix pomatia, escargot commun ou colimaçon qui se trouve dans tous les pays (fig. 76). Au même ordre des pulmo 76. — Hélix ïiomatia.

V,

nés, mais à la famille des limacidées, appartient la limace, qui diffère du limaçon surtout par l’absence de coquille. Ces deux sortes de mollusques sont hibernants ; ils passent la mauvaise saison engourdis l’un dans sa coquille, et l’autre dans la terre. Tous deux, en rampant, laissent sur leur passage une trace brillante formée par une humeur visqueuse que leur peau dégage abondamment. Au Psaume lviii (lvii), 9, il est dit des impies : « Qu’ils aillent en se fondant, comme le Sablûl. » Ce mot ne se lit que dans ce passage. Les Septante et la Vulgate l’ont traduit par x-^poç, cera, « cire, » sens suggéré par le mot fe’més, « fusion, dissolution. » Mais la cire est déjà connue sous le nom de dônag. Voir Cire, t. ii, col. 780. Pour les anciens Juifs, le sablûl est un mollusque. Le Targum traduit ce mot par zehïl tiblàlàh, « ver de limace, » et saint Jérôme par verniis tabefactus. Il est dit dans le Schabbath, Il b, que Dieu a créé le sablûl pour panser les tumeurs, ce qui convient aux limaces et aux limaçons. Ce sont ces mollusques que l’on croit généralement aujourd’hui désignés par le mot sablûl. Tous deux, en effet, par la trace qu’ils laissent derrière eux, semblent bien se fondre et user leur substance. Il n’y aurait là, d’ailleurs, qu’une manière de parler populaire, car le mollusque ne perd rien de sa substance en rampant ; il ne fait que dégager une humeur que sécrètent ses muqueuses, et qui facilite son glissement sur les objets plus ou moins rugueux. Frz. Delitzsch, Die Psalmen, Leipzig, 1873, t. i, p. 421, pense qu’il s’agit, dans le Psaume, de la limace, et non de l’hélice ou escargot, actuellement appelé halezôn en Palestine. Tristram, The natural History of ihe Bible, Londres, 1889, p. 295, tout en admettant l’explication populaire qui suppose une consomption du mollusque à mesure qu’il rampe, en apporte une autre qui tient davantage compte de la réalité. Les limaçons de Palestine n’hivernent pas comme les nôtres pendant la sai son froide ; c’est, au contraire, durant la saison sèche qu’ils dorment’retirés dans leur coquille. Beaucoup d’entre eux peuvent ainsi rester longtemps sans humidité extérieure. Pour prévenir l’évaporation de celle qu’ils possèdent, ils s’abritent alors sous les pierres, sous les mousses, ou même dans la terre. Les fissures des rochers en sont remplies. Les limaçons du désert, qui souvent ne trouvent pas d’écrans contre les rayons du soleil, sont pourvus de coquilles très épaisses qui les protègent lorsqu’ils se collent aux branches des arbrisseaux. Il arrive cependant très fréquemment que la chaleur dessèche les limaçons, malgré tous les soins qu’ils ont pris pour s’abriter. Quand la sécheresse a été longue et continue, ou quand les rayons du soleil ont pénétré dans leurs abris, les myriades de coquilles que l’on trouve adhérentes aux rochers sont à peu près vides ; le mollusque qu’elles contenaient a été desséché, consumé, « fondu, » comme s’exprime le Psalmiste qui, peut-être, fait allusion à ce fait si fréquent. On signale en Palestine plus de cent quarante espèces de mollusques aquatiques ou terrestres. Ils appartiennent aux genres hélix, bulimus, pupa, clausilia et cyclostoma. Par contre, les limaces, que ne protège aucune coquille, sont très rares, à cause de la sécheresse du climat. Il est donc tout à fait probable que le Psalmiste a eu en vue le limaçon.

H. Lesêtre.
    1. LIMBES##

LIMBES, séjour des âmes qui, n’ayant pas mérité l’enfer proprement dit, ne pouvaient, avant la rédemption, entrer dans le ciel. — L’existence de ce séjour, ou de cet état particulier des âmes justes, se déduit logiquement et théologiquement des trois vérités suivantes : 1° les âmes qui ont quitté ce monde dans la grâce de Dieu ne peuvent être envoyées en enfer, séjour des damnés morts par leur faute dans l’inimitié de Dieu ; 2° les expiations à subir par les âmes justes qui ont emporté avec elles des fautes légères ou les dettes résultant de fautes graves pardonnées, ne peuvent être que des expiations temporaires ; 3° les âmes qui n’étaient pas en enfer ou qui étaient sorties du purgatoire avant la mort de Notre-Seigneur se trouvaient dans une condition spéciale comportant pour elles un état et un séjour particuliers. — Ce séjour a reçu, dans la tradition catholique, le nom de « limbes », du latin Urubus, qui signifie « bordure, zone », parce que les limbes constituaient comme une bordure de l’enfer, une zone entre l’enfer que ces âmes ne méritaient pas, et le ciel qui demeurait inaccessible pour elles avant l’entrée triomphale de Jésus-Christ, au jour de son ascension. Les limbes sont mentionnées dans la Sainte Écriture sous des noms divers : le sein d’Abraham, voir t. i, col. 83 ; les enfers, voir Enfer, t. ii, col. 1792 ; l’Hadès, voir t. iii, col. 394 ; le paradis, voir Paradis ; le se’ôl, voir Scheôl. C’est surtout dans le Nouveau Testament qu’il est fait allusion à ce séjour. Là, les justes seront au festin avec Abraham, Matth., viii, 11 ; Luc, xiii, 29 ; xiv, 15 ; xxii, 30 ; le pauvre Lazare y aura sa place, Luc, xvi, 22-26 ; les vierges sages y serontreçues, Matth., xxv, 10 ; le bon larron y entrera aussitôt après sa mort. Luc, xxiii, 43. Saint Paul dit que le Sauveur « est descendu dans les régions inférieures de la terre », Eph. r iv, 9, [ce que saint Irénée, Cont. hxr., iv, 27, 1, t. vii, col. 1058 ; Tertullien, De anim., 55, t. ii, col. 742, etc., entendent de la visite qu’il fit après sa mort aux âmes justes qui étaient dans les limbes. Cf. Petau, De incarn. Verbi, XIII, xvi-xviii. Saint Pierre, dans sa première Épitre, iii, 18-20, est encore plus explicite. Il dit que le Christ, après avoir été mis à mort dans sa chair, alla prêcher, èxrip’jSev, aux esprits qui étaient en prison et qui autrefois, aux jours de Noé, s’étaient montrés incrédules. Ces esprits en prison ne sont pas ceux de l’enfer, auxquels toute prédication serait inutile, mais ceux des limbes, parmi lesquels se trouvaient des âmes dans lesquelles le châtiment du déluge avait produit un repen

tir salutaire. L’Évangile apocryphe de Pierre, 41-42’, fait allusion à cette prédication du Christ aux limbes : « Ils entendirent des cieux une vois qui disait : As-tu prêché à ceux qui dorment ? èxvîpuÇa ; tosî xot[ « t>fiivoiç ; et une réponse fut entendue de la croix : Oui. » Cf. L’Évangile de Pierre, dans la Revue biblique, 1894, p. 529, 557. Saint Augustin, Ep. clxiii, ad Êvod., 21, t. xxxiii, col. 717, pense que la prédication aux esprits en prison, dont parle saint Pierre, est celle qui s’a’dresse aux infidèles. Cette explication n’est conforme ni au texte même ni à l’avis des autres Pères. Enfin, saint Jérôme, In Matth., xi, 3, t. xxvi, col. 70, et saint Grégoire le Grand, Hom. in Ezech., i, 5, et Hotn. in Evang., VI, 1, t. lxxvi, col. 788, 1096, émettent l’idée que quand saint Jean-Baptiste envoie demander à Jésus s’il est le Christ, Matth., xi, 3 ; Luc, vii, 19, c’est pour savoir s’il doit annoncer sa venue aux âmes qu’il va bientôt rejoindre dans les limbes. Cette idée ne sort pas naturellement du texte. Saint Cyrille de Jérusalem, Catech., iv, 11, t. xxxiii, col. 470, dit plus justement que le Christ est allé aux enfers pour annoncer la délivrance aux prophètes et particulièrement à celui qui avait dit : « Êtes-vous celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » — On assigne encore les limbes comme séjour aux âmes des enfants morts sans baptême. La Sainte Écriture ne fait aucune allusion directe au sort de ces âmes ni à leur séjour.

H. Lesêtre.
    1. LIMBORCH##

LIMBORCH (Philippe van), théologien protestant hollandais, de la secte des arminiens ou remontrants, né à Amsterdam, le 19 juin 1633, mort dans cette ville le 30 avril 1712. Après avoir fait ses études au collège des Remontrants, puis à Utrecht, où il suivit les leçons de Voët, l’adversaire de Descartes, il fut choisi, en 1657, pour être ministre de ses coreligionnaires à Goude, puis, en 1667, à Amsterdam. L’année suivante, il fut nommé à la chaire de théologie de cette ville, où il professa avec un très grand succès jusqu’à la fin de sa vie. Outre l’édition presque complète des œuvres de son grand-oncle Episcopius, on lui doit plusieurs écrits théologiques, parmi lesquels : Commenlarius in Acta Apostolorum et in Epistolas ad Romanos et ad Hebrxos, in-f°, Rotterdam, 1711. — Il a paru de cet ouvrage une traduction hollandaise, imprimée à Rotterdam, en 1715, in-4°. — L’oraison funèbre de Ph. de Limborch a été faite par Jean Leclerc. A. Régnier.

LIME, outil de métal, dont les faces sont des stries ou des dents aiguës, pour user et polir le bois, la pierre ou des métaux moins durs. Il n’est pas fait mention de la lime en hébreu. Mais dans un texte d’Isaïe, xliv, 12, où il est dit que le forgeron fait une hache, ma’âsâd, les Septante traduisent par <iî$uvs, « il a aiguisé, » et la Vulgate par lima operatus est, « il a travaillé à la lime. » Il est possible qu’au lieu de tsyn, le traducteur ait lu

un mot comme ansa, mushâb, « poli, * il a rendu poli,

t :

Dans un autre passage où Ézéchiel, xxi, 9, 10, 11, 15, 28, représente l’épée sortant du fourreau, mit-ta’erâh, les Septante traduisent par (h>|i<&6r|xi, « menace, » irrite-toi, et la Vulgate par limatus, « limé, » poli, ce qui suppose, au lieu de (a’erdh, le mot (a’ar, s tranchant » de l’épée. — La lime, mentionnée souvent par les auteurs classiques, Phèdre, IV, 7 ; Plaute, Menech., i, 1, 6 ; Pline, H. N., xxviii, 9, 41 ; etc., ne devait pas être inconnue des Hébreux. Ils polissaient et aiguisaient les outils au marteau, I Reg., xiii, 20 ; Ps. vii, 13 ; Is., xli, 7, mais employaient aussi d’autres procédés pour le polissage des métaux, et parfois probablement se servaient de la lime. Cf. II Par., iv, 16 ; I Esd., viii, 27 ; Jer., xlvi, 4 ; Ezech., xxi, 14 ; Dan., x, 6 (hébreu).

H. Lesêtre.

1. LIN (Âîvo ;  ; Vulgate : Linus), chrétien de Rome dont saint Paul envoie les salutations à Timothée. II Tim., iv, 21. Il est simplement nommé par l’apôtre mais les anciens auteurs ecclésiastiques nous apprennent qu’il tut le successeur de saint Pierre sur le siège pontifical. On peut conclure de la mention que fait de lui saint Paul que Lin était à Rome à l’époque de la rédaction de cette Épltre, puisqu’elle fut écrite dans cette ville. Eubule et Pudens étant nommés avant Lin, il en résulte que ce disciple n’occupait pas encore à cette époque une situation éminente dans l’Église. Saint Irénée, III, iii, 9, t. vii, col. 849, nous fait connaître dans le passage suivant à quelle haute destinée il était réservé : 0£U.s).i<à<ravT£ ; oùv xal oExo80|nfi<ravTeç oî [laxâpcoi’AttôstoXoi ttjv’Exxiniffiav Aivw xr]V ttjç èiri<rxo5T71s XsttoupYfav ève^et’pt<rav. Toutou xoô Aêvov IlaOXoç èv xaîc Ttpoç Ti[i<S8eov éjtKrroXaîç (ié[ivY)Tai. AtaSé^exai Sï aùxôv’AvéyxXijxot, [texà toOtov SI xpîxw xô"7ra àrcô tûv’Aiuoitt <SXiv x » )v êiuKTxoTTTiv xX>ipoOxat KX^firiç. Saint Lin fut donc, d’après le témoignage de saint Irénée, le successeur immédiat de saint Pierre. Eusèbe, H. E., , 6, t. xx, col. 445, a reproduit ce passage, et il répète, en plusieurs autres endroits de son Histoire, que saint Lin fut le successeur de saint Pierre, H. E., iii, 2, 4, col. 246, 220-221 ; au chapitre 13, col. 248, il ajoute que ce pontile gouverna l’Eglise de Rome pendant douze ans, jusqu’à la seconde année du règne de Titus (53^57). Lin est aussi nommé comme le second évêque de Rome par saint Jérôme, De vir. M., 15, t. xxiii, col. 631 ; saint Augustin, Epist. lit, ad Generos., 2, t. xxxiii, col. 196 ; saint Épiphane, Rser. xxvii, 6, t. xli, col. 372 (cf. la note ibid.) ; Théodoret de Cyr, In II Tim., iv, 21, t. lxxxii, col. 856. D’après les Constitutions apostoliques, vu, 46, Patr. gr., t. i, col. 1052, Lin, « fils de Claudia, » aurait été ordonné par saint Paul premier (repâxoç) évêque de Rome, mais ce témoignage est sans valeur. Voir la note ibid. Cf. ibid.’j Rufin, Prsef. in Recognit. , col. 1207 et la note).

D’après le Bréviaire romain (lect. iv, 23 septembris), saint Lin était né à Volterra, en Étrurie. Il mourut martyr après un pontificat de onze ans, deux mois et vingt-trois jours, et fut enterré au Vatican, près du tombeau de saint Pierre. D’après le Pseudo-Hippolyte, De lxx Apostolis, 39, t. x, col. 956, et le Pseudo-Dorothée, Chronic. Pasch., n° iv, t. xcxii, col. 521, Lin aurait été un des soixante-dix disciples du Seigneur. Mais son origine latine rend cette supposition peu croyable ; son nom n’est probablement entré dans ces listes que parce qu’on le lisait dans une des Êpîtres de saint Paul. — Voir Acta sanctorum, 23 septembre, t. vi, 1757, p. 539-545 ; L. Duchesne, Liber Pontificalis, 2 in-f », Paris, 1886-1892, t. i, p. 52, 121.

2. LIN (hébreu : pêSéfetpi${âh ; Septante : X(vov ; Vulgate : linum), plante dont les filaments servent à fabriquer une toile fine, appelée également lin.

I. Description. — Herbe cultivée de temps immémorial pour les fibres textiles que fournit sa tige, le Linum usitatissimum de Linné (fig. 77), n’existe plus aujourd’hui nulle part à l’état spontané. Il est probable même que son origine doit être cherchée dans une des nombreuses espèces du genre, modifiée profondément dans ses caractères par une culture prolongée. Cet ancêtre du lin serait % Linum angustifolium Hudson (fig. 78), qui possède comme lui une tige couverte de nombreuses feuilles linéaires et terminée par un petit groupe de fleurs à 5 pétales bleus auxquelles succèdent des capsules septicides à 5 loges. Mais la plante sauvage diffère de celle de nos cultures par sa tige plus grêle, plus ramifiée, pouvant vivre plusieurs années et fleurir plusieurs fois. Elle est aussi plus réduite dans toutes ses parties, fleurs, fruits et graines, ses pétales sont entiers, etc. Mais ces différences en apparence tranchées s’effacent si l’on compare les formes de passage qui leur servent de trait d’union. La variété cultivée sous le nom de

259

LIN

260

Lin d’hiver a déjà sa tige bisannuelle ; d’autre part, la forme distinguée par Jordan, sous le nom de Linum ambiguum, qui croît en touffes sur les coteaux arides du midi, bien qu’annuelle comme la plante cultivée,

77. — Linum

usitatissimum.

78. — Linum

anRUslifolium.

ressemble au type sauvage ordinaire par ses faibles dimensions, ses fleurS’pâles à pétales non denticulés. Aux mêmes caractères correspond encore un lin subspontané dans les cultures de l’Egypte et de la Syrie que Miller avait jadis décrit sous le nom de Linum humile.

F. Hy.

II. Exégèse. — 1° Plante. — Il ne fait de doute pour personne que le nom du lin en hébreu ne soit pêiéf, pistâh. Les Septante rendent ce mot parXivovet la Vulgate par linum. Saint Matthieu, xii, 20, citant un passage d’Isaïe, xlii, 3, où ce mot se rencontre, le traduit par Xtvov, linum. Le nom hébreu a deux formes, une masculine plus employée, pêSét, et une forme féminine, pistâh. Ce mot se rencontre dans Exod, , IX, 31, pour désigner la plante poussant dans les champs ; dans Jos., Il, 6, pour exprimer les tiges coupées et réunies en bottes, ou gerbes, pisfê hâ’ês (Septante : XivoxâXa|jw] ; Vulgate : stipula Uni) ; dans Prov., xxxi, 13 ; Is., xix, 9 ; Ose., ii, 5, 9 (hébreu, 7, 11), pour les filaments ou fibres détachées de là tige ; dans Jud., xv, 14, et Ezech., xl, 3, pour la corde en fil de lin ; dans Is., xlii, 3, et Matth., xii, 26, pour la mèche faite de ces fils ou de la filasse. L’étoupe de lin se nomme ne’ôi-êp. Jud., xvi, 9 ; Is., 1, 31.

Le premier endroit où la Sainte Écriture mentionne le lin nous marque sa présence en Egypte. Exod., ix, 31. Dans la plaie de la grêle, le Un fut frappé par le fléau quand il était en fleur, ou selon d’autres en bouton. Dans sa prophétie contre l’Egypte, Isaïe, xix, 9, nous montre « ceux qui travaillent le lin peigné dans la consternation ». Le lin était connu en Egypte depuis la plus haute antiquité : c’était un des principaux produits de ce pays. On le cultivait et le travaillait un peu partout, mais surtout dans la Basse Egypte. Pline, H. N., xix, 2, signale quatre espèces plus célèbres, le lin de Tanis, . celui de Péluse et celui de Bouto, tous les trois dans le Delta, . et celui de Tentyris dans la Haute Egypte. D’après Hérodote, ii, 37, 81, 86, 105, on en consommait d’énormes

quantités pour l’usage des vivants et pour les bandelettes des morts. On a reconnu en étudiant au microscope ces bandelettes que la plupart étaient en liii, un petit nombre seulement en coton. Les capsules de lin trouvées dans les tombeaux ont permis de reconnaître que l’espèce cultivée par les anciens Égyptiens était surtout le Linum humile : c’est encore celle qu’on cultive dans la vallée du Nil. V. Loret, La flore pharaonique, 2e édit., Paris, 1892, p. 106. La mention du lin revient fréquemment dans les inscriptions funéraires soit sous la forme

archaïque J^ " = ~ l II > hémâ, soit sous la forme plus

récente et plus fréquente, _ jj *"" ». | t)t mdhi, conservée en copte, - « £., £1. Dès la fin de la troisième dynastie, nous voyons Amten préposé comme « directeur de tout le lin du roi » pour le nome Xoïte. Lepsius, Denkrn., ii, pi. 5 ; G. Maspero, Études égyptiennes, t. ii, fasc. 2, 1890, p. 160-161. Les peintures des tombeaux nous font souvent assister aux diverses opérations de la récolte et de la préparation du lin. Ici des ouvriers, selon la façon actuelle, arrachent les tiges à poignées sans les couper comme les céréales, et les lient en bottes (fig. 79). Rosellini, Monumenti delV Egitto, t. i, p. 133 et t. ii, pi. 35, 36 ; Mariette, Les Mastabas, p. 337 ; Lepsius, Denkm., ii, pi. 106-107. À côté, d’autres ouvriers tenant une botte ou petite gerbe de lin de la main droite, en frappent la main gauche pour faire tomber les graines. Lepsius, ibid. ; G. Maspero, Etudes égyptiennes, t. ii, fasc. 1, 1888, p. 85, 86. Les peintures de Beni-Hassan nous mettent sous les yeux les opérations du rouissage du lin qu’on fait ensuite sécher, du teillage et du peignage, Is., xix, 19 ; du filage et du tissage (fig. 80). Lepsius, Denkm., t. ii, pi. 126 ; Rosellini, t. ii, pi. 35, 41, 42 ; Wilkinson, t. iii, p. 138, 140 ; A. Erman, Life in ancient Egypt, traduct. Tirard, in-8°, Londres, 1894, p. 448 ; Fr. Wœnig, Die Pflanzen im alten Aegypten, in-8°, Leipzig, 1886, p. 184-186.

La Palestine connaissait le lin avant la conquête des Hébreux. Jos., ii, 6. Il est probable du reste que ce pays le cultiva avant l’Egypte : car selon Alph. de Candolle, Origine des plantes cultivées, in-8°, Paris, 1886, p. 102, les Égyptiens auraient reçu leur lin d’Asie. On sait que son usage en Chaldée se perd dans la nuit des temps : le lin a été retrouvé dans un tombeau de l’ancienne Chaldée, remontant à une époque très reculée. De Candolle, ibid. Quoi qu’il en soit de son antiquité, c’était un des plus importants produits de la Palestine. Ose., ii, 5, 9 (hébreu, 7, 11). D’après le Talmud, Kethouboth, v, 9, c’est en Galilée que le lin était le plus abondant. On trouve actuellement en Palestine diverses espèces de lin : à côté du Linum usitatissimum et de l’angustifoliimi, les espèces ou variétés, Linum humile, Linum orientale (fig. 81), Linnni spicatum (fig. 82), etc. Les Hébreux, qui avaient vu la culture et la préparation du lin chez les Égyptiens, leur ont sans doute emprunté leurs procédés, connus peut-être déjà du reste par les Chananéens. Cependant, l’eau étantplus rare en Palestine, ils pouvaient ne pas employer le rouissage et se contenter de faire sécher les chénevottes au soleil. Il y est fait allusion dans Jos., ii, 6 ; Rahab cache les espions juifs sous des tiges de lin étendues sur le toit plat de son habitation : elle était alors occupée, explique Josèphe, Ant. jud., V, I, 2, à sécher des bottes de lin sur le toit de sa maison. On fait mention du filage du lin dans Prov., xxxi, 13, 19 ; il y est dit de la femme laborieuse :

Elle se procure la laine et le lin Et travaille de sa main joyeuse… Elle met la main à la quenouille

Et ses doigts prennent le fuseau.

Le Talmud parle fréquemment de l’ensemencement,

.de la récolte et de la préparation du lin : Tr. Chilaim, ix, i ; Peah, i, 5 ; Baba bathra ii, 40 ; Baba kama, X, 9, Therumoth, IX, 1, etc.

Avec le fil de lin on fabriquait des cordes pour attacher, Jud., xv, 4, ou des cordeaux pour mesurer les

général de ce tissu, Lev., xiii, 47, 48, 52, 59 : il s’agit en ces passages de vêtements de liii, et du fil de lin destiné à la chaîne ou à la trame. Tandis que les Orientaux sont ordinairement vêtus de laine, les prêtres dans le service du temple doivent porter des habits de lin ; tunique, cale 79. — Egyptiens récoltant le lin. Sauiet el-Meitin. XII" dynastie. D’après Lepsius, Denkmâler, Abth. ii, Bl. 106-107.

grandes longueurs, Ezech., XL, 3 ; de la partie la plus grossière de la filasse on faisait des mèches : les ennemis d’Israël devant Jéhovah sont comparés à une mèche de lin qui s’éteint, Is., xliii, 17 ; la douceur du Messie est représentée par ce trait qu’il n’éteindra

çons, mitre ; Ezech., xliv, 17, 18 ; ceinture. Jer., xiii, 1. Il est défendu de faire des tissus de deux espèces de fils, de laine et de lin mélangés. Lev., xix, 19 ; Deut., xxii, 11. Outre cette appellation générale, les étoffes de lin portaient, suivant leur couleur ou leur qualité, diffé’K&Wttiiï

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80. — Égyptiennes filant et tissant du lin. Beni-Hassan. XII’dynastie. D’après Lepsius, Denkmâler, Abth. ii, Bl, 126.

pas la mèche qui fume encore. Is., xiii, 3 ; Matth., xii, 20. Le principal usage de lin c’est de servir à la fabrication de la toile et d’étoffes diverses. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. ii, p. 283-312 ; I. Lôw, Aramàische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 1881, p. 232-233.

III. Tissu de lin. — 1° Le nom de la plante de liii, pêiep ou au "pluriel pislim, comme dans beaucoup de Jangues, a passé à la toile elle-même : c’est le nom plus

rents noms dont il faut traiter en particulier : bad, Ses, bùs.

2° Le tissu appelé bad. — Le tissu bad, au pluriel baddim, était certainement un tissu, une toile de lin. Car les habits des prêtres : tuniques, caleçons, ceinture, mitre, qui, d’après Exod., xxviii, 42 ; Lev., xvi, 4, sont dits être de bad, sont désignés dans Ezech., xliv, 17, 18, façonnés avec le pUfim, c’est-à-dire le lin. En étoffe bad, étaient l’éphod de Samuel, I Reg., ii, 18 ; l’éphod de

David, II Reg., vi, 14 ; I Par., xv, 27 ; des simples prêtres, I Reg., XXII, 18 (car celui du grand-prêtre, Exod., XXvm, 7, est dit fait de SêS). Les vêtements des prêtres étaient de bad, Exod., xxviii, 42 ; Lev., mi, 3 (Yulgate, 10) : ainsi

81. — Linum orientale.

D’après l’original recueilli dans la vallée du Gédroû

par le Fr. Jouannet Marie en août 1890.

avait-il été prescrit à Aaron et à ses fils. Lev., xvi, 4, 23, 32. L’homme de la vision d’Ezéchiel qui porte une écritoire à la ceinture est, comme les prêtres, vêtu de bad. Ezech., ix, 2, 3, 11 ; x, 2, 6, 7. L’homme à la ceinture d’or qui est au-dessus des eaux dans la vision de Daniel sur les bords du Tigre, Dan., x, 5 ; xii, 6, 7, porte également des vêtements de bad.

3° Le SêS. — Le ses est mentionné pour la première fois dans l’histoire de Joseph. Gen., xil, 42. Pour paraître devant le Pharaon, il doit se revêtir de Ses. Cf. Hérodote, h, 37. Les tentures du Tabernacle et le voile de l’entrée étaient en SêS retors, c’est-à-dire formé de plusieurs fils tordus ensemble. Exod., xxvi, 1, 36 ; xxvii, 9, 16, 18 ; xxxv, 25, 35 ; xxxvi, 8 ; xxxix, 9, 16, 23. En SêS étaient les habits d’Aaron et de ses fils, Exod., xxviii, 5, 6, 33, 39 ; l’éphod et la ceinture d’Aaron, Exod., xxxix, 2, 5 ; et les autres vêtements sacrés. Exod., xxxix, 27, 28. Le Ses fait partie des offrandes du peuple. Exod., xxv, 4. Ézéchiel, xvi, 16, 13, représente Jérusalem revêtue de Ses, avec un voile ou turban de Ses sur la tête. La femme laborieuse a des vêtements de sêS et de pourpre. Prov., xxxi, 22, Les voiles des vaisseaux de Tyr étaient faites de SêS d’Egypte, brodé de couleurs variées. Ezech., xxvii, 7. Le ses paraît bien être substantiellement de la même matière que le bad. Les mêmes vêtements des prêtres sont dits tantôt faits de ses, Exod., xxviii, 40, tantôt de bad. Levit., xvi, 4. L’un et l’autre mot sont également traduits par le chaldéen bûs, qui sert aussi à rendre pistim, le lin. Il paraît donc que le ses est du lin comme le bad. « Partout dans le livre de la Loi, dit Maimonide, Halach. kelê ham-mikdasch, c. viii, 13 (cité dans J. Braun, Vestitus sacerdotum Hebrteorum,

Leyde, 1680, p ; 25), Ses ou bad signifie lin quHim) et c’est le byssus (bûs).. » Mais les auteurs ne s’entendent pas pour déterminer quelle différence existe entre ces deux espèces de lin. D’après les uns, le bad serait le lin ordinaire et le ses le fin liii, de couleur très blanche. D’après d’autres à la suite de Maimonide et Abarbanel, la différence viendrait non de la matière, mais du tissage ; le bad (cf. bad, « seul » ) serait tissé d’un fil simple ; le SêS (cf. SêS, « six » ) de six fils tordus ensemble : ce serait pour cela qu’on ajoute souvent moSzâr, de lin retors. La difficulté est que dans l’Exode, xxxix, 28, on dit que les caleçons des prêtres sont de bdd Ses moSzâr. D’ailleurs sêS, « liii, » ne paraît pas se rattacher à la racine de Ses, « six, » mais faire allusion plutôt à la blancheur de l’étoffe (cf. ses, Esth., i, 6, « marbre blanc ; » de même en Egypte Ses désigne une pierre blanche). Pour d’autres le SêS est le lin d’Egypte, comme le nomme Ézéchiel, xxvii, 7 ; bad, le lin de Palestine et de Syrie, appelé après la captivité bûs, lin que le même prophète, xxvii, 16, fait venir de Syrie. Et comme l’un et l’autre étaient du liii, les interprètes chaldéens les rendirent également par 6ms, nom plus usité de leur temps pour désigner ce tissu. "Voir J. Braun, Vestitus sacerd.Rebrxor., 1. 1, c. ii, p. 23-35 et c. vii, p. 138-142 ; et 1. II. c. ii, p. 460 ; dans Ugolini, Thésaurus antiquitatum sacrarum, Venise, 1751, t. xii, col. 798, 830 ; t. xiii, col. 222 ; A. Dillmann, Exodus und Levilicus, in-8°, Leipzig, 1880 (sur Exod., xxv, 4), p. 274. Il est à remarquer qu’en égyptien le Ses est un tissu d’une spéciale finesse ; le suten Ses est

82. — Linum spicatum.

D’après l’original recueilli sur le mont da Mauvais-Conseil

par le Fr. Jouannet Marie en mars 1890.

du lin très blanc et très fin. On sait que le lin d’Egypte était particulièrement estimé. Hérodote, ii, 105 ; Silius Italicus, iii, 25, 375 ; Trebellius, Vila Gallica, 6. 4° Le bûs. — Ce nom ne se rencontre que dans les

derniers livres de la Bible hébraïque. David et les lévites qui portaient l’arche avaient un vêtement (me’îl) de bûs. I Par., xv, 27. Les lévites chargés de chanter dans le temple avaient aussi des robes de bûs. II Par., v. 12. Le roi Hiram envoya à Salomon un ouvrier habile à tisser le bûs. II Par., H, 13. Le voile à l’entrée du Saint des Saints était de bûs. II Par., iii, 14. D’après Ézéchiel, xxvii, 16, parmi les produits que la Syrie apportait sur les marchés de Tyr se trouvait le bûs. Des cordons de bûs et de rouge pourpre soutenaient les tentures [de coton blanc et de pourpre violette dans le palais d’Assuérus. Esth., i, 6. Mardochée portait un manteau jie bûs et de pourpre. Esth., viii, 15. Le mauvais riche, Luc, xvi, 19, avait une tunique de byssus. Les auteurs entendent très diversement quelle étoffe est désignée par ce mot, que le grec rend par p-j<jao ; et le latin par byssus. Les uns y voient le coton, d’autres le liii, d’autres l’un et l’autre. Il faut remarquer que le mot bûs est d’usage plus récent que les noms précédents, et que le chaldéen traduit par ce mot pispim, Ose., ii, 9 ; XLrv, 17, 18, etc., bad, Le v., xvi, 4, etc., et 3êS, Gen., xii, 42 ; Exod., xxv, 4, etc. Les Septante rendent également par |315<x<to ; ou pûooivoi ; le mot bad, I Par., xv, 27, et le mot Ses, Gen., xii, 42. Il parait donc que le bûs n’est qu’un nom araméen du bad, et aussi du Ses, c’est-à-dire du lin. D’après plusieurs même le mot byssus viendrait du mot égyptien ses précédé de l’article, pe-seS on pi-SeS. Le piWoc d’Hérodote, il, 86, bandelettes dont on enveloppait les momies d’Egypte, était bien du liii, comme l’a montré l’étude microscopique de ces bandelettes. Il en est de même des baudriers de byssus que portaient les Perses. Hérodote, vii, 181. Mais les anciens ne paraissent pas avoir toujours nettement distingué dans leurs appellations les tissus de lin de ceux de coton. On signale, I Par., iv, 21, à Jérusalem ou aux environs une fabrique de byssus.

5° On trouve probablement des allusions au lin dans Prov., vii, 16, où le mot’êtûn signifie ou un fll de lin très fin dont on se senait pour fabriquer de belles couvertures de lit, ou l’étoffe même faite de ce fil (cf. le grec ôOdvïi ; voir t. ii, col. 2243) ; également dans Is., iii, 23, et Prov., xxxi, 24, où le motsôrfm désigne une tunique de dessous, faite de lin fin. Cf. le grec, <jiv81àv. Voir Vêteents, Tunique. Dans le livre de l’Ecclésiastique, XL, 4, on parle du pauvre vêtu de toile de lin grossière, (LudXtvov, traduit exactement par la Vulgate, linumcrudurn. Celsius, Hierobotanicon, t. ii, p. 94. Malheureusement le texte hébreu découvert a une lacune à ce motlà même. Dans l’Apocalypse, xv, 6, les anges sont vêtus de fin lin blanc. E. Levesque,

    1. LINCEUL##

LINCEUL (hébreu : sâdîn ; Septante : <xiv8<iv ; Vulgate : sindon), pièce d’étoffe servant à envelopper le corps. — 1° Le mot hébreu sâdîn, qui se retrouve en assyrien sous les formes sudinnou et satinnu, désigne originairement un vêtement de dessous, une sorte de chemise de lin qui se mettait sur le corps même, par dessous les autres vêtements. Cf. Buhl, Gesenius’Mandwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 559. Le mot grec <nv8<ôv, reproduit par le latin sindon, indique un tissu de liii, primitivement fabriqué dans l’Inde, ’IvSô ; . d’où lui est venu son nom. Cf. Hérodote, i, 200 ; ii, 95 ; Thucydide, il, 49 ; Strabon, 693, 717, etc. Il est donc probable que la traduction de sâdîn par <7tvSwv n’est qu’approximative et repose surtout sur une similitude phonétique. Samson proposa une énigme aux Philistins et leur promit, s’ils la devinaient, trente sedînîtn, b&6vioi., « tuniques de linge, s sindones, et autant de tuniques de rechange. Jud., XIV, 12, 13. Les sedînîm sont des . chemises de lin qui se portaient la nuit et se gardaient le jour comme vêtement de dessous. Cf. Rosenmûller, Jesaise Vaticin., Leipzig, 1810, t. i, p. 132. La femme louée dans les Proverbes, xxxi, 24, faisait elle-même des

sedinîm, oivôôvaç, sindonem, et les vendait aux marchands. Isaïe, iii, 23, cite ces sortes de chemises fines, ta pû<xoivo, les étoffes de byssus, sindones, parmi les objets de toilette dont s’enorgueillissaient les femmes de Jérusalem. — Dans le Nouveau Testament, le <riv8<5v n’apparaît qu’une seule fois avec le sens de vêtement de dessous. Au moment de l’arrestation du Sauveur, un jeune homme, réveillé sans doute par le bruit de l’escorte qui passait près de sa maison, revêtit à la hâte sa chemise de liii, que les Juifs d’alors ne gardaient pas au lit, cf. lken, Antiquitates hebraicse, Brème, 1741, p. 544, et sortit pour voir ce qui se passait. La conleur blanche de son vêtement attira l’attention de l’escorte, désireuse avant tout d’éviter qu’on fût averti dans la ville de ce qui se préparait. On mit la main sur le jeune homme ; mais celui-ci s’enfuit en abandonnant ce qui le couvrait et échappa à la faveur de la nuit. Marc, xiv, 51, 52. Comme le mot nudus, « nu, » s’appliquait souvent, chez les anciens, à celui qui n’avait quitté que ses vêtements de dessus, cf. Joa., xxi, 7, il se pourrait que le jeune homme en question eût jeté, par-dessus sa chemise, une sorte de drap qu’il abandonna ensuite pour s’enfuir. Mais, en Orient, on ne se sert guère, pour dormir, que de couvertures de couleur en laine, voir Laine, col. 34, Lit, et ces couvertures ne peuvent être désignées par le mot sindon, qui ne convient qu’à une étoffe de lin. La première explication est donc plus probable.

2° Dans l’Évangile, il est surtout question du linceul à propos de l’ensevelissement du Sauveur. Les écrivains sacrés distinguent très nettement entre le a-tvSeàv, sindon, linceul qui enveloppait tout le corps, Matth., xxvli, 59 ; Marc, xv, 46 ; Luc, xxiii, 53, et le <jov81piov, sudarium, pièce de lin beaucoup moins ample qui n’entourait que la tête du mort. Joa., xi, 44 ; xx, 7. Le linceul de Notre-Seigneur était une pièce d’étoffe de liii, toute blanche, qu’acheta Joseph d’Arimathie et dans laquelle fut enseveli le corps du Sauveur. Voir Ensevelissement, t. ri, col. 1816, 1817. À partir du XIIIe siècle, on donna au mot sudarium, « suaire, » le sens qui appartenait proprement au mot sindon, linceul. C’est donc sous le nom de suaire qu’on parle le plus habituellement du linceul de Notre-Seigneur. Voir Suaire. — Les morts étaient ordinairement enveloppés dans un linceul ; mais on ne repliait sur eux cette pièce de lin qu’au sépulcre. C’est ce qui fait que le jeune homme de Naïm peut se relever dans son cercueil ouvert sans être embarrassé par son linceul. Luc, vii, 15. Quand Lazare ressuscité parut à la porte de son tombeau, il avait les mains et les pieds iiés de bandes d’étoffe et la tête entourée d’un suaire qui était attaché. Joa., xi, 44. Le linceul proprement dit enveloppait le tout ; mais il avait dû rester sur la banquette de pierre du sépulcre, car l’Évangéliste ne le mentionne pas, et d’ailleurs le linceul eût empêché de voir les bandelettes des extrémités et le suaire de là tête. Le cadavre avait évidemment une autre enveloppe que ces bandelettes et ce suaire pour paraître aux yeux des assistants. Au moment des fiançailles, les deux futurs époux se donnaient mutuellement un vêtement de dessous, un sindon ou chemise, qu’ils mettaient par dessus leurs autres vêtements le jour de l’Expiation et aux jours ^de jeûne, et avec lequel il était de règle qu’on les ensevelit. Cf. Iken, Antiq. hebr., p. 544, 610. Cette coutume, que les Juifs prétendent ancienne, était probablement déjà en vigueur à l’époque évangélique. En tout cas, Lazare ressuscité portait quelque chose d’équivalent. Il n’en est point question dans la sépulture de Notre-Seigneur, parce que son ensevelissement était provisoire et que les soldats avaient pris possession de tous les vêtements qu’il portait avant sa crucifixion.

H. Lesêtre.
    1. LINDA##

LINDA (Guillaume Damase van), prélat catholique hollandais, né à Dordrecht en 1525, mort à Gand le

Il novembre 1588. Après avoir étudié à Louvain et à Paris, il fut ordonné prêtre et chargé d’enseigner l’Écriture Sainte à Dillingen. Il était inquisiteur de la foi dans les provinces de Hollande et de Frise, quand Philippe II le désigna vers 1560, pour occuper le siège épiscopal de Ruremonde, dont il ne prit possession qu’en 1567. En 1588, il fut transféré à Gand comme successeur de Cornélius Jansénius. Il mourut la même année. Voici ses principaux ouvrages : De optimo génère interpretandi Smpturas, in-8°, Cologne, 1558 ; Panopliævangelica, sive de Verbo Dei evangelico, in-f°, Cologne, 1559 ; Paraphrasis in Ps. cxviii cum annotationibus pro vulgata Psalmorum versione contra judaizantes noslrm œtatis interprètes, in-8°, Anvers, 1567 ; Psalterium vêtus a menais dc repurgatum et de grseco atque hebraico fontibus illustratum, in-8°, Anvers, 1568 ; Paraphrasis in omnes Psalmos, in-8°, Cologne, 1576 ; M ysticus Aquilo, in-8°, Cologne, 1580, application d’une prophétie de Jérémie au schisme de l’Église protestante ; Glaphyra in Epistolas apocalypticas S. Joannis Apostoli cum Ecclesise prosopopœia ad easdem, in-8°, Louvain, 1590 ; Paraphrasis in Psalmos pœnitentiales, in-8°, Cologne, 1609. — Voir A. Havensius, Vita G, Lindani, in-4°, Cologne, 1609 ; Valère André, Bibliotheca Belgica, p. 323 ; Foppens, Biblioth. Belgica, t. i, p. 410 ; Dupin, Auteurs ecclésiastiques de 1550 à la fin du

xyi’siècle (1703), p. 473.

B. Heurtebize.
    1. LINDISFARNE##

LINDISFARNE (LES ÉVANGILES DE), célèbre manuscrit de la Vulgate, maintenant au Musée britannique, Cotton, Nero D. IV. C’est, au jugement de S. Berger (Hist. de la Vulg., p. 39), « le plus beau des manuscrits de la famille northumbrienne, le chef-d’œuvre de la calligraphie hiberno-saxonne. » En l’examinant, dom Morin a découvert qu’une petite liste de fêtes, placée en tête de chaque Évangile, est un calendrier d’origine napolitaine et voiciL^son explication. Adrien, abbé d’un monastère des environs de Naples, qui accompagnait, en 668, Benoit Biscop, aurait apporté à Lindisfarne son exemplaire des Évangiles, dont notre codex serait une copie. Cf. Revue bénédictine, t. viii, 1891, p. 481. — Pour le texte, le manuscrit de Lindisfarne a des rapports assez étroits avec le Codex Amiatinus, copié lui aussi en Angleterre, mais sur un original de provenance italienne. Il est accompagné d’une traduction interlinéaire en anglo-saxon, datant du xe ou du XIe siècle. Une note finale du prêtre Aldred nous apprend que le codex fut écrit par Eadfrith, évêque de Lindisfarne (698-721), orné et illustré par Ethilwald, aussi évêque de Lindisfarne (724-740), et relié par Billfrith. Aldred lui-même se déclare l’auteur de la glose northumbrienne. — Voir S. Berger, Histoire de la Vulgate, Nancy, 1893, p. 3941, 385 ; Bond et Thompson, Palseogr. Soc, Londres, 1873-1883, t. i, pi. 3-6, 22 ; Westwood, Miniatures and Ornaments of Anglo-Saxon and Jrish Manuscripts, Londres, 1868, pi. xii et xm. — Stevenson et Waring ont publié le texte latin et anglo-saxon, en 1854-1865 (2e édit., 1887) ; Wordsworth, dans son Novum Testamentum secundum editionem S. Hieronymi, Oxford, 1889-1898, a collationné le texte latin sous le sigle y. F. Prat.

LINGE. Voir Linceul, col. 265.

LION (hébreu : ’ârî, ’aryêh, lâbi’, au féminin : lebiyâ’; lebâ’îm, au féminin : lebdôf, employé seulement au pluriel ; laiS, Sahal ; chaldéen : ’aryêh ; Septante : Xéwv, Xéacva ; Vulgate : leo), carnassier du genre chat, felis leo, dont il forme la plus grande espèce {Gg. 83). Pour le petit du lion, voir Lionceau.

I. Histoire naturelle. — 1° La taille du lion est â peu près celle du tigre ; elle peut atteindre plus de deux mètres, de l’extrémité du museau à l’origine de la

queue, mais varie suivant les races et les pays ; la hauteur est d’un peu plus d’un mètre. Le lion a le poil ras, de couleur fauve ; dans la plupart des espèces, une forte crinière couvre les épaules et la poitrine, et la queue se

83.

Le lion d’Asie.

termine par une touffe de même nature. La femelle, d’un quart moins grande que le mâle, a la tête moins forte et ne porte qu’un poil ras par tout le corps. Après une gestation de cent huit jours, elle met bas trois ou quatre petits, gros comme des chats de moyenne taille, les allaite pendant six mois, veille sur eux avec un grand dévouement maternel et ensuite, avec leur père, leur apprend à chasser. Le lion tient la tête haute, ce qui lui donne beaucoup de majesté. Il vit jusqu’à une quarantaine d’années. — 2° Terrible carnassier, le lion fait une consommation énorme de gibier et d’animaux domestiques. On a évalué à 6 000 francs la valeur des chevaux, mulets, bœufs, chameaux et moutons qu’un seul lion enlève par an aux Arabes d’Algérie. Il est vrai que le lion du nord de l’Afrique est particulièrement fort et vorace. En général, le fauve ne sort pas pendant le jour ; il reste indolemment couché dans sa tanière, au milieu des broussailles épaisses. Sur le soir, il va s’embusquer, autant que possible, à proximité d’une source ou d’une mare, où viennent boire les antilopes, les gazelles et d’autres animaux semblables, qu’il né pourrait atteindre à la course. D’un bond énorme, il fond sur sa proie, lui brise l’épine dorsale par un formidable coup de patte ou l’entame à pleine gueule pour la mettre hors d’état de fuir. Dans l’une des scènes représentées sur l’obélisque noir de Salmanasar, on voit un lion qui se jette ainsi sur un cerf (fig. 84). Sur un bas-relief de Persépolis, c’est un taureau qui est attaqué. Cf. Babelon, Manuel d’archéologie orientale, Varis, 1888, p. 174. Si le lion n’a pas été heureux dans sa recherche, la faim le pousse dans les endroits où sont parqués les animaux domestiques. Il franchit en se jouant les plus hautes clôtures, saisit sa victime, bœuf, cheval, ou, à leur défaut, chèvre, mouton, et l’emporte pour la dévorer à l’écart. Même en plein jour, s’il n’a pas mangé depuis longtemps, il n’hésite pas à fondre sur un troupeau, défendu par ses gardiens et ses chiens, pour y prendre ce dont il a besoin. Sa force musculaire lui permet non seulement d’emporter de pesants butins, mais encore de s’attaquer à toutes les autres bêtes. Le tigre seul est capable de lui tenir tête ; le buffle ne se défend avantageusement avec ses cornes que si le lion l’attaque par devant. Le mâle et la femelle chassent quelquefois ensemble, surtout quand ils ont à élever leurs lionceaux ; mais, en général, on ne voit guère plus d’un lion fréquenter le même district ; les exigences de son alimentation sont telles qu’il ne supporte pas de compagnon sur le sol qu’il exploite. — 3° Le lion a une certaine crainte de l’homme. Il ne l’attaque que quand il a été blessé lui-même ou que sa faim est irrésistible. D’ordinaire, s’il est rassasié, il laisse passer l’homme

impunément et même s’éloigne à son approche. La réputation de générosité qu’on lui a faite ne parait guère méritée ; cette générosité n’est autre chose que de l’indifférence de la part d’un carnassier déjà repu. Le

s’effrayer ni de l’odeur ni de la vue du carnassier. Ils le forçaient, le perçaient de flèches et l’achevaient à coups de lance (fig. 87). Voir diverses autres chasses au lion, égyptienne (fig. 88), assyriennes et perses, t. i, fig. 215,

^ÊUffiÈ^

84. — Le lion chassant le cerf. Obélisque de Salmanasar. Brîtish Muséum.

lion se laisse pourtant apprivoiser aisément (fig. 85). Les anciens monarques orientaux avaient des lions qui servaient ainsi à leur agrément. Ramsès II en possédait un qui l’accompagnait docilement dans ses expéditions et donnait avec furie contre les ennemis (fig. 86), Cf. Rosellini, Monumenti storici, pi. lxxxvii, cvii ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. ii, Paris, 1897, p. 393. — 4° Le lion irrité ou affamé se bat les flancs avec sa queue et secoue violemment sa crinière* À ces indices, l’homme n’a qu’à se tenir à distance. Les rugissements que le lion fait alors entendre retentissent au loin, surtout pendant la nuit. Ce sont des accents profonds, mêlés par intervalles, de notes aiguës, qui terrifient tous les autres animaux, même ceux qui sont à l’abri dans des enclos. Ceux qui se sentent menacés s’enfuient, encore avertis d’ailleurs par les fortes émanations qui se dégagent du carnassier. Voir Rugissement. — 5° Pour prendre le lion, les anciens creusaient une fosse profonde, entourée d’un mur de pierres sèches, comme un parc à bestiaux ; au sommet d’une poutre, plantée au milieu de la fosse, ils attachaient un agneau ou un chevreau dont les bêlements attiraient le fauve. Celui-ci, pour s’emparer de la proie, sautait par-dessus le mur et tombait dans le trou dont il ne soupçonnait pas l’existence. Les Arabes et d’autres peuples africains se servent encore du même procédé pour mettre sans danger le lion à portée de leurs coups. On laissait l’animal dans la fosse jusqu’à ce que la faim l’eût exténué. On y descendait alors une cage, voir t. ii, fig. 12, col. 31, au fond de laquelle se trouvait un morceau de viande. Le lion une fois entré, on abaissait la porte, et la cage contenant le prisonnier était hissée à l’aide de cordes. Le lion passait alors dans les parcs royaux, où les princes se donnaient le plaisir de le chasser. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. iii, p. 401402. Les monarques orientaux considéraient la chasse des grands fauves comme un service rendu à leurs sujets ; c’était un office de leur charge au même titre que Ja guerre contre les ennemis. Ils poursuivaient le lion les armes à la main, à l’aide de chevaux et de chiens assez aguerris à cet exercice pour ne pas

col. 898 ; fig. 321, col. 1159 ; fig. 326, col. 1163 ; t. ii, fig. 477, col. 1300. Ils aiment à raconter dans leurs inscriptions leurs exploits cynégétiques. C’est ainsi que, sur l’une des siennes, Théglathphalasar I er nous infoi’me

85. — Lion offert en tribut par un Libyen

au pharaon Toutankhamen. Thèbes. XVIII" dynastie.

D’après Lepsius, Denkmaler, Abth. iii, Bl. 116.

qu’en cinq années seulement il a tué à pied cent vingt lions à coups de flèches et huit cents du haut de son char. Annales de Théglathphalasar 1°, col. vi, 1. 58-81 ; Maspero, Histoire ancienne, t. ii, p. 662 ; cf. t. i, p. 62, 558 ; t. ii, p. 621, 622 ; t. iii, p. 699. Voir aussi Ctésias Persic., 40.

II. Les lions en Palestine. — 1° Le lion de Palestine n’appartenait pas à la même race que celui du nord de l’Afrique. Il avait la taille plus courte et plus trapue et la crinière moins développée. Il était de la variété des lions de Syrie. Aristote, Hùt. animal., vi, 31 ; ix, 44 ; Pline, H, N., viii, 17, 18. Les lions abondaient en Palestine, comme dans le reste de la Syrie. Le roi d’Egypte Amenhotep III, qui venait chasser dans ces contrées, se vante d’y avoir tué cent douze lions dans les dix premières années de son règne, et fit graver à prolusion sur de gros scarabées d’émail vert le dénombrement de ses victimes. Cf. Birch, Scarabxi ofvmenophis

supposer les fréquentes allusions de la Sainte Écriture. Il ne paraît pourtant pas qu’ils aient jamais été en mesure de leur taire sérieusement la chasse. Toutefois plusieurs d’entre eux eurent l’occasion de se mesurer avec lui. Près des vignes de Thamnatha, Samson vit venir à sa rencontre un jeune lion rugissant et le mit en pièces comme un simple chevreau. Quelque temps après, il retrouva le corps du lion tout décharné, avec un essaim d’abeilles qui avaient fait leur miel à l’intérieur. Ce lut le sujet d’une énigme qu’il proposa aux Philistins. Jud., xrv, 5-15. Les Assyriens représentent souvent leur géant Gilgamès étouffant un lionceau sous son bras. Cette

Ramsès ii, accompagné de son L’on. D’après Champollion, Monuments de l’Egypte et de la Nubie, t. ii, pi. xv.

111, dans les Records of the Past., 1™ sér., t. xii, p. 40. La Bible mentionne les lions plus d’une centaine de fois, et plusieurs localités de Palestine paraissent avoir emprunté à ces animaux le nom qu’elles portent : Laïs, Jud., xviii, 29, voir Dan, t. ii, col. 1240 ; Laïsa, Is., x, 30, et Lebaoth ou Bethlebaoth, « demeure des lionnes, » Jos., xix, 6. Voir Bethlebaoth, t. i, col. 1688. Mais c’est surtout dans les épais fourrés de la vallée du Jourdain que les lions avaient leurs repaires. Jer., xlix, 19 ; l, 44 ; Lam., iii, 10 ; Zach., xi, 3. Ils disparurent peu à peu de Palestine, en même temps que les grandes forêts qui abritaient le gros gibier. Il en existait pourtant encore au v » siècle, S. Jérôme, In Zach., III, ii, 5, t. xxv, col. 1500, et même au xiie. Jean Phocas, De lotis sanctis, xxin, t. cxxxiii, col. 952 ; Reland, Palœstina illustrata, Utrecht, 1714, t. i, p. 274 ; cf. p. 97. Il est douteux, malgré les dires des Bédouins, qu’il en reste aujourd’hui en Arabie. — 2° Les anciens Israélites se trouvèrent souvent en lace du lion, comme le laissent

image se retrouvait entre les taureaux ailés du palais de Sargon à Khorsabad. Voir t. H, fig. 246, col. 667. — David raconte à Saül que, quand il était berger, si un lion ou un ours lui ravissait une brebis, il courait après le fauve et arrachait la brebis de sa gueule ; parfois le lion se dressait contre lui, mais il le saisissait à la gorge et le tuait. I Reg., xvii, 34, 35 ; Eccli., xlvii, 3. Une tablette chaldéenne représente un berger qui, la hache à la main, dispute à un lion le taureau qu’il vient de terrasser (fig. 90). — Un des chefs militaires de David, Banaïas, avait tué un lion dans une citerne. II Reg., xxiii, 20 ; I Par., xi, 22. Voir Banaïas, t. 1, col. 1424. — Un autre berger, le prophètç Amos, iii, 12, parle du gardien du troupeau qui arrache à la gueule du lion deux jambes ou un bout d’oreille. Ces audaces réussissent ass_ez souvent avec le lion déjà rassasié, surtout avec le lion de Syrie. Celui d’Afrique était plus féroce et se fût montré moins accommodant. C’est en songeant à ce dernier que, pour détourner les Israélites o

I

d’aller chercher un appui en Egypte, Isaïe, xxx, 6, dit que de ce pays sortent le lion, la lionne et d’autres bêtes dangereuses. Cf. Sap., xi, 18. — 3° Le lion, de son côté, fit des victimes en Palestine. Le prophète de Bethel s’en retournait, après avoir reproché à Jéroboam son culte schismatique, puis revenait sur ses pas malgré l’ordre du Seigneur, quand un lion le tua en chemin, sans cependant faire de mal à son âne. III Reg., xiii, 24-29. Pareil sort fut infligé à un fils de prophète qui ne sut pas obéir. III Reg., xx, 36. — Lorsque les colons envoyés de la Babylonie vinrent occuper le territoire de Samarie, ils eurent à compter avec les lions qui s’étaient enhardis et multipliés, grâce à la dépopulation du pays. Ils s’imaginèrent alors que les ravages faits par les lions au milieu d’eux avaient pour cause la colère du dieu local, qu’ils ne savaient pas honorer. C’est pourquoi Sargon leur envoya des prêtres Israélites pour les instruire. IV Reg., xvii, 25-27. Les colons se constituèrent des dieux divers. Les Cuthéens se mirent à honorer Nergal, comme ils le faisaient déjà dans leur pays d’origine. Voir Cutha, t. ii, col. 1161 ; Nergal. Cf. Schra présence des admirables bas-reliefs de chasses d’Assurbanipal, transportés à Londres, où nous voyons amener sur le terrain, dans des cages, les lions gardés pour les plaisirs du roi. » Fr. Lenormant, La Divination chez les Chaldéens, Paris, 1875, p. 192. Voir t. ii, fig. 12, col. 31. On sait que déjà Sargon gardait des lions dans son palais de Dour-Sarroukin, près de Ninive. Maspero, Histoire ancienne, t. iii, p. 269. Ézéchiel, xix, 6-9, parle de l’endroit dans lequel on les enfermait. Il compare son peuple à un jeune lion qui, fier de sa force, se met à tout ravager, comme les autres lions, c’est-à-dire comme les autres peuples. Mais les nations d’alentour se rassemblent contre lui, tendent sur lui leurs rets, le prennent dans leur fosse, le mettent en cage et le conduisent au roi de Babylone, qui l’enferme dans un lieu fortifié, mesodôf, içnjXaxTÎ, carcer. Cette prison fortifiée est la même chose que la fosse où fut jeté Daniel. Voir t. ii, fig. 60, 61, col. 157.

IV. Comparaisons tirées des lions. — La force et la majesté du lion, ses fureurs, sa cruauté, ont fourni maintes comparaisons aux auteurs sacrés. Ils assimilent

88. — Chasse au lion en Egypte. XI’dynastie. Beni-Hassan. D’après Lepsius, Denkmàler, Abth. ii, BI. 13t.

der, Die Keilinschriften tund das A. T., Giessen, 1872, p. 167. — 4° On trouve dans la Sainte Écriture différentes remarques au sujet des lions. Dieu prend soin de la lionne et de ses petits. Job, xxxviii, 39. « Le lion est sur le chemin ! y> dit le paresseux qui ne veut pas sortir. Prov., xxii, 13 ; xxvt, 13. Le lion chasse l’onagre, Eccli., xiii, 23 ; XXVII, 11 ; il rugit en saisissant sa proie. Am., iii, 4. Les excavations minières lui sont inconnues. Job, xxviii, 8. Il est le roi des animaux, Prov., xxx, 30, et pourtant un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort. Eccle., IX, 4. III. Les lions en Chaldée. — Les lions ont toujours habité en grand nombre dans les marais et le » buissons de Ja Mésopotamie. Ammien Marcellin, XVIII, vii, 5. Ils sont de deux espèces, que distinguent surtout l’abondance ou l’absence de la crinière. Les anciens rois assyriens, chaldéens et perses étaient grands chasseurs de lions. On donnait au carnassier le nom de lik makh, « grand chien. » Cf. Layard, Nineveh and Babylon, Londres, 1853, p. 487. Par deux fois, Daniel fut jeté à Cabylone dans une fosse aux lions. La première fois, il avait continué à adorer son Dieu, malgré les ordres du roi. La seconde, il avait refusé d’adorer Bel et s’était vu mettre dans une fosse qui contenait sept lions affamés. Le résultat fut le même dans les deux cas. Les fauves respectèrent le prophète, mais ensuite dévorèrent sur-le-champ ses accusateurs jetés à sa place. Dan., vi, 16-24 ; xiv, 30-41 ; I Mach., ii, 60 ; Heb., xi, 33. La fosse aux lions est appelée gob ou gubbd’; elle a une ouverture que l’on peut fermer solidement par une pierre et sur laquelle le roi appose son sceau. Voir Fosse, t. ii, col. 2329. « La fosse aux lions devient pour nous un détail d’une exactitude et d’une précision topiques, en

tour à tour au lion : 1° Dieu lui-même. Dieu est terrible comme un lion dans l’exercice de sa justice vengeresse. Is., v, 29 ; xxxviii, 13 ; Jer., xxv, 38 ; xlix 19 ; l, 44 ; Lam., iii, 10 ; Ose., v, 14 ; xiii, 8 ; Am., iii, 8 ; Eccli., xxvii, 31 ; xxviii, 27. Il poursuit Job comme un lion. Job, x, 16. Mais aussi c’est avec l’intrépidité d’un lion, inaccessible aux menaces des bergers rassemblés contre lui, qu’il prendra la défense d’Israël contre les nations. Is., xxxi, 4. — 2° Plusieurs tribus Israélites. « Juda est un jeune lion. » Gen., xlix, 9. Voir Juda 6, t. m^ col. 1770. Comme descendant de cette tribu, Jésus-Christ est appelé « le lion de la tribu de Juda ». Apoc, v, 5. « Gad repose comme une lionne, il déchire le bras et la tête… Dan est un jeune lion qui s’élance de Basan. » Deut., xxxiii, 20, 22. Voir Dan, t. ii, col. 1240 ; Gad, t. iii, col. 31. — 3° Le peuple d’Israël. Balaam dit de lui : « C’est un peuple qui se lève comme une lionne et qui se dresse comme un lion. » Num., xxiii, 24 ; xxiv, 9. Israël infidèle fait dire à Dieu : « Mon héritage est pour moi comme un lion dans la iorêt ; il pousse contre moi ses rugissements. » Jer., xii, 8. Ézéchiel, xix, 1-6, compare les exploits et les malheurs de son peuple à ceux d’un jeune lion. Après la restauration messianique, le reste d’Israël sera au milieu des nations comme le lion au milieu des bêtes de la forêt, foulant aux pieds et déchirant sans que rien puisse lui résister. Mich., v, 7. — 4° Les nations étrangères. Nahum, il, 12-13, compare Ninive à un repaire de lions : là gîtaient le lion, la lionne et les lionceaux ; le lion chassait pour ses petits et apportait des proies dans son antre. Le Chaldéen, comme un lion qui s’élance de son taillis, marche contre Jérusalem. Jer., iv, 7 ; cf. ii, 15j

v, 6 ; l, 17. Israël coupable est en face des nations comme celui qui fuit devant un lion. Am., v, 19. Mais, à leur tour, les grands de Babylone, poursuivis par le Seigneur, pousseront des rugissements de lions. Jer.,

89. — Berger défendant son troupeau contre un lion. D’après Lottus, Travela and Researches in Chaldsea, p.258.

li, 38 ; cf. Ezech., xxxviii, 13 ; Zach., xi, 3. — 5° Les rois. Leur colère est terrible comme le rugissement du lion. Prov., xix, 12 ; xx, 2. Leur injustice n’est pas moins redoutable. Prov., xxviii, 15. Ézéchiel, xxxii, 2, compare le roi d’Egypte à « vin lionceau parmi les nations ». Esther, xiv, 13, se prépare à paraître devant Asbuérus comme « en présence du lion ». Les monarques orientaux aimaient à se comparer à des lions. Osortésen se fait appeler « un lion qui frappe de la griffe et ne lâche jamais son arme » ; Thothmés III est qualifié de « lion fascinateur » dans un hymne du temps, et Sennachérib raconte qu’il partit à la guerre m en vrai lion ». Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 466 ; t. ii, p. 270 ; t. iii, p. 306. Saint Paul, épargné une première fois au tribunal de Néron, dit qu’il a échappé à la « gueule du lion ». II Tim., iv, 17. — 6° Les guerriers valeureux. Saül et Jonathas étaient forts comme des lions. II Reg., 7, 23. Les Gadites qui se joignirent à David étaient « semblables à des lions ». I Par., xii, 8. Cf. Is., xv, 9. Même celui qui avait un cœur de lion tremblait devant David et ses braves. II Reg., xvii, 10. Judas Machabée est comparé à un lion qui rugit sur sa proie, I Mach., iii, 4, et ses guerriers sont comme des lions. II Mach., xi, 11. — 7° Les persécuteurs. Dans Job, iv, 9-11, Éliphaz montre les méchants exterminés par le souffle de Dieu :

Le rugissement du lion Çaryêh), la voix du lion (Sâfyar),

Les dents des lionceaux (kefirîm) sont brisées,

Le lion (taîS) périt faute de proie,

Et les petits du lion (lâbV) sont dispersés.

Presque tous les noms du lion sont réunis dans ce texte. Les ennemis du juste sont des lions qui se tiennent aux aguets, rugissent, écrasent, déchirent et dévorent. Ps. vii, 3 ; x, 9 ; xvii (xvi), 12 ; xxxv (xxxiv), 17 ; lvi (lv), 5 ; lviii (lvii), 7 ; xci (xc), 13 ; civ (cm), 21. Le glaive des chefs d’Israël dévore les prophètes, « comme un lion destructeur. » Jer., ii, 30. Les faux prophètes sont à leur tour des lions qui déchirent leur proie. Ezech., XXII, 25. Les chefs impies de Jérusalem sont qualifiés de même. Soph., iii, 3. — Au Psaume xxii (xxi), 17, le texte massorétique actuel porte kâ’âri que beaucoup d’exégètes traduisent ainsi :

Voici que des chiens m’environnent,

Une-troupe de scélérats m’assiègent,

Comme un lion (fcd’drî), mes mains et mes pieds,

3a puis compter tous mes os.

Au lieu de >-ito, kâ’âri, « comme un lion, » les anciennes versions ont toutes lu un verbe, probablement n » 3, kà-ârù, « ils ont percé ; » la différence entreles deux mots n’est que d’un > à un i, si souvent écrits l’un pour l’autre. Septante : upul-av, « ils ont percé ; » de même dans les versions syriaque, arabe, éthiopienne et copte. Aquila, d’abord îfaxtjvav, « ils ont souillé, » puis èiréôïio-av, « ils ont lié ; » Symmaque : ciç ÇijToOvtes’Br^aat, « cherchant à lier ; » Vulgate : foderunt, « ils. ont percé ; » saint Jérôme : fixerunt, « ils ont fixé, » et dans quelques manuscrits : vinxerunt, « ils ont lié. » La paraphrase chaldaïque réunit les deux leçons : « ilsmordent comme un lion mes mains et mes pieds. » La leçon kâ’ârû est donc bien établie, d’autant plus que lesnotes massorétiques elles-mêmes indiquent la leçon kâ’ârû parmi les variantes de ce passage. L’idée qu’elle exprime est d’ailleurs conforme à ce qui est dit du Messie dans d’autres passages. Is., lui, 5 ; Zach., xii, 10. Cf. Frz. Delitzsch, Die Psalmen, Leipzig, 1873, t. i, p. 225. Le parallélisme, que défigure totalement la traduction

90. — Trône égyptien, avec des accoudoirs en forme de lions. D’après Charopollion, Monuments de VÉgypte, t iii, pi. CCI. vin.

moderne, redevient parfait, quant à la forme et quant au londj si l’on traduit :

Ils percent mes mains et mes pieds, Je puis compter tous mes os.

Enfin la leçon kâ’ârû se retrouve dans la polyglotte

de Complute et dans quelques manuscrits, et Buhl, Gesenius’Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 355, constate qu’elle s’harmonise mieux avec le contexte que celle des massorètes. Le mot vient d’une racine kâ’ar, ayant le même sens que kârâh, « creuser, percer. » Les lions ne sont donc pas en cause dans ce texte. Cf. Lesétre, Le Livre des Psaumes, Paris, 1883, p. 99-100. — À la restauration d’Israël, il n’y aura pas de lion sur le chemin de son retour, Is., xxxv, 9, et, au temps messianique, le lionceau et le veau vivront ensemble. Is., xi, 6-7 ; lxv, 25 ; — 8° Enfin la Sainte Écriture compare encore au lion différents êtres, soit en bien, soit en mal : le juste à qui sa bonne conscience donne une pleine sécurité, Prov., xxviii, 1 ; la sentinelle de Babylone, Is., xxi, 8, et un ange des derniers jours, Apoc, x, 3, dont la voix retentit comme le rugissement du lion ; la méchante femme, plus à redouter que le lion, Eccli., xxv, 23 ; la sauterelle, dont la dent ravage comme celle du lion, Joël, i, 6 ; le péché, dont les morsures sont comme celles du lion, Eccli., xxi, 3, et le démon, lion rugissant qui cherche à dévorer les âmes. I Pet., v, 8.

V. Les lions symboliques. — 1° Dans les visions d’Ezéchiel, i, 10 ; x, 14 ; xli, 19, il est question de chérubins ayant une face, c’est-à-dire une apparence de lions et des formes rappelant celles de ces animaux. Plusieurs de ces êtres symboliques ont, en effet, un corps de lion. Voir t. i, fig. 69, col. 313, et Chérubin, t. ii, col. 665, et fig. 247, col. 671. — 2° Dans sa vision des quatre animaux, Daniel, vii, 4, signale d’abord un lion avec des ailes d’aigle. C’était le symbole de l’empire assyro-babylonien, représenté par un animal familier aux peuples de cet empire et caractéristique de la force et de l’activité conquérante. Voir Daniel (Le livre de), t. ii, col. 1274. Une inscription d’Assurbanipal mentionne les taureaux et les lions ailés, lamassi, qui ornaient son palais de Babylone. Cf. Talbot, dans les Transactions of the Society ofbiblic. Archœol., 1873, t. H, p. 363. — 3° Parmi les quatre animaux présents devant le trône de l’Agneau, saint Jean, s’inspirant de la description d’Ezéchiel, i, 5-14, en nomme d’abord un qui est semblable à un lion. Apoc, iv, 7. Plusieurs Pères voient dans ce lion la figure de saint Marc. S. Ambroise, Expos. Evang. S. Luc., Proœm., t. xv, col. 1532 ; S. Jérôme, In Ezech., i, 7 ; In Matth. Prol., t. xxv, col. 21 ; t. xxvi, col. 19 ; S. Grégoire le Grand, In Ezech., hom., i, IV, 1, t. lxxvi, col. 815, etc. Voir Marc (Saint). Cependant le symbole du lion est appliqué à saint Jean par saint Irénée, Cont. hseres., m, 11, t. vil, col. 887, et à saint Matthieu par saint Augustin, De consens, evang., i, 6 ; In Joan., xxvi, 5, t. xxxiv, col. 1046 ; t. xxxv, col. 1666. Saint Jean voit encore des sauterelles qui ont des dents comme celles des lions, Apoc, IX, 8, cf. Joël, i, 6, et des chevaux qui ont des têtes de lions. Apoc, ix, 17. Enfin il décrit une bête à sept têtes, dont les bouches ressemblent à celles du lion. Apoc, xiii, 2. Ces divers animaux symboliques empruntent au lion ses caractères terribles et malfaisants.

VI. Les lions sculptés. — 1° Salomon fit exécuter pour le service du Temple dix bassins d’airain, placés chacun sur un piédestal composé d’une partie carrée que surmontait uue partie cylindrique. Sur les champs de ces deux bases superposées étaient représentés en relief des lions, des bœufs, des chérubins et des palmes. III Reg., vii, 29, 36. Sennachérib fit fondre aussi douze grands lions de bronze pour la résidence qu’il se bâtit àNinive. Maspero, Histoire ancienne, t. iii, p. 311.

— 2° Salomon se fit encore exécuter un trône d’ivoire avec des ornements d’or. Il y avait deux lions près des bras et douze lions sur les six degrés de part et d’autre. III Reg., x, 19 ; II Par., ix, 18. Les anciens monuments représentent des sièges où des lions servent d’accou doirs (fig. 90) Beaucoup d’autres sièges sont ornés de tètes ou de pattes de lions. Cf. t. ii, fig. 72, col. 224 ; t. iii, fig. 100, col. 411. On trouve même des lits dont les côtés longs sont formés de deux lions qui s’étirent, la tête au chevet et la queue aux pieds du dormeur. Voir Lit, fig. 93, col. 286. Les lions des degrés du trône de Salomon formaient une sorte d’allée qui s’inspirait sans doute des allées de sphinx ou de béliers qui menaient à certains temples égyptiens. Ces lions étaient des symboles de puissance et de majesté. Il est dit du trône de Salomon que rien de pareil n’avait été fait pour aucun royaume, ILI Reg., x, 20. Voir

Trône.

H. Lesêtre.
    1. LIONCEAU##

LIONCEAU, jeune lion.La langue hébraïque distingue le lionceau du lion par des noms particuliers. Il est appelé gûr’aryêh, « un jeune lion, » Gen., xlix, 9 (Vulgate : catulus leonis) ; bén lâbV, ce fils de lion, » Job, iv, 11 ; mais il porte le nom spécial de kefir dans Ps. xvii (xvi), 12 ; civ (cm), 21 (Septante : cre0[ivo ;  ; Vulgate : catulus leonis) ; Is., xi, 6. et dans Ézéchiel, xix, 2, 3, 5 (Septante : « xxiijivo ;  ; Vuigate : leunculus). Dans les Juges, xiv, 5, nous lisons : kefir’ârâyôt, « petit de lionnes. » — Kefir se dit aussi métaphoriquement, soit d’un homme puissant ou d’un ennemi dangereux, Ps. xxxiv (xxxm), 11 (Vulgate : divites) ; xxxv (xxxiv), 17 ; lvih (lvii), 7 ; Jer., ii, 15 ; Ezech., xxxii, 2 (Vulgate : leo), soit d’un homme jeune et brave. Ezech., xxxviii, 13 (Vulgate : leo) ; Nab., H, 14 (Vulgate : leunculus). — Saint Jérôme a traduit par leunculi ou « lionceaux » le mot’àrîm qui signifie « lion » et qui désigne les lions sculptés, placés par Salomon sous les bras de son trône et sur les degrés par lesquels on y montait. III Reg., xi, 20 ; II Par., ix, 19 (’ârdyôf ; la. Vulgate a traduit ce même mot au verset précédent par leones). Dans I Par., xxviii, 17, notre version latine parle de « lionceaux d’or » là où il est question de « vases à couvercle » ; elle a lu on>S2, kefirim, au lieu de omss, kefôrim, qui est la vraie leçon, réclamée par le contexte.

    1. LIQUEURS ENIVRANTES##

LIQUEURS ENIVRANTES, boissons fermentées qui, bues à l’excès, produisent l’ivresse. Les anciens n’ont pas connu les liqueurs proprement’dites, dans lesquelles on utilise les produits de la distillation des fruits ou des grains ; car la distillation ne remonte pas au delà du XIVe siècle. Mais ils savaient fabriquer des boissons fermentées, le viii, avec ses différentes espèces, voir Vin, et d’autres liqueurs enivrantes généralement désignées sous le nom de ëêkdr, « n’xepa, sicera.

1° La sicera. — Saint Jérôme, In Is., xxviii, 5, t. xxiv, col. 317, définit la sicera ce toute boisson capable d’enivrer et de bouleverser l’esprit, ce qui fait qu’Aquila traduit le mot par ce ivresse ». On la fabrique avec le froment, l’orge, le millet, le suc des fruits, le fruit du palmier et d’autres substances analogues ». Cf. S. Ambroise, De Elia et jejun., xv, 54, t. xiv, col. 717. Les Égyptiens fabriquaient avec de l’orge une sorte de bière, le Çûdoc ou oîvoc xpc8(voç, ce vin d’orge. » Cf. Hérodote, il, 77 ; Théophraste, De caus. plant., xi, 2 ; Strabon, 799 ; Diodore de Sicile, I, 20, 34 ; iv, 2, etc. Les Septante emploient le mot ?1180 ; dans la traduction d’Isaïe, xix, 10, et saint Jérôme, t. xxiv, col. 253, dit que le Çû60ç est une boisson faite de fruits et d’eau, ce qui donne un liquide trouble et comme mêlé de lie. En Dalmatie et en Pannonie, ajoute-t-il, on appelle cette boisson sabaium. Ammien Marcellin, xxvi, 8, nomme aussi sabaia le breuvage que les pauvres de l’IHyricuna fabriquaient avec de l’orge ou du froment. La bière des Égyptiens fut bien connue en Palestine. Cf. Pesachim, iii, 1. On ajoutait à l’orge certaines herbes, comme le lopin ou la berle, cf. Columelle, x, 114, de même que nous y-mêlons du houblon. Les Arabes mélangent à la bière des épices ou aromates qui en relèvent le goût. Cf. Burkhardt, Travels 281

LIQUEURS ENIVRANTES — LIS

m

in Aràbia, Londres, 1829, t. i, p. 213. Isaïe, v, 22, maudit ceux qui sont forts pour boire du vin et vaillants pour mélanger le êekâr. Il s’agit là d’un mélange de la boisson avec des aromates de toutes espèces, destinées à la rendre plus agréable et plus forte. Cf. Rosenmûller, 3esaiee vaticin., Leipzig, 1810, t. i, p. 78. Les Arabes font aussi une sorte de boisson composée avec de l’orge et de la réglisse. Cf. de la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 196. Saint Jérôme, Epist. lii, ad Nepotian., ii, t. xxii, col. 536, 537, énumère encore, sous le nom de sicera, la boisson faite avec le suc des fruits, le breuvage doux et barbare obtenu en faisant bouillir les rayons de miel, et le liquide épais que produisent les fruits des palmiers et les grains bouillis. Les grains bouillis donnent les différentes espèces de bière. Le suc des fruits fournit le cidre, dont il n’est question que dans la Mischna, Therumoth, XI, 2. Les Arabes font une boisson avec des abricots et des fruits secs, raisins ou autres, qu’on met infuser dans l’eau pendant un jour. Cf. de la Roque, Voyage dans la Palestine, p. 195. Peut-être les Hébreux avaient-ils quelque chose d’analogue. Le miel entrait, avec le vin et des épices, dans la composition d’un breuvage appelé par les Grecs otvôjieXi, Polybe, xii, 2, 7 ; Dioscoride, v, 16, et mentionné sous le même nom dans la Mischna, Schabbath, XX, 2 ; Therumoth, xi, 1. Saint Jérôme appelle « barbare » le procédé qui consiste à faire dissoudre le miel dans l’eau pour obtenir une boisson douce et sucrée. Les Romains et les Grecs préféraient en effet roiv<$(ie>i, dont le goût flattait davantage. Ils connaissaient cependant l’iSptfjveXi, Dioscoride, v, 17 ; Gallien, VI, 274, ou |j.e)itxpaTov, Hippocrate, Aphor., 1254 ; Aristote, Metaph., xiii, 6, 1, mélange d’eau et de miel ou hydromel, qui, après ébullition et refroidissement, entre en fermentation et devient un breuvage agréable au bout de quelques semaines. Il y avait aussi le [iyjXo[ieXc, Dioscoride, v, 39, mélange de jus de pomme ou de coing avec le miel, devenant l’iSpil « iXov par addition d’eau. Cf. Dioscoride, v, 30 ; Artémidore, I, 66. Les Hébreux recueillaient le miel à profusion, voir Miel ; ils ont dû l’utiliser dé plusieurs manières pour se procurer des boissons. Le vin de dattes était fabriqué en Egypte. Cf. Hérodote, ii, 86 ; iii, 20. On mélangeait les fruits écrasés avec une certaine quantité d’eau et la fermentation se produisait. Cf. Pline, H. N., xiv, 19, 3. Les Arabes modernes n’écrasent plus le fruit pour obtenir le vin de dattes. Cf. Burckhardt, Travels in Arabia, t. ii, p. 264. Les dattes fermentées fournissent aujourd’hui une liqueur nommée nectar des dattes. Ce qu’on appelle le vin de palme provient de la fermentation de la sève des palmiers à fruit non comestible, comme le phœnix sylvestris. Los Hébreux n’ont certainement connu que la boisson faite avec les dattes macérées dans l’eau.

2° Les liqueurs fortes dans l’Écriture. — Le via et les liqueurs enivrantes furent défendus à Aaron et à ses fils, Lev., x, 9, à celui qui faisait le vœu du nazirat, Num., vi, 3, à la mère de Samson, Jud., xiii, 4, 7, 14, et à saint Jean-Baptiste. Luc, i, 15. Les Hébreux n’en burent point au désert. Deut., xxix, 6. Il leur était loisible d’en boire dans les festins, spécialement dans ceux qui accompagnaient le paiement des dîmes. Deut., xiv, 26. Il était conseillé de donner des liqueurs fortes à celui qui allait périr, afin d’atténuer sa sensibilité à la souffrance, Prov., xxxi, 6, et en général, d’après le parallélisme, à quiconque se trouvait dans une grande affliction, afin de le remonter. Cf. Marc, xv, 23. À une certaine époque, on abusa beaucoup des liqueurs enivrantes, qui engendrent le tumulte. Prov., xx, 1. Isaïe, v, 11, maudit les buveurs de boissons fortes ; il accuse les prêtres, les prophètes et les chefs du peuple de se livrer à « et excès, ls., xxviii, 7 ; lvi, 12, et il leur prédit que, quand le châtiment va arriver, ils trouveront ces liqueurs bien amères, Is., xxiv, 9, et qu’ils chancelleront

alors, même sans en avoir bu. Is., xxrx, 9. Miellée, il, 11, se moquant des prophètes de mensonge, dit. au peuple : « Qu’on vous parle de vin et de liqueur forte, et l’on est votre prophète ! » Voir Ivresse, t. iii,

col. 1048.

H. Lesêtre.

LIS (hébreu : SûSan deux fois, et sôëân deux fois ; au pluriel Sôsannîni neuf fois, et à la forme féminine Sô-Sanndh, quatre fois ; Septante : xpîvov ; Vulgate : lilium), fleur et motif d’architecture.

I. Description.— Entre toutes les Liliacées auxquelles il a donné son nom, le genre Lilium se distingue par son port majestueux qu’il doit à sa tige élancée et leuillée jusqu’au sommet, où elle se termine par une grappe de larges fleurs. Le type du genre, Lilium candidum de Linné (fig. 91), est le seul de ses congénères 91. — Lilium candidum.

dont les pétales soient d’un blanc pur avec une courbure légère à l’extrémité. Chez tous les autres, ces mêmes organes sont fortement révolutés avec des nuances pourpres ou dorées. De son bulbe écailleux et jaunâtre monte une tige entièrement glabre ainsi que les nombreuses feui-les dont elle est revêtue et qui vont en diminuant de taille progressivement. Les fleurs, d’une odeur suave, sont portées par des pédoncules dressés à sommet légèrement incliné. Les anthères oscillantes sont gorgées d’un pollen jaune abondant. Cette belle plante, cultivée partout, semble parfaitement spontanée sur les pentes du Liban. F. Hy.

II. Exégèse. — 1° Fleur. — D’après les textes bibliques, le sôsân est une fleur qui croit dans les vallées, Cant., ii, 1 ; dans les prairies où les bergers font paître leurs troupeaux, Cant., ii, 16 ; vi, 3 (Vulgate, 2) ; dans les champs où broutent les gazelles, Cant., iv, 5 ; dans les jardins, Cant., vi 2 (Vulgate, 1) ; il vient en grande abondance, si bien qu’on lui compare Israël qui se multiplie et refleurit après l’exil, Ose., xiv, 6 ; il pousse même

au milieu des épines, Cant., ii, 2 ; le long des eaux courantes, Eccli., i, 8 ; il est d’une couleur éclatante, probablement rouge, d’après Cant., vii, 2, 3 et v, 13 ; quoique quelques-uns voient dans ce dernier passage une allusion à son parfum comparé à la myrrhe ; en fleurissant, il répand une odeur délicieuse, Eccli., xxxix, 15 ; le Nouveau Testament, Matth., vi, 38-39 ; Luc, xii, 27-28, fait allusion à la richesse de son coloris, près duquel pâlissent les vêtements royaux de Salomon. Quelle est la fleur de Palestine qui répond à toutes ces conditions ?


Les Targums et beaucoup d’auteurs rabbiniques tiennent pour la rose, d’autres pour la violette. Mais les exégètes sont maintenant d’accord à voir dans le sûSan une fleur de la famille des Liliacées, ou d’apparence semblable. Si l’on cherche à préciser, la pensée se porte naturellement sur le lis blanc ; la traduction de la Vul--gate, les applications mystiques du Cantique des Cantiques y inclinent l’esprit. Mais la plupart des exégètes l’écartent, soit parce qu’il n’existe pas en Palestine, ou eu moins y est rare, soit parce qu’en grec le lis blanc ne se dit pas xpîvov, mais Xeîpiov.

Le lis blanc est connu en Orient depuis les temps les plus anciens. : . on le trouve parfaitement sculpté sur des bas-reliefs assyriens (fig. 92), conservés au British Muséum (n. 76 et 72). G. Rawlinson, The ftve great monarchies, 2e édit., 4871, t. i, p. 354. De nos jours, il abonde dans certaines parties du Liban, comme dans la région voisine de Ghazir en Kesroan, P. Julien, L’Egypte, in-8°, Lille, 1891, p. 280, et aussi près de Sidon et de Tyr ; mais il paraît être rare maintenant dans la Galilée et plus encore dans le reste de la Palestine. Sans doute il ne serait pas impossible qu’il y fût autrefois plus abondant : on ne saurait toutefois actuellement le prouver. Cette condition remplie, et quelques exégètes croient qu’elle l’est suffisamment, tous les traits de l’Écriture, à leur avis, lui conviendraient parfaitement. L. Fonck, Streifzûge durch die Biblische Flora, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 53-77. D’ailleurs, les lis blancs Xeipia sont appelés <70û<ra (susan) par les Phéniciens, dit VEtymologium magnum, au mot atâaa.. En Espagne le lis blanc se nomme Açuçena, mot d’importation arabe, alsusen. Il reste cependant des difficultés, par exemple : le lis blanc peut sans doute s’appeler le lis des champs par opposition au lis des jardins ; mais il ne convient guère de nommer lis des vallées une fleur qui croît surtout sur les hauteurs. Son habitat n’est pas non plus au bord des eaux. Enfin la comparaison que fait Notre-Seigneur du lis avec les vêtements royaux de Salomon éveille l’idée d’une couleur comme le rouge plutôt que le blanc. Ces raisons ont porté les exégètes à chercher une autre fleur qui remplisse les conditions. Les uns se sont arrêtés à l’anémone, Anémone coronaria, qui couvre les champs de la Galilée, H. B. Tristram, The nalural History of the Bible, in-& », Londres, 1889, p. 464 ; voir Anémone, t. i, col. 574 ; d’autres au glaïeul, G. Post, Flora of Syria, Palestine and Sinai, in-8°, Beyrouth js. d.), p. 773 ; au lotus, J. Kitto, À Cyclopœdia of Biblical Lilerature, 3° édit., Londres, 1866, t. iii, p. 845 ; à la couronne impériale, P. Souciet, Recueil de dissertations critiques sur les endroits difficiles de VÉcriture Sainte et sur dès matières qui ont rapport à l’Écriture, in-4°, Paris, 1715, p. 158, etc.

Pour résoudre cette difficulté de détermination, il est important de remarquer que chez les anciens, comme du reste chez nous encore parmi le peuple, les noms de plantes n’ont pas toujours une acception précise. Ainsi chez les Grecs, si le mot Xeîptov a un sens assez déterminé et désigne le lis blanc (quelquefois cependant il s’applique au narcisse), le mot plus fréquemment employé, xpfvov, a un sens plus général et embrasse avec le lis orangé plusieurs autres espèces de plantes. Dios coride, iii, 116, qui identifie le <ro13<nvov avec le Xec’pivov xpivov, range aussi parmi les xpt’vov la fritillaire impériale. Hérodote, ii, 92, donne le nom de lis, xpivov, au nénuphar blanc ou lotus. Chez les Sémites non plus le mot

92. — Le lis sur les monuments assyriens.

D’après C. Rawlinson, The ftve great monarchies, 1871, X. I, p. 354.

susan n’a pas d’acception bien précise. Peut-être leur venait-il de l’Egypte où le mot susin désigne le lotus blanc. En ce cas il aurait ordinairement changé cette signification primitive. Du reste le nom peut avoir pour origine en Egypte, comme chez les Sémites, le nombre six commun à ces peuples, sans doute à cause du nombre des pétales de la fleur. Le lis blanc, qui était certainement connu en Egypte, V. Loret, Études de botanique égyptienne, dans Recueil de travaux relatifs à la philol. et archéol. égypt., t. xv, in^i°, 1895, p. 185, et servait à fabriquer des parfums célèbres, portait un nom différent de susin, « le lotus ; » c’est peut-être houruru (cf. Xe/piov). Quoi qu’il en soit, le terme arabe susan comprend non seulement le lis, mais, d’après Delille et Schweinfurth, le Pancratium Maritimum ou lis Mathiole, et d’après Ascherson, Die Herkunft des Namens Lilium convallium, dans Naturwiss. Wochenschrifl, t. ix, 1894, p. 310, l’iris bleu, etc. Cf. Ibn El-Beïthar, Traité des simples, dans Notices et extraits des mss. de la Biblioth. nation., t. xxv, l re part., 1881, p. 307. Ce mot a donc une assez grande élasticité. Il en était ainsi probablement pour le sùSan hébreu, il devait embrasser plusieurs espèces de plantes de la famille des liliacées, des iridées, des amaryllidées, des fritillaires, etc., comme, dans le langage vulgaire, nous donnons le nom de lis à diverses fleurs, le lis des eaux ou des étangs ou Nénuphar, le lis des vallées ou Muguet, le lis de Saint-Jacques ou Amaryllis fortnosissima, le lis d’Espagne ou Iris Xyphium, le lis mathiole ou Pancratium maritimum, etc. Ces fleurs, lis, iris, glaïeul répondent dans leur ensemble par leur coloris et leur parfum, aux caractères bibliques du sûsan. Faut-il y faire rentrer une plante d’une famille plus éloignée, l’Anémone coronaria ? Par son riche coloris et par son abondance dans les champs de la Palestine, elle répond à la plus grande partie des conditions bibliques. On objecte cependant que, contrairement aux autres plantes mentionnées ci-dessus, elle n’a pas le parfum que réclament les textes, Cant., v, 13, et Eccli., xxxix, 19, mais la comparaison

de Cant., v, 13, s’applique plus probablement à la couleur des lèvres de l’épouse qu’au parfum de myrrhe qu’elles distillent et celle de l’Ecclésiastique aux fleurs ; « portez des fleurs comme le lis. » On ignore de plus, jusqu’à présent quel est, ians ce dernier passage, le mot hébrsu qui est traduit par xpivov et lilium. — Voir Celsius, Hierobotanicon, t. i, p. 383-392 ; H. B. Tristram, The natural History of the Bible, p. 462-465 ; L. Fonck, Streifzûge durch die Biblische Flora, ïn-8°, Fribourg, 1900, p. 53-77, et dans les Stimmen aus Maria-Laach, t. liv (1898), p. 151-168.

Le nom de Susanne est un nom propre formé du nom du lis biblique, de même que nous voyons dans la vallée du Nil plusieurs Égyptiens hommes ou femmes porter le nom semblable de susin, lis d’eau ou lotus. J. Lieblein, Dictionnaire des noms hiéroglyphiques, in-8°, Christiania, 1871, n. 320, 1848, 1916, et supplément, 426.

2° Motif d’architecture. — Les chapiteaux des deux colonnes de bronze et la coupe de la mer d’airain étaient en façon de suSan ou sôSan, III Reg., vii, 19, 22, 26 ; de sôsannak. II Par., iv, 5. Les Septante ont rendu là aussi ce mot par xpt’vov et la Vulgate par lilium. On sait que les Juifs dans leur architecture ont été tributaires des Égyptiens et des Phéniciens. Or, parmi les motifs de décoration des chapiteaux de l’art égyptien et phénicien, on n’a pas retrouvé la forme proprement dite du lis blanc, tandis qu’on voit fréquemment celle du lotus ou lis des eaux. Voir Colonnes du Temple, dans la planche en couleurs, la colonne de droite, t. ii, col. 856. On peut voir dans M. de Vogué, Le temple de Jérusalem, in-f », Paris, 1864, p. 34 et planche xiv, un essai de restitution de ces chapiteaux qui, il est vrai, ne présente que très imparfaitement la forme du lotus. Il faut remarquer que l’art égyptien est entré à Jérusalem par l’intermédiaire des Phéniciens ; l’architecte du temple de Salomon était de ce peuple. Aussi l’art phénicien avait pu modifier l’idée égyptienne de ces chapiteaux. MM. Perrot et Chipiez, Histoire de l’art, t. iv, pi. vi et vii, en combinant l’art punique avec l’art égyptien, donnent un essai différent mais qui n’est pas à l’abri de tout critique. Voir t. ii, col. 850. Voir Lotus. — Dans Judith, x, 3, la Vulgate place, après les bracelets, des lilia comme une parure. C’était sans doute un bijou en forme de lis ou de lotus. — Dans les titres des Psaumes, il est fait mention du sosan : Ps. xlv (xliv), 1,-et lxix (lxviii), 1, « sur les sôsannim, les lis ; » lx (lix), 1, sur sûsan’êdûf, « le lis du témoignage ; » et lxxx (lxxix), 1, sur les iôiannim’êdùt, « les lis des témoignages. » Est-ce un Psaume à chanter sur les lis, premiers mots d’un chant populaire connu ? ou bien, moins probablement, un instrument de musique en forme de lis ? On ne sait. Les Septante ont rattaché le mot à la racine sânâh, « changer, » et ont donné cette traduction difficile à expliquer l-ûrcèp tôv âXot<o&ria’0[jsvwv, ce que la Vulgate a rendu littéralement par : pro Us qui commutabuntur, « pour ceux qui seront changés (par la venue du Messie, d’après l’explication des Pères). » E. Levesque.

LIT (hébreu : yâsûa’, massa’, miskâb, mittâh, ’érés ; chaldéen : milkab ; Septante : xXtv^, xoît>i, xXivc’Stov ; Vulgate : cubile, lectus, lectulus, stratum, thorus), meuble disposé de telle manière qu’on puisse s’y étendre pour s’y reposer et dormir.

I. Les lits destinés au sommeil. — 1° Les lits des anciens. — Ces lits étaient quelquefois montés sur quatre pieds, affectant la forme de pieds d’animaux (fig. 93). D’autres fois les lits de bois étaient eu menuiserie assez simple, et très semblables à nos lits ordinaires d’aujourd’hui mais toujours élevés au-dessus du sol. Il en était ainsi à l’époque évangélique. Notre-Seigneur suppose ^u’on peut mettre une lampe sous le lit. Marc, iv, 21 ; Luc, viii, 16. On montait donc au lit et on en descen dait, ce qui s’appliquait plus particulièrement à un lit royal, comme celui d’Ochozias. IV Reg., i, 4, 6, 16. Voir t. ii, fig. 173, col. 517. Le roi de Basan, Og, qui était un géant, avait, d’après l’interprétation commune, un lit en fer qui mesurait neuf coudées de long sur quatre de

93. — Lits égyptiens. — Au-dessus du lit inférieur est placé le chevet sur lequel reposait la tête. À côté, est l’escabeau qui servait à monter sur le Ht. D’après Champollion, Monuments de l’Egypte, t. iv, pi. cccxxix.

large, soit 4 m 05 sur l m 80. Cf. Coudée, t. ii, col. 1064. Ce lit se voyait à Rabbath-Ammon. Deut., iii, 11. Plusieurs croient cependant que le’érés barzél, « lit de fer, » dont il est ici question, était plutôt un sarcophage de basalte, le mot barzél ayant aussi ce dernier sens. Voir Basalte, 1. 1, col. 1485. Mais comme’érés n’a pas ailleurs le sens de sarcophage, et que les versions l’ont traduit par « lit », xXi’vri, lectus, les uns gardent au mot ce sens, von Hummelauer, Deuteronomium, Paris, 1901, p. 205, tandis que d’autres font de ce’érés un brancard ou une litière. Rosenmûller, In Deuteron., Leipzig, 1798, p. 383-384. Voir Og. — Pour signifier aux impies du royaume que leur domination ne se perpétuera pas, Isaïe, xxviii, 20, leur dit : « Le lit sera trop court pour s’y étendre et la couverture trop élroite pour s’en envelopper. » Il fallait un lit à la taille de celui qui s’y couchait. Les sangles étaient disposées sur le cadre de bois, avec des couvertures pour s’étendre et se couvrir. On déployait parfois-un certain luxe dans ces parements du lit : « J’ai orné mon lit de couvertures, de tapis de fil d’Egypte ; j’ai parfumé ma couche de myrrhe, d’aloès et de cinnamome. » Prov., vii, ÎÇ^T ? : Les parfums étaient exceptionnels, mais les riches couvertures constituaient un luxe assez commun. Chaque lit avait un chevet, « une tête, » r’oS, zo axpov, caput, Gen., xlvii, 31 (voir les fig. 93 et 94-95). Holoferne dormait dans un lit à colonnes qui soutenaient des draperies, et il attachait ses armes aux colonnes du chevet. Judith, xiii, 8, 10.

2° Les lits dans l’Écriture. — 1. Les grenouilles de la seconde plaie montaient jusque dans les lits des Égyptiens. Exod., viii, 3. Voir Grenouille, t. iii, col. 317. Quand David était poursuivi par Saûl, Michol le fit échap

per pendant la nuit et mit à sa place, dans son lit, un theraphim, espèce d’idole sculptée, avec une peau de chèvre à son chevet et une couverture pour l’envelopper, comme s’il s’agissait de David lui-même. I Reg., XIX, 11-17. — David fit vœu de ne pas monter dans son lit, pour y sommeiller, avant d’avoir trouvé un emplace Dans l’insomnie, on y médite, Ps. iv, 5 ; lxiii (lxii), 7 ; on y change ses idées, la nuit portant conseil, Eccli., XL, 5 ; on y combine des desseins pervers, Ps. xxxvi (xxxv), 5 ; Mich., ii, 1 ; on y tressaille de joie, Ps. cxux, 5, ou l’on y verse les larmes de la douleur. Ps. vi, 7 ; III Reg., xxi, 4. — 4. Le paresseux se retourne dans son

94. — Lits assyriens. D’après Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 77.

ment ponr y bâtir le Temple. Ps. cxxxii (cxxxi), 3. — Pendant qu’il fuyait devant Absalom, des amis dévoués lui apportèrent les ustensiles et les provisions nécessaires, et en premier lieu des lits. II Reg., xvii, 28.

— Au lieu d’aller dans sa maison, Urie préféra dormir sur une simple couche, comme les serviteurs du roi.

lit comme une porte sur ses gonds, sans jamais en sortir. Prov., xxvi, 14. — Le débiteur était en danger de voir son lit saisi par le créancier. Prov., xxii, 27. — Plusieurs personnages furent tués dans leur lit, Isboseth, II Reg., iv, 7 ; Joas, II Par., xxiv, 25 ; Holoterne. Judith, xiii, 10, etc. — 5. Dans les temps de deuil, on

95. — Lit romain en bronze, trouvé à Pompéi. D’après Nicolini, Casee Menumenli di Pompei, fasc. 3, pi. 35.

II Reg., xi, 13. — Dans le palais d’Ochozias, il y avait une « chambre des lits ». II Par., xxii, 11. Cf. Luc, xi, 7. — On couchait quelquefois deux dans le même lit. Luc., xvii, 34. — 2. On devait purifier les lits qui avaient servi aux personnes atteintes de certaines maladies. Lev., xv, 4-6, 24, 26. Les pharisiens exagéraient cette prescription. Marc, vii, 4. — 3. C’est sur son lit que celui qui sommeille est visité par les songes. Job, vu, 13 ; xxxiii, 15 ; Dan., ii, 28, 29 ; iv, 2, 7, 10 ; vii, 1.

couchait sur le cilice et la cendre. Esth., iv, 3. Isaïe, lvii, 7, reproche à Israël de dresser sa couche dans les montagnes où sont adorées les idoles, pour marquer qu’il s’y établit à demeure et s’adonne sans relâche à l’idolâtrie. Enfin, pour indiquer le séjour définitif qui lui est destiné, Job, xvii, 13, dit qu’il dressera son lit dans les ténèbres du Se’âl.

3° Le lit nuptial. — Ruben est déshonoré pour avoir souillé le lit de son père. Gen., xlix, 4 ; I Par., v, 1. Le>

Cantique i, 15 (hébreu, 16) ; iii, 1, fait allusion au lit, nuptial. Ct. I Mach., i, 28. Il est recommandé de le respecter Eccli., xxiii, 25 ; xli, 27 ; Sap., iii, 13, 16, et de le conserver sans souillure. Heb., xiii, 4.

96 — Lit romain. Peinture de Pompéi.

D’après W. Smith, Dictionary of Greek and Roman Anttquities,

3’édit., 18M, t. ii, p. 18.

II. Le lit de la maladie et de la mort. — Jacob, sur son lit de mort, s’assied les pieds pendants pour parler à ses fils, puis retire ses pieds dans le lit et expire. Gen., xlviii, 2 ; xlix, 32. — Le blessé est obligé de garder le lit. Exod., xxi, 18. — Job, xxxiii, 19, parie de la douleur qui visite l’homme sur son lit pour le corriger. Amnon se met sur son lit pour faire le malade et attirer sa sœur Thamar. II Reg., xiii, 5-8. — Élie signifie à Ochozias

xi, 2. — Amos, iii, 12, parle des Israélites de Samarie, assis au coin d’un lit sur des tapis de Damas. — Esther, vil, 8, se reposait sur un divan lorsque Aman se précipita vers elle.

IV. Le lit des festins. — Dans les repas opulents, les anciens mangeaient à demi couchés sur des lits devant lesquels la table était servie. La coutume s’en introduisit chez les Israélites. Amos, VI, 4M5, montre les riches de Jérusalem et de Samarie reposant sur des lits d’ivoire, mollement étendus sur leur couche, pour manger les mets délicats, boire le viii, causer et faire de la musique. — Ézéchiel, xxai, 41, reproche à Jérusalem de s’asseoir sur un lit magnifique devant lequel une table est dressée. — Dans le palais de Suse, il y avait des lits d’or et d’argent sur lesquels on prenait place pour les testins royaux. Esth, , 1, 6. Un lit d’Assurbanipal, prenant son repas avec la reine (fig. 97), peut donner quelque idée de la richesse de ces meubles, — A l’époque évangélique, on suivit eh Palestine l’usage de prendre sur des lits les repas plus solennels. Sur la forme de ces lits, voir et t. i, fig. 248, col. 935 ; t. ii, fig. 393, col. 1083. Cf. Cène, t. ii, col. 415.

Voici comment ces lits étaient disposés. Ils avaient la forme de sofas, pouvant recevoir chacun trois personnes, d’où leur nom de lectm triclinarn. Cf. Varron, De ling. lat., VIII, xvi, 111. La place d’honneur sur les lits latéraux était à gauche, et à droite sur le lit central, afin que le principal invité fût auprès du maître de la maison. On s’étendait de manière à n’être ni couché, ni assis, mais dans une position intermédiaire, le bras gauche s’appuyant, soit sur la petite balustrade qui bordait le lit,

97. — Assurbanipal, assis sur un lit, prend son repas avec la reine. D’après Place, Ninive et l’Assyrie, pi. 57.

qu’il ne descendra plus de son lit et y mourra. IV Reg.,

1, 4, 6, 16 ; Eccli., xlviii, 6. — La Sainte Écriture parle du lit de mort de David, III Reg., 1, 47 ; du fils de la veuve de Sarepta, III Reg., xvii, 19 ; du fils de la veuve de Sunam, IV Reg., iv, 10, 21 ; d’Alexandre le Grand, I Mach., j, 6 ; d’Antiochus, I Mach., vi, 8, etc. — La fille de la Chananéenne est guérie sur son lit. Marc, VII, 30. — Le paralytique, qu’on descend par le toit de la maison, est sur un lit portatif, que saint Matthieu, ix,

2, appelle xX£v<i, saint Luc, v, 18-25, iù.wiBtov, et saint Marc, ii, 3-12, xpàëëaTov, un grabat. Voir Grabat ; t. iii, col. 289. — Saint Jean annonce que Dieu mettra l’impudique Jézabel sur le lit de mort. Apoc, ii, 22.

III. Le lit de repos. — C’est le divan oriental sur lequel on s’assied ou l’on se couche pendant le jour pour se reposer. Voir t. ii, fig. 174, col. 518. Saül effrayé se laissa tomber sur le divan de la magicienne d’Endor. I Reg., îxviii, 23. — David quittait un lit de ce genre, quand ses regards tombèrent sur Bethsabée. II Reg.,

mer. de la bible.

pour le convive de gauche, soit sur des coussins, pour les autres convives. Le bras droit restait libre pour prendre les mets. La table était apportée à la tête du lit. Quand il y avait plus de trois convives, on disposait plusieurs lits autour de la table, en laissant cependant un espace vide pour accéder à cette dernière et taire le service. Pour neuf convives, les lits étaient placés comme le montre la figure 98. Les chiffres romains indiquent l’ordre des lits, et les autres^biffres les préséances sur chacun d’eux. La place 3 du/lit I était réservée au personnage le plus considérable, et la place 1 du lit III au maître de la maison. Quand il y avait plus de neuf convives, on ajoutait d’autres lits, ce qui obligeait à modifier quelque peu la disposition générale. Vers la fin de la République, les Romains adoptèrent les tables rondes ou ovales, autour desquelles on établit un seul lit en demi-cercle appelé sigma, parce que le S grec primitif avait la forme d’un C. Un coussin, faisant bourrelet et sur lequel les convives s’accoudaient, bordait le lit à ses deux extrémités et à sa partie concave

IV.

10

29t

LIT — LITIÈRE

292 (fig. 99). Ces sortes de lits permettaient de fixer moins i strictement le nombre des convives. Les places d’honneur I étaient aux deux extrémités, la première à droite, la j seconde à gauche. On ne sait quel genre de lits servirent !

3

S

?

93. — Disposition des lits de table pour neuf convives.

à la dernière Cène. Suivant la première disposition, Notre-Seigneur aurait dû occuper, sur le lit I, la place 3 et saint Jean la place 2. Saint Pierre était sans doute à la place 1 du lit III, comme faisant office de maître de la maison. Le récit évangélique semble toutefois supposer

99. — Lit en sigma. Peinture de Pompéi. D’après Nicolini, Casee Monumenti di Pompei, fasc. 15, pi. m.

plutôt que Notre-Seigneur occupait la place 1 du lit I. On en est d’ailleurs réduit aux conjectures à cet égard et rien ne prouve que le divin Maître se soit astreint aux usages romains dans le placement de ses convives. Cf. Rich, Dicl. des antiquités grecques et romaines, trad. Chéruel, Paris, 1873, p. 6, 357, 583 ; P. Guiraud, La vie privée et la vie publique des Romains, Paris, 1896, p. 229-231 ; Ma r Le Camus, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1901, t. iii, p. 188.

V. Le lit funèbre. — C’est celui qui sert à déposer et à transporter le corps d’un défunt. II Par., xvi, 14 ; Is.,

100. — Lit funèbre d’après une pierre tombale funéraire.

D’après W. Smith, Dict. of Greek and Roman Antiquities,

3- édit., t. H, p. 19.

lvh, 2 (au figuré) ; Ezech., xxxii, 25. Voir iig. 100 et Cercueil, t. ii, col. 435, 436 ; Funérailles, t. ii, col. 2422.

H. Lesêtre.
    1. LITHOSTROTOS##

LITHOSTROTOS (grec : AiBôorpuToç), nom grec du lieu où Pilate jugeait à Jérusalem. On l’appelait en

araméen Gabbatha. Joa., xix, 13. Il est impossible de déterminer avec certitude ce qu’il était. Voir Prétoire. Le mot X166<rrpu>TO( ; , composé de Xfdoc, « pierre, » et de orptoTOÇ, adjectif verbal de <rrpa>vvupu, « étendre, » sternere, signifie un pavé en mosaïque. Cf. Septante, II Par., vii, 3 ; Esther, i, 6 ; Wilke, Clavis N. T., 2e édit. de Grimm, 1888, p. 263. Les Romains en faisaient partout. Les villas romaines que les touilles ont mises à découvert sur les flancs du mont Sion étaient pavées en mosaïque. C’est donc de la nature du pavé que ce lieu avait reçu son nom grec, tandis que son nom araméen Gabbatha, rtrai, « lieu élevé, » t. iii, col. 22 r provenait de sa forme, et le mot grec n’est pas la traduction du mot araméen. Aussi saint Jean, xix, 13, ne dit-il pas, comme dans d’autres passages, cl. Joa., i, 38, 41 ; ix, 7, que la seconde expression est l’interprétation de la première, mais il s’exprime ainsi : « Dans le lieu qui est appelé ().£Y<i|*evov) Lithostrotos en grec, et en hébreu (araméen) Gabbatha. » — C’est là que Pilate, s’étant assis sur son tribunal (|3^p.ix), dit aux Juifs, en leur présentant Jésus : « Voilà votre roi, » et que, cédant à leurs clameurs homicides, il le leur livra pour être crucifié. Joa., xix, 13-16. — Il résulte des détails donnés par le texte sacré que Lithostrotos n’était pas dans l’intérieur du Prétoire, puisque les Juifs, qui ne voulaient pas contracter d’impureté légale, ce qui les aurait empêchés de célébrer la Pâque qui était proche, s’abstinrent d’entrer dans ce lieu païen et profane, Joa., xviii, 19, et qu’il est dit expressément quatre fois, Joa., xviii, 20, 38 ; xix, 4, 13, que Pilate sortit du Prétoire pour parler avec les Juifs. Lithostrotos était donc en dehors du Prétoire ou dans une des cours qui le précédaient. — Divers commentateurs ont pensé que lithostrotos signifiait une sorte de pavé mobile et transportable, ou d’estrade, en mosaïque, sur lequel on dressait les sièges d’où les chefs militaires romains rendaient la. justice. L’existence de cet usage est constatée par Suétone, qui raconte, Csesar, 46, que Jules César emportait avec lui ce meuble dans ses expéditions. Cette explication est ingénieuse, mais elle est inconciliable avec letexte de saint Jean. Outre qu’on ne peut établir que la coutume des chefs militaires ait été adoptée par lesgouverneurs des villes, qui devaient naturellement avoip un tribunal fixe, l’Evangéliste dit expressément que-Lithostrotos-Gabbatha était « un lieu » ainsi appelé, sic t<Stcov, in loco. Joa., xix, 13. — Voir Winer, Biblisches Realwôrterbuch, 3e édit., t. ii, p. 29 ; Cornélius a Lapide, . Comment, in quatuor Evangelia, édit. A. Padovani, Turin, t. iv, 1899, p. 442 ; Frz. Delitzsch, dans la Zeitschrift fur lutherische Théologie, 1826, p. 105 ; Keim, Geschichte Jesu von Nazara, 3 in-8°, Zurich, 1867-1872, t. iii, p. 365 ; Fillion, Évangile selon saint Jean, 1887, p. 347 ; B. von Haneberg, Evangelium nach Johannes » édit. P. Schegg, in-8°, Munich, t. ii, 1880, p. 441.

    1. LITIÈRE##

LITIÈRE, sorte de petit lit ordinairement couvert, et porté par des hommes ou des animaux. Les litières étaient en usage en Egypte (fig. 101), en Assyrie (fig. 102) et elles le lurent aussi très tard chez les Romains (fig. 103). EtlSs sont plusieurs fois mentionnées dans, la Sainte Ecriture sous des noms différents. — 1° Mot, àvaçopei ; , « portoir suspendu, » vectis, « traverse. » Les divers ustensiles du sanctuaire devaient être enveloppés dans une couverture et transportés sur un mot. Num., iv, 10, 12. Comme le verbe mot signifie « vaciller, être balancé », il s’ensuit naturellement que le mot était une espèce de brancard dont la partie principale, suspendue aux traverses de bois, pouvait se balancer pendant la marche, et ainsi éviter certains mouvements trop brusques aux objets fragiles qu’on portait, chandeliers, lampes, vases à huile, etc. — -2° Sâb, Xap.TiTivcxiSv, , tectum. C’est un char tonnant litière ou une litièremontée sur un char. Pour la dédicace du Tabernacle »

293

LITIÈRE — LITTÉRAL (SENS)

294

les princes d’Iraël offrirent six chars de cette espèce et douze bœufs, chaque paire de ces derniers destinée sans doute à tirer un char. Num., vii, 3. lsaïe, lxvi, 20, fait revenir les captifs d’Israël dans toutes sortes de véhicules, parmi lesquels il mentionne les sabbîm, Xtxpvicrç 101. — Litière égyptienne. Beni-Hassan. XII’dynastie. D’après Lepsius, Denkmàler, Abth. ii, Bl. 126.

v « i, lecticse. Quand Saùl poursuivait David dans le désert de Juda, il couchait dans un ma’égal, mot que les Septante traduisent par Xa|xro]V]rj, « char couvert, » et la Vulgate par tento.rium. I Reg., xxvi, 5. — 3° Kar, uif p. « Ta, stranienta, Gen., xxxi, 34, selle de chameau, surmontée d’un pavillon pour protéger du soleil, et destinée aux

102. — Litière assyrienne.

D’après G. Rawlinson, Five great monarchies, 1864, t. ii, p. 224.

femmes. Le kar était assez considérable pour que fiachel put y cacher les theraphiin de Laban. Voir Chameau, t. ii, col. 526. — 4° Mittâh, « lit, » nom donné à la litière de Salomon, xXî’vyj, lectulus. Cant., iii, 7. Etle est entourée de soixante vaillants hommes qui restent armés de l’épée, en vue des alarmes nocturnes. Le contexte autorise à penser qu’il s’agit bien ici d’une litière, puisque le cortège est en marche. Cette litière est large comme un lit, parce que l’épouse est appelée à y prendre place à côté de Salomon. — 5° ’Apiryôn, çopeîov, ferculum, autre nom donné à la litière de Salomon. Cant., iii, 9. On a voulu faire du mot’apiryôn, un dérivé du grec çopeîov, qui veut dire « litière ». Frz. Delitzsch, Biblischer Continent, ïiber dos Hohelied, Leipzig, 1875, p. 59, a justifié

son origine sémitique. Le texte sacré décrit ainsi cette litière : « Le roi Salomon s’est fait une litière en bois du Liban. Il en a fait les colonnes d’argent, le dossier d’or, le siège de pourpre ; le milieu en a été brodé avec amour par les filles de Jérusalem. » Cant., iii, 9, 10. Gietmann, In Ecoles, et Cant. cant., Paris, 1900, p. 488, pense que cette description ne peut se rapporter qu’à

103. — Litière romaine incrustée d’argent. Nouveau Musée du Capitule. Rome.

un somptueux lit nuptial. On admet plus communément qu’il s’agit d’une litière. Cf. Rosenmûller, Ecoles, et Cantic, Leipzig, 1830, p. 348. Au verset suivant, le texte ajoute en effet : « Sortez, filles de Sion, regardez le roi Salomon. » Le roi est donc dehors, par conséquent dans une litière, et non dans un lit. —6° KXivoc’piov, lectulus. Act., v, 15. Quand saint Pierre sortait, on lui apportait des malades sur des grabats et des xXtviptoc, de « petits

lits », des civières.

H. Lesêtre.
    1. LITTÉRAL##

LITTÉRAL (SENS), sens que présentent naturellement les paroles des écrivains sacrés, d’après la valeur des mots et les règles de la grammaire, de la syntaxe et de la logique. Le sens littéral est le sens de la lettre du texte, par opposition au sens spirituel ou mystique qui ne se tire pas des mots eux-mêmes, mais des choses exprimées par les mots et servant de types. Voir Spirituel (Sens).

I. Les différentes espèces. — La pensée du Saint-Esprit s’exprimant dans la Sainte Écriture en langage humain, tel que le parlent et le comprennent les hommes, il faut s’attendre à trouver dans ce langage les formes que revêt habituellement la pensée même de l’homme. Or, la lettre du langage humain doit être entendue, tantôt dans le sens propre, et tantôt dans le sens figuré.

1° Le sens propre est celui qu’énoncent directement les mots eux-mêmes, pris avec leur valeur ordinaire, comme dans les phrases suivantes : « Dieu créa le ciel et la terre, » Gen., i, 1 ; « David dansait de toute sa force itevant Jéhovah, » II Reg., vi, 14 ; « Jésus, étendant /la main, le toucha en disant : Je le veux, sois guéri. » Matth., viii, 3, etc. Ce sens est assez souvent appelé « historique », dans les Pères latins, par opposition avec le sens « prophétique », qui se superpose en certains cas au sens littéral. Les Pères grecs l’appellent v.axk tô ypâu.p.ac, « selon la lettre, » xxrà tô pirriv, « selon le mot, » xa^à T7|V iirropi’av, « selon l’histoire, » pour le distinguer du sens spirituel, xaià-cm voOv, « selon l’esprit, » xaTÔ tïiv àvaïtt>Yiv, « selon la spiritualité, » etc. Quelques Pères, comme Origène, De princip., iv, 12, t. xi, col- 365 ; saint Jérôme, Adv. Lucifer., 2C, t. xxiii,

col. 182 ; saint Augustin, De doctr. christ., iii, 5 ; De Gènes, ad Ut., xi, 1, t. xxxiv, col. 68, 430 ; saint Grégoire de Nysse, In Cant. prol., t. xliv, col. 736, etc., semblent bien réserver au sens propre le nom de sens littéral et donner au sens figuré le nom de sens spirituel. Cette confusion de termes ne doit pas étonner à une époque où la terminologie n’était pas fixée définitivement. Il suffit de tenir compte de ce que les Pères entendaient par sens « littéral » et « spirituel » pour ne pas se tromper sur leur véritable pensée.

2° Le sens figuré ou métaphorique est un sens conventionnel, qui ne résulte pas de la valeur ordinaire des termes, mais qui part de ces termes pour formuler une idée ayant une certaine analogie avec le sens qu’ils expriment littéralement. Ainsi, c’est dans un sens figuré qu’il est dit : « Dieu se reposa le septième jour de tout ce qu’il avait fait, » Gen., Il, 2 ; « Je vous sauverai le bras étendu, » Exod., vi, 6 ; « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, » Luc, xiii, 24 ; « Dieu te frappera, muraille blanchie. » Act., xxiii, 3. Au sens figuré appartiennent l’allégorie, voir Allégorie, t. i, col. 368, et la parabole, voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1494. Toutefois, c’est au sens propre qu’il faut rapporter les comparaisons expressément indiquées par le texte, comme dans les exemples suivants : « Comme le cerf soupire après les sources d’eaux, ainsi mon âme soupire après vous, ô Dieu, » Ps. xlii (xli), 2 ; « La fille de mon peuple est devenue cruelle comme les autruches du désert. » Lam., iv, 3 ; cf. Eccli., l, 6-11 ; Matth., xxiii, 37, etc.

3° Autres noms du sens littéral. — On donne parfois au sens littéral, qu’il soit propre ou figuré, des noms qui indiquent l’objet que l’auteur sacré a en vue. Le sens littéral est historique dans le récit des faits du passé, prophétique dans l’annonce des faits de l’avenir, allégorique ou dogmatique dans l’exposition des vérités à croire, tropologique dans les prescriptions qui règlent les mœurs, anagogique dans la description des biens à espérer, etc. Ces dénominations n’ont qu’une importance secondaire. On les a résumées dans le distique suivant :

Littera gesta docet, quîd credas allegoria, Moralis quid agas, quo tendas anagogia,

qui ne fait que reproduire, sous une forme barbare, une division analogue à celle qu’a donnée saint Augustin, De Gen. ad lit., i, 1, t. xxxiv, col. 247 : « Il faut considérer, dans tous les Livres Saints, ce qui est dit de l’éternité, ce qui est raconté du passé, ce qui est annoncé de l’avenir, ce qui est prescrit ou conseillé pour la conduite. »

4 Il Sens conséquent. — Au sens littéral se rattache ce qu’on appelle le sens conséquent, sens qui résulte si logiquement de la pensée formulée par l’auteur sacré, que celui-ci n’a pu manquer de l’avoir en vue. Ainsi l’action exprimée par un même verbe a un tout autre caractère, selon qu’elle est faite par un être sans raison, par un homme ou par Dieu. Les êtres sans raison, astres, forces naturelles, animaux, sont invités à louer Dieu, Ps. cxlviii, 1-10, ce qu’ils ne peuvent faire que matériellement et inconsciemment ; les hommes aussi ont à louer Dieu, Ps. cxlviii, 11, 12, et enfin le Sauveur lui-même loue son Père. Matth., xi, 25 ; Joa., xi, 41. Il est clair, que, quand il s’agit des hommes, l’idée de louange a comme conséquence logique celle de louange consciente et raisonnable, et que, quand il s’agit de Notre-Seigneur, cette idée implique quelque chose de très supérieur à ce que peut produire un homme ordinaire. De même encore, quand le Sauveur dit : « J’irai et je le guérirai, » Matth., viii, 7, l’idée de guérison entraîne celle d’intervention surnaturelle et infailliblement efficace, qui ne se trouve pas dans cette autre phrase : « Médecin, guéris-toi toi-même, » Luc, iv, 23. — D’autres fois, une pensée que ne formule pas l’écrivain

sacré résulte cependant de ce qu’il dit, par voie de raisonnement, mais d’une manière logique et nécessaire, si bien que l’écrivain sacré, ou tout au moins l’Esprit-Saint qui l’inspire, n’ont pu manquer d’avoir cette pensée. Cf. S. Augustin, De doctr. christ., iii, 27, t. xxxiv, col. 80. Ainsi Jérémie, ix, 23-24, dit qu’il ne faut pas se glorifier d’être sage, fort ou riche, mais seulement de connaître Dieu, et saint Paul en tire cette conclusion : « Comme il est écrit, que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur. » I Cor., i, 31. Il cite la parole du Deutëronome, xxv, 4 : « Tu ne muselleras pas le bœuf qui foule le grain, » et, par voie de raisonnement, en conclut que l’Apôtre a le droit de vivre aux frais de ceux qu’il évangélise. I Cor., ix, 9-12. Ailleurs, il rappelle le même texte, et, sans faire de raisonnement, tire de suite la conclusion : « L’ouvrier mérite son salaire. » I Tim., v, 18. On voit que, dans ces deux derniers cas, il conclut a fortiori, du moins parfait au plus parfait. Ce que fait saint Pau] pour les textes de Jérémie et du Deutéronome, peut se répéter pour beaucoup d’autres. Quand le roi Joram, à la vue de la disette qui affligeait Samarie, s’écrie tout d’un coup : « Que Dieu me châtie, si la tête d’Elisée reste aujourd’hui sur lui ! » IV Reg., vi, 31, il s’ensuit qu’il regardait le prophète comme responsable des malheurs qui arrivaient. Quand Marie dit aux serviteurs de Cana : « Faites tout ce qu’il vous dira, » Joa., ii, 5, il en faut conclure qu’elle s’attend à ce que Notre-Seigneur fasse quelque chose pour répondre à la remarque qu’elle lui a adressée. Les Juifs tiraient des sens conséquents absolument illogiques et illégitimes de différents textes : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même, » Lev., xix, 18 ; « Tu enseigneras ces choses à ton fils et au fils de ton fils, » Exod., x, 2, etc., quand ils s’appuyaient sur ces textes pour prétendre qu’on devait haïr celui qui n’était pas le prochain, c’est-à-dire l’étranger, qu’il ne fallait pas apprendre la Loi aux filles, etc.

II. Tout texte sacré a. un sens littéral propre ou figuré. — 1° Ce point n’a pas été toujours admis. Origène, qui distinguait dans le texte sacré l’âme et le corps, c’est-à-dire le sens spirituel et le sens littéral ou obvie, irpo’xEtpoM, dit que « certains textes n’ont pas du tout de sens littéral » et que, dans quantité de passages, « il n’y a qu’une histoire fictive, qui n’est pas arrivée littéralelement, » « des faits qui ne se sont pas produits selon la lettre, s II cite des exemples : la promenade de Dieu dans le paradis, la fuite de Caïn de devant la face de Dieu, les lois mosaïques sur la prohibition de manger certains animaux, sur la défense de faire du chemin le jour du sabbat, etc., les recommandations de l’Évangile, qui défendent aux Apôtres de saluer en route, etc., certaines sentences comme celle-ci : « Des épines naîtront dans la main de l’ivrogne. » Prov., xxvi, 9 ; Origène, De princip., iv, 11, 12, 16-18, t. xi, col. 375, 376. Il est clair que, parmi les exemples apportés par cet auteur pour appuyer son affirmation, quelques-uns se réfèrent à des passages mal compris, mais la plupart visent d’autres passages qui ont un vrai sens littéral, sinon propre, du moins figuré. — 2° Saint Jérôme paraît avoir une idée analogue à celle d’Origène, quand à propos de la seconde circoncision.du peuple prescrite à Josué, Jos., v, 2j il observe qu’un homme ne peut être circoncis deux fois et que par conséquent ce passage n’a pas de sens littéral. S. Jérôme, Gont. Jovin., i, 21, t. xxiii, col. 239. Il oublie ce qu’ajoute le texte sacré, que personne n’avait été circoncis au désert et que tous ceux qui avaient reçu la circoncision en Egypte étaient morts. Jos., v, 4, 5. Il tire une conclusion semblable du cas d’Abisag, la Sunamite, amenée à David. III Reg., i, 3, 4. S. Jérôme, Epist., lxx, Ad Nepotian., 2, 3, t. xxii, col. 527, 528. D’autres ont également conclu à l’absence de sens littéral dans les passages où ce sens leur paraissait inacceptable. Cf. S. Ambroise, Expos, evang. Luc, v, 94, 95,

t. xv, col. 1661 : « Si la forme du sens simple répugne, cherchons la figure spirituelle ; » Cassien, Collât, pair., vm, 3, t. xlix, col. 725 : « Si certains passages ne sont pas atténués par une explication allégorique et fondus au creuset du feu spirituel, ils sont plus nuisibles qu’utiles, » et il cite l’exemple de moines qui, prenant à la lettre la parole du Seigneur, Matth., x, 38, portaient sur leurs épaules des croix de bois et faisaient rire d’eux. Dans la pensée de ces Pères, ce n’est pas, en somme, le sens littéral qu’il faut parfois exclure au profit du sens spirituel, mais le sens propre au profit du sens figuré. La chose est manifeste chez Nicolas de Lyre, Prol. 3 ad postill. Biblior., t. cxiii, col. 34, qui, après avoir écrit : « Parfois l’Écriture n’a pas, à proprement parler, de sens littéral, » apporte comme exemple l’apologue de Joatham, Jud., IX, 845, qui n’a pas de sens propre, mais a certainement un sens figuré.

— 3° En réalité, les Pères sont expressément opposés à la conception d’Origène, visiblement influencé sur la question par l’allégorisme de Philon. D’après saint Jérôme, In Is., xiii, 19, t. xxiv, col. 158, « il faut avant tout chercher et établir l’intelligence des mots de la Sainte Écriture, parce que l’interprétation spirituelle doit se conformer à l’ordre de l’histoire. » Saint Augustin réprouve ceux qui, dans les récits du déluge, pensent que rien de cela n’est arrivé, mais qu’il n’y a là que des figures de mots, De civ. Dei, xv, 27, t. xli, col. 474, et ailleurs, il dit : « Nous avertissons et, autant qu’il est en nous, nous prescrivons que, quand vous entendez un récit mystérieux de la Sainte Écriture, vous admettiez tout d’abord que la chose s’est passée comme elle est racontée, car, faute de cette base historique, c’est en l’air que vous chercheriez à bâtir. » De tent. Abrah., Serm., ii, 7, t. xxxviii, 30. Saint Grégoire le Grand, Moral., i, 37, t. lxxv, col. 554, ne veut pas que, pour élever l’âme au sens spirituel, on s’écarte du respect dû à l’histoire. Saint Thomas, Quodlib., vii, q. vi, a. 16, formule ainsi la vraie règle : « Le sens spirituel repose toujours sur le sens littéral et en procède. » — 4° Cette règle est fondée sur la nature même des choses. Bien qu’écrivant sous l’inspiration de l’Esprit de Dieu, l’écrivain sacré se sert d’un langage humain, qui doit être intelligible à ceux qui l’entendent ou le lisent. Sans doute, il n’est pas nécessaire que l’auteur ou l’auditeur saisissent toute la portée de la pensée divine ; mais la parole de Dieu se doit à elle-même d’avoir un sens humain, puisqu’elle s’adresse à des hommes, et, du moment que la personnalité de l’écrivain n’est pas absorbée par le divin Inspirateur, il faut que cette personnalité accuse sa coopération, non par la simple transcription de phrases inintelligibles, mais par la rédaction intelligente de pensées exprimées pour être comprises. C’est ainsi que procède Notre-Seigneur, quand il déclare qu’il parle en paraboles, pour qu’en entendant, on ne comprenne pas. Matth., xiii, 13. Le sens supérieur et profond de ses récits échappera à ses auditeurs ; il n’en restera pas moins, à l’usage de ces derniers, un sens littéral merveilleusement net. D’autre part, si quelques passages n’avaient vraiment pas de sens littéral, ou bien ils seraient inintelligibles, comme certains versets de la traduction latine des Psaumes, ou bien le sens appelé spirituel serait lui-même le sens littéral, ou enfin il serait impossible de saisir l’analogie indispensable qui doit exister entre ce que dit un auteur et ce qu’il veut dire. Il faut noter aussi que, le sens littéral une fois sacrifié pour certains passages, ce serait la ruine de tout argument tiré des Saintes Écritures ; car c’est seulement du sens littéral propre que l’on peut faire sortir une preuve théologique, à l’exclusion même du sens spirituel. Cf. S. Augustin, Epist. xciii, Ad Vincent. , viii, 24, t. xxxiii, col. 334 ; S. Thomas, Summ. theol., I a, q. i, a. 10, ad 1. Ce dernier ajoute : « . Rien de nécessaire à la foi n’est contenu dans un sens spirituel,

sans que l’Écriture ne l’exprime clairement quelque part sous forme de sens littéral. » Si donc on pouvait nier l’existence du sens littéral dans tel ou tel passage, les hérétiques ne manqueraient pas d’exciper de cette possibilité pour nier la force probante de tous les textes qui les gêneraient.

III. Il n’existe pas de double sens littéral dans les textes sacrés. — 1° Saint Augustin, en divers endroits de ses écrits, a admis la possibilité de plusieurs sens littéraux pour les textes sacrés. -Il pense que les différentes explications données de Gen., i, 1, peuvent porter sur des sens également littéraux. Confess., xiii, 31, t. xxxii, col. 844. « Quand les mêmes paroles de l’Écriture, dit-il, sont entendues non seulement d’une seule manière, mais de deux ou davantage, même si l’on ignore comment les entend celui qui les a écrites, il n’y a pas d’inconvénient si, d’après d’autres passages des Saintes Écritures, on peut montrer que chacun de ces sens est conforme à la vérité. » De doctr. christ., iii, 27, t. xxxiv, col. 80. Il ajoute, au paragraphe suivant, qu’il est possible que, parmi ces sens multiples ne se trouve pas celui que l’auteur sacré a eu en vue, et il confesse que vouloir les déterminer sans le secours d’autres passages de la Sainte Écriture constitue une. pratique dangereuse. Il avait dit précédemment, De doctr. christ., iii, 4, col. 68 : « Quand il s’agit des livres des divines Écritures, il est très rare et très difficile que l’ambiguité se rencontre dans les termes propres, in propriis verbis, sans qu’on puisse la lever à l’aide du contexte. » Le saint docteur n’est donc pas très affirmatif. Il propose son système comme plus respectueux, religiosius, pour le texte sacré. Confess., xiii, 31, col. 844. Il ne lui reste même pas toujours fidèle. Expliquant le passage de l’Exode, iii, 1-6, dans lequel celui qui apparaît à Moïse sur l’Horeb est appelé tantôt l’ange de Jéhovah et tantôt Jéhovah lui-même, il laisse l’audieur libre de choisir l’une ou l’autre des deux appellations, qui pourtant, à ses yeux, devraient être également littérales et maintenues au même titre. Serm., vii, 5, t. xxxviii, col. 63. — 2° Saint Thomas, Summ. theol., I », q. I, a. 10, s’appuie sur saint Augustin pour établir qu’au point de vue littéral plusieurs sens peuvent se trouver dans la lettre de l’Écriture. Selon lui, « toute vérité appartient au sens de la divine Écriture, quand elle peut s’adapter à l’expression de la lettre. » De potent. , q. iv, a. 1. Il n’est pas démontré cependant que saint Thomas ait admis sans restriction la théorie de saint Augustin. Bon nombre de théologiens ont suivi saint Thomas et ont soutenu qu’au moins certains textes ont un double ou un multiple sens littéral. Bonfrère, qui les cite, Prseloq. in S. S., dans le Ctirs. conipl. S. S. de Migne, Paris, 1839, col. 211-214, prétend que cette pluralité de sens littéraux est toute à l’honneur de la sagesse divine, qu’elle prouve la profondeur et la fécondité des Saintes Écritures et qu’enfin elle est supposée par l’exégèse des auteurs sacrés du Nouveau Testament. Le Hir, Etudes bibliques, Paris, 1869, t. i, p. 81-83, admet un double sens littéral dans certaines prophéties. Parfois, dit-il, « le texte nous met sous les yeux deux objets faits sur le même modèle, et les dessine tous deux en même temps. C’est une question débattue entre les orthodoxes, et qui n’intéresse point l’apologie chrétienne, mais seulement la rigueur du langage théologique, de savoir si, dans les prophéties à double objet, on peut dire que les mêmes paroles les embrassent tous les deux dans leur sens immédiat et littéral, ou bien si l’un des deux objets n’est atteint que dans le sens spirituel. Les plus graves écrivains de notre temps se prononcent assez fortement contre la prétention de donner deux sens littéraux à la même phrase… Cependant, n’est-ce pas la lettre même d’une prophétie, qui, par la magnificence, l’emphase et l’exagération de ses termes, vous avertit de regarder plus loin que l’objet

immédiat et prochain ? Et pourquoi ce sens ne sera-t-il pas appelé littéral, s’il est iondé sur la lettre même ? » Cette admission d’un double sens littéral a pour but’de donner à certaines prophéties une valeur dogmatique plus indiscutable. Mais, dans les oracles à double objet, il est toujours possible de restreindre le sens littéral tantôt à l’objet prochain, en réservant le sens spirituel pour l’objet éloigné, tantôt à ce dernier, quand par leur ampleur, les traits de la prophéties deviennent inapplicables au premier, D’ailleurs ce n’est pas seulement le sens littéral qui « est fondé sur la lettre même », c’est aussi le sens spirituel, comme l’enseigne expressément saint Thomas dont nous avous reproduit plus haut la formule. — 3° On est d’accord aujourd’hui pour admettre qu’il n’y a pas de double sens littéral dans la Sainte Écriture. De même, en effet, qu’un homme qui parle ou qui écrit pour énoncer sa pensée ne donne qu’un sens littéral à sa parole, ainsi le Saint-Esprit, en se servant du langage humain selon les règles propres à ce langage, ne peut-il vouloir exprimer littéralement qu’une seule idée avec les mêmes mots. La pluralité des sens littéraux n’apparaît donc pas comme une conséquence de la sagesse divine, ni comme une prérogative des textes sacrés. EJle ne ferait au contraire qu’engendrer contusion et ne servirait qu’à égarer celui qui, en possession du vrai et légitime sens littéral perdrait sa peine et son temps à en chercher d’autres. L "autorité de saint Augustin, seul de son avis parmi les Pères, n’a déterminé aucun courant traditionnel en faveur de l’idée qu’il préconise, et celle de saint Thomas, assez peu afflrmatif sur la question, a contre elle le témoignage très catégorique des anciens scolastiques, Alexandre de Halès, saint Bonaventure, Albert le Grand, etc., sur l’unité du sens littéral. Cf. Patrizi, De interpret. Biblior., Rome, 1876, p. 35-38. Le double sens littéral constituant une dérogation importante aux règles ordinaires du langage humain, il faudrait de graves et nombreuses autorités pour en justifier l’existence ; or, on le voit, ces autorités font défaut. — 4° On ne peut tirer de la pratique des auteurs sacrés eux-mêmes une preuve en faveur de l’existence du double sens littéral. Ce qu’on présente quelquefois comme un second sens littéral, n’est qu’un sens conséquent compris dans le premier et en découlant naturellement. Ainsi le texte d’Isaïe, Lin, 4 : « Il a porté nos souffrances et s’est chargé de nos douleurs, » qui s’applique au mal de l’ordre moral, au péché, est cité par saint Matthieu, viii, 17, à propos des guérisons opérées par Notre-Seigneur, parce que la maladie est une conséquence directe du péché. Le texte du Psaume ii, 7 : « Tu es mon Fils, aujourd’hui je t’engendre, » est cité dans le sens littéral, Heb., i, 5, et ailleurs dans le sens conséquent du souverain sacerdoce reçu du Père, Heb., v, 5, ou de la résurrection. Act., xiH, 33. Les paroles de Daniel, ix, 27, sur l’abomination de ]a désolation dans le lieu saint sont appliquées par Notre-Seigneur à la période qui précédera la ruine de Jérusalem. Matth., xxiv, 15. C’est là leur sens littéral. En disant qu’Antiochus établit sur l’autel de Dieu une idole, abomination de la désolation, l’auteur du premier livre des Machabées, I, 57, se réfère simplement à d’autres passages de Daniel, xi, 31 ; xii, 11, dans lesquels la même expression est employée à propos des persécutions dont le peuple d’Israël sera l’objet de la part des princes idolâtres. Voir Abomination de la désolation, t. i, col. 70. Quand le Sauveur dit aux Juifs : « Détruisez ce temple, >> Joa., ii, 19-21, ceux-ci croient qu’il s’agit du temple de Jérusalem, tandis que Jésus parle de son corps. Il n’y a pas là de double sens littéral, bien que la phrase soit à dessein énigmatique. « Ce temple » ne désigne pas nécessairement le temple de Jérusalem, et, dans la pensée du Sauveur, alors obscure pour tous les auditeurs, « ce temple » est son corps et pas autre chose. Enta, les paroles de Caïphe : « Il est

avantageux qu’un homme menfe pour le peuple, » Joa., xi, 50, sont vraies et n’ont qu’un seul sens littéral, celui qu’énoncent les mots. Saint Jean remarque que Caïphe ne les proféra pas de lui-même, mais que, en sa qualité de pontife, il prophétisa que Jésus mourrait pour son peuple. La mort rédemptrice du Sauveur est donc le sens littéral inspiré par l’Esprit-Saint ; mais Caïphe ne se rend pas compte de toute la portée de sa sentence et, par ignorance et malice, ne voit dans la mort du Sauveur qu’un moyen de se concilier la faveur des Romains, tandis qu’elle est destinée à concilier à l’humanité la faveur de Dieu. — 5° Parfois les Pères ont assigné à certains textes des sens assez divers. Ainsi dans les mots in principio qui commencent la Genèse, ils voient soit l’indication de temps assez différents, soit l’affirmation du rôle du Verbe dans la création. Les paroles d’Isaïe, lui, 8 : « Qui racontera sa génération ? » sont appliquées par eux soit à la génération éternelle, soit à la génération temporelle, soit à l’une ou à l’autre ou même ni à l’une ni à l’autre. Ces divergences n’impliquent nullement la pluralité des sens littéraux ; elles montrent seulement que tous les Pères n’ont pas toujours fixé avec précision le vrai sens littéral de certains passages. Souvent, du reste, les sens multiples qu’ils assignent ne sont que des sens conséquents ou implicitement et nécessairement compris dans le sens littéral. Ainsi les paroles de Notre-Seigneur : « Sur cette pierre je bâtirai mon Église, » Matth., xyi, 18, indiqueraient comme pierre fondamentale de l’Église soit le Christ, soit Pierre, soit la foi de Pierre, soit même la profession publique de cette foi. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Malth., Paris, 1893, t. ii, p. 54-60. Il n’y a pas là quatre sens littéraux présentés comme possibles, mais seulement quatre conditions constitutives du rôle de Pierre : l’Apôtre n’est la pierre fondamentale de l’Église qu’autant qu’il est uni à Jésus-Christ, fondement essentiel de l’édifice, et qu’il reconnaît, par une foi intime et explicite, qu’il n’agit que par la puissance du divin Maître. — Il n’y a donc pas de raison pour admettre que, dans les Saintes Écritures, Dieu ait voulu contrevenir aux lois ordinaires du langage, en exprimant par les mêmes mots plusieurs idées à entendre au sens littéral. — Sur la recherche du sens littéral, voir Herméneutique, t. iii, col. 612-627.

— Cf. Reithmayr, Lehrbuch des biblisehen Hertneneutik, Kempten, 1874, p. 36 ; Ch. Beelen, Dissert, theolog. qua sententiam… multiplicem interdum litteralem nullo fundamento niti, Louvain, 1845 ; Vigouroux, Manuel biblique, 11e édit., t. i, p. 274 ; Gilly, Précis d’introduction à l’Ecrit. Sainte, Nîmes, 1868, t. ii, p.11-33 ; Cornely, Introductio generalis, Paris, 1885, t. i, p. 513529 ; Trochon, / « frai. sréwé » ’ate, Paris, 1886, 1. 1, p. 506-513.

H. Lesêtre.
    1. LITURGIE##

LITURGIE (XsiToupyt’a ; Vulgate : officium, ministerium). Ce mot désigne, chez les Grecs, une charge, une lonction publique. Dans le langage biblique, le seul dont nous ayons â nous occuper ici, XeiTOup-f’a correspond au mot hébreu rrnsr, ’âbôdâh, qui se dit du ministère des prêtres remplissant leurs lonctions sacerdotales, Num., viii, 22 ; xvi, 9, etc., XsiToypY£ÏVTrjV XeeToup-pav, comme traduisent les Septante. Le ministère sacerdotal que remplit Zacharie dans le temple de Jérusalem est appelé par saint Luc, I, 23, XeiToupYia (Vulgate : offichcm). Saint Paul désigne sous le nom de t « <7xrJ7] ttiç Xsitoup-Yt’a « (Vulgate : vasa ministerii), Heb., îx, 21, tout ce qui sert aux prêtres pour l’oblation des sacrifices et, Heb., viii, 6, il applique au ministère sacerdotal du Christ l’expression de Xeiroupyïa (Vulgate : ministerium). Jésus-Christ, en tant que prêtre, est rûv àymv XeiTovp-Y <5ç, sanctorum minister. Heb., 7111, 2. Saint Paul se qualifie lui-même, Rom., xv, 16, Xenoufiyàv’Ir ( CToO XptutoO ei ; Ta e’Ovt), minister Christi Jesu in gentibus, comprenant sous ce terme ses fonctions sacerdotales et

apostoliques. Cet emploi restreint de XEitoup-fôç et de XeiTovpYi’a n’exclut pas d’ailleurs, çà et là, le sens plus général de ministre, Rom., xiii, 6 ; Heb., i, 7 ; Phil., ii, 25, et de ministère de bienfaisance et de charité. II Cor., ix, 17 ; Phil., ii, 30 ; cf. Rom., xv, 27. — Le verbe Xetto’jpfÉw, minwtrare, a pris naturellement dans le Nouveau Testament une signification analogue à celle de XsiTOvpyia et de Xerroup-yii ; . Les Septante, dans leur version, l’avaient déjà appliqué au ministère sacerdotal etlévitique. Exod., xxviii, 35, 43 ; xxix, 30 ; Num., xviH, 2 ; Ezech., xl, 46, etc. ; cf. Heb., x, 11. Dans les Actes, xm, 2, XstTO’jpYO’JVTwv fie avTôv ™ Kupsw, ministrantibus autem Mis Domino, est dit des fonctions sacerdotales des prêtres de la loi nouvelle, c’est-à-dire de Poblation du sacrifice eucharistique. « L’addition tû Kupt’w détermine ici (le sens de XstToupyoïlvcwv) et lui donne la signification précise de célébrer le service divin. » A. Legendre, L’Église naissante et l’Eucharistie, in-8°, Angers (1902), p. 10. Cf. Beelen, Comment, in Acta Apostolorum, Louvain, 1864, p. 324. L’Écriture ne nous a pas conservé les prières qui accompagnaient la célébration des saints mystères, mais nous en trouvons les formules les plus anciennes dans la Doctrina duodecim Apostolorum. ix-x, édit. Harnack, in-8°, 1884, p. 28-36. — Plus tard le terme de « liturgie » a reçu des acceptions particulières et diverses qu’il n’y a pas lieu d’exposer ici, parce qu’elles ne sont pas bibliques.

1. LIVRE, ouvrage d’esprit. Les questions relatives à la matière et à la forme extérieure des manuscrits anciens de la Bible, à leur disposition intérieure, à leur étendue, à leurs conditions diverses d’existence et de durée, ne sont point une simple affaire de curiosité archéologique ; elles intéressent aussi, quelquefois très gravement, la critique et l’exégèse et ont même leur contre-coup sur l’histoire de la révélation. Nous réunirons dans ce travail, en nous tenant autant que possible sur un terrain exclusivement biblique, les notions les plus nécessaires à l’étude de l’Écriture.

I. Définitions. — 1° Le mot « livre » en hébreu. — Le .mot nso, sêfér, employé 182 fois dans l’Ancien Testament,

signifierait, selon l’étymologie reçue, « ce qui est poli, frotté, « c’est-à-dire « surface aplanie en vue de recevoir un écrit ». Cette.dérivation est très incertaine. Le verbe -sd, sâfar, aux modes personnels, veut dire simplement

— T

t< compter » et le participe nsto, sôfér (48 fois), ou bien

n’est qu’un dénominatif de nso ou bien se rattache lui

aussi à la signification ordinaire de « compter ». D’ailleurs l’étymologie importe peu ; il suffit de savoir qu’on appelle nsD la moindre feuille volante : une lettre,

II Sam., xi, 14, 15 ; II Reg., v, 5 ; x, 17 ; xx, 12 ; Is., xxxix, 1 ; Jer., xxix, 1, un contratde vente ou d’achat, Jer., xxxii, 10-12, un acte d’accusation, Job, xxxi, 35, le libellus vepudii qu’on devait remettre à la femme divorcée, Deut., xxiv, 1, 3, un document quelconque. Jos., xviii, 9 ; I Sam., x, 25 ; Esther, ii, 23. Ce mot a par exception le sens d’écriture dans Dan., i, 4 ; mais le sens habituel est celui de rouleau écrit quelle qu’en soit la longueur.

2° Le mot « livre » en grec et en latin. — Liber, ainsi que fliëXoç ou fJu6Xo ; , désignait primitivement l’écorce intérieure de certains arbres, comme le frêne, le hêtre et le tilleul, écorce dont on se servait pour écrire, faute de matériaux plus convenables. Ces noms furent ensuite appliqués par extension à la moelle du papyrus qu’on se représentait comme une série de pelures superposées. Plus tard on appela liber, fJîëXoç, le rouleau de papyrus chargé d’écriture ; le papyrus non écrit était appelé charta, xiptr] ?- Le diminutif ftiëXi’ov se disait d’abord des écrits de peu d’étendue (comme libellus) des lettres par exemple ; mais dans la suite il devint tout à fait synonyme de pî6Xos. — Dans les Septante et

la Vulgate piëXsov ou pfëXoç et liber prennent naturellement le sens correspondant de l’hébreu isd. L’usage du

Nouveau Testament n’a de particulier que l’expression livre de vie, Apoc. (6 fois) ; Phil., iv, 3 ; et le diminutif piëXapîSiov. Apoc, x, 2, 9, 10.

II. Substances anciennement employées pour écrire. — 1° Matériaux divers. — 1. De tout temps on a cherché à éterniser la mémoire des grands événements en les écrivant sur le plus durable des matériaux, la pierre. Cf. Job, xix, 24. Cet usage était fréquent en Egypte, en Chaldée et en Assyrie. Le décalogue était gravé sur des tables de pierre, Ex., xxiv, 12 ; xxxi, 18 ; xxxii, 15-19 ; Deut., iv, 13 ; ix, 10 ; x, 4 ; mais il est probable que le Deutéronome fut simplement tracé sur de grandes dalles de pierre enduites de chaux. Deut., xxvil, 2-8 ; Jos., viii, 32. — 2. Le métal a servi pour le même but. On sait qu’à Rome les lois et les traités étaient gravés sur le bronze. Cf. I Mach., viii, 22-29 ; xiv, 26. Les diplômes militaires des vétérans, dont on possède encore une centaine d’exemplaires, étaient écrits sur deux tablettes d’airain reliées par des anneaux. On employait surtout le plomb pour des usages superstitieux : à Dodone, questions adressées à l’oracle ; ailleurs, formules magiques, exécrations, etc. Pausanias, IX, xxxi, 4, raconte qu’on montrait à Hélicon les œuvres d’Hésiode gravées sur plomb ; mais cet usage littéraire n’a pu être que très exceptionnel. — 3. Les Chaldéens et les Assyriens nous onf laissé de véritables bibliothèques d’argile. On écrivait au poinçon les tablettes récemment pétries, puis on les cuisait au four, enfin on les empilait selon leur numéro d’ordre comme les feuillets d’un livre. Pour les lettres et les contrats, on recouvrait la tablette une fois cuite d’une mince enveloppe d’argile, sur laquelle on gravait soit l’adresse du destinataire soit le résumé de l’acte avec le nom des témoins et on soumettait le tout à une nouvelle cuisson. Il n’est guère douteux que les Juifs n’aient connu ce mode d’écrire, puisqu’il était universellement usité en Palestine et dans tout l’Orient vers l’époque de l’Exode, comme le prouve la trouvaille de Tell el-Amarna. Cependant on n’en voit dans la Bible d’autre vestige que la brique où Ézéchiel, IV, 1-2, trace le plan de l’investissement de Jérusalem. — 4. Les tablettes de buis ou d’ivoire enduites de cire étaient très communes en Grèce et en Italie pour les notes, les comptes et la correspondance. Parfois on en réunissait deux ou plusieurs ensemble de manière à former une espèce de livre. L’exemple de Zacharie nous montre qu’elles étaient usitées en Palestine au temps de J.-C. Luc, i, 63. — La Bible n’offre pas trace des divers matériaux employés encore de nos jours en certains pays : écorces d’arbres, feuilles de palmier, planchettes de bois, tissus. Les écrite inspirés nous ont été transmis exclusivement dans des livres de cuir, de papyrus, de parchemin ou de papier.

2° Peau préparée, cuir. — En dehors de l’Egypte, où le papyrus remonte aux origines, et de la Chaldée, qui connut de tout temps ses livres d’argile, la plupart des peuples anciens se servaient pour écrire de peaux préparées. Diodore de Sicile rapporte, sur la foi de Ctésias, que les livres sacrés des Perses ne remplissaient pas moins^de 1 200 peaux de bœuf. Diodore, ii, 32. Hérodote Jv, 58, affirme que de son temps encore les barbares continuaient à écrire sur des dépouilles d’animaux et que les Ioniens appelaient les rouleaux de papyrus SiopOépai, « peaux, » parce qu’autrefois ils se servaient de peaux pour écrire. Strabon, xx, 1, mentionne, d’après Nicolas de Damas, une lettre écrite sur peau, adressée par les Indiens à l’empereur Auguste. — Le peuple juif, dont l’Egypte était le berceau et qui entretint toujours avec l’empire des Pharaons des rapports de commerce et de voisinage, ne put ignorer l’usage du papyrus. Nul doute qu’il ne l’ait employé pour les écrits ordinaires. Le livre dicté à Baruch par Jérémie et que le roi Joakim, après

en avoir entendu lire deux ou trois colonnes, déchira et jeta dans un réchaud allumé était certainement un rouleau et très probablement de papyrus. Jer., xxxvi, 21-23. Mais pour les écrits sacrés, regardés comme tels, il semble que l’usage le plus ancien ait exigé l’emploi de peaux travaillées. L’exemplaire de la Thora envoyé à Ptolémée Philadelphe par le grand-prêtre Éléazar était écrit en lettres d’or sur des peaux (SiçOépat) dont le pharaon admira la finesse et l’agencement. Josèphe, Antiq. jud., xii, 2. Du reste, cette coutume s’est maintenue jusqu’à nos jours, comme il est aisé de le constater par l’examen des livres liturgiques hébreux déposés dans les principales bibliothèques. — À proprement parler, la matière employée par les Juifs pour les rouleaux des synagogues n’était pas le parchemin, mais un cuir véritable que le Talmud appelle gevil (Sm) et la Mischna simplement peau (i"iy). Le parchemin leur était connu et ils en distinguent deux espèces, le qelaf (^b-) et le doxostos (dtddiddvj), mot évidemment dérivé du grec, mais d’une étymologie incertaine. On se sert du parchemin pour les phylactères et on peut s’en servir pour les megilloth. Sur les passages du Talmud relatifs à ces matériaux et sur les règles à suivre pour le choix et l’assemblage des peaux destinées à former un rouleau sacré, voir Blau, Studien zum althebr. Buchwesen, Strasbourg, 1902, p. 22-29.

3° Papyrus. — Bien que les papyrus les plus anciens parvenus jusqu’à nous ne remontent probablement pas

104. — Scribe accroupi Musée du Louvre

au delà de trois mille ans avant J.-C, nous pouvons affirmer avec certitude que le papyrus était connu bien auparavant. Le signe hiéroglyphique du rouleau de papyrus, ^h>, pour désigner le livre, la science et les idées abstraites, paraît aussi ancien que l’écriture elle-même et on le trouve représenté dans les peintures et les sculptures des époques les plus reculées. On voit au Musée du Louvre un scribe accroupi de la cinquième dynastie déroulant sur ses genoux un livre en tout pareil à ceux que les tombeaux égyptiens nous ont livrés (fig. 104). Ce n’est pas ici le lieu de décrire la fabrication du papyrus. Pendant de longs siècles l’Egypte en eut le monopole. Plus tard elle l’exporta dans le monde civilisé par l’intermédiaire des Phéniciens. La Grèce ne l’adopta qn’au vi siècle avant notre ère. Auparavant on écrivait peu en

pays grec. Les poésies se transmettaient oralement et il suffisait d’une copie d’Homère sur peau ou sur bois pour chaque école d’aèdes. Hésiode, d’après Pausânias, IX, xxxi, 4, était gravé sur plomb, comme on l’a dit plus haut. Les compositions en prose des logographes, des historiens et des philosophes, ne pouvant pas aisément s’apprendre par cœur, firent la fortune du papyrus. Au Ve siècle, il se vendait à Athènes, très cher encore, sous le nom de z « pfr) ; (papyrus non écrit) qu’il gardera. Après la fondation d’Alexandrie, l’exportation du papyrus prit une nouvelle extension et il devint d’un usage général pour toutes les œuvres littéraires. C’est ce qui explique l’erreur de Varron et de Pline qui en fixent la [découverte à cette époque. Une fois adopté par les peuples civilisés comme matière à écrire, le papyrus régna sans rival. Le parchemin, malgré ses incontestables avantages, ne réussit que très lentement à le détrôner. Pratiquement, jusqu’au iv « siècle de notre ère, tous les ouvrages littéraires sont écrits sur papyrus. Quand la récolte de papyrus était mauvaise en Egypte, le commerce de la librairie était en souffrance dans le monde entier. Pline, R. N., xiii, 13. Nous pouvons supposer avec grande probabilité que les originaux de tous, les livres du Nouveau Testament ont été écrits sur papyrus et c’est ce qui explique leur disparition rapide. Saint Paul prie Timothée de lui rapporter de Troade les livres et surtout les parchemins ((j.eu.ëpàvaç) qu’il y a laissés, II Tim., iv, 13 ; mais saint Jean, quand il parle de lettre à écrire, ne songe qu’au papyrus. II Joa., 12. Or, les rouleaux de papyrus s’usaient assez vite : on. regardait comme très anciens les rouleaux de deux ou trois cents ans. L’usure était bien plus rapide pour les volumes souvent déroulés, tels que les livres canoniques. Aussi n’est-il resté des manuscrits bibliques des trois premiers siècles de notre ère que de rares et courts fragments, échappés comme par miracle à la destruc tion du temps.

4° Parchemin. — Suivant la tradition, le parchemin est originaire d’Asie Mineure, comme le papyrus d’Egypte. Cette tradition, il est vrai, nous arrive escortée de détails controuvés. Au dire de Pline, qui s’appuie sur Varron, lorsque Eumène II (197-158 avant J.- C.), roi de Pergame, eut décidé la fondation d’une grande bibliothèque rivale de celle d’Alexandrie, Ptolémée, pris de

| jalousie, interdit l’exportation du papyrus sur les côtes asiatiques. Eumène fut donc obligé de se rejeter sur d’autres matériaux et de là naquit l’invention du parchemin. Pline, H. N. t xiii, 68. Saint Jérôme fait allusion à cette histoire, mais il substitue Attale à Eumène. Epist., vii, Ad Chromât., t. xxii, col. 339. Cependant le nom de parchemin, pergamena charta, évidemment emprunté au lieu d’origine, ne se rencontre pas, ce semble, avant un édit de Dioclétien de l’an 301. — Le perfectionnement ou, si l’on veut, l’invention attribuée aux rois de Pergame consistait en ceci : la peau au lieu d’être tannée, était d’abord débarrassée de ses poils, corrodée par la chaux, puis frottée et polie à la pierre ponce. — L’invention des Attales trouva d’abord peu de faveur auprès du public, des écrivains et des libraires. Le parchemin, fit concurrence aux tablettes de cire, mais non au papyrus, considéré toujours comme une matière noble, distinguée. Pas un des livres retrouvés à Herculanum, où ils étaient ensevelis depuis l’éruption de l’an 79 de notre ère, n’est en parchemin. Ce nouveau produit ne servit guère d’abord que pour les comptes, les brouillons, les. lettres familières, enfin pour les exemplaires qu’on voulait emporter en voyage. On l’employait aussi comme étui des rouleaux en papyrus (pœnuto, ?aivôlT|ç ou <paclo’vr ( ç) et comme étiquette extérieure (index, metnbranula, ffîlluëoî). Ce ne fut guère qu’au IVe siècle que l’usage en devint général. Pratiquement sa diffusion coïncide avec la victoire du christianisme et ce furent les chrétiens qui, les premiers, l’employèrent en grand pour les.

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FRAGMENT ATTRIBUÉ À HYPERIDE (Papynu CXXI

œuvres littéraires. Toute la bibliothèque de saint Maxime de Césarée, contenant entre autres ouvrages les écrits d’Origène, était encore en papyrus. Comme cette matière se détériore facilement, deux prêtres de Césarée, Acacius et Euzbïus, la firent transcrire sur parchemin. Sur l’ordre de Constantin, Eusèbe fit préparer cinquante exemplaires des Livres Saints écrits sur parchemin pour les églises de Constantinople. À partir de ce moment, le papyrus ne servit plus guère pour }a transcription de la Bible ; et quand les Arabes, au vne siècle, envahirent l’Egypte, le papyrus ne fut plus employé que par la chancellerie pontificale. Les papes continuèrent à en faire usage pour leurs bulles jusqu’au xie siècle.

5° Papier. — Dès l’antiquité la plus reculée, les Chinois ont connu le papier de riz, et les Espagnols, lors de la conquête de l’Amérique, trouvèrent les Mexicains en possession d’un papier indigène, fait d’agave. On s’accorde assez généralement à regarder les Arabes comme les inventeurs du papier dont nous nous servons aujourd’hui, mais la question du temps et du lieu de l’invention n’a jamais été tirée au clair. Ce que l’observation microscopique permet d’affirmer aujourd’hui, c’est que le premier papier était fait de lin ou de chiffons et non de coton, comme on l’avait cru longtemps. Il ne faut donc pas se fier aux mentions de charta bombycina, gossypina, cuttunea, xylina, qu’on trouve fréquemment dans les anciens catalogues et répertoires bibliographiques. Wattenbach regarde comme très probable que toutes ces appellations dérivent par erreur de charta bambycina (fabriquée à Bambycé). Des Arabes, le papier passa en Espagne (Jativa, Valence, Tolède) et en Italie (Fabriano dans la marche à l’Ancône, Padoue, Trévise), puis en France et en Allemagne. Au Xe siècle il était commun, mais on ne s’en servait guère poui*^ la transcription des Livres Saints ; et, au milieu du xv « siècle, au moment de l’intention de l’imprimerie, il était loin d’avoir supplanté le parchemin. Son importance au point de vue de la critique biblique est donc assez restreinte. Il ne peut servir à déterminer l’époque des manuscrits ; il ne donne pas non plus d’indication précise sur leur origine. En eflet, il est difficile de distinguer la provenance du papier, car dès cette époque il était exporté au loin et les marques célèbres étaient souvent contrefaites.

III. Forme des livres anciens. — La lorme qu’affecte le livre chez les divers peuples dépend principalement de la matière employée pour écrire. Là où l’on se sert d’olles ou feuilles de palmier, d’écorces d’arbre, de planchettes de bois, on taille ces sortes de pages sur un même format et on les tient unies ensemble par une ficelle passée à chaque extrémité, de façon que le livre ressemble à un éventail ou à une jalousie. En Chine, où on emploie de longues bandes de papier de riz écrit d’un seul côté, on replie cette bande sur elle-même et on assujettit un des bords, l’autre bord restant libre. — Mais, au point de vue biblique, nous n’avons à nous occuper que du rouleau ou volume et du codex ou livre carré. Bien qu’il y ait quelques exceptions, on peut dire en général que le cuir et le papyrus prennent la forme de rouleau, tandis que le parchemin et le papier prennent la forme de codex.

I. rouleaux ou volumes (volumina). — 1° Rouleaux hébreux liturgiques. — Les anciens manuscrits hébreux, liturgiques et autres, avaient certainement la forme de rouleaux, presque exclusivement visitée jusqu’au rve siècle de notre ère. Le livre des prophéties de Jérémie que Joakim déchira à coups de canif et jeta dans un réchaud, après en avoir entendu lire trois ou quatre colonnes (delatôt), était un rouleau. Jer., xxxvi, 23. Rouleau aussi certainement était le livre présenté à Jésus dans la synagogue de Nazareth, livre qu’il déroula pour le lire (àvaimjfrxç ou àvoi’ïa ?) et qu’il enroula ensuite, la lecture achevée. Luc, iv, 17-20. Du reste les allusions bibliques suppo sent toujours cette forme. Cf. Is., xxxiv, 4 ; Job, xxxi, 35-36 ; I Mach., iii, 48, etc. Noter que ibd, « livre, ïet

nso rftia, « rouleau de livre, » sont deux expressions

synonymes. Les livres présentés par les Juifs au roi Ptolémée étaient des rouleaux, d’après le faux Aristée. Josèpho, Ant. jud., XII, ii, 10. Plus tard les manuscrits d’usage privé reçurent la forme de codex, mais le rouleau est resté jusqu’à nos jours la forme liturgique et c’est celle des livres destinés aux lectures publiques dans les synagogues. — Ces rouleaux ne contiennent absolument que le texte sacré, sans titres ni notes, sans voyelles ni accents. La transcription de ces manuscrits est soumise à des règles minutieuses qui sont surtout rigoureuses pour la Thora (Pentateuque), un peu moins pour les prophètes (nebi’îm) et beaucoup moins pour les cinq meghillôth (Esther, Lamentations, Cantique des Cantiques, Ecclésiaste, Ruth). L’écriture est disposée en colonnes parallèles, de dimensions à peu près égales, dans le sens de la largeur du rouleau. La colonne s’appelle délét, « porte, » dans l’Écriture, pas, même sens, dans le Talmud, ’ammûd, « colonne, » ou daf, « planche, » chez les rabbins du moyen âge. Il doit y avoir une marge inférieure et une marge supérieure d’une largeur déterminée, différente suivant les écoles ; entre les colonnes règne un espace blanc à peu près égal à la moitié d’une marge. Entre les divers livres de l’Écriture, y compris les cinq livres de la Thora, on laisse en blanc un espace de quatre ligues. Cet espace blanc est seulement de trois lignes entre les douze petits prophètes. Comme les peaux dont l’assemblage forme le rouleau ne sont pas toujours pareilles, la largeur des colonnes varie un peu d’une peau à l’autre ; il y en a d’ordinaire trois ou quatre par peau. — Les rouleaux liturgiques ne sont’jamais écrits que d’un seul côté, le côté intérieur. Du reste les volumes opisthographes, ou écrits des deux côtés, même pour l’usage privé, paraissent avoir été aussi rares chez les Hébreux que chez les Grecs et chez les Latins. Celui qu’aperçut Ezéchiel, ii, 10, et l’auteur de l’Apocalypse, v, 1 (j3[6Xtov Y£YP a t t l i ^ 0V &j(d9sv xai owicŒv), est une exception expressément signalée. Chaque extrémité s’enroulait autour d’une tige appelée communément « arbre de vie ». — Quelques-uns do ces livres liturgiques, conservés dans nos bibliothèques, sont énormes. Le rouleau coté cod. hebr. 1 à la Casanatense de Rome a 34 m 50 x 0° 69 et contient 207 colonnes ; le rnan. hébreu 56 de la Bibliothèque nationale de Paris mesure 48 m 90 x m 585 et compte 247 colonnes ; le manuscrit du Vatican hebr. 2 est formé de 73 peaux consues ensemble, a de 73 à 75 centimètres de largeur et le catalogue lui attribue 183 pieds 6 pouces de longueur. Il faut ces grandes dimensions pour que le rouleau renferme tout le Pentateuque et soit lisible à une certaine distance. Mais nous avons des raisons de croire que ces immenses exemplaires n’existaient pas autrefois. L’écriture était très menue et très serrée. Saint Jérôme se plaint qu’il ne peut plus la déchiffrer la nuit et qu’il a beaucoup de peine à la lire en plein jour. In Ezech., lib. VII, prolog., t. xxv, col. 199. Il mentionne expressément la petitesse des caractères : litterarum parvitas. Tous les textes^ du Talmud supposent que les Livres sacrés étaient maniables et portatifs et le Pentateuque étant toujours écrit sur un seul rouleau, de même que les Prophètes, il fallait que l’écriture en fût assez fine. Cela explique les innombrables confusions de lettres pareilles qui ont été commises par les copistes, comme en témoignent les passages parallèles et les versions.

2° Rouleaux ou volumes grecs et latins. — La forme nous en est bien connue par les descriptions des anciens, par les peintures et les sculptures contemporaines et par les exemplaires conservés. Aucun rouleau biblique, en grec ou en latin, n’est parvenu en entier jusqu’à nous ; mais les tombeaux égyptiens nous ont conservé des livres

grecs du iii « siècle avant J.-C. et le Musée de Naples garde précieusement les 3000 rouleaux, la plupart assez fragmentaires, ensevelis à Herculanum, l’an 79 de notre ère, par l’éruption du Vésuve. — On écrivait sur la bande de papyrus toute préparée, en colonnes parallèles dont la hauteur était égale à ta largeur du rouleau. La première colonne, à gauche, restait libre pour le titre, la dernière, à droite, portait diverses indications : nom Ù3 l’auteur et de l’ouvrage, stichométrie. Voir fig. 105, le fac-similé du papyrus d’Hypéride (n « siècle avant J.-C). On collait ordinairement l’extrémité de la bande sur une tige cylindrique (ojmpaXo ; , umbilicu » ) autour de laquelle s’enroulait le volume. À un des bouts renflés de la tige était suspendue une étiquette portant le titre <lu livre et son numéro d’ordre. — La bande de papyrus ne s’écrirait que d’un seul côté, celui où les fibres de la moelle étaient horizontales. L’écriture encore fraîche pouvait s’effacer à l’éponge, mais le grattage était peu

tablettes pour le même office et on lui donna la même forme, la forme de cahiers juxtaposés et cousus ensemble. C’est l’origine de notre livre actuel. — Le codex ne supplanta le rouleau que lentement et pas avant la quatrième siècle de notre ère pour les ouvrages littéraires. On l’employa d’abord pour les traités classiques, grammaires, dictionnaires, etc., où le rouleau, avec ses dimensions uniformes et son maniement toujours un peu long, était incommode. Puis vinrent les traités juridiques, d’où le nom de codex, « code, » pour désigner les recueils de lois. Nous verrons que les chrétiens furent les premiers à adopter le codex pour leurs livres sacrés. 1° Codex hébreux. — Les Bibles hébraïques à l’usage des particuliers sont en général des codex et non pas des rouleaux. La page est presque toujours divisée en plusieurs colonnes, trois le plus souvent. Le nombre de lignes dépend naturellement du format, mais comme le format in-octavo domine il est en moyenne de vingt 106. — Fac similé d’un manuscrit opistographe de la Politique d’Aristote. Papyrus du British Muséum.

praticable. On possède cependant quelques papyrus opis"thographes (Gg. 106) et même quelques palimpsestes. — Comme on pouvait toujours coller de nouvelles feuilles, la longueur de la bande était indéfinie. On a découvert dans les tombeaux égyptiens des bandes assez longues pour contenir tout le Livre des Morts : ainsi le papyrus d’Orbiney a 21 mètres, le papyrus magique Harris atteint 43 m 50. Sur ce dernier on pourrait écrire Y Odyssée entière. Mais les rouleaux destinés à l’usage des vivants étaient de proportions beaucoup plus modestes, car les longs volumes sont fragiles et peu maniables. On donnait deux ou trois mètres à un livre de poésie ; de quatre à six à un livre de prose. Dans les peintures gréco-romaines, les rouleaux remplissent à peine la main (fi g. 107) et ne paraissent pas avoir plus de 20 ou 30 centimètres de largeur. Ceux d’Herculanum sont particulièrement petits.

II. codex ou livre carré. — On appelait autrefois taudex ou codex l’assemblage de plusieurs tablettes de cire qui prenaient le nom de diptyques, triptyques et en général polyptyques, suivant le nombre des planches. Sénéque, De brevit.vitæ, 13. On s’en servait surtout pour ccrire les comptes, d’où l’expression : labulse ou codex accepli et expensi, et on les conservait dans les archives de famille (tabulina). Pline, H. N., xxxv, 7. Quand le parchemin devint d’un usage commun, il remplaça les

cinq ou trente. Les lignes, courtes, renferment rarement vingt lettres et quelquefois pas plus de dix. Le codex Oriental 1474, du Musée Britannique, avec sa colonne unique de cinquante-trois lettres, est un cas tout à fait exceptionnel. — À rencontre des rouleaux liturgiques, les codex sont accentués et munis de leurs points-voyelles. Les trois marges, supérieure, inférieure et extérieure, ainsi que les entrecolonnements sont garnis de notes diverses qui constituent la grande et la petite massore. Voir Massore.

2° Codex grecs et latins. — À part quelques rares fragments de papyrus qui peuvent dater du me siècle, mais dont l’époque n’est pas facile à préciser, les livres bibliques en grec et en latin ne nous ont été conservés que sous la forme de codex. Il y en a de toutes les dimensions, depuis l’énorme in-folio de Stockholm, surnommé Gigas librorum (voir t. iii, col. 238), jusqu’aux jolies bibles de poche du xiu 8 et du xrve siècle. Les plus anciens, le Vaticanus, le Sinaiticus et le Vercellensis (Évangiles selon l’ancienne version latine) datent du iv" siècle. C’est l’époque où la forme de codex devint générale pour tous les livres. Auparavant elle n’était qu’exceptionnelle, par exemple pour les livres destinés à être emportés en voyage ou pour les traités de grammaire, de lexicographie, de jurisprudence. Les chrétiens paraissent l’avoir adoptée de bonne heure et

relativement plus tôt que les auteurs païens. Elle se propagea très vite et à la fin du iv » siècle saint Jérôme nous parle plus souvent de codex que de rouleaux (volumina).

Les exemplaires existants sont généralement composés de cahiers de trois ou quatre feuillets doubles (temianes, quaterniones, douze et seize pages respectivement). Quelqueiuis les cahiers ont cinq feuillets doubles ou vingt pages. Il en est ainsi pour le Vaticanus, le Marchalianus, le Rossanensis, etc. — Il est assez rare que les pages soient à une seule colonne, excepté pour les manuscrits gréco-latins, comme le Codex Bezx, t. i, col. 1768, le Laudianus des Actes, col. 127, le Claromonlanus, t. ii, col. 795, et YAugiensis de saint Paul, où le grec et le latin se font pendant sur les deux pages juxta 107. — Livres en forme de rouleaux.

D’après Mazois, Palais de Sctmrus, pi. 8, p. 232.

posées. Cependant le Codex rescriptus Ephrserni, manuscrit unilingue, n’a qu’une seule colonne, t. ii, col. 1872. Le nombre des colonnes tant pour les manuscrits grecs que pour les latins est généralement de deux, quelquefois de trois (Sinaiticits, Psautier d’Utrecht, Heptateuque de Lyon). Le Vaticanus, avec ses quatre colonnes à la page, présente une disposition unique en son genre. On a voulu voir dans la pluralité des colonnes un souvenir des rouleaux qui offraient toujours à l’œil du lecteur ^plusieurs colonnes à la fois. Il est probable qu’il ne faut y chercher qu’une simple raison de commodité, les copistes préférant les lignes courtes où le regard s’égare moins facilement. Le Codex Ephrserni, avec son unique colonne, compte une quarantaine de lettres à la ligne ; le Vaticanus en a seize, le Sinaiticus seulement douze, et YAlexandrinus, avec sa double colonne, environ vingt-deux. Il représente à peu près la moyenne des manuscrits. Bibles de luxe. — De bonne heure, artistes et calligraphes rivalisèrent d’efforts pour orner la Bible et lui donner une magnificence extérieure en rapport avec la vénération dont elle était l’objet. Les cinquante exemplaires qu’Eusèbe fit copier pour Constantin étaient d’une splendeur vraiment impériale. Vila Const., iv, 37, t. xx, Col. 1185 : èv TtoXviTeXwç ^(rxr.fiévoiç Te-j-/e<ri. Le Vaticanus le Sinaiticus, qui datent peut-être de cette époque et

sont en tout cas du iv s siècle, peuvent nous en donner une idée. Le parchemin du Sinaiticus provient de très fines peaux d’antilopes et les feuillets sont si grands (environ 0, 34 X 0, 37) que chaque animal, au dire de Tischendorf, n’a pas pu en fournir plus de deux, h’A lexandrinus et le Claromontanus leur sont à peine intérieurs en beauté. Plus tard le parchemin nu parut trop vulgaire : on le teignit de pourpre. Anciennement le parchemin coloré ne servait guère que pour les gaines ou étuis dans lesquels on enfermait les rouleaux de prix, ou pour les étiquettes (index, o-O.Xvêoç) qu’on suspendait à l’extérieur pour indiquer le titre du livre et son nu-méro d’ordre. Mais nous apprenons de Jules Capitolin que Maxime le Jeune encore écolier reçut d’une de ses parentes un Homère, écrit sur pourpre en lettres d’or. Ce luxe paraît avoir été assez fréquent pour les Livres sacrés, s’il faut en juger par les sorties de saint Jérôme, contre ces collectionneurs plus curieux du dehors que du dedans. Prsef. in Job, t. xxviii, col. 1142 ; Epist., cvii, ad Lselam, % t. xxii, col. 876 ; Epist., xxii, ad Eustochium, 32, t. xxii, col. 418. Cf. S. Isidore, Etymol., vi, 11, t. lxxxii, col. 240. On sait avec quel esprit saint Jean Chrysostome, In Joa. Boni, xxii, t. lis, col. 187, raille, chez ses contemporains, le même travers. Il nous est resté d’assez nombreux spécimens de ces bibles luxueuses. On peut citer pour le grec : le Codex purpureus Rossanensis (Evangiles à peintures de Rossano), le Codex purpureus Beratinus (Évangiles de Bérat d’Albanie), le Codex purpureus Petropolitanus (Évangiles de Patmos ou de Saint-Pétersbourg), le Codex Sinopensis récemment entré à la Bibliothèque nationale de Paris ; pour le latin : le Codex Ad » de Trêves, les Évangiles de Saint-Médard (Bibliothèque nat., lat. 8850) ; le manuscrit Hamilton 251, maintenant à Oswego (États-Unis), les Évangiles de Vienne, appelés « Évangiles du sacre », parce que c’est sur cet exemplaire que les empereurs prêtent serment.

Au point de vue du luxe et de l’art, aucun ouvrage n’a jamais été mieux traité que la Vulgate latine. Les scribes irlandais, anglo-saxons, français, allemands, italiens et espagnols, l’embellirent à l’envi. Comme types de Bibles anglaises, il suffit de mentionner le Book of Kells, le Book of Lindisfarne, le Codex aureus Holmiensis conservé à Stockholm mais provenant de Cantorbéry. L’Espagne offre de très beaux spécimens dans le Cavensis, le Toletanus, le Legionensis I, les trois Bibles d’Alcala (maintenant à l’Université centrale de Madrid). La France ne resta pas au-dessous, surtout à partir de Charlemagne. Deux célèbres écoles de calligraphies se formèrent : l’une à Fleury, sous l’impulsion de Théodulfe qui en était abbé, l’autre à Saint-Martin de Tours qui avait pour abbé Alcuin. Les deux Bibles jumelles de Théodulfe, la Bible de Mesmes (Bibliothèque nat., n° 9380) et la Bible du Puy sont des chefs-d’œuvre de calligraphie : « Rien ne dépasse, comme finesse et comme élégance, cette gracieuse minuscule écrite, en plus de soixante feuillets de l’un comme de l’autre manuscrit, sur parchemin pourpré, en des traits déliés d’argent rehaussé d’or. » S. Berger, Histoire de la Vulgate, p. 145. Les Bibles de Tours sont à peine inférieures. Nommons le Codex Vallicellianus (B 6 de la Vallicellîaha, Rome), la première Bible de Charles le Chauve (Biblioth. nat., lat. 1), la Bible de Bamberg, la Bible de Berne, la Bible de Zurich, la Bible de Grandval (Musée britannique, add. 10546), sans oublier la deuxième Bible de Charles le Chauve (Biblioth. nat., lat. 2) le Codex Paulinus (Saint-Paul-hors-les-Murs, Rome), les Évangiles de Saint-Emmeran (Biblioth. royale de Munich, lat. 14000) « le plus luxueusement décoré peut-être des manuscrits des Évangiles. Il est écrit en entier en lettres d’or ». Berger, Histoire, p. 295. Il faudrait passer en revue, pour être juste, toutes les autres écoles de calligraphie, Einsiedeln et Reichenau, Bobbio et Milan,

Luxeuil et Corbie, Saint-Gall, etc. — Ce luxe s’explique non seulement par la vénération envers les Livres Saints, mais aussi par le fait que plusieurs de ces exemplaires fastueux étaient destinés à de grands personnages. Ainsi VA miatinus devait être offert au Saint-Siège. On conserve au Vatican une Bible hébraïque (Urbin. hebr. 1) qui serait d’un usage fort incommode, à cause de ses dimensions gigantesques — 58 1/2 centimètres de haut, 40 de large, 28 1/2 d’épaisseur, reliure comprise — mais qui est une merveille pour la richesse des matériaux et la beauté de l’exécution. Elle comprend 979 feuillets de fort vëlin et renferme, outre le texte, le targum et les massores. C’est un présent des juifs au pape.

V. ÉCRINS ET ARMOIRES À SERRER LES LIVRES. — Les

livres sacrés des Juifs devaient être enfermés dans une gaine de cuir ou de parchemin, ou enveloppés dans une étoffe de soie, de lin ou de laine. Cette enveloppe appelée mitpahat (voile ou manteau, 1s., iii, 22 ; Ruth, m, 15) participait à la sainteté du livre et devait être enterrée, elle aussi, quand elle devenait hors d’usage. C’était une profanation que de toucher une Thora « nue », c’est-à-dire dépouillée de son enveloppe. Le Talmud est plein de prescriptions relatives à ce point. Voir Blau, Studien, p. 173-177. — L’armoire où la Loi était conservée dans les synagogues s’appelait’drôn, « arche, » ou plus souvent fêbâh, x caisse, boite. » Saint Jérôme y fait souvent allusion. Chez les Grecs et les Romains les rouleaux de luxe, spécialement les livres de poésies, étaient aussi enfermés dans un étui de parchemin, d’étoffe ou de cuir. Mais en général on se passait de cette précaution ; les rouleaux d’Herculanum et ceux qu’on « trouvés dans les tombeaux d’Egypte n’avaient pas cette enveloppe ; on se contenait de les lier avec un cordon pour les maintenir plies. Quand un ouvrage avait plusieurs tomes, on les enveloppait ensemble dans une feuille de parchemin ou simplement dans nno espèce de papyrus d’emballage appelé par Pline charla emporetica. Si le nombre des tomes était considérable ou s’il s’agissait d’un ouvrage précieux, on se servait d’une boite, capsa, scrînium, pandectes, bibliotheca, où chaque livre avait son casier distinct. On sait qu’à partir de saint Jérôme, le mot bibliotheca, et à partir de Cassiodore, le mot pandectes, sont très fréquemment employés pour désigner l’ensemble du Livre par excellence, la Bible. Le codex contenant tous les livres sacrés s’appelait corpus, en grec <j(â|ioc. Tous ces termes se trouvent réunis dans la Bible de Charles le Chauve. On lit dans le Codex Vallicellianus à la fin de l’Apocalypse :

Nomine Pandectem proprio vocitare mémento Hoc Corpus sacrum, lector, in ore tuo,

Quod nunc a multis constat Bibliotheca dicta Nomine non proprio, ut lingua pelasga docet.

VI. Bibliographie. — Th. Birt, Dos antike Buchwesen, Berlin, 1882 (reste malgré des lacunes et quelques idées systématiques l’ouvrage fondamental sur la matière) ; Ém. Egger, Histoire du livre, Paris, 1880 ; H. Géraud, Essai sur les livres dans l’antiquité, partie, chez les Romains, Paris, 1840 ; V. Schultze, Rolle und Codex, ein archaol. Beitrag zur Geschichte des N. T., Gùtersloh, 1895 ; W. Wattenbach, Bas Schriftwesen im Mittelalter, 3 8 édit., Leipzig, 1896 ; K. Dziatzko, Untersuchungen ûber ausgewâhlte I’apitel des antïken Buchwesen, Leipzig, 1900 ; K. Dziatzko, dans Real-Encyclop. der classischen Alterthumswissenschaft de Pauly-Wissowa, art. Buch, t. iii, col. 939-971 ; Buchhandel, ibid., col. 973, 985 ; Bibliotheken, ibid., col. 405-424 ; Steinschneider, Vorles. ûber die Kunde hebrâischer Randschriften, Leipzig, 1897 ; Steglich, Schrift und Bùcherwesen der Hebràer, Leipzig, 1876 ; L. Blau, Studien zum althebr. Buchwesen, Strasbourg, 1902 ; G. Lafaye, dans le Dict. des antig. grecques et romaines de Daremberg et Saglio, art. Liber, t. iii, p. 1177-1288. F. Prat.

2. LIVRE (subdivision, partie d’ouvrage). — I. Deux innovations des Alexandrins. — 1° Division d’un ouvrage en livres. — Les anciens ne connaissaient pas la division d’un ouvrage en plusieurs livres, d’un poème en plusieurs chants d’étendue à peu près égalé. L’Iliade et l’Odyssée comprenaient bien un certain nombre de rhapsodies qu’on pouvait réciter séparément, mais ces rhapsodies ne répondaient pas du tout à nos chants actuels et nous apprenons d’un scholiaste qu’on les écrivait à la file sans autre marque de séparation que le signe appelé coronis. Ni Hérodote ni Thucydide ne divisèrent leur histoire en livres. Le scholiaste de ce dernier le note expressément et, à défaut d’autre témoignage, l’examen de l’œuvre d’Hérodote le démontre assez. Nous pouvons dire la même chose de Xénophon, de Platon, de Théophraste, en un mot de tous les auteurs qui ont précédé l’ère d’Alexandre. Quand fut fondée, à Alexandrie, la grande bibliothèque du Bruchéion, avec ses écoles annexes de grammairiens et de critiques, on dut vite éprouver la vérité du mot de Callimaque : « Un gros livre est un gros embarras. » Qu’on se figure l’Iliade d’Homère ou les Muses d’Hérodote écrites sur un même rouleau de papyrus. Que de peine et de temps perdu pour retrouver un passage ou vérifier une citation ! On divisa donc chacun des deux poèmes d’Homère en vingt-quatre chants destinés à être écrits sur autant de petits rouleaux et désignés par la série des lettres de l’alphabet grec. Hérodote fut partagé en neuf livres qui prirent le nom des neuf Muses. Le même principe fut ensuite appliqué aux autres ouvrages. Nous ignorons quel fut l’auteur de cette innovation ; mais il doit avoir vécu sous les premiers Ptolémées, car, à partir de ce moment, tous les écrivains sectionnèrent eux-mêmes leurs ouvrages de longue haleine en livres de longueur uniforme. — Les rouleaux vendus dans le commerce ne variaient qu’entre certaines limites, ce qui imposait aux auteurs l’obligation de ne pas dépasser une certaine étendue. Pour les ouvrages purement littéraires, cette obligation devenait quelquefois gênante, mais elle l’était surtout pour les écrits où toute division logique paraissait arbitraire : traités de lexicographie, recueils de lois, commentaires etc. Saint Jérôme se plaint maintes fois d’être obligé de couper ses livres contrairement au sens, pour ne pas dépasser le modus voluminis, la grandeur normale des rouleaux de commerce. In Ezech., lib. IV, 1 ; lib. VII, 1 ; lib. IX, 1 ; lib. X, 1, t. xxv, col. 107, 199, 265, 295, etc. — Ce morcellement d’un ouvrage en un grand nombre de livres avait deux autres inconvénients : 1° quand l’étiquette portant le titre venait à tomber on ne savait plus à quel livre on avait affaire ; 2° un ou plusieurs rouleaux s’égaraient facilement et alors on avait un ouvrage dépareillé. La plupart des ouvrages de l’antiquité nous sont ainsi parvenus incomplets et les livres qni restent ne se suivent pas. Pour obvier au premier inconvénient, plusieurs auteurs, entre autres Diodore de Sicile et saint Jérôme, avaient pris l’habitude de placer au début de chacun de leurs livres une petite préface indiquant son numéro d’ordre : Ne librorum numerus confundatur et per longa temporum spatia divisorum inter se voluminum ordo vitietur, prsefatiunculas singulis libris prmposui, ut ex fronte tituli statim lector agnoscat quotus sibi liber legendus. S. Jérôme, In Ezech., lib. V, 1, t. xxv, col. 139. On remédiait au second inconvénient en serrant les livres dans un même écrin, où ils étaient disposés comme des flacons dans une boite de pharmacie. Mais l’expérience n’a que trop prouvé que le remède était inefficace.

2° Unité de mesure. Stichométrie. — Dans les ouvrages de poésie, la longueur de la ligne était naturellement celle duvers et l’étendue d’un poème était proportionnelle au nombre des lignes. Vlliàde ayant 15693 vers et l’Odyssée 12118, les chants ont en moyenne 654 et 504 vers respectivement. Le chant le plus long a, dans

Y Iliade, 909 vers, dans YOdyssée 847. C’est la mesure à laquelle les poètes, tant grecs que latins, se conformèrent. A part Apollonius de Rhodes et Lucrèce, ils sont très rares les poètes épiques, lyriques oudidactiques, dont les chants dépassent un millier de vers. Voir les statistiques dans Birt, p. 289-307. — Les livres de prose étaient plus considérables. Voici comment on les évaluait. On convint de prendre pour unité de mesure l’hexamètre grec renfermant en moyenne quinze ou seize syllabes et trente-cinq ou trente-sis lettres. Cette unité s’appela stique, ou « rrtjcoç, « rangée, ligne, » ou encore ênoç, « vers épique, hexamètre, » en latin versus. On obtenait le nombre de stiques d’un ouvrage soit en écrivant un exemplaire type en lignes normales, soit par une évaluation approximative. On en consignait le résultat à la fin du volume. Les grammairiens anciens et les manuscrits nous ont conservé un grand nombre d’évaluations stichométriques qui concordent suffisamment avec les faits. Voir Birt, p. 162-209. — Les Muses d’Hérodote avaient de 2000 à 3000 stiques. C’est la mesure qu’observèrent plus tard les prosateurs : historiens, philosophes, géographes, auteurs de traités didactiques. Quelques auteurs ne donnent exceptionnellement à leurs livres que 1500 ou même 1200 stiques, d’autres atteignent ou dépassent le nombre tout à fait anormal de 4000 ou même de 5000 stiques, mais la très grande majorité oscille entre 1 800 et 3000 stiques. — La stichométrie ainsi entendue — plus tard on désigna quelquefois par ce mot l’habitude de terminer la ligne avec le sens, la colométrie — offrait un triple avantage. D’abord elle permettait les références. On renvoyait au stique comme on renvoie maintenant au chapitre et au verset. De plus elle fermait la porte aux suppressions et aux interpolations au moins trop considérables. Enfin elle servait à déterminer une fois pour toutes le prix de l’ouvrage et la rétribution due au copiste. C’est même cette troisième raison d’ordre pratique qui contribua le plus sans doute à la généraliser.

3° Stichométrie des livres de la Bible. — Beaucoup de manuscrits grecs et latins offrent, à la fin de chaque livre, des indications stichométriques et on possède en outre plusieurs listes donnant la stichométrie des divers livres. Ces listes se trouvent : 1. dans le Codex Claromontanus (D de Paul, Paris, Biblioth. nat. Grec 107) entre l’Épître à Philémon et l’Épître aux Hébreux et en latin seulement ; 2. dans le manuscrit de Freisingen (Munich, lat. 6243), publié par Turner en 0000 ; 3. dans le manuscrit de F. Arevalo (Vatican, Reg. 199, fol. 84) ; 4. dans un manuscrit de la Bibliothèque Barberini, m, 36, maintenant au Vatican ; 5. dans un manuscrit du mont Athos (n. 507 du monastère de Vatopedi ) ; 6. enfin dans Nicéphore. Ces listes sont publiées en colonnes parallèles dans un article de M. D. Serruys paru dans les Mélanges d’archéologie et d’histoire (École française de Rome), 1902, fasc, 2-3 p. 196-207. Les résultats sensiblement pareils, sauf les erreurs de scribe, confirment les recherches de Ritschl, Opusculaphilolog., Leipzig, 1866, et de Graux, Nouvelles recherches sur la stichométrie, dans la Revue de philologie, 1878, p. 97-143.. Le stique renferme en moyenne de 34 à 36 lettres et le etichisme devait être établi une fois pour toutes. — S. Berger, qui a spécialement étudié la stichométrie des Bibles latines arrive à cette conclusion que, si les manuscrits latins copient quelquefois les résultats trouvés dans les manuscrits grecs, c’est l’exception : « Jusqu’à plus ample informé nous devons croire que le texte ordinaire des manuscrits latins est en général indépendant de la stichométrie des Grecs. On peut établir que ce système a été, en grande partie, créé directement, sur les manuscrits latins, par les libraires. » Cf. S. Berger, Histoire de la Vulgate, 1893, p. 322 ; pour les listes, p. 323.

II. Division actuelle des livres bibliques..— Les traducteurs grecs de la Bible se trouvèrent en présence

de plusieurs ouvrages qui dépassaient de beaucoup l’étendue d’un volume normal. La Thora renfermait la matière de quatre ou cinq rouleaux de longueur moyenne. Quand on eut séparé la Genèse et le Deutéronome, qui se détachent naturellement, le reste fut divisé en trois rouleaux et on donna à chacun un titre, résumant assez bien le contenu, pour l’inscrire, suivant l’usage alexandrin, sur l’étiquette (<x ! XXyëa ; ), appendue à l’extérieur. Ces cinq volumes furent enveloppés ensemble dans une feuille commune ou disposés dans une même boite à compartiments : on eut ainsi le Pentateuque (71 îtsvrâreuxoC) sous-entendu auyyptxpri, <n l’écrit aux cinq casiers, aux cinq compartiments » ). La division du Pentateuque est aussi logique qu’il est possible de le désirer.

— Samuel, les Rois, les Paralipomènes, qui en hébreu ne formaient respectivement qu’un livre, furent aussi coupés en deux à cause de leur longueur. Le point de division de Samuel, à la mort de Saûl, et celui des Paralipomènes, à la mort de David, fut bien choisi ; mais celui des Rois, en plein règne d’Ochozias, ne fut pas heureux. Esdras et Néhémie, qui ensemble ne forment pas un volume de longueurnormale, ne furent point divisés par les Septante. Ils comptaient Esdras-Néhémie comme second livre d’Esdras ; celui que nous nommons troisième d’Esdras étant le premier dans les Bibles grecques. Esdras ne fut séparé de Néhémie que dans les copies de la Vulgate, et cela malgré l’autorité de saint Jérôme et de saint Isidore. Quant aux cinq divisions des Psaumes, appelées quelquefois livres, elles n’ont pas pour origine le sectionnement des Alexandrins : il est probable qu’elles représentent cinq collections diverses, entrées successivement dans le canon. — Les Juifs n’acceptèrent pas en général les divisions nouvelles, introduites par les traducteurs de la Bible. Samuel, les Rois, les Paralipomènes continuèrent à être regardés par eux comme un seul livre respectivement. La division des Septante n’était encore indiquée que par un astérisque et une note dans la Bible hébraïque de Daniel Bomberg, Venise, 1516-1517. En revanche, les cinq livres de la Thora furent très anciennement connus des Juifs palestiniens ; ils s’appelaient les « cinquièmes », J}ômesim, de la Loi et étaient désignés par les premiers mots hébreux : Berêsîp, la Genèse, etc. — C’est une question de savoir si le Livre de Ruth fut ajouté par les Septante aux Juges et les Lamentations à Jérémie afin d’avoir des rouleaux complets, ou si, au contraire, Ruth fut détaché des Juges et les Lamentations de Jérémie à l’époque où les Juifs rangèrent ces deux écrits parmi les Megillôth. Le Talmud favorise expressément la première alternative, celle de l’autonomie primitive de Ruth et des Lamentations, qui est admise par la plupart des érudits contemporains. La seconde nous paraît plus probable. En effet, l’ancien canon palestinien, au témoignage de Josèphe, d’Origène et de saint Jérôme, ne comprenait que vingt-deux livres et il semble que les Lamentations ne devinrent un écrit indépendant que lorsqu’on commença à les lire publiquement, le jour anniversaire de la ruine du Temple. Nous croyons que le chiffre de vingt-quatre représente plutôt la tradition de l’école de Jamnia qui fut le berceau du rabbinisme ; et voilà pourquoi leTalmud l’a adopté. — Nous pensons du reste que les nombres fatidiques exercèrent un certain rôle sur l’admission et la classification des livres du canon. On ne voulait avoir que quatre rouleaux de prophètes, et Daniel, qui aurait fait le cinquième, fut relégué parmi les hagiographes. De même, le nombre de douze petits prophètes était sacramentel. — Les volumes se rouvraient quelquefois pour recevoir des additions admises dans le canon. Sans parler des Psaumes, formés de cinq collections distinctes, et, semble-t-il, successives, le Livre des Proyerbes comprend des parties assez hétérogènes : 1. un petit traité sur la sagesse, i-ix ; 2. les Proverbes de Salomon, ix-xxrv ; 3. les Proverbes recueillis du temps du roi Ezéchias, xxv-xxix ; 4. les paroles d’Agur, xxx ; 5. les paroles de Lamuel, xxxi, et le fragment xxv, 23-34.

III. Ordre des livres de la Bible. — Les éditions imprimées de la Bible, en hébreu, en grec et en latin, rangent les livres sacrés dans un ordre différent pour chaque langue, mais à peu près le même pour la même langue. Les manuscrits sont loin de présenter cette uniformité. La place des livres bibliques y varie à l’infini. La raison de ce phénomène s’explique facilement. Longtemps les livres eurent une existence pour ainsi dire autonome et occupèrent chacun un rouleau à part. Quand on les réunit dans un même codex, il fallut leur assigner une place fixe et l’on partit pour cela de points de vue très différents, lors même que le hasard ne présida pas à la disposition.

Ordre des livres dans les Bibles hébraïques. — En hébreu, les livres sont généralement rangés par séries, selon l’ordre d’admission dans le canon : 1. la Loi ; 2. les Prophètes ; 3. les Hagiographies. La Loi vient toujours en tête et les Hagiographes ferment la marche. On rencontre des manuscrits où les cinq Megillôth (Cantique, Ruth, Lamentations, Ecclésiaste, Esther) suivent immédiatement le Pentateuque. Les premiers Prophètes (Josué, Juges, Samuel, Rois) sont disposés par ordre chronologique. Mais au sein des derniers Prophètes et des Hagiographes la variation est grande. Les cinq premières éditions de la Bible entière (Soncino, 1488 ; Naples, 1491-1493 ; Brescia, 1494 ; Venise, Bible rabbinique, 1517 ; Venise, Bible avec massore. 1524-1552) offrent l’ordre suivant, qui est l’ordre ordinaire de nos Bibles hébraïques actuelles : Pentateuque, premiers Prophètes, Isaîe, Jérémie, Ezéchiel, 12 petits Prophètes ; Psaumes, Proverbes, Job, Cantique, Ruth, Lamentations, Ecclésiaste, Daniel, Esther, Esdras-Néhémie, Paralipomènes. C’est, pour les Prophètes, l’ordre du fameux codex de Saint-Pétersbourg écrit en l’an 916. Mais le Talmud de Babylone préférait l’ordre de longueur : Jérémie, Ézéchiel, Isaïe, 12 petits Prophètes ; et on trouve des manuscrits où ces derniers ouvrent la série ; d’autres, où Jérémie vient en troisième lieu. Quant aux orne Hagiographes, Ginsburg, Introd. to the massor. edit. of the Hebrew Bible, Londres, 1897, p. 7, donne la liste de leur huit dispositions principales. Pour l’ordre relatif des Megillôth, quand elles sont à part, voir ibid., p. 4.

Ordre des livres dans les Bibles grecques. — Les manuscrits des Septante débutent régulièrement par l’Octateuque (Pentateuque, Josué, Juges et Ruth) suivi des quatre Livres des Rois et des Paralipomènes. À partir de là, l’ordre varie d’un exemplaire à l’autre. Voici celui qu’adopte Swete, The Old Test. in Greek, Cambridge, 2e édit., 1896 : I Esdras (notre troisième livre d’Esdras non canonique), II Esdras (Esdras et Néhémie réunis en un seul livre), Psaumes, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique, Job, Sagesse, Ecclésiastique, Esther, Judith, Tobie, 12 petits prophètes (Osée, Amos, Michée, Joël, Abdias, Jonas, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie), Isaïej Jérémie et Lamentations, Ezéchiel, Daniel, Machabées. Inutile de dire que cet ordre n’est ni le seul ni peut-être le plus commun. Ainsi, dans l’Alexandrinus, les Prophètes, y compris Daniel, viennent après les Paralipomènes ; ils sont suivis eux-mêmes par les autres livres historiques, et les livres sapientiaux terminent la liste. Il est impossible et assez superflu de classer les différentes dispositions des livres de l’Ancien Testament grec. — Pour le Nouveau, l’ordre le plus commun, en ne tenant compte que des séries, est le suivant : Évangiles, Actes, Épîtres catholiques, Paul, Apocalypse. C’est l’ordre adopté par Westcott et Mort. Il est presque sans exemple que les Évangiles ne soient pas en tête : on cite quatre ou cinq exceptions et, une fois au moins, c’est la faute du relieur. Mais, assez souvent, Paul précède les Actes ; fréquemment il les suit, comme dans la Vulgate actuelle. L’ordre des divers livres, dans les séries, est loin d’être fixe. On a par exemple Matthieu-Jean-Luc-Marc, dans le codex de Bèze, Jean-Luc-Matthieu-Marc, dans le codex de Fabri, etc. L’Épître aux Hébreux est généralement la quatorzième de Paul, mais les quatre grands codex (Vaticanus, Sinaiticus, Alexandrinus, Ephræmi) l’intercalent entre les neuf Épîtres aux Églises et les quatre lettres aux particuliers.

Ordre des livres dans les Bibles latines. — 1. Ancien Testament- — S. Berger, qui a étudié ce sujet avec le plus grand soin, - Histoire de la Vulgate, Nancy, 1893, p. 331-342, ne compte pas, pour l’Ancien Testament seulement, moins de 212 ordres différents, distribués en sept séries principales, et il déclare expressément que ce nombre pourrait être augmenté : — 1re série (16 subdivisions) : Ordo Legis, Ordo Prophetarum, Ordo Hagiographorum. C’est l’ordre hébreu indiqué par saint Jérôme dans son Prologus galeatus et qui fut adopté par Théodulfe, mais en intercalant les deutérocanoniques. — 2e série (32 subd.). Cet ordre, qui semble être celui de Cassiodore et d’Alcuin, a le même point de départ que le précédent, mais il rapproche les livres similaires, Daniel des Prophètes, la Sagesse de l’Ecclésiaste, etc. — 3e série (43 subd.) : Ordo Veter. Test., Ordo Prophetarum, Ordo Historiarum (Job, Tobie, Esdras, Judith, Machabées). C’est l’ordre suivi dans l’Amiatinus et peut-être dans les manuscrits italiens en général. — 4e série (63 subd.) : Livres historiques, doctrinaux, prophétiques, enfin Machabées comme trait d’union entre les deux Testaments. C’est l’ordre inauguré, au xiiie siècle, par le Textus Parisiensis et qui est devenu l’ordre actuel. — 5e série (13 subd.). Sous ce chef sont rangées les anomalies soit voulues soient accidentelles. — 6e série (25 subd.) : Job après Octateuque, C’est l’ordre signalé par saint Jérôme, Epist., lui, 8, t. xxii, col. 545, et suivi par Alcuin dans ses deux poèmes. — 7e série (20 subd.). Ordre des heures canoniales : Isaïe, Paul, Jérémie, etc. Les livres qu’on ne lit pas dans l’office divin s’intercalent parmi les autres un peu au hasard. — 2° Nouveau Testament. — Pour le Nouveau Testament, S. Berger distingue 38 ordres, sans tenir compte des divers arrangements des Épîtres catholiques, de celles de Paul, des Évangiles. Or les Épîtres de saint Paul n’ont pas moins de 11 ordres particuliers. Les dispositions les plus communes sont les quatre suivantes. — 1. Évang., Act., Paul, Cath., Apoc. — Canon de Muratori, Concile de Carthage, Amiatinus, Vulgate actuelle. — 2. Évang., Act., Cath., Paul, Apoc. — Saint Jérôme, Epist., lui, 8, t. xxii, col. 548 ; Cassiodore. — 3. Évang., Paul, Act., Cath., Apoc. — Fuldensis, Textus Parisiensis. — 4. Évang., Paul, Cath., Act., Apoc. — Bibles espagnoles, Théodulfe.

En résumé, « toutes les combinaisons possibles semblent épuisées. Le Pentateuque, en tête de l’Ancien Testament, l’Évangile, au seuil du Nouveau, ont presque seuls une place fixe ; encore cette place n’est-elle pas tout à fait invariable. La cause principale de ce désordre est certainement l’autonomie primitive des Livres sacrés, écrits sur autant de volumes distincts. Le vaste codex en encadrant chaque livre à une place déterminée, contribua beaucoup à l’exclusion des classements fantaisistes. Il aida puissamment aussi à la conservation des écrits inspirés… Les deux petits billets de saint Jean seraient-ils parvenus jusqu’à nous si, de bonne heure, on ne s’était accoutumé à écrire les sept Épîtres catholiques dans un même rouleau et aies considérer comme un tout inséparable ? » Cf. F. Prat, Histoire du Livre dans l’antiquité, étude d’archéologie et de critique bibliques, dans les Études religieuses, t. lxxvii, 1898, p. 194-214.

3. LIVRES APOCRYPHES. Voir APOCRYPHES (LIVRES), l. i. l, col. 767. 4. LIVRES PERDUS. — Un certain nombre de livres mentionnés dans l’Ancien Testament sont aujourd’hui perdus. Ce sont les suivants :

Le livre des guerres du Seigneur, Sêfér milḥamôṭ Yehôvâh ; Βιϐλίον Πόλεμος τοῦ Κυριου ; Liber Bellorum Domini. Num., xxi, 14.

Le livre du Juste, Sêfér hay-Yâšâr ; Βιϐλίον τοῦ Εὐθοῦς ; Liber Justorum. Jos., ix, 13 ; II Reg., i, 18. Voir Juste (Livre du), t. iii, col.

Trois mille Paraboles de Salomon (mâšâl ; παραϐολαί, parabolæ). III Reg., iv, 32 (hébreu, I Reg., v, 12).

Mille cinq Cantiques (Septante : πεντακισχίλίαι, du même roi (šîr ; ᾠδαί ; carmina). III Reg., iv, 32 (hébreu, I Reg., v, 12).

Une histoire naturelle de Salomon : « Il parla des arbres, depuis le cèdre du Liban jusqu’à l’hysope qui sort de la muraille ; il parla aussi des animaux, des oiseaux, des reptiles et des poissons » III Reg., iv, 33 (hébreu, I Reg., v, 13). Pour ces diverses compositions de Salomon, le texte ne dit pas que le roi les écrivit, mais qu’il les « parla », va-yedabbêr.

Les Annales des rois de Juda et d’Israël, Sêfér debarim, Dibrê hay-yâmîm, Sêfer ham-melakîm ; Βιϐλίον ρημάτών, etc ; Verba dierum ou sermonum, etc. III Reg., xi, 41, etc. Voir Historiographe, t. iii, col. 723.

Les livres de Samuel, de Nathan, de Gad, de Séméia, d’Addo, d’Ahias, d’Isaïe (histoire d’Ozias et d’Ézéchias), de Jéhu, d’Hozaï. Voir Historiographe, t. iii, col. 723.

La lettre du prophète Élie à Joram, roi de Juda, mikṭàb ; γραφή ; litteræ. II Par., xxi, 12.

Le livre des jours du sacerdoce de Jean Hyrcan ; Βιϐλίον ἡμερῶν ἀρχιερωσύνης [Ἰωαννου] ; Liber dierum sacerdotii [Joannis]. I Mach., xvi, 24.

10° Les descriptions de Jérémie ; Ἀπογραφαί ; Descriptiones. II Mach., ii, 1.

11° Histoire de Jason de Cyrène, dont le second livre des Machabées est l’abrégé. Voir Jason, t. iii, col. 1139.

Sur le livre de l’Alliance, que certains commentateurs regardent à tort comme un livre perdu, voir Alliance 3, t. i, col. 388.

Certains commentateurs pensent que ces livres perdus étaient inspirés ; d’autres le nient. C’est là une question qu’il est impossible de résoudre.

Quelques autres écrits profanes, aujourd’hui perdus, sont aussi mentionnés dans l’Ancien Testament : — 1° Lettre de Jéhu, roi d’Israël, aux habitants de Samarie, IV Reg., x ;

— 2° Lettres de Sennachérib, roi de Ninive, à Ézéchias, roi de Juda. IV Reg., xix, 14 ; II Par., xxxii, 17 ; Is., xxxvii, 14 ; — 3° Lettre de Mérodach-Baladan, à Ézéchias. IV Reg., xx, 12 ; Is., xxix, 1 ; — 4° Lettres du roi de Syrie, au roi d’Israël. IV Reg., v, 4 ; — 5° Lettre du faux prophète Séméia. Jer., xxxix, 25 ; — 6° Annales des rois des Perses et des Mèdes. Esther, x, 2 ; I Esd., iv, 5 ; — 7° Lettre de Béselam et autres, à Artaxerxès contre les Israélites. I Esd., iv, 7. — Voir J.-B. Glaire, Introduction aux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, 3e édit., 5 in-8°, Paris, 1862, t. i, p. 95-97.

5. LIVRES SAINTS, nom donné à la collection des Saintes Écritures. Nous le lisons dans I Machabées, xii, 9, sancti libri ; en grec : βιϐλία τὰ ἅγια. On voit que le mot Bible n’est que le mot grec correspondant à liber et que « Sainte Bible » est exactement synonyme de « Livres Saints ». Voir aussi Josèphe, Ant. jud., i, vi, 2 ; Cont. Apion., i. Voir Bible, t. î, col. 1775.

LO-AMMI (hébreu : Lôʾʿammî ; Septante : οὐ λαός μου (voy. Vulgate : non populus meus), nom symbolique donné par le prophète Osée au second fils qu’il eut de Gomer, fille de Débelaïm, et qui signifie « ; non mon peuple », comme ont traduit les versions. Osée, i, 9-10, explique la signification figurée de ce nom. Dieu lui dit : « Appelle-le Lôʾʿammî (non mon peuple), parce que vous n’êtes pas mon peuple (Lôʾʿammî) et que je ne serai pas votre Dieu. » Le Seigneur annonce ainsi qu’il rejettera son peuple, à cause de son infidélité, et qu’il l’abandonnera à ses ennemis. Mais il aura pitié de lui et le ramènera de la captivité, et alors il ne sera plu » Là’'ammî, « non mon peuple, » mais ʿammî, « mon peuple. » Ose., ii, 1, 24 (hébreu, 25). Saint Paul, Rom., ix, 24-26, et saint Pierre, I Pet., ii, 10, ont appliqué la prophétie d’Osée à la conversion des Gentils, qui n’étaient pas auparavant le peuple de Dieu et qui par leur conversion sont devenus son peuple. — Avant Lô’'Ammi, Osée avait eu déjà de Gomer un autre fils et une fille, portant aussi l’un et l’autre un nom symbolique, Jezrahel et Lo-Ruchama. Voir Jezrahel 2, t. iii, col. 1544, et Lo-Ruchama.

LOBNA (hébreu : Libnâh ; Septante : Codex Vaticanus, Λεμνά, Jos., xxi, 13 ; Λομνά, IV Reg., xix, 8 ; II Par., xxi, 10 ; Λημνά ci, IV Reg., xxiii, 31 ; Λοϐνά, I Par., vi, 57 [hébreu, 42] ; Λοϐνάν, Is., xxxvii, 8 ; Σεννά, IV Reg., viii, 22 ; Codex Alexandrinus, Λεϐνά, Jos., xxi, 13 ; Λομνά, IV Reg., viii, 22 ; xxiv, 18 ; Λoϐνά, IV Reg., xix, 8 ; I Par., vi, 57 ; II Par., xxi, 10 ; Is., xxxvii, 8 ; Λoϐενά, IV Reg., xxiii, 31), ville du sud-ouest de la Palestine, Jos., xxi, 13 ; IV Reg., viii, 22 ; xix, 8 ; xxiii, 31 ; xxiv, 18 ; I Par., vi, 57 ; II Par., xxi, 10 ; Is., xxxvii, 8, appelée aussi Labana, Jos., xv, 42, et Lebna. Jos., x, 29-32 ; xii, 15. Antique cité royale chananéenne, elle fut prise par Josué, Jos., x, 29-32 ; xii, 15, assignée à la tribu de Juda, Jos., xv, 42, et donnée aux enfants d’Aaron. Jos., xxi, 13 ; I Par., vi, 57 (hébreu, 42). Sous le règne de Joram, elle se révolta et parvint à se soustraire à la domination de Juda. IV Reg., viii, 22 ; II Par., xxi, 10. Elle semble avoir été une place forte, puisque le roi d’Assyrie, Sennachérib, l’assiégea après avoir quitté Lachis, pendant sa campagne contre Ézéchias. IV Reg., xix, 8 ; Is., xxxvii, 8. La mère de Joachaz et de Sédécias, rois de Juda, était Amital, fille de Jérémie de Lobna. IV Reg., xxiii, 31 ; xxiv, 18. — L’emplacement de Lobna est jusqu’ici resté inconnu. Tout ce que nous savons, c’est qu’il devait se trouver dans les environs de Beit-Djibrîn, l’ancienne Éleuthéropolis. Les données de l’Écriture et de la tradition nous conduisent, en effet, dans cette contrée. La conquête de Josué nous montre cette ville entre Macéda et Lachis (Tell el-Hésy). Jos., x, 29-32. Voir la carte de la tribu de Juda, t. iii, col. 1755. Dans l’énumération des villes de la tribu, elle fait partie du troisième groupe de « la plaine » ou Séfêlâh, dont la plupart des localités sont bien ou suffisamment identifiées : Ether (Khirbet el-’Atr), Esna (Idhna), Nésib (Beit-Nusib), Céila (Khirbet Qîla ou Kîla), Alarésa (Khirbet Mer’asch). Jos., xv, 42-44. Tous ces noms rayonnent autour de Beit-Djibrîn. La même conclusion s’appuie sur le témoignage d’Eusèbe et de saint Jérôme. Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 135, 274, qui signalent dans la région d’Éleuthéropolis un village, κώμη), appelé Lobna, Λοϐανά. Quelques auteurs, se tondant sur l’étymologie de Libnâh, « blancheur, » ont cherché 4-identifier la ville avec Tell es-Sàfiyéh, l’ancienne Blanche-Garde des croisés, au nord-ouest de Beit-Djibrîn. Cl. Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, p. 258, note 1. D’autres réservent cette position stratégique remarquable pour Geth ou Masépha. Van de Velde, Memoir to accompany the Map of the Holy Land, Gotha, 1858, p. 330, a pensé à’Araq el-Menschiyéh, directement à l’ouest de Beit-Djibrîn. Enfin, Conder a proposé Khirbet el-Benaây, à 16 kilomètres au sud-est de Tell el-Hésy. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1897, p. 69. Aucune de ces conjectures n’a d’appui solide ; la dernière paraît

difficile à justifier, malgré le rapprochement onomastique

qu’on voudrait faire.

A. Legendre.
    1. LOBNI##

LOBNI (hébreu : Libnî, « blanc ; » Septante : Ao6evi), nom de deux descendants de Lévi.

1. LOBNI, orthographe, dans la Vulgate, Exod., vi, 17 ; Num., xxvi, 58 ; I Par., vi, 17, 20, du nom du fils de Gerson qu’elle écrit Lelmi dans Num., iii, 18. Voir Lebni, col. 143.

2. LOBNI, lévite, fils de Moholi, fils de Mérari. 1 Par., VI, 29. Quelques critiques croient que ce lévite est le fils de Gerson, et qu’il y a ici dans le texte quelque lacune, mais le lait n’est pas établi.

    1. LOCATION##

LOCATION, mise à la disposition d’un autre, moyennant salaire, d’un objet qu’on possède ou de son propre travail. L’action de louer est exprimée par les verbes sâkar, èxSiSo’vou, locare, (iiaOïitrairtai, conducere.

I. Louage des personnes. — Il se pratiquait chez les Hébreux. Jacob sert chez Laban pendant quatorze ans en vertu d’un véritable contrat de louage, dont le prix est la main de Lia, puis de Rachel. Gen., xxix, 20, 27 ; xxxi, 41. Les Hébreux qui s’engageaient comme esclaves ne faisaient ea somme que se louer à leurs frères pour un temps restreint, puisqu’ils avaient le droit de se racheter eux-mêmes, Lev., xxv, 47-49, et qu’en tout cas ils redevenaient libres l’année sabbatique ou l’année jubilaire. Un salaire était assuré à celui qui se vendait ainsi par indigence, Lev., xxv, 39-47, ou qui vendait sa fille pour le même motif. Exod., xxi, 7-11. L’esclave hébreu recevait de plus des troupeaux, des céréales et du vin quand arrivait son affranchissement. Deut., xv, 13, 14. Voir Esclave, t. ii, col. 1921-1923. L’esclavage de l’Hébreu n’était donc guère qu’un louage qu’il faisait de_sa personne pour un certain nombre d’années, et qui lui rapportait pour le moins la nourriture, le vêtement et le logement. Dans son cantique, Anne, mère de Samuel, parle de ceux qui, ayant eu jadis tout à satiété, en venaient à se louer pour du pain. I Reg., ii, 5. — Michas avait loué un lévite pour lui servir de prêtre. Jud., xviii, 4. — On louait des ouvriers pour différents travaux. II Par., xxiv, 12. Voir Mercenaire. Au temps de Notre-Seigneur, les ouvriers disponibles se rendaient sur la place de la ville, £v T7j âyopà, inforo, aux diverses heures de la journée et attendaient là qu’on vint les louer et les envoyer au travail. Matth., xx, 1-6. On convenait avec eux du prix qui leur serait accordé et on les payait le soir même.

II. Louage des objets. — On louait aussi difiérents objets pour un usage temporaire. Chez les Hébreux, les ventes de terres et de maisons n’étaient que des locations, puisque terres et maisons devaient revenir au premier propriétaire à l’année jubilaire. Aussi le prix de la vente était-il calculé d’après le temps qui restait à courir jusqu’à ce terme. Lev., xxv, 15-17. Seules, les maisons bâties dans les villes entourées de murs pouvaient être vendues définitivement, si au bout. d’un an le premier propriétaire ne les avait pas rachetées, changeant ainsi en simple location la possession de la première année. Voir Jdbilaire (Année), t. iii, col. 1752, 1753. — La loi règle que si un animal emprunté subit un accident en présence de son maître, il n’y a pas lieu à restitution ; c’était au maître à veiller sur son bien. Le texte ajoute : ’im sâkîr hû’bâ’biskdrô, « s’il était loué, cela vient en salaire, » c’est-à-dire le prix de la location suffit à indemniser le propriétaire, dans le cas d’accident fortuit. La Vulgate ajoute maxime, « surtout, » qui n’est ni dans l’hébreu ni dans les Septante. Exod., xxii, 15. Le mot èdkîr ne désigne pas uniquement un mercenaire, de telle sorte qu’on doive interpréter le texte dans le sens d’une simple indulgence, quand l’acci dent arrive pendant que l’animal est aux mains d’un mercenaire. Cf. Fr. de Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 232. Il s’applique également à un animal ou à un objet, comme l’entend la Vulgate : conductum qumentwn), animal loué. Cf. Buhl, Gesenius’Bandivôrlerbuch, Leipzig, 1899, p. 801. Il suit de ce texte que, chez les Hébreux, les animaux pouvaient se louer. Le cas est d’ailleurs prévu dans le code babylonien. Si un bœuf pris en location mourait naturellement ou périssait par accident, et si celui qui l’avait loué jurait qu’il n’y était pour rien, il n’avait rien à rendre. Dans le cas contraire, il devait une indemnité, bœuf pour bœuf, si l’animal périssait faute de soins ou par mauvais traitements, si on lui brisait le pied ou si on lui coupait la nuque ; moitié de sa valeur pour un œil crevé : le quart de la valeur pour une corne brisée, la queue coupée ou le dessus du museau tranché ; un tiers de mine d’argent pour surmenage excessif de l’animal. On louait également des ânes. Cf. Scheil, Textes élamites-sérnitiques, Paris, 1902, p. 106-108. — Isaïe, vii, 20, parlant de l’invasion de Juda par les Assyriens, dit que ce jour-là le Seigneur rasera « avec un rasoir de location », beta’ar ttas-èekirâh, èv tw iivipw tw iiEiutr6(dii£v<d, in novacula conducta. Ce rasoir de location, c’est le roi de Babylone, qui n’est pas ordinairement au service du Seigneur, mais que celui-ci louera pour dépouiller Juda, et auquel il donnera un salaire. Ezech., xxx, 18, 19. Cette comparaison montre qu’on pouvait louer différents ustensiles.

— Si parfois on louait des ouvriers pour travailler à une vigne, il arrivait aussi qu’on louât une vigne à des cultivateurs. On pouvait louer soit à prix d’argent, soit à condition de partager les fruits, locare nummo ou partibus. Cf. Pline le Jeune, Epist., ix, 37. Les copartageants s’appelaient alors partiarii. Cf. Gaii Dig., xix, 2, 25. C’est ce dernier mode d’exploitation que suppose la parabole de l’Évangile. Matth., xxi, 33-41 ; Marc, xii, 1 ; Luc, xx, 9. Au moment de la vendange, le maître envoie prendre les fruits qui lui reviennent ; les vignerons s’imaginent que, s’ils tuent le fils du maître, la vigne sera pour eux ; mais le maître les châtiera et louera sa vigne à d’autres. — Arrivé à Rome, saint Paul se loua un logement et y demeura deux ans, iv iSi’ft) (inr&MjiaTt, in suo conducto. Act., xxviii, 30. Il y avait alors à Rome un grand nombre de maisons à loyer. On y trouvait des logements plus ou moins vastes, aux différents étages, à des prix assez élevés. De grands écriteaux indiquaient les logements à louer. Les lettres, atteignant parfois une coudée de hauteur, pour mieux attirer les regards, étaient peintes eh noir, sauf à la dernière ligne qui contenait le nom du propriétaire. En voici un spécimen : « Dans l’héritage de Julia, fille de Spurius Félix, soient loués un bain… et quatre-vingt-dix tavernes, des treilles, des cœnacula, à partir des prochaines kalendes d’auguste, au six des ides d’auguste, pour cinq années consécutives. Que celui qui ne connaîtrait pas la maltresse de ce lieu aille trouver Suettius Vérus, édile. » Écriteau de location trouvé à Pompéi. Dans Ch. Dezobry, Rome au siècle d’Auguste, lettre xvi, 5e édit., 4 in-8°, Paris, 1886, t, i, p. 188. L’Apôtre ne fut donc pas embarrassé pour trouver à se loger. Il aima mieux sans doute avoir un logement à lui, plutôt que de recevoir l’hospitalité d’un chrétien, parce qu’il avait un soldat avec lui et qu’il tenait à recevoir, sans gêner personne, les nombreuses visites qui lui

étaient laites. Act., xx, 16-31.

H. Lesêtre.
    1. LOCH ValentiD##

LOCH ValentiD, théologien catholique allemand, né à Bamberg le 24 septembre 1813, mort dans cette ville, le 14 juin 1893. Après avoir donné l’enseignement religieux à Munich, il devint proijsseur d’exégèse à Amberg, de 1843 à 1863, et à Bamberg, del865àl884. Nomméprélat domestique de Léon XIII, il termina ses jours dans sa ville natale. Outre plusieurs ouvrages historiques qu’il

publia, il s’occupa activement de la Bible, tant de son texte que de sa traduction. Le premier travail de ce genre, qu’il livra au public fut intitulé : Biblia sacra Vulgatse editionis, in-8°, Ratisbonne, 1849. L’édition romaine de 1592 servit de base à cette édition. — Deux ans après, il commença avec son collègue Reischl à traduire en allemand toute la Bible, Reischl se réservant la traduction du Nouveau Testament. Cette œuvre ne fut achevée et publiée complètement, qu’en 1866 sous le titre : Die heiligen Schriften des alten und neuen Testamentes nach der Vulgata, mit sleter Vergleichung des Grundtextes, ùbersetzt und erlaûtert von V. Loch und W. Reischl, 4 in-8°, Ratisbonne, 1851-1866 ; 2e édit., 1869-1870 ; 3e édit., illustrée, 1884-1885. — Les traducteurs suivent la Vulgate, tout en l’accommodant aux textes hébreux et grecs. L’ouvrage contient un grand nombre de notes explicatives solides et pratiques, peut-être même trop savantes pour un ouvrage de ce genre. Cette traduction est actuellement répandue en Allemagne, conjointement avec celle d’Allioli, mais ne réussit guère à éclipser cette dernière, malgré son langage plus châtié. — On doit aussi à Loch : Novum Testamentum. Textumgrœcum e codice Vaticano ; latinum ex Vulgata editione, edidit Loch, in-12, Ratisbonne, 1862. En ce qui concerne le texte grec, il suit le Codex Vaticanus, avec discernement, cum selectu, n’ayant pas l’intention de publier une édition purement critique, mais un manuel (voir Nov. Test., p. ix-xix), utile aux étudiants en théologie.

— Le texte latin reproduit la Vulgate et est accompagné seulement des variantes les plus remarquables. Quatre ans plus tard, il donna une édition correcte du texte grec : ’H muXaià Aia6*îxT) xarà tqÙ ; 0 Vêtus Test. grs.ce juxta LXX interprètes, in-8, Ratisbonne, 1866 ; 2e édit., 1886. C’est une édition critique des Septante basée sur le Codex Vaticanus. Dans l’avant-propos se trouve une dissertation sur les principales variantes (p. v-vil). Le texte même n’en fournit point. — Voir : Katzenberger, dans Jakresbericht 4892-4893, des kbnigl. Bayer. Lyceurns in Bamberg, p. 18-22-24 ; Der Katholik, t. xliv, 1864, p. 755-756 ; t. xlvii, 1867, p. 114116 ; Cornely, Cursus S. Script., Introductio, Paris, 1885, 2= édit., t. i, p. 313 ; Hurter, Nomenclator literarius, 2e édit., Inspruck, 1895, t. iii, col. 1293 ; Hûlscamp, dans le Literarlscher Handweiser, 1873, col. 494.

E. Michels.

LOD (hébreu : Lôd ; Septante : AoS), ville de Palestine ainsi nommée dans I Par., viii, 12 ; I Esd., ii, 33 ; II Esd., vii, 37 ; xi, 34. Dans I Mach., si, 34, et dans le Nouveau Testament, Act., ix, 32, 35, 38, elle est appelée Lyda et Lydda. Voir Lydda.

    1. LODABAR##

LODABAR (hébreu : £<5’Debâr, « non pâturage ; » Septante : Awôaëôp), ville du pays de Galaad. Son nom est écrit Lô Debâr, avec ib, « à lui, » dans II Sam., ix, 4, 5, au lieu de vii, lô’, « non, » qu’on lit II Sam., xvii, 27. Machir, fils d’Ammiel, qui habitait cette ville, y avait reçu dans sa maison Méphiboseth, fils de Jonathas, petit-fils de Saùl. II Reg., ix, 4-5. Plus tard, pendant la révolte d’Absalom, Lodabar est nommée de nouveau, parce que le même Machir envoya des vivres et des meubles à David fugitif. II Reg., xvii, 27. Voir Machir 2.

— On croit généralement que Lodabar est la même ville que la Dabir transjordanique, dont le vrai nom était Lidbir. Jos., ziii, 26. Voir Dabir 3, t. ii, col. 1200.

LOG (hébreu : lôg ; Septante : xotvXr) ; Vulgate : sextarius), mesure de capacité pour les liquides. Son nom vient probablement de la racine £l, qui signifie à

la vme forme, en arabe, « être grand, être profond. » Le syriaque ] A, t « - a tout à la fois le sens de « c plat » et de « mesure s. Les documents démotiques et coptes mentionnent une mesure au nom à peu près iden

tique, le lok. Cf. E. Revillout, dans la Revue égyptologique, 1882, p. 196. Le log n’est mentionné dans la Bible qu’au ch. xiir du Lévitique, 10, 12, 15, 21, 24. D’après les prescriptions contenues dans ces passages, le lépreux doit offrir entre autres choses, au jour de sa purification, un « log d’huile ». L’auteur sacré ne nous dit rien de sa valeur relativement aux autres mesures hébraïques ; nous devons donc recourir pour l’évaluer aux traductions des Septante, de la Vulgate et aux traditions conservées et transmises par Josèphe et par les rabbins. De cette valeur relative nous essayerons de déduire approximativement la valeur absolue.

Les Septante ont rendu le mot log par xotûX7) ; la Vulgate, par sextarius. Josèphe ne nomme pas le log, mais à propos de IV Reg., vi, 25, il traduit les mots « un quart de qab » du texte hébreu par ijéimiç. Ant. jud., ix, 4. Or, selon les rabbins, comme nous allons le voir, le quart du qab est le log, qui est lui-même la 72e partie de Yéphi. D’autre part, Josèphe, Ant. jud., VIII, ii, 9, assigne au bath-éphi la valeur de 72 xestes, et le xeste est la mesure grecque qui répond au sextarius romain de la Vulgate ; le mot grec dérive même du mot latin. Il nous est donc permis de voir le log dans le xeste de Josèphe. D’après les rabbins, voir Waser, De antiquis mensuris Hebreeorum, Heidelberg, 1610, p. 74, 98, le log est la plus petite des mesures hébraïques, le 1/4 du qab, le 1/12 du hin, le 1/24 du se’âh, le 1/72 de Yéphi. Ils lui attribuent donc la même valeur relative que celle que nous pouvons déduire des textes de la Vulgate et de Josèphe. — Seuls, les Septante semblent avoir reconnu au log une tout autre valeur, car la cotyle n’est que la moitié du xeste dans le système métrologique grec dit système nouveau. Voir Bailly, Dictionnaire grec-français, Paris, 1895, appendice sur les Mesures de capacité grecques (attiques). Le log ne serait donc que la 144° partie de l’éphi. La divergence n’est peut-être qu’apparente. Waser, loc. cit., fait remarquer qu’à l’époque où fut composée la traduction des Septante, au me siècle avant Jésus-Christ, le xeste était encore inconnu aux Grecs. Ce n’est que plus tard qu’il s’est introduit dans le système métrologique nouveau, voir Bailly, Diction., comme une corruption du sextarius romain. Les Septante auraient donc employé la mesure qui se rapprochait le plus du log, non seulement par son contenu, mais par la signification du mot qui la désignait : xotûXti, comme log, signifie « creux ».

Il n’est pas facile de fixer la valeur réelle du log. Les divergences d’opinions déjà signalées à propos des autres mesures hébraïques se reproduisent naturellement ici. Voir Éphi, t. iii, col. 1864. Ainsi les rabbins attribuent au log une contenance égale à celle de six œufs de poule, soil lit. 278 environ, comme ils ne reconnaissent à Véfâh qu’une capacité de 20 lit. 01. C’est aussi l’opinion de E. Revillout, dans la Revue êgyptologique, 1882, p. 191, qui prend la cotyle des Septante pour l’équivalent exact du log à l’époque où parut leur traduction, ce qui donne pour cette mesure la contenance de lit. 270. Mais la plupart des métrologistes admettent pour l’éphi une contenance qui varie, selon les auteurs, de 36 lit. 44 à 39 lit. 392 ; pour le hin, une capacité de 6 lit. 49° Voir Hin, t. iii, col. 715. Le log, qui est la 72° partie de^I’épfci, la 12° du hin, a donc, d’après eux, une capacité de lit. 50 environ. Ce système a pour lui l’autorité de la Vulgate et celle de Josèphe, car le sextarius romain, comme le xeste grec, contient à peu près lit. 547, d’après Wex, Métrologie grecque et romaine, traduction Monet, Paris, 1886, p. 33. Voir Zuckermann, Dos jûdische Maassystem, Breslau, 1867 ; Hultsch, Griechische und rômische Métrologie, 2e édit., Berlin, 1882 ; Benzinger, Hebrâische Archâologie, Fribourg, 1894 ; Nowack, Lehrbuch der hebrâischen Archâologie, Fribourg, 1894. F. Martin.

IV. - 11

323

LOGENHAGEN

LOGOS

324

    1. LOGENHAGEN Jacques##

LOGENHAGEN Jacques, théologien belge, prêtre de l’ordre du Saint-Sauveur, né à Anvers, mort en 1611, a publié : Annotaliones in Epistolam canonicam D. Jacobi, in-8°, Anvers, 1571 ; Commenlarius in Evange-Uum secundum Lucatn ex operibus S. Augustini excerptus, in-8°, Anvers, 1574. — Voir Valère André, Biblioth. Belgica, p. 418 ; Dupin, Table des auteurs ecclésiast. du xrn* siècle, col. 1537.

B. Heurtebize.
    1. LOGOS##

LOGOS (grec : Aôyoç ; Vulgate : Verbum). — I. Le problème. — Le mot Xô-j-o ; signifie parole et raison, mais tandis que le second sens est très commun chez les écrivains profanes, la première acception est seule usitée dans la Bible. Il ne faut excepter que certaines phrases toutes faites comme Xôyov ScSdvat, rendre compte, Tivt)iôf(i), pour quelle cause, etc. Dans les Septante Xôyoç est la traduction ordinaire de l’hébreu dâbâr ou de ses synonymes poétiques’ônier et millâh. C’est toujours ; < parole » ou « discours » ; jamais « raison » : yoc toO ©soû désignera donc un oracle particulier ou l’ensemble de la révélation. Il en est de même dans le Nouveau Testament. Seulement ici ô Xôyoç (sous-entendu to-j ©ee>0 ou to-j Xpioroû) devient une sorte de terme technique pour signifier l’Évangile. — On sait que la terminologie de saint Jean est tout à fait spéciale. Six fois dans ses écrits é Xoyoç tout court désigne un être divin préexistant à la création du monde et qui s’identifie avec Jésus-Christ. Joa., i, 1 (ter) ; î, 14 ; I Joa., i, 1 ; Apoc, xrx, 13. Il est impossible de douter que le Verbe de Dieu de l’Apocalypse, xix, 13, soit identique à celui de l’Évangile et si l’on tient compte du contexte et du parallélisme on affirmera sans hésitation la même chose du Verbe de vie de la première Épître. Cependant, pour la doctrine du Logos, nous ne sortirons pas de l’Évangile, les passages de PÉpître et de l’Apocalypse ne nous offrant guère que le nom. — Nous avons à chercher quelle est la nature du Logos de saint Jean, comment il diffère du Logos de Philon, quelle est l’origine de cette conception dans l’évangéliste comme dans le philosophe alexandrin, enfin quelle est la provenance du nom lui-même.

IL Le Logos dans saint Jean. — 1° Prologue. — L’idée du Logos domine tout le Prologue. Il est tour à tour envisagé dans sa triple relation avec Dieu, avec le monde et avec l’humanité. —i.Le Logos et Dieu. — Trois affirmations résument son rôle au sein de la divinité : « Au commencement le Logos existait ; » il est donc sans commencement, éternel. « Et le Logos était en Dieu, » résidait auprès de Dieu, Ttpbç tôv ©eov, par conséquent était distinct de lui, é ®eô ; avec l’article désignant le Père. Enfin « le Logos était Dieu » : xai ©eo ; > à >.6yot. Il n’est pas dit que le Logos fût le Père, à ®e<5{, ce qui serait manifestement absurde ; mais il est dit qu’il était Dieu, 0e6{, qu’il avait la nature divine ; et cela est exprimé avec emphase par un procédé d’union’et de transition particulier à Jean, procédé qui consiste à renverser la place du sujet et de l’attribut et â mettre ce dernier en tête de l’incise. Il est à noter que les mots ï-i àpfâ, « au commencement, » allusion manifeste au début’de la Genèse, affectent les trois premières propositions et que le verbe -7, v, avec ses trois acceptions différentes « exister, subsister, être », indique un état contemporain de ce commencement, mais nécessairement antérieur. — 2. Le Logos et le monde. — Ici la doctrine de l’apôtre est la clarté même : « Tout a été fait par lui (St’aûtoû) et rien n’a été fait sans lui. » Absolument rien (où6è £v) de ce qui est soumis au devenir n’est arrivé à l’existence (ÈYévExb) indépendamment de lui (x< « >P^Ç aiitoO). La matière elle-même est comprise dans une.affirmation si générale et si catégorique. — 3. Le Logos et l’humanité. — « Et le Logos, s’est fait chair et il a fixé sa tente parmi nous et nous avons vu sa gloire. » i, 14. Il

est évident que le Logos est ici identifié avec le Christ historique auquel Jean-Baptiste a rendu témoignage : c’est un même sujet d’attributions, un même agent, une même personne.

2° Rapports du Prologue avec l’Evangile. — D’après une explication assez répandue, le Prologue ne serait pas la porte de l’Évangile, mais un vestibule destiné à y introduire sans soubresauts, insensiblement, les esprits imbus de la culture hellénique. Ce serait une façade appliquée après coup à l’édifice et qui ne lui conviendrait pas. La maison n’aurait pas de rapport avec la devanture (Harnack) ; tout au plus accorde-t-on au Logos une place secondaire, subordonnée (Beyschlag). Les deux raisons qu’on donne pour séparer le Prologue du corps de l’ouvrage et en diminuer l’importance théologique sont : 1° Que le Jésus du quatrième Évangile ne prétend point au titre et à la qualité de Logos. 2° Que ce mot de Xô-j-o ; ne reparait plus dans son sens technique, en dehors du Prologue. — Nous croyons au contraire

— et H. J. Holtzmann semble l’avoir établi à l’évidence

— que le Prologue n’est pas un morceau composé après coup et séparable de l’Évangile, mais qu’il en est le programme et qu’il en livre la clef. L’Évangile entier a pour but de montrer que le Jésus historique possède toutes les propriétés du Logos fait chair du Prologue. En effet, le Logos est Lumière et Vie et il a pour fonction de communiquer aux hommes la lumière et la vie, I, 4-9 ; mais Jésus lui aussi est la Vie, xiv, le pain de vie, vi, 48, la Lumière, viii, 12 ; îx, 5 ; xii, 46, el il proteste en vingt endroits qu’il apporte aux hommes la lumière, m, 19-21 ; viii, 12 ; xii, 35-36 et la vie éternelle, iii, 15, 16, 36 ; v, 40, 47, 54, 68 ; x, 10, 28 ; xvii, 2, 3 ; xx, 31. Le Logos du Prologue est préexistant d’une préexistence éternelle, tout-puissant, omniscient ; mais ce sont là précisément les attributs que nous voyons appliqués à Jésus, avec le plus d’insistance, au cours de l’Évangile. Enfin le Logos est Dieu, i, 1, 18 (nous lisons avec les meilleures autorités : 6 [aovoysvïiç ©e<5 ; au lieu de vie ; ) ; mais Jésus se donne pour l’égal de Dieu, v, 18, pour le Fils de Dieu, xix, 7, pour Dieu, x, 33 ; il accepte ce nom de la bouche de saint Thomas, xx, 28 ; si saint Jean ne lui fait pas revendiquer le titre même de Logos, c’est que ce nom est notoirement étranger à la terminologie du Maître. On est donc obligé de reconnaître que le Prologue est soit un canevas tracé d’avance que l’Évangile remplit, soit un résumé qui condense en quelques lignes la quintessence de l’Évangile. Dans un cas comme dans l’autre, son importance, au point de vue de la théologie johannique, est capitale. « Le Prologue et le livre sont à expliquer l’un par l’autre, ^ ils sont inintelligibles l’un sans l’autre. » A. Loisy, Éludes évangéliques, 1902, p. 127.

3° Le Prologue et le reste du Nouveau Testavient. — Bien que le mot de Logos soit propre à saint Jean, car I Pet., i, 23, et II Pet., iii, 5, ne peuvent pas s’entendre du Logos personnel, non plus que Heb., IV, 12, la doctrine elle-même lui est commune avec d’autres écrivains sacrés. Les Épîtres de saint Paul, Col., 1, 13-20 ; il, 9 ; Phil., ii, 5-11, ainsi que Heb., i, 1-4, expriment en substance toutes les idées essentielles du Prologue, relativement à la personne unique du Christ et à sa double nature, mais elles les revêtent d’une terminologie différente. Elles s’accordent avec saint Jean sur les points suivants : 1. Identification, avec la personne historique de Jésus, d’un être divin, préexistant d’une préexistence éternelle. Notez comme ils passent, sans changement de sujet, de la préhistoire du Christ à sa vie historique et ensuite à son état glorifié. — 2. Filiation divine en un sens tout spécial qui ne convient ni ne peut convenir à aucun autre. Il est le Fils par excellence, Heb., i, 2, 5, 8 ; iii, 6, etc. ; Col., i, 13 ; le Monogène. Joa., i, 18. — 3. Rôle actif dans la création et la conservation de tous les êtres sans exception. JJeb., i, 2-3 ; Col., i, 16-17 ; 325

Joa., 1, 3. — 4. Enfin attributs divins et appellation divine décernés à cette personne. Joa., 1, 1, 18 ; Heb., 1, 8 (6 Θεός), 10-12 ; Col., 11, 9 ; Phil, rt, 5 (la forme de Dieu et l'égalité avec Dieu). La formule de Pau), Col., 1, 9 : Ἔν αὐτῶ κατοικεῖ πᾶν τὸ πλήρωμα θεότητος σωματικῶς ; € en lui habite toute la plénitude de la divinité corporelle- ment, » équivaut, pour l’expression théologique de l’in- carnation, à la formule de Jean, 1, 14 : Ὃ λόγος σὰρξ ἐγένετο, « le Logos s’est fait chair. »

III. PHILON ET SAINT JEAN. — 19 Le Logos de Philon. — ll est malaisé de ramener à l’unité la doctrine de Philon au sujet du Logos, amalgame d'éléments irréduc- tiblement opposés. — 1. Il y a d’abord l'élément scrip- turaire et celui de la théologie judaique contemporaine. Philon se souvient des personnifications bibliques de la Parole de Dieu, de l’Esprit de Dieu, de la Sagesse de Dieu, personnifications flottant entre Yhypostase réelle et la prosopopée poétique. Il tire de l'Écriture, Gen.,

27, sa théorie favorite du Logos image (εἰκών) ou ombre (σκία) directe de Dieu, laquelle sert de modèle (zapá- δειγμα) au monde et à lhomme. Leg. Alleg., In, édit. Mangey, t. 1, p. 106. C’est aussi sur un texte des Septante, Gen., xxxt, 12 : Ἐγώ εἰμι 6 Θεὸς ó ὀφθείς cot ἐν τόπῳ Θεοῦ, qu’il s’appuie pour désigner Dieu par ὁ Θεός avec l’article et le Logos par Θεός sans article, De som- λὲς, t. 1, p. 653. Les épithétes du Logos ἀΐδιος χαρακτὴρ Θεοῦ, De plantat., t. 1, p. 332, et ἀνθήλιος αὐγή, De som- "iis, t. 1, p. 655, paraissent empruntées au Livre de la Sagesse. — La théologie judaique est représentée surtout par les titres qui font du Logos le médiateur universel : ἀρχάγγελος, μεθόριος, « intermédiaire, » Ἱκέτης, « interces- seur, » ἑρμηνεύς, « interpréte, » ὕπαρχος, « lieutenant, » etc. — 2. L'élément philosophique vient principalement de Platon et d’Héraclite, peut-être aussi des stoiciens. Pla- ton fournit sa théorie des idées, exploitée surtout dans le De mundi opif., t. 1, p. 4-7 : le Logos est l’archétype χἀρχέτυπον παράδειγμα), l’idée intelligible (νοητὴ ἰδέα), d’idée des idées (ἰδέα τῶν ἰδεῶν), enfin le centre, le lieu et le monde des idées (ὁ ἐκ τῶν ἰδεῶν χόσμος). Par con- . séquent le λόγος de Philon correspond au νοῦς de Platon, appelé accidentellement λόγος dans le Timée : c’est l’en- tendement divin en acte ou, si l’on veut, l’acte de l’en- tendement divin, analogue au plan de l’architecte et à Tidéal de l’artiste. — Philon se référe expressément à Héraclite, dont il admire fort le génie, pour sa théorie du λόγος τομεύς. Quis verum divin. hæres, t. τ, p. 508. Quant aux stoiciens, s’il s’inspire largementde leursidées morales, nous ne trouvons chez lui aucune trace certaine de leur panthéisme cosmogonique. Cependant il em- prunte souvent leur langage, par exemple quand il fait du Logos le lien ou la loi du monde, De fuga, t. 1, p. 562 ; De plantatione, t. 1, p. 330-331 ; Quis rerum divin. hæres., t. 1, p. 499 (κόλλα καὶ δεσμός) ; De vita Mosis, 1, t. τι, p. 155 (τοῦ συνέχοντος καὶ συνοικοῦντος “τὰ πάντα, expressions techniques dans le système stoi- <ien du Logos), etc. Mais il corrige leur monisme pour maintenir la transcendance du Dieu personnel, confor- mément à l’orthodoxie juive. — 3. Il y a enfin l’apport per- sonnel de Philon. Entrainé par sa fureur d’allégorisme, il reconnaît des figures du Logos dans l'épée flam- boyante des anges qui gardaient l'Éden, De Cherubim, t. 1, p. 144, dans le grand-prétre juif, De profugis, t. 1, p. 662, dans la manne, Leg. Alleg., wi, t. 1, p. 190-192, dans la tourterelle offerte en sacrifice, Quis rerum divin. hares, t. 1, p. 505-506, etc. Une fois en possession de son allégorie, il la poursuit jusque dans ses moindres détails, par une suite de rapprochements aussi forcés que puérils ; l’imagination l'égare et il serait oiseux de chercher une doctrine suivie dans ces divagations. Il reconnait, par exemple, dans le Logos les qualités de la manne, légére, brillante, pareille à la graine de corian- dre, Qu’on lise en particulier l’application au Logos du mot Τί, traduction du nom hébreu de la manne, Leg.

LOGOS

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Alleg., II, t. 1, p. 122, ou les rapprochements avec les prescriptions relatives au grand-prêtre, qui est tenu ‘d’épouser une vierge, qui ne déchire pas ses habits en signe de deuil, etc. De profugis, t. 1, p. 669. — Le Logos de Philon est souvent qualifié de divin (θεῖος), il est méme quelquefois appelé Dieu (Θεός). Leg. Alleg., t. 1, p. 128 ; De somniis, t. 1. p. 659. D’après Eusébe, Præpar. Evang., vit, 13, t. xx, col. 545, il serait aussi désigné par ὁ δεύτερος Θεός, mais on ne sait pas si Eu- sèbe cite textuellement ou s’il interprète. Toujours est-il que cette expression ne paraît pas dans les Questiones et solutiones auxquelles Eusébe se référe et dont on possède le texte arménien, traduit en latin par Aucher. Il est vrai qu’elles commencent à Gen., 11, 4, de sorte que le début, d’où la citation d’Eusébe a pu être tirée, semble perdu. Nous avons exposé plus haut l’origine de cette théorie du Logos Θεός.

% Le Logos de Philon et le Logos de saint Jean. — 1. Ressemblances. — Elles ressortent de ce qui pré- cède. Des deux côtés le Logos est appelé Fils de Dieu et Dieu ; un róle lui est attribué dans la formation du monde ; il est médiateur entre Dieu et les hommes, il apporte aux hommes la révélation céleste. — 2° Diffé- rences. — A) Le Logos de Philon est une notion abstraite, vague et flottante, une idée constamment personnifiée, mais qui n’atteint pas la personnalité véritable. Jamais Philon n’a identifié son Logos avec le Messie et il aurait repoussé avec horreur la formule : ὃ Λόγος σὰρξ ἐγένετο. Le Logos de saint Jean est un être concret, le Fils de Dieu incarné, Jésus-Christ, gardant sa personnalité immuable à travers sa double existence préhistorique et historique. — B) Le Logos de Philon est démiurge, le Logos de Jean ést créateur. Le dernier produit la matiére elle-méme : tout a été fait par lui et rien n’a été fait sans lui. Le premier agit sur une matiére pré- existante, rebelle, mauvaise : instrument de Dieu, il l’assouplit et la faconne ; par lui l’univers est formé, ἐδημκουργεῖτο, De monarch., t. iii, 925, ou préparé, χατεσχευάσθη. De Cherub., t. 1, p. 162. Dans ce dernier texte, Philon expose, les quatre causes du monde : la cause efficiente (ὑφ᾽ οὗ), Dieu ; la cause matérielle (ἐξ ot), la matiére incréée ; la cause instrumentale (δι᾽ οὗ), le Logos divin ; la cause finale (δι᾽ ὅ), la bonté de Dieu. — C) Le Logos de Philon est fils de Dieu, mais au méme titre que le monde. Il n’est pas fils unique, il est fils aîné, (ὁ πρεσδύτερος υἱός, Quod Deus immwut. t. 1, p. 277), le monde étant le fils cadet (ὁ νεώτερος vióc), si bien que le temps, lequel est lui-même fils du monde, se trouve être ainsi le petit-fils (viwvéc) de Dieu. Dans le méme sens, il est appelé souvent πρεσδύτατος vióc ou πρωτό- yovoc. De confus. linguar., t. 1, p. 414. En saint Jean au contraire, le Verbe, identifié avec la personne de Jésus- Christ, est le Dieu monogéne (ὁ μονογενῆς Θεός) ou, d’après d’autres autorités, le Fils monogéne (ὁ μονογενὴς υἱός). Joa., 1, 18. Mais, dans tous les cas, sa filiation différe infiniment de la production du monde, qui n’est pas une filiation, et de la filiation participée et analo- gique des enfants de Dieu. — En résumé, les différences sont profondes et portent sur les points fondamentaux ; les ressemblances sont superficielles et s’expliquent par l’usage commun de l’Ancien Testament, y compris les Livres/deutérocanoniques. Nous croyons donc devoir conclure avec Cremer, Biblisch-theol. Wórterbuch der meulest. Gräcität, 95 édit., Gotha, 1902, p. 646 : « Il faut bien se garder d’interpréter le Logos de Jean par le Logos philonien ; d’autant plus que le Prologue s’inspire de concepts empruntés à l’Ancien Testament et entendus dans un sens qui n’est pas celui de Philon. »

IV. ORIGINE DE LA NOTION ET DU NOM DE Locos. — 1e Dans Philon. — On affirme souvent que Philon. emprunte sa théorie du Logos à la philosophie grecquc et que saint Jean, à son tour, tire sa doctrine du Logos des spéculations de Philon. Cette explication peut se

recommander par sa simplicité, mais elle ne résiste pas à un examen approfondi. Sans la Bible, Philon n’aurait jamais pensé au Logos. En effet la raison divine, centre et lieu des idées, s’appelle dans Platon voijç et non pas Xô-j-o ?. Le >ôf o ; toiasv ; d’Heraclite, cette loi qui préside à l'évolution de l’univers en tirant les contraires de. l’unité primordiale, n’exprime qu’un aspect très particulier et très exceptionnel du Logos philonien. D’autre part, le Xd-yoç des stoïciens, c’est-à-dire l’intelligence et la force divines répandues dans la matière (Xd-j-o ? cræpuatix(5 ; ), l'âme du monde qui remue et vivifie la masse inerte (mens agitât molem et magno se corpore miscet, Virgile, JEneid., vi, 727), est nettement panthéiste. C’est le principe actif de la matière, principe passif : Ta &ï irâtr/ov eïvat rïiv anoiov où<rfavT7)v CX^v, to S^tcoioOvtov iv aÛTfj Xêyov tôv ©eôv. Voir tout le passage de Diogène Laërce, Vit. philosoph., VII, i, 68, édit. Didot, p. 188191. Jamais Philon ne se fût inspiré de ces spéculations blasphématoires. Il peut être dualiste, mais il n’est ni matérialiste, ni panthéiste, ni athée. — Philon a pris sa première idée du Logos dans l'Écriture. Dans l’Ancien Testament le Verbe de Dieu (dâbâr) est assez souvent personnifié. C’est par lui que les cieux ont été créés. Ps. xxxiii (xxxii), 4, 6. Il fait surtout fonction de messager de Jéhovah. Is., îx, 7 ; Ps. cvn (cvi), 20 ; cxlvii (cxlvi), 15. — Isaïe, lv, 11, soutient plus longuement la prosopopée : « Le verbe qui sort de ma bouche ne reviendra pas à moi sans effet : il exécutera ma volonté et accomplira mes desseins. » Au Livre de la Sagesse, xviii, 15-16, la personnification fait un pas de plus : « Ton verbe tout-puissant du haut des cieux, des trônes royaux, s'élança guerrier impitoyable au milieu de la terre de perdition ; portant, comme un glaive tranchant, ton ordre explicite, partout il semait la mort. Pendant qu’il touchait au ciel il marchait sur la terre. » — Ces passages et d’autres semblables préparaient les esprits aux spéculations du judaïsme sur le médiateur appelé Memra. Memra (quelquefois dibbura, même sens) veut dire « parole » et correspond exactement à la signification biblique de Xi-j-o ?- Le Memra joue un très grand rôle dans la théologie judaïque et son emploi dans les Targums est continuel : 1. Pour éviter les anthropomorphismes. Quand Dieu regarde, entend, se lève, se repent, se met en colère, jure par lui-même, etc., c’est le Memra de Jéhovah qui le fait à sa place. — 2. Pour servir d’intermédiaire entre Dieu et les hommes. Il est vrai que la rédaction des Targums est postérieure à Philon, mais on ne peut guère douter que l’esprit et la tradition n’en remontent à cette époque, et Weber, Jûdische Théologie, 2e édit., 1896, p. 184, se prononce catégoriquement dans ce sens. Du reste Philon luimême rapporte à la Bible, c’est-à-dire à sa manière de l’entendre, sa théorie du Logos dans ce qu’elle a de plus grec et de moins biblique : De mundi opif., t. i, p. 5 : Mutiaéwç Ècrri t<S& 8<5f|A « toûto, oùx 1(j16v, il s’agit du Logos prototype des choses. Quis rer. divin, hssres, t.'ij p. 503. — Philon fut très heureux de rencontrer un terme également usité dans la philosophie grecque et la théologie judaïque. Il s’en empara et, avec le syncrétisme dont il était coutumier, il le chargea des acceptions qu’il avait reçues de part et d’autre, en essayant de se persuader et de faire croire qu’au fond ces notions opposées étaient identiques. Sa théorie hybride du Logos n’a pas d’autre source.

2° Dans saint Jean. — Nous avons vu que le Logos de saint Jean est spécifiquement chrétien. Jean n’est ni l’auteur, ni le premier promulgateur du système qui applique au Christ ce que l’Ancien Testament dit de la Sagesse de Dieu, du Verbe de Dieu, de l’Ange de Jéhovah, etc., en accentuant encore les caractères divins et personnels de ces demi-hypostases. Il a été devancé dans cette voie par saint Paul et par le rédacteur de .I'Épitre aux Hébreux. Il n’a de propre que le nom de

Logos. C’est un signe que la théorie du Logos — au nom près — remonte à la tradition apostolique et, plus haut encore, à la prédication de Jésus. Il est à noter que saint Jean rapporte à l’enseignement du Maître tous les traits constitutifs de son Logos : la préexistence au sein de Dieu, i, 30, viii, 38, 58, xvii, 5 ; l’origine céleste, iii, 13-21, vi, 62, vii, 28-29, viii, 14, 23, 42, xvi, 28 ; l’unité avec le Père, xii. 45-50, xiv, 7-11, xvi, 15, xvii, 21 ; la divinité, v, 19-30, x, 33-38, xx, 28-29 ; la lumière du monde, xil, 46, xviii, 37 ; la source de vie, vi, 57, xiv, 6, xvii, 2, xx, 31, etc. La question de savoir d’où provient la doctrine du Logos se trouve ainsi résolue. Reste la question du nom lui-même. Ici nous sommes réduits à des conjectures plus ou moins probables. — 1. On ne saurait admettre que l'évangéliste emprunte directement le terme de Logos à Philon, car il ne montre aucune connaissance et ne semble pas avoir lu une seule ligne du philosophe alexandrin ; mais on peut supposer qu’il lui en est redevable indirectement. Les écrits de Philon doivent avoir été assez répandus parmi les Juifs hellénistes. Il est curieux de noter qu’Apollos, évidemment imbu de philonisme, prêcha à Éphèse avant et après son baptême et ne dut pas manquer d’y exercer une influence égale à celle qu’il avait conquise à Corinthe. Ce mot de Logos peut avoir été vulgarisé par lui ou par un autre adepte de Philon et saint Jean se serait emparé de ce terme d’ailleurs très propre a exprimer sa conception du Christ. — 2. D’autres pensent que le Memra de Jéhovah jouait déjà dans les écoles juives de langue hébraïque le rôle prépondérant que nous lui voyons prendre à l'époque du Targum et du Talmud. L'évangéliste l’aurait traduit en grec, lui aurait conservé ses attaches avec les textes de l’Ancien Testament où il est question d’intermédiaire divin, l’aurait appliqué au grand Médiateur de la nouvelle alliance en lui surajoutant les acceptions de la christologie chrétienne. — 3. Enfin il n’est pas absurde de supposer que les premiers hérétiques, ces pères des gnostiques contre lesquels saint Jean, selon la tradition, dirigeait spécialement son Évangile, eussent déjà abusé de ce nom de Logos, comme les gnostiques postérieurs en abusèrent dans la suite sans cependant lui donner plus de relief qu’aux autres éons. Saint Jean leur aurait arraché ce terme avec ceux de vie, de lumière, de vérité, etc., et les aurait retournés contre eux. Beaucoup d’exégètes croient remarquer dans les Épltres de la captivité de saint Paul une semblable tactique. — Il nous paraît plus vraisemblable que deux de ces causes ou même toutes les trois ont agi à la fois. Le mot Logos (Memra) était très fréquent dans la théologie judaïque contemporaine ; Philon l’avait vulgarisé dans les milieux juifs de langue grecque ; sans doute des esprits curieux et inquiets en faisaient déjà le thème de leurs spéculations. D’autre part ce terme, commun aux Juifs et aux Gentils, était merveilleusement adapté à la personne de celui qui est la sagesse substantielle de Dieu, l’image par laquelle le Père s’exprime et se traduit, la révélation vivante et le médiateur de la révélation parfaite et définitive, enfin celui qui réunit en lui-même, en un sens éminent, les propriétés du X(5yoç êvStaÔEtôç (immanent) et du Xo’yo ? irpoçopixôç des philosophes. Il ne faut pas chercher au nom du Logos une autre origine : nous avons déjà dit que la doctrine même du Logos dans saint Jean est originale, sauf les points d’attache avec l’Ancien Testament.

V. Le Logos dans les Pères de l'Église. — Il ne nous appartient pas de suivre l’histoire du Logos au delà du siècle apostolique. Nous remarquerons seulement que la doctrine du Logos a peu de relief chez les écrivains, du I er siècle et du n « à son début. Elle n’a pas une importance marquée dans les premiers systèmes gnostiques : le Logos n’est qu’un éon comme les autres, formant avec Zoé, « la Vie, » le troisième

couple du système de Valentin. C’est à partir de saint Justin et des apologistes philosophes que l’importance du Logos augmente. Tertullien l’a constamment sous la plume ; il le traduit en latin par Sermo, par Ratio ou par Verbuni. Cl. Stier, Die tiottesund Logos-Lehre Tertullians, Gœttingue, 1899. Ou connaît le rôle que lui font jouer Clément d’Alexandrie et Origène. Aall, Geschichte der Logosidee in der christlichen Litteratur, Leipzig, 1899. Eusèbe ouvre son Histoire ecclésiastique par une longue dissertation sur le Logos préexistant.

VI. Bibliographie. — Les dissertations sur le Logos sont innombrables. Tous les commentateurs de saint Jean, Schanz, Knabenbauer, Meyer-Weiss, etc., traitent la question avec plus ou moins d’ampleur. Toutes les théologies bibliques du Nouveau Testament, Weiss, Beyschlag, Holtzmann, Bovon, Stevens, etc., consacrent un chapitre au Logos. — 1. Sur le Logos de Philon on peut consulter, outre les historiens de la philosophie, comme Zeller : Grossmann, Quxstiones Philonex. De t.ô-(iù Philonis, Leipzig, 1829 ; Niedner, De subsUtentia tû ®e : <j> X15y£ apud Philonem tributa, Leipzig, 1848 ; Delaunay, Philon d’Alexandrie, Paris, 2e édit., 1870 ; Heinze, Die Lehre tiowi Logos in der griech. Philosophie, Oldenbourg, 1872 ; Siegfried, Philo von Alexandria als Ausleger des A. T., Iéna, 1875 (ouvrage capital malgré quelques idées systématiques) ; H. Soulier, La doctrine du Logos chez Philon d’Alex., Turin, 1876 ; Réville, Le Logos d’après Philon d’Alex., Genève, 1877 ; Aall, Geschichte der Logosidee in dm’griech. Philosophie, Leipzig, 1896 ; Herriot, Philon le Juif, Paris, 1898 ; J. Drummond, Philo Judssus, Londres, 1888, t. ii, chap. vi : The Logos, p. 156-273. — 2. Sur le Logos de « aint Jean et ses rapports avec le Logos philonien : Réville, La doctrine du Logos dans le 4e Evangile et dans les œuvres de Philon, Paris, 1881 ; Baldensperger, Der Prolog des vierten Evangeliums, Fribourg-en-Brisgau, 1898 ; W. Lùtgert, Die Johanneische Christologie,

  • hap. vi : Die Logoslehre, Gûtersloh, 1899, p. 115-139 ;

K. Weiss, Der Prolog, des heiligen Johannes, Fribourgen-Brisgau, 1899 ; Calmes, Éludes sur le prologue du 4e Evangile, dans la Revue biblique, 1900, p. 5-29, 378, 399 ; 1901, p. 512-521 ; Loisy, Le prologue du quatrième Évangile, dans Études évangél., Paris, 1902.

F. Phat.

    1. LOI MOSAÏQUE##

LOI MOSAÏQUE, législation formulée dans le Pentateuque, et qui a Moïse pour auteur et pour promulgateur. Cette loi est appelée par excellence tôrâh, v6|xo< ; , lex, « la Loi, » Deut., i, 5 ; iv, 8 ; Jos., i, 7 ; IV Reg., xvii, 13, etc., « la loi de Moïse, » IIIReg., ii, 3 ; IV Reg., xiv, 6 ; II Esd., viii, 1, pu « la loi de Dieu ». II Par., xvii, 9 ; I Esd., vii, 10 ; II Esd., viii, 18, etc. — Le mot tôrâh dérive du verbe ydrâh, dont la forme hiphil, Jiôrdh, signifie « ’montrer avec le doigt, enseigner ». JExod., xxxv, 34 ; Job, vi, 24 ; Mich., iii, 11, etc. Il a donc le sens général d’enseignement, avec l’idée de doctrine impérative, destinée à régler la conduite. La tôrâh est quelque chose de plus étendu et de plus compréhensif que le mispât, décision portée par celui qui a autorité, le misvâh, le précepte particulier, et le hoq, prescription limitative du droit. La tôrâh comprend ordinairement l’ensemble des lois. Exod., xiii, 9 ; xvi, 4, 28, etc. Quelquefois cependant ce nom est donné à des lois particulières. Lev., vi, 9 ; xi, 46 ; Num., v, 29 ; vi, 13, etc. Le mot tôrâh peut s’appliquer également à la loi mosaïque « Ile-même et au livre qui la contient. Les Hébreux donnaient le nom de fôrâh à tout le Pentateuque. C’était le Pentateuque tout entier qui était divisé en 154 parHyôt ou sections, pour être lu dans les synagogues le jour du sabbat dans le cours de trois années. Cf. Megilla, 29 b. Les prophètes fournissaient matière à une autre lecture. Voir Lecteur, col. 146. C’étaient eux en effet qui avaient à expliquer et à continuer l’œuvre législative de Moïse.

I. Ses divisions. — La loi mosaïque ne se présente

pas dans le Pentateuque sous la forme d’un code logiquement ordonné. Les articles divers y sont rattachés occasionnellement aux faits historiques, ou bien viennent à la suite les uns des autres sans lien apparent. On peut les grouper ensemble sous quatre titres principaux, bien que quelques-uns d’entre eux puissent se rattacher à des titres différents.

I. lois morales. — 1° Loi fondamentale : le Décalogue. Exod., xx, 2-17 ; Lev., xix, 3, 11-18 ; Deut., v, 1-33.

2° Lois positives /sur la pratique de la justice, Exod., xxm, 1-8 ; Lev., xix, 35, 36 ; Deut., xxiv, 14, 15 ; xxv, 13-16 ; — sur la restitution. Num., v, 5-10.

3° Lois prohibitives : contre l’idolâtrie, Exod., xxii, 20 ; xxiii, 13, 24, 25 ; xxxiv, 17 ; Lev., xix, 4 ; xx, 1-5 ; Deut., xvi, 21, 22 ; — contre la malédiction de Dieu, du roi, des parents, Exod., xxii, 28 ; Lev., xx, 9 ; xxiv, 16 ;

— cpntre les manquements envers les parents, Exod., xxi, 15-17 ; — contre l’homicide, Exod., xxi, 18-27 ; Lev., xxiv, 17 ; — contre les fautes opposées aux mœurs, Exod., xxii, 16-19 ; xxiii, 26 ; Lev., xix, 20-22 ; — contre la prostitution, Lev., xix, 29 ; Deut., xxiii, 17, 18 ; — contre les unions illicites et immorales, Lev., xviii, 1-30 ; xx, 10-21 ; Deut., xxii, 30 ; — contre les pratiques superstitieuses, Lev., xix, 26-28, 31 ; xx, 6-8, 27 ; Deut., xrr, 1, 2 ; xviii, 9-14 ; — contre les travestissements, Deut., xxii, 5 ; —sur les impuretés légales, Lev., xv, 1-33 ; Num., v, 1-4 ; — sur la distinction des animaux purs et impurs. Lev., xi, 1-47 ; xx, 25 ; Deut., xiv, 1-21.

4° Lois de bienveillance : sur la part à laisser aux indigents, aux étrangers, aux passants, dans les champs et les vignes, Lev., xix, 9-10 ; Deut., xxiii, 24, 25 ; xxiv, 19-22 ; — sur la balustrade prescrite à la terrasse des maisons, Deut., xxii, 5 ; — sur le devoir de ramener à leur maître les animaux égarés, Exod., xxiii, 4 ; Deut., xxii, 1-4 ; — sur la compassion envers les animaux. Exod., xxiii, 5, 19 ; Deut., xiv, 21 ; xxii, 6, 7.

II. lois cérémonielles. — 1° Les personnes : les prêtres, Lev., xxi, 1-23 ; — leur consécration, Exod., xxix, 1-37 ; — leurs vêtements, Exod., xxviii, 1-43 ; — leurs droits dans les sacrifices, Lev., x, 12-15 ; xxii, 116 ; — revenus des lévites, Num., xviii, 8-32 ; — droits des prêtres et des lévites^ Deut., xviii, 1-18 ; — les premiers-nés, Exod., xiii, 11-16 ; xxxiv, 19, 20 ; Deut., xv, 19-23, les animaux compris ; — le nazarét. Num., vi, 1-21.

2° Les lieux du culte : endroit assigné pour les sacrifices, Lev., xvii, 1-9 ; — le Tabernacle et son mobilier. Exod., xxv-xxvii, xxx, 1-10, 17-38.

3° Les temps sacrés ; le sabbat, Exod., xvi, 23-26 ; xxm, 12 ; xxxi, 12-17 ; xxxiv, 21 ; Lev., xix, 3 ; — la Pàque, Exod., xii, 1-11, 24-28 ; — les jours des azymes, Exod., xiii, 3-10 ; xxxiv, 18, 25 ; — les trois grandes fêtes, Exod., xxiii, 14-17 ; xxxiv, 22, 23 ; Lev., xxiii, 1-43 ; Deut., xvi, 1-17 ; — la fête de l’Expiation. Lev., xvi, 1-34.

4° Les rites sacrés : les sacrifices, Exod., xxiii, 18 ; Num., xv, 1-31 ; — leur époque, Num., xxviii, 1-39 ; — victimes à offrir, Lev., xxii, 18-30 ; — le sacrifice perpétuel, Exod., xxix, 38-42 ; — les holocaustes, Lev., i, 1-17 ; vi, 1-6 ; — les sacrifices d’action de grâces, Lev., m, l 7 17yvn, 11-21, 28-36 ; xix, 5-8 ; — les sacrifices pour différentes fautes, Lev., iv, 1-35 ; v, 1-19 ; vi, 1-7, 14-30 ; vil, 1-21 ; — les offrandes, Lev., ii, 1-16 ; vi, 14-23 ; — la purification de la femme après ses couches, Lev., xii, 1-8 ; — la purification de la lèpre, Lev., xiv, 1-32 ; — les autres purifications, Lev., xv, 29, 30, etc. ; — le rite de la vache rousse. Num., xix, 2-22.

5° Les choses saintes : les pains de proposition, Lev., xxrv, 1-9 ; — les vœux, Lev., xxvil, 1-29 ; Num., xxx, 1-17 ; Deut., xxiii, 21-23 ; — les prémices, Exod, , xxii, 29, 30 ; xxiii, 19 ; xxxiv, 26 ; Deut., xxvi, 1-5 ; — les dimes, Lev., xxvii, 30-33 ; Deut., xiv, 22-29 ; xxvi, 12-15 ;

— le sang et la graisse soustraits aux usages profanes.. Lev., vii, 22-27 ; xvii, 10-14 ; xix, 26.

/II. lois civiles. — 1° Institutions de gouvernement : les anciens, Exod., xviii, 25, 26 ; — les juges et les magistrats, Deut., xvi, 18-20 ; xvii, 8-14 ; — la royauté. Deut., xvii, 14-20.

2° Institutions sociales : la bigamie, Deut., xxi, 1517 ; — les atteintes à la légitimité du mariage, Deut., xxii, 13-21, 28, 29 ; - le lévirat, Deut., xxv, 5-10 ; — le mariage des héritières, Num., xxxvi, 5-9 ; — le divorce, Deut., xxiv, 1-4 ; — la veuve et l’orphelin, Exod., xxii, 22-24 ; — les esclaves, Exod., xxi, 1-11 ; Deut., xv, 12-18 ; xxi, 10-14 ; xxiii, 15, 16 ; — les étrangers, Exod., xxii, 21 ; xxiii, 9, 32, 33 ; xxxiv, 12-16 ; Lev., xix, 33, 34 ; — l’année sabbatique, Exod., xxiii, 10, 11 ; Lev., xxv, 2-7 ; Deut., XV, 1-11 ; — l’année jubilaire. Lev., xxv, 8-55.

3° Lois de police : les témoins, Deut., xix, 15-21 ; — le vengeur du sang, Num., xxxv, 16-34 ; — l’homicide inconnu, Deut., xxi, 1-9 ; — la femme soupçonnée d’adultère, Num., v, 11-31 ; — les prêts et les gages, Exod., xxii, 25-27 ; Deut., xxiii, 19, 20 ; xxiv, 6, 10-13, 17 ; — le respect des bornes, Deut., xix, 14 ; — les accidents fortuits et les imprudences, Exod., xxi, 28-36 ; — les dommages volontaires ou involontaires, Exod., xxii, 1-15 ; Lev., xxiv, 18-22 ; — le siège des villes, Deut., xx, 10-20 ; — l’exemption du service militaire, Deut., xx, 5-9 ; xxiv, 5 ; — les villes lévitiques, Num., xxxv, 1-5 ;

— les villes de refuge, Num., xxxvi, 6-15 ; Deut., xix, 1-13.

¥ Lois d’hygiène : les impuretés légales, voir t. iii, col. 857 ; — la lèpre des hommes, des maisons et des vêtements, Lev., xiii, 1-59 ; xiv, 34-57 ; Deut., xxiv, 8-9 ;

— la propreté du camp. Deut., xxiii, 9-14.

5° Prescriptions symboliques : porter des franges aux vêtements, Num., xv, 37-41 ; Deut., xxii, 12 ; — ne pas mélanger ensemble des choses d’espèces différentes. Lev., xix, 19, Deut., xxii, 9, 10.

IV. lois pénales. — 1° La peine de mort : contre celui qui pratique l’idolâtrie, Exod., xxii, 20 ; Deut., xiii, 6-18 ; xvii, 1-7 ; — le blasphémateur, Lev., xxiv, 16 ;

— les adorateurs de Moloch, Lev., xx, 1-5 ; — le profanateur du sabbat, Exod., xxxi, 14 ; — la magicienne, Exod., xxii, 18 ; — le fils indocile, Deut., xxi, 18-21 ; — celui qui frappe ou maudit ses parents, Exod., xxi, 1517 ; Lev., xx, 9 ; — l’homicide, Exod., xxi, 12-14 ; Lev., xxiv, 17 ; — le meutrier d’une temme enceinte, Exod., xxi, 22-25 ; — l’Israélite qui réduit un de ses Irères en esclavage malgré lui, Exod., xxi, 16 ; Dent., xxiv, 7 ; — ceux qui se rendent coupables de fornication, Deut., xxii, 23-27 ; — d’adultère, Lev., xx, ^10 ; Deut., xxii, 22 ;

— d’inceste, Lev., xx, 11, 12, 14 ; — de sodomie, Lev., xx, 13 ; — de bestialité. Exod., xxii, 19 ; Lev., xx, 15, 16.

2° Le mode d’exécution : la lapidation, Lev., xx, 27 ;

— la mort par le feu, Lev., xx, 14 ; xxi, 9 ; — exposition du Cadavre, Deut., xxi, 22, 23 ; — les pères ne sont pas punis pour les entants, ni les enlants pour les pères. Deut., xxiv, 15.

3° Les autres peines : la flagellation, Deut., xxv, 1-3 ;

— la mutilation, Deut., xxv, 11, 12 ; — le talion, Exod., xxi, 23-27 ; Lev., xxiv, 18-20 ; — le retranchement ou exclusion de la société israélite. Lev., xx, 17, 18 ; Deut., xxm, 1-8.

v. lois antérieures. — À ces lois postérieures à l’époque du séjour en Egypte, il convient d’ajouter celles que Moïse a consignées dans la Genèse, comme instituées à l’époque patriarcale, encore en vigueur de son temps et consacrées par la mention qu’il en lait dans son récit : les lois du sabbat, Gen., ii, 2, 3 ; — du mariage, Gen., ii, 23, 24 ; — du travail, Gen., ii, 15 ; iii, 17 ; — les préceptes noachides sur la multiplication du genre humain, l’alimentation animale et l’abstention du sang, ’Gen., ix, 1-7 ;

— la distinction des animaux purs et impurs, Gen., vii, 2 ; viii, 20 ; — la loi de la circoncision, Gen., xvtt, 10 14 ; — la tolérance de la polygamie, Gen., iv, 19 ; xxix, 31-35 ; xxx, 1-25 ; — la coutume de ne point manger le muscle ischiatique des animaux, Gen., xxxii, 32 ; — la loi du lévirat, Gen., xxxviii, 8-10 ; — la sanction contre le meurtre, Gen., ix, 6, et contre la fornication. Gen. ( xxxvin, 24. Voir dans le Dictionnaire l’article spécial à chacune des lois mosaïques.

vi. autres divisions. — Les lois mosaïques sont encore groupées sous différents titres, se rapportant soit à leur origine, soit à leur objet : 1. Le « Livre de l’alliance », Exod., xxiv, 7, qui comprend les lois édictées au Sinaï. Exod., xx, 22-xxm, 33 ; Lev., xi-xxvii. La partie de ces lois consignée dans le Lévitique est formellement rapportée à l’époque où Dieu parla à Moïse sur le Sinaï. Lev., xxvi, 46 ; xxvii, 34. — 2. La loi des sacrifices, se composant d’une première partie, Lev., i, 1-vi, 7, sur les différents sacrifices, et d’une seconde, Lev., vi, 8-vn, 38, qui règle certains détails concernant le même objet. — 3. La loi de pureté. Lev., xi-xv. — 4. La loi de sainteté, Lev., xviii-xxii, comprenant des prescriptions diverses pour interdire certains actes et en commander d’autres, dans le but d’assurer le respect dû à la sainteté divine. — 5. Enfin les lois qui sont répétées dans le Deutéronome et celles qui y sont soit expliquées et complétées, soit formulées pour la première fois. — Le groupement appelé aujourd’hui <c code sacerdotal » est un groupement lactice, dans lequel on fait entrer toutes les prescriptions du Pentateuque concernant les prêtres, dans le but d’en faire descendre l’origine à une époque très postérieure à Moïse. On insère habituellement dans ce groupement une partie ancienne, Lev., xvii-xxvi, qu’un rédacteur postérieur aurait refondue, puis les parties qu’on prétend assigner à l’époque d’Esdras. Exod., xxv-xxxi, xxxv-xl ; Lev., i-xvi, xxvii ; Num., i-x, xv-xix, xxv-xxxvi. Sur la valeur des affirmations concernant le « code sacerdotal », voir Pentateuque.

II. Occasions historiques de sa promulgation. — La loi mosaïque n’a pas été présentée aux Hébreux comme un tout réglé et codifié à l’avance. C’est pendant le séjour de quarante ans au désert que Moïse, suivant les circonstances ou les nécessités, a promulgué les multiples articles de sa législation. -^ 1° La première loi qui apparaît dans le récit mosaïque est celle de la Pâque. Elle est rattachée naturellement à l’histoire de la délivrance de la servitude d’Egypte. Exod., xii, 14-20. Il est possible qu’en prescrivant la première Pâque, Moïse ait déjà ordonné que le souvenir en fût célébréannuellement. Il est à croire toutefois qu’il n’entra dans le détail qu’au moment de la rédaction de son récit, plus ou moins longtemps après l’événement. Une multitude de gens de toute espèce accompagna les Hébreux dans, leur exode. Exod., xii, 38. Il importait de déterminer la place qu’ils occuperaient dans la société théocratique qui allait se fonder. La participation à la Pâque devant être le signe extérieur de l’agrégation au peuple nouveau, Moïse règle que ceux-là seuls participeront à la Pâque annuelle qui auront été circoncis, et, en vertu de leur circoncision, admis dans la famille d’Abraham. Exod., xii, 42-49. La loi sur les premiers-nés vient immédiatement après. Exod., xiii, 1-16. Elle est comme une conséquence du droit que Dieu vient d’affirmer et d’exercer en immolant les premiers-nés des Égyptiens et en épargnant ceux d’Israël. — 2° Dès les premiers temps du séjour au désert, Moïse est débordé par le règlement des mille affaires sur lesquelles son peuple venait lui demander avis, dans une situation aussi imprévue que celle où il se trouvait subitement placé au désert. Cette circonstance appelle tout naturellement, sur le conseil de Jéthro, l’institution des anciens. Exod., xviii, 13-26. — 3° La difficulté était grande pour Moïse de dominer, de discipliner et de conduire tout un peuple dans des conditions si anormales. Voilà pour

quoi Dieu affirme son autorité souveraine, au Sinaï, en promulgant solennellement le decalogue et en accréditant Moïse comme le représentant de sa souveraineté. Exod., xx, 1-21. Suivent immédiatement des lois pour régler ce qui pressait le plus dans la circonstance, le culte de Dieu, Exod., xx, 22-26 ; xxiii, 13-19, et les rapports des Israélites entre eux, au point de vue de l’esclavage, des violences et des querelles qui devaient se produire si naturellement dans une pareille foule, des accidents provenant des animaux emmenés d’Egypte en grand nombre, Exod., xii, 38, de la propriété et des mœurs. — 4° Les lois formulées ensuite instituent en grand détail ce qui concerne le culte et le sacerdoce. En Egypte, les Hébreux avaient gravement succombé aux tentations de l’idolâtrie. Jos., xxiv, 14. Pourtant ils avaient au milieu d’eux une sorte de sacerdoce patriarcal dont les traces apparaissent dans le récit mosaïque. D’après l’usage primitif, c’était l’alné de la famille qui remplissait les fonctions de prêtre. Voir Aînesse, 2°, t. i, col. 318. Moïse, sur l’ordre de Dieu, institua un sacerdoce nouveau, auquel il donna des lois en rapport avec sa mission. De là, cette longue série de préceptes concernant le tabernacle, l’autel, les prêtres et les sacrifices, et se rattachant à l’apparition du Sinaï comme au fait qui commandait tout un ordre de choses nouveau. Exod., xxv-xl. — 5° Il faut au plus tôt réaliser le plan divin et constituer le nouveau sacerdoce. Comme il sera établi au mojen de sacrifices, les lois concernant les différents sacrifices sont énumérées en détail, Lev., i-vii, avant le récit de la consécration d’Aaron et de ses fils, Lev., viii-ix. — 6° L’attentat des deux fils d’Aaron, Nadab et Abiu, qui mettent sur l’autel un feu profane, Lev., x, 1-7, est l’occasion de la promulgation des lois de pureté et de distinction entre les choses pures et impures. Lev., xi-xv. La loi concernant la fête de l’Expiation est expressément rattachée à ce même attentat. Lev., xvi, 1. La loi sur le lieu des sacrifices et la prohibition de manger le sang est comme une annexe naturelle à ce qui a déjà été prescrit touchant les sacrifices. Lev., xvii, 1-16. Les lois qui suivent, sur les unions illicites, sur la sainteté des mœurj, sur la justice et la charité qui doivent présider aux rapports des hommes entre eux, Lev., xviii-xx, celles qui concernentla tenue physique et morale des prêtres, le choix des victimes, les fêtes, Lev., xxi-xxiv, ou qui règlent bon nombre de détails de la vie pratique, Lev., xxv, 1-55, avaient pour la plupart à être immédiatement observées. Le législateur ne pouvait donc tarder à les formuler. Le chapitre xxvi du Lévitique, sur les bénédictions et les malédictions, forme la conclusion de cette première partie de la législation mosaïque, avec un épilogue sur les vœux et les dîmes. Lev., xxvii, 1-34. Toutes ces lois se rattachent donc d’une manière très naturelle aux événements racontés par l’historien sacré, de telle sorte qu’on ne pourrait contester sérieusement que, dans leur généralité, elles occupent vraiment dans le récit la place qui convient à leur origine. — 7° On constate le même caractère occasionnel dans les lois formulées au livre des Nombres, à travers les différents récits, loi sur les fonctions des lévites, Num., iv, 1-49, à la suite du dénombrement des hommes appartenant à chaque tribu ; lois sur la restitution, sur la femme accusée d’adultère, sur le nazaréat, Num., v, 1-vi, 21, inspirées par des nécessités de chaque jour ; lois sur les héritages, Num., xxvii, 1-11 ; xxxvi, 1-12, portées à l’occasion d’incidents survenus parmi le peuple ; lois sur les sacrifices à offrir aux différentes fêtes, pour indiquer aux nouveaux prêtres par le détail ce qu’ils avaient à faire en ces circonstances, Num., xxviii, 1-xxix, 39 ; loi sur les vœux, pour affirmer sur cette matière le pouvoir restrictif des pères et des maris vis-à-vis de leurs filles et de leurs femmes, Num., xxx, 1-17 ; enfin lois sur les villes lévitiques, sur les villes de refuge, et comme conséquence

de ces dernières, loi sur le vengeur du sang, formulées vers la lin du séjour au désert, alors que les Hébreux allaient bientôt prendre possession de la terre de Cha-. naan. Num., xxxv, 1-34. — 8° Quant à la législation du Deutéronome, elle n’est que la récapitulation des principales prescriptions antérieurement promulguées, avec les compléments dont une expérience prolongée avait fait sentir la nécessité.

III. Sources de la législation mosaïque. — 1° La volonté divine. — 1. Il est incontestable que Dieu a voulu faire du peuple hébreu un peuple à lui, qu’il est intervenu directement pour le tirer d’Egypte, qu’il a désigné Moïse pour en prendre la conduite et qu’il a manifesté son intervention par de très grands miracles. A ce peuple, il a fallu une loi religieuse et sociale ; Dieu lui-même lui a donné cette loi par la main de Moïse, de manière à constituer au peuple choisi un caractère qui le distinguât nettement des autres peuples, le rendit apte à sa mission et en même temps le préservât, dans la mesure nécessaire, de tout contact compromettant avec des voisins idolâtres et immoraux. Le nœud de toute la législation mosaïque est dans la scène grandiose du Sinaï. Dieu y apparaît comme le législateur suprême, dictant à Moïse le Decalogue, Exod., xx, 1-17, et le mettant à même de rédiger en son nom’d’autres lois d’une application immédiate. Exod., xx, 22-xxm, 33. Puis, Moïse est appelé à entendre, pendant quarante jours et quarante nuits, Exod., xxiv, 18, les prescriptions divines relatives au nouveau culte et au nouveau sacerdoce. Exod., xxv-xxxi. Même transmise par le ministère des anges, Act., vii, 53, cette législation procède directement de la volonté divine et est présentée comme telle par Moïse. Les principales divisions en sont précédées de la formule significative : « Jéhovah parla à Moïse et dit. » Exod., xxv, 1 ; xxx, 11, 17, 22, 34 ; xxxi, 1, 12. À sa seconde ascension sur le Sinaï, après l’incident du veau d’or, Moïse reçoit encore dans les mêmes termes les communications divines, Exod., xxxiv, 1, 27 ; il porte sur son visage les traces glorieuses de son commerce avec Dieu, et, quand ensuite il promulgue quelque loi nouvelle, il ne le fait qu’après s’être transporté « devant Jéhovah », dans le Tabernacle où Dieu lui révèle ses volontés. Exod., xxxiv, 29-35. — 2. Les lois mosaïques sont fréquemment appuyées d’une autre formule qui est comme la signature de Jéhovah. La loi de la Pâque porte la clause : « Moi, Jéhovah. » Exod., xii, 12. Le Decalogue commence par la formule : « Moi, Jéhovah, ton Dieu. » Exod., xx, 2. Des formules semblables terminent ou précèdent les prescriptions sur les animaux purs et impurs, Lev., xi, 44, 45 ; sur les unions illicites, Lev., xviii, 2, 30 ; sur les devoirs moraux et sociaux, Lev., xix, 2, 3, 10, 12, 14, 16, etc. ; sur la pénalité criminelle, Lev., xx, 7, 8, 24 ; sur les devoirs des prêtres, Lev., xxi, 8, 12, 15, 23 ; sur la participation aux victimes, Lev., xxii, 2, 3, 8, 9, 16, 30, 33 ; sur les fêtes, Lev., xxiii, 22, 43 ; sur les années sabbatiques et jubilaires, Lev., xxv, 17, 38, 55 ; elles accompagnent le texte des bénédictions et des malédictions, Lev., xxvi, 1, 2, 45, et se retrouvent dans le règlement relatif aux trompettes d’argent. Num., x, 10.

2° Lois antérieures à Moïse. — 1. Rien absolument n’oblige à admettre que Moïse ait créé de toutes pièces une législation a priori pour le peuple qu’il avait à conduire et à constituer à l’état de nation. Ce peuple n’était pas sans racines dans le passé ; par ses ancêtres, il tenait à la Chaldée. Il ne s’était pas développé en Egypte, pendant plusieurs siècles, sans se plier à une loi coutumière réglant les rapports des hommes entre eux. Dans la terre de Gessen, où ils étaient confinés sans presque aucun contact social et politique avec les Égyptiens, les Hébreux avaient très vraisemblablement des chefs et des juges, Exod., ii, 14, par conséquent certaines lois auxquelles ils obéissaient. Il taut donc

s’attendre à trouver, dans la législation mosaïque, un certain nombre de prescriptions déjà en vigueur parmi le peuple, consacrées par une expérience plus ou moins longue et simplement renouvelées et codifiées par Moïse. — 2. La Genèse suppose, déjà observées par les patriarches, des lois qui se retrouvent dans le code mosaïque. Le récit de la création a pour conclusion la sanctification du septième jour par Dieu lui-même, c’est-à-dire la mise à part de ce jour qui termine la semaine. Gen., ii, 2, 3. On est d’autant plus fondé à penser que le repos sabbatique a été observé par les patriarches, que la formule même du Décalogue : « Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier, » Exod., XX, 8, indique formellement le rappel d’une loi déjà en vigueur. La distinction des animaux purs et impurs est connue, avant le déluge. Gen., vii, 2 ; viii, 20. Moïse spécifie cette loi par rapport à l’alimentation, Lev., xi, 2-47 ; on en retrouve les détails dans le Deutéronome, xi, 4-21. La loi du lévirat, Deut., xxv, 5-10, apparaît dans la famille de Jacob à l’état de coutume obligatoire et indiscutée. Gen., xxxviii, 8-9. Des lois naturelles, comme celle du mariage, Gen., ii, 23, 24, la pénalité contre le meurtre, Gen., ix, 6, et la fornication, Gen., xxxviii, 24, et des lois positives, comme la prohibition du sang, Gen., ix, 4 -, la circoncision, Gen., xvii, 10-14, etc., ont également leur attache historique dans des temps bien antérieurs à Moïse. Il en faut dire autant de l’institution des sacrifices, qui remonte aux premiers âges du monde. Gen., iv, 3-5 ; vii, 20. — 3. La législation égyptienne ne paraît pas avoir eu d’influence appréciable sur le droit coutumier des Hébreux, vivant à part dans la terre de Gessen, ni sur la législation mosaïque, bien que Moïse eût été élevé dans la connaissance des sciences de l’Egypte. Act., vii, 22, Moïse a seulement emprunté à la religion égyptienne quelques formes particulières de culte et l’idée d’un certain nombre d’objets qui devaient servir dans le sanctuaire de Jéhovah. Par contre, l’influence de la législation chaldéenne est devenue indéniable, depuis la découverte du code d’Hammourabi (fig. 108 et 109). Cf. Scheil, Textes élamites-sémitiques, 2e série, Paris, 1902. Le monarque babylonien, qui vivait du xxme au xx » siècle av. J.-C, n’a sans doute pas créé de toutes pièces, lui non plus, la législation dont son code nous a conservé une partie. Toujours est-il que ces lois, antérieures à Moïse d’au moins cinq siècles, et peut-être de huit, devaient être connues et observées par les ancêtres d’Abraham, originaires d’Ur en Chaldée. Gen., xi, 28-31. Elles ont servi de base au droit coutumier de la famille d’Abraham, puis de ses descendants, enfin des Hébreux établis en Egypte. Moïse n’a eu ensuite qu’à transcrire ces lois, déjà connues et observées par son peuple, en y apportant les modifications exigées par la religion de ce peuple et en vue de son futur séjour dans laterredeChanaan. Ces lois avaient déjà la consécration du temps, elles s’adaptaient aux besoins et au caractère de la race sémitique, et beaucoup d’entre elles étaient remarquables par le bon sens et l’équité dont elles faisaient preuve. La législation mosaïque a conservé certains usages chaldéens. Voir Mariage, TalionNéanmoins des différences assez sensibles se manifestent entre les deux législations dans les articles qui leur sont communs. Le code babylonien est fait pour une société déjà avancée, dans laquelle la centralisation adminisfrative est très puissante, tandis que le code mosaïque s’adresse à un peuple qui a gardé des coutumes plus primitives, se gouverne plus simplement et doit rester plus voisin de la vie nomade des ancêtres. Sur certains points, le code babylonien paraît plus parfait que celui des Hébreux : il favorise davantage la monogamie, autorise la femme à demanderle divorce, assure l’indépendance de la veuve vis-à-vis de ses enfants, fixe à trois ans seulement le service de celui qui s’est vendu comme esclave volontaire, alors que la

loi mosaïque ne le libère qu’à l’année sabbatique. Par contre, il permet au mari de vendre sa femme pour payer une dette, ce dont la pensée ne viendrait même pas à l’Israélite. Au point de vue civil, la législation de Moïse peut paraître en retard sur la législation beaucoup plus ancienne d’Hammourabi. Elle reprend sa supériorité au point de vue religieux et ne connaît ni certaines infamies morales, ni les ordalies superstitieuses, ni les pratiques magiques que sanctionne le code babylonien.

108. — Bas-relief de la stèle d’Hammourabi, sur laquelle est gravé le code de ce roi. D’après l’original du Musée du Louvre,

Cf. Lagrange, La méthode historique, surtout à propos de l’A. T., Paris, 1903, p. 160-171.

3° Lois attribuables à Moïse. — Parmi les lois qui apparaissent pour la première fois à l’époque de Moïse, il en est dont il est l’auteur, en ce sens qu’il les a rédigées par l’ordre exprès et l’inspiration immédiate de Dieu, et qu’il a promulguées comme telles. De ce nombre sont les lois sur la Pâque, Exod., xii, 14-20, 43-49 ; xin, 3-10 ; sur les premiers-nés, Exod., xiii, l, 11-16 ; le respect de la liberté et de la vie humaine, Exod., xxi, 2-xxiii, 11 ; sur le culte nouveau et le sacerdoce d’Aaron et de ses descendants, Exod., xxiii, 14-19 ; xxv-xxxi ; Lev., i-vii ; xvi ; xvii ; xix ; xxi-xxiv, 9 ; sur les années sabbatiques et jubilaires, Lev., xxv, 1-55 ; sur les vœux et les dîmes, Lev., xxvii, 1-34 ; sur les lévites, Num., iv, 1-33 ; sur la pureté du camp, la restitution, la femme soupçonnée d’adultère et le nazaréat, Num., v-vi ; sur les lampes du sanctuaire, Num., viii, 1-4 ; sur la consécration des lévites, Num., viii, 5-19 ; sur les trompettes d’argent, Num., x, 1-10 ; sur la verge d’Aaron, Num., xvii, 1-11 ; sur les revenus des prêtres et des lévites, Num., xviii ; sur la vache rousse et l’eau de purification, Num., xix ; sur les temps des sacrifices, Num., xxviiixxix ; sur les villes lévi tiques, les villes de refuge et le vengeur du sang, Num., xxxv ; sur les héritières. Num., xxxvi, 5-9. Il est assez probable que Dieu n’a luit connaître à Moïse que le und même de ceslois, en lui laissant le soin de les rédiger et même d’en régler certains détails. — 2. D’autres fois, Moïse ordonne sans se référer directement à Dieu. Ainsi, il institue les an TRADUCTION

DU FRAGMENT D’INSCRIPTION

DE LA

STÈLE D’HAMMOURARI

RELATIF AU MARIAGE CHEZ LES CHALDÈENS

ET REPRODUIT CI-CONTRE

§137. — Si un homme s’est disposé à répudier une concubine qui lui a procuré des enfants ou bien une épouse qui lui a procuré des enfants il rendra à cette femme son trousseau, et on lui donnera l’usufruit des champ, verger et autre bien, et elle élèvera ses enfants. Après qu’elle aura élevé ses enfants, on lui donnera une part d’enfant de tout ce qui sera donné aux enfants, et elle épousera l’époux de son choix.

§ 138. — Si un homme veut répudier son épouse qui ne lui a pas donné d’enfants, il lui donnera tout l’argent de sa dot, et il lui restituera intégralement le trousseau qu’elle a apporté de chez son père, et il la répudiera.

§ 139. — S’il n’y a pas de dot, il lui donnera une mine d’argent pour la répudiation.

§ 140. — Si c’est un mouchktnou, il lui donnera un tiers de mine d’argent.

§ 141. — Si l’épouse d’un homme qui demeure chez cet homme, était disposée à sortir, a provoqué la division, a dilapidé sa maison, négligé son mari, on la fera comparaître et si son mari dit : Je la répudie, il la laissera aller son chemin, et ne lui donnera aucun prix de répudiation. Si son mari dit : Je ne la répudie pas, son mari peut épouser une autre femme, et cette première femme demeurera dans la maison de son mari comme esclave.

§ 142. — Si une femme a dédaigné son mari et lui a dit : Tu ne me posséderas pas, son secret sur le tort qu’elle subit sera examiné, et si elle est ménagère sans reproche, et si son mari sort et la néglige beaucoup, cette femme est sans faute ; elle peut prendre son trousseau et s’en aller dans la maison de son père.

§ 143. — Si elle n’est pas ménagère, mais coureuse, si elle dilapide la maison, néglige son mari, on jettera cette femme dans l’eau.

§ 144. — Si un homme a épousé une femme, et si cette femme a donné à son mari une esclave qui a produit des enfants, si cet homme se dispose à prendre une concubine, on n’fy] autorisera pas cet homme, et il ne prendra pas une concubine.

§ 145. — Si un homme a pris une épouse et si elle ne lui a pas donné d’enfants, et s’il se dispose à prendre une concubine, il peut prendre une concubine, et l’introduire dans sa maison. Il ne rendra pas cette concubine l’égale de l’épouse.

§ 146. — Si un homme a pris une épouse et si celle-ci a donné à son mari une esclave qui lui procure des enfants ; si ensuite cette esclave rivalise avec sa maîtresse parce qu’elle a donné des enfants, sa maîtresse ne peut la vendre : elle lui fera une marque et la comptera parmi les esclaves.

§ 147. — Si elle n’a pas enfanté d’enfant, sa maîtresse peut la vendre.

§ 148. — Si un homme a pris une épouse et si une maladie ( ?) l’a contractée (sic) et s’il se dispose à en prendre une autre, il peut la prendre, mais il ne répudiera pas son épouse que la maladie ( ?) a contractée (sic) ; elle demeurera à domicile, et aussi longtemps qu’elle vivra il la sustentera.’Traduction du P. Scbeil.

Dict. de la Bible

Letouzey et Ane. Edit.

FRAGMENT D’INSCRIPTION DE LA STÈLE D’HAMMOURABI

RELATIF AU MARIAGE CHEZ LES CHALDÊENS

ciens sur le seul conseil de Jéthro. Exod., xviii, 13-24. D’une manière générale, toute la législation du Deutéronome est présentée comme rappelée directement par Moïse lui-même. C’est donc à lui qu’il faudrait rapporter les lois nouvelles contenues dans cette répétition, sur certaines dettes à ne pas exiger, Deut., xv, 2-11 ; le tribunal suprême, Deut., xvii, 8-13 ; la royauté, Deut., xvii, 14-20 ; la guerre, Deut., xx ; le meurtrier inconnu, Deut., xxi, 1-9 ; la captive prise pour épouse, Deut., xxi, 10-14 ; le fils premier-né, Deut., xxi, 15-17 ; le fils rebelle, Deut., xxi, 18-21 ; et bon nombre d’autres détails législatifs. Deut., xxi, 22 ; xxii, 5, 6, 8, 13-21 ; xxm ; 15, 17. 24 ; xxiv, 1-4, 5, 16 ; xxv, 1-12, 17-19. - 3. Même la clause qui accompagne si souvent les textes législatifs : « Moi, Jéhovah, » n’exclut pas la part personnelle de Moïse dans la rédaction de la plupart de ces textes. En principe et en fait, Moïse parle au nom de Jéhovab. Parle-t-il ainsi comme un simple agent de transmission, qui a reçu de Dieu tous les détails d’une réglementation et se contente de les reproduire à la lettre ? Ne légifèret-il pas plutôt, dans la plupart des cas, en homme qui a reçu de Dieu une délégation et une inspiration générales, et use de cette autorité et de cette assistance divine au mieux des intérêts qui lui sont confiés ? La clause « Moi, Jéhovah » n’oblige pas à s’en tenir à la première interprétation. Déjà, avant le Sinaï, le peuple venait à Moïse « pour consulter Dieu », Exod., xviii, 15, manière de parler qui ne signifie pas que Moïse allait demander à Dieu la solution de chaque cas proposé, mais qui indique seulement au nom de quelle autorité il rendait ses décisions. Jéthro lui conseilla alors de se contenter personnellement des affaires qui étaient du ressort divin, c’est-à-dire de celles que la sagesse humaine ne pouvait trancher par elle-même et auxquelles Dieu seul pouvait apporter une solution. Exod., xviii, 19, 20. Il dut en être de même pour la législation mosaïque, Dieu prescrivant directement à Moïse un certain nombre de points fondamentaux, et Moïse, de son côté, agissant à la lois avec l’assistance et l’approbation de Dieu, et aussi avec sa sagesse et son expérience personnelles. Il demeure d’ailleurs impossible de déterminer la part qui doit revenir à chacun des deux éléments divin et humain. L’essentiel est que Dieu a couvert toute cette législation de son autorité et ainsi l’a faite sienne, sans qu’elle cessât par là même d’être mosaïque.

4° Lois postérieures à Moïse. — 1. La loi mosaïque a reçu des additions et des retouches, d’après plusieurs commentateurs modernes. Cela est sans doute possible, mais on ne l’établit pas d’une manière certaine. On cite comme exemple de lois postérieures à Moïse les .règlements sur la fermeture des citernes, Exod., xxi, 33, sur les dégâts faits dans le champ et dans la vigne, Exod., xxii, 5, sur les prémices de la moisson et de la vendange, Exod., xxii, 29, sur l’année sabbatique ; Exod., xxm, 10, 11, et sur les prémices des Ivuits de la terre. Exod., xxiii, 19. Rien n’empêche que ces lois n’aient été promulguées par Moïse dans le désert. La terre de Chanaan lui était connue et les règles de l’agriculture lui étaient familières ; rien ne lui était donc plus facile que de prévoir les règles qu’on devrait y appliquer aux récoltes, etc. La nécessité de boucher l’ouverture des citernes n’était pas moins pratique au désert du Sinaï qu’en Palestine. — Quant aux retouches et au manque d’ordre logique dans la promulgation de certaines lois, faits sur lesquels on s’appuie pour voir dans l’Exode et les livres suivants du Pentateuque des additions d’une époque postérieure, elles s’expliquent par le récit lui-même et par la manière dont a été édictée la loi : elle a été faite non d’un seul jet, mais au jour le jour, selon les circonstances. De là des redites, des explications, des compléments qui ont été ajoutés lorsque l’occasion s’en est présentée pendant les quarante ans de séjour dans le désert. Il n’est pas toujours possible de déterminer d’une

manière certaine la date de tous les textes législatifs. Mais il ne faut pas se hâter de décider que tel ou tel article n’est pas du premier législateur, en supposant à tort que celui-ci a créé sa législation tout d’une pièce et qu’en conséquence les additions et les retouches ne peuvent être de lui. On se demandait naguère comment Moïse avait pu suffire à la rédaction de sa législation, au milieu des occupations si multipliées que la conduite de son peuple dut lui imposer pendant les quarante ans du désert. La découverte du code babylonien montre que la tâche s’est souvent bornée pour lui à rédiger ou à modifier une législation déjà en vigueur à l’état coutumier. Moïse a donc eu tout le loisir nécessaire non seulement pour régler le présent, mais encore pour pourvoir, dans une assez large mesure, aux nécessités de l’avenir. — 2. On a cru pouvoir signaler des contradictions dans le code mosaïque et l’on prétend à tort établir par là soit la différence des auteurs, soit la différence des temps qui ont inspiré les articles que l’on compare. Ainsi il est marqué que l’esclave hébreu doit être libéré l’année sabbatique. Exod., xxi, 3 ; Deut., xv, 12. Ailleurs, Lev., xxv, 40, sa libération est assignée à l’année jubilaire. Il y a là évidemment deux cycles différents dont les eflets s’ajoutent, au lieu de s’exclure, en sorte que l’esclave peut être libéré, soit l’année sabbatique, soit l’année jubilaire. Le rachat des premiers-nés des animaux impurs fait l’objet de trois articles, Exod., xiii, 13 ; xxxiv, 20 ; Num., xviii, 15, 16 ; Lev., xxvii, 27, qui diffèrent un peu entre eux, parce que les circonstances ne sont pas les mêmes et que les détails de la loi vont en se précisant. Le service des lévites commence tantôt à trente ans, Num., IV, 3, tantôt à vingt-cinq. Num., viii, 24. C’est parce que, dans le premier cas, il s’agit des lévites qui doivent porter les ustensiles du temple dans les marches au désert, tandis que le second se rapporte au service ordinaire et moins pénible du culte divin. Il en est de même des autres passages, en petit nombre, dans lesquels on a cru reconnaître des dispositions législatives inconciliables entre elles. Cf. Vigouroux, -Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 5e édit., 1902, t. iv, p. 419-427 ; Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 137-142. Il ne faudrait pas non plus voir une difficulté dans ce fait que certaines lois sont formulées dans le Pentateuque, et qu’ensuite il n’en est plus fait mention dans la suite de l’histoire Israélite. Ce silence prouve simplement que l’application de cette loi n’a donné lieu à aucun incident saillant. Ainsi la loi du lévirat, Deut., xxv, 5-10, mentionnée au livre de Ruth, iv, 1-3, ne serait jamais rappelée dans la Sainte Écriture, sans un problème posé à Notre-Seigneur par les sadducéens. Matth., xxii, 23-27. Pourtant cette loi n’a jamais cessé d’être en vigueur. Voir Lévirat, col. 213.

— 3. Voici donc ce qu’on peut conclure au sujet des origines de la loi mosaïque : Par l’ordre et avec l’inspiration de Dieu, Moïse a codifié un ensemble de lois religieuses et civiles, destinées à un peuple déjà ancien par la race, mais encore en formation au point de vue national. Le code mosaïque n’est pas sorti tout d’une pièce, ni des révélations du Sinaï, ni du génie de Moïse. Le législateur a tenu compte des coutumes ancestrales qui avaient déjà force Je loi chez les Hébreux et qui étaient en vigueur chez les peuples sémitiques, particulièrement chez les Chaldéens, auxquels les Hébreux se rattachaient directement par leur origine. Moïse ne modifia ces coutumes que dans les cas où l’exigeaient la mission providentielle assignée à Israël et la religion qui lui était imposée. Dieu intervint pour révéler à Moïse les grandes lignes de cette religion et l’assister dans le règlement des détails. Lui-même couvrit le législateur de son autorité suprême et lui enjoignit de parler et de commander en son nom. Moïse rédigea ses différentes lois à mesure que se présentait l’occasion de les pratiquer ; il les compléta, quand le besoin s’en fit sentir ; il y inséra même

certains détails minutieux, Exod., xxi, 6 ; xxiii, 19 ; xxxiv, 26 ; Lev., xix, 9, 19, 23-25 ; Deut., xiv, 21, etc., qui lui étaient probablement inspirés par des coutumes antérieures ; enfin, il ne fit pas une législation complète et capable de suffire absolument à toutes les époques de l’histoire d’Israël. Sa loi put recevoir, au cours des âges, quelques explications et quelques compléments nécessaires, comme nous le voyons, par exemple, par les règlements nouveaux que fit David dans le service du sanctuaire. I Par., xxm-xxvi. Mais ce qu’affirment certains commentateurs modernes sur l’origine post-mosaïque d’un nombre plus ou moins considérable de lois du Pentateuque n’est nullement démontré. Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, Paris, 1897, t. i, p. 274-307.

IV. Caractères de la législation mosaïque. — 1° Institution de la théocratie. — La loi mosaïque est essentiellement une loi théocratique ; elle place le peuple hébreu sous le gouvernement direct de Dieu. Le législateur agit au nom de Dieu et demeure en rapport étroit avec Dieu pour l’accomplissement de son œuvre. Dieu fonde une nation qu’il dirigera lui-même dans un sens déterminé. C’est sa volonté qui inspire toutes les lois, tant civiles que religieuses, qui les sanctionne et les maintient en vigueur. À proprement parler, le peuple n’a pas d’autre chef que Dieu ni d’autre règle que sa loi. Les chefs qu’il aura à sa tête dans le pays de Chanaan ne viendront guère que pour le défendre contre ses ennemis et veiller à l’observation de la loi. Plus tard, les rois n’auront pas d’autre rôle, et les prophètes se tiendront auprès d’eux pour leur rappeler que l’unique maître de la nation, c’est Dieu. C’est ce qui fait dire à Josèphe, Cont. Apion., ii, 16 : « Notre législateur a donné à notre république la forme de théocratie. En attribuant ainsi à la divinité la souveraine autorité, il est surtout parvenu à tourner vers elle tous les yeux et tous les esprits, comme vers la source et la cause de tous les biens qui surviennent à tout le genre humain, ou qu’obtiennent les particuliers par leurs vœux et leurs prières dans leurs crises difficiles. Il devint ainsi impossible d’écarterla pensée de celui auquel n’échappent ni les actes ni les pensées mêmes des hommes… De plus, notre législateur voulut que les actes fussent en harmonie avec l’équité de ses lois, et, non content d’amener à sa manière de voir ses contemporains, il fixa inébranlablement dans l’esprit de ses enfants et de leurs descendants la foi à la divinité. » Cf. Zschokke, Historia sacra antiq. Testant., Vienne, 1888, p. 97-103.

2° Séparation du peuple hébreu. — Tout en laissant aux Hébreux les usages qui étaient traditionnels parmi les peuples sémitiques, la loi mosaïque avait pour but de iaire d’eux une nation à part. Dieu se plaît à appeler les Hébreux « mon peuple ». Exod., iii, 7 ; v, 1, etc. Il leur dit : « Si vous gardez mon alliance, vous m’appartiendrez entre tous les peuples, car toute la terre est à moi. Vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte. » Exod., xix, 5, 6. Pour que le peuple hébreu gardât ce caractère durant tout le cours de son histoire et restât fidèle dépositaire des vérités religieuses que Dieu voulait lui confier, il était nécessaire que sa législation le séparât nettement des nations idolâtres qui l’entouraient. De là les préceptes si formels sur la sainteté, sur la fuite de l’idolâtrie, considérée comme le crime capital contre Dieu, sur le culte si minutieusement réglé, sur la pureté légale, devant conduire à l’idée de pureté morale et saisissant l’Israélite dans presque tous les actes de sa vie, etc. Pour que l’influence tuneste des nations idolâtres ne s’exerçât pas sur son peuple, Dieu défend toute alliance avec elles. Exod., xxm, 32 ; xxxiv, 12-16. Enfin, pour s’attacher les Hébreux par le lien qui leur était le plus sensible, il leur promet les bénédictions terrestres s’ils sont fidèles à sa loi et les menace des plus graves châtiments temporels s’ils n’obéissent pas. Exod., xxvi, 3-46. La législation mosaïque

réussit si bien à feire des Israélites un peuple à part que, même dispersés à travers les autres nations du monde, ils continuent à rester Juifs, bien que nominalement citoyens de patries diverses. L’Église ne fait gue constater ce fait lorsque, dans une de ses oraisons du vendredi-saint, elle qualifie de « peuple » l’ensemble des Israélites. Voir Impureté légale, t. iii, col. 861.

3° Douceur relative de la loi mosaïque. — Comparée aux autres lois anciennes, la loi mosaïque est remarquable par l’esprit qui l’anime. Elle est bienveillante pour tous, autant du moins que le comportait la rudesse des mœurs de l’époque. Dans la famille, la polygamie et la répudiation sont tolérées. Il eût été impossible de ramener le mariage à ses lois primitives sans imposer aux Hébreux un joug qu’ils eussent été incapables de porter. Mais la polygamie n’est permise que dans les formes légales et à l’exclusion de tout caprice. Deut., xxii, 28, 29. Le divorce est également soumis à des règles qui sauvegardent la liberté de la femme. Voir Divorce, t. ii, col. 1449. L’esclavage continue à subsister. C’était une nécessité des temps. La loi mosaïque en atténue considérablement la rigueur. Voir Esclave, t. ii, col. 1921-1926. L’autorité paternelle, base de la société, est sévèrement protégée. La peine de mort frappe l’enfant coupable du crime caractérisé d’outrages ou de coups vis-à-vis de ses parents. Exod., xxi, 15, 17. La rébellion opiniâtre de l’enfant est déférée au tribunal des anciens, qui décident de l’application de la peine de mort, et présentent ainsi une garantie contre l’emportement des parents. Deut., xxi, 18-21. On sait que, chez d’autres peuples et dans le vieux droit romain, le pouvoir de vie et de mort d’un père sur ses enfants était absolu et sans contrôle. Le châtiment mérité par un membre de la famille ne doit pas être étendu à un autre membre. Deut., xxiv, 16. Dieu s’était réservé ce droit. Exod., xxxiv, 7. La férocité des mœurs antiques englobait d’ordinaire tous les membres d’une famille dans la peine méritée par un seul. L’homicide était poursuivi et châtié par le « vengeur du sang » qui, chez les peuples orientaux même contemporains, est chargé de mettre à mort le meurtrier soit volontaire, soit par imprudence. Moïse est obligé de consacrer cette coutume, qui a des résultats avantageux et qui d’ailleurs s’imposait aux anciens Hébreux. Voir Goêl, t. iii, col. 261-264. Il en atténue du moins la rigueur en ménageant au meurtrier involontaire des villes de refuge dans lesquelles il devient inviolable. Num., xxxv, 22, 23 ; Deut., xix, 4-6. Il réclame toujours deux témoins pour la condamnation d’un coupable. Deut., xvii, 6 ; xix, 15. Le voleur est condamné à la restitution du double ou du quintuple ; quand il procède par effraction, si on le tue pendant qu’il fait nuit, on n’est pas coupable, mais si on le tue de jour, on est considéré comme homicide. Exod., xxii, 1-4. La peine est ainsi toujours proportionnée au délit, sans qu’il soit permis à personne d’aller au delà. Les lois concernant l’année sabbatique et l’année jubilaire sont dictées par une haute bienveillance. Voir Jubilaire (Année), t. iii, col. 1751, 1752 ; Sabbatique (Année). Enfin bon nombre de prescriptions, minimes en elles-mêmes, ont pour but d’adoucir la dureté naturelle du peuple hébreu. Telles sont les lois qui permettent le glanage et le grappillage, voir t. iii, col. 248, 308, qui autorisent à manger des raisins ou des épis dans la vigne ou le champ du prochain, Deut., xxiii, 24, 25 ; qui défendent de faire cuire le chevreau dans la graisse de sa mère, Exod., xxiii, 19 ; xxxiv, 26 ; Deut., xiv, 21, de prendre en même temps la mère et les petits oiseaux, Deut., xxii, 6, de faire labourer ensemble le bœuf et l’âne, Lev., xix, 19, de museler le bœuf qui foule le grain, Deut., xxv, 4, etc. D’autres lois prescrivent la charité en faveur des pauvres, voir Aumône, t. i, col. 1245-1249, des étrangers, voir Étrangers, t. ii, col. 2040, etc. « Si nous séparons des coutumes antiques, Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/187 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/188 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/189 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/190 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/191 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/192 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/193 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/194 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/195 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/196 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/197 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/198 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/199 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/200 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/201

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