Dictionnaire de la Bible/Tome 4.2.c ORIENT-PAVOT

Dictionnaire de la Bible
(Volume IVp. 1865-1866-2239-2240).

1. ORIENT (hébreu : ’ûr, de’ôr, e. lumière, » le côté d’où vient la lumière à la suite de la nuit ; mnsà", « sortie, » et mizrâfy, « sortie du soleil ; » qâdîm, « ce qui est devant ; » lifnê, « ce qui est en face, » et surtout qédém ; Septante : àva-roXiî, souvent employé au pluriel àvcxToW, ëÇoSoç ; Vulgate : ortus solis, oriens), partie de l’horizon du côté de laquelle le soleil se lève.

Pour s’orienter, les Israélites se tournaient du côté du soleil levant, d’où les expressions, qâdim, « ce qui est devant soi, », Ezech., xlvii, 18 ; xlviii, 1 ; lifnê, « en face, » Gen., xxiii, 17 ; ’al penê, « vis-à-vis, » Gen., xvi, 12 ; xxv, 18, etc., pour désigner l’orient ; ’àlyôr, « par derrière, » Job, xxiii, 7, 8 ; Is., ix, 11, pour désigner l’occident ; seniol, « à gauche, » Gen., xiv, 15 ; Job, xxm, 9, pour désigner le norcL Comme la lumière du soleil apparaît d’abord à l’orient, celui-ci est appelé’ûr (Vulgate : in doclrinis), par opposition aux « îles de la mer », qui indiquent l’occident. Is., xxiv, 15. Le lever du soleil et son coucher, c’est-à-dire l’orient et l’occident, marquent les deux extrémités de l’horizon et figurent des choses très éloignées l’une de l’autre. Gen., xxviii, 14 ; Ps. xix (xviii), 7 ; cm (en), 12 ; cxm (cxii), 3 ; Is., xliii, 5 ; Zach., viii, 7 ; Bar., iv, 37 ; Matth., vin, 11 ; Luc, xix, 29. Les « fils de l’Orient », benê qédém, mol twv àvaioXwv, viol Ks5é(i, orientales, filii orientis, sont les peuples qui, par rapport aux Israélites, se trouvaient à l’orient, et particulièrement les Arabes. Job, i, 3 ; Jer., xlix, 28, etc. Les Mages venaient d’orient, c’est-à-dire de Perse et de Médie. Matth., ii, 1. Voir Mages, col. 546. La mer orientale est la mer Morte. Jos., ii, 20 ; Zach., xiv, 8. — Deux fois, dans Zacharie, m, 8 ; vi, 12, le Messie est caractérisé par le nom de sémah, « germe, » le rejeton par excellence de David. Les versions traduisent par àva-roX/i, oriens, « orient, » en prenant le mot hébreu dans le sens de petite plante qui commence à apparaître. Zacharie, père de Jean-Baptiste, appelle le Sauveur àvaxoXr., oriens, Luc, i, 78, le comparant ainsi au soleil qui apparaît à l’orient pour illuminer la terre.

H. Lesêtre.

2. ORIENT (hébreu : sémah, « germe, rejeton ; » Septante : âvocToATJ), nom donné parla Vulgate au Messie futur, dans la traduction de Zacharie, iii, 8 ; vi, 12. Cf. Luc, i, 78. Voir Germe, t. iii, col. 212.


ORIENTAUX (hébreu : benê-Qédém, n. les fils de l’Orient : » Septante : ytj àvaroXwv, Gen., xxix, 1 ; ol jlo’t àva-roAûv, Jud., vi, 3, 33 ; vii, 12 ; o à ?’tjviou àvaToXôiv, Job, i, 3, et Is., xi, 14 ; o ulot KeSén, Jer., xlix, 28, et Ezech., xxv, 4, 10 ; àpxaiot àvCptiTto ! , IIIReg., iv, 30 (hébreu, v, 10) ; Vulgate : Orientales, généralement ; filii orientis, Is., xi, 14 ; Jer., xlix, 28 ; Ezech., xxv, 10 ; filii orientales, xxv, 4), nom donné aux nomades vivant à l’orient du pays de Chanaan.

I. Données bibliques.

Indications géographiques et ethnographiques.

D’après son acception ordinaire, l’Orient, Qédém, embrassant en général toutes les contrées situées à l’orient du pays habité par les Israélites, le nom d’  « Orientaux » devrait de même désigner indistinctement tous les peuples de ces contrées, et il gardait sans doute cette signification danj l’usage ; toutefois, dans le langage des auteurs et des personnages bibliques, « les fils de l’Orient » et « le pays d’Orient », ’érés-Qédém, a une signification beaucoup plus restreinte. Quand Abraham voulant séparer les fils d’Agar et de Cétura de son fils Isaac auquel il

réservait l’héritage de la Terre Promise, en leur remettant une part de ses troupeaux et de ses autres richesses, Gen., xxv, 6, et les envoyait à la terre d’Orient, il ne leur désignait sans doute pas d’autre pays que celui où l’histoire montrera constamment les descendants d’ismaêl et les diverses tribus descendues ou nommées des enfants de ces deux femmes du patriarche, la région eu n’ont cessé de se tenir les nomades communément sémites, à l’est du pays de Chanaan. Le territoire le plus éloigné où la Bible nous fait voir « les fils de l’Orient » est le district mésopotamien de Paddan-Aram, au nord-est de Chanaan, sur la rive gauche de l’Euphrate, où s’était développée la descendance d’Aram et où se trouvait la famille de Nachor, frère d’Abraham :

492. — Bédouin oriental.

D’après une photographie de M. L. Heidet.

c’est là « la terre des fils d’Orient », ’érés benê-Qédéni, où vécut Jacob, quand il fut obligé de s’éloigner de Chanaan, pour se soustraire au ressentiment de son frère Ësaii. Gen., xxix, 1. On retrouve les fils de l’Orient descendants d’Aram avec Job, le plus grand parmi tous les benê-Qédém, dans la terre de Hus, Job, I, 3.

2° Caractère des Orientaux. — Les auteurs sacrés ne semblent pas attacher au nom benê-Qédém uniquement la signification d’  « habitants de la région orientale », en rangeant parmi eux les Amaléciles et les Madianites qui habitaient au sud du pays d’Israël, ils indiquent qu’ils lui attribuent un sens plus étendu. Ont-ils entendu dire aussi « le peuple ancien », signification comportée par l’étymologie du nom et à cause de leur antiquité relative et à cause de leur genre de vie qui paraît celui des peuples primitils ? Rien dans l’Écriture ne l’indique positivement. Ce qui est certain c’est que le bén-Qédém est, parmi les fils d’Adam, un homme de caractère et de mœurs spéciales : c’est l’habitant du désert adonné à la vie pastorale, vivant sous la tente qu’il transporte à son gré, se servant dans ses voyages et ses courses, ses guerres et ses razzias qui sont une partie de sa vie, do chameau pour monture, et toujours armé de l’arc, en un mot, c’est le nomade scénite des écrivains classiques, le Bédouin d’aujourd’hui, dont l’appellation plurielle et collective est el-Arab, nes Arabes, ». le même nom qui dans la Bible est le synonyme le plus ordinaire, le plus général de benê-Qédém. Cf. Gen., xvi, 12, xxxiii, 25 ; Exod., ii, 16-17 ; iii, 1 ; Num., xxxi, 9 ; Jud., vi, 5 ; viii, 11, 21 ; 1 Reg., xv, 15 ; I Par., v, 10 ; xxvii, 30 ; H Par., xvii, 11 ; xxi, 16, xxii, 1 ; Job, i, 3 ; Cant., 1, 4 ;

Is., xiii, 20 ; xxi, 13, 17 ; Lx, 6 ; Jer., xxv. 23-24 ; xlviii, 28-29 ; Eæch., xxvii, 21. Voir Arabe, t. i, col. 828.

II. Géographie. — Étendue et limites de la terre des benê-Qédém. — Le pays des Orientaux, d’après les indications précédentes, comprenait toute la Contrée s’étendant depuis Harran et la Mésopotamie, jusqu’à et y compris le pays des Madianites au sud, situé sur le rivage de la mer Rouge, et depuis le désert de Sur et les pays de Galaad et de Basan à l’ouest, jusqu’à l’Euphrate à l’est. Ce fleuve qui paraît être la frontière la mieux déterminée de ce territoire, ne l’est cependant pas en tant que limite précise et extrême, puisque les bénê-Qédém occupent la Mésopotamie sur la rive gauche ou orientale, au moins dans la partie la plus septentrio-’nale. S’il était possible d’assigner des bornes fixes à la

493. — Bédouin oriental.

D’après une photographie de M. L. Heidet.

Mésopotamie, aucune indication certaine ne le permettrait pour la partie de la rive droite. Au sud, faut-il considérer le Néged actuel comme contrée laissée aux tribus orientales ou déjà comme district de la terre de Ku$ ou d’Ethiopie ? Le nom de Hénathia que l’on trouve aujourd’hui attaché à une région du Néged et qui rappelle celui d’Hénoch, petit-fils de Céthura, permet du moins d’attribuer la partie septentrionale de ce district aux fils de l’Orient. La frontière occidentale dut être d’une constante mobilité ; le désert de Sur qui marque de ce côté la limite du territoire occupé parles fils d’Ismaël, se trouva possédé tantôt par des peuplades recensées parmi les benê-Qédém, comme les Amalécites, tantôt par d’autres qui en paraissent exclues. Si nous les trouvons, avec les Madianites, dans les pays de Moab et de Séhon, l’occupation de cette dernière contrée par les Israélites les fera reculer plus à l’orient. Il en sera de même au pays de Basan et sans doute sur tout le périmètre de la terre des benê-Qédém, quand les populations qui les entourent sont assez fortes pour leur faire respecter les bornes qu’elles se sont posées. Quand au contraire elles sont affaiblies, les benê-Qédém les débordent soit pour occuper simultanément les terres limitrophes dans lesquelles ils s’avancent plus ou moins, soit pour en faire leur domaine exclusif, comme il est arrivé pour tout le pays de Galaad, la vallée même du Jourdain et aux régions au sud d’Hébron, à la captivité de Babylone et depuis les croisades jusqu’à nos jours. La plus grande partie des contrées où nous voyons circuler les bénê-Qédém peut cependant être considérée comme leur terre propre, elle demeure dès les 11869

ORIENTAUX — ORIGÈNE

1870 « temps les plus fécules en leur constante possession.

C’est la partie désignée simplement dans les Livres Saints sous les noms de « disert ». Cf. Jos., i, 4 ; IPar., v, 9 ; II Par., vnl, 4 ; Judith ii, 13 (grec, 23) ; Job, i, 19 ; Jer., xxvii, 24. Cette contrée les Grecs et les Romains l’appelèrent « l’Arabie déserte » et elle est connue aujourd’hui sous celui de Hamâd ou de Badiét éS-Sâm, « le désert de Syrie, » auquel il faut ajouter la région désignée du nom (Je Sammar avec la partie septentrionale du bedjed, s’étendant environ du 26° degré de latitude nord au 36° degré et du 36° de longitude orientale de Paris au 48°, ou d’Alep au Hedjâz et au Nedjed, et du chemin du pèlerinage musulman de Damas à la Mecque jusqu’à l’Euphrate et aux abords du golfe Persique. Ce territoire embrasse un espace à peu près double de celui de la France et de près d’un million de kilomètres carrés de superficie.

III. Relations des dèhè-qédém avec les Israélites.

— Abraham et Jacob, dans leur voyage de Mésopotamie à Chanaan, durent traverser une grande partie de la terre des benê-Qèdém. Ces patriarches, pasteurs et nomades vivant sous la tente, avec leurs chameaux et leurs troupeaux, ils durent être considérés comme des frères à la recherche de pâturages. Cf. Gen., xii, xxiv, xxxi. — Moïse fuyant de l’Egypte fut bien accueilli par le prêtre pasteur de Madian. Exod., ii, 15-21 ; xviii ; Num., x, 29-32 ; I Reg., xv, 6. — Les Amalécites avaient inauguré contre Israël les hostilités qui devaient être l’état presque constant entre le peuple de Dieu et les tribus du désert, en attaquant la caravane des fils d’Israël se dirigeant vers le Sinaï. Exod., xvii, 8, 16 ; Deut., xxv, 17-19. La même tribu, avec les Madianites, est à la tête de tous les benê-Qédem, dans la campagne d’incursion qu’ils .poursuivent pendant sept années sur le territoire d’Israël, jusqu’à ce que Gédéon, suscité par l’Ange de Dieu, y mette fin par l’extermination des guerriers orientaux. Jud., vi-vm. Voir Gédéon, t. iii, col. 146. La première expédition de Saùl, après avoir brisé l’orgueil des Philistins à Machmas, fut de se porter au désert entre Hévila et Sur, pour y exercer la vengeance du Seigneur et y poursuivre Amalec jusqu’à l’extermination. I Reg., xv. Vers la même époque, les Israélites dé la Transjordane attaqués par les tribus de l’est, les Agaréens, les Ituréens, Naphis et Nadab, s’unissent pour marcher contre eux. Ils les vainquirent.’en firent un terrible carnage, s’emparèrent de tous leurs troupeaux et des personnes qui restaient et 6’établirent à leur place dans toute la partie du désert qui est en face de Galaad. Ils en jouirent ainsi jusqu’à leur déportation en Assyrie, au temps d’Achaz, roi de Juda. I Par., v, 8-22. David, en soumettant tous les pays jusqu’à l’Euphrate, II Reg., viii, 12, 14, et I Par., xviii, 3, 11-13, comprit dans son em.pire la terre des benê-Qédem. Amalec et Édom sont spécialement inscrits, ibid., parmi les peuples tributaires, ou les* pays où le roi établit des garnisons. Les meilleures relations s’établirent entre les fils de l’Orient et le successeur de David, leur suzerain. Leurs rois lui apportaient en abondance l’or et l’argent. III Reg., IV, 30 (hébreu, v, 10), 34 ; x, 1, 15 ; cf. iv, 24 [hébreu, v, 4) ; II Par., ix, 1, 14 ; Eccli., xlvii, 17-18. — Aujourd’hui encore Salomon est souvent le sujet des entretiens des fils du désert et l’objet de leur admiration. — On les trouve ensuite soumis au roi Josaphat à qui ils servent un tribu en nature de 700 béliers et autant de boucs. II Par., xvii, 11. Cette déférence était sans doute particulière à quelques tribus du sud et transitoire, car les Orientaux n’avaient pas dû négliger l’occasion du schisme entre lsraèl et Juda, pour reprendre leur indépendance. De fait, on les voit ordinairement disposés à continuer leurs incursions sur le territoire de leurs voisins, comme au temps des Juges, ou alliés à leurs ennemis. Ps. lxxxii, 6-8 ; IV Reg., -XXiv, 2 ; II Par., xx, 10 ; xxi, 16-17 ; xxii, 1 ; xxvi, 7 ;

II Esd., ii, 19 ; iv, 1-8 ; vi, 1-16 ; I Mach., v, 39 ; xii, 31. Judas Machabée ayant rencontré, près de Jamnia, un groupe de cinq mille nomades, NojjujiScî, avec cinq cents cavaliers, alliés des Gréco-Syriens", et les ayant battus, ils implorèrent la commisération du héros et lui demandèrent de faire alliance avec lui, s’engageant à luTpayer un tribut en bétail et à lui prêter leur concours. Considérant les avantages qu’il pouvait retirer d’eux, Judas accepta la proposition ; l’alliance fut conclue et les nomades retournèrent à leurs campements. II Mach., xii, 10-12.

IV. Les Orientaux dans les prophètes.— En portant leurs regards sur les peuples entourant la terre d’Israël, les prophètes ne pouvaient manquer de les arrêter sur les fils de l’Orient. Leurs prophéties concernant les habitants du désert semblent avoir en vue deux périodes^ la période contemporaine ou voisine et les temps messianiques. Les prophéties d’Isaie regardant Duma, xxi, 11-12, celle contre l’Arabie, ibid., 13-17, où sont visées spécialement les tribus de Dadan, Théma (hébreu) et Cédar, paraissent faire allusion aux attaques que ces groupes eurent à subir de la part des Assyriens. Le livre de Judith mentionne brièvement quelques-unes de ces attaques, i, 8 ; H, 13 ; nr=, .14. Jérémie reprend les mêmes prédictions, mais pour la partie qui sera accomplie par les Chaldéens et Nabuchodonosor. Il s’adresse aussi à Dadan et à Théma et il leur adjoint Buz et tous ceux qui ont la chevelure coupée en rond, à tous les rois des Arabes et de l’Arabie et à tous ceux qui habitent le désert, xxv, 23-24 ; cf. ix, 26. « Pour Cédar et le royaume de Hazor, » le prophète a une mention spéciale, xlix, 28-33.

Les documents assyriens et l’histoire depuis le IXe siècle au VIe avant Jésus-Christ, sont en quelque sorte le commentaire de ces prophéties. Voir Arabie, Histoire, 2° et 3°, t. i, col. 864-866, Cédar, t. ii, col. 359360 ; Dadan, col. 1203 ; Asor 5, t. i, col. 1110, et Théma. Ézéchiel présente, xxvii, 15, 20, 22, les fils de Dadan, Cédar et toute l’Arabie en pleine prospérité dans leur commerce avec Tyr, et sa prophétie annonce le développement territorial des fils de l’Orient, qui seront l’instrument de Dieu contre Ammon et Moab, Séir ou Edom. Ezech., xxv, 1-11. Voir Ammonites, t. i, col. 498 ; Moab, col. 1171-1177 ; Nabuthéens, col. 1446.

V. Bibliographie. — Maçoudi, Les prairies d’or, arabe et français, édit. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, 8 in-8<’, Paris, 1861-1864, t. i, ch. xxxviixxxviii ; t. iii, p. 78-114 ; Ed-Dimisqy, Cosmographie, édit. M. A. F. Mehrer, in-4°, Saint-Pétersbourg, 1866, 1. IX, p. 246-255 ; S. 0. Kley, The history of the Saracens, 3 8 édit., 2 in-4°, Cambridge, 1754 ; Gust. Le Bon, La civilisation des Arabes, in-4°, Paris, 1884 ; Elisée Reclus, Nouvelle géographie universelle, t. IX, L’Asie antérieure, c. vi, Arabie, Paris, 1884, p. 827-928, et les ouvrages indiqués à Arabe, t. i, col. 835.

L. Heidet.

    1. ORIGÈNE##

ORIGÈNE (’QpiYÉvï) ; ). Par le nombre et l’importance de ses écrits, par l’impulsion qu’il donna à la science biblique, comme chef du Didascalée d’abord puis de l’école de Césarée, par l’influence prodigieuse qu’il exerça sur les écrivains ecclésiastiques des âge » suivants et aussi par les controverses dont il fut l’objet, Origène occupe une place unique dans l’histoire de l’exégèse. Nous n’avons à parler ici que de l’exègète.Il ne sera donc question, si ce n’est en passant, ni du théologien, ni de l’apologiste, ni du prédicateur, ni du critique. Voir Hexafles, t. iii, col. 689-701.

I. Biographie sommaire et chronologie des œuvres.,

— I. onioÈNE À Alexandrie. — 1° Points de repère. — La source principale pour la biographie d’Origène est le sixième livre de l’Histoire d’Eusèbe, t. xx, col. 521-601. Celui-ci, avec la collaboration de saint Pamphile, avait composé en six livres l’Apologie de son héros ; il avait réuni plus de cent de ses lettres et il possédait à Cé 1, -.

1871

ORIGÈNE

1872 :

sarée ses écrits autographes, munis d’annotations précieuses de sa propre main. Il était donc très bien informé et le soupçon de partialité dont il peut être l’objet porte sur les appréciations et non sur la suite ou la date des faits eux-mêmes. Les renseignements complémentaires fournis par saint Jérôme, saint Épiphane, Rufin, Photius et autres, quelque intéressants qu’ils puissent être, ont beaucoup moins d’importance et dérivent probablement en majeure partie de YApologie. - Des témoignages concordants nous permettent de fixer la naissance d’Origène à l’année 185 (ou 186), sa mort à l’année 253 (ou 254) et son départ définitif d Alexandrie à l’année 231. Au moment où il devint orphelin par le martyre de Léonide, la dixième année de Septime-Sévère (commencée le 2 juin 202), il était « très jeune, tout enfant, n’ayant pas plus de dix-sept ans ». Eusèbe, H. E., VI, 1 et 2. Il mourut à Tyr, sous Gallus, âgé de soixante-neuf ans révolus. Eusèbe, H. E., vu, i. II y a là un léger désaccord : Gallus fut tué en 253 et les soixante-neuf ans révolus d’Origène, même en le faisant naître en 185, nous mèneraient en 254. Cette dernière date est à préférer, car il est probable qu’Eusèbe a fait plus d’attention à l’âge exact de son héros qu’à l’année précise où il est mort. Quant au départ d’Alexandrie il eut lieu la dixième année d’Alexandre Sévère et peu de temps avant la mort du patriarche Démétrius, Eusèbe, R. E., VI, iii, o, c’est-à-dire en 231. 2° Les maîtres d’Origène. — Le premier fut Léonide son père qui, non content de lui enseigner les belleslettres, lui faisait chaque jour apprendre par cœur et réciter des passage de l’Écriture. Il est certain que l’enfant suivit les le.jons de catéchèse de Clément, mais seulement jusqu’à la persécution de 202, époque à laquelle Clément quitta Alexandrie pour n’y plus revenir. Au contraire il est douteux qu’il ait jamais entendu Pantène, bien que ce dernier soit rentré, dit-on, à Alexandrie après ses missions parmi les Indiens. Cependant la lettre d’Alexandre de Jérusalem à Origène où il lui rappelle qu’il doit à Pantène et à Clément de l’avoir connu, favorise cette hypothèse, Eusèbe, H. E., vi, 14. Porphyre dit qu’Origène fréquenta l’école d’Ammonius Sàccas, Eusèbe, H. E., vi, 19, et qu’il y profita beaucoup. Le fait est très vraisemblable et l’on n’a aucune raison de le contester. Le même Porphyre donne la liste suivante des auteurs préférés d’Origène : Platon eh première ligne ; puis Numénius et Cronius, Apollophane et Longin, Modérât, Nicomaque et autres pytha. gùriciens, enfin Chérémon le Stoïcien et Cornutus. Origène cite en effet assez souvent Platon et quelquefois Numénius et Chérémon. Dans une lettre dont Eusèbe, H. E., vi, 12, nous a conservé un fragment, il expliquait pour quelles raisons il s’était adonné à l’étude de la philosophie et disait avoir trouvé à l’école du Maître, sans doute Ammonius Saccas, son successeur Héraclas qui la fréquentait déjà depuis cinq ans. Il apprit aussi l’hébreu dès sa jeunesse. S. Jérôme, De Vir. M. 54, t. xxiii, col. 665. Son maître, auquel il fait maintes fois allusion, De princip., i, 3, 4 ; iv, 26, t. xi, col. 148, 400, est inconnu. Saint Jérôme nous apprend, Adv. Rufin., i, 13, qu’il avait entendu le patriarche des Juifs, Huillus. Dans Origène ce nom est écrit "IovXXo ; . Un autre mot de saint Jérôme, Epist. xxxix, 1, t. xxil, col. 466, a fait supposer que sa mère elle-même était juive et savait l’hébreu. Quoi qu’il en soit, Origène ne semble pas avoir acquis une connaissance très approfondie de cette langue. Cependant ses étymologies fautives et le peu de soin qu’il a de recourir au texte original, en cas de divergence avec le grec, ne prouvent rien. La version des Septante faisait seule autorité dans l’Église et, quant aux étymologies, l’exemple de Platon et de Varron nous montre avec quelle liberté les anciens, même les plus savants, traitaient la science d « s mots. Cf. Redepenning, Origenes, t. i, p. 458-461.

3° Enseignement au Didascalée (203-231). — Tout en. poursuivant ses études philosophiques et théologiques, Origène s’occupait activement des catéchumènes quel’éloignement de Clément avait laissés sans maître. Cette chargé qu’il avait prise spontanément durant la persécution de l’an 202 lui fut officiellement confirméel’année suivante par le patriarche.Démétrius. Douze ou quinze ans plus tard, il s’associa un de ses condicisples à l’école d’Ammonius do nom d’Héraclas, afin devaquer plus librement à ses propres études. Vers la même époque (218), il convertit Ambroise qui mit généreusement à sa disposition une armée de secrétaires et de calligraphes, avec toutes les ressources quepouvait exiger la diffusion de ses ouvrages. Jusque-là Origène, bien que déjà célèbre comme professeur, , n’avait encore rien publié. Eusèbe, H. E., vi, 17-18.

— Cinq longs voyages interrompirent l’enseignement. au Didascalée : 1. Voyage à Rome vers 213 (sous Zéphyrin et Caracalla, Eusèbe, H. E., vi, 14) « pour voir la. plus ancienne des églises ». À Rome, où il demeura peu de temps, Origène aurait assisté à une homélie de saint Hippolyte. On suppose que la découverte à Nicopolis d’une cinquième version des Septante date de cette époque. Eusèbe, R. E., VI, 16. — 2. À peine de retour, Origène dut se rendre en Arabie, sur les instances du gouverneur qui, désireux de le voir et de l’entendre, avait écrit à cet effet au patriarche. Eusèbe, , H. E., vi, 12. — 3. Pendant que la persécution de Caracalla ensanglantait l’Egypte (215 ou 216), il vint à Césarée de Palestine où l’évêque Théoctiste l’invita à. prêcher dans l’église, quoiqu’il fût encore simple laïque.

— 4. Probablement en 218, Mammée, mère de l’empereur Alexandre-Sévère, le manda auprès d’elle à Antioche. Eusèbe, H. E., vi, 21. — 5. Entin vers 230> (sous Pontien de Rome et Zébinus d’Antioche, Eusèbe, . R. E., vi, 23) des affaires ecclésiastiques l’appelèrent en Grèce. C’est en passant à Césarée qu’il fut ordonné prêtre par Théoctiste, évêque de cette ville, assisté de l’évêque de Jérusalem, saint Alexandre. Au cours de ce voyage il visita Éphèse et Antioche. Mais, à son retour à Alexandrie, il trouva Démétrius vivement irrité contre lui et résolu à le perdre. Deux conciles rassemblés par le patriarche prononcèrent l’un son exil, l’autre sa déposition. Photius, Biblioth., 118, t. ciii, col. 397. Origène n’attendit pas la seconde sentence ; il devança même probablement la première, en se réfugiant à Césarée.

4° Ouvrages composés à Alexandrie. — Jusqu’en 218, Origène s’occupa surtout de travaux critiques. Saint" Épiphane dit expressément que les Reœaples furent son premier ouvrage. Contra hssr., lxiv, 3, t. xli, col. 1073, . S’il écrivit, ce fut pour son propre compte et non en vue de la publicité. Entre 218 et 231 il composa, sansqu’on puisse dire exactement dans quel ordre, les deux livres sur la Résurrection, le Perïarchon, les Stromates, . un commentaire sur les Lamentations, une explication : des 25 premiers Psaumes, huit livres du commentairesur la Genèse 2 cinq livres du commentaire sur saint" Jean. Il menait sans doute de front plusieurs de ces ouvrages et nous savons que le commentaire sur saint Jean et les Hexaples l’occupèrent presque toute sa vie.

il. origène a césvrée. — 1° Enseignement à Césarée. — 1. Accueilli avec honneur par Théoctiste de Césarée qui l’avait ordonné prêtre Origène fut invité à continuer dans la métropole de la Palestine l’enseignement si brillamment inauguré à Alexandrie. La nouvelleécole fut bientôt très fréquentée. Au nombre des disciples d’Origène on compta entre autres saint Athénodore et son frère saint Grégoire le Thaumaturge qui prononça en quittant son maître, après nn séjour de-cinq ans, le célèbre panégyrique où il retrace, au milieu d’éloges d’un enthousiasme et d’une exubérance juvéniles, un intéressant portrait d’Origène professeur. Quatre voyages interrompirent l’enseignement d’Ori—

gène à Césarée. 1. Vers 235 il céda aux instances de son ami saint Firmilien, métropolitain de Césarée en Cappadoce, qui le retint longtemps auprès de lui. S. Jérôme, De viris ill., ii, 54, t. xxiii, col. 665. Peut-être ce voyage coïncida-t-il avec la persécution de Maximin. Ainsi s’expliquerait le détail fourni par Pallade, Hist. Laus., 147, t. lxXiii, col. 1213, qu’Origène passa deux ans dans la maison d’une dame chrétienne de Césarée de Cappadoce nommée Julienne et y trouva les écrits du traducteur Symmaque. — 2. Vers 240 il se rendit à Athènes et vit à Nicomédie son ami Ambroise. Eusèbe, H. E., vi, 32. — 3. Vers la même époque il fut invité par les évêques réunis en concile à Bostra qui avaient condamné l’évêque de cette ville, appelé Bérylle, sans réussir à le convaincre. Origène fut plus heureux. Eusèbe, H. E., vi, 33. — 4. Entre 246 et 249 il gagna de nouveau l’Arabie pour réfuter et convertir certains hérétiques qui prétendaient qiie l’âme meurt avec le corps et ressuscite avec lui, Eusèbe, H. E., VI, 37. En outre ses lettres et ses écrits signalent sa présence à Jérusalem, à Jéricho, à Antioche, à Éphèse, etc. Le renseignement donné par saint Épiphane, Cont. hier., lxiv, 3, t. xii, col. 1073, qu’il aurait passé 28 ans à Tyr, est absolument controuvé. Origène mourut à Tyr, mais il y résida peu de temps. D’ailleurs 23 ans tout au plus s’écoulèrent entre son exil et sa mort.

2° Ouvrages composés à Césarée. — D’abord le commentaire sur saint Jean, à partir du livre VI. Au commencement de ce livre, Origène fait une touchante allusion aux tempêtes soulevées contre lui et au calme qui leur succéda. Pendant la persécution de Maximin, vers 235 ou 236, fut composée l’Exhortation au martyre adressée à Ambroise et à Protoctèle, prisonniers pour la foi. Origène écrivit ensuite son commentaire sur Isaïe. Pendant son voyage en Grèce, entre 238 et 244, il acheva son commentaire sur Ezéchiel et commença l’explication du Cantique des cantiques. À la même époque, il envoya de Nicomédie sa réponse à Jules Africain. Mais ses ouvrages les plus célèbres datent de sa vieillesse. Ce fut après l’âge de soixante ans, quand il eut autorisé les sténographes à recueillir ses homélies, Eusèbe, H. E., vi, 36, faute de temps pour les dicter, qu’il composa son Commentaire sur saint Matthieu en 25 livres, son Commentaire sur les petits Prophètes et sa réfutation de Celse (probablement en 248). Après la persécution de Dèce il n’écrivit plus que des lettres.

II. Principes d’exégèse. — Il ne sera pas inutile d’énumérer ici les principaux passages ayant trait à l’inspiration, au sens et à l’interprétation de l’Écriture, la plupart des critiques commettant la double faute de juger le système d’Origène sur des citations tronquées et sans tenir compte de sa terminologie. — 1. Textes conservés en grec : Periarchon, iv, 1-27, t. xi, col. 341402 ; Contra Cels., iv, 49-51 ; vii, 20, t. xi, col. 11081113, 1449-1452 (défense de l’allégorie scripturaire) ; In Matt., xv, 1-3 ; xvi, 12-13, t. xiii, col. 1253-1261, 1409-1417 (la lettre et l’esprit, avec application aux aveugles de Jéricho) ; In Joa., x, 2-4, t. xiv, col. 309316 (solution des antilogies). De plus les quatorze premiers chapitres de la Philocalie composés en très grande partie d’extraits d’ouvrages aujourd’hui perdus.

— 2. Textes conservés seulement dans une traduction latine. In Gen., hom. ii, 6, t.xii, col. 173-17* (les/trois sens) ; In Gen., hom. xvii, t. xii, col. 253-262 ; In Levit., hom. v, 1-5, t. xii. col. 447-456 (les trois sens) ; In Levit., hom. vii, 4-7, t. xii, col. 483-492 (le sens spirituel de la Loi) ; In Num., hom. IX, 7, t. xii, col. 632-633 (les trois sens) ; In Num., hom. xi, 1-3, t. xii, col. 640-647 (règles pour le sens spirituel de la Loi) ; In Is., hom. vi, 3-4, t. xiii, col. 240-243 (nécessité du sens spirituel) ; chap. vi de l’Apologie de saint Pamphile, t. xvii, col. 590-595 (l’Écriture se vérifie le plus souvent à la lettre).

I. inspiration DE L’ÉCRITURE. — Le fait même de l’inspiration est sans cesse affirmé. Les Livres Saints sont inspirés de Dieu (OiâinWTzoï, sfMiveuoroe) ; ils sont saints et sacrés ( « 71a (3tëXca, Upà YP a Vl iaTa) J 'k> sont divins (ôeïoi X.oyo : , 6eèa ypaçri, 6efa piëXîa ou yp4|iu.aTa). Inspiration et divinité des saints Livres sont pour Origène deux notions équivalentes : aussi a-t-il coutume de prouver l’inspiration par la divinité et il aime à prouver la divinité de l’Écriture par la divinité du christianisme. Le titre du quatrième livre du Periarchon est : riepl toO ôeoJTveûfftou tt, c 8e : occ rpa^ij ; et le but déclaré de l’auteur est de montrer que l’Écriture est divine (itïpi tô)V ypaf&v â>{ Osi’œv… ù( nspt Œi’iov ypap.p.à’ctov), Periarch. iv, 1, t. xi, col. 341-344 ; la conclusion est qu’en démontrant la divinité de Jésus on a démontré que les Écritures qui le prophétisent sont inspirées, . lbid., iv, 6, t. xi, col. 352, et Origène a bien confiance, d’avoir ainsi prouvé sa thèse (Meià zb eîpy)X£vai itepi. tou 6eo7tv£u<7tou ; elvat Tctç Ostaç Tpacpâç). Ibid., IV, S r t. xi, col. 356. Du reste l’équation divinité = inspiration se trouve énoncée ailleurs. Cf. In Num., hom. xxvi, 3, . t. xii, col. 774, etc. En résumé, d’après Origène, l’Écriture est inspirée parce qu’elle est la parole de Dieu et. l’œuvre 4e Dieu. Peut-être la meilleure définition des Livres sacrés est-elle qu’ils sont divins en tant qu’écrits par la grâce céleste (u>ç oùpotWw j(àpen âvaysypap.[isva, Periarch., iv, 6, t. xi, col. 352) ou qu’à la différencedes ouvrages humains ils sont le produit d’une motion spéciale de Dieu (flei’wv xa éx 9eo<popcaç àTiYiyyeXjiiviov, . Contra Cels., iii, 81, t. xi, col. 1028). — Quant au mode de l’inspiration, la question n’est pas traitée ex professa et il est difficile de tirer un système des indications répandues çà et là. C’est Dieu le Père qui est la source première de l’inspiration comme de tout le reste, mais c’est le Fils en tant que médiateur universel et c’est proprement le Saint-Esprit en tant que l’inspiration, , œuvre de sainteté et de salut, entre dans sa sphère spéciale. On reconnaît là le subordinatianisme au moins apparent d’Origène. La formule la plus caractéristique est celle-ci : Les Livres sacrés ne sont pas des ouvrages humains, ils ont été écrits par (iï, ) inspiration de l’Esprit-Saint, par (en grec datif) la volonté du Père universel, . par (811) Jésus-Christ : Mt) àvOpuljiwv eîvai<Tuyypâ[j.(iata Taç îepàç pi’ëXouç, àXX’i ir.mvoiai toû âyt’o’j IIveônaToc, (îou).fj}i.aTi tou IlaTpîx ; rùv oXwv, 81à’It)<toû XptaroO-raûta ; ôvayeypâçOat. Periarch., iv, 9, t. xi, col. 360. En vertu de cette théorie, l’Esprit-Saint parle directement, dans l’Écriture bien qu’elle soit aussi à un autre point de vue la parole et l’œuvre du Père et du Fils. Cf. Fragment. invct., hom. iv, t. xiv, col. 832. — Origène suppose toujours que le sujet de l’inspiration est saint et c’est une conséquence de ses idées sur l’habitation du Saint-Esprit. L’hagiographe est rempli du Saint-Esprit et voilà ce qui constitue principalement son inspiration, laquelle est surtout, au gré d’Origène, une illumination, de l’intelligence. Contra Cels., 1, 48, t. xi, col. 749.Mais le catéchiste alexandrin s’élève partout avec vigueur contre la théorie qui assimile les prophètes aux devins, et leur attribue la fureur sacrée (jiavta) dont ces derniers étaient possédés. Il ne repousse pas avec moins de force l’extase prophétique des monlanistes. Tout mouvement désordonné du corps et tout état anormal de l’âme, indignes du Dieu inspirateur, manifestent la présence des esprits mauvais.

II. les trois SENS DE l’écriture. — L’exposition la, plus complète du triple sens scripturaire se lit dans le Periarchon, iv, 11-22, t. xi, col. 364-392, dans l’homélie v, 1 et 5, sur le Lévitique, t. xii, col. 447 et 455, et. dans l’homélie xi, 1-2, sur les Nombres, t. xii, col. 641645. « L’homme se compose d’un corps, d’une âme et d’un esprit : de même l’Écriture octroyée par Dieu pour le salut des hommes : "Q<rjiep & ov8p<nno ; <Tuvécr/)XEv ex (TiinaToc xal « C’JX’i » xa’nvrjjjiaTo ; , tov avrbv tpéirov xoù.

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ORIGÈNE

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f| o’(xovo|iï16s ! (îa iirô toG @eo0 et ; Mpûitmi cuKïipiav Tpaipri. » T. xi, col. 365. Triplicem in divinis Scripturis intelligentiss inveniri smpe diximus modum, historicum, moralem et myslicum : unde et corpus inesse ei, et animant, ac spiritum intelleximus. In Levit., homil. v, 5, t. xii, col. 456. Dans ce dernier passage le triple sens biblique est figuré par les trois instruments qui servaient â cuire la viande des sacrifices : le four, le gril et la poêle. Ailleurs nous trouvons d’autres symboles, par exemple les trois étages de l’arche, In Gen., hom. H, 6, les trois pains prêtés par l’ami. Luc, xi, 5, etc. Il est notoire que cette terminologie a été inspirée à Origène par la trichotomie de Platon. On ne peut guère douter que la gradation des sens scripturaires ne réponde à la gradation du composé humain : corps, âme et esprit. Cependant, chose curieuse, l’ordre « st différent dans plusieurs homélies traduites parRufin et le sens moral qui est Yâme de l’Écriture occupe le troisième rang, le plus élevé. In Gen., hom. ii, 5, t. xii, col. 173 (expositio historica, mystica, moralis) ; hom. xi, 3, t. xii, col. 224 (secundum litteram, secundum spiritum, et si moralem locum contigero) ; hom. xvii, 9, t. xii, col. 262 (secundum historiam, secundum mysticum inlellectum, etiam moralem sermonem). — Origène n’a jamais dit bien nettement ce -qu’il entend par le corps, l’âme et l’esprit de l’Écriture. La définition la plus claire se trouve, à notre avis, dans un passage tiré de l’homélie v sur le Lévitique et conservé en grec par les auteurs de la Philocalie, t. Xii, col. 421 (rapporté par erreur à l’homélie n ; la traduction de Ruiin se lit col. 447) : « Puisque l’Écriture se compose, pour ainsi dire, d’un corps visible, d’une âme intelligible et d’un esprit qui contient les figures et l’ombre des choses célestes, invoquons Celui qui a donné à l’Écriture le corps, l’âme et l’esprit, le corps pour ceux qui nous ont précédés, l’âme pour nous, l’esprit pour ceux qui, au siècle futur, doivent hériter de la vie éternelle » (<r&[i.a |j, àv toïç rcpô rinwv, ^^XV &l Jlfdîv, 5T/eO[).a 8è toîc èv ™ [iéXXovti a’tfiivi xXripovonif)(jouot Ç(t>r|V aïtuvcûv).

1° Le sens corporel. — Origène le "désigne par divers synonymes : xaxà xo YpàiA^a, xatà tô pïjxiv, xatà Xiijtv, xaià ioTopfxv, x « Ta ty)V o-àpxa, xaxà tïjv avuôvyîiv, etc. C’est le corps, la chair et la lettre de l’Ecriture, le sens grammatical, le sens historique, le sens sensible. Rufm traduit : corpus, litlera, historia, caro litlerx, historialis consequentia, secundum litteram, expositio corporea, etc., sans qu’on distingue entre ces divers termes aucune nuance de signification. Mais ce qu’il importe de noter c’est que le sens corporel d’Origènene répond nullement à notre sens littéral. Ce n’est notre sens littéral que lorsque celui-ci est exprimé sans figures, par des mots qui conservent leur signification propre. Origène affirme souvent qu’il y a des endroits <lans l’Écriture où le sens corporel n’existe pas ; s’il se servait de notre terminologie son assertion serait non seulement absurde mais totalement inintelligible. Les exemples nombreux qu’il allègue expliquent sa pensée. Ce sont les anthropomorphismes qu’il faut prendre pour des métaphores, les récits qui, entendus à la lettre, exprimeraient quelque chose d’indigne du Dieu révélateur et où il faut par conséquent chercher une allégorie, enfin les préceptes impossibles à observer ou déraisonnables dès qu’on les interprète au sens obvie. Nous dirions, en langage moderne, que dans tous ces cas le sens littéral est figuré. Origène parle autrement en voulant dire la même chose. Cf. Periarchon, iv, 1219, t. xi, col. 365-385.

2° Le sens psychique. — Ce sens intermédiaire, répondant à Yâme de la trichotomie platonicienne, a fort peu de relief. Un exemple de ce sens psychique ou moral nous est fourni par saint Paul, I Cor., îx, 9, appliquant aux ouvriers évangéliques le précepte de la

Loi : * Tu ne muselleras pas le bœuf qui dépique sur l’aire. » Periarchon, iv, 12, t. xi, col. 368. Le but de ce sens est ainsi défini dans l’homélie xvii, 9, sur la Genèse, t. xii, col. 262 : Vt Scripturarum studiosi, non solum quidin aliis, vel db aliis gestum sit, sed etiam ipsi intra se quid gerere debeani doceantur. En général ce qui est capable d’édifier le commun des lecteurs ou des auditeurs appartient à ce sens moral ; et voilà peut-être pourquoi dans les homélies, dont l’objet principal est l’édification des fidèles, le sens moral occupe souvent la troisième place, la première en dignité. Mais, dans la pratique, Origène néglige presque toujours le sens intermédiaire et sa trichotomie se réduit à deux termes : la lettre et l’esprit. C’est d’ailleurs plus conforme à la psychologie chrétienne et à la tradition juive. Les thérapeutes, suivant Eusèbe, H. E., ii, 17, t. xx, col. 184, comparaient la législation mosaïque à un animal, dont le corps répondrait à la lettre et l’âme à l’esprit de l’Ecriture (<715[i.a [iàv e’xe" tàç p’ità ? XéÇetc, J/UXV Se tov êva7coxe£u.evov Taîç Xé ?e<itv âdpaTov voûv).

3° Le sens pneumatique ou spirituel. — Ce sens, qui comprend le plus souvent le sens psychique lui-même, est désigné par une foule de synonymes, entre lesquels il est difficile de découvrir une différence : àvaywY^’  « XX^yopis, tephioia, nveu[iaTixTi èxSoxrj, sensus mysticus, allegoricus, spiritalis intelligentia, etc. Voir Redepenning, Origenes, t. i, p. 365. Un grand défaut de la terminologie d’Origène c’est qu’il range dans la catégorie du sens spirituel les notions les plus diverses : 1. Le sens métaphorique, ou plus généralement, le sens figuré, est un sens spirituel, tandis que le sens propre rentre dans le corps ou la lettre de l’Écriture. — 2. Le sens typique est aussi un sens spirituel ; et à cela il n’y a rien à dire. — 3. Le sens conséquent et même le sens accommodatice sont également attribués au sens spirituel, et ici le langage est complètement abusif et n’a pour excuse que l’usage ordinaire des Pères de l’Église. Il est évident que la signification matérielle des nîbts, indépendamment de l’intention de l’hagiographe ou du Saint-Esprit, n’est pas un sens de l’Écriture ; et il faut en dire autant du sens que l’interprète ou le lecteur peut extraire, par voie d’analogie ou de conséquence, de la parole inspirée. — Origène rapporte toujours à saint Paul sa théorie du sens spirituel et cite à maintes reprises les textes suivants. : Rom., xi, 4 (application accommodatice ) ; I Cor., x, 4 (breuvage spirituel) ; x, 11 (significations typiques) ; Gal., IV, 21 (interprétation allégorique) ; Col., ii, 12 (la Loi, ombre des réalités à venir) ; Heb., viii, 5 (l’Ancien Testament est, par rapport au Nouveau, tOtioç, eïxwv et axii). Nous avons vu plus haut que I Cor., ix, 9 (sens conséquent), était donné comme exemple du sens psychique. On voit par là que le sens spirituel embrasse à la fois l’accommodation, l’allégorie, la métaphore et le type proprement dit.

/II. règles d’interprétation. — 1° Règles générales. Elles peuvent se réduire à trois. — A) Expliquer l’Écriture d’une manière digne de Dieu, auteur de l’Écriture.

— Cette règle est souvent formulée. In 1er., hom. xii, 1, t. XIII, col. 377 : "O 71po ; Tois<7eTai i npoçr/rr, ; Xé^eiv ùitb ŒoO, ôcpeîXsi aÇtov elvai toO ©eo-j. Periarchon, IV, 9, t. xi, col. 361 : ’AÇîroc xf, ; Tpa^f^. In Numer., hom. xxvi, 3, t. xii, col. 774 : Conveniens videtur hsec secundum dignitatem, immo potius secundum majestatem loquentis intelligi. La raison en est bien simple. L’Écriture n’est pas l’œuvre des hommes mais de Dieu : il faut donc qu’elle reflète la vérité, l’unité, la plénitude et aussi la sainteté de son auteur. Par conséquent, l’interprète ne doit rien admettre de faux, rien de contradictoire, rien d’opposé à la sagesse, à la justice et aux autres perfections de Dieu. Deux passages remarquables conservés dans la Philocalie, chap. vi, t. xiii, col. 832, et chap. v, t. xiv, col. 192, mettent bien en relief l’harmonie divine des Livres Sacrés. Mais c’est le

caractère de plénitude qui frappe le plus Origène. Il en déduit la nécessité du sens spirituel, sans lequel les Écritures seraient indignes de Dieu et ne paraîtraient point toujours au-dessus des conceptions humaines. En vertu de cette plénitude il n’y a pas dans la Bible un iota ni un seul trait vide de sens. Philoc, i, t. xiv, col. 1310 : tir, 8s[it’av xepacav /.evTjv cotpîaç ©eoû. Cf. In 1er., hom. xxxix, t. xiir, col. 544 ; InPs., r, 4, t. xii,

Col. 1081 : OîOTIVE’JCTTOV (il^pl TOÛ TUX^ VTO î Ypâli[iO<TO{.

Voir encore In Num., hom. xxvii, 1, t. xti, col. 782 : Non possunius dicere quod aliguid in eis sit otiosum aut super fluum.

B) Abandonner la lettre ou le sens corporel de l’Écriture toutes les fois qu’il en résulterait quelque chose d’impossible, d’absurde ou d’indigne de Dieu. — Cette règle n’est pas moins incontestable que la précédente dont elle peut êtr<> regardée comme un corollaire. La seule question qui se pose est de savoir ce qu’on entend par absurde, impossible et indigne de Dieu. On pourra examiner en détail les nombreux exemples où il faut abandonner, suivant Origène, le corps ou la lettre de l’Écriture pour recourir à la métaphore, à l’hyperbole, à l’allégorie ou à d’autres figures. Periarchon, iv, 12-17, t. xi, col. 365-375. En général les raisons données sont satisfaisantes. C’est le cas spécialement pour les anthropomorphismes qu’il faut entendre au sens figuré et pour certaines prescriptions qu’on ne doit point prendre à la lettre, comme le précepte de s’arracher l’œil qui scandalise, de tendre la joue gauche à qui vient de frapper la droite. Mais quelquefois elles sont faibles et peu décisives ou même dénuées de valeur, parce qu’elles ne se fondent que sur une prétendue impossibilité. Ainsi la permission de manger du tragélaphe ou du griffon ne peut pas, dit-il, se prendre à la lettre parce que le premier animal est fabuleux et que le second n’a jamais été capturé. La comparaison du texte original ferait évanouir cette difficulté. Il arrive aussi, quoique très rarement, qu’Origène désespérant de résoudre une antilogie se rejette sur le sens spirituel comme sur Je moyen unique de sauvegarder la vérité de l’Écriture. L’exemple le plus caractéristique et le plus connu de cette exégèse hardie est le début du tome x du -Commentaire sur saint Jean. L’étude de ce texte fameux exigerait des développements qui ne peuvent trouver place ici. Voir notre Origène, appendice H, p. 186-187. Assez souvent l’exégète alexandrin recourt encore au sens spirituel, pour rendre un récit ou un précepte dignes de Dieu.

C) Avoir toujours présent, comme principe directeur, l’enseignement de l’Église. — Cette obligation est expressément formulée dans le Periarchon, iv, 9, t. xi, <col. 360 : è^o[i.£votç toû xavdvoç ttj ; ’Ivjaou Xptorou xocrà BiaSo^v Tàiv àiroffToXwv oùpavtou’ExxXv^aç. Le fils sincère de l’Église ne doit point prêter foi aux con--clusions que les hérétiques tirent de l’Écriture, In Matth., ser. 46, t. xiii, col. 1667 : Sed nos illis credere non debemus, nec exire a prima et ecclesiastica tra<litione, nec aliter credere nisi quemadmodum per successionem Ecclesiee Dei tradiderunt nobis. Voilà pourquoi Origène fait si souvent appel à la prédica- _ tion ecclésiastique (/^pyyiia lxxX7)<jia<rrcx<)v), à l’enseignement ecclésiastique (â ixxXï]<naTrixbc X6-fo ; ), à la règle de foi ecclésiastique (6 êxxXï]o-ia<mxô ; xavwv), et voilà pourquoi il propose ses interprétations particulières avec tant de modestie, de réserve et de circonspection. Cf. Selectain Ps., ii, 1, t. xii, col. 1351.

2° Règles de l’allégorie. — « L’allégorisme est moins un système qu’une tendance. C’est la tendance à substituer au sens propre une métaphore ou un symbole, à superposer au sens naturel une accommodation arbitraire tirée de quelque analogie lointaine, au sens littéral un prétendu sens spirituel que ni la tradition ni

l’Écriture n’autorisent. Le milieu dans lequel vivait Origène devait fatalement l’entraîner dans l’allégorisme, où le poussait déjà son goût instinctif, nourri par sas lectures philosophiques. Pourtant il est juste de remarquer qu’il ne se réclame ni de Philon ni dîaucun écrivain profane ; c’est aux auteurs sacrés et surtout à saint Paul qu’il rapporte, avec ses idées sur le sens spirituel, son exégèse allégorique. » Origène, 1907, p. 133. L’explication allégorique n’est pas laissée non plus à l’arbitraire de l’exégète.

A) La première règle à suivre est Vanalogie bibligue.

— Nous voyons dans l’Écriture qu’il y a une Jérusalem terrestre et une Jérusalem céleste, un Israël selon la chair et un Israël selon l’esprit. Il faut en conclure que les ennemis du peuple juif représentent les ennemis du Sauveur, en général, que l’Église est préfigurée par la Synagogue. Si, peu satisfaits du sens charnel, nous attribuons un sens mystique aux prophéties concernant la Judée, Jérusalem, Israël, Juda et Jacob, nous devrons, pour être logiques, entendre aussi au sens spirituel celles qui ont pour objet l’Egypte et les Égyptiens, Babylone et les Babyloniens, Tyr et les Tyriens, Sidon et les Sidoniens. et ainsi des autres peuples. Car si les Israélites ont ce caractère figuratif, leurs ennemis l’auront également. Periarchon, iv, 20-22, t. xr, col. 385-392. Le principe est parfaitement juste mais l’application peut être arbitraire et le sera nécessairement dès qu’on n’aura pour se guider aucun indice tiré de la Bible, ou lorsqu’on prendra pour des indices des accidents sans portée ou sans signification, comme la répétition d’un mot, l’emploi d’une expression peu usitée, l’omission d’un détail jugé nécessaire.

B) La seconde règle à suivre est l’analogie naturelle — Ici Origène — et après lui les Pères qui ont marché sur ses traces, surtout les Pères latins — est principalement redevable à Philon et à Aristobule, dont il loue volontiers la méthode allégorique, Contra Cels., IV, 51, t. xi, col. 1112. C’est à Philon qu’est emprunté le symbolisme des noms, des nombres et des choses, bien que le développement, chez Origène, soit souvent indépendant et original. Le nombre deux est l’emblème du dualisme, de la division et du mal ; cinq représente le » sens, la chair opposée à l’esprit ; dix est le nombre parfait du Décalogue et des fruits du Saint-Esprit. Les étymologies sont encore une source inépuisable d’allégories, grâce à une assez curieuse théorie sur la signification des noms. Fragm. ire Gen., t. iii, col. 116. Mais c’est dans les mœurs et la nature des êtres que réside le principal fonds d’applications mystiques. On en trouvera un exemple caractéristique dans l’homélie sur ce texte de Jérémie : « La perdrix pousse des cris ; elle rassemble autour d’elle des petits qui ne sont pas les siens. » Hom., xviii, 1, t. xiii, col. 453. Tout ce morceau a été traduit par saint Ambroise, Epist., xxxii, t. xvi, col. 1069-1071, qui imite largement la méthode allégorique du catéchiste d’Alexandrie, comme font aussi saint Augustin et saint Grégoire le Grand, sans parler des orateurs sacrés ou auteurs ascétiques plus rapprochés de nous.

III. Canon d’Origène. —1° Ancien Testament. — Les mots « canon » et « canonique », au sens qui nous occupe ici, semblent étrangers à la terminologie d’Origène et ne se trouvent que dans les traductions latines de ses œuvres. Un livre canonique se distingue des autres par le fait d’être « inspiré », (kôîmutrroc, d’appartenir au Testament (ai èv 81a6^xr) fUgXoi, ou en un seul mot, ai èv61â6° )xot ftiêXoi). Les Livres Sacrés ont pour critérium d’être reçus comme tels par les Églises, d’être xosvà xs 8s81 ; [AEu[/iva, In Matth., x, 18, t. xiii, col. 831, d’être 6(ioXoyov(i£va, In Matth., xiv, 21, t. xiii, col. 1240 ; c’est l’opposé du livre apocryphe, In Matth., ser. 118, t. xiii, col. 1769. Dans sou commenlaire sur >

le Psaume i, Origène donnait une liste des écrits de l’Ancien Testament d’après les idées judéo-palestiniennes et la théorie rabbinique des vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu, égales en nombre aux vingt-deux Livres Sacrés. Cette liste nous a été conservée par Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 580 : cinq livres du Pentateuque, Josué, Juges avec Ruth, Samuel, Rois, Paralipoménes, Ezras comprenant les deux livres d’Esdras, Psaumes, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique, Isaïe, Jérémie avec les Lamentations et l'Épitre, Daniel, Ezéchiel, Job, Esther. « En dehors de ces livres sont les Machabées, intitulés en hébreu Sapgï)6 Sapêavè "EX. » La citation d’Eusèbe s’arrête là. Le nombre des livres énumérés n’est en réalité que de 21, les douze petits prophètes étant omis par inadvertance. La place de quelques-uns est remarquable : Daniel vient avant Ezéchiel parmi les prophètes et ces derniers coupent en deux la série des hagiographes. Mais il ne faut pas croire que ce catalogue, où se reflète la tradition judaïque, exprime la vraie pensée d’Origène relativement au canon. Il s’en tient pour sa part au canon alexandrin. Il cite comme Écriture le deuxième livre des Machabées, In Joa., xiii, 57, t. xiv, col. 509 ; Periarchon, H, I, 5, t. xi, col. 186, ainsi que Baruch, In Exod., homil. viii, 2, t. xii, col. 342, et l’Ecclésiastique, In Joa., xxxii, 14, t. XIV, col. 805. Dans sa lettre à Jules Africain, il défend expressément les parties deutéro-canoniques d’Esther et de Daniel et reconnaît que les églises se servent de Tobie : ce qui est pour lui une autorité décisive, malgré l’opposition des Juifs, t. xi, col. 80. Cf. Comment, in Boni., viii, 12, t. xiv, col. 1198 ; De orat., 11, t. xi, col. 448. Il fait également usage de Judith, t. xiii, col. 573, et l’appelle même Écriture, InJer., hom. xix, 7, t. xiii, col. 516. Enfin il emploie fréquemment le livre de la Sagesse tout en émettant parfois quelques doutes sur sa canonicité. Cf. In Joa., xxviii, 13, t. xiv, col. 712 ; Periarchon, iv, 33, t. xi, col. 407.

2° Nouveau Testament. — Pour l’inspiration et la canonicité, Origène met souvent le Nouveau Testament à côté de l’Ancien et au-dessus quant à la dignité. Sanday, Inspiration, Londres, 1896, p. 65, a prouvé par de nombreux exemples, contre Redepenning, Jùlicher et autres, qu’il n’est pas le premier à se servir de ce terme de « Nouveau Testament » mais qu’il est le premier à l’appeler « sacré » (îspâ) bien que son maître Clément ait l'équivalent ŒoTivEua-toç, Strom., vii, 16, t. IX, col. 544, et Théophile d’Antioche le synonyme âyio. Ad Autol., ii, 22, t. vi, col. 1088. Origène, In Jos., hom. vii, 1, t. xii, coU 857, énumére tous les Livres du Nouveau Testament, sans omission ni addition, à propos des trompettes de Jéricho : Sacerdotali tuba primus in Evahgelio suo Matthgsus increpuit. Marcus quoque, Lucas et Joannes, suis singulis tubis sacerdotalibus cecinerunt. Petrus etiam duabus Epistolarum suarum personat tubis. Jacobus quoque et Judas. Addit nihilominus adhuc et Joannes tuba canere per Epistolas suas et Apocalypsim, et Lucas Apostolorum Acla desa’ibens. Novissime autem Me (Paulus)… in quatuordedm Epistolarum suarum fulminans tubis, etc. Dans un passage rapporté par Eusèbe, H. E., vi, 25, et tiré du Prologue au tome v des commentaires sur saint Jean, Origène enlève quelques doutes sur la i/ a Pétri (Miav iitiazolrp ojioXoyoul*év7)v xaTaXéXotuEv. "E<ttm 8s xori Sevripav à|X916àXXeTai yâp) et sur la 2e et la 3e de saint Jean (KaTcxXéXoHre Si xat èj[(TtoXï)v îiâvv oXiftov uti'/wv * ëdTW Sk xai SsuTÉpav xai TpiT » )v Itià où irivTE ? çairi yv^si’ouc etvat), t. XIV, col. 188-189. Mais son but en cet endroit étant de montrer que les Apôtres ont très peu écrit, il devait réduire le plus possible le nombre des livres non contestés. Du reste, In Levit., hom. iv, 4, t. xii, col. 437, il cite' la i/ a Pétri sous le nom de Pierre, sans aucune hésitation ; il cite de même l'Épitre de Jacques, In Joa., xix, 6, et

celle de Jude, In Uatth., x, 17 ; xiii, 30. On connaît son opinion sur l'Épitre aux Hébreux : 'élle est de Paul pour le fond, mais un autre l’a rédigée. La tradition nomme soit Luc, soit Clément de Rome : Dieu seul sait ce qui en est, t. xiv, col. 1309 d’après Eusèbe, H. E. r vi, 25. Cf. Episl. ad Afric, 9, t. xiv, col. 68). Maisassez souvent Origène la cite sans réserve sous le nom de Paul. Il n’a jamais révoqué en doute l’origine johannique de l’Apocalypse. Il n’hésite pas non plussur l’ordre chronologique des Évangélistes : Matthieu, Marc, Luc, Jean. Cf. Comment, in Matth., t. xiii, col. 829 (passage conservé par Eusèbe, H. E, , vi, 25) ; Comment, in Joa., vii, 16, t. xiv, col. 256. Saint Jean le dernier en date est le premier en dignité, il forme les prémices (à^ap^r, ) de l'Évangile, t. xiv, col. 32. Le Nouveau Testament d’Origène est donc exactement 1& nôtre.

3° Apocryphes. — Dans son prologue au Commentaire du Cantique des cantiques, Origène se prononce fortement contre les apocryphes, quelque autorité que semble leur conférer l’usage qu’en ont pu faire les Apôtres : lllud tamen palam est, mulla vel ab apostolis vel ab evangelistis exempla esse prolata et Novo Teslamento inserta quæ in his scripturis, quas canonicas habemus, nunquam legimus, in apocryphis tamen inveniuntur et evidenter ex ipsis ostendunlur assumpta. Sed ne sic quidem locus apocryphis dandus est : non enim transeundi sunt termini quos slatuerunt patres nostri. Les Apôtres savaient discerner le vrai du faux et nous ne le pouvons plus. — Pour l’Ancien Testament les apocryphes suivants sont cités ou mentionnés : 1. Livre d’Enoch ; Contra Cels., v, . 54-55, t. xi, col, 1268 (èv tocîç 'ExxXyi<71<xic où Tiivy çÉpetai w ? 6eï : 0 ; Periarchon, I, iii, 3, t. xr, col, 148 ; iv, 35, t. xi, col. 409 ; In Num., hom. xxviii, 2, t. xii, col. 802 (sed quia libelli ipsi non videntur apud Hebrseos in auctoritate haberi…) ; In Joa., vi, 25, xiv, col. 273 (eî r » tpîXov itxpoi.Siytaftai oô ; âyiov t’o piêXiov).

— 2. Ascension ou Assomption de Moïse, Periarchon, III, ii, 1, t. xi, col. 303 (citée dans l'Épitre de Jude) ; In Jos., hom. ii, 1, t. xii, col. 834 (licet in canone non habealur). — 3. Ascension à" Isaïe : In Matth., x, 18, t. xiii, col ; 881 (apocryphe). — 4. Prière de Joseph : InJoan., ii, 25, t. xiv, col. 168 (apocryphe).

— Histoire apocryphe d'Élie ; In Joan., vi, 7, t. xiv, col. 224 ; In Matlh., ser. 117, t. xiii, col. 1769. — 6. Apocryphe de Jérénxie : Ibid. (videat ne alicubi in secretis Jeremise hoc prophetetur), à propos des trente deniers prédits par Zacharie, xi, 13, et non pas le Jérémie canonique comme semble le dire saint Matthieu, xxvii, 9.

Pour le Nouveau Testament nous trouvons mentionnés les livres extra-canoniques suivants. — 1. Le Pasteur d’Hermas est souvent cité avec éloge et presque égalé aux écrits inspirés. Periarchon, I, iii, 3, t. xi, col. 148 ; iv, 11, t. xi, col. 365 (év t<3 (itiô tivwv xata<ppovou[i.Évci> fkëXiw t<ô llotpévt) ; In Matth., xiv, 21, t. Mil, col. 1240 ; In Rom., x, 31, t. xiv, col. 1282 (quse. scriptura valde mihi utilis videlur et ut puto divinitus inspirata) ; In Joa., i, 18, t. xiv, col. 53. — 2. Clément Romain, Periarchon, II, iii, 6, t. xi, col. 194. — 3. Ép. de Barnabe, Contra Cels., l, 63, t. xi, col. 777 (y^psttai 6ï) èv T7) Bapviëa xaôoXix7J êthotoXtj). — 3. Évangiles apocryphes. Dans la première homélie sur saint Luc, t. xiii, col. 18Q3 (fragment grec, col. 1801), Origène a le mot célèbre : Ecclesia quatuor habet Evangelia, hsereses plurima, IïoXXoi (ièv o3v iT : e)(etp7)(T « v xaï xaxà Maôiav xa aXXa TcXetova' zà Se TÉrrapa |xâva Tipoxpt’xEi ? ! ©îb-j 'ExxXrjo-i’a. Parmi ces Évangiles, il cite en particulier l'Évangile selon les Égyptiens, l'Évangile des Douze, les Évangiles selon Thomas, selon Basilide et selon Matthias. Seul, l'Évangile des Hébreux est traité avec plus d’honneur. In Joa., ii, 6, t. xiv, col. 131. —

4. La Doctrine de Pierre est expressément rejetée comme non canonique. Periarchon, préface, 8, t. XI, col. 119-120. — 5. Les Actes de Paul sont cités aussi, mais non comme écrit canonique. Periarchon, I, II, "3, t. xi, col. 132 ; In Joa., xx, 12, t. xiv, col. 600.

IV. Bibliographie. — I. sources a consulter. — Huet, Origeniana (en tête de l’édition d’Origène), Rouen, 1668. Ce savant ouvrage, réimprimé dans les éditions de Delarue, t. iv, de Lommatzsch, t. xxii-xxiv, de Migne, t. xvii, reste l’étude la plus importante sur la vie, la doctrine et les œuvres d’Origène. — Westcott, article Origenes dans le Dictionary of Christian Biography, t. iv, Londres, 1887, p. 96-142 ; Dale, Origenistic Controversies, ibid., p. 142-146. Ces deux études, surtout celle de Westcott, sont très consciencieuses. — Harnack, Geschichte der altchrist. Litteratur, Ueberlief. und Bestand, Leipzig, 1893, p. 332-405 (liste des manuscrits d’Origène par Preuschen), Chronologie, t. ii, Leipzig, 1904, p. 26-54. — Bardenhewer, Geschichte der altkirchl. Literatur, t. ii, Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 68-158. — Chevalier, Répertoire des sources histor. du moyen âge, Bio-bibliographie, 2e édit., fasc. vii, Paris, 1906, p. 3428-3432 (indication d’un grand nombre d’articles de revue). — Ehrhard, Die ultchrist. Litteratur und ihre Erforschung von 18841900, Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 320-351 (examen critique des travaux plus récents).

II. NOMBRE ET CATALOGUE DES ÉCRITS D’ORIGÈNE.

— Saint Épiphane, Contra hseres., lxiv, 63, nous apprend que la renommée attribuait à Origène la composition de 6000 livres (fiiêloi) et ce chiffre a été souvent répété depuis ou changé en 5000. Rufin en prend occasion pour se moquer de saint Épiphane. Saint Jérôme, Contra Rufin., iii, 23, dans sa réplique, atteste que la liste des écrits d’Origène dressée par saint Pamphile ne comprenait pas même 2 000 numéros, Ibid., ii, 22, mais cette liste n’était sans doute pas complète. Eusèbe l’avait insérée au troisième livre de sa vie de saint Pamphile (H. E., VI, xxxii, 3) ; elle a péri avec l’ouvrage qui la contenait. Saint Jérôme, de son côté, dans une lettre à sainte Paule, énumérait les œuvres d’Origène en regard de celles de Varron, pour montrer que le catéchiste d’Alexandrie avait plus écrit que l’auteur profane réputé le plus fécond. Rufln, Apol. adv. Hieron., ii, 20, t. xxi, col. 599-600, ou Epist. ad Pauiam, xxxm, t. xxii, col. 446-449, en cite quelques passages. Heureusement la partie la plus intéressante de cette lettre, retrouvée dans un manuscrit d’Arras du XIIe siècle (n" 854), a été publiée par Philipps, F. Ritschl, Redepenning, Pitra, Harnack. On a découvert depuis trois nouveaux manuscrits à peu près du même âge que le précédent (Paris, Biblioth. nation., lat. 1628 et 1629 ; Bruxelles, Biblioth. royale, n » 11065). Rlostermann a donné une édition critique du fragment d’après les quatre manuscrits (tiré à part d’un article paru dans les Sitzungsberichte der… Akad. der Wiss. zu Berlin, 1897, p. 855-870), Harnack le réimprime d’après Klostermann, dans Die Chronol. der altchristl. Litteratur, t. ii, p. 37-48. Cette liste fourmille d’erreurs, les quatre manuscrits dérivant d’un même archétype incorrect et probablement incomplet. Cependant comme elle est notre unique autorité pour un certain nombre d’ouvrages, nous croyons indispensable de la reproduire ici en respectant scrupuleusement le texte et la syntaxe, mais en rétablissant l’orthographe usuelle. Nous l’appellerons en abrégé Cat. Les fragments transcrits par liufin nous permettent de la compléter et de la corriger en quelques endroits (op. cit., t. xxi, 599) : « Scripsit in Genesim libros tredecim ; mysticarum homiliarum libros duos ; in Exodo excerpta ; in Levi. tico excerpta. » Et post multa : « Item, inquit, Monobiblia ; Hepl âp^ûv libros duos ; de Resurrectione libros duos et alios de Resurrectione dialogos duos. »

Voici maintenant la liste en question, avec les rares variantes des quatre manuscrits :

Quorsum Varronis et Chalcenteri mentio facta sit quseritis ; videlicet ut ad nostrum Adamantium nostntmque Chalcenterwm veniamus : qui tanto in~Sanctaruni Scripturarum commentariis sudore laboravit, ut juste adamantit notnen acceperit. Vultis nosse quanta ingenii sui reliquerit monimenta ? Sequens titulus ostendet :

Scripsit in Genesi libros XIV ; mysticarum [ainsi lit Rufln, mais les manuscrits du Catalogue ont : locarum et localium] homiliarum, lib. Il ; In Exodum excerpta ; in Leriticum excerpta ; Stromatum, lib. X ; in Isaiam lib. XXX VI ; item in Isaiam excerpta ; in Osée de Ephraim lib. 1 ; in Osée commentarium ; in Joël lib. II ; in Amos lib. VI ; in Jonam lib. I ; in Michseam lib. III ; in Nahum lib. Il ; in Habacuc lib. 111 ; in Sophoniam lib. Il ; in Aggseum lib. 1 ; in principio Zachariee lib. II ; in Malachiam lib. II ; in Ezechiel lib. XXIX ; excerpta in Psalmos a primo usque ad quintum decimum.

Rursum : in Psalmo primo lib. 1 ; in 2° lib. I ; in 3° lib. I ; in 4° lib. 1 ; in 5° Ijtb. 1 ; in 6° lib. I ; in 7° lib. 1 ; in 8° lib. 1 ; in 9° lib. 1 ; in 10° lib. I ; in 11° lib. 1 ; in 12° lib. 1 ; in 13° lib. 1 ; in 14° lib. 1 ; in 15° lib*. 1 ; in 16° lib. I ; in 20° lib. I ; in 24° lib. 1 ; in 29° lib. I ; in 38° lib. I ; in 40° lib. I ; in 43° lib. Il ; in 44° lib. 111 ; in 45° lib. I ; in 46° lib. I ; in 50° lib. II ; in 51° lib. I ; in 52° lib. I ; in 53° lib. 1 ; in 57° lib. 1 ; in 58° lib. 1 ; in 59° lib. I ; in 62° lib. 1 ; in 63° lib. I ; in 64° lib. I ; in 65° lib. 1 ; in 68° lib. I ; in 70° lib. I ; in 71° lib. 1 ; in principio 72’lib. 1 ; in 103° lib. Il ; in Proverbia lib. III ; in Ecclesiasten excerpta ; in Canticum canticorum lib. X et alios tomos il quos superscripsit [peut-être : insuper scripsit ] in adolescentia ; in Lamentaliones Jeremim tomos V.

Rursum : Periarchon lib. IV ; de Resurrectione lib, II et alios de Resurrectione dialogos II ; de Proverbiorum quibusdam quseslionibus lib. 1 ; dialogum adversus, , Candidum Valentinianum ; de Martyrio librum.

De Nqvo Testamento : In Matthxum lib. XXV ; in Joannem lib. XXXII ; in partes quasdam Joannis excerptorum lib. 1 ; in Lucam lib. XV ; in epistolam Pauli apostoli ad Romanos lib. XV ; in epistolam ad Galatas lib. XV ; in epistolam ad Ephesios lib. III ; in epistolam ad Philippenses lib. I ; in epistolam ad Colossenses lib. II ; in epistola ad Thessalonicenses i" lib. 111 ; in epistola ad Thessalonicenses 2°- lib. I ; in epistola ad Titum lib. 1 ; in epislola ad Philemonem lib. I.

Rcrsus homiliarum in Vetcs Testamentum ; In Genesi homilise xvii ; in Exodo hom. vni ; in Levitieo hom. xi ; in Numéris hom. xxviii ; in Deuteronomio hom. xlll ; in Jesu Nave hom. xxvi ; in libro Judicum hom. ix ; de Pascha hom. vin ; in primo Regum libro hom.ir ; in Job. hom. xxii ; in Parœmias hom. vu ; in Ecclesiasten hom. vin ; in Cantico canticorum hom. u ; in Isaiam hom. xxxii ; in Jeremiam hom. xiv ; in Ezechiel hom. xii.

De Psalmis : In Psalmo 3° hom. i ; in 4° hom. i ; in 8° hom. i ; in 12° hom. i ; in 13° hom. I ; in 15° hom. n ; in 16° hom. î ; in 18° hom. i ; in 12° hom. r ; in 23° hom. i ; in 24° hom. i, in 25° hom. i ; in 26° hom. I ; in 27° hom. 1, in 36° hom. r ; in 37° hom. Il ; in 38° hom. Il ; in 39° hom. n ; in 49° hom. i ; in 51° hom. l ; in52° hom. il ; in 54° hom. I ; in67° hom. vii, in 71° hom. Il ; in 72° hom. m ; in 73° hom. m ; in 74° hom. i ; in 75° hom. i ; in 76° hom. M ; in 77° hom. IX ; in 19° hom. ir ; in 80° hom. Il ; in 81° hom. n ; in 82° hom. m ; in 83° hom. I ; in 84° hom. n ; in 85° hom. i ; in 87° hom. i ; in 108° hom. i ; in 110° hom. i ; in

118° hom. m ; in 120° hom, i ; in 121° honi. u ; in 122° hom. u ; in 123° hom. Il ; in 124° hom. Il ; in 125° hom. i ; in 127° hom.l ; in 128° hom. I ; in 129° hom. i ; in 131° hom. i ; in 132° hom. Il ; in 133° hom. il ; in 134° hom. u ; in 135° hom. iv ; in 137° hom. n ; in 138° hom. iv ; in 139° hom. u ; in 144° hom. ni ; in 145° hom. i ; in 146° hom. i ; in 147° hom. i ; in 149° hom. i. Excerpta in totum Psallerium.

HoMiLiyE in Novum Testàmentum : Ka-cà Ma69afo-j Evangelium hom. xxv ; xarà Aouxâv hom. xxxix, in Actus apostolorum hom. xvii ; in epistola ad Corinthios secundo, hom. XI ; in epistola ad Thessalonicenses hom. u ; in epistola ad Galatas hom. tu ; in epistola ad Titum hom. i ; in epistola ad Hebrxos hom. xviii ; de Pace hom. l ; exhortatoria ad Pioniam [Paris lat. 1628 : Proniam] ; de jejunio ; de monogamis et trigamis hom. H ; in Tharso hom. u ; Origenis, Firmiani [Arras 849 : Frumani. Klostermann conjecture Africani ; ce serait plutôt : Firmiliani] et Gregorii ; item excerpta Origenis et diversarum ad eum epistolarum lib. II ; epistola esifodorum [peut-être : synodorum] super causa Origenis in libro II » ; epistolarum ejus ad diversos lib. IX ; aliarum epistolarum lib. II ; item epistola pro apologia operum suorum lib. II. — Videtisne et Grsecos pariter et Latinos unius làbore superatos ?

m. liste des êcrii’S d’origène. — i. [Commentaires suivis, TÔfiot, volumina. — A) Sur la Genèse (quatre premiers chapitres) treize livres. Eusèbe, U. E., vi, 24, dit douze livres, le Cat. a xiv etRufin, xm. Saint Jérôme, Epist. ad Damas., xxxvi, 9, mentionne le XIIIe livre.

— B) Sur les Psaumes au moins quarante-six livres, d’après le Cat., sa voir : un livre sur chacun des Psaumes suivants i, ii, iii, IV, v, vl, vii, viii, ix, x, xi, xil, xiii,

XIV, XV, XVI, XX, XXIV, XXIX, XXXVIII, XL, XLV, XLVI, LI, LU, LUI, LVII, LVIH, LIX, LXII, LXIII, LXIV, LXV, LXVI1I, LXX,

lxxi, lxxii, deux livres sur les Psaumes xliii, l, ciii, trois livres sur le Psaume XLiv. Mais cette liste est sans doute incomplète. Saint Jérôme, Epist-ad Marcel., Tixxiv, 1, t. xxii, col. 448, dit que saint Pamphile n’a pas retrouvé le commentaire sur le Psaume cxxvi, mais sans être bien sûr que ce commentaire ait été composé et Eusèbe affirme, H. E., vi, 24, t. xx, col. 577, que les commentaires sur les vingt-cinq premiers Psaumes ont été composés à Alexandrie. — C) Sur les Proverbes trois livres. En outre, d’après le Cat. : De Proverbiorum quibusdam qusestionibus lib. 1. — D) Sur le Cantique des cantiques dix livres, sans compter deux autres livres composés dans sa jeunesse, d’après le Cat. La Philocalie, chap. vii, ne mentionne qu’un seul petit tome composé èv-cy eôtt, ti. — E) Sur les Prophètes au moins quatre-vingt-cinq livres, savoir : trente sur Isaïe, qusqu’à Is., xxx, 6), le chiffre du Cat. est certainement fautif, car Eusèbe, H. E., vi, 32, t. xx, col. 592, et saint Jérôme, Prol. comment, in Is., t. xxiv, col. 21, ne comptent que trente livres ; sur les Lamentations de Jérémie cinq livres ; sur Ézéchiel. vinq-cinq livres, d’après Eusèbe, H. E., vi, 32, et les notes du codex Marchalianus : le chiffre du Cat. est donc fautif ; sur les petits Prophètes vingt-cinq livres. C’est le chiffre du Cat. et d’Eusèbe ; mais celui-ci en remarquant qu’il n’a retrouvé que vingt-cinq livres fait entendre qu’il yen avait primitivement davantage. De fait saint Jérôme, Prol. comment, in Malachiam, t. xxv, col. 1543, mentionne trois livres d’Origène sur Malachie. Il y avait en outre un petit traité sur Osée, dont saint Jérôme, Prol. comment, in Osée, t. xxv, col. 819, parle ainsi : Origenes parvum de hoc propheta scripsit libellum, cui hune titulum imposuit icepi toû jk5ç (àvofiocsSrç iv tû’Qavjè’E^pai’ix. — F) Sur les Évangiles soixante-deux livres au moins, savoir : vingt-cinq sur Matthieu (c’est le chiffre concordant du Cat., d’Eusèbe et de saint Jérôme, bien que les manuscrits de ce dernier portent trente-six ou vingt-six dans le Prol. hom. Orig. in Lu cam, t. xxv, eol. 219), cinq sur Luc (c’est le chiffre de saint Jérôme, loc. cit., mais le Cat. porte quinze) ; trente-deux sur Jean (S. Jérôme, loc. cit., d’accord avec le Cat.). Le chiffre de 22 fourni par Eusèbe, B. E., vi T 24, est évidemment fautif, puisque le 32e livre subsiste encore. Comme le commentaire ne va que jusqu’à Joa., xiii, 33, et qu’Origène, In Matth., ser. cxxxiii, t. xiii, col. 1781, parle d’une explication donnée, dans le commentaire sur saint Jean, au sujet des deux voleurs crucifiés avec Jésus-Christ, il est possible que le commentaire comprît plus de trente-deux livres, peut-être trente-neuf. Cependant les extraits des Chaînes ne vont pas au delà de Joa., xiii, 33. — G) Sur saint Paul au moins trente-trois livres, savoir : quinze sur l’épître aux Romains ; cinq sur l’Épître aux Galates (le nombre xv du Cat. est fautif ainsi qu’il appert du codex de l’Athos, découvert par von der Goltz) ; trois sur l’Épi tre auxÉphésiens ; trois sur l’Épître aux Colossiens (nombre établi par le manuscrit de l’Athos contre le chiffre 2 du Cat.) ; trois sur I Thess. ; un sur chacune des Épitres aux Philippiens, à Tite, à Philémon et II Thess. Aucun commentaire sur l’Épître aux Hébreux n’est mentionné et les fragments cités dans les Chaînes peuvent provenir des homélies.

2. Homélies, à[xO. : .ai, homiliie ou tractatus. — A) Sur la Genèse, dix-sept. On n’en mentionne quelquefois que seize, parce que la dernière : De benediclionibus patriarcharum, est comptée à part. Le Cat. signale encore deux homélies sur la Genèse, qualifiées de locarum ou de localium dans les manuscrits et de mysticarum dans Ruiîn, Apol., ii, 20. — B) Sur l’Exode, treize ; le chiffre vin du Cal. est certainement erroné, car nous possédons encore les treize hom., traduites par Rufin. — C) Sur Je Lévitique, seize ; le chiffre xi du Cat. est fautif pour la même raison. — D) Sur les Nombres, vingt-huit. — E) Sur le Deutéronome, treize ; Cassiodore en connaissait en latin mi ou viii, ce qui doit être une erreur de copiste pour xm ; quoiqu’elles n’aient pas été traduites par Rufin, leur existence est prouvée par les extraits des Chaînes. — F) Sur Josué, vingt-six. — G) Sur les Juges, neuf. — H) Sur le premier livre des Rois, quatre. — 1) Sur Job, vingt-deux. — J) Sur les Proverbes, sept. — K) Sur le Cantique des cantiques, deux. — L) Sur Isaïe, trente-deux ; saint Jérôme, Prol. comment, in Is. r n’en connaissait que vingt-cinq ou, d’après un manuscrit, vingt-six. — M) Sur Isaïe, quarante-cinq ; le Cat. dit par erreur xiiii, qui doit être pour xlv ou xlvi ; nous en possédons encore vingt en grec et la xxxix 8, est citée deux fois dans la Philocalie, chap. I et x. — N) Sur Ézéchiel, au moins quatorze ; c’est le nombre des homélies traduites par saint Jérôme, de sorte que le chiffre xii du Cat. est évidemment fautif.

— 0) Sur les Psaumes, cent vingt homélies au moins : une sur chacun des Psaumes suivants : iii, iv, viii, xii, xvi, xviii, xxii, xxiii, xxiv, xxv, xxvi, xxvii, xlviii, li,

LIV, LXX1V, LXXV, LXXXl, LXXXIII, LXXXV, LXXXVII, CVIII, CX, CXX, CXXV, CXXVII, CXXVIII, CXXIX, CXXXI, CXLV, CXLVI,

    1. CXLVH##

CXLVH, cxlviii ; deux sur chacun des Psaumes suivants : xxxvii, xxxviii, xxxix, lii, lxxi, lxxx, lxxxiv, cxxi,

    1. CXXII##

CXXII, CXXIII, CXXIV, CXXXII, CXXXIII, CXXX1V, CXXXVII,

cxxxix ; trois sur les Psaumes xv, lxxii, lxxiii, lxxvi, lxxxii, cxviii, cxliv ; quatre sur les Psaumes lxxviii, cxxxv, cxxxviii ; cinq sur le Psaume xxxvl, sept sur le Psaume lxvii, neuf sur le Psaume lxxvii. — P) Sur les Évangiles, soixante-quatre homélies au moins : vingt-cinq sur Matthieu, trente-neuf sur Luc (toutes, sauf six, ont pour thème les six premiers chapitres et il est possible que saint Jérôme qui les a traduites ait fait un choix). — R) Sur les Actes, dix-sept homélies. — S) Sur saint Paul le Cat. mentionne trente-neuf homélies : onze sur II Cor., deux sur Thess., sept sur Gal., une sur Tite, dix-huit sur Heb. — Il est singulier que le Cat. ne signale sur I Cor. ni commentaire ni

homélie, puisque saint Jérôme met Origène au nombre de eeux qui ont expliqué longuement cette épître, Epist. ad Pammach., xlix, 3, et qu’on retrouve encore dans les Chaînes de fréquentes explications de I Cor. — î") Enfin le Cat. mentionne huit homélies De Pascha, une hom. De pace, deux hom. In Tharso, et de plus Exhortatoria ad Pioniam, De jejunio et tnonogamis et trigamis hom. u. On n’a sur ces ouvrages aucun autre renseignement et l’on ne sait pas davantage ce que Rufin entend par Monobïblia.

3. Scolies, a-^ôXia, avjiiEtâxietç, excerpta, commaticum interpretationis genus. — Nous connaissons par le Cat. les excerpta sur l’Exode, sur le Lévitique, sur les quinze premiers Psaumes, sur l’Ecclésiaste, sur quelques parties de saint Jean, sur tout le Psautier. Ces derniers ne sont sans doute pas autre chose que l’ouvrage appelé ailleurs enchiridion, le manuel annoté des Psaumes dont Origène faisait usage. SaintJérôme signale encore des excerpta sur saint Matthieu et sur l’épître aux Galates (Comment, in Matth. Prolog. ; Comment, in Gai. Prolog.), Rufin, des excerpta sur les Nombres (Homil. in Nimier., Prolog.), et le manuscrit de l’Athos découvert par von der Goltz des ayàlia. sur la Genèse.

4. Ouvrages divers. — A) De principiis, nepi àp^wv, en quatre livres. — B) Stromates en dix livres. — 6°) De resurrectione, en deux livres et de plus deux dialogues sur la résurrection. — D) Contra Celsum, en huit livres. — E) De martyrio, adressé à son ami Ambroise. — F) De oratione. — G) Un dialogue contre le vulentinien Candide.

5. Lettres. — Il n’en reste plus que deux en entier, l’une adressée à Jules Africain, l’autre à saint Grégoire le Thaumaturge. Mais on a des fragments de quelques autres : A) Sur Ambroise, dans Suidas, édit. Bernhardy, t. ii, col. 1279. — B) Apologie adressée à ses accusateurs, Eusèbe, H. E., vi, 19. — C) À ses amis d’Alexandrie, S. Jérôme, Adv. Rufin., ii, 18, et Rufin, De adult. libror. Origenis. — D) À Firmilien, d’après Victor de Capoue, dans Pitra, Spicil. Solesm., t. î, p. 268. — E) Ad Gobarum de undecima ( ?). lbid., p. 267. — F) A certains prêtres, dans Galland, Biblioth. Patr., t. xiv, appendice, p. 10. — D’autres lettres sont simplement mentionnées. — A) À son père pour l’exhorter au martyre, Eusèbe, H. E., vi, 2. — B) Réponse à l’empereur Philippe, lbid., vi, 36. — C) À Severa, femme de Philippe, lbid. — D) Au pape saint Fabien. S. Jérôme, Epist., lxxxiv, 10. — E) À divers évêques, Eusèbe, H.E., i, 36. — F) À Bérylle de Bostra. S. Jérôme, De vir. illustr., 60. Saint Pamphile avait réuni plus de cent lettres d’Origène, Eusèbe, HE., vi, 36, et le Cat. compte 14 ou 16 livres de lettres écrites par Origène ou le concernant.

6. Ouvrages apocryphes ou faussement attribués à Origène. — 1. Le traité De recta in Deum fi.de contre les Marcionites, traduit par Rufin et déjà cité dans la Philocalie, chap. xxiv, sous le nom d’Origène. — 2. De visione TeTpaitôSoiv (S. Jérôme, Adv. Rufin., i, 13).

— 3. Comment, in Job (Paris, Bibl. nat., grec. 454). — 4. Comment, in Job, en latin (Paris, Bibl. nat., lat. 14464). — 5. Comment. inMarc. (Paris, Bibl. nat., grec. 939). — 6. Scholia in orationem dominicam et cantica, Paris, 1601. — 7. Planctus Origenis, existe en-dé nombreux manuscrits et a été publié, traduit en français, par René Benoist, Paris, 1563. — 8. De sihgularitale clericorum. — 9. Quù dives salveturàe Clément d’Alexandrie. — 10. Les Philosophumena de saint Hippolyte. — 11. Le Ilepî-roy itôvroç de saint Hippolyte. —

12. Le petit Labyrinthe, Eusèbe, Hist. eccl., v, 28. —

13. L’exposition du Symbole, Pitra, Analecta sacra, t. iii, p. 584. — 14. h’Épitaphe d’Origène composée par lui-même, reproduite en de nombreux manuscrits.

— iô. Les vingt Tractatus Origenis de libris SS. Scripturarum, publiés par Ma’Batiflbl, Paris, 1900. Voir dans

Ehrhard, Die altchristl. Lilter., etc. Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 328-332, les conjectures à ce sujet. — 16. Plusieurs prétendues Homélies d’Origène contenues dans les lectionnaires latins du moyen âge et publiées dans VHomiliarius Doctorum, Bâle, 1511-1513, ainsi que par Combefis, Biblioth. Patrum conciohatoria, ’Paris, 1662. Les plus célèbres et les plus évidemment inaulhentiques sont l’homélie sur la Madeleine : Maria stabat ; et l’homélie sur le prologue de S. Jean : Vox spiritualis aquilse.

IV. OUVRAŒS PARVENUS JUSQU’A NOUS ET PRINCh

faux manuscrits. — 1. Texte grec. — A) Philocalie, recueil de morceaux choisis d’Origène par saint Basile et saint Grégoire de Nazianze, comprenant des extraits du Periarchon, du Contra Celsum, des Commentaires sur la Genèse, l’Exode, les Psaumes, le Cantique des cantiques, Ezéchiel, Osée, Matthieu, Jean, l’Épitre aux Romains, des Homélies sur le Lévitique, Josué, Jérémie, les Actes, plus la lettre à saint Grégoire le Thaumaturge et un fragment d’origine inconnue. On en connaît un assez grand nombre de manuscrits dont les plus anciens et les meilleurs sont : Patmos 270, x" siècle ; Venise, Marcienne, 47, XIe s. ; Paris, « Bibl. nat., suppl. grec 615, XIIIe s. — B) Contra Celsum. Subsiste en entier ; mais tous les manuscrits connus (24) dérivent d’un même archétype qui ne remonte pas au delà du xiii c siècle (Vatican, grec 386). — C) Comment, sur S. Matthieu. On en possède en grec huit livres, X à XVII. Le plus ancien des manuscrits, d’ailleurs peu nombreux, date du xme siècle (Munich, grec 191). —

D) Comment, sur S. Jean. U n’en reste que les neuf livres suivants I, II, VI, X, XIII, XIX, XX, XXVIII, XXXII. L’archétype de tous les manuscrits est le Monacensis 191, ci-dessus nommé. — E) Homélies sur Jérémie, au nombre de vingt, retrouvées dans un codex de l’Escurial (Cl, iii, 19) du xie ou du xii « siècle. Les homélies xviii et xix, mutilées l’une à la fin l’autre au commencement, semblaient n’en faire qu’une, de sorte qu’avant Klostermann on n’en comptait que dix-neuf.

— F) Exhortation au martyre conservée dans un manuscrit de Venise du xive siècle et dans un manuscrit de Paris (Bibl. nat., grec 616) de la même époque, sur lequel fut copié le codex de Bàle A. iii, 9. — G) De oratione. Ce petit traité n’existe complet — à part quelques lacunes — que dans un manuscrit de Cambridge. — H) Homélie sur la Pythonisse dont l’archétype paraît être le Monacensis 331 du Xe siècle. — 1) Lettre à Jules Africain, conservée en de nombreux manuscrits. — /) Lettre à S. Grégoire le Thaumaturge, insérée dans la Philocalie. — K) Les chaînes — riche mine encore trop peu exploitée — nous rendent, à l’état fragmentaire il est vrai, un grand nombre d’œuvres perdues d’Origène. Il en sera question ci-dessous, à propos des éditions.

2. Traductions latines. — A) Periarchon traduit par Rufin. Il ne reste de la traduction de saint Jérôme que les extraits insérés par lui dans sa lettre à Avit, t. xxii, col. 1059-1072. — B) Cent dix-huit homélies traduites par Rufin (dix-sept sur la Genèse, treize sur l’Exode, seize sur le Lévitique, vingt-huit sur les Nombres, vingt-six sur Josué, neuf sur les Juges, neuf sur les Psaumes). — C) Soixante dix-huit homélies traduites par saint Jérôme (deux sur le Cantique des cantiques, neuf sur Isaïe, quatorze sur Jérémie — dont douze existent dans le texte original — quatorze sur Ezéchiel, trente-neuf sur S. Luc). — D) Une homélie sur le I er livre des Rois (De Elcana et Samuel) traduite par un anonyme. —

E) La traduction par Rufin des trois premiers livres du Commentaire sur le Cantique des cantiques, avec le commencement du quatrième. — F) La traduction fortement abrégée et remaniée du Commentaire sur YÉpître aux Romains. Des quinze livres primitifs Rufin a fait dix livres plus courts. — G) Une traduction anonyme

du Comm entaire sur saint Matthieu, de xiv, 13, à xxvii, 3.

v. éditions. — Si l’on ne tient pas compte d’un recueil d’homélies publié sans lieu ni date, le premier ouvrage imprimé d’Origène est une traduction latine du Contra Celsum parPersona, Rome, 1481 (Venise, 1514). Puis vint la traduction par Rufln des homélies sur l’heptateuque, Venise, 1503 et 1512, du Commentaire, sur l'Épitre aux Romains, "Venise, 1506 et 1512. (Ces deux ouvrages furent publiés sous le nom de saint Jérôme qu’ils portent dans certains manuscrits.) Peu après parurent à Venise les homélies traduites par saint Jérôme (1513), le Periarchon (1514) et divers autres ouvrages encore inédits (1516). Les éditions des œuvres latines complètes, telles qu’on pouvait se les procurer alors, sont celles de Merlin, Paris, 1512 (1519, 1522, 1530, Venise, 1516), d'Érasme, Bâle, 1536 et 1545 (1571 avec additions par Grynseus), de Génébrard, Paris, 1574 (1604 et 1619). — Quant au texte grec, ce fut aussi le Contra Celsum qui fut publié tout d’abord par Hœschel, Augsbourg, 1605, ensuite la Philocalie par Tarin, Paris, 1618-1619 (1624), l’Homélie sur la Pythonisse par Léon Allatius, Lyon, 1629, les Homélies surJérémiepar Cordter, Anvers, 1648. G. Spencer réédita le Contra Celsum et la Philocalie à Cambridge, 1658 (grec-latin avec notes) et 1677. La première édition générale fut celle de Huet, Rouen, 1668 (3 vol., avec longue introduction biographique, théologique et critique, Origeniana), réimprimée à Paris, 1679, à Cologne, 1685. Beaucoup plus complète est celle de Charles Delarue, 1 er et 2e vol., Paris, 1733 ; 3e vol., Paris, 1740 (après la mort de l'éditeur) ; 4e vol., Paris, 1759 (par les soins de Charles Vincent Delarue, neveu du précédenl). Depuis Huet, le traité De oratione avait paru à Oxford, 1686 (Amsterdam, 1694), V Exhortatio ad Martyrium avait été publiée à Bâle par Wetstein, 1694, et Montfaucon avait donné une bonne édition des restes des Hexaples (Paris, 1715), après celles de Flaminius Nobilius (Rome, 1587) et de Drusius (Arnheim, 1622). Toutes les éditions postérieures des œuvres d’Origène, celles d’Oberthur (Wurzbourg, 1780, 1794), de Lomroatzsch (Berlin, 18311838, en 25 vol.), de Migne (Paris, 1857), n’ont été que des reproductions plus ou moins correctes des éditions précédentes, en particulier du texte de Delarue. Il en est de même de l'édition du Periarchon par Redepenning (traduction de Rufîn, fragments grecs et notes), Leipzig, 1836. — Il a paru depuis quelques éditions partielles : A. E. Brooke, Commentaire sur S. Jean, 2 vol., Cambridge, [896 ; A. Jahn, Des h. Eustathius Seurtheilung des Origenes, Leipzig, 1886 (dans Texte und Unters., t. ii, avec le texte de YHomélie sur la Pythonisse d’après le manuscrit de Munich, grec 331).

La nouvelle édition d’Origène, qui fait partie de la Patrologie grecque de Berlin, utilise toutes les ressources dont on dispose en ce moment et sera pour longtemps l'édition type. Ont déjà paru les volumes suivants : t. i et n (Exhortation au Martyre, Contra Celsum, De oratione), Leipzig, 1899, par P. Kœtschau ; t. m (Homélies sur Jérémie, sur la Pythonisse d’Endor, et fragments sur les Lamentations, Samuel et les Rois), Leipzig, 1901, par E. Klostermann ; t. iv (Commentaires sur S. Jean, fragments compris), Leipzig, 1903, par E. Preuschen. Chaque volume s’ouvre par une étude des manuscrits et contient trois tables : index des citations et allusions, des noms propres, de tous les mots intéressants au point de vue théologique, philologique, etc.

Il reste encore à étudier les innombrables fragments des chaînes bibliques, publiés en grande partie mais d’une manière insuffisante par Galland, Biblioth. vet. Patrum, t. XIV (supplément), par Mai, Nova Patrum Biblioth., t. vii, et par Cramer, Catense in Evangelia, Catenm in Epistolas, Oxford, 1840-1844. Une bonne édition des scolies sur les Proverbes a été donnée par

Tischendorf, dans Notitia edit.cod. Sinaitici, Leipzig, 1860, p. 74-122. Les textes relatifs à l'Épitre aux Éphésiens ont été très bien réédités par Gregg, Journal af theol. Studies, t. iii, 1902, p. 398-420, 554-576.

vi. traductions. — Nous avons parlé des versions latines de Rufin et de saint Jérôme et d’un traducteur anonyme du Comment, sur S. Matthieu. Le Contra Celsum fut traduit en latin par Persona, Rome, 1481, par Gelenius, Augsbourg, 1605 ; le Comment, sur S. Jean par Ferrari du Mont-Cassin et Perionius ; le Comment, sur S. Matthieu par Huet, Rouen, 1668 ; le De oratione par Morel, Paris, 1601, par Wetstein, Bâle, 1694, par Reading, Londres, 1728 ; la Philocalie par Génébrard, Paris, 1574, par Tarin, Paris, 1618. — L'édition latine de Caillau en 7 in-8°, Paris, 1829, contient les principaux ouvrages d’Origène mais avec des coupures.

Il a paru en français une traduction du Contra Celsum par E. Bouhereau, ministre protestant, Amsterdam, 1700, par l’abbé de Gourcy, Paris, 1785-1786 (dans la collection Anciens apologistes, 1. 1 et n), par l’abbé de Genoude (Les Pères de l'Église, traduits en français, t. viii). On la trouve dans Migne, Démonstrations évangél., t. i, Paris, 1843. — La collection Ante-Nicene Christian Library, Edimbourg, contient, t. x, 1869, et t. xxiii, 1872, la traduction anglaise par Crombie du Periarchon, de la lettre de Jules Africain et de la réponse d’Origène et du Contra Celsum ; le volume supplémentaire, 1897, renferme la traduction par Menzies des Comment, sur S. Matth. et sur S. Jean.

yii. ouvrages sur origène. — La bibliographie complète de ce qui s’est écrit sur Origène remplirait un volume. Nous laisserons de côté les ouvrages généraux, tels que patrologies, histoires de l'Église, histoires des dogmes, histoires des hérésies, etc., ainsi que la plupart des articles de revue. On trouvera l’indication d’un certain nombre d’articles dans Chevalier, Bio-bibliographie, 2e édit., fasc. vii, 1906, p. 3428-3432. jPour l'époque des Pères nous renvoyons à notre livre Origène, appendice iii, p. 188-213 ; Origène et la tradition catholique jusqu'à la fin du VF siècle.

1. Biographie et théologie mêlées. — Lenain de Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclés., t. m ; Redepenning, Origenes, eine Darstellung seines Lebens und seiner Lehre, 2 vol., Bonn, 1841-1846 ; Freppel, Origène (cours d'éloquence professé à la Sorbonne en 1866 et 1867), 2 vol., Paris, 1868 ; 2= édit., 1875 ; Bôhringer, Klemens und Origenes, Zurich, 1869 ; W. Fairweather, Origen and greek patristic Theology (dans The World’s Epoch-Makers), Edimbourg, 1901.

2. Origène théologien et exégète. — G. Lumper, >Historia theologico-critica SS. Patrum, Augsbourg, 17921793 (t. ix et x de la collection) ; Schnitzer, Origenes ûber dieGrundlehrender Glaubenswissenschaft, Stuttgart, 1835 ; G. Thomasius, Origenes, ein Beitrag zur Dogmengeschichte des 3 Jahrhunderts, Nuremberg, 1837 ; P. Fischer, Commentatio de Origenis Theologia et Cosmologia, Halle, 1845 ; E. Joly, Étude sur Origène, Dijon, 1860 ; Ernesti, Commentatio de Origène, interpretationis… grammaticse auctore, Leyde, 1776 ; C. R. Hagenbach, Observationes hutorico-hermeneuticse circa Origenis methodum interpretandi Scriptur., Bâle, 1823 ; J. J. Bochinger, De Origenis allegorica …interpretatione (dissert.), Strasbourg, 1829-1830 ; Contestin, Origène exégète, dans la Revue des sciences eccl., 1866-1867 ; Klostermann, Die Ueberlieferung der Jeremiahomilien des Origenes, dans Texte und Vntersuch. N. F., t. i, fasc. 3, Leipzig, 1897 ; Zôllig, Die lnspirationslehre des Origenes, Fribourg-en-B., 1902 ; F. Prat, Origène, le théologien et l’exégète, Paris, 1907.

3. Points particuliers. — <S. Parker, Origenian hypothesis concerninff the préexistence of soûls, etc., Londres, 1667 ; Hœfling, Origenis doctrina de sacrificiis christianorum, etc., Erlangen, 1841 ; C. Ramers, Des

Origenes Lehre von der Auferstehung des Fleisches, Trêves, 1851, Mœller, Gregorii Nyss. doctrina de hominis natura cum Origeniana comparata, Halle, 1854 ; F. Harrer, Die Trinitâtslehre des Origenes, Stadtamhof, 1858 ; U. Fermaud, Opinion d’Origène sur l’origine du péché (dissert.), Strasbourg, 1859 ; Fournier, Idées d’Origène sur la Rédemption (dissert.), Strasbourg, 1861 ; Rambouillet, Origine et l’infaillibilité, Paris, 1870 ; Dartigue, Théodicée d’Origène (dissert.), Genève, 1873 ; Lang, Die LeibMchMe.it der Vernunftwesen bei Origenes, Leipzig, 1892 ; G. Anrich, Clemens und Origenes als Begrïmder der Lehre vomFegfeuer, Tubingue, 1902 (dans Theol. Abhandl. ꝟ. H. J. Holtzmann).

4. Origénisme et controverses origénistes. — J.H.Horbius, Historia Origeniana sive de ultima origine et progressione hwreseos, Francfort, ; 1670 ; Doucin, Histoire des mouvements… arrivés au sujet d’Origène et de ses doctrines, Paris, 1700 ; Anonyme, Examen de l’origénisme, etc., Paris, 1733 ; (Rust, ) À letter of resolution concerning Origen, etc., Londres, 1661 ; P. Halloix, Origenes defensus, etc., Liège, 1648 ; Gaupp, Vindicise Orig., Iéna, 1827 ; B. Eberhard, Die Betheiligung des Epiphanius am Streite ïtber Origenes, Trêves, 1859 ; L. Vincenzi, In S. Greg. Nyss. et Origenis scripta et doctrinam, etc., 5 vol., Rome, 1864-1869 ; Diekamp, Die origenist. Streitigkeitenim sechsten Jahrhundert, Munster, 1899.

5. Origène philosophe. — Gaudentius, De dogmatum Origenis cum philos. Platonis comparatione, Florence, 1639 ; Huber, Philosophie der Kirchenvâter, Munich, 1859 ; Laforêt, Philosophie des Pères : Origène, dans la Revue cath. de Louvain, 1870 ; J. Denis, La philosophie d’Origène, Paris, 1884. Cf. Journal des savants, 1884, et Mémoires de l’Acad. des sciences mor., 1887 ; Bigg, The Christian Platonists of Alexandria, Oxfovà, 1886 ; G. Capitaine, De Origenis ethica, Munster, 1898.

6. Origène controversiste. — Mosheim, Origenes… wider den Weltweisen Celsus, Hambourg, 1745 ; F. Cunningham, À dissertation on the books of Origen against Celsus, 1812 ; Lagrange, Étude sur la controverse entre Celse et Origène, Paris, 1856 ; A. Kind, Der Kampf des Origenes gegen Celsus (dissert.), Iéna, 1875 ; J. Patrick, The Apology of Origen in reply to Celsus, Londres, 1892. De plus les ouvrages de Fenger, Philippi, Jachmann, Keim, Aube, Pélagaud, Heine et Muth sur Celse et son Discours véritable.

7. Origène professeur et orateur. — Werther, De schola Origenis sacra (dissert.), Wittemberg, 1744 ; Weickmann, De schola Origenis sacra et Gregorio Thaumaturgo (dissert.), Wittemberg, 1744 ; Karsten, De Origène oratore sacro (dissert.), Groningue, 1824.

8. Origène critique. Voir Hexaples. F. Prat.’ORIOL Pierre, que tous les écrivains du moyen âge ont appelé Aureolus, naquit à Verberie, dans le diocèse de Senlis, au xiiie siècle, entra dans l’ordre des Frères Mineurs, et suivit à Paris les leçons du Docteur subtil. Sbaraglia, s’appuyant sur Barthélémy de Pise, prétend que Pierre Oriol était né dans la région pyrénéenne et appartenait à la province d’Aquitaine. Il serait peu utile de discuter ici ce point d’histoire. Ses succès lui méritèrent le bonnet de docteur avant qu’il eût été élevé à la prêtrise. Il enseigna, lui aussi, à l’Université de Paris, et y fut appelé le Docteur éloquent, Doctor facundus. Jean XXII le promut à l’archevêché d’Aix en 1321 ; il eut à peine le temps d’occuper ce siège, car il mourut l’année suivante, après une vie de vertus non moins éclatantes que ses talents. Quelques biographes assurent qu’il avait été élevé au cardinalat ; d’autres le contestent de la façon la plus absolue. Il a laissé beaucoup d’ouvrages, parmi lesquels nous avons à distinguer : Breviarium Bibliorum. C’est un commentaire abrégé de la Sainte Écriture, dont les copies ont été répandues


dans quantité de bibliothèques. Il fut imprimé pour la première fois sans lieu, sans date et sans nom d’imprimeur, en un vol. in-folio, sous le titre de Compendium litteralis sensus Bibliorum, que Sbaraglia dit avoir vu dans la bibliothèque des Frères Mineurs de Florence. D’autres éditions suivirent : Venise, Lazare Soard, 1507, in-4°, sur le titre de laquelle l’auteur est qualifié de cardinal ; de nouveau, Venise, 1508, in-4° ; Paris, 1508, in-8° ; Strasbourg, Jean Schotte, 1514, in-4° ; Paris, 1565, in-4° ; Venise, 1571, in-4° ; Paris, 1585, in-8° ; Rouen, 1596 et 1649 ; Paris, 1610 et 1613 ; Louvain, 1647.

(P. Apollinaire).

La Bibliothèque nationale de Paris possède l’édition donnée par Nouvellet : Pétri Aureoli franciscani doctissimi sanctxque Romanæ Ecclesix Cardinalis dignissimi commentaria vere aurea et compendiosa in universam Sacram Scripturam Cl. Steph. Novelletius Thallorinus, S. Theol. D. libellum hune vere aureum, diu desideratum in lucem emitti curavit, mille mendis deturpatum repurgavit, tabulisque analyticis singula capita methodice illustravit. Rothomagi, ApudJacobum Besongue. M.DC.XLIX. (coté À 6648). L’éditeur, comme il l’annonce dans le titre, a placé en tête de chaque chapitre un tableau synoptique mettant sous les yeux toutes les divisions et subdivisions qu’Oriol développe dans l’analyse de chacun des livres de l’Écriture. — La bibliothèque du séminaire de Saint-Sulpice a une autre édition : Breviarium Bibliorum sive compendium sensus litteralis totius S. Scripturse, auctore R do P. F. Petro Aureolo, ordinis Minorum, Archiepiscopo Aquensi, S. R. E. Cardinali. Editio quarta. PerFF. Minores Lovanienses. Lovanii, Typis Pétri van der Heyden prope Fratres Minores, 1647 (coté À 1256). L’auteur de la préface ne connaît que 3 éditions antérieures à la sienne, la l’  « de Paris, 1508, la 2e de Nouvellet, 1583, la 3e de Jacobus Wimphelingus, dédiée à Jean Eck, qu’il n’a pas vue. Cette édition ne reproduit pas les tableaux synoptiques de Nouvellet, mais elle a ajouté l’indication numérique des versets qu’Oriol n’avait pu indiquer. Cet ouvrage d’Oriol, sorte de manuel biblique analytique, est historiquement important.

Mentionnons un autre ouvrage d’Oriol, à cause des renseignements qu’on peut en tirer pour sa biographie jusqu’à présent assez obscure : Commentariorum in prirnum librum Sententiarum pars prima, auctore Petro Aureolo Verberio, ordinis Minorum, archiepiscopo Aquensi, S. R. E. Cardinali. Ad Clementem VIII Pont. Opt. Max., in-f°, Rome, 1596. Ce premier volume a été édité par le cardinal Constantin Sarnanus, de l’ordre des Mineurs de S. François, comme l’indique sa Dédicace à Clément VIII ; mais il n’a pas mis une vie de l’auteur dans son édition, comme le dit la Nouvelle Biographie générale, t. iii, 1861, col. 772 ; Sarnano dit seulement dans sa Dédicace que Pierre Aureolus a été frère mineur et cardinal, et que, en qualité de cardinal, il avait dédié ses écrits théologiques, dont il fait un grand éloge, au pape Jean XXII, alors régnant. Ce premier volume est imprimé par la Typographie vaticane. Le second l’est par la typographie d’Aloysio Zannetti, aux frais de la Societas Bibliopolarum D. l’homse Aquinatis de Urbe, sous ce titre : Pétri Aureoli Verberii ordinis Minorum, Archiepiscopi Aquensu, S. R. E. Cardinalis, Commentariorum in secundum librum Sententiarum tomus secundus. In-f », Rome, 1605. Il est dédié par la Société des libraires de Saint-Thomas d’Aquin au cardinal d’Albano Asculano, Fr. Hieronymus Bernerius, leur protecteur, qui favorisa spécialement la publication des œuvres théologiques des cardinaux. A la fin de ce volume sont placés, avec un titre particulier et une pagination spéciale, Quodlibeta sexdecim Pétri Aureoli Verberii, ordinis Minorum, archiepiscopi Aquensis, S. R. E. Cardinalis. Même imprimeur et même date. La Société des libraires dédie les Quod IV. - 60

1891

ORIOL — ORION

1892

libeta à Claude Aquaviva, général de la Compagnie de Jésus, et dit qu’on avait attribué à Jean Capreolus les écrits du cardinal Pierre Auréolus, édita post mortem ejusvolumina, …quse diutius apudJoannemCapreolum diversata, tandem propria Mis attrïbuta quasi domo, sua hodie in Regia magnificentius invisuntur. Bibliothèque nationale, D. 33 (ancien 87).

Voir Wadding, Annales Minorum, Rome, 1733, t. vi, p. 245 ; Biographie toulousaine, 2 in-12, Paris, 1823, t. i, p. 405 ; elle prétend à tort qu’Oriol est né à Toulouse ; B. Gams, Séries Episcoporum, 1873, p. 482. Cf. Fr. Stratonik, Ueber den àusseren Lebensgang und die Sch.ri.fien des Petrus Aureoli, dans Der Katholik, 1882, t. lxii, p. 315-327, 415-426, 479-500.

F. VlGOUROUX.

    1. ORION##

ORION (hébreu : kesîl ; Septante : ’Ûpiwv ; Vulgate : Orion), nom d’une constellation. Cette constellation

de l’horizon et se voit durant une plus grande partie de l’année. L’auteur de Job, ix, 9, dit que Dieu a créé’aS, voir Ourse (Grande), kesîl et kîmdh, voir Pléiades. Amos, v, 8, répète la même idée. Isaïe, xiii, 10, emploie le mot au pluriel pour désigner les constellations en général. Le mot kesîl, qui paraît avoir donné son nom au mois assyrien kisilivu, « casleu, » désigne certainement Orion, ainsi que l’ont entendu les versions. Le Syriaque l’appelle gaboro et le Targum niflâ" ou nefilâh, « le géant. » C’est en effet sous la figure d’un géant armé d’un glaive qu’on représente cette constellation. Comme Orion est voisin de la constellation du Grand Chien, qui marche â sa suite, et que Sirius, l’une des plus brillantes étoiles du ciel, fait partie de cette constellation, les Égyptiens représentaient Orion ou Sâhou debout dans la barque sur laquelle il navigue à travers le firmament ; il est entouré de ses huit étoiles princi 494. — Orion et la vache Sothis séparés par l’Épervier. Zodiaque de Denderah. D’après Dûmichen, Resultate, pi. xxxvi.

forme un grand parallélogramme dont deux angles opposés sont marqués par une étoile de première grandeur ; vers le centre, trois belles étoiles sur une même ligne sont appelées le Baudrier ou les trois Rois (fig. 495)

495. -- Constellation d’Orion.

Outre les deux étoiles de première grandeur, la constellation en renferme quatre de deuxième, deux de troisième, etc. Elle est située au-dessous de la constellation du Taureau, en regardant vers le sud. Sous notre latitude, elle reste au-dessous de l’horizon de mai à octobre ; en Palestine, elle est de 17° plus élevée au-dessus

pales, et, de la main, s’adresse à Sothis ou la Vache, qui est assise dans sa barque et avec Sirius ou Sopdltenlre les cornes (fig. 494) Abulwalid et d’autres commentateurs juifs ont pensé que le pluriel kesilîm, dans Isaïe, xiii, 10, désigne Canopus, étoile de première grandeur située dans la constellation Argo ou le Vaisseau. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 701. Cette constellation se trouve entre le Grand Chien et l’Hydre, et est plus souvent visible dans l’hémisphère austral que dans le nôtre. D’après une antique légende, encore bien connue dans le Hauran, Gedi, l’étoile polaire, aurait tué N’as, la Grande Ourse, dont le cadavre serait porté sur une litière funèbre et suivi de ses fils et filles. Suhël, Canopus, au lieu de venir au secours de N’as, se serait contenté de jeter au-dessus de l’horizon un regard tremblant. De là son nom de kesîl, en hébreu « stupide », et en arabe « paresseux ». Voir Ourse (Grande). Cf.’Frz. Delitzsch, Dos Buch lob, Leipzig, 1876, p. 501, 502. Il est peu probable cependant que, sous le nom de kesîl, Canopus ait occupé une telle place dans la pensée des Hébreux, à l’exclusion d’Orion, plus habituellement visible et d’aspect bien plus imposant. Il n’y a donc pas lieu de s’écarter de la traduction des anciennes versions. Dans la légende orientale, kesîl, le fou, par conséquent l’impie, ne serait autre que Nemrod, qui aurait fondé Babylone et ensuite aurait été transporté parmi les Ï893

ORION

ORNAN

1894

étoiles, afin de continuer à chasser dans les champs du ciel. Cf. Chronicon pascale, t. xcii, col. 145 ; Cedrenus Hist. coinpend., t. cxxi, col. 53. Mais il y serait enchaîné, d’où la parole de l’auteur de Job, xxxviii, 31 :

Est-ce toi qui serres les liens des Pléiades, Ou pourrais-tu relâcher les chaînes d’Orion ?

Il n’est pas nécessaire de donner à ces chaînes une signilication aussi concrète. Elles marquent simplement l’effet de la puissance divine qui retient toujours à la même place les étoiles qui composent les constellations.

H. Lesêtre.

ORME (hébreu : tidhâr, Is., xii, 19 ; lx, 13 ; Septante : }.eijxï|, Is., xii, 19, etneOxri, Is., lx, 13 ; Vulgate : ulmus, Is., xli, 19, et pinus, Is., lx, 13), arbre touffu.

I. Description. — Les ormes forment une petite tribu très distincte dans la vaste famille des Urticées.

496. — Ulmus campestris.

Ce sont des arbres faciles à reconnaître aux feuilles simples, en séries distiques, comme les rameaux qui naissent à leur aisselle, avec un limbe irrégulièrement denté en scie, inéquilatéral à la base, et pourvu de stipules caduques. Les fleurs naissent avant les feuilles en fascicules latéraux presque sessiles : leur calice campanule à 4 ou 5 dents porte 5 à 8 étamines insérées à la base interne de la coupe, et protège au centre l’ovaire terminé en 2 becs par le prolongement des stigmates. A la maturité, qui suit de très près la floraison, le fruit sec et uniloculaire développe de chaque côté une aile membraneuse qui le transforme en une samare arrondie ou elliptique dans son pourtour et échancrée au sommet. L’espèce principale, et la seule qui croisse en Syrie, est Ulmus campestris (fig. 496) dont l’écorce crevasséesubéreuse s’hypertrophie souvent sur les rameaux, en même temps que la taille générale diminue, dans la variété qui a été appelée V. suberosa. Au contraire la variété U. montana est un grand arbre à feuilles élargies, mais que l’on a pris, à tort aussi, pour une espèce séparée. F. Hv.

-II. Exégèse. — Letîdhàr n’est mentionné qu’en deux passages de l’Écriture. Dans le premier, Is., xli, 19, le prophète annonce qu’à l’heure de la délivrance de son

peuple, Dieu fera jaillir des sources sur le sol aride et que le désert se couvrira de frais ombrages.

Je mettrai dans le désert le cèdre, L’acacia, le myrte et le chalef, ^

Je placerai dans les steppes le cyprès, Le tidhâr et le buis tout ensemble.

Plus loin, lx, 13, parlant de la gloire de la nouvelle Jérusalem, il dit :

La gloire du Liban viendra chez toi,

Le cyprès, le tidhâr, et le buis tout ensemble.

Pour embellir le lieu de mon sanctuaire.

Le second texte unit ensemble avec le tidhâr le cyprès et le buis comme dans le premier. Pour découvrir ce bel arbre, une des gloires du Liban, il faut d’abord interroger les versions. Les Septante traduisent fidhâr par nedxïj dans Is., LX, 13 ; quant à xli, 19, il est difficile de reconnaître le terme correspondant à tidhâr, parce qu’ils ont réduit à une seule les deux phrases parallèles du texte hébreu, et n’ont conservé que cinq noms d’arbres sur sept. Plus probablement il faut prendre le dernier nom de leur traduction qui est actuellement eûv.-r, « peuplier, » mis par faute de copiste, pour tcwxyi comme dans Is., lx, 13. Les Septante auraient donc vu dans le tidhâr une espèce de pin. La Vulgate traduit une fois par orme dans Is., xli, 19, et elle aussi une fois par pin dans Is., lx, 13. Théodotion ne fait que transcrire le nom et met ftad8âp ; Symmaque rend le mot hébreu par titeWoiv, c’est-à-dire TcreXIav, « orme. » La paraphrase chaldéenne a murneyân qui signifie orme selon les uns, frêne selon d’autres. Il en est sans doute pour ce mot chai, déen murneyân, ce qui est arrivé pour le mot arabe ->y>,

derdar, qui en Orient, dans la Palestine, signifie orme, tandis que dans l’Afrique occidentale il s’entend du frêne. Ibn-El-Beithar, Traité des simples, dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, in-8°, 1881, t. xxv, l re partie, p. 83 ; dardar rappelle le Dadoro syriaque, nom de l’orme. I. Lôw, Aramâische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 1881, p. 70. La traduction de tidhâr par orme semble donc plus probable. L’orme est un arbre qui croît en Palestine, en particulier sur le Liban ; c’est un des plus beaux arbres et qui donne largement de l’ombrage. Il remplit donc les exigences des textes du Prophète.

E. Levesque.

    1. ORNAN##

ORNAN (hébreu : ’Oman, Septante : ’Opvâ), Jébusien, propriétaire de l’aire qui fut acquise par David et sur laquelle fut bâti le temple de Jérusalem. I Par., xxi, 15, 18, 20-25, 28 ; II Par., iii, 1. Voir Aire d’Ornajs, t. ii, col. 328-329. Dans II Reg., xxiv, 16-23, où le texte hébreu, II Sam., xxiv, 16-24, porte ruTiN, ꝟ. 16, 20, 21, 22, 23, 24 ; et n’iiK, ꝟ. 18, la Vulgate a écrit le nom Areuna. Josèphe, Ant. jud., XII, xiii, 4, l’appelle’Opouvaç, et il dit, Tbid., iii, 3, que ce Jébuséen était un homme riche à qui David avait laissé la vie sauve lors de la prise de Jébus, « à cause de sa bienveillance envers les Hébreux. » La Vulgate, II Reg., xxiv, 23, en fait un roi et plusieurs commentateurs ont cru que c’était l’ancien roi de Jébus (voir Kaulen, dans Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, 2e édit., t. ix, 1895, col. 1084), mais cette assimilation paraît fondée sur une fausse interprétation du texte hébreu que l’on doit traduire : « Areuna (Oman) dit à David : Que mon seigneur le roi prenne (l’aire), etc. Tout cela, ô roi, Areuna le donne au roi ; » et non, comme l’a fait la Vulgate, interrompant le discours du Jébuséen avant ces derniers mots : « Le roi Areuna donna tout au roi. » Le mot roi, devant le nom d’Areuna, ne se lit ni dans les Septante ni dans le syriaque, et divers interprètes croient qu’il a été ajouté dans le texte hébreu par une méprise de copiste.

F. Vigouroux

ORNEMENT (tifârâh, fiféréf, hâdâr, hâdârâh, ’âdî, $îf ; Septante : x6<j[ioç, êôija, paiÔTï) ; , wpaïunii ? ; Vulgate : ornamentum, ornatus), ce qui sert à embellir une personne ou une chose.

1° Il faut ranger parmi les ornements dont parle la Sainte Écriture les vêtements sacrés d’Aaron et des prêtres, Exod., xxviii, 2, 40 ; I Esd., iii, 10 ; Ps. xxix (xxviii), 2 ; xcvi (xcv), 6, 9 ; ceux que le peuple met aux jours de fête, Ps. ex (Cix), 3 ; Is., lii, 1, et qu’il quitte aux jours de deuil, Exod., xxxiii, 5, 6 ; le brillant costume du héros, Ps. xlv (xliv), 4 ; la parure de la jeune fille, Jer., ii, 32 ; Bar., vi, 8, de la femme qui veut plaire, Judith, x, 3 ; Esth., v, 1 ; xv, 4 ; Prov., vii, 10 ; Jer.. iv, 30, et de l’épouse, , Apoc, xxi, 2, 19 ; les différents objets de toilette qui servent à orner une personne, anneaux, Is., iii, 18 ; boucles d’oreilles, Gen., xxiv, 47 ; Ose., ii, 13 ; colliers, Jud., v, 30 ; Is., lxi, 10 ; Jer., iv, 3 ; bracelets, Ezech., xvi, 11, 13 ; bijoux d’or et d’argent, Ezech., xvi, 17, etc., toutes choses dont une femme chrétienne doit user avec modestie. I Tim., ii, 9 ; I Pet., iii, 5.

2° Les monuments comportent aussi des ornements. Le Temple en avait beaucoup, Is., lx, 13 ; I Mach., iv, 57 ; II Mach., ix, 16 ; Luc, xxi, 5, et Antiochus se permit d’enlever ceux qui en décoraient la façade. I Mach., i, 23. Les temples des faux dieux en possédaient également, II Par., xxiv, 7 ; Bar., vi, 10, et les idoles avaient les leurs. II Mach., ii, 2. Les Perses et les Lydiens qui servaient dans les armées de Tyr ornaient la ville en y suspendant leurs casques et leurs boucliers. Ezech., xxvii, 10. Les Juifs aimaient à orner les tombeaux des anciens justes, Malth., xxiii, 29, et l’on ornait les maisons, Matth., xii, 44 ; Luc, xi, 25, quelquefois d’après certains principes artistiques. II Mach., ii, 3. Orner une table, Eccli., xxix, 33 ; Ezech., xxiii, 41, ou des lampes, Matth., xxv, 7, c’est les préparer pour le repas ou pour l’éclairage.

3° Dans un sens métaphorique, Jérusalem, dépouillée de tout ornement à son origine, a été parée des dons de Dieu. Ezech., xvi, 7, 11. Un jour, les étrangers qui afflueront en elle seront son ornement. Is., xlix, 18. Un peuple nombreux est l’ornement du roi. Prov., xiv, 28. L’instruction est un ornement pour l’homme sensé. Eccli., xxi, 24. Le méchant au contraire cherche son ornement et sa parure dans la violence et l’orgueil. Ps. lxxiii (lxxii), 6. La force est l’ornement du jeune homme, et les cheveux blancs celui du vieillard. Prov., xx, 29. Orner la science, Prov., xv, 2, c’est la rendre aimable par la sagesse de ses propos, et orner la doctrine de Jésus-Christ, Tit., ii, 10, c’est lui faire honneur par sa conduite. Job, xxvi, 13, dit que l’esprit de Dieu, c’est-à-dire sa sagesse et sa puissance, a orné les cieux. Les versions parlent du ciel et de la terre et de « tout

leur ornement », Gen., ii, 1, en hébreu : kôl sebâ’âm, « toute leur armée. »
H. Lesêtre.

ORNITHOGALE. Voir t. ii, col. 849-850.


ORONAÏM (hébreu : Hôrônaim, « les deux cavernes ; » Septante, Is., xv, 5 : ’Apovicénî Aleccandrinus : ’A8(oviei[i ; Jer., xLvm (xxxi) ; ’Qpuvœînj variantes : ’Opuvatu, ’Apuvain), ville de Moab.

Oronaïm est particulièrement visée parmi les localités sur lesquelles doit s’appesantir la colère du Seigneur, quand il châtiera Moab à cause de son idolâtrie et de ses autres crimes. « Par la montée de Luith, on s’avancera en pleurant ; par le chemin d’Oronaïm, ils feront entendre des cris déchirants, » dit Isaïe, xv, 5. Reprenant la même prophétie et la développant, Jérémie répète à trois reprises, le nom de cette localité, xlviii, 3, 5 et 34 : « Voix de clameur depuis Oronaïm, dévastation et grande défaite… Par la montée de Luith, on s’est avancé en pleurant et sur la descente d’Oronaïm, les ennemis ont entendu les clameurs de la destruction… Ils ont élevé la voix de Ségor à Oronaïm. »

Dans l’inscription de sa stèle de victoire élevée à Dibon, le roi de Moab, Mésa, après avoir raconté la campagne contre les Israélites établis dans les villes bâties sur le bord de la vallée de l’Arnon, fait mention d’une expédition spéciale contre Oronaïm, écrit I}orônên ou H.orônîn, p’"ffl, dont les lacunes laissent malheureusement le récit incomplet : « Et Horônên, ou habitait… Et Chamos me dit : Descends, combats contre IJorônên. Et je suis descendu et Chamos l’a [rendu] en même temps. » Lignes 31-33 ; cf. col. 1015.

Dans Josèphe, Ant. jud., XIV, i, 4, Oronaïm est recensée entre Ésébon, Médaba, Lemba d’une part, et Telithon (variantes : Thona Athoné) et Zoara d’autre part, parmi les villes de la Moabitide, conquises par Alexandre Jannée sur les Arabes, qu’Hyrcan s’engage ensuite de rendre à Arétas, s’il veut l’aider à occuper le trône. Ant. jud., xiii, xv, 4, et loc. cit.

Dans le document intitulé : Notifia dignitatum Romani imperii, on trouve inscrit, après Ziza et Aréopolis, de la province d’Arabie, .un poste militaire occupé par des cavaliers indigènes et désigné du nom de Speluncse, « les cavernes » équivalent de IJôrônim, pluriel de flôrônaïm. Oronaïm est le duel. Reland, Palsestina, Utrecht, 1714, p. 231.

F. de Saulcy est convaincu de l’identité de lieu. Dictionnaire topographique abrégé de la Terre Sainte’, Paris, 1877, p. 246. Selon cet écrivain, Eusèbe et saint Jérôme désigneraient la même localité, quand au mot Arnon, ils parlent d’  « un endroit de cette vallée, presque à pic, assez horrible, et dangereux que montrent les habitants du pays, où était établie une garnison et appelée Arnona i>. Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 62, 63.

Aroniim ou Oronaïm est pour ces auteurs ecclésiastiques le nom d’un chemin, o80ç, vise nomen, mais rien n’indique qu’ils le voient dans la descente méridionale de l’Arnon, Cf. loc. cit., p. 66, 67. L’identité du poste des « Cavernes ». avec l’Oronaïm biblique ne peut être établie non plus dans un pays ou les grottes sont nombreuses, sur cette simple coïncidence de signification des noms, bien qu’il semble que ce soit dans la même région qu’il faille chercher l’une et l’autre. — C. R. Conder croit pouvoir reconnaître le nom d’Oronaïm dans celui de Youàdi Ghoueir. C’est un ravin aboutissant à l’angle nord-est de la mer Morte, passant entre le Khirbet Soueiméh et la source du même nom. Il fait suite au seil el-Iféry qui descend du plateau de Mâdaba et court à la base méridionale du mont Nébo. Un des affluents de la rive droite du torrent (seil), venant du Nébo, porte le nom de tal’at el-fleisah (ou Tleitdh) et serait la montée de Luith, non loin de laquelle devrait être la descente d’Oronaïm, mentionnée en même temps par le prophète. Voir Luith, col. 414-415. Une ancienne voie venant de la montagne de la rive gauche de ce torrent et aboutissant au Ghoueir, pourrait être la descente d’Oronaïm. Heth and Moab, Londres, 1889, p. 143 ; Armstrong, Wilson et Conder, Names and Places in the Old Testament, ibid., 1887, p. 87.

La transformation du h (n) hébreu en la gutturale (y) ou le gh (è) arabe n’est sans doute pas rare dans les noms géographiques de la Palestine, et ghoueir ou ghôr ne sont pas plus sans analogie de son et même de signification avec hôr, racine d’Oronaïm ; dans le cas présent toutefois, le nom ghoueir n’est, semble-t-il, que le diminutif de ghôr, donné fréquemment par les Arabes aux territoires peu étendus, susceptibles de culture, qui bordent le rivage de la mer Morte. Voir Moab, col. 1149. Si Oronaïm appartenait à la région s’élendant au nord de l’Arnon, ne devrait-elle pas être recensée parmi les villes conquises ( sur Séhon et attribuées ensuite aux Gadites et aux Rubénites ? Num., xxxiii, 3338 ; Jos., xiii, 16-20. Le récit de Mésa où Oronaïm est nommée n’entraîne pas sa situation parmi les villes conquises en cette région : l’entreprise concernant cette

ville parait, même dans ce récit, distinct de la conquête des autres. La lacune de l’inscription laisse ignorer entre les mains de qui était alors Oronaïm. Faut-il supposer les Iduméens ou les Arabes ? Ceux-ci habitaient au sud de Moab, il faudrait dans ce cas chercher Oronaïm dans le voisinage de Ségor ou Soar avec laquelle elle est nommée par les prophètes, et qui formait la limite méridionale de la Moabitide. L’inscription de la stèle de Dibon ne paraît avoir d’autre but que de célébrer les succès de son auteur sur le roi d’Israël, il semble qu’Oronaïm fut reprise sur celui-ci. Dans ce cas, et si cette ville doit être cherchée au sud de l’Arnon, elle ne pouvait être éloignée de cette ville qui avait formé auparavant la frontière entre Moab et Israël, et il paraît bien que « le chemin, la descente d’Oronaïm », n’est pas différente du chemin escarpé, suivant la rampe méridionale de la vallée. La ville qui lui donna son nom devait être bâtie soit sur là rampe elle-même dans laquelle étaient creusées des cavernes remarquables, soit sur le bord de la vallée. Quoi qu’il en soit, aucun nom n’a encore été retrouvé pour autoriser une identification certaine ou probable et permettre de donner une solution à ces diverses difficultés.

L. HErDET.

    1. ORORI##

ORORI (hébreu.ha-Hârdrî ; Septante : ô’ApwSiTr, ? ; certains manuscrits portent : 6’ApwptVrçç), patrie de Semma, un des braves de David, d’après la traduction de la Vulgate. II Reg., xxiii, 33. L’orthographe véritable de ce mot est douteuse. Voir Arari, t. i, col. 882 ; Élica, t. H, col. 1670 ; Harodi, t. iii, col. 435 ; Semma.

    1. OROSIO##

OROSIO (Alphonse de), théologien espagnol, né en 1500 à Oropesa dans le diocèse d’Avila, mort en odeur de sainteté le 19 septembre 1591. De l’ordre de saint Augustin, il fut le prédicateur des empereurs Charles-Quint et Philippe II. Nous avons de cet auteur : Commentaria qusedam in cantica canlicorum et doctorum dictis congesta : accessere annotationes xliv in eadem cantica Deiparse Virginis festivitatibus accommodâtes, in-4°, Bruges, 1581 ; Annotationes in canlicum Beatse Virginis Magnificat, in-4°, Bruges, 1581. — Voir N. Antonio, Bibliotheca Hispana nova, t. I (1783), p. 29.

B. Heurtebize.
    1. ORPHA##

ORPHA (hébreu : ’Orpdh, peut-être, par métathèse, le même mot que’ofràh, « gazelle ; » Septante : ’Opcpâ), femme moabite qui épousa Chélion, iils d’Élimélech et de Noémi, et fut ainsi la belle-sœur de Ruth. Quand Noémi, ayant perdu son mari et ses deux fils, retourne du pays de Moab à Bethléhem de Juda, d’où elle était venue, Ruth refusa de quitter sa belle-mère, mais Orpha resta dans sa patrie. Ruth, i, 3-14..

    1. ORPHELIN##

ORPHELIN (hébreu : ydtôm ; Septante : ôp9av6ç ; Vulgate : orphanus, pupillus), l’enfant qui n’a plus ni père ni mère, et parfois celui auquel manque seulement son père, Job, xxiv, 9 ; Lam., v, 2, par conséquent son protecteur le plus autorisé et le plus fort.

1° Son infortune. — Quand un enfant avait le malheur de perdre à la fois son père et sa mère, il trouvait sans doute un abri et une protection auprès de ses autres parents. Mais ces derniers avaient déjà à prendre soin de leurs propres enfants, et, l’adoption juridique n’existant pas chez les Hébreux, voir t. i, col. 229, c’est uniquement par charité qu’ils s’occupaient de l’orphelin. La manière dont les auteurs sacrés interviennent en faveur de celui-ci prouve que son sort était loin d’être toujours enviable. L’orphelin de parents pauvres ne vivait que grâce à la bienveillance des autres parents ou des voisins. L’orphelin dont les parents possédaient quelques biens en héritait. Voir Héritage, t. iii, col. 611. Mais il était par lui-même incapable de les utiliser et de les défendre. Chez les nomades, Job, vi, 27, se compare lui-même à un orphelin sur lequel

on jette le filet comme sur une proie. Éliphaz lui reproche, par simple supposition, d’avoir renvoyé les orphelins les bras brisés, c’est-à-dire de les avoir durement maltraités et ensuite abandonnés à. leur triste sort. Job, xxil, 9. Lui-même parle des hommes violents et injustes, qui poussent devant eux l’âne de l’orphelin, après le lui avoir pris, et qui vont jusqu’à arracher l’orphelin à la mamelle. Job, xxiv, 3, 9. En Israël ; il y avait des méchants qui faisaient périr l’orphelin. Ps. xciv (xem), 6. Au temps d’Isaïe, on foulait aux pieds ses droits, Is., i, 21, et les juges, qui auraient dû les défendre, faisaient au contraire leur butin des biens de l’orphelin. Is., x, 2. Jérémie, v, 28 ; vii, 6, reproche également à ses contemporains l’oppression des orphelins. Ézéchiel, xxil, 7, parle dans le même sens. Même après la captivité, il faut encore que Malachie, iii, 5, revienne sur ce sujet. — Aussi, pour maudire un traître, souhaite-t-on que ses enfants soient orphelins et que nul n’ait pitié d’eux. Ps. cix (cvui), 9, 12. Dieu même déclare qu’il n’aura pas compassion des orphelins de son peuple prévaricateur. Is., ix, 17. De fait, ce peuple en est réduit à l’abandon comme un orphelin. Lam., v, 3.

2° La protection divine. — Dieu maintient le droit de l’orphelin et de la veuve, ces deux faiblesses habituellement associées dans la Sainte Écriture, Deut., x, 18, et il maudit ceux qui violentée droit. Deut., xxvii, 19. Dieu est le père de l’orphelin, Ps. lxviii (lxvii), 6 ; il le fait vivre, Jer., xlix, 11 ; il est son soulien, Ps. xi (x), 14 ; cxlvi (cxlv), 9 ; il écoute sa supplication, Eccli., xxxv, 17, a compassion de lui, Ose., xiv, 4, ne veut pas qu’on le maltraite, Jer., xxii, 3 ; Zach., vu, 10, lui rend justice, Ps. xi (x), 18, et ordonne aux juges de faire de même. Ps. lxxxii (lxxxi), 3. Les vaines idoles ne peuvent rien pour l’orphelin. Bar., vi, 37. Saint Jacques, I, 27, dit que, pour a, voir une religion pure et sans tache aux yeux de Dieu, il faut prendre soin des orphelins. — Avant de mourir, Noire-Seigneur assure à ses Apôtres qu’il ne les laissera pas orphelins. Joa., xiv, 18.

3° Les prescriptions de la loi. — La loi naturelle commande à tout homme d’avoir égard au malheur de l’orphelin. Job fut particulièrement fidèle à l’observation de ce devoir : il venait en aide à l’orphelin dénué de tout secours, lui donnait de son pain et se gardait bien de lever la main contre lui. Job, xxix, 12 ; xxxi, 17, 21. — La loi mosaïque précisa les obligations de l’hébreu à l’égard de l’orphelin. Elle défendit d’abord de le contrister, sous peine, pour ceux qui se rendraient coupables en cet égard, d’être châtiés par Dieu et de devenir eux-mêmes orphelins et malheureux. Exod., xxii, 22, 24. Il y avait à se préoccuper de l’entretien des orphelins pauvres. La loi prescrivit de leur donner part au produit des dîmes, Deut., xvi, 29 ; xxvi, 12, 13, de les associer aux réjouissances et aux festins qui avaient lieu à l’occasion des grandes fêtes religieuses, Deut., xvi, 11, 14, de leur laisser de quoi glaner et grapiller, et de ne pas violer leurs droits. Deut., xxiv, 17-21. Les livres sapientiaux renouvellent la recommandation de ne pas entrer dans le champ de l’orphelin, c’est-à-dire de respecter sa propriété, Prov., xxiii, 10, et d’être un père pour lui. Eccli., iv, 10. — À l’époque des Machabées, on destinait aux veuves et aux orphelins une part du butin. II Mach., viii, 28, 30. Les sommes qui leur appartenaient étaient gardées dans le trésor même du Temple, II Mach., iii, 10, ce qui les mettait à l’abri de

toutes les rapacités.
H. Lesêtre.
    1. ORTEIL##

ORTEIL (hébreu : bôhén régél, « pouce du pied ; » Septante : axpov to-j mo86 ;  ; Vulgate : pollex pedis), gros doigt du pied. Dans le rite de la consécration sacerdotale d’Aaron et de ses fils, Dieu ordonna de leur mettre du sang d’un bélier offert en sacrifice sous le lobe de l’oreille droite, sur le pouce de la main droite

et sur l’orteil du pied droit. Exod., xxix, 20 ; Lev., viii, 23-34. La même cérémonie avait lieu pour la purification des lépreux. Lev., xiv, 14, 25, en y joignant une onction d’huile. Lev., xiv, 17, 28.

    1. ORTHOSIADE##

ORTHOSIADE (grec : ’Op8<omi< ; ). Port situé au nord de la Phénicie sur la frontière même de cette région. Tryphon assiégé par Antiochus Sidète dans Dora s’enfuit sur un vaisseau à Orthosiade. I Mach., xv, 37. Pline, H. N., v, 17, place Orthosiade au nord de Tripoli de Phénicie et au sud du fleuve Éleuthère, près duquel la met Strabon, xvi, ii, 12. La table de Peutinger compte 13 milles romains entre Orthosiade et Antaradus au nord et 20 milles d’Orthosiade à Tripoli au sud. On n’a pas encore pu identifier cette ville, quoiqu’on ait trouvé sur les bords de l’Éleuthère des monnaies frappées à Orthosiade (Qg. 497). Elles sont, du règne d’An 497. — Monnaie d’Orthosiade.

ANT. KAI. TI. MA.. AAP. ANTwNElNOC CED. Buste d’Antonin le Pieux à droite, tête laurée, la poitrine couverte du paludarnentum. Grenetis. — S). OPeojCŒwN. Astarté, debout, la tête tourellée, le pied gauche sur une proue de navire. De la main droite elle s’appuie sur un long style cruciforme et de la main gauche elle maintient sur son genou le bord de sa robe. A droite une colonne surmontée d’une Victoire. Dans l’exergue le buste d’un fleuve.

tonin le pieux et portent au revers la déesse phénicienne Astarté marchant sur un fleuve. Josèphe, Antiq. jud., X, vil, 2, raconte que Tryphon s’enfuit à Apamée, et un fragment de Charax, Mûller, Fragm. Hist. Grec, t. iii, p. 644, fragm. 14, dit qu’il se rendit à Ptolémaïde. Il est très possible que Tryphon se soit enfui d’abord à Orthosiade, puis de là à Ptolémaïde et enfin à Apamée, où il fut tué. E. Beurlier.

    1. ORTIE##

ORTIE (Hébreu, qimmos et qîmos ; pluriel, qimmeionirn ; Septante : ^po-wO^o-eTai, Prov., xxiv, 31 ; omis dansls., xxxiv, 13 ; ôOieflpoç, Ose., ix, 6 ; Vulgate : urtica dans ces trois passages et dans Is., lv, 13), herbe piquante.

I. Description. — Le genre Urtica, type de la famille des Urticées, comprend des herbes à feuilles opposées, toutes couvertes de poils à piqûre brûlante : la base de ces poils, en effet, est une glande sécrétant une liqueur corrosive qui s’insinue dans les blessures faites à la peau des animaux et y provoque une inflammation très douloureuse. Les fleurs petites et unisexuées sont groupées en grand nombre à l’aisselle des feuilles supérieures : les mâles avec 4 étamines à filets élastiques insérés en face et à la base des sépales, dans les fleurs femelles le fruit se développe en achaine comprimé à l’intérieur du calice accrescent.

L’Urtica dioica L est une herbe vivace pourvue de longues racines traçantes. Les autres sont des espèces annuelles et monoïques : U. urens L (fig. 498) très fréquente dans les cultures s’est répandue dans le monde entier, autour des habitations, car c’est une des plantes qui s’attache le plus aux traces de l’homme : V. pilulifera L (fig. 499) plus spéciale à la région méditerranéenne se reconnaît aisément aux " glomérules arrondis que forment ses fructifications. F. Hy.

II. Exégèse. — Le qîmoS se rencontre dans trois textes bibliques. Décrivant le champ du paresseux, Prov.,

xxiv, 30-31, l’écrivain sacré le montre envahi par les mauvaises herbes.

Les gimmesonim y croissaient partout Et les bugranes en couvraient la surface.’. — Urtica urens.

Dans la peinture du jugement divin sur Édom, Isaïe, xxxiv, 13, annonce que :

Les épines pousseront dans ses palais

Le qimoS et le chardon dans ses forteresses.

499. — Urtica pilulifera.

Dans le jugement d’Israël, Ose., IX, 6, fait une prédiction semblable :

Leurs objets les plus précieux en argent seront l’héritage du qimoi Et le chardon envahira leurs tentes.

1901

ORTIE

OS

+902

Les Septante ne peuvent être d’aucun secours pour découvrir la nature de cette herbe. Dans Prov., xxiv, 31, ils rendent par des verbes les deux noms de plante ; dans Osée, ix, 6, ils emploient le terme général 5Xe8poç, ruine ; dans Isaïe ils comprennent sous la formule axavOiva ?u"X « les trois termes hébreux, sirim, « épines, » qimoS et hoah, « ] chardon. » Au contraire la Vulgate traduit constamment par urtica, « ortie. i> Il est vrai qu’elle le met à tort dans un autre endroit, Is., lv, 13, pour rendre le mot sirpad. Les anciens commentateurs sont en général d’accord pour voir dans le qimos, l’ortie, 0. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. il* p, 207, et c’est à bon droit. Le qimos est présenté comme une des mauvaises herbes qui poussent dans les ruines et sont le signe d’une terre abandonnée. Is., xxxiv, 13 ; Ose., ix, 6 ; Prov., xxiv, 31. D’autre part ce n’esf pas un terme général pour indiquer les ronces et les épines ou les mauvaises herbes, mais une plante particulière, placée en parallèle avec le hoah ou chardon. Is., xxxiv, 13 ; Ose., ix, 6. Cette mauvaise herbe et herbe qui pique, selon l’étymologie du nom, paraît donc bien être l’ortie, que désignent la Vulgate et le ? anciens interprètes. L’ortie est très commune en Palestine dans les endroits abandonnés ; une des plus répandues dans la vallée du Jourdain, dans les ruines de Tell-Hum et de Bethsan est YVrtica pilulifera, qui atteint jusqu’à six pieds de haut et produit des piqûres très irritantes. H. B. Tristram, The natural history of the Bible, 8e édit., in-12, Londres, 1889, p. 474.

E. Levesque.

    1. ORTÛN Job##

ORTÛN Job, théologien anglais non conformiste, né à Shrewsburg en 1717, mort en 1783. On a publié de lui : À short and plain Exposition of the Old Testament : with devolional and practical reflections, 6 in-8°, Londres, 1788-1791. — Voir W. Orme, Biblioth.

biblica, p. 333.
B. Heurtebize.

ORYX (hébreu : fe’ô, tô ; Septante : opvil ; Vulgate : oryx), une des espèces du genre antilope. Voir Antilope, t. î, col. 669. — L’oryx est un grand quadrupède (fig. 500) qui a de lm20 à l m 50 de haut. Bien qu’assez gros, il se meut avec rapidité, bondit et saute comme Pibex. Il est d’une couleur analogue à celle du sable blanc, avec de larges taches brunes ou fauves à la face, aux flancs et à l’arrière. L’oryx est surtout remarquable par ses cornes, qui ont près d’un mètre de long et quelquefois plus, et sont largement recourbées en arrière. Ces cornes constituent pour l’animal une arme formidable. Au premier abord, il semblerait que leur forme dût les rendre impuissantes. Il n’eu est rien. Quand l’oryx blessé et poursuivi veut se défendre, il incline la tête jusqu’à ce que s*on museau touche le sol, met ainsi la pointe de ses cornes en avant et tient l’adversaire à distance. D’autres fois, il ne se contente pas de la défensive, mais se porte en avant avec une étonnante rapidité et fait fuir l’ennemi ou le frappe. Par un coup subit et bien dirigé, il peut transpercer un chasseur. Le lion lui-même se tient sur ses gardes en face de ces formidables cornes ; il n’est pas sans exemple que des lions aient été traversés et tués par les cornes de l’oryx. Celles-ci, d’autre part, sont plus nuisibles qu’utiles à l’animal, quand il est pris au piège ; elles ne servent qu’à l’embarrasser de plus en plus dans le réseau des filets et à le réduire à l’impuissance. Ces cornes sont souvent en vente dans les bazars de Damas. L’oryx ou Antilope leucoryx est un habitant des déserts. On le trouve encore sur les confins de la Palestine. Il fréquente le nord de l’Afrique, le Sahara, l’Arabie, le désert de Mésopotamie et la Perse. Dans le sud de l’Afrique, on ne rencontre que l’Oryx gazella, à cornes droites. — La Sainte Écriture parle deux fois du tëô, d’abord pour le ranger parmi les animaux dont on peut manger la chair, Deut., xiv, 5, et ensuite dans Isaïe, li,

20, qui l’appelle tô’, et compare Jérusalem maudite d Dieu à l’animal pris dans le filet. Les anciennes versions ne sont pas d’accord pour traduire ces mots. D’après les Septante : opul, la Vulgate : oryx, et le Syriaque, il s’agit de l’antilope oryx. Le Grec^Venète : àYptiSëouç, et la version chaldaïque : tûrbâlâ’, y voient un bœuf sauvage ou bubale. Il est à noter que, dans le passage d’Isaïe, les Septante traduisent par treurtiov ï|(iieçp90v, « bette moitié cuite, » la bette étant une plante herbacée au genre de laquelle appartient la betterave. Cette traduction est tout à fait | fantaisiste. D’après la place qu’il occupe dans l’énumération du Deutéronome, l’animal en question appartient certainement soit au genre bœuf, soit au genre antilope. Ce ne peut être ni l’aurochs, re’êm, voir Aurochs, t. i,

500. — Antilope leucoryx.

col. 1260, ni le bison, voir t. i, col. 1799, ni le bubale, yahmûr, voir t. i, col. 1956, ni le buffle, voir t. i, col. 1963. On admet généralement aujourd’hui l’identification du te’ô et de l’antilope oryx. Cf. BocharL, Hierozoicon, Leipzig, 1796, t. iii, p. 28 ; Tristram, Natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 56-58 ; Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 119-121.

H. Lesêtre.

OS (hébreu : ’ésém, de’âsani, « être solide, » et, dans les textes poétiques, géréni ; chaldéen : gérém ; Septante : àaxéov ; À : ulgate : os), pièce solide faisant partie de la charpente du corps chez les vertébrés. L’assemblage de toutes les pièces de cette nature forme le squelette. Les os sont composés d’un tissu solidifié, plus ou moins compact suivant la fonction de chacun d’eux. Les plus allongés ont à l’intérieur un canal rempli de substance médullaire. Voir Moelle, col. 1187.

Les os humains donnent à l’analyse 53, 04 de phosphate de chaux, et 11, 30 de carbonate de chaux. Aussi Amos, ii, 1, peut-il dire que les os du roi d’Edom ont été brûlés et ont donné de la chaux. Les os, du vivant même du vertébré, peuvent être brisés à la suite de coups violents ou de faux mouvements. Une affection tuberculeuse, la carie, les atteint quelquefois et les rend friables. Comme les os constituent la partie la plus résistante du corps humain, ce sont eux qui restent les derniers et même peuvent être conservés

presque indéfiniment, quand tous les autres tissus ont été décomposés par le travail de dissolution qui suit la mort.

1° Au sens propre. — 1. Dieu a tissé le corps de l’homme d’os et de nerfs. Job, x, 11. Mais on ignore comment les os de l’enfant se forment dans le sein de la mère. Eccle., xi, 5. Dieu seul le sait. Ps. Cxxxix (cxxxviii), 15. Un esprit pur n’a ni os ni chair. Luc, xxiv, 39. Les os de l’hippopotame sont comme des tubes d’airain. Job, xl, 13. Quand les accusateurs de Daniel furent jetés dans la fosse, les lions leur brisèrent les os. Dan., vi, 24. Dans les grandes épreuves, le corps s’amaigrit tellement que la peau semble adhérer aux os mêmes. Job, xix, 20 ; Ps. en (ci), 6 ; Lam., iv, 8. Le Messie devait être si cruellement torturé qu’il aurait pu compter tous ses os. Ps. xxii (xxi), 18. — 9. La loi défendait expressément de briser aucun des os de l’agneau pascal. Exod., xii, 46 ; Num., îx, 12. Saint Jean, xix, 36, signale le respect de cette défense à l’occasion du supplice de Jésus-Christ, le véritable agneau pascal.

— 3. Joseph mourant recommanda instamment aux Israélites d’emporter avec eux ses ossements dans la Terre promise. Ses intentions furent scrupuleusement exécutées. Exod., xiii, 19 ; Jos., xxiv, 32 ; Eccli., xlix 18 ; Heb., xi, 22. Les habitants de Jabès, I Reg., xxxi, 13 ; I Par., x, 12, et ensuite David, II Reg., xxi, 12-14, inhumèrent honorablement les ossements de Saül et de ses fils. Le prophète de Béthel, contemporain de Jéroboam, commanda à ses fils de placer ses os, quand il serait mort, près des os du prophète de Juda qu’il avait trompé et qui avait été tué par un lion. III Reg., xiii, 31. Un mort jeté dans le sépulcre d’Elisée ressuscita au contact des os de ce prophète. IV Reg., xiii, 21. Dans une de ses visions, Ézéchiel, xxxvii, 1-11, décrit comment, à la fin des temps, les os des morts reprendront vie sur l’ordre de Dieu et se retrouveront à leur place dans les corps ressuscites. — 4. Au lieu d’être inhumés, les os des adorateurs des idoles, rois, princes, prêtres, prophètes et simples Israélites, seront exposés sur le sol et engraisseront la terre. Jer., viii, 1-3 ; Bar., il, 24. — 5. D’après la Loi, Num., xix, 16, les ossements humains étaient une cause d’impureté pour ceux qui les touchaient. Afin de souiller et de déshonorer l’autel schismatique élevé par Jéroboam à Béthel, des ossements humains y furent brûlés. III Reg., xiii, 2 ; IV Reg., zxiii, 18. Josias employa le même moyen pour rendre abominables les lieux où avait été pratiqué le culte des idoles. IV Reg., xxiii, 14-20 ; II Par., xxxiv, 5 ; Ezech., vi, 5. Sous le procurateur Coponius, pendant les fêtes de la Pàque, des Samaritains s’introduisirent dans le Temple au milieu de la nuit et répandirent partout des ossements humains, ce qui obligea à faire sortir du Temple tous ceux qui s’y rassemblaient alors en grand nombre. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, il, 2. NotreSeigneur compare les scribes et les pharisiens, pleins d’iniquité au fond du cœur, à des sépulcres remplis d’ossements, c’est-à-dire de choses impures. Matth., xxiii, 27.

2° Au sens figuré. — 1. Adam appelle sa femme l’os de ses os, Gen., ii, 23, c’est-à-dire un être tiré du plus intime de sa substance et étroitement uni avec lui. Être l’os de quelqu’un, c’est en conséquence lui être uni par des liens étroits de parenté ou d’affection. Gen., xxix, 14 ; Jud., ix, 2 ; II Reg., v, 1 ; xix, 12, 13 ; IPar., xi, 1 ; Eph., v, 30. — 2. Comme les os constituent la partie solide et résistante du corps humain, briser les os, c’est réduire à l’impuissance. Dieu brise les os des ennemis d’Israël, Num., xxiv, 8, et les disperse, Ps. lui (lu), 6, tandis qu’il garde les os des justes pour qu’aucun ne soit brisé. Ps. xxxiv (xxxiii), 21. La maladie, comme un lion, a brisé les os d’Ezéchias. Is., xxxviii, 13. Nabuchodonosor a brisé les os d’Israël, Jer., l, 17, et les persécuteurs brisent les os de leurs

victimes. Ps. xliii (xlii), 11 ; Lam., iii, 4. Les magistrats infidèles arrachent la chair des os du peuple et brisent ces os. Mich., iii, 2, 3. Le coup de la mauvaise langue brise les os, Eccli., xxviii, 21 ; par contre, une langue douce brise aussi les os, c’est-à-dire triomphe de toutes les résistances. Prov., xxv, 15 ; cf. xvi, 24. — 3. Les os sont encore considérés, surtout dans les textes poétiques, comme le siège des sensations et des sentiments causés par les choses extérieures. Satan demande à toucher les os et la chair de Job, c’est-à-dire à lefaire souffrir dans tout son être physique et moral. Job, ii, 5. Sous l’empire de la douleur, les os sont mis à nu, c’est-à-dire exposés à toutes les atteintes, Job, xxxiii, 21 ; ils sont desséchés, Ps. xxii (xxi), 15 ; xxxi (xxx), 11 ; Prov., xvii, 22, et comme dévorés par un feu intérieur. Job, xxx, 30 ; Ps. xxxii (xxxi), 3 ; en (ci), 4 r 6 ; Jer., xx, 9 ; Lam., i, 13. Pour donner une idée des calamités du siège de Jérusalem, Ézéchiel, xxiv, 4, 5, 10, représente la ville sous la figure d’une chaudière dans laquelle le feu consume de la chair et des os. La frayeur agite et fait trembler les os. Job, iv, 14 ; Ps. vi, 3 ; Jer., xxiii, 9. Les os du malheureux appellent le trépas. Job, vii, 15. Les ossements du persécuté sont comme semés au bord du sche’ôl, Ps. cxli (cxl), 7, parce que la mort le menace sans cesse. Une femme sans honneur, Prov., xir, 4, l’envie, Prov., xiv, 30, la crainte, Hab., iii, 16, sont comme la carie dans les os ; elles démoralisent et ôtent toute énergie. — 4. Les os sont parfois pris pour la conscience. Le serviteur de Dieu confesse qu’il n’y a rien de sauf dans ses os à cause de ses péchés. Ps. xxxviii (xxxvii), 4. Les iniquités des méchants sont sur leurs os, Job, xx, 11 ; Ezech., xxxii, 27, c’est-à-dire remplissent leur âme. Aussi la malédiction pénètre comme l’huile dans leurs os. Ps. Cix (cvin), 18. Voir Huile, t. iii, col. 776. — 5. Les os sont encore pris comme le siège de la vigueur, de la joie, etc. Les méchants ont souvent la moelle des os remplie de sève, Job, xxi, 24, ce qui signifie qu’ils prospèrent. Une bonne nouvelle engraisse les os, Prov., xv, 30 ; une femme intelligente met la vigueur dans les os de son mari, Eccli., xxvi, 16, et Dieu donnera la vigueur aux os de son peuple, à l’époque messianique. Is., lviii, 11. Alors, les os des Israélites reprendront vigueur comme l’herbe, Is., lxvi, 14, et un jour les os des saints refleuriront dans leur tombeau. Eccli., xlvi, 14. Les os que Dieu a brisés par le châtiment se réjouiront au jour du retour en grâce, Ps. lu (li), 10, et ils diront dans leur reconnaissance : « Jéhovah, qui est semblable à toi ? » Ps. xxxv (xxxiv), 10. — 6. Baruch, . VI, 42, représente les femmes de Babylone offrant à leurs divinités et brûlant en leur honneur toc Tcitupa, . ce que la Vulgate traduit par ossa olivarum, « os, » c’est-à-dire noyaux « d’olives ». Le traducteur parait avoir lu itituptSec, « petites olives. » Le ntnipov est le son, la partie la plus grossière du blé moulu. Baruch désigne sans doute ici les offrandes que les Babyloniennes faisaient à ; la déesse Istar, la Vénus assyrienne ; d’après son texte, elles brûlaient du son devant son image en guise de parfums. Cf. Hérodote, i, 199 ; Strabon, xvi, 1 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 640. En. somme, il n’est pas question d’os ni de noyaux en cet

endroit.
H. Lesêtre.
    1. OSAIAS##

OSAIAS (hébreu : Bôsa’eydh, « (celui) que sauvfr Yâh ou Jéhovah » ), nom de deux ou trois Israélites.

1. OSAIAS (Septante : ’Qsoua), un des princes du. peuple, qui marcha après les princes de Juda, lorsqu’ils se dirigèrent vers la porte du Fumier, lors de la procession par laquelle on célébra la dédicace des murs de Jérusalem relevés par Néhémie. II Esd. » xii, 32.

1905

OSA.ÏAS

OSEE

1906

2 et 3. OSAlAS (Septante : Maaua-aç). Ce nom se lit deux fois dans Jérémie, xlii, 1, et xliii, 2, la première fois comme celui du père de Jézonias et la seconde, comme celui du père d’Azarias. Il est probable qu’il désigne les deux fois le mêm& personnage. Les Septante appellent son fils’AÇapîaç dans les deux passages. Voir Azarias 29, t. i, col. 1302, et Jézonias 1, t. iii, col. 1537.

OSÉE (hébreu : yiirin, Hôséa’; [Jéhovah] sauve, délivre ; c’est à tort que quelques bébraïsants ont regardé ce mot comme un impératif hiphil, qui signifierait : Sauve ! Septante : ’Q<tï]I, et c’est de là que vient la forme latine Osée), première forme du nom de Josué qui introduisit les Hébreux dans la Terre Promise, et nom de quatre autres israélites.

1. OSÉE, forme primitive du nom de Josué, qu’on lit Num., xiii, 9 (hébreu, 8) ; Septante : AùotJ, et Deut., xxxii, 44, dans le texte hébreu (Septante : ’Itjtroûç ; Vulgate : Josue). Moïse, Num., xiii, 17 (hébreu, 16), lorsqu’il l’envoya avec les autres explorateurs en Palestine, « appela Osée, HôSê’a, fils de Nuri, Josué, YehôsuV, » par l’addition expresse du nom divin au radical de son nom. Voir Josué, t. iii, col. 1684.

2. OSÉE (hébreu : HôSêa’; Septante : ’Qaï]é ; Vulgate : Osée), le dernier roi d’Israël (730-722). Osée était fils d’un certain Éla, d’ailleurs inconnu. Lorsque le roi d’Assyrie, Théglafhphalasar III, se fut emparé d’une grande partie du royaume d’Israël et eut transporté sur les rives-de l’Euphrate les anciens habitants du pays qu’il venait de conquérir, Osée ourdit une conspiration contre le roi de Samarie, Phacée, le mit à mort et régna à sa place. Ceci suppose qu’Osée occupait dans le royaume une situation en vue, qui lui permettait de rallier à sa cause d’assez nombreux partisans. IV Reg., xv, 29, 30. Il ; flt le mal, comme ses prédécesseurs, sans pourtant aller aussi loin qu’eux. IV Reg., xvii, 2. En Assyrie, Salmanasâr V avait succédé à Théglafhphalasar. Soit pour affirmer sa suzeraineté au commencement de son règne, soit pour réprimer une tentative d’indépendance de la part d’Osée, le nouveau monarque assyrien fit une première campagne contre le roi d’Israël et l’assujettit à lui payer le tribut. IV Reg., xvii, 3. Salmanasâr régna de 727 à 722. Ce serait donc seulement la troisième année de son règne qu’Osée aurait été rappelé à l’ordre par le roi d’Assyrie. Cependant une inscription de Théglafhphalasar suppose que déjà le roi d’Israël avait eu affaire à ce dernier. Il y est dit :  : « La terre de la maison d’Omri…, ses principaux habitants, leurs biens, je transportai en Assyrie. Phacée, leur roi, ils frappèrent ; je mis à sa place Osée, A-u-H ; je reçus d’eux dix talents d’or, mille talents d’argent… » Cf. Schrader, Die Keilinschriften unddas A. T., Giessen, 1872, p. 145, 150 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 523. La Bible ne dit rien de cette intervention de Théglathphalasar pour confirmer la royauté d’Osée et l’assujettir au tribut ; d’autre part, nous ne possédons pas d’inscriptions historiques de Salmanasâr. Ce n’est que par IV Reg., xvii, 3-5, que nous connaissons ses deux campagnes contre Israël. Le tribut qu’il avait imposé aux Israélites leur paraissait d’autant plus lourd que le royaume de Samarie était plus restreint, à la suite des campagnes précédentes, et ne comprenait plus guère que les tribus centrales d’Ephraïm et de Manassé. Trop faibles pour assurer leur délivrance par eux-mêmes, les sujets d’Osée tournèrent les yeux du côté de l’Egypte, le seul pays que n’eût pas encore entamé la puissance assyrienne. Osée envoya donc des messagers à Sua, roi éthiopien, qui devint roi de toute l’Egypte en 725, sous le nom de Schabak. Voir Sua. Celui-ci n’était sans doute pas

en mesure d’entrer de suite en campagne ; aussi Osée ne se proposait-il de secouer le joug qu’au moment opportun. Mais Salmanasâr ne lui laissa pas le temps de profiter de son alliance. Il apparut soudain en Samarie, se saisit d’Osée et le fit jeter dans une prison, gn Assyrie où il le relégua. IV Reg., xvii, 4. Il commença ensuite, contre la ville même de Samarie, un siège qui devait durer trois ans. À partir de sa capture, Osée ne reparut plus ; les inscriptions ne font de lui aucune mention. Le dernier roi d’Israël s’éteignit ainsi, en exil,

dans la misère et l’oubli.
H. Lesêtre.

3. OSÉE (Septante : ’Q<ri)), fils d’Ozaziu, chef de la tribu d’Ephraïm sous le règne de David. I Par., xxvii, 20.

4. OSÉE (Septante : ’Qa^i), un des chefs (ra’sîm) du peuple, qui signèrent l’alliance avec Dieu du temps de Néhémie. II Esd., x, 23.

5. OSÉE, le premier des petits prophètes, entre Ézéchiel et Joël dans la Bible hébraïque, entre l’Ecclésiastique et Amos dans l’édition sixtine des Septante, entre Daniel et Joël dans la Vulgate latine.

I. Origine et pairie d’Osée. — Le prophète nous apprend lui-même, i, 1, qu’il était fils de B"’éri (>nt « ) ; mais on ne sait absolument rien de ce personnage, identifié à tort par quelques anciens rabbins (luchasin, fol. 12 a), sans autre motif que la ressemblance du nom, k Be’érah (msa), prince de la tribu de Ruben, qui fut emmené captif en Assyrie par Théglathphalasar. Cf. I Par., v, 6. Il faut regarder comme plus arbitraire encore une autre opinion rabbinique citée par Nicolas de Lyre, In Ose., i, 1, d’après laquelle Beéri aurait été lui-même prophète, en vertu du principe suivant : flabent. .. Hebrsei pro régula quod, cum in principio alvcujus prophétie patris nomen exprimitur, prophetam fuisse intelligitur. Divers écrivains juifs vont même jusqu’à attribuer à Beéri l’oracle Is., viii, 19-20.

Suivant une ancienne tradition, qui n’est cependant pas certaine, Osée aurait appartenu à la tribu d’Issachar. Saint Jérôme, }. c, le fait naître à Bethsamès, ville de cette tribu, Jos., xix, 22 ; mais saint Isidore de Séville, De vita et obitu sanct., xli, 3, t. lxxxiii, col. 144, lui donne pour berceau une autre localité demeurée inconnue, qu’il nomme Bélémoth (Balamon, ou Belamon, d’après une variante de Pseudo-Dorothée, De prophetis, c. i). Voir Patr. gr., t. xcil, col. 364. Voir aussi S. Éphrem, Opéra syr., t. ii, p. 234, et Pseudo-Épiphane, De vitis prophet., 11, t. xliii, col. 406.

Du moins, une étude attentive du livre rend à peu près indubitable le sentiment, très général aujourd’hui, d’après lequel le prophète Osée aurait été citoyen du royaume des dix tribus, dont faisait d’ailleurs partie la tribu d’Issachar. — En effet, 1° comme l’ont remarqué plusieurs habiles hébraïsants (voir en particulier Kônig, Einleitnng in das Alt. Test., Bonn, 1893, p. 311 ; F. Keil, Lehrbuch der hist.-krit. Einleitung, 2e édit., p. 276 ; A. Scholtz, Commentar zu Hoseas, p. xxviii), son style a parfois une saveur araméenne, qui rappelle le langagede la Palestine septentrionale. C’est ainsi qu’il emploiele p, sin, ou le d, samech, au lieu du sf, schin, cf. Ose., ii, 8 ; viii, 4 ; ix, 12, et aussi Jud., xii, 6 ; le mode causatif fiphil, au lieu de V hiphil ordinaire, Ose., xi, 3 : tirgalti ; l’aspiration très douce ii, à la place du ii, Ose., xiii, 15 ; des formes rares ou anormales, cotnmenni >, v, 13, nsn, vi, 9, noatf, viii, 16, tfisp, rx, 6, osp xii, ’14, nm xiii, 1, >nn, xiri, 14, etc. — 2° La manière dont Osée mentionne les localités du royaume schismatique du nord montre que la topographie de cette région lui était particulièrement familière. En fait, , la plupart de celles qu’il a l’occasion de citer apparte

liaient à ce royaume : à l’est, Mispâh, v, 1 (d’après l’hébreu ; Vulgate, speculationi), et Galaad, vi, 8 ; xii, 11 ; à l’ouest, Jezrahel, i, 4, 5, 11 ; ii, 22, Rama, v, 8 ; rx, 9 ; S, 9, Béthel, sous le nom ironique de Bethaven, IV, 15 ; v, 8 ; x, 5, etc. ; Galgala, iv, 15 ; ix, 15 ; xii, 11, Sichem, Vi, 9, Samarie, vii, 1 ; viii, 5-6 ; x, 5, le Thabor, v, 1, le Liban, xiv, 6, 7, 8, etc. — 3° Ses allusions historiques sont aussi celles d’un homme parfaitement au courant de l’histoire contemporaine du royaume du nord. Il en connaît à fond l'état politique, moral et religieux : il parle des intrigues de la cour, des agissements égoïstes des grands et des prêtres, des défauts caractéristiques du peuple, à la manière d’un témoin, qui a contemplé de ses propres yeux tout ce qu’il décrit (voir ce qui sera dit plus bas du message d’Osée et de l’authenticité de son livre). Notez en particulier ce trait, VI, 10 : « Dans la maison d’Israël, j’ai vu une chose horrible. » Pour lui, le royaume d'Éphraïm est, ainsi qu’il le

nomme environ quatre fois, « le pays » (nnn) par anto T T

nomase, Ose., iv, 3, ou « le royaume de la maison d’Israël », I, 4. C’est presque uniquement ce royaume qui est l’objet de ses reproches, de ses espérances ou de ses profondes inquiétudes. Au contraire, il ne fait aucune mention directe ni de Jérusalem, ni du temple ; celles de ses allusions, d’ailleurs assez nombreuses, qui concernent le royaume de Juda (cf. i, 7, 11 ; iii, 5 ; iv, 15 ; v, 5, 10, 12-14 ; vi, 4, 11 ; viii, 14 ; x, 11 ; xi, 12 ; xii, 2) ne sont présentées qu’incidemment, de sorte que l’on sent, en les lisant, que cette contrée n'était pas la sienne, bien qu’il la regardât comme le vrai centre de la théocratie. Au reste, elles sont en général brèves et rapides. En somme, tout le long du livre nous voyons que l’Israël des dix tribus était à la fois la patrie chère au prophète et la sphère de sa propre activité. C’est donc à tort que Jahn, Einleitung, t. ii, p. 413, et Maurer, Comment, theolog., t. ii, pars 1, p. 291 sq., font de lui un citoyen du royaume de Juda (voir la réfutation détaillée de cette hypothèse dans Hengstenberg, Christologie des AU. Test., t. i, p. 183 sq., et dans Simson, Comment., p. 3 sq.) ; à tort aussi que Umbreit, Comment, uber die kleinen Prophet., p. 5, et Ewald, Die Prophet. des Alten Blindes, t. i, p. 118 sq., supposent qu’Osée, persécuté par ses compatriotes, aurait quitté son pays et se serait réfugié sur le territoire de Juda, où il aurait écrit ses oracles.

II. ÉPOQUE DU prophète Osée. — Si c’est lui qui ouvre, dans la Bible hébraïque, comme dans les Septante et dans la Vulgate, la liste des petits prophètes, cela ne veut pas dire qu’il soit le plus ancien de tous ; on lui a sans doute attribué le premier rang, parce que son livre a plus d'étendue que les autres. Amos, auquel il fait plusieurs emprunts, ainsi qu’on l’admet communément (cf. Ose., iv, 3, et Am., viii, 8 ; Ose., iv, 15, et Ara, , v, 5 ; Ose., v, 5 ; vi, 10, et Am., viii, 8 ; Ose., viii, 14, et Am., ii, 5 ; Ose., x, 4, et Am., vi, 13), devint prophète à une date antérieure et acheva plus tôt son ministère, quoiqu’ils aient été contemporains pendant quelque temps. Cf. Am., i, 1. Les premières lignes de la prophétie d’Osée, i, 1, nous font connaître d’une manière générale la période durant laquelle il exerça sa mission : ce fut « dans les jours d’Ozias, de Joatham, d’Achaz, d'Ézéchias, rois de Juda, et dans les jours de Jéroboam, fils de Joas, roi d’Israël ». Or, cette période, d’après la chronologie antérieure à la découverte des monuments assyriens, correspondait aux dates suivantes : dans le royaume de Juda, Ozias ou Azarias, 810-759 avant J.-C. (Oppert, Salomon et ses successeurs, p. 99 : 809-758) ; Joatham, 759-544 (Oppert, 758-743) ; Achaz, 744-728 (Opperl, 743-727) ; Ézéchias, ' 728-699 (Oppert, 727-698) ; dans Israël, Jéroboam, c’est-à-dire Jéroboam II, troisième successeur de Jéhu, 825-784. Mais, évidemment, le. titre du livre ne signifie pas qu’Osée a prophétisé

depuis la première année de Jéroboam II, en 825, jusqu'à la dernière année d'Ézéchias, en 699 : des mots « encore un peu de temps et je visiterai le sang de Jezrahel sur la maison de Jéhu », Ose., i, 4, on conclut à bon droit qu’Osée’inaugura son ministère vers la fin du règne de Jéroboam II, qui fut Pavant-dernier prince de la dynastie fondée par Jéhu, et qu’il l’acheva au commencement du règne d'Ézéchias ; ce qui fait une durée d’environ soixante années. Pendant ce temps, notre prophète vit passer les rois éphémères qui se succédèrent sur le trône d’Israël peu après la mort de Jéroboam, au milieu d’une effroyable anarchie. Cf. IV Reg., xv, 8-31. Zacharie, fils et successeur de Jéroboam II, fut assassiné, après six mois de règne, par un usurpateur nommé Sellum, qui tomba lui-même, un mois plus tard, sous les coups de Manahem. Celui-ci se maintint sur le trône pendant dix ans, et eut pour successeur son fils Phacéia, qui ne régna que deux ans et qui périt assassiné par Phacée.Le dernier roi d’Israël fut Osée, homonyme de notre prophète, qui fut vaincu par le roi d’Assyrie Sargon, en 722. Cf. IV Reg., xvii, 1-6. C’en fut fait alors du royaume d’Israël, et il est possible que le prophète Osée ait été témoin de sa ruine, qu’il avait depuis longtemps annoncée.

De nos jours, il est vrai, on a réduit et rapproché de nous, dans des proportions notables, en s’appuyant sur la chronologie des monuments assyriens, la période qui correspond aux règnes mentionnés dans le titre de notre petit livre. Ainsi, pour nous en tenir à deux savants catholiques qui se sont particulièrement occupés de cette question, MM. Al. Schsefer, Die biblische Chronologie, Munster, 1879, p. 140, et B. Neteler, Zusammenhang der alttestamenll. Zeitrechnung mit der Profangeschichte, 2e fascic, 1885, p. 9, Ozias aurait régné de 789 à 757 (Schsefer), ou de 787 à 736 (Neteler) ; Joatham, de 757 à 741, ou de 736 à 721 ; Achaz, de 741 à 726, ou de 721 à 706 ; Ézéchias, de 726 à 685, ou de 706 à 679 ; Jéroboam II, de 790 à 750 (Neteler). Voir aussi Chronologie biblique, t. ii, col. 731. Mais, dans le cas même où cette transformation chronologique serait certaine, il resterait vrai qu’Osée a vécu et prophétisé durant une partie considérable du vme siècle avant J.-C. Personne ne songe à contester son ancienneté.

Ce qu’on a mis en doute depuis quelque temps, c’est l’exactitude et l’authenticité du titre du livre, en ce qui concerne les rois de Juda : d’un côté, parce que ces monarques étaient étrangers au royaume d’Israël ; d’un autre côté, parce que le règne de Jéroboam II, seul prince mentionné parmi les rois d’Israël, ne couvre pas, il s’en faut de beaucoup, la période qui correspond au gouvernement d’Ozias, de Joatham, d’Achaz et d'Ézéchias. D’où l’on a conclu, tantôt que la note chronologique placée en tête de l'écrit d’Osée est partiellement inexacte, tantôt (et ce cas est fréquent dans les plus récents commentaires de l'école dite critique) qu’elle a été amplifiée après coup par un scribe qui vivait pendant ou après la captivité babylonienne, et qui était désireux de montrer qu’Osée avait été contemporain d’Isaïe et de Michée. Comp. Ose., i, 1, avec Is., 1, 1, et Mich., i, 1. Le titre primitif aurait donc simplement consisté dans les mots : ? « Parole du Seigneur qui fut (adressée) à Osée, fils de Beéri, aux jours de Jéroboam, fils de Joas, roi de Juda. » Mais rien n’est plus arbitraire que de tels procédés, et « on peut affirmer qu’il n’a encore été produit aucun argument concluant, capable de mettre en doute l’exactitude historique » du titre. Reynolds, dans EUicott’s Old Testament Commentary, t. IV, p. 411. Sans doute, il est surprenant, à première vue, que Jéroboam II soit seul nommé parmi les rois d’Israël sous lesquels Osée prophétisa, surtout si l’on se rappelle que celui-ci a spécialement écrit pour le royaume du nord ; mais ce fait s’explique par la rapidité avec laquelle, pour la plupart, les successeurs de

Jéroboam passèrent sur le trône. Ils furent d’ailleurs presque tous des usurpateurs violents et criminels. Voir Hsevernick, Einleitung in das Alte Testament, t. ii, 2, p. 278. Il est probable que Jéroboam lui-même n’est mentionné qu'à la façon d’une date : pour Osée, qui insiste sur ce fait que la maison de David était seule en possession légitime de la royauté, cf. Ose., iii, 5, ce prince aussi était un usurpateur, et la vraie liste royale était celle des monarques de Juda. Hengstenberg, Christologie des Alten Teslam., t. iii, p. 3 ; Krabbe, Qusestiones de Hoseæ vaticin., p. 18 ; F. Keil, Einleitung in das Alte Testament, p. 276-277 ; en sens contraire, Driver, An lntrod. to the Literature of the Old Testament, p. 283 ; Wildeboer, Die Litteratur des Alt. Test., p. 117 ; W. Nowack, Der Prophet Hosea, p. x sq.

On ajoute, pour prouver que la donnée chronologique Ose., i, 1, est inexacte, que le prophète parle de Galaad comme d’une province qui faisait encore partie du royaume d’Israël, cf. Ose., v, 1 ; vi, 8 ; xii, 11, tandis que, d’après I Par., v, 26, Phul ou Théglathphalasar III en avait d’assez bonne heure déporté les habibants en Assyrie. On fait aussi valoir Vargumentume silentio, si aisé, mais si faible d’ordinaire : Osée ne signale pas l’alliance conclue contre Juda entre les rois Phacée d’Israël et Rasin de Syrie, IV Reg., xvi, 5-6 ; Is., vii, 1, non plus que la ruine de Samarie ; d’où l’on déduit qu’il n’a pas prophétisé si tardivement que l’indique le titre. On voit combien tout cela est peu concluant. Au surplus, le livre lui-même réfute en partie ces raisonnements, puisque sa seconde partie, chap. m-xiv, ne se rapporte plus au règne de Jéroboam II, mais à ceux de ses successeurs : le titre signifierait donc peu de chose, s’il fallait regarder comme une interpolation tout ce qui y concerne les rois de Juda.

III. Histoire personnelle d’Osée. — Nous n’en savons que ce que le prophète nous apprend lui-même dans les trois premiers chapitres de son livre, car il n’est parlé de lui dans aucun autre écrit biblique. Cette histoire se ramène à quelques faits domestiques d’une nature très intime, à un très cuisant chagrin de famille, dans lequel Osée, divinement éclairé, vit l’image des relations qui existaient alors entre le royaume d’Israël et le Seigneur. Sur l’ordre de Dieu, il épousa une femme aux mœurs légères, Gomer, fille de Diblaïm (Vulgate, « Deblaïm » ), qui ne tarda pas à le tromper. Ose., i, 2. Elle eut successivement trois enfants, auxquels, sous l’inspiration du ciel, Osée donna des noms symboliques : un fils, lzre"êl (Vulgate, « Jezrahel » ) ; une fille, Lô'-ruhâmâh, pas aimée, et un second fils, Lo'-'ammi, pas.mon peuple. Ose., i, 4, 6, 9. Ces noms n’exprimaient que trop bien la tension des rapports qui existaient entre Jéhovah et les Israélites du nord. Un ordre analogue fut adressé plus tard au prophète, d’après le chap. m : il devait prendre une femme perdue de mœurs et lui imposer une vie de réclusion, pour la faire rentrer en elle-même et l’amener à se convertir. Cette tragédie domestique est exposée simplement, noblement, sans que l'écrivain sacré songe un seul instant à mettre en relief ses souffrances personnelles. Il insiste, en revanche, cf. i, 4-11 ; ii, 1-24 ; iii, 3-5, sur le sens de cette double action symbolique : Israël, *et[e épouse mystique du Seigneur, ne cesse pas de lui être infidèle ; Dieu le châtiera sévèrement ; puis, pressé par un amour qui n’a jamais défailli malgré les ingratitudes de son peuple, il lui pardonnera, dès que le coupable témoignera qu’il se repent de sa triste conduite.

Ce mariage d’Osée a donné naissance à toutes sortes d’opinions, qu’on trouvera résumées dans Marck, Diatribe de uxore fomicationum, Leyde, 1696, dans H. Kurtz, Die Ehe des Propheten Hosea, Dorpat, 1859, et dans A. Rohling, Die Ehe des Proph. Hosea (Theol. Quartalschrift de Tubingue, 1867, p. 555-602). Voir aussi Hengstenberg, Christologie des Alt. Test., t. iii, p. 1-136 ;

Schmoller, Die Propheten Hosea, Joël und Amos, p. 16-22 ; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., t. v, p. 229-231 ; les commentaires de A. Scholz, Nowack et Knabenbauer. Les deux questions principales que soulève ce passage, sont certainement les suivantes : 1° Les faits racontés furent-ils réels, objectifs ? ou bien ne devonsnous y voir qu’une simple allégorie, ou qu’un phénomène interne, qui se serait seulement passé dans l'âme du prophète ? 2° Les récits des chapitres î et m. sont-ils relatifs à deux mariages distincts, ou à un seul et même mariage ? Ces deux points ont de tout temps partagé les interprètes, qui ont émis, sans distinction d'écoles, des avis divers à leur sujet.

Pour ce qui est du premier problème, la paraphrase chaldaïque, quelques rabbins, saint Jérôme (qui, du reste, adopte aussi à l’occasion le sentiment contraire), et d’assez nombreux commentateurs plus ou moins récents se déclarent partisans de l’interprétation figurée (parmi les plus connus nous pouvons citer Maimonide, Kimchi, Calvin, Hitzig, MM.Keil, Reuss, Kœnîg, Wùnsche). Ils allèguent les raisons suivante^ : — - a) Si les faits avaient eu lieu d’une manière concrète, littérale, Dieu aurait placé Osée dans une situation choquante, pour ne pas dire scandaleuse, et le scandale aurait été encore plus grand dans l’hypothèse d’un double mariage. — 6) Les incidents que raconte le chap. i sr exigent un intervalle de plusieurs années ; le peuple n’aurait donc été que fort peu frappé de leur signification symbolique. — c) Les prophètes, dit-on, reçurent plus d’une fois de Dieu l’ordre d’accomplir des actes qui, par leur nature même, étaient d’une exécution difficile (on cite comme exemple Ezech., iv, 4-8), et qui, pour ce motif, ne s’accomplissaient pas à la lettre, mais surtout d’une façon idéale. Les chap. i et m ne contiendraient donc qu’une sorte de mâéal ou parabole.

Il est aisé de réfuter ces arguments. — a) Si les actes commandés au prophète avaient été contraires à la morale, Dieu ne les lui aurait pas même suggérés en vision, et ils n’auraient pas pu servir de base à une allégorie. En fait, l’ordre donné à Osée, loyalement expliqué, ne contenait en lui-même rien qui fût indigne de Dieu ou de son représentant. — 6) Pour que la narration orale des faits par Osée fût capable d’impressionner la foule, il fallait qu’ils correspondissent à la réalité historique, et on ne conçoit pas que le prophète se soit mis en scène comme un homme soumis à la plus rude épreuve domestique, si la conduite de sa femme avait toujours été honorable. — c) Les prophètes recevaient parfois de Dieu l’ordre d’accomplir des actions symboliques très réelles, quoique très difficiles en elles-mêmes. Cf. Jer., xiii, 1-7 ; Ezech., iv, 9-17, etc.

Les raisons pour lesquelles d’autres commentateurs très nombreux (dans l’antiquité, saint Irénée, saint Éphrem, Théodoret de Cyr, saint Cyrille d’Alex., saint Augustin et plusieurs autres Pères ; dans les temps modernes, Estius, Cornélius a Lapide, etc. ; de nos jours, les PP. Cornely et Knabenbauer, MM. Vigouroux, A. Scholz, Pusey, Ewald, Kuenen, Wellhausen, Nowack, Marti, etc., et, en somme, la plupart des interprètes les plus récents) admettent la réalité du mariage d’Osée sont surtout les suivantes : — 1° Rien, dans la narration de l'écrivain sacré, n’indique qu’il parle en termes allégoriques, et qu’Use borne à exposer un phénomène interne, subjectif ; au contraire, il donne à son récit une forme tout objective, appuyant sur le caractère extraordinaire de l’ordre qu’il reçoit, citant le nom de la femme et celui de son père, cf. I, 2-3 ; on a essayé vainement de donner à ces noms une signification symbolique, l’ordre irrégulier des naissances (un fils, I, 3 ; une fille, i, 6, et de nouveau un fils, I, 8), etc. D’ordinaire, les auteurs inspirés fournissent à leurs lecteurs quelque moyen pour reconnaître qu’il s’agit seulement de visions ou

d’allégories. — 2° Plus la chose commandée à Osée était étrange et difficile, plus elle était capable de faire impression sur la masse des Israélites et de secouer leur torpeur religieuse, en leur manifestant la grièveté de leurs crimes, et en leur montrant avec la plus grande clarté, d’une part, ce qu’ils avaient à redouter de l’amour offensé du Seigneur, s’ils persévéraient dans leurs infidélités, et, d’autre part, ce qu’ils pouvaient espérer de l’affection divine, si tendre et si profonde, s’ils s’amendaient courageusement. Or, avertir son peuple d’une manière retentissante, tel était précisément le but que Dieu se proposait en ordonnant à ses prophètes d’accomplir certaines actions symboliques. Cf. Is., xx, 2-4 ; Jer., xiii, 1-11 ; xix, 1-11 ; xxvii, 2-11 ; Ez., iv, 1-13 ; v, 14, etc. Voir aussi saint Irénée, Adv. hser., IV, xx, 12, t. vii, col. 1042. — 3° Les dénominations allégoriques des trois enfants de Gomer ne prouvent pas qu’il faille prendre au figuré tout l’ensemble de la narration. Ces enfants ne jouent qu’un rôle secondaire par eux-mêmes ; Osée et Gomer sont les deux personnages principaux, et les noms des enfants devaient seulement présager les sentiments réservés à Israël coupable. Isaïe aussi donna à ses deux fils des appellations symboliques, et personne n’a jamais contesté leur existence. Cf. Is., vii, 3 ; viii, 4. Cette solution littérale du problème nous paraît être de beaucoup la meilleure et la plus naturelle. Comme on l’a remarqué, « les difficultés inhérentes à l’interprétation allégorique sont bien plus grandes que celles qui s’attachent à l’explication littérale, s Cheyne, Bosea with Notes, p. 17.

On a discuté sur ce point spécial : Est-ce avant ou après son mariage que Gomer se livra à l’inconduite ? Quelques commentateurs (entre autres, saint Augustin) adoptent de préférence le premier de ces sentiments et supposent que la femme d’Osée, de mœurs très légères avant de lui être unie, serait ensuite demeurée chaste. Mais si, de prime abord, cette opinion paraît rendre plus acceptable l’acte commandé à Osée, elle accroît en réalité les difficultés d’interprétation, car elle fait disparaître en grande partie le symbolisme. En effet, c’est en tant qu’elle fut une épouse infidèle que Gomer représente la conduite d’Israël envers Jéhovah ; or, dans tout son livre, Osée parle avant tout des crimes du peuple théocratique postérieurs à l’alliance du Sinaï. L’expression énergique « une femme de prostitutions », anm mtfn, semble exiger aussi cette interprétation ; car

elle est expliquée, Ose., i, 2, par les mots qui suivent, D>raT nb>, « des enfants de prostitutions, » et. ces mots

désignent des enfaûts qui n’existaient pas encore. Si Gomer avait été une courtisane vulgaire au moment où Dieu commanda à Osée de l'épouser, elle serait sans doute appelée simplement niT, le nom ordinaire en pareil cas. Divers interprètes ont supposé à tort que le titre « une femme de prostitutions » désignerait au moral une femme livrée à l’idôlatrie..

Le second problème, qui ne demande pas des développements aussi considérables., est celui-ci : S’agit-il, dans les chapitres i et iii, de deux femmes distinctes, et par conséquent de deux mariages successifs, ou d’une seule femme et d’un seul mariage ? Ici encore, les commentateurs se sont partagés en deux camps opposés, et cette question, de même que la précédente, ne sera jamais élucidée d’une manière entièrement satisfaisante. Ceux qui sont partisans d’un double mariage supposent' que le second fut contracté, soit après la mort de Gomer, soit auparavant, et dans ce dernier cas, Osée aurait épousé une femme de second rang, comme la loi le permettait. Voir Kaulen, Einleitung, p. 343 ; Knabenbauer, Comment, in Proph. minore », t. i, p. 48. Mais, d’après le sentiment le plus probable et le plus commun de nos jours, la femme du chap. î et celle du chap. m sont identiques. Il paraît peu vraisemblable que Dieu,

à deux reprises, ait enjoint à Osée de se marier dans des circonstances si extraordinaires. De plus, le symbolisme, pour être parfait, exige qu’il soit question de la même femme ; car rien n’indique que Gomer fût morte, et, si Osée l’avait répudiée en vue d’une autre union, ces secondes noces auraient signifié que Jéhovah allait se choisir un nouveau peuple à la place d’Israël. D’ailleurs, la description très brève, mais caractéristique, de la femme que le prophète est invité à aimer malgré tout, iii, 1, ne convient que trop à Gomer. Cf. i, 2. La forme de l’ordre divin est à noter. Le Seigneur ne dit pas, la seconde fois : « Va encore, et prends une femme… ; » mais : « Va encore, et aime… ; » par conséquent : « Reprends-la, malgré son indignité, et sois-lui attaché quand même. » Le récit nous renvoie donc à i, 2. On peut supposer, avec de nombreux exégètes contemporains, que Gomer, mettant le comble à son inconduite, aurait quitté le foyer d’Osée, pour être encore plus libre ; puis, qu’abandonnée par ceux qu’elle avait follement suivis, elle se trouva dans une profonde misère matérielle ; Osée la reprit, mais la tint à l'écart pour la faire réfléchir et la ramener à de meilleurs sentiments.

Telles sont les principales difficultés auxquelles a donné lieu le mariage de notre prophète. Heureusement, quelque opinion que l’on adopte à leur sujet, l’interprétation du livre demeure au fond la même, bien qu’elle ait une forme beaucoup plus saisissante dans l’hypothèse d’un mariage réel et unique. Quoi qu’il en soit, l’image d’Israël représenté sous la forme d’une femme infidèle à son mari n’apparaît pas seulement dans le livre d’Osée : on la rencontre dès le Pentateuque, cf. Exod., xxxiv, 16 ; Lev., xyii, 7 ; xx, 5 ; Num., xiv, 33, etc., puis dans plusieurs autres prophètes, cf. Is., ii, 1-3 ; liv, 1-6 ; Jer., ii, 2 ; Ezech., xvi, 1-63, etc. Saint Jean-Baptiste et Jésus-Christ ont aussi employé une image analogue, cf. Joa., iii, 29 ; Matth., xxii, 1 ; xxv, 1 sq. ; Marc, ii, 19-20 ; de même saint Paul, cf. II Cor., xi, 2 ; Eph., v, 25-27, et saint Jean, Apoc, xix, 7-8 ; xxi, 1. Mais nulle part, si ce n’est dans le Cantique, cette idée n’est développée en traits aussi vifs et détaillés que dans le livre d’Osée.

On a conjecturé naguère, Duhm, Théologie der Prophetçn, Bonn, 1875, p. 130-131, que le prophète Osée appartenait à la famille sacerdotale. Les raisons alléguées (entre autres : la connaissance parfaite de l’histoire ancienne d’Israël ; l’emploi d’expressions liturgiques, telles que « la loi de Dieu », iv, 6, et viii, 12, « impur » légalement, v, 3, 'et vi, 10, « abominations, » îx, 10 ; la mention relativement, fréquente des prêtres légitimes ; la cessation des sacrifices légaux regardée comme un grand châtiment pour Israël, iii, 4 ; ix, 3 sq.) sont trop générales pour rendre certaine l’hypothèse en question. Maint laïque instruit pouvait connaître l’histoire et parler des choses liturgiques aussi bien que beaucoup de prêtres. Du moins, il est évident que, si l’auteur du livre n’appartenait pas aux classes supérieures, il était doué d’une intelligence peu commune, et qu’il se rendait parfaitement compte de ce qui se passait autour de lui. Comme Amos et Jérémie, il paraît avoir été un objet de haine et de persécution pour ses compatriotes, irrités de ses reproches sévères et de ses terribles menaces. Cf. Ose., ix, 7-8.

On ne sait rien d’authentique sur sa mort. Suivant une tradition juive, elle aurait eu lieu à Babylone, et de là, selon son désir formel, son corps aurait été transporté à dos de chameau dans la Galilée supérieure, à Safed, où serait son tombeau. Voir Robinson, Palâstina und die sildlich angrenzenden Lànder, t. iii, p. 597. Pseudo-Épiphanè et pseudo-Dorothée, l. c., le font mourir tranquillement dans son pays. D’après Burckardt, Reisen in Syrien, t. ii, p. 696 sq., les Arabes croient posséder le tombeau d’Osée sur l’emplacement

de l’antique Ramoth-Galaad, à l’est du Jourdain. Voir aussi Bœdeker, Palâstina und Syrien, 1875, p. 351. Une autre légende arabe place le lieu de sa sépulture à Almenia, dans l’Afrique septentrionale. Sur ces renseignements contradictoires, voir J. Friderici, De Hosea et vaticiniis ejus, Leipzig, 1715 ; Carpzow, lntroductio ad libros canon. Vet. Testam., t. iii, p, 268 sq. ; A. Scholz, Comment., p. xxv-xxvi.

IV. Thème du livre d’Osée. — On l’a vu par ce qui précède, c’est le royaume d’Israël qui est l’objectif immédiat, principal, presque unique même de cet écrit. Le message d’Osée est double : il consiste à exposer, d’un côté, le crime que les Israélites ont commis en brisant l’alliance théocratique, et de l’autre, l’amour de Jéhovah, qui demeure fidèle quand même, et qui, lorsque son épouse mystique, actuellement si coupable, aura été convertie par les châtiments nécessaires, se manifestera de nouveau avec éclat. Durant la longue période de l’activité prophétique d’Osée, la condition religieuse et morale des dix tribus schismatiques du nord nécessita constamment les mêmes reproches ; c’est pour cela qu’on entend, à travers l'écrit tout entier, l’accent uniforme soit du blâme, soit de. l’exhortation, au sujet de l’idolâtrie, de l’injustice, des agissements anti-théocratiques, comme aussi l’accent de la menace. Le peuple israélite a rompu en pratique le contrat passé avec le Seigneur ; celui-ci punira les coupables, s’ils ne reviennent à de meilleurs sentiments : voilà le thème perpétuel des oracles d’Osée.

Les lamentations sur l’idolâtrie et sur l’immoralité d’Israël remplissent, à elles seules, une grande partie du livre. Le prophète revient souvent sur le culte idolâtrique, qui consistait tout à la fois dans les pratiques grossières, sensuelles des nations chananéennes, et dans l’adoration du veau d’or, installé à Béthel par Jéroboam I". Cf. Ose., iv, 12-14, 15, 17 ; v, 1-3 ; viii, 4-6, 11 ; ix, 1, 10, 15 ; x, 1, 5, 8, 15 ; xi, 2 ; xii, 11 ; xiii, 1 sq. Il dépeint aussi sous des couleurs très vives, non seulement la profonde corruption des masses, mais aussi celle de toutes les classes dirigeantes : l'égoïsme des prêtres, l’ambition des grands, la faiblesse et la mollesse des rois, les luttes perpétuelles entre les factions opposées. Tout cela est mis tour à tour sous nos yeux avec une grande fidélité de pinceau. Cf. Ose., iv, 1-3, 18 ; v, 1, 3 ; vii, 16 ; viii, 6, 8-10 ; ix, 15 ; x, 3 ; xiii, 10, etc.

L’infidélité d’Israël se maniiestait également par ses relations politiques, dont notre prophète trace aussi un tableau très exact. Comme nous l’apprenons IV Reg., xv, 19-20, le roi Manahem acheta au prix de 1 000 talents d’argent (8500000 fr.) la faveur de n'être point attaqué par le roi d’Assyrie Théglathphalasar III, et les annales du grand conquérant assyrien citent en effet « Manahem de Samarie » parmi les princes qui lui payaient le tribut. Nous savons que cette politique fut suivie de même par le dernier roi d’Israël, Osée, qui, d’après les mêmes annales, n’obtint son élévation au trône que grâce au concours de l’Assyrie. Plus tard, sous la pression d’une partie des grands de son royaume, il se tourna vers l’Egypte ; mais ce double jeu le conduisit directement à la ruine. Cf. IV Reg., xvii, 1-6 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6° édit., t. iii, p. 532-540. D’ailleurs, envisagée en elle-même ; ' une politique qui consistait à se mettre sous la dépendance des empires païens du voisinage était en opposition flagrante avec les principes théocratiques, suivant lesquels Jéhovah était seul le vrai roi et protecteur du pays. Cf. Ose., vii, 8, 11 ; xi, 1 a ; xiv, 1-3, etc. Le résultat d’une telle conduite était donc aisé à prévoir : le Seigneur cessera de regarder le royaume d’Israël comme faisant partie de son peuple, et il le « chassera de sa maison ». Ose., ix, 15.

gré le caractère menaçant du livre d’Osée, les pro messes en sont aussi un élément très important. Elles apparaissent très nettes, et relativement fréquentes, à côté des plaintes et des objurgations sévères. Cf. ii, 1, 14-24 ; iii, 5 ; v, 15 ; vi, 1-3 ; xi, 8-11 ; xiv, 2-10, etc. Il faut signaler, entre toutes, celles qui se rapportent au Messie et à son règne glorieux. Bien qu’Osée ne prédise qu’un seul fait de la vie du Christ, et cela d’une manière typique, indirecte (cf. Ose., xi, 1°, et Matth., n, 15 ; voir L.-Cl. Fillion, L'Évangile selon S. Matth., . Paris, 1878, p. 59, et Knabenbauer, dans ses notes sur ces deux passages), il annonce du moins très clairement que le Messie naîtra de David, Ose., iii, 5, et il trace un brillant tableau de l'âge d’or qui sera inauguré par lui. Ose., ii, 1, 16-24 ; iii, 5 ; xiv, 2-9.

On a fait observer, surtout à notre époque (voir en particulier Davidson, dans The Expositor, 1879, p. 258 sq. ; T. K. Cheyne, Hosea with Notes, p. 27-30), que « les menaces terribles et les consolantes promesses du prophète Osée s’appuient sur une base identique, qu’il a la gloire d’avoir mise très spécialement en relief : à savoir, l’amour de Jéhovah pour son peuple ; l’amour outragé, saintement jaloux, qui s’irrite et se venge ; l’amour malgré tout, qui pardonne et qui sauve ». Cf. iii, 1 ; ix, 10 ; xi, li>, 8-11 ; xiv, 5, 9, etc. C’est là ce qu’on a très justement appelé « la note dominante de la plaidoirie d’Osée ». À ce même point de vue, on a aussi nommé Osée « le prophète des peines tragiques de l’amour ». Si on le compare avec Amos, son contemporain, on voit que celui-ci regarde surtout Jéhovah comme le roi et le juge d’Israël, tandis qu’Osée contemple surtout en Dieu l'époux et le père de son peuple. En ce sens, notre prophète a contribué de la façon la plus noble au développement de l’idée religieuse ; mais on ne doit pas oublier que déjà le Deuléronome avait clairement présenté cette belle et grande pensée du divin amour. Cf. Deut., 14, x-15 ; xxii, 6, 10-11, etc.

Nous devons noter encore l’insistance avec laquelle Osée relève les obligations avant tout morales que l’alliance théocratique imposait à Israël. Ce dernier s’imaginait bien à tort, comme le dit un texte célèbre, Ose., VI, 6 ; cf. v, 6, et viii, 13, qu’il réussirait à s’attirer le pardon et la bienveillance de Jéhovah par un culte purement exlérieur, en lui immolant des troupeaux entiers de victimes. Non ; c’est par la miséricorde qu’on se rend le Seigneur propice î'est par la connaissance pratique de Dieu qu’on mérite ses bienfaits.

On a aussi établi, pour mieux comprendre le caractère spécial d’Osée, un rapprochement intéressant entre lui et Jérémie. L’un et l’autre ils virent approcher, celui-ci pour Juda, celui-là pour Israël, la catastrophe inévitable, et ils eurent la douloureuse mission de l’annoncer, d’en justifier le décret. Osée fut donc comme « le Jérémie du royaume du Nord ». Voir Stanley, Lectures on the History of tke Jewiih Church, édit. de 1885, t. ii, p. 317. Le prophète d’Anathoth fait d’ailleurs de fréquentes allusions au livre d’Osée. Cf. Ose., i, 2, et Jer., iii, 6, 8 ; Ose., i, 11, et Jer., iii, 18 ; Ose., ii, 24, et Jer., iii, 19 ; Ose., iii, 5, et Jer., xxx, 9 ; Ose., iv, 2, et Jer., vii, 9 ; Ose., viii, 13 ; tx, 9, et Jer., xiv, 10, etc. Voir Kueper, Jeremias Særorum Librorum interpres et vindex, p. 67-70.

Un autre fait intéressant à signaler, c’est qu’il existe des coïncidences assez remarquables, non seulement de pensées, mais aussi d’expressions, entre notre prophète et le Pentateuque, et l’intérêt est encore plus avivé, si l’on se souvient qu’Osée lui-même, viii, 12, atteste que la loi avait été mise par écrit et que les prêtres en étaient les interprètes. Cf. iv, 6. On a composé sur ce point des listes considérables. Voir Curtis, The Levitical Priest, 1877, p. 176-178 ; A. Scholz, Comment, zum Bûche des Proph. Bosea, p. xxxi-xxxii ; Sharpe, Hosea, 1884, p. 72-84, et aussi Hengstenberg, Authentie OSÉE

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des Pentateuchs, t, i, p. 48-83 ; L. Reinke, Beitrage zur Erklârung des Altes Testam., t. viii, p. 158 sq. Qu’il suffise de noter les passages suivants : Ose., i, 2, et Deut., xxxi, 16 ; Ose., i, 9, et Lev., xxvi, 12 ; Ose., i, 10, et Gen., xxii, 17 ; Ose., ii, 2, et Ex., i, 10 ; Ose., ii, 5, et Deut., xxviii, 48 ; Ose., ii, 17, et Ex., xxiir, 3 ; Ose., ii, 20, et Gen., îx, 2 ; Ose., iii, 1&, et Deut., vii, 8 ; Ose., nr, 3, et Deut., xx, 15 ; Ose., iv, 4, et Deut., xvii, 12 ; Ose., iv, 10, et Deut., xxvi, 17 ; Ose., v, 14, et Deut., xxxii, 39 ; Ose., "VI, 3 b, et Num., xxiv, 17 ; Ose., viii, 3, et Lev., xxvi, 17 ; Ose., ix, 4, et Deut., xxvi, 14 ; Ose., ' ix, 10, et Deut., xxxii, 10 ; Ose., xi, 1, et Deut., xxviii, 66 ; Ose., xii, 13, et Deut., xviii, 15, etc. Si tout n’est pas frappant dans ces rapprochements, leur ensemble ne saurait manquer de faire impression ; aussi divers critiques rationalistes ont-ils cité loyalement le fait. À une époque où l’on recule si hardiment la composition du Pentateuque jusqu'à une date tardive, il n'était pas superflu d’attirer l’attention sur ce point.

V. Plan et division du livre. — Il est évident que nous ne possédons, dans les quelques pages qui nous restent d’Osée, qu’un résumé très concis de son enseignement prophétique ; mais ce résumé nous révèle fort bien ce qu'était sa parole. Toutefois, on reconnaît presque à l’unanimité que, précisément à cause de leur grande concision, il est assez difficile de diviser et surtout de subdiviser ses oracles en diverses portions logiques. On peut cependant fixer quelques points de repère, quelques idées mères qui les jalonnent pour ainsi dire.

Osée, en rédigeant son livre, très probablement vers la fin de son ministère, l’a divisé en deux parties, dont chacune exprime des pensées analogues, mais sous une forme extérieure différente. Il est incontestable, en effet, que d’un côté les chap. i-iii, de l’autre les chap. rvxiv, composent un tout complet et ont en quelque sorte leur vie à part.

l°ûans la première partie, i, I-iii, 5, qu’on peut appeler, à cause de sa nature même, le livre des symboles, le prophète raconte et explique deux actions figuratives, l’une dans les chap. i et ii, l’autre au chap. iii, empruntées à sa propre vie domestique, qui prédisent aux Israélites du Nord les malheurs que leur attireront leurs infidélités envers le Seigneur, s’ils ne se convertissent promptement, mais qui leur promettent en même temps une restauration idéale, dans le cas contraire. Ces trois chapitres présentent un intérêt très spécial, à cause de l'élément personnel qui y abonde. On peut les regarder comme une sorte d’introduction au livre entier, car ils en contiennent le principe et l’essence même. Voici la subdivision de cette première partie : — 1° Première action symbolique, empruntée à la vie d’Osée, i, 1-n, 1 ; — 2° Petit discours, qui expose en propres termes ce que le paragraphe précédent a décrit au figuré, ii, 2-23 ; — 3° Deuxième action symbolique : tentative pour ramener à de meilleurs sentiments l'épouse infidèle, iii, 1-5.

2° La seconde partie, iv, 1-xiv, 10, renferme deux discours prophétiques, dans lesquels Osée blâme vertement les crimes de ses concitoyens et annonce aux coupables les représailles vengeresses du Seigneur : c’est le livre des discours, qui se termine, comme le précédent, par de glorieuses promesses d’avenir. Le premier discours va de iv, 1, à xi, 11 ; le second, de xi, 12, à xiv, 10. Les commentateurs ne sont pas tous d’accord au sujet de cette subdivision, car le second livre d’Osée forme une série continue, sans points d’arrêt bien marqués, et les mêmes pensées sont reproduites un peu partout : nous la croyons néanmoins préférable à toutes les autres qui ont été proposées. Kaulen, par exemple, Einleitung, p. 343-344, compte dans la seconde partie d’Osée jusqu'à neuf petits discours, qui correspondent aux chapitres iï, v-vi, vii, viii, ix, s, xi,

xii, xiii-xiv ; Ewald, Die Proph. des Alten Blindes, t. i, p. 138 sq., partage les chapitres iv-xiv en trois sections : l’accusation, vi, 1-vi, 11° ; le châtiment, vi, ll 1 'ix, 9 ; un retour rétrospectif sur l’histoire ancienne d’Israël, avec l’exhortation et la promesse, ix, 10-xiv, 13. Voir aussi Cornely, Introductio, t. H, pars 2, p. 529 sq. ; B. Nefeler, Gliederung des Bûches der zwôlf Propheten, p. 13 sq. On peut partager comme il suit le premier discours : 1° Tableau de la corruption désolante qui règne dans Israël, sans exception de classes, iv, 1-vn, 16 ; 2° nécessité et annonce d’un châtiment sévère, viii, 1-si, l a ; 3° promesses de salut, xi, l b-ll. — Le second se subdivise de la même manière : 1° L’accusation, xi, 12-xii, 14 ; 2° prédiction des vengeances divines, mu, 1-xiv, 1 ; 3° glorieuses promesses pour l’avenir, xiv, 2-10. — On le voit, le fond des pensées et le sens général sont bien essentiellement les mêmes dans les deux discours. Chacun d’eux se compose de variations sur ce triple élément, qui s’y trouve plus ou moins développé : la constatation des fautes et les reproches, les menaces, les promesses.

Les indications qui précèdent ont montré qu’il existe une unité et un ordre très réels dans le livre d’Osée. Lowth, De sacra Hebrxorum poesi, édit. d’Oxford, p. 280, a donc beaucoup exagéré, lorsqu’il regarde ce livre comme formant sparsa qusedam Sibyllse folia > sans aucune connexion logique. D’après ce principe, Eichhorn comptait seize fragments ; von der Hardt, jusqu'à 29 ; Dathe, 27, etc.

La plupart des interprètes reconnaissent que les deux parties du livre ne décrivent pas la même époque. La première, qui suppose que la dynastie de Jéhu existait encore, cf. i, 6, représente les événements qui doivent avoir eu lieu avant 743, année vers laquelle, d’après les calculs basés sur la chronologie assyrienne, fut assassiné Zacharie, le dernier représentant de cette race. La seconde partie expose ce qui se passa sous les rois usurpateurs qui se succédèrent rapidement après la mort de Zacharie. La première remonte donc certainement au règne de Jéroboam II, et c’est pour cela qu’elle nous montre le pays comme jouissant encore d’une grande prospérité matérielle. Cf. ii, 5, 11-12. Mais on ne saurait déterminer avec précision les dates auxquelles correspondent les divers chapitres qui suivent. Les tentatives qu’on a faites parfois pour les fixer n’ont pas abouti à des résultats sérieux.

VI. Osée envisagé comme écrivain. — Le plus ancien jugement que nous possédions sur lui à ce point de vue est celui de saint Jérôme, qui disait de lui, Prmf. in duodecim Prophetas, t. xxxviii, col. 1015 : Commaticus est (c’est-à-dire, aux phrases courtes et brisées), et quasi per sententias loquens. Rien n’est plus exact. En effet, dans l'émotion que lui cause la vue des iniquités d’Israël et des châtiments qu’elles attireront infailliblement sur ce peuple ingrat, Osée s’exprime d’ordinaire en des propositions brèves et saccadées. Très souvent les phrases ne sont reliées entre elles par aucune particule copulative. Cf. iv, 7, 18 ; v, 3% 6 b, 10 ; vi, 10 ; vii, 12, 16 ; ix, 6, 9, 15 ; x, 1, 2>>, 6, ll b ; xiv, 4, etc. Les images se précipitent d’une manière abrupte, s’accumulent, se heurtent même, cf. v, 9 sq. ; vi, 1 sq. ; vii, 8 sq. ; x, Il sq. ; xiii, 3, 7 sq., de sorte qu’on a pu comparer le langage de notre prophète à un torrent impétueux. D’autre part, son style est habituellement très condensé, plein de vigueur, de pensées. Il y 'a dans son âme un "conflit perpétuel entre son amour pour ses compatriotes et la colère qu’il ressent, comme ministre du Seigneur, en voyant leur dépravation morale. Cette lutte est une source de beautés littéraires très réelles. Osée flotte sans cesse entré la crainte et l’espérance, entre les accusations et les consolations, l’indignation et l’amour qui bouillonnent à la fois dans son cœur. Cet incesîê

sant va-et-vient des pensées, ce brusque passage d’une, figure à une autre, joints à sa grande concision dans I l’expression, le rendent parfois énigmatique, souvent difficile à interpréter. Il est, en tant qu'écrivain, un homme d'émotion plutôt que de logique et il contraste, sous ce rapport, avec son contemporain Amos, dont on aime à le rapprocher, el qui est le prophète de l’argumentation bien agencée. Sa tendresse égale par instants celle d’une mère ; sa tristesse est çà et là si poignante, qu’il pleure et gémit plutôt qu’il ne parle. On ne peut lire sans être soi-même vivement ému certains passages tragiques ou dramatiques, tels que vi, 4 ; vii, 13 ; îx, 10, 14 ; xi, 2-4, 8 sq.

Les traits qui suivent peuvent être cités comme caractérisant le style d’Osée d’une manière plus spéciale. — 1° Si les nombreuses images qu’il emploie sont souvent très suggestives (par exemple : Jéhovah, en tant que Dieu terrible et vengeur, est comparé à un lion, v, 14, à une panthère et à un ours, xiii, 7-8, à la teigne qui dévore les vêtements, v, 12, et, en tant que Dieu de bonté, à la pluie bienfaisante, vi, 3, et à la rosée, xiv, 6), il est rare qu’elles soient développées. Le prophète se contente fréquemment de les indiquer en quelques mots rapides. Cf. iv, 16 ; v, 14 ; vi, 3 b et 4 b ; vii, 4, 6, 7, 11, 16 ; viir, 7 ; ix, 10 ; x, 7 ; xiii, 3 ; xiv, 6, 7, 8. Quelques-unes de ces images sont peut-être extraordinaires et hardies ; mais beaucoup d’entre elles sont vraiment belles, originales et appropriées à l’idée qu’elles ont pour but de mettre en relief (par exemple, le bonheur futur du peuple théocratique représenté par le lis qui croît si abondamment dans la Palestine du Nord, parles solides racines du cèdre, xiv, 6, et par le pin toujours vert du Liban, xiv, 9). — 2° Osée a volontiers recours aux paronomases expressives. C’est ainsi qu’il joue sur les mots Jezrahel, i, 4, 11 ; ii, 22-23, Éphraïm, IX, 16 ; XIV, 9, Bethaven, nom ironique donné à Béthel, iv, 15 ; x, 5. Voir aussi, dans le texte hébreu, viii, 7 ; ix, 15 ; x, 5 ; xi, 5, xii, ll b, etc. Il aime les inversions, cf. vu, 8, 9 ; xi, 12 ; xii, 8, etc., les ellipses, ix, 4 ; xiii, 9, etc., les antithèses, iv, 10, 16, etc. — 3° Il emploie un nombre assez considérable d’expressions particulières, plus ou moins rares. On peut citer entre autres : o’sibnj, ii, 4 ; mbaj, ii, 12 ; nri’bn, ii, 15 ; yrh, iii, 2 ;

nm », v, 13 ; napy, vi, 8 ; npnT, vii, 9 ; noatf, viii, 6 ;

v :  : t-..- t : t t omn, viii, 13 ; nsratira, ix, 8 ; nrn, xiii, 1 ; n13<Nbn,

-nt " : - :  : xm, 5 ; nnl, xiii, 14 ; vnVnn, xiv, 1, etc. Voir F. Keil,

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Lehrbuch der historisch-kritischen Einleitung in die kanon^und apokr, Schriften des Alt. Testam., 1859, p. 277 ; W. Harper, À critical and exeget. Commentary on Amos and Hosea, Edimbourg, 1905, p. clxxii, clxxiii. — 4° Son vocabulaire est riche, varié ; aussi, quoiqu’il revienne constamment sur les mêmes thèmes, il trouve toujours des mots nouveaux pour exprimer sa pensée ; il ne se répète presque jamais. — 5° Parmi ses constructions favorites, on peut citer l’usage fréquent de 7>n, surtout avec la signification de. « sans » (cf. iii, 4 ; iv 1 ; v, 14 ; vii, 7, 11 ; xiii, 4), de îray, (cf. iv, 16 ; v, 7 ; vii, 2 ; viii, 13 ; x, 2), etc.

Le texte primitif d’Osée ne nous est malheureusement parvenu que sous une forme assez imparfaite, pomme l’admettent la plupart des hébraïsants. Des passages assez nombreux ont été visiblement altérés par les copistes ; quelques-uns, sans doute, d’une manière irrémédiable : entre autres, iv, 4, 18 ; v, 2 ; 7, 11 ; vi, 7 ; vu, 4 ; viii, 10 b, 13 ; ix, 8, 13, etc. La seconde partie du livre a souffert plus que la première, parce qu’elle est en général plus difficile à comprendre. Néanmoins, quoi qu’on ait dit en sens contraire, le texte massorétique est encore de beaucoup supérieur à celui des Septante, <r dont les leçons ne méritent qu’exceptionnellement la préférence. » Von Orelli, Das Buch Eze chiel und die zwôlf kleinen Proph., p. 201. Pour la critique du texte hébreu, voir Strack, Hosea et Joël prophétie ad fidem codicis Babylonici Petropolitani, Saint-Pétersbourg, 1875 ; Tœttermann, Varianten %um Proph. Hosea, Helsingfors, 1878 ; Bser, Liber duodecim Prophet., Leipzig, 1878, p. 59 sq. ; Oort, dans le Theol. Tijdsehrift, 1890, p. 365 sq., 480 sq. ; Patterson, dans Hebraica, t. va, p. 190 sq. ; Harper, l. c, p. clxxiii sq. Les conjectures faites par les critiques pour améliorer le texte sont très souvent dénuées de bases solides.

VII. Authenticité et canonicité du livre d’Osée ; son intégrité. — 1° L’authenticité est si bien démontrée par les preuves extrinsèques accoutumées, qu’elle est admise à peu près unanimement aujourd’hui, même par l'école rationaliste la plus avancée. En effet, indépendamment des témoignages de la Synagogue (voir J. Fûrst, der Kanon des Alt. Testam., nach den Ueberlieferungen in Talmud, Leipzig, 1868, p. 28-29 ; L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, Paris, 1881, p. 36 sq.) et de l'Église chrétienne (voir F. Vigouroux, Manuel biblique, t. i, n. 34-36), qui lui ont toujours accordé une place dans le canon des Saints Livres, des descriptions si vivantes, si caractéristiques que celles qu’on trouve dans cet écrit, ne peuvent dater que du temps auquel elles se rapportent ; elles sont le fruit immmédiat des douloureuses circonstances qu’elles exposent en termes émus et dramatiques. Un témoin oculaire était seul capable de tenir un pareil langage. En outre, les allusions fréquentes qui sont faites à l’histoire contemporaine nous conduisent à la même conclusion, car elles supposent récents et connus de tous, les événements qu’elles signalent. Or, on ne voit guère à quel écrivain on pourrait attribuer tout cela, sinon à celui qu’une tradition constante et le livre luimême, cf. Ose., i, 1 ; iii, 1, désignent très clairement comme Fauteur. On le comprend sans peine, le résumé de ce qui avait été prêché pendant une période de cinquante ans (au moins) put difficilement être entrepris par un autre que le prédicateur lui-même, surtout, comme c’est ici le cas, lorsque ce résumé porte le sceau d’un caractère si individuel.

2° L’emploi que plusieurs écrivains sacrés, postérieurs à Osée, ont fait de son livre est aussi un garant de son ancienneté, de son authenticité, en même temps que de sa canonicité. Nous avons vu plus haut (col. 1914) que Jérémie lui a fait plusieurs emprunts. Il est permis de conjecturer, d’après des ressemblances assez frappantes, qu’Isaïel’a également connu. Cf. Ose., i, 3, et Is., viii, 3 ; Ose., ii, 17, et Is., ii, 14 ; Ose., iv, 9, et Is., xxiv, 2, etc. ; voir A. Stolz, Commentai', p. xxx, Le Nouveau Testament le cite jusqu'à neuf fois ; ce qui est beaucoup pour des pages si courtes. Cf. Matth., ii, 15, et Ose., xi, 1 ; Matth., ix, 13, et Ose., vi, 6 ; Matth., xii, 7, et Ose., vi, 6 ; Luc, xxlli, 30, et Ose., x, 8 ; Rom., ix, 25-26, et Ose., m 24 ; ICor., xv, 55, et Ose., xiii, 14 ; Heb., xiii, 15, et Ose., xiv, 3 ; I Pet., ii, 10, et Ose., ir, 24 ; Apoc, vi, 16, et Ose., x, 8.

3° M. Nowack écrivait en 1880, dans son premier commentaire sur le prophète Osée, p. 27 : « L’intégrité du livre est aujourd’hui partout admise ; la tentative isolée de Redslob, qui prétend que le passage Ose., vii, 4-10, a été plusieurs fois interpolé, doit être abandonnée comme tout à fait avortée. » Voir Redslob, Die lntegritàt der Stelle Hosea ir, 4-10, Hambourg, 1842. Et pourtant, M. Nowack lui-même, moins de vingt ans plus tard (1897), affirme dans son commentaire abrégé des petits Prophètes, p. 11, que les chapitres iv-xiv n’ont pas été arrangés par Osée lui-même, bien qu’ils soient de lai pour l’ensemble, et qu’ils contiennent des fragments rapportés, sans liaison avec le contexte (entre autres, vi, 5 ; vii, 3, 8 ; IX, 7, 10, 15 ; xii, 11-13). Il en serait de même, dans la première partie du livre (chap. i-in).

des passages I, 7 ; ii, 1-3, 6, 8-9, 16-18, 20-25, ainsi que des mots « et David son roi », iii, 4. M. Nowack regarde aussi comme des additions postérieures les versets ou partie de versets énumérés ci-après, sans compter mainte expression isolée : iv, 6*, 11, 14 (la fin du verset), 15 a ; v, 3* ; vi, 11 ; vii, 4 ; viii, 1' ; ix, 9 (en partie, du moins) ; X, 3, 4, 5 ; xi, 3M1 ; xii, i>>, 4° >-7, 13-14 ; xiv, 10, etc. C’est bien aller « jusqu'à l’extrême », comme l’a reproché à bon droit au hardi critique A. B. Davidson, dans le Dictionary of the Bible, de Hastings, t. ii, p. 425). MM. Wellhausen, Prolegomena zur Geschichte Isræls, p. 417, et Skizzen und Vorarbeiten, t. v, 1892, p. 97 ; Stade, Geschichte des Volkes Isræls, t. i, p. 577 ; Cornill, Einleitung in das Alte Testant., p. 173, et dans la Zeitschrift fur alttestam. Wissenschaft, i$&l, p. 287-289 ; Schwelly, ibid., 1890, p. 227, et Oort, Theolog. Tijdschrift, 1890, p. 345 sq., 480 sq., l’avaient précédé dans cette voie, pour des motifs purement intrinsèques. MM. Marti et Harper, les plus récents commentateurs d’Osée, l’y ont suivi très largement. M. Marti, Dodekapropheton, v » partie, p. 2-10, distingue le livre original d’Osée, composé de la partie de beaucoup la plus considérable de l'écrit, et les éléments secondaires, ajoutés par une autre main ou même par plusieurs autres, M. Harper, Amos and Hosea, 1905, p. çlix et clx, établit une distinction analogue, et, de part et d’autre, les passages éliminés ne sont pas moins nombreux que ceux que signale M. Nowack. Mais c’est un savant juif, le D r Gratz, qui s’est avancé le plus loin sous ce rapport, Geschichte der Juden, t. ii, I re partie, 1875, p.93 sq., p.214sq., p.439sq., puisque, d’après lui, la seconde partie du livre, chap. rvxiv, aurait été tout entière faussement attribuée à Osée. Cela revient presque à nier l’authenticité du livre, puisque la majeure partie est enlevée au prophète dont elle porte le nom.

Ces critiques ont prétendu agir avec quelque méthode en faisant leurs suppressions multiples. Ils ont rejeté d’abord comme apocryphes tous les passages qui se rapportent au royaume de Juda et à la maison de David : par conséquent, Ose., i, 7 ; ii, 2 ; iv, 15 ; v, 5, 10, 12-14 ; vi, 4, 11 ; viii, 14 ; x, 11 ; xii, 1, 3. On a ensuite supprimé ceux qui décrivent les bénédictions temporelles dont jouira le nouvel Israël après sa restauration : notamment H, 15-25 ; iii, 1-5 ; v, 15-vi, 3, 5 h ; xi, 10-11 ; xiv, 2-10. Tout cela pour des motifs entièrement subjectifs, qu’il suffit presque d’exposer pour en démontrer l’inanité. D’après Cornill, l. c, « l’image qu’Osée se fait de l’avenir ne sa.it rien d’un roi messianique issu de la race de David ; il ne connaît que Jéhovah et Israël, sans aucune autre personne intermédiaire, y Stade, Geschichte des Volkes Isræls, t. i, p. 557, tient à peu près le même langage. Selon lui, l’idée qu’Osée se faisait de l’avenir différait, sur les points essentiels, de la manière de voir qui devint plus tard typique, grâce à Isaïe et à la conception qu’il s'était faite de la royauté ; on a donc cherché après coup à insérer cette conception dans les endroits où elle manquait. On nous apprend dans le détail comment cela eut lieu. Pendant ou même après la captivité de Babylone, un citoyen du royaume de Juda, lisant le livre d’Osée, le trouva trè conforme à ses propres idées sur la théocratie ; mais un point était incomplet : Israël ne pouvait revivre qu'à la condition de se réunir à Juda, ou plutôt de se soumettre d’une manière absolue à la royauté de Juda, et c’est uniquement à Jérusalem, au centre de la théocratie, que le Seigneur consentirait désormais à accepter des sacrifices. De là les interpolations indiquées.

Cette façon de raisonner a paru très justement contestable, subjective et arbitraire à de nombreux partisans de la critique biblique plus ou moins avancés. "Voir Kœnig, Einleitung in das Alte Testam., p. 309310 ; A. B. Davidson, dans le Dictionary of the Bible

de Hastings, t. ii, p. 425, et surtout Kuenen, Histor.kril. Einleitung, 2e édit., t. ii, § 67, n. 9, qui en ont démontré la grande faiblesse. Le mot « arbitraire » suffît pour la caractériser pleinement. Ceux qui attaquent si gravement l’intégrité du livre d’Osée commencent par dire : Il contient telles et telles idées ; mais ces idées n’ont été émises pour la première fois qu'à une époque postérieure, par Isaïe ou d’autres ; d’où il suit que les passages qui les expriment ont été ajoutés après coup. Chose facile à affirmer, mais que nos critiques sont incapables de démontrer, puisque le livre d’Osée est là, avec toutes les garanties extrinsèques et intrinsèques d’authenticité pour le détail comme pour l’ensemble, et que les passages relatifs soit à Juda, soit au glorieux rétablissement d’Israël, s’harmonisent fort bien avec le reste de l'écrit. Comme le dit M. Kœnig, Einleitung in das Alte Testament, p. 309-310, le prétendu citoyen de Juda par lequel on fait compléter le livre à l’avantage de ses propres compatriotes n’auraitil pas supprimé les prophéties d’Osée qui sont menaçantes pour eux, ou du moins ne les aurait-il pas transformées en oracles favorables ? D’ailleurs, par ellesmêmes, les allusions au royaume de Juda dans le livre d’Osée ne doivent pas plus exciter nos soupçons que celles qu’Isaïe fait, de son côté, au royaume d’Israël. Il est vrai que, çàet ]à, Juda est mentionné par Osée d’une manière assez abrupte, qui surprend (par exemple, v, 10) ; mais on doit avoir égard au genre brisé et saccadé du prophète. En outre, en maint endroit qu’on voudrait éliminer, les raisons particulières apportées pour la suppression ne démontrent absolument rien (voir le commentaire du P. Knabenbauer, passim) ; ou bien, d’autres passages, regardés comme authentiques, supposent et confirment ceux que l’on accuse d’avoir été interpolés. L’authenticité de ii, 6-7, est confirmée par v, 6, 15, et vi, 1 sq. ; celle de ii, 20, par v, 1, etc.

Quant aux raisons alléguées par Gratz, elles reviennent seulement à dire : 1° que les chap. i-m sont remplis de symbolismes, tandis que les chap. iv-xiv n’en contiennent presque pas ; 2° que, dans la première partie, la diction est beaucoup plus calme, tandis qu’elle est très ardente et brisée dans la seconde. Mais ces dissemblances, nous l’avons vii, étaient dans la nature même des choses, et M. Grætz a simplement montré que les deux parties du livre d’Osée diffèrent l’une de l’autre : ce que personne ne conteste. Voir Kuenen, (. c, n. 11-14. On peut donc conclure avec Davidson lui-même, An Introduction to Old Testament, t. iii, p. 236, « qu’Osée ait disposé les prophéties (du livre qci porte son nom) telles qu’elles sont à présent, on ne saurait en douter. »

VIII. Auteurs a consulter. — 1° Pour les questions préliminaires, voir Ch. Bruston, Histoire critique de la littérature prophétique des Hébreux depuis les origines jusqu'à la mort d’Isaïe, Paris, 1881, p. 82 sq. ; "Stanley, Lectures on Jewish Church, édit. de 1885, Londres, t. ii, p. 317 sq. ; *W. R. Smith, The Prop/iets of Israël, 2e édit., 1875, lect. iv, 2 ; *Lœwe, Beitrâge zum Verstândniss des Proph. Hoseas, 1863 ;

  • Duhm, Theologieder Propheten, Bonn, 1875, p. 126 sq. ;
  • B. Kueper, Das Prophetenthum des Alten Bundes,

Leipzig, 1870, p. 183 sq. ; *von Orelli, Die altestamentliche Weissagung, 1882, p. 254 sq. ; *W. Nowack, Die Zukunftshoffnung Isræls in der assyr. Zeil, dans les Theolog. Abhandlungen, 1902, p. 33-59 ; O. Procksch, Geschichtebetrachtung bei den vorexil. Propheten, 1902, p. 14-28, 118-134 ; *J. Meinhold, Studien zur ismelit. Religionsgeschichte, t. i, 1™ partie : Elias, Amos, Hosea, Jesaja, 1903 ; *P. Kleinert, Die Profeten Isræls in sociale^ Beziehung, Leipzig, 1905, p. 38-47. — 2° Pour l’explication détaillée, on peut consulter les auteurs suivants : A) Commentateurs catholiques. Dans l’antiquité, saint Èphrem, Opéra sy1921

osée — osmis

1922

riaca, t. ii, p ; 234-315, Théodoret de Cyr, t. lxxxi, col. 1545 et suiv., saint Cyrille d’Alexandrie, t. lxxi, col. 1 et suiv., saint Jérôme, t. xxv, col. 815 et suiv. ; au moyen-âge, Théophylacte, t. cxxvi, col. 563 et suiv. ; dans les temps modernes, Ribera, Sanchez, Cornélius a Lapide, Calmet, qui ont expliqué tous les petits prophètes ; dans la première moitié du XIXe siècle, P. F. .Ackermann, Prophètes minores perpétua annotatione illustrati, Vienne (Autriche), 1830, et J. Scholz, Die zwôlf klein. Propheten, Francfort, 1833. De nos jours, P. Schegg, die klein. Propheten ùbersetzt und erklârt, Ratisbonne, 1854 ; 2e édit., 1862, t. i ; Ant. Scholz, Commentar zum Bûche des Proph. Hoseas, Wurtzbourg, 1884 ; Trochon, Les petits Prophètes, Paris, 1883 ; J. Knabenbauer, Commentar. in Prophetas minores, Paris, 1886, t. I ; L.-Cl. Fillion, La sainte Bible commentée, t. vi, p. 339-387, Paris, 1897. — B) Les principaux commentateurs protestants et rationalistes du prophète Osée depuis la fin du xvii 8 siècle sont les suivants : E. Pocock, Commentary on Hosea, 1685 ; H. von der Hardt, Hoseas cum Targ. et commentar. Rabbin., 1703, 2e édit., 1775 ; Rosenmûller, Scholia in Vet. Testamen., t. vii, 1™ partie, 1812, 2= édit., 1827 ; H. Ewald, Die Propheten des Alt. Testam. erklssrt, Stuttgart, 1840, 2e édit., 1867, t. i, p. 171-247 ; F. Hitzig, Die zwôlf klein. Propheten, Leipzig, 1838 ; 4e édit. publiée par Steiner, en 1881 ; Umbreit, Practischer Commentar vber die kl. Propheten, Hambourg, 1844 ; H. Simson, Der Prophet Hosea erklârt und ùbersetzt, 1851 ; Pusey, The Minor Prophets with a Commentary explanatory and practical, Londres, 1860 ; A. Wîinsche, Der Prophet Hosea ùbersetzt und erklârt mit Benutzung der Targumim und der jûdischen Ausleger, Leipzig, 1868 ; . F. Keil, Die zwôlf kleinen Propheten, Leipzig, 1866 ; von Schmoller, Die Propheten Hosea Joël und Amos, Bielefeld, 1872 ; A. Elzas, The Minor Prophets, Londres, 1873, t. i, p. 12-92 ; W. Nowack, Der Prophet Hosea erklârt, Berlin, 1880 ; K. A. B. Tœttermann, Die Weissagungen Hoseas bis zur erstem assyrisch. Déportation (Ose., i, 1-vi, 3), Wûrzbourg, 1882 ; E. Huxtable, dans le Speaker’s Commentary, X. vi, Londres, 1882, p. 388-491 ; T. K. Cheyne, Hosea with Notes and Introduction, Cambridge, 1884 ; J. Sharp, Notes and Dissertations on Hosea, 1884 ; von Orelli, Dos Buch Ezechiel und die zwôlf kl. Propheten, Nordlingue, 1888 ; La Bible annotée par une société de théologiens et de’pasteurs, Paris, s. d. : Les Prophètes, t. m ; J. T. de Visser, Hosea de man des Geestes, Utrecht, 1886 ; Reynolds et Whitehouse, dans Ellicolt, An Old Testam. Commentary, t. v, p. 411-434 ; Hosea translaled from the Hebrew, with Notes explanatory and critical, Londres, 1892 ; J. Wellhausen, Die kl. Propheten ùbersetzt mit Noten, 2e édit., 1893, p. 12-26, 95-131 ; J. P. Valeton Junior, Amos en Hosea, Nimègue, 1894 (une traduction allemande a été donnée en 1898, par P. R. Echternacht) ; W. Nowack, Die kl. Propheten ùbersetzt und erklârt, Gœttingue, 1897 ; J. Marti, Dodekapropheton erklârt, l re partie, Tubingue, 1903 ; W. R. Harper, À critical and exegetical Commentary on Amos and Hosea, Edimbourg, 1905.

L. Fillion. Il OSIANDER, André, théologien protestant, né à Guntzhausen, près de Nuremberg, le 18 décembre 1498, mort à Kœnigsberg le 17 octobre 1552. À 22 ans il commença à professer l’hébreu qu’il avait appris au couvent -des ! Augustins de cette ville. Dès l’an 1522, il se mit à prêcher les principes de la Réforme : aussi en 1529 fut-jl député au colloque de Marbourg et plus tard il prit une part très active aux conférences où furent discutés les articles de la confession d’Augsbourg. Après la publication de l’Intérim en 1548, il quitta Nuremberg et il était sur le point de se rendre en Angleterre lorsqu’on lui offrit une chaire de théologie à l’université de Jiœnigs

berg, qui venait de se fonder. Il se sépara des luthériens par ses doctrines sur la justification et son enseignement fut déféré au synode de Wittemberg. Parmi les écrits d’Osiander nous avons : Harmonise evangelicse libri quatuor, in quibus Evangelica historia ex TV evangelistis ita in unum est contexta, ut nullius verbum ullum omissum, nihil alienumimmixtum, nullius ordo turbatus, nihil non suo loco positum, in-f », Bâle, 1537 ; in-8°, Anvers, 1540 ; Bibiia sacra qum, prrnter antiques latines versionis necessariam emendationem, et difficiliorium locorum succinctam explicationem, multas insuper utilissimas observationes coniinet, in-f°, Tubingue, 1600. — Voir Walch, Biblioth. theologica, t. iv, p. 858 ; C. H. Wilken, A. Osiander' s Leben, Lehren und

Schriften, in-4°, 1844.
B. Heurtebize.

2. OSIANDER Jean Adam, exégète luthérien allemand, né à Vaihingen, dans le Wurtemberg, le 3 décembre 1626, mort à Tubingue le 26 octobre 1697. Il fut en 1680 chancelier de l’Université de cette dernière ville. Parmi ses ouvrages, on remarque Commentarius in Pentateuchum, 5 in-f°, Tubingue, 1676-1678, qui jouit longtemps d’une grande réputation ; In Josuam, in-f°, Tubingue, 1681 ; In Judices, in-f°, Tubingue, 1682 ; In librum Ruth, in-f°, Tubingue, 1682 ; In primum et secundum librum Samuelis, in-f°, Stuttgart, 1687 ; Primitim evangelicse seu dispositiones in Evangelia dominicalia et festivalia, 14 parties in-4°, Tubingue, 1665-1691 ; Disputationes academicse in prsecipua et maxime controversa Novi Testamenti loca, in-8°, 1680.

3. OSIANDER Lucas, surnommé l’ancien, fils d’André Osiander, controversiste et exégète luthérien allemand, né à Nuremberg le 16 décembre 1534, mort à Stuttgart„le 7 septembre 1604. Il devint en 1596 surintendant général des églises de Wurtemberg, mais ses attaques contre les Juifs l’obligèrent à renoncer à sa charge en 1598. Parmi ses publications, nous mentionnerons seulement Bibiia latina ad fontes hebraici textus emendata, cum brevi et perspicua expositione illustrata, 7 in-4°, Tubingue, 1573-1586 ; 13° édid., 1635. David Forster en a donné une traduction allemande. Stuttgart, 1609, laquelle a eu aussi plusieurs éditions.

OSIER. Voir Saule.

    1. OSIRIS##

OSIRIS, un des dieux du Panthéon égyptien (fig. 501). Quelques critiques croient trouver son nom dans un texte d’Isaïe, x, 4, en le ponctuant, il est vrai, différemment dé la tradition massorétique. Dans le jugement porté par le Seigneur contre Éphraïm, le prophète demande aux Israélites ce qu’ils feront au jour de la catastrophe, en qui ils chercheront du secours et où ils déposeront leurs trésors. Il ajoute :

Il ne reste qu'à se courber parmi les captifs Ou à tomber parmi les tués.

C’est bien le sens du premier vers, tel qu’il est ponctué dans le texte massorétique, Bilti kara' (afyaf 'assîr,-i » én nnn 713 >nb3. Bien qu’il y ait brusque changement de personnes en passant du verset 3 au verset 4 (la 3e personne du singulier au lieu de la 2e du pluriel, comme le met du reste la Vulgate), et qu’on donne au mot ta/.iaf, « sous, à la place de, » le sens de « parmi, » la traduction de ce verset donnée plus haut peut se défendre et s’harmonise assez bien avec le contexte. Cependant ces difficultés ont amené plusieurs critiques à supposer une autre lecture du texte. Le premier qui l’a proposée est Paul de Lagarde, Symmicta, 1870, in-8°, p. 105, qui cite un certain nombre d’adhésions à son hypothèse, Mittheilungen, in-8°, Gœttingue, 1884, t. i, p. 210. Th. Cheyne, dans Polychrome Bible, Isaïah, English translation, p. fO, 137, défend

IV. - 61 1923

osmis

OSORIO

1924

cette opinion. D’après ces critiques, il faudrait ainsi couper et ponctuer les mots du texte : nn nma » nba TDN, Bèlti kara’af, haf 'osir, c’est-à-dire : Bellis est tombée, Osiris est brisé. Inutile aux Israélites de se fier dans les divinités des Phéniciens, elles ne leur seront d’aucune utilité ; car elles ne se sauveront pas elles-mêmes de la ruine. Il n’est pas étrange de trouver ici Osiris associée à Beltis. Beltis ou Baaltis est une déesse phénicienne, spécialement honorée à Gebal ou Byblos, dont le culte a beaucoup emprunté à celui de l’Isis égyptienne, comme la légende d’Osiris a pénétré le mythe de Baal ou d’Adonis. Gh. Vellay, Le culte et

501.

Statuette d’Osiris. Musée du Louvre.

les fêtes d’Adonis Thammouz dans l’Orient antique {Annales du musée Guimet, t. xvi), in-8°, Paris, 1904, p. 9, 52, 65, 167, 172. On sait d’ailleurs que l’influence égyptienne s’est fait sentir le long des côtes phéniciennes : la légende faisait aborder à Byblos le corps d’Osiris. Les inscriptions araméennes donnent aussi bien iDNiba, milkosiris que byrcbn, Milkbaal Corpus Inscript. Semit, 123 ; M. J. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, in-6, Paris, 1903, p. 103. Des Israélites, habitant près de la Phénicie, auraient mis leur confiance dans Isis et Osiris, hpnorés dans ces régions, et Isaïe, x, 4, leur reprocherait la vanité de leurs espérances. Cf. Amos, v, 25.

Comme Baal est le dieu solaire des Araméens, Osiris est aussi pour les Égyptiens le dieu soleil, mais dans sa révolution nocturne, tandis qu’il se nomme Ra lorsqu’il parcourt les douze heures du jour. Set, le dieu des ténèbres et de la nuit, veut tuer le dieu soleil,

mais c’est en vain, celui-ci reparaît le lendemain sous la forme d’Horus, ou soleil levant. Comme pour Osiris, l’existence de chaque homme était comparée à celle du soleil : sa naissance « st comme le lever du soleil à l’Orient, sa mort, comme la disparition du soleil à l’Occident. Par la mort, chaque Égyptien devenait un Osiris et descendait dans la nuit du tombeau et du royaume inférieur jusqu’au jour où il devra renaître à une autre vie comme Hor-Osiris.

Ce mythe solaire, qui joue un si grand rôle dans la religion égyptienne a été humanisé dans la légende suivante : Osiris et Set étaient frères. Ce dernier, jaloux d’Osiris, l’avait assassiné, avait coupé son corps en morceaux qu’il renferma dans un coffre et jeta à la mer. Après de multiples recherches, Isis avait retrouvé le corps de son mari et frère, par ses larmes et ses baisers elle avait ranimé son cadavre au point qu’elle avait pu en avoir un fils Horus, qui n’est qu’Osiris réincarné. Cette légende était reçue en Phénicie, puisque, comme on l’a vii, les Phéniciens faisaient aborder à Byblos le corps d’Osiris. Tout ceci peut servir à autoriser la lecture et la traduction nouvelle de ce passage d’Isaïe, sans que cependant, tout bien considéré, elles paraissent devoir l’emporter sur le sens communément reçu.

E. Levesque.

    1. OSMA DELGADO##

OSMA DELGADO (Rodrigue d'), théologien espagnol, né à Badajoz le 21 juillet 1533, mort dans cette même ville en 1607. Prêtre et chanoine, cet auteur très versé dans la théologie et les langues orientales a laissé de nombreux écrits parmi lesquels : De auctorilate S. Scriptural librilll, in-4°, Valladolid, 1594 ; Opéra ad sanctorum IV Evangeliorum cognitionem spectantia, scilicet IV Evangeliorum recens recognita translatio, cuie regione vêtus et vulgata editio respondet. Prsecedit chronographia ab O. C. ad excidium Hierosolymitanum : Topographia locorum ad sacras Literas pertinentium ; de consensu et ordine Evangelistarum liber. Sequuntur IV Evangélicse Historiée coagmentatse libri ; paraphrasis Evangélicse Historias libri IV, 2 in-f°, Madrid, 1601 ; Expositio sive paraphrasis in sacros et Psalmos et in Cantica Canticorum cum annotationibus et scholiis, in-4°, Madrid, 1601. — Voir N. Antonio, Biblioth. Hispana nova, t. ii, p. 265.

B. Heurtebize.
    1. OSORIO Jérôme##

OSORIO Jérôme, théologien catholique portugais, né à Lisbonne en 1506, mort à Tavilla, le 20 août 1580. Il appartenait à une famille illustre, qui prit grand soin de son éducation : à treize ans, on l’envoya à Salamanque pour y étudier le latin et le grec ; à dix-neuf ans, il vint à Paris, où il étudia la philosophie ; mais il y demeura peu, et passa de là à Bologne, où il suivit avec autant d’intérêt que de profit les leçons d’hébreu et d'Écriture sainte. Revenu en Portugal, il fut chargé par le roi Jean III d’un cours d’exégèse biblique : aussi savant qu'éloquent, il expliqua avec grand succès le prophète Isaïe et l'épître de Saint-Paul aux Romains. Ordonné prêtre peu de temps après, il fut, grâce à la protection de l’infant Louis de Portugal, nommé curé de Tavara ; mais bientôt le cardinal Henri, frère du roi Jean et évêque d’Evora, le fit archidiacre de ce diocèse. Enfin Catherine d’Autriche, veuve du roi Jean et régente du royaume pendant la minorité de Sébastien son petitfils, le fit nommer évêque de Silves. Il chercha vainement à détourner le roi Sébastien de l’expédition d’Afrique qu’il méditait. Il fit à Rome un court séjour, pendant lequel il fut traité avec la plus grande faveur par le pape Grégoire XIII, qui estimait singulièrement son savoir et sa vertu. De retour dans sa patrie, il employa l’autorité morale qu’il avait sur les populations à les empêcher, de se mêler aux troubles qui agitèrent le pays après la mort du roi. Dès lors, il demeura dans son diocèse jusqu'à sa mort. Ses œuvres complètes ont été publiées par son neveu, appelé comme lui Jérôme

Osorio, sous ce titre : Opéra omnia Hier. Osorii nepotis diligentia in unum collecta, 4 petits in-f », Rome, 1552. Une autre édition a paru à Rome, également en 4 in-f », en 1592, sous un titre un peu différent. Il s’y trouve plusieurs commentaires des livres de la Bible : dans le tome n : In Epistolarn B. Pauli ad Romanon ! dans le tome m : Paraphrasis in Job libri 111 ; Paraphrasis in Psalmos ; Commentaria in Parabolas Salotnonis ; Paraphrasis in Salomonis Sapientiam ; dans le tome iv : Paraphrasis in Isaiam libri V (imprimé séparément à Bologne, 1577, in-4°, et à Cologne, 1584, in-8°) ; Commenlarius in Oseam prophetam ; Commentarius in Zachariam ; In Evangelium Joannis orationes xxi. — Voir Nicéron, Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres, in-16, Paris, t. xi, 1730, p. 202, et t. xx, 1732, p. 30. C’est par erreur qu’André Schott, Hispanix bibliotheca, p. 532, attribue plusieurs de ces ouvrages à Jérôme Osorio le neveu.

A. Régnier. OSTERVALD Jean Frédéric, théologien protestant suisse, né à Neuchâtel en 1663, mort dans cette ville le 14 avril 1747. Il avait étudié à Zurich, à Saumur, à Orléans, à Paris et à Genève. Il exerça les fonctions de pasteur dans sa ville natale. Il est surtout connu par son édition de la traduction française de la Bible, de Genève, revisée par lui et publiée pour la première fois, 2 in-f°, à Amsterdam, en 1724 : La Sainte Bible avec les nouveaux arguments et les nouvelles réflexions. Elle a eu de très nombreuses éditions et a été en vogue chez les protestants français. Voir Françaises (Versions) de la Bible, t. ii, col. 2264-2265. Cf. Particularitez concernant la vie et la mort de M. J. F. Ostervald, dans Unparlheiische Kirchenhistorie Alten und Neuen Testaments, Iéna, 1754, t. iii, p. 1095 etsuiv.

    1. OTAGE##

OTAGE (hébreu : 6e » fa'ârûbâh ; grec : fi[i » )pov ; Vulgate : obses), personne que l’on remet aux mains des étrangers ou des ennemis, en garantie de l’exécution d’une promesse. — Joas, roi d’Israël, ayant vaincu et pris Amasias, roi de Juda, entra à Jérusalem et s’empara des trésors du Temple et du palais royal. Puis il rendit à Amasias sa liberté et son royaume ; mais, en gage de sa soumission et pour couper court à toute idée de revanche, il emmena avec lui à Samarie des otages choisis sans doute parmi les familles les plus considérables du royaume de Juda. II Reg., xiv, 14 ; Par., xxv, 24. Voir Amasias, t. i, col. 445. Les Septante traduisent benë ta'ârûbdh, « fils de caution, » par uioi tùv <ru|X|xî?ewv, « Bis des mélanges, » en rattachant le mot hébreu au verbe chaldéen 'ârab, « mêler. » La Vulgate rend l’hébreu par obsides dans le livre des Rois, et trop servilement par filios obsidum, « fils d’otages, » dans le livre des Paralipomènes. En dehors de ce cas, il n’est pas question d’otages dans l’histoire d’Israël avant la captivité. Les Assyriens et les Chaldéens, au lieu d’emmener des otages, faisaient des déportations en masse et envoyaient des populations entières d’un pays dans un autre. Voir Captivité, t. ii, col. 227, 229. — À l'époque des Machabées, il est fait mention de plusieurs otages. Antiochus Épiphane fut otage à Rome. I Mach., i, 11. Voir t. i, col. 693. Antiochus le Grand avait été obligé, après sa défaite par les Romains, de leur livrer des otages. I Mach., viii, 7. Voir t. i, 691. Bacchide, général syrien du temps de Jonathas Machabée, devint maître de toute la Palestine, prit en otages les fils des principaux du pays et les retint prisonniers dans la citadelle de Jérusalem. I Mach., ix, 53. Vaincu à son tour, Bacchides sut faire la paix avec Jonathas. Pour obtenir le concours de ce dernier contre Alexandre Balas, son compétiteur, Démétrius Soter, roi de Syrie, offrit différents avantages à Jonathas, et, entre autres choses, lui fit remettre les otages détenus dans la citadelle. Jonathas les rendit à leurs parents. I Mach., x,

6, 9. À son tour celui-ci, après avoir reçu la ville de Gaza à composition, prit les fils des chefs comme otages et les envoya à Jérusalem. I Mach., xi, 62. Enfin, quand Simon eut pris le commandement à la place de son frère, le général syrien, Tryphon, lui demanda, en vue de la paix et de la délivrance de Jonathas, de lui envoyer comme otages deux des fils de ce dernier. Simon y consentit à contre-cœur, se doutant bien qu’on agissait de mauvaise foi. Le perfide Syrien garda en effet les enfants et ensuite tua Jonathas. I Mach., xiii, 15-23.

H. Lesêtke. OTHÉI (hébreu : 'Utaï, « qui porte secours ; » Septante : rWO ; ) ; fils d’Ammiud, de la tribu de Juda, de la famille de Phares. C’est le premier nommé des enfants de Juda qui habitèrent Jérusalem après le retour de la captivité de Babylone. I Par., ix, 4. Beaucoup de commentateurs le confondent avec Athaïas (hébreu : 'H-fâyâh), parce qu’il est nommé le premier parmi les descendants de Juda (et de Phares, selon le texte hébreu, qui s'établirent à Jérusalem après la captivité, II Esd., xi, 4, mais quoique les consonnes du nom soient à peu près les mêmes, la généalogie des deux personnages est différente, excepté pour leur ancêtre commun Juda (et Phares). Un autre Israélite qui s’appelle aussi 'Ufaïdans le texte hébreu, I Esd., viii, 14, est appelé Uthaï dans la Vulgate, qui s’est ici plus rapprochée de la ponctuation hébraïque que pour Othéi. Voir Uthaï.

    1. OTHIR##

OTHIR (hébreu : Mâfir ; Septante : 'QOvipi), le treizième des fils d’Héman, de la tribu de Lévi. I Par., xxv, 4. Il fut le chef de la vingt et unième division des chanteurs, composée de douze de ses fils et de ses frères, du temps de [David. I Par., xxv, 28. Voir HÉman 3, t. iii, col. 587.

    1. OTHNI##

OTHNI (hébreu : 'Otni ; Septante : 'Oôvt), l’aîné des six fils de Séméi, qui sont appelés « des hommes vaillants ». Ils étaient de la tribu de Lévi, de la branche de Coré, et furent chargés de la garde des portes de la maison de Dieu. I Par., xxvi, 7, 12.

    1. OTHOLIA##

OTHOLIA (hébreu : 'Âfalyâh ; Septante : ToBoXfo), de la tribu de Benjamin, des « fils de Jéroham », un des chefs de famille qui résidèrent à Jérusalem. I Par., vm, 27. — Le texte hébreu donne le même nom à deux autres personnages, la fille d'Âchab et le père d’un des captifs qui revinrent de Babylone. La Vulgate les appelle Athalie et Athalia. Voir ces noms, t. i, col. 1207.

OTHONIEL {'ofnî'êl, « lion de Dieu ; » Septante : ToôovfriX, le y grec remplaçant ici le r hébreu, comme dans Tâ?a pour 'azzâh, Sriyâip pour sô l ar, etc. ; Vulgate : Othoniel et une fois Gothoniel, I Par., xxvii, 15), le premier des Juges d’Israël après Josué. — Othoniel était fils de Cénez, frère de Caleb. Ce dernier avait reçu pour son lot un territoire situé dans la tribu de Juda. Dans ce territoire se trouvait la ville de Cariath-Sépher, encore occupée par une population chananéenne. Voir Cariath-Sépher, t. ii, col. 278. Caleb promit de donner en mariage sa fille Axa à qui s’emparerait de la ville. Othoniel accomplit cet exploit et prit pour femme Axa. Celle-ci avait reçu de son père un domaine qui lui parut trop aride. Elle excita Othoniel à demander à Caleb un champ mieux arrosé ; mais en fin de compte, elle se décida à intervenir elle-même et obtint adroitement ce qu’elle souhaitait. Jos., xv, 13-19 ; Jud., i, 12-15. Voir Axa, t. i, col. 1294. La Vulgate fait d’Othoniel un jeune frère de Caleb, qui lui-même, d’autre part, Num., xxxii, 12, est appelé fils deJéphoné et Cénézéen, c’est-à-dire descendant de Cénez. Voir Cénézéen, t. ii, col. 421. Cénez serait ainsi un ancêtre commun à Caleb et à Othoniel, et ce dernier ne serait

fils de Cénez et jeune frère de Caleb que dans un sens large, par conséquent cousin de Caleb et d’Axa et, par son âge, plus rapproche de celle-ci que de son père. Les Septante voient en Gênez un frère de Caleb, ro80vtr|X uiô{ Kevèî ; àêeXipoO XiXeê, ce qui supposerait deux Cénez, l’un ancêtre patronymique et l’autre, frère de Caleb et père d’Othoniel ; ce dernier serait alors le propre neveu de Caleb et le cousin germain d’Axa. Le texte hébreu se prête à l’un et à l’autre sens ; il ne peut par conséquent servira élucider la difficulté. Cf. F. de Hummelauer, In libr. Judicum et Ruth, Paris, 1888, p. 45. Quelle que soit la solution adoptée, il est certain qu’Othoniel était cousin d’Axa ; il pouvait même être cousin germain sans que la Loi mît opposition à son mariage. — Après la mort de Josué, les Israélites de la génération qui n’avait pas vu les merveilles de l’entrée en Chanaan et de la conquête du pays, oublièrent Jéhovah et se mirent à adorer les Baals et les Astartés des Chananéens qui les entouraient. Mal leur en prit, car, pour leur châtiment, Jéhovah les laissa opprimer par les peuples dont ils partageaient l’idolâtrie. Jud., ii, 10m, 6. Durant la vie d’Othoniel, assez peu d’années par conséquent après la mort de Josué et de Caleb, un roi de Mésopotamie, Chusan-Rasathaïm, descendit jusqu’en Palestine, battit les Israélites et leur imposa un tribut. Cf. Josèphe, Ant. jud-, V, iii, 2. Ce roi n’est encore connu que par la Bible ; les documents cunéiformes n’ont rien révélé à son sujet. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 96. La sujétion des Israélites dura huit ans, au bout desquels ils se tournèrent vers Jéhovah, comme vers leur Dieu unique, et lui demandèrent secours. L’esprit de Jéhovah vint alors sur Othoniel, qui jugea Israël et marcha à la guerre, ce qui signifie que, sur l’inspiration de Dieu, l’ancien conquérant de Cariath-Sépher prit le commandement des guerriers Israélites et commença la campagne contre les oppresseurs. Josèphe, loc. cit., suppose qu’Othoniel mit à mort la garnison laisée par ChusanRasathaïm et qu'à l’aide des partisans nombreux qui se rangèrent sous ses ordres à la suite de ce premier exploit, il put faire face au roi mésopotamien, accouru pour maintenir sa suzeraineté, le battît et le força à regagner l’Euphrate. L’auteur sacré ne dit rien ni sur le genre d’oppression que Chusan-Rasathaïm exerçait contre Israël, ni sur la manière dont Othoniel entreprit et mena sa campagne victorieuse. En somme, les Israélites furent délivrés du joug étranger ; la tranquillité régna ensuite dans leur pays pendant quarante ans et Othoniel mourut. Jud., iii, 7-11. Ces événements se passèrent vers 1409-1400 avant Jésus-Christ, c’est-à-dire à une époque où les rois d’Assyrie, n’ayant rien à craindre des rois de Babylonie avec lesquels ils avaient fait alliance, pouvaient impunément pousser leurs pointes dans les pays du sud-ouest. Voir Assyrie, t. î, col. 1165. H. Lesètbe.

    1. OTTOBONIANUS##

OTTOBONIANUS (CODEX). - I. Le manuscrit cursif du Vatican coté Ottoboni grec 298 doit sa célébrité au fait qu’il est le seul témoin grec du Comma Joanneum (I Joa., v, 7) ; car le Ravianus de (Berlin, copié au xvi 8 ou au xvii° siècle sur la Polyglotte d’Alcala, le Neapolitinus (Bibliot. Kaz. II, Aa, 7), où le verset est ajouté en marge d’une main du xvii c siècle, et le Montforlianus de Dublin (Trinity Coll., G. 97), fabriqué au xvr siècle pour relever le défi d’Erasme, ne comptent pas et n’auraient jamais dû compter. C’est un petit in-12 (0, 171 X 0, 421) du xv « siècle, ayant 263 feuillets a deux, colonnes de 27 lignes et contenant les Actes, les Épîtres catholiques et celles de saint Paul. Gregory et Scrivener le-désignent par les numéros 162 a " 200p m1, von Soden par le sigle « 460. — Il est grec-latin ou plutôt latin-grec, le latin ayant été écrit d’abord à gauche de chaque page et le grec ajouté après

coup et trop souvent accommodé au latin. On s’en fera une idée par ces deux exemples du ꝟ. 120 recto :

Ignoratis fres qa qcqe baplizati sum. + Côse pulti en sum eu illo p

+ î i îhûï

morte ipsius

baptizati

sumus

(note marginale)

'A-yvosîTE kSeXipoi ûti Saot

eoaTrria-ôïjfxev. + çvve TàçT|[iev oîiv aÙTâ) 8tà toû

+ eiç yy tv etç tov IjàvaTov aÛTou

iëxizri

o8lf)|J.EV.

(note marginale)

Et quelques lignes plus bas avec renvoi à la marge inférieure :

ïïlt nô Iviamus peêc U jj.t|xéti SovXe-jeiv T^aq t§

Si ë morlui sum cù XPo

U q enî mortuuse justiûeat 5 a peccato.

[âjj. « p U Et 8È à-rreftàvoiiEv tuv yw

Un pareil codex n’a pour le grec aucune valeur critique et il ne méritait pas l’honneur que lui fit le cardinal Wiseman en reproduisant en fac-similé le passage qui contient le verset des trois témoins célestes, ꝟ. 105 verso :

ritas. Quia très sunt qui testimoniû dàt in cœlo. pat. vbu et sp ses

et hii très unù sût. Et très sût qui testimoniû dant ï tra. sps. aqua et

sanguis. Si testimoniû

Tjta. "O-ct rpeiî eîstv ot [iap-rypoOvcEç âîro toj ovvoO 7tTip, X<5foç xai rcv «  [âftov

xai ol tpEÏç tl( tô l’v sia-t xocl Tpsîç EÎaiv oi [j.apTupo0vT&c aizb TTjç vr ( ç*TO 7CV3 to xiSwp [x «  to at[ia. Et-ct]v (jtotp-cuptav

On savait déjà que les codex bilingues sont très sujets à caution ; tantôt c’est le latin qui est modifié d’après le grec, tantôt le grec d’après le latin. L’Ottobonianus 258 nous offre de nombreux exemples du premier phénomène ; car le grec avait été écrit tout d’abord à l’intérieur des pages, attendant le latin qui a été naturellement calqué sur le grec. En voici un exemple caractéristique :

Kai to irva êarcv xo [xocpTvEt spse qui testificatur

[poûv Sti to irva èortv r àXiîŒta - qm spse veritas. Qm très

[oit TpEt ; eï<7tv ol fj.qpT^poùvTst to sut qui testimoniû dât. sps

[itVCt TO

GSdjp xai tô alfia - xoù oi aqua et sanguis. et hii [TpEt ; s ! ? [très unû

h elaiv’ei Trjv [locpîupt’av sût. Si testimoniû

Au Xiv s. — car VOttob. 258 (Gregory-Scrivener : 161* a, 198<-"> 1 69^" c, von Soden a 400) est de la fin du XIVe s. — presque tous les textes latins avaient le Comma Joanneum et la variante singulière quoniam Spiritus est veritas ne peut guère dériver que du grec.

F. Pbat.

    1. OUBLI##

OUBLI (hébreu : neSîyàh, de ndsâh, « oublier^ ; » Septante, une fois : ÈitiXr)iT[j.ov’r 1, Eccli., xi, 27 (29) ; S. Pierre, II, i, 9, une fois : Xt, 6ï) ; Vulgate : oblivio) manque de mémoire sur un point donné.

1° Au sens littéral. — La Loi dispose que celui qui a oublié une gerbe dans son champ doit la laisser pour les malheureux. Deut., xxiv, 19. Le chef des échansons oublia Joseph dans sa prison. Gen., XL, 23. Les Apôtres oublièrent de se munir de pain avant de traverser le lac. Matth., xvi, 5 ; Marc, viii, 14. La mort fait qu’on est bien vite oublié. Eccle., ii, 16 ; viii, 10 ; rx, 5 ; Sap., ii,

4. Il ne faut pas s’éloigner des puissants si l’on ne veut pas en être oublié. Eccli., xiii, 13. Moïse donna aux Israélites un cantique que la postérité ne devait pas oublier, Deut., xxxi, 21, et Jérémie remit aux déportés un exemplaire de la Loi pour qu’ils ne l’oubliassent pas. II Mach., ii, 2.

2° Au sens figuré. — 1. On oublie certaines choses en ce sens qu’on n’en tient plus compte. Les années de disette devaient, faire oublier les années d’abondance, Gen., xli, 30, de même qu’au jour du bonheur on oublie le malheur, et réciproquement. Eccli., xi, 29. Cf. Job, XI, , 16. Dieu fera venir sur son peuple coupable une honte qu’il n’oubliera pas. Jer., xxiii, 40 ; mais un jour, Israël régénéré oubliera la honte de sa jeunesse, Is., uv, 4, et les angoisses d’autrefois. Is., lxv, 16. Joseph donna à son premier-né le nom de Manassé, parce qu’il lui faisait oublier sa peine. Gen., xli, 51. — 2. L’oubli est quelquefois l’insouciance. Le fidèle Israélite veut que sa droite oublie de se mouvoir si lui-même oublie Jérusalem. Ps. cxxxvii (cxxxvi), 5. L’affligé se sent mis en oubli, loin des cœurs, comme un mort. Ps. xxxi (xxx), 13. Job, xix, 14, se plaint aussi que ses proches l’oublient. Il est recommandé de donner du vin à celui qui va périr, afin qu’il oublie sa misère. Prov., xxxi, 7. L’enfant ne doit pas oublier les douleurs de sa mère, Eccli. , vii, 29, ni l’emprunteur celui qui a répondu pour lui. Eccli., xxix, 20. Dans la prospérité, il ne faut pas oublier son ami, Eccli, , xxxvii, 6, ni sa fin dernière pendant le cours de la vie. Eccli., xxxviii, 22. Une jeune fille n’oublie pas sa parure. Jer., ii, 32. La nation israélite a été oubliée de ses amants, Jer., xxx, 14, et elle-même a oublié les crimes de ses pères. Jer., xlix, 9. Saint Paul oublie ce qui est derrière lui, pour se donner tout entier au présent et à l’avenir. Phil., iii, 13. L’impie dit : « Dieu a oublié, » il ne se soucie pas des actes de l’homme. Ps. ix, 11. Pourtant, même un passereau n’est pas en oubli devant Dieu. Luc, xii, 6. Certains chrétiens oubliaient l’exhortation de Dieu à la patience. Heb., xii,

5. Dieu n’oublie pas leurs œuvres, Heb., vi, 10 ; cf. Eccli. , iii, 15 ; qu’eux-mêmes n’oublient ni l’hospitalité ni la bienfaisance. Heb., xiii, 2, 16. — 3. L’oubli peut encore marquer le renoncement inspiré soit par le devoir, comme quand l’épouse est invitée à oublier son peuple et la maison de son père, Ps. xlv (xliv), 11, soit par la grande affliction, comme quand l’homme durement éprouvé oublie de manger son pain, Ps. en (ci), 5, ou quand l’Israélite, après la ruine de Jérusalem, oublie le bonheur. Lam., iii, 17. — 4. L’oubli est aussi l’abandon. Jéhovah a fait oublier les solennités dans Sion. Lam., ii, 6. Judith, xvi, 23, livre le conopée d’Holoferne en anathème « d’oubli >>, d’après la Vulgate. Le êe’ôl est la terre de l’oubli, Ps. lxxxviii (lxxxvii), 13, et le sein maternel oublie le pécheur qui y est descendu. Job, xxiv, 20. La cité de Tyr sera oubliée durant soixante-dix ans. Is., xxiii, 15 ; cf. Sap., xvii, 3. — 5. L’oubli est même prêté aux animaux et aux êtres insensibles. L’autruche oublie ses œufs sous les pieds de ceux qui passent dans le désert. Job, xxxix, 17. Le pied des vivants oublie le chemin que suivent les mineurs, c’est-à-dire ne le suit pas. Job, xxvjn, 4. Le feu et l’eau ont oublié leur vertu naturelle pendant les plaies d’Egypte. Sap., xvij 23 ; xix, 19. (’"

3° L’oubli de Dieu par l’homme. — 1. JDieû a tout fait pour n’être pas oublié de son peuple, Sap., xvi, 11 ; Ps. ux (lviii), 12 ; et pourtant cet oubli coupable est fréquemment reproché à Israël. Ps. lxxviii (lxxvii), 7, 11 ; evi (cv), 13, 21 ; Deut., xxxii, 18 ; Jud., iii, 7 ; I Reg., xii, 9 ; Is., xvii, 10 ; li, 13 ; lxv, 11 ; Jer., iii, 21 ; xiii, 25 ; xviii, 15 ; xxiii, 27 ; Bar., iv, 8 ; Ezech., xxii, 12 ; xxm, 35 ; Ose., ii, 13 ; iv, 6 ; viii, 14 ; xiii, 6 ; I Mach., i, 51, etc. — 2. Nombreuses sont les exhortations à ne pas oublier Dieu, Deut., iv, 9, 23, 31 ; vi, 13 ; viit, 11, 19 ; xxv, 19 ; Ps. cm (en), 2 ; Prov., iii, 1, iv, 5, etc., et les

menaces contre ceux qui l’oublient. Job, viii, 13 ; Ps. ix. 18 ; l (xlix), 22. Il est prescrit de ne pas faire boire le roi, de peur qu’il n’oublie la loi de Dieu. Prov., xxxi, 5. Le méchant oublie cette loi. Ps. exix (cxvin), 139 ; le juste ne l’oublie pas^ Ps. exix (cxviii), 16, 6^83, 93, 109, 141, 153, 176, et il s’étonne parfois d’êlre éprouvé sans avoir oublié Dieu. Ps. xliv (xlhi), 18, 21. Israël, qui avait oublié son bercail, reviendra à Dieu pour une alliance qui ne sera jamais oubliée. Jer., L, 5, 6. — 3 Saint Jacques, i, 25, compare celui qui écoute la parole et l’oublie à celui qui se regarde dans un miroir et oublie ce qu’il y a vu. Le mauvais chrétien oublie de quelle manière il a été purifié. II Pet., i, 9.

4° L’oubli de l’homme par Dieu. — En principe, Dieu ne peut oublier sa créature que par un abandon volontaire ; il a pour elle des sentiments de bonté et de compassion. Dans sa miséricorde et sa justice, il n’oublie ni le cri du pauvre ni la clameur de l’ennemi. Ps. lxxiv (lxxiii), 19, 23. Le juste se demande parfois si Dieu ne l’a pas oublié. Ps. xm (xii), 1 ; xlii (xli), 10 ; xliv (xliii), 24 ; lxxvii (lxxvi), 10 ; Lam., v, 20. Dieu n’oubliera pas toujours les mauvaises actions de son peuple. Am., viii, 7. Il oubliera même Israël devenu infidèle, Jer., xxiii, 39, il l’abandonnera. Mais cet oubli ne sera pas définitif. Le malheureux ne sera pas toujours oublié et son cri sera entendu. Ps. ix, 13, 19. Jéhovah n’oubliera pas les affligés, Ps. x, 12, et surtout il n’oubliera pas Israël. Is., xliv, 21.

Sion dit : « Jéhovah m’a abandonnée,

Le Seigneur m’a oubliée ! »

Une femme oubliera-t-elle son nourrisson,

Sans pitié pour le fruit de ses entrailles ?

Quand les mères oublieraient,

Moi, je ne t’oublierai point ! Is-, xlix, 15.

H. Lesêtre.
    1. OUEST##

OUEST, point cardinal. Voir Occident.

    1. OURAGAN##

OURAGAN (hébreu : sôfdh, sa’ârâh, Sa’âvâh, sô’dh : Septante : xaTai-fî ? <ju<7{tek7u, 6î ; Vulgate : tenipestas, turbo), violente agitation atmosphérique produite par un vent furieux. Dans les immenses espaces, comme les grands déserts d’Afrique et d’Asie, des mouvements de l’air sont excités par l’élévation de la température et les variations de la hauteur barométrique. Les courants qui se forment alors, ne rencontrant aucun obstacle sur un sol sans relief, s’accélèrent jusqu’à atteindre une vitesse qui peut aller à 2 700 mètres par minute, soulèvent et ravagent tout sur leur passage. Quand un vent violent souffle ainsi sur mer ou sur une nappe d’eau assez étendue, il y cause une tempête. Voir Tempête. Sur terre, dans les pays chauds, ce vent violent s’appelle sirocco, khamsin, simoun, selon les contrées, ou la direction qu’il suit, et devient très funeste à la végétation et parfois aux êtres vivants.

I. Les ouragans dans la Bible. — 1° La neuvième plaie d’Egypte consista dans un formidable ouragan qui dura trois jours et couvrit le pays occupé par les Égyptiens de ténèbres si épaisses qu’on aurait pu les palper, si bien que les malheureux ne se voyaient pas les uns les autres et durent rester immobilisés à leur place. L’auteur de la Sagesse, xvii, 2-20, décrit cette plaie avec plus de détail. Il montre les Égyptiens « enchaînés tout à coup par les ténèbres, prisonniers d’une longue nuit, enfermés sous leur toit et étendus sur leur couche, retenus là comme dans une prison sans chaîne de fer ». Il parle du laboureur, du berger, de l’ouvrier, surpris dehors par le fléau et enchaînés par les mêmes ténèbres pendant que les serpents et les autres animaux, eux aussi frappés de terreur, font entendre leur voix effrayante. En même temps, les malheureux Égyptiens aperçoivent comme des fantômes et des spectres lugubres, des lueurs et des flammes qui les épouvantent, sans que rien puisse éclairer la sombre nuit dans la

quelle ils sont plongés. — Cette description convient très bien au terrible phénomène dont l’écrivain sacré a dû être témoin lui-même, celui du simoun africain, vent du sud-ouest qui souffle du désert de Libye sur l’Egypte, et parfois soulève des montagnes de sable dans lesquelles sont ensevelies des caravanes entières. Les Arabes l’appellent khamsin, c’est-à-dire « cinquante ». parce que ce vent souffle pendant une période de cinquante jours, entre mars et mai, mais durant des intervalles de deux, trois ou quatre jours, suivis d’un calme plus ou moins long. « . Il s’annonce par une chaleur d’une nature particulière, que connaissent très bien les indigènes et qui commence à les remplir d’effroi. Bientôt un point imperceptible tache au loin l’horizon ; il grandit à vue d’oeil, et, comme un immense voile qui se déploie, il envahit le ciel tout entier. L’air, d’abord tranquille, s’agite, la tempête se déchaîne, quelquefois des tourbillons se forment et ces cyclones terrestres emportent tout dans leurs cercles gigantesques. Plus souvent, l’ennemi approche sans perturbation sensible de l’air : on dirait une armée d’esprits qui s’avance silencieusement et ne manifeste sa présence que par ses dévastations. Le ciel tout d’un coup se rembrunit, l’espace est rempli de poussière, le disque solaire devient rouge comme le sang, puis livide ; tout le firmament pâlit et se colore de teintes violacées et bleuâtres. D’épais nuages de sable fin, rouges comme la flamme d’une fournaise, enveloppent toute l’atmosphère et l’embrasent comme un immense incendie. Ils brûlent tout sur leur passage ; ils aspirent la sève des arbres, ils boivent l’eau renfermée dans les outres. Lorsque le thermomètre marque de 20 à 25 degrés, le khamsin élève aussitôt la température à 40 et 50 degrés. Peu à peu les ténèbres deviennent plus épaisses ; bientôt tout est sombre, plus sombre que nos plus noires journées d’hiver, obscurcies par les plus épais brouillards ; on ne peut rien distinguer à quelques pas devant soi, on ne peut sortir, on ne peut marcher. Même jusqu’au fond des maisons, impossible d’échapper à cette poussière imperceptible qui pénètre partout, dans les appartements les mieux fermés, dans les vases les mieux couverts. Elle se dépose sur le visage comme un masque enflammé, elle s’insinue dans les narines et dans la bouche ; chargée de molécules sulfureuses, elle produit dans tout l’organisme une irritation violente, et, atteignant jusqu’aux poumons qu’elle brûle, elle peut en arrêter le mouvement et occasionner la mort. La respiration est courte et pénible, la peau se dessèche et se crispe, la transpiration s’arrête, le sang afflue à la tête et à la poitrine, on est plongé dans une prostration profonde, on se sent impuissant et désarmé contre un si terrible ennemi. Le cbameau se jette à terre et enfonce le nez dans le sable, les animaux se cachent, les hommes s’enveloppent la tête d’un pan de leur manteau, ils abandonnent leurs huttes ou leurs tentes, ils descendent dans les souterrains, dans les puits et dans les tombeaux, où ils sont comme « enchaînés par les ténèbres ». Sap., xvii, 2… On est réellement plongé dans une atmosphère ou une mer de sable brûlant, de sorte que les ténèbres qui vous enveloppent sont véritablement des ténèbres palpables. Exod., x, 21. » Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 343-345. À la neuvième plaie d’Egypte, le fléau fut d’autant plus terrible que Dieu lui-même le déchaînait pour vaincre l’obstination du pharaon. À en croire Hérodote, iii, 26, Cambyses aurait envoyé de Thèbes, en Egypte, une armée de cinquante mille hommes, pour réduire les habitants de l’oasis d’Ammon, à sept journées de marche au nord-ouest, à travers les sables. À mi-chemin, le vent du sud, le khamsin, s’éleva et ensevelit toute l’armée sous les sables amoncelés par la violence de l’ouragan. Cette catastrophe n’est pas incroyable, étant donnée la puissance destructive du khamsin et l’inertie par laquelle il paralyse tout

d’abord ses victimes. Des caravanes ont souvent péri, entièrement ou partiellement, au milieu d’ouragans déchaînés dans les déserts de sable. — 4° Des effets analogues sont produits par le simoun dans le grand désert d’Arabie, qui occupe la plus grande partie de la presqu’île Arabique, de l’Euphrate à l’océan Indien. Les caravanes de la Mecque ont beaucoup à en souffrir. Cf. Didot, Univers pittoresque, Egypte moderne, 3° part., p. 96-98. Asarhaddon, plus heureux que Cambyse, put faire traverser de l’est à l’ouest le désert d’Arabie par son armée pour aller soumettre les chefs arabes du pays de Bâzou. Cf. Arabie, t. i, col. 866 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, t. iii, 1899, p. 359. La Sainte Écriture mentionne l’action de ce simoun dans le Hauran, Job, i, 19, aux environs de Babylone, Is., XXI, 1, et en Palestine, sur laquelle il souffle de l’est. Ose., XIII, 15. La Palestine, en effet, située entre les deux grands déserts d’Afrique et d’Asie, subit le contre-coup atténué des ouragans qui s’y développent. « Le simoun est un vent semblable au khamsin, mais propre au désert d’Arabie : il visite la Syrie et la Palestine et souffle pendant tout le temps chaud, et non à une époque exactement déterminée, comme le khamsin. » Ebeling, Dos Ausland, 12 mars 1878, p. 636. Voir Vent.

II. Comparaisons tirées des ouragans. — 1° Osée, Vin, "7, pour prédire à Israël le châtiment qui va lui arriver par sa faute, dit que « ceux qui ont semé le vent récolteront la tempête ». Cependant, après la tempête, Dieu ramène le calme, Tob., iii, 22, en faisant succéder la consolation à l’épreuve. — 2° Le jour de Jéhovah, c’est-à-dire le moment de sa vengeance contre Babylone, va venir avec la rapidité et la violence de l’ouragan dévastateur. Is., xiii, 6. Pour exercer son jugement rigoureux contre les nations, Jéhovah accourra « sur son char semblable à l’ouragan ». Is., lxvi, 15. C’est aussi du sein du tourbillon, c’est-à-dire dans l’attitude de la puissance à laquelle rien ne résiste, que Dieu répond à Job pour le rappeler à l’humble soumission. Job, xxxviii, 1 ; XL, 1. — 3° Le tourbillon qui passe est l’image du méchant et du peu de durée de sa fortune. Prov., x, 25. Le malheur fond parfois sur l’homme comme l’ouragan et l’enveloppe comme le tourbillon. Prov., i, 27. L’ouragan, par sa soudaineté et sa fureur, est encore le symbole des armées ennemies, Ezech., xxxviii, 9 ; Dan., xi, 40 ; Hab., iii, 14, et des chars qui les amènent. Is., v, 28 ; Jer., iv, 13. Les caractères de l’ouragan conviennent bien à ces armées des anciens qui apparaissaient soudain sans déclaration de guerre, sans que rien avertît de leur approche, et qui s’appliquaient précisément à surprendre leur proie à l’improviste.

H. Lesêtre.

OURS (hébreu : dob ou dôb ; chaldéen : dob ; Septante : apxToc ; Vulgate : ursus), mammifère Carnivore, type de la famille des ursidés.

1° Histoire naturelle. — 1. L’ours est d’assez grande taille, mais ses formes sont trapues, ses membres épais, sa tête forte, avec un museau pointu, ses yeux petits et vifs, ses oreilles courtes et mobiles, ses pieds terminés par cinq doigts pourvus d’ongles puissants, son pelage composé de poils longs et d’une seule couleur. Sa démarche est lourde et lente, d’où son nom de dob en hébreu et de dub en arabe, venant du verbe dâbab, « marcher lentement. » L’ours peut se tenir droit sur les pattes de derrière et il grimpe aux arbres avec agilité. Bien que Carnivore, il n’est point sanguinaire, se nourrit surtout de graines et de fruits et ne mange de chair que quand il a grand faim. Il est intelligent et facilement apprivoisable. L’ours met bas d’un à cinq petits, en prend grand soin et les défend avec grand courage. — 2. L’ours de Syrie, ursus syriàcus (fig. 502), est le même que l’ours brun d’Europe, ursus arclos, dont il ne diffère que par la couleur plus claire de son

pelage. Il se nourrit également de graines et de fruits, et, très friand de lentilles, cause de grands dommages aux récoltes au bas des pentes de l’Hermon, ce qui ne l’empêche pas à l’occasion de rendre visite aux brebis et aux chèvres des villages. On rencontre fréquemment ses traces sur la neige de l’Hermon et du Liban ; en dehors de là, on ne l’aperçoit plus guère en hiver que dans les ravins qui avoisinent le lac de Tibériade. Lortet, La Syrie’d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 559, 649,

-Jtil-f.r

502. — Ursus syriacus.

signale sa présence en grand nombre dans les rochers de l’Hermon, dans les forêts d’Afka et dans les gorges de l’Adonis, et remarque qu’il est grand amateur de miel, mais peu redoutable pour les hommes. Cf. Tristram, The naturàl History of the Bible, Londres, 1889, p. 46-69. — 3. Autrefois il y avait beaucoup plus d’ours qu’aujourd’hui en Palestine, comme le donnent à penser les allusions, relativement fréquentes, de la Bible. Les Syriens les chassaient dans le Liban et les amenaient en tribut aux Égyptiens (fig. 503). Aux portes de Ninive,

503. — Ours et éléphant amenés en tribut. Peinture du tombeau

de Rekhmara.

D’après Wilkinson, Manners and customs, t. i, pi. H.

il y avait des ours gardés en cage, avec des chiens et des sangliers, pour l’amusement de la populace. CJjTMSspero, Histoire ancienne des peuples de VOrietit classique, Paris, t. iii, 1899, p. 351.

2° Les ours dans la Bible. — David, quand il était berger, poursuivait l’ours, lui arrachait la brebis qu’il avait saisie, le prenait par la mâchoire et le tuait. I Reg., xvii, 34, 36, 37. Cf. Eccli., xlvii, 3. Il n’y a pas lieu de s’étonner de cette vigueur, puisqu’il pouvait traiter le lion de la même manière. — Le cas des deux ours qui sortent de la forêt voisine de Béthel et déchirent quarante-deux enfants, insulteurs d’Elisée, est extraordinaire, IV Reg., ii, 24. C’est sans doute par l’ordre de

Dieu que les deux animaux font preuve d’une férocité qui ne leur était pas habituelle. Il en eût été de même des ours que Dieu aurait pu envoyer contre les Égyptiens. Sap., xi, 18. — Il n’y a sérieusement à craindre que l’ours sâkkûl, « privé de ses petits, » II Reg., xvii, 8 ; Prov., xvii, 12 ; Ose., xiii, 8, ou l’ours affamévProv., xxviii, 15, qui se tient aux aguets pour saisir une proie, Lam., lii, 10, et qui est alors à redouter comme le lion-Am. , v, 19. — Au temps du Messie, on verra la vache et l’ours dans le même pâturage. Is., xi, 7. — Israël repentant doit faire entendre des gémissements comme les grondements de l’ours. Is., lix, 11. — L’ours apparaît dans une vision de Daniel, vii, 5, et, dans une autre de saint Jean, il y a une bête pourvue de pieds d’ours. Apoc, xiii, 2. — Il est dit de la méchante femme qu’elle a le visage sombre comme celui d’un ours. Eccli., xxv, 24. Les Septante ont « comme un sac ». Mais le texte hébreu donne raison à la Vulgate.

H. Lesêtre.
    1. OURSE##

OURSE (GRANDE-), nom d’une constellation. — Au livre de Job, IX, 9, on lit que Dieu a créé’as, kesîl, voir Orion, col. 1891, et kîmâh, voir Pléiades. Les Septante traduisent par les « Pléiades, Vesper et Arcturus », et la Vulgate par « Arcturus, Orion et les Hyades ». Dans un autre passage, Job, xxxviii, 32, on litencore : « Conduis-tu’ayiS avec ses petits ? » Les Septante et la Vulgate traduisent’dyîS, par "Esirspo ; , Vesper, « l’étoile du soir. »

504. — Constellation de la Grande-Ourse.

Les deux formes’ds et’ayis ont la même signification ; le néo-hébreu yûta, Berachoth, 58.6, donne même à croire que la seconde forme est primitive. Le mot hébreu se rattacherait à l’arabe n’as, « litière » à porter les morts, et, à ce titre, désignerait la Grande-Ourse et la Petite-Ourse. On sait que les deux constellations (fig. 504), se composent chacune de quatre étoiles disposées en rectangle à peu près régulier. Elles représentent, aux yeux des Arabes, une litière funèbre. De l’un des angles de chaque rectangle partent trois autres étoiles qui paraissent former cortège à la litière, et que l’auteur de Job, xxxviii, 32, appelle les benêt, les « filles » de’ayis. Cf. Niebuhr, Beschreibung von Arabien, Copenhague, 1772, p. 114, 115 ; Wetzstein, dans Frz. Delitzsch, Das Buch lob, Leipzig, 1876, p. 501 ; Gesenius, Thésaurus, p. 895 ; Hommel, dans Zeitschrift der deutsch. morgenlând. Gesellschaft, t. xlv, p. 594, etc. A la suite des Septante, Job, ix, 9, et du Targum, zagtâ, Job, xxxviii, 32, quelques auteurs regardent’ayis comme le nom des Pléiades. Cf. Hoffmann, dans la Zeitzschrïft fur die alttest. Wissenschaft, t. iii, p. 108, 279 ; etc. Mais la Grande-Ourse est une constellation trop importante pour qu’il n’en soit fait nulle mention dans la Bible, et c’est à la Grande, bien plutôt qu’à la Petite, que fait allusion l’auteur de Job. Parmi les étoiles qui la composent, il y en a quatre de deuxième grandeur, et elle ne disparait jamais de l’horizon, tandis que la constellation des Pléiades est beaucoup moins importante et qu’en été, dans notre hémisphère, elle demeure sous l’horizon. Le nom de « filles » convient aussi bien mieux aux étoiles qui semblent suivre la Grande-Ourse, tandis que les Pléiades forment un groupe compact. Voir Hyades, t. iii, fig. 162, col. 789. Enfin le nom de’aS, donné aux quatre étoiles majeures de la Grande-Ourse par les Arabes et les Juifs du golfe Persique, au rap

port de Niebuhr, Beschreibung von Arabien, p. 114, est une indication qui suppose une tradition ancienne sur la valeur des termes hébreux’as et’ayîs. Dans Job, ix, 9, la Vulgate traduit’as par Arcturus, qui est une étoile de première grandeur, faisant partie de la constellation du Bouvier, voisine de la Grande-Ourse ; cette étoile se trouve d’ailleurs sur le prolongement des trois étoiles qui se détachent du rectangle de la Grande-Ourse, d’où son nom d"ApxTo£ipo< ; , « queue de l’Ourse. » Voir Arcturus, t. 1, col, 937. Dans l’autre passage de Job, xxxviii, 32, les versions traduisent’ayU par « étoile du soir », c’est-à-dire la planète Vénus, à laquelle on ne peut attribuer des « fdles ». Dans le langage populaire, les deux Ourses se nomment le Grand-Chariot et le Petit-Chariot, appellation qui se justifie par la forme des constellations, comme celle de « litière », adoptée par les Arabes. Pour les Égyptiens, la Grande-Ourse représentait la cuisse postérieure du bœuf, masypit, et c’est Sous cette forme qu’ils la figuraient, posée sur le bord septentrional de l’horizon (fig. 505). Elle est en

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505. — La Grande-Ourse figurée chez les Égyptiens. D’après Dumichen, Résultats, t. ii, pi. 39.

chaînée à l’hippopotame, qu’on identifie avec la constellation du Dragon et d’autres étoiles environnantes. Biot, Sur les restes de l’ancienne Uranographie égyptienne, p. 51, dans le Journal des savants, 1854, a confirmé l’identité de la Cuisse égyptienne et de la Grande-Ourse précédemment découverte par Lepsius, Einleitung zvr Chronologie der Aegypter, Leipzig, 1848, p. 184. Aujourd’hui encore les Bédouins des Pyramides appellent er-Rigl, « la cuisse, » la constellation que les anciens Égyptiens appelaient du même nom. Cf. Brugsch, Die

Aegyptologie, Leipzig, 1891, p. 343.
H. Lesêtre.
    1. OUTRAGE##

OUTRAGE (hébreu : herpâh, kelimmâh, qâlôn ; Septante : âtip-to, àve18 ! ff(i(5 « , û6pt ;  ; Vulgate : contumelia ignominia, injuria, opprobrium), insulte qui dépasse les bornes, en paroles ou en actes. — 1° Dans l’Ancien Testament, la Sainte Écriture signale les outrages infligés à Dina, fille de Jacob, par Sichem, Gen., xxxiv, 25 : à Joseph par la femme de Putiphar, Gen., xxxix, 1220 ; à Job par sa femme, Job, i, 9, ses amis, Job, iv, 211 ; xi, 2-12, etc., et ses ennemis, Job, Xvi, 11 ; à David par Nabal, I Reg., xxv, 10, 11, et Séméi, II Reg., xvi, 5-12 ; à Urie par David, II Reg., xi, 3-13 ; à Thamar par Amnon, II Reg., xiii, 10-17 ; aux habitants de Jérusalem par l’échanson assyrien, II Reg., xviii, 19-35 ; à Jérémie par ses ennemis, Jer., xi, 19-21 ; xx, 1-3 ; xxvi, 7-11 ; xxxviii, 4-6 ; aux Israélites par leurs voisins hostiles ou jaloux, Ps. lxxix (lxxviii), 12 ; Jer., li, 51 ; Ezech., xxxv, 12 ; aux justes par les méchants. Prov., xxii, 10 ; Sap., ii, 10-20 ; Ps. lxix (lxviii), 10 ; Lam., iii, 30. Le juif Razis, renommé pour sa grande bienfaisance, se tua de la manière la plus tragique plutôt que de subir les outrages dont le menaçait Nicanor. III Mach., xiv, 7-46. — 2° Dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur est l’objet de nombreux outrages, de la part des gens de Nazareth, Luc, iv, 28-29 ; de ses propres parents, Marc, iii, 21 ; des Samaritains, Luc, ix, 53 ; des pharisiens, Matth., xii, 24 ; Marc, iii, 22 ; Luc, xi, 15 ; cf.

Luc, xr, 45 ; des Juifs et des scribes de Jérusalem, Joa. r v, 16 ; vii, 30 ; viii, 48, 59 ; x, 20, 39 ; Marc, xi, 18 ; Luc, xix, 47 ; Matth., xxi, 40 ; Marc, xii, 12 ; Luc, xx, 19, et, pendant sa passion, de la part de ceux qui l’arrêtent au jardin de Gethsémani, Matth., xxvi, 50-55 > Marc, xiv, 46. 48 ; Luc, xxii, 52 ; Joa., xviii, 12 ; du valet de Caïphe, Joa., xviii, 22 ; des valets des grandsprêtres, Matth., xxvi, 67, 68 ; Marc, xiv s 65 ; Luc, xxir, 63, 65 ; des Juifs devant Pilate, Luc, xxiii, 2, 5 ; Joa., xviii, 30 ; d’Hérode, Luc, xxiii, 11 ; des Juifs lui préférant Barabbas, Matth., xxvii, 21-23 ; Marc, xx, 13, 14 ; Luc, xxiii, 18, 21-23 ; Joa., xviii, 40 ; des soldats de Pilate, Matth., xxvii, 26-29 ; Marc, xv, 16-19 ; Joa., xix, 1-3 ; des Juifs et des larrons à la croix, Matth., xxvii, 39-44 ; Marc, xv, 29-32 ; Luc, xxiii, 35-39, et, même après sa mort, des membres du sanhédrin. Matth., xxvii, 63. Notre-Seigneur lui-même avait parlé des outrages infligés aux serviteurs du père de famille par lea invités aux noces, Matth., xxii, 6 ; Marc, xii, 4, et par les vignerons homicides. Luc, xx, 11. Il avait aussi annoncé à ses Apôtres les outrages qu’ils auraient à subir à cause de lui. Matth., xxiv, 9 ; Marc, xiii, 9 ; Luc, xxi, 12-17 ; Joa., xvi, 2. Les Apôtres les endurèrent avec joie. Act., v, 41. Saint Paul en eut sa large part. Act., xiv, 5 ; II Cor., xii, 10 ; I Thess., ii, 2. Tous les chrétiens y sont exposés. Heb., x, 33.

H. Lesêtre.
    1. OUTRE##

OUTRE (hébreu : ’ôb, hêmét, n’ôd, nêbél ; Septante ; àaxôç, et deux fois véëeX, reproduction phonétique du

506. — Femme battant le beurre dans une outre. D’après H. S. Osboræ Palestine past and présent, p. 441.

mot hébreu ; Vulgate : uter), récipient fait avec une peau de bête. — L’outre est destinée à contenir différents liquides, et même de l’air. 1° L’eau. Telle est l’outre dont Abraham pourvut Agar, quand il la chassa au désert. Gen., xxi, 14, 15, 19. Les Gabaonites, pour se présenter à Josué, se munirent de vieilles outres, afin de simuler un long voyage. Jos., ix, 4, 13. Voir t. ii, fig. 341, col. 963, un enfant assyrien buvant à une outre qu’on lui tend. Au figuré, Job, xxxviii, .37, compare les nuages à des outres qui versent la pluie. Les Psalmistes disent que Dieu rassemble les eaux de la

mer comme dans une outre, Ps. xxxm (xxxii), 7, et qu’à la mer Rouge il retint les eaux dressées comme en une outre. Ps. lxxviii (lxxvii), 13. Cette comparaison traduit d’une manière populaire la loi par laquelle Dieu a assigné leur domaine aux eaux supérieures du firmament et aux eaux inférieures de la mer. Gen., i, 7 ; Prov.,-vin, 27-29. — 2° Le lait. Pour donner à boire à Sisara, Jahel ouvre l’outre du lait et la lui présente. Jud., iv, 19. Cf. v, 25. On conserve encore aujourd’hui en Palestine le lait aigri dans des outres et l’on s’en sert aussi pour battre le beurre (fig. 506). — 3° Le vin. Il est plusieurs fois parlé d’outrés servant à contenir et à transporter le vin. I Reg., i, 24 ; x, 3 ; xvi, 20 ; xxv, 18 ; II Reg., xvi, 1 ; Jer., xiii, 12. Les anciens exposaient à la fumée les outres remplies de viii, afin de faire vieillir ce dernier et de le rendre plus doux. Voir Fumée, t. ii, col. 2413. Un psalmiste, en butte aux vexations de ses persécuteurs, se compare à l’outre de vin exposée à la fumée qui se dégageait dans la maison hébraïque, dépourvue de cheminée. Ps. cxix (cxviii), 83. Cf. Fr. Delitzscb, Die Psalnien, Leipzig, 1874, t. ii, p. 248. Dans Job, xxxil, 19, Éliu, pressé de parler après les trois interlocuteurs qui l’ont précédé, dit que son cœur « est

507. — Femme vidant une outre.

D’après Rich, Dict. des antiq. rom. et grecques, p. 692.

comme un vin renfermé, comme une outre remplie de vin nouveau qui va éclater » ; littéralement « comme des outres nouvelles », mais par synecdoque, car c’est le vin qui est nouveau et non les outres, autrement elles résisteraient à la pression. Le vin nouveau fermente et dégage des gaz qu’une peau imperméable ne laisse pas échapper. Il faut donc qu’à un moment donné l’outre éclate, si son orifice reste lié. Notre-Seigneur emprunte la comparaison d’Éliu et observe qu’on ne met pas le vin nouveau dans de vieilles outres, incapables de résister à la pression intérieure, mais dans des outres neuves, assez résistantes pour garder le vin. Matth., ix, 17 ; Marc, H, 22 ; Luc, xxxvii, 38. Même chez les Grecs et les Romains, on se servait habituellement d’outrés pour transporter le viii, et, dans les plus anciens temps, pour L le verser directement dans les coupes, comme le montre une peinture de Pompéi (fig. 507). — i » L’air. La Sainte Écriture ne parler 33 d’outrés gonflées d’air. Mais les Israélites, pendant la captivité, virent souvent les outres gonflées servir de moyen de transport sur l’eau. Les monuments montrent des Assyriens gonflant eux-mêmes leurs outres à la bouche, se mettant à cheval dessus pour traverser les cours d’eau, voir Nage, fig. 397, col. 1459 ; cꝟ. 5. Jérôme, Vit. Malchi mon., 8, t. xxiii, col. 57, ou en formant le fond de radeaux destinés à porter des pierres à bâtir (fig. 396, col. 1459). Une inscription de Salmanasar II raconte que ce monarque passa l’Euphrate débordé sur des radeaux d’outrés gonflées. Cf. "Vigouroux,

La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, -t.- iii, p. 459. Les Assyriens employaient d’ailleurs aussi les outres au transport des liquides (fig. 508). — 5° Les anciens faisaient des outres avec des peaux de chèvre, de porc, de bœuf, etc., dont on lutait soigneusement les coutures^ avec de la poix. Cf. Pline, H. A’./^xxviii, 72 ; Ovide, Am., iii, 12, 29 ; César, Bell, civ., i, 48. Le& riverains du Tigre et de l’Euphrate se servent encore d’asphalte et de bitume pour imperméabiliser les outres utilisées par la batellerie. Ces minéraux abondent dans les collines miocènes qui bordent es deux fleuves, et

508. — Assyrien portant une outre pleine. D’après Botta, Monument de Ninive, t. i, pi. 38.

déjà on les voit employés par Noé pour rendre sor » arche étanche, Gen., vi, 14, et par Samas-napistim. pour luter les parois de son bateau. Cf. Yigouroux, La Bible et les déc. tnod., t. i, p. 313, lig. 66-67 ; Revue de& questions scientifiques, Rruxelles, oct. 1902, p. 580. L’industrie de la fabrication des outres prospère encoreaujourd’hui en Palestine, spécialement à Hébron, où « plusieurs grands ateliers fabriquent des outres en cuir destinées aux caravanes. Ces récipients sont faits avec des dépouilles entières de bouc et de chèvre que l’on a retournées jusque sur la nuque ; les ouvertures laissées par la queue et les jambes sont ensuite cousues avec soin. Ces peaux, d’abord bourrées pendant un certain temps avec des copeaux et des débris de bois de

chêne, sont remplies de nouveau avec de Vécorce du quercus Palsestina, qui est très chargée en tannin, jusqu’à ce que les poils restent solidement fixés et que le cuir soit suffisament tanné. Lorsqu’elles ont subi toutes les préparations nécessaires pour les rendre souples et incorruptilbes, elles se vendent de 2 fr. 40 à 6 fr. 40 la pièce. Ces outres sont recherchées dans toutes les contrées arides du Sinaï, de Pétra et de l’Arabie. » Lortet, La Sxjrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 329. En Egypte, on n’a pas cessé de se servir des outres pour le transport de l’eau, soit de celle qu’on vend, soit de celle avec laquelle on arrose.

H. Lesêtbe.

    1. OUVRIER##

OUVRIER (grec : èpfâtï] ;  ; Vulgate : operarius, opifex), celui qui travaille à un métier. Voir Artisans, t. i, col. 1044. — Le mot est quelquefois employé pour désigner ceux qui travaillent à une œuvre morale ou immorale. Devant Judas Machabée reculent et tremblent les ouvriers d’iniquité, c’est-à-dire les Juifs impies qui adoptaient et propageaient les mœurs païennes. I Mach., m, 6. Notre-Seigneur appelle du même nom ceux qui seront un jour condamnés par le Juge suprême. Luc, xiii, 27. Saint Paul donne le nom d’ouvriers astucieux et mauvais aux prédicateurs judaïsants qui le poursuivent partout. II Cor., xi, 13 ; Phil., iii, 2. — Il recommande à Timothée d’être un ouvrier qui n’ait pas à rougir, II Tim., ii, 15, et remarque d’ailleurs que l’ouvrier, c’est-à-dire le prédicateur de l’Évangile, mérite

son salaire. I Tim., v, 18.
H. Lesêtre.

OZA (hébreu : ’Uzzdh, « force » ), nom de quatre Israélites.

1. OZA (Septante : ’OÇoc), lévite, fils d’Abinadab, dans la maison duquel l’arche demeura pendant vingt ans, sur la colline ((iabaa) de Cariathiarim, lorsqu’elle eut été renvoyée par les Philistins. I Reg., vii, 2. Abinadab avait trois fils, dont l’aîné s’appelait Éléazar, et les deux autres Oza et Ahio. Éléazar avait été chargé de la garde de l’arche pendant le séjour qu’elle fit dans la maison de son père. I Reg., vii, 1. Quand David eut résolu de la faire transporter à Jérusalem, elle fut placée sur un char neuf, et Oza et Ahio conduisirent le char. Ahio précédait l’arche ; Oza se tenait sans doute à son côté. David et ses musiciens lui faisaient cortège en jouant de leurs instruments. Arrivé à l’aire de Nachon (ou Chidon ; voir ces mots), le char pencha, glissant sans doute sur le sol, c Oza étendit la main vers l’arche de Dieu et la saisit, parce que "les bœufs s’emportaient. La colère de Jéhovah s’enflamma contre Oza et Dieu le frappa sur place à cause de sa faute, et il mourut là à côté de l’arche de Dieu… Et ce lieu a été appelé jusqu’à ce jour Pérès’Uzzah (brèche d’Oza). » II Reg., , vi, 68. Josèphe, Ant. jud., VII, iv, 2, dit qu’Oza fut frappé, parce qu’il avait porté les mains sur l’arche n’étant pas prêtre. Cf. Num., iv, 15. Il avait sans doute manqué de respect envers elle, comme autrefois les Bethsamites. I Reg., vi, 19. Le texte original dit, selon la traduction la plus probable, qu’il fut frappé « à cause de sa faute », ’al has-sâl (Vulgate : super tèmeritate). D’après Théodoret, Quxst. in H Reg., interr. xix, t. lxxx, col. 611, la faute consista en ce que l’arche était portée sur un char et non sur les épaules des prêtres, comme le prescrivait la loi. Exod., xxv, 14. Cf. Arche d’alliance, iv, t. i, col. 919. Plus tard, le roi David eut soin de ne pas commettre la même illégalité dans la seconde translation. I Par., xv, 11-15. Quand Oza fut frappé, sa mort produisit une telle émotion que le roi renonça à son projet et fit déposer l’arche dans la maison d’Obédédom. Voir Obédéoom, col. 1719. II Reg., vi, t. i, 3-8 ; I Par., xiii, 7-11.

Quelques commentateurs ont cru qu’Oza n’était pas de la tribu de Lévi, mais leur opinion n’est pas admis sible. On n’en peut guère douter : c’est parce que son père Abinadab était lévite que l’arche fut déposée dans sa maison à Cariathiarim et ce n’est que parce que son fils Éléazar était lévite qu’il pût être « consacré » (hébreu : qidsû ; Vulgate : sanctificaverant) pour garder l’arche. I Reg., vii, 1. Si Abinadab est le même qu’Amminadab. I Par, , xv, 10, un des chefs des lévites qui furent chargés du transport de l’arche, de la maison d’Obédédom à Jérusalem, le père d’Oza et ses fils descendaient d’Oziel et étaient par conséquent des Caathites. Cette identification peut se confirmer par les Septante qui écrivent, non Abinadab, mais’Aquva8âë, I Reg., vii, 1, et par Josèphe qui écrit aussi’A[ifuvà-Saêoç, Ant. jud., VI, I, 4, et dit qu’il était lévite. On comprend alors facilement pourquoi David chargea Amminadab de présider au transport de l’arche de la maison d’Obédédom à Jérusalem ; ce lévite était de la famille de Caath, dont une des fonctions consistait à porter l’arche, Num., iv, 15, cꝟ. 5, et, s’il est le même qu’Abinadab, il était juste et naturel qu’ayant gardé l’arche pendant vingt ans dans sa maison, il l’accompagnât dans sa nouvelle demeure.

2. OZA (Septante : ’OZi), probablement le nom de l’ancien propriétaire d’un jardin mentionné IV Reg., xxi, 18, 26, et dans lequel furent ensevelis les rois de Juda Manassé et Amon, son fils. On peut conclure qu’il était situé à Jérusalem du fait qu’il est appelé « le jardin de la maison » du roi Manassé. IV Reg., xxi, 18 ; II Par., xxxm, 20. Ce n’était pas le lieu ordinaire de la sépulture des rois)de Juda et c’est peut-être Manassé qui l’avait acheté à Oza. Nous ignorons où se trouvait le palais de Manassé.

3. OZA (Septante : ’O^a), lévite, fils de Séméi, de la famille de Mérari. I Par., VI, 29 (hébreu, 14).

4. OZA (Septante : ’AÇri), de la tribu de Benjamin, fils de Géra. I Par., viii, 7. Voir Géra 2, t. iii, col. 197.

OZAN (hébreu : ’Azzdn ; Septante : ’OÇâv), de la tribu d’Issachar, père de Phaltiel. Phaltiel reçut de Moïse, au nom de Dieu, la mission de représenter la tribu d’Issachar dans le partage de la Terre Promise. Num, xxxiv, 26.

    1. OZAZIU##

OZAZIU (Hébreu : ’Azazydhû, « fortifié par Jéhovah » ), nom de trois Israélites dans le texte hébreu. La Vulgate écrit le nom du troisième Azarias. II Par., xxxi, 13. Voir Azarias 22, t. i, col. 1301.

1. OZAZIU (Septante : ’OÇi’aç), lévite, qui jouait de la harpe (kinnôr) dans les cérémonies sacrées, du temps de David. I Par., xv, 21.

2. OZAZIU (Septante : ’OÇe’ou). père d’Osée. Son fils fut placé à la tête de la tribu d’Ëphraïm, sous le règne de David et de Salomon. I Par., xxvii, 20.

    1. OZENSARA##

OZENSARA (hébreu : ’Uzzên-Sé’ërdh, « l’oreille » ou « l’ongle de’Sara », localité fondée, ainsi que les deux Béthoron, par Sara, fille de Béria, fils d’Éphraïm. I Par., vii, 24. La traduction des Septante xoi ulot’OÇiv Sîiipâ, montre qu’ils ont lu mNtf ]w > : ai, au lieu de

mNtf ]WtW-i, que porte le texte massorétique. La plupart des versions rendent le passage des manières les plus diverses. Le contexte justifie plutôt les massorètes et ne permet pas de douter qu’il s’agit d’une localité.

Quelques palestinologues ontcru reconnaître ledouble nom d’Uzzên-Sé’ërâh, dans ceux de deux villages voisins du district de Naplouse, l’ancienne Sichem : Beit-Êden, situé à quatre kilomètres et demi à

l’ouest-nord-ouest de cette ville, et Serra à trois kilomètres et demi, au sud-ouest du dernier. Cf. Rich. von Riess, Bibel-Atlas, Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 29. Les noms ne sont pas, il est vrai, sans similitude ; mais ces localités distantes d’environ cinquante kilomètres de Béthoron ne sauraient avoir appartenu au territoire qui forma l’apanage de la fille de Béria, et où il semble qu’il faille chercher la localité bâtie par elle, dans le voisinage des deux autres. À quatre kilomètres à l’ouest légèrement sud de Beit’Our et-tafctâ, Béthoron-le-bas, situé lui-même à trois kilomètres au nord-ouest de Beit’Our el-fôqâ, Béthoron-le-haut, on trouve, répondant parfaitement à cette condition, une localité connue sous le nom de Beit-Sirû, dont la seconde partie du composé est évidemment identique à Sé"ërâh, légèrement déformé par la prononciation arabe. Les palestinologues voient aujourd’hui en cet endroit l’Ozensara de la Bible. Cf. Armstrong, Wilson et Conder, Names

de Beit-Sirâ, toute musulmane, est d’environ 200 âmes. Voir V. Guérin, Description à la Judée, t. i, p. 138 ; The Survey of Western Palestine, Memoirs, t. iii, p. 16.

L. Heidet.

OZI (hébreu, ’Uzzî, probablement abréviation de’Vzzîyâh ou’Uzzî’êl, <s Jéhovah ou Dieu est ma force, » voir Oziel), nom, en hébreu, de six Israélites. Dans la Vulgate, quatre d’entre eux sont appelés Ozi et les deux autres Azzi. Voir Azzi 1 et Azzi 2, t. i, col. 1314. La Vulgate a un cinquième Ozi qui est nommé en hébreu’Vzaï.

1. OZI (Septante : ’OÇQ, descendant d’Aaron et d’Éléazar, fils de Bocci et le sixième des grands-prêtres juifs. I Par., vi, 5, 6, 51. Il fut un des ancêtres d’Esdras. I Esd., vii, 4. Nous ne savons rien de son pontificat. Voir Grand-Prêtre, t. iii, col. 304 ; Bocci 2, t. i, col. 1823.

509. — Beit-Sirâ. D’après une photographie de M. L. Heidet.

and Places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 178.

Beit-Sirâ (fig. 509) est bâtie sur une colline en forme de mamelon s’élévant de quarante mètres environ au-dessus de la belle vallée d’Aïalon qu’elle commande au nord, comme la commande au sud le village de Yâlô l’antique Aîalon, située en face à six kilomètres. La colline est rocheuse ainsi que toutes les montagnes qui l’entourent en hémicycle. Dans les interstices des rochers garnis de terre végétale, croissent d’assez nombreux oliviers et des plantations étendues de cactus. Des grottes sépulcrales et des citernes entièrement creusées dans le roc, attestent l’antiquité de la localité.

Un ouély à coupole est dédié à nébi-Sird. On peut se demander si le souvenir du <. prophète » Sira qui passe pour le fondateur du village, ne serait point celui de la fille d’Ephraïm altéré ? Le village actuel se compose d’une trentaine de masures toutes construites en pierre et à voûtes. Dans les murs, on voit d’assez beaux blocs régulièrement taillés ayant appartenu à d’anciennes constructions. Dans le village, on remarque les vestiges de la voie romaine montant de Nicopolis, l’ancienne Emmaûs, à Jérusalem par les deux Béthoron. Elle fut construite elle-même à la place du chemin antique suivant la descente de Béthoron par où les Chananéens coalisés, vaincus par Josué à la bataille de Gabaon, s’enfuyaient quand ils furent atteints par la pluie de pierres qui acheva leur défaite. La population

2. OZI (Septante : ’OîO, fils aîné de Thola et petit-fils d’Issachar. il eut un fils appelé Izrahia. I Par., vii, 2, 3.

3. OZI (Septante : ’OçQ, fils de Bêla et l’un des principaux et des plus vaillants de la tribu de Benjamin. I Par., vii, 7. Les cinq chefs des familles benjamites énumérés dans ce ꝟ. 7 ne sont pas des fils proprement dits, mais des descendants de Bêla. Voir Benjamin 1, t. i, col. 1589.

4. OZI (Septante : ’O ; 0> Als de Mochori et père d’Éla, de la tribu de Benjamin. Ses descendants s’établirent à Jérusalem après le retour de la captivité de Babvlone. I Par., ix, 8.

5. OZI (hébreu : ’Vzaï, « fort » ; Septante : EiÇa’î ; Sinaiticus : Ejei), père de Phalel. Ce dernier vivait du temps de Néhémie et travailla à la reconstruction des murs de Jérusalem. II Esd., iii, 25.

OZIA (hébreu : ÇUzzîâ’, probablement pour’Vzziydh, c< Jéhovah est ma force ; » Septante : ’OÇiâ), un des gibbôrim de David. Il était Astarothite, c’est-à-dire originaire d’Astaroth. I Par., xi, 44.

    1. OZIAS##

OZIAS, nom de six Israélites dans la Vulgate. Le nom est écrit en hébreu, tantôt sous la forme complète d943

OZIAS

1944’Uzziyâhu, tantôt sous la forme apocopée’Uzziydh, « Jéhovah est ma force. » — Le nom hébreu est transcrit dans la Vulgate par Aziam, II Esd., xi, 4 ; par Ozia I Par., xi, 44.

    1. OZIAS ##

1. OZIAS (hébreu : ’uzziyyàh et’uzzîyydhû, « Jéhovah est force ; » Septante. : ’Ottac), roi de Juda (809-757 ou 811-760, suivant les systèmes chronologiques). Dans IV Reg., xv, 1-7, ce roi porte le nom d’Azarias, ’Azaryàh ou’Azaryâhù, « Jéhovah aide ». Comme il est assez peu probable qu’un roi de Juda ait eu deux noms à la fois, Gesenius, Thésaurus, p. 1011, pense qu’il y a eu erreur des copistes, à cause de la similitude des deux noms rw et nnu, le second ne différant que par l’addition d’un "i. Le nom d’Azarias ne se lit que dans IV Reg., xiv, 21 ; xv, 1-27 ; I Par., iii, 12, tandis que celui d’Ozias est employé plus fréquemment et par des écrivains postérieurs, ce qui tendrait à montrer qu’il avait prévalu comme étant le véritable. IV Reg., xv, 30-34 ; II Par., xxvi, 1-23 ; xxvii, 2 ; Is., i, 1 ; vi, 1 ; Ose., 1, 1 ; Am., i, 1 ; Zach., xw, 5 ; Matth., i, 8, 9. — 1° Quand Amasias, à la suite d’un règne d’abord glorieux, puis déshonoré, eut péri victime d’un complot, voir Amasias, t. i, col. 443446, le peuple de Juda fut unanime à prendre pour roi son fils Ozias, âgé seulement de seize ans. Le jeune roi n’avait donc connu, du règne paternel, que les années malheureuses, et il avait été témoin de la prise de Jérusalem par Joas, roi d’Israël. IV Reg., xiv, 13 ; II Par., xxv, 23. Sa mère Jéchélia, de Jérusalem, lui expliqua sans doute la relation providentielle qui existait entre cette catastrophe et la chute d’Amasias dans l’idolâtrie.

II Par., xxv, 14-16. D’autre part, Ozias était conseillé par un prophète du nom de Zacharie, qui eut, tant qu’il vécut, une heureuse influence sur le prince. Voir Zacharie. Docile aux leçons qui lui étaient données, Ozias ne succomba jamais à l’idolâtrie, durant son long règne de cinquante-deux ans. Il suivit fidèlement les préceptes divins, comme son père l’avait fait durant ses premières années. Seulement, soit indifférence, soit impuissance, il ne détruisit pas les hauts Jieux qui servaient au peuple de rendez-vous idolâtriques où l’on offrait des sacrifices et où l’on brûlait des parfums. IV Reg., xv, 4. Le même reproche est d’ailleurs adressé à d’autres rois dont plusieurs ont été bons toute leur vie. Voir Hauts-lieux, t. iii, col. 456. Il est à croire que, s’il l’avait pu, Ozias se serait rendu sur ce point aux avis que le prophète Zacharie ne dut pas manquer de lui faire entendre. Contrairement à ce qu’avait fait son père, le nouveau roi n’allia jamais au culte de Jéhovah celui des idoles. C’est pourquoi Dieu le fit prospérer, aussi longtemps du moins qu’il ne tomba pas dans une faute grave d’un autre genre. II Par., xxvi, 4, 5,

2° Ozias déploya une grande activité militaire. Dans une première campagne, dont on ne peut fixer la date exacte, mais qui n’eut probablement lieu que quand le jeune roi fut en. âge de faire la guerre, il poussa jusqu’à Élath, à la pointe septentrionale du golfe Élanitique. Voir la carte, t. i, col. 1099. Cette ville iduméenne, jadis utilisée par Salomon comme port pour sa flotte, III Reg., IX, 26, avait été réoccupée par les Iduméens sous le roi Joram. IV Reg., viii, 20-22. Voir Élath, t. ii, col. 1645. Ozias la reprit, la rebâtit et la garda sous sa puissance. II Par., xxvi, 2. L’entreprise’dénotait une certaine vigueur, car il y avait 270 kilomètres de désert à traverser pour aller 4e Jérusalem à la ville en question. Le roi était sans doute dans l’intention de se créer une flotte nouvelle et de reprendre les voyages d’Ophir. Rien n’indique qu’il ait pu donner suite à ce.projet. Jadis le prophète Abdias, 17-19, avait prédit que Juda rentrerait en possession de la montagne d’Ésaû. Ozias se tourna ensuite contre les Philistins. Il démantela les villes de Geth, deJabnia et d’Azot, et il construisit de nouvelles villes dans le pays philistin, afin de dominer plus sûre ment la contrée. Au sud oe la Palestine, il réduisit les Arabes de Gurbaal. En territoire iduméen, il soumit les Maonites. Voir Maonites, t. IV, col. 704. À l’est du Jourdain, les Ammonites, autrefois vaincus par Josaphal, II Par., xx, 2-23, payèrent tribut à Ozias. Le roi de Juda affermissait ainsi sa domination sur tous les pays d’alentour. À cette même époque, Jéroboam II, qui régnait en Israël (824-783 ou 783-743), tenait ferme en face du royaume de Syrie et étendait aussi ses conquêtes, voir Jéroboam II, t. iii, col. 1303, de sorte que la nation entière jouissait d’une grande sécurité. Pendant ce temps, les rois d’Assyrie tournaient l’effort de leurs armes contre l’Arménie et les pays du nord. Voir Assyrie, t. i, col. 1166. Rien ne faisait donc obstacle à la prospérité matérielle d’Israël et de Juda. Entre les deux rois, le texte sacré ne signale d’ailleurs ni hostilité ni entente. Néanmoins, en roi prévoyant, Ozias eut soin de mettre sa capitale hors d’atteinte. Sous le règne de son père Amasiàs, Joas, roi d’Israël, s’était rendu maître de Jérusalem et avait abattu quatre cents coudées des murailles, de la porte d’Éphraïm à la porte de l’Angle. Il Par., xxv, 23. Ozias s’empressa naturellement de réparer le dommage. Cette partie de la première enceinte était la plus exposée, car elle s’étendait sur le côté nord de la ville, qui n’est point défendu, comme les trois autres, par de profondes vallées. Voir Jérusalem, t. iii, col. 1358. Des tours furent bâties sur la porte de l’Angle, sur la porte de la Vallée et sur l’angle lui-même. Voir le plan, t. iii, col. 1355. Cet angle était probablement celui que la muraille de la ville formait avec la muraille du Temple. Cf. Séjourné, Les murs de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1895, p. 43. Josèphe, Ant. Jud., IX, x, 3, est plus explicite au sujet de ces constructions. D’après lui, Ozias rebâtit toutes les parties des murs qui tombaient en ruines par vétusté et grâce à l’incurie des rois précédents, ainsi que ce qui avait été démoli sous Amasias. Il éleva aussi beaucoup de tours de cent cinquante coudées de haut. Ces indications sont probablement exagérées. Le roi mit tout son soin à tenir son armée sur un bon pied de guerre. Cette armée, divisée en sections, avait ses officiers au nombre de 2600, et comptait un effectif de 307 500 guerriers, dont la force imposante tenait les ennemis en respect. Les armes ne manquaient pas à ces soldats : boucliers, lances, casques, cuirasses, arcs et frondes, tout était préparé pour la guerre. De plus, sur les tours de l’enceinte de Jérusalem et sur les angles des murs, Ozias fit installer des machines pour lancer des traits et de grosses pierres. Ces machines n’étaient pas imitées de celles qui pouvaient se trouver chez les étrangers ; leur construction était l’œuvre d’un habile inventeur du pays. Voir Machines de guerre, t. iv, col. 505. On ne peut dire à quel modèle appartenaient ces catapultes et ces balistes. Elles ne paraissent pas avoir fait grande impression sur les envoyés de Sennachérib, quand, sous le roi Ezéchias, ceux-ci se présentèrent au pied des murs de Jérusalem pour sommer les habitants de se rendre. II Par., xxxii, 18. Elles pouvaient cependant rassurer contre des envahisseurs moins puissamment outillés, comme par exemple, les Israélites. Grâce à cet armement et à cette activité militaire, le roi de Juda se fit respecter de ses voisins, affermi, sa puissance et étendit au loin sa renommée. II Par., xxvi, 2, 6-9, 11-15.

3° Le roi Ozias fut aussi un grand agriculteur et un grand éleveur de troupeaux. Au sud de la capitale, dans Je désert de Juda, il creusa beaucoup de citernes pour les troupeaux qu’il possédait en grand nombre, et il bâtit des tours pour permettre aux gardiens de se défendre contre les pillards. IJ se rappelait sans doute ce qu’un de ses prédécesseurs, Joram, avait eu à souffrir des brigands philistins et arabes. II Par., xxi, 16, 17. Il prit les mêmes précautions défensives dans la plaine de Se

phéla, le long de la mec, en pays philistin, sur les plateaux, dans les montagnes et au Carmel de Juda, voisin de l’Idumée. Dans ces diverses régions, des laboureurs et des vignerons travaillaient pour son compte. II Par., xxvi, 10. Ozias renouvelait ainsi les traditions de David, qui avait eu dans tout le pays ses vignerons et ses cultivateurs. I Par., xxvii, 25-31. Les autres rois, ses prédécesseurs, avaient sans nul doute continué à faire exploiter leurs propriétés. Mais, par incurie ou par impuissance, il n’avaient pas toujours su les protéger suffisamment. De l’élevage et de la culture, le roi de Juda tirait donc d’abondants revenus, dont il paraît avoir fait un judicieux usage.

4° Par malheur, sur la fin de son règne, Ozias usurpa les fonctions sacrées et oubliant ce qui était arrivé au roi Saiil, I Reg., xiii, 9-14, il pénétra dans le sanctuaire du Temple et y brûla des parfums sur l’autel. Le grand-prélre Azarias, accompagné de quatre-vingts prêtres, accourut pour faire au roi ses remontrances et l’adjurer de sortir du sanctuaire, en lui faisant sentir que sa transgression ne tournerait pas à son honneur. Le prince, qui avait l’encensoir à la main, fut saisi de colère. Mais aussitôt, dans le sanctuaire même, il fut .atteint de la lèpre. L’horrible mal apparut sur son front. Les prêtres, habitués par état à reconnaître les signes de cette maladie, s’en aperçurent immédiatement et repoussèrent le roi dehors. Lui-même se sentit frappé de Dieu et se hâta de quitter le Temple. La lèpre se montre tout d’abord sous forme de taches. Voir Lèpre, t. IV, col. 176. Il est à croire que, dans le cas présent, elle se manifesta instantanément à l’état tuberculeux, de manière à bien marquer l’intervention divine, attirer sur-le-champ l’attention des prêtres et à convaincre le roi lui-même sans autre examen. Le châtiment était effroyable. Ozias, qui jusqu’à ce jour avait vécu en roi, et qui, par suite de ses goûts militaires et agricoles, devait se donner beaucoup de mouvement à travers son royaume, se vit subitement obligé, conformément à la Loi, Lev., xiii, 44-46 ; Num., v, 2-4 ; xii, 14, 15, à se séparer de la société des humains, à ne plus entrer dans le Temple et à se réfugier dans une maison isolée. II Par., xxvi, 16-21. Josèphe, Ant. jud., IX, x, 4, qui dramatise beaucoup le récit des Paralipomènes, dit qu’Ozias vécut dans une maison située hors de la ville, mourut consumé de remords et de chagrin et fut inhumé seul dans ses jardins. Il est présumable que la demeure qui servit de refuge à Ozias se trouvait dans une propriété royale, peut-être dans les jardins royaux voisins de Siloé. IV Reg., xxv, 4. On ne peut admettre cependant que le roi ait été inhumé dans ses jardins, comme le dit Josèphe. D’après le texte sacré, II Par., xxvi, 23, Ozias fut inhumé près des rois ses ancêtres. Seulement, comme il était lépreux, on déposa son corps’non dans le sépulcre même, mais dans le champ qui entourait le monument. Le prince s’était montré fidèle à Dieu durant la plus grande partie de son règne ; on peut donc légitimement penser que le châtiment dont sa faute fut suivie le fit rentrer en lui-même et compta, aux yeux de Dieu, comme une expiation salutaire. Josèphe prétend encore qu’au moment où le roi fut frappé dans le Temple, il y eut un grand tremblement de terre et que, près de Jérusalem, en un lieu appelé Érogé (En-Rogel), une partie de montagne s’écroula et obstrua le chemin et les jardins royaux. On ne sait si l’historien se fonde ici sur une tradition certaine ou s’il amplifie, comme il fait quelquefois. Amos, i, 1, parle d’un tremblement de terre qui eut lieu au temps d’Ozias, roi de Juda, et de Jéroboam, roi d’Israël. Zacharie, xiv, 5, fait aussi mention du même phénomène et ajoute qu’il mit tout le monde en fuite à Jérusalem. Mais il est impossible de déterminer la date de ce cataclysme, Ozias et Jéroboam ayant régné en même temps soit de 809 à 783, soit de 783 à 757. Quand le roi Ozias

devint incapable d’administrer, son fils Joatham prit le commandement de la maison royale et gouverna le pays. II Par., xxvi, 21. Or Joatham avait vingt-cinq ans quand son père mourut. II Par., xxvii, 1. Il ne pouvait guère avoir moins de quinze ans quand il le suppléa dans la fonction royale. Ozias, qui régna en tout cinquante-deux ans, ne dut pas être à l’écart plus d’une dizaine d’années ; peut-être même son épreuve fut-elle beaucoup moins longue. Rien, en tous cas, ne l’empêchait de Conseiller son fils pour la bonne administration des affaires. — Isaïe, i, 1 ; vi, 1, était contemporain d’Ozias ; mais il n’inaugura son ministère que l’année de la mort de ce roi. Osée, I, 1, prophétise également sous le même règne, mais seulement vers la fin, puisqu’il rendit encore des oracles sous les trois rois suivants. Amos, i, 1, se fit entendre aussi sous Ozias, deux ans avant le tremblement de terre. Voir Amos 1, t. i,

col. 511.
H. Lesêtre.

2. OZIAS (Hébreu : ’Uzzyâh ; Septante : ’OÇ : a), fils d’Uriel et père du lévite Saûl, de la branche de Caath. I Par., vi, 24 (hébreu, 9). Comme nous trouvons plus loin ꝟ. 36-37 (hébreu, 21-22) une tiutre généalogie dans laquelle, au lieu des quatre noms Thahath, Urie], Ozias, Saûl, nous lisons des noms différents, on a supposé que Ozias est le même qu’Azarias et que c’est une double orthographe du même nom, comme pour le’ro-Ozias = Azarias, mais comme les autres noms sont diffé, rents, on peut admettre qu’il y a deux généalogies différentes partant de Thahath, dont l’une descend de lui par Uriel, ꝟ. 24, et l’autre, par son autre fils Sophonie, ꝟ. 36, qui fut un des ancêtres du chef de chœur Héman.

3. OZIAS (hébreu : ’Uzzîyâhû ; Septante : ’OÇÎouj, père de Jonathan. Ce dernier, du temps de David, fut chargé de la garde des biens que possédait le roi hors de Jérusalem. I Par., xxvii, 25. Voir Jonathan 5, t. iii, col. 1615.

4. OZIAS (hébreu : ’Vzzîydh ; Septante : ’Oî(a), un des prêtres des « fils d’Harim », qui avait épousé une femme étrangère et qui dut, la répudier du temps d’Esdras. I Esd., x, 21.

5. OZIAS (Septante : ’Oî ; îa « ), fils de Micha, de la tribu de Siméon. Il gouvernait la ville de Béthulie du temps de Judith. Il fit bon accueil à Achior l’Ammonite (voir AchIor 2, t. i, col. 143), Judith, vi, 11-18 ; mais sur les instances de ses compatriotes assiégés par Nabuchodonosûr, il promit de rendre la ville au général assyrien, si elle n’était pas secourue dans l’espace de cinq jours. Judith la délivra avant ce terme. Judith, vn-xiu, et il fit annoncer la nouvelle dans tout Israël. Judith, xv, 5. Voir Judith 2, t. iii, col. 1822.

6. OZIAS (Septante : ’O’iriX), un des ancêtres de Judith, de la tribu de Ruben. Judith, viii, 1.

    1. OZIAU##

OZIAU (hébreu Ya’âzîyâhû, « fortifié par Jéhovah ; » Septante : ’OÇi’a), lévite, fils de Mérari. La Vulgate lui donne un fils qu’elle appelle Benno, mais le mot hébreu benô dont elle fait un nom propre paraît bien être un nom commun, benô, « son fils. » Le texte original est d’ailleurs défectueux dans sa forme actuelle, voir Benno, t. i, col. 1600, et on ne peut rétablir la leçon véritable. I Par., xxiv, 26-27, semble donner Oziaû comme un troisième fils de Mérari, mais Exod., vi, 19 ; Num., iii, 33 ; I Par., xxiii, 21, ne mentionnent que deux fils de Mérari. La répétition de « fils de Mérari », au il. 26 et au ꝟ. 27, de I Par., xxiv, ne peut s’expliquer que par une altération du texte. Il n’y a rien qui corresponde au mot benô dans les Septante.

    1. OZIEL##

OZIEL (hébreu : ’UzzVêl, « Dieu est ma force » ), nom de six Israélites dans le texte hébreu ; de cinq, dans la Vulgate, qui appelle le sixième Eziel. II Esd., m, 8.

1. OZIEL (Septante : ’OÇe^X), lévite, le quatrième fils de Caath, Exod., vi, 18 ; Num., iii, 19 ; I Par., vi, 2.. 18 ; xxiii, 12, et père de Misaël, d’Élisaphan et de Séthri, Exod., vi, 22 ; Lev., x, 4 ; Num., iii, 30. Aaron était son neveu. Lev., x, 4. Ses descendants furent appelés de son nom Oziélites. Num., iii, 27 ; I Par., xxvi, 23. Ils eurent pour chef du temps de Moïse Élisaphan, Num., iii, 30, et Aminadab du temps de David. I Par., xv, 10. Sur les fonctions sacrées des Oziélites, voir Caathites, t. ii, col. 3 ; Oziélites.

2. OZIEL (Septante : ’OÇc^), ), fils de Jési, de la tribu de Siméon, qui, avec ses trois frères aînés, conduisit cinq cents hommes de sa tribu à la montagne de Séir, c’est-à-dire en Idumée, du temps du roi Ézéchias. Là, ils battirent les restes des Amalécites, qui avaient survécu aux défaites de leurs ancêtres sous le règne de Saûl, I Reg., XIV, 48, et de David, II Reg., viii, 12, et s’étaient réfugiés en Idumée. Les Siméonites prirent possession de leur pays et s’y établirent. I Par., iv, 42-43.

3>. OZIEL (Septante : ’OÇni).), le troisième des cinq fils de Bêla, de la tribu de Benjamin, qui furent tous remarquables par leur force et leur vaillance et chefs de famille dans leur tribu. I Par., vii, 7.

4. OZIEL (Septante : ’OÇi^).), lévite, nommé le troisième parmi les quatorze fils d’Héman, qui furent établis par David comme musiciens du sanctuaire. I Par., xxv, 4. Oziel e_st énuméré parmi ceux qui jouaient du nébel. I Par., xv, 20. Il paraît être le même qu’Azaréel, qui fut le chef de la douzième classe de musiciens. I Par., xxv, 18. Le nom d’Azaréel ne diffère en hébreu de celui d’Oziel que par le changement de Yiod en resch, t et-i, et comme les fils d’Héman devinrent chefs des diverses classes de musiciens, il est naturel de reconnaître Oziel dans Azaréel.

5. OZIEL (Septante : ’OÇctjX), lévite, descendant d’Idithun, qui travailla, avec les prêtres et d’autres lévites, à purifier le Temple, sous le règne d’Ézéchias, des profanations du roi Achaz. II Par., xxix, 14.

    1. OZIÉLITE##

OZIÉLITE, OZIHÉLITE (hébreu : hâ-Âzî’êlî ; Septante : 6 ? i( ioî ô’OÇiijX ; Vulgate : Ozielitse, Num., iii, 27 ; Ozihelitse, I Par., xxvi, 23), descendants d’Oziel. Dans le désert du Sinaï, ils furent chargés avec les autres Caathites, tous placés sous la direction d’Élisaphan, fils d’Oziel, de camper du côté méridional du Tabernacle et de garder l’arche, la table, le chandelier, les autels, les vases du sanctuaires et le voile. Num., iii, 27-31. Quand David fit transporter l’arche à Jérusalem, les Oziélites étaient au nombre de cent douze et avaient pour chef Aminadab. 1 Par., xv, 10. Ils furent chargés de la garde d’une partie des trésors du sanctuaire, quand David organisa en détail le service lévitique. I Par., xxvi, 23, "Voir Oziel 1.

OZNE (hébreu : ’Oznî ; Septante : ’AÇevc), le quatrième des sept fils de Gad, d’où est issue la famille des Oznites. Num., xxvi, 16. Son nom est écrit Ésébon dans, la Genèse, xlvi, 16, par suite d’une altération de forme orthographique qui se remarque aussi, dans les deux chapitres cités, pour d’autres noms : Jamuel et Sohar, Gen., xlvi, 10, = Namuel et Zaré, Num., xxvi, 12-13 Séphion et Arodi, Gen., xlvi, 16, = Séphon et Arod, Num., xxvi, 15, 17 ; Ophim, Gen., xlvi, 21, = Hupham Num., xxvi, 39, etc.

    1. OZNITES##

OZNITES (hébreu : hâ-Oznî ; Septante : S^o ; 6’AÇevf ; Vulgate : Oznitae), descendants d’Ozni, une des familles de la tribu de Gad. Num., xxvi, 16.

    1. OZRIEL##

OZRIEL (hébreu : ’Azrî’êl, « Dieu est mon secours ; » Septante : ’OÇirj), ), père de Jérimoth. Ce dernier fut à la tête de la tribu de Nephthali du temps de David. I Par., xxvii, 19. — Dans le texte hébreu, deux autrese Israélites portent aussi le nom de’Azrî’êl. La Vulgate les appelle Ezriel, I Par., v, 24, et Jer., xxxvi. 26. Voir Ezriel 1 et 2, t. ii, col. 2164.

P, dix-septième lettre de l’alphabet hébreu. Voir PÉ, Phé.

    1. PACRADOUNI Arsène##

PACRADOUNI Arsène, religieux mékithariste de Venise, né à Constantinople en 1790, mort au couvent de Saint-Lazare le 24 décembre 1866. Un des plus illustres polyglottes de son Ordre et le premier arméniste du xix c siècle, il a publié un grand nombre de traductions fort estimées du grec, du latin, du français et de l’italien en arménien littéraire. — Parmi ses travaux relatifs à la Bible, nous citerons 1° la version classique découverte par lui dans un manuscrit arménien, de l’Ecclésiastique ou la Sagesse de Jésus fils de Sirach avec la Lettre de Jérémie aux Juifs captifs en Babylonie, petit vol. in-16 de 173 pages, Venise, 1833 et 1878. Il y manque les chapitres viii, xxxvi, xxxvii, ainsi que les ch. xliii-li de la fin, 2° Une édition complète de la Bible, Venise, 1860, in-folio de 1224 pages à deux colonnes, illustrée de belles gravures ; cette édition, soigneusement confrontée avec les Septante, corrige bien des inexactitudes qui s’étaient glissées dans la version de la Bible arménienne. J. Miskgian.

    1. PADDAN ARÂM##

PADDAN ARÂM, mu ]ts, littéralement « plaine d’Aram ou de Syrie », Mésopotamie. Voir Mésopotamie, col. 1022.

    1. PAGANISME##

PAGANISME, PAÏENS. Les païens sont désignés dans l’Écriture sous le nom tle gentils. Voir Gentils, t. iii, col. 189.

    1. PAGNINO SANTES##

PAGNINO SANTES, en latin Sanctes ou Xantes Pagninus, célèbre hébraïsant, de l’ordre de Saint Dominique, né à Lucques, vers 1470, mort à Lyon le 24 août 1541, ou, selon d’autres, le 21 août 1536. Il entra dès l’âge de 16 ans chez les Dominicains de Fiésole, où il eut pour maître Savonarole. Léon X ayant fondé à Rome une école de langues orientales y appela Pagnino comme professeur. Après la mort de ce pape (1521), il accompagna le cardinal légat à Avignon et résida ensuite jusqu’à sa mort à Lyon, où il fonda un hôpital et combattit avec ardeur le protestantisme. Il est surtout connu par sa traduction latine littérale du texte hébreu et du texte grec original de l’Ancien et du Nouveau Testament, à laquelle il travailla pendant trente ans. Son but fut de rendre le texte original mot à mot et aussi exactement que possible. Son œuvre parut sous le titre de Veleris et Novi Testamenti nova translatiez, in-4°, Lyon, 1528. Elle eut un très grand succès. C’est la première Bible dans laquelle ont été numérotés tous les versets chapitre par chapitre, et sa numérotation est celle que nous avons encore aujourd’hui pour les livres protocanoniques de l’Ancien Testament. Quant à sa traduction elle-même, on l’a Jouée et dépréciée à l’excès. Elle a des défauts, mais ils ne doivent pas faire méconnaître ses mérites, et elle a rendu de grands services pour la diffusion de l’étude de l’hébreu. On l’a souvent réimprimée avec

plus ou moins de modifications : On peut distinguer trois classes d’édition. — 1° Michel Servet fit paraître à Lyon en 1542 une nouvelle édition avec des corrections attribuées à Pagnino lui-même. — 2° Robert Estienne donna à Paris, 1557 et 1577 une autre édition, qui a été souvent reproduite ; la traduction de l’Ancien Testament y a été corrigée, surtout d’après les notes de François Vatable, et la traduction du Nouveau Testament a été remplacée par celle de Bèze. — 3° La troisième est formée par les éditions de Plantin, à Anvers, qui ont été éditées et rendues plus littérales encore par Arias Montano : Biblia latina Pagnini ab Aria Montano recognita, Anvers, 1572. Voir Arias Montano, 1. i, col. 953.

— On a aussi de Pagnino Thésaurus linguse sanctse seu Lexicon hebraicum, in-f>, Lyon, 1529 ; in-4°, Paris, 1548 ; in-f°, Genève, 1614 (édition défectueuse donnée par J. Mercier et A. Cavalleri). Ce Thésaurus est un ouvrage estimé. Voir W. Gesenius, Hebràïsches Handwôrterbuch, in-8°, Leipzig, 1823, Vorrede, p. xix. Pagnino s*est surtout servi pour cet ouvrage, comme pour ses autres travaux de Kimchi et des rabbins. On a publié un Thesauri Pagnini Epitome, in-8°, Anvers, 1616. Il a été souvent réimprimé. — Isagoges seu Introductions ad Sacras Litteras liber unus, in-4°, Lyon, 1628 ; in-f°, Lyon, 1536. — Catena argentea in Pentateuchu-m, 61n-f », Lyon, 1536, etc. — Voir Péricaud, Notice sur Sardes Pagnino, Lyon, 1850. F, VigourOUX.

    1. PAILLE##

PAILLE (hébreu : galgal, « ce qui roule, » mâs, mapâl, « ce qui tombe, » qa$, tébén ; chaldéen : ’ûr ; Septante : âyvpov, v.a’Xi]).^, ^op-râafia, x v °ûÇj xàpcpoi ;  ; Vulgate : palea, festuca), tige végétale qui supporte l’épi des céréales.

I. Usages. — 1° La paille sert de litière aux animaux. Gen., xxiv, 25 ; Jud., xix, 19 ; III Reg., iv, 28. — 2° Elle constitue aussi leur nourriture. Aux temps messianiques, le lion mangera la paille comme le bœuf, Is., xi, 7 ; lxv, 25, ce qui signifie que les hommes les plus opposés par le caractère et les mœurs s’uniront ensemble sous la loi du Sauveur. La paille ne peut servir de nourriture à l’homme, car il n’y a rien de commun entre elle et le froment. Jer., xxiii, 28. Aussi Amos, vm, 6, reproche-t-il à bon droit aux riches avares de vendre aux pauvres mapâl, « ce qui tombe » du froment quand on le passe au crible, la balle, qui peut tout au plus nourrir les animaux. D’après la Vulgate, Isaïe, xxv, 10, dit que Moab sera écrasé comme la paille sous un chariot. Le texte hébreu doit plutôt se traduire : & Moab sera foulé sur place comme la paille dans la mare à fumier. » Voir Fumier, t. ii, col. 2415. Il s’agirait donc ici de paille triturée et hachée moins pour la nourriture des animaux que pour servir d’engrais, ou plus probablement pour être rejetée comme inutile. — 3° En Egypte, on mêlait la paille à l’argile dont on fabriquait les briques, afin de leur donner plus de consistance avant de les faire sécher au soleil. Exod., v, 7-18. Voir Brique, 1. 1, col. 1931.

1951

PAILLE _ PAIN

1952

II. Comparaisons. — 1° À cause de sa légèreté, la paille, surtout quand elle est desséchée, est aisément emportée par le vent. Elle représente souvent, dans la Sainte Écriture, les ennemis ou les méchants qui sont emportés par le tourbillon de la justice de Dieu. Job, xxi, 18 ; Ps. xxxv (xxxiv), 5 ; lxxxih (lxxxii), 14 ; Is., xvii, 13 ; xl, 24 ; xli, 2, 15 ; Dan., ii, 35. Job, xiii, 25, se plaint que Dieu le poursuit comme le vent pourchasse une feuille desséchée. — 2° La paille est rapidement consumée par le feu ; ainsi les impies seront consumés par le feu de la colère divine ; Is., v, 24 ; xlvii, 14 ; ainsi périront dans le feu inextinguible ceux dont les actes sont mauvais. Matth., iii, 12 ; Luc, iii, 17. — 3° La paille emportée par le vent figure la rapidité du jour qui passe. Soph., ii, 2. Son inconsistance donne l’idée d’une chose très faible. Job, xli, 18. Cependant, quand elle est projetée dans un organe aussi délicat que l’œil, la paille peut l’empêcher de remarquer les objets même les plus considérables. C’est ainsi que Notre-Seigneur reproche à certains de ne pas s’apercevoir de la poutre qui est dans leur œil et de remarquer très bien le fétu de paille, xap<po ; , qui se trouve dans l’oeil du prochain, comparaison hyperbolique signifiant que souvent on est aussi perspicace sur les petits défauts des autres qu’aveugle sur les siens propres, si grands qu’ils soient. Matth., vii, 3-5 ; Luc, vi, 41-42. H. Lesêtbe.

PAIN (hébreu : léhém : Septante : Sproç ; Vulgate : parais), nourriture faite de farine pétrie à l’eau (fig. 510)

510. — Diverses formes du pain en Egypte. D’après Ermann, Aegyptisches Leben, 1. 1, p. 269.

et cuite à une température de 200° à 250°. Le mot hébreu vient du verbe lâham, « manger ; » le W.tèm désigne donc tout d’abord la nourriture en général ; c’est le sens qu’a conservé le chaldéen lehém, Dan., v, 1 ; de là vient que, dans plusieurs passages, Gen., xxiv, 33 ; xxxi, 54 ; xxxvii, 25 ; Exod., ii, 20 ; etc, les versions traduisent par « pain » le mot qui doit être pris dans le sens de « nourriture » en général. Mais comme le pain était la nourriture la plus commune, le mot léfyém désigne plus habituellement le pain en hébreu, en phénicien et en araméen, alors qu’en arabe il est devenu le nom de la viande. Le hôrî est un pain en usage chez les Égyptiens, Gen., XL, 16, -/ovgpt’rrii ; , « de gruau ; » cf. Eduyoth, iii, 10. Le maççdh, « doux, » est le pain non fermenté. Voir Azyme, t. i, col. 1311. « Cuire le pain i> se dit’ûg. Ezech., iv, 12.

I. Le pain matériel. — 1° Son origine. — Différentes céréales, le blé, l’épautre, l’orge, le seigle, etc., fournissent des grains qui, réduits en farine au moyen des meules, peuvent servir à faire du pain. Voir Fahine, t. iii, col. 2179. Or ces céréales, le pain, par conséquent, sont le produit de la terre, Job, xxviii, 5 ; Ps. civ (cm), 14, et de la pluie qui la féconde. Is., lv, 10. À la suite de son péché, l’homme fut condamné à manger son pain à la sueur de son front, Gen., iii, 19, c’est-à-dire

à ne tirer sa nourriture de la terre qu’au prix d’un travail pénible. Néanmoins le pain est assuré à celui qui cultive la terre, Prov., xii, 11 ; xxviii, 19, et travaille diligemment, Prov., xx, 13 ; xxxi, 14, 27. Le Seigneur promit même à son peuple fidèle de bénir son pain pour qu’il en eût à satiété, Exod., xxiii, 25 ; Lev., xxvi, 5 ; Deut., viii, 9, d’envoyer ses ondées sur le grain pour qu’il fournît un pain délicieux et abondant, Is., xxx, 23, et que la terre de Palestine fût un pays de pain et de vignes. Is., xxxvi, 17. Par contre, le pain devait manquer à l’Israélite infidèle. Lev., xxvi, 26. Le territoire d’Aser était, en Palestine, celui qui fournissait le meilleur pain. Gen., xlix, 20. Voir Aser, 1. 1, col. 1088. L’Egypte produisait le pain abondamment. Exod., XVI, 3. 2° Sa fabrication. — 1. En Egypte, le pain se fabriquait d’une manière assez sommaire et peu hygiénique. La femme commençait par broyer le grain. Voir Meule, et la figure 273, col. 1050. « La farine, ramenée à plusieurs reprises sur le mortier rustique, est lourde, inégale, mélangée de son et de grains entiers qui ont

511. — Égyptienne pétrissant du pain. Statuette en calcaire du musée du Caire.

échappé au pilon, souillée de poussière et d’éclats de pierre. Elle la pétrit avec un peu d’eau (fig. 511), y incorpore en guise de levain un morceau de pâte rassise de la veille, et en façonne des galettes rondes, épaisses comme le pouce, larges d’environ dix centimètres, qu’elle étale sur un caillou plat et qu’elle recouvre de cendre chaude. Le pain, mal levé, souvent mal cuit, ’emprunte au combustible animal, sous lequel il est resté enterré, un fumet particulier et un goût sûr auquel les étrangers ne s’accoutument pas sans peine. Les impuretés qu’il contient triomphent à la longue de la denture la plus solide : on le broie plus qu’on ne le mâche, et il n’est pas rare de rencontrer des vieillards dont les dents se sont usées graduellement jusqu’au ras des gencives… L’effet a été observé directement sur les momies des plus hauts personnages. » Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. i, p. 320. Parfois les hommes préparaient la pâte. Les peintures les montrent pétrissant la pâte deux à deux tantôt avec leurs mains et tantôt avec leurs pieds. Cf. Hérodote, ii, 36 (fig. 512). Voir aussi t. i, fig. 590, col. 1891. Pour le service du pharaon, on fabriquait un pain particulièrement blanc, appelé horl, terme probablement égyptien qui ne se lit que Gen., XL, 16, et que les versions tra

duisent par -/mSphri, « pain de gruau, » et farina. On rattache hori à hdvar, « être blanc. » La Mischna, Eduyoth, iii, 10, l’emploie dans le sens de « pain ». Dans les sépultures égyptiennes, on a trouvé du pain bien conservé, tantôt levé, tantôt sans levain. Il renferme à peu près les mêmes éléments que notre pain moderne, 10 p. 100 de gluten et 65 p. 100 d’amidon, avec des traces de nitre mêlé au sel qu’on employait alors en ce pays. Cf. Lindet, sur la composition chimique du pain ancien, dans Comptes rendus de V Académie des sciences, 27 oct. 1903. — 2. Chez les Hébreux, la fabrication du pain n’était pas plus compliquée. Le soin de préparer le pain incombait aux femmes. Gen.,

cendies. Saint Paul fait allusion à cette prescription de la Loi quand il écrit : « Si les prémices sont saintes, la masse l’est aussi. » Rom., xi, 16. Cf. Iken, Antiquitates hebraicæ, Brème, 1741, p. 553. — 4. Pourfaire cuire la pâte, on employait différents procédés. On pouvait se servir du four, quand on possédait une installation suffisante, voir Four, t, iii, col. 2335, comme on le faisait à Pompéi où l’on a retrouvé une fournée de pains encore en place dans le four (fig. 513). Cf. H. Thédenat, Pompéi, Paris, 1906, t. ii, p. 122. Ordinairement on cuisait le pain sous la cendre, Gen., xviii, 6, sur la braise, Is., xliv, 15, 19 ; Joa., xxi, 9, ou sur des pierres chauffées. III Reg., xix, 6. Ces procédés de cuisson.

512. — Boulangers égyptiens. Tombeau de Ramsès III à Thèbes. D’après Wilkinson, Manners and Customs, t. ii, fig. 301. 1 et 2. Égyptiens^pétrissant le pain avec leurs pieds. — 3 et 4. On apporte la pâte à un boulanger qui la roule. — 6 et 7. Elle est préparée de diverses façons en pain et en pâtisseries, d, e, f, g, ii, i, k, l, ii, q, r, et cuite sur une sorte de poêle, m. — Une scène d’un genre différent est représentée 9 et 10 : des lentilles, placées dans des corbeilles, p, p, sont cuites dans un pot, o, sur le feu par le n° 9 avec le bois qu’apporte le n" 10. — Le n" 8 prépare le four. — Il et 12 font des pâtisseries avec de la pâte mélangée de graines aromatiques. — 15 et 16 pétrissent avec les mains. — 17 à 20 portent les pains au.four, y, qui est allumé par x.

xviii, 6 ; Lev., xxvi, 26 ; I Reg., viii, 13 ; xxviii, 24 ; II Reg., xiii, 8 ; Jer., vii, 18 ; xliv, 19 ; Matth., xiii, 33. Cf. Challa, ii, 7. Plus tard, il y eut, au moius à Jérusalem, des boulangers qui faisaient le pain pour le compte des autres. Jer., xxxvii, 20. Voir Boulanger, t. ii, col. 1892. On délayait la pâte avec de l’eau et souvent on la faisait cuire immédiatement sans y ajouter de levain. On la faisait lever lorsqu’on avait le temps et qu’on tenait à conserver le pain. Voir Levain, col. 197.

— 3. Quand la pâte était préparée, on en prélevait une petite quantité qui devait être offerte en prémices à Jéhovah et mangée par les prêtres. Num., xv, 18-21. Ce prélèvement s’appelait halldh, « gâteau. » Il fait l’objet du traité Challa de la Mischna. Les docteurs réglèrent que le prélèvement serait de 1/24 pour les particuliers et de 1/48 pour les boulangers. Depuis qu’ils n’ont plus de prêtres, les Juifs brûlent cette partie réservée ou la gardent pour la jeter dans les in

se retrouvent chez les Arabes. Cf. de la Roque, Voyage en Palestine, Amsterdam, 1718, p. 192-195. Les Bédouins « font brûler des broussailles, mettent la galette de pâte sur la braise, la recouvrent de cendres chaudes et la retournent fréquemment, à l’aide d’un bâton vert, pour égaliser la cuisson ». Cela nous rappelle une malédiction du prophète Osée, vii, 8 : <i Éphraïm est devenu comme un pain cuit sous la cendre qui n’a pas été retourné. » Jullien, L’Egypte, Lille, 1891, p. 265. En divers endroits on n’avait pour tout combustible que les excréments desséchés des animaux, ce qui communiquait au pain un goût peu agréable. Sur l’ordre donné à Ézéchiel, iv, 9-17, de cuire son pain de cette manière, voir Excréments, t. ii, col. 2135. — 5. « Le pain oriental ne ressemble guère au nôtre. Il n’a ni mie, ni croule ; ce n’est qu’une peau simple ou double, jamais plus épaisse que le petit doigt de la main. Chaud, il est bon ; sec, il est sans saveur et se dissout mal. Aussi. dans la

IV.

62

famille orientale fait-on le pain tous les jours… Ces pains ne se coupent pas, ils se déchirent ou se rompent, comme fit notre divin Sauveur à la dernière Cène. Le couteau de table est inconnu… La forme la plus commune du pain en Palestine et en Syrie est celle d’une galette ronde de 20 centimètres de diamètre, pesant Î30 à 150 grammes. Trois de ces pains suffisent pour un repas. Cf. Luc, xi, 5. Les pains, surtout quand ils sont encore chauds et gonflés, ressemblent aux gros galets plats de la grève et du torrent ; ils ont la même couleur que beaucoup de pierres jaunâtres de Jérusalem. N’y a-t-il pas une allusion à cette ressemblance dans ces paroles du Sauveur : En est-il un parmi vous qui donnerait une pierre à son enfant quand il lui demande du pain ? Malth., vii, 9. s Jullien, ibid., p. 264. On signale également une certaine ressemblance de forme et de couleur entre les pains palestiniens et les pierres du désert de la Quarantaine, auxquelles Satan fait allusion dans sa tentation. Matth., iv, 3 ; Luc, iv, 3. Cf. Fillion, Évang. selon S. Matthieu, Paris, 1878, p. 82. — 6. Les pains anciens aûectaient une forme ronde ou ovale. Il est plusieurs fois question de kikhar léhém, (drond de pain » ou pain rond. Exod., xxix, 23 ;

viande, des raisins, des aliments divers, II Reg., vi, 19, trempé dans une espèce de bouillie, Dan., xiv, 32, ou dans la sauce. Joa., xiii, 26. On en donnait à des animaux domestiques, II Reg., xii, 3, ou on leur abandonnait les miettes. Matth., xv, 27 ; Marc, vii, 28. Mais l’avare se refuse le pain à lui-même. Eccli., xiv, 10.

4° La privation et l’acquisition du pain. — 1. La privation du pain est volontaire dans le jeûne, Exod., xxxiv, 28 ; Deut., ix, 9, 18, et dans le deuil. I Esd., x, 6. Elle est la suite forcée de la famine. Gen., xlvii, 13 ; Ps.cv (civ), 16 ; Jer., xxxviii, 9 ; Am., iv, 6 ; Luc, xv, 17. Alors le peuple et les petits enfants demandent en vain du pain. Lam., 1, 11 ; IV, 4 ; v, 6. Quand on veut maudire quelqu’un, on lui souhaite de manquer de pain. II Reg., iii, 29. Les rejetons des méchants en sont privés. Job, xxvii, 14. Rien de misérable comme l’orgueilleux sans pain. Prov., xii, 9 ; Eccli., x, 30. Au contraire, on ne voit pas les justes sans pain, Ps. xxxvii (xxxvi), 25 ; le pain leur est assuré, Is., xxxiii, 16, en dépit de quelques exceptions. Eccle., IX, 11. — 2. Pour se procurer du pain, on donne de l’argent, Gen., xli, 54-57 ; xlii, 2, 25 ; XLHI, 2, 12, 21 ; Is., lv, 2, on se loue soi 513. — Pains trouvés à Porapéi. D’après Thédenat, Pornpéi, t. ii, p. 122.

I Reg., ii, 36 ; Prov., vi, 26. On faisait des pains de différentes autres formes et parfois avec mélange d’huile. Voir Gâteau, t. iii, col. 114. Ces pains n’avaient qu’un volume très médiocre. David pouvait porter dix pains avec d’autres provisions. I Reg., xvii, 17. Un enfant en transportait cinq facilement pendant une longue course. Joa., vi, 9. Un pain n’était donc guère coûteux. Un « morceau de pain » passait pour la chose la plus insignifiante. Prov., vi, 26 ; xxviii, 21 ; Ezech., xiii, 19. La dureté du mauvais riche est mise en relief par ce trait, qu’il ne songeait même pas à accorder au pauvre Lazare, qui les désirait, les miettes qui tombaient de sa table. Luc, xvi, 21.

3° Son utilisation. — 1. Le pain est l’élément le plus habituel et le plus indispensable de la nourriture chez les Hébreux. Eccli., xxix, 28 (21) ; xxxix, 31 (24). Il donne la force à l’homme, Ps. civ (cm), 15 ; il est comme le bâton qui le soutient. Ezech., v, 16 ; xiv, 13.

II fait partie de tous les repas mentionnés par les auleurs sacrés. Gen., xxv, 34 ; xxvii, 17 ; xxviii, 20 ; Jud., vi, 19 ; I Reg., x, 3 ; III Reg., xvii, 6 ; xviii, 4 ; IV Reg., vi, 22 ; Joa., xxi, 9, etc. Quand on quitte sa maison pour quelque temps, on emporte des provisions de pain. Jud., xix, 19 ; Judith, x, 5 ; Matth., xiv, 17 ; xv, 34 ; xvi, 5, etc. Avant de renvoyer Agar au désert, Abraham lui donne du pain et une outre d’eau. Gen., xxi, 14. Quand les Gabaonites veulent faire croire à Josué qu’ils viennent de très loin, ils portent avec eux du pain desséché et en miettes. Jos., ix, 5, 12. — 2. Le pain est assuré à chacun par le père de famille, le mari ou le maître. La concubine reçoit le pain de ses amants. Ose., ii, 5. Il faut un temps de grande misère pour qu’une femme demande - un mari en stipulant qu’elle vivra de son propre pain. Is., iv, 1. Souvent on mangeait le pain sec ; d’autres fois, on le mangeait avec’de la

même, I Reg., ii, 5, on risque même sa vie. Lam., v, 6. Comme d’ordinaire on ne garde pas de provisions de pain chez soi, Is., iii, 7, dans les besoins imprévus, on en emprunte à un voisin. Luc, xi, 5. En certaines circonstances, d’importantes demandes de pain furent adressées à ceux qui pouvaient en fournir. Les Israélites au désert demandèrent du pain aux Ammonites et aux Moabites ; ceux-ci refusèrent et, en souvenir de cette dureté, il fut défendu aux Israélites de contracter aucune union avec eux. Deut., xxiii, 3, 4 ; IIEsd., xiii, 2. Le pain fut encore refusera Gédéonpar les gens de Soccolh, Jud., vin, 6 ; à David par Nabal, dont la femme, Abigaïl, se montra heureusement plus généreuse. I Reg., xxv, 11.

— 3. Souvent, au contraire, des pains sont oiïerts en présent, par Melchisédech aux compagnons d’Abraham, Gen., xiv, 18 ; par Joseph à Jacob, Gen., xlv, 23 ; par Isaï à Saûl, I Reg., xvi, 20, et à ses propres fils, I Reg., xvii, 17 ; par Siba à David, II Reg., xvi, 1 ; par Jéroboam à Ahias, III Reg., xiv, 3, etc. — 4. Il est considéré comme odieux de refuser du pain à qui en manque, Job, xxii, 7, et d’établir des impôts pour rendre plus difficile au peuple l’acquisition du pain. II Esd., v, 15. Mais c’est faire œuvre excellente que donner du pain aux malheureux. Ps. cxxxii (cxxxi), 15 ; Prov., xxii, 9 ; Eccle., xi, 1 ; Is., lviii, 7 ; Ezech., xviii, 7 ; Tob., iv, 17 ; Matth., xxv, 35. — 5. Notre-Seigneur nous commande de demander au Père céleste notre pain éiccoO<jtov, Matth., vi, 11 ; Luc, xi, 3, c’est-à-dire, d’après la Vulgate « quotidien », dans S. Luc, et « supersubstantiel », dans S. Matthieu. Les Pères l’expliquent par l^rj[j, Epov, « d’aujourd’hui, » S. Grégoire de Nysse, De orat. dom., or. iv, t. xliy, col. 1168 ; S. Basile, Reg. brev., 252, , t. xxxi, col. 1252^ ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Luc, xi, 3, t. lxxii, col. 693, etc. ; ou bien par nécessaire eiç tt, v oùiTi’av, « pour notre subsistance, » S. Cyrille de Jérusa

lem, Catech. tnyst., v, 15, t. xxxiii, col. 1120, etc. ; ou encore èmoûo-iov, pour « bientôt », pour l’avenir prochain, d’après d’autres, et même « pour demain », d’après la version copte et l’Évangile selon les Hébreux, etc. Le sens le plus généralement adopté est celui de « pain quotidien ». Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Matlh., Paris, 1892, t. i, p. 261-264. La demande de pain quotidien s’explique par l’usage oriental de cuire le pain chaque jour. « C’est donc un bon pain, un pain frais que nous demandons au Seigneur. » Jullien, L’Egypte, p. 265. — Pourtant, Dieu veut rappeler à l’homme « qu’il ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu >j, ’Deut., viii, 3, c’est-à-dire de tout aliment que produit la volonté de Dieu exprimée par sa parole, tel que fût autrefois la manne. Notre-Seigneur oppose cette sentence à Satan qui le tente au désert, pour lui faire entendre qu’il n’a pas besoin de changer les pierres en pain afin d’avoir de la nourriture, mais que Dieu peut le sustenter de toute autre manière, comme il arriva en effet par le ministère des anges. Matth., iv, 3, 11.

IL Le pain dans la. liturgie. — 1° Pains dans les sacrifices. — Sur le pain offert par Melchisédech, voir Melchisédech, col. 940. On offrait des pains levés dans les sacrifices pacifiques, Lev., vil, 13, et deux pains levés à la fête de la Pentecôte. Lev., xxiii, 17. Les prêtres seuls pouvaient manger les pains offerts au Seigneur. Lev., xxi, 22. — 2° Pains de proposition. — La plus importante offrande était celle des pains de proposition, lél.iém hap-pânim, « pains de la face, » mis en face du Seigneur, cfpxoe èvwmoi. — 1. Sur une table de bois d’acacia (fig. 514) revêtue d’or pur et placée devant l’Arche d’alliance, on devait placer des pains qui demeuraient sans cesse en présence du Seigneur. Exod., xxv, 23-30. Ces pains étaient faits de fleur de farine, et au nombre de douze, chacun d’eux ayant le volume de deux dixièmes d’éphi, soit d’environ sept litres et demi. Chaque jour de sabbat on les renouvelait, on les plaçait sur la table en deux piles de six, et les prêtres seuls pouvaient manger ceux qu’on avait retirés. Lev., xxiv, 5-9. Le rite des pains de proposition se perpétua jusqu’à la ruine du Temple. 1 Mach., iv, 51 ; II Mach., i, 8 ; x, 3 ; Heb., ix, 2. Pendant qu’il fuyait devant Saùl, David se présenta à Nobé, devant le grand-prêtre Achimélech, et lui demanda cinq pains pour lui et ses gens. Achimélech n’avait sous la main que les pains de proposition qu’on venait d’ôter de la présence du Seigneur. S’étant assuré que David et ses hommes ne se trouvaient pas dans quelque cas d’impureté légale, il n’hésita pas à leur donner les pains consacrés. I Reg., xxi, 1-6. Notre-Seigneur rappela ce fait aux pharisiens, pour leur faire comprendre que certaines prescriptions rituelles doivent céder le pas aux nécessités d’ordre naturel. Matth., xii, 4 ; Marc, . ii, 26 ; Luc, vi, 4. — 2. Voici les règles particulières que suivaient les Juifs au sujet des pains de proposition. Ces pains se faisaient aux frais du trésor du Temple, II Esd., x, 33, sous la conduite d’un préposé à cette fabrication, par les prêtres de semaine, dans une salle affectée à cet usage. Middoth, i, 6 ; Tarnid, m, 3. Les pains avaient dix palmes de long et cinq de large. Menachoth, xi, 4. Les deux extrémités de chaque pain devaient être rabattues de manière à former’une élévation d’environ sept doigts. L’épaisseur de chaque pain était d’un doigt. Le levain ne, pouvait jamais entrer dans sa composition. Les pains étaient disposés sur la table de façon que l’air circulât entre eux et qu’ils ne pussent s’écraser mutuellement. On employait dans ce but un système de tringles d’or, qu’on enlevait la veille du sabbat et qu’on remettait le lendemain, de peur de rompre le repos sabbatique par cet arrangement. Siphra, fol. 263, 1. À raison de cette disposition en deux rangées, les pains sont quelquefois appelés ma’âréhéf léftém, « rangées des pains, » II Par., xiii, 11, et

le même nom est attribué à la table. II Par., xxix, 18. Avec les pains, on plaçait sur la table, entre les deux rangées ou au-dessus d’elles, deux vases d’or remplis d’encens. Siphra, fol. 263, 1. Voir Encens, t. H, col. 1773. Le jour du sabbat, on changeait les pains. Quatre prêtres enlevaient les anciens pains, ainsi que l’encens qu’on brûlait le jour même avec un peu de sel sur l’autel des parfums ; quatre autres apportaient les pains nouveaux avec l’encens et les plaçaient sur la table. Puis les anciens pains étaient partagés entre les prêtres qui prenaient le service et ceux qui le quittaient. Comme ces pains devaient être mangés dans le lieu saint, les prêtres sortants devaient consommer leur part dans le sanctuaire même avant le milieu de la nuit qui suivait le sabbat. Menachoth, xi, 7. Cf. Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 24, 53, 91, 113. — 3. Le rite

514. — Table d’offrandes égyptienne portant des paina disposés symétriquement au-dessus de vases de vin. Stèle de Tell el-Amarna. — D’après M. de Vogué, Le Temple de Jérusalem in-f", Paris, 1864, fig. 16, p. 33.

des pains de proposition avait une signification symbolique. Le pain, qui est ordinairement le symbole de la vie, représente ici une vie supérieure, parce qu’il est le pain de la face de Dieu, venant de lui et destiné à ceux qui ont contracté alliance avec lui. Les douze pains marquent la vie destinée aux douze tribus. Ils sont accompagnés d’encens, symbole de la louange adressée à Dieu et de la gloire qu’il tire de tous ses bienfaits. Cf. Bâhr, Symbolik des Mosaischen Cultus, Heidelberg, 1837, t. i, p. 425-433.

III. Le pain miraculeux. — 1° Comme, au désert, les Hébreux n’ont plus de pain et regrettent celui qu’ils mangeaient à satiété en Egypte, Exod., xvi, 3 ; Num., xxi, 5, le Seigneur promet de leur faire pleuvoir du pain du haut du ciel. Ce pain n’est pas comme celui qu’on prépare ordinairement, c’est la manne. Exod., xvi, 4 ; Ps. lxxviii (lxxvii), 24, 25 ; cv (civ), 40 ; Sap., xvi, 20 ; Joa., vi, 31, 32. Voir Manne, col. 656. — 2° Élie multiplie la farine de la veuve de Sarepta, pour qu’elle ait du pain pendant longtemps. I Reg., xvii, 16. Lui-même, au torrent de Carith, est nourri par le pain que lui apportent les corbeaux matin et soir, I Reg., xvii, 6, et plus tard il mange le pain que l’ange de Jéhovah lui a préparé. I Reg., xix, 6. Elisée multiplie vingt pains d’orge de manière à rassasier cent personnes et au delà. IV Reg., iv, 42-44. — 3° Notre-Seigneur

multiplie deux fois les pains. Une première fois, il nourrit avec cinq pains cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants. Matth., xiv, 17-21 ; Marc, vi, 38-44 ; Luc, iv, 13, 14, Joa., vi, 9, 10. Une autre fois, avec sept pains, il nourrit quatre mille hommes, non compris les femmes et les enfants. Matth., xv, 3438 ; Marc, viii, 5-9.

IV. Le pain eucharistique. — 1° Notre-Seigneur se présente aux Juifs comme étant lui-même le « pain de vie descendu du ciel », qu’il faut manger pour ne point mourir, et le pain qu’il promet de donner, c’est sa chair. Joa., vi, 41, 48-51. — 2° À la dernière Cène, il se donne lui-même en nourriture, mais en laissant à son corps les apparences du pain. Matth., xxvi, 26 ; Marc, xiv, 22 ; Luc, xxii, 19 ; 1 Cor., xi, 23, 24. — 3° Saint Paul dit que le pain que rompent les fidèles est la communion au corps du Christ et que ce pain unique est un symbole d’union entre les fidèles. I Cor., x, 16, 17. Il ajoute que manger ce pain sans discerner le corps du Seigneur, c’est se rendre coupable envers ce corps lui-même. I Cor., xi, 27-29. — 4° La « fraction du pain » désigne ordinairement le sacrifice eucharistique chez les auteurs sacrés et les premiers écrivains ecclésiastiques. Luc, xxiv, 35 ; Act., ii, 42, 46 ; xx, 7, 11 ; xxvii, 35 ; I Cor., x, 16. Cf. Didaché, xiv, 1 ; S. Ignace, Ad Éphes., xx, 15, t. v, col. 661 ; Batiffol, Études d’histoire et de théologie positives, 2° sér., Paris, 1905, p. 34-39. Voir Fraction du pain, t. iii, col. 2345.

V. Le pain au sens figuré. — 1° Le pain figure d’abord la nourriture de l’âme. C’est ce pain qu’offre la sagesse, Prov., ix, 5, le pain de l’intelligence. Eccli., xv, 3. Notre-Seigneur ne veut pas donner le pain des enfants aux chiens, c’esl-à-dire sa doctrine et ses bienfaits aux païens. Matth., xv, 26 ; Marc, vii, 27. Il s’appelle lui-même « pain de vie », en tant qu’objet et auteur de la foi. Joa., vi, 35. — 2° On donne aussi le noni de pain à ce dont une âme méchante se repaît, l’impiété, Prov., iv, 17 ; le mensonge, Prov., xx, 17 ; xxm, 3 ; la volupté, Eccli., xxiii, 24 (17). Le peuple est comme un pain que dévorent les méchants. Ps. xiv (xui), 4 ; lui (lu), 5. — 3° Pour signifier qu’on est en butte aux épreuves, on dit qu’on mange le pain des larmes, Ps. xlii (xli), 4 ; lxxx (lxxix), 6 ; un pain de cendre, Ps. en (ci), 10 ; le pain de la douleur, Ps. cxxvii (cxxvi), 2 : le pain du deuil, Jer., xvi, 7 ; Ose., ix, 4 ; le pain de l’affliction et de l’angoisse, c’est-à-dire en quantité insuffisante. III Reg., xxii, 27 ; Ezech., xii, 18, 19. — 4° Manger son pain quelque part, c’est s’y arrêter pour y séjourner. III Reg., xiii, 8 ; Am., vii, 12. Manger le pain de quelqu’un, c’est être son ami. Ps. xii (xl), 10 ; Joa., xiii, 18. Cf. Matth., xxvi, 23 ; Marc, xiv, 20 ; Luc, xxii, 21 ; Joa., xiii, 26. Ne pouvoir manger son pain, c’est être accablé par les occupations, au point de ne pas disposer d’un instant. Marc, iii, 20.

— La « pose du coude sur le pain. » paraît désigner l’avarice. Eccli., xii, 24 (19), — Dans Jérémie, xi, 19, les mots nashîtâh’es belahmô sont traduits par les versions : « Jetons du bois dans son pain, » du bois empoisonné, comme traduit le chaldéen. Mais c’est naMîtâh qui signifie « mettons », jetons, tandis que na&hîtâh vient de sàhat, « faire périr. » Aussi beaucoup traduisent-ils l’hébreu : « Faisons périr l’arbre (le bois) avec son fruit (ce qui se mange, léhérn), » expression proverbiale qui s’harmonise mieux que la première avec le contexte, et exprime d’ailleurs la même idée

de destruction.
H. Lesêtre.
    1. PAITRE##

PAITRE (FAIRE) (hébreu : râ’àh ; Septante : ëoaxeci, êdcxw ; Vulgate : pasco), faire brouter l’herbe à un troupeau, le nourrir. Voir Berger, ii, 2°, t. i, col. 1616.

— Notre-Seigneur confia à saint Pierre le soin de faire paître ses agneaux et ses brebis. Voir Pasteur et Pierre 1.

PAIX (hébreu : Sâlôm ; berâkdh (deux fois IV Reg. r xviii, 31 ; Is., xxxvi, 16) ; chaldéen : selôm ; Septante r etpTJvvj ; Vulgate : pcuc), absence de tout ce qui peut gravement troubler l’homme, soit à l’extérieur, soit à l’intérieur.

I. Dans les relations de peuple à peuple. — 1° La paix est la sécurité dont jouit un peuple quand il n’a rien à craindre de ses voisins. La Loi prescrivait aux Israélites d’offrir la paix à une ville ennemie avant de l’attaquer. Deut., xx, 10. Elle était promise aux Israélites, à la condition qu’ils seraient fidèles à Pieu. Ley. T xxvi, 6. Aussi était-ce à Jéhovah que l’on attribuait lebienfait de la paix. Num., vi, 26 ; III Reg., ii, 33 ;

II Par., xiv, 6 ; xx, 30 ; Ps. xxix (xxviii), 11 ; Is., xxvi, 12 ; .Agg., ii, 10. — 2° La paix fut souvent troublée par la guerre dans le cours de l’histoire d’Israël. Ordinairement, suivant la coutume des anciens peuples, la paix était rompue à l’improviste, sans que celui qu’on attaquait pût s’en douter. En voyant accourir Jéhu et ses guerriers, le roi Joram lui fit demander par trois fois : « Est-ce la paix ? » IV Reg., ix, 17, 19, 22. Celui qui voulait éviter la guerre faisait des propositions de paix. Deut., ii, 26 ; Luc, xiv, 32 ; Act., xii, 20. On concluait la paix pour faire cesser la guerre ou l’empêcher. Jos., ix, 15 ; x, 1, 4 ; IV Reg., xviir, 31 ; Is., xxxvi, 16 ;

I Mach., vi, 49 ; ix, 70, etc. Car il y avait temps pour la guerre et temps pour la paix, Eccle., iii, 8, et il était indigne de verser le sang en temps de paix.

III Reg., ii, 5. Des messagers apportaient la bonne nouvelle de la paix. Jud., xxi, 13. — 3° La paix est plusieurs fois signalée comme régnant chez un peuple ou entre deux peuples, Jud., iv, 17 ; I Reg., vii, 14 ;

II Reg., xvii, 3 ; III Reg., v, 12 ; IV Reg., xx, 19, et elle fait l’objet de tous les vœux. I Par., xii, 18 ; Ps. cxxii (cxxi), 6, 7, 8 ; cxxv (cxxiv), 5 ; cxxviii (cxxvii), 6, etc. Les faux prophètes l’annoncent en vain. Jer., vi, 14 ; vin, 11 ; xiv, 13 ; xxiii, 17 ; Ezech., xjn, 10, 16.

II. Dans les relations sociales. — 1° La paix est chère à tous les mortels. Esth., xiii, 2. Dans l’Écriture elle signifie l’ensemble de tous les biens. Comme dans l’antiquité on n’avait jamais une sécurité complète et qu’on était à tout moment exposé à devenir la victime de ses ennemis, souhaiter la paix à quelqu’un, c’était lui souhaiter la jouissance de tous les biens. Pour saluer quelqu’un, on lui disait : ëâloni lekd, « paix à toi, » le mot èâlôm signifiant à la fois « santé » et « paix ». Gen., xliii, 23 ; Jud., vi, 23 ; xix, 20 ; Tob-, xii, 17 ; Dan., x, 19, etc. Notre-Seigneur emploie lui-même cette forme de salutation vis-à-vis de ses Apôtres. Luc, xxiv, 36 ; Joa., xx, 21, 26. En arabe, la formule devient salâm’aleik, « salut sur toi, » ou salâm’aleikoum, « salut sur vous, » d’où le mot salamalec pour désigner les longues et démonstratives salutations à la manière des Orientaux. On laisse « partir en paix » les amis qui s’en vont, Exod., iv, 18 ; Jud., xviii, 6 ; I Reg., i, 17 ; xx, 13, 22, 42 ; xxix, 7 ; II Reg., xv, 9 ; IV Reg., v, 19 ; Judith, viii, 34, et on leur souhaite d’aller en paix à leur destination. II Par., xviii, 16, 26 ; Act., xv, 33 ; xvi, 36 ; III Joa., 14. Notre-Seigneur aime à dire : « Va en paix ! » à ceux qu’il a guéris. Marc, v, 34 ; Luc, vii, 50 ; viii, 48. Il veut que ses disciples disent, , en entrant dans une maison : « Paix à cette maison ! » Si elle est habitée par un homme de paix, la paix se reposera sur lui ; sinon, elle reviendra au disciple. Luc, x, 5, 6 ; Matth., X, 13. — 2° Les pacifiques, ceux qui aiment la paix et la font régner autour d’eux, sont particulièrement loués par la Sainte Écriture. Gen., . xxxi v, 21 ; xlii, 11-33 ; I Reg., xvi, 4, 5. Ils ont les promesses de la prospérité, Ps. xxxvii (xxxvi), 37, et de la joie. Prov., xii, 20..Notre-Seigneur dit qu’ils seront appelés les fils de Dieu, Matth., v, 9, qui est le Dieu de paix, II Cor., xiii, 11, ce qui suppose qu’ils seront traités en conséquence ici-bas et dans l’autre vie.

1961

PAIX — PALACIOS

1962

Cf. Ps. xxxvii (xxxvi), 11. — 3° Il est recommandé de rechercher la paix, Ps. xxxrv (xxxm), 15, de maintenir la paix entre les frères, c’est-à-dire entre les disciples du Sauveur, Marc, ix, 49, et avec tous les hommes. Rom., xil, 18 ; xiv, 19 ; Eph., iv, 3 ; I Thess., v, 13 ; II Thess., ii, 22 ; Heb., xii, 14 ; I Pet., iii, 11 ; II Pet., m, 14. Saint Paul souhaite la paix aux frères. Eph., vi, 23. — Les méchants, au contraire, parlent de paix et ont la malice au cœur. Ps. xxviii (xxvii), 3 ; Mich., iii, 5.

— 4° Le juste se couche en paix. Ps. iv, 9. Il va en paix à ses pères, c’est-à-dire il a une mort tranquille. Gen., xv, 15 ; IV Reg., xxii, 20 ; Tob., iii, 6 ; xiv, 4 ; Eccli., xliv, 14 ; Luc, ii, 29. L’Église, dans sa liturgie, souhaite souvent la paix aux âmes de ses fidèles défunts, et fait répéter fréquemment la prière : Requiescani in pace.

III. La paix divine. — 1° Dieu est le Dieu de paix. Jud., vi, 24 ; I Thés., v, 23 ; II Thés., iii, 16 ; Heb., .xm, 20. Il dirige les pas des hommes dans la paix. Luc, i, "Ï9. Il accorde à Israël son alliance de paix. Num., xxv, 12. Il la donne à qui il veut, Job, xxxiv, 29, surtout à ceux qui aiment sa loi, Ps. cxix (cxviii), 165 ; Bar., iii, 13-14, qui pratiquent la justice, Is., xxxii, 17 ; Jacob., m, 18, et se conduisent par les inspirations de la sagesse divine. Jacob., iii, 17. La paix coule pour eux comme un fleuve, Is., xliii, 18 ; lxvi, 12, et les suit dans l’autre vie. Sap., iii, 3. — 2° En conséquence, il n’y a pas de paix pour les impies, Deut., xxix, 19 ; Is., xlviii, 22 ; lvii, 21, pour ceux qui sont éloignés de Dieu, Job, ix, 4 ; Is., xxvii, 5, pour les idolâtres qui donnent à leurs maux le nom de paix. Sap., xiv, 22. Aussi, même au

sein de la paix extérieure, le méchant a peur, parce qu’il n’est pas en paix avec Dieu. Job, xv, 21.

IV. La paix èvangëlique. — Avant la rédemption, la paix divine n’est que partielle, parce que le fond du dissentiment entre Dieu et l’homme subsiste toujours. Une paix complète, profonde, intime, est promise pour l’époque messianique. Alors la justice et la paix s’emhrasseront. Ps. lxxxv (lxxiv), 9, 11. Les montagnes produiront la paix, comme une eau bienfaisante qui vient du ciel. Ps. lxxii (lxxi), ’3. Le Messie sera appelé « Prince de la paix ». Is., ix, 6. Il justifiera ce nom en prenant sur lui le châtiment qui permet à l’homme de rentrer en paix avec Dieu. Is., Lin, 5. — 2° En venant au monde, le Sauveur fait annoncer la paix aux hommes de bonne volonté. Luc, ii, 14 ; Gal., vi, 16. Cf. Luc, xix, 38. Il leur apporte la paix, non pas la paix extérieure avec les parents qui méconnaissent la rédemption, Matth., x, 34 ; Luc, xii, 51, ni la paix telle que le monde l’entend et la donne, Joa., xiv, 27, mais sa paix à lui, celle dont il est l’auteur et la substance même, Joa., xiv, 27 ; xvi, 33 ; Eph., ii, 14-17, celle que Jérusalem coupable n’a pas voulu reconnaître au moment propice, Luc, xix, 42, alors qu’elle eût dû justifier son nom de « paix de la justice ». Bar., v, 4. Cf. Heb., vii, 2. — 3° Les Apôtres prêchent cette paix en Jésus-Christ qui réconcilie avec Dieu. Act., vii, 26 ; x, 36. Les auteurs sacrés saluent sur les montagnes les pieds de ceux qui viennent annoncer cette paix. Is., lii, 7 ; Nah., i, 4 ; Rom., x, 15. C’est la paix de Dieu par excellence, et les Apôtres ne se lassent pas de l’appeler sur les fidèles. Rom., i, 7 ; v, 1 ; xv, 33/j xvi, 20 ; I Cor., i, 3 ; xiv, 33 ; II Cor., i, 2 ; xiii, 11 ; Gal., i, 3, etc. ; I Pet., i, 2 ; II Pet., i, 2 ; II Joa., 3 ; Jud., 2 ; Apoc, i, 4. Elle est le fruit du Saint-Esprit, Rom., viii, 45 ; xiv, 17 ; xv, 13 ; Gal., v, 22, et dépasse tout sentiment, à cause de son caractère surnaturel. Phil., iv, 7. Aussi .est-ce à bon droit que la prédication apostolique est appelée « évangile de paix ». Eph., vi, 15. — Sur les sacrifices pacifiques, voir Sacrifice.

H. Lesètbe.

PAL (hébreu : ’es, « bois ; » Septante : ÇiiXov ; Vulgate : lignum, patibulum), poteau fixé en terre pour y attacher des suppliciés. — Ce poteau servait pour les

pendaisons. Num., xxv, 4 ; II Reg., xxi, 6, 9. On y attachait les cadavres de ceux qui avaient été lapidés, mais il était défendu de les y laisser après le coucher du soleil. Deut., xxi, 22, 23. Voir Lapidation, col. 90 ; Pendaison, Potence. — Le pal prepremenfclit était un poteau aiguisé à sa partie supérieure et sur la pointe duquel on fixait le corps de celui qu’on voulait faire périr. Ce supplice cruel n’était point en usage chez les Hébreux ; mais il était fréquent chez les Assyriens, dont les monuments le représentent assez souvent (Bg. 515). Voir aussi fig. 4, col. 16, la représentation du siège de Lachis par l’armée de Sennachérib. Au bas, au milieu de la figure, on voit trois Juifs empalés..Cf. Botta, Monuments deNlnive, pi. 55 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. iii, p. 203, 357. Le roi de Perse, Darius, dans son décret en faveur de la

515. — Ennemis empalés par les Assyriens devant une site assiégée par Théglathphalasar m. Ntairoud. — D’après Layard, Nineveh and Us Remains, t849, t. ii, p. 369.

reconstruction du Temple, ordonne que, si quelqu’un entrave l’exécution de ses ordres, ou prenne une poutre dans sa maison, et zeqîf ifmehê’'âlohi, « qu’élevé il soit fixé dessus, » (ipOwn^vo ; TrXrj-friasTai in’aùtoû, erigatur et configatur in eo. I Esd., VI, 11. Les versions traduisent comme si ce supplice était celui de l’empalement. Dans le texte chaldéen, le verbe tncjâ’signifie s frapper, clouer, attacher ». Le supplice en question pouvait donc être tout aussi bien la pendaison ou le crucifiement.

H. Lesêtre.

1. PALACIOS (Michel de), théologien espagnol de la seconde moitié du xvie siècle, né à Grenade, mort à Ciudad-Rodrigo. Il professa la théologie à Salamanque. Chanoine de Léon etde Ciudad-Rodrigo, il enseigna l’Écriture Sainte dans cette dernière ville où il mourut et fut enseveli dans le monastère des ermites de Saint-Augustin. Parmi ses écrits nous mentionnerons : Dilvcida-, tionum et declamationum tropologicarum in Esaiam prophetam libri XV, 3 in-f°, Salamanque, 1572 ; In Joannis Apostoli Evangelium et inEpistolas canonicas, 2 in-f°, Salamanque, 1581 ; Enarrationes in Epistolam B. Pauli ad Hebrseos ad sensuni litteralem, historicum et mysticum, in-f°, 1590, Salamanque ; Explanationes in duodecim prophetas minores secundum omnes Sacrée Scripturæ sensus, in-f°, Salamanque, 1593. Voir N. Antonio, Biblioth. hispana nova, t. H, p. 143.

B. Heurtebize.

2. PALACIOS (Paul de), frère du précédent, théologien espagnol, né à Grenade, mort en 1587 à Villaverde. Il fut professeur d’Écriture Sainte à l’Université de Coïmbre et chanoine théologal d’Évora. Il mourut à Villaverde,

dont le roi Henri de Portugal lui avait donné le prieuré. On a de cet auteur : Enarrationum in sacrosanctum Jesu Christi Evangelium secundum Mattkxum t. Il : quorum prior selectiores interpretationes plusquani viginti Patrum gui super Mattheeum scripserunt, posterior nova auctoris conlinet commentarid, in-f°, Coïmbre, 1564 ; ira Ecclesiasticum contmentaria, m- ! , Villaverde, 1581 ; In XII prophetas minores commentaria, in-f°, Villaverde, 1835. Voir N.Antonio, Biblioth.

hispana nova, t. ii, p. 162.
B. Heurtebize.

hèhal ; Septante : ë<xpe « , oïxoç toû ëauiXÉtoç, ôx - Jp(V a toO ëamXéwç ; Vulgate : palatium, castrum, domus régis ou regia, mdes régis), édifice spacieux et riche, servant habituellement d’habitation royale.

I. Palais égyptiens. — Les anciens palais royaux d’Egypte étaient de vraies cités. Un mur en brique leur formait une enceinte assez forte pour résister aux attaques du dehors. Une seule porte, étroite et haute, y donnait entrée ; de là, un long couloir entre deux murs menait dans une vaste cour encombrée par les habi 516. — Palais d’Aï, en Egypte. Tell el-Amarna, D’après Prisse d’Avesne, Histoire de l’art égyptien, 2 in-f û, Paris, 1878.

    1. PALAIRET Élie##

PALAIRET Élie, théologien protestant, né à Rotterdam, en 1713, mort en 1765. Après avoir desservi plusieurs églises dans les Pays-Bas et dans les Flandres, il passa en Angleterre où il devint le vicaire de l’évêque de Bangor. Parmi les écrits de cet auteur, on remarque : Observatioriesphilologico-criticseinsacrosNoviFœderis libros quorum plurima loca ex auctoribus potissimum grsecis exponuntur, illustrantur, vindicanlur, in-8°, Leyde, 1752 ; Spécimen of phiïological and critical observations on the New Testament, in-8°, Londres, 1755. Voir Walch, Biblioth. theologica, t. tv, p. 330 ; W. Orme, Biblioth. biblica, p. 336.

B. Heurtebize.
    1. PALAIS##

PALAIS (hébreu : bêf ham-nxelék, hëkâl, bitân, bîrdh, ’almânôt, ’appédên, ’armôn ; chaldéen : baït,

tations. Celle du roi était pourvue de galeries, du haut desquelles le pharaon assistait aux évolutions de sa garde. À l’intérieur, on avait ménagé de grandes salles servant aux conseils, aux jugements et aux banquets. Les portes qui y donnaient accès et les colonnes qui les supportaient étaient richement décorées. Les appartements privés, soigneusement séparés des salles officielles, communiquaient avec la demeure de la reine et le harem des épouses secondaires. Les enfants royaux habitaient un quartier particulier dans l’enceinte du palais ; les services administratifs étaient rélégués en dehors. Le bois et la brique entraient presque exclusivement dans ces constructions, assez peu durables ; d’ailleurs, un pharaon n’aimait guère habiter là où son prédécesseur avait vécu et était mort. Il allait cons1965

PALAIS,

1966

truire ailleurs un palais qui devait être aussi éphémère que ceux qu’il remplaçait. On voyait partout, aux environs de Memphis, les restes des anciennes constructions royales. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 276-277. À son arrivée en Egypte, Abraham vit un palais de ce genre. Gen., xii, 15. Celui que plus tard Joseph habita avait certainement le même aspect. Gen., xxiv, 1. On a trouvé à Tell el-Amarna le plan d’un palais de grand seigneur, celui d’Aï, gendre du pharaon Khouniaton, et plus tard lui-même roi d’Egypte.

centre était bordée de chambres ; les deux autres communiquaient à droite et à gauche avec deux cours plus petites, d’où partaient les escaliers qui montent à la terrasse. Ce bâtiment central était ce que les textes appellent Yâkhonouti, la demeure intime du roi et des grands seigneurs, où la famille et les amis les plus proches avaient seuls le droit de pénétrer. Le nombre des étages, la disposition de la façade différaient selon le caprice du propriétaire. Le plus souvent la façade était unie ; parfois elle était divisée en trois corps, et

517. — Vue perspective du palais d’Aï. Restauration de Ch. Chipiez, d’après Perret et Chipiez, Histoire de l’art, t. i, fig. 260, p. 467. « Un bassin oblong s’étend devant la porte ; il est bordé d’un quai en pente douce muni de deux escaliers. Le corps de bâtiment est un rectangle plus large sur la façade que sur les parois latérales (fig. 516) ; Une grande porte s’ouvre au milieu et donne accès dans une cour plantée d’arbres et bordée de magasins remplis de provisions : deux petites cours placées symétriquement dans les angles les plus éloignés servent de cage aux escaliers qui mènent sur la terrasse. Ce premier édifice sert comme d’enveloppe au logis du maître. Les deux façades sont ornées d’un portique de huit colonnes, interrompu au milieu par la baie du pylône. La porte franchie, on débouchait dans une sorte de long couloir central, coupé par deux murs percés de portes, de manière à former trois cours d’enfilade. Celle du

le corps du milieu était en saillie… Les façades sont décorées assez souvent de ces longues colonnettes en bois peint qui ne portent rien et servent seulement à égayer l’aspect un peu sévère de l’édifice (fig. 517). » Maspero, L’archéologie égyptienne, Paris, 1887, p. 17, 18. En Egypte, la splendeur architecturale était réservée pour les temples des dieux. Sur les palais égyptiens, voir G. Perrot, Histoire de l’art, t. i, p. 458-476.

II. Palais Israélites. — 1° Rois de Juda. — Saûl n’avait qu’une simple maison, à Gabaa. I Reg., xv, Si-David, à Jérusalem, en occupait une qui avait une terrasse et pouvait abriter un certain nombre de serviteurs. II Reg., xi, 2, 9. Salomon fut le premier prince israélite qui se fit construire un palais proprement dit. II Par., il, 12. Ce palais se composait de trois édifices, corres

pondant exactement à ceux des palais égyptiens. II y avait d’abord la maison du Bois-Liban, qui comprenait’la salle du trône, le tribunal royal et un arsenal. Voir’Maison du Bois-Liban, t. iv, col. 594-597. De cette maison, un portique conduisait dans une seconde cour, où s’élevait la maison d’habitation de Salomon. Enfin, au delà, était celle de la reine, fille du pharaon d’Egypte. Tous ces édifices avaient été construits en bonnes et belles pierres, sciées sur toutes leurs faces. Celles des fondations avaient huit et dix coudées de large. Le cèdre fournissait le matériel nécessaire pour compléter la construction. La grande cour dans laquelle s’élevaient les divers édifices était entourée d’un mur à trois rangées de pierres de taille et de poutres de cèdre formant un portique comme celui du Temple. III Reg., vii, 112. La décoration intérieure des édifices comportait des incrustations d’ivoire, Ps. xlv (xltv), 9, et tout le luxe résultant de la richesse du roi et de l’habileté artistique des entrepreneurs phéniciens. Il est probable que, comme dans les palais égyptiens, les portiques entourant la cour abritaient les communs et les magasins de provisions. Des parterres, des bosquets et des bassins devaient occuper une partie des espaces vides ; L’ensemble empruntait quelque chose de plus pittoresque à l’emplacement du palais sur les pentes d’Ophel. Salomon soigna ces constructions, car il mit environ treize ans à les terminer. III Reg., vii, 1. Le palais communiquait avec le Temple. IV Reg., xi, 16. Le trésor royal y était enfermé. IV Reg., xii, 18 ; xx, 13 ; Is., xxxix, 2. Mais les rois de Jérusalem n’avaient pas, comme ceux d’Egypte, la facilité de transporter leur résidence ailleurs que dans la demeure de leurs pères. Les successeurs de Salomon habitèrent donc le palais construit par lui ; mais vingt fois ils le remanièrent ou le reconstruisirent avec des modifications notables, jusqu’à sa ruine définitive. Cf. Babelon, Manuel d’archéologie orientale, Paris, 1888, p. 245, 246. Isaïe, xxxiii, 14, avait prédit cette ruine et annoncé que les animaux sauvages établiraient leurs repaires sur l’emplacement du palais d’Ophel. Cf. Prov., xxx, 28. Amos, ii, 5, prophétise aussi l’incendie du palais de Jérusalem. Mais Jérémie, xxx, 18, dit que les palais de Jacob seront rétablis, et l’auteur du Psaume xlviii (xlvii), 4, 14, proclame que Dieu protège les palais de Sion. — Jérémie mentionne, xxxvi, 22, un palais d’hiver où habitait Sédécias. Cf. Amos, iii, 15.

2° Rois d’Israël. — Les rois d’Israël avaient aussi leurs palais. Il en existait un à Thersa. Zambri, après avoir tué Ela, régna pendant sept jours à Thersa, et, assiégé par Amri et tout le peuple d’Israël, se retira dans la citadelle de la maison du roi, mit le feu au palais et périt dans les flammes. III Reg., xvi, 18. Achab possédait un palais à Jezraël. III Reg., xxr, 1 ; IV Reg., ix, 3034. Il y en avait un autre à Samarie, IV Reg., vii, 11 ; Phacée y frappa à mort Phacéia, dans la tour de la maison du roi. IV Reg., xv, 25.

3° Après le retour de la captivité. — Il est fait alors mention de la forteresse voisine du Temple. II Esd., Il, 8. Cette forteresse, appelée d’abord pdtptç, devint ensuite PAntonia, à la fois palais et citadelle. Voir Antonia, t. i, col. 712. Il existait à cette époque une haute 10ur, en avant de la maison du roi, l’ancien palais de Salomon, sur Ophel. II Esd., iii, 25. — A Arâq-el-Émir, à l’est du Jourdain, à peu près à la hauteur de Jéricho, on voit encore sur une colline les restes d’un ancien palais, dont Josèphe, Ant. jud., XII, iv, 4, donne la description, et dans lequel vécut plusieurs années Hyrcan, fils de ce Joseph, fermier des impôts, qui domina la Judée de 190 à 176. Il est probable qu’Hyrcan se contenta d’embellir ce lieu, et qu’il profita des substructious et des constructions exécutées anciennement, sans doute par les Ammonites, qui avaient longtemps possédé cette région. Cf. Revue

biblique, 1893, p. 138-140 ; 1894, p. 617, et le plan d’Arâq-el-Émir, d’après de Saulcy, dans Chauvet et Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 1890, p. 521. — Les princes Asmonéens eurent à Jérusalem un palais voisin du Xystus et communiquant directement avec le Temple. Plus tard, Agrippa II bâtit à la place un magnifique édifice qui dominait toute la ville et permettait de voir ce qui se passait dans le Temple. Les prêtres élevèrent une haute muraille pour obstruer la vue, et, grâce à Poppée, obtinrent l’approbation de Néron. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, viii, 11 ; Bell, jud., II, XVI, 3. — Hérode se bâtit à Jérusalem un palais royal, le long de l’enceinte occidentale de la ville, au sud des tours Hippicus et Phasaël. Voir la carte, t. iii, col. 1355. Les deux principaux édifices reçurent les noms de Cesarium et d’Agrippium. Josèphe prétend que la magnificence de ce palais surpassait celle du Temple. Cf. Bell, jud., i, xxi, 1. Le monument connu sous le nom de Tour de David, voir t. iii, fig. 259, col. 1374, est tout ce qui en reste. Dans la suite, les procurateurs romains habitèrent ce palais. Cf. Josèphe, Bell, jud., II, xiv, 8 ; xv, 5 ; Philon, Leg. ad Caj., 38, édit. Mangey, t. H, p. 589. D’après plusieurs auteurs, c’est dans ce palais, qui était en même temps une forteresse pouvant contenir beaucoup de troupes, que Pilate aurait eu son prétoire et que le Sauveur aurait été amené pendant sa passion. Cf. Schûrer, Geschichte des jud. Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, 1. 1, 1901, p. 458. Voir Prétoire. Hérode éleva d’autres palais à Césarée, dont il avait fait un port de mer et la capitale civile de la Judée, voir Césarée, t. ii, col. 457, 458, à Hérodion, au sud de Jérusalem, à Machéronte et à Massada. Cf. Josèphe, Bell, jud., I, xxi, 10 ; VII, vi, 2. + Josèphe mentionne encore les palais du grand-prêtre Ananias, d’Agrippa et de Bérénice, qui furent incendiés pendant les émeutes de Jérusalem, à l’époque du siège, cf. Bell, jud., II, xvii, 6, celui de la reine Hélène d’Adiabène, devenue prosélyte, cf. Bell, jud., V, vi, 1 ; VI, VI, 3, et celui de Grapté, parente d’Izates, roi du même pays. Cf. Bell, jud., IV, îx, 11. Hélène était venue s’établir à Jérusalem vers 48 après J.-C. — Au début de sa passion, le Sauveur eut à comparaître devant Anne et devant Caïphe. Joa., xviii, 13, 24. La tradition place le palais de Caïphe sur le mont Sion, non loin du cénacle. Mais on ignore si les grands-prêtres habitaient le même palais ou des palais contigus, bien que certains croient trouver la demeure d’Anne à 175 mètres de celle de Caïphe. Cf. Azibert, La nuit de la Passion, dans la Revue biblique, 1892, p. 282, 283 ; Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 471-473 ; Jérusalem, t. iii, col. 1341.

III. Palais syriens, philistins, etc. — Les voisins des Israélites avaient aussi, dans leurs villes principales, des habitations royales plus ou moins luxueuses, mais dont il ne reste rien et sur lesquelles on manque de renseignements. Amos, i, 4, 7, 10, 12, 14 ; ii, 2, annonce la destruction par le feu des palais de Damas, chez les Syriens, voir t. H, col. 1213 ; de Gaza, chez les Philistins, voir t. iii, col. 118 ; de Tyr, chez les Phéniciens ; de Bosra, chez les Iduméens, voir t. i, col. 1859 ; de Rabbah, chez les Ammonites ; de Carioth, chez les Moabites, voir t. ii, col. 283.

IV. Palais assyriens. — 1° Par leur masse, leur étendue et leur décoration, les palais assyriens et babyloniens ont été les plus importants de l’ancien monde. Ils étaient invariablement bâtis au sommet d’une butte artificielle en briques sèches. À Lagasch, le palais de Goudéa repose sur un soubassement qui domine la plaine] de douze mètres et n’est accessible que par un escalier raide et étroit, ’facile à défendre ou à couper. Il a une forme rectangulaire, sans que pourtant les côtés suivent une ligne exactement droite. Les constructions étaient en briques, formant des murs massifs ~W ï i

contrebutés par, des, .pilastres saillants. Les portes d’entrée, rares et basses, donnaient accès à l’intérieur où l’habitation du souverain s’élevait au milieu des constructions secondaires, destinées aux différents services royaux. Tout était combiné pour la défense plutôt que pour l’agrément de la vie. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 710-718. Au IXe siècle, Assurnasirpal se construisit un palais à Kalakh, sur le Tigre, au sud de Ninive. Suivant l’usage assyrien, il érigea à l’un des angles une ziggurât ou tour à étages en l’honneur de son dieu protecteur, Ninip, dieu de la guerre. Cette tour avait de 60 à 70 mètres de haut.

619. — Propylées de Xerxès.

D’après M. Dieulafoy, L’art antique de la Perse, t. ii, pi. xii. « Le palais se déployait vers le sud, le dos au fleuve, la façade à la ville, long de 120 mètres, large de 100 : au centre, une cour énorme, flanquée de sept ou huit belles salles destinées aux fonctions solennelles, puis, entre elles et la cour, un nombre considérable de pièces variables par les dimensions, assignées à l’habitation ou aux services de la maison royale, le tout en grosses briques sèches cachées sous un parement de pierres. Trois portails flanqués de taureaux ailés à tête humaine prêtaient accès à la plus vaste, celle où le souverain donnait audience à ses sujets, ou aux légats de l’étranger. Le cadre des portes et les parois de certaines d’entre elles étaient égayés de briques émaillées ; des bandes de bas-reliefs peints se développaient dans la plupart, qui retracent les épisodes de la vie du roi. » Maspero, Histoire ancienne, t. iii, p. 46, 47 ; Layard, Nineveh and £abylon, p. 149-170 ; Nineveh and Us Remains, t. i, p. 381-390 ; t. ii, p. 4-14. À Dour-Sarroukln, ou Khorsabad, Sargon II bâtit une ville dont l’enceinte mesurait 1760 mètres sur 1685. Les murailles de l’enceinte ont 14^50 de haut, sont flanquées de tours crénelées qui font saillie de 4 mètres et sont

percées de huit portes, chacune entre deux tours. Au nord-est de la ville s’élevait le palais royal (fig. 518), avec double escalier pour les piétons et rampes d’accès pour les cavaliers et les chars. C’est aux portes de ce palais que se trouvaient les taureaux ailés reproduits t. ii, fig. 246, col. 667-670. Le roi avait employé à la décoration tous les matériaux précieux qui constituaient le butin de ses campagnes. L’intérieur se divisait en deux parties distinctes, celle où se déroulaient les réceptions et les cérémonies publiques, et la demeure royale proprement dite, comprenant une vingtaine de chambres et des salons pour l’usage du souverain, le harem des reines et des princesses et la demeure des enfants parvenus à l’adolescence. Tout autour s’étendait un parc dans lequel le roi pouvait chasser des animaux sauvages et même des lions. Cf. Place, Ninive et l’Assyrie, t. i, p. 47-105, 116-127. Une viggurât ou tour à sept étages, en l’honneur des sept dieux planétaires, montait à 43 mètres de hauteur. Cf. Place, Ninive et l’Assyrie, t. i, p. 137-148 ; Maspero, Histoire ancienne, t. iii, p. 261-270 ; Id., Lectures historiques, Paris, 1890, p. 204-225 ; Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 422-448. Le successeur de Sargon, Sennachérib, voulut aussi avoir son palais a lui, et il l’éleva à Ninive même. Il y mit en œuvre une telle profusion de matériaux et un tel luxe de décoration qu’il l’appela lui-même le « palais sans second ». Voir l’essai de reconstitution de ce palais fig. 441, col. 1631. Sur le palais de Babylone, voir t. i, col. 1355, et fig. 407, 408, col. 1355, 1357.

2° Les prophètes mentionnent les palais de Ninive et de Babylone. Isaïe, xiii, 22, prédit qu’un jour les chacals hurleront dans les palais déserts de Babylone. Il annonce à Ézéchias que.le temps viendra où ses descendants serviront d’eunuques dans le palais (hêkâl, assyrien : êhallu) du roi de Babylone. Is., xxxix, 7. Daniel et ses compagnons furent élevés dans un de ces palais. Dan., i, 4. Le prophète interpréta dans le palais de Nabuchodonosor le songe de ce prince. Dan., iv, 1, 26. Nahum, ri, 6, prophétise l’effondrement du palais de Ninive. Cf. Soph., ii, 13-15.

V. Palais mèdës et perses. — 1° Cyrus possédait un palais à Pasargades, édifice rectangulaire et assez mesquin, avec des porches à quatre colonnes sur deux de ses faces, une pièce à chaque angle, et au centre une salle hypostyle, divisée en quatre nefs par des colonnes supportant le toit. Des bas-reliefs et des inscriptions en décoraient les parois. Cf. Perrot-Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. v, p. 665-670. Ce palais est probablement celui qui est mentionné I Esd., vi, 4.

2° Darius édifia le sien â Persépolis. On y accédait par une rampe double, dont le mur latéral était historié de curieux bas-reliefs. On rencontrait immédiatement les chambres de réception, dont plusieurs étaientantérieures à Darius, spécialement celle que précédaient les gigantesques propylées de Xerxès h*, avec leurs taureaux ailés (fig. 519). Venaient ensuite Yapadana, salle d’honneur pour les cérémonies habituelles, et la salle aux cent Colonnes, pour les occasions les plus solennelles.

3° Artaxerxès I er préféra s’établir à Suse, où ses devanciers avaient fréquemment séjourné, même après la construction du palais de Persépolis. Celui de Suse était en même temps une forteresse, comme on le voit par le plan, t. ii, fig. 607, col. 1974. Artaxerxès y bâtit un apadana de 100 mètres sur 50 de côté (fig. 520). La caractéristique de cette architecture était la haute et grêle colonne, dont le chapiteau se termine par deux avant-corps de taureaux entre lesquels repose l’extrémité de la poutre qui soutient la toiture (fig. 521). Cf. Marcel Dieulafoy, L’acropole de Suse, Paris, 1891 ; Perrot et Chipiez, Histoire de l’art, t. v, p. 695-750 ; Babelon, Manuel d’archéologie orientale, p. 157-171 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 626-634.

1973

PALAIS — PALATINUS (CODEX)

1974

4° Une des visions de Daniel, viii, 2, a pour théâtre Ja forteresse de Suse. Néhémie était à Suse, dans le palais, quand Artaxerxès lui permit d’aller relever les murs de Jérusalem. II Esd., i, 1 ; ii, 6. En cet endroit,

dide tombeau. Le prophète donne ensuite quelques détails sur les fonctions du successeur Éliacim. Il porte une tunique et une écharpe qui marquent sa dignité. Il a sur son épaule la clef de la maison de David et est

520. — Apadana de Suæ restauré. D’après M. Dieulafoy, L’acropole de Suse, pi. x.

les traducteurs grecs n’ont pas saisi le sens de bîrâh, « palais, forteresse, » en assyrien, birtu, en grec, 6âpic, castrum, et ont rendu l’hébreu par Eouuâv’Aéipdt. Enfin, c’est ce même palais de Suse qui vit se dérouler les événements racontés dans le livre d’Esther. Voir Assuérus, 1. 1, col. 1141 ; Esther, t. ii, col. 1973. L’apadana d’Artaxerxès n’était pas encore construit à cette époque. Ce nom, qui devient’apadnd’en araméen, est employé par Daniel, xt, 45, sous la forme’appédén, cour désigner le palais que le roi du nord, Antiochus Épiphane, doit ériger en Judée, près de la montagne sainte.

VI. Intendants des palais. — L’administration de ces vastes palais réclamait un homme habile. Il est plusieurs fois parlé dans la Sainte Écriture de l’intendant du palais, âSèr’al hab-bait, « celui qui est préposé à la maison, » et une fois, Esth., i, 8, rab baîf, « le préfet de la maison. » Les versions l’appellent 6 4n£ toû ofxou ou tïj ; oixîa ; , « le préposé à la maison, >) oî’xovo(io ; , prxpositus, prssfectus, dispensator. Joseph avait un intendant dans son palais égyptien. Gen., xliv, 1. Ahisar était préfet du palais de Salomon, III Reg., iv, 6, Arsa, préfet de la maison royale d’Éla, à Thersa, et le roi buvait et s’enivrait chez lui quand Zambri vint le tuer. III Reg., xvi, 9. Le préfet du palais d’Achab, à Samarie, se mit aux ordres de Jéhu après la mort de son maître. IV Reg., x, 5. Quand le roi Ozias fut frappé de la lèpre et dut vivre à part, son fils Joathan devint préfet du palais et gouverna à la place de son père. IV Reg., xv, 5. La charge d’intendant du palais constituait donc une situation assez importante pour qu’on pût l’attribuer à un fils de roi. Éliacim fut intendant du palais d’Ézéchias. IV Reg., xix, 2 ; Is., xxxvi, 3. En même temps que lui est nommé Sobna, le secrétaire. Or Éliacim avait succédé à un autre intendant portant le même nom de Sobna. Is., xxii, 20. Ce dernier avait dû être destitué et Isaïe, xxii, 15-25, a toute tïne prophétie contre lui. Il est peu probable qu’il soit devenu ensuite secrétaire du roi et que celui-ci l’ait envoyé en mission auprès d’Isaïe en compagnie d’Éliacim. IV Reg., xix, 2. Il s’agit donc vraisemblablement de deux personnages différents. Isaïe accuse l’intendant Sobna d’être l’opprobre de la maison de son maître et de se montrer dur et injuste pour les habitants de Jérusalem et de Juda. Il était sans doute également rapace, car il possédait des chars magnifiques et se faisait alors tailler dans le roc et bien en vue un splen seul à pouvoir ouvrir ou fermer. Il dispose de tout dans la maison et de tous les ustensiles « depuis la coupe jusqu’aux jarres ». Is., xxii, 21-24. — Enfin, dans le

521. — Chapiteau susien restauré. Musée du Louvre.

palais de Suse, plusieurs intendants surveillaient l’ordonnance des fêles. Esth., i, 8. H. Lesêtke.

    1. PALATINUS##

PALATINUS (CODEX). C’est un des principaux manuscrits oncîaux de l’ancienne version latine des

Évangiles, datant du v « siècle, désigné en critique par la lettre e, et conservé depuis 1806 à la Bibliothèque impériale de Vienne sous la cote lat. H85. Un feuillet se trouve à Dublin (Trinity Collège, N. 4, 18). Le codex était d’abord à Trente d’où il fut envoyé à Rome en 1762 pour l’édition de Bianchini. Celui-ci en fit prendre une copie qui fut déposée à la Vallicellianæty estcotéeU.66.

— Le Palatinus renferme les parties suivantes des Évangiles : Matth., xii, 49-xxiv, 49 (mais xiii, 13-23, appartient au feuillet de Dublin et xiv, 11-21, n’existe plus que dans la copie de Rome) ; Matth., xxviii, 2-20 : Joa., i, 1-xviii, 12 ; xviii, 25-xxi, 25 ; Luc, i, 1-vtn, 30 ; vm, 48-xi, 4 ; xi, 24-xxiv, 53 ; Marc, i, 20-iv, 8 ; iv, 19vi, 9 ; xii, 37-40 ; xiii, 2-3, 24-27, 33-36. — La partie conservée à Vienne fut éditée par Tischendorf, Evangelium Palatinum, Leipzig, 1847 ; le feuillet de Dublin, par Abbott à la suite de son The Codex rescriplus Dublinensis, Z, Londres, 1880, enfin le fragment que la copie de Rome présente en plus des manuscrits précédents par Linke, Neue Bruchstùcke des Evangelium Palatinum, dans les Sitzungsber. der Akad. der Wissenschaften tu Mûnchen, 1893, fasc. ii, p. 281-287. Le tout a été réédité par J. Belsheim, Evangelium Palatinum etc., Christiania, 1896, ’avec une préface donnant l’historique du célèbre codex. D’après Hort, The New Testament in Greek, introduction, Londres, 1896, p. 81, le Palatinus, ainsi que le Bobiensis, si éprouvé par l’incendie de la Bibliothèque de Turin, offre un texte africain en substance, souvent absolument identique aux citations de saint Cyprien là où elles différent du texte européen. F. Prat.

    1. PALESTINE##

PALESTINE, partie méridionale de la Syrie, qui correspond à l’ancien pays de Cbanaan, à ce que nous appelons la Terre-Sainte. La connaissance de cette contrée est de première nécessité pour comprendre la Bible. Chacune de ses divisions, de ses villes, fleuves, montagnes, etc., a son article spécial dans le corps du Dictionnaire. Nous n’avons à donner ici qu’une étude d’ensemble sur son état actuel et son état ancien, au double point de vue géographique et historique.

I. Noms. — Le pays que nous étudions a porté, au cours des âges, dans la Bible et chez les peuples anciens, des noms différents, tirés de ses habitants, principalement des Hébreux, et des événements religieux dont il fut le théâtre.

1° Palestine. — Ce nom, dans son extension actuelle, c’est-à-dire en tant qu’il désigne la contrée tout entière, n’est pas biblique, bien qu’il ait ses racines dans la Bible. La Vulgate connaît les Paleestini, Gen., xxi, 33, 34 ; xxvi, lj 8, 14 ; Exod., xxiii, 31 ; Ezech., xvi, 27, 57 ; xxv, 15, 16, ou Palsesthini. I Par., x, 1 ; Jer., xlvji, 1, 4 ; Joël, iii, 4 ; Am., vi, 2 ; ix, 7. Les manuscrits et même les éditions imprimées offrent une certaine variété d’orthographe ; la première est la meilleure. Cf. Vercellone, Variée lectiones Vulgatse latines, Rome, 1860, t. i, p. 74. Mais ce mot traduit l’hébreu ntntfbs,

PeliStim, « les Philistins, » que les Septante rendent par $u>[o-Tt£ ! (i, Gen., xxi, 33, 34 ; xxvi, 1, 8, 14, etc., et par àXXôçyXot. I Par., x, 1 ; Jer., xlvii, 1, 4, etc. Il ne s’applique donc qu’au peuple qui habitait la région sud-ouest de la Palestine actuelle, le mât Palastu, Pilistu, Pilista des inscriptions assyriennes. Cf. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradiesf Leipzig, 1881, p. 288 ; E. Schrader, Die Keilinschriften und das À Ite Testament, Giessen, 1883, p. 102. C’est dans ce sens restreint que Josèphe lui-même, Ant. jud., i, vi, 2 ; II, xv, 3 ; XIII, v, 10, emploie les dénominations de IlaXatcrti’voi, IlaXaiffrivï]. Dans quelques endroits cependant, Ant jud., VIII, x, 3 ; Cont.Ap., i, 22, il parle, d’après Hérodote, de la riaXacoTs’vr) Supi’a, des « Syriens qui sont dans la Palestine », Eyptot oî èv tt] noXaturcvr), expressions qui étendent le territoire jusqu’à la Phé nicie. Hérodote, en effet, ir, 104 ; iii, 5, 91 ; vii, 89, distingue les Phéniciens des Syriens qui sont èv x-ꝟ. 11a-Xaiari’vT ] ou appelés IlaXaioTivoi ; tout ce qui va de leur district jusqu’à l’Egypte se nomme, d’après lui, Palestine. Les écrivains grecs firent d’abord de DTaXottcrrivï) un adjectif déterminant Eupe’a, pour distinguer « la Syrie Palestine » ou méridionale, y compris la Judée, de la Phénicie et de la Cœlé-Syrie. L’expression t, IlaXaurrCvir) Supc’a devint ainsi, principalement depuis Hérodote, d’un usage commun. On la rencontre dans Philon, De nobilitate, 6, édit. Mangey, t. ii, p. 443. Elle passa dans dans la langue officielle des Romains, à partir d’Antonin le Pieux, comme le prouve un diplôme militaire de l’armée de Judée (139 après J.-C), d’après lequel la province ainsi appelée autrefois est nommée Syria Palœslina. Cf. Héron de Villefosse, Diplôme militaire de l’armée de Judée, dans la Revue biblique, Paris, 1897, p. 598-604. Elle se trouve aussi fréquemment sur les monnaies de Flavia Neapolis. Cf. F. de Saulcy, Numismatique de la Terre-Sainte, Paris, 1874, p, 248. Cependant le nom de IlaXsao-rîvri, Palsislina, était également connu comme substantif, ainsi qu’on le voit dans les auteurs classiques et sur les monnaies, chez les Pères et les écrivains ecclésiastiques. Vers le ive siècle, il s’étendait même au delà des limites de l’ancien pays de Chanaan. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 84, 88, 91, 125, 214, 219, 228, placent dans la Palestine des villes telles que Ailath, Pétra, Pella, Hippus. À partir du ve siècle, on mentionne la Paleestina prima, comprenant la Judée et la Samarie ; la Palxstina secunda, c’est-à-dire une partie de la Galilée, les contrées voisines du lac de Tibériade et du haut Jourdain, à l’ouest et à l’est ; la Palxstina tertia ou salutaris, avec l’Idumée, depuis Bersabée jusqu’au golfe Élanitique, et l’ancien pays de Moab. On trouve trois fois le nom de « Palestine », ’jiDDbs, dans les Midraschim ; mais, d’après A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 2, il se rapporte plutôt au pays des Philistins. Disons enfin que, pour les Arabes, le djund ou district militaire de Filasfin, ( ^>l-i « JLs, correspondait à la Palestine première, avec une partie’de la Palestine troisième jusqu’au désert de Tih. Cf. Guy Le Strange, Palestine under Ihe Moslems, Londres, 1890, p. 25-29. C’est ainsi que le nom de Palestine, appliqué d’abord à une petite portion du pays, placée entre l’Egypte et la Phénicie, et plus connue des étrangers qui venaient de l’Occident, s’est ensuite étendu au pays tout entier, comme celui d’Afrique, qui ne désignait primitivement pour les Romains que la contrée libyenne, voisine de l’Italie, a fini par s’étendre à l’immense continent.

2° Terre de Chanaan ; Chanaan. — Le plus ancien nom biblique de la Palestine est celui de iras, Kena’an ; ’érés Kena’an ; Septante : y{] Xavaâv ; Vulgate : terra Chanaan, Gen., xi, 31 ; xiii, 12 ; xvi, 3 ; xvi[, 8, etc. ; regio Chanaan, Lev., xviii, 3, ou simplement Kena’an, « Chanaan. » Jos., xxii, 9, 32 ; Jud., iv, 2, 23, 24 ; v, 19 ; Ps. cv (hébreu, cvi), 38, etc. On trouve aussi’érés hak-Kena’ânî, « la terre du Chananéen ; » Septante : y-n n>i XavavaiMv, « la terre des Chananéens. » Exod., iii, 17 ; xm, 5. Il ; Deut., i, 7, etc. Ce même nom apparaît, au xiv siècle avant notre ère, dans les lettres de Tell el-Amarna, sous les formes de Kinal.ihi et Kinahni (na). Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amama, Berlin, 1896, p. 26, 28, 118, 210, 276, 282, 391. La première suppose une forme primitive 733, Kâna’. Voir Chanaan, t. ii, col. 531. Dans les inscriptions

égyptiennes, le pays est appelé "jt. V V ]

p-Ka-n’-na, transcription exacte de l’hébreu, renfermant l’aspiration qui se trouve dans le corps du mot, et précédée de l’article, « le Chanaan. » Cf. H. Brugsch, Geographische Inschriften altâgyptischer Denkmàler,

Leipzig, 1857, t. i, p. 59, 261 ; pi. viii, n. 319 ; W. Max Mùller, Asien und Europa nach altâgyptùchen Denkmâlern, Leipzig, 1893, p. 205. La « terre de Chanaan » n’indique dans l’Écriture que le pays situé à l’ouest du Jourdain. Cf. Reland, Palxstina, Utrecht, 1714, t. i, p. 3-8.

3° Terre des Amorrhéens. — On trouve dans certains passages de la Bible, Jos., xxiv, 8 ; Am., ii, 10, l’expression : ’érés hd-Émôrî ; Septante : yf)’AiioppaW/, k terre des Amorrhéens, » du nom d’un ancien peuple qui occupa le pays avant l’arrivée des Israélites. Voir Amorrhéens 1, t. i, col. 504. Les Lettres A’El-Amarna désignent de même le territoire palestino-phénicien par le terme mât Amurri. Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amarna, p. 98, 120, 132, 152, etc. Depuis la découverte de ces tablettes, on s’est demandé s’il ne faudrait pas remplacer par Amuru, Amurru, la lecture Akharru ( « ce qui est par derrière, » l’ouest), nom par lequel les Assyriens auraient désigné l’ensemble des marches méditerranéennes. Quelques-uns se prononcent, avec plus ou moins d’assurance, pour l’affirmative. Cf. A. Delattre, Aziru, dans les Proceedings de la Society of Biblical Archeology, Londres, 1890-1891, t. xiii, p. 233-234 ; Morris Jastrow, On Palestine and Assyria in the days of Joshua, dans la Zeitschrift fur Assyriologie, Berlin, t. vii, 1892, p. 2, note 2. D’autres pensent qu’il faut conserver l’ancienne lecture. Cf. Halévy, Notes géographiques, § 34, dans la Revue sémitique, t. ii, p. 185. D’autres croient que la valeur Amurru des anciennes époques a été remplacée par Akharru dans les textes cunéiformes de date plus basse. Cf. Sayce, CorrespondencebetweenPaleslineandEgypt, dans les Records of the Past, 2e sér., t. v, p. 95, note 4 ; p. 98, note 2. Enfin F. Hommel, Die altisrælitische Oberlieferung in inschriftlicher Beleuchtung, Mùnchen, 1897, p. 172, prétend que Martu, qui est dans les anciens documents babyloniens le nom de la Palestine (y compris la Cœlé-Syrie), est une abréviation à’Amartu, c’est-à-dire Amar avec la terminaison féminine des noms dans les idiomes chananéens ; Martu signifierait donc en réalité « le pays des Amorrhéens ».

— Les monuments égyptiens mentionnent aussi « le pays des Amorrhéens », Amaura, Amor ; mais ils désigent plutôt par ces mots la contrée située au nord de la Palestine. Cf. W. Max Mùller, Asien und Europa, p. 177, 218-219, 229-231.

On trouve de même, Jos., i, 4 : « la terre des Héthéens, » hébreu : ’érés ha-Hi[çïm, pour l’ensemble du territoire promis aux Israélites « depuis le désert et le Liban jusqu’au grand fleuve de l’Euphrate, et jusqu’à la grande mer (la Méditerranée) ». Mais les Septante n’ont pas cette indication, qui semble, du reste, avoir été faussement ajoutée au texte ; elle n’existe pas, en effet, dans le passage du Deutéronome, xi, 24, auquel ce texte est emprunté. Elle n’est, en outre, justifiée par aucun témoignage historique. Il y a bien eu dans le sud de la Palestine quelques tribus héthéennes, Gen., xxiii, 3, 5, 7, etc., dont le nom est joint à celui des autres peuplades qui habitaient le pays dans la formule plusieurs fois répétée : « la terre du Chanânéen, de l’Héthéen, de l’Amorrhéen, etc. » Exod., iii, 17 ; xiii, 5, etc. Mais le territoire proprement dit des Héthéens était au nord de Chanaan. Voir HéthéeîjIs, t. iii, col. 670.

4° Terre des Hébreux. — Joseph appelle le pays d’où il a été enlevé’érés hâ-lbrim ; Septante : yfj’Espaîwv, « la terre des Hébreux. » Gen., XL, 15. On suppose qu’il entend par là, non pas la région chananéenne tout entière, qui ne fut conquise que plus tard par ceux de sa race, mais cette portion méridionale où avaient séjourné Abraham, Isaac et Jacob. Il est possible aussi que cette expression soit mise dans sa bouche par l’auteur de la Genèse.

5° Terre d’Israël (hébreu : ’érés lird’èl, I Reg., xiii, 19, etc. ; ’admat lsrâ’êl, Ezech., vii, 2, etc. ; Septante : Yîj’IdpaïjX). — Ce nom se trouve parfois appliqué à l’ensemble de la Palestine. Cf. I Reg., xiii, 19 ; Ezech., xii, 19, etc. Mais d’autres fois il n’indique que le royaume du nord. II Par., xxx, 25 ; Ezech., xxvb, 17. C’est une des expressions dont les Talmuds se servent le plus fréquemment pour désigner toute la région palestinienne. Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 1. On la rencontre également dans le Nouveau Testament. Matth., ii, 20, 21. Le nom d’Israël ayant continué de représenter tous les descendants de Jacob, il était naturel qu’il se rapportât aussi à leur pays.

6° Judée. — Comme le nom de Juifs devint, après la captivité, l’appellation courante des Israélites en général, le nom de Judée, tout en désignant d’une manière habituelle une province spéciale (voir Judée, t. iii, col. 1814), fut cependant parfois appliqué à la Palestine. C’est, du moins, dans ce sens que certains exégètes prennent’IouSoua. Luc, xxiii, 5 ; Act., x, 37 ; xxvi, 20. Il est sûr que Josèphe, Ant. jud., IX, xiv, 1 ; XII, iv, 11, etc., donne au mot^cette même extension. Strabon, xvi, 749, place également « la Judée » immédiatement au sud de la Phénicie et de la Cœlé-Syrie.

7° Terre du Seigneur (hébreu : ’érés Yehôvâh ; Septante : yvj toû Kupi’ou). — La Palestine est ainsi appelée Ose., ix, 3, non pas seulement comme l’univers est dit appartenir à Dieu, Ps. xxm (hébreu, xxiv), 1, mais en ce sens que le Seigneur y a établi sa demeure spéciale, et que les Hébreux en sont seulement les usufruitiers, les colons. Lev., xxv, 23. Parfois même elle est simplement appelée La Terre, la terre par excellence. Ruth, i, 1 ; Jer., xii, 11. Il en est ainsi dans les Talmuds, où les autres pays du monde sont réunis sous la dénomination générale de « hors de la Terre », ynso nnn. Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, p. 1. C’est également en raison de son rapport avec Dieu qu’elle est nommée dans l’Épître aux Hébreux, xi, 9,-fîj-niç l7raYfeX[ « ç, la terre de la promesse, et dans les Nombres, xxxii, 11 : « la terre que j’ai jurée » ou la terre du Serment, en souvenir de la promesse solennelle faite par le Seigneur à Abraham en plusieurs circonstances. Gen., xiii, 15 ; xvii, 8, etc.

go Terre Sainte (hébreu : ’admaf hag-gâdéS ; Septante : t] yvî r| âyia). — Tel est le nom que nous rencontrons dans Zacharie, ii, 16 (Vulgate, 12), et qui caractérise si bien, aux yeux des Juifs et des Chrétiens, le pays des merveilles divines. Nous le retrouvons Sap., xii, 3 ; II Mach., i, 7, et dans Philon, Légat, ad Caium, édit. Mangey, Londres, 1742, t. ii, p. 586. Mais il devint d’un usage constant au sein du christianisme dès le second siècle. Cf. Justin, Dial. cum Tryphone, 113, t. VI, col. 735. C’est celui qu’on emploie encore le plus fréquemment de nos jours, et à juste titre ; si, en effet, la Palestine fut, sous l’Ancien Testament, une terre privilégiée, ne l’est-elle pas bien plus depuis que le Fils de Dieu l’a foulée de ses pieds et arrosée de son sang ? « Autrefois, écrivait sainte Paule à Marcella, les Juifs vénéraient le saint des saints, parce qu’il renfermait les chérubins, le propitiatoire et l’arche d’alliance. .. Le sépulcre du Seigneur ne te paraît-il pas plus vénérable ? Chaque fois que nous y entrons, nous voyons le Sauveur couché dans son linceul, et, pour peu que nous nous y arrêtions, nous voyons l’ange de nouveau s’asseoir à ses pieds. » Cf. S. Jérôme, Epist. xlvi, t. xxii, col. 486. — Sur ces différents noms, on peut voir Reland, Palxstina, t. i, p. 3-47.

Signalons enfin certains noms que les peuples voisins ont donnés à la Palestine, en dehors de ceux que nous avons déjà indiqués. Au début de la conquête

égyptienne, cette partie de la Syrie s’appelait ! "**'

Ha-ru. C’est du moins l’avis de Max Mûller, Asien und Europa, p. 148-156, qui restreint l’extension de ce mot au pays de Chanaan, tandis que H. Brugsch, Geographische InschriftenaltâgyptischerDenkmôler, Leipzig, 1857, t. i, p. 59-60, l’applique à la Syrie tout entière. L’identification de ce nom avec celui des ïfôrîm de la Bible, Gen., xiv, 6 ; xxxvi, 20-30, etc., a été proposée par plusieurs auteurs, mais elle est combattue par Max Mûller, op. cit., p. 155-156. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895-1899, t. ii, p. 121, place le Harû au sud, dans le massif du Séir. — Pour les Assyriens, la Palestine faisait partie du mât Akharri, « pays de l’Ouest, » c’est-à-dire de la côte méditerranéenne, mais ils connurent aussi ses deux grandes divisions, le royaume de Juda, mât Yaudu, et le royaume d’Israël, qu’ils appelaient mât Bît-Hwnri, « le pays de la maison d’Omri, » ou mât Ifutnrî, « le pays d’Omri. » Voir Amri 1, t. i, col. 524. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, p. 90, 188.

II. Géographie physique. — À prendre strictement les noms qui viennent d’être examinés, nous n’aurions à étudier que l’étroite bande de terre, comprise entre le Jourdain et la mer Morte à l’est, et la Méditerranée à l’ouest. Celui de Palestine a la plus grande extension ; mais, s’il englobe des pays qu’on peut appeler bibliques, il dépasse les limites de la contrée où s’est proprement concentrée la vie du peuple hébreu. Aucun donc ne désigne parfaitement dans toute son étendue le territoire où ont si longtemps vécu les tribus d’Israël. Si la région cisjordane a pour elle les noms les plus glorieux, les souvenirs les plus chers au cœur du juif et du chrétien, la transjordane n’en a pas moins sa part dans l’histoire de l’Ancien et du Nouveau Testament. Notre étude, pour être complète, doit donc porter sur la double bande de terrain qui avoisine le Jourdain et la mer Morte à l’ouest et à l’est, et qui constitue vraiment le pays biblique, dans les limites que nous allons déterminer.

1. SITUATION, LIMITES ET ÉTENDUE. — Ce pays

appartient à la Syrie, dont il forme l’extrémité méridionale. Dans son ensemble et ses lignes générales, il se trouve placé entre le Liban et l’Anti-Liban au nord, le plateau du Hamad ou steppe syrien à l’est, la péninsule sinaïtique au sud, et la Méditerranée à l’ouest. Si nous voulons préciser ses contours, nous n’arriverons évidemment pas à la rigueur de nos frontières européennes ; l’état actuel de nos connaissances nous permet cependant une délimitation assez exacte. Cette délimitation n’est autre que celle des tribus israélites. Voir les cartes des tribus. Or, au nord, Aser et Nephthali ont une frontière que la nature elle-même semble avoir établie, c’est le fossé profond du Nahr el-Qasimiyéh ; aucune de leurs villes ne franchit cette barrière, que l’on peut prolonger par une ligne idéale vers l’est, jusqu’au pied du grand Hermon. Voir Aser 3, t. i, col. 1084, et Nephthali 2, t. iv, col. 1593, avec les cartes. En poursuivant cette ligne dans la même direction, on ferme, du côté du septentrion, le territoire de Manassé oriental. À l’est, cette dernière tribu, qui contenait les régions de Basan et d’Argob, Deut., iii, 12 ; Jos., xii, 4 ; xiii, 11, 30 ; xvii, 5, suivait les bords extérieurs du Ledjah, puis venait s’appuyer au Djebel Haurân, où deux points extrêmes marquaient sa limite : Chanath, aujourd’hui El-Qanaûât, et Salécha, Salhhad, plus au sud. Num., xxxii, 42 ; Jos., xii, 4 ; xiii, 11. De là, la frontière, revenant vers l’ouest, descend ensuite vers le sud avec le Derb el-Hadj ou « Route des Pèlerins », qui en dessine le tracé et clôt de ce côté les tribus de Gad et de Ruben. On arrive ainsi au torrent d’Àrnon, owadi Modjib, qui-forme la limite méridionale de la région transjordane. Voir Manassé 7, col. 644 ; Gad 4, t. iii, col. 27, et Ruben. La frontière

sud de ïa cisjordane se confond avec celle de la tribu de Juda : partant de l’extrémité méridionale de la mer Morte, elle constitue un arc de cercle qui, après avoir atteint Cadès ( l iin Qedîs), rejoint vers l’ouest le « Torrent d’Egypte », ouadi el-Arisch, et se termine à l’embouchure de celui-ci dans la Méditerranée. Cf. Jos., xv, 1-4. Voir Juda 6, t. iii, col. 1756, et la carte. L’ensemble de ce tracé correspond, au nord, au sud et à l’ouest, avec celui de la terre de Chanaan, tel que nous le trouvons Num., xxxiv, 1-12, et Ezech., XL vii, 15-20. La partie septentrionale seule présente des difficultés. S’il fallait en croire certains auteurs, on devrait reporter cette ligne frontière cent soixante-dix ou cent quatre-vingts kilomètres plus au nord ; on aurait ainsi une limite « idéale » qui n’aurait jamais été atteinte. Nous croyons qu’il est beaucoup plus naturel de ne pas quitter le terrain sur lequel nous avons dressé nos jalons. Quels que soient les embarras du texte et des identifications, l’on a réussi à faire rentrer dans un tracé normal cette ligne de démarcation. Voir Chanaan 2, t. ii, col. 533. Cf. J. van Kasteren, La frontière septentrionale de la Terre Promise, dans la Revue biblique, 1895, p. 23-36. L’Écriture, en plusieurs endroits, Gen., xv, 18 ; Exod., xxii, 31 ; Jos., i, 4, étend les limites de la Terre Promise jusqu’à l’Euphrate. Ce développement du pays israélite au nord-est, aussi bien qu’au sud, ne fut que passager, sous David et Salomon ; nous n’avons pas à en tenir compte ici.

Le pays que nous venons de délimiter ainsi se trouve donc compris entre 30° 30’et 30° 18’de latitude nord, 31°. 30’et 34° 20’de longitude est. La Palestine cisjordane est une zone qui va en s’élargissant du nord au sud. D’une largeur de 37 kilomètres au début, elle arrive à €5 kilomètres au parallèle de Qaisariyéh ou Césarée (32° 30’), à 78kilomètres à celui de JafTa (32° 3’), à 94 kilomètres à celui de Ghazzéh ou Gaza (31° 30), et elle finit par atteindre au 31° près de 150 kilomètres sur une bande de latitude très étroite. La longueur de la frontière occidentale est ainsi de 260 kilomètres. La région transjordane, large de 90 kilomètres environ entre le lac de Tibériade et le Djebel Haurdn, se resserre à 50 et 40 kilomètres le long du Jourdain et de la mer Morte jusqu’à l’Arnon. Sa longueur est de 200 kilomètres. Les ingénieurs anglais ont calculé la superficie de la cisjordane, depuis le Nahr el-Qasimiyéh jusqu’à Bir es-Seba ou Bersabée, c’est-à-dire sur une longueur de 228 kilomètres, et l’ont estimée à 15643 kilomètres carrés ; celle de la transjordane équivaut à 9 481 kilomètres. L’ensemble du pays, à part la pointe méridionale de Bersabée à Cadès, comprend donc 25124 kilomètres carrés, à peu près l’équivalent de quatre départements français. ^

il. configuration générale. — Le trait caractéristique de la Palestine, c’est cette énorme et longue fissure qui la coupe dans toute sa longueur, du nord au sud, et la sépare en deux comme un vaste fossé. De son point de départ, qui est à 563 mètres au-dessus de la Méditerranée, elle descend jusqu’à une profondeur de 392 mètres au-dessous, s’enfonçant pour ainsi dire en terre par un phénomène géologique unique au monde. Voir Arabah, t. i, col. 820. Un fleuve, le Jourdain, qui a ses sources dans les flancs de l’Hermon, y a creusé son lit sinueux et y promène son cours rapide, formant d’abord le petit lac Hûléh, à peu près au niveau de la mer, puis, plus bas, le lac de Tibériade, à 208 mètres au-dessous, déversant enfin ses eaux dans l’immense cuve de la mer Msrte, dont le niveau est à 392 mètres, dont le fond atteint près de 400 mètres et se trouve ainsi à près de 800 mètres au-dessous de la Méditerranée. Voir Jourdain, t. iii, col. 1704. De cette vallée, assez étroite par endroits et qui va s’élargissant vers le sud, monte de chaque côté, à l’ouest et à l’est, un double rang de hauteurs, dont les points les plus ’-. « *,

élevés ne diffèrent pas sensiblement. La ligne orientale s’élève plus brusquement ; elle forme comme une muraille à pic le long de la mer Morte. La ligne occidentale a des pentes plus douces. Il est facile de voir que les deux chaînes ont été violemment séparées par la brisure qui a constitué l’Arabah. Chacune d’elles, fendillée par les torrents, laisse écouler les eaux par une multitude de rivières ou ruisseaux qui se rattachent au Jourdain et à la nier Morte, avec une direction presque régulière. À l’ouest, un autre versant descend vers la Méditerranée, et tombe dans la plaine côtière, qui s’élargit à mesure qu’elle se prolonge vers le sud. A. l’extrémité nord-est, le pays biblique est fermé par un massif de montagnes volcaniques, dont l’axe se dirige à peu près du sud au nord ; c’est le Djebel Haurân. Là prennent naissance de nombreux ouadis, qui s’en vont, à travers la plaine En-Nuqra, grossir le Schéri’at el-Menâdiréh, affluent du Jourdain. Tel est l’aspect général de la Palestine ; c’est, dans son ensemble, une région montagneuse, coupée par quelques plaines plus ou moins étendues, arrosée par des torrents le plus souvent temporaires, par un fleuve dont le cours offre plus de singularité qu’il n’apporte de fécondité à la terre. Nous aurons à montrer plus tard l’importance de sa situation au point de vue historique. Celte vue à vol d’oiseau ne suffit pas pour en avoir une connaissance exacte ; sans entrer dans les détails que comporte chacune des parties, nous devons donner une description sommaire des deux contrées qui avoisinent le Jourdain.

ni. description. — 1. Palestine cisjordane. — A) Orographie. — Le système montagneux de la Palestine cisjordane peut être considéré comme un prolongement du Liban, coupé seulement au premier tiers de sa longueur par la grande plaine d’Esdrelon. Descendant en ligne droite, parallèlement au Jourdain, il plonge ses racines jusqu’à l’extrémité méridionale de la contrée. Avec le Carmel, il pousse une pointe, dans la direction du nord-ouest, jusque sur le bord de la Méditerranée. Il comprend, sans compter le négéb, trois massifs, qui ont sans doute physiquement leurs caractères particuliers, mais sont surtout distincts historiquement.

Le massif galiléen s’étend depuis le Nahr el-Qasimiyéh jusqu’à la plaine d’Esdrelon. On y distingue deux groupes, de niveau et d’aspect différents, qui ont servi de base à la division du territoire en Haute et Basse Galilée. Le premier est formé par les montagnes qui dominent au nord la. vallée de Medjdel Kerum, située à 250 mètres au-dessus de la mer. C’est un enchevêtrement de hauteurs, au milieu duquel s’élève une arête principale de trois sommets, le Djebel Addthïr (1025 mètres), le Djebel Djarmuk (1198 mètres) et le Djebel Zàbud (1114 mètres). D’autres sont épars, comme le Djebel Hunin (900 mètres), le Djebel Djamléh (800 mètres), le Ras Umm Qabr (715 mètres), le Tell Bêlât (616 mètres), les monts de Safed (838 mètres), etc. Les contreforts occidentaux se profilent parfois jusque sur le bord de la Méditerranée. C’est ainsi qu’au Râs el-Abiad et au Rds en-Naqûrah, la plaine côtière est fermée par une ligne de roches qui vont de 3C0 à 400 mètres d’élévation. Des sentiers raides, parfois taillés en escaliers, courent le long de ces chaînons, dont les francs abrupts sont boisés, portant des ter. rasses successives soutenues par de gros murs. Le second groupe, celui de la Basse-Galilée, est beaucoup moins élevé ; ses plus grandes hauteurs atteignent à peine 600 mètres. Les principaux sommets sont : le Djebel el-Kummanéh (570 mètres), le Djebel Tur’àn (541 mètres) et le Djebel et-Tûr ou Thabor (562 mètres). Cette dernière montagne, aux flancs réguliers, est un cône tronqué, qui commande la plaine d’Esdrelon. Vers l’est, au milieu des terrasses qui descendent vers le lac de Tibériade, se distinguent les Qurûn Hattin ou

; c Cornes de Hattin », colline rocheuse, de forme arrondie, 

dont l’altitude est de 346 mètres, et que deux éminences terminent au nord-ouest et au sud-est. Voir t. i, fig. 367, col. 1529. Au sud-est, le Djebel Dahy (515 mètres) relie le massif galiléen, dont il est un fort avancé, au système central.

Le système central est formé par les monts de Samarie. Séparé du précédent’par la plaine d’Esdrelon, il ne fait qu’un physiquement avec celui de Judée. Il porte au nord-est comme une sorte de corne, décrivant un arc de cercle irrégulier dont la convexité est tournée vers la vallée du Jourdain ; c’est le Djebel Fuqû’a, le Gelboé biblique. I Reg., xxviii, 4 ; xxxi, 1, 8, etc. Cette petite chaîne a environ 13 à 14 kilomètres de longueur, sur 5 à 8 kilomètres de largeur, avec 516 mètres de hauteur, en réalité trois à quatre cents mètres au-dessus de la plaine, mais six à sept cents au-dessus de la vallée du Ghôr. Escarpée au nord, elle a, vers l’est, des pentes extrêmement raides, tandis qu’à l’ouest elle s’abaisse doucement. Voir Gelboé, t. iii, col. 155. De la pointe sud-ouest du Djebel Fuqû’a, le massif se dirige vers le nord-ouest par des mamelons dont le plus élevé, Scheikh lskander, atteint 518 mètres. Il aboutit, toujours dans la même direction, au Djebel Mâr Elias, ou Carmel, qui est la chaîne la plus régulière de la Palestine, s’étendant sur une longueur de 20 à 25 kilomètres. Isolée au sud-est par Vouadi Malih, elle s’abaisse vers la mer en promontoire escarpé, qui forme le môle de la partie méridionale de la baie de Saint-Jean-d’Acre. Elle a 552 mètres de hauteur au sud A’Esfiyéh, 514 mètres à El-Muhraqah, et 150 mètres seulement là où est le couvent. Abrupte du côté de la plaine d’Esdrelon, elle descend plus doucement du côté de l’ouest, en collines boisées d’un charmant aspect, entremêlées de pâturages, de parties cultivées et coupées de vallées sinueuses. Elle est recouverte presque partout d’une terre végétale abondante et riche. Voir Carmel 3, t. ii, col. 291. De l’extrémité méridionale du Gelboé part une arête qui se dirige vers le sud-sud-ouest, avec le Rds Ibzîq (733 mètres), le Rds el-’Aqra (680 mètres), le Djebel Eslâmiyéh (938 mètres), et le Djebel et-Tûr (868 mètres), comme sommets principaux. Ces deux derniers, à peu près au centre de la chaîne montagneuse de la Palestine, se font vis-à-vis, dominant, l’un au nord, l’autre au sud, la belle vallée où s’étend Naplouse. Le Djebel Eslâmiyéh est VRêbàl biblique. Plus élevé de 70 mètres que l’autre, il est, en général, beaucoup plus dénudé, bien qu’il ait, jusqu’à une certaine hauteur, une bordure de jardins. Les rochers hérissent ses pentes abruptes, autrefois cultivées par étages. Le sommet forme un plateau assez étendu, d’où la vue embrasse un magnifique horizon. Le Djebel et-Tûr est le Garizim ; il domine de sa partie septentrionale la ville de Naplouse, borde à l’est la plaine d’el-Makhnah, et projette assez loin ses racines vers le sud. Il se termine en un petit plateau qui s’abaisse par une pente douce à l’ouest. Du point culminant, le regard peut atteindre les cimes neigeuses du Grand-Hermon, les flots bleus de la Méditerranée et les hauteurs qui resserrent le Jourdain. Les deux montagnes ne sont guère élevées de plus de 300 à 360 mètres au-dessus de la vallée qui les sépare. Voir Hébal 2, t. iii, col. 461 ; Garizim, t. iii, col. 106. Des chaînons latéraux se rattachent à cette arête principale. Du côté de l’est, ils s’abaissent, avec leurs ramifications, vers le Jourdain, dont ils rétrécissent beaucoup la vallée. Signalons, parmi les sommets, le Râs Djâdir (709 mètres), le Djebel Tammùn (579 mètres), le Djebel el-Kébir (795 mètres) ; puis viennent dans une ligne inférieure le Râs Vmm Zôqah (256 mètres), le Zahrel Bomsah (218 mètres), le Rds et Umm-Kharrûbéh (210 mètres), enfin le Djebel $artabéh (379 mètres), avec ses deux cimes ou cornes, qurnéin, de hauteur inégale. Du côté occidental, un chaînon part du Djebel 1983'

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Esldmiyéh, formant la paroi septentrionale de l’ouadi Scha’ir, et a son point culminant à Scheikh Beyâzîd (724 mètres), au nord-est de Sebastiyéh, l’ancienne Samarie. Au sud du Garizim, jusqu'à Vouadi Deir Ballût, que l’on regarde comme une ligne de démarcation entre la Samarie et la Judée, l’enchevêtrement des montagnes continue avec des hauteurs de 805 mètres, à Scheikh Selmân ; 517 mètres à Djémaîn ; 668 mètres à Berukîn. De ces terrasses supérieures descendent assez régulièrement à l’ouest les terrasses successives, coupées de petits chaînons et de vallées, qui forment la transition entre la côte et les hauts sommets.

Le massif judéen n’est séparé du précédent que par une ligne fictive ; il a cependant son caractère particu immédiatement de hauteurs comme le mont Scopus au nord (831 mètres) et la montagne des Oliviers à l’est (818 mètres). Dans les contreforts orientaux, nous trouvons encore des sommets de 729 mètresj comme le Djebel en-Nedjméh ; mais, à la limite de la vallée du Jourdain le Djébél Qaranfal n’est plus qu'à 98 mètres, le Djebel Ektéif à 287 mètres. À l’ouest, nous rencontrons un premier étage de 500 à 600 mètres ; Tibnéh (590 mètres), Deir Ammar (530 mètres), Beit 'Ur elFôqa (617 mètres) ; puis un second de 200 à 300 mètres ; Na’lin (262 mètres), Beit Nûba (203 mètres), etc. Audessous de Jérusalem, la crête se maintient au même niveau qu’au-dessus, avec Beit-Djala (820 mètres), Beit-Lahm ou Bethléhem (777 mètres), le Djebel Furêi 523. — Liftah. D’après une photographie.

lier. Il présente le spécimen le plus complet du « pays haut » palestinien. Sa ligne de faite court presque directement du nord au sud, avec une légère déviation cependant vers le sud-sud-ouest, se rapprochant beaucoup plus du Jourdain et de la mer Morte que de la Méditerranée. Aussi le versant est-il escarpé à l’est, tandis qu’il s’incline doucement vers l’ouest. Les points les plus élevés sont au nord et au sud. Nous pouvons distinguer un premier groupe de hauteurs jusqu'à l’ouadi es-Surar, qui découpe profondément le terrain à l’ouest de Jérusalem. Au-dessous de Tell Asûr, qui va jusqu'à 1 0Il mètres, le niveau supérieur du plateau est de sep ! cents à près de neuf cents mètres. C’est une série de collines proéminentes, de tertres arrondis, aux flancs desquels s'étagent des vergers et des vignes, et dont un village couronne le sommet : Beitin (881 mètres), El-Biréh (893 mètres), Er-Râm (792 mètres), NébiSamuil (895 mètres), Tell el-FM (839 mètres), El-Djib (710 mètres). Ce sont là comme les forts avancés de Jérusalem, assise elle-même sur une éminence dont le point culminant est à 775 (ou.790) mètres, et entourée

dis (759 mètres). Mais bientôt commence le massif hébronien, dont plusieurs points dépassent 900 mètres : Khirbet Teqû'a (850 mètres), Halhûl (997 mètres), ElKhaltl ou Hébron (927 mètres), Yutta (837 mètres), ElKurmul (819 mètres), Es-Semû'a (734 mètres). En descendant vers le sud, il s’abaisse à 622 mètres, Khirbet 'Attir, pour rejoindre progressivement les grandes vallées, Bir es-Séba' ou Bersabée (240 mètres), Khirbet el-Milh (369 mètres). Les contreforts à l’est, assez rapprochés de la mer Morte, atteignent encore une hauteur moyenne de plus de 400 mètres : Qarn elHadjar (445 mètres), Er-Ruéihbéh (447 mètres), Rudjm el-Kurrât (422 mètres), KhaSm Sufr es-Sânï (427 mètres), Zahret el-Arâ'iméh (439 mètres). À l’ouesl nous retrouvons la même altitude à Sara’a (412 mètres), Beit Nettif (462 mètres) ; Beit 'Aûuâ (456 mètres) ; puis le terrain descend à 212 mètres à Tell es-Safiyéh, à 287 mètres à Beit Djibrîn. Voir fig. 524, l’aspect accidenté et dénudé des environs de Jérusalem.

Le massif du Négéb, beaucoup moins connu, est un enchevêtrement de chaînons, séparés par de nombreuses

et larges vallées. Il s’incline dans la direction du sudouest ; longeant à l’est l’Arabah, qu’il domine parfois de hauteurs assez considérables. Tandis que Khalasah {215 mètres) est à peu près au niveau de Bir es-Séba’, Er-Ruhéibék est à 325 mètres, et l’on atteint, vers Kurnub. 494 mètres, plus loin à l’est 563 mètres. Citons seulement, parmi les principaux chaînons, en allant du nord au sud : Djebel et-Tulûl, Dj. Scheqa’ïb, Dj. Umm Rudjum, Dj. et-Jûr, Dj. El-Muzéiqah, Dj. Hadiréh, Dj. Maderak et enfin le Djebel Mdqrah, au pied duquel est’Aïn Qedis, et à l’ouest le Djebel Muéiléh.

Sans tenir compte de ce dernier prolongement, la Palestine a, comme on le voit, ses points les plus éle Sahel el-Ahma, plateau jonché de laves. Les monts de Samarie commencent par une succession de terrasses’qui se relèvent à mesure qu’on avance vers le sud. Au sud-ouest de Djenîn, le Sahel’Arrabéh, à une altitude de 200 à 240 mètres, est une vallée assez bien cultivée, qui se relie au sud-est au Merdj el-Gharaq, dont le sol est fertile, mais devient un marais en hiver. Audessous du Garizim, s’étend la belle plaine A’El-Makhnah, qui forme à son extrémité septentrionale un large amphithéâtre, à environ 500 mètres d’altitude. Mais le pays est ensuite moins ouvert, on entre dans la région des hauts plateaux ; les grandes vallées deviennent rares ; on trouve encore cependant au sud de Jérusa 524.

Aspect des montagnes de Judée. Sur la route de Jérusalem à Jéricho. D’après une photographie.

vés au nord, avec les monts de la Haute Galilée, et au sud, avec le massif hébronien. Ils encadrent ainsi le centre même du pays. Voir fig. 525 et 526.

B) Plaines et vallées. — Le système montagneux que nous venons de décrire est coupé par de nombreuses vallées, plus ou moins étendues. Nous indiquerons les principales, avant déparier des grandes plaines. À l’est de Akka ou Saint-Jean d’Acre, se trouve la vallée de Medjdel Kerûm, qui, comme nous l’avons vii, forme une frontière toute naturelle entre la haute et la basse Galilée. Bordée au nord par d’âpres montagnes, , plûs élevées que celles qui la limitent au sud, elle s’étend d’ouest en est ; sa longueur est de plusieurs heures de marche. D’une très grande fertilité, elle est en partie couverte de vieux oliviers plusieurs fois séculaires, ou cultivée en blé, en doura, en coton et en sésame. Plus au sud est la plaine dite autrefois d’Asochis ou de Zabulon, Sahel el-Baftauf, marécageuse à l’est, mais très fertile, longue de 14 à 15 kilomètres, et large de près de 4 kilomètres. Située à 120-150 mètres au-dessus de la mer, elle est dominée par des monts de 400 et même plus de 500 mètres. Au sud-est, parmi les gradins qui descendent vers le lac de Tibériade, on rencontre le

DICT. DE Là BIBLE.

lem et à l’est de Bethléhem certaines plaines qui portent simplement le nom arabe A’El-Buqéïa.

Les principales dépressions que nous avons signalées se trouvent, en somme, entre les deux massifs qui encadrent la Palestine, au nord et au sud. Mais celle qui constitue un des traits caractéristiques de la cisjordane, c’est la plaine d’Esdrelon, appelée aujourd’hui Merdj ibn’Amîr, « Prairie du fils d’Amlr. » Elle forme un triangle irrégulier dont la base est, au sud-ouest, la chaîne du Carmel et les monts de Samarie ; ce côté a environ 35 kilomètres. Le côté oriental, de Djenîn au Thabor, a à peu près 25 kilomètres ; la ligne septentrionale en compte autant jusqu’à la gorge par laquelle le Cison s’engouffre dans la plaine de Saint-Jean-d’Acre. Bordée à l’est par le Djebel Dâhy et le Djebel Fuqû’a, elle se prolonge de ce côté en plusieurs vallées latérales : l’une, comprise entre le Thabor et le Djebel Dâhy l’autre entre cette dernière montagne et le Djebel Fuqû’a, une troisième formant cul-de-sac au sud-est. Son altitude moyenne est de 80 mètres ; mais, vers le Jourdain, le sol s’affaisse rapidement. Le torrent de Cison, qui la traverse d’un bout à l’autre, en transforme quelques coins en marais. L’aspect général est celui

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d’une campagne unie, parsemée de quelques tertres. Le terrain noirâtre est formé d’une argile fine, qui se détrempe facilement sous l’action des pluies ; d’une grande fertilité, il offre tantôt d’interminables champs de blé, tantôt de vastes espaces recouverts de grandes herbes. Voir Esdrelon, t. ii, col. 1945.

La plaine côtière commence au nord par celle qui avoisine la ville de Tyr. Large en moyenne de deux kilomètres, elle est bientôt fermée par les rochers qui forment le Ras el-Abiad ou « Cap Blanc » et le Bas en-Naqûrah. La route qui passe à ce dernier endroit a été bien nommée autrefois Scala Tyriorum, « l’Échelle des Tyriens ; » ce n’est, en effet, qu’une suite de marches taillées dans le roc. À partir de ce point, la plaine s’élargit à 6-kilomètres, parfois un peu plus, et, sur une longueur d’environ 8 lieues, descend vers le Carmel, où elle rencontre une nouvelle barrière. Cette plaine de Saint-Jean d’Acre, dans laquelle débouche, au sud-est, celle d’Esdrelon, est ainsi resserrée entre les montagnes et la mer ; elle est fertile et bien cultivée, avec d’immenses champs de blé, de tabac et de coton. Le sol est tantôt argileux, tantôt formé par un terrain noirâtre semblable à celui du Delta égyptien ; près du rivage cependant, il est souvent inculte et sablonneux. La plaine côtière reprend au-dessous de la pointe du Cai-mel avec une largeur d’à peine 200 mètres ; puis elle s’élargit bientôt : à Athlît, elle a plus de 3 kilomètres et elle se continue ainsi par T<*n(ûrah jusqu’à l’embouchure du JVavr ez-Zerqa, où elle est barrée par un petit éperon bas du Carmel, El-Khaschm. Là commence, à proprement parler, la plaine de Saron, Is., xxxv, 2, large de 13 kilomètres à Qaisariyéh, et d’une vingtaine autour de Jaffa. Sa pente, coupée de quelques buttes, remonte doucement vers la montagne jusqu’à une altitude de 60 mètres. Elle est, par endroits, bien cultivée ; ce ne sont, en dehors des jardins qui entourent les villes et les villages, que champs de blé, de courges et de concombres. On sait comment Jaffa est entourée, dans un rayon de plusieurs kilomètres, d’une ceinture verdoyante, qui en fait une admirable oasis, un vrai jardin des Hespérides. Le sol est recouvert, à la surface, d’une légère couche de sable fin, qui cache un humus excellent et très profond. Cette arène rougeâtre est extrêmement fertile quand l’eau du ciel vient la féconder. Au-dessous de Jaffa, la plaine continue sous le nom de Sépfiélah, hébreu : haS-Sefêlâh, « le pays bas, » le lowland. Parsemée de légers mamelons, elle est comme le prolongement du Delta égyptien, à part les canaux :  ; on y voit les mêmes villages, cachés dans un fourré d’arbres, avec des maisons bâties en pisé ou en briques simplement séchées au soleil. C’est cette région qui faisait tout à la fois la richesse et l’orgueil des Philistins.

Au sud, se trouvent encore de grandes plaines, comme le Sahel Umm Butéîn et le Sahel Far l a. Bir es-Séba’occupe le coin occidental de là première, large surface ondulée, semblable au bassin desséché d’un ancien lac, et coupée en différents sens par de nombreux ouadis. Le terrain serait fertile, s’il était bien arrosé ; au printemps seulement, on aperçoit de nombreux troupeaux de chèvres et de moutons, des bandes de chameaux qui viennent pâturer dans ces steppes une maigre végétation. Nous sommes ici à la même altitude que dans les premières plaines du massif samaritain, 200 à 240 mètres et plus loin, à Khirbet el-Milh, au sud du Sahel el-Far’a, à 369 mètres. Les collines qui bordent ces vallées vers le nord dessinent les limites qui séparent les populations sédentaires des nomades ou Bédouins.

La vallée du Jourdain, dont nous avons déjà indiqué le trait saillant, commence au nord par eMerdj’Ayûn, ou « plaine des sources », qui doit son nom à des sources formant des ruisseaux bordés çà et là de saules, de peupliers et de mûriers. Vient ensuite la dépression

qui porte le nom de ai-dh él-Hûléh, et qui s’étend depuis Tell el-Qadi jusque vers le Djisr Benât Ya’gûb. Elle n’est guère qu’un immense marais, et elle se creuse au sud pour former le lac Hûléh. Cependant entre celui-ci et les montagnes occidentales, un terrain assez, vaste est propre à la culture ; des champs de blé et des pâturages sont séparés par de grands espaces laissés en friche, couverts de roseaux et de carex. Au-dessous, la vallée se rétrécit tellement qu’elle n’est plus qu’un étroit canal qui livre passage aux eaux du Jourdain jusqu’au lac de Tibériade. Au bord septentrional de celui-ci se trouve la plaine A’El-Bafihah, et, sur le bord occidental, celle à’El-Ghûéir, « le petit Ghôr, » autrefois appelée de Gennésar, large de 3 kilomètres, et longue de plus d’une lieue. Voir Génésareth (Terre de), t. iii, col. 174. Au sud du lac, la vallée devient large de près de6 kilomètres et prend le nom à’El-Ghôr, « terre basse, crevasse, » qu’elle garde jusqu’à la mer Morte. Après s’être rétrécie avant d’arriver à Béisân, elle s’otivre aux environs de cette ville jusqu’à 13 kilomètres ; mais, en avançant vers le midi, elle se rétrécit de nouveau et est réduite à 3 kilomètres. En se rapprochant de la mer Morte, elle s’élargit et finit par atteindre de 19 à 23 kilomètres. Elle se développe ainsi comme une plaine extrêmement allongée, déprimée vers son centre, où serpente le lit tortueux du Jourdain. Le fleuve, en effet, l’a creusée au point d’y créer des étages successifs. Au delà du fourré verdoyant qui le borde des deux côtés d’une manière presque ininterrompue, règne une bande de terre généralement étroite et naturellement très fertile, composée d’un terrain limoneux, que baignent les grandes crues et qu’enserre une chaîne plus ou moins élevée de mamelons blanchâtres. Ces mamelons, couverts d’arbustes salifères, sont coupés, de distance en distance, par les lits de nombreux ouadis, qui descendent des montagnes latérales. Au delà de cette ligne, la vallée se relève graduellement jusqu’à ce qu’elle atteigne le pied des deux chaînes parallèles, entre lesquelles elle s’étend. Il résulte de cette configuration que, à l’exception d’une bande assez étroite de terre fécondée par les eaux du fleuve, elle ne peut être arrosée dans sa partie supérieure que par des irrigations, au moyen de canaux et de rigoles dérivant des sources qui jaillissent du sein des montagnes. Avec ces sources, elle est encore très fertile là où elle est cultivée. On moissonne déjà en avril dans la plaine de Béisân et dans celle de Jéricho. Mais, dans la partie méridionale, en amont de l’embouchure du Jourdain, c’est la stérilité la plus complète par suite des matières salines mêlées au sol.

C) Hydrographie. — La constitution du pays, telle que nous venons de la décrire, nous montre bien, avec les deux versants, qu’il n’y a que deux bassins, celui de la Méditerranée et celui du Jourdain.

1. Fleuves et rivières. — Le mot arabe ouadi désigne en même temps la vallée et le cours d’eau qui la traverse. Disons tout de suite que la plupart de ces rivières ne sont que temporaires, c’est-à-dire coulent seulement à l’époque des pluies ;

a) Bassin de la Méditerranée. — Le faite des montagnes de la Haute Galilée donne aux eaux qui en descendent non seulement une direction orientale et occidentale, mais encore septentrionale ; plusieurs ouadis viennent se déverser dans le Nahr el-Qasimiyéh, qui. lui-même débouche dans la Méditerranée. Sur le versant de l’ouest, on rencontre, du nord au sud, les ouadis el-Humraniyéh, el-Ezziyéh, el-Qurn, le nahr Mefschukh et le nahr Sémiriyéh. Au sortir de Saint-Jean d’Acre, on franchit le Nahr Na’amàn, l’ancien Belus, qui prend sa source à quelques kilomètres, dans un marais environné d’une épaisse ceinture de roseaux, appelé par Pline, H. N., xxxvi, 26, palus Cendevia. L’été, le marais est presque à sec et le fleuve sans eau ; mais après les pluies de l’hiver et du printemps, le preR5 B§1

a «

mier se transforme en lac et le second en un torrent difficile à passer. Le Nahr Na’amân est alimenté par quelques branches qui descendent des monts de la Basse Galilée, les ouadis Scha’ib, el-Halazun et’Abilin. Plus bas, au fond de la baie, est l’embouchure du Nahr el-Muqatta’, le fameux torrent de Gison, qui est le produi du drainage des eaux de la grande plaine d’Esdrelon et des montagnes environnantes. Formé de deux branches principales, dont l’une part du sud-est et l’autre du nord-est, il est encore entretenu par des sources assez abondantes. Avant d’arriver à la mer, il reçoit les eaux i"Aïn es-Sa’âdéh et de Vouadi el-Malek. À sec dans sa partie supérieure, excepté pendant l’hiver et après de de grandes averses, il ne devient permanent que six à sept kilomètres au-dessus de son embouchure. Voir Gison (Torrent de), t. ii, col. 781. — Au-dessous du Garmel, les ouadis qui découpent les montagnes samaritaines s’allongent peu à peu, suivant que la ligne de faîte s’éloigne de la mer. Leurs nombreuses ramifications forment plusieurs fleuves. Auprès de fanfûrah est le nahr ed-Difléh, qui serpente en de nombreux replis à travers la plaine. Puis viennent : le Nahr ez-Zerqa, le flumen Crocodilon de Pline, H. N., v, 17, et au sud de Qaisariyéh, le nahr et Akhddr ou el-Mefdjir, qui, non loin de son embouchure, forme un étang dont les rives sont couvertes de joncs et de roseaux ; plus bas encore le nahr Ishanderùnéh. En descendant vers JafTa, l’on rencontre le Nahr el-Fâléq, c’est-à-dire « la rivière de la fente ou de la coupure » ; ce nom lui vient d’une coupure artificielle pratiquée à travers une colline rocheuse, qui lui barrait autrefois toute issue vers la mer, ainsi qu’au vaste étang, Basset el-Fâléq, dans lequel ses eaux se perdaient. Les historiens des croisades l’appellent Rochetailie, « roche taillée. » Il est bordé et même rempli d’une forêt de roseaux de diverses espèces ; aussi est-il nommé par un historien arabe, Bobæddin, Nahr el-Kassab, <i rivière des Roseaux. » C’est pour cela également que plusieurs auteurs l’identifient avec le nahal Qândh, Vulgate : vallis arundinelx, « vallée des roseaux, » qui formait la limite entre la tribu d’Éphraïm, au sud, et de celle de Manassé, au nord. Jos., xvi, 8 ; xvii, 9. Voir Cana 1, t.’ir, col. 105. Plus bas est le nahr el-Audjéh, dont les nombreux affluents, avec leurs ramifications, prennent naissance au centre des montagnes, et drainent une assez grande étendue de terrain ; citons, parmi les principaux, les ouadis Qanah, Rabah, Deir Ballit, et Nusrah. — Les montagnes de Judée sont, elles aussi, coupées par une multitude de torrents temporaires, qui finissent par s’unir dans de grands ouadis, comme ceux appelés es-Surâr, es-i>amt, el-Burschein, el-Ghuéit, el-Hésy. Tous ces cours d’eau se déversent dans la Méditerranée, de Jaffa à Gaza, par trois canaux seulement. Le premier est le nahr Rûbîn, dont les rives sont bordées de divers arbustes et notamment de lentisques et d’agnuscastus. Le second est le nahr Sukréir, et le troisième Youadi el-Hésy. Les pentes méridionales de ce massif s’égouttent par des ouadis qui s’en vont dans la direction de l’ouest, du sud-ouest et du nord-ouest en former de plus considérables, comme Vouadi esch-Scherl’a et Vouadi es-Seba’. Ces deux branches s’unissent pour constituer Vouadi Ghazzéh, qui se jette dans la mer au-dessous de Gaza ; très large à son embouchure, il arrête quelquefois les caravanes à la saison des grandes pluies. La seconde branche a une énorme étendue ; elle ploDge ses ramifications jusqu’à la ligne de faite qui, assez rapprochée de la mer Morte, s’incline, dans le Négeb, vers le sud-ouest. De ces hauteurs partent, en différentes directions, de nombreux torrents qui se rejoignent et finissent par trouver un même écoulement. Enfin des montagnes qui sont à l’ouest de’Aïn Qedis descendent des ouadis dont la réunion se fait en grande partie dans Vouadi el-Abiâd, lequel se jette à son tour

dans Vouadi el-’Arîsch. Ce dernier forme la frontière naturelle entre la Palestine et l’Egypte ; c’est le Sîhôr ou « le Torrent d’Egypte » de la Bible. Jos., xtit, 3 ; xv, 4. Le mot Hfrôr veut dire « noir, trouble », expression qui convient.parfaitement à ce fleuve, lorsqu’il recueille, à l’époque des grandes pluies, dans son lit extrêmement large, les eaux de ses.divers affluents, et qu’il se précipite vers la mer, agité et d’un aspect sale et limoneux. A ce moment, il est quelquefois très difficile de le traverser ; il ronge ses rives et entraîne souvent des arbres déracinés. En d’autres saisons, il ne renferme pas une goutte d’eau.

&) Bassin du Jourdain et de la mer Morte. — La ligne de faîte du massif montagneux de la Palestine est, comme nous l’avons dit, plus rapprochée de la vallée du Jourdain que de la Méditerranée ; la pente est aussi plus raide. Nous trouverons donc de ce côté des torrents en général plus courts et plus rapides, avec moins de ramifications. Les premiers ouadis, au nord, descendent vers les branches du Jourdain, puis, plus bas, viennent aboutir au lac Hùléh. Parmi ces derniers citons les ouadis’Arûs, Hendâdj et Uaqqds. Le lac de Tibériade reçoit, de son côté, une foule de petits cours d’eau, que lui envoient les hauteurs de Safed au nord, et les montagnes de l’ouest : les ouadis eVAmud, er-Rabadiyéh, el Hamâm. Au sortir de ce lac, le Jourdain reçoit Vouadi Fedjâs, dont le cours, après une direction sud-est, fait un brusque détour vers l’est ; puis viennent Vouadi el-Biréh etVouadi el-Eschschéh. Dans la plaine de Beïsân, merveilleusement arrosée, coulent : le nahr Djalûd, qui prend naissance sur les pentes septentrionales du Djebel Fuqû’a et les pentes méridionales du Djebel Ddhy, puis descend dans une belle et large vallée et passe au nord de la ville pour rejoindre le fleuve ; plus bas, Vouadi el-Hunira. Au-dessous de Vouadi el-Mâlih, dont le cours est en zigzag, la montagne qui serre de près le Jourdain se fendille de courtes rigoles. Les torrents tombent ensuite des monts samaritains dans Ja direction du sud-est ; ce sont les ouadis el-Buqéi’a et el-Far’a ; ce dernier, dans la partie inférieure de son cours, prend le nom d’ouadt Djuzeléh, sa source est abondante et intarissable, ses, ’bords sont couverts de superbes touffes de lauriers-roses et de roseaux gigantesques. En avançant vers Jéricho, dans la plaine, sont les ouadis et flumr, Fasdîl, el-Melldhah, el-Audjéh. Enfin, au sud de Jéricho, Vouadi el-Kelt ou el-Qelt débouche d’une vallée profondément creusée entre des rochers à pic, et aboutit au Jourdain à un kilomètre au-dessous de Qasr el-Yehûd. — Dans la mer Morte se déversent un certain nombre de torrents qui ajoutent leurs eaux à celles du Jourdain. Au sud de Rds Feschkhah tombe le Cédron, ouadi en-Nâr, qui a son origine vers le nord-ouest de Jérusalem, passe à l’est de la ville en creusant son lit de plus en plus, puis prend la direction du sud-est et vient, entre deux murailles de rochers abrupts presque verticaux, se jeter dans le grand lac. Voir Cédron (Torrent de), t. ii, col. 380. Viennent ensuite les ouadis ed-Déradjéh, Aréiâjéh, el-Khabera, el-Suféisif, Nimréh, Hathrurah et Zuéirah. Enfin le versant oriental des montagnes du Négeb dirige ses cours d’eau vers la baie méridionale de la mer Morte, par deux canaux principaux, Vouadi Fiqréh et Vouadi Djéib.

c) Le Jourdain. — Le vrai, pour ne pas dire le seul fleuve de la Palestine, c’est le Jourdain, que les Arabes appellent Scherî’at eUKebiréh, a le grand abreuvoir. » Il a trois sources principales : celle A’Hasbeya, près du village du même nom, sur le flanc occidental de l’Hermon ; celle de Tell el-Qadi, petite éminence de forme quandrangulaire.au pied de la même montagne, à deux ou trois kilomètres de l’angle sud-ouest ; celle de Banias, à 40 minutes environ de la précédente. Les trois rivières, dont la première est appelée Nahr Hasbani,

la seconde Nahr el-Leddan, et la troisième Nahr Banias, se réunissent à 12 kilomètres avant d’arriver au lac Hûléh. Le cours du fleuve, contourné à travers la plaine marécageuse qui avoisine ce lac, continue en ligne droite, au sortir delà nappe d’eau, sur un espace de 16 kilomètres, jusqu’au lac de Tibériade. Sa pente est rapide, puisque de deux mètres au-dessus de la Méditerranée il tombe à 208 au-dessous. Sa course se ralentit et devient sinueuse lorsqu’il entre dans la petite plaine à.’el-Batihah, au nord du Bahr Tabariyéh. Sortant du lac à son extrémité sud-ouest, il se dirige d’abord vers l’ouest, puis vers le sud, et coule, avec de nombreuses sinuosités, jusqu’à la mer Morte. La distance ainsi parcourue est directementde 104 kilomètres, mais ses méandres triplent bien la longueur de son cours. Ses eaux agitées et toujours plus ou moins limoneuses courent dans la plaine que les Arabes ont appelée ez-Zôr, « la coupure, » et qui paraît avoir été formée par les déplacements du lit du fleuve, rongeant à droite et à gauche les lianes du Ghôr. Un double et épais rideau d’arbres, tamaris, peupliers blancs, saules, térébinthes, etc., les encadre. Les rapides sont nombreux ; on n’en compte pas moins de 27 dangereux, sans parler des brisants et des écueils très multipliés. D’où viennent les innombrables méandres du Jourdain dans sa moitié inférieure ? C’est que là son inclinaison, assez forte pour lui donner de la rapidité, est très faible relativement à celle de la moitié supérieure. Ce fait ressort des chiffres suivants :

mètres.

Source d’Hasbeya.. 563 au-dessus de la Méditerranée.

Source de Banias.. 369 — —

Lac Houléh.2 — —

Lac de Tibériade.. 208 au-dessous de la Méditerranée.

Mer Morte 392. — —

En prenant le lac de Tibériade comme terme de la première moitié du cours, on a entre la source la plus éloignée et ce lac, pour une distance de 85 kilomètres, une chute de 771 mètres, c’est-à-dire m 00907 par mètre, tandis que du lac à la mer Morte, la chute n’est que de 184 mètres pour une distance de 104 kilomètres, soit m 00176 par mètre. Il faut remarquer aussi que la pente n’est pas absolument régulière, mais qu’elle est coupée de distance en distance par des brisants qui modèrent en certains endroits la rapidité du cours. Le Jourdain unit ainsi le régime de rivière à celui de torrent. Large de 25 mètres au Pont des filles de Jacob, Djisr benât Ya’qùb, au-dessous du lac Hûléh, il atteint de 37 à 38 mètres au sud de Qarn Sartabéh et 75 mètres à son embouchure. On estime à 6500000 tonnes la quantité d’eau qu’il déverse journellement dans la mer Morte, au moins à certaines époques de l’année. Voir Jourdain, t. iii, col. 1704.

2. Lacs. — Le Jourdain forme trois lacs, dont deux lui servent de régulateurs, et le troisième de déversoir. Le premier est le Bahr el-Bûléh ou lac de Mérom. En forme de poire ou de triangle, il a de 5 à 6 kilomètres de long, et, en moyenne, autant de large, pendant la période des basses eaux ; sa profondeur va de 3 à 5 mètres. Il est entouré d’épais fourrés de roseaux et de papyrus. Voir Mérom (Eaux de), col. 1004. — Le second est le Bahr Tabariyéh ou lac de Tibériade. Sa forfile^est celle d’un ovale irrégulier ; sa plus grande longueur est de 21 kilomètres, sa plus grande largeur de 10 kilomètres ; sa profondeur varie de 20 à 45 mètres dans la direction du sud au nord ; M. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, in-4°, Paris, 1884, p. 505, dit cependant qu’elle est en moyenne de 50 à 70 mètres, et que vers le milieu du grand bassin du nord, en face de l’embouchure du Jourdain, il y a des gouffres qui descendent à 250 mètres. Voir Tibériade (Lac de). — Le troisième est le Bahrel-Lût, « mer de Lot, » ou mer Morte. De forme allongée, il va directement du nord au

sud, avec une légère inclinaison de la pointe septentrionale vers le nord-est. Il est divisé dans sa longueur en deux parties inégales par une presqu’île appelée El-Lîsân, « la Langue. » La portion septentrionale est longue de 45 kilomètres ; celle du sud constitue un petit bassin ovale d’une disposition particulière. Dans son ensemble, le lac à une longueur de 75 kilomètres ; sa plus grande largeur est de 16 kilomètres. Sa profondeur varie beaucoup ; le point le plus enfoncé est à 399 mètres. Cependant, au sud de la Lisàn, le fond, même au centre, n’est guère que de 4 métrés. L’eau a une densité considérable. Voir Morte (Mer), col. 1289. 3. Sources. — La Palestine fait à presque tous les voyageurs l’impression d’un pays aride et désolé ; telle était déjà celle qu’éprouvait saint Jérôme, In Amos, iv, 17, t. xxv, col. 1029. Les pèlerins qui visitent la Terre- " Sainte sont obligés de régler leurs étapes, non d’après leurs convenances, mais d’après les rares fontaines qu’ils pourront rencontrer sur leur route. Les sources cependant sont encore assez nombreuses, surtout au pied des collines et dans certaines vallées. Mais les petites tarissent facilement pendant l’été, puis le déboisement et l’état d’abandon dans lequel est tombée la région ont influé sur le régime des eaux. Malgré cela, il y a encore des coins bien arrosés. Beaucoup de ces sources sont la vie de certaines localités et un indice de leur antiquité. D’autres donnent naissance ou un, tribut plus ou moins large à plusieurs des fleuves que nous avons mentionnés. Signalons les principales. — 1. Dans la plaine maritime. Au sud de Tyr, après le Bâ% el-Abiad, on en trouve une, non loin du rivage, près de Khirbet Iskanderûnéh, puis plus bas, au-dessous de Râs en-Naqûrah, V’Aïn el-Muschéiriféh arrose de frais jardins. En descendant vers S. Jean d’Acre, on rencontre à El-Kabry deux fontaines abondantes, dont l’une alimente l’aqueduc qui, tantôt souterrain, tantôt à fleur du sol, tantôt porté sur des arcades, fournit d’eau la ville de’Akkà ; une troisième même, peu éloignée, féconde le territoire, dont la fertilité est proverbiale. Au sud-est de la cité maritime, au Basset el-Kurdanéh, sont les sources du Nahr Na’mân, qui, dès leur origine, forment un cours d’eau considérable. Plusieurs autres, à la base du Carmel, portent leur appoint au Nahr el-Muqalta’ou Cison, et les pentes occidentales de la montagne en possèdent quelques-unes qui contribuent à la beauté du pays. Certains groupes se trouvent le long de l’ouadi el-Mdléh et dans les environs de Nahr Iskanderûnéh. Au nord-est de Jaffa, le Bas el-Aïn est un marais formé par des sources dont les eaux s’en vont dans le Nahr eUAudjéh, et la ville elle-même a la gracieuse fontaine À Abu Nabbût. La plaine de Séphélah a moins de sources apparentes, mais l’eau est à quelques mètres seulement de profondeur. — 2. Dans la montagne. La Galilée est la région la mieux arrosée, en raison de sa proximité du Liban, qui emmagasine les neiges de l’hiver et disperse autour de lui les trésors cachés en son sein. Aussi les sources sont-elles nombreuses. Elles sont éparses sur tout le terrain ; on les rencontre sur les hauteurs de Tibnîn, au-dessous et au nord du vieux château, à’El-Djisch, de Safed, de Meirôn, de Qadés, comme sur celles de la basse Galilée, près de Seffuriyéh, à Nazareth, à Kefr Kenna, etc. La plaine d’Esdrelon, par sa nature même, en est largement fournie ; elle en possède à la base des collines galiléennes et des monts samaritains. Le groupe le plus remarquable, de ce dernier côté, est celui qui existe aux environs et au-dessus i’El-Ledjdjùn et dont les eaux contribuent à entretenir le Cison. À Djenin, une bells source jaillit en véritable torrent, se divise en petits ruisselets, et répand la fraîcheur dans les jardins et les champs, rappelant ainsi le nom de l’antique cité biblique, ’£' « -Gannîm, « la source des jardins. » Voir Ekgakkim 2,

t. H, col. 1802. Plus haut, deux autres sont sur la pente septentrionale du Djebel Fuqû’a : la première, ’Aïn el Maïtéh, a la source morte, » ainsi appelée par ep Arabes depuis qu’à la suite d’un éboulement elle semblait avoir disparu, coule au pied de la colline où se trouve Zér’in, l’ancienne Jezraël, vers le nord-est. La seconde, ’Aïn Djalûd, est à une demi-heure plus loin, vers le sud-est. Toutes deux sont assez abondantes pour créer le Nahr Djalûd, qui descend vers le Jourdain. La dernière est la plus importante et correspond bien à la fontaine de Harad, près de laquelle campa Gédéon. Jud., vii, 1. Voir Harad, t. iii, col. 421. Sur les flancs de la montagne opposée, c’est-à-dire le Djebel Dâhy, on en voit autour d’El-Fûléh, de Sôlâm, de Naïn et A’Endôr. Dans les montagnes de Samarie, elles paraissent à Tell-Dothân, à Djeba’, à Fendaqumiyéh, et dans les environs ; V’Aïn el-Far’a jaillit de terre en formant immédiatement un ruisseau très abondant, dont une partie s’en va dans l’ouadi du même nom, qui descend vers le Jourdain. Mais c’est Naplouse et le territoire avoisinant qui sont le plus remarquables sous ce rapport. On compte unç quinzaine de fontaines dans l’intérieur de la ville ; d’autres coulent en dehors et arrosent de magnifiques jardins. À l’est, au pied du Garizim, on rencontre 1’'Aïn Dafnéh, puis V’Aïn Baldfah ; plus loin, au pied de l’Hébal, V’Aïn’Askar ; enfin, à l’entrée de la vallée qui se dirige vers l’antique Sichem, le Puits de Jacob, Bîr Ya’qûb, ou le Puits de la Samaritaine. Joa., iv, 6. À l’ouest, le pays n’est pas moins favorisé. En descendant vers Jérusalem, signalons V’Aïn Séilûn, près de l’antique Silo, et les deux sources de Sindjil ; plus bas, V’Aïn el-Haramiyéh, aux eaux fraîches et entourées de verdure, les sources qui avoisinent Béitin, l’ancienne Bélhel ; la fontaine d’El-Biréh, etc. Dans un rayon qui va de ce dernier point au nord jusque vers Khirbet Téqu’a, l’ancienne Thécué, au sud, et Yâlô, l’ancienne Aïalon, à l’ouest, les environs de Jérusalem, quoique pierreux et dénudés, comptent encore un certain nombre de sources : à El-Djib, Qariet el-Énab, Bittir, ’Aïn Karim, ’Aïn Lifta, Aïn el-Haùd, à environ 1600 mètres et au-dessous de Béthanie, etc. La ville sainte n’a que deux sources d’eau potable : la première est celle qu’on appelle’Aïn Umm ed-Deredj ou encore’A in Sitli Mariam ou « Fontaine de la Vierge », l’antique Fontaine de Gihon, située sur le flanc oriental de la colline d’Ophel. Voir Gihon, t. iii, col. 239. La seconde est le Bir Éyûb ou « Puits de Job », l’ancienne’En-Rogel, III Reg., i, 9, situé au confluent des deux vallées du Cédron et de Hinnom ; encore est-ce un puits plutôt qu’une source proprement dite. Il faut aller au sud de Bethléhem pour trouver l’eau vive qui, au moyen d’aqueducs, alimentait Jérusalem ; elle venait de Râs el-’Aïn ou’Aïn Saléh, de Y Aïn Moghâret plus loin vers Hébron, et de V’Aïn Arûb plus loin encore dans la même direction. Les belles eaux de VAïn’Urtds se rendaient jadis, par un canal dont les restes sont visibles en plusieurs endroits, jusqu’au Djebel Fttreidis, l’antique Hérodium. Voir Aqueduc, t. i, col. 797. À mesure qu’on avance vers le sud, le nombre des sources diminue. À deux heures au nordd’Hébron, dans les environs de Beit-Sûr et de Halhûl, il y en a plusieurs, en particulier Y’AïnDirûéh, qu’une ancienne tradition regarde comme la fontaine de saint Philippe. Act., viii, 26-39. Voir Bethsur 1, t. i, col. 1746. À une heure à l’ouest de la même ville, sur le chemin de Dura, est V’Aïn Nunkùr ou Unqûr, qui descend d’un petit plateau dans une riante et fertile vallée. El-Khalil en possède quelques-unes dans son voisinage immédiat, entre autres’Aïn Qeschqaléh au nord, et’Aïn el-Djedîd à l’ouest. Plus bas, vers le sud-ouest, Vouadi ed-Dilbéh offre une provision d’eau assez rare, surtout dans cette partie de la Palestine ; il y a là trois groupes de sources qui pourraient bien représenter « les sources

supérieures et inférieures » ajoutées par Caleb au patrimoine de sa fille. Jos., xv, 19. Voir Dabir 2, t. ii, col. 1197. Fait plus singulier encore, sur les confins du désert, la région A" Aïn Qedîs est arrosée par quatre sources dans un rayon d’une petite journée, ’Aïn Muêïléh, ’Aïn Keséiméh, ’Aïn Qodeirat et’Aïn Qedîs. — La vallée du Jourdain surtout est admirablement pourvue par endroits. Sans parler des origines du fleuve, qui présentent ce qu’on peut rêver de plus frais, il y a, depuis le Merdj’Ayûn jusqu’au lac Hûléh, une succession de sources qui surgissent du pied des montagnes occidentales : ’Aïn Talhah, ’Aïn edh-Dhaheb, ’Aïn Harb, ’Aïn el-Beldtah, ’Aïn el-Mellâhah, etc. Sur les bords du lac de Tibériade, on trouve’Aïn et-fabaghah, ’Aïn et-Tîn, ’Aïn el-Medaûuarah, ’Aïn el-Fûliyéh. Elles se multiplient aux environs et au sud de Béisdn ; il y a, en particulier à deux heures et demie au sud de cette ville, à El-Fâtûr, Ed-Deir, El-Beda, un groupe remarquable, qui fait placer en cet endroit l’Ennon (Alvivv, araméen : ’Enâvân, « lessources » ) où baptisait saint Jean. Joa., iii, 23. Voir Ennon, t. ii, col. 1809. Elles reparaissent lorsque la plaine, un instant rétrécie, reprend de la largeur, au nord et au sud de Qam §artabe’h ; un peu au-dessus de Khirbet el-Fasâîl, l’ancienne Phasaélis, une source jaillit du sein des rochers, se partage en deux ruisseaux et fertilise ce coin de la vallée. Quelques minutes au-dessous de l’endroit où Vouadi Nua’iméh débouche des collines occidentales, sont deux sources très abondantes : la première, appelée’Aïn en-Nua’iméh, sourd de terre avec une grande force et forme immédiatement un ruisseau, qui coule dans l’ouadi du même nom ; à quinze pas au sud, jaillit la seconde, ’Aïn ed-Dùkoa Dûq, dont le nom rappelle celui de Doch. I Mach., xvi, 15. Voir Doch, t. ii, col. 1454. À une petite distance au nord-ouest du village actuel de Jéricho, au pied d’un monticule qui se rattache au Djebel Qarantal, on voit V’Aïn es-Sul{ân, dont l’eau claire coule en abondance dans un vieux bassin de pierres de taille. Jadis elle alimentait plusieurs aqueducs, qui partaient de là pour répandre au loin dans la vallée la fertilité et la vie. On l’appelle encore Fontaine d’Elisée. Voir Elisée (Fontaine d’), t. ii, col. 1696. Plus bas dans la plaine est V’Aïn Radjlah, qui jaillit au milieu d’un petit bassin de forme circulaire, qu’environne un fourré de broussailles et d’arbres nains ; le ruisseau qu’elle forme était autrefois canalisé et fertilisait le sol où elle se perd maintenant. Voir Bethhagla, t. i, col. 1685. Sur le bord occidental de la mer Morte, se trouvent plusieurs sources : V’Aïn el-Feschkhah, dont l’eau est claire, mais un peu chaude, saumâtre et sulfureuse, V’Aïn el-Ghuéir, VA ïn et-Terâi >éh. Mais la plus remarquable est " Aïn Djedi, V ancienne Engaddi, Jos., xv, 62, etc., qui naît sous un rocher presque plat et peu épais, el dont les eaux, très pures, ont une température de vingt-sept degrés. Voir Engaddi ; t. ii, col. 1796. On en rencontre également plus bas, autour de la Sebkhah, et sur les bords de Vouadi el-Djeib. Plusieurs de celles qui avoisinent la mer Morte sont chaudes, comme celle d’El-Rammàm, au sud de Tibériade. Voir Émath 3, t. ii, col. 1720.

D) Le littoral méditerranéen. — Cet ensemble de géographie physique ne serait pas complet si nous n’examinions le littoral méditerranéen, qui a bien son caractère à part. Du Nahr el-Qasimiyéh au Carmel, il est dentelé, avec des pointes peu proéminentes, mais assez saillantes pour former deux parties opposées. Au nord et au sud des promontoires Rds el-Abiad et Râs en-Naqùrah, deux de ces pointes avancées ont servi d’assiette à deux villes célèbres, Tyr et Saint-Jeand’Acre. La première, Jjâtie d’abord sur un rocher séparé du continent, est depuis Alexandre réunie à la terre ferme par un isthme artificiel, qui en fait une presqu’île. Voir Tyr. La seconde s’élève sur une langue

de terre qui s’avance du nord au sud dans la Méditerranée, en forme de triangle. La baie qui l’avoisine et porte son nom est le trait caractéristique du rivage dont nous parlons. Arrondie à ses deux extrémités, mais beaucoup plus large au sud, où elle s’appuie sur le Carmel, cette échancrure produit l’aspect d’un refuge providentiellement ménagé aux vaisseaux. Cependant la rade d"Akka, très peu abritée, est extrêmement dangereuse en hiver et au printemps ; lorsque souffle le vent d’ouest, , bien souvent les navires à voiles ne peuvent s’éloigner à temps et sont jetés à la côte par la tempête. Celle de Khaïfa est plus sûre, bien que le port actuel soit également peu profond. Voir Accho, t. i, col. 108. Au-dessous du Carmel, la côte n’offre plus qu’une ligne presque absolument unie, avec quelques petites baies et criques ensablées ; c’est une barrière uniforme et nue, composée de dunes de sable, contre laquelle la mer dépose un long ruban d’écume. À Athlit, un petit promontoire rocheux s’avance dans la mer, assez semblable à celui de Tyr, portant un pauvre village construit au milieu des ruines. C’était jadis une île, au moins d’après une opinion très vraisemblable, car, à l’orient, la colline s’abaisse beaucoup, et les baies qu’elle divise pouvaient autrefois se rejoindre ; nous aurions ici, comme en plusieurs endroits, un exemple de l’exhaussement par l’accumulation du sable. Plus bas, en avant de fantûrah, l’ancienne Dor, Jos., xi, 2 ; xii, 23, etc., s’arrondit une anse peu profonde, protégée, du côté du large, contre les vents d’ouest, par trois ou quatre Ilots, qui brisent la violence des vagues, et défendue au nord par une pointe rocheuse. Le port antique de JDora est au nord et à une faible distance de cette anse. Voir Dor, t. ii, col. 1487. Tout le monde sait les merveilles qu’Hérode avait accumulées autour de l’anse naturelle formée par les terres rocheuses qui supportaient la tour de Straton. Aujourd’hui le vieux port de Césarée, Qaisariyéh, est entièrement ruiné, et le bassin lui-même ne laisse voir sous la transparence des eaux, quand elles sont calmes, qu’une foule de débris. Voir Césarée du bord de la. MER, t. ii, col. 456. Le port de Jaffa, petit, peu profond, est formé par une ligne de brisants qui laissent une passe excessivement étroite. La mer s’engouffre par cette ouverture entre deux murs parallèles de récifs, contre lesquels on court risque de se briser, quand la houle est tant soit peu forte, ce qui arrive souvent. La rade, en effet, est largement ouverte à tous les vents, qui soufflent avec violence sur cette côte basse et sans golfes. Voir Joppé, t. iii, col. 1631. En avançant vers le sud, nous ne trouvons plus que des apparences de port. Un peu au-dessous du Na.hr Rubîn, se développe une petite baie entourée de rochers formant une sorte de jetée naturelle. Cette anse constituait autrefois l’établissement maritime de Jamnia, représentée aujourd’hui par Yebnéh, à une certaine distance de la côte. Voir .Jamnia, t. iii, col. 1115. Plus bas, quatre kilomètres à l’ouest d’Esdûd, l’ancienne Azot des Philistins, Jos., xiii, 3, on aperçoit les ruines d’une petite ville et d’une forteresse commandant une rade solitaire. Cet endroit porte le nom de Minet Esdûd, et répond à « l’Azot maritime », ’Aç&xoç TzapiX’.o ; de certains auteurs. Voir Azot 1, t. i, col. 1307. Ascalon avait aussi son port, protégé par deux môles et ouvert du côté de l’ouest ; c’était plutôt une rade, et encore assez peu sûre. Voir Ascalon, t. i, col. 1060. Enfin, vers le nord-nord-ouest de Ghazzéh, dans un endroit appelé El-Minéh, le littoral décrit une petite courbe, une anse peu prononcée, qui voit cependant encore aujourd’hui aborder quelques barques. On ne remarque aucune apparence de digue dans cette rade, qui d’ailleurs devait offrir, elle aussi, peu de sécurité, étant ouverte à tous les vents, excepté à ceux de l’est et du nord-est. C’est là que se trouvait sans doute le comptoir maritime de Gaza. Voir Gaza,

t. iii, col. 118. Cette configuration de la côte méditerranéenne a eu dans l’histoire ses conséquences, que nous étudierons plus loin. Pour sa formation, voir Méditerranée (Mer), col. 927.

2. Région transjordane. — A) Orographie. — Le pays qui s’étend à l’est du Jourdain et de la mer jMorte n’est qu’un immense plateau parsemé d’éminences isolées, où s’élève sur un seul point un massif de montagnes volcaniques, le Djebel Haurân. Mais ce plateau, vu de la Palestine cisjordane, a l’aspect d’une véritable chaîne. Cette disposition physique est très sensible surtout lorsque, du fond de la vallée du Ghôr, on gravit les pentes abruptes qui l’encaissent à l’est. Après avoir, par exemple, traversé le Jourdain en face de Jéricho, il faut franchir les deux gradins de la montée avant d’atteindre le niveau supérieur où se montrent les grandes plaines, c’est-à-dire que de 300 à 250 mètres au-dessous de la Méditerranée on arrive à une hauteur de 800 à 900 mètres au-dessus (Voir fig. 527). Si l’on passe le fleuve au Djisr el-Mudjdmï, au sud du lac de Tibériade, on va successivement de 150 ou 130 mètres au-dessous de la Méditerranée à 364 mètres au-dessus (Umni Qeis ou Mqéis), 460 mètres (Abil), 490 mètres (Ep-Turra), 550 mètres (Der’ât) et 982 mètres (’Aère, au pied du Djebel Haurân). (Voir fig. 528). La bande du plateau qui s’étend de l’Hermon au nord à l’Arnon au sud, du Jourdain et de la mer Morte à l’ouest au Derb et Hadj ou « Route des Pèlerins » à l’est, est divisée en trois parties par deux fossés profonds, le Sclierî’at el-Menâdiréh et le Nahr ez-Zerqa. La première porte le nom de Djôlân ; c’est l’ancienne Gaulanitide, La région septentrionale, qui a une altitude moyenne de 700 à 800 mètres, est caractérisée par une chaîne volcanique d’un aspect singulier. Cette chaîne se compose de plusieurs groupes, de monts isolés, cratères de volcans éteints. L’un se trouve à l’est, près du Nahr er-Ruqqâd ; il commence au sud avec le Quléïah (7Il mètres), se continue avec le Tell e.l-Fàras (948 mètres) et se termine au nord avec leHàmi Qursuh (1198 mètres), dont la lave atteint El-Qunéitrah. L’autre, qui est comme le prolongement de celui-ci, va dans la direction du nord-ouest et s’élève à 1294 mètres au Tell esch-Scheikhah. Un troisième, qui rejoint le second au nord, court parallèlement au premier et comprend Tell el-Ahmar (1238 mètres), Tell Abu en-Neda (1257 mètres) et Tell Abu Yusef (1029 mètres). On peut y rattacher le Tell Abu el-Khanzir (1164 mètres), qui s’écarte un peu à l’ouest. Mais, pour se faire une idée exacte de ces hauteurs, il ne faut pas perdre de vue le niveau du plateau, qu’elles ne dépassent guère en somme que de quelques centaines de mètres. Cette partie septentrionale du Djolân est une contrée âpre et sauvage, couverte de masses de lave, de rochers basaltiques, au milieu desquels cependant les troupeaux des Bédouins trouvent, au printemps, d’excellents pâturages. Au sud, le terrain plus uni et mieux cultivé, descend graduellement vers le Sehérî’at el-Menâdiréh ; Ysiitïtude moyenne va de 491, 476 mètres à 350 et 330 mètres environ. — La seconde partie du plateau oriental s’appelle Y’Adjlûn, fermé au nord-est par un rebord, le Djebel Ez-Zumléh (607 mètres). En descendant vers le sud, la bande de terre reprend peu à peu un niveau supérieur : 528 mètres à Trbid, 614 mètres à Tibnéh, 863 mètres à’Aïn Djennéh. Les hauteurs s’accentuent avec le Djebel Kafkafa (988 mètres), Turrat el-Affûr (930 mètres) et le Djebel Bakârt (1085 mètres). — La troisième est le Belqâ, dont l’altitude moyenne est de 700 à 800 mètres. Ce chiffre est même dépassé dans la région septentrionale, où l’ensemble du pays est plus élevé : Es-Salt (835 mètres), Khirbet Sâr (972 mètres), El- 1 Al (934 mètres), Hesbàn (900 mètres). Les sommets sont également plus hauts Djebel Oscha’(1096 mètres), Râs el-Merqeb (957 mètres) : Hâs el-Muschéirféh (1013 mètres), Djebel Zabûd

(1140 mètres), d’autres points Vont à 1035, 1052, 1086 mètres. Au sud, le niveau général se maintient à 7 ou 800 mètres : Mâdeba (785 mètres), Ma’in (872 mètres), Djebel Djelûl (823 mètres) ; le Djebel Néba au mont Nébo, d’où la vue s’étend si loin vers l’ouest, n’est lui-même qu’une hutte de rebord se dressant à 806 mètres. Du côté de l’ouest, les rochers, fendus par les torrents, tombent à pic dans la mer Morte, le long de laquelle ils forment une énorme muraille.

Le Djebel Baurân, appelé encore Djebel ed-Drûz, est un massif long de 80 kilomètres environ sur 45 kilomètres dans sa plus grande largeur, et dont l’axe se dirige à peu près du nord au sud. Assez escarpé du côté de l’est, il descend plus doucement du côté de l’ouest. La partie méridionale est en général moins éle sillonné d’innombrables crevasses plus ou moins profondes, qui se coupent dans toutes les directions et forment un inextricable labyrinthe de ravins et de précipices. VoirAEGOB 2, t. i, col. 950.

B) Plaines et vallées. — À l’ouest du Ledjah et du Djebel Haurân s’étend la grande plaine appelée En-Nuqra, ondulée et coupée par de nombreux ouadis. Le sol, composé de lave, de dolérite granulée et de scories rouge-brun ou vert-noirâtre, est en général d’une grande fertilité. Il produit un froment de beaucoup supérieur à celui des autres contrées ; l’orge y est également cultivée. Malgré les nombreux cours d’eau qui l’arrosent, il renferme peu de plantations et pas de forêts ; quelques vergers, vignes et. jardins seulement sont entretenus autour des villages. Voir Auran, t. i w

1200

I0D0 800 6 DO MH 200

-ZOO

Jéricho r250

Niveau 4e Tajfer Méditerranée

Coupe a

Aère ssz

_ Jourdniiv Djrsr elMudjâmi^ jj mm ge is

J&74-60

Coupe b

527-528. — Coupes du terrain dans la région transjordane. — 527. Coupe a. Du Jourdain à Amman et à la route des Pèlerins.

— 528. Coupe b. Du Jourdain au Djebel Haurân.

vée que celle du nord. L’ensemble est une chaîne volcanique, qui rappelle celle des Puys d’Auvergne. Elle se compose d’un assez grand nombre de cônes, dont la hauteur va de 1200 à près de 1800 mètres. Ceux du nord, Tell Schihan, Tell Gharârat esch-Schemâliyek, Tell Djémal, Tell Gharârat el-Qibliyéh, alignés sur une longueur de dix kilomètres, paraissent avoir vomi la vaste nappe basaltique qui compose le Ledjah. En descendant vers le sud, nous trouvons sur une même ligne les cônes suivants : Abu Tuméis (1551 mètres), Abu Tâséh (1736 mètres), Djuélîl (1782 mètres), Djeina (1839 mètres), Djefnéh (1737 mètres), es-$uféh (1475mètres). Un autre groupe se rencontre au nord-est : Tell el-’Alia, Tell el-HabU (1130 mètres), Tell el-Hisch (1231 mètres), etc. Signalons enfin, à l’est, le Tell Scha’f (1657 mètres), et à l’ouest, le Djebel el-Quleib (1716 mètres), le seul sommet ombragé de quelques arbres à la cime.

Au Djebel Haurân se rattache la région singulière qui l’avoisine au nord-ouest et qu’on nomme Ledjah, « refuge. » C’est l’ancienne Trachonitide. Luc, iii, 1. Ce grand plateau, dont la surface générale est élevée de huit à dix mètres au-dessus des plaines environnantes, n’est qu’une immense coulée de lave vomie par la montagne volcanique. De forme ovale irrégulière, il est

col. 1253 ; Basan, t. i, col. 1486. — La vallée du Jourdain garde à l’est les mêmes caractères qu’à l’ouest. Un peu plus large cependant au-dessus du lac Hûle’h, elle s’ouvre aussi davantage au nord-est du lac de Tibériade avec la plaine A’El-Bafîhah, et au sud, dans la partie où serpente le Scherî’at el-Menâdîréh. Beaucoup plus étroite, au contraire, en face et au-dessous de Béisân, elle regagne ensuite du terrain, garde une largeur uniforme jusqu’à ce qu’elle s’agrandisse avec le Ghôr es-Çeisbân. Enfin, à une petite distance de l’embouchure du Zerqâ Ma’in est le petit plateau de Çàrah, incliné vers la mer Morte, entouré de hautes collines de pierre volcanique, rangées en hémicycle, et dont le fond de lave est en partie recouvert d’une terre noire. — Les vallées dont est semé le haut plateau du Djôldn, de YAdjlûn et du Belqa’, n’ont rien qui les distingue ; plusieurs seront signalées en même temps que les rivières. C) Hydrographie. — 1° Rivières. — La région transjordane est également coupée par de nombreux ouadis, qui appartiennent tous au bassin du Jourdain et de la mer Morte. -— Le Djôldn est particulièrement sillonné de torrents qui descendent de la ligne de faite formée par les tells dont nous avons parlé. Le lac Hûléh reçoit Vouadi Bedàrûs et Vouadi Dabûra. Au nord-est du lac

de Tibériade, à travers la plaine A’El-Bâfihah, qu’ils inondent en hiver, quatre canaux, les ouadis es-Saffah, ed Dâliyéh, es-Senâm, et Djoramâyeh, déversent les eaux que leur envoient une foule d’embranchements dans la direction du sud-ouest et du sud. Sur la côte orientale, on rencontre Youadi esch-Schugéiyif, puis Youadi es-Semak, qui coule au fond d’une large et importante vallée, et, plus bas, Youadi Fîq, appelé Enghïb à son embouchure. Mais la rivière la plus importante du Djôldn est le Nahr er-Ruqqâd, qui le contourne dans toute son étendue du côté de l’est. Parti des dernières pentes de l’Hermon, à une altitude de plus de 1000 mètres, il reçoit bientôt lés eaux de Y’Ain el-Beidâ. Son lit, d’abord peu profond, n’est plus assez large au moment de la fonte des neiges et des grandes pluies ; il se creuse profondément au-dessous de Djisr er-Ruqqâd, où il est formé comme par deux murailles perpendiculaires. La vallée s’élargit ensuite, et la rivière coule assez rapidement jusqu’à ce qu’elle s’unisse au Schéri’at el-M enddiréh ; en été cependant, ses eaux s’évaporent avant d’arriver là. Le Nahr er-Ruqqâd, dont le cours inférieur est bordé de lauriers-roses et d’autres arbustes, reçoit à l’est Youadi Seisûn. — Le Schéri’at el-Menâdiréh, ou ; < abreuvoir des Menâdireh », est ainsi appelé du nom d’une tribu qui campe sur ses rives ; c’est l’ancien Hiéromax ou Yarmûk, la plus grande rivière de la Transjordarie et le plus puissant affluent du Jourdain. Il joue à l’est le même rôle que le Cison à l’ouest, c’est-à-dire qu’il est le produit du drainage des eaux de la grande plaine du Haurân. Son rayon est beaucoup plus étendu, car ses ramifications les plus extrêmes partent du Djebel Haurân et viennent se rattacher à lui dans la direction de l’ouest ; d’autres descendent du nord ; d’autres viennent du sud ou du sud-est. Avant de recevoir ses principaux tributaires, il porte le nom A’El-Ehréir. Ceux-ci sont le Nahr el-’Alldn, qui descend du nord, du plateau du Djedûr, Yçuadi Zeizûni, qui vient de l’est, et Youadi esch-Schelaléh, du côté du sud. Après sa jonction avec lo Nahr er-Ruqqâd, il court rapidement vers le sud-ouest, débouche dans le Ghôr, et se jette dans le Jourdain, dont il égale presque la grandeur à cet endroit. L’eau du Schéri’at el-Menâdiréh est seulement un peu plus claire que celle du Jourdain et plus fraîche. — Les torrents de Y’Adjlûn sont courts, n’étant que les fossés par où s’égoutte l’extrémité occidentale du plateau syrien. Signalons, en avançant vers le sud, Youadi el-’Arab, Youadi el-’Amûd, Youadi Siklab, Youadi Abu Sa’id, Youadi Fahl, et Youadi Yâbis. Ce dernier, que plusieurs regardent comme le torrent de Carith, lll Reg., xvii, 3, coule, bordé de platanes et de lauriers-roses, dans une vallée profonde et peu large, fermée à droite et à gauche, sur une grande partie de son étendue, par des rochers perpendiculaires, dont les flancs recèlent de nombreuses grottes. Les canaux qui en dérivent arrosent en maints endroits des vergers d’arbres fruitiers. Voir Carith (Torrent de), t. ii, col. 285. Plus bas, l’on rencontre Youadi Madhabia, Youadi Adjlûn et Youadi Radjib. Vient ensuite le Nahr ez-Zerqa, ou « la rivière bleue », l’ancien Jaboc, Gen., xxxii, 22 ; Jos., XII, 2, etc., le plus puissant affluent du Jourdain après le Schéri’at el-Menâdiréh. Cette rivière commence un peu à l’ouest de’Amman, se dirige au nord-est jusqu’au QaVat ez-Zerqa, où elle reçoit les eaux abondantes de Y’Aîn ez-Zerqa, fléchit ensuite au nord-ouest jusqu’à sa jonction avec Youadi Djérasch, décrit ses sinuosités d’est en ouest jusqu’à sa sortie des montagnes, incline enfin au sud-ouest pour aller, à travers le Ghôr, se jeter dans le Jourdain. Outre Youadi Djérasch, elle reçoit encore sur son parcours plusieurs courants permanents, et, en hiver, de nombreux torrents ; pendant cette saison, elle devient même souvent infranchissable. Voir Jaboc,

t. iii, col. 1056. — La partie supérieure du Belqa est coupée par des torrents qui contournent ses hauteurs : Youadi Sidr, Youadi el-Abyad, Youadi er-Retem, Youadi Abu Tara. Plus important est Youadi Nimrin, qui prend naissance près du Sait, au coeur des montagnes du Galaad méridional, à une source aboridante. Il porte le nom d’ouadi Scha’ib avant d’entrer sur le territoire de Tell-Nimrin. Cette rivière, sur un parcours de six à sept kilomètres, arrose de nombreux vergers plantés sur ses rives ; en approchant du Ghôr, son courant, plus rapide, n’arrose plus qu’une double haie de lauriers-roses. Voir NemRim (Eaux de), col, 1581. Plus bas est Youadi Kefrein, qui a pour affluents Youadi es-Sir et Youadi Hesbdn. Sur la côte orientale de la mer Morte, la seule rivière un peu considérable avant l’Arnon est le Zerqâ Ma’in, ainsi appelé de Ma’în, l’ancienne Baalméon, au-dessous de laquelle il prend sa source. Ses ramifications s’étendent très loin vers le nord-est. Enfin Youadi Modjib ou l’Arnon ferme au sud le territoire que nous étudions. Son bassin occupe la plus grande partie de la région moabite. Son principal affluent est Youadi Bleidân, qui, descendant du nord-est, l’égale presque en longueur et en importance. Du côté de l’est, il reçoit YEnkéiléh, formé lui-même du Ledjûm et du Balû’a, et, du côté du sud, le seil es-Sa’idéh. La vallée du Modjib, qui ressemble à une faille énorme, creusée par quelque tremblement de terre, a, au-dessous (YAra’ir, une largeur de quatre à cinq kilomètres d’une crête à l’autre, et sa profondeur, du côté sud, est d’environ 650 mètres. Au fond, sur un lit de cailloux, coule le ruisseau, dont le cours est marqué par une bordure d’arbres et d’arbrisseaux. Après avoir traversé comme un corridor sinueux, creusé dans la montagne, l’eau vient s’épancher dans la mer Morte au milieu d’une jungle d’arbustes divers. Voir Arnqn, t. i, col. 1020.

2° Lacs. — La région transjordane ne possède qu’un seul lac important, le Birket er-Rân ou er-Rdm, généralement regardé comme étant le lac Phiala de Joséphe, Bell, jud., III, x, 7. Il est situé au sud-est de Banias. De forme elliptique (fig. 529), il est assez profondément encaissé entre des berges inclinées, qui peuvent avoir une soixantaine de mètres d’altitude au-dessus du niveau de feau ; le rivage sud-ouest est presque à pic ; l’autre côté est au contraire argileux et peu élevé. Entourée de roches basaltiques et de laves, la cuvette dont il remplit le fond a dû être formée par un ancien cratère. La circonférence de ce bassin est de deux kilomètres. Malgré la présence de plusieurs sources dans le voisinage, il ne doit probablement son origine qu’à l’accumulation des eaux pluviales. Une ceinture verte de joncs et de carex s’étend à quelques mètres du bord, tandis que la partie centrale de la nappe, libre de végétation, paraît remplie d’une eau profonde. Cette eau, quelquefois d’un beau bleu foncé, est le plus souvent, surtout en hiver et au printemps, absolument trouble et boueuse. Elle ne renferme pas de poissons, mais est peuplée par des myriades de grenouilles et de sangsues. On croyait autrefois qu’il y avait une communication souterraine entre ce lac et la source de Banias. Cf. Joséphe, Bell, jud., III, x, 7. Il y a longtemps que cette hypothèse est rejetée ; la tradition du reste, n’existe pas parmi les habitants actuels de la contrée. Nous ne parlons pas des petits lacs ou marais comme ceux qu’on rencontre, par exemple, auprès de Dilly, Tell el-Asch’ari., Elr Adjami, El-Mzeirib.

3° Sources. — À l’est du Jourdain, les sources sont, comme à l’ouest, inégalement réparties. Le Djôldn, comme la Galilée, doit à son voisinage des grandes montagnes syriennes les nombreuses sources qu’il possède. Dans son pourtour oriental, en suivant le cours du Nahr er-Ruqqâd, nous en trouvons plusieurs qui contribuent à alimenter la rivière. Outre la fontaine

initiale, ’Aïn el-Beida, citons’Aïn el-’Asal, ’Aîn Kôdana, ’Aïn er-Rafîd, ’Aïn el-Basâléh ; plus bas, sur les bords de l’ouadi Hétal, tout un groupe qui s’échappe à travers des buissons de lauriers-roses ; plus bas encore’Aïn el-’Arâis, ’Aïn es-Fedjdjéh, etc. Dans l’intérieur du plateau : ’Ayûn ez-Zuân, au milieu d’une belle et fertile vallée ; ’Ayûn Yûsef, trois belles sources au pied duTell Abu Yûsef, dont les eaux s’en vont dans l’ouadi ed-Delhamiyéh ; d’autres, ’Ayûn Mukhladi, forment un ruisseau qui descend vers le lac Hûlch ; ’Ayûn el-Fahm, à l’entrée de l’ouadi Djoramdyéh ; plusieurs existent sur les bords de l’ouadi es-Semak et de ses affluents, etc. À l’extrémité occidentale, en se rapprochant du Jourdain : ’Aïn Fît, au nord ; plus bas, non loin du lac Hûléh, ’Aïn et-Tineh, ’Aïn ed-Durdâra. Mais c’est principalement le territoire nord-est du lac de Tibériade qui est bien arrosé, grâce aux sources’Aïn Musmâr, ’Aïn’Aqel, ’Aïn Umm el-Ledjdjah, qui se répandent à travers la plaine. Quatre autres jaillissent, non loin du rivage, au-dessous de

pour rencontrer des sources. Là, dans certains endroits, elles jaillissent nombreuses et abondantes. Beaucoup, par leurs eaux réunies, donnent naissance à des ruisseaux ou des rivières assez considérables, eu égard surtout à l’inclinaison de leur lit et à la brièveté de leur parcours. On en rencontre dans le voisinage du Sait, <X"Ammân, de l’ouadi Na’aur, de l’ouadi Heshân, etc. Les plus célèbres sont celles qui jaillissent du pied du mont Nébo et portent le nom de’Ayûn Mûsd ; « Fontaines de Moïse. » Elles forment, en deux groupes principaux, une oasis de fraîcheur et de verdure dans une contrée aride. Voir Asédoth, t. i, col. 1076. Dans le Ghôr es-Seisbân, on trouve’Aïn el-Kharrdr, qui sourd à un kilomètre du Jourdain, cf. Bethabara, t. i, col. 1650, et, plus bas, ’Aïn’Arûs, environnée de roseaux, puis’Aïn Suéiméh, dont les eaux sont chaudes. Voir Bethjésimoth, t. i, col. 1686. Les sources thermales les plus connues sont celles de l’ouadi Zerqâ Ma’în. Au nombre d’une dizaine, et disposées sur une longueur de quatre kilomètres environ

529. —Le lac Phiala.

Kefr Hârib. Dans la plaine en Nugra, on en signale aux environs de Nauâ, Tell el-Asch’ari, El-’Adjami, Mzeirib, Der’àt, Zeizûn, entre Sahem el-Djôldn et Beit-Akkar. Sur la frontière méridionale du Ledjah, sur le bord de l’ouadi Qanauât, une prairie est arrosée par V’Aïn Keratéh. Le Djebel Haurân en renferme aussi quelques-unes : trois au sud-est de Qanauât, ’Aïn Musa au pied du Quleib, et plusieurs autres qui donnent à un village situé au nord de Salkhad, son nom de’Iyûn, s sources. » On en trouve également à Bosra. Sur le cours inférieur du Scherî’at el-Menâdiréh, au coude très prononcé qu’il fait avant de tomber dans la plaine du Jourdain, l’endroit appelé El-Hamméh est remarquable par ses sources thermales. Ces eaux sulfureuses, dont la température est d’environ 55 degrés centigrades, sont très renommées chez les Arabes, comme elles l’étaient chez les Romains. Les trois réservoirs principaux se nomment Birket el-Bjerab, Hammet es-Selîm, Hammet er-Rîh ; l’eau potable est fournie par V’Aïn es-Sakhnéh ou’Aïn Sa’dd el-Fdr. h’Adjlûn, quoique moins bien arrosé que le Djoldn, renferme cependant un certain nombre de sources, aux environs de Mqeis, puis non loin des rives de l’ouadi el-Iiammâm, sur les bords de l’ouadi Zerqa, etc. Le plateau du Belqa, comme au temps de Séhon et de Moïse, n’est pas riche en sources et en eau courante ; les habitants ont toujours dû, pour les divers usages de la vie, recourir au système des citernes et des piscines, en dehors des rares puits qu’ils creusaient. Il faut descendre dans les ravins et les vallées

elles sortent du fond d’un ravin abrupt, presque inabordable, sur la rive droite du Zerqâ ; leur température est de 65 à 70 degrés centigrades. Voir Callirrhoé, t. ii, col. 69. Non loin sont celles de Sàrah, dont le nombre ne peut être facilement déterminé ; leurs eaux vont de 40 à 60 degrés et paraissent mêlées de substances minérales. Voir Moab, col. 1152.

3. Cisjordane et Transjordane. — Les deux régions que nous venons de décrire ont des traits physiques communs qu’il nous est maintenant facile de déterminer. Il suffit de remarquer les cotes indiquées pour voir que le plateau oriental et le sommet du plateau occidental se maintiennent dans leur ensemble à peu près au même niveau. Le premier cependant est un peu plus élevé, au moins dans les crêtes dont il est parsemé. Ainsi dans le Djôlân, trois tells dépassent de 40, 70 et près de 100 mètres le plus haut point de la Galilée. Dans l’A djlûn et le Belqa, le Djebel Kafkafâ, le Dj. Hakart et le Dj. Oscha’sont de 50 et environ 150 mètres au-dessus du mont Hébal, qui domine Naplouse. Cependant le Djôlân a sa partie haute et sa partie basse comme la Galilée : au-dessous de la région des tells, il descend vers le Scherî’at el-Menâdiréh : Fîq, par exemple, se trouve à la même hauteur que Kimrîn ; mais él-Ramméh tombe à 176 mètres. Dans le Haurân, El-Mzeirib, Et-Turra, Der’dt se rapprochent du niveau des hautes collines qui avoisinent Nazareth. Au sud du Yarmuk, le terrain remonte peu à peu, et certains endroifs, comme Beit er-Rds, Irbid, l’ibnéh, dépassent même les points les plus élevés du Djebel

Dahy et du Djebel fuqû’a. Djérasch est au-dessus de Naplouse. Es-Salt, ’Amman, Khirbet Sdr, El-Al, Hesbdn, Mâdeba, restent, en la surpassant le plus souvent, dans l’altitude des sommets qui vont de Beitîn à Bethléhem. Cependant la partie du plateau de Moab qui correspond au massif hébronien n’égale pas celui-ci en hauteur ; mais, tandis que ce dernier s’abaisse graduellement au sud, vers Bir es-Seba’et Khirbet el-Milh, le premier remonte vers Kérak et plus loin. Si la ligne montagneuse qui ferme la vallée du Jourdain et la mer Morte à l’est est plus abrupte que celle de l’ouest, les deux pentes cependant sont fendues par des torrents assez courts. On trouve à l’est et à l’ouest, tendant vers le Ghôr, de profondes crevasses, comme les ouadis ScherVat el-Menâdiréh, ez-Zerqa, Modjib, el-Kelt et en-Nâr. Enfin des deux côtés nous avons rencontré des sources thermales. D’où viennent ces caractères communs ? Quelle est l’origine de cette double région ? C’est ce que la géologie nous apprendra.

Les principaux ouvrages à consulter, au sujet de la description physique, sont : Pour la Palestine cisjordane : The Survey of Western Palestine, Memoirs of the topography, orography, hydrography and archseology, 3 vol. in-4°, Londres, 1881-1883, avec la liste des noms, Arabie and english Name Lists, in-4°, Londres, 1881 ; E. H. Palmer, Thè Désert of the Exodus, 2 in-8°, Cambridge, 1871, t. ii, p. 349-428. Pour la Transjordane : The Survey of Eastern Palestine, in-4°, Londres, 1889 ; G. Schumacher, Der Dscholan, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. ix, 1886, p. 169-368 ; traduction anglaise, The Jaulân, in-8°, Londres, 1888 ; Across the Jordan, in-8°, Londres, 1886 ; Ergebnisse meiner Reise durch Haurân, Adschlûn und Belqa, dans la Zeitschrift der Deut. Pal. Ver., t. xvi, 1893, p. 72-83 ; 153-170 ; J. G. Wetzstein, Reisebericht ûber Hauran und die Trachonen, in-8°, Berlin, 1860 ; L. Oliphant, The Land of Gilead, in-8°, Edimbourg et Londres, 1880 ; H. B. Tristram, The Land of Moab, 2e édit., in-8°, Londres, 1874. Pour les deux régions : E. Robinson, Physical Geography of the Holy Land, in-8°, Londres, 1865 ; F. Buhl, Géographie des atten Palâstina, in-8°, Leipzig, 1896, p. 9-51. Nous n’indiquons que les ouvrages les plus essentiels, en quelque sorte les plus techniques ; ceux que nous aurons à signaler plus tard renferment souvent les mêmes détails géographiques, mais épars au milieu de récits de voyage, de questions historiques et de discussions archéologiques. Pour les monographies concernant, en particulier, le Jourdain, le lac de Tibériade et la mer Morte, voir, au point de vue bibliographique, les articles relatifs à ces noms.

iv. géologie. — i.Les terrains. —.4) Roches primitives. — La Palestine proprement dite n’offre qu’un petit spécimen des roches primitives, qui constituent le massif sinaïtique, les bords du golfe d’Akabah et une partie de la chaîne montagneuse située à l’est de l’Arabah. Dans toutes ces régions, la roche fondamentale des massifs cristallins est le granité ; celui des montagnes de l’Idumée appartient généralement à cette variété qu’on appelle granité oriental, le marmor syenites des anciens. Il est recouvert par des schistes cristallins qui débutent par un gneiss à petits grauïs^et composé de feldspath gris, de quartz et de mica noir ou bronzé. Ces formations ont été traversées, depuis leur dépôt, par des roches éruptives, telles que les granités pegmatites, porphyres quartzifères, diorites, porphyrites. La série de ces schistes anciens se termine généralement par des couches de conglomérats polygéniques, c’est-à-dire de cailloux parfois anguleux, le plus souvent roulés, de granité, de porphyre, de diorite, de gneiss, de schistes cristallins, de pétrosilex, etc. Le dernier prolongement de ces massifs cristallins et schisteux qui, du Sinaï, s’en vont en montant du côté de la

Palestine, se trouve au bord sud-est de la mer Morte. On a rencontré dans l’ouadi Safiyéh, tout autour de dykes de porphyrite, un conglomérat composé de granités à grains fins, de porphyre quartzifère rouge, de porphyre pétrosiliceux d’un brun rougeâtre avec cristaux blanchâtres de feldspath, de diorite et d’une roche épidotifère. Tout près, le base du Djebel Schomrah ou Schomar est formée des mêmes éléments. Voir fig. 530, d’après E. Hull, Memoir on the Geology and Geography of Arabia Petrsea, Palestine, in-4 « . Londres, 1889, p. 38.

J5) Carboniférien à cénomanien. — 1° Le grès du désert. — Au granité et aux schistes cristallins est parfois superposée une formaîion assez difficile à déterminer, qu’on appelle le grès du désert. Au Sinaï, M. Bauermann a recueilli dans ce grés le Lepidodendron Mosaicum avec des Sigillaires, et comme, pardessus, il existe des bancs calcaires à Productus avec les genres Rhodocrinus et Poteriocrinus, dont la faune,

Légende

.Felstone pourpre et par â…. Hornblende cristalline.

C.TuPet conglomérat traversés

par des dykes

O….Felstone pourpre. _,

.Cendres et tuf, avec masses spheroïdales.

f* Felstone et porphyre. g Conglomérat volcanique avec cailloux roulés de granité, porphyre et ffneiss rouge ^_

530. — Coupe d’anciennes roches volcaniques sur les flancs du Djebel Schomrah. D’après Hull, Geology, p. 38.

retrouvée au désert égyptien, appartient vraisemblablement au sommet du carboniférien, on croit rationnel d’attribuer au Moscovien ou Westphalien la formation dont nous parlons. On l’a retrouvée dans les mêmes parages que les précédentes, au Khirbet Lebrusch, sur les bords.de Youadi el-Hessi. Là, la roche, d’une épaisseur de 45 à 60 mètres, est composée d’un calcaire dur, gris foncé et brun, avec fossiles, qui repose sur le grès du désert et est surmonté par des couches de grès de Nubie, couronnées elles-mêmes par le calcaire crétacé. 2° Le grès de Nubie. — Cette assise, qui doit son nom à l’importance de son développement en Nubie, est remarquable par la variété de sa coloration, due à la présence d’oxydes de fer, de manganèse, parfois même de carbonate de cuivre. Sa puissance aux’environs de Pétra et les merveilleuses teintes jaune, orange, rouge et pourpre qu’elle y présente pourraient, à défaut de l’épithète reçue, rattacher sa dénomination à ce point célèbre. C’est, en somme, le premier étage bien représenté en Palestine, comme on peut le constater sur la carte. Voir fig. 531. Il forme, avec les massifs cristallins, la chaîne de l’Idumée, puis il se prolonge directement au nord tout le long de la côte orientale de la mer Morte ekmême plus haut. Suivonsen les affleurements, en reprenant la direction du nord au sud. Le grès de Nubie commence à être visible à l’entrée de Youadi Zerqa, puis il se développe du côté de Youadi Nimrin et de Youadi Hesbdn, au pied des montagnes du Belqa. Il constitue en grande partie la base des falaises orientales de la mer Morte, où il se

présente en couches presque horizontales ou faiblement ondulées. Voir fig. 532 et la carte géologique. Il apparaît d’abord près de Vouadi Ghûéir, avec une couleur rouge et une légère inclinaison vers le sud. Plus loin, on aperçoit des grès blanchâtres superposés à des psammites rougeâtres ; .puis, jusqu’à Vouadi Zerqa Ma’in, le banc continue sans interruption avec une

minces d’argile ; viennent ensuite des grès rouges, puis des grès blancs couverts par des éboulis de basalte. La plaine de Sârah, où, comme nous l’avons vii, jaillissent des sources chaudes, est formée par des dépôts d’incrustation qui recouvrent les grès ; mais ceux-ci reparaissent plus loin et constituent les falaises, en reprenant leur horizontalité première, jusqu’à Vouadi Modjîb.

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532. — Profil du bassin de la mer Morte dans toute sa longueur et vue des montagnes qui le bordent à l’est, depuis l’Anti-Liban jusqu’à la mer Rouge. — D’après le duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, Atlas, pi. i.

épaisseur qui va sans cesse en augmentant et doit atteindre plus de cent mètres. Les ouadis de la région ont tous leurs entrées taillées dans ces rochers qui, à certains endroits, présentent, de bas en haut, une succession de grès rouge, « de grès verdâtre, de grès rougé et de psammites verdâtres. Du Zerqa Ma’in jusqu’à la plaine de §ârah, ces grès perdent leur horizontalité et plongent vers le sud ; à la base de la falaise, on trouve des grès blancs, auxquels succèdent desalternances de grès et de psammites bigarrés de rouge et de vert et séparés en petites couches par des lits très

Ce dernier coule dans une entaille étroite, profonde et tortueuse, au milieu de ces roches auxquelles la dégradation atmosphérique a donné ces formes bizarres et pittoresques. Voir Arnon, t. i, col. 1020. De ce point à la Lisân, les grès inclinent légèrement vers le sud, disparaissent même aux approches de la presqu’île, mais se relèvent ensuite peu à peu et forment le pied des escarpements qui bordent le Ghôr méridional au débouché des ouadis ëafiyéh et Djeib. De là ils vont rejoindre le massif du Djebel Haroun. C) Crétacé à êocène. — 1° Calcaire crétacé. — La

formation du grès de Nubie révèle la submersion de vastes espaces sous les eaux d’estuaires ou de bassins restreints ; celle des terrains que nous allons décrire indique un développement graduel, en étendue et en profondeur, de l’aire maritime, recouvrant tout à l’exception des plus hauts points des anciennes roches cristallines. La période à laquelle nous sommes arrivés est celle qu’on appelle néocrétacique. Le sédiment qui la caractérise est la craie, roche blanche friable, composée de menus débris d’organismes calcaires, globigérines, polypiers, échinodermes, bryozoaires, etc., devenus plus ou moins méconnaissables par l’action dissolvante qu’a exercée la circulation prolongée des eaux dans cette masse poreuse. Les principales divisions de cette série sont : le cénomanien, le turonien et le sénonien, dont nous signalerons les types en plusieurs endroits de la’Palestine. Mais il suffit de jeter un coup d’oeil sur la carte pour voir comment le système crétacique forme le double plateau de la Cisjordane et de la Transjordane. a) Cisjordane. — Et d’abord les couches de marnes et de calcaires crayeux blanchâtres, avec ou sans silex, dominent dans toute la Galilée. Le Râs el-Abiad ou « cap Blanc » tire son nom de la couleur de ces roches, qui constituent la chaîne de collines qu’il termine. On a recueilli là une grande huître, probablement YOstrea vesicularis, une Janire, Janira tricostata, un Hemiaster, des baguettes fort allongées de Cidaris et un Peclen. Les mêmes couches se retrouvent aux environs de Nazareth, qui est adossée à des collines de craie blanche très tendre et sans silex, au Carmel, où elles renferment des silex à certains niveaux. Au point où cette dernière chaîne se rattache aux montagnes de Samarie, le terrain prend un grand développement. À Djenîn, ces calcaires friables contiennent de nombreux nodules de silex. Aux alentours de Sébastiyeh et de Naplouse, comme en d’autres points du massif samaritain, les marnes blanches sont recouvertes par des calcaires gris compacts avec nummulites. Les silex se développent de plus en plus vers le sud et forment des bancs assez épais. Dans la Judée, le grès de Nubie supporte une puissante assise de calcaires gris, de marnes et de dolomies, avec des fossiles en partie identiques à ceux qui, en Algérie et en Europe, caractérisent le cénomanien : les oursins, Heterodiadema lybicum, Holectypus Larteli, Hemiaster batnensis, etc., les huîtres, Exogyra Mamieti, flabellata et olisiponensis ; les ammonites, Acanthoceras rotomagense et harpacc ; à la partie surieure sont des calcaires à rudistes et nérinées. C’est dans ces couches que sont creusées les grottes naturelles du pays, qu’on a taillé les chambres sépulcrales, et qu’en certains endroits les ermites ont établi leurs demeures souterraines ; c’est de là qu’on a extrait la pierre à bâtir de Jérusalem. À l’horizon des rudistes et des nérinées succèdent des couches qui, par leur riche faune, représentent bien l’étage sénonien. Elles . dominent comme enveloppe du terrain, au moins sur les pentes qui s’abaissent vers la mer Morte. La partie inférieure se compose de marnes crayeuses tendres, d’un blanc jaunâtre, qui alternent avec des bancs de calcaire de même couleur, ou, comme dans le désert de Juda, des bancs dolomitiques gris. Dans la partie supérieure de puissants lits de silex se trouvent souvent ejitre les marnes crayeuses blanches. Ces bancs de marne renferment en certains points une extraordinaire richesse de restes organiques, particulièrement des fossiles des genres Leda, Nucula, Dentalium, Baculites, etc., et de poissons. La présence de tels débris dans cet horizon a son importance, parce qu’elle peut être en relation de causalité avec les substances bitumineuses qu’on rencontre en Palestine, spécialement sur la côte occidentale de la mer Morte. Là, en effet, dans les parties infétieures et moyennes du sénonien, existent des calcaires brumineux noirs, plus on moins riches en bitume. La

plus connue de ces roches est celle que les Arabes appellent hadjar Mûsa, « pierre de Moïse, » et que les chrétiens de Bethléhem travaillent sous le nom de pierre de la mer Morte. Au milieu des marnes crayeuses blanches qui apparaissent, par exemple, dans les environs de Zûéirah elfôqâ, on voit des bancs de gypse compacte, terreux, coloré en jaune très clair ou en brun et parsemé en certains endroits de quelques veinules d’un vert très vif et très beau. Entre le cénomanien et le sénonien, le turonien., autant qu’on peut le distinguer des précédents, donne, aux environs de Jérusalem, la pierre qu’on appelle le mizzi supérieur ou mizzi helu, c’est-à-dire « doux, tendre ». C’est un calcaire à rudistes, principalement Sphmrulites syriacus, mais plus encore à nérinèeSj comme Nerinea Requieniana d’Orbigny, N. cf. Fleuriausa d’Orb. et Trochactœon (Actseonella) ISalomonis Fraas, etc. Voici, en effet, comment, au point de vue géologique, on range les couches du terrain crétacique sur lesquelles est bâtie la ville sainte, et qui s’étendent aux alentours.

Au cénomanien appartiennent :

I. Le mizzilou mezzéh) inférieur, ou la zone de Y Ammonites {Acanthoceras) Palœstinensis n. sp. (= A. Newboldi).

II. Le mélékéh ou marbre à rudistes. Au turonien :

III. Le mizzi supérieur ou calcaire à nérinées. Au sénonien :

IV. Le ka’kûléh inférieur ou la zone de V Ammonites {Schlœnbachia)olivetin. sp. (= S. quinquenodosaHeàt).

V. Le ka’kûléh supérieur ou calcaire crayeux tendre avec Leda perdita Conr., Haculites et débris de poissons.

VI. Bancs de silex alternant avec calcaires bitumineux, gypse et marne.

Lenâri ou la croûte calcaire superficielle appartient à une époque plus récente. Pour cette étude du terrain de Jérusalem, cf. Max Blanckenhorn, Géologie der nâheren Umgebung von Jérusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xxviii, 1905, p. 75-120, avec carte. Les dérangements qui ont affecté le massif judéen permettent de suivre en plus d’un endroit les couches crétacées dont nous venons de parler. Ainsi, avec M. Blanckenhorn, Entstehung und Geschichte des Todten Meeres, dans la Zeitschrift des Deutschen PalàstinarVereins, t. xix, 1896, pi. iii, établissons une coupe allant en droite ligne du rivage de la Méditerranée, près d’Esdùd, jusqu’à la mer Morte, en passant par Bethléhem. Voir Morte (Mer), col. 1289, fig. 360. Nous verrons, à la hauteur de Meghullis, 177 mètres, le sénonien sortir de dessous les. dépôts marins récents, puis disparaître à Khirbet Zanû’a, 412 mètres, pour faire place au cénomanien. Au point culminant du plateau, El-Khadr, 860 mètres, le sénonien redevient visible, puis, à partir de Bethléhem, l’on suit ses couches peu épaisses, disposées en échelons, jusqu’à une altitude voisine de celle du niveau méditerranéen. Alors, au-dessous, réapparaît le cénomanien, au pied duquel se montrent des dépôts plus récents. Il est facile de faire les mêmes constatations en examinant le cours du Cédron, ouadi en-Ndr, depuis Jérusalem jusqu’à son embouchure dans la mer Morte, et en allant d’Hébron à la pointe sud-ouest du même lac, par Zûéirah et-tahta. Voir plus loin fig. 537. Le [cénomanien longe ainsi le pied des falaises occidentales de la mer Morte d’un bout à l’autre ; il se prolonge au nord jusqu’au delà du Djebel Qarantal, et, au sud, il contourne le bas de la montagne jusqu’au-dessous de Kurnub. Le sénonien occupe ensuite une large bande qui rencontre le cénomanien à Jérusalem, Bethléhem, khirbet Tequ’a, Hébron, etc. Cf. Blanckenhorn, Zeitschrift des Deut. Pal. Ver., t. xix, pi. 2, carte géologique de la mer Morte et de ses environs.

b) Transjordane. — Le Djolân et le Haurân sont des terrains volcaniques dont nous aurons à nous occuper plus tard. Nous n’avons donc à étudier que VAdjlûn et le Belqa ; nous y rencontrerons, pour la série crétacique, les mêmes éléments qu’à l’ouest du Jourdain. Voir fig. 532 et la carte. Ainsi, entre Sûfet Djérasch, on marche sur des marnes d’un blanc jaunâtre qui renferment, en grande abondance, des Hemiaster Orbignianus, associés à YOstreaflabellata, à une Janire, à un Cardium très voisin du Cardium sulciferum, etc On trouve encore l’Ostrea flabellata au nord de Sûf, dans un calcaire compacte et rosé qui contient également un Pecten de grande taille et, près de ce même point, on voit affleurer des calcaires à plicatules, Plicatula Reynesi. Dans les carrières qui ont fourni les gigantesques matériaux d’Arâq el-Emîr, apparaissent des couches d’un beau calcaire blanc cristallin superposé à des assises de calcaire compact à nérinées et à exogyres. En montant vers El’Al et Hesbdn, qui sont à 900 mètres d’altitude, on traverse des alternances de calcaires et de marnes en lits minces, blanchâtres, très faiblement ondulées et contenant à leur partie supé Srcttee.ru/icie/le

0^-Musa M ! Nebo

Sentiermenant

au MÏNebe

£wttes artificielles 1 *

Source tiède’533. — Coupe des marnes et calcaires crétacés dans le ravin d’Aïn-Mouça, au pied du Nébo. D’après de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, Atlas, pî. y, fig. 2.

a Calcaires en bancs minces avec lits de silex. — b Marnes à exogyres. — c Marnes jaunes en lits très minces. — d Calcaire gris jaunâtre à Ostrea flabellata, Cyphosoma Delamarrei. —e Calcaire gris compact avec nombreux débris de rudistes. — f Calcaire compact gris à turritelles, natices gastéropodes de grande taille, Pecten, Holectypus eaxisus ; Janird tricostata, Coq. — g Calcaire subcristallin, blanc un peu magnésien. — h Calcaire dolomitique avec nombreuses empreintes d’Ammonites. — i Marnes grises et jaunes à Ostrea flabellata, Luynesi, Mermeti ; Mermeti, var. sulcata, Holectypus serialis, Hemiaster Fourneli, Heterodiadema Lybicum. — j Calcaire compact avec Cardium Pauli, Combei.

— k Marries blanches. — l Calcaire à Ostrea Mermeti, var. major. — m Grès blanc moucheté de brun et grès blanc veiné de rouge.

rieure de nombreux lits de silex. Un des sites les plus pittoresques de la contrée, ’Ayûn Mûsa, au pied du mont Nébo, est en même temps plein d’intérêt au point de vue géologique pour la superposition et la disposition des assises crétacées qu’on y remarque et leur richesse en fossiles. Voir fig. 533.

Le Zerka Ma’în coule également sur des lits alternés de marnes et de calcaires assez fossilifères et dont la succession est particulièrement aisée à étudier. Cf.L.Lartet, Géologie, dans l’ouvrage du duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, Paris, s. d., t. iii, p. 64-65, et Atlas, pi. vi, fig. 9. On peut voir dans le même volume les’coupes de Ycuadi Héidân, de Youadi Modjib (cf. Arkon, t. i, col. 1020), du Djebel Schihân, de Youadi Modjib à Ke’rak et de Kérak à la

mer Morte, p. 68-74 ; Atlas, pi. v, fig. 4, 5, 6 ; pi. vi, fig. 8. Comme dans la Cisjordane, la partie supérieure de ces terrains appartient au sénonien. On voit ainsi, à l’est de la mer Morte, au-dessus du grès de Nubie, une puissante assise de cénomanien, qui affleure comme une bande irrégulière, projetant ses ramifications le long des principaux ouadis et couronnée ailleurs par des couches sénoniennes beaucoup moins épaisses. Cf. Blanckenhorn, Zeitschrift des Peut. Pal. Ver., t. xix, carte géologique de la mer Morte et de ses environs, pi. ii, iii, iv.

2° Calcaire nummulitique. — Dans plusieurs endroits de la Palestine, les calcaires crétacés sont recouverts par des calcaires à nummulites. Ainsi, en Samarie, entre Sébastiyéh et Naplouse, on a trouvé la Nummulites Guettardi d’Archiac répandue en abondance dans des calcaires blanchâtres assez tendres. A Naplouse, les blocs accumulés au pied du mont Garizim en sont pétris ; ce calcaire est gris clair, dur, compact, à cassure esquilleuse, cireuse et translucide sur les bords ; les nummulites font saillie sur les surfaces de la roche exposées depuis longtemps aux agents atmosphériques. On a également rapporté des environs de Jérusalem la Nummulites variolaria. Cf. O. Fraas, Ans dem Orient, Stuttgart, 1867, p. 82. Voir cependant

(r ! L esclv$cha’i’ali

TdlMuJhreireh.

Val/tm ; . j^

ërés calcaire dePhilistia

ê coquillages

534. — Coupe prise à Tell Abou Haréiréh à travers le grès calcaire de Philistie et les couches plus récentes de graviers à coquillages. D’après Hull, Geology, p. 61.

Blanckenhorn dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstina-Vereins, t. xxvilt, 1905, p. 96 sq. On rencontre la même formation dans les environs de Tell el-Milh et dans le massif auquel appartient’Ain Qedis. Elle forme, en outre, depuis le Carmel jusqu’au-dessous de Bersabée, une bordure dont la limite est difficile à déterminer.

3° Grès calcaire de Philistie. — À la base des collines qui forment le plateau central de la Palestine, et principalement dans l’ancien pays des Philistins, on a reconnu une formation particulière, à laquelle on a donné le nom de grès calcaire de Philistie. Cette couche se compose, en général, de grains de quartz cimentés par du carbonate de chaux taché de jaune, en raison de la présence d’oxyde de fer. La roche, parfois plutôt massive, est généralement poreuse, disposée en lits distincts, et de caractère uniforme. Elle est recouverte immédiatement par une couche de gravier à coquillages, d’époque plus récente, comme on l’a constaté à Tell À bu Haréiréh, près de Youadi esch-Scheri’ah. Voir fig. 534. Le grès de Philistie se rencontre ainsi jusqu’aux environs de Ramléh, puis on le retrouve auprès et au-dessus de Jaffa, au-dessous de Qaisariyéh, et entre le Carmel et la mer. E. Hull, Memoir on the Geology and Geography of Arabia Petrxa, Palestine, Londres, 1889, p. 63-66, le rapporte, au moins par conjecture, à l’éocène supérieur. Mais Blanckenhorn, dans la Zeitschrift des Deut. Pal. Ver., t. xix, p. 19, note 2, rejette cette hypothèse et attribue au diluvium les dépôts de la plaine côtière.

D) Pliocène à postrpliocène et récent. — 1° Dépôts marins. — Il y a, sur les bords de la Méditerranée, une formation marine qui correspond à une véritable plage soulevée et, à certains endroits, se poursuit assez loin

dans l’intérieur de la plaine. Elle s’élève à un niveau de 60 à 67 mètres au-dessus de la mer ; mais elle est en grande partie couverte par des collines de sable qui forment un trait remarquable du pays depuis les bords de l’Egypte jusqu’à la base du mont Carniel. Les graviers que nous venons de signaler à Tell Abu Haréiréh en donnent une idée. Leurs lits s’étendent des deux côtés de l’ouadi esch-Scheri’ah en couches horizontales. On y trouve la succession suivante : terre glaise, grès calcaire tendre en couches minces, lit de coquillages, principalement en empreintes, grès calcaire tendre avec petits cailloux et petites huîtres, lit de la rivière — grès calcaire dur. Les coquillages mentionnés appartiennent aux genres : Turritella, Dentalium, Artemis (1), Pecten, Cardium, etc. Sur les collines de sable rougeàtre qui dominent Jaffa et servent de sol aux jardins, on a recueilli de nombreuses

ainsi qu’on voit sur le flanc occidental du Samrat el-Fedân des couches horizontales de marne blanche, de sable et d’argile, renfermant un grand nombre de coquilles, dont plusieurs sont identiques avec celles qui vivent actuellement dans les eaux douces de la-Palesfine. Ainsi se forma le gite de sel et de gypse connu sous le nom de Djebel Usdum. On trouve également, sur le bord occidental de la mer Morte, à la hauteur de 80 ou 100 mètres, une terrasse de cailloutis avec gros blocs, dont on peut suivre les traces depuis le sud jusque vers le Djebel Qarantal. On a recueilli, sur les bords du lac de Tibériade, des coquilles lacustres appartenant à la faune actuelle de la Judée. Enfin s’est formée une basse terrasse, consistant en dépôts marneux et arénacés, bien caractérisée dans la presqu’île de la Lisân et dans la basse vallée du Jourdain. Voir Morte (Mer), Formation géologique, col. 1303-1306. C’est, en

Jilc£aM. SZS

Dj.Qarantat 100

! Aqueduc -150

Alluvtons

Dépôts delà M Morte

Sènonien

Cênomsnien

Grès de Nubie

Carboniferien

535. — Coupe des anciens dépôts de la mer Morte à travers la vallée la vallée du Jourdain, près de Jéricho. D’après M. Blanckenhorn, dans la Zeitschrift des Deutsch. Palest. Vereins, 1896, pi. 4, profil 4.

coquilles identiques à celles qu’on rencontre sur le rivage actuel de la Méditerranée, notamment : Pectunculus violacés cens, Lamk., Purpura hetnastotna, Lamk. ; Murex brandaris, Linn. ; Columbella rustica, Lamk., etc. Cette formation s’étend jusqu’à Ramléh ; entre Jaffa et Qaisariyéh, elle se prolonge souvent jusqu’à la limite du calcaire nummulitique ; elle se retrouve dans la plaine d’Esdrelon, dans celles de Saint-Jean-d’Acre et de Tyr.

2° Anciens dépôts de la mer Morte. — On sait que, à une certaine époque, les eaux de la mer Morte remplissaient la longue vallée dont elle occupe aujourd’hui le fond, s’étendant ainsi depuis le lac de Tibériade jusque vers le milieu de l’Arabah. Les traces qu’elles ont laissées sur les côtés de cette vallée montrent que leur niveau le plus élevé alla jusqu’à 425 métrés au-dessus du niveau actuel, c’est-à-dire 30 mètres au-dessus de la Méditerranée. Malgré cela, elles ne communiquèrent jamais avec l’Océan. L’absence, dans FArabah, de toute formation marine, postérieure aux terrains qui l’entourent, prouve que, depuis leur soulèvement, leur émersion et la naissance de la dépression au fond de laquelle se trouvent le Jourdain et la mer Morte, il n’y a pas eu communication entre ce bassin et la mer Rouge. Le lac primitif a donc laissé des dépôts qui permettent de suivre les principales phases de son histoire. C’est

effet, au milieu* de ces dépôts que le fleuve a creusé son lit, et l’on peut y distinguer plusieurs étages successifs, voir fig. 535. Ainsi, aux environs de Jéricho, le plus haut étage va de 191 à 182 mètres, le second de 158 à 76 mètres, le troisième de 60 à 39 m., et la plaine alluviale, exposée à l’inondation, dé 27 à 6 mètres. Tous ces étages, qui sont formés de lits de graviers, de boue et de marne, inclinent vers les bords du Jourdain, de sorte que la surface supérieure de chacun d’eux varie de hauteur à différents points, comme il arrive dans le cas de lits lacustres successifs.

E) Terrains volcaniques. — Les roches volcaniques sont très répandues à l’est de la grande fissure qui s’étend du golfe d’Akabah au Liban ; celles qu’on trouve à l’ouest ne constituent que des accidents de moindre importance. De ce dernier côté, c’est surtout en Galilée qu’on les rencontre. Le point le plus méridional où l’on ait observé des basaltes est près de Zer’în, dans la plaine d’Esdrelon, dont le sol gras est parsemé de débris basaltiques, particulièrement abondants à El-Fûléh. Des découvertes récentes ont même prouvé l’existence d’une énorme coulée de lave dans la partie septentrionale et dans le centre de cette plaine. Cf. Schumacher, The Lava Sireams of the Plain of Esdrselon, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1900, p. 357 ; voir aussi 1899, p. 312.

2015

PALESTINE

2016

Des coulées basaltiques existent aussi sur les flancs occidentaux et septentrionaux du Djebel Dahy, et, plus loin, aux environs de Nazareth. Une autre, qui semble partir de Qurun Hattin, vient atteindre les bords du lac près de Tibériade ; le basalte qui la constitue renferme les éléments suivants : silice, alumine, fer oxydé, carbonate de chaux, magnésie et alcalis. Mais le plus important massif volcanique est celui de Safed, que Russegger regarde comme le centre des éruptions de la contrée. Existe-t-il des coulées de lave à l’occident de la mer Morte ? C’est un point qui a été discuté entre MM. Hôrmann et Blanckenhorn, dans les Mittlwilungen de la Zeitschrifl des Deut. Palâstina-Vereins, t. xxi, 1898, p. 87-88. La question est de savoir d’où provient réellement le morceau de lave trouvé dans ces parages. Cf. F. Zirkel, Das Lavastùck des Pfarrers Hôrmann in Brixen, dans les Mittheilungen, 1899, p. 61-62.

— Ce ne sont là cependant que de faibles échos des phénomènes volcaniques qui ont couvert de lave le Djôlan et le Haurân, dans la Transjordane. Voir fig. 532 et la carte. Toute la rive orientale du lac de Tibériade est couverte de débris basaltiques, et plusieurs coulées descendent presque sous les eaux, comme aux débouchés des ouadis Sik et Semait. Ces coulées sont répandues sur tout le Djôlan ; elles viennent se terminer brusquement au pied de l’Hermon, qui est comme le cap avancé contre lequel se sont brisés les flots vomis par les cratères. Les scories et les blocs de laves, parfois entassés les uns sur les autres, donnent un caractère étrange à cette région et y rendent la marche très pénible. Le^basalte est généralement assez compact, d’une couleur, noirâtre tirant sur le bleu et parsemé de nombreux^cristaux de péridot d’un jaune clair. — C’est encore dans le Haurân que les phénomènes volcaniques ont atteint leur plus grand développement. On ne voit dans cette contrée, comme nous l’avons dit plus haut, que cônes et cratères et d’immenses coulées volcaniques recouvertes, en partie, d’un terreau gras que perce à chaque instant le basalte. Le basalte qui constitue le tell Abu Tuméis, en particulier, est remarquable par ses propriétés magnétiques. Il diffère d’ailleurs d’aspect avec celui de la Moabitide et celui’du Djôlan ; plus compact, il est d’un gris bleuâtre, taché de zones violacées et chargé de nombreux grains de péridot ; chaque morceau forme une sorte d’aimant naturel, ce qui est dû sans doute à une forte proportion de fer oxydulé titanifère répandue dans sa masse. Le Ledjah n’est qu’une vaste nappe basaltique vomie par les cônes du Haurân. Le sol rougeâtre de la plaine En-Nuqrah est composé de scories de laves et de cendres répandues par les volcans et désagrégées par les agents atmosphériques. Les ruines des anciennes villes renferment de nombreux blocs de basalte, qui ont été utilisés pour l’architecture ; on en a fait des autels votifs, des sarcophages, de linteaux de porte, des colonnes. Il faut descendre ensuite sur les bords de la mer Morte pour retrouver les roches volcaniques, qui se montrent sur plusieurs points du plateau oriental. À l’extrémité septentrionale du lac, près du débouché de Vouadi Ghuéir, une coulée de lave s’avance vers les eaux, sous lesquelles elle disparait ; elle est formée de basalte noirâtre, un peu scoriacé, dont les vacuoles sont tapissées de carbonate de chaux et dans lequel on distingue, à la loupe, des cristaux de pyroxène. Sur le flanc septentrional du Djebel Atlarus se trouvent des amas considérables de scories et brèches basaltiques qui paraissent recouvrir la tête d’une coulée moderne ; celle-ci descend d’abord vers le lit du Zerqa Ma’în, le traverse, passe sur sa rive droite, qu’elle longe pendant un certain temps, puis revient sur la rive gauche et se dirige vers la mer Morte en passant près des sources chaudes de Callirrhoé. Dans le lit de Vouadi Modjib sont de nombreux cailloux de basalte, probablement charriés par ce cours d’eau des régions

où il prend sa source. Ce basalte est d’un gris assez clair, présentant quelques grandes vacuoles tapissées d’aragonite, à pâte très feldspathique sur laquelle se détachent de nombreux grains de péridot.

F) Terrains récents. — Ces terrains doivent leur formation à des dépôts marins, iluviatiles, lacustres, fontinaux et atmosphériques.

1° Dépôts marins. — L’étude du littoral méditerranéen nous a montré, sur la côte palestinienne, des phénomènes d’exhaussement qui sont dus à l’action delà mer et des agents atmosphériques. La plage exhaussée des anciennes villes de Tyr et de Sidon provient des dépôts qui datent de l’époque historique. Du Cartnel à la frontière égyptienne, comme sur toutes les côtes plates, la mer a rejeté et rejette encore, sous la forme d’un cordon littoral, les graviers, sables et limons que peut charrier le courant qui longe le rivage. D’autre part, les vents s’emparent des sables légers arrachés, par la désagrégation, au grès et au calcaire et les chassent sans cesse dans la direction de leurs courants dominants. De là ces couches légères qui ont fini par combler les vieux ports, ces collines sablonneuses qui longent la Méditerranée ; de là ce linceul qui, comme en Egypte, est en train de recouvrir les antiques cités de la côte. Un autre phénomène plus curieux est celui que présentent ces lignes de rochers qui courent parallèlement au rivage et constituent tantôt des brise-lames, tantôt des écueils dangereux, comme à Jaffa. Ces rochers, qui se trouvent à quelques centaines de mètres du rivage, et le plus souvent à fleur d’eau, sont des grès calcaréo-siliceux, de formation moderne, remplis de pétoncles (Pectunculus violacescens, Lamk). Ils sont ainsi produits par l’agglutination du sable et d’un grand nombre de coquillages, au moyen d’un ciment siliceux déposé par les eaux de la mer. Une action chimique particulière leur donne une extrême dureté.

2° Dépôts jtuviatiles. — Les seules alluvions fluviatiles un peu considérables sont celles du Jourdain. Ce fleuve, nous l’avons vii, a creusé son lit au milieu des dépôts de la-mer Morte, mais il l’a en partie comblé par un limon dont la couleur jaune et la fertilité font contraste avec les bandes stériles et blanchâtres des marnes gypseuses qui l’encadrent. À son embouchure dans le lac Âsphaltite, il accumule des déjections, qui ont la forme d’une surface conique et finiront par produire un delta, dont la naissance se fait déjà sentir sous les eaux, h’ouadi Zerqa Ma’in et Vouadi Modjib forment eux-mêmes de petits deltas en miniature, sur lesquels poussent de nombreux arbrisseaux.

3° Dépôts lacustres. — Les dépôts lacustres les plus intéressants sont ceux qui sont formés de nos jours sous les eaux de la mer Morte. Ils ressemblent beaucoup à ceux que nous avons déjà signalés sous le nom de marnes de la Lisdn. Ils constituent principalement la grande plage appelée Sebkhah, située au sud et parfois encore, c’est-à-dire dans les crues exceptionnelles, envahie par les eaux, qui y déposent des argiles salifères. Ce sont des alluvions de cette nature qu’on retrouve sur les bords du lac, un peu partout, en particulier autour de la presqu’île de la Lisân, dont les petites falaises sont formées de dépôts plus anciens. Du fond même de la mer Morte la sonde rapporte des échantillons d’une argile bleuâtre renfermant de petits cristaux cubiques de sel et d’autres lenticulaires de gypse. Dans la partie méridionale, où la profondeur est très faible, on ne retire qu’une vase salée.

if Dépôts fontinaux. —Les sources thermal ? s laissent le plus souvent sur leurs bords des dépôts qui ne manquent pas d’intérêt pour le géologue. Celles de Hammam, près de Tibériade, qui sortent d’un calcaire bitumineux brunj semblable à celui de la mer Morte, dégagent de l’hydrogène sulfuré et ont’un dépôt jaunâtre de soufre, mêlé à des carbonates de chaux et de magné

sie. Celles de Callirrhoé donnent leur haute température aux eaux de Vouadi Zerqa Ma’în, à l’embouchure duquel on voit, sur la hauteur, quelques dépôts d’incrustation cimentant une brèche à éléments basaltiques. Le sol de la petite plaine de IjSârah est presque entièrement constitué par des calcaires incrustants, reposant sur le grès de Nubie. Il en est de même à l’occident du lac, à’Ain Feschkhah, ’Aïn Djidi, etc.

5° Dépôts atmosphériques. — Nous avons signalé tout à l’heure la contribution que l’atmosphère apporte, comme l’eau, à la formation des nouveaux terrains. — Sur cette géodynamique externe, cf. A. de Lapparent, Traité de géologie, Paris, 1906, p. 136-318.

2. Formation de la Palestine. — La géologie a fait de la Terre un livre ouvert, où dans chaque couche du sol nous lisons une page de l’histoire de notre globe. Le chapitre qui concerne la Palestine a des lacunes et des incertitudes. Cependant la description des terrains, que nous venons de donner avec toute l’exactitude possible, nous permet de Suivre les différentes phases par lesquelles a passé le pays biblique, au moins depuis une certaine époque.

A) i" période d’érnersion. — Les origines, en effet, sont assez obscures. Avant le carbonifère moyen, on ne connaît en Palestine, à part quelques lambeaux de roches cristallines, aucun terrain d’âge déterminable, permettant d’établir l’état de la région aux premières périodes de l’ère primaire. La Méditerranée primitive, la Thétbys de M. Suess, devait passer au nord pour aller rejoindre la région himalayenne et le Pacifique. On trouve, en particulier dans l’Anti-Taurus, une série marine continue, allant de l’ordovicien au carbonifère inférieur inclusivement. Plus au sud, c’est-à-dire en Palestine, au Sinaï, en Arabie et en Egypte, le premier point de repère est fourni par. la puissante série des grès de Nubie, recouvrant immédiatement les granités et les schistes cristallins. L’assise de base, dite grès du désert, contient au Sinaï le Lepidodendron mosaïeum et des sigillaires, indice d’un premier épisode à tendance continentale, datant de l’époque westphalienne (carbonifère moyen). Au-dessus, une invasion marine, d’époque ouralienne (carbonifère supérieur), est indiquée au sud-est de la mer Morte par une puissante assise de dolomies et de calcaires avec Productus et Crinoïdes, que l’on retrouve dans l’ouadi Arabah et au Sinaï. Les fossiles ont certaines affinités avec ceux du dinantien ; mais leur caractère général est ouralien, et même certains d’entre eux sont identiques à ceux du permien inférieur d’Australie. Ces ressemblances avec l’Australie et aussi le Salt-Range de l’Inde montrent les relations de la Théthys carbonifère, la mer à fusilines, avec la région indo-pacifique. Au-dessus, en Palestine, le grès de Nubie reprend et le régime continental qu’il indique dure, sans qu’on ait pu établir de subdivision, jusqu’au cénomanien exclusivement. On y trouve du bois fossile, en particulier Araucarioxylon, qui, pour certains géologues, appartient aux assises de base, c’est-à-dire permiennes. Pendant cette longue période stable, la mer, faisant communiquer la Méditerranée actuelle avec l’Himalaya et le Pacifique, passe au nord de la Syrie. À partir de l’époque toarcienne, un grand fait géologique, la séparation du massif formé par l’Afrique, la Palestine et l’Arabie d’avec celui formé par l’Inde péninsulaire et Madagascar, se produit sans contrecoup apparent sur la contrée qui nous occupe. Au mont Hermon, à partir de l’époque callovienne, une série continue jusqu’au crétacé supérieur nous montre la présence de la mer avec des faciès qui rappellent successivement ses relations avec l’Inde et l’Europe occidentale.

B) L’invasion marine cénomanienne ; sa durée jusqu’au tertiaire. — La mer n’atteint la Palestine qu’à époque cénomanienne, et, depuis lors jusqu’au sommet


du crétacé, la limite du grès de Nubie, marquant le rivage, recule vers le sud, jusqu’à atteindre, à l’époque mæstrichienne, la latitude d’Assouan. Nous avons vu comment sont représentés en Palestine les étages cénomanien, turonien et sénonien. Ce sont les pages les plus développées de l’histoire géologique du pays. Les étages de passage du crétacé à l’éocène, c’est-à-dire du danien au landénien, n’ont pas laissé de traces connues en Palestine, mais ce qu’on en connaît en Egypte indique une transition progressive du secondaire au tertiaire, et aussi la persistance des relations avec la faune indienne.

C) 2 « période d’érnersion. — a) De l’oligocène au pliocène. — Du lutétien au bartonien, la mer devait baigner encore le Liban

et la Mésopotamie, ainsi

que l’Egypte, et les fos siles indiquent des rela tions avec l’Algérie. Mais

dès la base de l’oligo cène, la Théthys devait

subir un assèchement

qui allait supprimer les

communications par le

nord de l’Inde entre la

Méditerranée européen ne et le Pacifique. Au

nord du Fayoum appa raît déjà le régime con tinental avec de curieux

mammifères intermé diaires entre les Dino therium et les Dinoce ras, ou précurseurs des

rhinocéros et des mas todontes. À l’époque

miocène, la mer n’oc cupe plus qu’un golfe

s’avançant dans la ré gion de Suez jusqu’au

27e degré de latitude au

maximum. La mer Bou ge n’existe pas, et, sur

le continent formé par

la Syrie, la Palestine,

l’Arabie et l’Afrique, s’é tablit, grâce sans doute

aux premiers plisse ments nord-sud, un

immense réseau fluvial

comprenant les grands

lacs africains avec le

bassin du Nil, et dont le bassin du Jourdain avec l’ouadi Arabah forme l’extrémité septentrionale. Cet état dura jusqu’au pliocène inclusivement, la mer Rouge étant de formation récente, et la faune du bassin du Jourdain lui doit le caractère africain, en tout cas nullement méditerranéen, qu’elle garde encore. La fin de l’histoire de la région jusqu’à nos jours est, en effet, celle de deux séries de fractures ou de plissements pouvant se rompre à la clef ou se briser en failles, les unes se propageant du sud au nord, prolongeant la ligne de faîte de l’Afrique au niveau du Tanganyka, les autres nord-ouest sud-est, coupant les premières et don nant passage tantôt à la Méditerranée, tantôt à l’océan indien, jusqu’à former la mer Rouge actuelle. Les deux côtes de la presqu’ile du Sinaï offrent un exemple frappant de l’intersection-de ces deux directions. Ce qu’on appelle le Fossé syrien (voir fig. 535) : côte de Kosséir, golfe d’Akabah, ouadi Arabah, bassin de la mer Morte et du Jourdain, partie du bassin de l’Oronte venant buter au nord contre les plis du Taurus, est un exemple de la première et demande un examen spécial.

535. — Carte schématique du Fossé syrien. D’après Suess, La face de la terre, t. 1, p. 472.

IV.

64

2019

PALESTINE

2020

b) Formation de la grande dépression palestinienne. — L’énorme dépression qui constitue le trait caractéristique de la Palestine se rattache donc à un phénomène géologique qui a ébranlé une immense étendue de terrain. Mais, pour nous en tenir à la ligne spéciale qui nous occupe, voici comment s’explique sa formation. Nous avons montré, dans la géographie physique, comment le plateau de la Cisjordane et celui de la Transjordane se maintiennent dans leur ensemble au même niveau. D’autre part, nous venons de constater

prouvent qu’il y a eu dans l’unique plateau primitif une dislocation, postérieure au dépôt des couches crétacées et faite suivant une ligne droite du nord au sud. Si ce n’est pas le résultat de l’effondrement d’une clef de voûte, c’est du moins quelque chose de fort analogue. Il y a donc ici plus qu’une faille. En effet, dit Ed. Suess, La face de la terre (Bas Antlitz der Erdé), traduction faite sous la direction de E. de Margerie, Paris, 1905, t. i, p. 477 : « Une faille simple peut former à la surface du sol un gradin, mais non une vallée ; ce gradin

Jérusalem 750, 730

i O.Sifli- ! <iri(Ufc

i MVdu Scandale ÂhwDissvi

Hdbmtâr sa

Nivsaa de la Mer Méditerranée

lex-ZifsK tti.%m>anisss

Dépôts lie la Mer Morte

Sénonjen.

Cènomsnien

536. — Coupe : ’de Jérusalem à la mer Morte ; 2° d’Hébron à la pointe S.-O. de la mer Morte D’après Blanckenhorn, dans la Zeitschrift des Deut. Pal. Ver., 1896, pi. 3.

que les couches supérieures du terrain sont les mêmes des deux côtés. Seulement, tandis qu’à l’est elles sont horizontales, à l’ouest elles sont bombées, inclinant du côté de la Méditerranée et descendant, par une série de cassures ou de plis brusques, du côté du Jourdain et de la mer Morte. En outre, du côté oriental, apparaissent, sous ces couches crétacées, des roches anciennes invisibles à l’occident. On a remarqué enfin que la ligne de dépression est beaucoup plus accentuée à l’est qu’à l’ouest ; d’un côté, elle plonge presque perpendiculairement dés le début ; de l’autre, elle s’infléchit davantage. C’est aussi sur la rive orientale que les montagnes sont le plus rapprochées de la mer Morte et présentent un escarpement plus raide. Voir Morte (Mer), Profondeur, col. 1295 et fig. c58. Tous ces faits

peut être évidé en vallée par l’érosion, mais alors cette vallée aura une pente déterminée par l’écoulement des eaux, et son niveau ne descendra jamais au-dessous de de celui de la mer. Une vallée dont le fond descend à 800 mètres au-dessous de là mer, pour remonter un peu plus loin à 230 mètres d’altitude, puis redescendre encore sous le niveau de la mer, ne peut être ni le produit d’une faille unique, ni celui d’une faille accompagnée d’érosion. Il faut que des bandes de terrain se soient affaissées suivant des cassures parallèles, sur une grande longueur et à une profondeur inégale. On retrouve ici ces variations dans l’amplitude du rejet que révèlent les failles des hauts plateaux de l’Utah et les grandes cassures des Alpes méridionales. C’est ainsi seulement que de larges dépressions, comme l’ouadi

Arabah et l’ouadi Akabah, ont pu se former, et l’inégal affaissement des diverses parties peut s’expliquer par la compression qu’elles ont subie. »

c) Relief montagneux. — La dislocation dont nous venons de parler a eu naturellement sa répercussion sur le système montagneux. C’est à elle que sont dus en particulier les plissements de la chaîne occidentale. Tandis qu’à l’est l’effondrement s’est produit suivant une seule grande ligne, il s’est formé à l’ouest plusieurs fentes parallèles, de telle sorte que la région s’est affaissée non pas en bloc, mais par gradins successifs. C’est ce qu’il est facile de constater principalement lorsqu’on va de Jérusalem à la mer Morte en longeant l’ouadi en légende

Traits indiquant la direc-, w

Mon des principales chaînes

de montagnes

Principales lignes de par’* ~tage des eaux autour de la

Mer Morte __

, Lignes de brisures ou diels cations.

Plissements..

Lignas prêsuwe’es ds par.

turbatlons _

  • l » Inclinaison des dislocation

Inclinaison des couches..

537. — Ligne de structure des montagnes palestiniennes.

D’après Blanckenhorn, dans la Zeitschrift des Deut. Pal. Ver.,

1896, pi. 1.

Nâr, ou d’Hébron à la pointe sud-ouest du même lac. Voir fig. 536. On voit que le terrain, tout en s’inclinant vers ce dernier point, descend comme par échelons ; il y a eu en plusieurs endroits des cassures qui ont maintenu aux couches une direction presque horizontale. Le même affaissement s’est répété vers la Méditerranée ; mais ici toute trace de lèvre opposée a disparu. Qu’on jette les yeux sur une carte et qu’on examine les principales lignes qui constituent le relief montagneux de la Palestine cisjordane (voir fig. 537), et l’on verra comment, dans la Judée surtout, elles se suivent parallèlement sur le versant oriental, avec inclinaison plus ou moins prononcée du nord-est au sud-ouest. Elles constituent ainsi comme trois marches qui descendent vers la mer Morte. À chacune de ces lignes correspond une ligne de brisure ou de plissement, avec affaissement du même côté. On peut suivre également celles qui marquent la dislocation du côté du Carmel et de la

plaine d’Esdrelon, comme du côté de la vallée du Jourdain en Samarie et en Galilée.

d) Du pliocène à nos jours. — Transformations du sol palestinien ; érosions, alluvions. — Antérieurement à cette dislocation qui ébaucha le relief définitif de la Palestine, le pays avait déjà commencé de subir certaines transformations. Lorsque, au moment de la période miocène, la mer quitta, au moins en partie, le continent palestinien pour ne plus le reconquérir, celui-ci se présentait sous la forme d’un haut plateau, couvert par des couches horizontales du calcaire à nummulites. Mais, sous l’action des grandes pluies de cette phase continentale, l’aspect dn plateau se modifia. L’érosion fit disparaître en grande partie le calcaire nummulitique. De même, une grande partie delà craie à silex fut enlevée par l’action chimique des eaux, ne laissant subsister que les silex qui s’y trouvaient contenus. Pendant ce temps, le pli anticlinal delà montagne commençait sans doute à se dessiner ; puis, la tension imprimée au flanc oriental du pli s’étant trouvée trop forte, des fracturess’y ouvrirent, laissant sortir des laves basaltiques qui ont recouvert le plateau à l’est de la mer Morte, où des lambeaux de ces coulées ont seuls été conservés. Pendant le pliocène, survint l’effondrement du Ghôr et de V Arabah. L’histoire de la Palestine peut ensuite se diviser en plusieurs phases, à l’époque quaternaire, pendant la période pluviale ou pluvio-glaciaire. Tandis qu’à l’orient les hauts plateaux du Belqa et du Haurdn avaient déjà leur physionomie presque définitive, à l’occident la Méditerranée couvrait encore, sur une hauteur considérable, la plaine côtière, dite aujourd’hui de Saron et de Séphélah, avec une bonne partie du Négeb. En construisant, en effet, le chemin de fer de Jaffa à Jérusalem, on a trouvé dans une tranchée près de Ramléh, à une cinquantaine de mètres d’altitude, une couche de gravier épaisse de 1 à 4 mètres, et de même nature que les dépôts côtiers. Cf. Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, t. xtv, 1891, p. 135. La mer Morte s’étendait aussi depuis le lac de Tibériade au nord jusq’au seuil de l’Arabah, un peu plus bas que la latitude de Pétra, formant un long bassin d’un niveau supérieur même à celui de la Méditerranée. On comprend, en effet, que les pluies abondantes de l’époque, trouvant un déversoir naturel dans la grande dépression palestinienne, en aient fait un immense lac. Survint ensuite une phase sèche, pendant laquelle le niveau de la mer intérieure baissa de 300 mètres, et la concentration des eaux produisit le gite de sel et de gypse connu sous le nom de Djebel Vsdum. Voir Morte (Mer), col. 1305. Une recrudescence des pluies fit remonter le lac de 80 ou 100 mètres, hauteur à laquelle se construisit une importante terrasse de cailloutis avec gros blocs. Sous l’action violente des eaux, de nombreux torrents se creusèrent dans la chaîne occidentale ; de même à l’orient furent créés par l’érosion de profonds ravins, par lesquels les flots entraînaient les débris arrachés au plateau. À cette période tourmentée succéda une époque d’activité volcanique, pendant laquelle auraient eu lieu les épanchements de lave qu’on trouve dans la vallée du Schéri’at el-Ménâdiréh, près des sources thermales d’El-Hamméh, et ceux de l’ouadi Zerqa Ma’in. La température générale s’abaissant de nouveau, le relief continental acheva de se façonner par érosion et par alluvion. La plus importante des formations alluviales de cette période est la basse terrasse si bien caractérisée contre le pied oriental de la Lisân et près de Masada, comme dans toute la vallée du Jourdain. À ce moment aussi, on croit qu’il a dû se produire un redoublement d’activité dans les sources thermales de la contrée. Les flots de la Méditerranée s’étant retirés vers l’ouest, le littoral se trouva à peu près à la limite générale qu’il possède aujourd’hui. Cependant, sous le choc des masses liquides, le rivage

se modifia, certaines parties se creusant plus ou moins profondément selon le degré de résistance ou l’état de fendillement des roches ; ces modifications, du reste, nous l’avons vii, ont continué pendant les âges historiques. Bans l’intérieur des terres, s’achevèrent les grands phénomènes d’érosion. Avec le concours des agents atmosphériques, les sédiments et les roches perdirent tout ce qui pouvait leur être enlevé, les torrents et les ravins creusèrent leur lit définitif, et souvent leurs bords largement rongés montrent que leur écoulement fut autrefois ce qu’il n’a jamais été depuis. Non seulement les eaux corrodèrent la surface du sol, mais celles qui ne trouvèrent pas de voie ouverte à l’extérieur s’infiltrèrent à l’intérieur à travers les fissures ou les roches plus friables, creusant ainsi des canaux, de petits lacs et des cavernes jusqu’à ce que leur action constante ou quelque mouvement du sol leur ait permis de s’échapper. Ainsi ont été formées ces nombreuses grottes dont est percé le sol palestinien, souvent énormes et aux formes capricieuses. L’époque historique est inaugurée en Palestine par un événement qui a laissé une très vive impression dans les traditions contemporaines, dont la Bible estl’écho ; nous voulons parler de la catastrophe qui détruisit les villes de la Pentapole. C’est alors que s’affaissa le terrain qui constitue aujourd’hui la partie méridionale de la mer Morte. Voir Morte (Mer), col. 1306. Depuis ce cataclysme, la Palestine a été fréquemment secouée par les tremblements de terre, mais aucun phénomène géologique n’y a apporté de changement notable. Les conditions physiques et biologiques que nous allons décrire sont, malgré quelques modifications superficielles, celles qui saluèrent la première apparition de l’homme dans ces contrées.

Voir, au point de vue géologique : Pour les notions générales, A. de Lapparent, Traité de géologie, 5e édit., Paris, 1906, 3 in-8° ; Ed. Suess, La face de la terre (Das Antlitz der Erde), trad. sous la direction de E. de Margerie, 3 in-8°, Paris, 1905. — Pour l’histoire des recherches géologiques faites en Palestine jusque vers 1880 : L. Lartet, Géologie, t. m du Voyage d’exploration à la mer Morte du duc de Luynes, in-4°, Paris, s. d., p. 9-22 ; Huddleston, The geology of Palestine, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, Londres, 1883, p. 166-170. — Pour la géologie proprementjdite : E. Robinson, Physical geography of the holy Land, in-8°, Londres, 1865, p. 284-299 ; O. Fraas, Aus dem Orient, in-8°, Stuttgart, 1867 ; L. Lartet, Géologie, tout le volume que nous venons d’indiquer, ouvrage des plus importants, mais à compléter par les étuçtes plus récentes ; Id, , Essai sur la géologie de la Palestine et des contrées avoisinantes, telles que l’Egypte et l’Arabie, dans les Annales des sciences géologiques, t. i, 1869, reproduit dans la Bibliothèque des Hautes Etudes ; seconde partie, consacrée à la paléontologie, imprimée en 1872 dans le t. m des Annales des sciences géologiques et également reproduite dans la Bibliothèque des Hautes Etudes ; Ed. Hall, Mernoir on the geology and geography of Arabia Petrxa, Palestine andadjoining districts, in-4°, Londres, 1889, publié par le comité du Palestine Exploration Fund, et résumant les notes éparses, sur ce sujet, dans le Quarterly Stalement ; Id., Mount Seir, in-8°, Londres, 1889 ; M. Blanckenhorn, Syrien in seiner geologischen Vergangenheit, dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. xv, 1892, p. 40-62 ; Enlstehung und Geschichte des Todten Meeres, ibid., t. xix, 1896, p. 1-59, avec 4 planches ; Noch einmal Sodom und Gomorrha, ibid., t. xxi, 1898, p. 65-83 ; Géologie der nàheren Unigebung von Jérusalem, ibid., t. xxviii, 1905, p. 75-120, avec carte et planche ; F. Nœtling, Geologische Skizze der Umgebung von el-Hammi, ibid., t. x, 1887, p. 59-88, avec planche.

—’Pour la minéralogie, analyse des eaux, etc. :

R. Sachsse, Beitrâge zur chemischen Kenhtnis derMineralien, Gesteine und Gewàchse Palàstinas, ibid., t. xx, 1897, p. 1-33 ; M. Blanckenhorn, Die Mineralschàtze Palâstina’s, dans les Mittheilungen und Nachrichten de la même revue, 1902, p. 65-70.

v. climat et fertilité. — 1. Climat. — La météorologie de la Palestine n’a guère été étudiée scientifiquement que de nos jours. Une étude scientifique sous ce rapport, en effet, réclame des instruments de précision, des observations exactes et régulières, faites non seulement sur un point particulier du territoire, mais en différentes stations, surtout si la situation, l’altitude ou d’autres conditions doivent, en certaines parties du pays, déterminer des différences climatériques. Or les instruments ont longtemps fait défaut, et les observations’n’ont eu ni la méthode rigoureuse ni l’étendue suffisante. Sans doute les voyageurs ont bien constaté des changements atmosphériques plus ou moins sensibles correspondant au relief du sol lui-même, ceux que l’on remarque, par exemple, en passant de la plaine à la montagne, en descendant de la montagne dans le Ghôr. Longtemps aussi les études se sont bornées au climat de Jérusalem ou à des expériences de quelques années faites à Nazareth et à Gaza. On peut voir, en particulier, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1883, p. 8-40, le rapport de Th. Chaplin, exposant le résultat d’observations faites dans la ville sainte pendant un espace de 22 ans, de 1860 à 1882 ; reproduit dans la Zeitschrift des deutschen Palàstina-Vereins, 1891, p. 93-112. La même revue a publié et continue de publier les résultats obtenus depuis. Mais, pour établir des points de comparaison et en arriver à un jugement d’ensemble sur la Palestine, il fallait augmenter le nombre des stations météorologiques. C’est ce qui a été fait, grâce surtout aux soins de 1’  « Association allemande pour l’exploration de la Palestine », Deutscher Palâslina-Verein. On trouve maintenant des stations plus ou moins complètes : le long de la côte, à Gaza, Sarona près de Jaffa, Khaïfa et au Carmel ; — dans la montagne, à Bethléhem, Aïn Karim, Jérusalem, Naplouse, Nazareth, Safed ; — dans la vallée du Jourdain, à Jéricho et à Tibériade ; — à l’est du fleuve, au Sait. Cf. M. Blanckenhorn, Die meteorologischen Beobachtungs-Stalionen des deutschen Palàstina-Vereins in Palâstina im Jahre 1904, dans les Mittheilungen und Nachrichlen des deut. Pal. Ver., 1904, p. 20-32 ; voir aussi 1906, p. 71-78. Sans entrer dans les minutieux détails que comporte cette étude climatologique, nous nous bornerons à des données générales sur la température, les vents, la pluie sous ses différentes formes, et les saisons.

1° Température. — Par sa situation géographique, la Palestine appartient, au point de vue du climat, à la zone subtropicale ; au solstice d’été le soleil n’est qu’à 10° sud du zénith. La température varie naturellement selon les différentes régions ; la région voisine de la mer est plus chaude que celle de la montagne, moins chaude que celle du Ghôr. Les observations n’ont malheureusement pas été faites en même temps sur tous les points ; nous manquons donc des éléments d’appréciation nécessaires pour établir un tableau comparatif général. Les indications suivantes suffiront cependant pour donner une idée des rapports thermométriques qui existent entre les quatre régions de la Palestine. Prenons d’abord sur la côte les trois stations de Khaïfa, de Wilhelma (colonie située dans la plaine à l’est de Jaffa) et de Gaza. Les observations faites pour l’année 1904 nous offrent, pour les deux premiers mois, les plus froids ayec décembre, et les trois mois les plus chauds^ les résultats ci-joints. La température moyenne est prise à deux heures de l’après-midi ; nous traduisons toujours en degrés centigrades.

JiKVUR.

FÉVRIER.

m*.

mmi.

100T.

Khaïfa … Wilhelma…

14, 7 144 14, 9

18, 8 17, 7 16, 9

28, 4 27, 8 26, 9

31, 0 29, 9 29, 4

31, 3 30, 4 28, 9

Comparons maintenant les températures maxima et minima de ces trois points avec celle de Jérusalem pour les mêmes mois :

JlSVIF.n.

FÉVRIER.

JOIJ.

. JUILLET.

10W.

Max. 20

Min. 3

Max. 25

Min. 6

Max. 32

Min. 17, 5

Max. 34, 5

Min. 23, 5

Max. 38, 5

Min. 19, 6

Khaïfa..

Wilhelma.

20, 5

6

25

8

31

20

36

22, 5

34

22, 2

Gaza…

21, 5

5

23

8, 5

29

19

34, 5

21, 2

31

22

Jérusalem.

10

4

14

7

27

16

29

18

29, 7

18, 6

Cf. M. Blancltenhorn, Wetterberichte aus Palàslina, dans les Mittheilungen de la Zeitschrïft des Deut. Pal. Vereins, 1904, p. 59-62 ; 1905, p. 29-32, où l’on trouve les tableaux complets ; A. Datzi, Meteorological observations taken in Jérusalem, dans le Palestine Exploration Fund, Quart. St., avril 1905, p. 151. Ces chiffres, qui naturellement varient selon les années sans s’écarter beaucoup d’une certaine moyenne, marquent bien les deux zones de la plaine et de la montagne. Dans la première, le voisinage de la mer atténue les extrêmes de la température. Dans la seconde, la moyenne, représentée par celle de Jérusalem, est de 16°6 ou 17°2, par 8°5, moyenne de janvier, et 24°5, moyenne de juillet, mais avec des extrêmes qui descendent parfois de quelques degrés au-dessous du point de glace, quoique la gelée et la neige ne durent pas longtemps. Le climat du haut plateau est en somme tempéré ; il n’en est pas de même de celui du Ghôr, où les rayons du soleil se concentrent dans une vallée que deux murailles de montagnes mettent à l’abri. des vents de l’ouest et de l’est. Les températures extrêmes peuvent aller de 0° à + 50°. La plus ordinaire, en hiver, est de + 15° à + 22°. La moyenne de l’année est d’environ 25°. On y a vii, aux premiers jours de mai, le thermomètre à 43° à l’ombre ; près d’Aïn-Djidi, au commencement de juillet, un soir après le coucher du soleil, on a constaté 35°. Cf. Survey of West. Pal., Memoirs, t. iii, p. 386. La moisson s’y fait beaucoup plus tôt que dans le reste de la Syrie, à la fin d’avril ou au commencement de mai. La chaleur diminue vers le nord. L’hiver est souvent froid sur les bords du lac de Tibériade ; mais pendant la première moitié du mois de mai 1884, le thermomètre accusait une température moyenne de 25° à midi, de 22° avant et après. Cf. A. Frei, Beobachtungen vom See Genezareth, dans la Zeitschrift des deut. Pal. Vereins, t. ix, 1886, p. 100. Près du lac Hûléh, la différence entre la température du jour et celle de la nuit est souvent très sensible ; ainsi le 20 avril 1889, la chaleur diurne monta à 42° pour descendre, pendant la nuit, à + 26°. Cf. G. Schumacher, Von Tiberias zum Hûle-See, dans la Zeitschrift des deut. Palàstina-Vereins, t. xiii, 1890, p. 75. Le plateau à l’est du Jourdain est également sujet à de forles variations ; les écarts y sont même plus brusques qu’à l’ouest, la mer étant trop loin pour régulariser la température. La nuit, le thermomètre descend souvent au-dessous du point de glace, et le lendemain il monte à près de 27°. Les extrêmes vont de — 3° à + 35°. Cependant le climat le plus ordinaire de l’hiver est je ^. 80 à + 16°, au moins dans la partie la plus mé ridionale. La neige persiste souvent plusieurs jours. On voit, d’après ce que nous venons de dire, que la Palestine a un climat de contraste, par zones méridiennes alternantes. Pour la comparaison avec les autres pays, on peut voir les cartes d’isothermes jjans A. Angot, Traité élémentaire de météorologie, in-8°, Paris, 1899, p. 56, 62, 64.

2° Vents. — Les différences de température à la surface du globe et dans l’atmosphère sont, on le sait, la cause première des vents. Or en Palestine, plus qu’en d’autres pays, le vent exerce une influence immédiate sur la santé et le bien-être des habitants, comme sur la fertilité du sol. Celui du nord apporte le froid, celui du sud la chaleur, celui de l’est la sécheresse, celui de l’ouest l’humidité ; ceux qui viennent des points intermédiaires participent en proportion à ces différentes qualités. Pendant les mois d’été, ce sont les vents du nord et du nord-ouest qui dominent ; n’amenant jamais de pluie, ils sont rafraîchissants, modérément secs, ne sont accompagnés d’aucun nuage, si ce n’est parfois de quelques cirrus ou cumulus. Ceux du nord, pendant’l’hiver, sont d’un froid vif, secs ou humides selon qu’ils soufflent du nord-est ou du nord-ouest ; quand ils arrivent de cette dernière direction, ils entraînent souvent des masses de cumulus, dont les apparences sont vraiment belles sur le bleu profond du ciel. Cependant, frais et vifs, ils sont redoutés, même en été, spécialement des habitants de la plaine maritime, en raison des maux de gorge, fièvres et dysenteries qu’ils produisent. Lorsque, durant l’été, il y a peu de vent pendant plusieurs jours, la chaleur devient très grande et l ! air presque aussi sec, aussi dépourvu d’ozone que dans le sirocco, même si le petit souffle vient du nord. Ordinairement ce défaut est corrigé par une forte brise qui s’élève de l’ouest, se fait sentir vers 9 ou 10 heures du matin à Jaffa et le long de la côte, mais n’atteint habituellement Jérusalem et la montagne que vers 2 ou 3 heures de l’après-midi, quelquefois plus tard. Elle baisse après le coucher du soleil, mais pour reprendre ensuite et continuer une grande partie de la nuit, rafraîchissant, avec l’abondance d’humidité dont elle est chargée, le pays brûlé par la chaleur du jour. Il est facile de comprendre tout ce qu’elle a de bienfaisant ; lorsqu’elle ne souffle pas, ou qu’elle souffle très doucement, ou ne se relève pas après le calme qui suit le coucher du soleil, les nuits sont chaudes, déprimantes, sans rosée, et les matinées sans fraîcheur. Ce vent de mer constitue une des principales différences entre le climat de la montagne et celui de la plaine côtière ; il arrive ainsi que, dans les grandes chaleurs, Jérusalem, sous le vent d’est, est d’un séjour presque insupportable, alors que Jaffa jouit d’une fraîcheur relative. Lorsqu’il rencontre un courant d’air chaud, sec et lourd venant de l’est, la lutte entre les deux est intéressante à étudier. Parfois il se produit des tourbillons, des nuages et des colonnes de poussière, et il faut au premier plus d’une heure pour triompher du second. D’autres fois, l’arrivée ou la prédominance du vent d’ouest a lieu sans trouble et ne se manifeste que par ses effets. D’après les observations faites à Jérusalem, ce vent, quoique plus fréquent en juillet et août, est plus également réparti que les autres sur les différents mois.

Les vents de l’est sont communs en automne, en hiver, au printemps et au mois de mai ; ils sont rares’en été. Sur une moyenne de seize ans, on a calculé qu’ils ont soufflé, de juin à septembre inclusivement, trois jours par mois, et, d’octobre à mai inclusivement, onze jours par mois. Mais il n’est pas extraordinaire, pendant les chaleurs, qu’un vent d’est s’élève durant trois ou quatre heures au milieu du jour, et que le soir il cède la place à un vent d’ouest, qui continue jusqu’à 10 ou Il heures du lendemain. En hiver, il est accùm

pagné de la clarté du’ciel bleu, avec quelques cirrus ; il est sec, stimulant, et, s’il n’est pas trop fort, vraiment agréable ; dans les mois chauds au contraire, sa sécheresse brûlante, la brunie et la poussière qu’il entraîne, le rendent désagréable et énervant. C’est au vent du sud-est qu’on applique le nom de siroccoLe ciel peut alors être sans nuage ou avec quelques cirrus et stratus ; la température est élevée, l’air privé d’ozone et extrêmement sec. Il peut y avoir du calme, mais quelquefois le vent s’élève et tourne entre est, sud-est et sud. Plus il tend vers le sud, plus le ciel s’assombrit et l’atmosphère devient pénible ; plus il tend vers l’est, plus le ciel s’éclaircit et l’air se rafraîchit. Aux plus mauvais jours, le sirocco produit de véritables troubles dans l’organisme humain, maux de gorge, maux de tête avec sentiment de pression autour des tempes, lassitude morale et physique, oppression, accélération du pouls, fièvre, etc. Son action se fait également sen-tir sur la végétation qu’il dessèche, sur le jeune blé qu’il flétrit. Peu violent d’ordinaire, il engendre quelquefois des tourbillons de vent et de fine poussière ; l’air chaud semble sortir d’un four, des nuages de sable volent dans toutes les directions. Ce sont les vents de l’ouest et du sud-ouest qui, en hiver, amènent la pluie, dont nous montrerons tout à l’heure l’importance. A ces détails que nous empruntons au rapport de Th. Chaplin, Pal. Eœplor. Fund, Quart. St., 1883, p. 14-16, il faudrait ajouter une étude comparative de la force et de la direction des vents, comme aussi des variations barométriques sur les différents points de la Palestine. Les données sont encore insuffisantes ; on en trouvera certains éléments, en ce qui concerne Gaza, Wilhelma, Khaïfa, Jérusalem, pour l’année 1904, dans les Mittheihtngen de la Zeitschrifl des Deut. Pal. Ver., 1804, p. 59-62, 78-80 ; 1905, p. -29-32, 45-48, et le Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1905, p. 151. Il nous suffit d’indiquer, d’après Th. Chaplin, Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1883, p. 39, table xv, le nombre de jours d’une année pendant lesquels a prédominé chacun des vents dans une moyenne de seize ans : N. 36 j., N.-E. 33, E. 40, S.-E. 29, S. 12, S.-O. 46, O ; 55, N.-O. 114. On voit que ce sont les vents d’ouest qui dominent, et que ceux du sud ont la moindre action. Les vents du nord-ouest se font surtout sentir pendant tes mois les plus chauds, de mai à septembre. Ceux du sud-ouest et de l’ouest correspondent aux périodes piuvieuses ; c’est ainsi que sur 506 de ces périodes, de 1860 à 1882, ie vent sud-ouest compte pour 238 et l’ouest pour 156. Cf. Pal. Expl. Fund, 1883, p. 29, table rv :

3° Pluie. — Les agents atmosphériques que nous venons d’étudier, température, pression de l’air, vents, contribuent à la formation de la pluie, qui a une influence capitale sur fa richesse du pays. Cherchons d abord à nous rendre compte, d’après tes observations récentes, des différences qui existent, sous ce rapport, entre les diverses régions de la Palestine. Le tableau suivant nous le fera saisir, en nous présentant la moyenne annuelle de la quantité d’eau tombée dans les principaies stations. Les hauteurs données en miifimètres comprennent toute f’eau tombée, sous quelque forme que ce soit, ce que les Allemands appellent Niederschlag, « précipitation. »

COTE.

MONTAGNE.

TiUÉE tC JOCRWIS.

mm

Gaza.. 447, 4 Jaffa.. 558, 7 Sarona. 516, 8 Khaïfa. 603, 8 Carmel. 611, 3

mm Bethléhem.. 592, 8 Jérusalem II. 547 ; 2 Jérusalem I. 661, 8 rphelinat syrien. 579, 4 Nazareth… 709, 3

mm Tibériade. 432, 9

Viennent donc en premier lieu avec les plus gros chiffres deux points de la montagne : le plus septentrional, Nazareth, et Jérusalem I (station située à l’intérieur de la ville, au sud-ouest, à l’altitude de 762 mètres). Viennent ensuite les deux stations de la côte le plus au nord : Carmel (à l’altitude de 297 mètres) et Khaïfa ; puis, dans la montagne : Bethléhem, l’orphelinat syrien (en dehors de la ville, au nord-ouest, à l’altitude de 810 mètres) et Jérusalem II (en dehors de la ville, au sud-ouest, à l’altitude de 750 mètres). Cette dernière est surpassée par Jaffa, mais, sur la même côte, Sarona et Gaza ont des quantités bien inférieures. Enfin Tibériade occupe le dernier rang, de sorte que, entre les deux chiffres extrêmes, il y a une différence de 276™ m 4, et pourtant Nazareth et Tibériade sont bien rapprochées l’une de l’autre. Si l’on veut établir une proportion qui marque nettement les différences entre les diverses stations, il suffît de supposer que Tibériade égaie 1. et l’on aura :

CO TE.

Gaza.. Sarona. Jaffa.. Khaïfa. Carmel.

mm 1, 03 1, 19 1, 29 1, 39 1, 41

MONTAGNE.

Jérusalem II Orphelinat sjrien Bethléhem. Jérusalem I. Nazareth.

mm 1, 26 1, 34 1, 37 1, 53 1, 64

VILLE ! M JOURMIS.

Tibériade.

On est sans doute étonné de constater des chiffres si différents pour les trois stations de Jérusalem, distantes seulement de 1 et 2 kiiomètres 1/2. Si la disposition et la nature des instruments n’y sont pour rien, il faut chercher l’explication de ce fait dans les conditions locales, orographiques ou autres. Quoi qu’il en soit de ce détail, nous avons dans l’ensemble le phénomène des pluies diles de relief, c’est-à-dire causées par l’influence des reliefs du sol. Quand un courant d’air humide vient heurter une chaîne de montagnes, il est forcé, de s’élever ; de là production d’un mouvement ascendant focal, d’une détente dej’air et par suite d’un refroidissement qui, amène la pluie. Le plus souvent, lorsque la chaîne n’est pas très haute, cette ascension locale ne suffit pas à elle seule pour provoquer la chute de la pluie, mais elle agit comme un facteur important pour augmenter la quantité d’éau qui tombe sur le flanc de la montagne exposé au vent. Après avoir traversé la chaîne de hauteurs, l’air, débarrassé d’une certaine quantité d’eau, devient plus sec, et, par suite, derrière le maximum de pluie doit se trouver un minimum. C’est ainsi, par exemple, que derrière le maximum des montagnes d’Auvergne se trouve le minimum de la vallée de l’Allier. Les pluies de relief produisent donc, non pas tant une augmentation de fa quantité totafe de pluie qui tombe sur l’ensemble de la région, qu’une irrégularité dans la distribution de cette pluie. Cf. A. Angot, Traité élémentaire demétéorologie, p. 224, 226. C’est pour cela qu’en Palestine, d’une façon générale, le maximum de précipitation se trouve dans la chaîne montagneuse, et le minimum dans le Ghôr ; entre les deux se place le pays côtier, dont la partie septentrionale cependant, en raison sans doute de la montagne du Carmel, dépasse en quantité certains points de fa ligne de faîte. Nous remarquerons aussi une décroissance sensible du nord au sud (à part les deux stations voisines de Jérusalem) ; elle existe dans la vallée du Jourdain comme dans les autres régions, d’après quelques observations faites pendant l’hiver 1905-1906. Cf. Mittheilungen de la Zeitschrift des Deut. Pal. Ver., 1907, p. 5-6.

La pluie se répartit dans les différents mois de l’année, et dans les diverses stations, de la manière suivante. Juillet en est complètement exempt ; on peut

en dire autant de juin et août, les quantités relevées étant insignifiantes. Septembre ne compte que quelques millimètres, et encore pas dans toutes les stations. La saison pluvieuse va donc, en somme, d’octobre à mai. Partout la quantité d’eau augmente de mois en mois jusqu’à janvier, puis diminue de même jusqu’à la période de sécheresse. Janvier est le mois le plus pluvieux ; viennent ensuite décembre et février. Il est à remarquer qu’en octobre et novembre la région montagneuse a relativement moins de pluie que la côte méditerranéenne et Tibériade ; c’est le contraire au printemps, mars, avril et mai. La moyenne des jours de pluie pour chaque station donne la proportion suivante : Gaza, 26, 8 ; Tibériade, 49, 6 ; Jérusalem ii, 50, 1 ; Orphelinat syrien, 50, 7 ; Khaïfa, 53, 9 ; Jérusalem i, 56, 1 ; Sarona et Carmel, 58, 5, Bethléhem, 63 ; Nazareth, 65, 1. En comparant avec les tableaux précédents, l’on verra que la quantité d’eau n’est pas tout à fait proportionnelle au nombre des jours. Voir, pour les détails de cette étude, H. Hilderscheid, Die Niederschlagsverhàltnisse Palâstinas in alter und neuer Zeit, dans la Zeitschrift des Deut. Pal.-Ver., t. xxv, 1902, p. 5-82, avec 40 tableaux et 4 graphiques.

Quels rapports y a-t-il entre la chute de la pluie et la direction des vents ? Nous ne pouvons nous appuyer ici que sur les expériences faites à Jérusalem, de 1860 à 1882. Tous les vents, dans la saison, peuvent amener de l’eau, mais les pluies abondantes viennent presque invariablement d’un des vents de l’ouest. Ainsi, pendant les 506 périodes pluvieuses des 22 ans, le vent a soufflé du nord 8 fois, du N.-E., 14, de l’E. 12, du S.-E., 10, du S. 19, du S.-O. 238, de l’O. 156 et du N.-O. 49. C’est donc la Méditerranée qui est la principale source de pluie pour la Palestine. Cf. Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1883, p. 10, table iv. Les pays qui avoisinent celle-ci à l’est et au sud, c’est-à-dire le désert de Syrie et celui du Sinaï, sont à moins de 250 millimètres comme hauteur moyenne de pluie. — Voir ce que nous ajoutons plus loin à propos des -Saison*.

4° Neige. — Le plus souvent la neige ne tombe qu’en petite quantité et elle fond bientôt, mais on en voit parfois de vraies tempêtes, et elle peut alors rester dans le creux des collines pendant deux ou trois semaines. Dans la Transjordane, elle recouvre le plateau tout « ntier environ deux années sur trois, et elle se maintient quelquefois au delà d’une semaine, surtout dans les points dont l’altitude est plus considérable. Les derniers jours de décembre, les mois de janvier et de février, et la première partie de mars sont les périodes neigeuses. Le 13 mars 1893, nous avons vu nous-même tomber de la neige et de la grêle à Jérusalem.

5° Rosée. — Dans le beau temps de l’hiver, la rosée se forme en Palestine sous l’influence des mêmes causes qu’en Europe. Mais, dans les mois d’été, lorsque tout le pays est aride et que l’eau manque pour Pévaporation, les rosées abondantes sont entièrement apportées par les vents d’ouest. Si la brise de mer ne s’élève pas vers le soir, ou si elle est très légère, il n’y a pas de rosée. Les fortes rosées d’été diffèrent de celle qui se produit ordinairement, en ce sens qu’elles’sont en grande partie précipitées dans l’air sous forme de brouillard avant de se déposer sur la lerre.’Xies soirs d’été, on voit ordinairement quelques nuages se lever à l’ouest, aussitôt après le coucher du soleil ; plus tard leur nombre augmente, et ils volent assez bas, souvent avec une certaine vitesse. Vers minuit, ils se développent et s’abaissent encore, effleurant le sommet des collines, où ils déposent une bonne partie de leur humidité. Mais il faut pour cela que le vent d’ouest continue à souffler pendant la nuit ; s’il vient à tomber ou à tourner du coté de l’est, le résultat de l’évaporation disparaît. La rosée est le plus abondante au prin temps, en septembre et en octobre, excepté durant le sirocco, où il n’y en a pas. Après une nuit où elle a été très forte, le ciel est, au point du jour, obscurci par un épais brouillard ; le sol, les plantes, les pierres et en particulier les tentes sont humides comme si la pluie avait tombé. Au lever du soleil, le brouillard commence à s’éclaircir, et il se forme de larges masses de nuages floconneux entre lesquelles brille çà et là le ciel bleu. Elles deviennent plus petites et plus denses lorsque la chaleur augmente, produisant de beaux cumulus, qui disparaissent à leur tour. Fréquemment le ciel est entièrement pur vers neuf heures du matin.

6° Saisons. — D’après ce que nous venons de dire, la Palestine ne connaît guère que deux saisons, celle des pluies et celle de la sécheresse. La saison pluvieuse se divise elle-même en trois périodes. La première est celle de la pluie hâtive ou automnale, qui humecte la terre, la dispose à recevoir la semence et prépare le labour. La seconde est celle des abondantes pluies d’hiver, qui saturent le sol, remplissent les bassins et les citernes et alimentent les sources. La troisième est celle de la pluie tardive ou printanière, qui favorise le développement des épis, rend le froment et l’orge capables de supporter les premières chaleurs de l’été, et sans laquelle la moisson est compromise. Durant cette saison, l’eau tombe un ou plusieurs jours, suivis d’un ou plusieurs jours de beau temps, qui, en hiver et au début du printemps, comptent parmi les plus délicieux que puisse offrir le climat de Palestine. L’insuffisance de la pluie entraîne invariablement celle de la moisson ; mais il ne s’ensuit pas que la surabondance de l’une amène la surabondance de l’autre. Les conditions les plus favorables pour une bonne récolte sont une généreuse pluie d’hiver, tombant en plusieurs jours, avec des intervalles non prolongés de beau temps, et une large provision d’eau printanière. L’époque de la moisson varie ; dans les contrées basses, celle du froment a lieu en mai ; dans les parties hautes, durant la première quinzaine de juin. Fréquemment l’orge se moissonne déjà en avril. La saison la plus agréable est le printemps, qui dure du milieu de mars au milieu de mai. L’anière-saison, en novembre, ne manque pas de charme, mais la nature est alors presque complètement morte. Le mois de décembre est orageux, ceux de janvier et février sont froids et pluvieux. La sécheresse commence avec les vents d’été. Cf. Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1883, p. 9, 11. — Pour les rapports de ces différents éléments, vents, pluie, neige, etc. avec la Bible, voir les articles spéciaux qui leur sont consacrés dans le Dictionnaire, et H. Hilderscheid, Die 2Viederschlagsverhàltnisse Palâstinas, dans la Zeitschrift des Deut. Pal. Ver., 1902, p. 82-97.

7° Orages et tremblements de terre. — Les orages n’ont pas lieu, comme dans nos pays, pendant les grandes chaleurs de l’été, mais en hiver, c’est-à-dire durant la saison des pluies. L’Ancien Testament, I Reg., xii, 17, les présente comme un phénomène extraordinaire au temps de la moisson. On en signale cependant dans les premiers jours de mai. Cf. E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 430. Lynch, Narrative of tfie United States’expédition to the Dead Sea, Londres, 1849, p. 352, décrit ainsi celui dont il fut témoin, à la même époque de l’année, dans une vallée sauvage au sud-est de la mer Morte : « Une nuée sombre et menaçante enveloppa soudain les sommets de la montagne ; les éclairs brillaient à travers sans interruption, pendant que le fracas du tonnerre était répercuté d’un côté à l’autre de l’épouvantable abîme. Entre ses éclats, nous entendîmes tout à coup le bruit d’un mugissement continu ; c’était le torrent formé par le nuage pluvieux qui se précipitait en longue ligne d’écume en bas de la pente escarpée,

entraînant d’énormes fragments de roches qui, en s’entre-choquant, résonnaient comme le tonnerre. Dans un endroit où le torrent faisait ses sauts les plus furieux, un palmier, courbé par le vent, agitait étrangement ses branches ; on aurait dit le génie du lieu pleurant la dévastation de sa retraite favorite. » Cette description représente bien, avec le fracas des orages, la chute des torrents dans les ravins de la montagne. Voir Tonnerre.

A ces perturbations atmosphériques nous pouvons joindre les perturbations telluriques assez fréquentes dans la Palestine, qui, nous l’avons vii, est en partie volcanique. L’histoire a consigné un grand nombre de tremblements de terre qui ont atteint la Syrie et la région palestinienne. Pour nous borner à cette dernière contrée, signalons celui de l’an 31 av. J.-C, qui se fit sentir en Cœlé-Syrie, dans la vallée du Jourdain, dans la Judée ; ceux de 1201, 1204, 1212, 1339, 1402, 1546, 1666, 1759 après J.-C, qui ébranlèrent Alep, le lac de Tibériade, Safed, Damas, la Cœlé-Syrie, Saint Jean d’Acre. Un des plus terribles fut celui de 1837, qui détruisit une partie de la ville de Safed et ensevelit sous les débris de leurs demeures près de six mille habitants ; il étendit son action jusqu’à Tibériade, Jéricho et la mer Morte. De 1860 à 1882, Jérusalem en a ressenti douze : 22 avril et 24 septembre 1863, 24 mars 1864, 24 janvier, 19 février et 7 octobre 1868, 24 juin 1870, 29 juin 1873, 3 mars 1874, 15 février et 14 mars 1877, 31 décembre 1879. Il est à remarquer que, sur ce nombre, neuf ont eu lieu pendant la saison des pluies, c’est-à-dire : un en octobre, un en décembre, un en janvier, deux en février, trois en mars et un en avril ; quatre pendant la neige, presque tous par un vent d’ouest. On en a également signalé plusieurs en ces dernières années : le 29 juin 1896, Jérusalem, Khaïfa, Tibériade, Safed ; le 5 janvier 1900, Jérusalem, Khaïfa, Nazareth ; le 29-30 mars et le 19 décembre 1903, Gaza, Jaffa, Sarona, Latrûn, Jérusalem, Jéricho, Naplouse, Carmel, Nazareth. — Cf. Th. Chaplin, Observations on the climate of Jérusalem, dans le Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1883, p. 11, 32, table vin ; M. Blanckenhorn, Ueber die letzten Erdbeben in Palàstina und die Erforschung etwaiger kïmftiger, dans la Zeitschrift des deut. Pal Ver., t. xxviii, 1905, p. 206-221 ; G. Arvanitakis, Essai d’une statistique des tremblements de terre en Palestine et en Syrie (communication à l’Institut égyptien au Caire, séance du 2 mars 1903).

3. Fertilité. — La Palestine est décrite dans la Bible comme un pays d’une extrême fertilité, comme « une terre bonne, riche en ruisseaux, en fontaines, en sources d’eaux qui jaillissent dans la plaine et la montagne ; une terre qui produit le blé, l’orge, la vigne, le figuier, le grenadier, l’huile et le miel ». Deut., viii, 7, 8. Et cependant le voyageur qui la parcourt de nos jours a l’impression d’une contrée dénudée, pierreuse, desséchée, dont la désolation actuelle, comparée à son antique richesse, semblerait presque un signe de malédiction. Disons tout de suite qu’on juge trop souvent le pays entier d’après certaines régions plus fréquemment visitées, comme la Judée, et d’après l’aspect qu’il présente dans certaines saisons, où, faute de pluie, la nature commence à mourir ou est déjà morte. Alors les plaines sont partout arides, les montagnes ne présentent aux rayons du soleil qui les brûle que les flancs nus et noircis de leurs roches calcaires. À part quelques vignobles et les bouquets d’arbres qui entourent les villages, rien, pas un brin d’herbe verte ne réjouit la vue. Mais viennent les pluies, et la campagne revêt sa plus brillante parure ; vallées et plateaux se couvrent d’une verdure émaillée de lys, de jacinthes, de tulipes, d’anémones, de renoncules et de mille autres fleurs ; lorsque la moisson se dessine et grandit, il y a encore de jolis coins en Palestine. Pour avoir une idée de l’ancienne

fertilité, il suffit de voir des plaines comme celles d’Esdrelon et du Haurân, certaines parties de la plaine côtière, des jardins comme ceux de Jaffa (fig. 538), même certaines vallées de la montagne. Partout où la main de l’homme remue le vieux sol, elle le ramène à sa première vigueur. Nous ne nions pas pour cela les changements qui se sont produits et que l’on constate actuellement dans l’antique terre d’Israël. Si elle a gardé foncièrement sa richesse, il n’en est pas moins vrai qu’elle est loin d’avoir aujourd’hui l’éclat d’autrefois et qu’elle n’a que trop l’air d’un pays désolé.

Quelles sont les causes de cette décadence ? Les uns l’attribuent à un changement de climat, et principalement à la diminution des pluies, amenée par le déboisement du pays, d’où, par voie de conséquence, l’appauvrissement de l’humus. Cf. E. Hull, Meinoir on the Geology and Geograpky of Arabia Petrsea, Palestine, p. 123-127 ; O. Fraas, Aus dem Orient, p. 196 sq. D’autres pensent que rien n’a changé essentiellement dans la Palestine, sinon les conditions politiques et économiques, qui ont diminué la maitf-d’œuvre et favorisé l’abandon de la culture. Cf. C. R. Conder, Tent Work in Palestine, Londres, 1889, p. 364-374 ; Ankel, Grundxûge der Landesnatur des Westjordanlandes, Frankfurt-a.-M., 1887, p. 117. Voyons ce qu’il en est réellement, en comparant l’état ancien et l’état actuel du pays. Ne convient-il point d’abord de ramener à ses justes proportions l’enthousiasme des Hébreux pour la Terre après laquelle ils avaient si longtemps soupiré ? Au sortir du désert, dans lequel ils avaient enduré bien des privations, elle devait, en effet, leur paraître un jardin de délices. Mais, à côté des endroits fertiles, champs, vallées, pâturages, n’y avait-il pas, comme aujourd’hui, « une terre aride, stérile et sans eau, » Ps. lxii (lxiii), 2, en un mot le « désert » ? La région désolée où David mena sa vie errante, le désert de Juda, était-il bien différent de la contrée actuelle, c’est-à-dire le versant oriental de la montagne judéenne, en face de la mer Morte ? Nous ne le croyons pas. Le Négéb n’était-il pas « le [pays] desséché » ? Sans doute le « désert » n’était pas ce que le terme français représente ordinairement à notre imagination, une sorte de Sahara, et le « steppe j> ou la « lande » auxquels’il répond plutôt ont pu perdre encore, depuis les temps anciens, de leur maigre végétation. Voir Désert, t. H, col. 1387. Mais ce n’est là qu’une question de degrés. Sans doute aussi le Négéb, à en juger d’après les ruines qu’on y rencontre, eut autrefois des centres importants, avec des champs cultivés et des vignes dont les terrasses se remarquent encore sur les pentes des montagnes. Mais l’état actuel provient de l’abandon dans lequel a été laissé le district, qui ne fut jamais, du reste, qu’un pays de transition entre les solitudes sinaïtiques et les riches contrées de Chanaan. Voir Négeb, col. 1557. Cette dernière cause, l’abandon, peut s’appliquer aux changements survenus dans les différentes parties du territoire.

Est-il nécessaire de recourir au déboisement pour résoudre la question ? Nous ne nions pas l’influence des arbres et des forêts sur l’humidité favorable à la fécondité de la terre. Sans parler de la vapeur d’eau qui se dégage de leurs masses, il est certain que la pluie, en tombant d’abord sur la voûte de feuillage, descend moins précipitamment sur le sol, et le pénètre doucement, au lieu de le raviner, comme lorsqu’elle le frappe directement par les grandes averses. Ensuite, les feuilles dont l’automne jonche la terre, mouillées par les pluies de l’hiver et du printemps, forment, en se décomposant, une nouvelle couche d’humus ou engraissent les couches anciennes. Mais les forêts étaient-elles donc si nombreuses autrefois en Palestine ? Tout ce que nous pouvons dire, c’est que la Bible en cite très peu ; à part les forêts de chênes de Basan, Is., ii,

13 ; Ezech., xxvii, 6, etc., elle mentionne celle d’Éphraïm probablement à l’est du Jourdain, Il Reg., xviii, 6, 8. 17, puis celle de Haret, sur le territoire de Juda, I Reg. xxii, 5, celle du désert de Ziph, I Reg., xxiii, 15-19, une autre qui se trouvait entre Béthel et Jéricho IV Reg., ii, 24, et la forêt du midi. Ezech., xx, 46, 47. D’ailleurs le mot ya’ar en hébreu n’a pas toute l’étendue de notre terme « forêt » ; il correspond plus souvent à notre « bois ». Voir Forêt, t. ii, col. 2307. Il est donc juste ici encore de ne rien exagérer ; tout en reconnaissant, d’un côté, que la main de l’homme a

d’eau que Jérusalem, qui est pourtant à une altitude supérieure, et l’on explique ce fait par la situation des deux villes, la première étant dans un pays boisé, la seconde au contraire dans un pays absolument dénudé. Cf. L. Anderlind, Der Einfluss der Gebirgswaldwpgen im nôrdlichen Palàstina auf die Vermehrung der wâsserigen Niederschlàge daselbst, dans la Zeitschrift dos deutschen Palâstina-Vereins, t. viii, 1885, p. 101116. La raison peut être valable ; il est possible que la pluie printanière fût plus abondante autrefois, beaucoup de nuages légers qui venaient de l’ouest

538. — Jardins de Jaffa. D’après une photographie.

détruit sans replanter, et que la dent des animaux a arrêté l’essor des pousses naturelles, on peut croire, de l’autre, que la Palestine, au moins depuis les Hébreux, n’a jamais été un pays très boisé. Si la dénudation a eu de pernicieux effets, elle ne saurait être l’unique cause de la désolation actuelle.

La pluie, d’ailleurs, était-elle plus abondante autrefois qu’aujourd’hui ? Il serait difficile de l’affirmer. /D’après la Bible et le Talmud, les saisons paraissent bien les mêmes ; le manque d’eau se faisait sentir alors comme maintenant. Il suffit de voir l’immense quantité de citernes, de réservoirs que les anciens habitants ont creusés, pour comprendre avec quel soin jaloux ils emmagasinaient, comme ceux d’aujourd’hui, l’eau que leur envoyait le ciel. On peut se rappeler aussi comment les tribus pastorales se disputaient les puits. Le régime des vents n’a pas changé. Il est vrai, comme nous l’avons vu plus haut, que Nazareth reçoit plus

étant arrêtés par les bois et arrosant le pays haut. Mais ici encore il y a une question de dégrés et nonpas un changement essentiel dans le climat.

Sans donc méconnaître complètement l’influence deces causes, il faut en chercher d’autres, et elles se trouvent dans l’état d’abandon auquel le pays est livré depuis longtemps, état qui lui-même a ses causes. Que sont devenus les aqueducs qui jadis, en différents endroits, portaient l’eau et la fertilité ? Leurs débris, marquent encore le chemin qu’ils suivaient, comme certains squelettes d’animaux marquent la route du. désert. Les canaux destinés à régulariser les cours d’eau ont été détruits et sont souvent remplacés par^ des marais malsains. Les murs qui, sur le flanc des collines, retenaient les terrasses, sont en partie démolis. C’est ainsi que les environs de Jéricho qui, du temps d’Hérode, étaient une sorte de Seïov -/ûptov, ou « domaine des dieux », pour employer l’expression de>

Josèphe, ont perdu leur antique splendeur, et l’on en peut dire autant d’une foule d’autres lieux. Mais si la Palestine était autrefois beaucoup mieux cultivée, si les limites de la culture s’étendaient bien au delà de celles d’aujourd’hui, jusqu’en plein désert, si la contrée méridionale, pierreuse actuellement, était couverte de terrasses comme celles de la Ligurie et de la Provence, n’est-ce pas que le pays était quatre ou cinq fois plus peuplé que maintenant, avec des villages et des villes llorissantes dans des régions presque désertes de nos jours ? Et puis, au lieu de l’incurie gouvernementale qui règne depuis longtemps en cette malheureuse région, qu’on se rappelle le soin avec lequel les anciens cherchaient à y développer l’industrie et la prospérité. Les exactions d’aujourd’hui, jointes peut-être à l’indolence naturelle des habitants, n’ont pu que contribuer à l’appauvrissement d’une terre naturellement fertile. Concluons donc que le vieux sol biblique, malgré sa déchéance, n’a rien ou presque rien perdu de son fonds de richesse, et que, sous l’effort d’une industrieuse activité, il récompenserait encore abondamment le travail de l’homme. C’est ce qu’ont bien compris les nombreuses colonies étrangères qui sont venues lui redemander le lait et le miel d’autrefois.

Outre les ouvrages que nous avons cités au cours de cette étude sur le climat et la fertilité de la Palestine, on peut voir encore : J. Glaisher, On the fall of rain at Jérusalem in the 3H years from 1861 to 1892, dans le Palestine Exploration Fund, Quart, St., 1894, p. 39-44 ; Zumoffen, La météorologie de la Palestine et de la Syrie, dans le Bulletin de [la Société de géographie, Paris, 1899, t. xx, p. 344 sq. et 462 sq. ; G. Arvanitakis, Sur un argument d’Arago, à propos d’un calcul pour déterminer la « température moyenne de la Palestine », et Essai sur le climat de Jérusalem, deux communications faites à l’Institut égyptien au Caire, le 2 mars et le 29 décembre 1903, tirages à part de 6 et 64 pages ; C. R. Gonder, The fertility of ancient Palestine, dans le Pal, Expl. Fund, Quart. St., 1876, p. 120-132.

VI. FLORE. — La végétation palestinienne est naturellement en rapport avec les conditions climatériques que nous venons de décrire. La lumière éclatante du soleil contribue elle-même à embellir à nos yeux les arbres et les plantes, dont les teintes variées se détachent d’une manière plus tranchée grâce à la pureté de l’atmosphère. D’autre part, ce qui détermine le régime de la vie végétale dans ce domaine méditerranéen, ce n’est pas seulement la température plus élevée, c’est la marche des saisons différente de celle du nord de l’Europe. Tandis que, dans le nord, les phases de la végétation coïncident avec la période plus chaude de l’année, dans le midi les plantes se développent au printemps, demeurent stationnaires tant qu’elles sont privées d’humidité, et se ravivent de nouveau sous l’ac.tion des pluies d’automne. Enfin l’action de la chaleur sur les végétaux se manifeste moins par l’augmentation de la température estivale que par la diminution du froid hivernal. Après avoir étudié les origines du pays biblique au point de vue géologique, les analogies de ses premiers êtres vivants avec ceux des autres contrées de même formation, nous avons à examiner les caractères de la vie actuelle et leurs rapprochements avec îa flore d’abord et ensuite la faune des autres pays. Il ne s’agit pour nous que d’un coup d’oeil général, sans envisager spécialement la flore biblique. La nomenclature des Arbres mentionnés dans la Bible a été donnée 1. 1, col. 889-894, et celles des Herbacées (Plantes), t. iii, col. 596-599 ; en outre chaque nom a son article particulier. Les notions suivantes auront cependant leur utilité pour l’ensemble de la botanique sacrée.

1. Géographie botanique. — La flore de la Syrie et de, 1a Palestine diffère peu de celle de l’Asie-Mineure,

qui est une des plus riches et des plus variées du globe ; elle en forme la limite sud-est. Celle-ci appartient elle-même au domaine méditerranéen, qui comprend la Grèce, l’Italie, le sud de la France, l’Espagne, le nord de l’Afrique, sans parler des îles. Cependant, si la flore de Palestine est en grande partie méditerranéenne, elle se rattache aussi à celle d’autres pays, de la Perse sur la frontière orientale, de l’Arabie et de l’Egypte sur la frontière méridionale, de l’Arabie et de l’Inde dans la vallée du Jourdain et les environs de la mer Morte. Sur les 3000 espèces de plantes phanérogames qu’elle renferme, 250 lui sont particulières, bien qu’étroitement apparentées à d’autres espèces ou variétés, 161 appartiennent à la région éthiopienne, 27 à la région indienne, sans en compter un grand nombre qui sont communes à l’Ethiopie et à l’Inde. Cf. H. B. Tristram, The fauna and flora of Palestine, dans le Survey of Western Palestine, Londres, 1884, p. vi. On peut, en somme, croyons-nous, établir trois grandes divisions du règne végétal en Palestine.

1° Tout le littoral, c’est-à-dire côtes, vallées et petites collines, appartient à la flore méditerranéenne. La végétation a les mêmes caractères qu’en Espagne, en Algérie et en Sicile, mais toutefois avec des modifications qui sont plus considérables à mesure qu’on avance vers le sud, du côté de l’Egypte. Elle se distingue par la prédominance des beaux arbres toujours verts, à feuilles persistantes, tels que l’olivier, le chêne vert ou yeuse, Quercus ilex, le chêne kermès, Qûèrcus coccifera, le pin pignon, Pinus pinea, les lauriers, Laurus nobilis, les tamaris, Tamarix syriaca, T. tetragyna, les lentisques, Pistachia lentiscus, et les térébinthes, Pistachia palsestina ou P. terebinthus. On peut ajouter d’autres espèces plus humbles, mais non moins caractéristiques, comme les cistes, Cistus villosus, particulièrement abondant au Carmel, C. creticus, la forme la plus commune sur les collines du sud,

C. salviifolius ; les lavandes, Lavandula stœchas, L. coronopifolia ; le myrte, Myrtus communis, etc. Citons encore les plantes suivantes : clématites, Clematis cirrhosa, C. flammula, C. vitalba ; anémones, Anémone coronaria ; renoncules, Ranunculus calthœ-folius ; dauphinelles, Delphinium rigidum, propre à la Palestine,

D. peregrinum ; papavéracées, Glaucium corniculatum, G. luteuni ; fumariacées, Ceratocapnos palsestina, propre à la Palestine, Fumaria judaica ; crucifères, Matthiola tricuspidata, M. crassifolia, propre à la Palestine ; scilles, Scilla autumnalis, Se. hyacinthoides, etc.

Nous rattachons à cette première région une partie de la chaîne montagneuse, dont la flore peut être dite de basse montagne. Cette flore est caractérisée par divers chênes, dont plusieurs à feuilles caduques : Quercus infectoria, dans la région du nord ; Quercus Calliprinos, mont Thabor ; Qu. pseudococcifera, Carmel, Galilée ; Qu. palsestina, Hébron, trois variétés du Quercus coccifera ; Quercus cerris ; Quercus lthaburensis, variété du Qu. aegilops, Carmel, Thabor, toutes les collines de Galilée et de Samarie. Ajoutons les frênes, Fraxinus oxyphilla, F. parvifolia, [i » ns les montagnes du nord ; les cyprès, Çupressus sempervirens, et, sur le bord des eaux, les peupliers, Populus alba, P. nigra ; les platanes, Platanus orientalis. On trouve également près d’Hébron, sur les hauteurs du désert de Juda, comme sur la côte, le pin d’Alep, Pinus halepensis.

2° Le sud de la Palestine ou le Négéb et le désert de Juda, c’est-à-dire le flanc oriental des monts judéens, appartiennent plutôt, pour une bonne partie, à la flore désertique. Le pays se distingue par une grande variété, mais aussi par la< sécheresse et les épines de ses arbustes, ainsique par le nombre beaucoup moins grand des arbres. Les traits caractéristiques de cette flore sont une quantité de petits buissons gris et épi

lieux, Poterium, de genêts, Rétama rsetam, de labiées grises aromatiques, Eremostachys, de plantes du printemps brillantes, mais petites et qui durent peu ; une quantité de chardons qui prédominent en été, lorsque la verdure a disparu. Les montagnes n’ont plus que des groupes clairsemés d’arbres, de chênes au feuillage épineux, d’arbousiers, etc. ; on voit çà et là des genévriers, des buissons nains à épines. Au milieu des rochers l’on rencontre des sauges, Salvia graveolens, S. controversa, des borraginées, Heliotropium persicum, Anchusa hispida, Echium sericeum, etc. Parmi les plantes désertiques, appartenant au Sahara ou au nord de l’Afrique, signalons : des crucifères, Eremobium lineare, Farsetia segyptiaca, Russonia uncata ; des résédacées, Resedtx propinqua, var. Eremophila, R. arabica, Oligomeris subulata ; des cistinées, Hedianthemum Kahiricum ; des paronychiées, Robbairea proslata, Polycarpssa fragilis ; des géraniacées, Erolium hirlum, Monsonia nivea ; de nombreuses astragales, Astragalus tenuirugis, A. hispidulus, A. peregrinus, etc.

3° La vallée du Jourdain et les bords de la mer Morte ont, en raison du climat, une végétation à part, qui se rapproche le plus de la flore tropicale. On y rencontre bon nombre de plantes qui sont complètement étrangères à la contrée occidentale de la Palestine. La plus commune est le Zizyphus Spina-Christi, le nabk des Arabes, couvert d’épines aiguës comme de fines aiguilles, formant des buissons impénétrables, et propre au Sahara, à la Nubie, à l’Abyssinie, à l’Arabie tropicale, au nord-ouest de l’Inde. Presque aussi répandue est celle qu’on appelle Balanites segyptiaca, dont le fruit donne l’huile nommée zuk par les Arabes. On trouve en abondance : l’Ochradenus baccatus, arbuste touffu, presque sans feuilles, avec de petites baies blanches ; différentes sortes d’acacia, Acacia nilotica, A. tortilis, et V Acacia seyal, le « bois de setim » de la Bible ; le câprier, Capparis spinosa, qui forme des groupes remarquables dans le creux aride des rochers ; le Mimosa unguis-cati, qui est pourvu d’épines très longues et qui se couvre au printemps des fleurs les plus élégantes et les plus odorantes ; VAlhagi Maurorum ; la pomme de Sodome ou Solanum Sodomseum, dont le fruit, de la grosseur d’une pomme d’api, laisse échapper, lorsqu’on l’écrase, une quantité innombrable de fines graines. Aïn-Djidi, l’ancienne Engaddi, offre encore de beaux groupes d’une asclépiadée appelée Calotropis procera, qui peut atteindre les dimensions d’un figuier de moyenne grandeur. Voir fig. 223-225, t. iii, col. 1287-1289. Sur les hauteurs désertes qui avoisinent la mer Morte, du côté d’'Aïn Djidi, se trouve la célèbre crucifère appelée à tort rose dejéricho, Anastatica hierochuntina, qui, une fois desséchée, se contracte en une boule que le vent roule dans les sables ; mais, si l’on trempe l’extrémité de la racine dans un peu d’eau, grâce à un système vasculaire très développé, la plante absorbe le liquide et s’épanouit bientôt en une cupule des plus gracieuses, même après un grand nombre d’années d’une dessiccation complète. Voir t. iii, fig. 227, 228, col. 1291, 1293. C’est encore dans les environs de la mer Morte qu’on rencontre la Salvadora persica, regardée comme étant le sénevé de la parabole évangélique. Au sud-ouest, dans le petit ouadi Zuéiréh, on a recueilli plus de 160 espèces de plantes, et sur ce nombre 135 sont africaines. On a remarqué ce contraste singulier dans la répartition de certaines plantes : parmi les légumineuses, on ne compte pas moins de 50 espèces de Trifolium et 74 espèces d’Astragalus connues en Palestine ; or, un seul Trifolium, le T. stenophyllum se trouve dans le sud, et pas un dans la vallée du Jourdain, tous étant européens ou ayant des affinités européennes ; des Astragales, au contraire, 3 seulement ; ont des affinités palæarctiques, les autres se rattachent à l’Inde ou ap partiennent exclusivement à la région orientale ou éthiopienne. Cependant les Astragales ne sont pas confinées dans la vallée du Jourdain ; il n’y en a pas moins de 35 espèces qui sont limitées à la montagne et aux régions sub-alpines du Liban et de l’Anti-Liban. La masse du reste appartient à la vallée du Jourdain et au désert méridional. Cf. H. B. Tristram, The Fauna and Flora of Palestine, p. xv. Parmi les plantes tropicales de la contrée, nous pouvons citer encore : Abutilon fruticosum, A. niuticum, Zygophyllurti coccineum, Indigofera argentea, Boerhaavia plumbaginea, Coriyza dioscoridis, Trichodesma africana, et, près d’Engaddi, la haute et curieuse Moringa aptera, etc. Enfin le papyrus, Papyrus antiquorum, le Babir des Arabes, forme d’épais fourrés sur les bords du lac de Tibériade et du lac Houléh. Ce dernier marque la limite orientale de l’aire de dispersion de cette remarquable cypéracée africaine. Les espèces que nous venons de mentionner constituent un ensemble qui rappelle la végétation de l’Abyssinie ou de la Nubie et donnent un grand intérêt au Ghôr, comme à l’oasis tropicale la plus rapprochée de l’Europe. — Les bords du Jourdain sont, comme on le sait, un véritable fourré d’arbres et d’arbustes : de tamaris, Tamarix jordanis ; de peupliers, Populus euphratica, arbres gigantesques et dont les fins rameaux sont chargés de graines blanches et soyeuses ; à.’Agnus-castus ; A’Arundo donax élevés ; d’Eleagnus ; de saules aux troncs noueux, etc. Dans les petites dunes du cours inférieur, en approchant de la mer Morte, fleurissent des myriades d’une jolie statice à fleurs jaunes, Statice Thouiniî.

La flore de la région transjordane rentre dans la triple division que nous venons d’exposer, La végétation méditerranéenne y est représentée par les espèces suivantes : CUtus villosus et C. salviifolius ; montagnes de Moab et de Galaad ; Rhus coriaria, Djebel Oscha’et Djebel ed-Drûz ; Pistachia terebinthus, var. palsestina, Moab, Galaad, Djebel edDrûz ; Punica granatum, Galaad ; Myrtus commwnis, Galaad ; Arbutus Andrachne, var. serratula, monts de Moab et de Galaad ; Oleea Europœa, Moab ; Vitex agnus-castus, Dj. edDrûz ; Celtis australis, Galaad ; Ficus carica, Moab et Galaad ; Quercus coccifera, Moab, Galaad, Kaurân, avec les espèces forestières, Qu. cerris, Dj. Qulelb, et Qu. segilops, Moab, Galaad ; Pinus Halepensis, Moab, Galaad ; Asparagus acutifolius ; Smilax aspera, Moab ; Adian-’tum capillus-Veneris, fougère qu’on trouve dans les endroits humides, et, en particulier, dans une grotte à’Ayûn Mûsa. — Comme représentants de la flore désertique, nous signalerons : Tamarix mannifera, Callirrboé ; le Rétama ralara, sur les basses montagnes qui bordent le Ghôr ; l’Acacia tortilis, Callirrhoé ; Pallenis spinosa, Moab ; Salicornia frûcticosa ; Atraphaxis spinosa, montée du Ghôr vers’Ayûn Mûsa ; Etnex spinosus, sur les flancs du Ghôr ; Phœnix dactylifera, dans les vallées aux environs de la mer Morte ; Stipa capillata, Haurân. — La flore tropicale existe à l’est comme à l’ouest du Jourdain et de la mer Morte. Cf. Palestine Exploration Fund, Quart. Statement, 1888, p. 211-237.

Après ce coup d’œil géographique, il nous suffit d’indiquer quelles sont les familles les plus abondantes en Palestine. Ce sont : 1° les Légumineuses, 358 espèces parmi lesquelles les genres Trifolium, Trigonella, Medicago, Lotus, Vicia et Orobus croissent dans les terrains plus riches, et les Astragales dans les terrains plus secs et plus dénudés. — 2° Les Composées (340) ; aucune famille ne frappe davantage l’observateur par l’abondance des charbons, centaurées et autres plantes printanières, qui fourmillent dans les plaines fertiles comme sur les collines pierreuses et dominent souvent de leur hauteur toute autre végétation herbacée. Les principaux genres sont Centawea, Echinops, Onopo’r

dum, Cirsium, Cynara et Carduus. — 3° Les Labiées (175) sont caractérisées par le parfum qu’elles répandent pour la plupart et dont elles embaument les collines de Galilée et de Samarie, odeur de marjolaine, de thym, de lavande, de menthe, de calament, de sauge, de romarin. — 4° Les Crucifères (195) croissent généralement dans les lieux déserts, stériles, dans les montagnes ; parmi les plus remarquables est une très haute moutarde, qui ne diffère guère de la commune Sinapis migra, excepté en grandeur, etl’Anastatica hierochuntica.

— 5° Les Umbellifères (141) abondent en fenouils et Bupleurum ; elles forment pour une bonne partie les hautes rangées d’herbes qui se trouvent sur le bord des taillis et dans les creux humides. — 6° Les Silénées (86) se distinguent par une multitude d’oeillets, Silène et Saponaria. — 7° Les Borraginées (92) sont pour la plupart des plantes annuelles, à l’exception des Echium, Anchusa et Onosma, qui comptent parmi les plus belles de la contrée. — 8° Les Scrophulariacées (91) offrent comme genres principaux Scrophularia, Veronica, Linaria et Verbascum. — 9° Les Graminées, quoique d’espèces très nombreuses (158), présentent rarement le gazon des contrées humides et froides. VArundo donax, le Saccharum œgyptiacum et YErianthus Ravennx sont remarquables par leur taille et les plumes soyeuses de leurs fleurs. — 10° Enfin les Liliacées (113) ont une variété et une beauté qui n’est peut-être surpassée nulle part, spécialement dans les genres bulbeux, lis, tulipes, fritillaires, scilles, gagées, etc. Les fougères sont extrêmement rares, à cause de la sécheresse du climat, et la plupart des espèces appartiennent à la flore du Liban.

2. Plantes cultivées. — À ces plantes naturelles que Dieu a semées en Palestiue selon le sol qui leur était propice, il faut ajouter celles que l’homme a cultivées, développées, améliorées et même introduites de pays étrangers. Il importe de distinguer, sous ce rapport, celles que le terrain a toujours produites et celles que l’industrie humaine a apportées d’ailleurs. La division s’applique aux arbres fruitiers, aux céréales, aux plantes potagères.

A) Arbres fruitiers. — 1° Indigènes. — En premier lieu vient l’olivier, Olea europœa, arabe : schadjarat ez-zeitûn, dont les fruits sont une des principales prc ductions de la Syrie. Viennent ensuite : le figuier, Ficus carica, ar. : schadjarat et-ttn, dont le fruit se mange frais ou après avoir été pressé et séché ; l’amandier, Amygdalus communis, ar. : loi ; le grenadier, Punica granatum, ar. : rumrndn, dont les fruits cependant ne valent pas ceux^ d’Egypte ou de Bagdad ; le genévrier, Junipcrus phxiiicea ; le pistachier, Pislacia vera, ar. : fustûq ; le caroubier, Ceratonia siliqua, ar. : kharrûb, dont les gousses servent de nourriture aux pauvres et dont les feuilles persistantes répandent une ombre agréable ; le sycomore, Ficus sycomorum, ar. : djummeiz, au tronc robuste, aux longues branches horizontales, et dont les fruits, semblables à de petites figues de couleur verte et insipides, sont apportés en quantités considérables aux marchés de Gaza et d’Ascalon ; le pommier, Malus communis, ar. : schadjarat et tuffah, et le poirier, Pirus communis, ar. : schadjarat etindjâs, quoique moins répandus. On trouve des cognassiers, Cydonia vulgaris, ar. : essafardje, en Galilée, en particulier près de Nazareth, et en Judée, près d’Hébron. Les noyers, Juglans regia, ar. : djôz, étaient, au temps de Josèphe, Bell, jud., III, x, 8, abondamment cultivés dans la plaine de Génésareth ; ils se rencontrent aujourd’hui surtout dans la région du Liban. L’abricotier, Armeniaca vulgaris, ar. : Mischmisch, donne des fruits excellents en Syrie ; séchés au soleil, ils sont l’objet d’un commercetrès important à Damas ; mais l’arbre est beaucoup moins répandu en Palestine, on lé trouve surtout sur la côte et en différents endroits

de la montagne. Le pêcher, Persica vulgaris, ar. : durrâq, est également moins commun qu’en Syrie. Le palmier, Phœnix dactylifera, ar. : nakhl, ne prospère que dans la région sud du littoral ; il croît à l’état sauvage, sans fruits, dans les gorges situées à l’est de la mer Morte, et çà et là dans l’intérieur du’pays. Enfin la vigne a encore une culture florissante en plusieurs endroits ; elle donne d’excellentes et magnifiques grappes, avec lesquelles on fabrique un vin agréable ou une espèce de sirop cuit, dibs, ou l’on prépare des raisins secs. Cette culture s’est beaucoup développée depuis un certain temps, grâce aux colonies qui sont venues s’établir en Palestine.

2° Introduits. — Le bananier, Musa paradisiaca, ar. : môz, est un arbre importé de l’Inde. Cultivé à la fin du xvie siècle sur les bords du lac de Tibériade, il n’existe plus que sur la côte. Le mûrier, Morus alba, ar. : schadjarat et-tût, qui semble originaire de Chine, n’a été cultivé en Palestine qu’à une époque tardive après l’ère chrétienne ; il en est souvent fait mention au temps des croisades. On voit également le mûrier noir, Morus nigra. Le cédratier, Citrus medica, qu’on dit originaire de Perse et de Médie, était certainement très commun en Palestine un siècle avant notre ère, puisqu’à la fête des Tabernacles, sous Alexandre Jannée, les Juifs avaient tous à la main des cédrats. Josèphe, Ant. jud., III, x, i. Le citronnier, Citrus limonum, ar. : leimûn, qu’on peut à peine séparer spécifiquement du précédent, ne paraît avoir été, comme lui, connu des Hébreux que vers l’époque de la captivité de Babylone. Le cactus, Opuntia vulgaris, fut introduit de l’Amérique centrale en Europe vers le commencement du xvi « siècle ; il abonde en Palestine, où il atteint de grandes proportions et forme autour des jardins et des champs des haies impénétrables ; le fruit est d’un goût sucré mais fade, quoique assez apprécié des Arabes. Enfin un autre arbre transplanté d’Extrême-Orient, c’est l’oranger, qui fait la gloire des jardins de Jaffa.

B) Céréales. — Les Hébreux, en arrivant dans la Terre Promise, y trouvèrent les principales céréales, importées par l’homme de son berceau d’origine, mais dont la vraie patrie est encore ignorée, comme le blé, l’épeautre, l’orge et le millet. Le blé, Triticum sativum, hébreu : hilldh, a dans la plaine d’Esdrelon un grain long et mince, tandis que celui du Haurân, plus estimé, est court et gros. L’épeautre, Triticum Spelta, héb. : kussémêf, est une plante très voisine du vrai blé, probablement une simple race artificielle obtenue par la culture à une époque qu’il est impossible de préciser. L’orge, Hordeum vulgare, héb. : ée’ôrâh, sert aux pauvres à faire du pain ; mais on l’emploie principalement comme nourriture pour les animaux. Le millet, Panicum miliaceum, hébreu : dôhân, est une herbe originaire de l’Inde, mais cultivée dans toutes les régions chaudes et tempérées du globe. Le maïs, Zea maïs, est d’origine américaine.

C) Plantes potagères. — I « Indigènes. — Les principales sont : les pois, Pisum sativum ; les fèves, Faba vulgaris, héb. : pôl ; ar. : fûl ; les lentilles, Lens esculenta, héb. : ’âdâsim ; ar. : ’adas ; l’ail, Allium sativum, héb. : &ûm ; ar. : tûm ; l’espèce la plus commune en Palestine est celle que nous appelons échalotte, Allium Ascalonicum, parce qu’ellefut apportée d’Ascalon en Europe par les croisés ; l’oignon ; Allium Cepa, héb. : besdlîm, ar. : basal ; le poireau, Allium Pomim, héb. : hâsir ; ar. : kurrdth. Citons encore parmi les espèces indigènes que les jardins recueillirent de de très bonne heure : l’hysope, la laitue, le pavot, le safran, le cumin, le carvi, la coriandre, la rue, la colocase.

2° Introduites. — À ces plantes furent ajoutés les concombres, les pastèques, les melons, introduits des

régions tropicales. Aujourd’hui les plaines de Saron et de Séphélah sont riches en ce genre de culture.

Quelques arbres ont disparu de la flore palestinienne, entre autres le baumier de Galaad, Balsamodendron opobalsamum, qui était autrefois cultivé à Jéricho et à Engaddi. Cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, vi, 6 ; IX, i, 2 ; XIV, IV, 1. Enfin c’est à l’état de simples matières commerciales que les Hébreux connurent la cannelle, le nard, l’encens, la myrrhe et la gomme, le bois d’ébène, de santal et d’aloès, car on ne peut supposer que les plantes qui leur donnent naissance aient jamais pu croître sur la terre de Palestine.

Voir, sur la flore méditerranéenne en particulier, A. Grisebach, La végétation du globe, trad. par P. de Tchihatcheꝟ. 2 in-8°, Paris, 1875, t. i, p. 339-556 ; sur la flore actuelle de Palestine : H. B. Tristram, The Fauna and Flora of Palestine, in-4°, dans le Survey of Western Palestine, Londres, 1884, ouvrage capital, qui peut être complété par C. et W. Barbey, Herborisations au Levant, avec Il planches et carte, in-4°, Lausanne, 1882 (cf. H. B. Tristram, Addenda to the Flora of Palestine, dans le Palestine Exploration Fund, Quart. St., 1885, p. 6-10 ; P. Ascherson, Barbey’s Herborisations au Levant und Dr. Otto Kersten’s botanische Sammlungen aus Palàstina, dans la Zeitschrift des Beutschen Palâstina-Vereins, t. VI, 1883, p. 219229) ; H. Chichester Hart, À naturalisas joumey to Sinaï, Petra and south Palestine, dans le Pal. Expl. Fund. Quart. St., 1885, p. 231-286 ; G. E. Post, Narrative of a scientific expédition in the Transjordanic région in the spring of 1886, dans le Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1888, p. 175-237 ; Flora of Syria, Palestine and Sinaï… and front the Mediterranean sea to the Syrian désert, Beirut, s. d. (cf. H. Christ, Zur Flora der biblischen Lànder, dans la Zeitschrift des Beut. Pal.-Ver., t. xxiii, 1900, p. 79-82 ; L. Anderlind, Ackerbau und Thierzucht in Syrien, insbesondere in Palàstina, dans la Zeitschrift des Beut. Pal. Ver., t. îx, 1886, p. 1-73 ; Bie Fruchtbàume in Syrien, insbesondere in Palâslina, ibid., t. xi, 1888, p. 69-104 ; Bie Bebe in Syrien, insbesoudere Palàstina, ibid., t. xi, 1888, p. 160-177). Pour la flore biblique, voir à l’article Botanique sacrée, t. î, col. 1867-1869, la Bibliographie, à laquelle on peut ajouter : L. Fonck, Streifzùge durch die biblische Flora, Fribourg-en-Brisgau, 1900 (cf. H. Christ, Zur Flora der biblischen Landes, dans la Zeitschrift des Beut. Pal.-Ver., t. xxiii, 1900, p. 82-90). — Pour les plantes bibliques dans leurs rapports avec l’agriculture, l’art et la religion, et dans leur comparaison avec celles qui étaient connues chez les Egyptiens et les Sémites, voir Ch. Joret, Les plantes dans l’antiquité et au moyen âge, 1’" partie, Les plantes dans l’Orient classique, in-8°, Paris, 1897.

vu. faune. — Les conditions de climat ou d’immigration ont également influé sur la répartition de la vie animale au sein de la Palestine. Mais, avant d’exposer ce côté de la question, nous jetterons un coup d’oeil sur les principaux animaux que ce pays renferme actuellement. Pour la nomenclature des animaux mentionnés dans la Bible, voir t. i, col. 604611.

1. Les animaux. — A) Mammifères. — 1 « ; Animaux domestiques. — Aujourd’hui, comme dans l’antiquité, les troupeaux de moutons et de chèvres, ce que les Hébreux appelaient le menu bétail, sô’n, constituent une partie importante de la richesse des particuliers. Le Belqd, à l’est du Jourdain, est aussi, comme autrefois, la contrée la plus favorable à l’élevage des brebis. Cependant le désert et les parties montagneuses du pays tout entier offrent à ce précieux animal une nourriture suffisante. La race la plus répandue est celle qu’on nomme Ovis laticaudata ou à grosse queue, distinguée ainsi de l’espèce commune, Ovis aries. Ce

qui la caractérise, en effet, c’est l’énorme développement de graisse qui s’amasse autour des vertèbres caudales. Voir Bbebis 1, t. i, col. 1911. Le lait de brebis est également très estimé et à juste titre. La chèvre commune, Capra hircus, est représentée par deux variétés, dont la principale est celle de la Capra membricafve, connaissable à ses fortes cornes, à sa taille plus grande et surtout à ses oreilles pendantes qui ont un pied de longueur. Dans le nord, au voisinage de l’Hermon, on rencontre la Capra angorensis, aux oreilles et aux cornes plus courtes, au poil plus long et plus soyeux, mais aux formes plus massives. La couleur prédominante dans les deux est le noir. Voir Chèvre, t. ii, col. 692. — Le bœuf de Palestine, Bos tam-us (le bdqâr hébreu est un nom collectif désignant le gros bétail), est généralement de petite taille, à jambes courtes et assez frêles. La plus belle race se trouve dans la plaine côtière, où l’animal est employé aux divers travaux d’agriculture ; il est plus rare dans la région montagneuse, sauf dans quelques plaines. La Galilée entretient également une belle race de bœufs arméniens, et ceux de Galaad et de Moab font la principale richesse des Arabes. Voir Bœuf, t. i, col. 1826. Dans la partie septentrionale de la vallée du Jourdain, spécialement dans la région marécageuse du lac Ilûléh, on rencontre le buffle, Bos bubalus, qui a la taille plus haute et les proportions plus massives que le bœuf ordinaire, avec un front plus bas et un mufle plus large. Originaire de l’Inde, il n’a pénétré dans l’Asie occidentale qu’à une époque assez tardive. Voir Buffle, t. i, col. 1963.

Chez les Hébreux, la principale monture, pour les riches comme pour les pauvres, était l’âne, héb. : hamôr ; aujourd’hui il ne sert plus guère qu’aux pauvres, ou bien il est employé comme bête de somme. L’âne domestique appartient à deux variétés : le grand âne du désert syrien, généralement de robe blanche, et qui se rapproche de l’âne du Caire, et l’âne vulgaire, supérieur à nos espèces d’Europe, plus haut et plus fort, moins beau cependant, moins vif et moins patient que celui d’Egypte. Voir Ane, t. i, col. 566. Le cheval, héb. : sus, ne fut, on le sait, introduit qu’assez tard chez les Israélites ; il est surtout réservé à la selle par les Arabes. Les plus beaux chevaux "sont ceux des Bédouins, ’Anézéh. Voir Cheval, t. ii, col. 674. Le mulet, héb. : péréd, est actuellement d’un usage ordinaire en Palestine ; il sert souvent de monture ou de bête de charge. Dédaigné des Arabes, il est utilisé parla population sédentaire pour son endurance et l’aisance avec laquelle il marche à travers les sentiers les plus accidentés. Voir Mulet, col. 1336. Le chameau, héb. : gàmâl, est tout à la fois bête de somme, de monture, de labour, parfois même de boucherie. Celui qu’on emploie aujourd’hui en Palestine est le chameau à une bosse ou Camelus dromadarius. Il constitue la grande source de richesse des Bédouins, qui en ont des troupeaux. Voir Chameau, t. ii, col. 519.

2° Animaux sauvages. — a) Carnivores. — En Orient, le chien et le chat tiennent le milieu entre les animaux domestiques et les animaux sauvages. Le chien, héb. : kéléb, ne diffère pas aujourd’hui de celui d’autrefois ; c’est la même race qui sert aux bergers et qui erre dans les villes et les campagnes. Mais, chose singulière, les Hébreux et les habitants de la Syrie ne lui ont jamais accordé la place que lui ont donnée presque tous les autres peuples. On en rencontre dans les villes et les villages des bandes errantes, qui vivent à l’état de nature, sans avoir de maîtres particuliers. Dans les rues, ces animaux se chargent du service sanitaire en dévorant rapidement les débris de toute sorte qu’on y jette. Voir Chien, t. ii, col. 697. Il n’existe pas de nom hébreu pour désigner le chat. Si le chat domestique est aujourd’hui plus commun qu’autrefois en Palestine, il n’y est presque jamais

complètement apprivoisé. Voir Chat, t. ii, col. 625. L’animal qui se rapproche le plus du chien est le chacal, hêb. : sû’âl, dont le pelage gris-jaune, foncé en dessus et blanchâtre en dessous, lui a fait donner le nom de Canis aureits. Il a de tout temps abondé dans la Palestine. Il tient le milieu entre le loup et le renard. Voir Chacal, t. H, col. 474. Ce dernier est représenté par deux espèces : le Vulpes niloiica ou renard égyptien, commun dans le sud et le centre de la Palestine, extrêmement abondant en Judée et à l’est du Jourdain, et dont les habitudes, tout à fait distinctes de celles du chacal, de diffèrent, pas de celles de notre renard ; le Vulpes flavescens, qui habite les districts boisés de la Galilée et le nord de la contrée. Le loup commun, Canis lupus, se rencontre encore assez souvent dans les plaines maritimes, dans les ravins de Galilée et surtout du territoire montagneux de Benjamin, quelquefois aussi dans les forêts de Easan et de Galaad. On trouve également dans le sud le loup d’Egypte, Canis lupaster, plus petit de taille, au museau plus aigu, aux membres plus grêles, au poil d’un jaune doré, d’un système musculaire peu développé, qui ne lui permet guère de s’attaquer aux gros animaux. Voir Loup, col. 372.

Le lion, héb. : ’ârî, ’aryêh, lâbî’, avait autrefois de nombreux repaires en Palestine, surtout dans les épais fourrés de la vallée du Jourdain, mais il en a disparu depuis longtemps. Voir Lion, col. 267. Le léopard, héb. : nâtnêi ; le Felis pardus, existe encore dans les environs de Ja mer Morte, dans les anciens pays de Galaad et de Basan ; bien qu’il soit rare en Galilée, on peut cependant constater ses traces sur le Thabor et le Carmel. Au même genre appartiennent : le guépard, Felis jubaia, ou tigre des chasseurs, qui est rare, mais se voit quelquefois sur les collines boisées de Galilée et dans le voisinage du Thabor, et est plus commun à l’est du Jourdain ; le lynx caracal, Felis caraca, très rare en Palestine. Voir Léopard, col. 172. La panthère, Pardalis, a beaucoup de ressemblance avec le léopard, mais s’en distingue par une taille en général moins grande, des taches plus larges et moins rapprochées et quelques détails anatomiques. On rencontre aussi plusieurs espèces de chats sauvages : le Felis chaus, qui deux fois plus grand que le chat domestique, ressemble plutôt au lynx, et se tient spécialement dans les fourrés des bords du Jourdain ; le Felis maniculata, rare à l’ouest du fleuve, mais commun à l’est. Vhyène, héb. : sabua’, est, en Palestine, la carnassier qui existe en plus grand nombre après le chacal. Ces animaux, qui vont jusqu’à déterrer les cadavres humains pour s’en repaître, établissent principalement leurs demeures dans les anciennes cavernes sépulcrales, dont le pays est rempli. Voir Hyène, t. jii, col. 790. L’ours, héb. : dôb, VUrsus syriacus, est devenu très rare en Palestine, mais se rencontre encore fréquemment sur l’Hermon et dans les parties boisées du Liban ; il existe également à l’est du Jourdain. Le.pays renferme d’autres petits carnassiers, comme la belette, Mustela vulgaris, le putois, Mustela putorius, l’ichneumon, herpestes ichneumon. Voir Belette, t. i, col. 1560 ; Ichneumon, t. iii, col. 803.

b) Pachydermes. — Le sanglier, héb. : hâiîr, le Sus scrofa, est répandu dans tout le pays, principalement dans les endroits marécageux et couverts de fourrés. L’âne sauvage, Asinus onager, héb. : ’ârôd, et Asinus hemippus, héb. : perd’, s’aventure parfois dans le Hauran, au dire des Arabes. À cet ordre appartient un animal dont l’identification présente quelque difficulté, c’est le sâfân hébreu, qu’on assimile généralement aujourd’hui au daman, VHyrax syriacus. Il ressemble extérieurement au lapin et à la marmotte, et se rencontre fréquemment en Palestine, surtout dans les gorges du Cédron, dans les plaines d’Acre et de Phéni cie, au nord de la Galilée et dans le Liban. Voir Chœro GRYLLE, t. II, COl. 712.

c) Ruminants. — Le cerf, héb. : ’ayyâl, le Cervus elaphus, abondait autrefois en Palestine, mais il y est devenu rare, à cause de l’aridité du sol. Voir Cerf, t. ii, col. 445. Le chevreuil, ou Cervus capreolus. s’y voit également très peu ; la Palestine forme, du reste, la limite sud-est de la région où il vit. Voir Chevreuil, t. ii, col. 697. C’est à peine si l’on aperçoit quelques daims, Cervus dama, dans les parties boisées du nord entre le Ihabor et le Liban. Voir Daim, t. ii, col. 1207, Le genre antilope est beaucoup mieux représenté, en particulier par la gazelle, Gazella dorcas, héb. : sebl, qui se montre quelquefois dans le sud, par centaines. A l’est du Jourdain, on trouve communément la Gazella arabica, plus belle que la gazelle ordinaire. Voir Gazelle, t. iii, col. 125. Le bubale, Antilope bubalis, probablement le yahmûr hébreu, existe encore sur, la frontière orientale de Galaad et de Moab. Voir Bubale, t. i, col. 1956. h’Antilope addax, héb. : dîêôn, approche des frontières sud et est de la Palestine. Enfin l’Antilope leucoryx, le te’ô hébreu, commun dans le nord de l’Arabie, se trouve dans le Belqâ et le Haurân. Le bouquetin, Capra beden, ou Ibex Sinaîtica, héb. : yd’êl, vit non seulement dans les ravins de Moab, mais dans le désert de Juda, aux environs de la mer Morte ; c’est un superbe animal, d’une merveilleuse agilité. Voir Bouquetin, t. i, col. 1893.

d) Rongeurs. — La famille des léporidés est représentée par les espèces suivantes : le Lepus syriacus, héb. : ’arnébéf, commun dans les parties boisées et cultivées "de la Palestine, le long de la côte et dans la plaine d’Esdrelon ; semblable à celui de nos pays, excepté la tête qui est plus large et les oreilles qui sont plus courtes ; le Lepus sinaiticus, plus petit que le précédent, avec une tête plus longue et plus étroite, et le poil de couleur plus claire ; se voit du côté de Jéricho et de la mer Morte ; le Lepus œgyptius, qui habite le désert de l’Egypte touchant la Palestine, la région méridionale de la Judée et la vallée du Jourdain ; le Lepus isabellinus, ou lièvre nubien, très rare ; le Lepus Judœæ, qui fréquente le sud de la Palestine et la vallée du Jourdain. Voir Lièvre, col. 250. Le lapin est excessivement rare, et le silence de la Bible au sujet de cet animal prouve qu’il en était de même autrefois. A cette famille se joint celle des hystricidés, avec le porc-épïc, Hystrix cristata, héb. : qippbd, commun dans les rochers et les vallons des montagnes, spécialement abondant dans les gorges qui aboutissent à la vallée du Jourdain.

Les muridés sont nombreux : Acomys cahirhinus, confiné aux environs de la mer Morte ; Âcomys diniidiatus ; Acomys russatus, trouvé seulement.jusqu’ici près de Masada, vers la pointe méridionale de la mer Morte ; Mus alexandrinus, dans les villes de la côte ; Mus sylvaticus, dans les plaines ; Mus prsetextus, dans la plaine de Génésareth, la vallée du Jourdain et le voisinage de la mer Morte ; Mus musculus, dans toutes les villes ; Cricetus phœus, le hamster, très commun aux approches des terrains cultivés. Signalons encore plusieurs espèces de gerbilles, Gerbillus tæniurus, G. melanurus, G. pygargus, puis le Psammomys obesus, espèce de gros rat à queue courte, à grosse tête, ressemblant à une petite marmotte, extrêmement abondant dans les endroits sablonneux autour de la mer Morte, dans les plaines et sur le plateau de la Judée méridionale. Nombreux aussi sont les campagnols, surtout l’espèce commune, Arvicola arvalis. Voir Campagnol, t. ii, col. 103. Le rat-taupe, Spalax typhlus, est très répandu à travers la contrée, où notre taupe, Talpa europxa, n’existe pas. Là gerboise, Dipus œgyptius, se trouve fréquemment dans les contrées désertiques ; Dipus hirtipes, dans les déserts à l’est du Jourdain

Voir Gerboise, t. iii, col, 209. L’écureuil syrien, Sciurus syriacus, se voit très souvent dans les bois au sud de l’Hermon ; le loir, Myoxus glis, habite dans la vallée du Jourdain, principalement aux « nvirons de Jéricho ; le Myoxus nitela préfère les champs cultivés et les plants d’oliviers.

e) Insectivores et Chéiroptères. — Parmi les insectivores, citons la musaraigne, Sorex araneus, el le hérisson, Erinaceus brachydactylas, commun dans le sud de la Palestine, Erinacens europœus, dans le nord. Enfin les cavernes de la région sont remplies de chauves-souris, dont les espèces sont nombreuses : Cynonycleris segypliaca ; Rhinolophus ferrum-equinum’, la plus commune en Palestine ; Rh. blasii, euryale, tridens ; Plecolus auritus, Vesperugo Kuhlii, Taphozous nudiventris, Rhinopoma microphyllum, etc. Voir Chauve-souris, t. ii, col. 641.

B) Oiseaux. — Les espèces d’oiseaux sont nombreuses en Palestine ; on en compte près de 350. Nous signalerons les principales.

a) Passereaux. — Famille des turdidés. — La grive ordinaire ou chanteuse, Turdus musicus, n’est pas rare sur le plateau. Le merle commun, Turdus merula, est répandu dans tout le pays. Les traquets comprennent une dizaine d’espèces : Saxicola œnanithe, S. aurita, S. melanoleuca, S. deserti, S. finschii, originaire de Palestine, <S. leucomela, etc. Plusieurs rouge-queue, Ruticilla phœnicurus, R. titys, etc. Le rouge-gorge, Erithacus rubicula, se rencontre partout en hiver, mais ne reste guère après la fin de février. L’Erithacus gut’turalis est un oiseau remarquable, mais rare même dans les pays qu’il habite, c’est-à-dire la côte abyssinienne, l’Asie-Mineure, la Palestine et la Perse. Le rossignol, Erithacus luscinia, établit son nid principalement dans les fourrés d’arbres des bords du Jourdain ; mais on le trouve aussi sur le Thabor et dans différents ouadis boisés. — Famille des sylviidés. — Nombreuses espèces de fauvettes : la grisette, Sylvia cinerea, très abondante partout et demeurant toute l’année ; la babillarde, S. curruca, en été seulement ; la fauvette à tête noire, S. atricapilla, un des oiseaux les plus communs en Palestine ; la fauvette des jardins, S. hortensis, au printemps, etc. Plusieurs Phylloscopus, superciliosus, rufus, trochilus, sibilatrix, boneïlii, etc. — Motacillidés : hochequeues et bergeronnettes, Motacilla alba, abondante partout en hiver ; M. sulphurea, M. flava, M. cinereo-capilla ; plusieurs pipits, Anthus pratensis, A. trivialis, A. campestris,

— Le Pyçnonotus xanthopygus, le Bulbul de Palestine, est un des oiseaux les plus caractéristiques des régions chaudes du pays. — Laniidés ou pies-grièches : Lanius aucheri, L. minor, L. collurio, L. auriculatus, L. nubicus. — Hirundine’es. L’hirondelle commune, Hirundo rustica, abonde en Palestine de mars à novembre ; l’hirondelle orientale, Hirundo cahirica, demeure pendant l’hiver dans les parties plus chaudes, la côte et la vallée du Jourdain. On trouve encore l’hirondelle rousse, hirundo rufula, celle des rochers. Cotyle rupestris, celle des marais, Cotyle palustris, etc. Le martinet noir, Cypselus apus, arrive en Palestine au commencement d’avril et s’y rencontre en très grand nombre ; le Cotyle af finis ne se trouve qùènans la vallée du Jourdain, où il habite toute l’année. Voir Hirondelle, t. iii, col. 719. — Nectariniidés : pour le naturaliste, l’espèce peut-être la plus intéressante des oiseaux de Palestine est le Cynnyris ose* ; il appartient à une famille vraiment tropicale, puis il est, autant qu’on peut savoir, absolument particulier à la Terre-Sainte, où encore il est confiné dans des limites restreintes. — Fringillidés. Le chardonneret, Carduelis elegans, se trouve partout et en tout temps de l’année. Le serin, Serinus hortulanus, n’est qu’un hôte de l’hiver dans les endroits boisés et les petits vallons

près de la mer. Le Serinus canonicus est une des formes particulièrement intéressantes de la Palestine, bien qu’appartenant au Liban et à l’Anti-Liban.Le moineau domestique, Passer domesticus, est aussi abondant et effronté que chez nous ; on le rencontré aussi en bandes dans le désert de Bersabée en hiver. Le Passer hispaniolensis est principalement confiné dans la vallée du Jourdain. Le Passer moabiticus de Tristram, très joli, n’a été rencontré qu’en quelques endroits aux environs de la mer Morte. Le pinson, Fringilla cœlebs, apparaît par bandes, en hiver, dans les plaines maritimes et sur le plateau méridional. La linotte, l.inota cannabina, erre dans les contrées basses pendant l’hiver, et, en été, s’en va dans la région montagneuse. Plusieurs espèces de bruants : l’Euspiza melanocephala ou roi des ortolans, d’un beau jaune-serin avec les ailes fauves et la tête noire ; YEmberiza miliaria, E. hortulana, E. striolata, E. cia, E. cxsia. — Parmi les slurnidés signalons surtout V Amydrus Trislrami, oiseau très singulier, de la grosseur et de la forme d’une grive, que la plupart des voyageurs nomment à tort merle de Mar-Saba. II a le corps d’un bleu noirâtre très éclatant, les ailes jaunes couleur de rouille, le bec long, arqué et très aigu ; il habite les escarpements de la vallée du Cédron, des bords de la mer Morte, les rochers du Sinaï et de Petra. — Corvidés. Nombreux corbeaux : le choucas, Corvus monedula ; C. agricola ; C. cornix ; Corvus af finis, ne se trouve qu’aux environs de la mer Morte, dans les rochers les plus sauvages ; Corvus corax, commun partout ; C. umbrinus, commun à Jérusalem et dans la vallée du Jourdain. Voir Corbeau, t. ii, col. 958 ; Corneille 2, t. ii, col. 1013.— Alaudidés. L’alouette huppée, Alauda cristata, un des oiseaux les plus communs dans les plaines et vallées de la côte, du centre et du nord ; Alauda isabellina, A. arvensis, etc. — Caprimulgidés. L’engoulevent, Caprimulgus europssus, visite la Palestine au printemps et à l’été. À noter surtout le Caprimulgus tamaricis, découvert par Tristram aux deux extrémités nord et sud de la mer Morte. — Alcédinidés. Le martinpêcheur, Ceryle rudis, est l’espèce la plus commune partout où il y a de l’eau fraîche ou salée. Parmi les oiseaux de même ordre, signalons seulement : le rollier, Coracias garrula ; e guêpier, Merops apiaster ; la huppe, Upupa epops.

Parmi les grimpeurs, nous citerons seulement : le Picus syriacus, la seule espèce de pic trouvée en Palestine, dans quelques districts boisés ; cet oiseau ne _ descend jamais dans la vallée du Jourdain ; le coucou, Cuculus canorus.

b) Rapaces. — i. Nocturnes. — Pour les oiseaux du genre Chouétt, Striges, voir Chouette, t. iii, col. 716 ; Chat-huant, t. ii, col. 627 ; Chevêche, t. ii, col. 683 ; Duc, t. ii, col. 1508 ; Effraie, t. ii, col. 1598 ; Hibou, t. iii, col. 702.

2. Diurnes. — Les principaux représentants de cet ordre sont : le gypaète barbu, Gypætus barbalus ou vautour des agneaux, fig. 90, t. iii, col. 372, dont les demeures favorites sont les gorges qui ouvrent sur la mer Morte et la vallée du Jourdain, spécialement les ravins de PArnon et de Callirrhoé ; le griffon, Gyps fulvus, qu’on voit dans l’ouadi Qelt, près de Jéricho, dans les ravins du nahr ez-Zerqa, à l’est du Jourdain, et dans les ouadis Hamdm et Leimûn, qui ouvrent sur la plaine de Génésareth ; le vautour d’Egypte, Neophron percnopterus, qui se nourrit de cadavres et d’immondices ; le busard, Buleo vulgaris, abondant sur la côte, dans les plaines et dans le Liban en hiver, voir Busard, t. i, col. 1974 ; l’aigle, Aquila chryssetus, A. heliaca, A. elanga, etc., voir Aigle 1, t. i, col. 298 ; le milan, Milvus ictinus, M. migrans, M. segyptius, voir Milan, col. 1084 ; plusieurs espèces de faucons, Falco peregrinus, F. lanarius, F. subbuteo, etc., voir Faucon, t. ii,

col. 2181 ; l’épervier, Accipiter nisus, voir Épervier, t. ii, col. 1829.

c) Êchassiers. — Le héron est commun en Palestine ; le héron ordinaire, Ardea cinerea, se rencontre partout, spécialement aux environs du lac Houléh, du Jourdain, du lac de Tibériade, du Cison et sur la côte. Il Ardea purpurea habite les mêmes contrées, mais en moins grand nombre. À signaler encore Y Ardea alba, VA. garzetta, l’A. bubulcus, l’A. ralloïdes, l’A. minuta. "Voir Héron, t. iii, col. 654. Le butor, Botaurus stellaris, vit dans les marais du lac Houléh et probablement dans d’autres endroits semblables. Voir Butor, t. i, col. 1979. La cigogne blanche, Ciconia alba, est commune à certaine époque de l’année ; la cigogne noire, Ciconia nigra, plus sauvage, habite les lieux déserts, comme les bas-fonds de la mer Morte. Voir Cigogne, t. ii, col. 756. La grue, Crus communis, passe l’hiver dans les plaines du sud. L’outarde, Otis tarda, vit encore dans la plaine de Saron. Plusieurs espèces de bécassines : Gallinago major, G. cselestis, G. gallinula.

d) Palmipèdes. — Le cormoran, Phalacrocorax carbo, est abondant sur la côte maritime, fréquente le Cison, le Jourdain et le lac de Génésarefh. Le cormoran de, la petite espèce, Phalacrocorax pygmseus, se trouve aussi sur le Cison et le Léontès. Voir Cormoran, t. ii, col. 1006. Le pélican, Pelecanus onocrotalus, se voit fréquemment sur le lac de Tibériade ; le Pelecanus crispus se tient généralement sur le lac Houléh. L’hiver amène en Palestine l’oie sauvage, Anser cinereus, A. segetum, A. brenta ; le cygne, Cygmts olor, de passage ; le canard sauvage, Anas boschas. L’Anas angustirostris réside toute l’année dans les marais du lac Hûléh. On peut citer encore : le flamant, Phœnicopterus roseus ; le grèbe huppé, Podiceps cristatus, etc.

Pour le genre colombe, voir Colombe, t. ii, col. 846.

e) Gallinacés. — Les gallinacés comprennent : la perdrix rouge, Caccabis chukar, le gibier par excellence de la Palestine, d’après Tristram ; une autre ravissante petite perdrix, Ammoperdix Heyii, grosse à peu près deux fois comme une caille, d’un gris jaunâtre, couleur du sol, et qui remplace la précédente dans le bassin de la mer Morte et les ravins de la vallée du Jourdain ; la caille, Coturnisc communis, qui en mars revient par myriades.

C) Reptiles. — Les reptiles sont nombreux en Palestine, le terrain et le climat de la contrée étant particulièrement favorables à cette classe d’animaux. Les rochers calcaires et les collines crayeuses leur offrent abri et sécurité ; la chaleur tropieale et l’atmosphère sèche de la vallée du Jourdain favorisent leur reproduction ; les dunes de sable et le désert de Judée voient courir une multitude de lézards. i° Ophidiens. — Parmi les Colubridés, nous citerons : l’Ablabes coronella, couleuvre commune dans les différentes parties de la région ; l’Ablabes modestus, trouvé à travers la Galilée et dans le Liban ; le Coluber quadrilineatus, dans le nord de la Palestine ; Zamenis ventrimaculatus, aux environs de la mer Morte ; Zamenis viridiflavus, abonde dans les broussailles un peu partout, dans le Ghôr et sur les collines ; Zamenis dahlii, se trouve, non sur les collines, mais dans les herbes et les buissons, dans les lieux humides ; Tropidonotus tessellatus, qui atteint une taille considérable, vit parmi les chardons et les herbages, généralement dans les lieux marécageux. Parmi les Vipéridiés : Vipera euphratica, une des plus venimeuses, trouvée en Galilée et près de Jéricho, Daboia xanthina, serpent venimeux, trouvé dans la plaine d’Acre et près de Tibériade, particulier à l’Inde ; Ce rastes hasselquistii, bien connu en Egypte et dans le désert de Libye, se rencontre aussi dans le désert de la Judée méridionale, voir Céraste, t. ii, col. 432 ; Echis

arenicola, dans le sable au nord et à l’ouest de la mer Morte, espèce africaine. Pour le Naja haje, ou cobra des Égyptiens, qu’on trouve dans le sud de la Palestine, voir Aspic, t. i, col. 1124. — 2° Sauriens. — Les Lacertiens sont représentés par de nombreuses espèces de lézards : Lacerta viridis, fig. 56, t. iii, col. 224, très abondant partout : Lacerta judaica, du Liban à Jérusalem, mais seulement sur le plateau ; Lacerta Uevis ; Zootoca muralis, commun dans le nord de la Palestine ; Acanthodactylus savignii, trouvé en différentes localités sur la côte ; Ophiops elegans, très commun partout, excepté dans la vallée du Jourdain ; Monitor niloticus, qui habite le sud de la mer Morte et du désert judéen. Voir Lézard, col. 223. Plusieurs espèces de Scincoïdiens ; Eivprepes fellowsii, partout ; Euprepes savignii, sur la côte ; Eumeces pavimentatus, trouvé près de la mer Morte, sur la côte et à Jérusalem, etc. Parmi les Geckotiens : Ptyodætylus hasselquistii, le gecko, très abondant partout, voir Gecko, t. iii, col. 143 ; Hemidactylus verruculatus, partout ; Stenodactylus guttatus, dans le Ghôr, au nord de la mer Morte ; Gymnodactylus geckoïdes, trouvé au mont Carmel. Le caméléon, Chamelos vulgaris, est très commun dans toute la contrée, spécialement dans le Ghôr. Voir Caméléon, t. H, col. 90. — 3° Crocodiliens. —Le crocodile existe encore en Palestine, dans le Nahr ez-Zerqa, le flumen crocodilon de Pline, H. N., v, 17, qui se jette dans la Méditerranée au nord de Qaïsariyéh. M. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 174, pense que le crocodile de Syrie est d’une autre espèce que celui d’Egypte. Voir Crocodile, t. ii, col. 1120. — 4° Chéloniens. — La Testudo ibera, est une tortue commune en Palestine. On trouve également de nombreuses tortues d’eau, Emys caspica, E. sigris, E. europsea.

D) Amphibiens. — Le crapaud vert, Bufo viridis, pullule en Palestine, dans tous les lieux humides. Voir Crapaud, t. ii, col. 1101. La grenouille ordinaire, Rana escidehta, foisonne également dans le pays. Voir Grenouille, t. iii, col. 347.

E) Poissons. — Les poissons sont extrêmement communs et variés dans les lacs et cours d’eau ; même les petites sources en renferment souvent plusieurs espèces. i" Acanthoptérygiens. — Le Blennius varus est abondant dans le lac de Tibériade, spécialement à l’embouchure des cours d’eau thermale qui s’y déversent. Le Blennius lupulus se trouve dans le même lac, dans le Cison et les petits ruisseaux de la baie de Saint-Jean d’Acre. Le mulet doré, Mugil auratus, est très commun dans toutes les rivières de la côte syrienne. Mais, parmi les poissons qui abondent dans la mer de Galilée, les plus caractéristiques et les plus nombreux sont les Chromis ; on n’en compte pas moins de huit espèces. La plupart incubent leurs œufs gros et verdâtres et élèvent leurs petits dans l’intérieur de la bouche. On trouve souvent, dans la gueule d’un poisson long de vingt centimètres à peine plus de deux cents petits d’une couleur argentée, qui tombent sur le sable comme des gouttelettes de mercure. Une de ces espèces, le Chromis paterfamilias, Lortet, a une gueule énorme, comparée aux dimensions de son corps, et au printemps les joues du mâle sont toujours gonflées par les œufs ou le fretin, qu’il transporte ainsi partout avec lui. Ces poissons sont très bons à manger. Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 507. Les espèces sont : Chromis niloticus, une des plus répandues dans tout le bassin du Jourdain ; Chromis tiberiadis ; Chr. andrese ; Chr. simonis ; Chr. flavii-josephi ; Chr. microstomus ; Chr. magdalenæ ; Hemichromis sacer. — 2° Physostomes. — Le Clarias macracanthus est un poisson remarquable, très abondant dans les fonds bourbeux ou dans les fourrés de papyrus du lac de Tibériade et du lac Houléh ; il a été décrit par Josèphe, Bell, jud., III, x, 8, sous le nom de Coracinus du Nil.

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Le Cyprinodon dispar est un petit poisson que l’on trouve par myriades dans les petites sources thermales et salines qui bordent la mer Morte. On rencontre le Cyprinodon cypris dans le Jourdain, dans l’Ain Feschkhah, le Jaboc, etc. Le Discognathus lamta est très abondant dans le Jaboc, l’Arnon et les affluents du Jourdain du côté de l’est ; il existe également dans le lac de Tibériade. On signale également plusieurs « spèces de Capoeta : C. damascina, C. syriaca, C. socialis, C. amir, C. sauvageiLe Barbus canis est un des plus abondants parmi les nombreuses espèces que renferment le lac de Génésareth et le Jourdain.

F) Mollusques. — « Cette partie de la faune palestinienne offre la même variété que les autres branches. Elle présente cependant moins d’exceptions au caractère général du bassin méditerranéen et moins de traces de mélange des formes africaines et indiennes. Les types du nord, spécialement du genre Clausilia, sont fréquents dans le Liban et son prolongement galiléen. Les mollusques des plaines maritimes et de la côte n’ont pas de traits distincts de ceux de la Basse Egypte et de l’Asie Mineure. Les coquillages de la région centrale sont rares et généralement peu intéressants, tandis que, sur les bords de la vallée du Jourdain et dans le désert méridional, on rencontre des groupes très distincts d’Hélix et de Bulimus, d’espèces particulières ou communes en quelques cas au désert d’Arabie. Les mollusques fluvialiles sont d’un type beaucoup plus tropical que ceux de terre ; ils offrent peu d’espèces semblables à celles de l’est de l’Europe. La plupart d’entre elles sont identiques ou semblables à celles du Nil et de l’Euphrate ; quelques-unes du genre Melanopsis et seize au moins du genre Vnio sont particulières au Jourdain et à ses affluents. Il semble probable que les habitants des eaux ont été plus capables de supporter le froid de l’époque glaciaire que les mollusques terrestres, et des restes post-tertiaires trouvés près de la mer Morte, il est permis de conclure que les espèces actuelles viennent d’une période antérieure à l’époque glaciaire, tandis que les formes plus septentrionales introduites à cette époque ont maintenu leur existence dans les contrées plus froides du nord de la Palestine à l’exclusion des espèces méridionales, qui n’ont pas réussi à se rétablir. Le beau groupe Ackatina, qui demande un degré d’humidité qu’on ne trouve pas généralement en Palestine, n’est représenté que par quelques espèces insi . gnifiantes et presque microscopiques. » H. B. Tristram, The Fauna and Flora of Palestine, p. 178-179.

G) Insectes. — Voir Insectes, t. iii, col. 884.

. 2. Aire géographique de la Faune. — Comme la flore, la faune de Palestine a des affinités géographiques qu’il est très intéressant d’étudier. La Palestine forme une province méridionale extrême de la région palsearctique, qui comprend l’Europe, l’Afrique au nord de l’Atlas, l’Asie occidentale (mais non l’Arabie, qui est éthiopienne), le reste de l’Asie au nord de l’Himalaya, la Chine septentrionale et le Japon. L’analyse des différentes classes d’animaux montre que si la grande majorité des espèces appartient à la région palsearctique, il y a dans chaque classe un groupe d’exceptions et de formes particulières qui ne peuvent être rapportées à cette région, et dont la présence ne peut convenablement s’expliquer que par l’histoire géologique du pays. Exceptions et formes particulières sont presque toutes confinées dans la vallée du Jourdain et le bassin de la mer Morte. Ainsi, sur les 113 espèces des mammifères, 55 sont palæarctiques, 34 éthiopiennes, 16 indiennes, et 13 propres à la Palestine. La faune éthiopienne entre donc presque pour un tiers dans celle des mammifères palestiniens ; elle comprend en particulier 4 espèces d’antilopes, 2 de lièvres, et 8 de petits rongeurs des genres Aco

mys, Gerbilhis et Psammomys, qui sont strictement désertiques et ont ainsi pu traverser les déserts de sable de l’Afrique et de l’Arabie pour venir s’établir sur leur frontière septentrionale. Les Félidés ont pu arriver par l’Egypte ou la vallée de l’Euphrate. Comrne sur les 16 espèces indiennes, 9 sont également éthiopiennes, la faune de l’Inde tient en somme peu de place. Des 13 formes particulières, 3, Vrsus syriacus, Lepus syriacus et Sciurus syriacus sont de simples modifications de types palæarctiques ; 6, Lepus sinaiticus, Gerbillus txiiiurus, - Psammomys myosurus, Acomys russatus, Mus prsetextus, Gazella arabica, sont de caractère éthiopien et s’étendent probablement plus loin en Arabie et dans l’est de l’Afrique. Eliomys melanurus et Dipus hirtipes semblent bien propres à la Palestine. L’Hyrax syriacus fait partie d’un genre strictement éthiopien.

La faune des oiseaux est exlraordinairement riche pour une aire si peu étendue. Sur les 348 espèces qu’elle comprend, 271 sont palæarctiques, 40 éthiopiennes, 7 indiennes et 30 particulières. Les espèces palæarctiques appartiennent presque toutes à la côte et au plateau qui avôisine le Jourdain à l’ouest et à l’est. Les types éthiopiens et indiens sont presque exclusivement renfermés dans le bassin de la mer Morte, qui, à l’exception de quelques émigrants d’hiver, offre très peu d’espèces palsearctiques. Les plus remarquables de la faune éthiopienne sont : Cypselus af finis, Merops virvdis, Cotyle obsoleta, Corvus af finis, Saxicola nionacha. Dix autres sont des formes désertiques, probablement communes à l’Arabie, et atteignant là leur limite septentrionale, comme Calandrella deserti, Cerlhilauda alaudipes, Pleroclas exuslus, Honbara undulata, La plus intéressante des espèces indiennes, non éthiopiennes, est le Ketupa ceylonensis. Des 30 espèces classées comme particulières à la Palestine, 13 sont de simples modifications des types palfearctiques, plusieurs autres sont étroitement apparentées aux formes désertiques ou orientales et se trouvent dans le bassin de la mer Morte. — Les reptiles et amphibiens comptent 92 espèces, surlesquelles 49 sont palæarctiques, 27 éthiopiennes, 4 indiennes, Il particulières. La faune herpétologique présente moins d’anomalies que les autres, les reptiles étant plus localisés et stationnaires. — La faune ichthyologique, quoique restreinte comme nombre d’espèces, est de beaucoup la plus distincte dans sescaractères. Elle comprend 43 espèces, dont 8 seulement appartiennent à la faune ordinaire des rivières méditerranéennes. Dans le système du Jourdain, une seule, le Blennius lupulus, se rattache à la faune de la Méditerranée. Deux autres, le Chromis niloticus etle Clarias rnacracanthus, sont du Nil. Seize appartenant aux familles Chromidés, Cyprinodontidés et Cyprinidès sont propres au Jourdain, à ses affluents et à ses lacs. Voir Poissons.

En résumé, la flore et la faune du bassin de la mer Morte nous révèlent un fait intéressant, à savoir que ce coin de terre isolé et restreint renferme une série de formes vivantes qui diffèrent absolument de celles de la région environnante et ont une étroite affinité avec le domaine éthiopien, en même temps que des traces de mélange indien. Comment expliquer ce fait ? En présence de l’identité de beaucoup de ces espèces végétales et animales avec celles qui vivent sur le continent africain, il serait peu raisonnable d’admettre une création spéciale ou une origine indépendante. D’autre part, l’hypothèse d’une migration a contre elle l’isolement dans lequel la Palestine se trouve mise par le désert qui l’enveloppe au sud et à l’est et qui forme une barrière pire que la mer ou tes montagnes. Il faut donc en venir à cette conclusion que les espèces dont nous parlons sont arrivées là avant que la contrée avoisinante ne présentât les obstacles actuels à leur

IV. - 65

2051

PALESTINE

2052

transport, ce qui aous ramène à l’histoire géologique du pajs. Nous remontons ainsi jusqu’à l’époque où la chaleur du climat permettait à la flore et à la faune éthiopiennes, plus anciennes comme types que la flore et la faune palæarctiques, d’étendre leur domaine plus loin. Pendant la période glaciaire, seules subsistèrent les formes qui trouvèrent dans la vallée du Jourdain les éléments nécessaires à la lutte pour la vie, et elles ont constitué jusqu’à présent un groupe tropical isolé. Voir Géologie, col. 2018.

Pour la bibliographie de la faune biblique, voir Animaux, t. i, col. 603. Nous ajouterons : H. B. Tristram, The Fauna and Flora of Palestine, dans le Survey of Western Palestine, Londres, 1884, p. 1204 ; O. Bôttger, Die Reptilien und Amphibien von Syrien, Palâstina und Cypern, in-8°, Francfort-s.-le-M., 1880 ; Lortet et A. Locard, Études zoologiques sur la faune du lac de Tibériade, t. ni des Archives du Muséum d’histoire naturelle de Lyon, p. 99-293, avecl7 planches, Lyon, 1883 ; L. Anderlind, Ackerbau und Thierzucht in Syrien, insbesondere in Palâstina, dans la Zeitschrift des deutschen Palâstina-Vereins, t. ix, 1886, p. 55-73 ; voir Tibériade (Lac de).

yui. population. — C’est ainsi que Dieu forma et orna la terre qui devait être le théâtre de ses merveilles. Le peuple qu’il appela à en être le témoin et l’objet y fut transplanté, et, après en avoir été violemment arraché, il semble vouloir aujourd’hui y prendre de nouvelles racines. Il fut le seul à donner à ce pays une certaine unité, et cela seulement sous la royauté israélite et les Machabées. En dehors de ces époques, le sol palestinien n’a connu qu’un amalgame de races distinctes, dont la cohésion est venue d’une main étrangère. La même variété existe encore aujourd’hui, plus étrange peut-être qu’autrefois. Turcs, Arabes, Juifs, Syriens, Européens y vivent côte à côte, divisés par le sang, les coutumes, la religion, sans l’union de patrie, de drapeau, n’ayant guère d’autres liens que la langue, c’est-à-dire l’arabe généralement usité, et la puissance ottomane qui les gouverne. Nous n’avons point à décrire ces éléments divers ; nous nous bornerons aux deux qui constituent, inégalement d’ailleurs, le fond ethnique de la population : les Syro-arabes ou fellâhîn et les Bédouins ou nomades. La population syro-arabe, qui n’a d’arabe que son dialecte et peut-être une légère infusion de sang avant l’hégire, descend des anciennes races qui ont successivement occupé la contrée : Chananéens, Israélites, Philistins, Moabites, Araméeng, Grecs et Romains. Tous ces éléments s’étaient fondus ensemble lorsque les Arabes, déjà influents avant l’hégire, devinrent les maîtres du pays. Le fellah est méprisé par le Bédouin, surtout à cause de sa prétendue servilité, celui-ci n’estimant que la liberté dont il jouit, et les mariages sont rares entre les deux parties de la population. Celui-là n’en est pas moins d’une race frugale, intelligente, digne d’un sort plus heurenx si elle était suffisamment protégée et aidée. Les Arabes nomades habitent surtout à l’est du Jourdain. Pour leur origine, leurs coutumes, etc., voir Arabes, t. i, col. 828. Les Juifs qui occupent aujourd’hui la Terre-Sainte au nombre de près de cent mille, sont venus des diflérentes parties du monde. Ce n’est donc pas chez eux qu’il faut aller pour voir revivre plus ou moins les usages de la vie ordinaire de leurs ancêtres, mais chez les fellâhîn et les Bédouins. Il y a dans les habitudes de ceux-ci une foule de traits qui illustrent singulièrement lesrécits bibliques, et qu’on trouve indiqués dans le Dictionnaire à propos des sujets qui concernent la vie civile, sociale et religieuse. Il nous suffit de donner ici quelques indications bibliographiques : E. Pierotti, La Palestine actuelle dans ses rapports avec la Palestine ancienne, in-8°, Paris, 1865 ; Thomson, The Land and the Book, Londres, 1860 ; H. J. van Lennep, Bible

Lands, their modem cmtonis and manners, 2 in-8°, Londres, 1875 ; C. R. Conder, Tent Wwk in Palestine, in-8°, Londres, 1889, p. 298-363 ; E. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, 3 in-12, Paris, lb90 ; Mrs. Finn, The Fellaheen of Palestine, dans le Palestine Exploration Fund, Quart. St., 1879, p. 33-48, 72-87 ; Ph. Baldensperger, Peasartt Folklore of Palestine, ibid., 1893, p. 203-219 ; Birth, marriage and death among the Fellahin of Palestine, ibid., 1894, p. 127144 ; S. Bergheim, Land tenure in Palestine, ibid., 1894. p. 191-199 ; P. J. Baldensperger, Morals of the Fellahin, ibid., 1897, p. 123-134 ; J. Zeller, The Bedawin, ibid., 1901, p. 185-203 ; Ph. G. Baldensperger, The immovable East, ibid., 1903, p. 65-77, 162-170, 336-344, 1904, p. 49-57, 128-137, 258-264, 360-367 ; 1905, p. 33-38, 116-126, 199-205 ; 1906, p. 13-23, 97-102, 190197 ; 1907, p. 10-21 ; F. A. Klein, Mittheilungen ûber Leben, Sitten und Gebràuche der Fellachen in Palâstina, dans la Zeitschrift des deutschen Palâstina-Vereins, t. iii, 1880, p. 100-115 ; t. IV, 1881, p. 57-84 ; t. vi, 1883, p. 81-101 ; traduit et reproduit dans le Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1881, p. 111-118, 297-304 ; 1883, p. 40-48 ; Lydia Einsler, Arabische Sprichwôrter, dans la Zeitschr. des deut. Pal. Ver., t. xix, 1896, p. 65-101 ; L. Bauer, Arabische Sprichwôrter, ibid., t. xxi, 1898, p. 129-148 ; Enno Littmann, Eine amtliche Liste der Beduinenstàmme des Ostjot’danlandes, ibid., t. xxiv, 1901, p. 26-31 ; L. Bauer, Kleidung und Schmuck der Araber Palâstinas, ibid., p. 32-38 ; A. Jaussen, Coutumes arabes aux environs de Mddaba, dans la Revue biblique, t. x, 1901, p. 592-608 ; Les tribus arabes à l’est du Jourdain, ibid., t. xi, 1902, p. 87-93, 419425 ; Coutumes arabes, ibid., ]t. xii, 1903, p. 93-99, 244-266 ; L’immolation chez les nomades à l’est de la mer Morte, ibid., 1906, p. 91-114.

La population palestinienne n’a ni industrie, ni commerce qu’il soit utile de mentionner. Les transactions sont devenues et deviendront plus faciles par les lignes de ohemin de fer de Jaffa à Jérusalem, de Khaiîa à Damas, de Damas à travers la Transjordane. Mais le pays reste encore trop fermé du côté de la mer. Nous avons montré plus haut ce qu’est aujourd’hui le littoral méditerranéen. Il eut cependant un rôle important dans l’histoire. Les moindres saillies dont la nature l’a orné furent utilisées, et des villes comme Sidon, Tyr, Saint-Jean-d’Acre, Césarée, Jaffa, devinrent de magnifiques centres d’activité en même temps que des portes ouvertes à cette partie du continent asiatique sur le continent européen. Les Hébreux, il est vrai, n’étaient pas destinés à être un peuple marin, et la mer n’a pas été pour eux, comme pour d’autres peuples, un moyen d’expansion, ni une source de richesses. Il y eut néanmoins des temps où la côte palestinienne, avec ses petits ports, présentait animation et vie. Au moyen âge encore, ces ports étaient assez bien aménagés et entretenus pour l’époque. Mais actuellement ils ne sont plus suffisante aux vaisseaux de fort tonnage. Il faudrait donc, de ce côté, remanier et agrandir, comme il faudrait, du côté de l’agriculture, refaire et perfectionner, ponr apporter aux habitants une prospérité qu’ils ne connaissent pas. Pour les routes qui sillonnent la Palestine, voir Galilée, Judée, et les articles concernant les tribus d’Israël.

Nous terminerons en disant que les trois grandes religions qui ont pris naissance au sein des peuples sémites et dont la Palestine peut être regardée comme le berceau, c’est-à-dire le judaïsme, le christianisme et l’islamisme y sont représentées. Et, à côté de la joie que procure au pèlerin la Terre du Christ avec ses impérissables souvenirs, c’est une grande tristesse de la voir livrée aux divisions ded’erreur, du schisme et de l’hérésie. - A. Legekdre.

V. Géographie historique de la Palestine. — Lorsque Abraham arriva dans la Palestine, elle était habitée :

1° par les Chananéens proprement dits ; 2° les Héthéens ; 3° les Amorrhéens ; 4° les Phërézéens ; 5° les Hevéens ; 6° les Jébuséens ; 7° les Gergésiens. Sur ces diverses tribus et les pays qu’elles habitaient voir les articles " qui leur sont consacrés et cf. Chananéens 1, t. ii, col. 539. — Quand Josué lit la conquête de la Palestine, la plupart des villes avaient à leur tête un petit roi indépendant. Le successeur de Moïse partagea entre les diverses tribus d’Israël le pays conquis. Pour la géographie des douze tribus, voir les articles et les cartes relatifs à chacune d’elles. — La distinction des douze tribus se conserve jusqu’à la prise de Jérusalem par Titus, mais après avoir été à peu prés indépendantes les unes des autres sous les Juges, elles reconnurent une autorité unique sous le règne de Saùl, de David et de Salomon. L’nnité fut brisée dès le règne de Roboam, fils de Salomon, et la Palestine partagée en deux royaumes, celui du nord ou d’Israël et celui du sud ou de Juda. Cet état de choses dura jusqu’à la prise de Samarie par les Assyriens (721 avant J.-C.) voir Juda (Royaume de) et Israël (Royaume d’), t. iii, col. 1771 et 1000. À la suite de la ruine du royaume d’Israël par Sargon, roi de Ninive, ce prince déporta dans la Palestine centrale pour la repeupler divers peuples qu’il avait vaincus en Babylonieet en Syrie et qui devinrent les Samaritains. IV Reg., iv, 24. À partir de cette époque et jusqu’au temps de Noire-Seigneur et des Apôtres, la Palestine forme trois parties distinctes à l’ouest du Jourdain : la Judée au sud, voir Judée, t. iii, col. 1814 ; la Samarie au centre, Voir Samarie 2 ; la Galilée au nord, voir Galilée, t. iii, col. 87. Le territoire à l’est du Jourdain, au temps de Notre-Seigneur, s’appelait la Pérée, voir Pérée. Sur la. géographie de la Palestine au temps des Machabées et des Hérodes et sous la domination romaine, voir Machabées, t. iv, col. 481 ; Hèrode 5, t. iii, col. 650 ; Abila et Abilène, t. i, col. 50-52 ; Batanée (Basan), t. i, col. 1486-1490 ; Iturée, t. iii, col. 1040 ; , Trachonjtide ; Procurateurs romains.

    1. PALESTRE##

PALESTRE (grec : mxlattnpa, latin : palmstra), école de gymnastique. Antiochus Épiphane voulant introduire les coutumes helléniques en Judée, fonda dans la citadelle de Jérusalem un gymnase et une palestre. Les prêtres, violant la loi, montraient peu de zèle pour le temple et prenaient part dans la Paleslre aux exercices proscrits. Il Mach. iv, 14. Le mot palestre désignait plus particulièrement la partie du Gymnase où se faisaient les concours divers et où siégeaient les juges des divers combats. Voir Gymnase, t. iii, col. 369 ; Athlètes, t. i, col. 1222.

E. Beurlier.

    1. PALEY William##

PALEY William, théologien anglican, né à Peterborough en 1743, mort à Bishop-Wearmouth le 25 mai 1805. Il termina son éducation à l’université de Cambridge et devint un répétiteur de Christ Collège. Il embrassa l’état ecclésiastique, et en 1794 il obtint un canonicat à la cathédrale de Saint-Paul. Bientôt après il renonçait à plusieurs bénéfices pour se relirer dans la petite paroisse de Bishop-Wearmouth où il mourut. Parmi les ouvrages de cet auteur nous ne citerons que : Horie Paulinse, or the Truth of the Scripture kistpry of St. Paul evinced, in-4°, Londres, 1789 ; ouvrage traduit en français, in-8°, Nîmes, 1809. Le R. Edmond Paley a écrit la vie de son père, W. Paley, et l’a placée en tête de ses œuvres qu’il publia à Londres en 1848, 4 in8°. Voir W. Orme, Biblioth. biblica, p. 337.

B. Heurtebize.
    1. PALIMPSESTES BIBLIQUES##

PALIMPSESTES BIBLIQUES, Bien que d’après l’étymologie (7râ>iv, « de nouveau, » et iiiia, « gratter, effacer en grattant » ) le mot palimpseste ait dû s’appliquer d’abord aux parchemins qu’on grattait au canif ou qu’on frottait à la pierre ponce dans le but de les récrire, il se disait aussi des tablettes de cire dont on égalisait de

nouveau la surface pour effacer l’ancienne écriture etdes papyrus qu’on pouvait faire resservir en les soumettant à un lavage, quand l’encre était encore fraîche ou peu caustique. Catulle, xxii, 4 ; Cicéron à Trébatius, Epist. ad. famil, , vii, 18. Plutarque, le premierjiuteur grec connu qui emploie ce mot, dit que Platon comparait Denys le Tyran à un palimpseste (wo-irep fScêXc’ov îra>i(ji’{<ïi(rTov, telle est l’orthographe de Plularque) sur lequel il est malaisé d’écrire parce que les anciens traits sont difficiles à effacer (SuaéxTrXuTOç). Le papyrus gratté n’était guère utilisable ; au contraire, ce qui fit préférer d’abord le parchemin, pour les brouillons, c’était la facilité d’effacer et de remplacer ce qu’on venait d’écrire.

A partir du vne siècle, date de l’occupation de l’Egypte par les Arabes, le papyrus devenant di plus en plus rare et le parchemin ne suffisant plus à la consommation, on se mit à récrire les anciens manuscrits. La préparation des palimpsestes fut un art très cultivé pendant le moyen âge. Voici une recette donnée par Mone, De libris palimpsestis, Carlsruhe, 1855, p. 38, d’après un manuscrit de Munich du XIe siècle lat. 18628) : Quicumque in semel scripto parganieno necessilate cogente iterato scribere velit, accipiat lac imponatque pergamenum per unins noctis spatium. Quod pos’tquam inde sustulerit, farre aspersum, ne ubi siecari incipït in rugas contrahatur, sub pressura castiget quoad exsiccetur. Quod ubi fecerit, pumice cretaque expolitum priorem aïbedinis suæ nitorem recipiet. Ce fut principalement dans les cloîtrés, où la pénurie du parchemin se faisait surtout sentir et où la transcription de nouveaux livres était indispensable, que cet art fut cultivé. On a beaucoup crié contre le vandalisme des moines qui auraient détruit sciemment les chefs-d’œuvre de l’antiquité classique pour copier des ouvrages médiocres de liturgie ou de patrologie. Mais ces déclamations ne soutiennent pas un examen impartial des faits. D’abord il y a proportionnellement autant d’écrits profanes recouvrant un texte biblique que d’écrits bibliques recouvrant un texte profane ; ensuite les manuscrits qu’on sacrifiait existaient alors en plusieurs exemplaires et l’on ne pouvait pas soupçonner qu’ils deviendraient un jour l’unique exemplaire d’un auteur ; enfin on ne se servait guère que de manuscrits frustes, incomplets, ou hors d’usage, dont il était impossible de prévoir quelle serait la valeur aux yeux de la postérité. C’est ainsi que le fameux codex de Wolfenbùttel (Weissenburg, 64), dont deux cent douze feuillets sur trois cent trente sont palimpsestes, n’a pas absorbé, selon Knittel, Vlphilm versio Gothica, p. 118, moins de dix-sept débris d’ouvrages et les cent quarante-huit feuillets palimpsestes du Vaticanus, lat. 2061, sont empruntés à six anciens manuscrits. Un des palimpsestes les plus précieux, celui qui fut découvert en 1892, à Sainte-Catherine du Sinaï, par M"" Lewis, se compose de cent quatre-vingt-deux feuillets, tous récrits. Dans ce nombre cent quarante-deux feuillets sont empruntés à un ancien codex syriaque des Évangiles, quatre à un manuscrit grecdu rv a siècle, douze à un autre manuscrit grec du vme siècle dont le texte n’a pas été iden-. tifie, et le reste à un recueil syriaque d’apocryphes (Actes de Thomas et Dormition de Marie). — La pénurie du parchemin dura jusqu’au xie ou XIIe siècle, époque de là diffusion du papier de chiffons et de coton. Lorsqu’un parchemin a été gratté au canif, la première écriture est d’ordinaire irrémédiablement perdue ; mais lorsqu’il a été simplement frotté à la pierre ponce ou traité par un procédé moins radical, il est encore possible de la déchiffrer, surtout à l’aide de quelque réactif chimique. À vrai dire, la chimie a été souvent appliquée trop indiscrètement. En Italie, on a surtout employé la noix de galle qui brunit le manuscrit et le noircit même à la longue jusqu’à le rendre illisible et

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VI 1°

VI Paris, Bibl. nat., ’grec 9.

Saint-Pétersbourg.

Leipzig, Univ., Tîsch. IL

Dublin, Trinity, K.3.4.

Grottaferrata, E. J3. VII.

Fragm. des livres sap. et duN. T.

Livre des Nombres (fragm.).

Heptateuque (fragm.).

Isaïe (fragm.).

Rois, Prophètes (fragm.).

Prophètes (fragm.).

IReg., XX, 9-17 ; UReg., Xxm, 12-27.

Pa. xc-cm (fragm.).

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NOUVEAU TESTAMENT GREC

Paris, Bibl. nat., grec 9.

Saint-Pétersbourg.

Wolfenbûttel, Weiss., 64.

Id.

Brit., Mus. addit. 17211.

Naples, Bibl. nat., II. C. 15.

Dublin, Trinity, K. S. 4.

S. Pétersb., Bibl. imp., 225.

Vatican, grec 2061.

518 versets des quatre Évang.

247 versets de Luc et Jean,

Environ 516 versets de Luc.

Synoptiques (fragm.).

295 versets de Matthieu.

Actes, Épîtres, Apoc. (fragm.).

Actes, Cafh., Paul (fragm.).

ANCIENNE VERSION LATINE

gue

Pal. de l’Escurial. Pal. de Léon…’Pal. du Sinaï… Pal. du Caire… Carolinus Codex. Ambrosiani Cod..

v vr-vir v-vr

VI’VII* VII"

Berne, n. 611.

Paris, Bibl. nat., lat. 64006

Vienne, Bibl. imp., lat. 16.

Wolfenbûttel, Weiss., 64.

Wurzbourg.

Munich, lat. 6225.

Escurial, R. II, 18.

Marc (fragm. des chap. i, n et iii),

Actes, Cathol. Apoc. (fragm.).

Actes, Cathol. (fragm.).

Romains, ITim. (fragm).

Pentat. Prophètes (fragm.).

Pentateuque (fragm.).

Nombres, Juges (fragm.). Fragm. de l’A. et du N. T.

TEXTES DIVERS

Syriaque. Syriaque. Gothiqne. Gothique.

Sinaï, Syriaque, 30.

Univers, de Cambridge.

Wolfenbûttel, Weiss., 64.

Ambrosienne, Milan.

Évangiles.

Fragm. divers de l’A. et du N. T.

Romains (40 versets)

Divers fragments.

Tischendorf 1. Tischendorf 9. Tischendorf 3.

Abbott ». Tischendorf 3. Cozza-Luzzi ".

Burkitt 7.

Taylor 8.’Tischendorf.

Tischendorf.

Knittel, Tischendorf 10. Knittel, Tischendorf l0.

Tischendorf".

Tischendorf’2. Abbott".

Tischendorf".

Encore inédit.

Hagen 15. Berger". White". Knittel, Tischendorf 18, Ranke ">. Ziegler -°.

Ewald et Lœwe » ’. Inédit ( ?)

Bensly, Harris, Burkitt 2 ! .

Lewis et Gibson * 3.

Knittel « .

1 Le Codex Ephrsemi, qui contient soixante-quatre feuillets palimpsestes pour l’Ancien Testament et cent quarante-cinq pour le Nouveau, a été édité par Tischendorf, Codex Ephrœmi rescriptus.

1 Monumenta sacra médita, t. i, Leipzig, 1855. La partie palimpseste comprend quatre-vingt-huit feuillets. 3 Mon. sacra ined., t. i, Leipzig, 1855. Vingt-deux feuillets palimpsestes.

  • Par palimpsestorum Dublinensium, Dublin, 1880. Huit feuillets. » Mon. sacra ined., 1. 1 et ii, pour les fragments des Rois.

9 Sacrorum bibliorum vetustissima fragmenta, Rome, 1867.

7 Fragments ofthe Booki.of Kings according to the translation of Aquila, Cambridge, 1877.

8 Hebrew-Greek Cairo Genizah Palimpsests, Cambridge, 1900.

Monum. sacra ined., t. i, Leipzig, 1855.

10 Knittel, Ulphilæ versio Gothica, etc., 1762 (pour les deux) ; Tischendorf, Monum. sacra ined., t. iii, Leipzig, 1860 (pour Q), et t. VI, Leipzig, 1869 (pour P). P a quarante-quatre feuillets, Q en a treize.

Il Monum. sacra ined., t. ii, Leipzig, 1857. Quarante-huit feuillets palimpsestes.

12 Monum. sacra ined., t. iii, Leipzig, 1860. Quatorze feuillets palimpsestes.

13 Codex rescriptus Dublinensis, Dublin, 1880. Barrett l’avait déjà publié en fac-similé dès 1801 et Hansell dans ses Texts of the oldest existing manuscripts of the N. T., Oxford, 1864, avait imprimé les fragments déchiffrés depuis. La partie palimpseste comprend trente-deux feuillets sans compter les huit feuillets d’Isaïe.

14 Monum. sacra ined. (t. v, pour les Épîtres catholiques et celles de Paul, t. vi pour les Actes et l’Apocalypse).

15 Ein Italafragment aus einem Berner Palimpsest, dans Zeitschrift fur wissenschaftl. Theol., t. xxvii (1884), p. 470. Cf. Old-Latin biblical Texts, n. ii, Oxford, 1886, p. ccxltx-cclvi et 89-94.

<° Le Palimpseste de Fleury, Paris, 1889. CS.Journal of theol. Studies, Oxford, t. vu (1906), p. 454.

17 Portions of the Acls of the Apostles, etc., dans Old-latin biblical Texts, n. iv, Oxford, 1897.

18 Knittel, Ulphilse versio Gothica, etc. ; Tischendorf, Anecdota sacra et profana, p. 155-158.

10 Par palimpsestorum Wirceburgensium, etc., Vienne, 1871.

t0 Bruchstucke einer vorhieron. Uebersetzung, Munich, 1883. Trente-neuf feuillets palimpsestes.

Il Exempta scripturse visigothiæ, Heidelberg, 1873, p. 3-5, pi. iv et v.

" The Four Gospels in Syriac transcribed from the Sinaitic Palimpsest, Cambridge, 1894, avec une préface par M-* Lewis.

    • Palestinian Syriac Texts from palimpsest fragments in the Taylor-Schechter collection, Londres, 1900.

21 Pour les deux derniers articles, voir Scrivener, Introduction, 4e édit., 1894, t. ii, p. 146-148.

qui en outre corrode le parchemin. Il esl facile de le constater sur les codex de l’Ambrosienne et du Vatican traités ainsi par Mai’. Le Patiriensis, par exemple, a été fort maltraité. "Voir Patiriensis (Codex). En France, la teinture de Gioberti a été préférée comme moins corrosive, mais elle colore en bleu les manuscrits. Témoin le Codex rescriptus Ephriemi. L’hydrosulfate d’ammoniaque, tout aussi efficace, est peut-être moins nuisible, à condition de ne point l’appliquer sur un autre réactif et de laver ensuite les feuillets ainsi traités. Il y a d’autres procédés qu’on trouvera dans Chassant, Paléographie des chartes et manuscrits, 7e édit., 1876, p. 68, dans Wattenbach, Das Schriftwesen im Mittelalter, 3e édit., Leipzig, 1896, p. 315, dans Pertz, Archiv., t. v, p. 512, etc. Mais on constate que les moyens préconisés comme les plus inoffensifs manifestent avec le temps des inconvénients de plusieurs sortes. Il est donc prudent, après avoir traité un manuscrit par un [procédé quelconque, de le photographier dès que l’ancienne écriture est visible. Il serait même préférable de ne pas employer les réactifs au cas où la photographie, sous un joui 1 favorable, ou un simple nettoyage des feuillets à la potasse, pourraient assurer la lecture. — Certains manuscrits, par exemple le Cryptoferratensis, sont doublement palimpsestes, c’est-à-dire que l’écriture primitive a été remplacée par une autre et celle-ci à son tour par un texte plus récent. Mais alors les traits se confondent et il est difficile de rien tirer des écritures précédentes.

Une liste des principaux manuscrits bibliques en montrera toute l’importance. On y verra des textes de premier ordre, tels que le Codex Èphrsemi, le Nitriensis, les Évangiles syriaques du Sinaï, les fragments d’Aquila. Ceux qui sont marqués d’un astérisque ont un article à part dans ce Dictionnaire. Dans la deuxième colonne des manuscrits grecs du Nouveau Testament le second sigle est celui qu’emploie von Soden.

F. Prat.

    1. PALIURE##

PALIURE (hébreu : Sâmîr ; Septante : x^puoç, X<5pToc, Si-pftxjïiç, ij}, 7)v ; Vulgate : vêpres, spina, spinee), arbrisseau aux tiges très rameuses et épineuses.

I. Description. — Le Paliurus aculeatus (fig. 539) est épineux comme plusieurs autres espèces de la famille des Rhamnées répandues dans la région méditerranéenne. À cet égard il ressemble aux jujubiers sauvages, notamment au Zizyphus Spina-Christi, pour les deux stipules acérées que présente à sa base chacune des feuilles, l’une allongée et droite, l’autre plus courte et très recourbée. Il en diffère surtout par son fruit qui ne devient pas charnu à la maturité, mais développe une aile circulaire ondulée-crénelée imitant le rebord d’un chapeau. Les tiges très rameuses à branches étalées, avec des feuilles alternes-distiques et coriaces, atteignent jusqu’à 3 ou 4 mètres de hauteur, formant des buissons impénétrables. F. Hy.

II. Exégèse. — La plante appelée Sâmîr ne se rencontre que dans Isaïe. Elle y est nommée huit fois et ordinairement jointe à une autre plante Sayif dont le nom aussi ne se présente que dans ce prophète. On les trouve formant une locution Sâmîr vâsayït, équivalente à celle que nous employons fréquemment : « les ronces et les épines. » Is., v, 6 ; vii, 23, 24, 25y, ix, 17 ; x, 17 ; xxvil, 4. Elles viennent dans les descriptions comme un symbole de ruine et de désolation. Une fois le Sâmir est joint à une autre espèce d’épines appelée qôs. Is., xxxii, 13. Faut-il ne voir dans cette expression qu’un terme général pour désigner les épines ? Il semble bien, par la diversité de leurs traductions ou par les termes généraux qu’ils emploient, que les Septante et la Vulgate n’ont vu dans sâmîr aucune espèce déterminée. Cependant comme dans notre locution « les ronces et les épines » le premier nom désigne un genre particulier d’épines, les Rubus, sâmîr pourrait

signifier une espèce ou un genre spécial d’épines, comme les Rhamnées très abondantes en Palestine. H. B. Tristram, The Fauna and Flora of Palestine,

in-4°, Londres, 1884, p. 263. En arabe y- » *o, samûr, qui

rappelle de très près le Sâmîr hébreu, désigne une espèce particulière d’épines de la famille des Rhamnées, le Paliurus aculeatus. Quelquefois les Arabes appellent aussi samûr, le Rhamnus oleoïdes, le nerprun, H. B. Tristram, The natural History of the Bible, in-12, Londres, 1889, p. 428. 0. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. ii, p. 188, se range au sentiment d’Abulfeda, d’après lequel le samûr est une plante épineuse du genre des Sidr, non de l’espèce qui porte le fruit Nabaq et qui est le jujubier, mais de l’espèce qui ne porte pas de fruit et qui est le Paliurus aculeatus, J. Kitto, Cyclopsedia, in-S^, Edimbourg, 1856, t. iii, p. 814. Le sâmîr peut donc être vraisem 539. — Paliurus aculeatus. Rameau, fleurs et fruit.

blablement identifié à cette dernière plante. Quelques auteurs ont pensé que les épines de la couronne du Christ étaient tirées du Paliurus aculeatus. Il est possible que des épines de diverses espèces de Rhamnées aient été employées ; mais celles qui ont pu être étudiées appartiennent au jujubier Zizyphus Spina-Christi, t. iii, col. 1863. — La Vulgate traduit par le mot Paliurus deux mots hébreux désignant des épines d’espèces différentes : dans Mich., vii, 4, pour rendre le mot hêdéq, qui est plutôt la Morelle, cf. t. iv, col. 1281 ; et dans Isaïe, xxxiv, ’13, pour rendre hôafj., qui est le chardon. Cf. t. ii, col. 588.

E. Levesqde.

1. PALME, rameau de palmier. Voir Palmier.

2. PALME, mesure de longueur. On distingue le grand palme et le petit palme. — 1° Le grand palme, appelé aussi empan, porte en hébreu le nom de zérét (Septante : o-7r19a|x^ ; Vulgate : palmus), est la moitié de la coudée, c’est-à-dire 0°>262. Exod., xxviii, 16 ; xxxix, 9 ; I Sam. (I Reg.), xvii, 4 ; Is., xl, 12 ; Ezech., xlii, 13. Zérét désigne la distance comprise entre le petit doigt et le pouce étendus. Voir Mesure, ii, 2°, Empan, col. 1042. — 2° Le petit palme, en hébreu, téfafy {tôfak, dans Ézéchiel) est le tiers du zérét ou ro 0875, égalant la largeur de la main ou quatre doigts. Exod*, xxv, 25 ; xxxvii, 12 ; III Reg., vii, 26 ; II Par., iv, 5,

Ps. xxxix (xxxviii), 6 ; Ezech., xl, 5, 43 ; xliii, 13 ; ef. Jer., lii, 21. Lé Psalmiste emploie métaphoriquement le mot téfah pour un temps très court (Vulgate : mensurabiles). Saint Jérôme a toujours traduit zéréf par palmus et il a rendu quatre fois téfah ou tôfah par le même terme, sans tenir compte de la différence réelle des deux mots, II Par., iv, 5 ; Ezech., xl, 5, 43 ; xliii, 13 ; dans trois autres passages, afin qu’on ne confondît point le grand palme ou spithama, qui a douze doigts, Vilruve, iii, 1, avec le petit, il a traduit téfah par « quatre doigts », Exod., xxv, 25 ; xxvil, 12, et par très uncise, équivalant à quatre doigts, III Reg., vil, 26 ; enfin, dans Ézéchiel, xliii, 13, où il est dit que la coudée dont on se sert pour mesurer l’autel a un tôfah de plus que la coudée ordinaire, et que le rebord du contour de l’autel a un zérét, il a traduit les deux noms de mesure, malgré leur diversité, également par palmus.

    1. PALMERSTON Thomas##

PALMERSTON Thomas, exclusivement connu de son temps sous le nom de Thomas Hibernicus, né à Kildare, dans le comté de Leicester, entra dans l’ordre des Frères Mineurs et fut envoyé par ses supérieurs à Paris, où il devint docteur en l’Université. De là il se retira en Italie pour y mener une vie obscure, car il était homme de grande piété et humilité, au point que, dit-on, il se coupa le pouce de la main gauche afin qu’on ne pût pas l’ordonner prêtre. On le croit mort en l’an 1270. II laissait Flores Bibliorum, sive loci communes omnium fere materiarume novo et veteri Testamento excerptx. Cet ouvrage, au dire de Sbaraglia, parlant surtout d’après d’autres bibliographes, fut imprimé à Paris en 1556, in-16 ; de nouveau à Paris en 1662 ; à Lyon en 1678, et encore en 1679. Ce n’est pas ici le lieu d’entrer en discussion avec Ëchard, qui a prétendu que Thomas Hibernicus n’était point Frère Prêcheur, comme plusieurs l’avaient dit, ni Frère Mineur comme le disaient les Franciscains.

P. Apollinaire.

    1. PALMES##

PALMES (VILLE DES) ou plutôt des PALMIERS (hébreu : ’Ir hat-Tamarîm ; Septante : 7fS>, s « twv çoiviiwv ; Vulgate : civitas palmarum), nom donné à Jéricho. Jud., i, 16 ; iii, 13. Voir Jéricho, t. iii, col. 1282.

    1. PALMIER##

PALMIER (Hébreu : tâmdr ; Septante : cpo(vi£ ; Vulgate : palma), terme générique qui ne s’applique dans les textes bibliques qu’au palmier-dattier.

I. Description. — De tous ces arbres que pour leur élégance Linné appelait les princes du règne végétal, la seule espèce qui croisse en Palestine est le Dattier ou Phœnix dactylifera, fig. 540. Son stipe élancé atteint jusqu’à 20 mètres de hauteur sans se ramifier, mais porte à son sommet une couronne de 40 à 50 feuilles très amples, découpées suivant le mode penné. Leur rachis épais et comprimé porte sur toute sa longueur des folioles lancéolées-linéaires, acuminées, pliées Iongitudinalement et apprimées avant leur complet développement : c’est à cet état qu’onles cueille sous le nom de palmes. Les fleurs sont portées en très grand nombre sur des panicules ou régimes à branches flexueuses, protégées par une spathe dans l’aisselle des feuilles. Ces fleurs sont dioïques, et pour favoriser la pollinisation les Arabes qui cultivent le Dattier ont coutume de détacher les régimes de fleurs mâles pour aller les secouer sur les régimes des fleurs femelles au moment de l’anthèse. La fécondation peut transformer en autant de baies les 3 carpelles libres de chaque fleur, mais 1 ou 2 avortent le plus souvent. Ces fruits cylindracés ont la grosseur du doigt, d’où vient leur nom : la chair ferme plus ou moins sucrée suivant le degré de maturation entoure l’albumen corné qui simule un noyau. L’arbre, à la condition de trouver à ses racines des eaux souterraines, peut supporter le climat le plus désertique. F. Hy.

Exégèse. — 1° Noms. — Le mot hébreu tdmâr ne souffre aucune difficulté d’identification : les versions sont unanimes à voir dans ce nom le palmier-dattier. Les langues chaldéenne et syriaque qui ont conservé le mot ternar avec la même signification, emploient plus volontiers le synonyme dégel, diqla’, qui rappelle le grec SixTuXoç, l’espagnol dactiles, l’italien dattili, le français datte. L’arabe qui désigne par nakhl notre palmier, a conservé la racine tamr pour la datte. Le nom hébreu fait allusion au port élancé de l’arbre ; le nom araméen

-’*%

640. — Phœnix dactylifera.

1° Rameau de fleurs mâles et fleur mâle ouverte.

2’Rameau de fleurs femelles et fleur femelle.

dêqél paraît tiré du fruit ; le nom latin palma rappelle la forme recourbée des feuilles. Quant au grec « poîvtlil pourrait bien n’être que la transcription grecque du nom

égyptien du palmier I 5. I, Bounnou. — Le mot

hébreu fômér, qui ne se distingue du précédent que par l’es voyelles, désignerait selon les uns le palmier^ mais selon d’autres une colonne, un pilier. De même en Egypte Ben, « palmier », désigne avec un déterminatif spécial une colonne en forme de palmier, c’est-à-dire avec un chapiteau en imitant les feuilles. Dûmichen, Tempel-Inscriften, 87. 1. C’est en ce sens particulier qu’il faudrait entendre fomér dans Jer., x, 5, et même dans Jud., iv, 5. M. J. Lagrange, Le livre des Juges, in-8°, Paris, 1903, p. 67. — fimorah et (immôrâh s’entendent

des palmiers sculptés, c’est-à-dire des figures de palmier aux formes conventionnelles, ou bien des palmettes, motif connu de l’architecture égyptienne et phénicienne. I Reg., VI, 29, 32, 35, 36 ; Ezéch., XL, 16, 22, 26, 31, 34 ; su, 18, 19, 20, 25, 26. - Les feuilles du palmier’âlê femârîm, II Esd., viii, 15, s’appellent proprement kappof (emârîm, Lev., xxiii, 40, 42, du mot kaf, paume de la main, à cause de leur forme recourbée, formant une sorte de dôme, ou simplement kippdh, Is., IX, 14 s fronde de palmier. — Baïv, I Mach., xiii, 37 (Vulgate : bahem, bahen, bæn), de l’égyptien haï, désigne proprement la nervure médiane des frondes du palmier-dattier, et dans l’usage « un rameau de palmier », t. i, col. 1383. — Sansînnîm, Cant., vii, 9, est

541. — Régimes du Phœnix dactylifera. Dattes. Noyau.

rendu dans Symmaque par ëafot, donc avec le sens de rameau de palmier, et c’est ainsi que l’entendent plusieurs auteurs. Ern. Fr. G. Rosenmûller, Scholia in Vêtus Testanwntum, Canticum, in-8, Leipzig, 1830, p. 40V ; mais d’autres préfèrent y voir la grappe ou régime de dattes, et c’est la même signification qu’ils donnent au mot assyrien, sisinnu, Fr. Delitzsch, Assyrisches Handwôrîerbuch, in-8, Leipzig, p. 507. — Les taltallim, Cant., v, 11 (cf. l’assyrien taltallu, Delitzsch, Handwôrterbuch, p. 708, et rarabe_^ii », thaï’) sont l’enveloppe ou gaine des régimes de dattes, qui en s’ouvrant forment une sorte de chevelure (fig. 541) ; ou bien ces filaments qui restent adhérents au tronc du dattier, à la base des feuilles quand celles-ci sont tombées, et que les

Égyptiens appelaient sou non bounnou i « | à,

cheveux de dattier.

2° Le palmier dans la Palestine et les pays bibliques.

— Le palmier, maintenant fort peu répandu en Palestine, y était autrefois très commun. Il est énuméré

parmi les arbres dont la destruction par les sauterelles est une calamité pour le pays. Joël., i, 12. Il dominait sur le littoral de Canaan, à ce point que les Grecs auraient désigné par son nom la côte nord-ouest, $o ! vtE, Phénicie, comme s’ils avaient voulu l’appeler « le pays des Palmiers » du nom de ce qui les avait frappés surtout en abordant. C’est le nom que le pays porte dans Act., xi, 19 ; xv, 3. Les témoignages des anciens s’accordent tous sur cette caractéristique de la Palestine. Théophraste, ’Hist. Plant., Il, 8, affirme que les palmiers sont très abondants en Judée. Pour Pline, Hist.’Nat., XIII, vi, la Judée est célèbre surtout par ses palmiers. Strabon xvil, 15, 51 ; Pausanias IX, xix, 5 ; Tacite Hist. v, 6 ; Aulu Gelle, Noct. Attic. vii, 16, et nombre d’auteurs classiques portent le même témoignage. Aussi voyons-nous le palmier ou la palme représentés sur les médailles et les monnaies juives au temps des Machabées et ensuite sous les procurateurs (fig. 542). Lorsque Simon Machabée en 138 reçut le droit de battre monnaie, il fit graver sur le revers un palmier portant des dattes et de chaque côté une corbeille remplie de fruits avec ces mots : « Affranchissement de Sion. » Voir t. iii, fig. 261, col. 1389. On peut voir dans Saulcy, Numismatique juive, pi. i, 6 ; pi. viii, ii, plusieurs autres types du temps des Machabées ou des procurateurs. Quand Vespasien eut pris Jérusalem, il fit représenter sur ses médailles la Judée captive sous la figure d’une femme en pleurs assise sous un palmier avec ces

542. — Monnaie d’Auguste, frappée sous Coponius, premier procurateur de la Judée. — KAICAPOC. Un épi de blé. — i$. Un dattier en fruit. À droite et à gauche la date L — A@.

mots Judeeacapta. Voir t. iii, fig. 263, col. 1394. Cependant le choix du palmier sur cette dernière pièce, pourrait, suivant quelques auteurs, avoir une autre signification. D’après eux, le palmier ayant été adopté par les anciens comme symbole de victoire, aurait été souvent employé par les graveurs pour indiquer la conquête d’une province. Ainsi s’explique une médaille frappée en l’honneur de Trajan. Ant. Rich, Dict. des antiq. romaines, in-12, Paris, 1861, p. 453. Ce qui aurait fait prendre le palmier comme symbole de la victoire, selon Aulu Gelle, iii, 6, serait sa grande élasticité et force qui le fait résister sans se rompre. Quoi qu’il en soit de ce fait particulier, il résulte des témoignages précédents que le Palmier était autrefois répandu partout en Palestine. Cependant quelques localités en produisaient en plus grande abondance. Jéricho surtout était renommée pour cette raison et appelée la « cité des palmiers ». Deut., xxxiv, 3 ; Jud., i, 16 ; iii, 13 ; II Par., xxviii, 15. Dans la plaine au milieu de laquelle elle est bâtie, se trouvait dit Strabon, xvi, H, 41, 6 cpoivixwv, la palmeraie, ou sorte de verger de cent stades de long, arrosé d’eau courante et planté principalement de palmiers, mélangés à des arbres fruitiers de diverses espèces, et fournissant une abondante récolte. Là seulement et en Babylonie, l’on recueillait l’espèce célèbre de dattes appelées caryotes. Au temps de josèphe, c’était encore la localité la plus fertile en palmiers. Bel. jud., i, vi, 6 ; IV, viii, 2 ; Ant. jud., XV, iv, 2. Cette renommée de Jéricho est attestée également par [Pline, H. N., V, xv ; XIII, ix ; Justin, xxxvi, 2 ; Tacite, i).ist., v, 6 ; Horace, Ep., ii, 2, 184 ; Galien, De aliment, facult., 11 ; les talmudistes dans le Baba Bathra, et le Bereschit Rabba, d’après Celsius, Hierobotanicon, ii, p. 484. On trouve les mêmes témoignages dans les relations de pèlerinage en Terre Sainte

à diverses époques ; et au XVIIe siècle, E. Roger dans la Terre Sainte ou la Description topographique des saints lieux et de la terre de Promission, in-4°, Paris, 1664, p. 175, mentionne encore la présence de nombreux palmiers à Jéricho. Mais depuis ils ont presque totalement disparu : il ne reste plus que quelques pieds, tristes vestiges d’une antique fertilité. H. B. Tristram The natural History of the Bible, 8e édit., in-12, Londres, 1889, p. 382. Pour la même raison qu’à Jéricho, la vallée encaissée du Jourdain où se déploie la végétation des tropiques et les environs de la mer Morte, ont été autrefois fertiles en palmiers. On citait en particulier quelques localités, comme Engaddi, dont l’ancien nom Asasontamar, Hâsason-tâmâr, « coupe des palmiers », est significatif. Gen., xiv, 7 ; II Par., xx, 2, t. H, col. 1796. Cf. Josèphe, Ant. jud., IX, i, 2 ; Pline, H. N., Y, "Vil ; Solinus, 38 ; S. Jérôme, Qusest. in Gen., xiv, 7, t. xxiii, col. 960. II n’en reste plus de trace aujourd’hui. A cet endroit se rapporte vraisemblablement le texte de l’Ecclésiastique, xxiv, 14 (Yulgate, 18), dans l’éloge de la Sagesse, d’après quelques manuscrits :

Je me suis élevée comme le palmier d’Engaddi.

La Vulgate porte Cadès en cet endroit. Le grec actuel d’après le texte sinaïtique et l’alexandrin a èv alyialoï :  ; . « sur les rivages. » La lecture Ev-faSSoiç ou evyaSSt de certains manuscrits doit être la vraie leçon : elle met dans ce verset de l’Ecclésiastique Engaddi en parallèle avec Jéricho, deux stations des environs de la mer Morte. In goo, du syriaque, et ain giadin de l’arabe rappellent Engaddi. D’ailleurs Josèphe nous dit Ant. jud., IX, i, 2, que le plus beau palmier croît à Engaddi ; pour Pline, H. iV., v, 17 (73), Engaddi est célèbre par sa fertilité et ses bois de palmiers.

Au temps de Nehémie, les habitants de Jérusalem pouvaient se procurer facilement des palmes sur le mont des Oliviers pour célébrer la fête des Tabernacles. II Esd., viii, 15. Le nom de Béthanie ( » : >rw, ’ëhina’,

datte), « maison ou lieu des dattes, » indique la présence de nombreux palmiers. Il y en avait donc sur les versants du mont des Oliviers. Sur la route de Béthanie et de Bethphagé à Jérusalem, les foules qui accompagnèrent Jésus, purent facilement trouver des rameaux de palmier pour les porter à la main en acclamant le Messie. Joa., xii, 13.

En remontant vers la Samarie, entre Rama et Béthel, nous rencontrons Baaltamar, Jug. xx, 33, dont le nom « Baal du palmier » ou mieux « possesseur de palmiers », c’est-à-dire lieu de palmiers (cf. (jï]60a[j.âp d’Eusèbe), est significatif. Près de là, si ce n’est à cet endroit même, d’après quelques auteurs, Slanley, Sinaï and Palestine, in-8°, Londres, 1858, 5e édit., p. 146, s’élevait le palmier ou le bouquet de palmiers sous lequel Debora jugeait Israël. Jud., iv, 5. Certains exégètes, comme nous l’avons indiqué plus haut, traduisent ici tomér par colonne en forme de palmier, pilier.

Dans la Samarie on trouve encore des palmiers à Djenin (Engannim), à Naplouse (Sichem) à Beisan (Betsan), d’après Tristram, loc. cit., p. 388. La Galilée, selon Josèphe Bel. jud., III, iii, 3, et en particulier les bords du lac de Génésaréth, Bell, jud-, III, iii, 8, produisaient le palmier avec abondance.

En dehors de la Palestine, la sainte Écriture signale le palmier en plusieurs pays. C’est d’abord à.clim dans la presqu’île du Sinaï. Après être sortis d’Egypte les Israélites s’arrêtent à Elim, Exod., xv, 27 ; Num., xxxiii, 9, où ils trouvent douze fontaines et soixante-dix palmiers. Le lieu est appelé Elim, « les grands arbres, » sans doute à cause de ces palmiers qui sont l’arbre par excellence du désert. On trouve encore en cet endroit des palmiers sauvages.qu’entretient un ruisseau qui au printemps se subdivise et forme plusieurs étangs. En 4855, des voyageurs ont encore trouvé dans ce lieu plus de

80 palmiers. Slanley, Sinai and Palestine, p. 20 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit, t. H, p. 456. La Bible ne fait allusion que dans une comparaison du prophète Isaïe, XIX, 15, au palmier d’Egypte. On sait que c’est l’arbre par excellence de la vallée du Nil. s Où qu’on tourne les yeux, les palmiers sont partout en Egypte, isolés, assemblés par deux ou trois à l’entrée des ravins, autour des villages, le long des berges, éloignés en files régulières comme des rangées de colonnes, plantés symétriquement en forêts claires, ils forment le fond toujours le même sur lequel les autres arbres se groupent en proportions diverses pour varier le paysage. » G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique,

543. — Palmiers en bas-reliefs sur une des portes des parvis d’Israël. — D’après Perrot et Chipiez, Histoire de l’art, t. iv, pi. 4.

t. i, Les Origines, p. 28. Cf. Description de l’Egypte, t. xx, Flore d’Egypte, p. 435-448. Le palmier-dattier revient fréquemment dans les textes égyptiens. On l’employait à l’ornementation du jardin. Voir Rosellini, Monumenti, t. o, pi. 40. 69., Cf. t. iii, fig. 204, col. 1129. Le prophète met en opposition deux productions caractéristiques de l’Egypte, la palme qui se balance gracieusement sur la tige élancée du palmier, et l’humble roseau, pour désigner les puissants et les faihles.

Rien ne profitera à l’Egypte

De ce que pourra faire la tête ou la queue, La palme ou le roseau.

Au lieu du chêne qu’en nos régions on met d’ordinaire en opposition avec le roseau, en Egypte on choisit natu-. Tellement le palmier qui est le plus grand, le plus hel arbre du pays ; le tronc s’élance d’un seul jet jusqu’à 12 ou 15 mètres ; peu d’arbres’ont le port aussi élégant.

2065

PALMIER

2066

Si au lieu de descendre vers le Nil, nous remontons vers l’Euphrate, nous rencontrons encore le palmier. « D’après les antiquités égyptiennes et assyriennes, ainsi que les traditions et les ouvrages les plus anciens, le dattier existait en abondance dans la région qui

feuilles de palmier disposées symétriquement, qu’on appelle palme tte. Sur les mûrs du temple Salomon fit sculpter des chérubins, des tinimorol (Septante : çoïviv. aç ; Vulgate : palmas, des figures de palmier) et des fleurs épanouies (lotus ou rosaces). III Reg., vi, 26. De

544. — Palmette entre deux taureaux affrontés. — D’après Layard, Monuments of Nineveh, 1. 1, pi. 43.

s’étend de l’Kupbrate au Nil. » Alph. de Candolle, Origine des plantes cultivées, in-8°, Paris, 1886, 3e édit., p. 241. Le nom d’une ville, bâtie par Salomon entre Damas et l’Euphrate, fadmôr, II Par., vrn, ou d’après III Reg., IX, 18, Twnâr, indique un iieu riche en palmiers, A ce nom Tadmor, palmier, les Grecs et les Ro même sur les deux battants de la porte en bois d’olivier sauvage qui formait l’entrée du Saint et aussi à l’entrée du Saint des Saints, il fit sculpter des chérubins, des Hnwwrot, et des fleurs épanouies, et il fit revêtir de plaques d’or les chérubins et les timmorof, « figures de palmier. » III Reg., vi, 31-35. Au 11= livre des Para ajwsyaisiis

545. — Palmiers eu pied de chaque côté de la porte d’un palais assyrien. D’après Place, Ninive et l’Assyrie, pi. 24.

mains ont donné un équivalent, Palmyre, « la cité des palmiers. i>

3° Ornement d’architecture. — Le palmier entrait comme motif de décoration dans l’ornementation du temple de Salomon et dans celui d’Ézéchiel. Mais l’expression employée par le texte sacré n’est plus tâmâr, qui signifie le palmier, mais timôrah un ornement rappelant le palmier, soit un palmier sculpté aux formes en partie conventionnelles, soit une composition de

lipomènes iii, 5-7, le texte moins détaillé fait allusion aux chérubins et aux timmôrim (pluriel masculin au lieu du féminin) et à la place des fleurs épanouies mentionne des chaînettes ou guirlandes. Dans la description du temple d’Ézéchiel les dispositions de l’ornementation sont expliquées avec plus de détail et de précision. Ainsi aux portes qui donnaient accès dans le parvis d’Israël, sur les pilastres se voyaient sculptés des (immôrim (Septante : çot’vsxeç ; Vulgate :

pictura palmarum). Ezech., xl, , 22, 26, 31, 34, 37. Dans le temple même étaient sculptés sur les murs des chérubins et des (immorîm, « figures de palmier » disposées de façon à ce qu’une « figure de palmier » était placée entre deux chérubins, xii, 18-20. Que faut-il entendre par fimmôrâh (pluriel (ininiôrîm, ou fimmôrôt)’! Était-ce un palmier figurant en pied avec sa tige droite et régulière, sa tête formée de feuilles

546. — Colonne de Philse ornée de feuilles et defruitsde dattier. D’après Lepsius, Denkmdler, Abth. I, Bl. 117.

disposées symétriquement en éventail, et laissant tomber de chaque côté du sommet de la lige deux régimes de dattes, en un mot un palmier non pas au naturel, mais selon un type conventionnel, tel que le montre la restitution du temple de Jérusalem par Ch. Chipiez, dans G. Perrot et Ch. Chipiez, Histoire de l’art, t. iv, Judée, planche, iv, fig. 544 ? Des deux côtés de la porte méridionale, sur les piliers se dressent deux palmiers appliqués en bas-relief contre le mur (fig. 543). Ou bien faut-il entendre par (imorah la palmette qu’on rencontre fréquemment dans les motifs de décoration en Chaldée et en Assyrie ? On peut voir dans Layard, Monuments, 1 K série, pi. 43, la palmette s’étalant en large éventail entre deux animaux (fig. 544). Qu’au lieu de chèvres ou de taureaux affrontés, on suppose des kerubim et on aura la disposition indiquée par Ézéchiel. La planche 44,

Layard, loc. cit., nous offre même une combinaison d’un animal, de la palmette et de la rosace (ou fleur épanouie), disposition peut-être différente de celle que fit exécuter Salomon, III Reg., vi, 29, 31-35, mais qui comprend les trois mêmes éléments : un animal (dans Layard un cerf, dans le temple un kerub), une palmette et une fleur épanouie.

La palmette conventionnelle figurait également dans les décorations phéniciennes. Histoire de l’art, t. iii, p. 131 et 133, fig. 76 et 81. On la rencontre sur des cachets trouvés à Jérusalem, par exemple sur le sceau d’Hananyahou, Hist. de l’art, t. IV, p. 439, fig. 226. Voir t. iii, col. 310, fig. 67. Qu’était donc la (imorâh’? figure de palmier en pied, ou simple palmette ? Il est difficile de se prononcer avec certitude. Le palmier en pied semble mieux convenir pour la décoration des portes, et d’après Place, Ninive et l’Assyrie, pi. 24, le palmier en pied était représenté des deux côtés de la porte d’entrée (fig. 545), comme aux portes du temple de Jérusalem. D’autre part la palmette avec des kerubs affrontés pour la décoration des murailles du temple

547. — Egyptiens portant des palmes dans une cérémonie de funérailles. — D’après Wilkinson, Manners and customs, t. iii, pi. LIX.

trouverait des termes de comparaison dans les décorations assyriennes qui ont eu une grande influence sur l’art phénicien. Et l’on sait que les artistes employés par Salomon étaient dé Phénicie.

En Egypte nous ne voyons pas les figures de palmier ou la palmette employées dans la décoration comme en Assyrie. Mais le palmier, si abondant dans le pays, a fourni un autre motif de décoration ; il a eu son influence sur le style des colonnes. La colonne imite souvent la forme du palmier. Cf. Dùmichen, Tempelinscltriften, t. i, p. 107, où il est question de fûts de colonne en forme de dattiers. « Les colonnes sont en forme de dattiers et de papyrus avec des chapiteaux en forme de lotus, » est-il dit du temple d’Edfou. Brugseh, Dict., p. 354. V. Loret, Étude sur quelques arbres égyptiens, dans le Recueil de travaux relatifs à l’archéologie égyptienne, 1870, t. ii, p. 26. Le motif des chapiteaux a été souvent emprunté au bouquet de palme qui couronne la haute tige du palmier. Lepsius, Denkmàler, Abth. i, Bl. 117. Dans cette colonne de Soleb (XVlIIe dynastie), la forme végétale est librement imitée. Voir t. H, col. 857, fig. 322. « Dans les temples ptolémaïques l’imitation a été bien plus littérale. À Esnéh, le chapiteau est composé de branches de palmier, groupées par étages autour du chapiteau et copiées feuille à feuille. Quelquefois même, comme à Philse, des grappes de dattes sont mêlées au feuillage du palmier (fig. 546). » Hist. de l’art, t. i, p. 558. C’est sans doute dans ce sens qu’il faut entendre Hérodote, ii, 169, lorsqu’il nous dit qu-’au temple de Sais les colonnes imitaient le pal

mier. Si tômér a le sens de colonne, de pilier, dans Jud., iv, 5, comme le pensent quelques exégètes, c’est sans doute une colonne du type égyptien. À cette époque la Palestine avait plutôt subi l’influence égyptienne.

4° Usages. — « Le dattier, Strabon, xvi, 14, fournit à tous les besoins de la population de la Chaldée. On en tire une sorte de pain, du viii, du vinaigre, du miel, des gâteaux et toute espèce de tissus. Les forgerons font usage de ses noyaux en guise de charbon ; ces mêmes noyaux concassés et macérés servent de nourriture aux bœufs et aux moutons qu’on engraisse. On dit qu’il y a une chanson perse qui énumère 360 usages différents du dattier. » Cf. Théophraste, [Hist. plant., ii, 2 ; Pline, H. N., xiii, 4 ; Fr. Lenormant, Hist. anc. de l’Orient, 1885, t. iv, p. 7 ; Vigouroux, 'Z/a Bible et lesdécouvertes modernes, 6e édit., t. i, p. 440. Il devait en être de même en Egypte où le palmier est si abondant. Il est curieux de constater que la datte ne paraît pas dans la Bible comme un fruit recherché pour lanourriture. Serait-ce, comme le croit A. de Candolle, Origine des plantes cultivées, p. 241, que les dattes ne mûrissaient guère en Palestine ? Cependant dans toute la région chaude du Jourdain, la température était très favorable. Il semble donc probable que chez les Hébreux comme en Chaldée ou en Egypte, les dattes devaient servir à la nourriture des habitants. Elles devaient être mangées soit fraîches, soit pressées en petits gâteaux. On tirait du palmier une espèce de vin très connu en Orient. Saint Jean Chrysostome et Théodoret croient que le sêkâr ou boisson interdite aux prêtres par le Lévitique, x, 9, était le vin de palmier. Mais le Sêkâr n’est pas exclusivement du vin de palmier ; c’est une boisson fermentée qui peut être fabriquée avec de l’orge ou d’autres céréales, avec divers fruits sucrés aussi bien qu’avec des dattes, t. ; i, col. 1842. Cf. S. Jérôme, Epist. LU, 11, ad Nepotianum, t. xxii, col. 536.

Le vin de dattes était connu dans tout l’Orient. Pour le fabriquer, dit Pline, H. N., XIV, xix, 3, « on jette un muid de dattes appelées chydées, qu’on prend mûres, sur trois congés (9 m 72) d’eau ; on fait macérer et on presse. » Strabon, XVI, i, 14. Au lieu de laisser fermenter le jus de dattes, on peut en faire un sirop, qu’on appelle miel de dattes. Josèphe, Bell, jud., IV, vin, 3, donne le nom de miel à cette liqueur ou sirop exprimé des palmiers de Jéricho et il affirme que ce miellé cède à peine en douceur à celui des abeilles. Ce miel de palme serait compris, d’après plusieurs exégètes, sous la dénomination générale de debaS, miel dans plusieurs textes bibliques. Ainsi Deut., VIII, 8 ; II Par., xxxi, 5. Dans ce dernier passage on voit les enfants d’Israël offrir, en abondance les prémices du blé, du vin nouveau, de l’huile, du miel et de tous les produits des champs. Comme on doute que le miel des abeilles fût soumis à l^mpôt des prémices, on a pensé qu’il s’agissait peut-être ici du miel de dattes. Les Arabes d’ailleurs appellent ce sirop de ce nom, dibs.

Les branches du palmier étaient employées par les Israélites pour les tentes de feuillage de la fête des Tabernacles. Lev., xxiii, 40, 42 ; II Esd., viii, 15.

5. Symboles et comparaisons. — La palme est regardée chez les anciens comme un symbole de réjouissance et de triomphe. Simon Machabée fit son eatrjée dans la citadelle de Jérusalem conquise sur les Syriens, au milieu des chants de louanges accompagnés des cithares, des cymbales et des harpes et avec des rameaux de palmiers à la main, « parce qu’un grand ennemi d’Israël était brisé. » I Mach., xiii, 51. Quand on purifia le temple sous Judas Machabée, II Mach., x, 7, on fît une fête semblable à celle des tabernacles. « Portant des rameaux verts et des palmes, les Juifs chantèrent des hymnes à la gloire de Celui qui les avait heureusement amenés à purifier son temple. » Reconnu par Démétrius, roi de Syrie, victorieux de ses adversaires, Simon lui

envoya une palme à'or comme symbole de la victoire et x une allusion délicate à son surnom de Nicator.

I Mach., xiii, 37. Cf. Bahem, t. i, col. 1383. Alcime avait offert une semblable palme d’or au roi Démétrius I er.

II Mach., xiii, 4. Une foule de Juifs venus à Jérusalem pour la fête de Pâques, voulant acclamer Jésus comme le Messie et le roi d’Israël, allèrent au devant de lui avec des rameaux de palmiers, Joa., xii, 13. Les élus que saint Jean contemple dans son Apocalypse, vii, 9, portent des palmes à la main en symbole de leur victoire. Cf. IV Esd., ii, 45-46. Chez les Égyptiens, on en portait aussi aux funérailles (fig. 547).

La tige droite, élancée du palmier, terminée par un gracieux bouquet de rameaux élégamment recourbés, oifre un spectacle agréable aux regards et devait naturellement être prise comme terme de comparaison.' Ainsi la taille de l'Épouse du Cantique vii, 8, est comparée au palmier. Dans l'éloge de la Sagesse, le fils de Sirach la compare au palmier qui se dresse à Engaddi (grec : sur les rivages, V 'ulgate : à Cadès). Eccli., xxiv, 18. En comparant le juste au palmier, Ps. xcn (Vulgate, xci), 13, le psalmiste l’oppose aux méchants qui croissent comme l’herbe pour un moment, tandis que le palmier toujours vert passait pour un des arbres les plus durables. O. Celsius, Hierobotanicon, part. ii, p. 534-538. Le palmier produit de sa racine de nombreux rejetons qui se dressent et forment bientôt un bouquet d’arbres. Pline, H. N., XM, vm. Ainsi les prêtres et les enfants d’Aaron entouraient le grand-prêtre Simon, fils d’Onias, comme des palmiers. Eccli., L, 14. Dans Job, xxix, 18, la Vulgate traduit par palmier le mot hébreu ftol : « Je multiplierai mes jours comme le palmier, » tandis que le texte hébreu est habituellement traduit : « J’aurai des jours nombreux comme le sable. » La Vulgate suit évidemment la traduction des Septante : wtntep ctt&£-/oç çoîvixoç, « comme une tige de palmier ». Quelques exégètes pensent que le mot axi ; , ex°? es t une glose d’un commentateur qui se serait glissée dans le texte et qu’il y avait primitivement ûoitsp çobuvoç, « comme le phénix ». Ce serait une comparaison tirée de cet oiseau fabuleux qu’on disait vivre des milliers d’années et renaître de ses cendres. S. Bochart, Hierozoïcon, part. II, 1. VI, c. v, i.n-fol., Leipzig, t. iii, p. 805. Vivre comme le phénix était un proverbe grec pour exprimer la longévité de celui-ci. La petite Massore remarque que blnsi, vekafiôl, revient deux fois dans la Bible en deux sens très différents. Or dans Gen., xxii, 17, ffôl signifie évidemment sable, donc ici, Job, xxix, 18, il n’aurait pas ce sens d’après la tradition juive, mais celui de phénix. — Voir Im. Lôw, Aramâische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 1881, p. 109-125 ; O. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. ii, p. 444-579 ; Fr. Wônig, Die Pflanzen im alten Aegypten, in-8°, Leipzig, 1886 ; p. 304-314.

E. Levesqtje.

    1. PALMYRE##

PALMYRE (Hébreu : Tadmor ; Septante : &tSi.6p, ©oe8jj.<5p ; Vulgate : Palmyra, Palmira), ville de Syrie (fig. 548) située « dans le désert ». I (III) Reg-, ix, 18 ; II Par., viii, 4. Dans le texte des Rois, le chetïb porte pâmâr, mot qui veut dire palme ; Septante : 6£p}i.à6 ou 8 « |j.{itip ; le kerî lit Tadmor. C’est la ville des palmiers, en hébreu tâmâr. Josèphe, ^4nt. jud., VIII, VI, 1. On dit qu’elle portait le nom de Tadmor chez les Syriens et de Palmyre chez les Grecs. Le nom de Tammor ou Tadmor se retrouve souvent dans les inscriptions araméennes et grecques découvertes dans les ruines de cette cité. De Vogué, Syrie centrale, in-f°, Paris, 18651877, Inscriptions sémitiques, p. 1-88.

Palmyre fut construite ou rebâtie et agrandie par Salomon au moment de la conquête qu’il fit de la terre d'Émath et en même temps que les autres « villes des magasins », 'ârê ham-miskenôt, c’est-à-dire les entrepôts très importants qu’il établit dans cette région.

I (III) Reg. ix, 18 ; II Par. viii, 4. Voir Émath 1, t. ii, col. 1715. La situation de cette ville en faisait un point commercial très important, car elle reliait la Palestine avec la région de l’Euphrate. — Après le règne de Salomon il n’est plus question de Palmyre dans la

548. — Monnaie de Palmyre. Buste de Tyché, de face, entre deux bustes impériaux radiés. — 1$. riAAMrPA. Victoire debout, à gauche, tenant une balance au-dessus du bétyle.

Bible. Pline, H. N., v, 88, la décrit comme une cité opulente, riche par son climat et ses eaux, entourée d’un désert de sable. C’est une oasis fertile. Les ruines gigantesques qui y couvrent le sol sont du temps d’Hadrien, notamment les colonnes du temple de Baal ou du Soleil, qui étaient au nombre de 390. Palmyre

entre Rome et les Parthes, puis elle fut battue par Aurélien en 273 et emmenée captive à Rome. Presque toute la population de Palmyre fut alors détruite, Vopiscus, Aurelian., xxvi.

Bibliographie. — R. Wood, Les ruines de Palmyre, autrement dite Tadmor, in-4°, Paris, 1819 ; L, de Laborde, Voyage de la Syrie, in-f°, Paris, 1837, pi. vm et ix, et p. 10-22 ; Cassas, Voyage pittoresque de la Syrie, in-f », Paris, an VI, pi. (26 [101-180 sur l’exemplaire de la Bibliothèque nationale OMO]) ; von Sallet, Die Fûrsten von Palmyra, in-S°, Berlin, 1866 ; W. Wright, Palmyra and Zenobia, in-8°, Londres, 1895 ; F. Vigoùroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., p. 359360 ; Heeren, De la politique et du commerce des peuples de l’Antiquité, trad. Suckau, in-8<>, Paris, 1830-1838, t. v, p. 308-332 ; Lucien Double, Les Césars de Palmyre, in-12, Paris, 1877 ; Th. Mommsen et J. Marquardt, Manuel des antiquités romaines, trad. franc., t. ix, Organisation de V Empire romain, t. ii, in-8°, Paris, 1892, p. 360, 363, 378 ; Th. Mommsen, Histoire romaine, trad. franc., Paris, 1888, p. 269-295 ; B. Moritz, Zur antiken Topographie der Palmyrene,

549. — Ruines de Palmyre. D’après L. de Laborde, Voyage de la Syrie, frontispice.

reçut sous l’empire romain une constitution grecque. Les inscriptions mentionnent le conseil et le peuple de la ville. W. Waddington, Inscriptions grecques et latines de Syrie, in-4°, Paris, 1870, n. 2585, 2578, 2627. En 129, elle reçut la visite d’Hadrien et le nom d"A8piavT| nâ)i[UJpa. Ce fut la période la plus brillante de son histoire. Au temps des guerres contre les Parthes, Palmyre devint un important poste militaire. Après la défaite de Valérien par Sapor, Odenathe fonda une dynastie indépendante et le Sénat romain lui conféra le titre d’Auguste ! À sa mort, sa veuve Zéaobie lui succéda en 267 et maintint d’abord son indépendance

in-4°, Berlin, 1889 ; American Journal of Archseology, 1890, p. 534 ; Revue biblique, 1893, p. 627.

E, Beurlier.

PAMPHYLIEProvince d’Asie Mineure. La Pamphylie est mentionnée dans I Mach., xv, 23, parmi les contrées auxquelles fut envoyée la lettre du consul Lucius en faveur des Juifs. — Des Juifs de Pampbylie étaient présents à Jérusalem le jour de la Pentecôte et assistèrent au discours de saint Pierre. Act., ii, 10. Saint Paul et Barnabe, en revenant de Paphos, abordèrent en Pamphylie. Act., xiii, 13. Ils revinrent dans ce pays à leur retour d’Anlioche de Pisidie, annoncèrent

j

I

2073

PAMPHYLIE — PANETIÈRE

2074

la parole de Dieu à Pergé et descendirent à Attalie d’où ils firent voile vers Antioche de Syrie. Act., xiv, 23-24. Dans son voyage à Borne, saint Paul passa le long des cotes de Pamphylie, Act., xxvii, 5.

La Pamphylie(fig. 550) est située sur la côte sud de l’Asie Mineure entre la Lycie à l’ouest, la Pisidie au nord et la Cilicie trachée ou Isaurie à l’est. Le Taurus entoure la Pamphylie de hauteurs et s’approche très près de la mer aux deux extrémités. Entre la Lycie et la Pamphylie, la route qui gravit les flancs de Taurus porte le nom de Climax ou échelle. Il reste à peine entre la rnonfagne et la mer un étroit passage souvent recouvert par les flots ; Alexandre y fit passer son armée. Strabon, XIV, iii, 9. C. Lankoronski, Les villes de la Pamphylie et de la Pisidie, t. i, p 5, 21 ; t ; II, p. 127130. Le climat de la Pamphylie est anémiant. La fièvre dans les plaines y est à l’état endémique et très dangereuse surtout pour les étrangers. Les hauteurs du Taurus empêchent les vents du nord de rafraîchir et d’assainir le pays. C’est peut-être là que saint Paul

550. r— Carte de Pamphylie.

contracta la maladie à laquelle il fait allusion, Gal., iv, 13. W. Ramsay, The Church in the Roman Empire. 3e édit., Londres, 1894, p. 61-64 ; Lankoronski, Les villes de la Pamphilie, t. i, p^ 1-7.

La Pamphylie fut colonisée de bonne heure par les Grecs de toutes tribus, de là son nom. Ils y dominèrent l’élément indigène. Attalie y fut fondée par les rois de Pergame au second siècle avant J.-C. Voir Attalie, t. i, col. 1227. Au premier siècle, la ville la plus importante était Sidé. Pergé était le centre de la population indigène. La Pamphylie fut envahie pour la première fois par les Romains en 190 avant J.-C. Polybe, xii, 18 ; Tite Live, xxxviii, 15. En 103 avant J.-C, elle fut jointe à la province de Cilicie. En 13 avant J.-C, on trouve un gouverneur de Pamphylie, mais probablement c’était une annexe à une autre province. Dion Cass., lui, 26, Claude organisa en 43 après J.-C. une province de Lycie-Pamphylie. Dion Cass., lx, 17. Sous Néron ou Galba, la Pamphylie était réunie à la Galatie. Tacite, Hist., ii, 9. En 74, Vespasien créa véritablement la province de Lycie-Pamphylie et la plaça sous l’administration impériale ; Hadrien la rendit au Sénat. Dion Cass., LXUt, 14. La Pamphylie conserva sa nationalité distincte, elle eut son organisation religieuse, ©éjiiç IlajipuXiaxTJ, présidée par un IlafjLçuXidcpxïiS’Corpus inscript, grsec., n. 43524355 ; Waddington, Inscriptions d’Asie Mineure ( Voyage archéologique, t. iii), n. 1224. Les ports de Pamphylie servaient de marché aux pirates de lTsaurie. Les principales villes étaient Sidé, Pergé, Aspendus et Attalie. . Bibliographie. — C. Lankoronski, Niemann et Petersen, Les villes de Pamphylie et de Pisidie, 2 in^f », Paris, 1890-1892 ; W. Ramsay, The Church in the Ro man empire, in-8°, Londres, 1893, p. 16, 61, 108, 110, 138, 149 ; Th. Mommsen et J. Marquardt, Manuel des antiquités romaines, t.ix, Organisation de l’Empire romain, t. ii, Paris, 1892, p. 303-310 ; Th. Mommsen, Histoire romaine, trad. franc., t. x, Paris, 1888, p. 94, 107-109.

E. Beuruer. _

PANETIER (GRAND) (hébreu : sar hâ-’ofim ; Septante : àp^KUToitoiô ? ; Vulgate : pistorum magister), fonctionnaire de la cour du pharaon d’Egypte. Le texte sacré le qualifie d’eunuque, Gen., xl, 1, 2 ; toutefois ce terme peut se prendre, à la rigueur, dans un sens large. Voir Eunuque, t. ii, col. 2044. Le grand panetier n’était pas un artisan, mais un grand dignitaire. Voir Boulanger, t. i, col. 1892. C’est lui qui surveillait la préparation de tous les aliments faits avec la farine, pains, biscuits, soufflés, pelotes, galettes, etc., spécialités confiées à autant de personnages organisés’hiérarchiquement. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, t. i, p. 280. Le grand panetier commandait à tout ce monde et avait la responsabilité du service. C’est lui qui en personne portait dans des corbeilles, placées sur sa tête, le pain blanc et les pâtisseries au pharaon. Gen., xl, 16, 17. Un papyrus de la XIX" dynastie lui donne le nom de djadja. Sa charge était considérable, puisqu’il est dit qu’il avait 114064 pains en magasin. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 87. Il fournissait évidemment non seulement le pharaon, mais encore toute sa cour fort nombreuse. Un grand panetier, contemporain de Joseph, irrita le prince contre lui’et fut, "mis dans la prison dont Putiphar avait la garde. Le grand échanson partageait son sort. Dans un songe, le grand panetier s’imagina porter sur sa tête trois corbeilles de pain blanc et de pâtisseries, et les oiseaux venaient les manger. Joseph, son compagnon de prison, interpréta ce songe. Il annonça au grand panetier que, dans trois jours, le pharaon lui enlèverait la tête, le ferait pendre et que les oiseaux viendraient dévorer sa chair. C’est en effet ce qui arriva. Gen., xl, 1-5, 16-22. Voir Pendaison.

H. Lesêtre.


PANETIERE (grec : rcTJpa, cravpîc, xôcptvoç ; Vulgate : pera, sporta, cophinus), récipient destiné à porter le pain et la nourriture en

voyage. — La sporta et le

cophinus étaient ordinaire ment en osier ou en tissu

végétal. On y mettait le

pain et les quelques ali ments nécessaires quand

on voyageait. On les voit

figurer aux deux multipli cations des pains. Matth.,

xiv, 20 ; xv, 37 ; xvi, 9 ;

Marc, vi, 43 ; viii, 8, 19,

20 ; Luc, ix, 17 ; Joa., vi,

13. Voir Corbeille, t. ii,

col. 963. Un Israélite ne

circulait pas dans le pays

sans emporter avec lui sa

kefîfâh ou panetière à pro visions. Cf. Schabbath,

ꝟ. 31, 1. C’est ce qui ex plique comment il fut si

aisé de trouver un certain

nombre de ces récipients

au moment de la multipli cation des pains. La pera

était une besace ou saco che de cuir, soutenue -à

l’épaule par une courroie, et dans laquelle les voyageurs etles mendiants mettaient leurs provisions. La figure 551 représente un paysan avec sa besace et son bâton. Notre-Seigneur veut que ses Apôtres et ses disciples,

551. — Paysan avec son bâton

et sa besace. D’après ÏUch,

Dictionnaire des antiquités

romaines, p. 472.

2075

PANETIÈRE — PAON

2076

quand ils vont prêcher l’Évangile, n’aient avec eux ni bâton ni besace, Matth., x, 10 ; Marc, vi, 8 ; Luc, ix, 3 ; x, 4, parce que l’ouvrier est digne de son salaire et qu’il doit recevoir les aliments nécessaires dans les maisons

qu’il évangélise.
H. Lesêtre.
    1. PANIER##

PANIER, ustensile d’osier ou de matière analogue, tressé de manière à contenir de menus objets, grains,

£i.f£r= : j

iMÊSmiT^’"

552. — Paniers employés aujourd’hui en Orient.

gerbes, provisions, etc, et à rendre facile leur transport (fig. 552). Le nom du panier ne diffère pas de celui de la corbeille. Voir Corbeille, t. ii, col. 962. En Egypte, l’argile à briques était transportée dans des espèces de

553. — Anciens paniers égyptiens à couvercle.

paniers. Voir t. i, figure en couleurs, col. 1932. Des paniers figurent aussi dans les scènes de la moisson. Voir t. iv, fig. 304, 305, col. 1216, 1217. D’anciens paniers égyptiens sont pourvus de couvercles mobiles

554. — Paniers égyptiens à anse.

(fig. 553) ou d’anses (fig. 554). Leur forme est tantôt arrondie, tantôt rectangulaire. — La aapyâw-r] ou sporta dans laquelle saint Paul fut descendu dn haut des murs de Damas, Il Cor., xi, 33, était un panier tressé en bois ou en paille et ordinairement muni de deux anses (fig. 555). On l’employait à différents usages. Cf. Columelle, viii, 7, 1 ; Pline, H, N., xxi, 49. On comprend que saint Paul ait pu être aisément descendu debout au bas du mur, les pieds posés sur le fond de la « porto et les mains se’tenant à la corde attachée aux anses. Pour réduire les brigands réfugiés dans les

grottes d’Arbèle, auxquelles on ne pouvait accéder du dehors que par une paroi verticale, voir Arbèle, t. i, col. 886, Hérode avait jadis employé un moyen analogue. Du sommet du rocher, il avait fait descendre des soldats dans des paniers ou coffres à provisions, Xâpvaxeç, jusqu’aux ouvertures des grottes, et ceux-ci

555. — Sporta. D’après une statue du musée de Naples représentant un jeune pêcheur.

avaient pu, par ce moyen, massacrer les brigands et incendier les refuges dans lesquels se tenaient leurs familles. Cf. Josèphe, Bell, jud., i, xvi, 4.

H. Lesêtre.
    1. PANTHÈRE##

PANTHÈRE, carnassier de la famille des félidés, analogue au léopard. C’est, d’après certains commentateurs, cet animal carnassier qui est désigné par le mot hébreu nâmêr. Voir LÉOPA.RD, col. 172. Cet animal diffère du léopard par sa taille moins grande et son pelage plus foncé, quelquefois entièrement noir. Il grimpe aux arbres pour y poursuivre sa proie. Sa queue a vingt-huit vertèbres tandis que celle du léopard n’en a que vingt-deux. La panthère se trouve surtout dans les régions les plus chaudes de l’Asie et dans l’archipel indien. Les écrivains sacrés n’ont pas eu à en parler. Mais comme son nom a été longtemps regardé comme synonyme de léopard, bien des auteurs ont attribué ce nom à des animaux qui n’étaient autres que des léopards. Cf. F. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris,

1853, t. ii, p. 148, etc.
H. Lesêtre.

PAON (hébreu : (ukkîyîm ou ^ûft/cîj/îm ; Septante, dans quelques manuscrits seulement rTawveç ; Vulgate : pavi), oiseau de l’ordre des gallinacés, remarquable surtout par l’aigrette qu’il porte sur sa tête et par sa queue magnifique (fig. 556). Celle-ci se compose de dix-huit longues plumes, peintes des plus riches couleurs et constellées de sortes d’yeux éclatants. Ces plumes peuvent se dresser en forme d’éventail et produire alors un merveilleux effet. Le plumage, déjà très vif chez le paon domestique, l’est encore davantage quand l’animal vit à l’état sauvage. La femelle est dépourvue de cette parure. D’ailleurs le mâle lui-même perd ses belles plumes, au moins en partie, , à l’époque de la mue, vers la fin de juillet. Les pattes de l’oiseau sont difformes et son cri disgracieux. Les paons se nourrissent de graines de toutes sortes. — Il n’est question de paons que dans l’histoire du règne de Salomon. III Reg., x, 22 ; II Par., IX, 21. À l’exemple des autres monarques orientaux, ce prince était curieux d’objets et d’animaux étrangers. Ses marins lui rapportèrent d’Ophir des tukkîyim. Ce mot, qui n’appartient pas à la langue hébraïque, n’est que la reproduction du mot tôgai ou tôghai, qui est le nom du paon en malabare. Voir Ophir, col. 1830. Les auteurs indiens font grand éloge du paon, à cause de la variété et de la vivacité de ses couleurs. Au v « siècle avant notre ère, on importa l’oiseau d’Asie à Athènes, où il excita grande admiration. Une paire de paons se vendait plus de neuf cents francs. Quand Alexandre le Gtand vint dans l’Inde, il défendit de tuer les paons. On consacrait cet animal aux dieux, spécialement à Junon ; on le regardait comme sacré

chez les Libyens. Il était également en grand honneur à Babylone. Cf. Élien, De animal., v, 21 ; xi, 33 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 383, 384, 398-402 ; Tristram, The natural his~ tory of the Bible, Londres, 1889, p. 223. Les premiers chrétiens regardaient le paon comme le symbole de l’immortalité, à cause de la renaissance de ses plumes chaque année et, à ce titre, ils l’ont plusieurs fois

556. — Ije paon.

représenté. Cf. Martigny, Dict. des Antiq. chrétiennes, Paris, 1877, p. 569 ; Cré, Une découverte eucharistique, dans la Revue biblique, 1893, p. 631 ; 1894, p. 277-291.

H. Lesêtre.

PAPHLAGONIENS. Le mot Paplilagoniens ne se rencontre pas dans la Bible. Cependant dans Gen., x, 3, se trouve le mot Riphath que Josèphe, Ant. jud., i, 61, d’après l’ancienne traduction juive, traduit par Paplilagoniens. La Paphlagonie est en effet placée entre les pays appelés Askenaz ou la Phrygie septentrionale et Thogarmath ou l’Arménie occidentale. Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, in-12, Paris, 1882, t, ii, p. 295. Cf. Bochart, Geographia sacra, Cæn, 1846, t. iii, p. 165. E. Beurlier.

    1. PAPHOS##

PAPHOS (grec : Ilœpo : ), capitale de l’Ile de Cypre (fig. 557). Dans sa première mission saint Paul, accompagné de saint Barnabe et de Jean Marc, fit voile vers Cypre. À Paphos ils trouvèrent un magicien nommé Barjésus et surnommé Élymas, c’est-à-dire le sage, qui résidait auprès du proconsul Sergius Paulus. Ce dernier fit appeler auprès de lui Paul et Barnabe afin d’entendre la parole de Dieu, malgré les efforts de Barjésus pour l’endétournpr. Paul le frappa d’un aveuglement temporaire et le proconsul^ touché de ce prodige se convertit à la foi. De Paphos les Apôtres firent voile vers Pergé en Pamphylie. Act., xiii, 6-16. Voir Sergius Paulus.

La cité où se trouvait la résidence du proconsul, était la nouvelle Paphos, capitale de la province romaine, dont les ruines sont à Balîo. Elles comprennent un petit théâtre, un amphithéâtre, les restes d’un temple, de la muraille et du port. E. Pottier, Bulletin de correspondance hellénique, t. iv (1880), p. 497. La vieille Paphos abandonnée en faveur de la nouvelle se trouvait à Konklio sur la rive droite de la rivière ûiorizo, le Bocarus des anciens, à environ 15 kil. oucst-sudouest de Balîo. La vieille Paphos devait sa célébrité au temple d’Astarthé, déesse phénicienne que les Grecs avaient identifiée à Aphrodite ou Vénus. Les prêtres qui desservaient le temple descendaient de Cingras, qui malgré son nom grec était d’origine phénicienne. Ils

restèrent en fonctions jusqu’à la conquête romaine. Titus visita le temple de la vieille Paphos, y remarqua les richesses accumulées et en particulier l’image de la déesse, représentée sous la forme d’une pierre conique. Tacite, Hist., ii, 3. Une série de monnaies cypriotes datées des empereurs et d’Auguste à Macrin"représentent le temple de Paphos et la déesse sous la forme d’une pierre pu bétyle. Voir Bétyle, t. i, col. 1765, M. di Cesnola a publié un plan du temple, d’après les fouilles qu’il a faites. Cesnola, Cyprus, its ancient cities, tombs and temples, in-8°, Londres, 1877, p. 210-213 ; G. Perrot et Ch. Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iii, in-4°, Paris, 1885, p. 264-275, fig. 299-203. De nouvelles fouilles ont été faites en 1888,

557. — Monnaie de Paphos.

ArTOK. KAIS. A. EEIIT. SEOrHPOS. Tête laurée de l’empereur Septime-Sévère.— Ri. KOINON K.rnPlQN. Temple d’Aphrodite-Astarthé à Paphos. Au fond, au milieu, le cippe de la déesse et, à droite et à gauche, une étoile. De chaque côté, un candélabre. Au haut, le croissant et une étoile. Sur le toit plat du temple, à droite et à gauche, une colombe, l’oiseau consacré à Astarthé.

aux frais du Cyprus Exploration Fund. Voir Journal of Hellenic Studies, t. ix (1888), p. 158-271. Le temple à l’époque romaine comprenait une cour, entourée de chambres et de portiques, dans lesquelles on entrait par un portail. Au sud se trouvent les restes d’un temple plus ancien. Sous la domination romaine, chaque année à l’époque de la fête, une longue procession se rendait au temple, venant de la nouvelle Paphos et des autres villes de l’Ile. — Voir J. T. Hutchinson et Cl. D. Cobham, A Handbook of Cyprus, in-16, Londres, 1905, p. 11.

E. Beurlier.

    1. PAPIER##

PAPIER (grec : xâp-njç ; Vulgate : charta), papyrus, matière servant de papier à écrire et formée avec le tissu intérieur du roseau de ce nom. Saint Jean, dans sa seconde Épître, t. 12, dit qu’il aurait encore beaucoup de choses à écrire à celle à qui il s’adresse, mais qu’il ne veut pas le faire ôià ^àpTou, per chartam, ce que les versions françaises traduisent : « avec du papier. » Le mot xâpiT) ; désigne le papyrus, par opposition au parchemin. Il ne peut signifier ce que nous appelons aujourd’hui le papier, fait avec des chiffons ou autres matériaux divers, qui était inconnu des anciens. À l’époque de saint Jean, on se servait surtout du parchemin pour écrire les livres, en Asie Mineure, en Grèce et en Italie, mais on employait de préférence le papyrus d’Egypte pour écrire les lettres missives. Pline, H. N., xiii, 21-22. Voir Papyrus, col. 2079 ; Parchemin, col. 2158.

    1. PAPILLON##

PAPILLON, insecte à métamorphoses, de l’ordre des lépidoptères. Voir Insectes, t. iii, col. 885. Les papillons sont des lépidoptères diurnes, et la Sainte Écriture ne parle que d’un lépidoptère nocturne, la teigne. Voir Teigne. Les papillons sont d’ailleurs relativement rares en Palestine, à cause de la sécheresse du climat et [ie l’absence de bois. Ils appartiennent à 280 espèces, analogues à celles du sud-est de l’Europe, sauf dans la région de la mer Morte, où quelques-unes se rapprochent des espèces nubiennes ou abyssiniennes. Cf. Tristram, The natural Bistory of the Bible, Londres, 1889, p. 326. H. Lesèire. PAPYRUS (hébreu : goméʾ; Septante : πάπυρος, βίϐλινος, ἔλος ; Vulgate : scirpus, papyrus, juncus), espèce de roseau d’Égypte.

I. Description.

La famille dès Cypéracées qui n’a plus aujourd’hui qu’un intérêt médiocre pour ses chaumes rudes donnant un mauvais fourrage, a pendant plusieurs siècles fourni à l’humanité une des plantes les plus utiles, le Papyrus, dont on tirait les éléments du papier. C’est une herbe robuste dont l’épais rhizome rampe dans la vase des marais, et produit des tiges dépassant 2 mètres de haut. Leur base qui atteint le diamètre du bras est entourée de gaines foliaires à limbe nul ou brièvement lancéolé ; le sommet triquêtre se termine par une ombelle florifère globuleuse, très ample, un peu penchée, formée de nombreux rayons qui dépassent les bractées de l’involucre.

Parlatore distinguait dans l’ancien Cyperus Papyrus de Linné (fig. 558) deux races : celle d’Égypte autrefois abondante dans la basse région du Nil, mais qui n’existe plus aujourd’hui qu’en Abyssinie, aurait les rayons de l’ombelle tous dressés et étages autour des plus longs occupant le centre ; celle de Syrie, transportée en Sicile, différerait de la précédente par les rayons extérieurs de plus en plus divergents jusqu’à devenir réfléchis tout en dehors vers la base. Mais ces caractères différenciels paraissent manquer de fixité.

Le papyrus se trouve encore à l’état spontané, en diverses localités de la Palestine, dans les marécages du lac Houléh, sur les bords du lac de Tibériade, et dans la région littorale près de Jaffa.
F. Hy.

II. Exégèse.

Le mot hébreu goméʾ désigne une plante qui croît dans l’eau, dans les marécages, Job, viii, 11 ; Is., xxxv, 7 ; se rencontre spécialement en Égypte et en Éthiopie, sur le Nil, Exod., ii, 3 ; Is., xviii, 2, et sert à fabriquer des corbeilles, des nacelles. Exod., ii, 3 ; Is., xviii, 2. Cette plante dont le nom se présente quatre fois dans la Bible est le papyrus. Les Septante traduisent par πάπυρος dans Job, viii, 11, ou par l’équivalent βίϐλινος, dans Is., xviii, 2 (cf. Théophraste, Hérodote, Homère, où βύϐλος est le nom du papyrus) ; dans Is., xxxv, 7, les traducteurs grecs en mettant ἔλος traduisent moins exactement, mais ils voient encore une cypéracée. Dans Exod., ii, ils ont omis de rendre le mot goméʾ'. La Vulgate traduit aussi par papyrus, dans Is., xviii, 2, par le nom d’une cypéracée, scirpus, employé quelquefois pour désigner vulgairement le papyrus dans Exod., ii, 3, et Job, viii, 11, et par le terme général et populaire de « jonc » dans Is., xxxv, 7. Le nom hébreu s’est conservé sous la forme gemé dans la Mischna, avec le même sens. Dans la version arabe on emploie dans Exod., ii, 3, le mot berdi qui est bien le nom du papyrus Im. Löw, Aramäische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 1881, p. 55.

Le papyrus est la plante par excellence de l’antique Égypte. « Le papyrus, dit Pline, H. N., xiii, 22, naît dans les marécages de l’Égypte ou dans les eaux dormantes du Nil, lorsque débordées elles demeurent stagnantes en des creux dont la profondeur n’excède pas deux coudées. » C’est la plante du pays, selon Strabon, XVII, 15 ; pour Ovide le Nil est le fleuve papyrifer. Metam., xv, 753. On peut dire, du reste, que l’antiquité classique fait du papyrus une plante égyptienne.


558. — Cyperus Papyrus. Plante et fleur et rhizome.

Il était tellement répandu, surtout dans le Delta, que pour désigner cette région ou la basse Égypte on employait dans l’écriture hiéroglyphique le papyrus .


559. — Récolte du papyrus en Égypte. Musée Guimet.

Aujourd’hui cette plante a disparu de l’Égypte, comme l’avait annoncé Isaïe, xix, 6-7, tandis qu’on la trouve sur les bords du Jourdain et du lac de Tibériade et surtout au lac Mérom, t. iv, col. 1007, c’est-à-dire dans la région chaude de la Palestine. Pour expliquer sa disparition de la vallée du Nil, on peut sans doute supposer un refroidissement du climat. Mais en outre, il faut remarquer que sous la domination romaine l’administration fiscale monopolisa cette culture et comme il fut interdit, en dehors de certains cantons déterminés, de cultiver cette précieuse plante, les agents du fisc la firent arracher de tous les endroits où elle poussait, spontanément, si bien que la culture ayant cessé dans les quartiers réservés, vers le IXe siècle, devant l’invention du papier de coton par les Arabes, le papyrus disparut complètement de l’Égypte. Au contraire il se trouve encore en abondance dans la Nubie, l’Abyssinie, l’Éthiopie, où il croît spontanément. Peut-être les Égyptiens l’avaient-ils tiré de ces régions du Haut Nil pour le répandre dans tout leur pays jusqu’au Delta. Chose étonnante, d’une plante si commune, et qui figure si souvent dans les inscriptions, on n’a pas encore trouvé le nom d’une façon certaine. C’est qu’on se contentait de représenter dans les hiéroglyphes le papyrus lui-même, sans accompagner ce signe idéographique des éléments phonétiques qui permettent de déterminer la prononciation. « Pourtant, dit V. Loret, La flore pharaonique, 2e édit., Paris, 1892, p. 29, le signe du papyrus, qui est très employé pour symboliser le Delta, avait par lui-même la valeur de la syllabe Ha, d’où l’on peut conclure que Ha fut le nom ou l’un des noms du papyrus. » Il se nommerait donc , ha. D’autre part quelques autres noms paraissent bien s’appliquer aussi au papyrus ou à des parties de cette plante. Ainsi tuf, qui rappelle le nom copte du papyrus ʎooɤɥ, djoouf, est un des noms égyptiens de cette plante. On peut le rapprocher du mot hébreu sûf, qui est le nom général et vulgaire des joncs, et désignerait aussi en particulier le jonc du Nil, le papyrus, t. iii, col. 1627. , ouadj, est encore la tige de papyrus surmontée de son élégant panicule en ombelle, comme aussi la colonne au chapiteau en forme de papyrus et ouadjit, , c’est la région du papyrus, la Basse Égypte. Le papyrus est fréquemment figuré sur les monuments égyptiens. Dans les représentations de scènes de chasse aux oiseaux aquatiques, on voit les chasseurs montés sur des bateaux plats les poursuivre au milieu d’épais fourrés de ces plantes. Lepsius, Denkmäler, t. ii, pi. 106, à Saouïet el-Meijitin (VIe dynastie).


560 A. — Schéma d’une section de la tige du Cyperus Papyrus :
a) faisceaux libéro-ligneux, b) parenchyme lacuneux.


560 B. — Coupe transversale de la tige :
a) cuticule, b) épiderme, c) îlots de sclérenchyme, d) faisceau libéro-ligneux, e) parenchyme de plus en plus lacuneux à mesure que l’on s’avance vers le centre de la tige, f) lacunes.



560 C. — Coupe longitudinale de la tige :
a) cuticule, b) épiderme, c) parenchyme, d) cellules scléreuses entourant le faisceau libéroligneux, e) tubes criblés (liber), f) vaisseau réticulé, g) vaisseau annelé, h) fibres scléreuses du bas du faisceau, i) parenchyme de plus en plus lacuneux à mesure que l’on s’avance vers le centre, - ii) lacunes. N.-B. Le trait de d à h délimite le faisceau libéro-ligneux, dont le détail des éléments qui le composent est donné par les lettres d, e, f, g, h. Dessin de M. E. Bonard, préparateur de botanique au Muséum d’histoire naturelle. (Grossi environ 300 fois)


Figure-t-on des pièces d’eau, dans les parcs ou jardins égyptiens, on y trouve des touffes de papyrus. On peut voir la villa de l’officier d’Amenhotep II, Champollion, Monuments de l’Égypte et de la Nubie, pl. 261, ou les jardins d’Apoui, Mémoires publiés par les membres de la Mission française au Caire, t. v, in-4°, 1894, pi. 1. Les peintures des tombeaux les plus anciens comme celui de Ptah-Hotep de la Ve dynastie, nous représentent la récolte du papyrus (fig. 559). On voit les ouvriers aux vêtements retroussés descendre dans l’eau, arracher ou couper les tiges, puis les serrer en gerbes et les transporter sur leur dos. Mariette, Mastabas, 314 ; Dümichen, Resultate, t. r, pl. viii ; Rosellini, Monumenti civili, pl. xxxvi, 3. Tout était utilisé dans le papyrus et pour les usages les plus divers. Dans un pays où il y avait peu de bois les racines servaient de combustible. Pline, H. N., xiii, 22. La partie inférieure de la tige fournissait une nourriture assez sucrée ; on la mâchait crue pour en absorber le jus ou on la faisait cuire. Diodore de Sicile, i, 80 ; Hérodote, ii, 92 ; Théophraste, w, 9 ; Pline, H.N., xiii, 22. Avec les fibres on fabriquait des cordages, Hérodote, vil, 34, des nattes, des tapis, des toiles à voiles, des sandales. Odyss., xxi, 392 ; Hérodote, vii, 25, 26 ; Pline, H. N., xiii, 22. Cf. t. ii, col. 636. Les musées conservent de nombreux spécimens de ces sandales, ou de ces autres objets. Les tiges longues, lisses et flexibles, étaient employées à. la fabrication de paniers, de cages, de corbeilles, de barques légères. Lorsque la mère de Moïse voulut sauver son enfant, elle le déposa dans une corbeille ou coffre de papyrus, fêbaf gomé’, enduit de bitume et de poix et le plaça parmi les roseaux des bords du Nil. Exod., ii, 3. II est à remarquer que le mot employé dans cette circonstance têbàh est un nom d’origine égyptienne (cf. deb-, coffre, arche, que les Septante se sont contentés de transcrire, θίϐιν). Les longues et plus fortes tiges des papyrus servaient aussi à la construction de barques légères. Théophraste, iv, 9 ; Pline, H. N., vi, 24 ; vii, 57. Dans sa prophétie sur l’Éthiopie, Isaïe, xviii, 2, fait allusion à ces nacelles de papyrus. Bien qu’il emploie un autre mot, ʾébâh au lieu de gômėʾ (sans doute un nom vulgaire de roseau ou de jonc au lieu du nom précis), Job, ix, 26, parle évidemment des mêmes barques de papyrus. Les peintures des tombeaux de l’Ancien et du Moyen Empire figurent fréquemment la construction de ces barques. Ici des Égyptiens descendent dans l’eau pour arracher ou couper des tiges de papyrus ; là les tiges sont réunies comme en faisceau pour former une nacelle pointue et recourbée à ses deux extrémités. Avec les fibres de la plante on fait des cordes dont on se sert pour l’avant, l’arrière et le milieu de la coque ; les tiges entrelacées étaient enduites de bitume. Lepsius, Denkmäler, t. iii, pl. 22 ; Wilkinson, Manners, t. ii, p. 20. Mais le principal usage du papyrus était la fabrication du papier. Pline, H. N., xiii, 33, a décrit en détail le procédé qu’on employait à l’époque romaine, comme aussi les différentes qualités de ce papier. Mais son texte peu précis a été diversement interprété. On a souvent prétendu jusque dans ces derniers temps que le papier était fabriqué avec les fines membranes concentriques semblables à la pelure d’oignon, qu’on aurait détachées au-dessous de l’écorce du Cyperus papyrus. Une observation plus attentive de la plante et l’étude au microscope des anciens papyrus ont montré qu’on employait la partie intérieure de la tige. Ce fut le résultat des analyses faites par Schenk, professeur de botanique à l’Université de Leipzig, à la demande de G. Ebers, Papyros Ebers, Leipzig, in-f°, 1875, t. i, p.3. À la même conclusion aboutissent les observations qu’a très obligeamment faites à notre prière M. H. Lecomte, professeur au Muséum d’histoire naturelle. Il n’est pas impossible cependant qu’on se soit également servi de la partie interne de la gaine des feuilles qui entoure la tige à la basé : ce qui expliquerait l’erreur que nous signalions plus haut. Mais en faisant de la partie intérieure de la tige la matière ordinaire du papier, il faut se garder de n’y voir qu’une substance molle et parenchymateuse, comme la moelle du sureau ou du jonc. Si on appelle vulgairement moelle cette partie intérieure du Cyperus papyrus, c’est par abus : car il n’y a pas de moelle proprement dite. Cette partie intérieure est composée, entre autres éléments, d’un parenchyme lacuneux qui entoure des faisceaux libéro-ligneux comme le montrent le schéma d’une section de la tige (fig. 560 A) et plus clairement par le détail un fragment grossi 300 fois d’une coupe transversale (fig. 560 B) et un fragment d’une coupe longitudinale (fig. 560 C). Ce sont ces libres, très visibles dans les papyrus conservés, qui donnent au papier sa consistance. Elles sont plus abondantes et plus serrées à mesure qu’on approche de l’écorce, mais on les rencontre, plus clairsemées sans doute, jusqu’au centre de la plante. Lorsqu’on a retranché de la tige triangulaire du papyrus, par une section faite sur ses trois faces, non seulement l’écorce, mais encore la partie voisine composée de sclérenchyme et de fibres trop denses, il reste un prisme de substance mélangée qu’on sectionne avec un rasoir en tranches longitudinales. Ces bandes disposées parallèlement sur une table humectée d’eau du Nil, sont recouvertes d’autres bandes placées transversalement, à peu près comme la chaîne et la trame d’un tissu, d’où le mot texere appliqué par Pline, H. N., x, 10, 13, à cette opération ; puis ces bandes superposées sont battues, polies, encollées, de façon à donner le papyrus dont nous voyons tant de spécimens dans nos musées. Voir pour la fabrication du papier, col. 2085. Les tranches ou bandes de la tige qui servaient à fabriquer le papier se nommaient , ater et le papier lui-même s’appelait , djamâ. Dureau de la Malle, Sur le papyrus et la fabrication du papier, dans Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, t. xix, part, i, 1858, p. 140-183 ; V. Lorél, L’Égypte au temps des Pharaons, in-12, Paris, 1889, p. 107-109. On fabriquait ainsi, le papier dès les temps les plus anciens, puisqu’on a des papyrus datant de la Ve dynastie. Sur l’ancienneté et l’importance de la préparation de ce papier, voir Lepsius, Chronol. der alten Aegypter, in-8°, Berlin, 1840, p. 32-39.

Les Juifs comme les Phéniciens et les autres peuples de l’Asie, Syriens, Assyriens, Babyloniens en rapport si fréquents avec les Égyptiens, surtout à l’époque de la XVIIIe dynastie, n’ont pu ignorer le parti qu’ils tiraient du papier de papyrus et apprirent à s’en servir. Quand il se répandit dans le monde grec, il fut l’occasion d’un essor extraordinaire de la littérature de ce pays. Egger, De l’influence du papyrus égyptien sur le développement de la littérature grecque. Les colons grecs qui vivaient dans le Delta s’en servirent de bonne heure ; mais le premier document qui en constaté l’usage officiel dans la Grèce propre est du ve siècle. D. Mallet, Les premiers établissements des Grecs en Égypte, dans Mémoires de la mission archéologique française au Caire, t. xii, in-4, 1893, p. 300. On se servit en France de ce papier jusqu’au Xe siècle.

C’est à ce papier de papyrus que fait allusion saint Jean dans sa IIe Épître, 12. Il emploie le mot χάρτης χαράσσω, inscrire) dont les Latins ont fait charta, carta, d’où dérivent notre mot charte et carte. Voir Papier, col. 2078. C’est par ce mot χάρτης ou χάρτιον que les

Septante rendent le mot hébreu Megillàh, rouleau, volume, dans Jérémie, xliii (hébreu et Vulgate, xxxvi), 2, 4, 6, 14, 21, 23 etc. Il est plus probable qu’il s’agit ici d’un rouleau de parchemin ; le roi Joakim n’eût pas eu besoin du canif du scribe pour le déchirer, si le volume eût été un papyrus. Cf. Ch. Joret, Les plantes dans l’antiquité, 1re partie, Dans l’Orient classique, in-8°, Paris, 1897, p. 160-161, 199-201 ; V. Loret, La flore pharaonique, 2e édit., in-8°, Paris, 1892, p. 28-24 ; Description de l’Égypte, t. iv, p. 68 sq. ; O. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. ii, p. 137152 ; Fr. Wönig, Die Pflanzen im Alten Aegypten, in-8°, Leipzig, 1886 ; p. 74-135.
E. Levesque.


PAPYRUS BIBLIQUES. La papyrologie est une science toute jeune, comptant à peine quelques dizaines d’années, mais elle possède déjà une bibliographie très considérable et elle a pris tant d’importance, par les services qu’elle a rendus et par ceux qu’elle promet de rendre encore, qu’il n’est plus permis au bibliste de la négliger. Après un exposé historique sommaire, nous donnerons une liste aussi complète que possible des papyrus bibliques récemment découverts et nous indiquerons les principaux résultats de l’étude des papyrus pour la connaissance du grec biblique et pour l’exégèse du Nouveau Testament.

I. Historique.

Extension géographique et chronologique du papyrus.

L’Égypte a connu l’usage du papyrus dès la plus haute antiquité. Nous possédons encore des papyrus qui datent du quatrième millénaire avant J.-C. Hors d’Égypte la diffusion en fut tardive. Hérodote, v, 58, nous apprend que les Ioniens de son temps appelaient διφτέραι les rouleaux de papyrus parce qu’autrefois ils se servaient pour écrire de peaux préparées. Au Ve siècle, le papyrus était encore rare et cher à Athènes. Cependant, à partir de cette époque, il devint d’un usage général dans tout le monde grec, puis dans l’empire romain. Le parchemin inventé par le roi de Pergame, Eumène (iiie siècle avant J.-C), ne lui fit pas d’abord une sérieuse concurrence. La Palestine seule fut longtemps fermée au papyrus, car la tradition voulait que les livres sacrés fussent exclusivement écrits sur des rouleaux de cuir. Il est douteux que le papyrus, comme matière à écrire, soit mentionné dans l’Ancien Testament. Le mot πάπυρος des Septante, Job, viii, 11 ; xl, 16 (21) ; Is., xix, 6, désigne la plante et répond à trois termes hébreux différents. Les mots χάρτης et χαρτίον, qui signifient proprement le papyrus préparé pour écrire, reviennent plusieurs fois dans un chapitre de Jérémie, xxxvi (xliii), où ils traduisent l’hébreu megillàh, mais les archéologues et les exégètes ne sont pas d’accord sur la matière de ce rouleau. Dans le

veau Testament, le papyrus, (xâpTï]ç)est mentionné une seule fois, II Joa., 12, par son nom ; mais il est probable que les livres (fJiéXo ; et fJ16Xsov), dont il est fait si souvent mention, étaient en papyrus. La chose est tout à fait certaine pour les livres brûlés à Éphèse, Act., xix, 191 à la suite de la prédication de saint Paul et pour les livres (ta fiiëXîa) que l’Apôtre, II Tim., IV, 13, réclame en même temps que les parchemins laissés chez Carpus. — L’usage du papyrus persista dans tout le monde gréco-romain jusqu’à la conquête de l’Egypte par les Arabes (640). Dès lors, il devint de plus en plus rare et fut remplacé par le parchemin qu’on lui substituait partiellement depuis deux ou trois siècles. Cependant la chancellerie pontificale continua à se servir du papyrus, et cet exemple fut suivi par quelques municipalités italiennes. Voir H. Marucchi, Monumentapapyr. Latina BibKoth. Vaticanss, Rome, 1895, Préface. D’après M. Marucchi, le plus ancien diplôme sur parchemin de la chancellerie romaine serait une bulle de Benoît VJII datée de 1022. — Dès son apparition, le papier, moins cher et plus commode, fit au papyrus une concurrence qui aboutit à la disparition rapide de ce dernier. Cf. J. Karabacek, Das arabische Papier, Vienne, 1887. D’après ce savant, le dernier papyrus daté de la collection de l’archiduc Renier est de 935 et le premier papier daté n’est antérieur que d’une vingtaine d’années, op. cit., p. 10-14.

2° Fabrication du papyrus. Dimensions du rouleau.

— Le papier de papyrus provient, comme il a été dit, col. 2079, de la partie intérieure de la tige du Cyperus papyrus. L’écorce et la partie encore trop fibreuse qui la touche, une fois enlevées, on coupait au rasoir la partie interne en tranches plus ou moins minces, selon la qualité de papyrus qu’on voulait obtenir, et l’on rangeait ces tranches côte à côte sur une table humectée d’eau du Nil. On les recouvrait d’une seconde série de tranches pareilles, mais posées transversalement. C’est ce qui donne au papyrus cet aspect quadrillé ou réticulé que tout le monde a pu observerOn soumettait le tout à une pression prolongée et on le battait au maillet de bois pour abattre les aspérités et augmenter la cohésion. Quand la feuille était sèche, on achevait de la polir au moyen d’une dent ou d’un coquillage et on l’encollait pour empêcher l’absorption de l’encre. Ces feuilles se vendaient séparément et servaient pour les lettres, les comptes, les contrats ou les opuscules de peu d’étendue. En général les feuilles (creXc’Sec, paginx, plagulx, schedm) étaient collées les unes aux autres (xoXXâv, StaxoXXSv, glutinare, adglutinare, conglulinare ) de manière à former un rouleau (scapus).

Pline, H. N., XIII, xxiii, 12, dit qu’un rouleau ne contenait pas plus de vingt feuilles. IL parle sans doute des rouleaux ordinaires que les fabricants tenaient toujours à la disposition des auteurs et des éditeurs et auxquels les écrivains de l’antiquité font souvent allusion quand ils parlent du modus voluminis ; par exemple Quintilien, . Instit., v et ix, fin ; Augustin, De civit. Dei, lin du livre IV, 24, t. xli, col. 140, etc. Saint Jérôme se plaint souvent d’être gêné par les faibles dimensions du rouleau (voluminis angustia) ; l’on trouve chez un grand nombre d’auteurs aneiensdes plaintes semblables. Ils sont obligés de finir soit parce que le rouleau est achevé (Varron, De ling. lat., v, fin : neque, si Amplius velimus, volumen patietur) soit parce que leur composition suffit à remplir un rouleau de dimensions moyennes. Sextus Empir., Ilpb ; Soyu., i, fin : (jiérpov ayTapxeç ; Athénée, iv et vi, fin : ixavôv [jûjxoc. Cf. Cicéron, De invent., i et il fin ; Origène, In Joa., xxxii, 19, fin, t. xiv, col. 829 ; Contra Cels., vi, 81 ; vii, 70 fin, t. xi, col. 1421, 1520, etc. Effectivement, on connaît des rouleaux égyptiens où le nombre 20 est marqué après chaque vingtième feuille. Ce serait peut-être la longueur type et pour ainsi dira de l’unité de mesure. Du reste il était toujours loisible à l’écrivain de coller lui-même de nouvelles

feuilles et d’allonger ainsi son rouleau. Les Égyptiens donnaient des dimensions beaucoup plus considérables aux rouleaux destinés à être déposés dans les tombeaux. Ainsi le papyrus Harris mesure près de 44 mètres.

C’est à Pline que nous devons les renseignementsjur la fabrication du papyrus dans l’antiquité. Sa description, H. N., XIII, xxi-xxvi, n. 11-12, qui abonde en obscurités de détail, a été éditée à part et soigneusement étudiée par K. Dziatzko, Untersuchungen ûber ausgewàhlte Kapitel des anliken Suchtvesens, Leipzig, 1900, iv : Die Zubereitung der Char ta, p. 49-103. Du temps de Pline, on distinguait neuf sortes de charta qui suivaient cette progression décroissante : Claudia, ainsi nommée de l’empereur Claude ; Augusta, du nom d’Auguste, très Une et transparente, employée de préférence pour les lettres ; Liviana, du nom de Livie, femme d’Auguste ; hieratica, qui anciennement était la plus estimée ; Amphithealrica, du lieu de fabrication ; Fanniana, du nom du fabricant ; Saitica et Leneotica, du nom des localités où on les fabriquait ; empwetica, trop grossière pour l’usage littéraire et servant aux emballages. On ne peut identifier avec certitude à ces diverses espèces les papyrus existants. Mais les procédés de fabrication sont décrits par Pline avec assez de clarté pour permettre aux amateurs de fabriquer eux-mêmes des feuilles de papyrus qui ont pu servir. Du reste, la tradition s’en est conservée en Sicile où l’on confectionne encore aujourd’hui du papyrus.

3’Découvertes modernes. — Les rouleaux de papyrus carbonisé découverts à Herculanum en 1752 y avaient été ensevelis par les éruptions du Vésuve de l’an 79 de notre ère. Le déchiffrement, très lent et très difficile, fut une déception. C’est sur la bibliothèque d’un philosophe épicurien qu’on avait mis la main. En 1778, une cinquantaine de rouleaux grecs furent trouvés dans le Fayoum : un seul fut acheté par un amateur qui le porta en Europe où il fit partie du Musée Borgia ; les autres furent réduits en cendres. Ce n’est qu’à partir de 1820 que les papyrus commencèrent à affluer dans les musées de Paris, de Londres, de Leyde, de Turin, de Rome et de Dresde ; mais on les y traita d’abord comme des curiosités, sans se mettre autrement en peine de les publier. L’année 1877 marque une nouvelle phase dans l’histoire des découvertes : une énorme quantité de papyrus découverts à Arsinoé, dans le Fayoum, enrichit la collection de l’archiduc Renier, à Vienne. Depuis, les musées publics, les sociétés savantes et les particuliers ont redoublé d’efforts pour recouvrer les trésors littéraires enfermés dans les tombeaux égyptiens ou ensevelis sous les décombres des villes en ruine. Les explorateurs se sont mis en campagne et les trouvailles se sont succédé d’année en année, aussi nombreuses qu’imprévues. — Depuis 1882 les fouilles ont été exécutées avec plus de méthode et d’esprit scientifique par la société anglaise Egypt Exploration Fund et l’on connaît désormais exactement — ce qui était jadis souvent impossible — la provenance des diverses pièces découvertes. La société publie annuellement un ArchseologicalReport, indispensable pour l’historique des fouilles. Voir encore Grenfell, Hunt et Hogarth, Fayûm Towns and their Papyri (résultat des fouilles de 1895-1896 et de 1898-1899), Londres, 1900.

4° Logia de Be/mesa. — Une des découvertes les plus sensationnelles fut la trouvaille de Behnesa, l’antique Oxyrhynchus, située sur la limite du désert de Libye, à 180 kilomètres environ au sud du Caire. Les premiers Logia furent retirés du sable qui les recouvrait le 12 janvier 1897. Voir Egypt Exploration Fund, Archxological Report, 1896-1897, p. 6. Ils furent publiés la même année par Grenfell et Hunt, AOl’IA IHSOT, Sayings of our Lord, et l’année suivante dans The Oxyrhynchus Papyri, t. i, et étudiés presque simultanément par Barnack, Ueber die jûngst entdeckten [Tableau à insérer]

TABLEAU DES PRINCIPAUX PAPYRUS BIBLIQUES

2088

10

n

12 13 14 15 16 17 18

19

20 21 22 23 24 25 26 27 28

29 30 31 32 33 34

35 36

37 38 39 40 41 42 43 44 45

CONTENU.

COLLECTION OU LIEU ACTUEL.

ANCIEN TESTAMENT GREC

Gen., i, 1-5, d’après Sept, et Aquila

Genèse, fragments

Gen.. xiv, 17

Exod., XIX, 1-2, 5-6

Deut., xxxii, 3-6, 8-10

II Sam., xv, 36-xvi, 1

Job, i, 21-22 ; ii, 3

Ps. v, 6-12

Psaumes, fragments ….. …

Psaumes, fragments

Psaumes, fragments

Psaumes, fragments

Psaumes, fragments

Prov., x, 18-29

Cantic, I, 6-9

Is., xxxviii, 3-5, 13-16

Ezéch., v, 12-VJ. G..,

Zach., iv-xiv ; Mal. I-iv

IV s. III’s. m* s. VI’s. VI’s. IV s. VII* s. V’-VI’s.

vir a. ur-iv s.

VII’s. V* s. VII" s. VI’s. Vfl «-vjir s m" s. IV" s. VII’s.

Coll. Amherst, Pap. III c.

Pap. d’Oxyrhynchus n" 656.

Musée Brit. Pap. CCXII.

Coll. Amherst, Pap. GXCI.

Id. Pap. CXCII.

Strasbourg, Pap. 91l.

Coll. Amherst, Pap. IV.

Id. Pap. V.

Musée Brit., Pap. XXXVII.

Id., Pap.CCXXX.

Musée de Berlin.

Coll. Amherst, Pap. VII.

Id., Pap. VI.

Id., Pap. CXCIII.

Oxford, Bodl. Gr. Bibl., Ms. g. i (P).

Vienne, arch. Renier, Guide n" 536.

Oxford, Bodl. Gr. Bibl., Ms. d. 4 (P).

Univ. de Heidelberg.

NOUVEAU TESTAMENT

Matth., 1, 1-9, 12, 14-20.. Luc, fragments divers.. Luc, vii, 36-43 ; X, 38-42.

Jean, fragments

I Jean, IV, 11-12, 14-17..

Rom., i, 1-7

I Cor., fragments…

I Cor., fragments

Hebr.. 1, 1

Hebr., (un tiers environ).

Premiers Logia… Nouveaux Logia… Ascension d’Isaïe… Apocalypse de Baruch Fragment d’Évangile. Fragment d’Évangile.

Psautier copte… Sapientiaux coptes.

Evangile de Nicodême. Fragment d’Évangile.. Evangile de Marie…

Acta Pétri

Acta Pauli

Actes des apôtres… Le Christ et Abgar..

Papyrus Bruce

Apocalypses

APOCRYPHES COPTES

Turin, Pap. 2 (Peyron).

Strasbourg.

Musée de Berlin, P. 8502.

iv-v s. Id., Ibid.

vu" s. Univers. d’Heidelberg.

Saint-Pétersbourg.

Leyde, Musée d’antiquités.

Oxford.

Berlin et Paris.

ÉDITEURS.

Grenfell et Hunt’. Grenfell et Hunt 3,

Grenfell et Hunt l.

Id. ».

Plasperg 4.

Grenfell et Hunt’.

Id.’.

Tischendorf 5.

Keoyon 8.

Blas’.

Grenfell et Hunt’.

Id.’.

Id. :

Grenfell ».

Id. ».

Grenfell ».

Deissmann 10.

IIIMV s.

Pap. d’Oxyrhynchus n’S.

Grenfell et Hunt 2.

V’-VI’s.

Paris, Biblioth. nation.

Scheil « ’.

VI

Vienne, arch. Renier, Guide n" 539.

9

nr s.

Pap. d’Oxyrhynchus n° 208.

Grenfell et Hunt 2.

v* s.

Id. w 402.

Id. 2.

IV s.

Id. n" 209.

Id.’.

Ve s.

S. Pétersbourg, Bibl. Imp., cclviii

13’:

V* s.

Sinaï, Sainte-Catherine.

Rendel Harris 13.

III*-IV" s.

Coll. Amherst, Pap. III b

Grenfell et Hunt’.

IV s.

1ES APOCRVPt

Pap. d’Oxyrhynchus n" 657.

[ES ET EXTRA-CANONIQUES

Id. s.

III’S.

Oxford, Bodl. Ms. Gr. th. e. 7 (P).

Id. ».

III’S.

Pap. d’Oxyrhynchus n° 654.

Id. 2.

V’-VI’S.

Coll. Amherst, Pap. I.

Id.’.

V s.

Pap. d’Oxyrhynchus n’403.

Id. 2.

III" s.

Id. n" 655.

Id. « .

III’s.

Vienne, Coll. arch. Renier.

Bickell et Savi, i.

VERSIONS C

OPTES DE LA BIBLE

VII’S.

Musée Brit., Ms. Or. 5000, copte 940.

Budge 15.

VII’S.

Id., Ms. Or. 5984, copte 951.

Crum".

Rossi >'.

Jaçoby, 8.

Scbmidt 19.

Id. ».

Id. ».

Von Lcmm « ».

Pleyte et Boeser ! 1.

Amélineau, Schmidt sî.

Stéindorff î3.

4 B. P. Grenfell et A, S. Hunt, The Amherst Papyri, etc. 1° partie : The Ascension of Isaiah and other theologicat fragments, Londres, 1900. L’Ascension d’Isaïe existait en éthiopien et avait été publiée par Laurence (1819) et par Dillmann (1877). On avait encore les six derniers chapitres en latin et en slayon. Le nouveau papyrus grec, en forme de codex, se compose de trois doubles feuillets et demi, soit quatorze pages et contient environ le sixième de l’ouvrage entier, chap. ii, 4-iv, 4. — L’hymne chrétienne, publiée dans le même recueil, comprend vingt-cinq lignes rythmées divisées en trois parties commençant chacune par la même lettre. — La 2’partie : Classical fragments and documents of the Ptolemqic, .Roman and Byzantine période, Londres, 1901 contient aussi des textes bibliques." — La.3* partie éditée par Newberry, Londres, 1899, se rapporte aux papyrus égyptiens et n’intéresse pas la Bible. — La collection de Lord Amherst of Hackney, dont presque toutes les pièces furent acquises en Egypte après 1897 est maintenant une des plus riches collections privées. Les fragments de Psaumes contenus dans le Pap. VH sont : Ps. lviii (lix), 7-13 ; 17-18 ; ux (lx), 1-3 ; Le Pap. VI contient : Ps. cvm (cix), 1, 12-13 ; cxviii (cxix), 115-122, 127-135 ; cxxxv (cxxxvi), 19-26 ; cxxxvl (cxxxvii) 1, 6-8 ; cxxxvii (cxxxviii), 1-3 ; cxxxviii (cxxxix), 21-24 ; cxxxrx (cxi.), 1-6, 10-14 ; cxl (cxli), 1-4. _

  • Grenfell et Hunt, The Oxyrhynchus Papyri, 4 vol., Londres, 1898-1904. Le tome i contient les premiers Logia (p. 1-3)

et les fragments de Matthieu (p. 4-6). Le tome il contient les fragments de Jean, i, 23-31, 33-41 ; xx, 11-17, 19-25 (p. 1-8), et le

fragment de l'Épître aux Romains. Le tome m contient un fragment de la première Épitre de Jean (p. 2-3) et le fragment de l’Apocalypse de Baruch (p. 3-7) ; le tome iv contient les nouveaux Logia (p. 1-22), les fragments de la Genèse, xiv, 21-23 ; xv, 5-9 ; xix, 32-xx, 11 ; xxi v, 28-47 ; xxvii, 33-33 ; 40-41 (quelques mots) ; les longs fragments de l'Épître aux Hébreux, ii, 14- V, 5 ; X, 8-xi, 13 ; XI, 28-xii, 17.

3 Greek Papyri in the Brit. Muséum, Catalogue with texts, 2 vol., 1893-1898.

4 Dans Archiv fur Papyrusforschung und venvxiidte Gebiete, t. ii, fasc. 2 (1903), p- 227-227.

5 Dans Monumenta sacra ineditu, nova coll., Leipzig, 1. 1 (1855), p. 217-278.

  • Dans Facsimiles ofBiblical Manuscripts in the Brit. Muséum, Londres, 1900, pi. I.

I Dans Zeitschrift fur segyptische Sprache, t. xix (1881), p. 22-23. C’est une simple notice. 8 Grenfell, An Alexandrian… a"d other Greek Papyri chiefly Ptolemaic, Oxford, 1816.

8 Fùhrer durch die Amstellung, Vienne, 1894. En dehors du Guide et des Mittheilungen signalés plus bas la collection Régnier est éditée sous le titre général de Corpus Papyrorum Baineri par Wessely pour les textes grecs, par Krall pour les textes coptes, par Karabæek pour les textes arabes.

10 Deissmann, Die Septuaginta-Papyri und andere altchristl. Texte der -Heidelberger Papyrus-Sammlung, avec soixante photographies) Heideïberg, 1905. Cette Université a acquis en 1897 un riche fonds de papyrus grecs, coptes, arabes, hébreux, syriaques, latins, perses, égyptiens (collection Reinhardt) et plus tard encore d’autres collections. Le papyrus des Septante, cédé par Th. Graf en 1900, a la forme de codex et comprend vingt-sept feuillets simples, soit cinquante-six pages.

" Dans la Bévue biblique, t. î (1892), p. 113-115. Les fragments de Luc contenus dans le célèbre papyrus de Philon sont : i, 74-80 ; v, 3-8 ; v, 30-vi, 4. Sur ce même papyrus de Philon on lit quelques mots de Matthieu. Cf. Scheil, Mémoires… de la Mission archéol. française au Caire, t. ix (1893).

    • Ces fragments (ICor., i, n-20 ; vi, 13-15, 16-18 ; vii, 3-4, 10-14) sont désignés en critique par la lettre Q. Cf. Gregory,

Textkritik des N. T., Leipzig, 1900, p. 119.

13 R. Harris, Biblical Fragments from Mount Sinaï, » 14. Ces fragments comprennent I, 25-27 ; ii, 6-8 ; iii, 8-10, 20.

  • > Bickell, dans Zeitschrift fur kath. Theol., t. ix (1885), p. 498-504 ; t. x (1886), p. 208-209 ; Mittheilungen aus der Sammlung der Pap. Rainer, t. î, p. 53-61 ; t. ii, p. 41-42 ; t. v, p. 78-82. — Savi, Le fragment évangélique du Fayoum, Revue

Ublique. t. I (1892), p. 321-344.

15 Budge, The earliest known Coptic Psalter, Londres, 1898. C’est un Psautier complet en dialecte sahidique.

10 Crum, Catalogue ofthe Coptic Mss. in the Brit. Muséum, Londres, 1905, p. 395-398. Le Catalogue mentionne d’autres fragments bibliques sur papyrus, par exemple le n. 24 (18 feuillets d’un Psautier).

" Rossi, Trascrizione diun çodtee Copto etc., Turin, 1883. C’est la première partie de l'Évangile de Nicodéme, correspondant aux Gesta Pilati de Tischendorf, Evangelia apocrypha, 2e édit., Leipzig, 1876.

48 Jacoby, Ein neues Evangelienfragment, Strasbourg, 1900.

" Schmidt, dans Sitzungsber. der Preuss. Akaàem. Wissensch., 1896, p. 839-847. C’est une simple notice de l'Évangile de Marie contenu dans un codex de soixante-cinq feuillets qui renferme aussi un ouvrage gaostique : Eoaia 'I-^ùH Xçiut » 3, et la riçaçiî IHtçou. Le dernier ouvrage a été depuis publié par Schmidt, Die alten Petrus-Akten nebst einem neuentdeckten Fragment, Leipzig, 1903, dans Texte und Vnters. N. F., t. ix. Le même savant a aussi publié Acta Pauli aus der Heidelberger koptischen Papyrushandschrift, Leipzig, 1904 (avec un volume de pbototypies).

, 0 Von Lemm, dans Bulletin de l’Acad. des sciences de Saint-Pétersbourg, nouvelle série, t. x, n. 4.

21 Pleyte et Boeser, Manuscrits coptes du Musée d’antiquités à Leide, 1897, P. 441.

II Amélineau, dans Notices et extraits des man. de la Biblioth. nation., Paris, t. XXI (1891), p. 176-215 ; Schmidt, Gnostische Schriften in koptischen Sprache aus dem Codex Brucianus, Leipzig, 1892 (Texte und Untersuch., t. vin).

" Steindorif, Die Apokalypse des Elias… und Bruchstùcke der Sophonias-Apokalypse, Leipzig, 1899 (avec deuxphototypies), dans Texte und Unters. N. F., t. II.

Sprùche Jesu, Fribourg-en-B., 1897, et par Ma' Batiffol, Bévue biblique, t. vi, 1897, p. 501-515. Les travaux parus depuis sont innombrables. Il est certain que ces Logia ne sont pas ceux dont parle Papias ; ils ne sont pas non plus un fragment d’un évangile quelconque, car il n’y a entre eux aucune suite. Ce sont des extraits ; et comme ils ne proviennent pas de nos Évangiles canoniques il faut en conclure qu’ils sont tirés de quelque évangile apocryphe. M. Harnack pensait à l'évangile des Égyptiens ; Ms r Batiffol songe plutôt à l'évangile des Hébreux ; M. Zahn a proposé depuis l'évangile des Ébionites. — Les nouveaux Logia ont moins fait parler d’eux, parce que toutes les lignes en sont incomplètes et que dès lors toute restitution est plus ou moins conjecturale. Voir Grenfell et Hunt, New sayings ofJésus, etc., Londres, 1904 ; Batiffol, Nouveaux fragments évangéliques de Behnesa, dans la Bévue biblique, 1904, p. 481-493. Comme essais de restitution, voir Swete, The new Oxyrhynchus sayings, dans Expository Times, 1904, p. 488-495, et Hilgenfeld, dans Zeitschrift fur wissensch. Théologie, 1906. '

II. Les papyrus et la critique biblique.'— 1. Les nouveaux onciaux bibliques. — Le nombre des textes de la Bible en écriture onciale, c’est-à-dire antérieurs au IXe siècle, est relativement si restreint que toute nouvelle addition à la liste des onciaux est d’une importance considérable pour la critique textuelle. Nous possédons maintenant des papyrus bibliques, très courts il est vrai, pour la plupart, qui datent du m* siècle, tandis que nos plus anciens manuscrits sur parchemin ne sont que du IVe. Il ne faut point exagérer la valeur de ces trouvailles, mais on constatera, en parcourant la

liste ci-jointe, que plusieurs numéros ne manquent pas d’intérêt. Nous avons fait entrer dans notre liste les apocryphes grecs et coptes, mais nous en avons exclu tous les fragments qui consistent seulement en quelques mots sans suite et ceux dont on ne sait encore à peu près rien, par exemple un fragment de saint Matthieu qui se lit sur le papyrus de Philon, au Louvre, quelques menus fragments d'Évangiles signalés dans la collection de l’archiduc Renier, un fragment de II Thess., I, 1-n, 2, qui se trouverait au musée de Berlin P 5013. — Bes listes analogues ont été compilées par F. Mayence, Noie papyrologique, dans la Bévue d’histoire ecclés., Louvain, 1903, p. 231-240 ; Aug. Bludau, Papyrusfragmente des neutestam. Textes, dans la Biblische Zeitschrift, t. iv, 1906, p. 25-33 ; Ad. Deissmann, dans Encyclopsedia biblica, t. iii, article Papyri ; F. G. Kenyon, Dictionary of Ihe Bible de Hastings, Extra volume, p. 354-354. Voir le tableau ci-dessus, col. 2087.

III. Les papyrus et l’exégèse. — 1. Données historiques et archéologiques. — La découverte des papyrus a profité à l’exégèse plus encore qu'à la critique, par les nombreuses données historiques, archéologiques et linguistiques qu’elle nous fournit. Nous avons sous les yeux des documents d’une authenticité certaine qui nous reportent au siècle apostolique et nous initient aux mœurs, aux usages, aux traditions, à la vie entière des populations grecques contemporaines des Apôtres. Plusieurs faits ont sur l’exégèse du Nouveau Testament une répercussion directe. L'énorme quantité de papyrus magiques trouvés en Egypte nous aide à comprendre que saint Paul ait pu faire brûler à la fois pour cinquante mille drachmes de ces sortes d'écrits

dans une ville aussi célèbre par ses Ephesise litteras. Acl., xix, jl9. Le double nom de Paul, Act., xii, 9 : EaûXoî 6 xac EfaùXoç, cesse d’être un problème quand Bous voyonsjbeaucoup de ses contemporains porter deux noms, l’un indigène, l’autre grec ou romain, unis par la formule invariable 6 xai et ayant souvent entre eux une certaine ressemblance.- SaTaëoùç à xal Sàvjpoç, etc. L’exemple suivant montre bien le profit que l’exégèse peut retirer de l’étude des papyrus. Saint Paul, I Cor., vhi-x, eut à résoudre plusieurs cas de conscience relatifs aux idolothytes ou viandes consacrées aux idoles. Il permet aux néophytes d’accepter les invitations des parents païens malgré la crainte trop fondée qu’on ne serve des victimes offertes aux dieux. Il veut cependant qu’on s’abstienne de toucher à ces viandes dès que quelqu’un aura expressément signalé leur consécration aux fausses divinités. Enfin il interdit absolument de prendre part aux banquets sacrés qui accompagnaient l’immolation des victimes. Les trois invitations à dîner suivantes, dont on possède maintenant l’original, sont le meilleur commentaire de ces prescriptions de l’Apôtre. Nous les transcrivons d’après Grenfel] et Hunt, The Oxyrhynchus Papyri, Londres, t. i (1898) et t. m (1903).

N » ex. m » siècle.’Epwrà <te Xaiprjtiwv Semvi, <rai et ; xXEivrçv toû xupi’ou Eapâ-Tt’. So ? èv zip Sapansiw atfpcov,

lÎTcç èmiv te, àitô (îpaç 6.

cxi. m » siècle.’Epwrâ ère’Hpoaç Se171VT|<jai

tli yâtiouj téxviiiv rtitr^

êv tjj oixi’a atfptov, vjtiç èuriv Ttixttxr : , àiio « p « ï 6.

N° 523. IIe siècle.’Eptotâ ue’Avt16vk)( : ) IlToXE|J.(acoj) 8st7tVT)ff(ai) 7rap’a*jT(j) eïç xXecvt|v toO xupt’ou XxpaniSo ; iv toï ; KXa’-18([Ou) 2 « paitî(o(voç) r cÇ~ <ZTib wpaç 0.

Traduction. N° ex : Chérémon t’invite à dinér à la table du Seigneur Sérapis, au Sérapéum, demain, quinzième du mois, à neuf heures.

N° CXI : Aérais t’invite aux noces de ses enfants dans sa maison, demain, cinquième du mois, à neuf heures.

N° 523 : Antoine, fils de Ptolémée, t’invite à dîner avec lui à la table du Seigneur Sérapis, dans la maison de Sérapion, le seize courant, à neuf heures.

Il est évident que, selon les principes de Paul, un chrétien aurait dû décliner la première invitation, puisqu’il s’agissait de dîner à la table (xXeîvyj, c’est l’orthographe des papyrus pour y.Xi’vr)) du Seigneur Sérapis et cela dans le temple même du Dieu, au Sérapéum. I Cor., x, 21 : « Vous ne pouvez pas boire le calice du Seigneur et le calice (itotTJpiov) des démons ; vous ne pouvez pas prendre part à la table du Seigneur et à la table (TpcmeÇa synonyme de xXivt, ) des démons. » Comparer toute la théorie de la communion, ibid., 1420. Un autre obstacle à l’acceptation était le lieu où devait se faire le banquet sacré : Eaparatov, Paul dit eîScoXetov. I Cor., viii, 10. — L’invitation d’Héraïs au contraire pouvait être acceptée par un chrétien malgré la crainte assez fondée qu’on ne servît au festin nuptial des victimes immolées aux idoles si Héraïs était païenne, comme son nom le ferait supposer. Cependant le chrétien devait s’abstenir d’un plat formellement signalé comme provenant d’un sacrifice. Cf. I Cor., x, 27-29. — Enfin la troisième invitation aurait dû être repoussée, car bien que le festin eût lieu dans une

maison privée, c’était un banquet idolâtrique, le banquet de Sérapis. Cf. I Cor., x, 7 ; 21-22.

2. Données linguistiques et philologiques. — Il y a dix ans on se faisait encore du grec biblique une idée qu’il faut abandonner aujourd’hui par suite des récentes découvertes. M. Moulton dans son excellent ouvrage, Grammar of New Testament Greek, t. i, Prolegomena, Edimbourg, 1906, p. 1-2, raconté assez plaisamment l’histoire de sa propre conversion. Il avait composé en 1895 une grammaire élémentaire où il définissait le grec du Nouveau Testament : « Hebraic Greek, colloquial Greek, and late Greek. » Maintenant il supprime le premier membre « Hebraic Greek » et le remplace par « common Greek ». Ce fait, ajoute-t-il, « n’est pas une révolution purement théorique. Il touche à l’exégèse en une infinité de points. Il exige qu’on modifie les grammaires les plus récentes et qu’on revoie à nouveau les meilleurs commentaires. » Voici en peu de mots quelles sont les causes de ce revirement. On sait qu’aux environs de l’ère chrétienne tous les écrivains se servaient d’une langue uniforme, qui diffère notablement du grec des Apôtres. Les différences consistent en vocables spéciaux, qu’on s’était habitué à nommer mots bibliques, et en tournures ou locutions qu’on qualifiait de sémilismes. Les découvertes de ces derniers temps ont montré que les auteurs classiques employaient la langue littéraire, idiome artificiel et conventionnel qui n’était point parlé, tandis que les Apôtres faisaient usage du grec vulgaire, dédaigné des littérateurs. Autant qu’on peut le constater et sans qu’on puisse bien rendre compte de ce phénomène, la langue vulgaire était la même dans tous les pays ; seulement elle était plus ou moins correcte selon le degré de culture de ceux qui l’employaient.

A) Mots bibliques. — Le nombre des mots prétendus bibliques diminue de jour en jour grâce aux ostraca, aux inscriptions et surtout aux papyrus. Kenyon, dans le Dictionary of the Bible de Hastings, Extra vol., 1904, p. 355, donne de ces vocables retrouvés une liste trop longue, parce qu’elle comprend des mots et des locutions déjà constatés dans la Bible. A. Deissmann, Encyclopeedia biblica, article Papyri, t. iii, col. 3562, réduit sa liste à vingt-deux mots : àyctTiV), àxaTâyvio<jToç, àviiXï^jCTTiDp, eXaitiv, evavci, Ivwîuov, eûipea-roç, eùiXoctoç, Upàreijtù, xaQapt’Çdi, xupiaxoç, XetToupytxdç, Xoysta, vEÔçpv TOÇ, ÔÇEtXr], 7l£pt5£ÏtOV, àltO TlÉpytTt, 7rpO<TEUJ(7Î, TtUppàx^Ç,

<KTO|x£rpiov, cptXûTTpwTEÛto, çpevaTtàTV"^. Mais cette liste elle-même demande à être soigneusement vérifiée. Le mot àyauT), qui vient des Septante et que Philon emploie une fois, Quod Deus immutabilis, 14, n’a pas été retrouvé chez les auteurs profanes ; on croyait l’avoir lu dans un papyrus, mais la lecture a été reconnue fausse. Cf. Deissmann, Bïbelstudien, Marbourg, 1895, p. 80 ; Neue Bibelstudien, 1897, p. 26-37. Le mot à-nxiâ-f/tùatoç étaitdéjà connu par II Mach., IV, 47, et comme xaTayvwoto ; est fréquent, sa rareté est purement accidentelle. On pourrait en dire autant de àvriXriuTtrap, car àvrt-Xïî (j.iJm( ; n’est pas rare.’EXatuW, olivetum, très régulièrement formé, était le nom propre du Mont des Oliviers et Josèphe le mentionne à plusieurs reprises. "Evavu et evmjtkjv sont en effet adoptés par les Septante comme traduction littérale de’jsb, > : ’73, mais l’adjectif Ivûmo ;

est classique et le composé cwrÉvavTi se lit dans Polybe. C’est hasard que EÔipEtrroç n’eût pas encore été trouvé en dehors de la Bible, puisque Xénophon et Épictète emploient l’adverbe eùapèVucoç.’iEpaxeûto est dans les écrivains contemporains des apôtres et y.aôapiÇw dans Josèphe. Ne6çuto< est attribué à Aristophane par le lexicographe Pollux et ôçeiXïi à Xénophon par YEtymologium magnum. Si la< locution àno Tzéovai, avant les découvertes des papyrus, était particulière à saint Paul, on connaissait le simple Tzépvm et les composés ixirepuoi et npoizipvai. Quant à diToixÉtpiov, il n’est pas sûr que

les papyrus en offrent des exemples : peut-être, au lieu du pluriel neutre, faut-il lire orro(ji.STpîa dont témoigne Diodore de Sicile. Ces remarques étaient nécessaires pour mettre au point les nouvelles découvertes lexicologiques et pour montrer qu’elles ne révolutionnent pas l’étude de la langue sacrée, comme le prétendent quelques chercheurs un peu trop enthousiastes.

B) Sémitismes. — Jusqu’à ces derniers temps, on qualifiait de sémitismes toutes les locutions et tournures qu’on ne rencontrait pas chez les écrivains classiques. Or on a constaté maintenant que beaucoup de ces locutions et de ces tournures étaient d’un usage courant dans la langue vulgaire. La langue vulgaire elle-même, par un phénomène encore inexpliqué, semble avoir été uniforme dans les divers pays, et il est impossible d’y discerner des dialectes bien marqués. Elle devait présenter des différences de prononciation ; mais on n’y relève pas de différences dialectales proprement dites. Un autre fait avéré, c’est que la langue grecque moderne dérive en droite ligne de cet antique idiome vulgaire. Au lieu de considérer le grec du Nouveau Testament comme une langue à part ou de le rapprocher du grec artificiel des écrivains contemporains, Philon, Josèphe, Arrien, Plutarque, etc, on le compare aujourd’hui plus volontiers à la langue vulgaire d’alors, telle que nous la connaissons par les papyrus, par les inscriptions et aussi par le grec moderne. Cette comparaison a éliminé un bon nombre de prétendus sémitismes. Je dis sémitismes pour comprendre sous un mot général les hébraïsmes et les aramaïsmes. Par exemple, la tendance à substituer au datif simple une préposition était alors universelle, surtout dans la langue vulgaire et ne doit pas être attribuée à une influence sémitique. La répétition du mot avec sens distributif (Matth., vi, 7 : 8vo Sio, Marc, VI, 39 : cn)[j, m5c71a ni jiitôota) qu’on regardait comme un sémitisme, se trouve parfois dans les classiques, est fréquente dans les papyrus et commune dans le grec moderne. Il en est de même du pronom personnel pléonastique après un relatif. Marc, i, 7 ; vii, 25 ; Luc, iii, 16. On trouvera un grand nombre d’exemples semblables dans Moulton, À grammar of JV. T. Greek, t. i, Prolegoniena, Edimbourg, 1906 ; 2e édition augmentée, 1907. Cet auteur a très bien vu le danger d’une réaction exagérée qui porterait les philologues modernes à nier les sémitismes les plus évidents. Il veut qu’on distingue soigneusement entre les citations et les réminiscences inconscientes ou voulues ainsi qu’entre les morceaux provenant directement ou indirectement de sources araméennes, où l’on doit s’attendre à rencontrer des sémitismes, et les passages composés librement par des écrivains sacrés. Ici les sémitismes seront très rares et consisteront surtout dans un emploi beaucoup trop fréquent de locutions grecques qui correspondent par hasard à des idiotismes sémitiques, par exemple 180û.

Sur l’utilité des papyrus pour l’exégèse du Nouveau Testament, on lira avec intérêt cinq récents articles de JJeissmann, The New Testament in the light of rscently discovered texts of the Grssco-Roman World, dans The Expository Times, octobre, novembre et décembre 1906, février et avril 1907.

IV. Bibliographie. — N. Hohlwein, La Papyrologie grecque, bibliographie raisonnée (ouvrages pnbjiés avant le l « r janvier 1905), Louvain, 1905. Cette liste qui comprend 819 numéros, signale un grand nombre d’articles de revues. On y trouvera aussi l’indication des collections que nous n’avons pas mentionnées parce qu’elles n’ont rien qui intéresse directement la Bible, par exemple : Griechische Vrkunden ans den kônigl. Museen zu Berlin, en cours de publication depuis 1895 ; J. P. Mahaffy, On the Flinders Pétrie Papyri, Dublin, 1893 ; Tetubnis Papyri, 1. 1, Londres, 1902 ; Grenfell et Hunt, New classical Fragments and other Greek and Latin Papyri, Oxford, 1891. The Hibeh Papyri, t. i, des

mêmes, a paru depuis, Londres 1906. — Pour l’étude des papyrus : F. G. Kenyon, The Palœography of Greek Papyri, Oxford, 1899 (c’est l’ouvrage classique sur la matière) ; Erman et Krebs, Aus denpapyrus der kônigl, Museen (zu Berlin), Berlin, 1899 (notions de paléographie, d’archéologie, etc. sur les papyrus égyptiens, grecs, coptes, arabes, et autres à propos des collections de Berlin) ; O. Grademvitz, Einfùhrung in die Papyruskunde, l c *fasc, Erklàrung ausgewâhlter Vrkunden, Leipzig, 1900 (trop spécial et d’un intérêt trop restreint).

— Revues et bulletins : U. Wilcken, qui avait montré la nécessité de fonder une revue spéciale de papyrologie (Die griechischen Papyrusurkunden, 1897), en publie une depuis 1900, à Leipzig, sous ce titre : Archiv fur Papyrusforschung und verwandte Gebiete. En 1901 a paru aussi à Leipzig le premier volume d’un recueil.analogue, Studien zur Palâographie und Papyruskunde, publié par G. Wessely. La publication la plus pratique pour s’orienter dans la bibliographie des papyrus et se tenir au courant des découvertes nous semble être le Bulletin papyrologique publié de temps en temps par S. de Ricci dans la Revue des études grecques (depuis 1901). L’auteur donne dans son premier Bulletin, 1901, p. 164-170, un aperçu rapide mais suffisant des travaux antérieurs à cette date avec renvoi aux recueils spéciaux d’après lesquels est compilé son résumé.

F. Prat.

    1. PAQUE##

PAQUE, la principale fête des Juifs.

I. Ses noms. — Le premier nom donné à la Pàque se présente sous la forme suivante : pesa ! } hû’la-Yehovâh, Ttà^a tari xupt’w, ce que la Vulgate explique ainsi : Est enim Phase (id est iransilus) Domini, « car c’est la Pàque (c’est-à-dire le passage) du Seigneur. » Exod., xii, 11. Le mot pésah vient du radical pâsalf, « passer ». En judéo-araméen, il prend la forme pashâ’, d’où le grec Tcâff/ix. Le texte emploie le verbe pâsah pour désigner le passage du Seigneur au delà des maisons des Hébreux, au moment de la dixième plaie, Exod., xii, 13, 23, tandis que le verbe’âbar désigne le passage du Seigneur par la terre d’Egypte pour y exercer sa vengeance. Exod., xii, 13. Ce que la fête commémorait directement, c’était donc le passage qui épargnait les Hébreux, et non le pas ?age qui châtiait les Égyptiens. Dans l’Épitre aux Hébreitx, xi, 28, il est dit que Moïse célébra la Pàque et fit l’aspersion du sang « afin que l’exterminateur des premiers-nés ne touchât pas à ceux des Israélites. » On a voulu faire venir pésah de l’assyrien pasâfyu, « apaiser la divinité ». Cf. Zimmern, Beitràge zur Kenntniss der babylonischen Religion, Leipzig, 1901, p. 92. Cette étymologie est inaccceptable. Le texte sacré rattache manifestement à la Pàque l’idée de « passage », et non pas celle d’apaisement de la divinité, qui n’est qu’accessoire dans le rite pascal. Subsidiairement, l’idée s’étendit au passage de l’Egypte au désert, de la servitude à la liberté. Dans le Pentateuque, Josué, les Rois et les Paralipomènes, la Vulgate rend pésah par Phase, dans Esdras, Ézéchiel et tout le Nouveau Testament, par Pascha. Le mot a désigné, dès le principe, non seulement le passage du Seigneur, mais aussi tantôt la fête qui perpétuait le souvenir de ce passage, Exod., xxxiv, 25 ; Num., ix, 2 ; II Par., xxxv, - 1 ; Matth., xxvi, 2 ; Joa., vi, 4, etc., tantôt l’agneau qu’on y mangeait. Exod., xii, 21’; Deut., xvi, 2 ; I Esd., VI, 20 ; Matth., xxvi, 17 ; Joa., xviii, 28, etc. — 2° La nature des aliments permis pendant la Pàque lui a fait encore attribuer le nom de hag ham-niassôt, « fête des azymes ». Exod., xxiii, 15 ; Deut., xvi, 16, etc. Voir Azyme, t. i, col. 1313. Elle est appelée par saint Luc, xxii, 1, et par Josèphe, Bell, jud., II, i, 3, éopxri tùv àÇùnwv, « fête des azymes » ; par saint Marc, xiv, 1, et par saint Matthieu, xxvi, 17, tô àÇujjia, « les azymes » ; dans les Actes, xii, 3, aî - » )[i£pai tûv àÇû[i<ov, « les jours des azymes ».

II. Son institution. — 1° La Pâque fut instituée et prescrite par le Seigneur en Egypte, entre la neuvième et la dixième plaie. Les Hébreux reçurent l’ordre de prendre un agneau ou. Un chevreau par famille ou par maison, le dixième jour du mois, de l’immoler le quatorzième jour entre les deux soirs, de teindre de son sang les montants et le linteau de la porte, de le manger cette nuit-là rôti au feu, avec des pains sans levain et des herbes amères, les reins ceints, les sandales aux pieds, le bâton en main et à la hâte, et enfin de brûler tout ce qui en resterait. Exod., xii, 2-11. Ces prescriptions concernaient la première Pâque, à célébrer pendant la nuit même durant laquelle devaient être exterminés les premiers-nés des Égyptiens, et à la suite de laquelle ceux-ci allaient presser les Hébreux de partir. Exod., xii, 29-33. Ainsi s’expliquent les pains azymes, parce qu’on n’avait pas le temps de faire lever la pâte, l’attitude à prendre en mangeant l’agneau et la hâte avec laquelle on procédait, parce que le départ était imminent. Le sang de l’agneau mis sur les montants et le linteau des portes devait servir de signe pour que le Seigneur « passât par-dessus » les maisons des Hébreux, sans que la plaie meurtrière les frappât. Exod., xir, 13. Ce rite se retrouve dans le rituel babylonien, avec une signification analogue. Dans un sacrifice offert par le roi pour que ses fautes soient effacées aux yeux de Samas, le magicien devait sacrifier un agneau à Ja porte du palais et ensuite teindre de son sangles montants de cette porte. Cf. Fr. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens, l re série, Paris, 1903, p. 257.

2° À l’occasion de ce récit, le Pentateuque insère la législation qui devra par la suite régler la célébration de la Pâque. Voici les différents articles de cette législation : 1. La fête de la Pâque sera célébrée à perpétuité. Exod., xii, 14, 17, 24-27, 41 — 2. Elle aura lieu le premier mois de l’année, le mois d’abib, appelé depuis mois de nisan. Exod., xxxiv, 18. — 3. La victime pascale doit être immolée le quatorzième jour, « entre les deux soirs, » Exod., xii, 6 ; Lev., xxiii, 5 ; Num., ix, 3, 5, 11, ou « le soir, au coucher du soleil ». Deut., xvi, 6 ; Jos-, v, 10. — 4. La fête de la Pâque dure sept jours. Exod., xii, 15. — 5. Durant tout ce temps, on ne peut manger que des pains azymes et l’on ne doit pas conserver de levain à la maison. Exod., xii, 15, 1820 ; xxxiv, 18, 25 ; Lev., xxiii, 6 ; Num., xxviii, 17 ; Deut., xvi, 3, 4. — 6. On ne doit briser aucun des os de l’agneau pascal. Exod., xii, 46. — 7. On n’en peut rien emporter hors de la maison. Exod., xii, 46. — 8. Il faut qu’il soit consommé tout entier avant le matin ou que ce qui en reste soit brûlé. Exod., xii, 10 ; xxxiv, 25. — 9. La victime pascale ne peut être immolée et mangée que dans le lieu choisi par le Seigneur. Deut., XVI, 5-7. — 10. Ceux-là seuls ont le droit d’y prendre part, qui sont circoncis et en état de pureté. Exod., xii, 44, 45, 48, 49 ; Num., ix, 6, 7. — 11. Il y a assemblée du peuple le premier et le septième jour de la fête. Exod., xii, 16 ; Lev, , xxiii, 7, 8 ; Num., xxviii, 18, 25. —

12. Ces r deux jours, aucun travail n’est permis, sauf pour la préparation des aliments. Exod., xii, 16 ; Lev., xxm, 7 ; Num., xxviii, 18 ; Deut., xvi, 8. — 13. Pendant les sept jours, des holocaustes spéciaux doivent être offerts. Lev., xxiii, 8 ; Num., xxviii, 19-25. — 14. Le lendemain du sabbat pascal, le prêtre offre les prémices de la moisson. Lev., xxiii, 10-14. — 15. Ceux qui, pour cause d’impureté légale, n’ont pu célébrer la Pâque au jour marqué, la célébreront le quatorzième jour du second mois. Num., ix, 10-12. — 16. La peine du retranchement ou excommunication est prononcée contre quiconque mange du pain levé l’un des sept jours de la Pâque. Exod., xii, 15. — 17. La même peine frappe celui qui ne célèbre pas la Pâque. Num., ix,

13. — 18. Enfin, pour que le rite pascal fût compris, les Hébreux devaient dire à leurs enfants : « C’est un

sacrifice de Pâque en l’honneur de Jéhovah, qui a passé par-dessus les maisons des enfants d’Israël en Egypte, lorsqu’il frappa l’Egypte et sauva nos maisons. » Exod., xii, 27.

III. La célébration de la Pâqhe dans l’Ancien Testament. — 1° La première Pâque fut célébrée en Egypte même. Cette célébration présenta quelques particularités qui ne se retrouvent pas dans les Pâques suivantes : la mise â part de l’agneau dès le dixième jour, l’aspersion du linteau et des montants des portes avec l’hysope teint de sang, la manducation de l’agneau en lieu profane, à la hâte, sans hymne, par tous les Hébreux sans exception, purs ou non. Exod., xii, 2128. — 2° Une seconde Pâque fut célébrée un an après, au Sinaï, conformément aux prescriptions édictées précédemment. À cette occasion fut portée la loi concernant ceux que rendaient impurs le contact d’un cadavre. Num., ix, 1-14. La prescription de l’Exode, xii, 25 : « Lorsque vous serez entrés dans le pays que Jéhovah vous donnera, selon sa promesse, vous observerez ce rite sacré, » ne signifie pas que la Pâque ne devait ensuite être célébrée qu’en Palestine. La célébration au Sinaï prouve le contraire, et les divers règlements formulés au désert au sujet de la Pâque, Exod., xxxiv, 18 ; Lev., xxiii, 4-8 ; Num., xxviii, 16-25 ; Deut., xvi, 1-8, ne comportent aucune restriction. — 3° A l’entrée de la Terre Promise, Josué circoncit les Israélites et, à Galgala, on célébra la Pâque, sans que rien, dans le récit, fasse soupçonner que l’interruption de la circoncision, pendant le séjour au désert, se soit étendue à la célébration des fêtes pascales. Jos., v, 1012. — Il est probable que le voyage accompli chaque année par Elcana et ses femmes, Anne et Phénenna, pour adorer Jéhovah à Silo et lui offrir des sacrifices, se rapporte à la célébration de la Pâque. I Reg., i, 3, 7. — 4° Plus de sept cents ans après Josué, le roi Ézéchias fit célébrer une Pâque très solennelle à Jérusalem. Dans l’intervalle, la fête avait continué régulièrement chaque année, sans nul doute. Mais, à certaines époques, bien des négligences s'étaient produites et beaucoup d’Israélites se dispensaient trop facilement de l’obligation qui s’imposait à eux de se rendre annuellement à Jérusalem. Sous les rois impies, l’abstention était devenue plus générale. Du ' royaume schismatique, on venait beaucoup moins au Temple ; dans Juda même, on se négligeait d’autant plus que des rois comme Joram, Athalie, Joas, Achaz, décourageaient plus’efficacement la piété des Israélites fidèles. Ézéchias envoya dans tout son royaume et dans les tribus d'Éphraïm et de Manassé des messagers pour inviter à la Pâque. Mais les prêtres eux-mêmes ne furent pas prêts pour le premier mois. Un grand nombre d’entre eux ne se trouvaient pas dans les conditions requises de pureté légale. On remit donc la fête au second mois, comme la Loi en laissait la faculté. Num., ix, 10-12. L’invitation d'Ézéchias fut mal accueillie dans l’ancien royaume d’Israël. Quelques hommes d’Aser, de Manassé et de Zabulon vinrent seuls à Jérusalem. Ceux de Juda s’y portèrent en grand nombre. Beaucoup mangèrent la Pâque sans avoir été purifiés, tant était grande encore l’ignorance des anciennes prescriptions du Seigneur. Ézéchias pria pour que Jéhovah accordât son pardon à ces violateurs plus ou moins inconscients de la loi. L’enthousiasme fut si grand et le nombre des pèlerins si considérable qu’on se décida à prolonger la fête de sept autres jours. Les réjouissances furent telles qu’on n’avait rien vu de pareil depuis Salomon. Cette Pâque devint le signal d’une réaction vigoureuse contre l’idolâtrie. II Par., xxx, 127. — 5° Environ cent ans plus tard, la Pâque fut encore célébrée avec une solennité exceptionnelle sous Josias, à l’occasion dû renouvellement de l’alliance. Pendant les cinquante cinq ans de son règne, en effet, le fils d'Ézéchias, Manassé, avait multiplié les efforts

pour faire tomber dans l’oubli la loi de Moïse. Le texte des Rois fait la remarque suivante, au sujet de ce qui fut fait sous Josias : « Aucune Pâque pareille à celleci n’avait été célébrée depuis le temps des Juges qui jugèrent Israël, et pendant tous les jours des rois d’Israël et des rois de Juda. » IV Reg., xxiii, 21, 22 ; II Par-, xxxv, 16-19. Le texte hébreu dit littéralement : « Car ne fut point faite cette Pàque depuis le temps des Juges-., comme, la dix-huitème année du roi Josias, fut faite cette Pâque à Jéhovah à Jérusalem, » ce qui revient à dire que jamais on n’avait célébré de Pâque pareille. Ce texte n’exclut donc en aucune manière les Pâques du temps passé. Celle-ci sortit de l’ordinaire non par sa solennité, qui n’avait peut-être pas égalé celle des Pâques de Salomon, II Par., viii, 13, et d'Ézéchias, mais par l’exactitude avec laquelle on avait suivi toutes les prescriptions de la Loi. On a vii, en effet, qu'à la Pâque d'Ézéchias, certaines de ces prescriptions avaient été transgressées. — 6° Pendant la captivité, il ne pouvait être question de la célébration solennelle de la Pâque à Jérusalem. Néanmoins l’interruption n'était que momentanée. Dans la description du nouveau culte de Jéhovah, Ézéchiel, xlv, 21-24, mentionne la Pâque avec ses rites accoutumés. — 7° Après la captivité, la fête de la Pâque fut rétablie et célébrée à la fois par ceux qui étaient revenus et par tous les Israélites qui, restés en Palestine, ne s'étaient pas souillés au contact des idolâtres. I Esd., vi, 19-22. — 8° À la suite de la profanation du Temple sous Antiochus Épiphane, Judas Machabée, vainqueur des Syriens, rétablit le culte et célébra la fête de la Dédicace. I Mach., iv, 54-59. Plus tard, Jonathas, devenu grand-prêtre, célébra celle des Tabernacles. I Mach, , x, 21. Ces faits ne permettent pas de douter qu'à partir du rétablissement du culte, les solennités pascales n’aient été célébrées à Jérusalem conformément à la Loi.

IV. Usages juifs relatifs à la Paque. — i. époque DE LA PAQUE. — 1° Les Juifs distinguaient entre la Pâque proprement dite, appelée par Josèphe, Ant. jud., II, xiv, 6 : àïcEpëadîa, « passage », par Philon, édit. Richter, 1828, i, 174 ; ii, 292 : 81a6aTripia, « traversée, s et par saint Grégoire de Nazianze, Epist, cxx, t. xxxvii, col. 213 : èoptrj Siagccnjpioi ; , « fête de la traversée », et la fêle des azymes, qui durait sept jours. Cf. Josèphe, Ant. jud., III, x, 5. Quand ils rapprochent le grec izàax* du verbe nàcysiii, « souffrir, » pour identifier la Pâque et la Passion du Sauveur, Tertullien, Adv. Jud., 10, t. ii, col. 630, et bon nombre d’autres, remarque saint Jérôme, In Matth., IV, 26, t. xxvi, col. 190, ne s’appuient que sur la similitude phonétique de deux mots très différents d’origine et de sens. Saint Augustin, In Joa., lv, l, t. xxxv, col. 1784, dit plus correctement que Pascha ne vient pas du grec TtàuxEiv, mais d’un mot hébreu qui signifie « passage ».

2° Dans la suite des temps, les Juifs distinguèrent la première Pâque, celle du mois de nisan, et la seconde ou petite Pâque, celle du mois suivant ou de iyar. Cf. Challa, I, 11 ; Midr. Megillath Esth., 132, 2. Pour les Caraïtes, les choses devaient se passer identiquement de même à ces deux Pâques ; d’autres laissaient de côté quelques détails à la seconde Pâque, la suppression préalable de tout levain, l’hymne, la défense d’eflrporter ailleurs une partie de l’agneau pascal et les sacrifices appelés hagîgâh.

3° La Pâque était une fête à date fixée par le Seigneur ; elle avait donc le pas sur le sabbat, comme d’ailleurs la circoncision et le sacrifice perpétuel. Si le 14 nisan tombait le jour du sabbat, on ne laissait pas d’immoler les agneaux ce jour-là et de faire toutes les cérémonies préparatoires à la solennité. Cf. Mechilta, 5, 1 ; Gem. Pesachim, 33, 1 ; 66, 1.

II. rites particuliers. — Le traité Pesachim de la Mischna s’occupe de tout ce qui concerne la fête de la

Pâque. Il détermine l’application des règles formulées dans le Pentateuque.

1° La perpétuité. — À certaines époques de l’histoire, la célébration de la Pâque fut négligée par un grand nombre d’Israélites. Plusieurs fois, elle fut interrompue pendant un temps plus ou moins long, quandjle lieu choisi par le Seigneur, le Temple, fut interdit au culte divin, comme sous plusieurs des rois impies et plus tard sous Antiochus Épiphane, et, à plus forte raison, quand il fut détruit, comme pendant la captivité de Babylone. Sous le procurateur Coponius, qui gouverna la Judée après Archélaûs, la solennité pascale dut être interrompue par la faute de Samaritains qui s’introduisirent de nuit dans le Temple, dès l’ouverture des portes, et semèrent de tous côtés des ossements humains dont la présence souillait le lieu saint. Josèphe, Ant. jud., XVIII, ii, 2. Sous le procurateur Cumanus (48 après J.-C), Ie quatrième jour de la Pâque, un des soldats qui veillaient à maintenir l’ordre sous les portiques du Temple se permit une indécence qui révolta à bon droit les Juifs. Redoutant une émeute, le procurateur fit prendre les armes à la garnison de l’Antonia. Il en résulta une panique telle parmi les Juifs, qu’en voulant s'échapper du Temple, ils s'écrasèrent mutuellement en grand nombre, d’où interruption des fêtes et deuil général dans la ville. Josèphe, Ant. jud., XX, v, 3 ; Bell, jud., II, xii, 1. Depuis la destruction du Temple, en 70, les Juifs ne peuvent plus immoler l’agneau pascal dans les conditions prescriies. Ils n’ont gardé des anciens rites que ce qui est compatible avec leur situation actuelle. Cf. Pesachim, x, 3.

2° La date. — La Pâque continua toujours à être célébrée après le 14 nisan, aux premières heures du 15, selon la façon juive de compter. Sa date dépendait de la fixation de la néoménie du premier mois de l’année. Voir Néoménie, t. iv, col. 1590. De plus, il fallait tenir compte de différentes circonstances qui motivaient Tintercalation d’un treizième mois entre le dernier de l’année ou adar et le premier de l’année suivante. Cette intercalation avait lieu quand le 16 nisan tombait avant l'équinoxe du printemps, quand la végétation n'était pas assez avancée pour qu’on pût faire l’offrande des épis nouveaux, quand des pluies prolongées n’avaient pas permis la réfection des routes et des fours. Rien n'était réglé à l’avance au sujet de cette intercalation et souvent le sanhédrin attendait jusqu’en adar pour prendre une décision. Voir Année, t. i, col. 642-643.

3° Le 14 nisan. — Dès la nuit qui commençait le 14 nisan, le père de famille inspectait toute sa maison, le flambeau à la main, afin de recueillir tout ce qui pouvait s’y trouver de vieux levain, et il le brûlait vers midi. À partir de ce moment, on ne pouvait plus manger de pain levé sous peine de verges. Dès la matinée, les femmes préparaient les pains sans levain et des gâteaux semblables, sans sel et sans huile. Les premiers-nés passaient toute cette journée dans le jeûne ; les autres faisaient vers dix heures du matin leur dernier repas avec du pain levé. — On immolait l’agneau pascal « entre les deux soirs ». Exod., xii, 6. Cette expression est" nécessairement synonyme de celle qu’on trouve dans le Deutéronome, xvi, 6 : « le soir, au coucher du soleil, » et elle ne peut se rapporter à deux jours différents. Les Caraïtes et les Samaritains entendaient par là le temps qui s'écoule entre la disparition du soleil sous l’horizon et la pleine obscurité. Pour les pharisiens, c'était le temps qui s'écoule entre le moment où le soleil commence à baisser et sa disparition effective, c’est-à-dire, à l'équinoxe, de trois heures à six heures. C’est ce dernier sens qu’adoptent Josèphe, Bell, jud., VI, ix, 3, et les talmudistes. Pesachim, 5, 3. On avait ainsi plus de latitude pour l’immolation des victimes, tandis que, dans l’opinion des Caraïtes, on n’eût guère disposé que d’une heure un quart, temps qui ne pou

vait suffire que quand la Pàque n’était pas très fréquentée. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1065.

4° L’agneau pascal. — 1. D’après la Loi, l’agneau ou le chevreau devait être mâle, d’un an accompli et sans tache, c’esl-à-dire sans aucun des défauts spécialement signalés par la Loi. Lev., xxii, 22. Pour préserver l’agneau de toute souillure, les Juifs le séparaient du troupeau et l’attachaient à leur lit. Cf. Kelim, Xix, 2. La séparation ne se faisait pas obligatoirement le dixième jour du mois, comme en Egypte, mais souvent deux ou trois jours après. Cf. Pesachim, rx, 5. — 2. L’immolation avait lieu après le sacrifice du soir, et avant qn’on brûlât l’encens et qu’on allumât les lampes. Cf. Gem. Pesachim, 58, 1. Pendant cette opération, les prêtres sonnaient de la trompette et les lévites chantaient les Psaumes cxm-cxviii (cxii-cxvii). Les Israélites porteurs d’agneaux étaient introduits dans le parvis du Temple en trois groupes successifs, derrière chacun desquels on fermait les portes. Cf. Eduyoth, v, 6 ; Gem. Berachoth, 19, 1. Les agneaux n’étaient pas nécessairement égorgés par les ministres sacrés, prêtres ou lévites. II Par., xxx, 17 ; xxxv, 11. Le premier de ces deux textes suppose que les lévites immolaient les victimes pascales « pour tous ceux qui n’étaient pas purs, d II suit de là que chaque Israélite égorgeait d’ordinaire son agneau. C’est d’ailleurs ce qui se pratiquait certainement dans les derniers temps. Cf. Pesachim, v, 6 ; Philon, Vit. Mos., iii, 29 ; De Decalog., 30 ; De septenar., 18, édit. Mangey, t. ii, p. 169, 206, 292. Il ne s’agissait pas de victimes à offrir sur l’autel ; l’intervention du prêtre n’était donc pas requise pour leur immolation. Il suffisait que l’Israélite fût en état de pureté légale pour avoir le droit d’y procéder. Des prêtres, disposés par séries, recueillaient le sang des agneaux dans des vases qu’ils se passaient de main en main jusqu’à celui qui versait le contenu à la base de l’autel. Cf. Pesachim, v, 6. — 3. Pour écorcher les victimes ordinaires, on les suspendait à des traverses de cèdre que soutenaient huit colonnes de pierre élevées dans le parvis des prêtres. Cet appareil n’aurait pas suffi pour écorcher rapidement le grand nombre des agneaux présentés à la Pàque. On se servait donc, pour les suspendre pendant l’écorchement, de bâtons que des hommes appuyaient sur leurs épaules. Après avoir ouvert le ventre de l’agneau, on lui enlevait la graisse, les reins et tout ce qui devait être brûlé sur l’autel. Puis le corps, enveloppé dans sa peau, était remis à celui qui l’avait apporté. Cf. Pesachim, v, 6, 10 ; Gem. Pesachim, 64, 2 ; 65, 2. Le nombre des agneaux présentés au Temple était énorme. Josèphe, Bell, jud., VI, ix, 3, parle de 256500, et VEchah Rabbath, fol. 59, 1, 2 ; 62, 1, porte ce nombre à 600 000 sous le roi Agrippa. En faisant la part de l’exagération, même dans l’estimation fournie par l’historien juif, et en supposant seulement 30000 agneaux pour chacun des trois groupes successivement admis dans le parvis du Temple, on a peine à se représenter la manière dont on procédait pratiquement. Les prêtres ne pouvaient s’acquitter de leur tâche qu’à force de dextérité, de célérité et d’ordre parfait. Les Juifs prétendent pourtant que l’immolation s’exécutait avec une telle rapidité par le grand nombre des opérateurs que jamais les lévites ne purent répéter une troisième fois les Psaumes dont le chant leur incombait. Cf. Pesachim, v, 7. L’assertion ne laisse pas que d’étonner. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1893, t. Il, p. 416. — 4. Rapporté à la maison, l’agneau devait être rôti ; on ne pouvait le cuire d’une autre manière. Cf. Gem. Nedarim, 49, 1. On le traversait longitudinalement par une tige en bois de grenadier. Saint Justin, Dial. cum Tryphone, 40, t. vi, col. 561, parle d’une autre tige qui le traversait d’une épaule à l’autre, de sorte que, par leur disposition, ces deux tiges présen taient la figure d’une croix. Né à Flavia Néapolis, l’ancienne Sichem, le saint martyr connaissait très bien ce qu’il avait vu pratiquer et ce que pratiquent encore les Samaritains, qui continuent à manger chez eux l’agneau pascal. L’usage qu’il mentionne ne devait pas être étranger aux Juifs ; autrement il n’en eût pas fait état dans un dialogue avec un savant de cette nation. Pour rôtir l’agneau pascal, on employait des fours de brique, munis d’une ouverture inférieure pour mettre le feu et retirer les cendres, et d’une ouverture supérieure par laquelle on entrait l’agneau, probablement suspendu au-dessus d’un feu de charbons ardents. Afin que les entrailles qui, elles aussi, devaient être mangées, Exod., xii, 9, fussent également rôties, et non bouillies, on les retirait pour les suspendre dans le four à côté du corps.

5° Le festin pascal. — Régulièrement, tant que le Temple subsista, l’agneau pascal ne pouvait être immolé qu’au Temple et mangé que dans la Ville sainte. Les Juifs de la dispersion célébraient cependant, là où ils se trouvaient, des festins communs, et en particulier celui de la Pâque. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 8 ; Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes, Leipzig, t. iii, 1898, p. 96. À Jérusalem, les Israélites venus d’ailleurs, trouvaientauprès des habitants unaccueil fraternel. On mettait gratuitement à leur disposition les chambres dont ils avaient besoin pour manger la Pâque. Cf. Babyl. Yoma, 12, 1. En retour de l’hospitalité reçue, ils laissaient la peau de l’agneau et les ustensiles de terre dont ils s’étaient servis. Mais la multitude des pèlerins était telle qu’il n’était guère possible à tous de trouver asile en même temps dans une ville dont les habitants, au dire de Josèphe, Cont. Apion., i, 22, s’élevaient, au nombre de 120000 du temps d’Alexandre le Grand. Aussi, au moment de la Pâque, les rues, les places et les environs immédiats étaient encombrés de tentes. Beaucoup, sans doute, célébraient le festin pascal là même où ils passaient la nuit. Il fallait être au moins dix pour manger l’agneau pascal ; le nombre des convives pouvait aller jusqu’à vingt. Cf. Josèphe, Bell. jud., VI, ix, 3. Les femmes avaient droit de prendre part au festin ; mais les hommes seuls y étaient obligés. Cf. Pesachim, x, 1. Étaient exclus cependant ceux qui avaient contracté une impureté par contact d’un mort, les lépreux, ceux qui étaient affligés d’un flux et ceux qui se trouvaient impurs au moment de l’immolation de l’agneau ou de l’effusion de son sang au pied de l’autel. Leur Pâque était remise au mois suivant. Cf. Josèphe, Bell, jud., VI, ix, 3 ; Tosaphta Pesachim, 8 ; Gem. J crus Pesachim, 9. Les convives ne setenaientplus debout, comme à la Pâque égyptienne. Les Juifs des derniers temps, adoptant les modes nouvelles, s’étendaient sur des divans, « à la manière des rois et avec l’aisance qui convient à des hommes libres. > ; Cf. Pesachim, x, 1. Les femmes se contentaient d’être assises. Voir Lit, t. iv, col. 291. Chaque convive devait manger du pain azyme, ne fût-ce qu’une quantité égale au volume d’une olive. Cf. Challa, i, 2. Le repas ne pouvait se prolonger au delà de minuit. On brûlait alors ce qui restait de l’agneau pascal. Cf. Gem. Berachoth, 9, 1, Si cependant la Pâque se célébrait un jour de sabbat, on remettait cette combustion au lendemain. Cf. Pesachim, x, 7. — Sur le rituel suivi pour la célébration du festin pascal, voir Cène, t. ii, col. 413-416 ; Herbes amères, t. iii, col. 600-602.

V. Les sacrifices prescrits pour la pâque. — L’immolation de l’agneau pascal n’était pas un sacrifice ordinaire, bien qu’elle soit appelée zébah, dvala, Exod., xii, 27 ; xxxiv, 25, et qu’il soit question de « sacrifier la Pâque », Tzâcrya. 6ueiv. Marc, xiv, 2. Cf. Josèphe, Ant. jud., VI, iv, 8. ^.a plupart des rites suivis dans les autres sacrifices, les offrandes, les libations, etc., faisaient défaut dans l’immolation de l’agneau pascal. Mais des sacrifices proprement dits devaient être offerts

pendant les sept jours de la Pàque. Chacun de ces jours, on offrait en holocauste deux jeunes taureaux, un bélier et sept agneaux d’un an, avec des oblations de fleur de farine pétrie à l’huile. On y ajoutait un bouc, en sacrifice d’expiation. Ces sacrifices n’empêchaient pas les holocaustes perpétuels prescrits deux fois le jour. Num., xxviii, 9-25. Quand on présentait la gerbe nouvelle, on offrait en plus un agneau d’un an en holocausle, avec une oblation de fleur de farine et une libation de vin. Lev., xxiii, 12, 13. Enfin ; chaque Israélite venu à la fête offrait des sacrifices particuliers, conformément à la Loi. Deut., xvi, 17. Le premier et le septième jour, où le travail était interdit, il y avait assemblée. Lev., xxiii, 3, 7, 8 ; Num., xxym, 18, 25. Voir Assemblée, t. i, col. 1129. Afin qu’on put assister à ces assemblées et paraître au Temple le dernier jour de la fête, qui était très solennel, on ne permettait pas aux Israélites de s’éloigner de la ville sainte, sinon momentanément, durant ces sept jours. Toutefois l’obligation n’était pas rigoureuse ; les docteurs toléraient qu’on partît le troisième jour, s’il y avait nécessité. Voir Pèlerinages.

VI. L’OFFRANDE DES PRÉMICES DE LA MOISSON. —

1° D’après la Loi, les prémices de la moisson devaient être offertes le « lendemain du sabbat ». Lev., xxiii, 11. Les Caraïtes entendaient par ce sabbat celui qui tombait au cours des fêtes de la Pâque. Mais les Septante traduisent l’hébreu par-rij sTcaûpeov ttj ; npra-rm ; , « le lendemain du premier » jour des azymes, et Josèphe, Ant. jud., III, x, 5, dit positivement que cette offrande se faisait « le second jour des azymes, soit le seizième dii mois. » Il suit de là que les Juifs d’après la captivité avaient fixé cette offrande au second jour des azymes, en prêtant le nom de sabbat au 15 nisan, dans lequel le gros travail était interdit. Cette interprétation, contraire à la lettre du texte, prévalut parmi eux. Ce jour-là, on présentait au prêtre une gerbe d’épis de la moisson nouvelle, et il la balançait, c’est-à-dire l’offrait à Jéhovah en l’agitant de diverses façons, afin d’attirer la faveur divine. Avant que cette offrande fût faite, on ne pouvait manger ni pain, ni épis frais ou grillés provenant de la moisson nouvelle. Lev., xxiii, 10-14. — Les Arabes ne manquaient pas, au printemps, de faire l’offrande des prémices, avec cette idée qu’avant de se servir des biens il importe de réserver la part de la divinité. Cf. Lagrange, Études sur les religions primitives, Paris, 1905, p. 255. On a prétendu que la Pâque des Hébreux dérivait des fêtes pastorales que beaucoup d’anciens peuples célébraient au printemps, comme les fêtes en l’honneur de Déméter, chez les Grecs, de Cérès, chez les Romains, etc. Mais le caractère historique de la fête pascale a trop d’importance dans les textes sacrés pour qu’on puisse le reléguer au second plan. Le caractère agricole n’apparaît au contraire que comme adventice et secondaire.

2° Voici comment les Juifs procédaient pour faire l’offrande des prémices. Au moment où s’achevait la dernière heure du 15 nisan, des délégués du sanhédrin sortaient de la ville avec une corbeille et une faucille, traversænt le Cédron et se rendaient dans un champ voisin, dont la moisson d’orge avait été achetée aux frais du trésor du Temple. Cf. Sckekalim, iv, 1. On choisissait l’orge, parce que sa maturité devançait celle des autres céréales. Au commencement de la nuit du 16 nisan, l’un des délégués posait par trois fois différentes questions auxquelles on répondait : « Le soleil est-il couché ? — Oui.

— Avec cette faucille ? — Oui. — Avec cette corbeille ? — Oui. — Faut-il couper ? — Oui. » Et si le 16 nisan était un jour de sabbat : « Même ce jour de sabbat ? — Oui. » Cf. Menachoth, x, 1, 3. Alors on coupait la gerbe et on l’apportait dans la corbeille jusqu’au parvis des prêtres. Là on la passait par le feu, on vannait le grain dans un endroit du parvis exposé au vent, on le broyait sous la

meule, on le tamisait treize fois ; jusqu’à ce qu’on eût obtenu un dixième d’éphi, soit de deux à quatre litres de fleur de farine. Le matin, après les sacrifices publics, on prenait une poignée de cette farine, on y aj outait de l’huile et de l’encens et on la brûlait sur l’autel. Le reste était distribué pour être mangé par les prêtres. Cf. Mertachoih, vi, 6 ; x, 3. Avant cette offrande solennelle, il était interdit de mettre la faux dans les récoltes de froment, d’orge, d’épeautre et de seigle. Cf. Challa, i, 1. La Loi interdisait seulement dé manger du grain nouveau, mais non de le récolter. Lev., xxiii, 14. Aussi les docteurs ne reprenaient-ils pas les habitants de Jéricho, qui récoltaient quelquefois avant la Pâque, dans leur chaude vallée du Jourdain où les moissons mûrissaient plus tôt qu’ailleurs et où il y avait intérêt à ne pas les laisser sur pied. Cf. Pesachim, IV, 8. Après la destruction du Temple, on décida qu’on ne mangerait pas de grain nouveau avant que le 16 nisan ne fût passé. Cf. Siphra, ꝟ. 247, 2.

VII. Symbolisme de la fête pascale. — 1° La Pâque était pour les Israélites la fête par excellence. Elle avait la plus haute signification à toutes sortes de points de vue, historique, religieux, social, familial et agricole. Tout d’abord, elle rappelait annuellement le grand fait qui avait constitué les Israélites à l’état de nation, le passage de Dieu en Egypte pour les délivrer de la servitude par des miracles éclatants, puis la sortie de ce pays d’oppression, la traversée de la mer Rouge et la conquête de l’indépendance pendant le séjour au désert. La manducation de l’agneau pascal commémorait tous ces faits de la manière la plus expressive. Cet agneau ressemblait à celui qu’avait prescrit Moïse ; on l’immolait, on le rôtissait, on le mangeait de la même façon que les ancêtres. Les pains azymes, seuls permis pendant la fête, faisaient revivre le souvenir de ces jours où les anciens Hébreux, pressés de partir par les Égyptiens, emportaient dans leurs manteaux les corbeilles contenant la pâte qui n’avait pas eu le temps de lever. Exod., xii, 34. Les herbes amères figuraient les peines souffertes en Egypte, et le charoseth (voir t. ir, col. 414) l’argile de ces briques que les Hébreux préparaient et employaient avec tant de fatigue, quand ils étaient aux travaux forcés pour le compte du pharaon. Les hymnes qu’on récitait donnaient encore plus de vie à tous ces souvenirs. Rien de ce glorieux passé ne pouvait être oublié quand, chaque année, le chef de la famille en racontait les événements aux plus jeunes et leur faisait entendre que la Pâque célébrée en ce jour avait pour but de rappeler l’antique intervention de Jéhovah en leur faveur. Aussi l’on comprend qu’en certaines circonstances critiques, quand on voulait réveiller dans le peuple le souvenir de ses origines et l’idée des obligations que ce passé lui imposait, on célébrait des Pâques solennelles, comme à l’époque d’Ézéchias et de Josias. La célébration de la Pâque, spéciale au peuple juif, lui rappelait donc ce que Dieu avait fait pour le constituer à l’état de nation indépendante, et, comme la circoncision qui le consacrait à Jéhovah, elle lui remettait continuellement en mémoire ce qu’il devait à l’auteur de sa vie nationale. Quand les Juifs eurent perdu leur indépendance, ces souvenirs du passé suscitèrent et entretinrent dans leurs cœurs de vives espérances en vue d’un avenir meilleur. De là leur attente d’un Messie qui renouvellerait en leur faveur les merveilles accomplies en Egypte par Jéhovah. Ce Messie vint et délivra son peuple nouveau, non pas en déchaînant de terribles plaies sur les oppresseurs, comme avait fait Moïse, mais en se faisant immoler comme l’agneau pascal. I Cor., v, 7.

2° La Pâque avait un caractère essentiellement religieux. Elle appelait toute la nation au Temple de Jéhovah, le Dieu national et le Dieu unique, qu’on Venait adorer, remercier, supplier. On ne pouvait prendre

part à la fête qu’après s’être purifié de toute souillure, ce qui obligeait chaque année les Israélites à régler leurs comptes avec la Loi. L’agneau était immolé au Temple et Dieu en prenait sa part, avec le sang répandu au pied de l’autel et les parties de la victime qu’on brûlait dessus. Le festin pascal évoquait toutes sortes de pensées religieuses, par les hymnes qu’on y entendait et les prières qu’on y adressait au Seigneur. Le peuple venait plus particulièrement prier au Temple, le premier et le septième jour, qui étaient des jours d’assemblée. Des sacrifices publics, holocaustes et sacrifices pour le péché, spéciaux à la fête des azymes, étaient offerts chaque jour, et chaque Israélite pouvait de son côté en faire offrir pour son propre compte. Tous avaient ainsi l’occasion d’adresser au Seigneur, selon les règles prescrites par la Loi, leurs adorations, leurs actions de grâces, leurs supplications et l’expression de leur repentir. En réalité, la P-âque était la grande fête religieuse des Juifs, celle dont on s’abstenait le moins facilement, à cause de l’importance qui s’y attachait.

3° De tout le pays de Palestine, de l’étranger, autant qu’il leur était possible, les Juifs accouraient à Jérusalem pour la Pâque. C’était un rendez-vous national. La fête évoquait le souvenir des origines de la nation. On se retrouvait au centre religieux et politique, Jérusalem et le Temple. Ceux qui vivaient éloignés les uns des autres se rencontraient ainsi périodiquement et resserraient par un contact fraternel les liens de leur unité nationale. Tous se sentaient chez eux dans la ville sainte ; les habitants de Jérusalem comprenaient parfaitement l’obligation qui s’imposait à eux d’accueillir aimablement leurs frères du dehors. On peut dire qu’en ces jours de la Pâque, c’était la nation entière qui venait se retremper à Jérusalem, accuser et fortifier à la fois son unité, dans une solennité merveilleusement apte à l’entretenir.

4° On arrivait à Jérusalem par familles. Le festin pascal était essentiellement familial. Il réunissait les membres d’une ou de deux familles, suivant leur nombre. Exod., xii, 3, 4. Ceux-ci priaient ensemble, et dans la même chambre ou sous la même tente, se partageaient le même agneau.

5° La Pâque était aussi une fête agricole. On y offrait solennellement les prémices de la moisson, dans des conditions qui mettaient en relief l’intervention de la bonté divine en faveur de l’homme. C’est au Seigneur qu’on devait le grain qui nourrit l’homme, c’est à lui le premier qu’on l’offrait à titre d’hommage et de reconnaissance ; on n’y touchait pas avant qu’il n’en eût reçu sa part, et les moissons ne commençaient que quand on avait ainsi satisfait au devpir qui incombe, à la créature vis-à-vis du Créateur. Cette offrande rappelait à tous les Israélites que les biens de la terre sont un don de la munificence de Dieu, que c’est de lui qu’on doit les attendre, et que c’est lui qu’il faut remercier quand ils germent du sol en abondance.

6° La Pâque juive n’était pas seulement destinée à symboliser, à faire revivre et à sanctifier pour les Israélites les choses du passé et du présent. Elle figurait en même temps les choses de l’avenir, particulièrement les sublimes réalités de la Loi nouvelle. L’agneau pascal représentait à l’avance, par des traits remarquables, le véritable Agneau de Dieu, le Sauveur destiné à « enlever les péchés du monde », Joa., i, 29, qui, « semblable à l’agneau qu’on mène à la tuerie, » Is., lui, 7, s’est laissé crucifier, qui a versé son sang pour la rémission des péchés, Matth., xxvi, 28, comme l’agneau d’Egypte avait versé le sien pour marquer les portes des Hébreux, et dont aucun des os n’a été brisé à la croix. Joa., xix, 36. L’agneau pascal servant de nourriture figurait encore le Sauveur nourrissant les hommes de sa propre chair : Agnus Paschse deputatur,

comme le rappelle saint Thomas dans le Lauda Sion-Voir Agneau de Dieu, t. i, col. 271. Les herbes amères et le tharoseth sont aussi l’image des peines et des travaux dont la nourriture eucharistique ne dispense pas le chrétien. Celui-ci, mais dans une mesure plus parfaite que l’Israélite, ne peut prendre part à son festin pascal que s’il est en état de pureté. L’interdiction du travail le premier et le septième jour de la fête montrait que dans la vie présente il faut savoir, à certains moments, mettre de côté tous les intérêts humains pour ne penser qu’à Dieu. La même leçon s’impose au chrétien. Les assemblées pascales, les sacrifices offerts, les cérémonies du Temple n’étaient qu’une image lointaine de ce qui se passe dans l’Eglise. Les Hébreux célébraient leur délivrance d’autrefois ; le chrétien fête le souvenir et la réalité toujours vivante de la grande et définitive délivrance, celle de la rédemption. L’Église résume ces similitudes dans son vieil hymne pascal (texte primitif) :

Ad cœnara agni providi Proteeti Paschse vespere

Et stolis albis candidi, À dévastante angelo,

Post transitum maris rubri Erepti de durissimo

Chrîsto canairms prificipi. Pharaonis imperio.

[est,

Cujus corpus sanctissimum Jam Pascha nostrura Christus

In ara crucis torridum, Qui immolatus agnus est,

Cruore ejus roseo Sinceritatis azyma

Gustando vivimus Deo. Caro ejus oblatæst.

Cf. Daniel, Thésaurus hymnologicus, Halle, 1841, t. i, p. 88. — Enfin l’offrande des prémices de la moisson figurait celle des prémices de la moisson des âmes que l’Église présente à Dieu le samedi-saint au baptême des catéchumènes. C’est pourquoi, ce jour-là, t’Église appelle le Sauveur satorem ionorum seminum. Orat. post prophet. rui.

VIII. La Pâque dans le Nouveau Testament. — 1° Il en est question pour la première fois à l’occasion du voyage de l’enfant Jésus et de ses parents à Jérusalem. Marie et Joseph s’y rendaient chaque année. À douze ans, le divin Enfant atteignait l’âge auquel, suivant la recommandation des docteurs, devait être commencée son initiation à la pratique de la Loi. Il fit donc le pèlerinage, sans doute pour la première fois, bien que l’Évangéliste ne l’indique pas positivement. La foule des pèlerins était si nombreuse que l’Enfant put échapper à la garde de ses parents sans que ceux-ci s’en aperçussent immédiatement. Luc, ii, 41-44. Voir Caravane, t. ii, col. 249, 250 ; Pèlerinages.

2° Saint Jean mentionne trois Pâques au cours de la vie publique de Notre-Seigneur, une première à laquelle il assista, Joa., Il, 13, une seconde à laquelle il n’alla pas, Joa., VI, 4, et la troisième avec laquelle coïncida sa Passion. Joa., xi, 55. Beaucoup pensent que la fête des Juifs dont parle saint Jean, v, 1, était aussi une Pâque à laquelle le Sauveur alla prendre part.

3° Dans le récit des derniers jours de Notre-Seigneur, bon nombre de détails se rapportent à la Pâque, telle qu’on la célébrait alors à Jérusalem. — 1. À l’approche de cette fête, beaucoup d’Israélites de Palestine montaient à la ville sainte pour se purifier. Joa., xi, 55. On profitait de l’obligation qui s’imposait à tous de venir à Jérusalem, afin d’y faire célébrer différents sacrifices pour le délit, pour l’action de grâces, pour l’acquittement d’un vœu, pour diverses purifications, Lev., v, 15 ; xiv, 12 ; xix, 21 ; Num., vi, 10, etc. Aussi, pendant les jours qui précédaient la solennité, l’affluence était déjà énorme à Jérusalem. Peut-être est-ce en partie pour cette raison que Notre-Seigneur s’éloigna de Jérusalem pendant ces jours, Joa., xi, 54, et ensuite quitta la ville chaque soir et se retira à Béthanie. Matth., xxi, 17 ; Marc, xi, 19 ; Luc, xxi, 37. Pour la même cause, les princes des prêtres craignirent qu’il n’y eût du tumulte parmi le peuple si on arrêtait Jésus le jour de la fête.

Mutth., xxvi, 5 ; Marc, xiv, 2. — 2. Le jeudi soir, Notre-Seigneur mangea vraiment la Pâque avecses Apôtres, dans une saile mise à sa disposition par un homme de la ville. Matth., xxvi, 17-19 : Marc, xvi, 1217 ; Luc, xxil, 7-14 Pour un motif que l’on ignore, les Juifs, cette année-là, ne faisaient la Pâque que le lendemain. Sur le jour où Noire-Seigneur a fait la Pâque, voir Cène, t. ii, col. 408-412. On ne sait pas si Pierre et Jean immolèrent dans le Temple l’agneau qui devait être mangé. Sans doute, on pouvait présenter chaque jour des victimes pacifiques que l’on traitait à Peu près comme l’agneau de la Pâque, Lev., iii, 3-5, 9-11, 14-16 ; mais la poitrine et une épaule devaient rester aux prêtres. Lev., vii, 34. L’agneau préparé par les Apôtres était donc probablement ou incomplet, ou immolé en dehors du Temple, à moins que, pour une Taison qui nous échappe, l’agneau ait pu être immolé rituellement dans les conditions que suppose l’Évangile. — 3. Arrivés au prétoire de Pilate, les princes des prêtres et les Juifs ne voulurent pas entrer, « pour ne pas se souiller, afin de manger la Pâque. t> Joa., xviii, 28. Saint Pierre même regardait comme une souillure le contact avec les païens. Act., x, 28, C’était l’enseignement des docteurs. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, viii, 3 ; Cont. Apion., i, 34 ; ii, 10, 14, 36 ; Justin, xxxvi, 2, 15 ; Tacite, Hist., v, 5. Pilate se plia à leur manière de Voir, conformément aux principes de la politique romaine, toujours tolérante à l’égard des usages nationaux. Légalement, la souillure redoutée ne durait que jusqu’au soir, après purification, et n’empêchait pas de manger la Pâque à partir du coucher du soleil. Voir Impureté légale, t. iii, col. 858. Mais, comme on l’a vu plus haut, les docteurs interdisaient la Pâque à quiconque était impur au moment de l’immolation des agneaux. Il faut donc supposer que les Juifs craignaient de n’avoir pas le temps de se purifier avant trois heures de l’après-midi. — 4. Le jour de la Pâque, le procurateur avait l’habitude de délivrer aux Juifs un prisonnier à leur choix. Matth., xxvii, 15 ; Marc, xv, 6 ; Luc., xxiii, 17. Pilate n’attend pas qu’on le lui rappelle et lui-même prend les devants. Joa., xviii, 39. Les Évangélistes sont seuls à parler de cet usage. Son existence ne peut étonne r. C’est quand ils ôtèrent aux Juifs le droit de vie et de mort, Joa., xviii, 31, que les Romains durent, en compensation, leur accorder ce privilège. Les Juifs étaient satisfaits que leur fête de la délivrance fût marquée par la libération d’un prisonnier. De leur côté, les Romains voyaient peut-être dans la Pâque juive quelque chose d’analogue à leurs Lectistemia, fêtes populaires en l’honneur des dieux, dans lesquelles on tenait table ouverte et l’on exerçait l’hospitalité la plus large. Cf. Tite Live, v, 3 ; xxil, 10 ; XL, 59 ; J. C. Hottinger, De ritu climitlendi reutn in festo Paschatis, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. H, p. 353-364. — 5. Le jour de la mort de Notre-Seigneur est considéré par tous, amis et ennemis, comme la veille d’un sabbat plus solennel que les autres. Joa., xix, 31. Avec ce sabbat, en effet, coïncidait pour les Juifs la fête même de la Pâque. Aussi, avant le soir, où il allait commencer, les disciples se hâtent de descendre le corps du Sauveur de la croix et de l’ensevelir sommairement. Puis, à partir de six heures, ils se tiennent en repos. Matth, fTtxvii, 57-60 ; Marc, xv, 42-46. Luc, xxiii, 50-54 ; J/w., xix, 38-42. Il est possible qu’en droit la Pâque de cette année-là ait dû être célébrée le jour même où Notre-Seigneurmangea l’agneau pascal, c’est-à-dire le vendredi, commençant le jeudi à six heures du soir. Mais personne, même parmi les disciples, ne paraît s’en être douté. Il est certain, au contraire, que le vendredi fut traité par tous comme une simple veille de fête, n’interdisant ni les travaux ordinaires, ni les jugements, ni les exécutions. Après le sabbat, le soir du samedi, dès six heures, les saintes femmes achètent ce qui

est nécessaire pour parfaire la sépulture du Sauveur, reprenant ainsi le travail permis dans l’après-midi du vendredi et incompatible à la fois avec la première journée des azymes et avec le sabbat. Marc, xvi, 1 ; Luc, xxiv, 1. — 6. Après avoir mis à mort Jacques, frère de Jean, Hérode Agrippa emprisonna saint Pierre 1, se réservant de le produire devant le peuple et de le condamner publiquement, mais seulement après les jours des azymes. Act., xiii, 3. Le roi voulait ainsi afficher son respect pour les jours saints, en évitant d’y prononcer une condamnation, et cependant profiter de la grande aftluence qui restait encore à Jérusalem, afin de prendre une mesure destinée à plaire aux Juifs. — 7. Saint Paul écrit : « Notre Pâque, le Christ, a été immolé. » I Cor., v, 7. Le Christ a remplacé l’agneau pascal, qui n’était que figuratif. Il a été immolé le vendredi, à trois heures, au moment même où commençait l’immolation des agneaux dans le Temple. Poursuivant son allusion, l’Apôtre recommande aux Corinthiens de « célébrer la fête, non avec du vieux levain ni du levain de malice et de perversité, mais avec les azymes de la pureté et de la vérité. » I Cor., v, 8. — Cf. Reland, Antiquitates sacrse, Utrecht, 1741, p. 191-193, 228-237 ; lken, Antiquitates hebraicm, Brème, 1741, p. 132-134, 308-316 ; Bàhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 627-644.

IX. La Pàque chrétienne. — Dès l’origine, les chrétiens eurent à cœur de célébrer le souvenir de ce que Notre-Seigneur avait accompli pour le salut du monde, l’institution eucharistique, la mort sur la croix et la résurrection. Mais on ne s’entendit pas tout d’abord sur la manière de procéder. Dans la plus grande partie de l’Église, on adopta comme fête principale, correspondant à la Pâque juive, le jour anniversaire de la résurrection, qu’on fixa irrévocablement à un dimanche parce que l’événement avait eu lieu en effet ce jour de la semaine. Dans la province d’Asie, au contraire, on continuait, en s’appuyant sur saint Jean, à célébrer comme fête l’anniversaire de la mort du Christ le 14 nisan, qui tombait un jour quelconque de la semaine et ne coïncidait presque jamais avec la Pâque du reste de l’Église. De là, deuxPâques assez différentes quant à leur objet, la Pâque de la croix, rata^ct orauptoaijiov, et la Pâque de la résurrection, itâa^a iyaarà<n[iov. À Antioehe, on acceptait les déterminations des Juifs pour le 14 nisan, tout en célébrant la Pàque le dimanche suivant. A Alexandrie et à Rome, on calculait la date indépendamment des Juifs et l’on ne fixait jamais la fête avant l’équinoxe. Ce fut l’usage qui prévalut. Mais il resta encore d’autres divergences. À Alexandrie, la fête pouvait être fixée du quinzième au vingt et unième jour du mois lunaire ; à Rome, du quatorzième au vingtième, de sorte que la Pâque chrétienne coïncidait avec la Pâque juive, quand le 14 nisan tombait un dimanche. Au IVe siècle, l’usage romain fut modifié et les limites de la fête portées du 16 au 22. C’est le concile de Nicée, en 325, qui prescrivit définitivement de célébrer la Pâque chrétienne le dimanche qui suit la. pleine lune d’après l’équinoxe. Il chargea l’évêque d’Alexandrie de faire les calculs préalables et celui de Rome de les notifier à toute l’Église. Cf. Duchesne, La question de la Pâque au concile de Nicée, dans la Revue des questions histari~ ques, 1880 ; t. xxviii, p. 5-42 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, Paris, 1869, t. i, p. 291-324 ; Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1903, p. 234240 ; H. Kellner, Heortologie, Fribourg-en-B., 1901,

p. 26-36.
H. Lesêtre.
    1. PARABOLE##

PARABOLE (hébreu : mâsâl ; Septante : irapaSoÀ.Vî, Ttapoijita ; Vulgate : parabola, proverbium, simililudo, comparatio), petit récit dont les divers traits représentent, par comparaison, des réalités d’un ordre supérieur.

I. Signification du mot. — 1° Le verbe hébreu mâsâl, analogue à l’assyrien maSdlu, à l’arabe masal, à l’araméen màtal, au syriaque matai et à l’éthiopien masal, signifie « être semblable » et « comparer ». Le substantif dérivé a donc la signification de « comparaison, similitude ». Il se rencontre parfois avec divers synonymes indiquant les nuances qu’il comporte : kîdâh, « énigme ». Ezéch., xvii, 2 ; nielîsafy, « satire », Hab., ii, 6 ; Mr, « cantique », Eccli., xlvii, 17 ; dibré kâkamîm, « paroles des sages », Prov., i, 6 ; èeninâh, « raillerie », Deut., xxviii, 37 ; hérpâh, « outrage », etqelâlâh, « malédiction », Jer., xxiv, 9 ; ’ôl, « signe », Ezech., xiv, 8,

, et nehî, « lamentation ». Mich., ii, 4. Le mâsâl serait par conséquent un discours un peu énigma tique, dont le sens obvie en cache un autre, et qui sert à formuler un enseignement élevé, parfois à railler ou à célébrer, à maudire ou à plaindre. — 2° Le grec itapaëoXiri vient de napaêâXXw, « jeter auprès, comparer ». Il est employé dans les auteurs classiques avec le sens de « comparaison » et de « ressemblance ». Ilapociita ahabituellement le sens de « proverbe ». Saint Jean emploie toujours ce mot, à’I’exclusion du précédent, pour désigner ce que les autres Évangélistes appellent « paraboles. » — 3° Les termes latins identifient la parabole avec la similitude et la comparaison. Il est curieux de remarquer que parabola, en passant par paravla et paraula, a donné en français le mot « parole », cf. A. Darmesteter, Cours de grammaire historique, Paris, t. i, p. 102, ce qui prouve que, pour nos pères, les paraboles qu’ils entendaient expliquer constamment sont devenues les « paroles » par excellence. Cf. Littré, Dict. de la langue franc., t. iii, p. 963. — 4° La parabole est donc comme un composé de corps et d’âme. Le corps, c’est le récit lui-même dans son sens obvie et naturel, récit qui se tient par lui-même et ne renferme que des éléments appartenant aux réalités ordinaires. L’âme est une suite d’idées parallèles aux premières, se déroulant dans le même ordre, mais dans un plan supérieur, de sorte qu’il faut être averti et apporter de l’attention pour les saisir. La parabole ne doit donc pas être confondue aveg h fable, dans laquelle les êtres ne se comportent pas toujours conformément à leur nature et dont le sens instructif ne dépasse pas le niveau des observations ou des leçons utiles à la vie ordinaire. Voir Apologue, t. i, col. 778. La parabole est également distincte du proverbe. Ce dernier peut parfois contenir en germe une parabole :

Comme des pommes d’or sur des ciselures d’argent, Ainsi est une parole dite à propos. Prov., xxv, 11. Vin nouveau, .nouvel ami,

Qu’il vieillisse, tu te boiras avec plaisir. Eccli., IX, 10.

Mais la plupart du temps, il exprime une vérité sans faire appel à aucune similitude proprement dite :

On équipe le cheval pour le jour du combat,

Mais de Jéhovan dépend la victoire. Prov.. xxi, 31.

Il y a une réprimande qui n’est, pas à propos,

Tel, qui se tait, fait preuve de prudence. Eccli., xx, 1.

La parabole n’est pas non plus le mythe, dans lequel le fond et la forme se confondent de telle sorte qu’il faut un long travail pour les distinguer, ou plutôt pour substituer peu a peu un sens acceptable à une vieille légende reconnue absurde. Enfin, la parabole ne se confond pas absolument avec l’allégorie. Celle-ci n’est qu’une métaphore continuée et développée, voir Allégorie, t, i, col. 368, tandis que la parabole est plutôt une comparaison qui se déroule dans toute la suite d’une action. De plus, l’allégorie à besoin d’une explication venant du dehors ; la parabole au contraire la .renferme en elle-même et se soutient indépendamment de l’idée supérieure qu-’elle suppose.

II. Raisons d’être de la parabole. — 1° Le langage imagé a toujours été dans le goût des Orientaux, qui

aiment à mettre dans leurs paroles le mouvement, la couleur et la vie. Or, rien de plus vivant qu’une parabole bien faite. C’est toute une action, quelquefois un petit drame, qui se déroule devant l’auditeur, avec des péripéties qui piquent sa curiosité et tiennent son attention en haleine. Quoi de plus frappant, à ce point de vue, que les paraboles du fils prodigue, du bon Samaritain, etc. ? — 2° La parabole constitue une forme concrète d’enseignement qui aide puissamment à retenir la leçon. Il y a là un récit simple, mais attachant, qui s’échappe difficilement de la mémoire et ne laisse pas lui-même échapper l’idée supérieure qu’il renferme ; le contenant ne perd jamais son contenu, et lui-même se. retrouve toujours. Aussi, d’après la remarque de saint Jérôme, In Matlh, , xviii, 23, t. xxvi, col. 137, « les Syriens et surtout les Palestiniens ont coutume de joindre des paraboles à tous leurs discours, afin que les auditeurs’, qui ne pourraient retenir sur une simple recommandation, retiennent au moyen de la similitude et des exemples. » Sénèque, Epist. ad Lucil., lix, 6, avait précédemment fait ressortir l’utilité des paraboles, en disant qu’  « elles sont des soutiens pour notre faiblesse, afin que le disciple et l’auditeur pénètrent dans l’idée qu’on leur présente ». — 3° Plus encore que la mémoire, le jugement s’exerce à l’occasion delà parabole. Celle-ci en effet a toujours quelque chose d’énigmatique qu’il faut élucider. Mais ce n’est pas une énigme proprement dite. Voir Énigme, t. ii, col. 1807. L’auteur de la parabole en fournit la clef ; l’auditeur peut donc savoir à quelle idée il doit s’élever, mais c’est à lui ensuite de comprendre et d’appliquer les détails de la parabole. Notre-Seigneur prend soin généralement de donner la clef de ses paraboles, à moins que les circonstances ne la fournissent d’elles-mêmes. Beaucoup de ses paraboles commencent par ces mots : « Le royaume des cieux est semblable à… » La clef de la parabole du bon Samaritain est dans cette question : « Qui est mon prochain ? » Luc, x, 30 ; celle de la parabole des conviés au festin dans l’exclamation : <s Heureux qui aura part an banquet dans le royaume de Dieu ! » Luc, xiv, 15 ; celle de la parabole du fils prodigue dans la pensée de la joie causée au ciel par la conversion du pécheur. Luc, xv, y. 10, etc. — 4° Malgré les analogies qui permettent d’établir une comparaison entre un récit parabolique et une idée d’ordre supérieur, la similitude n’est jamais telle qu’on puisse et qu’on doive la chercher dans tous les détails. Il se trouvera donc dans une parabole des traits qui sont là pour l’ornement du discours, ou qui n’ont pas d’équivalents dans l’autre ordre d’idées. Aussi faut-il se garder d’explications serviles et de conclusions fondées sur de simples analogies. — 5° En réalité, dans la Sainte Écriture, la parabole se compose de trois éléments distincts : une description ayant son indépendance et son intelligibilité propre, une vérité supérieure d’ordre surnaturel, et la superposition des deux premiers éléments, de telle sorte que ce qui est dit du premier se rappporte aussi au second. Il en est de la parabole comme d’un vêtement qui prend la forme du corps, le couvre et le révèle tout à la fois, en demeure distinct cependant et ne peut être confondu avec lni, malgré ce que l’un et l’autre ont de commun ou de semblable. On doit tenir compte de ces divers éléments pour interpréter la parabole. D’ailleurs, la relation entre les deux premiers n’est pas tellement nécessaire et exclusive qu’on n’en puisse imaginer d’autres. Ainsi Notre-Seigneur entend par la semence la parole de Dieu. Matth., xiii, 19. S’il n’avait pas daigné expliquer lui-même sa parabole et en donner la clef, on aurait pu entendre la semence de beaucoup d’autres choses, de la ; grâce, par exemple, de l’Eucharistie, etc. La-perle de grand prix, à laquelle est comparé le royaume de Dieu, Matth., xiii, 46, pourrait aussi figurer divers biens surnaturels. Il suit de là que le

sens de la parabole résulte moins de la possibilité d’adapter le texte à tel ou tel sujet que de l’intention de celui qui la propose, et que le sens des termes employés ne doit pas être pressé au delà d’une certaine limite, de façon que le contenu ne soit pas comme gêné et déformé par le contenant.

III. Paraboles de l’Ancien Testament. — 1° Le nom de mâsâl, « parabole, » y est souvent pris dans un sens large, qui ne suppose pas une parabole proprement dite. Ainsi ce nom est attribué aux oracles de Balaam, Num., xxiii, 7, 18 ; xxix, 3, 15, 20 ; aux discours de Job, xxvil, 1 ; xxix, 1 ; à des sentences variées, Ps. lxxvih (lxxvii), 2 ; Prov., i, 1, 6 ; xxv, 1 ; Xxvi, 7 ; Eccli., XX, 22 ; xxxviii, 38 ; xxxix, 2, 3 ; Ezech., xviii, 2 ; Hab., ii, 6 ; à des propos sarcastiques, II Par., vii, 20 ; Ps. lxix (lxviii), 12 ; Jer., xxiv, 9, ou à des chants divers. Ps. xlix (xlviii), 5 ; Is., xiv, 4 ; Mich., ii, 4. — 2° Il est dit de Salomon qu’il composa trois mille mesâlim ou paraboles, III Beg., iv, 32, et dans l’Ecclésiaste, xii, 9, il est rapporté qu’il en rédigea un grand nombre. Il est évident qu’il ne s’agit pas ici de paraboles proprement dites, mais surtout de sentences ou de proverbes d’un tour ingénieux, comme ceux qu’on lit sous son nom, Prov., xxv, 1, sans pourtant exclure absolument les vraies paraboles, dont plusieurs sont au moins esquissées. Prov., xxv, 14, 23 ; xxvi, 2, 11, 17, etc. Cf. Eccli., xlvii, 17, 18. — 3° On range parfois au nombre des paraboles l’apologue de Nathan à David, II Reg., xii, 1-4, celui de la femme de Thécua, II Reg., xiv, 4-7, les paroles du prophète à Achab. III Reg., xx, 39-41. Ce sont là plutôt de simples apologues. Voir t. i, col. 779. A plus forte raison faut-il refuser le litre de paraboles à la fable de Joatham, Jud., ix, 9-15, et à celle de Joas, roi d’Israël. IV Reg., xiv, 9. Dans Isaïe, v, 1-7, le cantique de la vigne a bien les allures d’une parabole, suivie de son explication, non sans quelque ressemblance avec la parabole évangélique des vignerons homicides. Matth., xxi, 33-41. L’exemple du laboureur, Is., xxviii, 24-29, constitue aussi une sorte de parabole. D’autres sont seulement indiquées. Is., xxix, 8, 15, 16 ; xxx, 13, 14, etc. — 4° Des paraboles plus caractérisées et portant d’ailleurs ce nom, qui n’est pas attribué aux morceaux précédents, se lisent dans Ezéchiel. C’est d’abord la parabole des aigles et du cèdre, appliquée au roi Sédécias, Ezech., xvii, 3-21 ; mais cette parabole tient en même temps de l’apologue et de l’allégorie. La parabole de la forêt ravagée par l’incendie fait dire du prophète : « Est-ce qu’il ne parle pas en paraboles ? » Ezech., xxi, 1-5 (xx, 45-49). La parabole de la chaudière ressemble à un apologue en action. Ezech., xxiv, 3-5. Le roi d’Egypte est interpellé sous la figure d’un grand crocodile. Ezech., xxxii, 3-12, ce qui rentre plutôt dans l’allégorie. Les visions de Zacharie, i, 8-vi, 15, ne peuvent guère être mises au rang des paraboles ; elles aussi tiennent beaucoup plus de l’allégorie. — 5° Les livres apocryphes juifs renferment bon nombre de morceaux qualifiés de paraboles. Le Livre d’Hênoch, xxxviii, xlv, lviii, donne ce nom à des descriptions du genre allégorique. Elles forment la deuxième partie du livre, appelée « Livre des paraboles ». Cf. Fr. Martin, Le livre d’Hênoch, Paris, 1906, p. xvii, 79-162. Dans le quatrième livre d’Esdras, iv, 47 ; viii, 2 ; x, 4% etc., plusieurs visions portent le nom de « similitudes », mais ne sont pas des paraboles proprement dites. On y trouve un apologue qui rappelle celui de Joatham, IV Esd., iv, 13-17 ; l’allégorie de [la femme représentant Jérusalem désolée, puis glorieuse, allégorie qui a la forme d’une parabole, x, 7-49, et la vision de l’aigle, xt, 1-46. Une courte parabole bien caractérisée figure le chemin étroit qui conduit à la vie immortelle : à la mer large et profonde, on ne peut accéder que par un passage étroit comme un fleuve. La parabole est répétée sous cette autre forme, presque évangélique : « Une

ville est bâtie et placée au milieu de la campagne ; tous les biens y affluent. Son entrée est étroite et au-dessus d’un précipice, avec le feu à droite et l’eau profonde à gauche. Il n’y a qu’un seul sentier placé entre les deux, entre le feu et l’eau, et le sentier ne peut laisser passer qu’un seul homme. Si quelqu’un reçoit la ville jn héritage, et s’il ne passe jamais par le chemin périlleux, comment entrera-t-il en possession de l’héritage ? » IV Esd., vii, 3-9. Sur les paraboles rabbiniques, cf. P. Fiebig, Altjûdische Gleichnisse und die Gleichnisse Jesu, Tubingue, 1904. — Enfin, dans le livre, chrétien du Pasteur, datant probablement de la fin du premier siècle et s’inspirant de l’enseignement évangélique, Hermas intitule sa troisième partie « similitudes » et présente un certain nombre de paraboles : la vigne s’appuie sur l’orme, de même le riche est soutenu par la prière du pauvre ; l’hiver, on ne distingue pas lesarbres verts de ceux qui sont desséchés, de même qu’en ce monde on ne distingue pas les justes des méchants, mais en été on distingue les arbres vivants de ceux qui ne le sont pas, de même que dans le siècle futur les justes ont un sort différent de celui des méchants, etc. Cf. Hermas, Pasteur, iii, 1-10, t. ii, col. 9521012.

IV. Paraboles du Nouveau Testament. — 1° Leur unique auteur. — Les paraboles du Nouveau-Testament ont toutes pour auteur le Sauveur lui-même. En dehors de l’Évangile, le mot « parabole » ne se lit que deux fois, dans l’Épîlre aux Hébreux, ix, 9 ; xi, 19, avec le sens de « figure », parce que la figure est une sorte de parabole en action. Les Apôtres, malgré l’exemple donné par le divin Maître, n’ont pas eu l’idée de composer des paraboles ; ils se sont contentés de reproduire celles qu’ils avaient entendues, se reconnaissant impuissants à exploiter ce genre d’enseignement après celui en qui ils l’avaient admiré. De fait, les paraboles du Sauveur suffisaient parfaitement aux nécessités de la prédication évangélique. Pour composer ces récits paraboliques, si simples en apparence, si clairs, si vivants, dans lesquels chaque mot porte et qui reproduisent si fidèlement les choses telles qu’elles se passent dans la nature, il fallait une aptitude merveilleuse. Aucun homme n’a jamais abordé ce genre d’enseignement d’une manière aussi parfaite, et cette remarque est d’autant plus significative que souvent Notre-Seigneur improvise sur-le-champ une parabole pour répondre à une question posée dans le cours d’une discussion. Tel est le cas de plusieurs des paraboles rapportées par saint Luc. À la question : « Qui est mon prochain ? » le Sauveur répond par la parabole du bon Samaritain, d’une harmonie si admirable et dont les termes sont si merveilleusement choisis qu’on y croirait voir le résultat d’une lopgue réflexion. Luc, x, 29-37. À l’allusion au banquet céleste, il réplique immédiatement par la parabole des invités aux noces. Luc, xiv, 15-24. Aux murmures des pharisiens sur sa condescendance envers les pécheurs, il oppose les paraboles de la brebis perdue, de la drachme et du fils prodigue. Luc, xv, 1-32. Celle du pharisien et du publicain est une leçon donnée à des orgueilleux qui se trouvent devant lui. Luc, xviii, 9-14. La parabole des mines répond à l’idée de ceux qui comptaient sur l’apparition immédiate du royaume de Dieu. Luc, xix, 11-27. L’occasion historique des autres paraboles n’est indiquée que d’une manière générale et on doit admettre que celles qui sont groupées par les synoptiques, Matth., xiii, 1-53 ; Marc, iv, 1-34 ; Luc, viii, 4-21, ont été prononcées en des circonstances diverses. D’ailleurs’, à la suite de la première parabole adressée à la foule, on voit les disciples se rassembler à part autour du Sauveur et lui en demander l’explication, Matth., xiii, 10 ; Marc, iv, 10 ; Luc, viii, 9, ce qui suppose une interruption et un changement d’auditoire 2U1

PARABOLE

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pour les paraboles suivantes. Beaucoup de paraboles sont dues à la seule initiative de leur auteur ; elles constituent des chefs-d’œuvre d’exposition doctrinale et d’adaptation au sujet traité. On comprend qu’un pareil enseignement ait ravi les foules et créé au Sauveur un rang à part parmi les docteurs d’Israël, anciens et contemporains. Cf. "Wiseman, Mélanges religieux, trad. Bernhardt, Paris, 1858, p. 26, 27.

2° Double but des paraboles évangéliques. — 1. Le Sauveur se proposait tout d’abord, au moyen des paraboles, da transmettre sa doctrine à ses disciples, sinon dans sa totalité, du moins dans plusieurs de ses points principaux. Il leur enseigna d’abord ce que devait être le royaume de Dieu, en enveloppant cet enseignement dans des paraboles faciles à retenir, à l’intelligence desquelles il prit d’ailleurs soin de les initier, qu’il proportionnait à leur capacité présente, et qu’ils comprirent certainement mieux plus tard. Voir Royaume de Dieu. « Il les enseignait ainsi par diverses paraboles, selon qu’ils étaient capables de l’entendre. Une leur parlait point sans paraboles ; mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples. » Marc, iv, 33, 34. Les paraboles qui ont trait aux conditions de la vie chrétienne étaient plus faciles à saisir. Cet enseignement n’en gardait pas moins quelque chose de mystérieux. Quand, à son dernier jour, le Sauveur dit aux apôtres : « Je vous ai dit ces choses en paraboles. L’heure vient où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement de mon Père, » Joa., xvi, 25, ils ne purent s’empêcher de faire cette remarque, qui constatait l’impuissance où ils avaient été de bien comprendre ce genre d’enseignement : « Voilà que vous parlez ouvertement et sans vous servir d’aucune parabole. » Joa., xvi, 29. Pourtant il était fort bien approprié à la situation morale dans laquelle se trouvaient les disciples. Ce qu’ils pouvaient entendre de la parabole, dans sa forme concrète et saisissante, leur suffisait pour la retenir ; plus tard, éclairés par les événements et surtout par l’Esprit de Dieu, leur intelligence pénétra mieux ce que conservait leur mémoire. On peut remarquer, du reste, que « Notre-Seigneur lui-même partagea son enseignement en deux parties. Tant qu’il s’occupa de l’Église, de ses devoirs et de ses vicissitudes, en d’autres termes tant qu’il ne traita que de ce qui devait être extérieur et un jour historique, mais qui, au moment où il parlait, n’existait encore qu’en prophéties, il se servit de ce qui constitue l’élément prophétique du Nouveau-Testament, c’est-à-dire de l’enseignement sous forme de paraboles. Mais lorsqu’il vint à parler de ce qu’il était déjà, de lui-même, de son existence antérieure à celle d’Abraham, de son égalité avec le Père, de sa propre divinité, il repoussa toute espèce de parabole et s’exprima en termes clairs et précis ». Wiseman, Mélanges religieux, p. 65, 66.— 2. Vis-à-vis de la foule incrédule, les paraboles de Notre-Seigneur tendaient à un autre but, qui est ainsi indiqué : « À Vous, il est donné de connaître les mystères du royaume des cieux, mais à eux, il ne leur est pas donné… Je leur parle en paraboles, parce qu’en voyant ils ne voient pas, en entendant ils n’entendent pas et ne comprennent pas (dans S. Marc et S. Luc : afin qu’en voyant ils ne voient pas, en entendant ils n’entendent pas et ne comprennent pas), pour que s’accomplisse en eux la prophétie d’Isaïe : Vous entendrez de vos oreilles et ne comprendrez pas, vous verrez de vos yeux et ne verrez pas. Le cœur de ce peuple s’est endurci, ses oreilles se sont alourdies pour entendre et ils ont fermé leurs yeux, afin qu’ils ne voient pas de leurs yeux, n’entendent pas de leurs oreilles, ne comprennent pas dans leur coeur, de sorte qu’ils se convertissent et que je les guérisse. ».Matth., xiii, 1115 ; Marc, iv, ii, 12 ; Luc, viii, 10. Ce texte est compris de deux manières. Beaucoup de modernes n’admettent

pas que Notre-Seigneur parle en paraboles uniquement pour n’être pas compris de la foule et, au contraire, pour l’aveugler. « L’intention prêtée au Sauveur contredit évidemment le choix du sujet traité et la forme simple et familière qu’il emploie. Il a voulu avant tout se mettre à la portée de ses auditeurs qui, bien que matériels, - sont avides de l’entendre. L’allusion à la mission d’Isaïe, loin de contredire notre interprétation, semble au contraire la confirmer. Yahvéh ordonne à son prophète de tenter un dernier effort, qui doit être décisif, pour ramener le peuple de son égarement. Si cette démarche suprême, qu’accompagnent des menaces sévères, est sans succès, alors l’aveuglement viendra de lui-même. Il en est ainsi dans notre cas. Si la foule ne comprend pas le mystère de Jésus, proposé sous la forme claire et limpide de la parabole, il faut désespérer d’elle ; elle est donc endurcie, aveuglée et partant réprouvée. Dans l’intention de Jésus, l’enseignement parabolique est donc un acte d’amour et de divine condescendance, et non pas un acte de réprobation. » Rose, Études sur les Évangiles, Paris, 1902, p. 111. Ce qui empêche les foules de comprendre la prédication du royaume de Dieu, ce sont les idées fausses que les docteurs juifs ont popularisées au sujet de ce royaume. C’est pourquoi, au lieu d’en parler directement, le Sauveur va le décrire en paraboles qui heurteront moins les idées reçues, envelopperont délicatement des révélations auxquelles s’ouvriraient difficilement des esprits pleins de faux préjugés, ’et en prépareront l’acceptation grâce à l’harmonie qu’on pourra constater entre les choses naturelles et les surnaturelles. Si, malgré ces précautions, la foule persiste à ne pas comprendre, son aveuglement aura été, non pas voulu, mais seulement redouté et prévu par le divin Maître. Cette prévision ne l’empêchera pourtant pas de se servir de paraboles jusqu’à la fin de son ministère. D’ailleurs, « les paraboles n’étaient pas sans aucune utilité pour les foules. Si celles-ci ne saisissaient pas leur sens plus profond, elles pouvaient cependant en tirer des leçons profitables pour la conduite ; ainsi ce qui est dit de la semence jetée en terre, convient par une application facile et obvie à tout ce qui est exhortation, règle de vie ou doctrine. Les paraboles qui disent formellement à quoi le royaume des cieux est semblable offrent plus facilement encore l’occasion de tirer un profit ; cette manière de parler excite et invite à chercher, à concevoir le désir du royaume, à reconnaître son prix et sa dignité ; des autres résulte naturellement un encouragement à faire le bien et à éviter le mal. Le langage parabolique est donc de telle nature que chacun en reçoit profit et science, selon sa disposition d’esprit, sa foi dans le Christ et sa connaissance des choses divines, s Knabenbauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 519. — D’autres au contraire pensent que le texte d’Isaïe, vi, 9, 10, et sa citation dans saint Matthieu, marquent non seulement une prévision certaine, mais aussi un effet voulu par Dieu. Il faut reconnaître que, pour les Pères, ce texte implique l’idée d’un châtiment véritable : en n’accomplissant pas la loi ancienne, les Juifs se sont rendus indignes de la loi nouvelle. « c On donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a. pas, on ôtera même ce qu’il a, » Matth., xiii, 12, dit le Sauveur lui-même avant de citer Isaïe. L’enseignement en paraboles aurait donc le caractère de châtiment, pour les Juifs incrédules. Cf. S. Jean Chrysostome, In Matth., homil, xlv, t. lviii, col. 471 ; Opus imperf. i » Matth-, homil. xxxi, t. lvi, col. 796 ; Théophylacte, In Matth., etc., t. cxxiii, col. 280, 529, 800J ; Euthymius, In Matth., t. cxxix, col. 400 : S. Augustin, In Matth., qusest. xiv, t. xxxv, col. 1372 ; Vén. Bède, In Matth., t. xcii, col. 66, etc. Dans sa prophétie, Isaïe, VI, 10, reçoit l’ordre de boucher les yeux du peuple, pén îr’éh, [iïjitoTS î’Scixrt, ne videat, « pour

qu’il ne voie pas ». Le texte suppose donc un effet voulu et produit. Saint Marc et saint Luc transcrivent : "va [j.7] ftiwtnv ou pXentôffiv, ut non videant, tandis que saint Matthieu atténue : Su où p).énov< ; tv, quia non vident, « parce qu’ils ne voient pas », sans doute par égard pour les Juifs auxquels il s’adresse ; mais sa transcription est moins conforme au texte hébreu. Cf. L. Fonck, Die Parabeln des Herrn, Inspruck, 1904, p. 21-3ô. Il faut observer cependant que « très souvent dans le Nouveau Testament îva est employé de telle sorte qu’il perd sa signification propre pour se rapprocher du mot ôti. » Beelen, Grammat. grœcilalis N. T., Louvain, 4857, p. 481. Cependant saint Jérôme, In Is., iii, 7, t. xxtv, col. 100, prend le texte d’Isaïe d’après l’hébreu ; pour le justifier, il le compare à d’autres textes analogues, Exod., x, 27 ; Ps. lxix (lxviii), 24 ; Act., xxviii, 25, 26, et, d’après Rom., xi, 25, explique que les Juifs ont dû être aveuglés pour rendre possible le salut du inonde ; car, reconnaissant le Messie, ils ne l’auraient pas crucifié. — Il est possible de concilier les deux manières de voir, en atténuant ce qui peut paraître trop dur dans la seconde. Le Sauveur, sans nul doute, veut dérober ses mystères à la connaissance d’hommes mal disposés pour les entendre. Cf. Fouard, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1880, t. i, p. 392-394. Toutefois sa manière de procéder, qui laisse aux Juifs le moyen de se convertir en tirant un certain profit de ses paraboles, ne constitue encore qu’un commencement de châtiment. « Ce n’est ni par une volonté première de Dieu, comme on pourrait le croire d’après le texte d’Isaïe, ni par sa volonté dernière, mais par un décret intermédiaire, un jugement de sa providence, que tout cela arrive… Si Jésus inaugure un nouveau mode d’enseignement, c’est qu’on n’a pas voulu comprendre ses discours plus clairs. Il retire la lumière : c’est un châtiment qui commence, mais qui n’est ni complet ni définitif. Les Juifs pourraient, en s’appliquant encore, percer Pécorce des paraboles et inviter la bonté divine â revenir à eux dans toute la manifestation de sa vérité. S’ils ne le font pas, c’est que leurs cœurs de chair sont absolument voués à la mort ». Le Camus, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1901, t. ii, p. 57. —On peut se demander s’il est nécessaire d’étendre en rigueur à toutes les paraboles évangéliques ce qui est dit à propos des premières paraboles sur le royaume des cieux. Toutes, sans doute, gardent quelque chose dé mystérieux ; toutes aussi offrent un sens accessible à tous les auditeurs. Mais il est clair que celles qui portent sur les conditions actuelles du royaume sont plus faciles à saisir que celles qui en tracent l’histoire à venir. À ce point de vue, certaines paraboles, celles du pharisien et du publicain, Luc, xviii, 9-14, du riche insensé, Luc, xii, 16-21, du bon Samaritain, Luc, x, 30-37, du serviteur impitoyable, Matth., xviii, 23-35, de la brebis perdue, Matth., xviii, 12-14, etc., semblent être à la portée de tous. Néanmoins, il ne faudrait pas s’y tromper. Il n’en est pour ainsi dire aucune dont une application individuelle et immédiate épuise tout le sens. Les destinées et les conditions du royaume des cieux y apparaissent toujours à un plan supérieur. Ainsi la parabole du fils prodigue, Luc, xv, 11-32, met dans une lumière éclatante la notion de la miséricorde divine à l’égard de chaque âme ; mais n’y a-t-il pas dé plus à reconnaître dans ce prodigue le gentil qui s’est éloigné de Dieu et revient à lui, dans cet aîné si jaloux, le Juif resté officiellement au service du Seigneur ? La parabole du bon Samaritain est une merveilleuse leçon d’amour du prochain ; mais en même temps n’établit-elle pas un contraste entre l’impuissance du sacerdoce lévitique et l’efficacité du sacerdoce de Jésus-Christ ? La parabole des dix vierges, Matth., xxv, 1-13, prêche éloquemment la vigilance spirituelle ; mais ne classe-t-elle _pas les âmes en deux catégories fort distinctes au point


de vue du salut, celles qui ont leur provision de foi et de charité et celles qui ne l’ont pas ? Le but visé par NotreSeigneur en commençant ses paraboles peut donc s’appliquer à toutes, plus ou moins complètement, suivant le sujet traité.

3° Classification des paraboles. — 1. Les paraboles évangéliques, envisagées au point de vue de leur contenu, peuvent se diviser en trois classes : les paraboles qui se rapportent au royaume dès cieux, à son existence, son développement, son action ; les paraboles qui se rapportent aux sujets du royaume des cieux et à leurs devoirs ; enfin les paraboles qui se rapportent au chef du royaume des cieux et à ses relations avec ses sujets. Voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1494-1497. Toutes ces paraboles sont l’œuvre du Sauveur lui-même. D’après Jùlicher, Die Gleichnissreden Jesu, Fribourg-en-Br. , 1899, suivi par Loisy, Études évangéliques, Paris, 1902, p. 1-121, le Sauveur se serait servi de fables toutes simples pour aider ses humbles auditeurs à saisir sa pensée religieuse. Par la suite, les derniers rédacteurs de l’Évangile ont dû mêler à ces fables, d’ailleurs assez maladroitement, d’autres paroles de Jésus-Christ et des réflexions inspirées à la première génération chrétienne, habituée à traiter les textes d’après la méthode allégorique. C’est ainsi que les paraboles seraient devenues la révélation prophétique du royaume de Dieu. Cette théorie permet de tout bouleverser dans les paraboles, sous prétexte de les ramener à leur état primitif ; elle autorise à regarder comme provenant d’une source commune, exploitée par deux rédacteurs différents, les paraboles des mines et des talents, à déclarer que la première est le produit d’une « fantaisie de l’évangéliste », cf. Jùlicher, t. ii, p. 485, à soutenir que la parabole des vignerons homicides, rapportée par les trois synoptiques, est un développement théologique dû à des rédacteurs postérieurs, t. ii, p. 405, et ainsi de suite pour la plupart des paraboles. Les hypothèses de Jùlicher ont été bien appréciées et refutées par un auteur protestant, C. A. Bugge, Die Hauptparabeln Jesu, Giessen, 1903. Elles reposent sur des conceptions arbitraires et aboutissent à des affirmations gratuites. Il est toujours possible de prendre un texte ancien, comme celui des Evangiles, de le disséquer phrase par phrase, d’attribuer tel passage à un auteur, tel passage à un autre, et à réduire le canevas primitif à quelques mots. Mais un pareil travail ne prouve absolument rien ; on peut l’exécuter sur tout texte, quel qu’il soit. Ses conclusions se heurtent ici à la parfaite harmonie des paraholes et à l’impossibilité où serait une collaboration lente et multiple d’aboutir à un résultat semblable. D’ailleurs pour beaucoup de paraboles, il nous reste le récit conforme de deux ou trois évangélistes, et nulle trace ne se rencontre des ébauches primitives qui auraient dû nécessairement précéder le travail définitif. C’est donc bien i’œuvre du Sauveur que nous ont transmise les synoptiques, et, dans cette œuvre, il a entendu parler du royaume de Dieu. — 2. Au point de vue du nombre des paraboles, les auteurs ne sont pas d’accord. Les uns n’en comptent guère que vingt-cinq, en n’admettant à ce titre que celles qui se présentent avec un certain développement ; d’autres vont à plus de cent, en traitant comme paraboles de simples comparaisons, et même des proverbes, comme « médecin, guéris-toi toi-même. » Le P. Fonck, Die Parabeln, p. xi-xii, en compte soixante-douze, qui se répartissent ainsi dans les trois classes indiquées plus haut : I’" classe, 4, la semence, Matth, , xiii, 3-9, 18-23 ; Marc, iv, 3-9, 13-21 ; Luc, viii, 5-8, 11-15 ; — 2, le grain qui pousse, Marc, iv, 26-29 ;

— 3, l’ivraie, Matth., xiii, 24-30, 36-43 ; — 4, le sénevé, Matth., xiii, 31, 32 ; Marc, iv, 30-33 ; Luc, xiii, 18, 19 ;

— 5, le levain, Matth. j xiii, 33 ; Luc., xiii, 20, 21 ; — 6, le trésor caché, Matth., xiii, 44 ; — 7, la perle^.

IV. - C7

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PARABOLE

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Matth., xiii, 45, 46 ; — 8, la senne, Matth., xiii, 47-50 ;

— 9, la moisson, Matth., ix, 37, 38 ; Luc, x, 2 ; — 10, le temps de la joie, Matth., ix, 14, 15 ; Marc, ii, 18-20 ; Luc, v, 33-35 ; — 11, le vieux manteau, Matth., ix, 16 ; Marc, 11, 21 ; Luc, v, 36 ; — 12, le vin nouveau, Matth., ix, 17, Marc, a, 22 ; Luc, v, 37, 38 ; — 13, le vin vieux, Luc, v, 39 ; — 14, les enfants qui jouent, Matth., xi, 16-19 ; Luc, vii, 31-35 ; — 15, la souillure de l’homme, Matth., xv, 10, 11, 15-20 ; Marc, vii, 14-23 ; - 16, la plantation, Matth., xv, 13 ; — 17, les deux aveugles, Matth., xv, 14 ; Luc, vi f 39 ; — 18, le pain des enfants, Matth., xv, 26-27 ; Marc, vil, 27-28 ; - 19, 20, 21, les deux royaumes du Christ et de Satan, Matth., xii, 2530, 43-45 ; Marc, iii, 23-27 ; Luc, xr, 17-26 ; - 22, les ouvriers à la vigne, Matth., XX, 1-16 ; — 23, les deux ffls, Matth., xxi, 28-32 ; — 24, les méchants vignerons, Matth., xxi, 33-46 ; Marc, xii, 1-12 ; Luc, xx, 9-19 ; — 25, le festin royal, Matth., xxii, l-14 ; — 26, les invités au festin, Luc, xiv, 16-24 ; — 27, le figuier, Matth., xxiv, 32, 33 ; Marc, xiii, 28, 29 ; Luc, xxi, 29-31 ; — 28, les aigles, Matth., xxiv, 28 ; Luc, xvii, 37 ; — II » classe, 29, le figuier stérile, Luc, xiii, 6-9 ; — 30, le bon et le mauvais arbre, Matth., vii, 16-20 ; xii, 33-35 ; Luc, vi, 43-45 ; — 31, le pharisien et le publicain, Luc, xviii, 9-14 ; — 32, la place au festin, Luc, xiv, 7-11 ;

— 33, l’invitation aux pauvres, Luc, xiv, 12-14 ; — 34, le _riche insensé, Luc, xii, 16-21 ; — 35, les serviteurs vigilants, Marc, xiii, 33457 ; Luc, xii, 25-38 ; — 36, le serviteur qui veille, Matth., xxiv, 43, 44 ; Luc, xii, 39, 40 ; — 37, l’intendant, Matth., xxiv, 45-51 ; Luc, xii, 41-48 ; — 38, les dix vierges, Matth., xxv, 1-13 ; — 39, la porte fermée, Luc, xiii, 25-30 ; — 40, les cinq talents, Matth., xxv, 14-30 ; — 41, les dix mines, Luc, xix, 11-27 ; — 42, les serviteurs inutiles, Luc, xvii, 7, 10 ; — 43, le bon Samaritain, Luc, x, 30-37 ; — 44,

l’économe infidèle, Luc, xvi, 1-9 ; — 45, le mauvais riche, Luc, xvi, 19-31 ; — 46, les deux maîtres, Matth., vi, 24 ; Luc, xvi, 13 ; — 47, le serviteur impitoyable, Matth., xviii, 23-35 ; — 48, la paille et la poutre, Matth., vu, 3-5 ; Luc, vi, 41-42 ; — 49, les choses saintes aux chiens, les perles aux pourceaux, Matth., vil, 6 ; — 50, l’enfant qui demande à manger, Matth., vii, 9-11 ; Luc, xi, 11-13 ; — 51, l’ami qui emprunte, Luc, xi, 5-8 ; —’52, le juge inique, Luc, xviii, 1-8 ; — 53, les deux débiteurs, Luc, vii, 41-43 ; — 54, le sel de la terre, Matth, , v, 13 ; Marc, ix, 50 ; Luc, xiv, 34, 35 ; — 55, 56, la ville sur la hauteur, la lumière sur le chandelier, Matth., v, 14-16 ; Marc, iv, 21 ; Luc, viii, 16 ; xi, 33 ; — 57, 58, la tour à bâtir, la guerre à entreprendre, Luc, xiv, 28-33 ; — 59, 60, 61, le disciple, le serviteur, le maître, Matth., x, 24, 25 ; Luc, vi, 40 ; Joa., xiii, 16 ; xv, 20 ; — 62, le père de famille prudent, Matth., xiii, 52 ; — 63, la maison sur le roc ou sur le sable, Matth., vn, 24-27 ; Luc, vi, 47-49 ; — 111° classe, 64, la lumière du monde, Joa., iii, 19-21 ; viii, 12 ; ix, 5 ; xii, 35, 36, 46 ;

— 65, le grain de froment, Joa., xii, 24, 25 ; — 66, la branche de vigne, Joa., xv, 1-8 ; — 67, le fils du roi et le tribut, Matth., xvii, 23-26 ; — 68, le médecin, Matth., ix, 12, 13 ; Marc, ii, 17 ; Luc, v, 31, 32 ; - 69, le bon pasteur, Joa., x, 1-16 ; — 70, la brebis perdue, Matth., xviii, 12-14 ; Luc, xv, 3-7 ; — 71, la drachme perdue, Luc, xv, 8-10 ; — 72, le fils prodigue, Luc, xv, 11-32.

— On voit que, dans cette nomenclature, sont entrés plusieurs morceaux dont quelques-uns pourraient être regardés plutôt comme des allégories, tandis que d’autres sont des paraboles indiquées en quelques mots ou

Jt peine esquissées. On trouvera au t. iii, col. 1494, 1495, l’indication des vingt-huit paraboles proprement dites, à l’exclusion de tout ce qui peut être considéré, dans la nomenclature : précédente, comme une simple comparaison, un proverbe ou une ébauche parabolique. .Plusieurs paraboles ont entre elles une assez grande ressemblance, par exemple, 25 et 26, 35 et 36, 40 et

41, ou bien la même parabole est rapportée par les évangélisles à des périodes différentes de la vie publique du Sauveur. Ceci ne doit pas étonner en bonne critique. Il serait impossible de prouver que le divin Maître s’est astreint à ne jamais répéter le même enseignement sous deux formes différentes, ou à ne point redire devant un auditoire nouveau une parabole déjà utilisée ailleurs. Rien au contraire de plus naturel que ces variantes et ces répétitions. — 3. Les sujets des paraboles sont empruntés tantôt à l’agriculture, à la vie pastorale, " à la pêche, 1-4, 8, 9, 16, 22, 24, 27, 29, 30, 54, 65, 66, 69, 70, tantôt à la vie domestique, 5, 11-15, 18, 35-37, 42, 44, 46, 50, 62, 72, tantôt à la vie sociale, 10, 17, 19-21, 25, 26, 31-34, 38-41, 43, 45, 47, 51-53, 59-61, 67, tantôt à différents usages ou à certaines situations, 5-7, 11-13, 28, 48, 49, 55-58, 63, 64, 68, 71. Tous les sujets ainsi exploités par le divin Maître étaient populaires, accessibles à l’intelligence des foules, et maintenant encore d’une signification facile à saisir par ceux qu’on a mis au courant des usages du pays et de l’époque. — 4. Il y a enfin à remarquer la répartition des paraboles dans les évangiles synoptiques. « Saint Matthieu, qui écrivait pour les Juifs et dont le but principal était de leur montrer comment le christianisme devait se substituer à leur religion, a, pour ainsi dire, exclusivement rapporté les paraboles qui tendent à prouver l’objet qu’il se propose. Toutes celles qu’il consigne dans son Évangile ont rapport au décret qui rejette les Juifs pour faire place au christianisme. » "Wiseman, Mélanges religieux, p. 39. Saint Marc n’a qu’une parabole en propre, Marc, iv, 26-29 ; les seize autres qu’il rapporte lui sont communes avec saint Matthieu (1, 4, 10-12, 15, 18-21, 24, 27, 54-56, 68). Saint Luc « ne s’attaque pas aux Juifs, il ne s’efforce pas de déraciner leur préjugés, ni de prouver à ceux d’entre eux qu’il parvient à convertir que le temps de leur religion et de leur nationalité est passé. Il écrit pour les Grecs et pour les néophytes du peuple hellène, c’est-à-dire pour des gens avec lesquels il n’était pas difficile de s’entendre sur ce dernier point. Aussi son objet est-il de mettre sous leurs yeux la supériorité de la morale de Jésus-Christ et de leur faire sentir la beauté de sa religion, en leur démontrant l’influencé qu’elle exerce sur le caractère et la nature de l’homme. » Wiseman, Mélanges religieux, p. 43. Saint Luc a trente et une paraboles en commun avec saint Matthieu (1, 4, 5, 9-12 v 14, 17, 19-21, 24, 27, 28, 30, 35-37, 46, 48, 50, 54-56, 5961, 63, 68, 70) ; il en a dix-neuf qui lui sont propres (13, 26, 29, 31-34, 39, 41-45, 51-53, 57, 58, 71, 72). Ces paraboles sont choisies à dessein par saint Luc pour mettre en relief la miséricorde de Jésus-Christ envers les pécheurs et ainsi attirer à lui les Gréco-Romains auxquels il s’adresse.

4° Interprétation des paraboles. — 1. Notre-Seigneur a daigné interpréter lui-même ses paraboles, Marc, iv, 34, et les Évangélistes nous ont conservé deux spécimens de son interprétation. La première parabole expliquée est celle de la semence. Matth., xlii, 18-23 ; Marc, iv, 13-20 ; Luc, viii, 11-15. On voit que le Sauveur attachait une signification non seulement à l’ensemble, mais encore à certains détails qu’on aurait pu être tenté de négliger. Ainsi les oiseaux du ciel qui mangent la semence tombée sur le chemin représentent Satan qui enlève la bonne parole semée dans les cœurs. Le soleil qui dessèche la semence tombée surle sol pierreux représente les épreuves et les persécutions qui empêchent la bonne parole de fructifier dans les âmes qui ne savent pas résister à la tentation. Les épines qui étouffent la semence quand elle grandit sont s les richesses et les plaisirs de la vie, qui ne permettent pas à la parole de Dieu de porter son fruit. Le Sauveur n’applique ses comparaisons que sur un point

principal ; en. les étendant à des points secondaires, on arriverait à des conséquences inacceptables. Les oiseaux du ciel mangent la semence et en profitent, Satan ne tire aueune espèce de profit de la parole de Dieu enlevée à l’âme. Le soleil n’est le type des persécutions que par son ardeur desséchante. Les épines ne peuvent signifier les richesses et les plaisirs que quand elles sont assez touffues pour arrêter le développement de la semence. — La seconde parabole expliquée est celle de l’ivraie. Matth., xiii, 36-43* Le semeur est le Fils de l’homme, le champ est le monde, la bonne semence, ce sont les fils du royaume, l’ivraie, ce sont les méchants, l’ennemi qui sème l’ivraie, c’est le diable, la moisson est la fin des temps, les moissonneurs sont les anges, la récolte de l’ivraie et sa mise au feu, ’c’est la condamnation des méchants au châtiment éternel. Ici chaque terme de la comparaison a sa portée. Ces deux leçons données par le divin Maître permettent de fixer certaines règles pour l’interprétation des paraboles. On ne s’assure pas le droit de négliger ces leçons en affirmant, sans aucune preuve, que ces interprétations des paraboles sont l’œuvre postérieure d’écrivains qui ont plus ou moins bien compris les paroles du Christ. Cf. Jfllicher, Die Gleichnissreden Jesu, t. i, p. 49, 56, 73, etc. — 2. Il faut admettre tout d’abord que les comparaisons qui servent de paraboles représentent des réalités de l’ordre naturel, réalités effectuées ou possibles. Par conséquent chaque parabole a nécessairement un sens littéral qui sert de point d’appui au sens parabolique. « Le sens parabolique est contenu dans le sens littéral. » S. Thomas, Sum. theol-, I, q. i, a. 10, ad 3 « ln. Voir Littéral (Sens), t. iv, col. 296. C’est ce qui fait dire à saint Jérôme, In Eccles., xii, t. xxiii, col. 1113, en parlant des paraboles, « qu’on cherche en elles un sens divin plus profond, de même qu’on cherche l’or dans la terre, l’amande dans la noix, le fruit dans l’enveloppe hérissée de la châtaigne. » Il importe donc tout d’abord de bien saisir le sens littéral de la parabole. Certaines d’entre elles empruntent leur thème à des choses ou à des usages connus de tous ; telles sont les paraboles de la semence, de l’ivraie, du trésor caché, etc. D’autres ne se comprennent que si certains termes sont expliqués ; telles sont celles de la drachme perdue, des mines, des talents, etc. D’autres enfin ne peuvent être bien saisies dans leur sens littéral que si certains usages particuliers des Juifs sont exposés au préalable ; telles sont les paraboles du temps de la joie, Matth., ix, 14, 15, du festin royal, du pharisien et du publicain, des dix vierges, etc. Par ignorance de ces usages, on peut quelquefois fausser le sens d’un des traits de la parabole. Ainsi, il faut connaître les règles des Juifs sur l’impureté légale pour ne pas se tromper dans l’intelligence de la parabole de la souillure. Matth., xv, 10. Dans la parabole du mauvais riche, on regarde souvent comme une marque de sympathie le geste des chiens qui viennent lécher les plaies de Lazare. Luc, xvi, 21. En Orient, où le chien est en abomination, voir Chien, t. ii, col. 702, ce trait accentue au contraire la détresse du pauvre, incapable de se défendre contre les chiens, etc. — 3. Le sens littéral une fois fixé, le sens parabolique doit être cherché, à l’aide déjà, clef qui est fournie soit par la parabole elle-même, soit par le contexte. « On ne trouve aucune parabole qui ne soit ou expliquée par le Christ lui-même, comme celle du semeur sur la diffusion de la parole, ou éclairée par le rédacteur de l’Évangile, comme celle du juge orgueilleux et de la veuve qui donne l’exemple de la prière persévérante, ou présentant d’elle-même sa signification, comme celle du figuier dont on proroge l’espérance, à l’image de la stérilité judaïque. » Tertullien, De resur. carn., t. ii, col. 888. Cf. S. Jérôme, Epist., xxi, ad Dam., 2, t. xxii, col. 380. Lorsque ces indications sont insuffisantes, ce qui du reste n’arrive" presque

jamais, la tradition sert de guide dans l’interprétation. Saint Irénée, Cont. hxres., II, xxvii, 1-3, t. vii, col. 802804, reproche aux gnostiques d’interpréter les paraboles à leur façon et d’en tirer toutes sortes de sens arbitraires et condamnables. — 4. Deux excès sont à éviter dans l’interprétation des paraboles. Le premier consiste à vouloir assigner une signification spirituelle à tous les détails du récit. Saint Augustin, De civ. Dei, XVI, h, 3, t. xli, col. 479, dit à propos des fils de Noé : « Il ne faut pas croire que tout ce qui est raconté est figuratif ; mais c’est à cause des traits figuratifs que sont rapportés ceux qui ne le sont pas. Le soc est seul à fendre la terre, mais, pour qu’il puisse le faire, les autres parties de la charrue sont indispensables. » Ces observations peuvent être étendues à l’explication des paraboles. Les Pères s’élèvent contre ces interprétations trop minutieuses auxquelles on était porté de leur temps. Cf. S. Jean Chrysostome, In Matth., Hom. XL vii, 1 ; lxiv, 3, t. lvhi, col. 482, 613, etc. Un excès opposé, plus commun chez les modernes, consiste à laisser de côté certains traits qui n’ont pu être introduits dans la parabole sans une intention précise du Sauveur ; ainsi n’aurait-on guère le droit de négliger le denier payé à à tous les ouvriers de la vigne, la robe nuptiale fournie aux invités du festin, l’huile de la lampe des dix vierges, l’huile et le vin du bon Samaritain, etc. Ici encore, la tradition indique la route à suivre..— 5. Bien qu’une parabole ne puisse pas, à proprement parler, servir à la démonstration dogmatique, il n’en est pas moins vrai qu’une lumière réciproque se dégage de l’Église et des choses de l’Église sur les paraboles et des paraboles sur l’Église, son développement et ses pratiques. Ce point de vue important a été bien mis en lumière par Wiseman, Mélanges religieux, p. 35-48. — 6. En résumé, les règles pour l’interprétation des paraboles pourraient se réduire aux trois suivantes : a) Fixer, d’après le texte et le contexte, le sens littéral et le sens parabolique. — b) Déterminer le but de la parabole et mettre en lumière la vérité principale qui commande tout le développement. — c) Expliquer les détails d’après cette vérité principale, et, par conséquent, tenir compte de tout ce qui contribue à illustrer cette vérité, en traitant le reste de simple ornement littéraire, dépourvu de signification figurée.

V. Bibliographie. — Sur les paraboles, outre les ouvrages cités, t. iii, col. 1497, voir Pseudo-Athanasius, Qussstiones in N. T., t. xxviii, col. 711-730 ; Bugge, Die Hauptparabeln Jesu, Giessen, 1903 ; Evers, Die Gleichnisse Jesu, Berlin, 1902 ; Fullerton, Chrit’s foreview of tins âge, Londres, 1903 ; Grépin, Entretiens sur les paraboles évangéliques, Paris, 1900 ; Pichenot, Les paraboles évangéliques, Paris, 1901 ; Planus, Pages d’Évangiles, Paris, 1902 ; Ricketts, The parables from the Gospels, NewYork, 1903 ; Weinel, Die Bildersprache Jesu, Giessen, 1900 ; Witzmann, Zur Frage nach der unterrichtlichen Behandlung.der Gleichnisse Jesu, Iéna, 1903 ; Ch. Lacouture, Paraboles évangéliques, Paris, 1906, et surtout L. Fonck, Die Parabeln des Herm im Evangelium, 2e édit., Inspruck, 1904.

H. Lesêthe.

    1. PARACLET##

PARACLET (Grec : 7tapâxXr)Toç ; Vulgate : paracletus, advocatus), nom donné à Notre-Seigneur et au Saint-Esprit. — Le mot vient du verbe rcocpaxaXIw, . « appeler auprès de soi » celui dont on attend secours, conseil, consolation, etc. Le mxpâxXiri’coç estdonc celui qu’on a appelé près de soi et qui, suivant les cas, est une aide, un protecteur, un conseiller, un intercesseur, un consolateur, subvenant « n un mot aux diverses nécessités de celui qui l’a invoqué. Saint Jean, dans sa première Epître, H, 1, dit que quand nous avons péché, il y a un paraclet, advocatus, « quelqu’un qu’on a appelé », Jésus-Christ, qui, auprès du Père, est la victime de propitiation pour nos péchés. Le Sauveur remplît ici

l’office de paraclet en intercédant pour nous et en s’iriterposant de manière à nous défendre efficacement contre la justice du Père. — Dans l’Évangile, le Saint-Esprit est nommé un « autre paraclet » que le Père accordera sur la prière du Fils. Joa., xiv, 16. Il y a donc un premier paraclet qui a précédé le Saint-Esprit auprès des hommes, et ce paraclet, c’est Jésus-Christ. Le second paraclet a pour fonction d’enseigner toute vérité, Joa., xiv, 26, de rendre témoignage de Jésus-Christ, Joa., XV, 26, de remplacer le Sauveur auprès des Apôtres et de convaincre le monde de ses torls envers ce dernier. Joa., xvi, 7-11. Le titre de paraclet, attribué au Saint-Esprit, équivaut donc à ceux d’inspirateur, de conseiller, de témoin et de soutien. On traduit souvent paracletns par « consolateur », parce que la venue du Saint-Esprit est subordonnée à la disparition du Sauveur, et que cette disparition a mis la tristesse au cœur des Apôtres. Joa., xvi, 6. Mais l’idée de consolateur, tout en étant comprise dans celle de paraclet, restreint trop le sens de ce terme. En traduisant Kapk-tCk-rpoç par advocatus, « celui qui est appelé » pour conseiller et défendre, la Vulgate a bien rendu le mot grec.

H. Lesêtre.

i. PARADIS. Ce mot nous vient, par le latin et le grec, du perse ; c’est le zend, pairidaêza, devenu en hébreu pardès, que nous lisons trois fois dans l’Ancien Testament : Cant., iv, 13 ; Eccle., ii, 5 (au pluriel : pardêsîm) ; II Esd., ii, 8. Il signifie proprement verger, parc, jardin arrosé et planté d’arbres. Il était passé dans la langue grecque sous la forme uapâSEtToç. Xénophon Anab., i, 2, 7 ; iii, 4, 14 ; Cyrop., i, 3, 14 ; viii, 1, 138 ; Hell., iv, 1, 5 ; Œcon., iv, 13, 14 ; Diodore de Sicile, xvi, 41 ; xviir, 36 ; Plutarque. Artax., 25 ; Théophraste, Eist. plant., y, 8, 1, Lucien ; Ver. Eist., ii, 23 ; Élien, Var. Eist., i, 33 ; Pollux, Onomast., îx, 3, etc. Les Septante se sont servis de mxpâSEieroç, non seulement pour traduire le mot pardès dans les trois passages de l’Ancien Testament où il est employé, mais aussi pour traduire le terme hébreu gàn, gandh, « jardin », Gen., Il, 10, etc. ; iii, 1, etc. ; xiii, 10 ; Nom., xxiv, 6 ; (Eccli., xxiv, 31 [Vulgate, 41], où le mot employé en hébreu ne nous est pas connu) : Is., i, 30 ; Ézech., xxviii, 13 ; xxxi, 8 (deux, fois)., 9, etc. Cf. Josèphe, Ant. jud., VII, xiv, 4 ; VIII, vii, 3 ; IX, x, 4 ; X, iii, 2 ; Bell, jud., VI, i, 1, etc. Saint Jérôme, dans plusieurs de ces passages, et en parliculier dans les chapitres il et m de la Genèse, a traduit gân par paradisus à l’exemple dès Septante, et de là est venu 1° le nom de « paradis terrestre » que nous donnons au jardin de l’Éden où Dieu avait placé Adam et Eve. Voir Paradis terrestke. — 2° Le sens de parc, bien arrosé et planté d’arbres, s’est conservé dans la Vulgate. Cant., iv, 13. — 3° Dans le Nouveau Testament, une signification nouvelle est donnée à paradis ; il s’emploie en grec et en latin pour désigner le séjour de Dieu et des élus, c’est-à-dire le ciel, qui est le véritable séjour de délices dont l’Éden n’était que la figure imparfaite. Luc, xxiii, 43 ; II Cor., xii, 4 ; cf. Apoc, ii, 7. Voir Ciel, t. ii, col. 751. — D’après certains commentateurs, S. Jérôme, In Amos, ix, t. xxv, col. 1087 ; S. Ambroise, Liber de paradiso, iii, 191, t. xiv, col. 282, le mot paradisus a le sens de ciel dans l’Ecclésiastique, xliv, 16, où il est dit : « Hénoch plut à Dieu et il a été transporté dans le paradis. » D’autres commentateurs, comme saint Thomas, III », q. xlix, a. 5, ad 2°™, entendent ici par paradis le paradis terrestre, mais le texte hébreu dit que Hénoch « alla avec Jéhovah ».

-Cf. Josèphe, Ant. jud., i, M, 4 ; âvs/tàpTiire itpôç z6 Beïov.

, Ni le mot « paradis » ni « c avec le Seigneur » ou Jéhovah ne se trouve. dans le grec, aussi les Pères grecs n’ont-ils point déterminé le lieu où fut transporté Hénoch. S. Jean Chrysostome. Hom. xxi in Gen., 4, t. lui, col. 180-181 ; Théodoret, Quxst. in Gen., interr. 45, t. lxxx, col. 145. La traduction latine a précisé le

sens et a donné au mot paradisus la signification de séjour des élus qui lui est attribué dans le Nouveau Testament. Dans Le livre d’Hénoch, les élus avant le jugement séjournent dans le paradis et là sont les premiers pères et les justes des anciens temps. Voir Ad. Lods, Le livre d’Hénoch, Paris, 1892, p. 98.

F. Vigoùroux.

2. PARADIS TERRESTRE, jardin que Dieu donna comme séjour à Adam et à Eve au moment de leur création. Gen., H, 8, 15, 22.

I. Nom. — Le texte original appelle ce jardin.pj, ’Êdén. Les Septante ont conservé ce mot comme nom propre.’EBsn, dans trois passages, Gen., ii, 8, 10 ; iv, 16 ; partout ailleurs (excepté Is., li, 3, où nous lisons 7tap « 8ei<Tov ; Vulgate, delicias), ils le traduisent par irpuçri, « délices ». Saint Jérôme, qui n’a jamais employé le nom d’Éden dans le ch. u de la Genèse, l’a toujours rendu par voluptas, locus voluptalis, de.licise, excepté Gen., iv, 16, qui est le seul passage de notre version latine où le jardin habité par nos premiers parents soit appelé Éden. Notre dénomination de « paradis terrestre » provient de ce fait que les Septante ayant rendu le mot hébreu gdn, « jardin », par uotpâSeienK, la Vulgate l’a traduit à son tour par paradisus, et « paradis » est ainsi devenu comme le nom propre du lieu où fut créé le premier homme, à défaut du terme Éden que le latin n’a pas conservé.

Le nom d’Eden, d’après plusieurs assyriologues, est d’origine babylonienne. La plaine de Babylone s’appelait en sumérien Édin et lorsque les Sémites s’établirent dans le pays, ils en tirent Édinu. Le nom équivalent en assyrien est zeru, qui correspond à l’arabe zor, par lequel on désigne encore aujourd’hui la dépression de terrain comprise entre le Tigre et l’Euphràte. — Le terme « Éden » se trouve en arabe comme en hébreu, et le Kamous l’explique par « délices, agrément ». C’est aussi le sens que lui ont attribué les lexicographes hébreux, qui l’ont rapproché du grec YiSov-ij. Gesenius, Thésaurus, p. 995. Il est employé au pluriel dans cette acception de délices. Ts. xxxvi (xxxv), 9 (Vulgate : torrente voluptatis potabis eos) ; II Sam., i, 24 ; Jer., li, 34. Cf. S. Jérôme, De nom. hebr., t. xxiii, col. 778 : Eden, voluptas sive delirise ; vel ornatus. Voir aussi Hebr. qusest. in Gen., ii, 8, t. xxiii, col. 940.

II. Site du paradis terrestre. — La Genèse décrit l’Éden et sa situation dans les termes suivants, Gen., ii, 8 : « Jéhovah Élohim planta un jardin à Éden, à l’orient, et ily plaça l’homme qu’il avait formé… 10. Et un fleuve sortait d’Éden pour arroser le jardin et de là il se partageait en quatre bras. 11. Le nom du premier est Phison ; c’est celui qui entoure tout le pays de Hévilath où se trouve l’or. 12. L’or de ce pays est excellent ; on y trouve aussi le bdellium et la pierre d’onyx. 13. Et le nom du second fleuve est Géhon ; c’est celui qui entoure tout le pays de Chus. 14. Le nom du troisième est Hiddéqel (le Tigre) ; c’est celui qui coule à l’orient de l’Assyrie. Le quatrième fleuve est l’Euphràte. » La description, on le voit, est circonstanciée et précise, et on doit la prendre dans un sens littéral, comme on l’a fait généralement.

Origène, il est vrai, admettant que la Bible ne devait pas toujours s’entendre dans le sens littéral, mais s’expliquer souvent d’une manière allégorique, applique en particulier ce principe à l’histoire du paradis terrestre. « Qui pourrait être assez insensé, dit-il, De princ., lv, 16, t. xi, col. 577, pour penser que Dieu, à la façon d’un agriculteur, a planté le jardin d’Éden à l’est et y a placé l’arbre de vie, visible aux yeux et aux sens, de sorte que celui qui aurait goûté à son fruit avec des dents corporelles, reçût ainsi la vie ? » Origène suivait en cela Philon dans ses explications allégoriques et les imitateurs ne lui ont pas manqué, ni autrefois ni aujourd’hui. Voir Parodies, dans Ersch et Grûber, Allge.

meine Encyclopâdie, sect. iii, part. XI, 1838, p. 304. Mais la description du paradis terrestre est tellement concrète qu’on-ne peut Pallégoriser qu’en faisant violence au texte. S. Augustin, De Gen. ad Mit., viii, 1, t. xxxiv, col. 371. « Le récit biblique, dit M. Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies ? p. 44, ne porte aucune marque de fable, il n’a rien de surabondant, il n’est pas enveloppé dans une demi-obscurité ; on ne peut pas non plus hésiter sur le sen3 et l’on n’est pas obligé, par défaut dé clarté, de lire entre les lignes. Pour le narrateur, le jardin d’Éden avec ses quatre fleuves, le Phison, le Géhon, le Tigre et l’Euphrate, est une réalité manifeste et bien connue ; il n’est nullement obscur sur la signification des noms du Phison et du Géhon : non seulement il connaît exactement cette signification, aussi exactement que celle du Tigre et de l’Euphrate, mais il veut aussi instruire ses lecteurs à ce sujet ; c’est pourquoi il donne des explications et des éclaircissements que ses lecteurs peuvent contrôler. »

La localisation du Paradis terrestre offre néanmoins de graves difficultés, et quoiqu’on ait essayé depuis des siècles de résoudre le problème et publié sur ce sujet des études sans nombre, on n’a pas encore réussi à déterminer le site de l’Éden avec certitude. On l’a placé dans la Mésopotamie, l’Arménie, l’Arabie, l’Inde, en Chine, à Ceylan, dans les îles Canaries, au Pérou et dans diverses parties de l’Amérique, en Europe même. Un astronome allemand, M. Kohi, l’a mis au pôle Nord, comme l’avait déjà fait W. F. Warren, Paradise found, in-8°, Londres, 1885. Il est inutile d’énumérer tous les systèmes, dont la plupart ne méritent pas qu’on s’y arrête. Ce qui importe, c’est de fixer quelques points, acceptés par le plus grand nombre des critiques et propres à nous guider dans cette discussion épineuse. Premièrement l’Éden, d’après le texte sacré, était situé à l’est de la Palestine, mi(]-qédém, ꝟ. 8. La Vulgate a traduit ce mot par « au commencement », cf. S. Jérôme, Hebr. qusest. in Gen., ii, 8, t. xxiii, col. 960, mais cette expression dans la Genèse s’applique toujours à l’espace et non pas au temps. Gesenius, Thésaurus, p. 1193-1194. Cf. Huet, Traité du Paradis terrestre, iii, 4, 2e 1 édit., in-12, Amsterdam, s. d., p. 43. Il faut donc l’entendre ici dans son sens géographique. On est d’accord aujourd’hui là-dessus, quoiqu’un petit nombre prétendent, avec peu de vraisemblance, que l’expression muj-qédém désigne ici l’orient de la Babylonie et non l’orient de la Terre Sainte.

Secondement, le pays d’Éden était arrosé par quatre fleuves. On admet assez communément que le Tigre et l’Euphrate désignent les deux grands fleuves de Mésopotamie connus sous ce nom, mais là où l’on cesse de s’entendre, c’est lorsqu’on cherche à identifier le Phison et le Géhon, Hévilath et la terre de Chus qu’ils arrosent. Or, c’est de cette identification que dépend la solution du problème et c’est par la diversité des réponses données sur ce point que se distinguent principalement les systèmes. On peut les ramener à quatre : celui des anciens écrivains ecclésiastiques, qui voyaient, dans le Phison et le Géhon, le Gange et le Nil ; celui des modernes qui placent l’Éden dans l’Inde, sur le plateau de Pamir, celui qui le place en Arménie et celui qui le place en Babylonie. ^

I. SYSTÈME DES ANCIENS ÉCRIVAINS ECCLÉSIASTIQUES.

— Les anciens, dont les connaissances géographiques étaient très imparfaites, n’ont pas généralement donné au paradis terrestre un site bien déterminé. Ils ont voulu être plus précis sur les quatre fleuves, mais ils n’ont pas été heureux dans l’identification du Phison et du Géhon. Ils ne se sont pas trompés sur l’Euphrate et le Tigre, qui leur étaient bien connus. Pour les deux autres fleuves, les Juifs et Josèphe les ont induits en erreur. Josèphe, Ant. jud., i, i, 3, comme ses coreligionnaires, croyait que la terre d’Hévilath était l’Inde

et le Phison, le Gange ; Chus, l’Ethiopie, et le Géhon, le Nil. Il ne voyait aucune difficulté à faire sortir le Gange et le Nil de la source de l’Éden, en même temps que l’Euphrate et le Tigre, parce qu’il confondait cette source avec l’Océan, qui, d’après l’opinion des anciens, entourait la terre, èv x-JxX™ yr, v TClpippeiov, Ant. jud A, I, i, 3, et donnait naissance à tous les fleuves. Les premiers écrivains ecclésiastiques partagèrent ces idées erronées. Ils admirent que le Phison était le Gange. Eusèbe, Onomastica sacra, édit. P. de Lagarde, 1887, p. 259 ; S. Épiphane, Ancor., 58, t. xliii, col. 120 ; S. Ambroise, De Parad., iii, 14, t. xiv, col. 280 ; S.Jérôme, Heb. qusest. in Gen., Il, 11, t. xxiii, col. 941 ; S. Augustin, De Gen. ad litt., II, x, 13, t. xxxiv, col. 203 ; S. Éphrem, Opéra syr., t. i, p. 23 (il voit en même temps dans le Phison le Gange et le Danube), etc. Qua-nl au Géhon, on a fait remonter l’opinion qui le confond avec le Nil à un passage des Septante, qui ont traduit l’hébreu Sîhôr, nom qui désigne-le Nil, par rv, 5>v, dans Jérémie, ii, 18. Quoi qu’il en soit de la traduction grecque, rien dans le texte hébreu du prophète n’autorise l’identification du Sîhôr avec le Géhon. Mais cette interprétation a été acceptée par Josèphe, Ant. jud., i, I, 3, et adoptée par les anciens écrivains ecclé- : siastiques. Eusèbe, Onomast. sac, édit. P. de Lagarde, 1887, p. 251 ; S. Jérôme, Dasitu et nom., au mot Geon, t. xxiii, col. 898 ; S. Augustin, De Gen. ad litt., II, x, 13, t. xxxiv, col. 203. Il est à croire que la raison qui a. surtout porté les Pères à confondre aveuglément le Géhon avec le Nil, c’est que la traduction grecque et latraduction latine de Gen., ii, 13, portent que ce fleuve arrose l’Ethiopie et qu’ignorant que le Chus hébreu de ce passage n’est pas l’Ethiopie d’Afrique, ils en ont conclu que le Géhon ne pouvait être que le Nil. Ces erreurs n’ont pas besoin aujourd’hui d’être réfutées. Cf. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies ? p. 11^32.

II. L’ÉDEN DANS L’INDE SUR LE PLATEAU DE PAM1H. —

Quelque extraordinaire que puisse paraître l’identification faite par les anciens du Phison avec le Gange, elle a été cependant renouvelée de nos jour par des savants qui ont voulu placer dans l’Inde l’origine de l’espèce humaine. Ils ont cru découvrir dans les livres hindous l’explication véritable du récit de la Genèse et ils ont ainsi reporté l’Éden à l’orient de la Babylonie. Voici de quelle manière. J.-B.-F. Ohry, qui a écrit sur ce sujet un livre, Bu berceau de l’espèce humaine selon les Indiens, les Perses et les Hébreux, in-8°, Paris, 1858, p. 100, expose son système : « L’auteur sacré fait d’Éden une haute région, placée entre deux autres, Havilah et Kouch, qu’arrosent les fleuves qui en font le tour ; ensuite il place au centre d’Éden le jardin, Gàn, du même nom, baigné par un fleuve unique ; enfin il dirige vers les quatre points de l’horizon les quatre canaux dérivés de la source commune. Cette manière de voir… suppose que la contrée d’Éden reste identique à celle de V Airyanem-Vaêdjo, telle que les Médo-Perses l’entendaient, c’est-à-dire que, tout en partant des sources de l’Oxus, du Kameh et du Tarim, où l’avaient placé les Baclro-Mèdes, cette région se prolonge au sud-ouest. Le jardin de délices est… le district du lac Sir-i-Kaoul, au centre du petit plateau de Pamir, où trois des quatre fleuves ont leurs sources. Je suppose d’ailleurs qu’on y ramenait aussi celles du quatrième à l’aide de l’expé-. dient des conduits souterrains. »

Obry n’identifie pas le Phison avec le Gange, mais. Ewald l’a fait, Geschichte des Vùlkes Isræls, 2e édit., «  t. i, p. 376-377. Benfey, article Indien, dans Ersch et Gruber, Allgemeine Encyklopàdie, n « sect., t. xvii, p. 13-14 ; Renan, Histoire générale des langues sémitiques, 1863, t. i, p. 476-478 ; De l’origine du langage, 4e édit., 1864, p. 229-230, prennent le Phison et le Géhon pour l’Indus et l’Oxus. De même François Lenormant, Origines de l’histoire, t. ii, part, i, 1882, p. 141. Cf. aussi

Viçwâ-Mitra, Les Chamites, in-8°, Paris, 1892, p. 687725. Ces identifications sont inconciliables avec le récit génésiaque. Singulier paradis terrestre que celui de Pamir ! Les rares voyageurs qui l’ont visité nous le représentent comme.un des endroits du monde les plus inhabitables à cause de sa température. G. Bonvalot, Du Caucase aux Indes à travers le Pamir, in-4°, Paris, 1889, p. 291-355. — Sur le Pamir et ses glaciers, voir R. Pumpelly, Explorations in Turkestan, in-8°, Washington, 1905, p. 123-155.

in. l’Éden en Arménie. — Un grand nombre de commentateurs ont placé le Paradis terrestre en Arménie, dans les riches vallées de cette région. qui est encore aujourd’hui Tune des plus fertiles du monde. « Cette opinion sur la situation du Paradis terrestre, dit H. Brugsch. Reise (1er A. preussischen Gesandtschaft nach Persien, 2 in-8°, Leipzig, 1862-1863, t. i, p. 146, trouve un grand appui dans la tradition populaire de l’Arménie, d’après laquelle l’oasis d’Ordubâd, au-dessous de Djulfa, sur la rive gauche de l’Aras, marque le site du paradis édénique. » Les quatre fleuves mentionnés par.la Genèse arrosent cette riche contrée.

1° L’Euphrate, que la Genèse désigne simplement par son nom, comme étant suffisamment connu des lecteurs, tandis que les trois autres fleuves édéniques, y compris le Tigre, sont déterminés par l’indication des contrées qu’ils baignent, l’Euphrate prend sa source en Arménie. Voir Euphbate, t. ii, col. 2046. — 2° Le Tigre naît à une heure environ de l’Euphrate, au nord de Ûiarbékir. Voir Tigre. Le Phison et le Géhon sont le Phase et J’Araxe. — 3° Le Phase, cf. Xénophon, Anab., iv, 6, prend sa source au pied du mont Ararat, non loin des sources de l’Euphrate et du Tigre. VoirGalmet, Comment, litl. Genèse, 1715, p. 61 ; E. F. C. Rosenmuller, Scholia in Gen., 1821, p. 101. La terre d’Hévilath, que baigne le Phase, est la Colchide, le pays des métaux précieux, où les Argonautes allèrent chercher la toison d’or. Calmet, Gen., p. 63. Strabon, XI, ii, 19, dit que les fleuves et les torrents de cette contrée roulent des paillettes d’or. Cf. Pline, H. N., xxxiii, 3. Pour lebdellium qu’on trouvait dans le pays d’Havilath, voir Bdellium, 1. 1, col. 1527, et pour l’onyx, voir ce mot, col. 1823.

— 4° Le Géhon est l’Araxe des auteurs classiques ; son nom arabe actuel Djeichoun-er-has et son nom persan Djûn rappellent encore le nom hébreu de Géhon. Ebers, Aegypten und die Bûcher Moses, t. i, p. 29. Voir Calmet, Genèse, p. 66. Le Géhon sort du voisinage de la source occidentale de l’Euphrate et se jette dans la mer Caspienne. La terre de Chus, qu’arrose le Géhon, ne désigne pas l’Ethiopie africaine, qu’habitèrent plus tard les Couschites, mais la région asiatique où vivaient d’abord les descendants de Chus. Voir Ethiopie, t. ii, col. 2007, 2009, c’est-à-dire le pays des Kossiens, Cassiotis, regio Cossœorum. Cf. Diodore de Sicile, xix, 3 ; Ptolémée, vi, 3, 3 ; Polybe, v, 44 ; Strabon, XI, iii, 6. Ge sont les KaÙi des textes cunéiformes. Voir Eb. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung, p. 176.

On peut objecter contre le système qui vient d’être exposé qu’il n’explique pas cette partie de la description dû Paradis donnée parla Genèse, ii, 10, d’après laquelle « un fleuve sortait de l’Édên… et se divisait en quatre bras (rà’Sîm, littéralement : têtes). » Ces mois signifient naturellement que le Tigre, l’Euphrate, le Phison et le Géhon avaient une source commune et unique. Or, le Phase et l’Araxe n’ont pas la même source que le Tigre et que l’Euphrate. À cette objection on n’a répondu que par une hypothèse contestable, à savoir que des révolutions diverses ont pu modifier notablement la topographie des lieux où était situé le Paradis terrestre. Quoi qu’il en soit, la Genèse, en plaçant l’Éden aux sources de l’Euphrate et du Tigre, nous indique naturellement HArménie comme site du Paradis terrestre.

iy. L’ÉDEN EN babylonjb. — Une opinion qui a re cruté dans ces dernières années de nombreux partisans est celle qui place en Babylonie le paradis terrestre. Elle n’est pas tout à fait nouvelle et remonte à Calvin. Il est le premier qui ait placé l’Éden en Babylonie, sans en préciser le site (fig. 561). Il identifie le Phison et le ; Géhon avec le Tigre et l’Euphrate : ces deux fleuves portent deux noms différents au-dessus et au-dessous de leur confluent au Schatt-el-Arab. Duo sunt amnes qui in unum coeunt, deindeabeunt in diversas partes, lia flumen unum est in confluenie ; duo autem in superioribus alveis sunt capita, et duo versus mare postquam intrsus longius dividi incipiunt. Commentarius in Gen., ii, 14, Opéra (édit. du Corpus Reformatorum, t. Li), t. xxill, 1882, col. 43. Sur ce dernier point, Calvin ne prend pas garde que son opinion est inconciliable avec le texte biblique et il ne se préoccupe pas de savoir si la double embouchure de l’Euphrate et du

5INV5TERSICV5 ~^ :

561. — Carte de l’Eden.

D’après Calvin, dans son Comm. in Gen., p. 42.

Tigre dans le golfe Persique est ancienne. En réalité, elle ne l’est pas. Voir Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies ? p. 39-40.

Mais quoi qu’il en soit des quatre fleuves, Huet accepta pour le fond l’opinion de Calvin, dans son Traité de la situation du Paradis terrestre, 2e édit., Amsterdam, s. d., p. 16-18, de même que Joseph Scaliger, les théologiens de Louvain et beaucoup d’autres. Les découvertes assyriologiques faites depuis un demi-siècle ont fourni des arguments nouveaux en faveur de ce système. On pouvait même espérer qu’elles trancheraient définitivement la question. Elles ont prouvé que les Chaldéo-Assyriens avaient des traditions semblables à : celles des Hébreux sur les origines de l’humanité, sur la création, sur le déluge. Il y avait donc lieu de penser qu’on découvrirait aussi dans les documents cunéiformes quelque tablette décrivant leséjour’du premier homme. Cet espoir ne s’est pas jusqu’à présent pleinement réalisé. Cependant on a retrouvé quelques traces du premier homme de l’Éden assyrien, et, de plus, les monuments reproduisent souvent l’image de l’arbre sacré qui avait été.placé dans le paradis.

Une tablette de Tell el-Amarna, conservée aujourd’hui à Berlin, raconte la légende d’un certain Adapa, où l’on remarque plusieurs traits qui ne sont pas sans analogie avec l’histoire d’Adam. D’abord le nom d’Adapa a quelque ressemblance avec celui d’Adam, voir H. Sayce, Bigher Criticism, p. 94, et il est aussi le premier homme. ii,

est fils du dieu Éa. Son père lui a donné la sagesse, mais non l’immortalité. Il habite le pays. d'Éridou, où il prend soin du sanctuaire du dieu. Un jour il se querelle avec le vent du sud et lui brise les ailes. Anou, dieu du ciel, le cite alors à son tribunal. Avant qu’Adapa se rende à la citation, Éa lui recommande entré autres choses de ne point manger le pain de mort qui lui sera offert et de ne pas boire l’eau de mort qui lui sera apportée. En réalité, Anou lui fait présenter un pain de vie et une eau de vie, de sorte qu’Adapa, parce qu’il suit fidèlement les avis que lui a donnés son père, perd l’occasion dé devenir immortel. Il se revêt néanmoins du vêtement qu’il reçoit en présent du dieu Anou. Adapa und der Sûdwind, dans la Keilinschriftliche Bibliothek, t. vi, 1900, p. 92-101. On ne peut méconnaître quelques points de contact entre l’histoire d’Adam et celle d’Adapa, malgré des différences notables. Le trait

509. — M. Sayce, The Higher Crilicismand tlie Verdict of the Monuments, in-12, Londres, 1894, p. 101, a une opinion un peu différente. Il place le Paradis terrestre dans le voisinage dIÉridou, la ville sacrée d'Éa, aujourd’hui Abou-Sharein. Éridou est actuellement au milieu des terres, mais elle était autrefois près de l’embouchure de l’Euphrate sur le bord de la mer etJensén, Kosmologie der Babylonier, p. 213, cite une inscription relative à une localité où « la boucbe des fleuves » (de l’Ruphrate et du Tigre) est mentionnée à propos d'Éridou.

Dans le voisinage d'Éridou était un jardin, lieu sacré où croissait l’arbre de la vie, un palmier dont les racines de lapis-lazuli étaient plantées dans l’abîme cosmique ; sa position marquait le centre du monde ; son feuillage formait la couche de la déesse Bahou et le dieu Thammouz habitait dans le sanctuaire placé à

562. — Arbre sacré assyro-chaldéen. D’après Layard, Monuments of Nineveh, 1, pi. 25.

principal à retenir ici c’est que le premier homme, d’après la légende babylonienne, habite Éridou. On peut donc se démander si Éden et Éridou ne désignent pas la même contrée et rechercher où était situé Éridou. C’est ce qu’ont fait divers assyriologues, en particulier Frd. Delitzseh qui a étudié la question ex professo. Dans son livre intitulé Wo lag dos Paradies ? p. 45-83, il soutient que l’Eden était situé auprès de Babylone et au sud de cette ville, à l’endroit appelé Kar-Dounias ou Clan Dounias, « jardin du dieu Dounias », remarquable par sa fertilité et par l’abondance de ses eaux. Henri Rawlinson avait le premier développé cette identification, Report of the forlieth Meeting of the British Association for the advancement of science, Liverpool, p. 173. Kar Dounias est surtout arrosé par l’Euphrate, dont le niveau est là plus élevé que celui dji Tigre, mais il jouit aussi des eaux de ce dernier fleuve. Le Phison et le Géhon sont, d’après Delitzseh, deux canaux, dérivés de l’Euphrate en dessous de Babylone. Le premier est le Pallacopas à l’ouest ; le pays d’Hévilath qu’il arrose est la partie du désert de Syrie qui 'confine à la Babylonie et où l’on trouvait autrefois de l’or. Le second, c’est-à-dire le Géhon, est le canal Arahtu, qui baigne les ruines de la ville antique d'Érech. Cousch désigne les Couschites de la Susiane. Pour la critique de l’opinion de Frd. Delitzseh, voir P. Jensen, Die Kosmologie der Babylonier, in-8°, Strasbourg, 1890, p. 507 l’ombre de ses branches et dans lequel aucun mortel n'était jamais entré. Cuneiform Inscriptions of Western, Asia, t. ïv, pi. 15, verso, lig. 62-64. Cf. Sayce, dans Hastings, Dictionary of the Bible, t. i, p. 643 ; Id., Higher Criticism, p. 101. Cet arbre sacré est souvent représenté sur les monuments assyro-chaldéens (fig. 562), et l’on ne peut s’empêcher d’y reconnaître l’arbre du Paradis terrestre de la Genèse, Eb. Schrader, Semitismus und Babylonismus, dans les Jahrbùcher fur protestantische Théologie, 1875, p. 124-125, quoiqu’il soit figuré sous des formes différentes (fig. 563). Voir E. Bonavia, The Flora of the Assyrian Monuments, "Westminster, 1894, p. 45-57. Sur les idées assyro-chaldéennes relatives à l’arbre de vie, voir Wûnsche, Die Sagen vom Lebensbaum und Lebenswasser, in-8 Leipzig, 1905. M. Sayce explique ce que dit la Genèse, de la rivière édénique qui se partageait en quatre fleuves de la manière suivante. L'Éden-Éridou était sur les bords du golfe Persique. Deux mille ans avant notre ère, les Babyloniens considéraient le golfe Persique comme une rivière, qu’ils appelaient nar marratum, « la rivière amère », c’està-dire la rivière ou l’eau salée. À cette époque, non seulement l’Euphrate et le Tigre, mais aussi d’autres cours d’eau, se déversaient dans le golfe. Comme là marée faisait remonter assez haut l’eau salée dans le lit des rivières, on put donner à l’embouchure de ces rivières le nom de sources et ainsi le Tigre, l’Eu2127 PARADIS TERRESTRE — PARÀLIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES) 2128

phrate. le Phison et le Géhon n’étaient que des branches du golfe Persique. Les noms du Phison et du Géhon n’ont pas été retrouvés dans les inscriptions assyriennes, mais on peut avec plusieurs assyriologues voir des canaux dans ces deux fleuves. Sayce, Higher Vriticism, p. 95-100.

D’après M. Fr. Hommel, Vier neue arabische Landschaftsnamen im alten Testament, avec un Nachtrag ùber die vier Paradiesesflùsse in allbabylonischer und allàrabischêr Ueberlieferung, dans ses Aufsâtze und Abhandlungen, in-8°, Munich 1902, p. 326-343, les Babyloniens connaissaient aussi quatre fleuves paradisiaques, comme les Hébreux. Il les identifie d’ailleurs à sa manière. Mais on n’a rien découvert dans la littérature assyrienne qui rappelle le nom du Phison et du Géhon.

L’explication des quatre fleuves est le point vulné 563 ; — Aulre arbre sacré assyrien. Musée du Louvre. A côté de l’arbre est le roi Sagron tenant trois grenades.

rable du système. Malheureusement, comme l’observe J. Obry, Du berceau de l’espèce humaine, p. 12, au lieu de quatre fleuves qui sortent d’Éden, cette hypothèse en donne deux qui y entrent. Et elle ne découvre pas les deux autres.

Au milieu du Paradis terrestre se trouvait l’arbre de la vie et de la science du bien et du mal. Voir t. i, col. 895-897. Sur la chute de nos premiers parents, voir Eve, t. ii, col. 2119, et Péché originel, t. v, col. 12.

III. Traditions sur le paradis terrestre. — Les traditions sémitiques et aryennes ont conservé le souvenir du paradis terrestre. — 1° Nous l’avons déjà vu pour la Babylonie, col. 2120, où, si l’on ne retrouve pas tous les éléments du récit de la Genèse, on en trouve du moins un grand nombre, et même un cylindre représentant la tentation (fig. 564). — 2° Il en est de même pour les Arabes et les musulmans, qui, du reste, ont emprunté heaucoup à la Bible. Ils placent généralement l’Éden en Asie, soit dans les environs de Damas en Syrie, ou en Chaldée, ou en Perse ou dans l’Ile de Serandib, c’est-à-dire à Ceylan. Voir d’Herbelot, Biblio thèque orientale, in-f », Paris, 1697, article Germai, p. 378, cf. p. 773, 816, etc. — 3° D’après les traditions aryennes, l’homme a vu le jour sur une des grandes montagnes de l’Asie centrale, à côté des sources des grands fleuves. Les Iraniens plaçaient le berceau de l’espèce humaine au nord, sur l’Albordj, pôle et centre du monde, qui s’élève jusqu’au ciel et où prend naissance la source céleste Ardvi-Çoura, appelée le palais des ruisseaux, qui entretient l’arbre de vie Baoma et d’où s’épanchent quatre fleuves. Les livres zends nous montrent en Yima le représentant de l’âge d’or, d’une époque idéale où la vie était en tous pointa jouissance et plaisirs. R. Roth, Die Sage von Dschernschid, dans la Zeilschrift der deulschen morgenlândischen Gesellschaft, t. iv, 1850, p. 420 ; Westergaard, Beitrag zur altiranischen Mythologie, dans A. Weber, Indische Studien, t. iii, Berlin, 1855, p. 410 ; Spiegel, Eranische Aller thumshunde, t. i, 1871, p. 439, 528529 ; Fr. Windischmann, Zoroastrische Studien, in-8°, Berlin, 1863, p. 19, 165. — 4° Les Grecs et les Latins plaçaient l’âge d’or aux commencements de l’humanité. Hésiode, Opéra et dies, 109-120, édit. Didot, p. 33, nousle dépeint sous les plus riantes couleurs et l’appelle Xpuireov yévoç. Cf. Platon, Cratyl., xvi, édit. Didot, p. 293. Dicéarque, dans un passage conservé par Porphyre, De abstin., iv, 1, 2, lui donne le même nom et le décrit dans des termes analogues. Historicorum

564.

.fc^ gStr — Sceau cylindre assyro-chaldéen rappelant la.tentation de nos premiers parents par le serpent.

Grxcorum fragm., édit. Didot, t. ii, p. 233. Cf. la description de Yaurea setas d’Ovide, dans ses Métamorphoses, i, 89-112, édit. Teubner, 1873, t. ii, p. 3-4 ; Lucien, Salum., 7, édit. Didot, p. 719 ; Tacite, Ann., iii, 26, édit. Lemaire, t. i, p. 518 ; Macrobe, Somn. Scip., H r 10, édit. Teubner, 1893, p. 617.

Voir Had. Reland, Dissertatio de situ Paradisi terrestres, dans ses Disserlationuni miscellanearum Pars prima, in-12, Utrecht, 1706, p. 3-55 ; Bertheau, Beschreibung der Loge des Pafadieses, 1848 ; Frd. Delitzsch, U’o lag das Parodies ? in-8°, Leipzig, 1881 ; W. F. Warren, Paradise found, the Cradle of the human Race at the North Pôle, in-12, Londres, 1886 ; A. Jp.remias, Das Paradies des erst-geschaffenen Menschen in Eridu, dans Bôlle und Paradies bei den Babylonien (Der alte Orient), Hett 3, in-4°, Leipzig, 1900, p. 26-30 ; J. B. Winer, Biblisches Beahvôrterbuch, t. i, p. 284.

F. Vigouroux.

    1. PARÀLIPOMÈNES##

PARÀLIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES).

— I. Place et unité. — Ces deux livres sont placés dans la Bible hébraïque actuelle à la suite des livres d’Esdras et de Néhémie, et dans les Bibles grecque et latine après les livres des Rois. Saint Mêliton, dans Eusèbe, H. E., iv, 26, t. xx, col. 396-397, et Origène, In Ps. i, t. xii, col. 1084, reproduisant le canon juif des Livres Saints, mettent cependant les Paralipomènes immédiatement après les Rois. Saint Épiphane, De ponderibus et mensuris, n. 4, 23, t. xliii, col. 244, 277, les nomme même avant ces livres. Saint Jérôme", Prologus galeatus, t. xxviii, col. 554, les place avant Esdras, Néhémie et Ksthér. Ailleurs toutefois, Episl., lui, ad Paulin., 7, t. xxii, col. 548, il met Esther avant les Paralipomènes. Si donc ces livres occupent la dernière place dans la Bible hébraïque actuelle parmi les ketoubim, ce n’est que depuis l’époque du Talmud. Ce placement se justifie difficilement, puisqu’il rompt l’ordre chronologique des événements racontés, les Paralipomènes s’arrêtanl au moment où commence le récit d’Esdras. Laisse-t-il supposer, comme le pense M. L. Gautier, Introduction à l’Ancien Testament, Lausanne, 1906, t. ii, p. 307-308, que les Paralipomènes, d’abord mis hors du canon hébraïque parce qu’ils faisaient double emploi avec les Rois, auraient été remis plus tard dans ce canon, mais en dehors de leur ordre primitif ? On peut penser plutôt qu’ils ont été considérés comme un résumé de l’histoire sainte, racontée dans toute la Bible hébraïque, et placés pour cette raison à la fin de cette Bible.

Primitivement, ces deux livres ne formaient réellement qu’un seul ouvrage. Les anciens ne les comptaient que comme un seul livre. Josèphe, , Cont. Apion., i, 8 ; Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 581 ; S. Jérôme, Prologus gàleatus, t. xxviii, col. 554. Une note inassorétique désigne I Par., xxvii, 5, comme le milieu du livre, considéré encore comme un ouvrage unique. On attribue généralement aux premiers traducteurs grecs le partage en deux livres, qui a passé dans la Vuîgate latine. La longueur de l’ouvrage a occasionné sa division, S. Jérôme, In libr. Par. prsefalio, t. xxix, col. 402, et la coupure a été faite rationnellement : le I er livre se termine avec le règne de David et le II G commence à l’avènement de Salomon. Cette division n’a été introduite dans la Bible hébraïque qu’en 1517 par Daniel Bomberg. Les critiques modernes pensent même qu’originairement les Paralipomènes ne formaient avec les livres d’Esdras et de Néhémie qu’un ouvrage unique, dont les parties étaient disposées suivant l’ordre naturel de la chronologie. Voir EsdRas (Premier livre d’), t. ii, col. 1934-1935.

II. Noms. — 1° Nom hébreu. — Ces livres portent en hébreu le titre de Dibrê hayyâmîm, Vcrba dierum, selon la traduction de saint Jérôme. Mais ce titre serait mieux traduit par Res gestes dierum, « gestes, actes de chaque jour, journal. » Il est identique au début du titre des sources citées fréquemment dans les Rois. Saint Jérôme, Prologus galeatus, t. xxviii, col. 554, l’a expliqué plus clairement par Chronicon lolius divin » historiée, toute l’histoire sainte réduite en annales. C’est pourquoi les protestants allemands désignent ordinairement ce livre sous le nom de « la Chronique », et les protestants anglais et français par celui de « les Chroniques ». Les critiques modernes adoptent encore le titre de « livres des Annales ».

2° Nom grec. — Les premiers traducteurs grecs ont donné aux deux livres qu’ils ont séparés le nom de n « paX£17td|jiev « , qui a été latinisé en Paralipomena dans l’Italique et la Vulgate, et d’où vient le nom de Paralipomènes, généralement employé par les catholiques. Bâcher, ûer Name der Bûcher der Chronik in der Septuaginla, dans Zeilschrijt der altteslament. Wissenschaft, 1895, p. 305-308, a conclu du rapprochement des titres du codex Alexandrinus, de la Peschito et de la version éthiopienne, que le titre complet était vraisemblablement : IIapa}.siTO[i.Eva tftv fjamXéwv-^iSaat), Ei(iv ?)’Io-jSâ, « le livre des Chroniques dés rois de Juda. » Le nom grec du livre a été interprété de deux manières différentes : 1. Beaucoup de Pères l’ont compris dans le sens de « choses omises » ou de « suppléments », parce que le livre comblait les lacunes des livres des Rois. Théodoret, In I Par. ; In lib. Reg., præf., t. lxxx, col. 801, 529 ; Procope de Gaza, In lib. 1 Reg., proœm. ; In 1 Par., procem., t. lxxxvii, col. 10801081, 1201 ; Synopsis Script, sac., attribuée à S. Athanase, xj, 19, t. xxviii, col. 328 ; Synopsis Script, sac, attribuée à S. Chrysostome, t. lvi, col. 357. Cette in terprétation, résultant vraisemblablement de la place des Paralipomènes dans les Septante, immédiatement après les Rois, ne rend pas compte, quoi qu’en ait dit Théodoret, de tout le contenu du livre ; elle n’a non plus aucun rapport avec le titre hébreu. Saint Jérôme, Epist. lui, ad Paulin., 7, t. xxii, col. 548, l’a précisée en reconnaissant dans les Paralipomènes un Instrument veteris epilome, résumant les livres antérieurs et complétant les livres des Rois. Cf. S. Isidore de Séville, In lib. V. et N. T. proœmia, 29, t. lxxxiii, col. 162 ; Etym., vi, 2, n. 12, t. lxxxii, col. 231. Les anciens ont donc considéré les Paralipomènes surtout comme un ouvrage complémentaire, complétant les livres des Rois. 2. Mais des critiques modernes, à la suite de Movers, voient dans le titre grec 7tapa).eiTtô[n, sva l’équivalent du latin transmissa. Ainsi compris, ce titre rendrait bien ; le caractère de l’ouvrage, qui est un recueil de fragments’d’anciens écrits, de documents conservés en dehors des’livres canoniques, et il serait une bonne interprétation du titre hébreu.

III. Analyse. — Le livre des Paralipomènes est, de tous les livres de l’Ancien Testament, celui qui embrasse la période la plus longue : il commence par Adam et il finit par l’édit de Cyrus (538). Il est donc parallèle à toute la série des livres historiques de l’Ancien Testament, au Pentateuque et aux prophètes antérieurs. Il s nécessairement avec eux de nombreux points de contact. Si on considère à la fois la nature du contenu et la méthode suivie, on divise les Paralipomènes en deux parties principales : la première ne contient que des généalogies des temps primitifs et des tribus d’Israël, I Par., i-ix ; les talmudistes lui avaient donné des titres spéciaux, J. Fûrst, Der Kanon des A. T. nach den Ueberlieferungen in Talmud und Midrasch, Leipzig, 1868, p. 118 ; la seconde raconte l’histoire du peuple de Dieu dans le seul royaume de Juda depuis David jusqu’à l’édit de Cyrus. I Par., x-II Par., xxxvi. En n’envisageant que le contenu seul, on a partagé le livre en trois ou quatre sections : la première, comprenant toujours les généalogies du début, I Par., i-ix, la seconde, le règnede David, 1 Par., x-xxix, la troisième, l’histoire des autres rois de Juda, (I Par., i-xxxvi, ou si on met à part le règne de Salomon, II Par., i-ix, on obtient une 4° section pour les rois suivants à partir du schisme des dix tribus. II Par., x-xxxvi. La première division en ; deux parties nous paraît plus logique.

J re partie. Livre des généalogies. I Par., i-ix. — On peut le subdiviser en trois sections : i re section, généalogie des patriarches d’Adam à Jacob, i, 1-54. — Elle est extraite de la Genèse ; elle laisse de côté la postérité de Caïn et ne s’occupe que des descendants de Seth. A partir de Noé, elle indique cependant, en outre de la ligne directe, les branches latérales, telles que celles de Japheth et de Cham, 5-16, d’Ismaël et des fils de Céthura, 29-34 a, et d’Ésaû, 35-54. — h » section, généalogie des douze fils de Jacob, ii, 1-vin, 40.-r Titre, ii, 1, 2.’L’ordre du titre n’est pas suivi : 1° pour la généalogie des tribus, les descendants de Juda sont énumérés les premiers, ii, 3-iv, 23, vraisemblablement parce que de cette tribu est issue la dynastie de David. Il y a sur eux de nombreux détails : 1. les descendants immédiats de Juda, ii, 3-9 ; 2. la postérité des fils d’Hesron : Ram. 1017, Caleb, 18-21, Segub, 22-23, Hesron par Abia, 24, . Jerameel, 25-41, autres descendants de Caleb, 42-50 a, fils de Hur, 50 6-55 ; 3. généalogie des fils de David, iii, 1-9, suivie de la liste des rois de Juda, descendants de David selon l’ordre de primogéniture, 10-14, avec indication des fils de Josias, 15, de Joakim, 16, de Jéchonias, 17, 18, de Phadaia et de Zorobabel, 19-24 ; 4. nouveau tableau généalogique de la tribu de Juda, iv, 1-23, . qui complète le c. n. 2° Généalogie de Siméon, dont la tribu vivait au milieu de Juda, IV, 24-27, avec des détails topographiques sur les divers habitants de la tribu, 28

37, et sur ses migrations â Gador et à Séir sous le règne d’Ézéchias, 38-43. 3° Généalogie des tribus transjordaniques : Ruben, v, 1-10, Gad, 11-17, avec des détails historiques, 18-22, et demi-tribu de Manassé, 23-25, avec mention de l’invasion de Théglathphalasar, 26. 4° Généalogie de Lévi jusqu’à la captivité, vi, 1-53, et indication des villes lévitiques, 54-81. 5° Généalogie des autres tribus dans cet ordre : Issachar, vii, 1-5, Benjamin, 6-12, Nephthali, 13, Manassé, 14-19, Éphraïm, 2029, Aser, 3040. Zabulon et Dan sont omis, à moins que le verset 126 ne soit un reste de la généalogie de ce dernier. En appendice, il y a une longue généalogie de quelques familles de la tribu de Benjamin, viii, 1-40, en particulier, généalogie de Saûl, 29-40. — me section. Énumération des premiers habitants de Jérusalem après le retour de l’exil, ix, 1-34, cf. II Esd., xi, 3-24, avec répétition de la généalogie de Saûl, 35-44. On explique diversement cette répétition. Les uns pensent qu’elle a été faite pour préparer le récit de la mort de ce roi. Les autres estiment que la liste, ix, 1-34, a été empruntée à II Esd., xi, 3-24, et placée soit avant soit après la généalogie de Saûl, ijui, par suite, a été répétée dans las manuscrits.

11e partie. Histoire du peuple deDieudans le royaume de Juda, de David à l’édit de Cyrus. I Par., x-UPar., xxxvi. — Cette partie narrative du livre comprend trois sections. — v section. Règne de David. I Par., x-xxix.

— 1° Introduction : récit de la défaite et de la mort de Saûl, x ; 2° élection de David à Hébron et conquête de Jérusalem, xi, 1-9 ; 3° listes des vaillants guerriers de David, 10-46, cf. II Reg., xxiii, 8-39, et de ses plus anciens partisans, provenant de différentes tribus, xii, 122 ; contingent des tribus israélites venu à Hébron pour l’élection de David, 23-40 ; 4° transport de l’arche chez Obédédon, xiii, 1-14 ; construction du palais du roi, XIV, 1-2 ; enfants de David nés à Jérusalem, 3-7 ; guerres contre les Philistins, 8-17 ; translation de l’arche à Jérusalem, xv, l-xvi, ! 3 ; organisation du culte, xvi, 4-43 ; 5° projet de construire un temple au Seigneur, abandonné par un ordre de Dieu, transmis par le prophète Nathan, xvii, 1-27 ; 6° guerres de David : contre les Philistins et les’Moabites, xviii, 1-2 ; contre Adarézer, roi de Soba, et son allié, le roi de Damas, 3-11 ; contre les Iduméens, 12-13 ; organisation de la maison du roi, 1417 ; première campagne contre les Ammonites et les Syriens, leurs alliés, xix, 1-19 ; seconde campagne contre les Ammonites, xx, 1-3 ; autres guerres contre les Phi lislins, 4-7 ; 7° dénombrement du peuple, peste qui en est le châtiment, érection d’un autel sur l’aire d’Oman, xxi, 1-30 ; 8° préparatifs pour la construction du temple, xxii, 1-19 ; 9° statistique détaillée des familles sacerdotales et lévitiques au temps de David, xxm-xxvi : dénombrement des lévites ; leurs fonctions, xxiii, 1-32 ; répartition des prêtres, fils d’Aaron, en 24 classes, xxiv, 1-19 ; autres lévites, 20-31 ; organisation des chantres et des musiciens, xxv, 1-31 ; liste des portiers, xxvi, 1-19 ; des gardiens des trésors du sanctuaire, 20-28, et autres surveillants, 29-32 ; 10° organisation militaire et civile : listes des chefs de l’armée, xxvii, 1-15, des princes des tribus, 16-24, des administrateurs des biens et des possessions de David, 25-31, et des conseillers du roi, 3234 ; 11° discours de David aux chefs de l’armée et aux princes des tribus, et avis â Salomon au sujet du temple à bâtir, xxviii, 1-10 ; le roi donne à son fils le plan du temple et les ressources nécessaires pour confectionner les objets du culte, 11-19, avec des avis, 20-21 ; discours à l’assemblée entière sur les préparatifs du temple, xxix, 1-5 ; dons des chefs de l’armée et des princes du peuple, 6-9 ; David en remercie le Seigneur et ordonne au peuple de l’en remercier, 10-20 ; après les sacrifices offerts, Salomon reçoit l’onction royale, 21-25 ; résumé du règne de David, mort du roi, 26-28 ; sources du récit de son règne, 29, 30. -- iv section. Règne de Salo mon. II Par., MX. — 1° Sacrifice solennel offert par Salomon à Gabaon ; apparition divine ; le roi demande la sagesse et l’intelligence, et Dieu lui accorde par surcroît les richesses et la gloire, i, 1-13 ; la puissance et les richesses de Salomon sont décrites, 14-17 ; 2° construction ^ dédicace du Temple : préparatifs, recensement des porteurs et des tailleurs de pierre, H, 1, 2 ; ambassade à Hiram pour demander un ouvrier habile et des matériaux, et réponse du roi de Tyr, 3-16 ; dénombrement des étrangers soumis aux corvées, 17, 18 ; construction du Temple : emplacement, iii, 1 ; début des travaux, 2 ; dimensions et description de l’édifice, 347 ; vases et ustensiles sacrés et portes dorées, IV, 1-v, 1 ; solennité de la dédicace, v, 2-vn, 10 ; Dieu annonce à Salomon ses faveurs, vii, 11-22 ; 3° fin du règne de Salomon : 20 ans après la dédicace du Temple, le roi bâtit les villes données par Hiram, viii, 1, 2 ; s’empare d’Emath Soba, réédifie Palmyre et d’autres places, 3-6 ; les descendants des Chananéens paient tribut et font les corvées, tandis que les Israélites ne fournissent que des généraux et des chefs, 7-10 ; palais construit pour la fille de Pharaon, 11 ; organisation du culte et du service des lévites, 12-16 ; flotte à Asiongaber, 17, 18 ; visite de la reine de Saba, îx, 1-12 ; richesses et magnificences de Salomon, 13-28 ; sources de son histoire, 29 ; durée de son règne ; mort du roi et avènement de Roboam, 30, 31..— me section. Les rois de Juda. II Par., x-xxxvi.

— 1° Histoire du schisme à Sichem, x, 1-19 ; le Seigneur interdit aux Judéens d’attaquer les Israélites, xi, 1-4. 2° Règne de Roboam : l re période de fidélité : le roi bâtit des villes fortes, 5-12 ; les prêtres et les lévites d’Israël passent en Juda et les Israélites fidèles viennent pendant trois ans sacrifier au temple de Jérusalem, 1317 ; femmes et enfants de Roboam, 18-23 ; 2e période d’infidélité, trois ans après le schisme, xii, 1 ; la 5e année du règne, invasion de Sésac, roi d’Egypte, qui pille Jérusalem, 2-12 ; résumé et jugement du règne, 13-14, ’sources de son histoire, 15 ; mort de Roboam et avènement d’Abia, 16. 3° Règne d’Abia : date, débuts et guerre contre Jéroboam, xiii, 1-20 ; femmes et enfants d’Abia, source de son histoire, 21, 22 ; sa mort, xiv, la. 4° Règne d’Asa : réforme religieuse, xiv, 16-5 ; forteresses et armée, 6-8 ; expédition de Zara qui fut battu, 9-15 ; prédiction d’Azarias, xv, 1-7 ; extension de la réforme religieuse, 8 ; renouvellement de l’alliance, 9-15 ; Maacha, mère du roi, déposée ; piété d’Asa et paix de son règne, pendant35ans, 16-19 ; la 36 c année, attaqué par Baasa, Asa s’allie avec Benadad et bat les Israélites, xvi, 1-6 ; reproches du prophète Hanani, qu’Asa fait mettre aux fers, 7-10 ; sources de cette histoire, 11 ; maladie et mort du roi, 12-14. 5° Régne de Josaphat : le roi fortifie son royaume, est béni de Dieu, xvii, 1-5 ; réforme religieuse, 6-9 ; terreur des peuples voisins ; les Philistins paient tribut, 10, 11 ; Josaphat élève des forteresses et augmente son armée, dont les chefs sont recensés, 12-19 ; alliance avec Achab, *roi d’Israël, xviii, 1-3 ; après consultation contradictoire du Seigneur, 4-27, les alliés marchent contre Ramoth-Galaad ; Josaphat échappe au danger, mais Achab est grièvement blessé et meurt, 28-34 ; reproches adressés à Josaphat par le prophète Jéhu, xix, 1-3 ; le roi s’efforce de ramener son peuple à Dieu et réorganise la justice, 4-11 ; guerre des Moabites et des Ammonites contre Juda ; le roi ordonne un jeûne universel, xx, 1-3 ; grande assemblée à Jérusalem ; Josaphat prie le Seigneur, 4-13 ; heureuse prédiction de Jahaziel, 14-17 ; le roi, le peuple et les lévites en louent Dieu, 18-19 ; confiance du roi, 20-21 ; les ennemis s’entretuent, 22-24 ; butin enlevé et action de grâces, 25-28 ; paix du royaume, 29-30 ; résumé du règne, 31-33 ; source de son histoire, 34 ; alliance avec Ochozias ; construction d’une flotte, qui fut brisée, 35-37 ; mort de Josaphat, xxi, l’a. 6° Règne de Joram : conduite du roi â l’égard de ses frères, 164 ; résumé du règne, 5-7 ;

révolte de l’Idumée et de Lobna, 8-10 ; apostasie de Joram, 11. ; lettre du prophète Élie contenant des menaces qui se réalisent, 12-15 ; invasion des Philistins et des Arabes, 16, 17 ; maladie et mort du roi, 18, 19 ; résumé du règne, 28. 7° Règne d’Ochozias : avènement du roi, jugement sur son règne, xxii, 1-4 ; guerre avec Joram contre Hazaël ; Joram blessé et visité par Ochozias, 5-7 a ; Jéhu, l’adversaire de la maison d’Achab, tue Ochozias et ses neveux, 76-9. 8° Usurpation d’Athalie ; seul Joas est sauvé par Josabeth, 10-12 ; chute d’Athalie et avènement de Joas, xxiii, 1-21. 9° Règne de Joas : 1° période, pieux débuts du vivant de Joiada, qui fit épouser au roi deux femmes, xxiv, 1-3 ; restauration du Temple, 4-14 ; mort de Joiada, 15-16 ; 2 « période, infidélité du peuple et du roi, malgré les reproches des prophètes et en particulier de Zacharie, qui fut tué, 1722 ; invasion des Syriens, qui vengent ce meurtre, 23, 24 ; Joas est tué, 25, 26 ; source de son histoire, 27. 10° Règne d’Amasias : durée et caractère, xxv, 1, 2 ; le roi tue les meurtriers de son père, mais pas leurs fils, 3-4 ; il dénombre ses soldats et prend à sa solde des Israélites, que, sur l’avertissement d’un prophète, il congédie, 5-10 ; guerre Contre les Iduméens, 11-13 ; apostasie du roi, reproches d’un prophète, 14-16 ; projet. non accepté de faire alliance avec Joas dTsraëi ; guerre entre Amasias et Joas, victoire des Israélites, 17-24 ; fin du règne d’Amasias, 25 ; source de son histoire, 26 ; mort du roi, 27-28. 11° Règne d’Osias : avènement, construction d’Ailath, xxvi, 1, 2 ; résumé du règne, 3-5 ; guerre contre les Philistins et les Arabes, 6, 7 ; les Ammonites paient tribut, 8 ; tours élevées à Jérusalem, 9 ; richesses agricoles, 10 ; armée, 11-14 ; fortifications, 15 ; apostasie du roi qui met la main à l’encensoir malgré l’opposition des prêtres, lèpre du roi, 16-21 ; source de l’histoire de ce règne, 22 ; mort du roi, 23. 12° Règne de Joatham : résumé, xxvii.l, 2 ; fortiûcations et guerre contre les Ammonites, 3-5 ; puissance du pieux roi, 6 ; source de son histoire, 7 ; durée du règne et mort du roi, 8, 9. 13° Règne d’Achaz : résumé du règne impie, xxviii, 1-4 ; le Seigneur livre Achaz aux rois de Syrie et d’Israël, 5-8 ; reproches du prophète Obed aux Israélites qui ramenaient des Judéens captifs, 9-11 ; opposition de quelques chefs aux soldats qui abandonnent le butin et renvoient les captifs, 12-15 ; Achaz demande alliance aux Assyriens, 16 ; invasion des Iduméens, des Philistins, 17-19, et de Théglathphalasar, 20-21 ; Achaz offre des sacrifices aux dieux de Damas, ferme le Temple et élève des autels à Jérusalem et en Juda, 22-25 ; source de son histoire, 26, sa mort, 27. 14° Règne d’Ézéchias : résumé, xxix, 1-2 ; le roi ouvre et restaure le Temple et réorganise le service des prêtres et des lévites, 3-19 ; il reprend le culte, dont il achève la réorganisation, 2036 ; célébration extraordinaire de la Pâque, xxx, 1-27 ; idoles renversées en Juda, xxxi, 1 ; réinstallation des prêtres et des lévites dans leurs offices et leurs revenus, 2-19 ; jugement sur le règne, 20, 21 ; invasion de Sennachérib, xxxii, 1-23 : maladie, prière et guérison du roi, 24 ; son orgueil, dont il se repent ; son repentir éloigne le châtiment, 25, 26 ; richesses et travaux, 27-30 ; ambassade du roi de Babylone simplement mentionnée, 31 ; source de cette histoire, 32 ; mort du roi, 33. 15° Règne de Mariasse : résumé, xxxiii, 1, 2 ; impiété du roL/3 ; 10 ; il est emmené captif à Babylone par le roi des Assyriens, 11 ; sa pénitence et son retour à Jérusalem, 12, 13 ; il fortifie cette ville, détruit les idoles et rétablit le culte, 14-17 ; sources de son histoire, 18, 19 ; mort du roi, 20. 16° Règne d’Amon : résumé, 21-23 ; le roi est tué par ses serviteurs, 24 ; avènement de Josias, 25. 17° Règne de Josias : résumé, xxxiv, 1, 2 ; la 12e année de son règne, ce pieux roi détruit les idoles en Juda et en Israël, 3-7 ; à la 18e au cours des opérations faites au Temple, 8-13, on découvre le livre de la loi de Moïse, 14>21 ; la prophétesse Olda est consultée, 22-28 ; lecture

de la loi et renouvellement de l’alliance, 29-32 ; le culte continue, 33 ; célébration de la Pàque, xxxv, 1-19 ; invasion de Néchao, que Josias veut arrêter, 20-22 ; blessé à Mageddo, Josias meurt ; on le pleure, 23-25 ; source de son histoire, 26, 27, 18° Récit sommaire des règnes des derniers rois de Juda : avènement de Joachaz, xxxvi, 1 ; résumé de son règne, 2-3 ; Éliakim est mis-’sur le trône par le roi d’Egypte, 4 ; résumé de son règne, 5 ; il est emmené en captivité par Nabuchodonosor, 6, 7 ; source de son histoire, 8 ; durée et caractère du règne de Joachin, 9 ; captivité du roi et institution de Sédécias, 10 ; durée et caractère du règne de ce dernier, 11, 12 ; révolte et apostasie du peuple, 13-16 ; sa punition par la captivité de Babylone, 17-21 ; édit de retour porté par Cyrus, 22, 23.

IV. Caractères du livre. — I. en lui-même. — L’analyse du livre aide à saisir les procédés historiques et littéraires de l’auteur. Au premier aspect, ce livre apparaît comme une compilation de documents généalogiques, statistiques et historiques. Le plan n’est pas uniforme et la première partie diffère de la seconde par la marche suivie et la nature du contenu.

1° Plusieurs généalogies ne sont pas données d’une seule pièce ; on y revient à deux ou trois reprises différentes. Les trois généalogies de Caleb, I Par., ii, 18-20, 24, 42-55, et les deux de la tribu de Juda, I Par., ii, 3-55 ; iv, 1-23, et de Saùl, I Par., viii, 29-40 ; IX, 35-44, sont les exemples les plus frappants. Tandis que les exégètes catholiques y reconnaissent des suppléments, les critiques rationalistes y voient des doublets divergents et contradictoires. Ces tableaux complémentaires ont pu être reproduits à dessein par le chroniste bout à bout, parce qu’ils provenaient de documents différents qu’il voulait simplement transcrire. Mais il est probable que, dans cette hypothèse, il les aurait systématiquement ordonnés, comme il l’a fait pour les documents de la seconde partie de son livre. Aussi peut-on légitimement penser que quelques-uns de ces morceaux juxtaposés sont des additions postérieures, des compléments surajoutés à une trame primitive. D’autre part, ces listes sont disproportionnées dans leur étendue. Plusieurs ne dépassent pas le règne de David, mais d’autres s’étendent beaucoup plus loin et vont parfois jusqu’à l’époque de la captivité. Ainsi la liste des rois de Juda, m, 10-16. Celle des lévites, vi, 1-53, va jusqu’à Salomon, La liste des premiers habitants de Jérusalem après le retour, ix, 1-34, dépasse même cette date. On s’est demandé si tout ce qui, dans ces généalogies, va au delà du temps de David n’était pas le fait d’additions à l’œuvre du chroniste. Mais cette supposition dépend de l’opinion, qui n’est pas démontrée, selon laquelle les neuf premiers chapitres servent de simple introduction historique au règne de David. En outre, on attribue ainsi au chroniste l’idée rigoureuse de ne pas dépasser dans cette introduction le temps auquel elle conduit. Enfin, ces listes ne sont pas uniformes. Quelques-unes ne sont que des séries de noms, sans lien généalogique ; la plupart sont de vraies généalogies. Leur distribution n’est pas ordonnée de la même façon, et leur ordre est composite. Elles ne se bornent pas aux données généalogiques ; elles sont complétées parfois par des renseignements topographiques et historiques, par exemple pour la tribu de Siméon, iv, 28-43, et pour les tribus transjordaniques, v, 18-22, 26, et par la mention des villes lévitiques, VI, 54-81. Tout cela est l’indice d’une compilation de documents plutôt que celui d’un résumé de l’histoire ancienne sous forme de généalogies. Voir F. de Hummelauer, Numeri, Paris, 1899, p, 173-205. Au sentiment de l’abbé de-Broglie, ces généalogies étaient considérées par les Israélites revenant de la captivité comme la preuve de véritables droits. Les généalogies bibliques, dans Congrès scientifique international des catholiques, Paris, 1889, t i, p. 113.

£o L’hisloire commence seulement au c. x avec le règne de David. La narration a de l’ampleur et fournit de nombreux détails sur certains règnes, notamment sur ceux de David, de Salomon, d’Asa, de Josaphat et d'Ézé « hias, rois pieux. Les règnes des rois impies sont ordinairement racontés plus brièvement. On constate dans ces récits des procédés identiques d’exposition. Souvent, la mention de l’avènement du successeur suit dans la même phrase la mort de son prédécesseur. Le récit des règnes débute, ou par des renseignements généraux sur la durée du règne, les femmes et les fils du roi, ou par un résumé qui caractérise et juge favorablement ou défavorablement les actes du roi, sa fidélité à Dieu ou son infidélité. Parfois, ce jugement se trouve à la fin du règne, avant ou après l’indication des sources consultées, transcrites ou résumées. L’histoire de quelques règnes est faite par périodes tranchées, soit par des dates, soit par la différence des relations du roi avec la religion et le culte. Ainsi des règnes de Roboam et de Joas. Enfin, les récits sont coupas par des documents de statistique, des listes, des dénombrements, etc.

I Par : , xi, 10-46 ; xxm-xxvii ; II Par., ii, 2, 17, 18. Ces documents semblent bien être des pièces étrangères, insérées par l’historien dans la trame de son récit. S’il en est ainsi, leur insertion confirme le caractère de compilation que présente l'œuvre entière.

I). COMPARATIVEMENT AUX LIVRES HISTORIQUES ANTÉRIEURS. — 1° Le livre des généalogies. I Par., i-ix. —

II a avec les livres qui vont du Pentateuque aux deux livres de Samuel de nombreux poinlsde contact. Voici ces rapprochements : I Par., i, 1-4, Gen., v ; i, 5-23, Gen., x, 2-29 ; i, 24-27, Gen., xi, 10 et suiv. ; i, 29-31, Gen., xxv, 13-15 ; i, 32, 33, Gen., xxv, 2-4 ; i, 35-54, Gen., xxxvi, 10-43 ; ii, 1, 2, Gen., xxxv, 23-26 ; ii, 3-5, Gen., xxxviii, 3-30 ; Gen., xlvi, 12 ; Num., xxvi, 19-22 ; ii, 6-8, Jos., vu, 1 ; I (III) Beg., iv, 31 ; ii, 9-12, Rulh, iv, 19-22 ; ii, 13-17, I Sam., xvi, 6-9 ; II Sam., ir, 18, xvii, 25 ; iii, 1-9, II Sam., iii, 2-5 ; v, 14-16 ; iii, 1016, I et II Reg. ; iv, 24, Gen., xlvi, 10 ; Exod., vi, 15 ; Num., xxvi, 12, 13 ; iv, 28-33, Jos., xix, 2-9 ; v, 3-8, Gen., xlvi, 9 ; Exod., vi, 14 ; Num., xxvi, 5, 6 ; Jos., xiii, 16, 17 ; vi, 1-3, Gen., xlvi, 11 ; Exod., vi, 16, 18, 20, 23 ; xxviii, 1 ; Num., iii, 2 ; vi, 16-19, 22, Exod., vi, 16-19, 24 ; vi, 26-28, 33-35,

I Sam., i, 1 ; viii, 2 ; vi, 54-81, Jos., xxi, 10-39 ; vii, 1-5, Gen., xlvi, 13 ; Num., xxvi, 23, 24 ; vii, 6-12, Gen., xlvi, 21 ; Num., xxvi, 38-40 ; vii, 126/ Gen., xlvi, 23 ; Num., xxvi, 42 ; vii, 13, Gen., xlvi, 24 ; Num., xxvi, 48, 49 ; vu, 14-19, Num., xxvi, 29 ; xxvii, 1 ; vii, 20-29, Num., xxvi, 34-38 ; vii, 30-40, Gen., xlvi, 17 ; Num., xxvi, 44 .47 ; viii, 1-28, Gen., xlvi, 21 ; Num., xxvi, 38-40 ; viii, 29-40, ix, 3544, I Sam., ix, 1 ; xiv, 49-51 ; II Sam., ii, 8 ; iv, 4 ; ix, 12. Les renseignements généalogiques de ce livre ne sont pas toutefois empruntés de toutes pièces aux livres canoniques antérieurs ; ils sont complétés par d’autres données puisées ailleurs, et il y a des morceaux étendus qui dérivent d’autres sources. Voir t. iii, col. 160-161. Cf. abbé de Broglie, Les généalogies bibliques, Paris, 1889, t. i, p. 149-151.

2° L’histoire des rois de Jvda. — Elle présente avec la même histoire, telle qu’elle est racontée dans les livres de Samuel et des Rois, à la fois bien des points de contact et de nombreuses dillérences. — A) Rapprochements. — a) Règne de David. — I Par., x, 1-12, 1 Sam., xxxi ; xi, 1-9, Il Sam., v, 1-3, 6-10 ; xi, 10-41, II Sam., xxm, 8-39 ; xui, 1-5, II Sam., vi, 1 ; xiii, 6-14, II Sam., vi, 2-11 ; xiv, 1-16, II Sam., v, 11-25 ; xv, 25-xvi, 3,

II Sam., vi, 12-19 ; xvi, 43, II Sam., vi, 19, 20 ; xvii, xviii, II Sam.,-vn, vni ; xix, II Sam., x ; xx, 1-3, Il Sam., xi, 1 ; xii, 26, 30, 31 ; xx, 4-8, II Sam., xxi, 18-22 ; xxi, 1-5, II Sam., xxiv, 1-9 ; xxi, 8-27, II Sam., xxiv, 10-26 ; xxix, 23, 27, I Reg., ii, 11, 12. — b) Règne de Salomon. — II Par., i, 3, 1 Reg., iii, 4 ; i, 6-13, 1 Reg., iii, 413, 51 ; iv, 1 ; i, 14-17, I Rag., x, 26-29 ; H, 2, IReg., v,

15, 16 ; ii, 3-16, 1 Reg., v, 2-9 ; ii, 18, I Reg., v, 15, 16 ; III, 1-13, I Reg., vi, 1-3, 5-35 ; iii, 15-17, I Reg., vii, 1521 ; iv, 2-5, I Reg., vii, 23-26 ; iv, 6-v, 1, I Reg., vii, 3851 ; v, 2-11, IReg., viii, 1-10 ; v, 13-vi, 39, I Reg., viii, 10-50 ; vii, 4, 5, 7-12, I Reg., viii, 62-ix, 3 ; vii, 16-22, I Reg., ix, 3-9 ; viii, 1, I Reg., ix, 10 ; viii, 4-11, 1 Reg., ix, 17-24 ; viii, 12-16, I Reg., ix, 25 ; viii, 17, 18, 1 Reg., ix, 26-28 ; ix, 1-24 ; I Reg., x, 1-25 ; ix, 25-26, 1 Reg., ny 26 ; x, 26, iv, 21 ; ix, 27, 28, 1 Reg., x, 27, 28 ; ix, 30, 31, I Reg., xi, 42-43. — c) Les rois de Juda. — II Par., x, I Reg., xii, 1-19 ; xi, 1-4, I Reg., xii, 21-24 ; xii, 2, 9,

I Reg., xiv, 25 ; xii, 9-11, 13, I Règ., xiv, 26-28, 21 ; xii, 15, I Reg., xiv, 30 ; xv, 6 ; xii, 16, I Reg., xiv, 31 ; xiii, 1, 2, I Reg., xv, 1, 2, 7 ; xiii, 23, IReg., xv, 8 ; xiv, 1-4, I Reg., xv, 11, 12 ; xv, 16-18, I Reg., xv, 13-15 ; xvi, 1-6, I Reg., xv, 17-22 ; xvi, 2-14, I Reg., xv, 23-24 ; xvii, 1, I Reg., xv, 24 ; xviii, I Reg., xxii, 1-35 ; xx, 3133, I Reg., xxii, 41-44 ; xx, 35-37, 1 Reg., xxii, 49, 50 ; xxi, 1, I Reg., xxii, 51 ; xxi, 5-10, II Reg., viii, 17-22 ; xxi, 20, II Reg., viii, 17, 24 ; xxii, 1-6, II Reg., viii, 2429 ; xxii, 7-9, II Reg., îx, 21 ; x, 13, 14, ix, 27, 28 ; xxii, 10-xxiv, 14, II Reg., xi, 1-xii, 14 ; xxiv, 23-27, II Reg., xii, 17, 18, 20, 21 ; xxv, 1-4, II Reg., xiv, 2, 3, 5, 6 ; xxv, 11, II Reg., xiv, 7 ; xxv, 17-24, II Reg., xiv, 8-14 ; xxv, 25, 27, 28, II Reg., xiv, 17, 19, 20 ; xxvi, l-4 ; IIReg., xiv, 21, 22 ; xv, 2, 3 ; xxvi, 20, 21, 23, II Reg., xv, 5, 7 ; xxvii, 1-3, 8, 9, II Reg., xv, 33-35, 38 ; xxviii, l-5, II Reg., xvi, 2-5 ; xxviii, 16, 21, 24, 27, II Reg., xvi, 7, 8, 17, 20 ; xxix, 1, 2, II Reg., xviii, 2, 3 ; xxxii, 1, II Reg., xviii, 13 ; xxxii, 9-21, II Reg., xviii, 17-xix, 37 ; xxxii, 24,

II Reg., xx, 1-11 ; xxxii, 30, II Reg., xx, 20 ; xxxii, 31, II Reg., xx, 12-19 ; xxxiii, 1-10, IIReg., xxi, l-10 ; xxxui, 20-25, II Reg., xxi, 18-24 ; xxxiv, 1, 2, II Règ., xxii, 1, 2 ; xxxiv, 3-7, Il Reg., xxiii, 4-20 ; xxxiv, 8-12, Il Reg., xxii, 3-7 ; xxxiv, 15-32, II Reg., xxii, 8-xxm, 3 ; xxxv, 1, 6, 18, 19, II Reg., xxiii, 21-23 ; xxxv, 20-24, II Reg., xxm, 29, 30 ; xxxvi, 1-4, II Reg., xxiii, 30, 31 ; xxiv, 1, 6 ; xxxvi, 9, 10, II Reg., xxiv, 8, 9, 13, 15, 17 ; xxxvi, 11-13, II Reg., xxiv, 18-20 ; xxxvi, 17-21, IIReg., xxv, 1, 8-17, 22.

jB) Différences. — Elles consistent en omissions, en modifications et en additions. — a) Omissions. — Du règne de Saùl, il n’est rapporté que la fin et encore omet-on le' détail du cadavre du roi suspendu aux murs de Bethsan. I Sam., xxxi, 10. Dans l’histoire de David, il n’est rien dit du règne de ce prince à Hébron, II Sam., i-iv ; des reproches de Michol à David, parce qu’il avait dansé devant l’arche, et de la réponse du roi, II Sam., vi, 20-23 ; de la conduite de David à l'égard de Miphiboseth et de Siba, II Sam., ix ; de l’adultère de David et du meurtre d’Urie, II Sam., xi, 2-xii, 25 ; de l’attentat d’Ammon sur Thamar, de son meurtre par Absalom, de la fuite, du retour, de la révolte et de la mort de ce dernier, ni de la révolte de Siba, II Sam., xin-xx ; de l’abandon des fils de Saùl aux Gabaonites, II Sam., xxi, 1-14 ; d’une guerre de David contre les Philistins, ibid., 15-17 ; du cantique d’actions de grâce et des dernières paroles de David, II Sam., xxii-xxm ; de l’usurpation d’Adonias et du sacre de Salomon, I Reg., i ; des recommandations suprêmes de David à Salomon. I Reg., ii, 1-9. Si quelques-uns des faits omis sont défavorables à la mémoire du roi, d’autres sont à son honneur. Le silence sur tout ce qui ne serait pas honorable pour son héros n’est donc pas la seule explication de ces omissions. De même, dans l’histoire de Salomon, le chroniste omet la déposition et le bannissement d’Abiathar, ainsi que l’exécution de Joab et de Séméi, I Reg., ii, 26-46 ; le mariage du roi avec la fille du pharaon, I Reg., iii, 1 ; le jugement rendu dans l’affaire des deux mères, IReg., m, 16-28 ; les officiers de Salomon, l'étendue de son royaume, la paix de son règne, le nombre de ses chevaux et chariots, I Reg., iv ; la construction du palais

royal, I Reg., vii, 1-12 ; la description des ornements et des ustensiles du Temple, I Reg., vii, 13-39 ; la prière du roi à la dédicace du Temple, I Reg., viii, 53. 56-61 ; ses femmes, son idolâtrie, la prophétie qui lui annonce le schisme des dix tribus, I Reg., xi, 1-13. Ici encore, les omissions ne s’expliquent pas toutes par le désir de ne pas ternir la réputation du sage roi, puisque le jugement qui l’a rendu si célèbre est passé sous silence. A partir du schisme des dix : tribus, il n’est parlé du royaume d’Israël qu’au sujet des guerres et des alliances des rois de Juda avec ceux de ce royaume. L’histoire des rois de Juda elle-même présente des lacunes. Ainsi sont omis la prise de Geth par Hazaël durant la guerre contre les Syriens sous le règne de Joas et le tribut payé aux vainqueurs, II Reg., xii, 17, 18 ; les coups portés aux Israélites par les Assyriens et la destruction du royaume de Damas. II Reg., xvi, 5-18. Enfin, à partir de Manassé, le nom de la mère des sept derniers rois de Juda, quoiqu’il se trouve dans le IIe livre des Rois, n’est pas reproduit, bien que le chroniste ait cité les noms des mères des rois précédents. Ajoutez-y de nombreux détails des récits parallèles des Rois ; ils ont disparu par suite de la manière dont les faits sont présentés, ou bien les récits sont abrégés et ne mentionnent que les circonstances principales.

b) Modifications. — Elles sont plus ou moins notables selon les cas. Indiquons-en quelques-unes. Le récit de la prise de Jérusalem par David, IPar., xi, 4-9 ; II Sam., v, 6-10 ; dans la liste des guerriers de David, I Par., xi, 10-47 ; cf. II Sam., xxiii, 8-39, le titre est adapté à la place assignée, les noms propres et les chiffres différent ; le récit du transfert de l’arche, I Par., xiii, 1-14-, est plus développé que celui de II Sam., vi, 1-11 ; ce qui concerne les guerres de David et les fonctionnaires royaux,

I Par-, xviii, diverge en partie du récit, II Sam., vin. Le récit du dénombrement du peuple, I Par., xxi, comparé avec II Sam., xxiv, présente d’intéressantes variantes : Satan est substitué à Dieu comme ayant incité David à faire le dénombrement ; les chiffres ne coïncident pas ; selon le chroniste, Lévi et Benjamin n’ont pas été recensés ; la durée de la famine n’est pas la même ; la description du fléau et de sa cessation n’est pas identique en plusieurs détails. L’architecture et l’aménagement du Temple sont décrits, II Par., nr, 317, d’une façon plus concise que dans I Reg., VI, 2-vii, 22. Dans le transfert de l’arche, ce sont les lévites,

II Par., v, 4, qui la portent, au lieu des prêtres. I Reg., vm, 3. Le chroniste distingue trois périodes dans le règne de Roboam ; il fournit des dates précises pour les faits principaux du règne d’Asa. Les prêtres et les lévites jouent le rôle capital dans le complot qui amena la chute d’Alhalie. Pour le règne d’Èzéchias, l’invasion de Sennachérib, la maladie du roi et l’ambassade de Mérodach-Baladan sont très abrégées. Les événements du règne de Josias sont groupés autrement que dans le livre des Rois et classés chronologiquement. Les derniers règnes n’ont donné lieu qu’à une narration sommaire, beaucoup plus brève que celle des Rois et divergente en plusieurs points.

c) Additions. — Les plus considérables sont les suivantes : la liste des premiers partisans de David et des personnages qui l’élurent roi à Hébron, I Par., fxH ; les préparatifs faits par David pour la construction du Temple, I Par., xxh ; les listes des prêtres et des lévites à cette époque avec l’indication de leurs fonctions, I Par., xxiii-xxvi ; les officiers de l’armée de David et les chefs des tribus, I Par., xxvil, 1-24 ; les dernières

. dispositions prises par David au sujet de la construction du Temple ; les suprêmes avis de ce roi à Salomon et à l’assemblée générale du peuple, I Par., xxviii-xxix ; les forteresses élevées par Roboam ; la venue des prêtres d’Israël en Juda ; les femmes et les enfants du roi,

-II Par., xi, 5-23 ; les détails de la guerre d’Abia avec

Jéroboam ; les femmes et les enfants du roi, II Par., xiii, 2-22 ; la victoire d’Asa sur Zara, roi d’Ethiopie, II Par., xi v, 8-14 ; la prophétie d’Azarias qui décide Asa à réprimer l’idolâtrie en Juda, II Par., xv, 1-15 ; le mauvais accueil fait par le même roi au prophète Hanani, II Par., xvi, 7-10 ; l’âge d’Asa au moment de sa mort, II Par., xvi^ 13-14 ; les efforts de Josaphat pour mettre son royaume en sécurité, pour en extirper l’idolâtrie et faire instruire son peuple, II Par., xvii ; les reproches adressés à ce roi par le prophète Jéhu au sujet de son alliance avec Achab, roi d’Israël, et les avertissements de Josaphat aux juges et aux lévites, II Par., xix ; l’invasion des Moabites, des Ammonites et des Syriens, qui s’entretuent, II Par., xx, 7-30 ; Joram fait périr ses frères, II Par., xxi, 2-4 ; l’idolâtrie de ce roi, sa punition annoncée par une lettre du prophète Élie, II Par., xxi, 1119 ; l’infidélité de Jôas après la mort du grand-prêtre Joiada, et les reproches deZacharie, qui est mis à mort, II Par., xxiv, 15-22 ; Amasias dénombre ses soldats et lève en Israël des mercenaires, qu’il renvoie sur l’ordre d’un prophète, II Par., xxv, 5-10 ; il introduit dans son royaume le culte idolâtrique des Iduméens et il en est blâmé par un prophète, II Par., xxv, 14-16, 20 ; victoires, constructions et armée d’Osias, II Par., xxvi, 6-15 ; guerre de Joatham contre les Ammonites, II Par., xxvii, 5, 6 ; la Pâque est célébrée d’une façon extraordinaire par Ézéchias, II Par., xxx ; ce roi réorganise le culte et prend des mesures pour l’entretien des prêtres et des lévites, II Par., xxxi, 2-21 ; Manassé est emmené captif à Babylone, se repent et est rétabli sur son trône, II Par., xxxiii, 11-13 ; il fortifie Jérusalem et met des chefs dans toutes lesplaces fortesdeJuda.il Par., xxxiii, 14. Cf. F. "Vigouroux, Manuel biblique, n. 512, 12e édit., Paris, 1906, t. ii, p. 152-157. — Ces caractères du livre vont nous servir à déterminer le but de l’auteur.

V. But de l’auteur. — 1° On ne peut guère, avec les anciens exégètes, attribuer au chroniste comme lin unique et principale de compléter les livres historiques antérieurs et de combler leurs lacunes. Les Paralipomènes, en effet, s’ils contiennent un certain nombre d’additions, renferment beaucoup de faits, qu’ils ont en commun avec les livres de Samuel et des Rois. S’ils ne font pas suite à ces livres, ils leur sont parallèles et ils témoignent par leur contenu et leurs tendances un autre souci que celui de les compléter et de les continuer. Leurs omissions, leurs modifications et leurs additions relativement aux livres de Samuel et des Rois convergent vers un autre but, quoiqu’elles dépendent de ces livres et soient faites par comparaison avec leurs récits. — 2° C’est en raison même de cette dépendance qu’on peut indiquer le but précis de l’auteur des Paralipomènes. Etant donné le caractère dépendant de sa narration, il en résulte qu’il n’a pas voulu écrire l’histoire complète de son peuple, mais qu’il s’est proposé plutôt de la récrire d’après les sources antérieures et selon des intentions spéciales. La Chronique est donc un ouvrage à part, quoique dérivé et secondaire, destiné à présenter l’histoire de Juda d’un point de vue déterminé. Son auteur, en effet, est dominé, en la rédigeant, par une série de préoccupations et de préférences : — 1. Il appartient au royaume de Juda auquel il s’intéresse exclusivement, puisqu’il ne parle du royaume d’Israël qu’autant que ses rois sont en relations d’alliance ou de guerre avec ceux de Juda. — 2. Il est un adepte fervent de la dynastie davidique. Si les généalogies ne préparent pas, comme on l’a dit, Mùhling, Uber die Généalogies der Chronik, I, i-ix, und deren Verhâltniss mm Zmeck dièses Bûches, dans Theologische Quartalschrift, 1884, p.’403-450, l’histoire du règne de David, la partie historique commence avec ce prince. Le règne de Saül n’est pas relaté, sinon la mort de ce roi qui justifie l’élection de David, pas plus que les règnes des rois d’Israël, L’histoire des deux premiers princes.

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    1. PARALIPOMÈNES##

PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES)

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de cette dynastie, David et Salomon, est longuement racontée. On a prétendu même qu’elle avait été intentionnellement émondée et que c’est par attachement à la royauté de Juda que le chroniste avait passé sous silence les actes blâmables des rois légitimes, les péchés de David et les infidélités de Salomon. Mais, outre que, comme nous l’avons déjà remarqué, on constate l’omission d’actes recommandables de ces deux chefs de la dynastie, les infidélités et l’idolâtrie de plusieurs de leurs descendants sont relatées ; parfois même, elles sont plus fortement accentuées que dans les récits pa~ rallèles des Rois et elles sont toujours sévèrement jugées. Ce n’est donc pas par légitimisme, par royalisme convaincu, que le chroniste omet de rapporter les fautes de David et de Salomon ; c’est plutôt parce que ces faits, comme les autres pareillement omis, ne rentraient pas dans ses vues. — 3. Il envisage continuellement Jérusalem, la ville sainte, avec son culte et son temple, plutôt que la capitale du royaume. C’est pour cela qu’il ne raconte pas en détail le règne de David à Hébron, tandis qu’il s’intéresse à tout ce qui se passe à Jérusalem, à ce qui y concerne la religion. Aussi raconte-t-il longuement les transferts de l’arche, le projet que David avait formé d’élever à Dieu un temple dans sa capitale, les préparatifs qu’il fit pour l’œuvre réservée à son fils, les matériaux rassemblés, les sommes d’argent ramassées, la construction et la dédicace du temple sous Salomon, l’organisation du culte, la célébration des fêtes solennelles et les réformes religieuses sous Josaphat, Ézéchias et Josias. — 4. Il fait encore une mention spéciale du sacerdoce aaronique, des lévites et en particulier des chantres et des musiciens. Tandis que les livres de Samuel et des Rois, faisant l’histoire d’Israël et de ses rois, en parlent très peu, le chroniste en parle avec complaisance, comme s’il était l’un d’eux. Il les fait intervenir dans les fêtes et les réformes ; il relate leur organisation, leur service et leurs revenus, leurs droits et leurs fonctions. La plupart des additions, que nous avons constatées dans son œuvre, les concernent et ont trait aux institutions sacerdotales et lévitiques. Aussi parle-t-on couramment du « lévitisme » du chroniste. — 5. Enfin, le chroniste a constamment envisagé l’histoire de Juda dans ses rapports avec la religion monothéiste, révélée par Dieu à son peuple, et dans les sanctions divines, attachées à la fidélité ou à l’infidélité de Juda. Les règnes sont jugés favorablement ou défavorablement, selon que les rois ont été monothéistes ou idolâtres, et conformément aux promesses divines, les princes fidèles à Dieu ont été bénis et récompensés, et les princes infidèles et coupables punis et châtiés. Manassé repentant est sorti de captivité et est remonté sur le trône.

Cela étant, on est généralement d’accord aujourd’hui à reconnaître que le but du chroniste a été d’écrire l’histoire religieuse de Juda ou plutôt celle du culte judaïque. Kuenen appelait son çeuvre la chronique du Temple ; Reuss, la chronique ecclésiastique de Jérusalem ; Wildeboer y voit l’histoire sainte de Juda. Le P. de Hummelauer, Commenlarius in Paralipomenon, Paris, 1905, t. i, p. 203-205, pense que le chroniste ne voulait rapporter que l’histoire du sanctuaire de Jérusalem. Écrivant aprè, s le retour des Juifs captifs à Jérusalem, il a voulu inspirer à ses contemporains le respect du culte récemment restauré et promouvoir chez les prêtres, les lévites et les fidèles, son obvervation exacte et précise. C’est pourquoi il relate avec détails son organisation sous les pieux rois David et Salomon, ses splendeurs et, après des éclipses regrettables, sa restauration sous Josaphat, Ézéchias et Josias. De son temps, le nombre des rapatriés était peu considérable, peu de lévites étaient revenus de Babylone, le Temple réédifié était moins spacieux et moins riche que l’ancien. Le chroniste veut encourager, sinon à rebâtir ce Temple,

du moins à l’honorer et y pratiquer avec religion les cérémonies et les fêtes rétablies comme dans l’ancien Juda. Il propose pour cela les beaux exemples dupasse, ceux des rois pieux, et il montre qu’ils ont été récompensés de leur piété, tandis que les rois impies ont été châtiés. D’ailleurs, l’observation des’prescriptions du culte était la marque visible de l’obéissance des Juifs au Dieu de l’alliance et des promesses. La communauté postexilienne devait s’instruire aux leçons du passé et observer la loi et le culte, si elle voulait persévérer dans l’alliance contractée par ses ancêtres et avoir part aux bénédictions, promises à la fidélité, et écarter d’elle les malédictions, prédites à l’infidélité. Le chroniste remettait donc sous les yeux de ses contemporains les exemples de l’histoire dans le dessein de favoriser l’observation de la loi et la pratique du culte ; secondairement, il se proposait encore, semble-t-il, d’honorer les lévites, leur ministère, leurs fonctions, peu appréciées, et d’encourager le petit nombre des lévites rapatriés à la pratique régulière de leur service. Il revendique aussi leurs droits, contestés peut-être.

Le P. de Hummelauer y ajoute comme but accessoire le soin de recueillir dans son œuvre, ne pereant, des documents, n’ayant qu’un rapport éloigné avec ce but. Ainsi, selon lui, op. cit., t. i, p. 47-49, le livre des généalogies, placé en tête de l’histoire religieuse de Juda, n’a pour but ni de préparer cette histoire, ni de résumer sous forme de tableaux généalogiques l’histoire de la tribu de Juda, à laquelle appartenait David, ni de fournir des renseignements chronologiques sur les principales familles juives rapatriées. Le chroniste, en le plaçant en tête de son œuvre propre, a voulu seulement préserver de la ruine et transmettre à)a postérité des documents intéressants pour l’histoire et peu connus. De même, les documents statistiques, reproduits dans l’histoire des rois de Juda, sans avoir avec elle un lien étroit et nécessaire, ont été insérés dans sa trame pour être conservés plus sûrement. Ces catalogues de guerriers, de lévites, ces listes de fonctions à remplir sont peut-être d’auteurs différents. Quelle que soit leur origine, le chroniste les a cités intégralement aux endroits où son récit faisait allusion à leur contenu, pour qu’ils ne soient pas perdus, p. 207-211.

VI. Date. — Le livre des Paralipomènes a certainement été écrit après la fin de la captivité des Juifs à Babylone. Une partie de l’édit de Cyrus, autorisant les captifs à rentrer dans leur patrie, est citée à la fin du livre. II Par., xxxvi, 22, 23. Bien que le récit s’arrête antérieurement à l’application de cet édit, sa rédaction est cependant postérieure aux derniers événements racontés. En effet, la généalogie de la race de David est continuée, I Par., iii, 19-24, au delà de Zorobabel, le contemporain de la restauration de 538. Les sommes" destinées à la réédification du Temple sont estimées en dariques, monnaie perse. I Par., xxix (héb.). Le point de vue de l’auteur, nous l’avons déjà dit, est postérieur au retour de l’exil, et la langue elle-même trahit l’époque qui a suivi la restauration.

Si les critiques sont d’accord pour la fixation générale de cette date, ils sont d’avis différents lorsqu’il s’agit d’en préciser la limite extrême. Les critiques conservateurs et la majorité des exégètes catholiques ne dépassent pas la domination perse et s’arrêtent à l’époque même d’Esdras. Le but indiqué plus haut correspond à cette date. La mention des dariqnes est plus naturelle à l’époque perse que sous les Séleucides. Le nom de bîrâh donné au Temple, I Par., xxrx, 1, 19, suppose un écrivain antérieur à Néhémie. Celui-ci ayant, en effet, construit à Jérusalem, sur le modèle des fopteresses des villes perses, une bîrâh, distincte du Temple, on n’aurait pu après lui, sans créer de confusion et d’équivoque, désigner par ce terme la maison de Dieu. Enfin, si Esdras est l’auteur des Paralipomènes, la composi

tion du livre a eu Heu à la date indiquée. Mais d’autres Critiques descendent jusqu’à la fin de l’époque persane, ou au commencement de la domination macédonienne, ou même à l’âge des Séleucides. La généalogie de la race de David est poussée dans le texte hébreu jusqu’à la sixième génération des descendants de Zorobabel. En comptant trente ans pour chaque génération, ce calcul conduit jusqu’au milieu du IVe siècle. Dans le texte grec, cette généalogie va même jusqu’à la onzième génération, c’est-à-dire vers l’an 200 avant Jésus-Christ.’Le livre qui la contient n’est donc pas antérieur à 350, si même il n’est pas postérieur à la chute de l’empire perse. Si le texte continue la généalogie de Zorobabel, I Par., iii, 21-24, ce qui est controversé, celle-ci dépasse certainement l’époque d’Esdras. Mais elle a pu être continuée par une main étrangère et la comparaison du texte hébreu et du texte grec fournit la preuve évidente de cette continuation, au moins dans le g, vec. Des noms’ont donc été ajoutés à cette liste. Si le fait est certain pour la recension grecque, il est possible, sinon probable, même pour la recension hébraïque. Le texte est, d’ailleurs, en mauvais état et rempli d’obscurités au point qu’on s’est demandé si les dernières familles mentionnées se rattachaient à Zorobabel ou n’étaient pas des familles contemporaines. Cette généalogie dans son état actuel n’est donc pas un motif suffisant de retarder la composition du livre. La mention des dariques a été présentée comme un indice d’une rédaction tardive, l’emploi de cette monnaie perse ayant continué au commencement de la domination grecque. Une autre confirmation de la composition tardive est tirée de l’ensemble de l’œuvre. On y remarque partout non seulement l’esprit du judaïsme postexilique et l’influence prépondérante de la législation sacerdotale ; mais, en outre, les institutions d’Esdras y paraissent anciennes, ayant un caractère stable et définitif. Enfin, si les Chroniques n’ont formé primitivement qu’un écrit avec les livres actuels d’Esdras et de Néhémie, voir t. IV, col. 1577, leur rédaction est postérieure aux Mémoires de ces hommes, Mémoires qui font partie de la compilation. Dans ces conditions, les Paralipomènes ne seraient pas antérieurs au IVe siècle. A cause de la généalogie de Zorobabel, ils n’auraient pas été écrits plus tôt que vers 350 (Driver). Aux yeux de la plupart des critiques, rien n’empêche qu’ils ne l’aient été après 300 (Ewald, Bertheau, Schrader, Dillmann, Bail, ’Œttli), vers 250 (Kuenen, Cornill, Wildeboer), vers 200, sinon plus tard (Nôldeke).

VIL Auteur. — 1° Une opinion assez répandue regarde Esdras comme l’auteur des Paralipomènes. Elle s’appuie sur le sentiment des rabbins qui, dans le Baba Bathra, disaient qu’Esdras a écrit son livre et les généalogies des Paralipomènes jusqu’à lui. Comme les généalogies n’ont jamais été à part du livre entier, Esdras a donc composé le tout. Saint Isidore de Séville, De offic. eccl., i, 12, n. 2, t. lxxxiii, col. 747, déclarait que les sages de la synagogue ont rédigé les Paralipomènes. Or, on pense qu’il s’agit des membres de la Grande Synagogue, dont Esdras était le président. Au moyen âge, si Hugues de Saint-Cher, In Par., prol., Opéra, Cologne, 1521, t. i, p. 310, ignoré le nom de l’auteur du livre, Nicolas de Lyre, se fondant sur la tradition juive, n’hésite pas à proclamer Esdras auteur de ce livre. In Par., arg.Tostat, litPar., Opéra, t. vii, p. 81, confirma cette affirmation par des arguments internes. À partir de Sixte de Sienne, Bibliotheca sancla, t. i, p. 12, ce fut l’opinion commune parmi les catholiques. Quelques protestants s’y sont ralliés. Ce que nous avons dit plus haut du but, de la date et des caractères des Paralipomènes peut servir à confirmer l’attribution du livre à Esdras, puisque tout cela se rapporte à son tempsLa citation de l’édit.de Cyrus, faite en partie II Par., xxxvi, 22, 23, et intégralement IEsd., I, trahirait aussi la même main. La façon brusque et abrupte dont elle se termine dans le premier cas ne

s’explique complètement que dans l’hypothèse suivant laquelle le même historien se proposait de reproduire tout le texte dans un autre ouvrage qui ferait suite au précédent. Enfin, on constate dans les deux livres, les Paralipomènes et le Ie’livre d’Esdras, le même goût pour les généalogies, les catalogues et pour tout ce qui tient au culte sacerdotal et à la tribu de Lévi, dont les fonctions sont exprimées en termes presque identiques. La ressemblance du style prouve encore l’unité d’auteur. On remarque dans les deux ouvrages les mêmes mots, les mêmes constructions grammaticales, l’emploi de nombreuses prépositions, certaines locutions particulières, ayant une signification propre, telles que kammispat, « selon la loi de Moïse », I Par., xxiii, 31 ; II Par., xxx, 16 ; xxxv, 13 ; I Esd., iii, 4 ; IIEsd., vm r 18, et de nombreux chaldaïsmes.

2° Mais les critiques récents, qui regardent les Paralipomènes comme une compilation de divers documentset qui pensent que primitivement ces deux livres, réunis à ceux d’Esdras et de Néhémie, formaient un seul ouvrage, n’attribuent plus à Esdras le travail de compilation. L’auteur inconnu, insérant dans sa Chronique les Mémoires d’Esdras et de Néhémie, n’est pas un contemporain de ces deux héros, ni un témoin et un collaborateur de leur réforme religieuse. Il appartient à une époque plus récente, assez lointaine pour parler déjà des « jours de Néhémie ». Voir col. 1576. Les ressemblances de fond et de style entre les Paralipomènes et le I Br livré d’Esdras s’expliquent fort bien dans cette hypothèse et restent des indices de l’unité d’auteur. Quant à la double reproduction de l’édit de Cyrus, elle est due à la coupure faite par les premiers copistes qui ont opéré la séparation des écrits. Le nom du rédacteur ne nous a pas été transmis ; mais puisqu’il a écrit une Chronique de Juda, on le nomme couramment le chroniste. Sa sollicitude spéciale pour les lévites et les chantres du Temple a fait supposer à plusieurs qu’il était lui-même un lévite et un chantre de Jérusalem.

L’abbé Paulin Martin, Introduction à la critique générale de l’Ancien Testament (lith.), Paris, 1887-1888, t. ii, p. 153-168, reconnaissait volontiers ce caractère composite et unique de l’œuvre primitive au moins pour les Paralipomètes et le I 6r livre d’Esdras. Il pensait que la Chronique isolée, au moins le midrach dont elle dérive, sauf des interpolations postérieures, aurait été composée vers 530, peu après la publication de l’édit de Cyrus. Esdras l’aurait jointe à son livre, et le tout aurait été complété par Néhémie. Le P. de Hummelauer distingue le livre des généalogies, I Par., i-ix, de la Chronique. Le premier a été formé par un benjamite, après la fin de la captivité, comme collection des généalogies dressées avant l’exil : c’est le livre des généalogies des douze tribus. I Par., i-vm. Il a été continué, c. ix, en vue de dresser la généalogie du peuple élu, mais n’a pas été achevé. Ce n’est peut-être pas le chroniste qui l’a joint à son œuvre propre, qui est l’histoire du sanctuaire de Jérusalem.

VIII. Style. — Le langage du chroniste est des plus caractéristiques. Le vocabulaire et la syntaxe présentent de nombreuses expressions ou formules qui sont tout à fait spéciales et ne se rencontrent pas dans les autres livres de l’Ancien Testament ou ne se lisent isolées que dans les écrits bibliques les plus récents. Ces mots spéciaux et ces particularités de syntaxe sont fréquents dans les Paralipomènes et sont réellement des expressions personnelles du chroniste. Driver, Einleitung in die Litteratur des alten Testaments, trad. RothsteiD, Berlin, 1896, p. 572-576, a dressé la liste des 46 plus importantes. Cf. Clair, Xes Paralipomènes, Paris, 1883, p. 53-55. Le style du chroniste se caractérise encore par l’emploi d’archaïsmes. Par exemple, la liaison des phrases par-ratN, des expressions rares, des mots et des constructions poétiques. Il comporte aussi des mots

hébreux nouveaux. Ces particularités sont dues au style personnel de l’auteur plutôt qu’elles ne conviennent à l’époque à laquelle il appartenait.

IX. Sources. — 1° Livres antérieurs et canoniques de l’Ancien Testament. — Il est hors de conteste que l’auteur du livre des généalogies n’ait extrait ses tableaux généalogiques, I Par., i, 1-n, 2, de la Genèse, puisque ces extraits ou résumés sont dans le même ordre que les récits de la Genèse. Il a fait anssi des emprunts à l’Exode, aux Nombres et au livre de Josué. II ne dépend en rien du Lévitique ni du Deutéronome. On ne constate non plus aucun point de conlact entre son livre et les Juges, de telle sorte qu’il se pourrait, quoique cela soit peu vraisemblable, qu’il ne connaissait pas ces derniers. Les livres de Samuel et des Rois étaient certainement sous les yeux du chroniste lorsqu’il écrivait. Il les a largement utilisés, en faisant un choix, parfois surprenant, de leurs matériaux qu’il appropriait à son but. On a constaté dans 45 passages environ l’accord verbal et réel avec cette source. Voir le tableau dressé par Cornill, Einleiiuvg in das A. T., 3e et 4e éd., Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1896, p. 121122, et par F. de Hummelauer, Comment, in Paralipomenon, t. i, p. 205-206. On a nié le fait, à cause des divergences que présentent les récits communs, et l’on a supposé que les passages à peu près identiques s’expliquaient suffisamment par la communauté des sources consultées. Mais les Paralipoménes ne ressemblent pas aux livres de Samuel et des Rois sous le rapport du contenu seulement ; ils s’en rapprochent aussi au point de vue du groupement des faits et de l’ordre suivi. Le chroniste reproduit aussi certaines particularités qui n’ont leur raison d’être que dans ces livres. Enfin, il copie souvent des phrases entières de ces sources. Un tel accord ne s’explique pas suffisamment par la communauté des sources consultées de part et d’autre, à moins de prétendre que ces sources ressemblaient parfaitement aux livres de Samuel et des Rois. Si le chroniste n’a pas connu la dernière rédaction de ceux-ci, il était du moins au courant de leur contenu et sous une forme très rapprochée du texte définitif. Driver estime même, à rencontre de Noldeke, que la plupart des jugements sur les rois de Juda ont été formulés par le rédacteur du livre des Rois. Il en résulte que le chroniste, qui les reproduit, a consulté ce livre lui-même et pas ses sources.

2° Autres sources écrites. — Le chroniste cite les litres des sources qu’il a consultées pour écrire l’histoire de la plupart des rois de Juda. Ainsi, dans l’histoire de David, il signale les Annales de ce roi, I Par., xxvii, 24, les paroles de Samuel le voyant, celles de JHathan le prophète et celles de Gad le voyant. I Par., xxtx, 29. L’histoire de Salomon est racontée d’après les paroles du prophète Nathan, la prophétie d’Ahia de Silo et la vision d’Addo le voyant concernant Jéroboam, fils de Nabat. II Par., ix, 29. Le règne de Roboam est narré d’après les paroles de Séméias le prophète et d’Addo le voyant, II Par., xii, 15 ; celui d’Abia, d’après le midrasch du prophète Addo, II Par., xiii, 22 ; celui d’Asa, d’après le livre des rois de Juda et d’Israël, II Par., xvi, 11 ; celui de Josaphat, d’après les paroles de Jéhu, fils de Hanani, qui sont insérées dans le livre des rois d’Israël, II Par., xx, 34 ; celui de Joas, d’après le midrasch du livre des Rois, II Par., xxiv, 27 ; celui 4’Amasias, d’après le livre des rois de Juda et d’Israël, Il Par., xxv, 26 ; celui d’Osias, d’après un écrit d’Isaïe, II Par., xxvi, 22 ; celui de Joatham, d’après le livre des rois d’Israël et de Juda, II Par., xxvii, 7 ; celui d’Achaz, d’après le livre des rois de Juda et d’Israël, II Par., xxviii, 26 ; celui d’Ézéchias, d’après la vision du prophète Isaïe et le livpe des rois de Juda et d’Israël, II Par., xxxii, 32 ; celui de Manassé, d’après les paroles -des voyants, qui sont contenues dans les annales des

rois d’Israël, et d’après les paroles d’IIozaï, II Par., xxxiii, 18, 19 ; celui de Josias, d’après le livre des rois de Juda et d’Israël, II Par., xxxv, 26-27 ; de même que celui de Joakim. II Par., xxxvi, 8. Les sources ne sont pas indiquées pour les règnesde Joram, d’Ochozias, d’Athalie et des trois derniers rois, Joachaz, Jéchonias et Sédécias. Le livre des rois d’Israël et de Juda est encore mentionné, I Par., ix, 1, comme contenant toute l’histoire d’Israël.

Les documents cités sont de deux sortes : les uns sont historiques, les autres prophétiques. Quelquesuns des premiers sont caractérisés par le nom de midrasch. Différentes questions se sont posées à leur sujet. D’abord, toutes ces sources sont-elles distinctes ? On reconnaît généralement aujourd’hui que le livre des rois de Juda et d’Israël, le livre des rois d’Israël et de Juda et les Actes ou Annales des rois d’Israël ne sont qu’une seule, et unique histoire des rois de Juda et d’Israël, citée sous trois titres différents. Bien que les références soient exclusivement faites à propos des rois de Juda et bien que le titre complet « livre des rois de Juda et d’Israël » soit cité même après la chute du royaume d’Israël, pour les règnes de Josias et de Joakim, il est très vraisemblable que cette source unique contenait l’histoire des rois des deux. royaumes. Le nom d’Israël seul pouvait convenir à la collectivité. Lé chroniste ne s’occupant que de Juda n’a fait aucun emprunt à l’histoire d’Israël. Les Annales du roi David mentionnées I Par., xx vii, 24, faisaient peut-être partie aussi du livre des rois d’Israël et de Juda, ou formaient un ouvrage indépendant. Quoi qu’il en soit, le livre des rois d’Israël n’était pas, de l’avis général, identique aux Annales citées comme source dans le livre canonique des Rois, nonobstant la ressemblance des titres. Ges Annales, en effet, semblent avoir formé deux ouvrages distincts, racontant séparément l’histoire des deux royaumes, tandis que le livre des rois d’Israël et de Juda paraît être un ouvrage unique sur les deux royaumes.

Quant aux écrits attribués aux prophètes, on les a considérés de diverses manières. Movers voyait dans les debarim de Samuel, de Nathan et de Gad les deux livres dits de Samuel. Ce sentiment ne peut se soutenir, puisque le chroniste tire de ces sources des renseignements qui ne se retrouvent pas dans ces deux livres. Pour d’autres, par exemple Driver, les paroles, visions et écrits des prophètes semblent cités par le chroniste comme des œuvres distinctes. Ce seraient alors des monographies, rédigées par les prophètes dont elles portent le nom. Voir col. 1482. Mais on ignore si elles étaientdes prophéties proprement dites, qui, comme celles d’Isaïe, xxxvii-xxxix, contenaient le récit de divers événements des règnes, ou des récits historiques strictement dits. Cependant les critiques modernes pensent généralement que les sources, attribuées à des prophètes, étaient, elles aussi, diverses parties du même ouvrage sur les rois. Toutes, en effet, à l’exception de trois, sont citées au sujet des règnes de David, Salomon, Roboam, Abia, Josaphat, Osias, Ézéchias et Manassé, pour lesquels le chroniste ne renvoie pas au livre des rois. Les renseignements, empruntés aux écrits prophétiques, complètent donc ce livre. N’est-ce pas un indice qu’il n’y a pas double emploi et que toutes ces sources ne sont qu’un même livre cité sous des titres différents ? Les trois exceptions ne font pas difficulté. Deux, en effet, les « paroles de Jéhu » et la « vision d’Isaïe », sont rapportées comme étant dans le livre des Rois. II Par., xx, 34 ; xxxii, 32. Dans le second cas cependant, quelques manuscrits des Septante ont la conjonction xai entre les mots « prophète » et « dans » ; cette leçon, si elle était authentique, désignerait deux ouvrages distincts. Dans le troisième cas, au sujet de Manassé, II Par., xxxiii, 18, le texte laisse entendre,  :

quoique moins clairement, que les paroles des voyants (ou. d’Hozaï) faisaient partie du livre des rois. Cette identification toutefois n’est qu’une hypothèse, qui serait renversée s’il était démoutré qu’un des écrits prophétiques cités, tel que, par exemple, le midrasch du prophète Addo, II Par., xiii, 22, était un ouvrage distinct. L’identité admise, on peut conjecturer que le livre des Rois était divisé en sections, dont la plupart étaient attribuées à un prophète contemporain des faits rapportés.

Quant au Midras séfer ham-meldkîm, cité II Par., xxiv, 27, on ne peut affirmer avec certitude qu’il était identique au livre des rois de Juda et d’Israël ni qu’il formait une œuvre indépendante, dérivée du premier qu’il développait sous forme de midrasch. Dans la première opinion, qui est’celle de Berthëau, Hâverniek, Keil, Nôldeke, Kuenen et Wildeboer, le chroniste n’aurait eu qu’une source unique, portant le titre de midrasch ou, au moins, en ayant le caractère. Elle aurait été une rédaction plus développée des livres de Samuel et des Rois, faite en vue de l’édification. Dans la seconde, qui est celle de Strack et de Driver, il y aurait eu, à côté du livre des rois de Juda et d’Israël, reposant sur les mêmes documents que les livres canoniques des Rois, un midrasch, qui aurait été l’histoire des mêmes rois envisagée au point de vue religieux. Cf. Budde, Bemerkungen zum Midrasch des Bûches der Kônige, dans la Zeitschrift fiir die alttest. Wissenschaft, 1892, p. 37 sq.

Quoi qu’il en soit, tout en dépendant des livres canoniques de Samuel et des Rois, les Paralipomènes ont eu pour source principale le livre des rois d’Israël et de Juda, qui dérive lui-même des mêmes documents. Driver a résumé ces conclusions dans le schéma suivant :

1. Livre des chroniques des rois d’Israël.

2. Livre des chroniques des rois.de Juda.

.1.

Livre canonique des Rois.

Livredesroisd’IsraëletdeJuda.

_l

Livre canonique des Paralipomènes.

Cependant, il n’est pas démontré absolument que le chroniste ait consulté directement le livre canonique des Rois, et il se pourrait qu’il n’en dépende que médiatement, par le moyen du livre des rois d’Israël et de Juda. Cette dernière source étant perdue, on ne peut trancher la question. Seule, l’intluence, directe ou indirecte, du livre canonique des Rois sur les Paralipomènes est certaine.

3° Sources traditionnelles, écrites ou non. — En dehors des sources précédentes, le chroniste a consulté encore d’autres sources, soit des souvenirs traditionnels, soit des documents écrits. Ainsi, selon Driver, dans le livre des généalogies, les renseignements fournis I Par., iv, 22, 23, 39-43 ; v, 10, 19-22, viennent de cette origine. Ces listes étaient peut-être déjà rédigées, étant donné l’intérêt que les exilés portaient aux listes anciennes. De I Par., IX, 1, ce critique conclut que le livre des rois de Juda et d’Israël contenait des généalogies et des statistiques, reproduites ou utilisées par le chroniste.

Le P. de Hummelauer, op. cit., p. 207-211, a ébauché une théorie différente des sources du chroniste. Celuici, voulant écrire l’histoire suivie du sanctuaire de Jérusalem, depuis le règne de David jusqu’à la captivité, combine et relie les récits, relatifs à son sujet et empruntés au livre des Rois, avec quelques narrations spéciales concernant le Temple. Peut-être toutes les additions et modifications qu’il fait à sa source principale ne sont-elles pas tirées de documenta particuliers, et quelques-unes pourraient, sans détriment pour la vérité historique, avoir la forme du midrasch et n’être que des développements édifiants des récits des Rois. En outre,

DICT. DE LA BirLE.

le chroniste complète son récit par des narrations relatives aux lévites et tirées d’un autre document. Enfin, il y insère, ne pereant, des documents statistiques qui n’ont pas un rapport étroit avec son but propre et qui auraient pu être omis sans qne la trame de son histoire en fût brisée. Le P. de Hummelauer range encore dan* J cette dernière catégorie le Psaume chanté à la solennité de la translation de l’arche. I Par., xvi, 8-36. Ces sources se distinguent par leur caractère propre. Les narrations sur le Temple, qui sont très ressemblantes, formaient probablement un écrit unique, composé dans le même style diffus et ample, et contenant un récit non strictement historique, mais plus libre, présentant, sous la forme d’une véritable histoire, quelque liberté épique. Celles qui concernent les lévites ont un autre caractère et proviennent d’un auteur différent qui se complaît dans les noms de personnes et de lieux. Elles se rapprochent donc des documents statistiques qui, eux, quoique semblables par la forme extérieure, peuvent être distincts d’origine.

X. Autorité historique ou crédibilité. — Suivant l’expression de Cornill, la question de la valeur historique des récits des Paralipomènes est la question capitale. Pour les faits racontés à la fois dans ce livre ou dans les autres livres canoniques antérieurs, il n’y a pas de grave difficulté. Les termes étant souvent identiques eu à peu près, on en conclut que l’auteur des Paralipomènes a emprunté à ces livres les récits qui allaient à son but. Leur valeur historique est donc la même que "celle de là source utilisée. Mais la difficulté naît au sujet des récits propres au chroniste, à propos de ses particularités et des nombreuses additions qu’il a faites au livre des Rois et qui concernent en majeure partie le Temple et les lévites.

D’anciens critiques déclaraient catégoriquement que toutes les particularités du chroniste étaient de son invention, qu’il avait imaginé même les titres des ouvrages auxquels il se réfère, qu’il n’avait pas eu d’autres sources que les livres canoniques antérieurs, , et qu’il ne les avait pas compris, les remaniant, les embellissant et les altérant volontairement. Ces critiques rejetaient donc en bloc comme dénués de toute crédibilité tous les renseignements propres au chroniste. Telles étaient les conclusions de de Welte, Historischkritische Untersuchung ûber die Bâcher der Chronik, dans Beitràge zur Einleitung indas A. T., Halle, 1806, t. î, p. 3-132 ; Einleitung, 7e édit., Berlin, 1852, p. 237259 ; deGramberg, Die Chroniknach ihvem geschichtlichen Charakter und ihrer Glaubw iirdigkeit geprùft, Halle, 1823 ; de Graf, Die geschichtliche Bûcher des A. T., Leipzig, 1866, p. 114-247 ; et en partie de Reuss, Geschichte des A. T., p. 517. Wellhausen, Prolegomena zur Geschichte Isræls, 2e édit., Berlin, 1883, p. 177239, a accumulé les objections contre les récits du chroniste. Il lui a reproché ses omissions, le silence qu’il garde sur les faits défavorables à David et à Salomon, l’altération de ses sources, la couleur qu’il donne à certains faits, dans lesquels interviennent les prêtres, les lévites, les chantres et les musiciens du Temple. Selon lui, le chroniste juge le passé d’après le code sacerdotal, qui est d’origine récente, idéalise les événements en conformité avec cette loi et façonne un ancien peuple d’Israël à l’image de la communauté juive des temps modernes. Il lui reproche d’exagérer les fails et de grossir les chiffres d’une façon démesurée, notamment dans les affaires militaires. L’armée de David, I Par., xii, 23-40 ; xxi, 5, atteint des proportions colossales. Les prisonniers cle guerre et les victimes immolées aux jours de bataille sont parfois augmentés d’une façon invraisemblable. Au sujet de la construction du Temple, IPar., xxii, xxix, les proportions de l’édifice sont réduites, tandis que les préparatifs de la construc tion sont exagérés. D’autres faits sont transformés et

IV. - 68 2U7_

    1. PARALIPOMÈNES##

PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES)

2148

surnaluralisés et beaucoup sont coritrouvés. Le chroniste ne mérite donc aucune confiance.

Ces conclusions sévères ne sont plus guère adoptées dans leur rigueur par les critiques plus récents, qui les atténuent notablement. Les anciens critiques, en effet, méconnaissaient à tort l’existence, de certains documents, listes et recueils, accessibles au chroniste et utilisés par lui. Ils attribuaient à cet auteur une faculté d’invention que rien dans son œuvre n’autorise à admettre si riche et si productive. Il apparaît plutôt comme un compilateur, de documents. Le soin avec lequel il indique les sources consultées par lui est une garantie de son exactitude et de la diligence avec laquelle il a recueilli tous les renseignements propres à lui faire connaître la vérité. Il a donc travaillé d’après des documents antérieurs qu’il reproduit parfois textuellement, et il est impossible d’attribuer tous ses récits propres à des fictions ou à des falsifications volontaires. D’ailleurs, la manière dont il utilise les sources est mise en évidence par la comparaison de ses récits avec les récits parallèles du livre des Rois. L’accord est cottiplefpour les points essentiels, et les variantes ne sont, pour le fond, que des détails mieux précisés et plus développés, et pour la forme, des différences d’expression et de style, qui s’expliquent par le but parénétique et didactique de l’historien. Il faut en conclure que le chroniste a mis le même soin à utiliser les autres sources dont il cite les titres et qui ne nous sont pas parvenues, bien que nous ne puissions pas faire le contrôle. Par comparaison avec ce qu’il a fait du livre des Rois, nous pouvons affirmer que, s’il les a modifiés pour les rendre conformes à son but, il n’a pas changé la vérité objective des faits ; il a seulement donné à son récit une empreinte subjective et personnelle qui lui est particulière, et le distingue de l’exposition plus objective du livre des Rois.

Ces conclusions ont été soutenues et la véracité du chroniste défendue contre les attaques des anciens rationalistes par des écrivains protestants et catholiques. Voir Dahler, De librorum Paralipomenon auctoritate atque fide historica, Strasbourg, 1819 ; un anonyme catholique, dans Theologische Quartalschrift, 1831, p. 201-261 ; Movers, Krilische UntersucKungen ùber die biblische Chronik, Bonn, 1834 ; Keil, Apologetisc /ier Versuch ùber die Bûcher der Chronik, Berlin, 1833 ; Einleitung, 3e édit., p. 461-476 ; Dillmann, Chronik, dans Realencyklopâdie fur Théologie, de Herzog, 1854, t. ii, p. 693 ; Welte, Einleitung, t. H, p. 161231 ; E. Nagl, Die nachdavidische Kônigsgeschichle Isræls ethnogruphisch und geographisch Beleuchtet, Vienne, 1905.

Enfin, des faits qui sont relatés dans les Paralipomènes et dont l’authenticité était mise en suspicion par les critiques modernes, ont été heureusement confirmés par les découvertes récentes. Sur la prise de Jérusalem par Sésac, II Par., xii, 2-9, et sur l’invasion des Moabites en Palestine, II Par., XX, voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, & édit., Paris, 1896, t. iii, p. 416-422, 464-474. D’autres faits ont été rendus très vraisemblables par la connaissance plus approfondie que nous avons des choses de l’Assyrie. Sur la captivité de Manassé à Babylone, voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1890, t. iv, p. 62-67. Cette confirmation inattendue peut donner l’espoir que de nouvelles découvertes justifieront encore sur d’autres points contestés l’exactitude du chroniste. . Cependant, les critiques plus récents cherchent à tenir un juste milieu entre ces deux positions opposées. Ils ne peuvent considérer tous les récits propres du chroniste comme sûrs et authentiques, puisque, prétendent-ils, quelques-uns sont en désaccord formel avec le livre des Rois. Ils ne nient pas que le chroniste ait utilisé des sources antérieures autres que ce livre canonique ;

ils discutent seulement la Valeur historique dé ces sources, ou la manière dont le chroniste les a employées. Sans dénier la part de la tradition qu’on ne doit pas négliger, surtout à propos des coutumes religieuses, ils se tiennent sur la réserve relativement à ce que le chroniste rapporte de l’organisation de la tribu sacerdotale et à quelques points particuliers. On ne peut rejeter en bloc les additions du chroniste et chacune d’elles doit être examinée séparément et pour elle-même. Quant aux modifications, abstraction faite de celles qui sont dues aux copistes et qui sont assez nombreuses, au moins dans les généalogies, et de celles qui proviennent de la diversité des sources, il en reste auxquelles l’esprit de tendance ne paraît pas étranger, par exemple celle qui rattache Samuel à la tribu de Lévi. À cette cause ils rapportent aussi le grossissement des chiffres, le classement chronologique des événements de quelques règnes, par exemple ceux d’Asa et de Josias, l’influence des idées théologiques de l’époque postérieure au retour de la captivité, l’importance donnée aux lévites dans les solennités antérieures à l’exil, le patriotisme et le royalisme du chroniste, et sa croyance stricte à la doctrine de la rétribution ici-bas. Le chroniste aurait donc vu parfois l’histoire ancienne à travers un prisme, et il aurait décrit le passé avec les couleurs de son temps. En tout cela, sa bonne foi serait hors de cause. Quoi qu’on pense de ses procédés et de son système, son honnêteté est incontestable. Il n’a pas cru ni voulu tromper ses lecteurs ou fausser l’histoire. Il s’est borné à raconter l’histoire telle qu’elle aurait dû se passer, si les institutions contemporaines avaient déjà existé. Il a transporté en arrière le présent, sur lequel il nous renseigne très fidèlement. Cf. A. Kuenen, Histoire critique des livres de l’A. T., trad. franc., Paris, 1866, t. i, p. 482-495 ; Cornill, Enleitung in dos A. T., p. 122-125 ; L. Gautier, Introduction à l’Ancien Testament, t. ir, p. 370-378. Sa méthode n’est pas strictement historique. Il met dans la bouche de ses personnages des discours qu’ils n’ont pas tenus ; il juge leurs actes d’après son propre point de vue. Il reproduit fidèlement les idées théocratiques de son temps. Il laisse hors de son cadré tout ce qui est étranger. On se tromperait en pensant qu’il a cru par son silence cacher les faits défavorables à David et à Salomon ; ils étaient connus de ses contemporains. Son silence s’explique plutôt par les circonstances de son époque : il fortifie la foi de son temps en traçant une image idéale du passé. Ses contemporains envisageaient l’histoire comme lui. Personne ne doutait alors que les choses se soient passées telles qu’il les décrit. Dans l’ensemble donc, il reproduit les idées traditionnelles, mais développées sous une forme littéraire spéciale et en vue de l’enseignement et de l’édification. Driver, Einleitung in die Litteratur des alten Testaments, trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 569571 ; Strack, Einleitung in das A. T., 6e édit., Munich, 1906, p. 163-164.

Le P. de Hummelauer, op. cit., t. i, p. 5, se propose d’examiner plus tard si les récits des Paralipomènes sont strictement historiques, ou s’ils exposent l’histoire sous une forme plus libre que celle que suivent les historiens modernes. Il admet déjà, p. 210, que les différences entre les Paralipomènes et le livre des Rois peuvent provenir non pas de sources spéciales, mais de la manière dont le chroniste utilise le livre des Rois, en en faisant, sous l’inspiration divine, une paraphrase ou un midrasch qui, tout en développant le récit primitif, ne le fait pas par des développements étrangers à la vérité historique. D’ailleurs, il a volontairement modifié le texte des Rois en remplaçant des termes obscurs et vieillis par des expressions plus claires et plus modernes, en omettant ou changeant à dessein quelques faits, en employant des euphémismes. Il voulait édifier ses lecteurs ; il ne se proposait pas d’écrire une histoire

complète. Il suivait les sources qu’il consultait et il ne forgeait pas les faits qu’il rapportait. Bref, inspiré de Dieu, il ne pouvait s’écarter de la vérité qu’il avait en vue conformément au genre de son récit.

En d’autres termes, les particularités qu’on reproche tant à l’auteur des Paralipomènes s’expliquent ou par les sources qu’il a utilisées ou par son but didactique et parénétique. Il n’avait pas en vue d’écrire une histoire critique, conforme à toutes les règles d’un art qui n’existait peut-être pas encore, au moins tel que le conçoivent les modernes, Il voulait parfois peut-être reproduire seulement les documents qu’il avait sous les yeux ; mais en les reproduisant, il pensait qu’ils étaient vrais et Dieu qui l’inspirait garantissait ainsi la vérité des faits tirés des sources consultées. Cf. C. Pesch, De inspiratione sacrée Scripturm, Fribourgen-Brisgau, 1906, p. 526, 539-540. Il écrivait l’histoire pour édifier ses lecteurs. L’histoire édifiante est-elle nécessairement fausse ? Elle ne le serait que si elle façonnait à dessein ses récits ; elle ne l’est pas, si elle omet ce qui ne va pas à son but, si elle fait ressortir les circonstances des événements et si elle les décrit complaisamment pour atteindre mieux sa fin propre. Telle est la manière d’agir du chroniste. Ces considérations générales suffisent à justifier sa véracité dans la plupart des cas. Pour les objections particulières, ce n’est pas le lieu de les résoudre. Notons seulement que celles qui concernent le culte au Temple et le service des prêtres et des lévites reposent sur l’hypothèse de l’origine récente et non mosaïque du code sacerdotal. Elles tombent par le seul fait que cette hypothèse n’est pas vérifiée. Quant aux chiffres grossis ou enflés, on peut en expliquer quelques-uns par des fautes de copistes, et rien n’est plus facile que l’altération des nombres dans des copies successives. D’ailleurs, il n’est pas vrai que, comparativement à ceux du livre des Rois, ils soient toujours invraisemblables dans les Paralipomènes. Quelques-uns reproduits dans ce livre sont, au contraire, pljis raisonnables et plus conformes à la vérité. Voir F. "Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1906, t. H, p. 143-150. Pour la solution d’autres objections, voir P. Martin, Introduction à la critique générale de l’A. T. (lith.), Paris, 1887-1888, t. ii, p. 29-153 ; R. Cornely, Introduclio specialis in historicos V. T. libros, part. i, Paris, 1881, p. 335-347 ; F. "Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1890, p. 68-74. Voir aussi col. 1602-1683.

XL État du texte. — 1° Hébreu. — Ce texte ne nous est pas parvenu dans sa teneur primitive. On y constate de nombreux passages altérés, surtout dans le livre des généalogies. Ces tableaux, si peu ordonnés et si peu systématiques, ont eu d’abord à souffrir des gloses complémentaires. De plus, les copistes les ont fort maltraités. Le texte, en effet, des neuf premiers chapitres des Paralipomènes est actuellement dans un état défectueux. Et cela se comprend aisément ; les erreurs de copie se produisent facilement dans la transcription des noms propres de personnes et de lieux. Aussi, par la comparaison avec les autres livres de la Bible, on constate de nombreuses altérations de ces noms dans les listes de Paralipomènes. Cf. Friedlànder, Die Verânderlichkeit der Namen in den StanimKsten der Bûcher der Chronik, Berlin, 1903. Dans la suite du livre, le texte est moins remanié et présente moins de fautes, au point de vue critique, que celui de beaucoup d’autres livres bibliques, et en particulier du livre des Rois. Il y a des fautes visibles à Fœil : I Par., xiv, 13 ; xx, 3 ; xxiv, 6 ; II Par., ix, 4 ; xviii, 29 ; xix, 8 ; xx, 25 ; xxviii, 16 ; xxxii, 4. L’âge de 42 ans, donné à Ochozias, II Par., xxii, 2, est manifestement le résultat d’une erreur de copie, car un fils p’est pas plus âgé que son père, et le passage correspondant, II Reg., viii, 26, Indique 22 ans. Voir aussi I Par., ix, 5 ; cf. II Esd., xi,

5 ; I Par., vi, 28 ; cf. I Sam., viii, 2. D’autres fautes proviennent de la différence d’écriture. Plusieurs des chiffres trop "élevés s’expliquent par des erreurs de transcription. F. Kaulen, Einleitung in die heïlige Schrift A. und N. T., 2= édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 204-205. u

2° Grec et latin. — Saint Jérôme constatait déjà de son temps leur mauvais état : Libère vobis loquor, ita et in greecis et latinis codicibus hic nominum liber vitiosus est, ut non tam hebrsea quam barbara qusedam^ et sarmatica nomina congesta arbiirandum sit. Nec hoc Septuagintainterpretibus…, sedscriplorum culpse adscribendum’dum deimmendatis inemendata scripr titant et ssepe tria nomina, subtractise medio sylla ? bis, in unum vocabulum cogunt, vele regione unum nomen propter latitudinem suam in duo vel tria vocabula dividunt. In librum Par. preefatio, t. xxix, col. 402. Le nombre des fautes de copiste a certainement grandi depuis l’époque de saint Jérôme, au moins dans les manuscrits des Paralipomènes. Les éditions critiques ont réduit le nombre de celles qu’elles in-, diquent parmi les variantes. Cf. Howorth, The true LXX version of Chronicles-Ezra-Nehemiah, dans Academy, 1893.

XII. Commentaires. — Ils ne sont pas nombreux. Leur petit nombre provient vraisemblablement du peu d’intérêt qu’on portait à des livres considérés comme de simples suppléments des autres livres canoniques.

— 1° Des Pères. — Grecs : Théodoret, Qusestiones in libros Paralipomenon, t. lxxx, col. 801-858 ; Procope de Gaza, In libros Paralipomenon (extraits du précédent), t. lxxxvii, col. 1201-1220, — Latins : pseudo-Jérôme, Qusestiones hebraicæ in Paralipomenon, t. xxiii, col. 1365-1402 (d’après Martianay, ibid., col. 1329-1330, leur auteur est du vne ou du vm" siècle) ; Raban Maur, Comment, in Par. (c’est le premier commentaire développé du livre, d’après les Pères), t. cix, col. 279-540 ; Walafrid Strabon en a extrait sa Glossa ordinaria, t. cxui, col. 629-692. — 2° Du moyen âge. — Hugues de Saint-Cher, dans Opéra, Cologne, 1521, t. î, p. 310344, et Nicolas de Lyre ont commenté les Paralipomènes comme les autres livres de la Bible dans leurs Poslillse ; Denys le chartreux, Enarratio in libros Par., dans Opéra, Montreuil, 1897, t. iv, p. 105-275 ; A. Tostat, Comment, in Par., dans Opéra, Venise, 1728, t. xvi, xvii. — 3° Dans les temps modernes. — 1. Catholiques.

— Serarius, Comment, posthuma in l. Reg. et Par., Lyon, 1613 ; Mayence, 1617 ; C. Sanchez, Comment, in l. Reg. et Par., Anvers, 1624 ; J. Bonfrère, Comment, in l. Reg. et Par., Paris, 1643 ; J. B. le Brun et N. le Tourneux, Concordia librorum Reg. et Par., Paris, 1691 ; Calmet, Commentaire littéral, 2e édit., Paris, 1724, t. iii, p. 1-246 ; trad. lat. dans le Cursus completus Scripturse sacrée de Migne, t. xi, col. 831-1460 ; Duguet et d’Asfeld, Explication des Rois et des Paralipomènes, Paris, 1738 ; L. Mauschberger, Comment, in l. Par., Esdræ, Tobiie, Judith, Esther, Olmulz, 1758 ; B. Neteler, Die Bûcher der Chronik, Munster, 1872, 1899 ; Clair, Les Paralipomènes, Paris, 1880 ; F. de Hummelauer, Commentantes in Paralipomenon, Paris, 1905, t. i. — 2. Protestants du xixe siècle. — E. Bertheau, Die Rucher der Chronik erklârt, Leipyig, 1854, 1874 ; C. F. Keil, Nachexilische Geschichtsb Cicher ; Chronik, Esra, Nehemia und Esther, Leipzig, 1870 ; trad. anglaise par Harper, dans Cook, The Holy Bible, Londres, 1873, t. iii, p. 155-384 ; G. Rawlinson, Chronicles, dans The Speaker’s Commentary, Londres, 1873, t. iii, p. 155-384 ; O. Zôckler, Die Bûcher der Chronik, Bielefeld, 1874 ; Bail, dans Comment, for english readers d’Ellicott, 1883 ; S. Œttli, Die Bûcher der Chronik, Esra und Nehemia, Munich, 1889 ; H. Bennett, The Books of Chronicles, 1894 ; W. E. Barnes, The Book of Chronicles, Cambridge, 1899 ; J. Benzin2151 PARALIPOMÈNES (LES DEUX LIVRES DES) — PARALYTIQUE 2152

ger, Die Bûcher der Chronik, Fribo urg-en-Brisgau, 1901 ; R. Kittel, Die Bûcher der Chronik, Gœttingue, 1902.

XIII. Bibliographie. — J. Danko, Bi&toria revela~ tionis divinse V. T., Vienne, 1862, p. -355-459 ; F. Kau]en, Einleitung in die heilig. Schrift. A. und N. T., 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 201-207 ; F. Vigoureux, Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1906, t. ii, p. 138-157 ; P. Marlin, Introduction à la critique générale de l’A. T. (lith.), Paris, 1887-1888, t.n, p. 8-167 ; R. Cornely, Introductio specialis in historicos V. T. libros, part. i, Paris, 1887, p. 311-350 ; Pelt, Histoire de l’A. T., 3e édit., Paris, 1902, t. H, p. 293-296 ; A. Kuenen, Histoire critique des livres de l’A. T., trad. franc., Paris, 1866, t. i, p. 442-495 ; Th. Nôldeke, Histoire littéraire de VA. T., trad. franc., Paris, 1873, p. 79-92 ; Cornill, Einleitung in das AT., 3e et 4e édit., Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1896, p. 119-128 ; Driver, Einleitung in die Litteratur des alten Testaments, trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 553-576 ; G. Wildeboer, Die Literatur des A. T., 2e édit., Goettingue, 1905, p. 404-409, 412-420 ; H. L. Strack, Einleitung in das A. T., 6<> édit., Munich, 1906, p. 161-164 ; L. Gautier, Introduction à l’A. T., Lausanne, 1906, t. ii, p. 306380 ; J. Hastings, À Diclionary of the Bible, art.Chronicles, Londres, 1898, 1. 1, p. 389-397.

E. Mangenot.

    1. PARALLÉLISME##

PARALLÉLISME, caractère particulier de la poésie hébraïque, consistant dans la correspondance des pensées et souvent même des mots. Voir Hébraïque (Langue), iv, 1°, t. iii, col. 489.

    1. PARALYSIE##

PARALYSIE, maladie qui atteint les muscles et diminue ou supprime la faculté de les sentir ou de les contracter, dans telle ou telle partie du corps. La suppression de la sensation s’appelle anesthésie ; elle est également partielle ou générale, accidentelle ou congénitale. Son nom grec, xapàXutriç, indique le relâchement cha système musculaire, Ce relâchement est souvent chronique, et la paralysie devient inguérissable quand elle tient à une lésion matérielle du système nerveux. — 1° La Sainte Écriture mentionne quelques cas de paralysie. À Béthel, quand Jéroboam étendit la main pour faire saisir le prophète qui lui annonçait le triste avenir réservé à son entreprise schismatique, sa main se dessécha et il ne put la ramener à soi. Son bras venait d’être frappé de paralysie. Cependant, à la prière du prophète, il en recouvra l’usage. III Reg., xin, 4-6. — 2° Un cas semblable se rencontre au temps de Notre-Seigneur. Un jour de sabbat, on lui présenta dans une synagogue un homme qui avait la main desséchée, ïripi, arida, c’est-à-dire décharnée et, par suite de l’oblitération de la contractilité dans les muscles, incapable de se mouvoir et de servir. Le divin Maître commanda à cet homme d’étendre la main ; celui-ci obéit, bien qu’il se sût naturellement incapable de le faire, et aussitôt il fut guéri d’un mal incurable en lui-même. Matth., xii, 10, 13 ; Marc, iii, 1, 5 ; Luc, vi, 6, 10. À la piscine de Bethesda, se trouvaient en grand nombre, au milieu des autres malades ou infirmes, des Zr, pol, aridi, qui avaient un ou plusieurs membres sans vie, atrophiés et paralysés. Joa., v, 3. — 3° La maladie dont mourut Alcime est ainsi décrite : « Alcime fut frappé et ses entreprises furent arrêtées ; sa bouche se ferma ; atteint de paralysie, il ne put plus prononcer une seule parole, ni donner aucun ordre au sujet des affaires de sa maison. Et Alcime mourut en ce temps-là dans de grandes tortures. » I Mach., IX, 55, 56. Josèphe, Ant. jud.î XII, x, 6, dit qu’Alcime, frappé d’un mal soudain, tomba à terre privé de la parole et mourut après de longs jours de tourments. Il est probable que le mal auquel Alcime succomba n’est pas la simple paralysie. Sous le nom de 7capàiu(ri « , les anciens comprenaient différents maux, la paralysie, l’apoplexie et

le tétanos. On croit que ce dernier fut celui qui frappa Alcime. Le trismus’ou convulsion des muscles de la mâchoire inférieure lui ôta l’usage de la parole ; la contraction s’étendit peu à peu aux autres muscles, les mouvements de la respiration et de la déglutition furent paralysés et le malheureux mourut dans les douleurs qui accompagnent le tétanos et aboutissent presque toujours à un dénouement fatal. — Cf. Gillet, Les Machabêes, Paris, 1880, p. 136 ; J. Daniel, De paralyticis, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. ii, p. 181-182. Dans le Nouveau Testament sont cités plusieurs autres cas de paralysie. Voir Paralytique.

H. Lesêtre.
    1. PARALYTIQUE##

PARALYTIQUE (grec : irapaXutix6ç ; Vulgate : paralyticus), infirme atteint de paralysie. — Un jour que Notre-Seigneur enseignait dans une maison de Capharnaùm, on lui apporta un paralytique à guérir. Mais, comme l’intérieur de la maison était inaccessible,

565. — Le paralytique guéri par Notre-Seigneur. Fragment desarcophage. — D’après Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 3e édit., 1889, p. 558. — Jésus est debout, la main., étendue pour bénir. À côté de lui est un personnage tenant desvolumes dans la main, probablement un scribe. Le paralytiqu& guéri est représenté plus petit que Notre-Seigneur, pour marquer son infériorité.

à cause de la foule, ceux qui portaient le paralytiquesur un grabat montèrent à la terrasse de la maison, , en ôtèrent plusieurs tuiles, de manière à pratiquer uneouverture suffisante, et firent descendre devant le divin Maître le grabat Sur lequel était étendu le malheureux infirme. Voir Maison, t. iv, col. 589. Notre-Seigneur commença par lui remettre ses péchés, puis lui dit : « Lève-toi, prends ton grabat et retourne chez toi. » L’infirme se leva aussitôt, prit son grabat et s’en alla devant la multitude (fig. 565). Matth., ix, 1-8 ; Marc, ii, 1-12 ; Luc, v, 17-26. Voir t. iii, fig. 62, col. 289. Une autre fois, le Sauveur fut sollicité à Capharnaùm par un centurion dont l’esclave était atteint de paralysie. Il promit d’aller le guérir, mais, sur les humbles instances de l’officier, il se contenta d’opérer la guérison à distance. Matfh., viii, 5-13 ; Luc, vii, 1-10. Ces miracles attiraient autour de Notre-Seigneur des malades de toutes sortes, entre autres des paralytiques, et il les guérissait. Matth., IV, 24. L’infirme que le Sauveur guérit à la piscine de Bethesda était probablement aussi un paralytique. On le conclut des détails que fournit le texte sacré : cet homme traînait son in

firmité depuis trente-huit ans, et, quand il essayait de se mouvoir pour se jeter dans la piscine après l’agitation de l’eau, il était toujours devancé par quelqu’un de plus agile. Ces traits se rapportent à la paralysie. Le Sauveur le guérit et lui commanda d’emporter son grabat, pour prouver ainsi à tous qu’il était à la fois capable de marcher sans soutien et même de porter un fardeau. Joa., v, 5-9. —A Samarie, l’apôtre saint Philippe guérit beaucoup de paralytiques. Act., viii, 8. A Lydda, saint Pierre guérit de même un paralytique, Énée, couché sur un lit depuis huit ans. Act., ix, 33, 31.

H. Lesêtre.

PARANYMPHE, du grec ic « fiâw(iptoc, celui qui est auprès de l’époux, wgiffo ; , qui fait les honneurs de la noce. L’écriture n’emploie pas le mot uapàvjucf>io.ç, mais elle mentionne celui qui chez les Hébreux remplissait des fonctions équivalentes à celles du paranymphe chez les Grecs, à ç&o ; toO vu[a ??ov, amicus sponsi. Joa., iii, 29. Voir Ami 2, 6°, t. i, col. 470. — Les trois synoptiques parlent des uioî tov vju.ç(5vo ; , qu’il ne faut pas confondre avec « l’ami de l’époux ». La Yulgate a traduit ces mots par filii sponsi, Matth., ix, 15 ; Marc, ii, 19 ; Luc, v, 34, mais ils auraient dû l’être par filii thalami, car vufiçwv signifie la chambre nuptiale. Cette locution, d’origine hébraïque, désigne les amis et les compagnons de l’époux qui conduisaient la fiancée dans la maison de l’époux.

hauteur d’appui. Le Deutéronome, sxii, 18, porte cette

566. — Maison antique égyptienne, dont le toit est entouré d’un parapet. Thèbes. — D’après Wilkinson, Marinera of the ancicnt Egyptians, 2e édit., fig. 132, t. i, p. 362.

prescription : « Quand tu bâtiras une maison neuve,

567. — Vue d’une ville phénicienne antique, avec ses toits plats et ses parapets. Koyoundjik. D’après Layard, Monuments of Nineveh, t. ii, pi. 40.

    1. PARAPET##

PARAPET (hébreu : ma’âqéh ; Septante : areçâviri ; Vulgate : murus tecti), balustrade ou garde-fou, mur à

tu feras un parapet autour de ton toit, afin de ne pas mettre du sang sur ta maison, si quelqu’un vient à

tomber de là. » Connue les toits des maisons orientales sont plats et servent de terrasse, il est nécessaire de prendre cette précaution, pour éviter les accidents, et on l’a prise dans tous les temps (fig. 566). Voir aussi fig. 180, 189, col. 590, 591 ; fig. 70, t. iii, col. 345. Autrefois comme aujourd’hui le parapet des toits en terrasse était tantôt plein, tantôt à jour, ordinairement uni, quelquefois dentelé ou crénelé(fig.567).Cf.fig.441, col. 1631.

    1. PARASCÉVÉ##

PARASCÉVÉ, mot grec, xapaoxeuïi (Vulgate : parasceve), qui signifie « préparation. » Dans le Nouveau Testament, ce mot désigne le jour qui précédait le sabbat ; il était ainsi appelé parce que les Juifs préparaient ce jour-là ce qui était nécessaire pour la célébration du sabbat. Matth., xxvii, 62 ; Marc, xv, 42 ; Luc, xxiii, 54 ; Joa., xix, 14, 31, 42. Cf. Josèphe, yl » U. jud., XVI, VI, 2. Saint Marc, vv, i%, l’explique par « pooiëSaTov, « veille du sabbat, » cf. Judith, viii, 6, et l’on admet sans difficulté qu’il désigne le vendredi dans les quatre Évangélistes ; excepté Joa., xix, 14, où, d’après quelques-uns, il serait question de la veille de la Pâque, mais même dans ce passage, il doit s’entendre du vendredi, comme Joa., xix, 31, 42. Voir Patrizi, De Evangeliis, 1. III, dissert, l, n » 30 ; Fillion, Évangile selon saint Jean, 1887, p. 347. Cf. Paque, col. 2090.

    1. PARASCHAH##

PARASCHAH (ntfns, pârdsâh ; pluriel, parsîyôt) section légale du Pentateuque, marquant la partie des livres de Moïse qui doit être lue à la synagogue les jours de sabbat. Le mot pdrdSâh signifie « distinction, section ». Les Juifs ayant pour règle de lire tous les ans le Pentateuque entier dans leurs synagogues l’ont partagé en 54 sections ou parHyôf, dont le commencement est indiqué dans les Bibles hébraïques par les lettres sss, abréviation de parsîyôt, ou bien par ddd, abréviation de sêdër ou sidrd’. On les désigne par le mot initial, ou au moins par l’un des premiers mots. Ainsi la première pârdsâh s’appelle Berê’sît, Gen., i, 1 ; la seconde Nôah. Gen., vi, 9. Elles sont à peu près d’égale longueur. On les lit à la suite les unes des autres du commencement à la fin. Leur nombre est de 54, parce que certaines années juives comptaient 54 sabbats. Quand il y a moins de 54 sabbats, on réunit en une deux parsîyôt plus courtes pour que la lecture du Pentateuque soit faite.intégralement dans le cours de l’année. La première pârdsâh se lit le premier sabbat avant la fête des Tabernacles, le jour même où on lit la dernière. Dans quelques synagogues, on ne lisait le Pentateuque entier que tous les trois ans. — Les Actes, xv, 21, font allusion à la coutume de lire une section du Pentateuque tous les sabbats. Josèphe, Cont. Apion., n, 17, mentionne aussi cet usage comme une coutume particulière aux Juifs. Notre-Seigneur dans l’Évangile, en citant un passage de l’Exode, iii, 6, indique dans quelle section il se trouve, dans celle èiA Trjç êà-rou, Marc, xii, 26 (super rubum) ; Luc, xx, 37 (secus rubum), c’est-à-dire dans la pdrdSâh où est racontée l’histoire du buisson ardent. Cf. Rom., xi, 2. — Les sections des livres prophétiques, telles qu’on les lit dans les synagogues, portent un nom particulier, hapktarotk. Voir Haphtapah, t. iii, col. 421. On les lit à la suite des parsîyôt. Voir le tableau des lectures des parMyôt et des haftarôf pour les jours de sabbat et les jours de fête dans J. M. Klintock et J. Strong, Cyclopsedia of biblical Literature, t. iv, 1891, p. 66-67.

    1. PARASITE##

PARASITE, celui qui s’impose à quelqu’un pour vivre à ses dépens. — Au Psaume xxxv (xxxiv), 16, il est parlé de la’âgê mâ’ôg, « railleurs de gâteau, » qui se moquent du juste. Le mâ’ôg et une sorte de galette ronde. Voir Gâteau, t. iii, col. 114. Les railleurs de gâteau sont ceux qui fréquentent la table des autres et

paient de leurs gais et malicieux propos la pitance qu’on leur accorde. Les Talmudistes appellent aussi leSôn’ûgâh, « langue de gâteau, » celle du parasite qui achète les bons morceaux au prix de ses plaisanteries ou de ses adulations. Cf. Rosenmûller, Psalmi, Leipzig, 1822, t, ii, p. 882. L’expression hébraïque n’est pas rendue dans les versions, Septante et Vulgate i « Ils m’ont éprouvé et m’ont raillé de leurs railleries. ».

— Notre-Seigneur stigmatise les scribes « qui dévorent les maisons des veuves et font pour l’apparence de longues prières, » Marc, xii, 40 ; Luc, xx, 47, parasites qui n’emploient pas la raillerie et la malice, comme les précédents, mais les semblants de la piété pour vivre aux dépens des autres et s’enrichir à leurs frais. Cette tradition se continua parmi les faux docteurs que saint Paul montre « s’insinuant dans les familles pour captiver des femmelettes chargées de péchés, » I Tim., .111, 6, « bouleversant des familles entières et enseignant, pour tin vil intérêt, ce qu’on ne doit pas enseigner. » Tit., i, 11. — Le divin Maître tient à ce que ses disciples évitent tout ce qui pourrait les faire confondre avec des parasites. « Demeurez dans la même maison, mangeant et buvant ce qui s’y trouvera ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas d’une maison dans une autre. » Luc, x, 7.

H. Lesêtre.
    1. PARASOL##

PARASOL, appareil pour préserver quelqu’un des rayons du soleil. — Les Grecs connaissaient le crxtâSeiov, cf. Aristophane, Eq., 1348 ; Av., 1508, 1550, et les Latins Vumbella ou umbracûlum (fig. 568), cf. Martial, xiv, 23, 28 ; Ovide, Fast., ii, 311. Le parasol est assez,

568. — Umbracûlum. D’après un vase peint. W. Smith, Die-Honary of Greek and Roman antiquities, 3e édit., t. ii, 1891, p. 976.

souvent représenté sur les anciens monuments. Il est ordinairement tenu au-dessus de la tête de personnages voyageant en char (fig. 569), assyriens, voir t. ii, fig. 195, col. 570, cypriotes, voir t. ii, fig. 194, col. 567, éthiopiens, voir t. ii, fig. 619, col. 2009, etc.

— Quelques textes sacrés font peut-être allusion indirecte à cet. appareil. Ainsi Isaïe, xxv, 4, dit que le Seigneur est une forteresse pour le pauvre et « un ombrage contre l’ardeur du soleil ; » mais cet ombrage est plutôt dû à l’interposition d’un nuage comme le donne à penser la suite du texte. Le Seigneur est de nouveau présenté ailleurs comme « un ombrage contre les feux  :

du midi », Eccli., xxxiv, 19 ; mais là encore cet ombrage peut avoir différentes causes. Au psaume cxl (cxxxix), 8, l’auteur sacré dit à Dieu : « Tu ombrages (sakkôtâh, ê7r£<rxia<ra « , obumbrasti) ma tête au jour de la guerre. » Il s ! agit ici d’un ombrage mobile, qui couvre le guerrier pendant les péripéties de la lutte et

est beaucoup plus probable que, dans ce passage, l’allusion est exclusivement biblique. Cf. Exod., XL, 35 ;

Num., ix, 22. -
H. Lesêtre.
    1. PARBAR##

PARBAR, mot qui se lit deux fois (avec l’article hap-parbâr), dans le texte hébreu. I Par., xxvi, 18. les

569. — Assurbanipal sur son char avec son parasol.

par conséquent se meut avec lui. Ce texte fait penser naturellement aux rois assyriens, debout sur leur char de guerre, tandis qu’un esclave tient le parasol au-dessus de leur tête. L’allusion n’est pourtant pas certaine. S’il était démontré que le parasol constituait un insigne de dignité royale en Orient, peut-être pourrait-on encore y chercher une allusion dans les paroles de l’ange à Marie : « La puissance du Très-Haut t’ombragera, Êm<Txtâ<ree <roi, obumbrabil tibi. » Luc, I, 35. Mais il

Septante l’ont traduit par SiaSexouivouç et la Vulgate par cellules. Beaucoup de commentateurs croient que le mot Parbâr est identique au mot Parvarîm qui se Ut II (IV) Reg., xxiii, 11 (Vulgate : Pharurim). Voir Pharcrim.

PARCHEMIN- — 1° Nom, origine, fabrication. — En dehors de l’Egypte où, dés la plus haute antiquité, le papyrus fut employé concurremment avec le cuir, 2159 PARCHEMIN

2160

les peaux d’animaux tannées ou préparées d’une autre manière furent la matière généralement usitée pour l’écriture jusqu’au Ve siècle avant Jésus-Christ. Hérodote nous apprend, v, 58, que les Ioniens appelaient peaux (SiçOspai) les rouleaux de papyrus parce qu’autrefois ils écrivaient sur des peaux de chèvre ou de mouton, comme le faisaient encore de son temps la plupart des barbares. Ctésias, dans Diodorede Sicile, ii, 32, dit que les livres sacrés des Persans remplissaient douze cents peaux de bœuf. D’après Strabon, XV, 1, citant Nicolas de Damas, la lettre que les Indiens adressèrent à Auguste était sur peau. Les Juifs ne semblent avoir jamais employé le papyrus au moins pour les saints livres ; mais les autres peuples l’adoptèrent successivement à partir du Ve siècle avant Jésus-Christ et l’Egypte l’exporta en quantités de plus en plus considérables. S’il faut en croire Pline, H. N., xiii, 11 [xxi]. qui cite Varron, un Ptolémée jaloux de la bibliothèque formée par Eumène, roi de Pergame, aurait interdit 1 exportation du papyrus et l’invention du parchemin aurait été la suite de cette interdiction. Une note anonyme publiée par Boissonade, Anecdota grseca, t. i, Paris, 1829, p. 420, raconte la chose d’une autre manière à peine plus vraisemblable. Ptolémée, sur l’avis d’Aristarque, s’étant concilié l’amitié des Romains par un présent de papyrus, Craies, jaloux d’Aristarque, eonseilla au roi de Pergame Attale, d’envoyer à Home des parchemins dont on venait de découvrir la fabrication. Quoi qu’il faille penserde ces légendes, la tradition qui fixe à Pergame, sous l’un des Altales, l’invention du parchemin, ou plutôt un mode de préparation des peaux non tannées qui les rendît plus commodes pour l’écriture, n’est pas contestable. Le passage de S. Jérôme est classique, Epist. ad Chromât., t. xxii, col. 339 : Chartam de* fuisse non puto, Mgypto minislrante commercia, et si alicubi Ptolemœus maria clausisset, tamen rex Attalus membranas a Pergamo miserai, ut penuria chartæ pellibus pensaretur : unde et Pergamenarum nomen. Nous pouvons conclure de ce passage, qui enregistre la tradition ordinaire relativement à l’invention du parchemin, qu’on se servait généralement de papyrus pour les lettres et exceptionnellement de parchemin à défaut de papyrus. — Le parchemin rappelle par son nom son lieu d’origine : Kiç-fa.^’i-^ (sous-entendu SifOlpa ou ôsppts = la peau de Pergame), en latin pergamena (sous-entendu char la— le papyrus de Pergame). Ce nom, si commun au moyen âge se rencontre pour la première fois dans l’édit de Dioelétien, De pretio rerum venalium de l’an 301, puis dans le passage de saint Jérôme transcrit ci-dessus. Le parchemin s’appelait aussi u.s[jLëpav « , en latin, membrana, pour membranaculis, du latin membrum, « membre. /> Le parchemin diffère du cuir en ce qu’il n’est pas tanné mais seulement raclé. On faisait macérer la peau dans le lait de chaux pour l’amollir : en grattait ensuite au canif pour enlever le poil et on achevait de polir à la pierre ponce. Une fois sec et à égalité d’épaisseur, le parchemin est moins souple que le cuir, mais on pouvait lui donner le degré de finesse qu’où désirait. Au moyen âge on l’enduisait quelquefois de blanc d’oeuf, peut-être pour le rendre plus brillant ; Planude, au xvie siècle, blâme cette pratique, parce qu’alors l’encre ne mord pas et que l’humidité détruit rapidement le travail du scribe.

2° Usage et diffusion progressive du parchemin. — Le parchemin a sur le papyrus cinq avantages. 1. Il est beaucoup plus résistant et susceptible d’une durée presque indéfinie, tandis que le papyrus passait pour très vieux à deux cents ans, d’après Pline, à trois cents ans, d’après Galien. — 2. Il s’écrit des deux côtés, bien que te" côté du poil soit inférieur en finesse. Au contraire, les papyrus opisthographes sont assez rares, parce que l’écrilùre était moins aisée sur les fibres longitudinales

et qu’un rouleau écrit à l’extérieur est d’un usage peu commode. — 3. Le parchemin peut être gratté et récrit partiellement, ou même remis entièrement à neuf. Le papyrus se prête difficilement aux grattages. — 4. Sur lé parchemin l’écriture étant beaucoup plus serrée, on peut faire tenir beaucoup plus de matières sous un moindre volume. — 5. Enfin, le parchemin, qui prend si naturellement la forme de codex, supprime l’incommodité des longs rouleaux. — Malgré tous ces avantages on lui préféra longtemps le papyrus, non seulement en Egypte mais dans tous les pays du monde civilisé. Le parchemin remplaça d’abord les tablettes ; aussi Martial l’appelle-t-il pugillares membranei. On s’en servait donc surtout pour les brouillons. Pétrone dépeint l’infatigable poète Eumolpus toujours prêt à composer, armé d’une grande pièce de parchemin. Les allusions des auteurs classiques s’expliquent presque toutes par cet usage. Horace, Sat., II, iii, 1-2 ; Àrs poet., 388-389 ; Perse, iii, 10, etc. Quintilien, Instit., X, m, 31, conseille le parchemin au lieu des tablettes aux personnes dont la vue est fatiguée, parce que l’écriture y ressort mieux. Le parchemin servait aussi pour dessiner à cause de la plus grande facilité des corrections et des retouches. On en fabriquait ces gaines où étaient enfermés les rouleaux de papyrus et ces étiquettes qu’on suspendait à l’extérieur du rouleau pour indiquer le sujet et le numéro d’ordre du livre. L’emploi du parchemin ne fut qu’exceptionnel pour les ouvrages littéraires avant le IVe siècle de notre ère. On l’utilisait pour les livres qu’où voulait emporter en voyage, Martial I, ii, 3 ; xiv, 184, 186, 188, 190, 192, ou qu’on tenait à posséder sous un très petit format. Cicéron, dans Pline, H. N., vir, 85, parle d’une Iliade sur parchemin qui serait entrée dans une coquille de noix. Plus tard on trouva le parchemin commode pour les ouvrages considérables et sans divisions uniformes : dictionnaires, commentaires, écrits de jurisprudence. C’est au quatrième siècle que l’usage du parchemin se généralisa. Les chrétiens furent les premiers à l’adopter à raison de l’avantage qu’il y avait à réunir l’ensemble de la Bible dans le même recueil. Eusèbe raconte, non sans complaisance, Vita Const., iv, 36-37, t. xx, col. 1185, comment. il fit confectionner les cinquante grands codex en parchemin contenant la Bible entière (alluma Iv StçSipaiç) que l’empereur Constantin lui avait demandés. Avant les récentes découvertes de papyrus, tous les onciaux bibliques, soit en grec, soit en latin, et la plupart des minuscules étaient sur parchemin. A partir du vil » siècle, date de la disparition progressive du papyrus et jusqu’au XIe où le papier de chiffons commença à le remplacer, le parchemin étant désormais la seule matière employée pour écrire devint de plus en plus rare et la pénurie en fut encore accrue par la mode des livres énormes qui régna surtout du ixe au xie siècle.

3° La forme de codex donnée au parchemin. — Le mot codex — on disait anciennement caudex — est ainsi défini par Sénèque, De brevit. vitse, xiii, 4 : « Plurium tabellarum contextus caudex apud antiquos vocatur ; unde publicae tabula ; codices dicuntur. » Les tablettes, soit enduites de cire (ceratte) soit blanchies à la céruse (cerussatœ), étaient réunies en deux, trois ou plusieurs plaques et prenaient le nom de diptyques, triptyques, polyptyques. Une charnière les reliait soit toutes ensemble, soit deux à deux. Pliées, elles ressemblaient à nos livres, comme on peut le voir au forum de Rome sur les bas-reliefs où Trajan est représenté faisant brûler les registres des impôts arriérés. — Nous avons ditpfus haut que le parchemin avait d’abord remplacé les tablettes pour les comptes, les brouillons, les souvenirs de famille ; il était donc naturel qu’il prit la forme des tablettes. D’ailleurs il est trop raide pour la disposition en rouleau qui convenait mieux au papyrus et au cuir.

2161

PARCHEMIN — PARESSE

2162.

Les énormes rouleaux dés synagogues sur lesquels sont écrits les cinq livres de Moïse ou les Prophètes, sont en cuir. Ce serait pourtant une erreur de supposer, comme on l’a fait souvent, qu’il y a nne connexion nécessaire entre le papyrus et le rouleau d’une part, entre le parchemin et le codex de l’autre ; car un grand nombre de papyrus bibliques récemment découverts — le plus grand nombre peut-être — avait la forme de codex.

4° Le parchemin et la Bible. — Les Hébreux écrivaient régulièrement sur des peaux préparées à cet effet. Mais oh ne saurait dire le plus souvent s’il s’agit de peaux tannées (cuir) ou de peaux non tannées (parchemin). Le terme hébraïque-fn signifie aussi bien la peau au naturel que la peau préparée, quel que soit le procédé de préparation. Le terme talmudique rnnsi transcription du grec SiçOépa) est également très général. Les rabbins distinguent trois espèces de peaux à écrire, mais il est impossible de savoir au juste ce qu’ils entendent par chacune de ces trois espèces. Cf. Blau, Studien zuni althebr. Buchwesen, Strasbourg, 1902, p. 22-33. Les rouleaux de la Thora sont ordinairement en cuir ; les megillof et les philactères sont au contraire en parchemin, ainsi que les Bibles hébraïques en forme de codex. — Le parchemin n’est nommé qu’une fois dans l’Écriture. II Tim., iv, 13. Saint Paul écrit à son disciple de lui rapporter les livres et surtout les parchemins (toc ; ii, 6u, §pdtva ; ), qu’il.a laissés chez Carpus à Troade. On ignore ce qu’ils contenaient. Les suppositions qu’on a faites, que c’était son diplôme de citoyen romain (Farrar), etc., ne sont que de pures conjectures.

5° Bibliographie. — Birt, Das antike Buchwesen, Berlin, 1882 ; Th. Zahn, Geschichte des neutestam. Kanons, Erlangen, t. i, 1888, p. 60-79 : Codex und Rolle ; Waltenbach, Das Schriflwesen im Mitlelalter, 3e édit., Leipzig, 1896 ; K. Dziatzko, Vntersuchùngen ùber ausgewàhlte Kapitel des antikeii Buchwesens, Leipzig, 1900 ; l’article Buch, du même dans l’encyclopédie de Pauly-Wissowa, l’article Membrana de Lafaye dans le dictionnaire de Daremberg et Saglio. — Sur la matière des livres hébreux en particulier : Steglich, Schriftund Bucherwesen der Hebràer, Leipzig, 1876 ; L. Blau, Studien zuni althebràischen Buchwesen, Strasbourg, 1902. Les archéologies bibliques n’ont presque rien sur ce sujet. F. Prat.

    1. PARENTÉ##

PARENTÉ, relation de famille résultant des naissances ou des alliances. — Les relations de parenté s’expriment en hébreu par les termes suivants : Père, ’âb, icizrtf, pater. Voir Père. — Mère, ’êm, ii, r, Tï]p, mater. Voir Mère, col. 993. Par rapport à l’enfant, le père et la mère sont appelés yave ? ; , parentes. Luc, H, 43. — Fils, bèn, uîoç, filius. Il est nommé « fils du père », Gen., xlix, 8, ou « fils de la mère », Gen., xxvii, 29, suivant que la descendance est à chercher, dans un cas donné, du côté paternel ou’du côté maternel. Voir Fils, t. H, col. 2252. — Fille, bat, DvyâTYjp, filia. Voir Fille, t. ii, col. 2251. — Grand-père et arrière-grandpère, ’âb, « père » ou « père du père », upditamcoç, Exod., 6, raimc<j ; , Eccli., prol., avus. — Grand’mère, êm, III Reg., xv, 10, |iï|ipv ; , avia. II Tim., i, 5. — Frère, ’ah, âfieXpô ; , f rater. Voir Frère, t. ii, ceV.v2402.’— Sœur, ’âhô(, àityr, soror, Gen., XX, 12, /îi du côté du père ou du côté de la mère. » Lev., xviii, 9. Voir Sœur. — Oncle, ’âfii’êm, « frère de la mère, » « SeXçdî

  • % [irirpo ; , avunculus, Gen., xxviii, 2 ; xxix, 10 ; dôd,

à5eXçdç toû Ttarpoç, palruus. Lev., x, 4 ; xxv, 49. — Tante, ’âhôt’âb ou’êm, àSeXçri itxrpoç ou [tr^po ; , soror patris ou matris, « seeur dn père ou de la mère, » Lev., xviir, 12, 13 ; dôdâh, la tante, sœur du père, Exod., vi, 20, mots que les versions traduisent par. « fille de l’oncle », palruelis. Le même nom de dôdâh, ’o-uyyevt)ç, affiriitate conjungitur, est donné à la femme de l’oncle

paternel, amita, et à celle de l’oncle maternel, matertera. Lev., xviii, 14 ; xx, 19, 20. — Cousin, bên dôd, « fils de l’oncle, » âve^iô ; , filius patrui, patruelis consobrinus. Num., xxvi, 11 ; Tob., vii, 2 ; xi, 20 ; Col., iv, 10. Voir Cousin, t. ii, col. 1092. — Cousine, 6a ?’âfyî’êm, « fille du frère de la mère, » Ouyàiirip âSeXçoû Tij ; (MQTpôç, consobrina. Gen., xxix, 10. — Mari, _gé6eV, àviîp, maritus, vir. Voir Mari, t. iv, col. 758. — Epouse, be’ûlâh, -J-JV7), uxor. Voir Mariage, t. iv, col. 759. — Beau-père, hâm, hâtâri, nev6Epôç, socer. Gen., xxxviii, 13, 25 ; Exod., iii, 1 ; iv, 18 ; I Mach., xi, 2 ; Joa., xviii, 13. — Belle-mère, hâmô(, l, iotené(, nevŒpoc, socrus. Deut., xxvii, 23 ; Ruth, i, 14 ; Matth., viii, 14 ; Luc, IV, 38. — Gendre, l.iâfân, ya|iëpé ; , gêner. Voir Gendre, t. iii, col. 159. — Bru, kalldh, v’ji<y{, nurus. Gen., xxxviii, 11, 24 ; Lev., xviii, 15 ; xx, 12 ; Matth., x, 35 ; Luc, xii, 53. — Beau-frère, yâbâm, à8zï.fôç to-j àvêpôç, frater viri. Deut, . xxv, 5. — Belle-sœur,-j-w^ t°3 « SeXcpov, uxor fratris. Deut., xxv, 7. — Neveu, bên, « fils », Gen., xxix, 5, bén’al}, u16 ; toû à&XçoO, filius fratris, « fils du frère. » Gen., xii, 5. — D’autres relations familiales sont indiquées par les expressions baf bên, 6uf<mjp uioû, filia filii, et baf bat, 6uYcVnr|p 8’jyaTpô ; , neptis, la petite-fille, par le fils ou par la fille, Lev., xviii, 10 ; benê bdnim, tixva téxviiiv, nepotes, les petitsfils, Exod., xxxiv, 7 ; Prov., xiii, 22 ; xvil, 6 ; goâlîm, propinqui, les proches, III Reg., xvi, 11 ; môlcdéf, -fevei, generatio, la parenté, Gen., xxxi, 3 ; uvy^eveï ; , cognati, les parents, Luc, ii, 44 ; etc. Voir Famille, t. ii, col. 2169. En outre, les mots qui désignent le père, la mère, le fils, la fille, le frère, la soeur et le beau-père ont une très large extension et sont parfois attribués à des parents assez éloignés. Il en est du reste ainsi dans toutes les langues anciennes ; les termes en usage ne suffisent pas à caractériser tous les développements de la parenté ; beaucoup d’entre eux demeurent imprécis. D’autre part, la prédilection dés Orientaux pour l’hyperbole les porte à accentuer les liens réels qui unissent les hommes entre eux, et à traiter de pères, de frères ou de fils ceux qui n’ont avec eux que des relations d’amitié ou d’affaires. Cf. M. Mûller, Essais de mythologie comparée, trad. Perrot, Paris, 1874, p. 38, 39. — Sur les obligations ou les interdictions qui résultent dé la parenté quant au mariage, voir Lévirat, t. iv, col. 213 ; Mariage, col. 760.

H. Lesêtre.
    1. PARESSE##

PARESSE (hébreu : ’aslàh, ’aslût, ’âsal(ayim, « paresse des deux (mains), complète » Eccle., x, 18 ; Septante : oxvjjpîa ; Vulgate : pigredo, pigrilia, oisiveté volontaire de celui qui devrait travailler. Le paresseux est appelé’asêl, ôxvVipci ; , àepyo ; , ipyô ; , piger ; remiyyàh, Tanetvd ; , remisstts ; vwGpo ; segnis ; nirpîm, erj^oXa errai’, vacatis otio. Exod., v, 8, 17. — 1° La paresse est stigmatisée dans les Livres sapienliaux par des traits pittoresques.

Quand tes mains sont paresseuses, la charpente s’affaisse, Quand les mains sont lâches, la maison ruisselle.

Eccle., x, 18. Le paresseux n’a pas le courage de réparer sa maison ; alors les pièces qui soutiennent la construction cèdent de toutes parts, les murs de pisé sont délayés par la pluie et s’effondrent, ou, à travers les tuiles disjointes de la terrasse, l’eau des averses ruisselle à l’intérieur. Voir Maison, t. iv, col. 589. Le paresseux ne laboure pas, sous prétexte qu’il fait mauvais temps, et à la moisson il ne récolte rien. Prov., xx, 4. Pour ne pas se rendre au travail, il invoque un danger imaginaire, un lion dehors, une mort certaine qui l’attend. Prov., xxii, 13 ; xxvi, 13. Aussi son champ est couvert d’épines, sa vigne encombrée dff ronces et le mur qui l’entoure écroulé. Prov., xxiv, 30, 31. Il se retourne dans son lit comme une porte sur ses gonds, sans en sortir. Prov., xxvi, 14 ; c’est pour lui un labeur de porter la main du plat jusqu’à sa bouche, Prov.,

xix, 24 ; xxvi, 15 ; il trouve des obstacles partout, et son chemin est comme une haie d’épines, à travers laquelle il ne peut passer. Prov., xv, 19. Aussi ne faut-il pas lui parler de grosse besogne. Eccli., xxxvii, 14. Avec cela, il se croit plus sage que sept conseillers prudents. Prov., xxvi, 16. Il a des velléités de travail, mais sa main n’a pas le courage de se mettre à l’œuvre, Prov., xxi, 25, et il ne réalise pas ses désirs. Prov., xiii, 4. La conséquence de la paresse est inévitable :

Un peu de sommeil, un peu d’assoupissement, Les mains croisées pour dormir un peu ! Et la pauvreté te surprendra comme un rôdeur, L’indigence comme un homme en armes.

Prov., xxiv, 33, 34 ; vi, 9-11 ; x, 4 ; cf. xviii, 8 ; xix, 15. Nuisible à lui-même, le paresseux est désagréable aux_ autres comme le vinaigre aux dents et la fumée aux jeux, Prov., x, 26, comme une pierre souillée d’ordure et une boule de fiente, qui oblige celui qui les a touchées à se secouer la main. Eccli., xxii, 1, 2. Aussi le renvoiet-on à la fourmi, pour qu’il prenne auprès de ce petit animal des leçons d’activité. Prov., vi, 6. Voir Fourmi, t. ii, col. 2342. — 2° Quand les Israélites, accablés par les corvées en Egypte, demandèrent un allégement, le pharaon les accusa d’être des paresseux : nirpiin’a((ém nirpîm, « paresseux, vous, paresseux ! » Exod., v, 8, 17. La femme forte « ne mange pas le pain de l’oisiveté. » Prov., xxxi, 27. Le serviteur qui a enfoui les talents au lieu de les faire valoir est traité de méchant et de paresseux. Malth., xxv, 26. Saint Paul rappelle à Tite, i, 12, que les Cretois sont des « ventres paresseux, » c’est-à-dire des hommes de bonne chère et de nonchalance. Voir Cretois, t. ii, col. 1116. Il est recommandé aux chrétiens de n’être pas paresseux en bonnes œuvres, Heb., vi, 12, et de relever les mains languissantes et les genoux défaillants, c’est-à-dire de réveiller les activités endormies. Heb., xii, 12.

H. Lesêïre.

    1. PARFUM##

PARFUM (hébreu : mérqdfiâh, mirqabqt, roqati 7nqqifiim, (atnritq, sèmên, « l’huile parfumée ; » Septante : Ouu, ! ap.a, j)ojo’[io<, ap<j>u.a, u.-jpov ; Vulgate : aroma, unguentum, odoramentum), substance provenant d’ordinaire de certains végétaux et exhalant uije odeur subtile, agréable, forte, pénétrante, à des degrés divers, selon la puissance ou la préparation de la matière première. — Les parfums peuvent être simples ou composés, suivant qu’on les laisse isolés ou qu’on les mélange. On les prépare soit pour être brûlés, comme l’encens, soit pour imprégner l’huile qui sert aux onctions, voir Onction, col. 1805, soit pour se dégager à l’air libre et ainsi embaumer un lieu, un meuble, etc. Sur les différents végétaux qui entrent dans la composition des parfums, voir Aloès, t. i, col. 400 ; Astragale, t. i, col. 1188 ; Baume, t. i, col. 1517 ; Casse aromatique, t. ii, col. 335 ; Cinnamome, t. ii, col. 770 ; Encens, t. ii, col. 1768 ; Galbanum, t. iii, col. 20 ; Ladanum, t. iv, col. 29 ; Myrrhe, t. iv, col. 1363 ; Nard, t. iv, col. 1478 ; Safran ; Styrax. On employait le nard recueilli par un coquillage, l’onyx. Voir Onyx, t. iv, col. 1822.

I. Les parfums chez les anciens. — 1° Les anciens orientaux, comme ceux d’aujourd’hui, ont toujours eu une grande prédilection pour les parfums. « Le Créateur, qui place d’ordinaire le secours à côté du besoin, le remède à côté du mal, n’a-t-il pas mis sur le sol de l’Orient la plupart des végétaux qui produisent des parfums pour combattre la putréfaction, les odeurs malsaines, les insectes incommodes, que la chaleur et les autres conditions y développent avec tant de facilité ? Aussi les parfums sont-ils pour l’indigène une des nécessités de la vie. Toutes les grandes villes, le Caire, Damas, etc., ont leur "bazar aux parfums. » Jùllien, L’Egypte, Lille, 1891, p. 255. Dès les plus anciens temps, on en faisait grand commerce. Les Ismaélites auxquels

Joseph fut vendu par ses frères transportaient de Galaad en Egypte une cargaison d’astragale, de baume et de ladanum. Gen., xxxvii, 25. Les Égyptiens faisaient une très forle consommation de parfums pour le culte de leurs dieux et— l’embaumement de leurs morts. La plus grande partie leur venait de l’Arabie et de la Palestine orientale. Cf. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 10-19. Plus tard, les marchands de Saba et de Rééma apportaient à Tyr les meilleurs aromates pour les échanger avec des objets manufacturés. Ezech., xxvii, 22. Cf. Apec, xvitl, 13.

— 2° Le goût des parfums se répandit à Jérusalem particulièrement â l’époque de Salomon. La reine de Saba en offrit au roi une quantité telle qu’on n’en vit jamais d’aussi grande dans le pays. III Beg., x, 2, 10 ; II Par., ix, 1, 9. À partir de ce moment, on lui en apportait annuellement, sous forme de tribut volontaire, soit de la Palestine, soit de l’étranger. 1Il Reg., x, 25 ; II Par., ix, 24. Ces parfums étaient gardés dans le trésor royal. Parmi les objets de prix qu’Ézéchias montra avec tant de complaisance aux envoyés du roi de Babylone, se trouvaient les aromates et l’huile de prix, au même titre que l’or, l’argent et les armes. IV Reg., xx, 13 ; Is., xxxix, 2. — 3° Dans l’éloge de l’Épouse du Cantique, il est constamment fait mention de parfums et d’aromates, symboles de ses charmes et de ses qualités. Cant., i, 3 ; iii, 6 ; iv, 10, 16 ; v, 1, 13 ; viii, 14. On parfumait d’aromates l’huile et le viii, même à grands frais, Prov., xxi, 17, et l’on trouvait que ces prépations réjouissaient le cœur. Prov., xxvii, 9. — 4° L’introduction des coutumes grecques et romaines en Palestine contribua encore à vulgariser le goût et l’usage des parfums dans la toilette et les divers soins du corps. « Les parfums étaient généralement fabriqués avec des substances que Rome recevait de l’Egypte, de l’Arabie, de l’Inde… Le jonc odorant fournit un des parfums les plus communs et les moins estimés ; il ne coûtait guère que 12 à 13 francs la livre. Outce les odeurs que l’on tirait directement des plantes, il existait beaucoup de parfums composés. Les plus recherchés étaient le megalium, le telinum, de Télûs, le malobathrum, de Sidon, le nardum, surtout celui de Perse, Vopobalsamutn, etc. Le cinnamome Coûtait au moins 246 francs la livre… Les parfums étaient renfermés dans des flacons d’albâtre (alabastra) ou dans des vases d’onyx ; on les conservait dans l’huile et on les colorait en rouge avec du cinabre ou de l’orseille. Les bains étaient souvent parfumés ; les chambres et les lits étaient arrosés de parfums. Au moment des représentations scéniques, le théâtre était également parfumé avec du safran, de la cannelle, du cinnamome. On ajoutait même des parfums aux vins les plus estimés. On allait jusqu’à en mettre dans l’huile des lampes. » Bouyer, Études médicales sur l’ancienne Rome, Paris, p. 110, 111. Plusieurs de ces traits se retrouvent dans la Sainte Écriture.

II. Usage des parfums. — 1° Liturgie. — 1. Au désert, les Hébreux durent apporter à Moïse des aromates pour la confection du parfum liturgique. Exod., xxv, 6. Moïse composa d’abord une huile parfumée pour faire les onctions sacrées : elle comprenait 500 sicles de myrrhe vierge, 250 de cinname odorante, 250 de canne odorante, 500 de casse et un hin d’huile d’olive. Exod., xxx, 23-24. Avec d’autres aromates, il composa un second parfum destiné à être brûlé sur un autel spécial : ce parfum comprenait des aromates, styrax, onyx odorant, galbanum, et autant d’encens très pur, auquel on ajoutait un peu de sel. Ce parfum, considéré comme très saint, ne pouvait être imité pour l’usage privé sous peine de retranchement (sorte d’excommunication ) ; cf. Jïxod., xxx, 34-38 ; xxxi, 11 ; xxxv, 15, 28 ; xxxvii, 29 ; xxxix, 38 ; Lev., xvi, 13 ; Il Par., ii, 4. Il rappelle le kyphi ou parfum sacré des Égyptiens. $

VoirManéthon, dans Historié, grsee. fragm., édit. Didot, n. 84, p. 616 ; V. Loret, Le Kyphi, parfum sacré des Egyptiens, dans le Journal asiat., juillet-août 1887, p. 26-132. Il convenait que les Hébreux offrissent au vrai Dieu au moins les mêmes hommages extérieurs que les Egyptiens à leurs fausses divinités. Or ceux-ci étaient prodigues de parfums vis-à-vis de leurs idoles. Les monuments représentent très fréquemment l’offrande de parfums faite aux dieux par les rois, t. ii, fig. 566, col. 1778, et par les particuliers (fig. 570). Pour son compte, d’après le grand papyrus Harris, dans les Records of the past, t. vi, p. 45, 46, Ramsès III présenta au temple de ses dieux 62 amphores d’encens blanc, 308093 mesures d’encens/ 93 amphores et 1100 hins de baume doux, 778 amphores d’encens à brûler, 31 amphores

pureté et l’incorruptibilité. Gf. Bâhr, Symbolik des tnosaïschen Cultus, Heidelberg, 1837, t. i, p. 458-470. Dans l’Apocalypse, v, 8, les parfums qui remplissent les coupes d’or figurent les prières des saints. — 3. Dans la suite, les Israélites ne s’en tinrent pas aux prescriptions si simples de Moïse. Ils ajoutèrent sept autres composants aux quatre premiers : la myrrhe, la casse, , le nard, le crocus, le costus, le roseau aromatique et le cinnamome. De fait, Isaïe, xmr, 23, et Jérémie, vi, 20, mentionnent le roseau aromatique avec l’encens parmi les parfums offerts au Seigneur. L’auteur de l’Ecclésiastique, xxiv, 15, semble associer aux quatre éléments du parfum mosaïque la cannelle, le baume et la myrrhe. Cf. Gem. Kerithoth, 78, 1 ; Gem. Jer. Yoma, 41, 4. D’autres y introduisirent encore une substance

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570.

Panneau en fcois doré représentant deux adorateurs d’Osiris et de la déesse Vérité à qui ils offrent des parfums.

Musée du Louvre.

de baume rouge, etc. On faisait en effet une grande consommation de parfums dans les sacrifices et dans les fêtes (fig. 571). Dans la liturgie hébraïque, les parfums étaient employés avec moins de prodigalité, sans doute, mais avec plus de méthode et de régularité. — 2. Il n’y a pas lieu de s’arrêter à l’idée grossière que ces parfums aient été destinés à corriger la mauvaise odeur de tant de victimes sacrifiées et consumées dans

571. — Prêtre offrant de l’encens au son de la musique à ta fête de l’inondation du Nil. Musée de Leyde. — D’après Wîlkinson, Manners, 2e édit., t. iii, fig. 600, p. 399. Z""^’"

le sanctuaire. Les sacrifices avaient lieu en plein air et toutes les précautions étaient prises pour maintenir en parfait état de propreté le lieu où ils s’offraient. Les parfums sacrés représentaient symboliquement la présence de Dieu et son esprit, qui renferment toutes choses comme l’air qu’on respire, et son nom, identique à sa personne. Cant., r, ’3. Les éléments composant le parfum sacré étaient au nombre de quatre, comme les côtés de l’autel et du sanctuaire et les lettres du nom de Jéhovah. Le sel qu’on y ajoutait marquait la

appelée ambre du Jourdain, une herbe qui avait la propriété de faire monter la fumée perpendiculairement, et du sel de Sodome, qui, paraît-il, desséchait mieux les parfums. Tous ces éléments devaient, d’après la loi, Exod., xxx, 36, être réduits en poudre. On se servait pour cela d’un mortier d’airain, On préparait le parfum dans le parvis, et l’on en confectionnait pour toute l’année 368 livres. On recommençait l’opération quand la moitié du parfum était brûlée. Les docteurs n’avaient d’ailleurs pas manqué de détermiuer dans quelle proportion exacte chaque parfum devait figurer dans l’ensemble. Sur 368 livres, il y avait cependant 280 livres des éléments indiqués par Moïse ; ils y entraient chacun pour un quart. Cf. Gem. Schebuoth, 10, 2 ; Gem. Kerithoth, ꝟ. 28, 1 ; Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 22, 23. — 4. Chaque jour, matin et soir, le parfum était brûlé sur l’autel destiné à cet usage. Voir Autel, t. i, col. 1271. L’offrande du parfum avait lieu, le matin, après que l’agneau du sacrifice perpétuel » avait été immolé et avant qu’il fût placé sur l’autel des holocaustes, le soir, après qu’il avait été mis sur l’autel et avant la libation. Cf. Yoma, iii, 5 ; Philon, De viclimis, 3, édit. Mangey, t. ii, p. 239. Le prêtre auquel était dévolue la charge de présenter le parfum prenait une coupe, kaf, d’or, munie d’un couvercle, et dans laquelle se trouvait une coupe plus petite eontenant le parfum. Un autre prêtre recueillait des charbons ardents sur l’autel des sacrifices avec des pincettes d’argent et Jes plaçait dans un chaudron en or. Tous deux s’avançaient alors jusqu’au fond du Temple. Celui qui portait les charbons les versait sur l’autel des parfums, se prosternait pour adorer et ensuite se retirait. L’autre alors tirait la petite coupe de la grande, tendait cette dernière à un troisième prêtre, et répandait le parfum sur les charbons. Puis, il se prosternait pour adorer et se retirait. Cf. Tamid, v, 4, 5 ; vi, 3 ; vii, 2 ; Yoma, iv, 4. Pendant que cette cérémonie s’accomplissait, les prêtres se tenaient dans l’attitude de la prière, et un

-signal était donné au peuple qui remplissait les parvis pour qu’il unit sa prière à celle des ministres sacrés. Cf. Iken, Antiguitates hebraicee, Brème, 1741, p. 286, ^87 ; Schùrer, Geschichte des jûdi&chen Volkes tm Zeit. J. C, Leipzig, t. H, 1898. p. 296, 297. D’après le récit de saint Luc, i, 9, 10, 21, on voit que le prêtre chargé d’offrir le parfum â « l’heure de l’encens » était désigné par le sort parmi ceux dont la série était de service ce jour-là. Il entrait dans le sanctuaire pour remplir cet office, et, pendant ce temps, toute la multitude du peuple se tenait en prière. La cérémonie durait quelques instants ; aussi s’étonna-t-o’n que Zacharie .restât plus longtemps qu’on ne faisait d’ordinaire.

2° Toilette. — 1. À partir de Salomon, les parfums furent très employés dans la toilette des riches, surtout sous forme d’huile parfumée. Prov., xxi, 17 ; IV Reg., jlx, 13. Amos, VI, 6, constate que les riches se parfumaient d’huiles exquises. Judith, xvi, 10, oignait son -visage d’huile parfumée. À la cour de Suse, Esther suivait le traitement prescrit aux femmes du harem royal, six mois avec de l’huile de myrrhe, six mois avec des aromates et d’autres parfums. Esth., ii, 12. — 2. Ceux qui menaient joyeuse vie se couvraient de parfums. Sap., ii, 7. Les prostituées d’alors, comme celles -de tous les temps, abusaient des parfums violents. Is., ivn, 9 ; Ezech., xxiii, 41. La séductrice ne manquait pas de parfumer sa couche de myrrhe, d’aloès et de -cinnamome. Prov., vii, 17. On leur rappelait que bonne réputation vaut mieux que bon parfum. Eccle., vu, 1. — 3. À l’époque évangélique, les onctions d’huile parfumée étaient très usuelles. Voir Onction, col. 1805. Dans la maison du pharisien, la pécheresse apporta un vase de parfum et en oignit les pieds du divin Maître. Celui-ci remarqua que son hôte avait manqué à l’un des devoirs de l’hospitalité en ne répandant pas l’huile parfumée sur sa tête. Luc, vii, 37, 38, 46. À Béthanie, 4e Sauveur reçut sur la tête une nouvelle onction de nard très précieux, valant plus de trois cents deniers et il loua Marie-Madeleine d’avoir rempli vis-à-vis de lui ce pieux devoir. Matth., xxvi, 7, 10 ; Marc, xiv, 3, 5, 6 ; -Joa., xii, 2, 5, 7.

3° Sépulture. — Le corps de Jacob fut enseveli avec -des parfums, à la manière égyptienne. Gen, , l, 2, 3. Il -en fut de même pour le corps de Joseph. Gen., L, 26. Voir Embaumement, t. ii, col. 1724. — 2. Les parfums et les aromates servirent également à la sépulture du roi Asa, H Par., XVI, 14, et, sans nul doute, à la sépulture des autres rois. Voir t. ii, col. 1728. — 3. L’Évangile -parle des premiers soins donnés au corps de Notre-Seigneur après sa mort. On y employa les aromates, "la myrrhe, l’aloès et d’autres parfums. Marc, xvi, 1 ; Luc, xxiil, 56 ; xxiv, 1 ; Joa., xix, 40. Voir t. H, col. 1729. Saint Jean, xix, 39, parle d’un mélange de 100 livres de myrrhe et d’aloès. Josèphe, Ant. jud., XVII, viii, 3, raconte qu’aux funérailles d’Hérode cinq cents esclaves portaient des aromates, ce qui suppose une quantité bien plus considérable que pour Noire-Seigneur. IL Lesêtre.

    1. PARFUMEUR##

PARFUMEUR (héhreu : roqéafr, raqqâh ; Septante : luipe+ôç ; Vulgate : unguentarius), celui qui prépare les -parfums. — Des lévites étaient spécialement désignés pour la préparation et la garde du parfum liturrgique. Le texte sacré parle de 1’  « art du parfumeur », Exod., xxx, 35, parce qu’il fallait de l’habileté pour -préparer les substances aromatiques et faire le mélange convenable. À l’époque royale, il y avait des lévites « hargés de veiller sur l’encens et les aromates, et des 41s de prêtres ayant la fonction de composer des parfums aromatiques. I Par., IX, 29, 30. Après la captivité, on trouve un Ananie, appartenant à la corporation des parfumeurs. II Esd., iii, 8. Dans les derniers temps, -d’après Schekalim, v, 1, la famille Abtinas, dont une

des chambres du Temple portait le nom, était spécialement chargée de préparer le parfum liturgique. Cf. Yorna, l, 5 ; Tamid, i. 1 ; Middoth, i, 1, Les membres de cette famille se transmettaient les. secrets techniques de cette prépafàtion et étaient réputés pour leur, habileté à trouver l’herbe qui faisait monter droit la fumée. Le traitement de l’onyx odorant réclamait aussi une attention particulière, pour le débarrasser des impuretés qu’avait pu lui faire contracter son origine animale. — D’autres parfumeurs travaillaient pour les usages profanes. Déjà Samuel avertit les Israélites que, s’ils veulent un roi, celui-ci prendra leurs filles pour parfumeuses, cuisinières et boulangères. I Reg., viii, 13. On n’a pas de renseignements sur la manière dont les anciens préparaient leurs parfums. D’ailleurs les parfumeurs cachaient avec soin les recettes qu’ils se transmettaient et dont ils tiraient profit. On rencontre dans Job, xli, 22, une allusion à cetle préparation. L’auteur dit, en parlant du crocodile :

Il fait bouillonner t’abîme comme une chaudière, Il fait de la mer un vase de parfums.

Sans doute, le. saurien a une odeur de musc assez prononcée ; mais le parallélisme indique que l’auteur a surtout en vue le bouillonnement des eaux. Par l’effet des mouvements agiles du crocodile, les eaux bouillonnent comme, dans une chaudière, le liquide qu’on veut saturer de l’odeur des parfums parune ébullition prolongée. « Une mouche morte infecte et corrompt l’huile du parfumeur. » Eccle., x, l. Aussi celui-ci veillait-il sur ses préparations pour les préserver de toute altération.

H. Lesêtre.
    1. PARIS François##

PARIS François, théologien français, mort à Paris, le 17 octobre 1718. Il était curé de Saint-Lambert près de Port-Royal-des-Champs quand il donna sa démission pour devenir vicaire de Saint-Étienne-du-Mont, à Paris. Parmi ses écrits on remarque : Les Psaumes en forme de prières, paraphrase, in-12, Paris, 1690 : cet ouvrage qui eut plus de dix éditions fut fait avec la collaboration de Vincent Loger, curé de Chevreuse ; L’Évangile expliqué selon les Pères, les auteurs ecclésiastiques et la concorde des quatre Avangé listes, 4 in-8°, Paris, 1693-1698. Voir Quérard, La France littéraire, t. vi, 1834, p. 596 ; Hurter, Nomenclator Uterarius, t. ii,

1893, col. 931.
B. Heurtebize.
    1. PARISIENSIS##

PARISIENSIS (CODEX). Parmi les nombreux manuscrits bibliques qui ont porté le nom de Parisiensis, il en est deux qui sont encore généralement désignés de la sorte.

I. Le premier est un fragment de Psautier grec oncial du ix 8 ou Xe siècle, conservé à la Bibliothèque nationale, grec 20. Il comprend quarante feuillets et renferme Ps. xci, 14-cxxxvi, 1, avec deux lacunes (Ps. ex, 7-cxii, 10 et cxvii, 16-cxxvi, 4). Lagarde le désigne par la lettre W, Holmes-Parsons par le numéro 43.

II. Le second, appelé aussi Regius, est un manuscrit oncial du vme siècle (Biblioth. nation, grec 63). II compte 257 feuillets de fort parchemin, est écrit sur deux colonnes de vingt-cinq lignes et renferme les quatre Évangiles sauf Matth., iv, 22-v, 14 ; xxviii, 17-20 ; Marc, x, 16-30 ; xv, 2-20 ; Joa., xxi, 15-25. Il est désigné en critique par la lettre L ; von Soden lui aitribue le symbole c 56. — Bien qu’il soit écrit négligemment, avec de nombreuses fautes d’orthographe, d’accentuation et de ponctuation, que la calligraphie manque d’élégance (le * surtout est proportionnellement énorme), que ses ornements soient d’assez mauvais goût, L est un des codex les plus célèbres des Évangiles parce qu’il a des rapports très frappants avec les grands onciaux. M. von Soden qui vient de l’étudier avec soin, Die Schriften des neuen Testaments in ihrer àltesten erreichbaren Textgestalt, t. i, 2e partie, Berlin, 1905, p. 958-966, le range avec

8 i (Vaticattus), 8 S [Sinaiticus), 8 3 (codex Ephrsemi), 8 6 (W), S 48 (Paris, Bibl. nat. grec U), e 26 (Z), s 76 (A) et quelques autres moins connus dans la grande famille de textes qu’il désigne par le symbole H. Il prouve que le scribe, comme s’il ne comprenait pas le grec, copiait machinalement, confondant et oubliant des lettres, omettant des mots, etc. — On sait que le Vaticanus n’a pas la finale de Marc, xvi, 9-16, et s’arrête brusquement à è^oêojvTo yâp, mais en laissant vidé une colonne entière. Le Parisiensis s"arrête au même point, mais au sommet de la colonne suivante, il ajoute prima manu, car les correctionsde ce codex sont de la main du scribe lui-même, ces notes intéressantes : çep£T£ jcoy xat Tavra +… « àv-ra Sa Ta itap » iTfs).}Jieva xoîç icspt tov itEtpov ouvtojxuc ÈÇriYYtXav + [ista 8à taûxa xat coitoç ô iç àico ôvaToXriç xai â/pt Suoeuç l^aTrEUTiXsv Bi’avroiv to ïépov xat àfôapxov xTipu-fiia + t/jç aîùvtou c « )Tï)pia ; +… Eurr)V 8e xai TaÛTa tfepojjiEva (lera to êço60uvto v a P "*" Avacrràî Se Ttpwt irpuTï) (ra6éaTou + et le reste jusqu’à la fin du chapitre. Ce spécimen peut donner une idée de l’accentuation irrégulière de L et de sa prédilection pour l’esprit rude. L a étécollationné par Wetslein et Griesbach et publié par Tischendorf, Monumenta sacra inedita, Leipzig, 1846.

F. Prat.

    1. PARJURE##

PARJURE (Septante : èmopxia ; Vulgate : perjurium), péché qui consiste à jurer en vain ou à jurer faussement, nisba’las-Séker, « jurer pour le mensonge. » Lev., v, 4. Celui qui commet ce péché s’appelle ÈTctopxoe, perjurus, « parjure. »

I. La loi. — 1° Le Décalogue défend de prendre le nom de Jéhovah en vain, Exod., xx, 7, par conséquent de se servir de ce nom sacré pour donner de l’autorité à des affirmations futiles, et à plus forte raison à des assertions fausses ou à des promesses mensongères. Nbtre-Seigneur rappelle lui-même ce commandement. Matth., v, 33. Il est également interdit de nommer les dieux étrangers, Exod., xxiii, 14, et conséquent ment de jurer par eux. La défense est rappelée, Lev., xix, 12, de ne point jurer par le nom de Dieu en mentant. — 2° La loi ordonne encore que celui qui a fait un serment à la légère et qui s’en aperçoit ensuite, avoue son péché et offre en sacrifice d’expiation une brebis et une chèvre. Lev., v, 4-6.

IL Les infractions. — 1° Chez les Israélites, Saûl donne le mauvais exemple, en jurant de respecter la vie de David et en cherchant ensuite à le tuer. I Reg., xix, 6. Aux approches de la captivité surtout, les prophètes se plaignent des abus. On jure faussement. .1er., v, 2 ; vii, 9. On jure par ce qui n’est pas Dieu, Jer., v, 7 ; par Baal, Jer.", xii, 16 ; parle péché de Samarie, le dieu de Dan, la voie de Bersabée, Ain., viii, 14 ; par Melchom. Soph., i, 5. D’autres prodiguent les serments à tous propos, s’exposant ainsi à l’impiété et effrayant ceux qui les entendent. Eccli., xxiii, 11 ; xxvii, 15. Dieu châtiera ces fautes, Mal., 111, 5, dont s’abftient le juste. Ps. xxiv (xxm), 4. — 2° Au temps de Notre-Seigneur, les scribes et les pharisiens avaient mis en usage des formules de jurement très arbitraires et attentatoires à l’honneur de Dieu. Matth., xxiii, 1622. Voir Jurement, t. iii, col. 1871. — 3° Chez les gentils, la religion du serment n’existait ponr^ainsi dire pas. Les auteurs sacrés les accusent de" cohimettre le parjure. Sap., xiv, 15, 30 ; II Mach., xv, 10 ; I Tim., 1, 10. On voit se rendre coupables de parjure le roi Antiochus Eupator, I Mach., vi, 62 ; Alcime, juif traître à sa religion, I Mach., vii, 15-18 ; le roi Démétrius, I Mach., XI, 53 ; le général Tryphon, I Mach., xiii, 15-19 ; Andronique, lieutenant d’Antiochus Épiphane, II Mach., IV, 34 ; les habitants de Joppé, II Mach., xiii, 3, 4, etc.

H. Lesêtre.
    1. PARKER Samuel##

PARKER Samuel, théologien anglican, né en 1630, mort en 1730. Il était fils de l’évêque d’Oxford, Samuel

Parker, et étudia la théologie. Des raisons politiquesl’empêchèrent d’entrer dans les ordres. Il publia : Bibliàtheca Biblica : being a commentary upon ail the books of the old and new Testament, gathered oui of the genuine tvritings of Fathers and ecclesiastical historians and acts of Councils doivn to the year of ouv Lord 451. Comprehending the proper, allegorial 01mystic and moral import of the texl as delivered in the writings and monuments aforesaid. To which are added introduetory discourses on the authors and authenticity of the books, the tinie of their beingwrillen, etc., 6 in-4°, Oxford, 1720-1725. Cet ouvrage est demeuré incomplet : Samuel Parker n’a traité que du Pentateuque. Voir W. Orme, Biblioth. Biblica,

p. 338.
B. Heurtebize.
    1. PARMÉNAS##

PARMÉNAS (grec : Ilapiievâç, nom qui, d’aprèsplusieurs lexicographes, est une contraction de nap|isvïSï]ç, « constant » ), le sixième des sept premiers diacres que les Apôtres choisirent à Jérusalem pour prendre soin des veuves des Juifs hellénistes. Parmenas porte un nom grec, comme les six autres diacres-Act. , vi, 5. Voir Diacre, t. 11, col. 1402. On ne saitriende certain sur sa vie. D’après le Pseudo-Hippolyte, De LXX Apost., 12, t. x, col. 956, il fut un des soixante-douze disciples et devint évêque de Soles. D’après le Pseudo-Dorothée, De septuaginta dise, 11, t. xcii, col. 1061, « il mourut sous les yeux des Apôtres, en> exerçant les fonctions de son diaconat. » Le martyrologe romain lui fait souffrir le martyre à Philippes en Macédoine sous l’empereur Trajan et marque sa fête au 23 janvier. Voir Acta Sanctorum, januarii t. 111, édit. Palmé, p. 66.

    1. PAROLE##

PAROLE (hébreu : dâbâr, Septante : prijua, lôyoi ; . Vulgate : verbum, sermo). 1° Le mot hébreu dâbâr signifie souvent « chose », res, et aussi « commandement, ordre », exprime par la parole. La Vulgate, comme les Septante, ont traduit dans de nombreux passages dâbâr par « parole », quoiqu’il eût en hébreu, le sens de « chose ». Gen., xviii, 14 : jit| à8uvaTC<ï uapà ©ta) pîina, traduisent les Septante. La Vulgate a renduexactement : Numquid Deo quidquam est difficile f mais ailleurs elle a fréquemment conservé l’hébraïsme : Non erit impossibile apud Deum omne verbum. Luc, 1, 37. Voir Exod., 11, 14 ; ix, 5 ; I Reg., iii, 11, etc~

— 2° Les Livres Saints représentent aussi la parole de Dieu comme animée et agissante, Ps. evi, 20 ; Sap., xviii, 15 ; créant le monde, Gen., 1, 3, etc. ; Ps. cxlviii, 5 ; Sap., ix, 1 ; Ps. xxxii, 6 ; conservant ses fidèles, Sap., xvi, 26, etc. — Pour le Verbe, seconde personne de là-Sainte Trinité, voir Logos, col. 327-328.

    1. PAROS##

PAROS (MARBRE DE), marbre blanc fort estimé ainsi nommé parce qu’on le tirait de l’île de Paros, àl’ouest de Naxos, une des Cyclades, dans l’Archipel. On l’extrayait du mont Marpèse, au sud de l’île. — La Vulgate dit, I Par., xxix, 2, que David avait préparé en abondance du marbre de Paros, marinor Parium, pourla construction du temple de Jérusalem. Elle dit également, Esth., i, 6, que le palais d’Assuérus (Xerxès) à Suse était pavé d’émeraude et de marbre de Paros, pavimentum smaragdino et pario stralum lapide*-Dans les deux passages, les Seplante ont aussi Xt’90vitâpiov et irapïvov XiOov. Le texte original ne parle nulle part du marbre de Paros ; aux endroits cités, il nomme les pierres qui ont été rendues de la sorte par les versions’abnê sais, ses. Les traducteurs grecs, et saint Jérôme à leur suite, ont cru avec raison que l’expression hébraïque désignait des pierres blanches, parceqne la racine de ïaii et SêS signifie « être blanc et latent », cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, iii, 2 ; et Cant., v, 15, et comme le. marbre de Paros était célèbre par

l’éclat de sa blancheur, ils ont employé l’expression impropre de « pierre ou marbre de Paros » pour donner a leurs lecteurs l’idée de ce qu’était la pierre de iaiS ou de SêS. Le Targum explique aussi ces mots par le mot N’nano ou marbre, et l’on admet communément que c’est en effet la véritable signification du mot. Voir Ma.rbre, col. 714.

PAROUS1E (grec : itapouaîa ; Vulgate : adventus). Ce mot signifie littéralement « présence », par opposition à absence, II Cor., x, 10 ; Phil., i, 26 ; ii, 12, mais il se dit particulièrement dans le Nouveau Testament de la venue ou du dernier avènement du Christ dans sa gloire. Matth., xxiv, 3, 27, 37, 39 ; I Cor., xv, 23 ; I Thess., ii, 19 ; iii, 13 ; iv, 15 (14) ; v, 23 ; II Thess., 11, 1, 8 ; Jac, v, 7, 8 ; II Pet., i, 16 ; iii, 4 ; I Joa., ii, 28. Sur le dernier avènement de NotreSeigneur, voir Fin du monde, t. ii, col. 2268-2278.

    1. PARRICIDE##

PARRICIDE, crime de celui qui meta mort son père ou sa mère. — La loi mosaïque condamne à la peine de mort celui qui frappe son père ou sa mère. Exod., XXI, 15. Mais elle ne prévoit pas le parricide, tant ce crime

Jer., x, 16 ; ii, 19 ; Zach., ii, 12 ; Esth., xiii, 16 ; Eccli., xvii, 15 ; xxiv, 16 ; II Mach., i, 26. — 2° La consécration de quelqu’un à Dieu. Jéhovah est la part des lévites et ils n’ont pas d’autre héritage sur la terre. Deut., x, 9 ; xii, 12 ; xiv, 27, 29 ; Eccli., xlv, 29. Les âmes fidèles prennent Dieu pour leur part, c’est-à-dire font profession d’être totalement à lui. Ps. xvi (xv), 5 ; lxxiii (lxxii), 26 ; cxlii (cxli), 6 ; Lam., iii, 24. — 3° La destinée, le lot particulier de chacun’. Job, xxxi, 2, se demande quelle part Dieu lui réserve. La part de l’homme c’est de jouir de son travail, Eccle., ii, 10, de prendre plaisir à ses œuvres, Eccle ; , iii, 21, d’user des biens de la vie, Eccle., v, 17, et quelquefois d’en abuser. Sap., ii, 9. Aux pieds de Jésus, Marie-Madeleine a choisi la bonne part. Luc, x, 42. Les astres du ciel ne sont .pas faits pour être adorés, puisque Dieu a voulu qu’ils fussent la part de tous les peuples, c’est-à-dire que ce soient des simples créatures faites pour l’utilité de tous. Deut., iv, 19. — 4° Le châtiment, c’est-à-dire le sort malheureux qui attend les méchants. Job, xx, 29 ; xxvii, 13 ; Ps. xi, 6 (x, 7) ; l (xlix), 18 ; lxiii (lxii), 11 ; Is., xvii, 14 ; lvii, 6 ; Eccli., xiii, 12 ; Matth., xxiv, 51 ; Luc, xii, 46 ; Apoc, xxi, 2. — 5° Le commerce avec

572. — Guerriers parthes. Arc de triomphe de Septime Sévère. D’apiès Duruy, Hist. des Romains, t. VI, p. 71.

paraissait improbable. Cette raison empêcha aussi Solon de le mentionner dans ses lois. Cf. Cicéron, Pro Roscio, 25. De fait, la Sainte Écriture ne cite aucun cas de parricide. — Notre-Seigneur dit cependant que, par suite des haines suscitées contre sa doctrine, les enfants s’élèveront contre leurs parents et les feront mourir. Matth., x, 21 ; Marc, xiii, 12. Ainsi les passions religieuses étoufferont même la voix du sang pour faire disparaître les disciples du Sauveur. — Saint Paul explique que laLoi n’a pas été portée pour les justes, .mais pour les injustes, au nombre desquels il range les itaTpovwai et les |Aï]Tpo>.wat. I Tim., i, 9. La Vulgate traduit ces mots par parricidse, matricidse, parricides, matricides. Chez les classiques, les deux mots grecs ont la forme irarpaXotaç, [ « iTpaWaç, qui deviennent en attique 71aTpa).<iaç, p.ï)Tpa), waç, composés avec le verbe àXoiâtû ou àXoâw, « battre, maltraiter, » de même que les deux mots latins sont composés avec le verbe cœdere, qui a exactement le même sens, La Loi ne parlait pas de ceux qui tuent leur père ou leur mère, mais seulement de ceux qui les maltraitent ; saint Paul ne veut donc pas étendre au delà la signification des mots qu’il emploie, bien que souvent ces expressions comportent

l’idée d’homicide.
H. Lesêtre.

PART (hébreu : héléq, chaldéen : hâlâq ; Septante : x), fipoc, [lepcç, pipoç ; Vulgate : pars), ce qui revient à chacun. Le mot héléq, comme les mots similaires de l’hébreu et des autres langues, désigne d’abord la portion d’un tout qui a été divisé ou qui peut l’être. Gen., xiv, 24 ; Deut., x.viii, 8, etc. Il est encore employé pour indiquer : 1° La propriété particulière de Dieu. La ( part de Jéhovah, c’est son peuple. Deut., xxxii, 9 ;

quelqu’un, les rapports d’amitié et d’entente que l’on peut avoir avec lui. Les tribus transjordaniques se bâtirent un autel afin qu’un jour les autres Israélites ne pussent leur dire : « Vjus n’avez point de part à Jéhovah, » vous ne faites point partie du peuple qu’il a pris sous sa tutelle, Jos., xxii, 25. « Nous n’avons pas de part avec David, » était un cri poussé par ceux qui se séparaient du roi. II Reg., xx, 1 ; III Beg., xii, 16. Il n’y a point de part du riche au pauvre, Eccli., xiii, 22, du fidèle à l’infidèle, II Cor., vi, 15, c’est-à-dire point de commerce entre eux, à tort ou à raison. Notre-Seigneur dit à Pierre, qui refusait de se laisser laver les pieds : « Tu n’auras pas part avec moi. » Joa., xm, 8. — La part de Nabuchodonosor, pendant sa folie, était avec les bêtes des champs. Dan., IV, 12, 20.

H. Lesêtre.
    1. PARTHES##

PARTHES (grec : IlàpOoi ; Vulgate : Parthï). Dans le récit de la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres, les Parthes sont mentionnés à côté. des Mèdes parmi les peuples qui furent témoins du miracle de la multiplication des langues, Act. ii, 9. Les Parthes dont il s’agit dans ce passage étaient des Juifs qui s’étaient fixés en Parthie. Sous le nom de Parthie on désignait la région montagneuse située au sud de la mer Caspienne, à l’est de la Médie. Les principales montagnes sont le Labus ou Labutas, le Parachoatras et le Masdor..De nombreux petits torrents arrosent le pays. Strabon, XI, ix, 2, et Arrien, fragtn. I, les.regardent comme d’origine scythe ; Moïse de Chorène, Hist. Artnen. ii, 65, le fait descendre d’Abraham par Cétura. On ne sait rien d’eux avant Darius fils d’Ktystarpe, qui les rangea dans la sei-~ zième satrapie de son royaume. Hérodote, iii, 93. Ils restèrent fidèles aux Perses contre Alexandre Arrien, Anab.,

m, 8. Après la mort du roi de Macédoine, ils firent partie du royaumeVles Séleucides, Arsace fonda une dynastie nationale, les Arsacides, qui comptèrent trente et un rois, depuis 248 av. J.-C, jusqu’en 226 après J.-C. Au temps des Apôtres le pays était gouverné par Arsace XIX. — ^rtaban III monte sur le trône en l’an 16. Les Parthes {%. 572) vainquirent souvent les Romains depuis Crassus jusqu’à Trajan. Strabon, XI, ix. — Voir H. Kiepert, Manuel de Géographie ancienne, trad. franc., in-8°, Paris, 1887, p. 39-40 ; Th. Mommsen, Histoire romaine, trad. Cagnat et Toutain, in-8°, Paris, 1888, t. x, p. 153-162, 167, 170, 176-178, 190, 191, 246-252.

E. Beuklier.

    1. PARURE##

PARURE, ce qui sert à orner une personne. Voir Bijou, t. ii, col. 1794 ; Ornement, col. 1895.

    1. PARVAÏM##

PARVAÏM (hébreu : Parvâim ; Septante : <J>apoutn ; Aleccandrinus : « papoua’iji), nom de lieu, d’après les uns, d’où provenait l’or dont se servit Salomon pour orner le Temple ; adjectif marquant l’excellence de cet or et non son origine, d’après les autres. La Vulgate a traduit par aurum probatissimum, « or très fin. » II Par., iii, 7 (hébreu, 6). L’opinion la plus probable est que Parvaïm est un nom de pays. Quel est ce pays ? On y a vu (Castell) la ville de Barbatia ou. Parbatia, sur le Tigre, Pline, H. N., vi, 32 ; un double Pérou, à cause de la forme duelle du mot hébreu, c’est-à-dire le Pérou et Mexico (Arias Montanus, Vatable), le Chrysorrhoas ou fleuve d’or en Syrie, l’Ile de Taprobane ou de Ceylan, l’Arabie, l’Inde, etc. Voir D. Schenkel, Bibel-Lexicon, t. iv, 1872, p. 383. A. Sprenger, Die alte Géographie Arabiens, 1875, p. 55, compare Parvaïm avec Farwa dans l’Arabie méridionale, et Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und Géographie Arabiens, t. ii, 1890, p. 347, avec Sak el-Farvaïn, dans le Yémamah au nord-est de l’Arabie. Ce qui paraît le plus vraisemblable, c’est que Parvaïm n’est pas autre qu’Ophir, <l’où Salomon avait tiré une grande quantité d’or. Voir Ophir 2, col. 1829.

    1. PARVARIM##

PARVARIM, partie du temple de Jérusalem. II (IV) Reg., xxiii, 11. La Vulgate écrit ce mot Pharurim. Voir Pharurim.

PARVIS ou cours du temple de Jérusalem. Voir Temple.

PAS (Ange del), religieux franciscain, né à Perpignan, en 1540, mort à Rome le 23 août 1596. Théologien très versé dans l’histoire ecclésiastique et la théologie scolastique, il fut tenu en haute estime par les papes Grégoire XIII, Sixte-Quint, Grégoire XIV et Clément VIII. Ce savant religieux laissa de nombreux ouvrages ; parmi ceux qui ont été publiés on remarque : In Marci Evangelium commentaria, m-t », Rome, 1623 ; In Lucse Evangelium commentaria, in-f°, Rome, 1625. Les commentaires sur saint Matthieu et sur saint Jean sont demeurés inédits. Voir Wading, Scriptores Ord. Minorum, in-f°, Rome, 1650, p. 23 ; N. Antonio, Biblolh. Hispana nova, t. i, p. 91.

B. Heurtebize

    1. PASQUAL Raymond##

PASQUAL Raymond, religieux dominicain^ espagnol, mort à Barcelone, en 1593. Maître en Rhéologie, il composa des Commentaria in Êpislolam B. Pauli Apostoli ad llomanos, in-f », Barcelone, 1597. Voir Echard, Scriptores Ord. Priedicatorum, t. ii, p. 310 ; N. Antonio, Biblioth. Hispana nova, t. ii, p. 257.

B. Heurtebize

    1. PASSAGE DE SAINTE MARIE##

PASSAGE DE SAINTE MARIE, livre apocryphe appelé en latin De transitu Virginh Marise, faussement attribué à Méliton. Voir Marie 1, col. 801 ; Méliton, col. 947 ; Assomption, t. i, col. 1137 ; Apocryphes, t.i, col. 769.

    1. PASSEREAU##

PASSEREAU (hébreu : sippôr ; Septante : .ôpviSiov uTpoufliov ; Vulgate : passer), nom générique comprenant les oiseaux que leurs caractères particuliers ne rangent pas dans quelque autre classe. Voir Oiseau, col. 1765.

I. Leurs caractères généraux. — Les passereaux ne comprennent guère que dés oiseaux de petite et de moyenne taille. Ils ont quatre doigts dirigés trois en avant et un en arrière. Tous les oiseaux chanteurs et la plupart des migrateurs rentrent dans cette classe. On les divise surtout d’après la conformation de leur bec.

— 1° Les dentirostres ont le bec échancré près de la pointe et se nourrissent généralement d’insectes. Tels sonts les merles, les sylviadés : traquet, roitelet, fauvette, rossignol, bergeronnelle, etc. — 2° Les fissirostres ont le bec largement fendu. Tels sont l’engoulevent (t. ii, col. 1804), l’hirondelle (t. iii, col. 719) et le martinet (t. iii, col. 720). — 3° Les coniroslres ont le bec, conique et sans échancrure. Tels sont l’alouette, la mésange, le moineau, l’étourneau, le bruant, le corbeau (t. il ; col. 958), etc. — 4° Les ténuirostres ont le bée long, étroit et souvent flexible. À cette classe appartient

573. — Passer moabiticus.

la huppe (t. iii, col. 779). — 5° Les syndactyles ont le doigt externe presque aussi long que celui du milieu. Le marlin-pêeheur fait partie de cette classe. — On ajoute quelquefois à ces divisions celle des zygodactyles ou grimpeurs, qui ont les doigts accouplés, deux devant et deux derrière. Tels sont le pic, le coucou (t. ii, col. 1059), etc.

II. Les passereaux de Palestine. — Les passereaux sont généralement moins nombreux en Palestine que dans d’autres contrées à écarts plus considérables de température. On en compte pourtant 144 espèces, non compris les corbeaux. Les passereaux palestiniens n’ont rien dans le plumage qui les dislingue d’avec ceux des autres pays. Cependantils ne possèdent pas les brillantes couleurs quirendent si remarquables leurs congénèresdes régions tropicales ; ceux qu’on rencontre dans les déserts revêtent même des nuances plus sombres que ceux de nos pays. Le moineau se trouve dans toute la Palestine, représenté par différentes espèces, le passer cisalpina, le passer moabiticus (fig. 573), le passer salicarius ou salicicola, espèce très voisine du moineau commun d’Europe, qui encombre de ses nids lenabqoa zizyphus spina-Christi de la vallée du Jourdain. « Ce passereau, ne trouvant point ici de tuiles sous lesquelles il puisse s’abriter, construit une retraite grossière, absolument sphérique, formée de tiges d’herbes entrelacées ; un trou placé latéralement permet aux habitants de pénétrer dans l’intérieur de la demeure, matelassée avec de la laine et du coton. Cette ouverture ne peut être atteinte que difficilement par les serpents qui cherchent à dévorer les œufs. Ces nids sont toujours placés sur les nabq, et jamais sur d’autres essences. Ainsi, au

Thabor, où les arbres de toute espèce sont nombreux, les moineaux n’occupent, comme à Ain-Djedy (Engaddi), que les zizyphus épineux. Il est facile d’expliquer la cause de cette préférence, qui résulte d’un choix par-., faitement raisonné. Les oiseaux de proie sont abondants en Syrie et font une guerre acharnée aux petites espèces : les moineaux, partout très intelligents, ont bien vite compris que les épines serrées et aiguës des zizyphus les préservent sûrement du bec et des serres des pillards aériens. Aussi dès qu’un vautour, un épervier ou un milan pavait, . tous les oisillons se réfugient-ils au plus vite dans des buissons de nabq, entre les branches desquels ils passent à cause de leur petite taille, tandis que l’oiseau de proie ne peut absolument pas y pénétrer. Du sein de cette forteresse inexpugnable, les pierrots gouailleurs se mettent à bavarder paisiblement ou à narguer avec insolence leurs ennemis impuissants. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 482-485. Quantité d’autres petits oiseaux se mettent à l’abri dans le même arbre : Le rollier, coracias garrula, bel oiseau bleu et vert, et le guêpier, merops apiaster, sont très communs en Palestine. Il y a deux ou trois sortes de mésanges, des merles de différentes espèces, des litornes, des rouge-gorge, qui apparaissent en grand nombre pendant l’hiver, des bergeronnettes, des roitelets, des fauvettes à tête noire et de plusieurs autres espèces, des tariers et des traquets, abondants dans les hauts plateaux de Judée, des étourneaux, des pinsons, des linottes, des chardonnerets, etc. Le lanier ou oiseau-boucher, lanius, est représenté par six espèces. L’alouette abonde, surtout dans les plaines du sud ; on en compte une quinzaine d’espèces. L’alouette huppée, galerila cristala, recherche le voisinage de l’homme et accompagne Volontiers les caravanes en voltigeant et en s’arrêtant sur leur passage et en les égayant de son chant. Parmi les bruants, on signale Yemberiza cœsia, Yemberiza ortulana et Veuspizia melanocephala ou roi des ortolans. Le mâle de cette dernière espèce a la taille du pinson, est richement coloré en jaune, avec des ailes fauves et la tête noire, et, perché sur la plus haute branche d’un buisson, fait entendre un chant agréable, pendant que la femelle, moins gracieusement emplumée, reste dans le buisson, silencieuse ou occupée à couver. Les martins-pêcheurs, toujours très sauvages, fréquentent les bords de la mer Morte et du Jourdain. Ils pèchent des petits poissons dans des lagunes formées par les eaux douces. L’un d’eux, l’alcyon smyrnensis, rase la surface du fleuve avec une vitesse extrême ou perche sur des branches voisines de l’eau, plonge tout d’un coup, rapide comme une flèche, et rapporte chaque fois un poisson. Un superbe colibri, nectarinia osese, a été découvert dans le bassin de la mer Morte. « Ce petit oiseau, long de quelques centimètres à peine, est orné à la gorge de plumes d’un bleu-vert métallique aux reflets les plus brillants, et de taches orange aux épaules. Il est d’une vivacité extrême et il vole avec une telle légèreté, qu’on a de la peine à l’apercevoir lorsqu’il butine d’une fleur à l’autre. Ce n’est que l’orsqu’il introduit son long bec recourbé dans les corolles chargées de miel, qu’on peut l’examiner facilement. Il fait alors vibrer ses ailes d’une manière particulière, et il reste ainsi parfaitement immobile, suspendu dans les airs, pendant quelques secondes ; mais, au inoindre mouvement qui l’effraie, il disparaît avec la vitesse d’une balle. Cette charmante créature n’est point propre à la vallée du Jourdain, ainsi qu’on l’a publié ; c’est un oiseau migrateur qui vient probablement de loin ; en hiver, il s’avance fréquemment au nord-ouest, jusque dans les jardins de Beyrouth et dans d’autres localités de la Phénicie. » Lortet’, La Syrie d’aujourd’hui, p. 463. Parmi les grives, la grive bleue, petrocincla cyanea, hien connue dass le sùfd de l’Europe et en Palestine,

évite la société même des oiseaux de son espèce et vit solitaire ; on en voit rarement deux ensemble. Elle perche au sommet d’une construction ou d’une éminence quelconque et de là fait entendre de temps en temps une note plaintive et monotone. Les bulbuls, jœus xan- thopygius, sont les rossignols de Syrie. Par leur chant, ils rivalisent avec nos rossignols, bien qu’ils forment une espèce très distincte. La vallée du Jourdain est fréquentée par des oiseaux qui rappellent de plus près cqux de l’Inde et de l’Abyssinie. Tels sont, outre le colibri et le bulbul, le babillard des buissons, crateropus chalybeus, et l’amydrus tristamii, aux ailes de couleur orange. Cf. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 201-204.

III. Les passereaux dans la Bible. — Il est souvent parlé d’eux sous le nom’général d’oiseaux. Les oiseaux employés pour la purification du lépreux ne sont pas désignés spécifiquement et sont probablement des passereaux. Lev., xiv, 4-53. Il est parlé de la demeure du passereau, Ps. lxxxiv (lxxxiij), 4, dans les cèdres du Liban. Ps. civ (cm), 7 ; Ezech., xvii, 23. Voir Nid, col. 1620. Les passereaux sont menacés par les filets de l’oiseleur, Am., iii, 5 ; Prov., vii, 23, mais ils y échappent souvent. Ps. cxxiv (cxxm), 7 ; Prov., xxvi, 2. Le passereau qui passe la nuit solitaire sur le toit, Ps. ca (ci), 8, pourrait être la grive bleue. Les passereaux sont craintifs ; comme eux, le persécuté doit fuir vers la montagne, Ps. xi (x), .2 ; comme eux aussi, les Israélites reviendront tout tremblants de l’exil. Ose., XI, 11. Le vieillard se lève au chant de l’oiseau. Eccle., xii,

4. Les passereaux chanteurs font résonner leur voix dès l’aube du jour. — Au temps de Notre-Seigneur, deux passereaux valaient un as, soit six centimes, Matth., x, 29, et cinq passereaux un dipondius, soit douze centimes. Luc, xii, 6. Il n’y a pas de contradiction entre les deux estimations. Cela revient à dire que, conformément à une méthode de vente encore en usage aujourd’hui, on avait deux passereaux pour un as et cinq pour deux as." Ces passereaux, de si peu de valeur, sont cependant l’objet des attentions de la Providence. Notre-Seigneur fait remarquer qu’un homme vaut beaucoup plus que bien des passereaux et que, par conséquent, il peut et doit compter sur le secours de la Providence. Matth., x, 31 ; Luc, xii, 7.

H. Lesêtre.

1. PASSION de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1473-1477.

2. PASSION (Grec : itàOoç, Kxbr^m, èx18u[i.to(, ifiovf, ; Vulgate : passio, concupiscentia, libido), penchant naturel vers le mal, spécialement vers les péchés de la chair. — La Sainte Écriture parle, à l’occasion, des différentes passions de l’homme, amour, haine, désir, crainte, joie, tristesse, colère, etc. Mais les mots ci-dessus visent surtout la passion mauvaise, qui entraîne plus ou moins violemment à un certain genre de fautes. — 1° Les deux vieillards de Babylone succombèrent à leur passion à la vue de Susanne. Dan., xiii, 8, 11, 14, 20, 56. Des idolâtres insensés allaient jusqu’à se prendre de passion pour une statue peinte. Sap., xv,

5. Les âmes simples sont perverties par le vertige de la passion. Sap., iv, 12. Dieu a humilié et puni les sages du paganisme, qui ne l’ont pas reconnu dans ses œuvres, en les abandonnant aux passions ignominieuses. Rom., i, 26. La concupiscence dont parle saint Paul, Rom., vii, 7-11, n’est pas celle qui porte aux actes contraires à la loi naturelle, mais seulement celle qui suscite une opposition contre les préceptes de la loi positive, particulièrement de la loi mosaïque. Cf. Rom., vii, 5. Mais saint Jacques, I, 14, quand il dit que chacun est tenté et entraîné par sa propre convoitise, entend par là les passions mauvaises qui sont au cœur de l’homme, et qui engendrent le péché, les guerres et les luttes, parce -2177

PASSION — PASTEUR

2178

qu’on veut leur donner satisfaction. Jacob., IV, 1, 3. Saint Pierre poursuit les faux docteurs et les sceptiques qui s’abandonnent aux impures convoitises de la chair. II Pet., ii, 10 ; iii, 3. Saint Jean déclare que dans le inonde tout est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie. I Joa., ii, 16, 17. La concupiscence de la chair n’est autre chose que la passion <jui entraîne l’homme vers les satisfactions charnelles.

— 2° Il y a obligation derésister aux passions mauvaises en écartant les occasions, Eccli., ix, 9, en ne s’abandonnant pas soi-même, Eccli., xviii, 30, et en implorant le secours de Dieu. Eccli., xxiii, 6. Saint Paul recommande aux chrétiens de ne pas obéir aux convoitises du péché, Rom., vi, 12, et de faire mourir les membres de l’homme terrestre, c’est-à-dire toutes les convoitises mauvaises. Col., iii, 5. Ceux qui sont à Jésus-Christ crucifient leur chair avec ses passions et ses convoitises, Gal., v, 24, et la grâce les soustrait à la corruption qui résulte de ces passions. II Pet-, i, 4.

H. Lesêtre.

PASTÈQUE. Voir Melon, col. 951.

    1. PASTEUR##

PASTEUR (hébreu : rô’éh ; Septante : ito ; (at, v ; Vulgate : pastor), celui qui remplit vis-à-vis des âmes le rôle du berger vis-à-vis des brebis. Voir Berger, t. i, col. 1614. — Métaphoriquement, ceux qui gouvernent les peuples sont appelés bergers ou pasteurs. Dans un sens plus relevé, le même nom est attribué par la Sainte Écriture à ceux qui prennent soin des âmes, pour les instruire et les diriger vers le bien. — 1° À ce titre, Dieu est le pasteur par excellence. Gen., xlix, 24. ïl promet d’envoyer un jour aux hommes son « serviteur David, l’unique Pasteur qui les fera paître, » c’est-à-dire le Messie. Ezech., xxxiv, 23. Quand ce Messie vint, il trouva son peuple comme des brebis sans pasteur, Matth., ix, 36 ; Marc, vi, 34, c’est-à-dire sans véritables guides spirituels, puisque les gouvernants de toute nature ne manquaient pas alorsau peuple d’Israël. Il se présenta comme le bon Pasteur (fig. 574), opposé au voleUr et au mercenaire, celui qui connaît ses brebis et que ses brebis connaissent, qui donne sa vie pour elles, qui les défend contre le loup, qui s’en va à la recherche des égarées, qui leur donne la vie éternelle et que nul ne pourra ravir de sa main ni de la main de son Père. Joa., x, 8, 11-16, 27-29. Tous ces traits révèlent l’action que le Sauveur entend exercer sur les âmes, non par la contrainte et la violence, mais par la douceur et la persuasion, comme il convient à l’égard d’âmes comparées à des brebis. Au moment de sa Passion, Notre-Seigneur s’applique à lui-même le mot du prophète : « Je frapperai le Pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées. » Matth., xxvi, 31 ; Marc, xiv, 27. Saint Pierre félicite les nouveaux convertis d’être revenus à celui qui est le Pasteur et l’Évêque de leurs âmes, I Pet., Il, 25, et qu’il appelle le « Prince des pasteurs ». I Pet, v, 4. Dans PÉpître aux Hébreux, xiii, 20, il est dit que Dieu a ramené d"entre les morts « le grand Pasteur des brebis, Notre-Seigneur Jésus. » Le nom de pasteur est pris dans ce sens spirituel, en parlant du Messie, par le prophète Ézéchiel, et Notre-Seigneur en a autorisé l’usage en se l’appliquant à lui-même. Les premiers chrétiens aimèrent à le représenter souvent sous cet emblème dans les catacombes (fig. 574). — 2° Dès l’Ancien Testament, le mot est employé dans un sens analogue en parlant de ceux qui exercent une action spirituelle sur les autres. L’Ecclésiaste, xii, 11, compare à des clous plantés « les paroles des sages, données par un seul pasteur, . » c’est-à-dire sous l’inspiration d’un maître autorisé. Isaïe, lvi, 10, 11, stigmatise les mauvais pasteurs d’Israël, « sans intelligence, chiens muets qui ne savent pas aboyer, qui ne savent pas comprendre, » c’est-à-dire qui ne sont pas assez instruits pour enseigner la


vérité, ni assez désintéressés pour combattre le mal. Jérémie, ii, 8, transmet les reproches du Seigneur aux « dépositaires de la loi qui ne l’ont pas connu, aux pasteurs qui lui ont été infidèles. » Lui-même, il n’a pas « refusé d’être pasteur » à la suite du Seigneur. Jer., xvil, 16. Il annonce que « le vent emportera les pasteurs infidèles, » Jer., xxii, 22, mais qu’un jour Dieu « donnera des pasteurs selon son cœur, qui, avec intelligence et sagesse, paîtront » son peuple. Jer., iii, 15. Enfin, Ézéchiel, xxxiv, 2-10, a une longue invective contre les mauvais pasteurs d’Israël, qui ont laissé les brebis à l’abandon et au pillage pour ne songer qu’à se paître eux-mêmes. — Dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur fait de saint Pierre le pasteur principal de son Église, en lui commandant de « paître ses agneaux, paître ses brebis. » Joa., XXI, 15-17. Saint Paul remarque que Jésus-Christ a constitué dans son

574. — Le bon Pasteur. Catacombe de Saint-Calixte.

Église les uns apôtres, « d’autres pasteurs et docteurs, en vue du perfectionnement des saints, pour l’œuvre du ministère. » Eph., iv, 11. Il compare les ministres de l’Église à ceux « qui font paître le troupeau. » I Cor., IX, 7. Enfin saint Pierre recommande aux prêtres de < paître le troupeau de Dieu qui leur a été confié, non en dominateurs, mais en modèles du troupeau. » I Pet.,

v, 2.
H. Lesêtre.

2. PASTEUR d’Hermas. Ce livre, qui a pour titre en grec not(^v, est l’œuvre d’Hermas (voir t. iii, col. 612), frère du pape saint Pie I er qui occupa la chaire de saint Pierre de l’an 141 à l’an 156. Voir Canon de Muratori, t. ii, col. 171. Jusqu’en 1856, les savants n’ont connu le Pasteur que par une version latine. On possède maintenant de bonnes éditions du texte grec original qui a été retrouvé. Voir O. de Gebhart et A. Harnack, Patrum apostolicorum Opéra, t. iii, Hermse Pastor grsece, Leipzig, 1877 ; F. X. Funk, Patres apostolici, 2e édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 454-639. Le livre se divise en deux parties ; la première renferme quatre u. visions s ; la seconde douze « commandements », mandata, et neuf « similitudes s, similitudines. C’est surtout une exhortation à la pénitence. Il porte le titre de Pasteur, parce que l’ange de la pénitence qui lui apparaît dans la cinquième vision et lui transmet les commandements se présente sous la forme d’un berger.

IV. — 69

2179

PASTEUR

PATIENCE

2180

Le Pasteur jouit dans la primitive Église dune grande autorité. Saint Irénée, Adv. hier., iv, 30, 2, X. xii, col. 217 ; Tertullien, De orat., xvi, t. i, col. 1172 ; Origène, E comment, in Osée, t. xiii, col. 828, le nomment TpaipTi, Scriptura divina. On le lisait encore publiquement dans les églises au IVe siècle. Eusèbe, H. E., iii, 3, t. xx, col. 217. C’est à cause de cet usage qu’on le trouve à la suite du Codex Sinaiticus de l’Ancien et du Nouveau Testament. Mais il n’a jamais été mis au rang des livres canoniques. Origène, De princ., iv, 11, t. xi, col. 565, remarque qu’il n’est pas estimé de tous ; Tertullien, dans ses écrits montanistes, que toutes les églises le rangent parmi les livres apocryphes ou non canoniques, De pudicit., 10, t. ii, col. 1000 ; de même saint Athanase, De Nie. décret., 18, t. xxv, col. 456 ; Eusèbe, h. E., iii, 25, t. xx, col. 269 ; le canon du pape Gélase, voir Apocryphes, t. i, col. 768. Cf. S. Jérôme, In Rabac, i, 14, t. xxv, col. 1286-1 287 ; De vir. ïll., x, t. ii, col. 625. — Sur les citations ou allusions scripturaires du Pasteur, voir O. de Gebhart, Patr. apost. Opéra, t. iii, p. 272-274 ; Funk, Patres apostolici, t. i, p. 649652 ; sur l’auteur et son orthodoxie, Funk, Patres apostolici, Prolegomena, 2e édit., Tubingue, 1891, p. cxxiicli ; Id., Eermas, dans Wetzer und Welte, Kirchenleœicon, t. v, 1888, col. 1839-1844 ; Rambouillet, L’orthodoxie du livredu Pasteur d’Hermas, Paris, 1880 ; E. Bardenhewer, Les Pères de l’Église, trad. Godet et Verschaffel, t. i, Paris, 1898, p. 84-98.

    1. PASTOPHORES##

PASTOPHORES, mot grec, ira<rtoq><Sptov, qui se lit plusieurs fois dans la traduction des Septante. I Par., ix, 26, etc. ; Jér., xxxv, 4 ; Ezech., xl, 17. On ne le rencontre qu’une fois dans la Vulgate latine, I Mach., iv, 38 : Les soldats de Judas Machabée « montèrent à la montagne de Sion et ils virent les lieux saints déserts, et l’autel préparé et les portes brûlées …et pastophoria diruta » (grec : TtaoToçopia xa6Y]pr)fjiiva). Les pastophoria désignent les chambres dans lesquelles on conservait les trésors et les meubles du Temple et où habitaient les prêtres et les lévites. Voir S. Jérôme, In Ezech., xl, 17, t. xxv, col. 382. J. Frd. Schleusner, Novus thésaurus philologicus, t. IV, 1821, p. 253.

    1. PASTORALES##

PASTORALES (ÉPITRES). On appelle de ce nom les deux Épîtres que saint Paul adressa à Timothée et celle qu’il adressa à Tite, parce que l’Apôtre y trace à ses deux disciples les devoirs d’un pasteur des âmes. Voir Timothée (ÉpItres i et ii à) et Tite (ÊpItre à).

    1. PATARE##

PATARE (grec : xà ndtrapa), ville de Lycie à environ 60 stades ou 9 kil. au sud-ouest de l’embouchure

575. — AVT. KAI. ANT…. CEB. Busteradié et drapé d’Héliogabale, à droite. — i$" ; IIATAPES ! N. L’empereur lauré, drapé dans la toge, debout, à gauche, tenant le volumen et un rameau de laurier. À ses pieds, un aigle sur un globe.

du Xanthe, en face de l’île de Rhodes (fig. 575). Dans sa troisième mission, saint Paul venant de Rhodes aborda à Patare où il trouva un navire qui faisait route vers la Phénicie. Il s’y embarqua aussitôt pour aller à Tyr. Act., xxi, 1-3. Patare servait de port à la. ville de Xanthe, Appien, Bell, civ., iv, 81. C’était une escale sur la route entre les ports d’Italie, de l’Egypte et du Levant. De là l’importance et la richesse de la ville.

Tite Live, xxxvii, 15, l’appelle Caput gentis. Elle portait le titre de métropole, Corp. insc. grmcar., n. 4280, 4281, 4283. Patare célébrait le culte d’Apollon qui y rendait des oracles. Conybeare et Howson, The Life and Epistles of St. Paul, in-8°, Londres, 1891, p. 560. Un. banc de sable bouche maintenant l’entrée du Xanthe. Il reste quelques ruines sur l’ancien emplacement de Patare qui n’est plus qu’un désert. Le village turc porte

576. — Plan de Patare.

D’après la carte de l’Amirauté anglaise.

le nom de Djelemish. Journal of Hellenic studies, 1889, . p. 46-85 ; Ch. Fellows, An account of discoreries in Lycia, in-4°, Londres, 1841, p. 222 ; Spratt et Forbes, Travels in Lycia, in-8°, Londres, 1847, t. i, p. 30 ; t. n r p. 189 ; O. Benndorf und G. Niemann, Reisen in Lykien und Karien, in-f », Vienne, 1884 ; 1. 1, p. 114-117, t. ii, p. 118, pi. xxxii-xxxiv ; G. Hill, Catalogue of the Greek coins of Lycia, 1897, p. 25-27. E. Beurlier.

    1. PATIENCE##

PATIENCE (hébreu : ’orék’appayîm, ’orék rûah ; Septante : fjLaxpoâu|iîa, tjtco[xov^ ; Vulgate : patientia, sufferentia), disposition à attendre plus ou moins longtemps, même dans des conditions pénibles, que le mal soit écarté ou puni et que le bien désiré arrive. Lapatience est opposée à la colère, qui s’exprime par ladilatation des narines et la rapidité de la respiration. L’impatient est appelé qesar’appayim ou rûah, « court de narines » ou de a souffle ». Prov., xiv, 17, 29. La patience est au contraire’orék’appayîm ou rûah, « longueur de narines » ou de « souffle ». Elle consiste tantôt à laisser faire, tantôt à attendre et tantôt à souffrir un temps plus ou moins long.

1° Patience divine. — 1. Dieu est patient, parce qu’il a pitié de ses créatures même infidèles et veut leur laisser le temps du repentir, Exod., xxiv, 6 ; Num., xiv, 18 ; Judith, viii, 14 ; Ps. lxxxvi (lxxxv), 15 ; , cxlv (cxliv), 8 ; Sap., xv, 1 ; Eccli., v, 4 ; Joël, ii, 13 ; Jon., iv, 2 ; Nah., i, 3 ; II Mach., VI, 14 ; Rom., ii, 4 ; ix r 22 ; I Pet., iii, 20 ; II Pet., iii, 9, et aussi parce qu’il a l’éternité devant lui. Eccli., xviii, 9. Il est le Dieu de patience. Rom., xv, 5. — 2. Néanmoins sa patience n’a qu’un temps, et le moment arrive toujours où sa justice atteint les coupables. Eccli., xxxv, 22 ; Luc, xviii, 7. — 3. La patience de Dieu t feit quelquefois l’étonnement des justes. Hab., i, 13. Voir Mal, t. iv, col. 601-604.

2° Patience humaine. — 1. La patience, est recommandée au serviteur de Dieu, Bar., iv, 25 ; Eccli., n>

4, au chrétien, Rom., xii, 12 ; Eph., iv, 2 ; Col., iii, 12 ;

I Thés., v, 14 ; II Thés., i, 4 ; iii, 5 ; Tit., ii, 2 ; Jacob., v, 7, 8 ; I Pet., ii, 20 ; II Pet., i, 6, et au ministre de l’Église, I Tim., vi, 11 ; II Tim., ii, 24 ; iv, 2. — 2. L’exemple de la patience a été donné par Job, Job, xvll, 15 ; Jacob., v, 11 ; les prophètes, Jacob., v, 10 ; Tobie, Tob., n, 12 ; les justes en général, Sap., ii, 19 ; Apoc, xiii, 10 ; xiv. 12 ; saint Paul, II Cor., vi, 4 ; xii, 12 ; Col., i, 11 ; II Tim., iii, 10 ; saint Jean, Apoc, i, 9 ; les évêques d’Éphèse, Apoc, ii, 2, 3, de Thyatire, Apoc., ii, 19, et de Philadelphie. Apoc, iii, 10. À un point de vue purement naturel, les Romains ont fait prospérer leur empire par la patience, fj.axpo80ji(a, l’esprit de suite et la persévérance dans leurs entreprises. I Mach., viii, 3.

— 3. Pratiquer la patience, c’est faire preuve d’intelligence, Prov., xiv, 29 ; xix, 11 ; apaiser les disputes, Prov., xv, 18 ; xxv, 15, et accomplir une œuvre meilleure que celle de la force. Prov., xvi, 32 ; Eccle., vii, 9. — 4. La patience chrétienne est l’effet de l’Esprit de Dieu, Gal., v, 22, et se produit a l’occasion de l’épreuve. Jacob. , i, 3. Elle porte d’heureux fruits, Luc, viii, 15 ; Rom., v, 3, 4 ; xv, 4, est la compagne de l’espérance, Rom., viii, 25, et de la charité, I Cor., xiii, 4, et permet à l’homme d’être le maître de sa vie, Luc, xxi, 10, pour la mettre au service de Dieu et la faire aboutir à l’éternité

bienheureuse.
H. Lesêtre.
    1. PATIRIENSIS##

PATIRIENSIS (CODEX).- 1. Description. - Le Patiriensis est un codex oncial palimpseste du v » siècle.

II comprend 21 feuillets de parchemin à trois colonnes de 40 ou 41 lignes. Il est désigné par la lettre hébraïque a ; par le symbole a 1 dans le système de notation de M. von Soden. Il fait partie d’un recueil d’homélies de saint Grégoire de Nazianze écrites au xe siècle. Les 316 feuillets de ce codex ne comptent pas moins de 147 feuillets palimpsestes empruntés à 6 manuscrits différents : 1. Notre Patiriensis, 21 feuillets : 198, 199, 221, 222, 229, 230, 293-303, 305-308. - 2. Un lectionnaire des Évangiles du vi «-vn « s., 39 feuillets : 254-292. — 3. Un autre lectionnaire des Évangiles du vme-ixe s., 7 feuillets : 164, 169, 174, 175, 209, 214, 227. - 4. Un homiliaire du IXe s., 56 feuillets. — 5. Un recueil d’homélies du vie s., 7 feuillets. — 6. Un Strabon du VIe s., 18 feuillets. C’est le même manuscrit que le fameux Slrabon palimpseste de Grottaferrata. — Le contenu de 3 ne peut se déterminer qu’approximativement parce que le commencement et la fin des pages sont parfois illisibles. Act., xxvi, 4-xxvii, 10 (ꝟ. 221) ; xxviii, 2-31 (f<> 302) ; Jac, rv-, 14-1 Pet., i, 12 (ꝟ. 222) ; II Pet., ii, 2-ni, 15 (ꝟ. 301) ;

I Joa., iv, 6, fin de l’Épître avec II et III Joa. (ꝟ. 308 et 307) ; Rom., xiii, 4-xv, 9 (ꝟ. 305) ; . I Cor., iv, 4 ( ?) - vi, 16 (ꝟ. 297) ; xii, 23-xiv, 21 (ꝟ. 306) ; xiv, 21-xv, 2 (ꝟ. 198) ;

II Cor., iv, 7-vi, 8 (ꝟ. 303) ; vii, 15-x, 6 (ꝟ. 199) ; Eph., v, 5, fin de l’Épître et jusqu’à Phil., Il, 9 (f « 300 et 230) ; Col., i, 20, fin de l’Épître et jusqu’à I Thess., i, 6 (ꝟ. 229 et 293) ;

I Tim., v, 5, fin de l’Épître et jusqu’à II Tim., ii, 25 (ꝟ. 298 et 295) ; Tit., iii, 13, fin de l’Épître avec Philem. (f°294) ; Heb., xi, 32-xiii, 4 (f°299). Aucune des notices publiées jusqu’ici (Batiffol, Gregory, von Soden) ne signale le contenu du feuillet 296 lequel est extrêmement difficile à lire sous son épaisse couche de colle et de papier de soie, sans parler des dégâts produits par l’acide gallique.

II renferme les premiers chapitres de I Cor., et doit être continué par le feuillet 297. Par contre, toutes les listes assignent au feuillet 198 le contenu suivant : I Cor., xv, 3-xvi, 1. Mais ce feuillet, l’un des plus lisibles, débute par toci oti ev (I Cor., xiv, 21) et finit par tiv[ Xoyw euyjyye (I Cor., xv, 2). Il fait donc suite au feuillet 306, qui finit par un mot coupé en deux : ev to> vojaw ytypanz (I Cor., xiv, 21). — Ajoutons’quelques particularités qui aideront à reconnaître les parties du même manuscrit qu’on pourrait découvrir en d’autres bibliothèques. Le cadre de l’écriture est d’environ m 215,

la largeur de la colonne de m 053, l’espace entre deux colonnes de m 018. Le nombre de lettres par colonne est de 12 à 15. Quoiqu’il soit assez difficile de retrouver la disposition primitive des cahiers, parce que les feuillets doubles ont été souvent coupés en deux et collés ensuite à d’autres demi-feuillets hétérogènes, nous avons la certitude que les cahiers étaient des quinquenniones et comptaient chacun vingt pages. En effet, les feuillets 305 et 306 qui sont le même feuillet double occupaisnt les extrémités d’un cahier, et le texte intermédiaire manquant suffit à remplir quatre feuillets doubles. Ofi arrive à une conclusion identique en observant que les feuillets 221 et 222, 308 et 307 sont respectivement le même feuillet double et en calculant la longueur du texte qui les sépare. Cette composition des cahiers est, avec la disposition de l’écriture sur trois colonnes, un nouveau trait qui rapproche le Patiriensis du Vaticanus.

2. Historique. — Le Patiriensis portait le n° 37 dans l’ancienne bibliothèque de Sainte Marie du Patir, abbaye basilienne de Rossano. Il fut d’abord inscrit à la Vaticane sous la cote Basiliano 100. C’est aujourd’hui le n°2061 du fonds grec Vatican. Montfaucon qui le mentionne dans son Diarium, p. 214, et dans sa Bibliotheca, t. i, p. 195, avait reconnu dans l’écriture palimpseste des versets du Nouveau Testament. Mai, qui le signale à plusieurs reprises dans ses notes manuscrites, avait déchiffré des passages de saint Paul et constaté la ressemblance de l’onciale avec celle du célèbre Vaticanus. Mais c’est Ms r Batiffol qui a le premier déterminé le nombre des feuillets palimpsestes et la teneur exacte des textes bibliques. Il en parle ainsi dans L’abbaye de Rossano, contribution à l’histoire de la Vaticane, Paris, 1891, p. 72 : « Mai lava les feuillets palimpsestes à la noix de galle pour faire revivre l’écriture ancienne, mais malheureusement il ne prit pas copie du texte qu’il avait fait revivre… et, second malheur, craignant que les feuillets une fois traités à la noix de galle ne tombassent en miettes, il fit coller une feuille de papier pelure sur un des côtés de chacun des feuillets. Retrouver le texte à travers cette feuille que la colle a rendue opaque à peu près partout, est neuf fois sur dix impossible. Il faudra que l’éditeur qui tentera l’entreprise, après avoir photographié et rentoilées feuillets libres, détache adroitement le papier pelure : mais cette manipulation m’était interdite. » Cette description n’est plus tout à fait exacte. Le manuscrit a été restauré d’après les procédés merveilleux en usage actuellement à la Bibliothèque Vaticane. Il est débarrassé en partie de sa colle, de son papier pelure ; mais il est impossible de le guérir entièrement des funestes effets de la noix de galle. L’acide a rongé le parchemin et produit des trous en bien des endroits. Néanmoins on peut le déchiffrer avec de la patience. Il serait à désirer qu’il trouvât le plus tôt possible un éditeur.

3. Paléographie, état primitif, valeur critique. — « L’écriture est une onciale très pure, la hauteur moyenne deslettres est de3mill., 5 environ… Le Y, quand il n’est pas diphtongue, est trémassé ; le P final est accompagné d’une apostrophe (rAP’) ; l’I muet est omis ; je ne relève ni accents, ni esprits ; la ponctuation consiste en un point haut simple. À la ponctuation forte, le scribe laisse en blanc le reste de la ligne, va à la ligne d’après et pose une initiale, sauf cependant un petit nombre de cas… Ces initiales ont une hauteur moyenne de 4mill., 5 ; elles sont donc plus grandes de peu que les lettres courantes ; mais aucun ornement ne les distingue, et elles empiètent sur la marge seulement des deux tiers de leur largeur… Dans les marges, il n’y a pas trace de sections euthaliennes, ce qui est une bonne marque d’ancienneté, mais seulement par endroits, l’indication de péricopes faites en vue de la lecture liturgique. .. » Batiffol, oj>. cit., p. 73. Quoique la disposition

du texte en trois colonnes donne au Patiriensis une ressemblance générale avec le Vaticanus, c’est avec 1° Alexandrinus qu’il faut plutôt le comparer, surtout à raison des initiales en vedette. — Au point de vue critique le Patiriensis n’a encore été étudié que par Sanday, dans la Revue biblique, t. iv, 1905, p. 207-213. L’auteur conclut, p. 215 : Ipsum codieem crediderim ex Oriente adlatum (lectiones enim greeco-latinee pritis per exemplar sevo remolum, orientales posterius invectm vîdentur) codd. nACRP non multo dissimilem, a librario scriptum artis suæ satis perilo, sed vulgaribus scribendi vitiis obnoxio. Mais peut-être la base sur laquelle ce jugement se fonde n’est-elle pas suffisam jourd’hui le nom de ment Élie, a environ 350 mètres de haut. Patmos (fig. 578) est divisée en deux parties égales, unies par un isthme sur la partie orientale duquel sont le port et la ville. Elle était autrefois couverte de palmiers et portait encore au moyen âge le nom de Palmosa. Maintenant on n’y trouve plus que quelques oliviers. Elle est très aride et se prête difficilement à la culture.

— Voir E. Ross, Reisen auf den griechischen Insein des Aegctîschen Meeres, in-8°, Stuttgart et Tubingue, 1841, t. ii, p. 123-139 ; V. Guérin, Description de Vile de Patmos, in-12, Paris, 1856 ; H. F. Tozer, The Islands of the Aegca, in-8°, Londres, 1825, p. 178-195.

E. Bedruer.

577. — Vue de Patmos. D’après une photographie.

ment large. Une photogravure d’une des pages les plus lisibles accompagne l’article de la Revue biblique. — Gregory, Prolegomena, etc., Leipzig, 1894, p. 447-448 ; Textkritik des N. T., t. i, 1900, p. 104 ; Von Soden, Die Schriften des N. T., etc., l re partie, Berlin, 1902, p. 215-216, n’ajoutent rien aux renseignements donnés par Ma r Batiffol, L’abbaye de Rossano, Paris, 1891, excursus G, p. 71-74. F. Phat.

    1. PATMOS##

PATMOS (Grec : ndafioc), petite île de la mer Egée au sud de Samos et à l’ouest de Milet (fig. 577). C’était l’une des Sporades. Pline, H. N., iv, 23 ; Strabon, X, v, 13. L’apôtre saint Jean y fut exilé. Apoc., i, 9. C’est là qu’il écrivit l’Apocalypse. Voir Apocalypse, t ; i, col. 746 ; Jean (Saint), t. iii, col. 1105. Il y resta, d’après la tradition, depuis l’an 14 de Domitien jusqu’à l’avènement de Nerva, qui rendit la liberté à tous les exilés. Patmos est située 37° 20 : de latitude nord et 26° 35’de longitude est. L’île a environ 15 kil. de long et 9 de large à son extrémité nord. Elle est surtout formée de collines volcaniques, dont la plus élevée, qui porte au PATRIARCHE (grec : mxTptip-/’]ç ; Vulgate : patriarcha), chef de famille. — Le nom de patriarche n’est emplojé que par la Vulgate dans l’Ancien Testament. Elle appelle ainsi des chefs de famille, ro’èê’âbôt, « têtes » ou « chefs des pères », ap^oviE ; ncttpi&v, I Par., viii, 28, et les pères des anciennes familles nombreuses dont parle la Genèse. Tob., vi, 20. — Dans le Nouveau Testament, le nom de patriarche est attribué à David, Act., ii, 29, aux douze fils de Jacob, Act., vu, 8, 9, et à Abraham. Heb., vii, 4. — L’usage courant réserve ce nom à d’illustres personnages, chefs de famille dans les temps primitifs, Noé, Abraham, lsaac,

Jacob et ses douze fils, etc.
H. Lesêtre.

2. PATRIARCHES (LIVRES APOCRYPHES SUR LES).

Voir Apocryphes (Livres), t. i, col. 771 ; Testament des

DOUZE PATRIARCHES.

    1. PATRIE##

PATRIE (hébreu : ’ères ; Septante : y » ), naTpt’îj Vulgate : terra, patria), le pays où l’on est né, où l’on a eu ses ancêtres ou dans lequel on a été élevé. —

1° Abraham reçut l’ordre de quitter sa patrie, la Chaldée. Gen., xii, °l ; Act., vii, 3. Jacob, Gen., xxx, 25, et Noémi, Ruth, i, 7, voulurent retourner dans leur patrie. La Palestine est le pays des Israélites, celui qu’ils auront à défendre contre les envahisseurs. Num., x, 9. Esther, ii, 10, 20, dut s’abstenir de faire connaître au roi de Perse sa patrie, c’est-à-dire sa nationalité. — Dans le Nouveau Testament, la ville de Nazareth est appelée la patrie de Notre-Seigneur, parce qu’il y avait habité depuis son enfance et qu’on supposait qu’il y était né de Joseph et de Marie. Matth., xiii, 54, 57 ; Marc, vi, 1, 4 ; Luc., iv, 23, 24 ; Joa., iv, 44. Le pro 578. — Carte de l’île de Patmos. D’après V. Guérin.

verbe : « Nul n’est prophète dans sa patrie, » constate la jalousie locale qui fait que des hommes ne veulent pas reconnaître la supériorité de celui qu’ils ont vu vivre au milieu d’eux dans la simplicité. — 2° Dans les textes précédents, la patrie apparaît surtout comme le pays d’origine ou de séjour habituel. Au second livre des Machabées, l’idée de patrie se rapproche davantage de celle que nous concevons aujourd’hui. La patrie, c’est le pays des ancêtres, avec ses traditions, ^es lois, ses coutumes, sa religion, sa langue, ses villes et ses monuments. II Mach., vi, i, 6 ; vii, 2, 8, 21, 24, 27, 37 ; xii, 37 ; xv, 29. Simon est le délateur de sa patrie, iv, 1 ; Jason, le bourreau de sa patrie, dont il a banni un grand nombre de concitoyens, v, 8, 9 ; Ménélas, traître envers sa patrie, v, 15, n’a aucun souci de son salut, XIII, 3. Par contre, Judas Machabée exhorte ses frères à combattre et à mourir pour les lois, le Temple, la ville et la patrie, viii, 21 ; xiii, 15 ; il fait prier Dieu pour ceux qui vont être privés de leur patrie, xiii, 11, et il se bat vaillamment avec les siens pour l’indépendance et le salut de la patrie, xiv, 18. — 3° L’amour

de la patrie, sous forme d’amour pour la nation à laquelle il appartenait, se manifesta avec éclat en Notre-Seigneur, quand il pleura sur Jérusalem, à la pensée des maux qui châtieraient un jour son ingratitude, Luc, xix, 41-44, et quand,-pendant sa passion, il invita les femmes de Jérusalem à pleurer sur le sort qui les attendait. Luc, xxill, 28-31. Bien que Sauveur du monde entier, il déclarait n’avoir été envoyé personnellement qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël et donnait à ses compatriotes le nom d’enfants, par opposition aux étrangers idolâtres. Matth., xv, 24-26. — Saint Pierre, dans ses premiers discours, s’adresse aux « enfants d’Israël » avec une prédilection marquée. Act., H, 22, 39 ; iii, 17-21. — Saint Paul aimait tendrement ceux de sa nation ; il eût désiré être sacrifié et maudit pour eux. Rom., rx, 2-5. Malgré tout les torts que les Juifs avaient eus à son égard, il ne songeait nullement à accuser sa nation. Act., xxviii, 19. — C’est surtout sous le nom de « nation » qu’il est question de la patrie israélite. Luc, vii, 5 ; Joa., xviii, 35 ; Act., x, 22. Les grands-prêtres et les membres du sanhédrin font du faux patriotisme, quand ils parlent de sacrifier Notre-Seigneur pour empêcher les Romains de détruire la ville et la nation, Joa., xi, 48, 50, et quand ils prétendent qu’ils l’ont trouvé bouleversant la nation. Luc, xxiii, 2. — 4° L’Épitre aux Hébreux, vi, 13-16, en parlant des anciens patriarches, dit qu’ils se considéraient comme étrangers sur la terre et qu’ils cherchaient une patrie, non celle d’où ils étaient sortis, mais « une patrie meilleure, une patrie céleste. » Cf. Heb., xiii, 14. La patrie ainsi cherchée a été d’abord la patrie spirituelle, le « royaume des cieux », que devait un jour établir le Messie attendu, puis la patrie définitive du ciel, le royaume du « Père qui est dans les cieux ».

Matth., vi 9.
H. Lesêtre.

PATRIZ ! FrançoisXavier, exégète italien, né à Rome le 19 juin 1797, mort dans cette ville le 23 avril 1881. Il entra dans la Compagnie de Jésus le 12 novembre 1814, et enseigna l’Écriture Sainte à Louvain et au Collège romain. Nombreux sont les travaux qu’il nous a laissés sur l’Écriture Sainte. C’est d’abord un ouvrage préliminaire, Institutio de interpretatione Bibliorurn, édité en 1844-1852, in-8°, puis réimprimé en 1862 et 1876. L’auteur en résuma la I re partie à l’usage des élèves, in-8°. — Viennent ensuite deux traités sur l’Ancien Testament : Deconsensu utriusque libri Machabseorum, in-4°, 1856 ; Cento salnii tradotti…e commentati, in-4 ^ 1875. Ce dernier ouvrage a été traduit en français par le P. Nicolas Bouchot, in-4°, 1890. — Ses écrits sur le Nouveau Testament sont : 1° De Evangeliis libri très, in-4°, 1852-53. Dans cet ouvrage l’auteur combat les erreurs répandues par les rationalistes modernes et détruit les principales objections soulevées contre les Saintes Écritures. 2° In Joannem commentarium, in-8°, 1858.-3° In Marcum commentarium cum duabus appendicibus, in-8°, 1862. Le premier appendice a pour objet la thèse précédemment soutenue de l’existence de deux Marc. 4° In Aclus Apostolorum commentarium, in-4°, 1867. 5° Diverses dissertations sur des points spéciaux : De interpretatione oraculorum ad Chrishim pertinentium, 1853 ; De immaculata Marisa origine, 1853 ; De prima angeli ad Josephum Mariez sponsum legatione, 1876 ; Délie parole di S. Paolo « in qao omnes peccaverunt, » 1876.

P. Bliard.

    1. PATROBAS##

PATROBAS (grec : Uaigôêaç, probablement contraction de TtaTpoëto ; , « vie du père » ), chrétien de Rome à qui saint Paul envoie ses salutations. Rom., xvi, 14. D’après le Pseudo-Hippolyte qui l’appelle izazfi&ov’koçy De septuag. apost., 37, t. x, col. 956, il était du nombre des soixante-douze disciples et fut évêque de Pouzzoles. Le Martyrologe romain dit qu’il souffrît le martyre avec

saint Philologue et place sa fête au 4 novembre. Voir Acla ISanctorum, novembris t. H, part. 1, 1894, p. 222. Un affranchi de Néron qui fut mis à mort par ordre de Galba, Tacite, Hisl., i, 49 ; ii, 95 ; Suétone, Galba, 20 ; Martial, Ep., H, 32, 3, portait le même nom. On trouve aussi ce nom dans les inscriptions.

    1. PATROCLE##

PATROCLE (grec : Uâzpo*oi), père du général syrien Nicanor qui fut l’un des principaux, adversaires de Judas Machabée. II Mach., viii, 9. Le nom de Patrocle était commun parmi les Grecs.

    1. PATURAGE##

PATURAGE (hébreu : dobér km ; « agneau, » et par extension ce pâturage » ; migrai et nahâlol, l’endroit « où l’on mène » le bétail ; tnidbâr, mir’éh ; nd’âh, nâvéh et navâh, l’endroit « où demeure » le bétail ; Septante : vopî, pô(TXT)(j.a ; àoopiunaTa, TtepiuTcôpca et 7cepix<opa> les « alentours » des villes, la campagne ; Vulgate : pascua, pascuum, suburbana, les « alentours » des villes), terre sur laquelle le bétail trouve sa nourriture.

I. Au sens propre. — 1° La Palestine renferme des plaines fertiles dans lesquelles les troupeaux trouvaient autrefois d’abondants pâturages. Abraham et Lot, qui y faisaient paître leur nombreux bétail, furent obligés de s’en aller l’un à droite et l’autre à gauche, pour éviter les querelles entre leurs bergers. Gen., xiii, 5-12. Quand une sécheresse prolongée désola le pays de Chanaan, Jacob conduisit ses troupeaux en Egypte, dans les pâturages de la terre de Gessen. Gen., xlvii, 4. — C’est seulement quand Dieu répand la pluie et la fécondité sur la terre, que les pâturages peuvent se couvrir de troupeaux. Ps. lxv (lxiv), 13, 14. Cette bénédiction est habituellement accordée au juste. Job, v, 24. — Les animaux sauvages cherchent des pâturages dans la montagne. Job, xxxix, 8. Les pâturages du désert sont parfois desséchés, Jer., XXin, 10, et dévorés par le feu, Joël, 1, 18, 19 ; mais ensuite ils reverdissent. Jo., ii, 22.

— David était dans les pâturages quand Saùl l’envoya chercher, I Reg., xvi, 19, et quand le Seigneur le prit pour le faire roi. II Reg., vii, 8 ; I Par., xvii, 7. Les bergers de Bethléhem veillaient la nuit dans leurs pâturages de la montagne, quand les anges leur annoncèrent la naissance du Sauveur. Luc, ir, 8. — Comme les lévites ne possédaient que des villes isolées et cependant avaient des troupeaux, Moïse avait réglé que des pâturages leur seraient attribués autour de ces villes. Num., xxxv, 3. — Ephraïm avait été établi dans un beau pâturage, c’est-à-dire sur un sol très fertile. Ose., ix, 13. — 2° L’existence d’un pâturage devenait une malédiction, quand ce pâturage remplaçait les habitationsdes hommes. Ainsi la Syrie etle pays d’Israël doivent être changés en pâturages. Is., vii, 25. Le même sort est prédit à la côte maritime habitée par les Philistins, Soph., ii, 6, et à la ville ammonite de Rabbath. Ezech., xxv, 5. — 3° Les auteurs sacrés mentionnent spécialement les pâturages d’Achor, Is., lxv, 10, voir t. i, col. 147, de Cédar, Is., xlii, 11, de Gador, I Par., iv, 39, 40, voir t. iii, col. 34, des environs d’Hébron, Jos., xxi, 11, et de Saron. IPar., v, 16. — Le mot’dbêl, « verdure, prairie, » entre dans la composition d’un [certain nombre de noms propres et peut désigner des endroits propres au pacage. Voir Abel, t. 1, col 30.

II. Au sens figuré. — 1° Le Seigneur aimant à se dire le pasteur de son peuple, voir Pasteur, col.’2178, l’idée de pâturage se présente naturellement pour désigner le séjour de ce peuple. Les Israélites sont pour le Seigneuries brebis de son pâturage. Ps. lxxv (lxxiv), 1 ; lxxix (lxxviii), 13 ; xcv (xciv), 7 ; c (xcix), 3 ; Jer., xxiii, 1. Ce peuple avait été placé par le Seigneur dans un bon pâturage, sur une terre féconde, où il était comblé de biens et de grâces ; mais il s’y est enorgueilli et révolté contre son pasteur. Ose., xiii, 7. —

2° Alors le Seigneur justement irrité a sifflé les mouches d’Egypte pour qu’elles vinssent ravager son pâturage. Is., vit, 19. Jérusalem est devenue un pâturage brûlé et dévasté, Is., xxxii, 14 ; Jer., ix, 10 ; ses princes ont été comme des cerfs sans pâturage.Lam., 1, 6. Les pâturages des nations n’en seront pas moins ruinés à leur tour. Am., i, 2 ; Jer., xxv, 36, 37 ; . xlix, 20. — 3° Mais, son châtiment subi, le peuple de Dieu sera ramené dans son pâturage. Is, v, 7 ; xxx, 23 ; xlix, 9 ; Jer -., xxlll, 3 ; l, 19 ; Mich., ii, 12. À Jérusalem, réduite à l’état de désert, il y aura encore des pâturages. Jer., xxxiii, 12. Le prophète Ézéchiel, xxxiv, 12-15, développe cette image :

Ainsi, je ferai la revue de mes brebis…

Je les ramènerai sur leur propre sol,

Je les ferai paître sur les montagnes d’Israël,

Dans les vallées et dans tous les lieux habités du pays.

Je les ferai paître dans de bons pâturages,

Et leur pacage sera sur les hautes montagnes d’Israël ;

Là elles reposeront dans un bon bercail,

Et paîtront dans un gras pâturage

Sur la montagne d’Israël :

C’est moi qui paîtrai mes brebis.

— 3° L’âme juste était traitée par Dieu de la même manière :

Jéhovah est mon pasteur, je ne manquerai de rien, Il me fait reposer dans de verts pâturages. Ps. xxiii (xxii), 2.

Notre-Seigneur promet aussi à l’âme fidèle, qui entre dans le bercail par la vraie porte, qu’elle y trouvera des pâturages, c’est-à-dire toutes les grâces de la vie

spirituelle. Joa., x, 9.
H. Lesêtre.

PAUL (SAINT) (en grec IItxy>, o ; , Vulgate : Paulus), l’Apôtre des Gentils, « l’Apôtre » par excellence.

I. Depuis sa naissance jusqu’à sa conversion. — i. naissance. — Par ses origines comme par son édu 579. — Saint Pierre et saint Paul. Médaillon de bronze (milieu du il" siècle). Musée chrétien du Vatican,

cation, Paul appartenait au plus pur judaïsme. Il a énuméré lui-même, à plusieurs reprises (Act., xxiii, 6 ; II Cor., xi, 22 ; Philip., iii, 5), avec une certaine fierté, ce qu’il appelle ses avantages selon la chair : circoncis le huitième jour, il est de la famille d’Abraham ; de la race d’Israël ; de la tribu de Benjamin, la plus fidèle, avec celle de Juda, à maintenir la tradition religieuse des prophètes ; il suit le parti des Pharisiens, où il s’est distingué longtemps par son fanatisme. Les

parents de Paul, bien qu’établis à Tarse, en Cilicie, étaient « hébreux » et peut-être originaires de Giscala, aujourd’hui El-Djisch, en Galilée. Ainsi s’expliquerait, en partie, la méprise de saint Jérôme qui les fait émigrer en Cilicie, après la naissance de Paul, à la suite -de la ruine de cette cité par les Romains : Paulus…, de tribu Benjamin et oppido Judeese Giscalis fuit, guo [a Romanis capto, cum parentibus sttis Tarsum Ciliciss"commigravit. De vif. ill., 5, t. xxiii, col. 615 ; Ad Philem., 23, t. xxvi, col. 617. Parmi les modernes, Krenkel est à peu près le seul qui adhère à une tradition entachée d’un anachronisme si évident, Beitràge zur Aufhellung d. Geschichte u. d. Briefe d. Apost. P., § i. En effet, Giscala ne fut prise qu’en 67, après les .autres places fortes de Galilée, Josèphe, Bell, jud., V, % 5, près de soixante ans après la naissance de l’Apôtre, peut-être même l’année de sa mort. Paul reçut, au jour de sa circoncision, le nom de Saul (grec, SaûXo ; , Act., IX, 1 ; xin), le demandé, le désiré, nom connu ayant été porté par le premier roi d’Israël. Dans les Actes, xiii, ’9, le nom de Saul se change subitement en celui de Paul (flaOXoç, Paulus) au moment où commence le récit de la conversion du proconsul de Chypre, Sergius Paulus. Serait-ce un hommage rendu à l’illustre converti ou une manière de marquer sa première conquête apostolique ? C’est l’opinion d’Origène, Comment, ad Rom. prsefat., t. xiv, col. 836, de saint Jérôme, Ad Philem. , 1, t. xxv, col. 604, de saint Augustin, Confess., vm, 4, t. xxxil, col. 753. Mais elle paraît mal s’accorder avec la modestie habituelle de l’Apôtre, I Cor., XV, -8-9 ; puis il prend ce nom, ꝟ. 9, avant la conversion qui n’est rapportée qu’au ꝟ. 12. D’autres ont voulu retrouver, dans le nom de Paul, un souvenir de l’affranchissement de son père, par quelque membre de l’illustre famille des Paulus ; plusieurs, une allusion à son apparence chétive (IIoûXo ; , JJaûpoç), II Cor., x, 1. 2, 1Q, ou l’effet d’un sentiment d’extrême humilité, S. Augustin, Serm., cclxxix, 5 ; cccxv, 5 ; t. xxxviii. col. 1278, 1479 ; un grand nombre, la transformation latine de son nom hébreu. Les Juifs hellénistes ajoutaient volontiers, à leur nom juif, le nom grec ou romain qui s’en rapprochait le plus par la prononciation. Ainsi Éliacin se changeait en Alcime, Jésus en Jason, Joseph en Hégésippe, cf. col. 2087. De la sorte, , Saul aura donné Paul. La forme grecque EaûXo ; prêtait, du reste, à un sens plus ou moins ridicule (EaûXoç, celui qui se balance en marchant). Au contraire, le nom latin Paulus convenait à merveille à celui qui devait tant de fois se prévaloir du titre de citoyen romain et qui venait d’inaugurer, dans le monde officiel, sa carrière d’apôtre des gentils. Dès ce moment, les Romains l’appelèrent « Paulus », les <3recs, n « 0Xo{, les Juifs seuls continuèrent à le nommer Saul. Act., xxvi, 14. Le père de Paul possédait un titre dont les prérogatives étaient alors considérables : celui de citoyen romain. Act., xvi, 37 ; xxii, 25, 28. On ne sait d’où lui venait ce privilège. En tous cas, ce n’était pas de la ville elle-même ; Tarse n’était, à cette époque, m un municipe, ni une colonie romaine, comme. Philippe de Macédoine, par exemple, ou Antiochèlde Pisidie, .Act., xvi, 12, mais tout simplement une cité libre, ayant la faculté de se gouverner par ses propres magistrats, et d’exercer elle-même ses droits de police. Fustef de Coulanges, La cité antique, p. 447 ; Dion Chrys., Orat., % Mais rien n’empêche de supposer que le père de saint Paul lui-même ou l’un de ses ancêtres ait acquis cet honneur, soit à prix d’argent, soit par des services de guerre, soit encore au moyen de l’affranchissement. J*Is r Le Camus, L’Œuvre des Apôtres, t. i, p. 136, soutient cette dernière hypothèse, déjà insinuée par Wieseler. Il suppose que dans la lutte entre Octave et Antoine contre Brutus et Cassius, Tarse, ayant pris parti pour les premiers, se vit obligée de capituler devant Cassius. En conséquence, un grand nombre de ses habitants furent

vendus comme esclaves pour payer l’impôt de guerre, dont la ville se trouva frappée. Or, ceux qui arrivèrent à Rome, furent affranchis après la victoire d’Auguste et purent rentrer, dans leurs foyers, avec le titre de citoyens romains. Parmi les Tarsiens rapatriés, se trouvaient sans doute un certain nombre de familles juives. Appien, Bell, civ., iv, 64 ; v, 7. Ainsi s’expliquerait, du même coup, l’expression des Actes, vl, 9, les affranchis de Cilicie. Paul, dans ce cas, aurait pu s’approprier la phrase d’Horace, libertino pâtre natus.

II. Éducation. — Le judaïsme palestinien, sous sa forme la plus pure, la plus sévère, la plus ardente, le pharisaïsme, façonna l’âme de Paul. Act., xxiii, 6. Personne n’a plus hautement estimé que Paul les privilèges d’Israël, ni exalté davantage les prérogatives de son élection divine, Rom., iii, 1, 2 ; ix, 4, 5 ; xi, xv, 8 ; Phil., iii, 7, ni si passionnément aimé la race juive, Rom., lx, 1, 5 ; XI, 14 ; personne ne s’est plus intimement assimilé les doctrines et les espoirs d’Israël. Act., xiii, 32, 33 ; xxiv, 14 ; Gal., iii, 7, 14 ; vl, 16 ; II Cor., xi, 22 ; Rom., iv, 16, 17 ; IX, 4, 6 ; x, 4 ; xv, 1812, ni poussé aussi loin les observances de la loi mosaïque. Act., xiii, 33, 39 ; Rom., iv, 13-15 ; vii, 5-25 ; vm, 3 ; ix, 31-x, 4 ; Gal., ii, 15, 16 ; iii, 10-25 ; v, 2-3 ; I Cor., xv, 66, etc.

1° À Tarse. — Quant à la langue maternelle, Paul s’est trouvé sans doute dans la condition des enfants d’émigrés qui apprennent en même temps et parlent avec une égale facilité la langue de leur père et celle de leur patrie d’adoption. Le grec et l’hébreu paraissent avoir été, en effet, également familiers à l’Apôtre. Act., xxi, 37, 40 ; xxii, 2. Paul parlait habituellement et facilement en grec ; il écrivait dans cette langue sans aucun effort ; il possédait le vocabulaire et pouvait même, à l’occasion, l’enrichir de mots nouveaux. Mais sa phrase était, en ce qui regarde la syntaxe, chargée d’hébraïsmes et de syriacismes difficiles à saisir pour celui qui ignore le génie particulier des langues sémitiques. II Cor., xi, 6. Voilà pourquoi on ne parvient à comprendre parfaitement le grec des Épîtres qu’en devinant le tour hébraïque que Paul avait dans l’esprit au moment où il les dictait. Il n’y a donc pas à chercher là les traces d’une éducation hellénique proprement dite. Le fait d’être né à Tarse, un des centres les plus brillants de la civilisation grecque d’alors, ne suffit pas pour établir que Saul ait reçu une culture classique. Philostrate, Apollonius, l, 7. Le zèle des Tarsiens pour la philosophie et pour les lettres dont parle Strabon, xiv, 10, 13-15 ; devait s’arrêter sur le seuil des quartiers juifs. L’effet produit sur l’âme du jeune pharisien par cette culture profonde ne fut pas celui de l’attrait, mais plutôt celui d’une répulsion profonde. Le levain d’idolâtrie qui pénétrait toute la vie grecque ne lui inspire qu’horreur et mépris. Insensible aux beautés de l’art, il s’aigrissait contre ce qu’il prenait pour un hommage rendu aux démons. Act., xvii, 16. En réalité, la Grèce n’a eu que peu d’influence sur l’esprit de Paul.

2° À Jérusalem. — Vers l’âge de quinze ans, c’est du moins l’hypothèse qui paraît réunir le plus de probabilités, si l’on tient compte du passage des Actes xxii, 3, où àvaTeOpatinevà* âv ttj itôXsi Taûiri est contrebalancé par l’épithéte v£Ôt7)to ; , Act., xxvi, 4, qui suppose toujours un adolescent, Paul fut envoyé à Jérusalem, pour y être instruit dans la science de la Loi. Son père le destinait sans doute à être scribe. Yoir Scribe. Paul dut sa subsistance à l’exercice d’un art mécanique. Il apprit à faire ou à coudre (l’expression sxTjvoitoKfc ; suggère plutôt l’idée d’un travail consistant à confectionner les tentes elles-mêmes) ces grosses toiles de Cilicie qu’on appelait cilicium et qui servaient spécialement à faire des tentes ; c’était, sans doute, l’industrie dont vivait sa famille. Act., xviii, 3 ; I Cor., iv, 12 ; I Thess., ii, 9 ; II Thess., iii, 8. Il ne "

semble pas, d’après cela, que Paul ait jamais eu de fortune patrimoniale. Act., xviii, 3 ; xx, 34. Les Épîtres aux Corinthiens, I, i, 26 ; II, xi, 27, éloignent encore plus toute idée de superflu et même de situation quelque peu aisée : c’est la vie au jour le jour. Il dut, plus d’une fois, faire part de sa détresse à ses chers Philippiens et consentir à recevoir leurs offrandes. Phil., iv, 14-16.

Au temps ou le jeune Saul arrivait dans la Ville sainte, les écoles juives étaient en pleine prospérité, tant à cause de la science et du talent de leurs chefs, que du grand nombre d’élèves qui suivaient leurs cours. Si l’on en croit le Talmud, Gamaliel aurait eu 1 000 disciples dont 500 étudiaient la Loi, 500 la sagesse grecque, philosophie et littérature, sous sa direction. Depuis la fin du règne d’Hérode le Grand, les écoles pharisiennes étaient divisées en deux factions rivales. Il y avait les Schammaïstes et les Hillélistes, îx, 16, les uns se réclamant du célèbre Hillel, les autres se rattachant à son adversaire Schammaï. Le fond de l’opposition entre ces deux enseignements paraît avoir été, d’après le Talmùd, dans la manière plus ou moins rigoureuse d’interpréter la Loi. En général, Schammaï préconisait, dans sa casuistique, les principes les plus sévères et les solutions rigoristes ; c’était un homme violent, emporté, absolu, plus ardent, plus patriote, plus ennemi de l’étranger que le doux Hillel. Celui-ci, au contraire, penchait plutôt, sur nombre de points, vers la conciliation et vers les ménagements. Mais cette modération n’était que relative et n’enlevait guère qu’un degré d’exagération à l’intransigeance farouche des Schammaïstes. — Saul se mit à l’école de Gamaliel, petit-fils d’Hillel et continuateur de sa méthode et de son esprit. Act., xxii, 3. Voir Gamaliel 2, t. iii, col. 102.

Ce que Saul apprit, pendant son stage à l’école du célèbre rabbin, fut cette dialectique subtile, cette exégèse ingénieuse et raffinée qui caractérisait l’enseignement rabbinique. Cette méthode d’interprétation, conservée dans la Mischna, Sanhedr., VI, s’appelait S-chebat Middoth (sept règles) et contenait les principes d’herméneutique en usage pour déterminer le sens des textes sacrés. Cf. dans Herzog, Encyclopàdie, t. xv, p. 65, l’article de Pressel. Cette méthode d’enseignement a laissé, dans la composition des Épîtres de saint Paul, des traces nombreuses et profondes. I Cor., ix ; Gal., iii, 15 ; II Cor., iii, 7 ; Rom., v, 12. À pareille école, le jeune scribe acquit une souplesse et une subtilité de raisonnement remarquable. En même temps, sa mémoire se développait à tel point, qu’elle pouvait dans la suite citer avec une égale facilité n’importe quel passage de l’Ancien Testament. Presque toutes les citations de ses Épîtres, on en compte près de 88, semblent faites sans l’aide d’un texte écrit. Ce qui se comprend lorsqu’on pense que dans les écoles juives, la Bible était le seul livre qu’on eût entre les mains.

On a conjecturé que son éducation rabbinique une fois finie, Paul retourna dans sa ville natale. Rien, en effet, dans les écrits de l’Apôtre, ne permet de supposer sa présence à Jérusalem en même temps que Jésus. La vision sur la route de Damas est présentée comme la première entrevue du maître et des disciples. I Cor., ix, 7 ; II Cor., v, 16, n’y contredit pas. Paul n’a donc pas connu le Jésus des Évangiles et n’a pas été mêlé aux scènes de la Passion. Car, avec la fougue de fanatisme qu’on lui connaît, il est difficile de croire qu’il fût demeuré simple spectateur des événements sans prendre ici, comme dans le meurtre, d’Etienne, un des premiers rôles parmi les persécuteurs. Or, Paul ne s’est jamais reconnu d’autre tort que celui d’avoir persécuté les premiers disciples. I Cor., xv, 9 ; Act., xxii, 20.

III. PAUL PERSÉCUTE LES PREMIERS CHRÉTIENS. —

On ne sait quelle cause ramena le jeune scribe dans la Ville sainte. Il dut s’y trouver vers le temps où le diacre

Etienne venait de commencer ses prédications dans les synagogues hellénistes. En tout cas, il est, pour l’instant, parmi les plus avancés du parti pharisien, rigoristeet exalté, qui poussait jusqu’aux derniers excès le zèle pour la loi et les traditions du passé. Ce fut dans la. synagogue des Ciliciens qu’il entendit, pour la premièrefois, l’exposition de la foi chrétienne, et qu’il défendit, avec acharnement, la cause du Temple et de la Loi. Act., vi, 9. Il prit une part active à la mort d’Etienne et se mit, dès ce moment, à organiser un système de violences contre ceux qui paraissaient adhérer aux doctrines nouvelles. Il ne respirait, dit le texte, que mort et menaces, allait de synagogue en synagogue, forçant les gens timides à renier le nom de Jésus, faisant fouetter ou emprisonner tous les autres. Act., xxii, 4 ; xxvi, 10, 11 „ De Jérusalem sa rage se répandit sur les villes voisines-Quand il apprit, par des Juifs de Syrie, que les communautés dispersées se reformaient ailleurs, et qu’un groupe notable de fidèles s’était formé à Damas, il n’eut de’repos qu’après avoir obtenu du grand prêtre — c’était peut-être déjà Théophile, fils de Hanan — des lettres pour la synagogue de cette ville, afin qu’on lui livrât tous ceux qui appartenaient à la secte nouvelle. Le grand conseil de Jérusalem n’avait, en réalité, aucun pouvoir direct sur les Sanhédriens locaux, en dehors des limites de la Judée. Schùrer, Gesch. des jud. Volk. im Zeit. J. C, 3e édit., t. H, p. 206, note. Mais il s’agissait, cette fois, d’une mission extraordinaire imposée par les circonstances, et on comptait surle bon vouloir, sur l’esprit de prosélytisme des Juifs de Damas, pour obtenir cettefaveur. Il y avait du danger à laisser l’hérésie s’implanter dans une ville si importante. Les Juifs y étaient nombreux. — Josèphe porte à 10000 le nombre de ceux que Néron y fît massacrer, vers l’an 66. Bell, jud., II, xx, 2 ; VII, viii, 7. Ils avaient plusieurs synagogues et possédaient une influence considérable. C’est ce qui détermina le voyage du jeune fanatique. Une autre circonstance vint, sur les entrefaites, faciliter son projet. Arétas ou Hareth, le roi nabatëen, s’était emparé de Damas avec l’aide des Juifs. Or, le meilleur moyen de payer leur concours était, on le savait, de leur donner pleine liberté dans leurs questions religieuses. Le moment d’agir était donc tout désigné. Saul se mit en marche vers la Syrie. Il emmenait avec lui plusieurscompagnons et, à ce qu’il semble, voyageait à pied. Act., ix, 4, 8 ; xxii, 7, 11 ; xxvi, 14, 16. L’hypothèse d’une chute de cheval, au lieu de la vision, n’est permise qu’à la peinture ; elle n’est confirmée, en ce qui regarde l’histoire, par aucune particularité du récit :  : l’ensemble de la narration lui est même nettement, hostile.

On ne saurait suivre, faute de détails précis, l’itinéraire de la petite caravane. II y avait deux routes principales pour aller de Jérusalem à Damas : l’une venued’Egypte, contournait quelque temps les frontières de la Samarie et de la Galilée, passait le Jourdain au pont des « Filles de Jacob », au nord du lac de Tibériade, et traversait tonte la région déserte qui s’élève aux piedsdes montagnes de l’Antiliban, L’autre route, celle que construisirent les Romains, peut-être vers cette époque, , allait droit sur Néapolis, l’ancienne Sichem, gagnait Scythopolis, puis Gadara, à l’est du Jourdain, et se dirigeait vers Damas, après avoir parcouru les âpres et brûlantes régions de la Gaulonitide et de l’Iturée. La distance à franchir, dans les deux cas, était à peu près la même, environ 200 kilomètres, et demandait une bonne semaine de marche. Paul dut régler les étapes de son voyage de manière à suivre les traces de sesvictimes et à les persécuter jusque dans les villes étrangères où elles s’éta<ient réfugiées. Act., xxvi, 11. Maisc’est quand-il se croit sur le point de réussir, que se produit le. fait miraculeux auquel il rapporte sa conversion et son apostolat.

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PAUL (SAINT)

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IV. caractère de PAUL. — Pour comprendre la conversion de Saul, il faut s’être rendu compte, auparavant, de ce qu’était cette nature d’élite arrivée, en ce moment, avec l’âge viril, à la plénitude de son développement intellectuel et moral. A. Sabatier place l’originalité saillante du génie de Paul, dans l’union féconde de deux activités spirituelles, de deux ordres de facultés, qu’on a rarement trouvées réunies, à ce degré, dans une même personnalité : la puissance dialectique et l’inspiration religieuse, ou pour parler la langue de Paul lui-même, l’activité du voùç et celle du irvsOita. A. Sabatier, L’Apôtre Paul, p. 75. Rien ne donne mieux l’idée de la puissance dialectique de l’Apôtre que l’analyse approfondie de ses grandes Épitres : l’Épltre aux Romains et les deux Épitres aux Corinthiens. La marche des idées, la méthode d’argumentation, la facilité à tirer du fait particulier le principe général qui domine toute la question, y révèlent une force de logique qui classe leur auteur dans la famille des plus grands dialecticiens de l’humanité. Mais à côté de cette activité réfléchie de la raison, se placera plus tard une connaissance supérieure, surnaturelle, inspirée, celle des choses ineffables qu’il n’est point donné à l’homme d’exprimer. II Cor., xii, 4. C’est à elle que se rattachent les extases, les visions, les charismes de toutes sortes. La passion de l’absolu ne se manifestait pas seulement dans l’intelligence de Paul, elle imprégnait sa conscience morale et son caractère. De là cet ardent amour de la justice, de la sainteté, cette lutte sans trêve ni merci contre les convoitises de la nature, ce zèle pour la loi mosaïque. D’une volonté de fer, il était d’une infatigable persévérance dans les entreprises, ne se laissant arrêter par aucun obstacle. Avec cela, une sensibilité exquise, toujours prête à se répandre au dehors en une riche variété des sentiments les plus tendres, les plus délicats, une sympathie désintéressée et une puissance de dévouement qu’on ne trouve que rarement chez les hommes d’action et qui ne sont d’ordinaire que le privilège des plus nobles natures de femme. I Thess., ii, 7, 11. L’extérieur de Paul ne paraît pas avoir répondu à la grandeur de son âme. Il en convient lui-même dans ses Épitres avec une franchise qui peine et charme tout à la fois. I Cor., Il, 3, II Cor., x, 1-10. Sa personne n’imposait pas, il était chétif d’apparence, timide, embarrassé. Ses ennemis en prirent plus d’une fois occasion pour diminuer son prestige. Les Actes de Paul et de Thècle, au ive siècle, la Chronique de Malalas au vi a, renforcent encore à plaisir les traits sombres de ce portrait. Ils appellent l’Apôtre : « cet homme de petite taille, chauve, aux jambes courtes, corpulent, ayant les Sourcils joints ensemble et le nez saillant. » Ces détails sont exagérés. Le seul qui paraisse exact est celui qu’insinuent les Actes, xiv, 12. En Lycaonie, la foule prend Barnabe pour Jupiter, et Paul pour Mercure, sans doute parce que le premier avait une stature plus imposante que le second. On ne sait s’il faut déjà rapporter à l’époque de sa jeunesse, l’épine, littéralement « l’écharde dans la chair » (ax^Xoil-y oapxc) dont parle l’Apôtre. II Cor., xii, 1-9. Il semble qu’il est préférable de ne la faire commencer qu’avec les visions et les extases auxquelles elle devait servir comme de contrepoids. Il est difficile, en tout cas, d’en préciser la nature. Toutes les hypothèses proposées jusqu’ici n’ont pu résoudre cette énigme. L’idée qu’en donne Paul semble être celle d’un mal qui se manifestait sous forme de crises subites, propres à humilier profondément celui qui en était atteint. Ce n’était donc ni des tentations spirituelles, orgueil, blasphème, ni des tentations charnelles comme le supposent couramment les auteurs ascétiques, en se basant sur la Vulgate, stimulus car nis, malgré la déclaration formelle de I Cor., vu, iii, à plus forte raison, des ennemis acharnés à sa perte. II Cor., xi, 15. Les modernes conviennent géné ralement qu’il s’agit d’une maladie spéciale, sans qu’ils puissent s’accorder sur son nom. Quelques-uns (Rûckert, Nyegaard, Farrar, St. Paul, t. i, Excursus x) ont pensé à un reste de cécité, à la suite de l’apparition lumineuse sur la route de Damas, ou à une inflammation périodique des yeux, qui l’empêchait d’écrire lui-même ses lettres et de voyager seul, sans compagnon, ce que contredisent les Actes, xx, 13, et l’épître à Philémon, 18, 19. D’autres (Ewald, Holsten, Lightfoot, Schmiedel, Krenkel) l’expliquent par quelqu’une des nombreuses formes de l’hystérie entendue au sens technique du mot, attaques, syncopes, crises d’épilepsie. Ce mal qui réduit tout à coup l’homme à un état d’inconscience, accompagné des symptômes les plus pénibles, répond assez bien à ces soufflets d’une main invisible qui atteignent et abattent subitement un homme au moment où il s’y attend le moins. Krenkel qui a le plus longuement traité ce sujet, dans ses Beitràge, p. 47-125, apporte, à l’appui de cette opinion, les exemples de Jules César, de Mahomet, de Milton, de Pierre le Grand, de Napoléon I er. Enfin Ramsay a récemment parlé d’une fièvre causée par la malaria qui aurait arrêté, plus d’une fois, l’Apôtre dans ses voyages. Les anciens exégètes, Tertullien, Jérôme, Chrysostome, avaient cru qu’il s’agissait de congestions ou de névralgies.

Paul, à l’époque de sa conversion, était-il ou avait-il été marié ? L’usage juif porterait à le croire. On se mariait de bonne heure chez les enfants d’Israël. Clément d’Alexandrie, Erasme, Renan ont pensé que l’expression a-jïuYE yvqmz, Phil., IX, 3, s’appliquait à l’épouse de Paul, oubliant que l’adjectif yvTJcne est au masculin et SiiÇuye, très probablement un nom propre. Luther, Grotius, Ewald, Hausrath, Farrar ont prétendu, en se basant sur le mot afap.ot opposé à yjpa.i, <( veuves, » I Cor., vii, 7, 8, que Paul devait être veuf, mais l’épithète « ya(ioç indique, d’une manière générale, tous ceux qui ne sont pas mariés, qu’ils soient veufs ou célibataires. Il paraît donc certain, surtout si l’on tient compte du passage de l’Épitre aux Corinthiens déjà mentionné, I Cor., viii, 7-8, que l’Apôtre ne s’est jamais engagé dans les liens du mariage, par une disposition providentielle qu’il considère comme un don, une faveur spéciale.

II. La conversion. — L’événement qui brisa en deux parties la vie de Paul, sur le chemin de Damas, faisant du plus farouche, persécuteur de Jésus-Christ le plus ardent de ses Apôtres, est un des faits les plus considérables des origines du christianisme. Ce n’est pas en exagérer l’importance que d’affirmer que les motifs de crédibilité de la foi chrétienne reposent, en grande partie, sur la réalité positive de ce point d’histoire et sur le caractère qu’on lui attribue.

I. historicité. — Le livre des Actes a conservé troisrécits distincts de la conversion de Paul. Le premier, ix, 1-22, rapporte les détails que saint Luc a pu seprocurer sur cet épisode, tant de la bouche de l’Apôtre que de celle de ses compagnons de route. Les deux autres, xvii, 1-21 ; xxvi, 9-20, sont empruntés à des discours où Paul lui-même eut à raconter la genèse de sa vocation à l’apostolat. Ces trois relations présentent entre-elles des différences qui ont fait mettre en doute, par quelques rationalistes, la réalité même du fait qu’elles racontent. On verra, par le rapprochement des circonstances ou phénomènes, ce qu’il faut penser de ces divergences purement accidentelles. Inutile de se demander si elles proviennent de sources différentes (Schleiermacher) ou de versions dogmatiques diverses (Baur) ou d’une fantaisie littéraire (Zeller). Il est évident, pour tout esprit libre, qu’elles ne sont point voulues et qu’elles ont complètement échappé à l’attention de l’écrivain. Elles sont de même nature que ces variantes, que l’on constate, d’ordinaire, entre les répétitions les plus fidèles d’un même récit. Elles ne peuvent

donc, en aucune façon, porter atteinte à la vérité essentielle de la narration : elles portent, tout au plus, sur les impressions subjectives que les compagnons de Paul ont reçues de ces circonstances, impressions qui n’ont pas dû être identiques chez tous ni chez tous exactement constatées. On en jugera par leur exposé.

1° Le lieu. — La scène se passe dans la grande plaine de Damas : . c’est tout ce qu’on peut recueillir des indications du texte. Act., IX, 3-8 ; xxii, 6, 11. Des quatre endroits fixés par la tradition, deux seulement offrent de vraies probabilités, le village de Kaukab, à dix kilomètres au sud-ouest de la ville, ou celui de Dareya, qui est dans la même direction et qui se trouve encore plus rapproché du terme du voyage — une heure et demie de marche environ. Ms r Le Camus, L’œuvre des Apôtres, t. i, p. 178, note. Ce dernier endroit a pour lui l’eYY’tetv, rx, 3, du texte. Il le serre de plus près et montre Paul déjà engagé dans cette zone charmante qui entoure Damas de fraîcheur et de bien-être.

2° L’heure. — Il était midi. Act., xxii, 6 ; xxvi, 13. Une lumière venue du ciel, distincte par conséquent, de celle du soleil, enveloppe subitement Paul (itEpi^ipa^ev, décrit un cercle) et ses compagnons. Act., xxvi, 13. Cette dernière addition ne modifie en rien la substance du premier récit ; elle la précise par un nouveau trait. L’éclat de cette lumière, son degré d’intensité, ressort des deux épithètes, b-.av<Sv, Act., xxii, 6, et ÛTcèp xrjv Xa|iTtpÔTr)Ta toû tjXîou ; elle éclipse le soleil d’Orient, à l’heure du jour où il est le plus étincelant. Act., xxvi, 13. Cette circonstance écarte l’hypothèse de l’orage et du coup de foudre que Renan faisait sortir des flancs de l’Hermon pour renverser Paul sur le chemin et produire en lui une forte commotion cérébrale. Il n’y a donc pas à parler d’éclair ni de phénomène naturel du même genre. Le rayon qui surpasse en blancheur la clarté du soleil, n’est autre, la suite du récit le confirme, Act., ix, 17, 27 ; xxvi, 16, que la gloire céleste dont s’environne le corps glorieux du Christ ressuscité. Cf. S. Thomas, III", q. lvii, a. 6, ad.l » m.

3° La chute. — Paul tombe à terre. Act., ix, 4. D’après le troisième récit, Act., xxvi, 14, ses compagnons, eux aussi, furent renversés sur le sol, alors que, suivant Act., ix, 7, ils semblent être restés debout. Mais eto-nfætaav ne signifie pas, comme on l’a prétendu, une attitude corporelle ; lié à évveof, il exprime simplement l’état de stupeur qui s’empara des témoins du prodige et qui les priva tout à coup de la parole.

4° La voix. — Une voix, celle de Jésus, se fit entendre à Paul. Act., ix, 4 ; xxii, 7 ; xxvi, 14, le ꝟ. 7 du chap. ix : « Les gens de sa suite entendirent la voix, mais ne virent personne, » paraît contredire xxii, 9 : « Ils virent la lumière mais n’entendirent pas la voix qui me parlait. » L’opposition n’est qu’apparente. Il n’y a, en réalité, au fond de ces deux phrases, qu’une seule et même idée : c’est que l’apparition n’a été clairement perçue que par Paul : ses compagnons ont vu et entendu quelque chose, mais sans pouvoir se rendre compte ni de celui qui parlait, ni des paroles qu’il prononçait : tout se borne pour eux à voir une lumière extraordinairement brillante et à entendre le son d’une voix dont ils ne parviennent pas à discerner le langage. Voir un cas assez analogue, Joa., xii, 19.

5° L’appel direct de Jésus. — Dans le discours devant Agrippa, c’est Jésus en personne, qui appelle Saul à l’apostolat, tandis que, dans sa harangue au peuple, sur les degrés du temple, xxil, 14, c’est par l’intermédiaire d’Ananie, trois jours après la première vision. Cette légère variante vient de ce que Paul, pressé de fournir des preuves authentiques de son apostolat, aura rapporté en bloc, à, la phase principale de sa conversion, tout ce qui s’y rattache de quelque manière, sans tenir compte des différences et des intervalles de temps. Au reste, peu importait, dans la circonstance

présente, le moment précis où lui avait été intimé l’ordre de porter l’Évangile aux nations. L’essentiel était que ce pouvoir lui vint de Jésus. Les autres paroles du dialogue (il se fit en hébreu, langue habituelle de Paul, xxvi, 14) sont les mêmes dans les trois récits, si l’on excepte pourtant la réflexion finale du Sauveur, Act., ix, 5 ; xxvi, 14, qui manque dans la deuxième narration, Act., xxii, 8-9, et, même parait-il, dans la première. Act., ix, 5, 6. L’image dont se sert Jésus, pour représenter au jeune fanatique l’inutilité de ses efforts, est très expressive. « C’est peine perdue, dit-il, de regimber contre l’aiguillon. » La victoire, en effet, devait rester du côté de la grâce. Qui peut résister à Dieu ? En un instant, Saul comprit qu’il avait jusque-là fait fausse route et qu’il devait réparer ses torts. Il demande ce qu’il doit faire. Il le saura plus tard. Pour l’instant, Jésus lui commande d’entrer à Damas.

6° L’entrée à Damas. — Paul se relève de terre ; mais comme il était devenu aveugle, Act., xxii, 11, par l’éclat de la lumière céleste dont il venait d’être environné, ses compagnons le prennent par la main et le déposent chez un certain Juda, sans doute un Juif de sa connaissance, qui demeurait dans la rue Droite, une des principales artères de la ville, qu’elle traversait de l’est à l’ouest, sur une largeur de plus d’un mille. Pendant trois jours, Paul, agité par le souvenir de cette vision, ne prit aucune nourriture. On se figure aisément les luttes intérieures, troubles, remords, incertitudes, auxquels son âme fut en proie pendant cette période d’attente.

7° Double vision. — La situation de Paul s’aggravait encore des conséquences de son passé. Les chrétiens, instruits de tout ce qu’il avait fait subir à leurs frères de Judée et de ce qu’il avait annoncé contre eux à Damas même, se tenaient éloignés de lui. Act., ix, 13. D’autre part, les Juifs de Syrie s’étonnaient de l’inaction du jeune fanatique et du changement de dispositions qu’on remarquait en lui. Tout cela constituait un état des plus embarrassants. Le Ciel pouvait seul résoudre cette difficulté. Il en prépara là solution définitive par deux visions qui paraissent avoir été simultanées ; l’une à un certain Ananie, Act., xxii, 12, qui pouvait être le chef de la communauté chrétienne, l’autre, à Saul lui-même. Il fallait que Saul connût le nom et le visage de celui qui devait achever sa conversion. D’autre part, il ne fallait rien moins qu’un ordre d’en haut pour déterminervnanie à une démarche aussi inattendue et aussi périlleuse, auprès d’un délégué du Sanhédrin, venu tout exprès, de Jérusalem pour continuer son œuvre de fanatisme parmi les saints.

8° Ministère d’Ananie auprès de Paul. — La mission du pieux disciple comprenait trois choses : 1° guérir Paul de sa cécité ; 2° lui conférer l’initiation chrétienne par le baptême de l’eau et de l’esprit ; 3° lui faire connaître l’avenir auquel IDieu le destinait, la mission qu’il lui confiait. Ananie vint donc vers le malade, lui parla doucement, l’appela son frère et lui imposa les mains. Aussitôt Paul se sentit guéri. De petites croûtes ou écailles, cf. Tobie, li, 9 ; vi, 10 ; xi, 13, tombèrent de ses yeux ; il mangea et reprit des forces. Les textes ne disent pas si Paul reçut alors TEsprit-Saint d’une manière visible, mais on peut le déduire de quatre passages des Actes : ii, 4 ; viii, ’, 18 ; x, 45 ; xix, 6. Il faut noter, dans le ministère d’Ananie, l’absence de ce qui aurait pu s’appeler préparation spirituelle ou enseignement doctrinal. Rien de tout cela n’est insinué dans les Actes. Le contraire y est plutôt suggéré. Dieu qui a choisi son instrument ((ixeûoç ; Vulgate : vas, Act., ix, 15), se réserve de lui faire connaître ce qu’il aura à souffrir et, à plus forte raison, ce qu’il aura à prêcher. Paul pourra ainsi soutenir plus tard, Gal., i, 16, qu’il a reçu sa révélation particulière, qu’il n’a rien appris de personne, qu’il est

apôtre au même titre que les Douze, par institution divine et par commission directe de Jésus. Il soutiendra que c’est à dessein qu’il n’est pas allé à Jérusalem après sa conversion, afin de montrer qu’il n’a pas reçu sa doctrine des Apôtres, mais qu’il la tient directement de Jésus ressuscité. Ainsi se termine l’histoire de l’événement qui fut, dans la vie de Paul, la phase la plus décisive de son existence. On aura déjà conclu, par le simple exposé des circonstances, tel qu’il résulte de l’examen composé du triple récit des Actes, que le témoignage de saint Luc est très ferme, très consistant et que les divergences signalées ne sont que les différences que l’on constate toujours entre les répétitions les plus fidèles du même récit. Il n’y a donc pas à se demander quelle est, parmi ces trois relations, la plus exacte et la plus vraie. Rédigées par la même main, sorties de la même source orale, elles se complètent et s’éclaircissent mutuellement. Aussi la meilleure méthode pour reconstituer la scène de Damas, dans toute sa réalité, est-elle de fondre, dans un seul tableau, les images et les couleurs propres à chacune de ces descriptions.

II. hatuse dv phénomène. — L’exégèse rationaliste, ennemie du surnaturel, a mis tout en œuvre pour expliquer, sans aucune intervention miraculeuse, la conversion subite du jeune Saul. Ne pouvant nier ces faits que le témoignage de l’Apôtre lui-même a placés au-dessus de tout soupçon, elle a du moins cherché à les ramener à des causes] purement naturelles. Deux savants ont particulièrement étudié ce problème : Holsten et. Pfleiderer. Holsten, le plus fidèle [ et le plus hardi des disciples de Baur, a prétendu, Zum Evangelium des Petrus, und Paulus… Chris tusvision des Paulus, 1868 ; Dos Evangeliunides Paulus dargestellt, 1880, que la crise du chemin de Damas était un simple problème de psychologie, et il a essayé de le résoudre par l’hypothèse de la vision. Il établit, en principe, que Paul, nature", nerveuse, facilement excitable, sujette à des attaques d’épilepsie, II Cor., xii, 1-9, avait, par sa complexion hystérique, des dispositions naturelles à l’extase. L’apparition du Christ, en cette circonstance, n’aura été que la première en date de ses visions extatiques et celle qui aura donné naissance à toutes les autres. La meilleure critique de cette première hypothèse a été donnée par Beyschlag ; elle est insérée dans les Studien und Kritiken de 1864, 1870. Le second essai d’explication psychologique, celui de Pfleiderer, dans Urchristenthum et dans Paulinismus, 2e édit., p. 4-15, s’appuie sur un travail de réflexion qui se serait lentement élaboré dans la conscience de Paul, depuis le meurtre de saint Etienne, et qui avait abouti â la crise finale de la conversion. Le souvenir de la mort du saint diacre, de son calme, de sa douceur, de sa face rayonnante, jeta dans le cœur de Saul les premiers doutes et les premiers remords. Dans ses discussions avec les premiers disciples qu’il avait arrêtés et qu’il avait mission d’interroger, il fut frappé de l’explication^ qu’ils donnaient de la mort de Jésus, surtout de l’oracle d’Isaïe, lui, sur les souffrances du serviteur de Jéhovah. Il n’était pas moins touché du témoignage plein de force qu’ils rendaient de la résurrection de leur Maître. Convaincu, comme il l’était déjà alors, de l’insuffisance de sa justice’propre, de la stérilité de la Loi, il ne put s’empêcher de se demander si, dans la mort de ce crucifié, ne se trouverait point ce qu’il avait vainement cherché dans la pratique du pharisaïsme. Au moment où il approchait de Damas et où il se voyait sur le point d’accomplir sa mission de haine, ces impressions favorables se réveillèrent chez, lui avec une puissance extraordinaire, et déterminèrent dans son âme une lutte terrible dans laquelle le cri de sa conscience revêtit la forme sensible d’un reproche du Messie. L’âme de Saul fut saisie par la puissance divine d’une vérité que jamais elle

n’eût pu produire d’elle-même, mais qui, sous l’empire des circonstances intérieures et extérieures, se dévoile à lui comme le mot de l’énigme, comme l’apaisement du conflit extrême, comme la puissance de Dieu pour le salut. Renan, en 1869, Les Apôtres, p. 178 sq., avait déjà combiné ces deux points de vue, mais en faisant une plus large part au fait extérieur.

Si ingénieuses que soient ces suppositions, elles ne résolvent pas le problème posé. La difficulté reste entière. On : ne sort pas de ce dilemme : ou accumuler, comme Pfleiderer, les impressions antérieures favorables, ou les diminuer. Or, dans le premier cas, le caractère brusque et violent delà crise devient inexplicable ; dans le second, la transformation elle-même devient une énigme. Baur lui-même, Dos Christenthum, p. 45, avait pénétré ces impossibilités quand il résumait ainsi sa manière de voir sur ce sujet : « On ne parvient, par aucune analyse, ni psychologique, ni dialectique, à sonder le mystère de l’acte par lequel Dieu révéla son Fils en Paul. » Il ne reste à l’historien qu’une seule voie : c’est d’entendre la déposition du principal témoin, de Paul lui-même. Dans ses Épîtres les plus incontestées, l’Apôtre revient sans cesse sur ce grave événement. On a de lui trois déclarations importantes qu’il importe d’analyser. 1° La première est un passage de l’Épttre aux Galates, i, 12-17 ; Paul y décrit sa conversion au point de vue intime (âitoxaXûtl"*’tov ucôv aikoû êv ê(tot), en tant qu’elle servait à prouver l’origine divine et l’indépendance absolue de son évangile. Il ne rapporte pas, il est vrai, les moyens extérieurs dont Dieu s’est servi pour produire en lui cette œuvre de grâce, mais l’idée n’en est pas moins au fond de ces versets, car, tout en ramenant sa conversion à la grâce de Dieu, comme à sa cause première, Paul a soin d’affirmer, d’une façon très catégorique, qu’il la doit, comme cause prochaine et affective, à l’intervention personnelle de Jésus. Le verset 12, avec son antithèse, itapà dtvôpmitou et son génitif, subjectif, comme disent les grammairiens, SI’  « 710xaXô4’£<>K’It)<xoù XptaToû, indique, sans doute possible, que Jésus-Christ est, à la fois, l’auteur et Vobjet de la révélation. Il faut ajouter, et c’est là un point essentiel, que rien, dans le contexte, ne se prête à l’idée d’un travail antérieur dans l’âme du jeune Pharisien ou d’un acheminement progressif vers l’Evangile. Toujours Paul représente sa conversion comme un coup de foudre qui l’a surpris en pleine période de fanatisme, l’a fait passer, en un instant, d’un extrême à l’autre. L’hypothèse naturaliste perd, de ce fait, un de ses meilleurs arguments. Que deviennnenl, en effet, ces remords cuisants dont on tire les vraies causes de la conversion ? Où trouver le temps nécessaire pour préparer d’une manière normale le dénouement de la crise ?

2° La seconde déclaration est encore plus explicite et présente ce qu’on peut appeler le côté extérieur et objectif du phénomène. Paul en appelle à la vision du chemin de Damas pour établir la réalité de son titre d’apôtre. I Cor., ix, 1 : « Nesuis-je pas apôtre, s’écriet-il, n’ai-je pas vu le Seigneur Jésus ? » Pour lui, ces deux faits s’enchaînent entre eux comme l’effet à la cause. Lui refuser l’un, c’est nier l’autre. Et qu’on remarque ici la différence profonde qui, dans la conscience même de Paul, sépare cette apparition des visions extatiques dont il fut favorisé, quelques années plus tard, II Cor., xii, 1-5 ; celles-ci appartenant à la sphère de sa vie privée, il n’en parle qu’une seule lois, et encore avec une répugnance extrême, s’enveloppant, à dessein, d’expressions mystérieuses, comme lorsqu’il s’agit d’un secret qu’on a peine à dévoiler et sur lequel on se hâte de laisser retomber l’ombre de l’oubli. Or l’Apôtre n’éprouve rien de semblable, quand il est question de sa conversion. Il n’en fait pas mystère ; c’est même un des thèmes habituels de ses Épîtres. Il revenO

dique hautement l’honneur d’avoir été, lui aussi, témoin de la Résurrection et, par là, d’être devenu l’égal des Douze. Enfin, tandis qu’il regarde ses extases comme des effets de l’Esprit, il n’attribue jamais sa conversion qu’à une intervention personnelle et corporelle de Jésus ressuscité.

3° Le troisième passage, I Cor., xv, 8, où Paul parle de sa conversion, est tout à fait décisif. L’Apôtre, énumérant les diverses apparitions du Christ ressuscité, met la sienne sur la même ligne que celles de Pierre et des autres disciples. « En dernier lieu, dit-il, et après tous les autres, le Christ m’est apparu, à moi aussi, comme à un avorton. » Celui qui accepte la réalité des premières ne peut mettre en doute l’objectivité positive de celle qui les clôture.

Ainsi, de tous côtés, se trouve fermement assise la conviction que l’incident de Damas ne peut s’expliquer, aux yeux mêmes de l’histoire, que par l’intervention personnelle du Sauveur ressuscité.

ni. conséquences. — On retrouve, dans la conversion de Paul, toutes les lois fondammentales de sa vie spirituelle, de son activité extérieure, de sa pensée.

1° Une nouvelle vie s’est substituée à l’ancienne dans l’âme de l’Apôtre. Elle se résume tout entière dans cette belle formule : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Gal., ii, 20 ; Phil., i, 21 ; Col., i, 4. Le moi ancien a disparu pour céder la place au moi nouveau, dont le principe vital est le Christ lui-même. Et ce Christ, qui est devenu l’âme de sa nouvelle conscience et de sa nouvelle vie, ce n’est pas, II Cor., v, 15, 17, le Messie juif avec ses espérances charnelles, c’est le Messie chrétien, c’est le Christ mort et ressuscité. Désormais, toute la vie de Paul dépendra de la mort et de la résurrection de Jésus. Voilà le centre organique de sa nouvelle existence, la source où elle puisera incessamment cette sève si riche qui la rendra si puissante et si féconde. Ainsi s’est établie entre le Maître et son disciple cette communion mystique indéfinissable qui apparaît comme l’idéal de la vie chrétienne et le suprême honneur de notre nature.

2° Au point de vue de son ministère extérieur, c’est de l’apparition de Jésus ressuscité que Paul tient sa prérogative d’apôtre. Gal., i, 12, 17 ; I Cor., IX, 1 ; xv, 8. De là date aussi son mandat d’évangéliser les Gentils, bien qu’il ne paraisse pas l’avoir exercé aussitôt après sa conversion. Act., ix, 15, 20. Mais, lorsque l’heure sera propice, il accomplira sa mission et son activité se développera, de préférence, en dehors du judaïsme. Nul, d’ailleurs, n’était mieux préparé, dans la primitive Église, pour une pareille entreprise. Paul se trouvait être, en effet, comme le point de jonction entre les trois mondes où la foi devait pénétrer ; celui de la légalité juive, celui de la culture hellénique, celui de la cité romaine. Transporté violemment, par la grâce divine, d’un extrême à l’autre, il était mieux placé pour saisir l’antithèse irréductible qui séparait le judaïsme du christianisme, l’Évangile de là Loi, la foi des œuvres, la sainteté légale de la sainteté véritable. Rien d’étonnant, non plus, que stimulé par le désir de réparer le mal qu’il avait fait à l’Église naissante, il ait déployé autant de zèle pour la cause de Jésus qu’il en avait mis à l’entraver. II Cor., xi, 23-29.

3° C’est surtout dans sa théologie que Paul a déposé l’empreinte profonde faite sur son âme ardente par la vision de Damas. L’idée qui paraît avoir primé toutes les autres, dans ses réflexions intimes, à partir de cet événement, c’est la gratuité de la justification. En faisant un retour sur lui-même et en consultant le fond de sa conscience, le jeune néophyte acquit bien vite la persuasion qu’il ne devait point sa nouvelle croyance et les biens dont elle était la source, à ses propres efforts, mais à un acte de pure miséricorde de la part de Dieu. Il apprit ainsi à faire hommage de

sa conversion à la grâce divine, qui l’avaii amené à 1° lumière au moment même où il faisait toit pour s’en éloigner.

Une autre conclusion, suite naturelle "à cette première expérience, se présenta presque aissitôt à son esprit : il reconnut l’inutilité des cérénonies extérieures de la Loi et leur insuffisance mtoire pour arriver à la véritable justice. À quoi lui avàt servi son zèle pharisaique ? N’allait-il donc pas » abîmes en

suivant cette fausse route ? C’est donc pa une autre voie qu’il fallait aller à la justification, c’est-à-dire par celle de la foi en Jésus. N’était-ce pai proclamer la déchéance de la Loi et faciliter aux Geitils l’entrée dans le royaume ? L’Épitre aux Romains es ainsi déjà arrêtée, quant à ses grandes lignes, dans l’esprit de Paul.

III. L’apostolat de saint Paul. — On jeut diviser en quatre étapes principales la carrière pacourue par l’Apôtre, depuis le jour de sa conversion jisqu’à celui de sa mort : i° les débuts ; 2° les missions ; 3° la captivité ; 4° les dernières années d’activité aposolique.

I. LES débuts. — Les sept années qui uivirent la conversion de Paul peuvent être considérées comme un temps d’apprentissage et d’épreuve. Les Douze avaient eu une période de formation. Lipôtre des Gentils devait avoir la sienne. Au reste, les circonstances ne se prêtaient pas, pour l’instant, i la grande œuvre de l’évangélisation des Gentils. L’Éjlïse devait, avant tout, affermir ses premières conquête en Palestine. L’heure n’est pas encore venue, poui l’Évangile, de se répandre dans le monde païen. Cettepériode de préparation est une des plus obscures d( la vie de Paul par la difficulté où l’on est d’accorèr les données des Actes, rx, 19 ; xxvi, 20, avec celles de l’Épltre aux Galates. Saint Luc, qui ne fait pas à iroprement parler une biographie de Paul, ne donne jas tous les renseignements qu’on pourrait souhaiter. Lis distances de temps, en particulier, s’effacent dans soi récit. La préférence de l’historien va naturellement pur la chronologie et la succession des faits, tels qu’ife sont dans l’Épltre aux Galates. Or, en s’appuyant surelle, il faut conclure que Paul ne reste que quelques joirs à Damas après sa conversion.

A) Séjour en Arabie. — Le nouvean conerti se rendit presque, aussitôt en Arabie. Les donnéesdu texte ne déterminent ni l’endroit, ni la durée exacteni le motif de cette excursion en pays étranger. L’Arabiedans l’Écriture, comme dans les lectures anciennes, n’a pas de frontières nettement décrites, elle désigiï tantôt le vaste territoire situé à l’est et au sud de 1 Palestine, tantôt la province centrale du Hauran, au sud-est de Damas, avec les oasis adjacentes, PArabia prima de l’époque romaine et l’Arabaya des inscripticis achéménides. Dans la terminologie de Paul, ce motparalt s’appliquer, de préférence, à tout le royaume Ncvaléen dont Pétra était la capitale. Gal., i, 17 ; iv, 25. Comne au temps d’Arétas, la Nabatée comprenait dans son trritoire la péninsule sinaïtique, on a pu fixer, sans trp d’invraisemblance, la retraite de Paul sur la montajne où avait été promulguée l’ancienne Loi. Pourtant, il semble bien plus probable que le nouveau convffti se soit dirigé non vers le sud de la Palestine, mas vers ces terres si tristement désertes qui, au-dessois de Palmyre et au delà du Hauran, s’étendaient versl’Euphrate, sans oasis, sans abri, sans souvenirs, sans ie, laissant à l’âme l’impression de l’abandonnement couplet, afin de mieux l’ouvrir aux influences de la grâce. Voir Mgr Le Camus, L’œuvre des Apôlres, t. ii, p. 202. Le retour à Damas, sans passer par Jérusalem, ue se conçoit bien que dans <cette dernière hypothèse Comment Paul aurait-il pu remonter vers le nord sars aller voir Pierre ? Quant à ce que lit Paul en Arabie il est impossible de le préciser. On a parlé de pédications

mais nulle part, dans ses Épîtres, il ne fait allusion à l’évangélisation de ces contrées désertes et l’on ne voit aucune trace d’église dans le Hauran avant l’émigration des chrétiens de Palestine, en l’an 70. Tout porte à croire, au contraire, que Jésus conduisit l’Apôtre dans ces solitudes pour l’instruire de ses doctrines et le préparer à sa future mission.

B) Retour à Damas. — Revenu à Damas, Paul s’attachait à prouver aux Juifs que Jésus était le Messie. Ceux-ci, exaspérés par le succès de leur contradicteur, voulaient le tuer. Ils s’entendirent avec l’ethnarque qui gouvernait la ville au nom d’Arétas, pour se saisir de sa personne. On plaça des gardes aux portes de la. <iité. Mais les frères le firent échapper la nuit, en le descendant dans un panier qu’on fit glisser le long des remparts. Act., ix, 24, 25 ; II Cor., xi, 32.

C) Premier voyage à Jérusalem. — Sorti de ce péril, Paul se rendit à Jérusalem. Il désirait voir Pierre. Gal., i, 18. Il reconnaissait donc son autorité et voulait s’entendre avec lui. Les premières entrevues avec les frères de Jérusalem furent, on le conçoit, extrêmement pénibles et pleines d’embarras. Tout d’abord, les disciples le tenaient à l’écart, nul n’osait approcher de lui ; on craignait peut-être, de sa part, un horrible stratagème pour perdre ceux qu’il n’avait pu atteindre. Barnabe rassura leurs craintes, prit Paul par la main, le présenta aux frères et se fit son garant. À partir de ce moment, Paul fut admis dans l’intimité des disciples, on le regarda désormais comme un frère. Il vit peu de monde, apôtres et diacres étaient alors absents de Jérusalem, occupés sans doute à évangéliser les contrées voisines. Gal., i, 18, 19. Du reste, Paul ne demeura que deux semaines dans la Ville sainte. Les Actes attribuent ce départ précipité, ici comme à Damas, à de nouvelles embûches de la part des Juifs helléniques. Les frères, pour prévenir ce malheur, reconduisirent l’Apôtre jusqu’à Césarée au bord de la mer, d’où il s’embarqua pour Tarse, sa ville natale. Ailleurs, Act., xxii, 17, 21, Paul raconte qu’un jour, présent dans le Temple, il eut une extase, qu’il vit Jésus en personne et reçut de lui l’ordre de quitter au plus vite Jérusalem, parce qu’on n’était pas disposé à recevoir son témoignage. Le Sauveur lui promettait, en échange, un apostolat beaucoup plus fécond auprès des nations lointaines, mieux disposées à écouter sa voix.

D) Retour à Tarse. — Le nouvel apôtre se mit à parcourir la Syrie, puis la Cilicie. Tarse devint alors pour un temps, deux années au plus, le centre de ses premières missions, d’où sortiront bientôt des églises florissantes, Act., xv, 23, 41.

E) Séjour à Antioche. — C’est là que Barnabe vint, une seconde fois, tendre la main à Paul et l’amena à Antioche où venait de se former une communauté florissante. Durant une année entière, Barnabe et Paul furent unis dans la plus active collaboration. Ce fut une des années les plus brillantes et sans doute la plus heureuse de la vie de Paul. La féconde originalité de ces deux grands hommes éleva l’Église d’Antioche à une hauteur qu’aucune Église n’avait atteinte jusquelà. Les fruits de leur apostolat furent si abondants qu’ils attirèrent l’attention publique. Les regards se portèrent du côté de la communauté naissante. On comprit bientôt, à certains signes extérieurs, qu’on avait affaire à une nouvelle secte religieuse, distincte du judaïsme, dont elle était sortie et comme on entendait souvent les nouveaux convertis répéter le nom de XpiiTT(Sç, on crut que c’était là le nom de leur chef et on les appela ^pianavof. Act., xi, 26.

F) Second voyage à Jérusalem. — C’est vers cette époque qu’il faut placer le voyage de Barnabe et de Paul à Jérusalem. Voici à quelle occasion. Une famine étant sur le point de sévir, les disciples de Syrie avaient immédiatement recueilli des aumônes en faveur de leurs

frères de Judée. Act., xi, 28-30. On avait choisi les deux apôtres pour en porter le montant aux églises de Judée. Leur séjour à Jérusalem ne paraît pas avoir été de longue durée. Les deux envoyés n’y rencontrèrent point les Apôtres, ils ne trouvèrent que les anciens, sorte de sénat préposé, en l’absence des Douze, au gouvernement de la communauté. La plupart des critiques ont prétendu, il est vrai, que l’Épltre aux Galates, i, 22, excluait la possibilité de ce voyage mentionné dans les Actes, xi, 30, car alors, disent-ils, Paul s’exposerait à être taxé de mensonge, s’il omettait une seule circonstance dans laquelle il aurait pu rencontrer les Apôtres, On s’exagère la difficulté. Dès que Paul a prouvé qu’à son premier voyage à Jérusalem il n’a pas eu besoin de se faire instruire par les Apôtres, il est évident qu’une pareille instruction ne lui a pas été nécessaire plus tard, puisque son apostolat à Antioche et ailleurs était des faits suffisamment connus. Peu importait de récapituler tous les voyages qui ont suivi celui-là. II était surabondamment démontré que Paul avait prêché son évangile longtemps avant d’avoir rencontré un seul apôtre.

II. les missions. — Revenus à Antioche, Paul et Barnabe, qui avaient ramené avec eux le jeune Jean-Marc, cousin de ce dernier, Col., IV, 10, reprirent leur activité dans cette église où s’épanouissait une grande richesse de « dons spirituels », notamment ceux de prophétie et de didascalie. C’est alors que fut conçue l’idée d’une vaste propagande de l’Evangile dans le monde païen. Jusqu’ici l’annonce de la bonne nouvelle n’avait été que le résultat d’actions isolées, intermittentes, circonscrites dans un rayon relativement peu étendu. Maintenant l’apostolat va s’organiser, par l’initiative de Paul et de Barnabe, en un vaste système de forces et de dévouements, appliqués avec suite et méthode, à la conquête du monde juif, surtout du monde païen. La prédication chrétienne, limitée tout d’abord aux hauteurs de la Syrie, pénètre tout à coup presque simultanément dans les trois grandes péninsules d’Asie Mineure, de Grèce, d’Italie. Antioche est la base d’action de ces lointaines missions : c’est de là que les missionnaires partent ; c’est là qu’ils reviennent, après quelque temps, se reposer de leurs fatigues. C’est au retour de Jérusalem que les Actes placent le début des missions chrétiennes.

La chronologie de Luc, en cet endroit, Act., xir, 2425, n’est pas assez précise (xax’èxeïvov xbv xaipov, « vers ce temps-là » ) pour qu’on ose fixer la date. Il semble pourtant que d’après la contexture du chap. xii, il faut retarder le départ de nos missionnaires jusqu’à la mort d’Hérode Agrippa, vers l’an 45. C’est pendant une assemblée liturgique solennelle, précédée, comme c’était la coutume chez les Juifs, lorsqu’on se préparait à quelque chose d’important, de jeûnes et de prières spéciales, que l’Esprit intima, par la bouche de quelque prophète inspiré, l’ordre de mettre à part Paul et Barnabe pour les consacrer à l’œuvre qu’il leur destinait. Dès ce moment, les deux élus furent donc détachés du personnel apostolique de l’Église d’Antioche. L’émotion fut grande, parmi les fidèles, quand il fallut se priver du concours et de l’amitié de ceux que l’Esprit envoyait à la conversion du monde. On se prépara à la séparation par des jeûnes et des prières, puis, le jour des adieux étant arrivé, on leur imposa les mains, et on les livra à la grâce de Dieu. L’imposition des mains était, dans l’Église primitive, le rite habituel auquel on soumettait celui qui recevait quelque fonction spéciale ou quelque délégation. II Cor., viii, 19.

— Les deux Apôtres s’adjoignirent, à titre de subordonné, pour les seconder dans les soins matériels de leur entreprise, Jean-Marc, cousin de Barnabe. Voir Jean-Marc, t. iii, col. 715.

1° Première mission. Act., xiii, 4-xiv, 28. — Le par

cours de la première expédition apostolique est, relativement aux autres voyages de l’Apôtre, le moins étendu en durée et en espace. Il ne comprend guère, déduction faite du trajet maritime, que l’île de Chypre, dans le sens de sa longueur, de Salamine à Paphos, et, en Galatie, une ligne brisée d’environ cent lieues. On a toute latitude pour intercaler cette mission entre la mort d’Hérode (en l’an 44) et le concile de Jérusalem qui eut lieu vers 52. En faisant partir nos voyageurs au printemps de l’an 47, on trouve un temps largement suffisant pour les ramener deux années plus tard, vers la fin du mois de juillet. Pour se faire une idée de ce que furent ces excursions évangêliques, il faut se représenter les difficultés inouïes, les obstacles de tous genres, les dangers de toutes sortes que devait rencontrer, à cette époque, un voyageur pauvre, de la condition de Paul, obligé pour se suffire de s’arrêter là où il trouvait de l’ouvrage, II Cor., xi, 23-27. D’ordinaire, Paul allait à pied. Quand il le pouvait, il prenait la voie de mer, moins pénible, malgré ses surprises, et surtout moins coûteuse. La route est comme tracée d’avance par les juiveries échelonnées sur le littoral de la Méditerranée ou établies dans les centres commerciaux, à l’intérieur des terres. Il était d’usage dans les synagogues, quand un étranger assistait à l’office du sabbat, de l’inviter à dire quelques paroles d’édification. Paul en profitait pour exposer sa doctrine. Souvent on priait l’Apôtre de reprendre son discours le samedi suivant. Il y avait alors foule. Juifs et prosélytes accouraient pour écouter l’inconnu, et un grand nombre d’entre eux en sortaient convertis. Une scission s’opérait bientôt avec les synagogues. L’Apôtre et ses nouveaux adhérents se réunissaient alors dans un autre local et organisaient sur place une communauté à part. On disait alors qu’il y avait une église de plus.

A) Mission de Chypre. Act., xiii, 4-13. — L’île de Chypre, placée en face de la côte syrienne, à une distance d’une vingtaine de lieues, élait comme marquée d’avance pour être la première étape des trois missionnaires qui venaient de s’embarquer à Séleucie, au sortir d’Antioche. C’était la patrie de Barnabe et d’un certain nombre de nouveaux chrétiens. Act., xi, 20 ; xxi, 16. Il semble même qu’on y avait déjà annoncé la bonne nouvelle. Les Juifs étaient là très nombreux, mêlés à des Grecs et à des Phéniciens. Josèphe, Ant. xvi, 4, 5, 51, Act., xiii, 5. Saint Paul et ses compagnons abordèrent à l’ancien port de Salamine et prêchèrent dans les synagogues. Les Actes ne disent rien du résultat de cette première prédication. Mais elle dut être bien accueillie puisqu’elle se fit entendre dans les différentes synagogues de la ville. De Salamine le groupe apostolique traverse toute l’île, de l’est à l’ouest, s’arrêtant sans doute dans les villes de la côte du sud, Citium, Amathonte, Curium, pour aboutir à Paphos, résidence du proconsul romain. Depuis l’an 22, en effet, Chypre était devenue province sénatoriale. Dion Cassius, liv, 4 ; Mommsen et Marquardt, Organisation de l’empire romain, t. ii, p. 328. Le proconsul qui gouvernait l’île s’appelait Sergius Paulus, homme d’une naissance illustre, sceptique, comme la classe éclairée de son temps, à l’égard du culte officiel et cherchant une issue, pour ses instincts religieux, dans les superstitions et les sciences occultes de l’Orient. Il avait auprès de lui un magicien juif, nommé Barjésu, qui, pour ajouter à son prestige, se faisait appeler Elymas, ce qui, en arabe, signifie savant. Le proconsul, toujours en éveil du côté du merveilleux, entendit probablement parler de quelque prodige opéré par les nouveaux venus et voulut entendre d’eux la doctrine du salut. Il les fit.venir et les écouta avec beaucoup d’intérêt. Élymas, voyant son crédit en péril, s’efforçait, on ne sait trop par quel artifice, de neutraliser l’effet des paroles de Paul et de Barnabe sur l’esprit de Ser gius Paulus. Paul le frappa, pour un temps, de cécité et, devant ce prodige, le proconsul se convertit. Les Actes sont très brefs sur cette première mission de Chypre. On n’y signale que la conversion de Sergius Paulus. On ne parle ni d’églises fondées, ni de miracles éclatants, ni de discours particulièrement remarquables. Peut-être que Paul et Barnabe ne firent qu’explorer la contrée à titre d’essai, se proposant d’y revenir plus tard. C’est au sortir de Chypre que Paul prend définitivement le premier rôle. Barnabe ne paraît plus désormais que comme un simple auxiliaire, laissant de plein gré à son éminent collègue les initiatives de l’entreprise commune.

B) Mission de Galatie. xii, 13-xv. — Encouragés par un heureux début, les trois voyageurs résolurent de porter leur activité apostolique sur la côte voisine d’Asie Mineure. Ils s’embarquèrent à Néa-Paphos, firent voile vers l’embouchure du Cestrus, en.Pamphylie et descendirent à Pergé. Mais leur dessein n’était pas d’y séjourner. Ils rêvaient de pénétrer jusqu’à l’intérieur des terres. Seul Jean-Marc, effrayé par la perspective d’un voyage aussi difficile et aussi périlleux, voulut quitter la mission et revint à Jérusalem. Paul en ressentit une vive contrariété dont il garda longtemps le souvenir. Cette rupture fut encore beaucoup plus pénible pour Barnabe qu’elle privait d’une compagnie qui lui était chère. Malgré ce fâcheux contretemps, les deux Apôtres reprirent leur expédition à travers un pays montagneux, peuplé de barbares, infesté de brigands.

Après un parcours de quarante lieues, ils arrivèrent à Antioche de Pisidie ou Antioche-Césarée, sur le versant méridional des montagnes qui séparent la Phrygie de la Pisidie. Cette ville, depuis l’occupation romaine, faisait partie de la province de Galatie, mais, en réalité, elle était située en Phrygie et elle en suivait les traditions. Élevée par Auguste, au titre de colonie romaine, elle avait pris, depuis ce jour, un développement extraordinaire. Les Juifs, attirés par la prospérité de la nouvelle cité, s’y étaient fixés et avaient construit une synagogue. Selon leur habitude, les deux voyageurs s’y rendirent, dès leur arrivée. On était au samedi. Paul y prononça un discours — le premier dont les Actes nous donnent l’analjse — qui fit une profonde impression sur l’assemblée. On pria les nouveaux venus de se faire entendre une seconde fois. Dans l’intervalle, un nombre considérable de Juifs et surtout de prosélytes s’attachèrent à Paul et à Barnabe, qui les engagèrent à persévérer dans leurs bonnes dispositions. Toute la ville ne parlait plus que de cet incident. Le samedi venu, une foule énorme envahit la synagogue, ce qui irrita, au plus haut point, les notables de la communauté juive et changea en une violente animosité leur première bienveillance. Paul et Barnabe, s’étant rendus compte de l’obstruction systématique que les Juifs faisaient à leur prédication, soutinrent quelque temps l’orage, puis ils se retirèrent en disant à leurs contradicteurs : « Nous devions commencer par vous prêcher la parole de Dieu. Mais, puisque vous la repoussez, et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, nous allons nous tourner vers les païens. » Ce mauvais accueil confirma Paul dans sa vocation d’apôtre des Gentils. Il se tourna résolument’vers la population païenne et y fit de nombreuses conversions. Ce fut le noyau de la première Église au pays galate. La foi eut un centre d’où elle rayonna dans les contrées voisines. De toutes parts, on recevait avec joie une religion qui contentait les aspirations monothéistes des âmes élevées, sans leur imposer le joug du légalisme juif. L’enthousiasme des néophytes était, à son comble. Il acheva de mettre les Juifs en fureur. Cette propagande devait nuire à leur prosélytisme et leur faire perdre du terrain. Aussi allèrent-ils jusqu’à Voyages de Saint Paul

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faire décréter, contre Paul, et Barnabe, tin décret d’expulsion par l’autorité municipale.

Les deux bannis avaient devant eux plusieurs routes à choisir. S’ils se dirigeaient vers l’ouest, ils entraient aussitôt dans la Phrygie proprement dite, du côté de Colosses, d’Hiérapolis, de Laodicée ; au nord, ils avaient devant eux l’ancien royaume de Galatie. Ils préférèrent se tourner vers l’orient, se rapprochant ainsi de la Cilicie. Ils se dirigèrent donc vers la Lycaonie et, au bout d’une marche d’environ cinq jours, atteignirent la ville dlcone, située dans un pays riant et fertile, près de l’endroit où la chaîne de Taurus forme la limite entre la Cappadoce et la Lycaonie. Au temps de Paul, Icône était la capitale de la Lycaonie, région comprise, depuis l’an 25 avant J.-C, dans la province romaine de Galatie. Peu considérable au temps de Strabon, cette ville s’agrandit dans la suite. Sous Claude, il s’y forma une colonie romaine, et elle changea son nom en celui de Claudia et Claudiconium. Les Juifs y possédaient une synagogue fréquentée par de nombreux prosélytes. Paul et Barnabe y prêchèrent avec beaucoup de fruit. L’affluence des conversions fut telle, malgré les tracasseries des Juifs, que les deux Apôtres se résolurent à faire là un long séjour. En peu de temps, une Eglise florissante fut fondée. C’est à Icône que l’auteur des Actes de Paul et de Thècle a placé le théâtre de son pieux roman. Cependant la haine des Juifs orthodoxes essaya d’ameuter, contre les zélés missionnaires, toute la population païenne. La ville se divisa en deux parties. Il y eut une émeute. On voulait lapider Paul et Barnabe et ceux-ci quittèrent la cité d’Iconium, ils se réfugièrent dans deux petites villes obscures, dont on a peine à retrouver les traces et qui sont à environ huit lieues l’une de l’autre. La civilisation n’avait pas encore pénétré, à cette époque, dans ces vallées sauvages, vrais repaires de brigands, fermés à toute influence du dehors, gardant leur langue et leurs habitudes provinciales. Un fait singulier arriva à Lystre. Paul ayant guéri un boiteux, ces populations crédules crurent que Paul et Barnabe étaient deux divinités qui avaient pris la forme humaine pour se promener parmi les mortels. Voir Lystre, Mercure, col. 460, 991. Paul leur prêcha l'Évangile et c’est là qu’il rencontra celui qui devait être son disciple Timothée et qui pouvait avoir alors une quinzaine d’années. Act., xvi, 1-3 ; II Tim., iii, 11,

Quand les Juifs d’Antioche de Pisidie et d’Icône apprirent toutes ces conversions, ils envoyèrent à Lystre des émissaires pour provoquer une émeute contre les missionnaires et détruire, d’un seul coup, leur œuvre de prosélytisme. Paul fut reconnu dans la mêlée, traîné hors de la ville par des fanatiques, accablé de coups de pierres et laissé pour mort sur le sol. Fort heureusement, ses disciples vinrent le relever, il rentra dans la ville, protégé par eux, et partit le lendemain pour Derbé. Tout cela se fit à l’insu des ennemis de la veille. Les deux Apôtres, à l’abri de tout retour oftensif, évangélisèrent en paix la ville où ils s'étaient réfugiés. Paul s’y remit de ses blessures, et, après avoir jeté les bases d’un centre chrétien, il résolut de revenir sur ses pas. Son dessein était de donner aux Églises fondées une organisation régulière. Sur leur chemin, Paul et Barnabe établissent, dans chacune d’elles, un corps de presbyteri (TtpsoêôtepoO, comme à Jérusalem. Ces anciens étaient, auprès des convertis, les dépositaires de l’autorité de Paul et gouvernaient l'Église en son nom. C’est eux qui recevront les lettres de l’Apôtre, les liront dans les assemblées liturgiques, en feront observer les prescriptions. I Thess., v, 27 ; II Thess., iii, 14. Au retour les deux missionnaires suivirent à peu près l’itinéraire de leur première route. Ils visitèrent pour la seconde fois Lystre, Icône, Antioche de Pisidie, confirmant les fi dèles dans la foi, les exhortant à la persévérance, à la patience, leur apprenant que c’est par la tribulation qu’on entre dans le royaume de Dieu… D’Antioche de Pisidie, ils descendirent à Pergé et s’y arrêtèrent, cette fois, pour annoncer l'Évangile. Puis, au lieu de repasser par l'île de Chypre, ils gagnèrent le grand port d’Attalie et de là s’embarquèrent pour Séleucie d’où ils rentrèrent à Antioche, après une absence assez longue, mais pleine de succès pour la cause du Christ. L'Église d’Antioche revit, avec une joie indescriptible, les deux apôtres qu’elle avait envoyés à la conquête d’un nouveau monde et qui lui rapportaient les prémices d’une abondante mission. On ne se lassait point d’entendre, de leur bouche, les merveilles que Dieu avait faites pour eux. On en concluait, une fois de plus, que Dieu lui-même avait ouvert aux Gentils les portes de la foi.

C) Conférence de Jérusalem. — Entre la première et la seconde mission, se place un fait très important qui exerça, sur les destinées de l'Église naissante, une influence définitive. Au point où était arrivé le développement du christianisme, à la suite des travaux de Paul et de Barnabe, il s’agissait de savoir si le judaïsme imposerait ses rites particuliers aux nouveaux venus de la gentilité. De là dépendait tout l’avenir de l'Évangile. Un incident vint poser la question d’une façon inattendue, dans l'église d’Antioche. Des phariséochrétiens, descendus de Judée, sans aucune mission du corps apostolique, étaient arrivés jusque dans la capitale de la Syrie, disant partout, sur leur chemin, qu’on ne pouvait être sauvé sans la circoncision. Accepter cette injonction, c'était, pour Paul et Barnabe, donner le coup de mort à leur œuvre déjà accomplie et à celle qu’ils rêvaient d’entreprendre. Ils s’opposèrent donc, de toutes leurs forces, à ces nouveaux venus. Il y eut de longues disputes. Pour y mettre un terme, on décida que les deux missionnaires iraient à Jérusalem s’entendre avec les Apôtres et les anciens à ce sujet. Paul et Barnabe se mirent en route, emmenant avec eux un néophyte incirconcis, Tite, dans l’intention d’arriver, par la conduite que l’on tiendrait envers lui, à la solution de la question de principe. Le récit des conférences qui eurent lieu à Jérusalem, est relaté dans deux documents parallèles, le chap. XV des Actes et les dix premiers versets du chap. ii, dans l'Épitre aux Galates.

Deux questions étroitement liées se trouvaient par la force des choses dans l’ordre du jour : 1° reconnaître les néophytes venus de la gentilité comme vrais membres de l'Église, sans leur imposer ni la circoncision, ni les prescriptions légales ; 2° approuver officiellement l’apostolat de Paul et de Barnabe, leur mode particulier d'évangélisation. La première intéressait directement l'Église-mère de Jérusalem : c'était à elle de décider si elle voulait admettre dans sa communion les églises nouvelles. La seconde était plus spécialement du ressort des Apôtres. Ainsi s’explique la diversité du récit des Actes comparé à celui de l’Apôtre aux Galates. Chacun d’eux raconte la conférence à son point de vue. Saint Luc mentionne la reconnaissance officielle des églises de gentils ; saint Paul, la confirmation de son titre d’apôtre, l’orthodoxie de son enseignement, l’approbation de son œuvre. Voilà pourquoi le même événement apparaît tantôt comme une assemblée publique, Act., xv, 22, tantôt comme une suite d’entrevues et de colloques privés avec les Apôtres. Gal., ii, 2. Là où les deux récits se rejoignent, c’est dans l’heureuse issue des négociations engagées. D’abord, Tite ne fut pas obligé de se faire circoncire. Gal., ii, 3. Il put prendre part aux assemblées, voir dans l’intimité ses frères, sans se soumettre aux prescriptions mosaïques. Comme les intransigeants avaient pensé l’y contraindre, Paul s’y opposa, parce qu’il prévit le parti qu’en tireraient

ses adversaires contre son apostolat et contre l’avenir des Églises nouvelles. On "exploiterait le cas de Tile comme un précédent contraire à l’admission libre des païens dans l’Église. L’Apôtre ne voulut donc pas, contrairement à ce qu’il fit plus tard pour Timothée, dont la mère était juive, Act., xvi, 2-3, que Tite se soumit à la circoncision. C’était trancher, par un exemple pratique, la question en litige. Les discours de Pierre et de Jacques mirent encore mieux en relief les principes qui avaient réglé cette conclusion. Deux points restèrent acquis devant toute l’assemblée : 1° On reconnut le droit des gentils d’appartenir à l’Église ; 2° on les dispensa des observances légales, surtout de la circoncision, leur enjoignant en échange quelques abstinences de première nécessité. Afin de faire disparaître toutes les traces de trouble qui avaient agité l’église d’Antioche et les communautés voisines, on rédigea pour elles une réponse écrite, par manière de décret, où l’on relatait les décisions pratiques de la conférence. Deux personnages influents dé l’Église-mère, Jude Barsabas et Silvain ou Silas, furent délégués par l’assemblée générale pour porter aux communautés de Syrie et de Cilicie le précieux document. Ils avaient, en outre, la mission de désavouer les frères de Judée qui avaient semé la discorde, Act., xv, 24, et de rendre témoignage à Paul et à Barnabe dont on reconnaissait les services, le dévouement. La lecture de cette Épître remplit de joie les fidèles d’Antioche. Jude et Silas qui étaient prophètes, firent entendre leur parole inspirée, ajoutant ainsi à l’allégresse commune. Silas en fut si enthousiasmé qu’il laissa son collègue, Jude Barsabas, reprendre seul la route de Jérusalem, et s’attacha à Paul pour partager ses travaux. Dans l’intervalle, Paul désirant revoir ses chères Églises de Galatie, proposa à Barnabe de reprendre leurs expéditions apostoliques. Mais ce dernier voulait emmener Jean-Marc avec eux. Paul s’y refusa. Il craignait sans doute depuis l’incident de Pergé, la versatilité du jeune jérosolymitain. Chacun alla donc de son côté : Barnabe et Jean-Marc vers Chypre ; Paul et Silas vers le nord d’Antioche, par la voie de terre. Paul se rapprocha plus tard de Barnabe. I Cor., ix, 6 ; Gal., ii, 9, et de Marc. Col., iv, 10 ; II Tim., iv, 11.

A partir de cette rupture les Actes perdent de vue les deux Apôtres de Chypre. Voir Barna.be, 1. 1, col. 1461. Pour l’heure, Paul prend pour compagnon de route Silas, le prophète de l’Église de Jérusalem qui était resté àAntioche. Silas, comme Barnabe, était en relation étroite avec Pierre, I Pet., v, 12, et possédait en outre le titre de citoyen romain. Act., xvi, 37, 38. Les deux missionnaires se dirigèrent vers la Cilicie, qu’ils traversèrent en partie, du côté de l’Orient, passèrent probablement à Tarse, puis, franchissant les célèbres Portes cili<nennes, ils pénétrèrent en Lycaonie et atteignirent Derbé, Lystre et Icône, communiquant à tous les nouveaux convertis les résultats 4e l a conférence de Jérusalem.

Toutes ces Églises de Lycaonie s’étaient développées et allaient tous les jours croissant en nombre et en ferveur. A Lystre, Paul retrouva Timothée, entouré de l’estime de tous. Il se l’attacha, dès ce moment, et en fit le plus fidèle et le plus aimé de ses disciples. Pour lui donner accès dans les milieux juifs, il le circoncit lui-même. Il n’y avait pas en cela inconséquence de principes. Timothée, fils d’une femme juive, appartenait, aux yeux des juifs, au peuple israélite et, d’après le décret de Jérusalem, il pouvait recevoir la circoncision.

2° Seconde mission. Act., xvi, 5-xvin, 23. — La période comprise dans les limites du deuxième voyage est peut-être la plus brillante et la plus féconde dans la carrière apostolique de Paul. Cette fois, l’itinéraire de la mission dépasse le cercle de la Grèce d’Asie et s’étend

jusqu’à la Grèce d’Europe, progrès immense, quand on songe qu’il s’est accompli dans l’espace d’environ .trois ans.

1. Séjour en Galatie. — La première étape de Paul et de Silas, en sortant d’Antioche, avait pour but de promulguer, dans les Églises de Galatie, précédemment évangélisées, les décisions du concile de Jérusalem. Les deux missionnaires visitèrent, de la sorte, les communautés naissantes de la Lycaonie : Derbé, Lystre et Icône. À Lystre, la troupe apostolique s’accrut du jeune Timothée. D’Icône Paul dut se rendre, bien que le texte ne le dise pas formellement, à Antioche de Pisidie, au cœur des hauts plateaux de la péninsule. Là, plusieurs routes s’offraient au voyageur. En allant vers l’ouest, on entrait dans l’Asie proconsulaire ; devant lui s’ouvraient les régions encore inexplorées de la Phrygie Épictète et au nord-est l’ancien royaume de Galatie. La caravane apostolique eut d’abord l’idée d’entamer les brillantes provinces de l’Asie occidentale : c’était la partie la plus riche et la plus civilisée de toute la contrée. Mais l’Esprit-Saint, on ne sait par quel signe, la détourna de ce projet. Elle s’enfonça donc dans la direction du nord, inclinant d’abord à droite vers les parties supérieures du pays galate, puis, revenant sur ses pas, elle traversa la Phrygie Épictète et arriva en Mysie. Se trouvant près des frontières de la Bithynie, Paul et ses compagnons essayèrent d’entrer dans cette province pour l’évangéliser. L’Esprit s’opposa de nouveau à leur dessein. Ils continuèrent donc leur route du côté de l’ouest, traversèrent la Mysie d’un bout à l’autre et arrivèrent à Alexandrie de Troade, port considérable, placé en face de la Macédoine, non loin des ruines de l’ancienne Troie.

Conduit là par l’Esprit de Jésus, l’Apôtre hésitait encore sur la route qu’il devait choisir. Allait-il descendre vers cette Éphèse, qui déjà l’attirait, ou bien évangéliserait-il la Mysie ? Jusqu’au dernier instant, il resta dans l’incertitude. Mais il vit en rêve un Macédonien debout près de lui, qui l’invitait et lui disait : « Viens à notre aide… » Grotius assimile cette vision à celle de Daniel, x, 13, et pense qu’il s’agit de l’ange de Macédoine. Pourtant l’apparition ne représentait pas un habitant du ciel, mais un vrai Macédonien. Quoi qu’il en soit, .Paul comprit que l’ordre de Dieu était qu’il allât en Europe ; il n’attendit plus qu’une occasion favorable pour partir. Une particularité, digne de remarque, vient de se mêler au récit. La troupe apostolique, prête à franchir la mer, compte désormais parmi ses membres le futur historien des origines chrétiennes.

2. Mission de Macédoine. — En deux jours, l’embarcation qui portait Paul et ses compagnons aborda à Néapolis, sur le continent européen. Néapolis servait de port à l’importante ville de Philippes, dans la province romaine de Macédoine. Voir Néapolis, col. 1542 ; Philippes. Nos voyageurs durent faire en peu de temps, sur la voie Égnatienne, les trois lieues qui séparaient les deux villes l’une de l’autre.

A) Fondation de l’Église de Philippes. Act., xvi, 12xvii. — Depuis l’occupation romaine, Philippes appartenait à la Macedonia prima, dont la capitale était Amphipolis. La ville était bien plus latine que grecque. La majeure partie de la population était romaine, provenant des débris du parti d’Antoine. Elle s’étaitmêlée à l’élément thrace et surpassait en nombre les familles de race grecque. Les Juifs paraissent avoir passé presque inaperçus en cet endroit. Us ne pouvaient que trouver peu d’avantages dans un milieu où il n’y avait ni industrie, ni commerce, et qui tirait toute sa renommée de son importance militaire. Thessalonique et les autres villes du littoral leur convenaient mieux. À Philippes, il n’y avait pas même de synagogue. Les réunions du culte se faisaient en plein air, dans un espace

à peine clos, sur le bord d’une petite rivière, le Gangas ou Gangitès. Paul, Silas, Timothée, Luc, s'ëtant informés du lieu où se célébraient les exercices du sabbat, se rendirent à l’endroit qu’on leur indiqua. Ils ne rencontrèrent là que des affiliés du judaïsme. Ils avaient établi leur oratoire, appelé irpoffeux’U près de la rivière, afin de faciliter les ablutions. Josèphe, Ant., XIV, x, 23. L'Évangile fut accueilli avec empressement de toutes ces âmes dévotes. L’une d’elles, appelée Lydia, se fit baptiser avec toute sa maison. Ce fut le premier noyau de cette/Église, qui compta tant de cœurs généreux. Act., xvi, 3 ; Phil., iv, 2-3. Lydia obtint, à force d’instances, que les missionnaires demeurassent chez elle. Un incident tout à fait imprévu vint arrêter subitement l’activité de Paul et de Silas dans un champ si bien préparé. Cette fois, du moins, les Juifs ne portèrent point la responsabilité de l'émeute. Elle eut pour cause une misérable question d’argent. Un jour que Paul se rendait avec Silas à la « proseuque », située hors des faubourgs, il exorcisa une jeune esclave, possédée du mauvais esprit, à qui ses maîtres faisaient pratiquer le métier de pythonisse. La jeune fille avait pris, depuis quelque temps, l’habitude de suivre les hommes de Dieu, criant à haute voix qu’on devait leur obéir comme à des messagers célestes. Délivrée de celui qui lui faisait prédire l’avenir, elle mettait fin à l’exploitation sordide dont vivaient ses maîtres. Ceux-ci, furieux d’avoir perdu leur gagnepain, amenèrent Paul et Silas à l’agora, devant les duumvirs. Ne pouvant poursuivre les deux Apôtres comme exorcistes, délit inconnu au code romain, ils les accusèrent d’apporter des divinités nouvelles et de semer le trouble dans la ville. Act., xvi, 20. Le titre de Juif, sur lequel ils insistent, était à l’heure présente très mal vu des autorités romaines. Claude venait, par un édit, de chasser de Rome toute la colonie Israélite. Aussi, sans informalion et sans enquête, ordonnaient-ils aux licteurs, sous la pression de l'émeute, de frapper de verges les deux prévenus et de les mettre ensuite, ceps aux pieds, dans un cachot reculé. Tout cela se fit si rapidement que Paul et Silas n’eurent pas le temps de faireprévaloir leur titre de citoyen romain.

On ignore le motif qui décida les duumvirs à ordonner, dès le jour, l'élargissement des prisonniers. Avaient-ils été prévenus de la qualité de Paul et de Silas, ou voyaient-ils, dans le tremblement de terre qui avait eu lieu pendant la nuit, une vengeance du Ciel ? Tout cela est probable. En fait, le geôlier, à qui ces événements avaient valu la foi, vint annoncer aux Apôtres leur délivrance. Mais Paul se refusa fièrement à accepter ce qu’on aurait pu regarder comme une grâce. Il voulait surtout qu’on ne renouvelât pas contre l'Évangile pareil déni de justice. Il exigea donc une réparalion d’honneur de la part des magistrats eux-mêmes. Ceux-ci, fort embarrassés, craignant les suites fâcheuses de cette affaire (la loi Valeria et la loi Porcia qu’ils avaient violées, portaient des peines très graves contre ceux qui frappaient de verges un citoyen romain. Cicéron, In Terr., H, 62), vinrent en personne faire leurs excuses et tes prièrent comme étrangers de quitter la ville, afin d'éviter de nouveaux troubles. Paul et Silas y consentirent. Mais, avant de s'éloigner de/PhYlippes, ils se rendirent chez Lydie, où les frères / paraissent avoir été rassemblés ; ils leur dirent un dernier mot d’exhorlation et ils partirent. Luc et Timothée, qui n’avaient pas été impliqués dans ces poursuites, restèrent à Pbilippes.

B) Fondation de l'Église de Thessalonique. Act., xvii, 1-10. — En quittant Philippes, Paul et Silas suivirent la voie Égnatienne et durent faire étape à Amphipolis, puis à Apollonie, avant d’arriver à Thessalonique. Toutes ces villes célèbres sont à peu près à égale distance l’une de l’autre, une quarantaine de kilomètres


environ. Les Apôtres franchirent en quelques jours ces pays pleins de souvenirs historiques. Thessalonique, capitale de toute la province de Macédoine, résidencedu proconsul, ville très peuplée et très commerçante, possédait une juiverie des plus considérables qui servait de centre religieux à tous les prosélytes de Macédoine. Pendant trois sabbats consécutifs, Paul exposa, avec un grand luxe de citations tirées de l'Écriture, sa thèse habituelle, à savoir, que le Messie devait, d’après les prophètes, souffrir une mort violente et ressusciter ensuite, que Jésus de Nazareth était ce Messie, puisque seul il avait réalisé ces deux conditions. Paul exposa aussi sans doute ses aperçus personnels sur la Loi, cequi excita la fureur du parti zélote. À la suite de quelque éclat, l’Apôtre dut quitter la synagogue.il se retira chez un certain Jésus, israélite de race, qui, selon l’usage des Juifs, avait grécisé son nom et s’appelait Jason. Son séjour dans cette maison hospitalière se prolongea au delà de trois semaines, le temps suffisant pour lui permettre de travailler parmi les Gentils, I Thess., i, 9, de nouer de solides affections, de donner l’exemple du désintéressement, I Thess., ii, 9 ; Il Thess.. i, 9, et de recevoir, à deux reprises, les secours d’argent de ses chers Philippiens. Phil., iv, 15 ; I Thess., n, 5, 7, 9.

La parole de Paul, tombant sur ces âmes avides de vérité, fit des merveilles. Il se forma, dans la métropole macédonienne, une Église modèle, composée de prosélytes, de païens, de quelques Juifs et de l'élite de lasociété féminine. Act., xvii, 4 ; I Thess., i, 9. On vit se reproduire, avec une profusion extraordinaire, tous les prodiges de l’Esprit-Saint, glossolalie, prophétie, don des miracles, etc. I Thess., i, 5 ; v, 19, 20. La communauté de Philippes eut une émule en piété, en ardeur, en attentions délicates pour l’Apôtre. C’est là que Paut fit sans doute la connaissance d’amis très chers et très dévoués : c'étaient, outre Jason, Gaïus, Aristarque et Secundus. Act., xix, 29 ; xx, 4 ; Aristarque le suivit à Rome en captivité, Col. iv, 10, 11. La fureur des Juifs vint interrompre, comme de coutume, la formation de l'église nouvelle. Les fanatiques ameutèrent contre les Apôtres ces piliers de l’agora qui, dans les villes anciennes, étaient toujours prêts à manifester dans la rue. Tout ce monde vint assaillir la maison de Jason. Pour attirer l’attention de l’autorité civile, les Juifs faisaient crier de toutes parts que les deux missionnaires auxquels Jason avait donné l’hospitalité, étaient des révolutionnaires dangereux, venus pour prêcher la révolté" contre les édits de l’empereur. Bientôt toute la ville fut bouleversée. Les politarques s’en émurent. Ils forcèrent Jason ainsi que les fidèles arrêtés avec lui, de verser en caution une forte somme d’argent. La nuit suivante, les frères menèrent Paul et Silas hors de la ville et les firent conduire à Bérée.

C) Fondation de l’Eglise de Bérée, $. 10-14. — Après avoir franchi en deux ou trois jours une vingtaine delieues, les Apôtres arrivèrent à Bérée, ville d’une certaine importance, appartenant à la troisième Macédoine. Tite-Live, xlv, 29. La présence d’une colonie juive les invita à séjourner quelque temps en cet endroit. Comme d’habitude, ils se rendirent le samedi à la synagogue pour y prêcher l’espérance messianique. L’accueil fut des plus bienveillants. Les Juifs de Bérée, moins bornés que ceux de Thessalonique, écoulèrent la thèsede Paul avec avidité. Se tenant à égale distance du parti pris et d’une crédulité trop facile, ils s’appliquaient après chaque discours à contrôler les textes prophétiques qu’on leur alléguait, marque évidente d’esprits qui cherchent le vrai avec loyauté. Beaucoup d’entre eux se laissèrent convaincre et se convertirent. De ce nombre fut un certain Sopater ou Sosipater, fils de Pyrrhus. Act., xx, 4. Avec lui, un grand nombre de païens ainsi, que des femmes de haut rang déjà affiliées

IV.

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sans doute au judaïsme. Paul et Silas étaient à Bérée depuis près de deux mois, quand ils furent découverts par les Juifs de Thessalonique, qui vinrent les en chasser. La situation devenant intolérable en Macédoine, Paul résolut d’émigrer assez’loin pour que ses adversaires le perdissentdevue.il laissa Silas à Bérée avec Timothée qui venait de les rejoindre depuis peu de temps.

3. Mission d’Achaïe. Act., Xvn, 15-xviii, 18. — Paul, obligé de reprendre sa vie errante, tourna les yeux du côté du sud, vers le centre de la péninsule hellénique. Il allait rencontrer là une race plus vive, plus légère, plus curieuse, que la nature profondément bonne, sérieuse, calme des Grecs de Macédoine. Le voyage, cette fois, se fit par mer. Act. xvii, 14-15. Paul s’embarqua probablement à Méthone et fit veile vers Athènes. En suivant des yeux le rivage, il put contempler les ruines que la conquête romaine avait accumulées et qui couvraient ce sol autrefois si privilégié. Epist. Sulpitii ad Ciceron, dans Cicéron, Epist., iv, 5. Depuis l’an 146, la Grèce était devenue province romaine sous le nom d’Achaïe. Corinthe en était la capitale. Athènes ne gardait plus d’autre prééminence que celle de l’art et du souvenir, lorsque Paul y débarqua. Dès que l’Apôtre eut mis pied à terre, il congédia les fidèles de Bérée et les chargea de mander à Silas et à Timothée de venir le rejoindre le plus tôt possible. Pendant près d’une semaine, Paul se trouva donc seul dans cette ville qui lui était totalement inconnue. Il se mit alors à la parcourir en tous sens. Il visita l’Acropole avec ses chefsd’œuvre de sculpture incomparables. Tout ce peuple de statues faisait un effet étrange sur son esprit. La multitude des temples et des autels, les cérémonies du culte païen, les fêtes en l’honneur des divinités, tout cela achevait de mettre Paul hors de lui. Act., xvii, 16. Quelques auteurs pensent que Timothée serait alors venu seul de Bérée près de l’Apôtre qui l’attendait à Athènes. Act., xvii, 15. De cette dernière ville le disciple aurait été envoyé à Thessalonique. I Thess., iii, 2. Mais cela ne s’accorde pas avec l’ensemble de l’Épître et les ch. xvii et xviii des Actes, qui s’opposent pour Timothée à l’hypothèse de deux retours de Thessalonique pour rejoindre l’Apôtre. Il est préférable, avec d’autres interprètes, d^ntendre le verset 2 du ch. m de la I" aux Thessaloniciens d’un ordre transmis à Timothée, resté à Bérée avec Silas, d’aller visiter l’Église de Thessalonique avant de revenir près de saint Paul. Cette mission retarda son retour, et ne lui permit avec Silas de rejoindre l’Apôtre qu’à Corinthe seulement. I Thess., iii, 6 ; Act., xviii, A, 5. M9 r Le Camus, L’œuvre des Apôtres, in-12, Paris, 1905, t. ii, p. 262, 316.

A) Discours d’Athènes. — En attendant la venue de Silas et Timothée, Paul entreprit son œuvre habituelle. Il commença par ses anciens coreligionnaires et parla à la synagogue. On ignore le résultat de cette première prédication. L’auteur des Actes, tout entier à l’idée de mettre son héros en contact avec un auditoire bien plus illustre, a oublié de le dire. Athènes, depuis la perte de son indépendance, n’était plus qu’une ville, d’écoles comme Oxford ou Cambridge. On n’y voyait que professeurs, philosophes, rhéteurs, appliqués à instruire la jeunesse. L’Agora était, comme aux jours de Démosthènes, le lieu le plus fréquenté d’Athènes. C’est laque Paul essaya, à plusieurs reprises, d’exposer ses idées. Il fut remarqué parles partisans des deux philosophies qui avaient alors le plus de vogue : les épicuriens et les stoïciens. La faveur du public allait, alors, en général, vers les divers systèmes de morale.

Les discours du prédicateur étranger firent sur l’auditoire des impressions différentes, tout en piquant au vif sa curiosité. Lès uns, probablement les disciples d’Épicure, voyant qu’il s’agissait d’une question religieuse, exprimaient dédaigneusement leurs sentiments de mépris pour ce genre d’idées, disant : « C’est un

vain discoureur. » D’autres, apparemment les stoïciens, prêtaient plu3 d’attention aux paroles de l’Apôtre, et ils en venaient à conclure qu’on leur proposait quelque nouvelle diviuité. Enfin la curiosité l’emporta sur le scepticisme railleur, car pour mieux entendre l’exposition de la doctrine nouvelle, on invita l’étranger à monter à l’Aréopage, loin du tumulte de l’Agora. C’est à un auditoire si nouveau pour lui et en face de tout ce que l’hellénisme avait réuni de plus beau et de plus illustre au point de vue de Tart, de plus glorieux dans les souvenirs du passé, de plus vénérable et de plus sacré au point de vue de la religion, que Paul improvisa le petit chef-d’œuvre d’élégance rapporté par les Actes. Le mot résurrection, si étrange pour des esprits grecs, rompit l’intérêt mêlé de surprise qu’on avait d’abord accordé à une doctrine qui restait, par ailleurs, assez d’accord avec les traditions de la philosophie courante. Paul fut brusquement interrompu. Les uns se mirent à le plaisanter, les autres le congédièrent avec ces mots : « Nous t’écouterons là-dessus une autre fois, s Paul comprit qu’il n’aurait pas beaucoup de succès sur ces esprits blasés. Il songea d’abord à monter vers le nord, pour revoir ses chères Églises de Macédoine. Là, du moins, sa parole serait efficace. Mais divers obstacles qu’il mit sur le compte de Satan le détournèrent de son projet. Sans attendre le retour de Timothée, il se dirigea vers le sud et partit pour Corinthe. Il ne laissait à Athènes, en fait de disciples, qu’un groupe presque insignifiant ; entre autres, un certain Denys, personnage de haute dignité, membre du célèbre tribunal de l’Aréopage, et une dame de qualité appelée Damaris ou Damalis. Le passage de Paul en cette ville fut, en somme, sans résultat appréciable pour la cause de l’Évangile. Découragé par cet échec relatif, le seul peut-être de toute sa carrière apostolique, l’Apôtre n’attendit point le retour de Timothée, et il se dirigea seul vers la partie méridionale de l’Achaïe.

B) Fondation de l’Église de Corinthe. Act., xviii, 1-19. — Ce fut vers le printemps de l’an 52 que Paul débarqua à Cenchrée, petite ville à deux lieues de Corinthe, qui servait de port à la grande métropole du côté de la mer Egée. Il allait retrouver, dans la capitale de l’Achaïe, des’conditions à peu près semblables à celles qui avaient fait son succès à Thessalonique : une juiverie importante, une nombreuse clientèle de prosélytes recrutée par les synagogues, une population cosmopolite travaillée par l’idée religieuse. Paul saisit d’un seul coup cet ensemble de circonstances favorables. Il songea donc à faire là un long séjour et se mit à la recherche d’un patron chez qui il pût exercer son métier. Or, en visitant un des quartiers habités par ses coreligionnaires, il rencontra un couple pieux de modestes artisans, Aquila et Priscille, nouvellement venus de Rome, à la suite de l’édit de Claude qui proscrivait tous les Juifs de la Ville Éternelle. Les deux émigrés étaient originaires du Pont et s’occupaient de la fabrication des tentes. L’Apôtre alla loger chez eux, s’associant à leur industrie. Le samedi, il partaità la synagogue, exposant les oracles prophétiques dans le sens de la thèse chrétienne. L’orateur, instruit par ce qui s’était passé à Thessalonique, préparait avec beaucoup de ménagements sa conclusion finale. Quand il jugea que les esprits étaient suffisamment disposée à recevoir toute la vérité, il se mit à prêcher ouvertement les mystères de Jésus crucifié.

L’arrivée de Silas et de Timothée, survenue dans les entrefaites, ranima l’ardeur de son zèle. Aidé par de si précieux auxiliaires, il se livra tout entier à son œuvre de prosélytisme, établissant que Jésus de Nazareth était le Messie attendu, ’promis aux patriarches. Tous les Juifs n’obéirent point à sa voix. Un certain nombre d’entre eux s’opposèrent avec rage et fureur à la prédication nouvelle. On allait en venir aux insultes et aux

coups, quand l’Apôtre, prévenant tout-désordre, rompit officiellement avec la synagogue, secoua sur 'es incrédules la poussière de ses habits, en signe de rupture complète avec eux, les rendit responsables de tout ce qui pourrait leur arriver dans la suite, leur déclarant que, puisqu’ils résistaient à la vérité, il allait de ce pas la porter aux Gentils. À partir de ce moment, il enseigna dans la maison d’un prosélyte, nommé Tite Juste, Act., xvii, 7, dont la demeure était contiguë au local de la synagogue. Beaucoup de Juifs et « d’hommes craignant^Dieu » suivirent l’Apôtre dans sa retraite. On compta de nombreuses et illustres conversions dans ce premier noyau d'Église hellénique, c'étaient, entre autres, les familles de Stephanas, prémisses de l’Achaïe, I Cor., xvi, 15, de Crispus, chef de la communauté juive de Corinthe, de Caïus, chez qui il logea lors de son troisième voyage en cette ville, et où il écrivit l'épltre aux Romains, Rom., xvi, 23, de Chloë, riche veuve, dévouée à sa personne, I Cor., iii, 11, de Fortunatet d’Achaïque, I Cor., xvi, 15, d'Éraste, trésorier de la ville, Rom., xvi, 23, l’un des personnages les plus considérables de la communauté. Les trois premières de ces familles eurent un privilège dont elles se firent, dès lors, un grand honneur : elles furent tout entières baptisées par Paul, I Cor., i, 14, 16, ce qui était en dehors de ses habitudes.

C) Premières Épîtres de Paul. — Au milieu de cette féconde activité, l’Apôtre n’oubliait pas ses chères communautés du Nord. Ne pouvant songer, en pleine période d’apostolat, à retourner en Macédoine, il eut l’heureuse idée de les visiter par des épltres ou lettres qui devaient être lues dans l’assemblée des fidèles. L'épître sera ainsi la première forme littéraire sous laquelle se manifestera la pensée chrétienne. Les premières de ces lettres furent adressées à l'Église de Thessalonique. Paul les remit sans doute aux frères de Macédoine qui avaient fait la conduite à Silas et à Timothée juqu’en Achaïe et qui" revinrent, à peu de temps de là, lui soumettre les doutes et les difficultés des fidèles de cette vaillante communauté. Ce qui est certain, c’est que la première de ces Épîtres suivit de très près le retour des compagnons de Paul. I Thess., iii, 6.

D) Fin du premier séjour à Corinthe. — Encouragé par l'état florissant des nouvelles Églises qu’il venait de fonder, Paul redoubla d’ardeur pour fonder à Corinthe un centre chrétien de première importance. Il y passa dix-huit mois, appuyant sa doctrine des miracles et des phénomènes surnaturels les plus remarquables. I Cor., il, 4, 5 ; II Cor., xii, 15. Il eut la consolation d’arracher aux vices les plus dégradants une immense multitude de païens. I Cor., vi, 9, 10, 11. Tout cela ne se fit point sans de rudes labeurs. Mais le ciel fortifia, par des visions divines, le courage du zélé missionnaire. Corinthe devint, en peu de temps, une communauté des plus importantes, d’où la foi nouvelle rayonna sur toute l’Achaïe.

Les Juifs dissidents, à la vue de ces progrès, ne purent contenir leur fanatisme. Ils se saisirent de Paul et l’entraînèrent de force au forum, devant le tribunal du proconsul romain. Ils comptaient, comme d’habitude, sur l’inexpérience de la justice romaine en, matière religieuse, pour lui arracher une sentence contre la nouvelle croyance et ses adhérents. L’homme qui remplissait alors la charge de proconsul était un des esprits les plus sages et les plus instruits du monde romain, Marcus Annæus Novatus, frère aîné de Sénèque. Il avait été adopté par le rhéteur L. Julius Gallion et en portait le nom. Tacite, Ann., xv, 73 ; xvi, 17. Il fut très heureux que l’accusation des Juifs se présentât devant ce magistrat. Celui-ci, en effet, démêla, avec beaucoup de finesse, l'équivoque développée dans le réquisitoire du chef de la synagogue, Sosthènes. Il vit qu’il était question de dogme et arrêta court l’accusation. « S’il s’agis sait de quelque crime, dit-il, je vous écouterais comme il convient ; mais, s’il s’agit de vos disputes dd doctrine, de vos. querelles de mots, voyez-y vous mêmes. » Act., xviii, - 15. Cela dit, il donna ordre de congédier les deux parties. Les Juifs saisirent avec empressement l’occasion de se ruer sur leurs adversaires. Sosthènes fut, un moment, le point de mire de la bagarre : on le roua de coups sous les yeux de Gallion, sans que celuici s’en souciât le moins du monde. L’Apôtre, profitant de la situation, se retira parmi les siens et y travailla encore pendant un temps assez long.

E) Retour à Antioche. — L’Apôtre, désirant revoir les Églises de Syrie, s’engagea par vœu à célébrer la Pâque prochaine, celle de l’an 53 ou 54, à Jérusalem. Il se fit raser la tête à Cenchrée, pour commencer l’exécution de son nazirat ; puis il dit adieu à l'Église de Corinthe. Mais ne trouvant pas de service direct entre Corinthe et Césarée de Palestine, il s’embarqua pour Éphèse, avec Aquila et Priscille, qu’il devait y laisser seuls quelque temps. Il est probable qu’il mit Timothée à la têle de la jeune Église d' Achaïe. Silas, dès cette époque, ne reparaît plus dans la compagnie de l’Apôtre. On croit qu’il s’attacha plus tard à saint Pierre et lui servit de guide à travers les régions de l’Asie Mineure.

I Pet., v, 12. Paul le remplacera par Tite, que sa qualité d’incirconcis rendait particulièrement apte au ministère des Gentils. L’Apôtre séjourna quelques jours à Éphèse et ne put résister au désir de présider à de futurs combats dans la synagogue juive. Il plut à l’assistance : on voulait le retenir mais il allégua son vœu et se rembarqua pour Césarée de Palestine, d’où il monta à Jérusalem, accomplit son vœu au temple, distribua sans doute des aumônes aux pauvres de l'Églisemère, fit aux Apôtres et aux anciens le récit de ses travaux et reprit le chemin d’Antioche. Là, il rencontra Barnabe son ancien compagnon d’armes, avec qui il dut se réjouir de l’avancement du royaume de Dieu. Il retrouvait aussi Tite et les prophètes de la première Église des Gentils, C’est à ce moment, on peut le supposer, qu’eut lieu l’incident dont il est parlé dans l'Épltre aux Galates, II, 12.

3° Troisième mission. — Le champ de cette nouvelle et dernière expédition ne s'étend guère, si l’on excepte la province d’Asie, au delà des limites du second voyage, en sorte que l’intention de Paul paraît avoir été d’organiser ses premières conquêtes plutôt que d’en agrandir le cadre. Avant d’entreprendre la seconde partie de son programme évangélique, c’est-à-dire de prêcher en Occident, en prenant Rome pour centre d’apostolat,

II Cor., x, 16 ; Rom., i, 13, il lui semblait nécessaire d’implanter sérieusement la foi du Christ dans ce qu’on appelait l’Orient.

Ephèse, placée en sentinelle à l’entrée des provinces d' Achaïe, de Macédonie et de Galatie, offrait une position exceptionnellement favorable pour compléter son œuvre et pour suivre de près le développement des communautés d’Asie et d’Europe. De là, il pouvait savoir, à bref intervalle, ce qui se passait dans les Églises environnantes, répondre à leurs demandes, résoudre leurs difficultés, donner des avis et des ordres, encourager les bons, frapper les indignes, surveiller la marche de la collecte prescrite en faveur des pauvres de l'Églisemère, envoyer dans toutes les directions des disciples et des catéchistes pour suivre ou pour accélérer la marche de la vérité. Une autre circonstance, celle-là de première gravité, exigeait maintenant de Paul une vigilance continuelle, s’il voulait conserver' le fruit de sespremierstravaux.il s’agissait de mettre en garde les* nouveaux convertis contre un péril beaucoup plus grave que celui des persécutions du dehors. Il fallait lutter contre des adversaires d’autant plus dangereux qu’ils paraissaient plus zélés pour la pureté de la doctrine évangélique et qu’ils combattaient l’Apôtre en son enseignement par les plus perfides insinuations. Ces enne

mis étaient des judaïsants’: ceux que Paul appelle des faux frères. II Cor., xi, 25. Ici, s’ouvre pour lui cette période de luttes qui va remplir le reste de sa carrière. Les Actes se taisent presque entièrement sur ce temps d’amères expériences et de cruelles douleurs. Mais les grandes épîtres, celle aux Galates, les deux aux Corinthiens, celle aux Romains, sont pleines des échos de ces grandes luttes où l’âme de Paul se révèle tout entière avec ses trésors de foi héroïque, d’inlassable patience, d’amour tendre et profond, pendant que sa pensée, stimulée par l’ardeur du combat, déploie des ressources presque infinies et s’élève à des hauteurs jusqu’ici inconnues.

i. Second séjour en Galatie et en Phrygie. Act., xxiii, 23. — Après quelques mois passés à Antioche, Paul songea à reprendre le cours de ses missions. Il lui tardait d’évangéliser la province d’Asie. On pense qu’il s’adjoignit alors, pour compagnon de route, ce même Tite qu’il avait précédemment emmené avec lui à la conférence de Jérusalem. Les deux voyageurs suivirent, sans modification apparente, l’itinéraire de la seconde mission, visitèrent pour la troisième et même la quatrième fois, Derbé, Lystre, Icône, Antioche de Pisidie et, tournant dans la direction du nord-est, arrivèrent dans le pays des Galates (raXatucri x^P* distingue le royaume cette de Galatie d’avec la province romaine du même nom), où l’Apôtre avait fondé pendant son second voyage un groupe d’Églises d’une certaine importance. Bien que saint Luc n’en ait pas parlé, Act., xvi, 6, d’une manière explicite, il le laisse entrevoir néanmoins par l’expression « affermissant tous les disciples », xviii, 23, qui, cela va de soi, suppose une première évangélisation. La Galatie, placée sur la grande artère qui reliait Byzance à l’Orient, était toute désignée pour être le centre d’une juiverie importante. Ancyre, capitale de l’ancien royaume galate, Tavium et Pessinonte, villes de second ordre, avaient des synagogues. La grande inscription d’Ancyre, conservée sur les murailles du temple d’Auguste, établit que les Juifs de ces contrées jouissaient de franchises et d’immunités considérables. Mommsen, Res gestss divi Augusti, p. x. Il y avait, dans ce pays, un point d’appui favorable pour la prédication apostolique et plus tard, hélas, un terrain préparé pour les entreprises des judaïsants.

La religion des tribus celtiques émigrées, depuis plus de trois siècles, dans ces plateaux montagneux que traverse le fleuve Halys, était le culte des anciens druides, amalgamé avec les cultes phrygiens de Zeus et de Cybèle. Quand, en l’an 26 avant J.-C, la Galatie devint province romaine, on ajouta à ces cultes cettes et grecs celui de l’empereur. Les trois tribus dont se composait la contrée des Galates avaient fait élever, dans ce but, à Ancyre, un temple au divin Auguste et à la déesse Rome, et ils ne crurent pas pouvoir mieux honorer la mémoire du monarque qui avait été leur bienfaiteur qu’en y faisant graver le testament politique qu’il avait composé lui-même. Tel était le milieu où Paul avait semé l’Évangile avec tant de fruit, où il avait reçu, de la part des néophytes, des marques de tendresse et de sollicitude. Après avoir consolidé son œuvre, l’Apôtre revint vers l’Ouest, et il revit les communautés qu’il avait laissées en Phrygie, probablement dans la partie de cette ancienne province qu’on appelait Phrygie-Épictète et qui confinait à la Mysie. — Plusieurs exégètes appliquent les textes d’Actes, xvi, 6, et xviii, 23, à la Galatie romaine, c’est-à-dire aux régions évangélisées par saint Paul lors de sa première mission. Act., xmxiv. Cf. Le Camus, L’œuvre des Apôtres, t. ii, p. 84.

2. Séjour à Éphèse. Act., xix, 1-40. — En descendant des hauts plateaux de la Phrygie septentrionale, Paul s’engagea dans la vallée du Méandre, la suivit quelque temps, puis, après plusieurs jours de marche, il entra dans la belle et vaste plaine où le Caystre se rapproche

de la mer et forme une sorte de lagune. « Là, en partiedans les marais, en partie accrochée aux pentes du mont Coressus, épaulée, d’ailleurs, au mont Prion et par ses faubourgs à une autre colline isolée, s’élevait la ville immense destinée à être la troisième capitale du christianisme, après Jérusalem et Antioche. » Renan, Saint Paul, p. 332. Au point où se trouvait, pour l’heure, le développement de la foi nouvelle, aucuneville d’Orient n’offrait plus de facilités pour être le centre des missions chrétiennes. Antioche, depuis le progrès des dernières missions, ne répondait plus aux nécessités de l’apostolat : elle était trop éloignée par rapport aux Églises de Grèce et de Macédoine. Du côté de la terre, Ephèse donnait accès sur une des plus riches provinces de l’Empire ; de belles et nombreusesroutes conduisaient le voyageur dans des villes florissantes comme Smyrne, Pergame, Magnésie, Thyatire, Sardes, Philadelphie, Colosses, Laodicée, Hiéropolis r Tralles, Milet, où le nom du Christ n’avait pas encore été prononcé. Par mer, on communiquait avec tous les grands ports de la Méditerranée. Éphèse était, de plus, le point terminus le plus direct entre Rome et l’Asie, ce qui amenait dans ses murs une foule de commerçants et de voyageurs de toutes les parties de l’Italie et de la Grèce. Le culte d’Artémis, ou Diane, célèbre dans le monde entier, Pline, H. N., xix, 27, avait fait de cette ville un centre de pèlerinage très fréquenté. Durant le mois artémisien, en mai, le concours des pèlerins était extraordinaire. Voir Éphèse, t. ii, col. 1831, A côté de la population païenne, vivait depuis plus de deux siècles une colonie juive, active, fidèle à sa foi monothéiste et à l’austère pureté de mœurs de ses pères. Josèphe, Cont. Apion., ii, 4. Les Juifs d’Éphèse occupaient même, dans la famille d’Israël, une situation privilégiée. En relations quotidiennes avec Rome, Alexandrie, Jérusalem, elle était un des principaux centrés de la Dispersion et comme l’aboutissement du monde juif. Nulle part on ne pouvait être mieux placé pour savoir, au plus tôt, ce qui se passait dans la famille d’Israël tout entière.

A) Fondation de l’Église d’Éphèse. Act., xxviii, 24-xix, 20. — Les débuts du christianisme, dans la métropole d’Asie, sont assez-obscurs. Il paraît cependant qu’il s’était formé, autour d’Aquila et de Priscille, un noyau de fidèles de quelque importance, avant le retour de Paul en cette ville. Act., xviii, 24. Un des adhérents de là première heure fut sans doute cet Épénète que Paul qualifie de « prémices de l’Asie ». Rom., xvi, 5. Les Actes ne mentionnent, d’une manière expresse, que la conversion d’un Juif, nommé Apollo. Voir Apollo, t. i, col. 774. Quand Paul arriva à Éphèse, il alla loger chez ses anciens hôtes de Corinthe, I Cor., xvi, 19, et y reprendre la pratique de son état. Éphèse était alors célèbre par ses tentes. Plutarque, Alcib., 12 ; Athénée, xii, 47. L’Apôtre prit ses dispositions pour un long séjour. Tout l’invitait à se fixer, d’une manière durable, dans un centre si important. Il dut se renseigner au plus vite sur l’état religieux de la ville. Il fit d’abord connaissance avec les membres de l’Église : c’étaient sans doute des Juifs, qui, sans quitter la synagogue, s’étaient attachés à la foi d’Aquila et de Priscille. Or, il découvrit, parmi eux, un certain nombre de disciples (ils étaient douze) qui avaient reçu le baptême de Jean et n’en connaissaient pas d’autre. Paul compléta leur instruction, les baptisa au nom de Jésus et leur imposa les mains. Aussitôt l’Esprit descendit sur eux : ils se mirent à parler en diverses langues et à prophétiser comme les disciples, le jour de la Pentecôte. Après avoiréclairé et affermi ce petit cercle de croyants, Paul dirigea ses efforts vers la synagogue. Durant trois mois, il y parla tous Tes samedis du royaume de Dieu. Sa parole eut un grand succès. Mais, une fois de plus, il se heurta à l’incrédulité de quelques obstinés qui cherchaient à 8

provoquer un éclat. Il se retira donc, pour prêcher, dans la Schola d’un rhéteur nommé Tyrannus, Act., xviii, 7, sans doute affilié à la nouvelle doctrine. Ce fut là que Paul fit entendre, tous les jours, pendant plus de deux ans, Act., xx, 12, 1a parole évangélique, s’adressant, indistinctement, aux Juifs et aux Gentils. Il ajoutait encore, à ces discours publics, un autre genre d’apostolat, celui des visites à domicile et des conversations privées. Act., xx, 20, 31. Son zèle franchit bientôt les murs de la métropole et se répandit dans les peincipales villes de l’Asie proconsulaire, ꝟ. 37, où il dut fonder des Églises florissantes. En même temps, d’étonnants miracles, fort au-dessus des pratiques de magie <n usage à Éphèse, avaient créé, autour du nom de Paul, une réputation de thaumaturge divin. On exaltait surtout son pouvoir de guérison. Des exorcistes juifs, voyant l’efficacité merveilleuse des formules de Paul, essayèrent de les imiter et d’employer, dans leurs exorcismes, « le nom de Jésus que prêche Paul. » Mais le diable se-jeta sur eux et les accabla de coups. L’événement fit du bruit. Bon nombre de ceux qui, même après leur conversion, avaient continué à se livrer à la sorcellerie, furent saisis de crainte et apportèrent à Paul leurslivres de magie et les brûlèrent.

JS) Paul écrit l’Épître aux (ialates. — Ce fut, à ce qu’il semble, dans les premiers mois de sa venue à Éphèse que Paul apprit les ravages exercés par les judaïsants dans le pays des Galates. Déjà, lors de son dernier voyage dans ces contrées, des tendances de ce genre s’étaient fait jour et avaient éveillé la vigilance de Paul. Gal., i, 9. On avait cherché à diminuer la confiance des fidèles dans l’enseignement de leur Apôtre. Paul avait tout remis en ordre et pouvait dire en les quittant : « Vous courrez bien. » Gal., v, 7. Mais, aussitôt après son départ, les troubles recommencèrent. Un phariséochrétien de marque, venu sans doute de Jérusalem, se mit à battre en brèche, avec la dernière violence, la doctrine et les titres de Paul à l’apostolat. Il réussit à ébranler la confiance des néophytes. Sous prétexte de stimuler leur zèle pour la perfection, il mettait tout en œuvre pour les amener aux observances légales, voire même à la circoncision. La séduction n’était pas encore arrivée à ses fins. Il restait, dans l’Église, un noyau d’hommes spirituels, vi, 1, qui paraît avoir résisté à l’entraînement. C’est peut-être par quelqu’un d’entre eux que Paul avait appris la crise dont était menacée la communauté tout entière. Les relations entre la Galatie du Nord et la province d’Asie étaient très fréquentes. Sans tarder, Paul dépêcha un de ces disciples avec cette Épitre admirable qu’on peut comparer, sauf l’art d’écrire, aux plus belles œuvres classiques, et où son impétueuse nature s’est peinte en lettres de feu. Renan, Saint Paul, p. 314. Par la même occasion, il prescrivait aux fidèles de ces contrées la collecte en faveur des pauvres de Jérusalem. I Cor., xvi, 1. On ignore l’effet que produisit la lettre apostolique. Mais on a lieu de croire qu’elle ramena la paix au sein des Églises troublées, puisque, peu de temps après, ces dernières vinrent grossir, avec leur épargne, les aumônes destinées au soulagement de l’Église-mère, en Judée. Gal., ii, 10 ; Act., xx, 34. / x

C) Relations avec l’Église de Corinthe. — Parmi les graves préoccupations qui ont pesé sur l’âme de l’Apôtre durant ses trois ans de séjour à Éphèse, aucune n’a égalé, en importance et en intensité, celle qui lui venait de Corinthe.

1° Il faut, apparemment, dater des premiers mois qui suivirent l’arrivée de Paul en Asie la première lettre, aujourd’hui perdue (la nôtre est donc en réalité la seconde) qu’il adressa aux fidèles d’Achaïe. ICor., v, 9. Elle avait été occasionnée, semble-t-il, par le retour de certains fidèles aux habitudes de la vie païenne. Pour couper court aux scandales de cette nature, Paul avait

ordonné de rompre toute relation avec de telles gens, et cela, dans des termes si absolus, qu’ils exigèrent plus tard des éclaircissements.

2° Quelques mois après, les Corinthiens députèrent à Éphèse trois délégués, chargés de porter une lettre où ils demandaient à l’Apôtre des explications sur divers points de morale. I Cor., vii, i. Dans l’intervalle, étaient arrivés les gens d’affaires d’une riche dame de Corinthe, qui révélèrent les désordres dans lesquels était tombce la jeune Église grecque.

3° Paul écrit une nouvelle lettre, qui est notre première Épître aux Corinthiens, I Cor., iv, 17 ; xvi, 10, et peu après, il envoie Timothée à Corinthe afin de veiller à l’exécution des mesures qu’il avait prescrites dans sa lettre. Le fidèle disciple devait annoncer la collecte en Macédoine et la faire commencer en Achaïe, pour préparer le voyage de son maître à Jérusalem. Ici, la fin de l’épître, I Cor., xvi, rejoint la narration dos Actes, v, 21, 22, et en précise la portée.

4° Timothée aborde à Corinthe au moment où l’orage allait éclater. Loin de calmer les esprits, sa présence les irrite. Les judaïsants profitent de cette situation embarrassée pour mettre à exécution leurs projets néfastes. N’y tenant plus, le jeune et timide disciple, I Cor., xvi, 10, revient à Éphèse apporter à l’Apôtre ces tristes nouvelles.

5° Celui-ci, a-t-on supposé, franchit par mer la distance qui le sépare de Corinthe, dans l’espoir de ramener l’ordre et la paix, mais si ce voyage eut lieu, ce que la plupart des exégètes n’admettent pas, son autorité fut méconnue. Il fut même gravement insulté dans une assemblée publique. I Cor., ii, 1-10. Il se retira -à Éphèse, l’âme accablée de tristesse et il adressa aux Corinthiens une lettre sévère, II Cor., vii, 8, lettre perdue, qu’il faut intercaler entre notre première et notre seconde Épitre aux Corinthiens. Inquiet de l’effet produit, il envoya Tite à Corinthe, peut-être à la suite d’une sorte de revirement qui s’était dessin ! dans l’Église infidèle, et dont il venait de recevoir la confidence par quelque frère de passage ou par quelque messager. Vers ce même temps, il quitta lui-même Éphèse et se rendit en Macédoine en passant par Troade.

jD) Paul quitte Éphèse. — Un incident qui aurait pu avoir, pour Paul et ses Eglises d’Asie, des conséquences excessivement graves, vint le forcer à devancer son départ ; ce fut l’émeute excitée par Démétrius, un des principaux orfèvres de la ville. Frappé d’une baisse progressive dans la vente des produits deson industrie

— ce qui prouve, mieux que tout autre argument, le progrès de l’Évangile à Éphèse et dans les contrées avoisinantes — l’habile artisan ameuta les ouvriers contre la doctrine nouvelle. Voir Démétrius 3, t. ii, col. 1361-.

3. Nouveau séjour en Macédoine. Act., xx, 1-2. — Dès que le calme fut rétabli, Paul fit ses adieux à la communauté d’Éphèse et prit la route du Nord. Il ne lui parut pas opportun de se rendre directement à Corinthe, par voie de mer, avant d’avoir reçu de Tite des nouvelles de sa troisième lettre. La prudence lui commandait d’aller attendre à Troade l’arrivée de son disciple et de n’agir qu’après l’avoir revu. Il partit donc, accompagné de Timothée ; peut-être même s’adjoignit-il, dès ce moment, les délégués d’Éphèse et de Galatie, t. 4, chargés de porter à Jérusalem les offrandes de leurs communautés respectives. La troupe apostolique dut arriver à Troade dans les premiers jours de juin de l’an 57. Paul comptait y trouver Tite. Mais contrairement à ses prévisions, il ne rencontra personne. Quelques semaines se passèrent ainsi, sans qu’il fût possible de savoir ce qu’était devenu Tite. L’âme de l’Apôtre fut alors livrée aux plus cruelles agitations. Par moment, il se croyait au bout de ses forces et de sa patience, au point de désirer la mort. II Cor., i, 8. Les plus graves appréhensions obsédaient son esprit. Il craignait

que sa dernière lettre n’eût tout détruit à Corinthe.

Ce fut au milieu de ces inquiétudes qu’il évangélisa Troade, II Cor., ii, 12, avec beaucoup de succès. Il logeait, pendant ce temps, chez un certain Carpus, II Cor., iv, 13, dont la demeure paraît avoir été le centre de réunion des nouveaux fidèles. Act., xx, 7-9. Tite n’arrivant pas, l’Apôtre résolut de prendre les devants et de passer en Macédoine. Il revit ses chères Églises du Nord et de la Grèce, Philippes, Bérée, Thessalonique, si parfaites, si généreuses, si dévouées à sa personne. Sur ces entrefaites, Tite le rejoignit enfin et le consola de tous ses chagrins. II Cor., vii, 6. Les nouvelles qu’il apportait étaient excellentes 1. Les fidèles de Corinthe, un instant surpris, étaient revenus, avec la réflexion, à de meilleurs sentiments. Ce qui avait achevé de les ramener au devoir, c’était la lettre de l’Apôtre. Elle avait produit sur les esprits une impression profonde. On l’avait écoutée avec des larmes de douleur et de respect. La victoire était presque complète. Il ne restait, parmi ses fidèles, qu’un petit nombre d’irréductibles. Les autres regrettaient leur conduite passée, demandaient pardon à l’Apôtre, désiraient vivement le revoir. La collecte avait été retardée par les divisions intestines, mais avec le nouvel état de choses qui s’annonçait, elle promettait de devenir fructueuse. Tite avait tout rétabli avec une prudence consommée.

Ces nouvelles remplirent de joie l’âme de l’Apôtre. Il se sentit revivre. C’est dans ces dispositions qu’il dicta à Timothée une nouvelle lettre (la quatrième, par conséquent, celle que nous appelons la seconde), aux Corinthiens, le plus beau morceau d’éloquence qui soit sorti de la plume de Paul. On y retrouve le double courant d’impressions qui partageait alors son âme : sentiments de joie, de tendresse, de reconnaissance, presque de regrets pour quelques expressions un peu dures de sa lettre précédente : tout cela pour la majorité fidèle. Quant à la minorité qui demeure, jusqu’ici, obstinémeiit hostile à ses conseils, il l’accable de ses menaces et de sa mordante ironie. Cette lettre a donc été écrite en Macédoine, soit à Philippes, soit à Thessalonique, d’où Paul dut rayonner, sans doute, dans toutes les parties de la Grèce septentrionale, apportant aux disciples la joie de sa présence et les lumières de ses enseignements.

L’Épitre, ainsi rédigée, fut portée à Corinthe par Tite, et par deux frères, choisis parmi les délégués des Églises. II Cor., viii, 6, 16, 18, 22, 23 ; rx, 5. Paul attendit, en Macédoine, l’effet de cette dernière missive. Tite avait ordre, durant ce temps, de préparer les fidèles d’Achaïe à la venue de son maître, de vaincre les dernières résistances, de rassurer les consciences, de faire achever la collecte. Pour stimuler la générosité des Corinthiens, l’Apôtre lui adjoignit deux députés très en vue dans les Églises. Leur présence forcerait les plus récalcitrants à s’exécuter de bonne grâce. En attendant, l’Apôtre s’édifiait au contact de ses églises macédoniennes. Il resta, parmi elles, une bonne partie de l’année 57, environ six mois, de la fin de juin au commencement de décembre. Quelques exégètes placent à cette époque un voyage de Paul en Illyrie. Voir Tite (Èpitre a).

3. Troisième séjour à Corinthe. Act., xx, 2. — Quand Paul jugea que les esprits, à Corinthe, étaient suffisamment préparés à son retour, il se dirigea vers l’Achaïe, ayant avec lui les délégués des diverses Églises où il avait prescrit la collecte : Sopater ou Sosipater, fils de Pyrrhus, de Bérée, Aristarque et Secundus, de Thessalonique, Gaïus, de Derbé, et Timothée, originaires de Lycaonie, enfin, Tychique et Trophime, députés d’Éphèse.Toute cette pieuse caravane était fort imposante et devait faire impression sur les Églises helléniques. Paul et "ses compagnons durent aborder, à Corinthe, dans les derniers jours de décembre. Ils y passèrent les

trois mois d’hiver (décembre 57 à février 58) attendant, pour se mettre en route, le retour du printemps. Cette fois, l’Apôtre, n’ayant plus à sa disposition la pieuse hospitalité d’Aquila et de Priscille, alla loger chez un certain Caïus, converti de la première heure, baptisé de sa propre main. Rom., xvi, 23 ; I Cor., 1, 14. Il y passa dans la paix et la joie, les derniers instants de repos de sa carrière si active. Ce fut alors qu’il rédigea, sous forme d’épître, un exposé doctrinal de sa théologie. C’est de son troisième séjour â Corinthe qu’il faut dater l’épître connue sous le titre « d’Épitre aux Romains », la quatrième année de Néron, l’an 58.

4. Retour à Jérusalem, Act., xx, 3-xxi, 17. — Après avoir remis à Phœbé, diaconesse de Cenchrée, le message destiné à l’Église de Rome, l’Apôtre s’apprêtait à prendre la mer, dans l’espoir d’arriver dans la ville sainte pour les fêtes de Pâques, quand on découvrit un complot formé par les Juifs pour le tuer durant le voyage. Il fallut changer d’itinéraire. On résolut de repasser par laMacédoine. L’Apôtre enprofita pour revoir sa chère communauté de Philippes et y célébrer la pâque. Il eut la joie de revoir le narrateur des Actes, qu’il y avait laissé, lors de sa seconde mission, et l’attacha de nouveau à sa personne. Le temps des azymes passé, Paul et Luc firent route vers Troade. Ils y retrouvèrent les délégués des Églises qui avaient pris les devants. On passa toute une semaine à Troade parmi les frères de la nouvelle Église. La veille du départ, un dimanche, on se réunit, le soir, pour rompre le pain eucharistique. On sait à la suite de quelles circonstances l’Apôtre eut à reproduire le miracle d’Élie et d’Elisée (IVReg., iv, 34) pour un jeune homme, nommé Eutyque, qui, s’étant laissé aller à un profond sommeil pendant le discours d’adieu, était tombé du troisième étage sur le sol. À l’aube, le navire emportait les compagnons de Paul. Lui, prenait la voie de terre, voulant faire à pied le trajet de Troade à Assos où il rejoignit, pour ne plus les quitter, les délégués des Églises. À partir de ce moment, l’auteur des Actes relate, avec la précision d’un journal de voyage, toutes les stations que l’on fit avant d’arriver à Césarée. Le premier jour, on alla d’Assos à Mitylène, où l’on fit escale ; le lendemain on arrivait à la hauteur de 111e de Chio ; le troisième jour, on cinglait vers Samos et, après s’être arrêté à Trog ; yIium, au pied du mont Mycale, entre Éphèse et l’embouchure du Méandre ; le quatrième jour, on était à Milet. Là Paul eut du regret d’avoir passé devant Éphèse sans y aborder. Il avait craint que l’amitié des fidèles ne retardât son voyage, et il désirait célébrer la Pentecôte à Jérusalem. Il fit donc mander les anciens d’Éphèse pour leur adresser, avec ses derniers conseils, un suprême adieu. Le discours qu’il prononça, lorsqu’ils furent réunis, a gardé, sous la plume du narrateur des Actes qui était présent, la force d’attendrissement qu’il eut sur l’assemblée. Quand l’Apôtre eut fini de parler, il se mit à genoux pour prier. Tous l’imitèrent. L’émotion était à son comble. Un sanglot étouffé interrompit leur prière. La parole de Paul : « Vous ne verrez plus mon visage, » leur avait percé le cœur. Alors chacun à leur tour, les anciens d’Éphèse s’approchèrent de l’Apôtre, reposèrent longuement la tête sur son épaule, selon la coutume orientale, et l’embrassèrent. L’heure du départ venue, ils suivirent Paul jusque sur le rivage et là, dit saint Luc, il fallut nous arracher d’eux. Act., xxi, 1.

Le vaisseau se dirigea sur Cos où le portait un bon vent arrière. De là, ’marchant vers l’est, il arriva à Patare sur la côte de Lycie. Là, Paul et ses compagnons voulant abréger le voyage montèrent sur un vaisseau qui faisait voile vers les côtes de Phénicie. Après six ou sept jours, ils arrivaient à Tyr où ils visitaient l’Eglise. Cette communauté était un fruit des premières missions qui suivirent la mort de saint Etienne. Act., xii, 19. Paul n’y étaitpas inconnu. Act., xv, 3. On l’accueillit avec joie

et il promit de passer avec les frères sept jours entiers. On voulut le détourner d’aller à Jérusalem, mais il resta inflexible. Il dit adieu aux fidèles, les laissant en proie aux plus tristes pressentiments, et nolisa une barque pour Ptolémaïde. Le soir même, il abordait à Ptolémaïde où il alla saluer le petit groupe de fidèles qui s’y trouvait.

Le lendemain, il partait à pied pour Césarée. Arrivés là, Paul et sa suite allèrent loger chez Philippe, l’un des sept diacres, qui depuis de longues années s’était fixé à Césarée. Sur ces entrefaites, arriva de Judée le prophète Agabus que Paul avait connu, quelques années a uparavant, à Antioche. Imitant les actions symboliques des anciens prophètes, il entra silencieusement dans l’assemblée des fidèles, s’approcha de Paul, prit sa ceinture, s’en lia les pieds et les mains, puis s’écria, ; d’un ton inspiré : « L’Esprit-Saint dit cela : L’homme à qui appartient cette ceinture sera aussi lié à Jérusalem par les Juifs et livré aux mains des Gentils. » Effrayés, les fidèles de Césarée et les compagnons de Paul eux-mêmes joignirent leurs prières pour supplier l’Apôtre de ne pas monter à Jérusalem. « Que faites-vous, leur répondit-il, pourquoi pleurer ainsi et me briser le cœur ? Je suis prêt non seulement à être lié, mais à mourir à Jérusalem pour le nom de Jésus. » Ses disciples comprirent qu’il serait inflexible et qu’il ne fallait pas insister davantage. « Que la volonté de Dieu se fasse ! » La Pentecôte était proche : il fallait partir. Plusieurs des fidèles de Césarée tinrent à honneur de partager le péril : ils se mirent à la suite de Paul emmenant avec eux un certain Mnason de Chypre, ^très ancien disciple, qui avait une maison à Jérusalem. L’Apôtre et les siens devaient loger chez lui, y trouver un abri sûr en cas de danger.

5. Dernier séjour à Jérusalem. Arrestation. — Une journée de marche suffit à la pieuse caravane pour arriver le soir à Jérusalem. Les nouveaux venus furent accueillis avec joie par un groupe de frères amis. Le lendemain, ils faisaient leur visite au chef de l’Eglisemère, c’est-à-dire à Jacques et aux anciens. Les Apôtres étaient probablement absents de la ville sainte. Paul et ses compagnons se trouvèrent donc en face du parti judéo-chrétien. Il fallait s’expliquer. Les appréhensions que l’Apôtre témoignait déjà dans l’Épître aux Romains, sur les dispositions avec lesquelles les saints de Jérusalem agréeraient son offrande, les lacunes des églises de Phénicie, les prédictions d’Agabus, sont autant de raisons graves qui laissent supposer, dans la communauté de Jérusalem, la mauvaise opinion, presque l’hostilité que l’on avait à l’égard de Paul et de son œuvre. Il se peut que les anciens n’aient pas complètement partagé ces préventions. En tout cas, ils ne se méprennent pas sur les sentiments des fidèles. Ils prévoient les mécontentements, les colères, peut-être les vengeances que l’arrivée de l’Apôtre des Gentils va provoquer.

Aussi, à peine Paul avait-il présenté à Jacques et ^uxanciens les délégués AeÉ Églises, remis les sommes de la collecte, raconté les grandes choses que Dieu avait faites, par son ministère, dans le monde païen, que le chef de l’Église de Jérusalem, traduisant l’impression commune, s’écria : « Tu vois, frère, combien est grand le nombre des croyants parmi les Juifs ; et tous sont d’ardents zélateurs de la Loi. Or, ils ont entendu dire que tu enseignes aux Juifs, dispersés parmi les nations, l’apostasie de la loi de Moïse, les détournant de circoncire leurs enfants et de marcher selon les coutumes juives. De tous côtés, ils vont apprendre ton arrivée. Fais ce que nous allons te dire. Nous avons ici quatre hommes ayant contracté un vœu. Prends-les, purifie-toi avec eux, supporte les frais qu’entraîne la cérémonie de consécration des nazaréens, et tous sauront alors que ce qu’ils ont entendu dire de toi n’est rien et que, toi aussi, tu observes la Loi. » Act., xxi, 20-26. Paul pouvait, en toute bonne foi, consentir à ce qu’on lui demandait comme

une preuve de son respect pour la Loi. S’il n’admettait plus l’efficacité des rites mosaïques, il y avait un principe supérieur qui lui suggérait cette condescendance, celui de la charité. N’avait-il pas lui-même tracé cette règle de conduite : renoncer à sa liberté pour ne pas scandaliser son frère ? I Cor., ix, 19, 20. Une fois de plus, il se fit juif avec les Juifs, se rendit au temple avec quatre nazaréens dont il se chargeait de payer les frais de purification, satisfit à toutes les exigences de l’acte de dévotion qu’on lui avait demandé.

Il en était au cinquième jour de son vœu quand des Juifs d’Asie le découvrirent dans le temple, pendant qu’il y acomplissait les prescriptions du nazaréat. Ils l’avaient reconnu, quelques jours auparavant, en compagnie de Trophime qui était d’Éphèse. Leur fanatisme s’exalta. Ils supposèrent ou feignirent de croire que Paul, au mépris des prescriptions légales, avait introduit Trophime, un gentil, dans la cour intérieure du hiéron, lieu strictement réservé aux seuls fils d’Israël. « Au secours, enfants d’Israël, s’écrièrent-ils. Voici l’homme qui déclame partout contre lepeuple juif, contre la Loi, contre ce saint lieu. Voici le profanateur du temple, celui qui a introduit des païens dans le sanctuaire. » Toute la ville fut bouleversée. Le peuple accourut au temple. Les Asiatiques s’emparèrent de Paul, l’entraînant hors du sanctuaire. À peine fut-il sorti que les lévites, redoutant la pollution du lieu saint, fermèrent les portes derrière lui. C’en était fait de la malheureuse victime, si le tribun de la cohorte qui représentait, à Jérusalem, le pouvoir romain, ne l’eût arrachée à ces forcenés. Claudius Lysias, c’était le nom du tribun, donna ordre, à ses soldats, de mener Paul à la tour Antonia qui se trouvait à l’angle nord-ouest du temple. Arrivé à la porte de la tour, Paul demanda au tribun de le laisser parler au peuple et fit en hébreu, sur les marches de l’escalier, l’histoire de sa conversion. On avait d’abord prêté une attention favorable à son discours, mais quand il en vint à raconter sa vocation à l’apostolat des Gentils, les cris recommencèrent avec plus de violence : À mort, à mort ! criait-on de toutes parts. Le tribun effrayé avait d’abord essayé de calmer la foule en mettant le prisonnier à la torture. Mais quand celui-ci eut décliné son titre de citoyen romain, Claudius Lysias recourut à un autre moyen pour connaître la cause de l’émeute. Il convoqua, pour le lendemain, le haut sacerdoce et le sanhédrin. Paul, délivré de ses chaînes, comparut devant le grandprêtre Ananie et son conseil composé de pharisiens et de sadducéens. L’accusé tira un parti merveilleux des divergences d’opinions qui partageaient les deux groupes rivaux. « Frères, s’écria-t-il, je suis pharisien, fils de pharisien, savez-vous pourquoi l’on m’accuse ? Pour mon espérance en la résurrection des morts. » Ces mots déchaînèrent la guerre dans l’assemblée, les uns défendant Paul, les autres voulant lui faire un mauvais parti. Le tribun fit alors reconduire le prisonnier à la tour. Ayant appris, par le neveu de Paul, que des zélotes avaient formé le projet de profiter d’une nouvelle audience pour tuer l’accusé, il résolut d’envoyer Paul à Césarée, se déchargeant, sur le procurateur, de cette affaire difficile. Une escorte de soldats, formée en hâte pendant la nuit, reçut l’ordre de conduire le prisonnier à Césarée où, peu de jours après, ses disciples le rejoignirent.

III. La. captivité. — Une nouvelle période s’ouvre, dans la vie de Paul, du jour où il fut remis à l’autorité romaine. Désormais il ne pourra plus entreprendre de longues expéditions apostoliques. Mais, jusque dans les liens, l’Apôtre restera l’homme d’action éminent, l’âme forte, le conquérant, le missionnaire incomparable que rien n’arrête, ne décourage. La cellule du prisonnier deviendra un foyer de prédication ardente. L’Évangile du Christ va maintenant retentir dans les prétoires.Uh monde nouveau entendra la doctrine du salut. Les chaînes elles

mêmes, qu’il montrera, avec une sorte d’ostentation, seront à elles seules une espèce de prédication. Paul, en faisant de nouvelles conquêtes, n’oubliera pas les Églises qu’il a fondées en Grèce, en Asie Mineure, en Macédoine. Une active correspondance, dont nous ne possédons sans doute que des fragments, le mettra en relations suivies avec ses chères communautés d’Orient. Il continuera à veiller sur elles, à les défendre contre les insinuations de l’erreur, à ramener la paix, l’harmonie, l’union des âmes, lorsqu’elle menacera d’être troublée, à les stimuler dans la voie parfaite, aies élever jusqu’aux plus hauts mystères de la sagesse chrétienne.

1° Captivité à Césarée. Act., xx.ni, 33-xxvi. — Dès son arrivée, Paul fut remis, par le-chef de l’escorte, à Félix, qui, suivant le mot célèbre de Tacile, gouvernait alors la Judée, avec les pouvoirs d’un roi et l’âme d’un esclave. Après un interrogatoire très bref, le procurateur déclara au prisonnier qu’il entendrait la cause, quand les accusateurs seraient arrivés. Pour l’instant, il le fit garder dans l’ancien palais d’Hérode le Grand, qui servait depuis de résidence aux procurateurs romains. Peu de jours après, le grand-prêtre Ananie vint en personne avec quelque sanhédrites. Il fit parler en son nom un avocat nommé Tertullus. Celui-ci insista surtout sur la violation prétendue du temple, laquelle soumettait, de droit, le coupable, à la juridiction du sanhédrin. Paul, sur un signe de Félix, ayant pris la parole, n’eut pas de peine à prouver qu’il n’avait rien fait contre le Temple, qu’il n’avait ni prêché, ni discuté, ni fait d’attroupement durant son dernier séjour à Jérusalem. Puis, renouvelant la tactique oratoire qui l’avait si bien servi, en pareille circonstance, il dit qu’au fond, le seul crime dont on l’accusait était de croire à la résurrection. Le procurateur comprit, à ces mots, qu’il s’agissait de questions purement religieuses. Il leva brusquement la séance, prétextant qu’il ne jugerait l’affaire qu’après avoir vu Claudius Lysias. Il voulait, en réalité, renvoyer sine die une cause qu’il jugeait embarrassante et se ménager la faculté d’exploiter, à son gré, la captivité du prisonnier. Il ordonna au centurion de traiter Paul avec douceur, de le laisser sans chaîne, simplement gardé à vue par un soldat. On permit aussi à ses disciples et à ses amis de s’approcher de lui et de le revoir. Drusille, l’épouse de Félix, voulut entendre le prisonnier. Comme elle était juive — elle était la sœur d’Hérode Agrippa II — elle désirait connaître la nouvelle hérésie qui se réclamait de la Loi et des prophètes, annonçant surtout la résurrection. Peut-être Félix attendait-il d’elle quelque lumière sur un sujet aussi étrange. Paul parla, devant eux, de la justice, de la continence, du jugement à venir, vérités trop dures pour des juges sans conscience et une femme adultère. Félix arrêta soudain cet orateur cruellement troublant : « En voilà " assez pour le moment, dit-il à Paul, je te ferai venir quand il sera temps. »

Dans l’intervalle, il cherchait à lui persuader qu’avec une somme d’argent convenable, il lui délivrerait un non-lieu. L’âme de Paul était trop haute pour y consentir. Félix le retint donc en prison et le fit remettre à la chaîne. Cette aggravation ne priva pas totalement l’Apôtre de sa liberté. Il pouvait voir ses frères et ses disciples et ses compagnons de route, il correspondait avec ses Églises. Ainsi il chargea Tychique et Trophime d’une mission pour Éphèse. Act., xxvil, 2, comparé à IITim., iv, 12 ; Tit., iii, 12. On a même supposé (Reuss, Meyer, Hilgenfeld, Duchesne, Lesêtre) que les Épitres à Philémon, aux Colossiens, aux Éphésiens, avaient été rédigées durant les deux années de captivité à Césarée. Il est assez vraisemblable que l’Apôtre ait fait porter, à ses Églises, des messages écrits qui avaient disparu sans doute quand on fit la collection des Épitres apostoliques ; les trois lettres mentionnées plus haut sont, selon d’autres critiques, plus récentes : on

les date, plus volontiers, de la captivité romaine.

Félix ayant été rappelé en Italie pour se justifier devant l’empereur, son successeur, Porcius Festus, fut sollicité, par les Juifs, de reprendre la cause suspendue et de ramener le captif à Jérusalem pour y être jugé. Le nouveau procurateur consentit à entendre l’accusation, mais à Césarée. II fit donc comparaître devant son tribunal Paul et ses adversaires. De nouveau, l’Apôtre soutint qu’il n’avait rien fait ni contre la Loi, ni contre le Temple, ni contre l’empereur. Comme Festus lui proposait de le reconduire à Jérusalem pour se défendre devant le tribunal religieux : « Je suis ici devant le tribunal de César, dit-il, je dois y être jugé, » Et, pour couper court à tout subterfuge, il déclara qu’il en appelait à l’empereur. Le citoyen romain, à quelque endroit du monde qu’il fût, avait le droit de se faire reconduire à Rome pour être jugé. Festus fut un peu surpris de l’attitude de l’accusé. Mais, après avoir pris l’avis de ses assesseurs, il rentra en séance et s’écria : « Tu en as appelé à l’empereur ; tu iras à l’empereur. »

Sur ces entrefaites, Hérode Agrippa II et sa sœur Bérénice étaient venus visiter le nouveau procurateur ; celui-ci leur parla de son prisonnier, des doctrines étranges qu’il l’avait entendu exposer. « Justement, dit Agrippa, il y a longtemps que je voulais entendre cet homme. — Tu l’entendras demain, » répondit Festus. Le lendemain, en effet, Agrippæt Bérénice se rendirent dans la salle d’audience où, sous prétexte de s’éclairer sur le rapport dont on accompagnait toujours celui qui en avait appelé à César, Festus avait fait introduire le prisonnier. Sur l’invitation du roi Agrippa, Paul développa la thèse chrétienne, appuyant toutes ses déclarations de citations empruntées aux prophètes. Quand il en fut venu à la résurrection, Festus l’interrompit : « Tu es fou, Paul, lui dit-il, tes lectures t’ont fait perdre l’esprit. » Sans perdre contenance, l’apôtre se tourna vers le roi Agrippa, lui portant ce coup direct : « Roi Agrippa, dit-il, crois-tu aux prophètes ? Oui, je le sais, tu y crois. » Agrippa se déroba par une réponse évasive où se mêlait l’ironie. Paul répondit avec un à propos et Une courtoisie qui lui valurent les sympathies de l’assemblée. « S’il n’en avait pas appelé à César, dit Agrippa, il âur rait pu être mis en liberté. »

2° Voyage de Césarée à Rome. Act., xxvii-xxviii, 15.

— Paul maintenant son appel, on dut songer à hâter son départ. On approchait, en effet, de la fin de septembre et la navigation cessait fin octobre. Il fut remis, avec quelques autres prisonniers, à la garde d’un centurion, nommé Julius, appartenant à la cohorte prima Augusta Italica. Deux disciples de Paul, Luc et Aristarque de Thessalonique, obtinrent de prendre passage avec lui. On s’embarqua sur un vaisseau d’Adramytte, qui avait fait halte à Césarée et qui retournait en Mysie. On comptait trouver, en route, un navire allant en Italie. Le vent était favorable, on arriva le second jour à Sidon, où l’on s’arrêta. Julius, plein d’égards pour Paul, lui permit d’aller visiter les frères. Act., xi, 19 ; xv, 3 ; xxi, 2, 4. On repartit de Sidon avec des vents contraires. On ne put prendre la haute mer. Il fallut longer la côte orientale, suivre le canal entre Chypre et la Cilicie, traverser le golfe de Pamphylie et gagner Myre en Lycie. Cet endroit de la côte servait de point d’arrêt aux navires qui venaient d’Egypte quand les vents d’ouest les empêchaient de mettre le cap sur l’Italie. Julius trouva, dans ce port, un navire alexandrin en partance vers l’Italie. Il y transborda ses prisonniers. Le voyage, à partir de ce moment, devint très difficile. Le navire, retardé soit par le calme plat, soit par le vent contraire, n’arriva à la hauteur de Cnide qu’après plusieurs jours. Après avoir vainement tenté de s’abriter dans le port, on descendit vers l’île de Crête jusqu’au cap Salmoné, qui en forme la pointe orientale. On longe la côte de l’île assez péniblement de manière à atteindre le por t

de Kali-Limenes (les Bons Ports), près de la ville de Lasæa ou Alassa. On fit, dans cette anse, un assez long mouillage, en attendant un vent plus favorable. Ce retard rendait encore la navigation plus périlleuse. On avait dépassé le grand jeûne de l’Expiation. C’était, pour les Juifs, la limite au delà de laquelle les voyages maritimes devenaient à peu près impraticables. Paul conseillait d’hiverner. Mais Julius se rangea à l’avis du capitaine et du subrécargue qui voulaient gagner Pbœnice, port très connu des marins d’Alexandrie, sur la côte méridionale de Crète, où il serait plus facile de passer l’hiver. Une brise du midi venant à souffler, on leva l’ancre et on se mit à longer la côte. Tout à coup un ouragan d’est, l’Euraquilon, s’abattit du mont Ida sur les flots. Il fallut se laisser aller à la dérive. Après une course de vingt-deux milles, on passa près d’une île, nommée Cauda, où l’on prit toutes ses précautions en vue d’un naufrage qu’on jugeait inévitable. La tempête faisant rage, on jeta le lendemain la cargaison à la mer. Le troisième jour, on sacrifia les plus lourds agrès. La situation était affreuse. On passa plusieurs jours sans voir le soleil ni les étoiles : on ne savait où l’on allait. Les marins croyaient que l’on courait sur les Syrtes de l’Afrique. Tout le monde était désespéré. Seul, Paul gardait son assurance. Il encourageait l’équipage et les passagers, leur assurant que, dans une vision, Dieu lui avait accordé la vie de tous. Il ne se trompait point. La quatorzième nuit, les matelots soupçonnèrent la proximité de la terre. Voyant ce que la situation gardait de critique, ils cherchaient à se sauver eux-mêmes aux dépens des passagers. Sous prétexte de descendre les ancres de la proue, ils mirent la chaloupe à la mer -et cherchaient à prendre place, quand le centurion, excité par Paul, fit couper les amarres, ce qui égalisait le sort de tous. Paul se mit alors à relever leur courage, leur conseilla de manger afin de se donner des forces pour la manœuvre du lendemain. Donnant lui-même l’exemple, il prit du pain, rendit grâces à Dieu et se mit à manger. On l’imita. Le courage revint. A l’aube, oh reconnut la terre : c’était l’île de Malte. La baie qu’on avait devant soi était sablonneuse. On résolut d’y aller échouer. Mais le navire n’alla pas jusque-là. Il donna sur un banc, entouré d’eaux profondes. Le vaisseau venait de se disloquer sous les coups de mer. Il ne restait plus qu’à se sauver à la nage ou sur quelque épave. Les soldats, croyant que leurs prisonniers allaient leur 1 échapper, proposaient de les tuer. Julius, qui voulait sauver Paul, s’y opposa. Il ordonna à ceux qui savaient nager de se jeter les premiers à l’eau et de gagner la terre, pour aider au sauvetage des autres. Les autres s’échappèrent sur les débris du navire. Personne ne périt. C’est alors seulement qu’on apprit le nom de l’île où l’on venait d’aborder : Malte, soumise aux Romains dès la seconde guerre punique. Les habitants se montrèrent hospitaliers. Ils allumèrent un grand feu pour réchauffer les passagers qui étaient transis de froid. Comme Paul avait ramassé une vipère en prenant une poignée de broussailles, les gens du pays le regardaient d’abord comme un meurtrier, poursuivi par la vengeance divine. Mais quand ils virent qu’il ne lui arrivait aucun mal, ils le prirent pour un dieu. Un autre miracle acheva de répandre, dans l’île, sa réputation de thaumaturge. L’Apôtre guérit, |iar l’imposition des mains, le père d’un certain Publius, princeps du municipe, qui souffrait de la fièvre et de la dysenterie. Aussi amenait-on à Paul tous les malades de l’Ile, durant les trois mois qu’il y séjourna. On était alors à la mifévrier. A cette époque de l’année, les navires qui ne faisaient que de courts trajets, se risquaient à reprendre la mer. Julius trouva un navire alexandrin, le Castor-et-Pollux, qui avait hiverné à Malte et qui avait hâte d’arriver à destination. On fit voile vers Syracuse où l’on demeura trois jours, on côtoya la Sicile, puis on vint

toucher à Reggio. Deux jours après, on arrivait à Pouzzoles, port où les vaisseaux d’Alexandrie venaient opérer leur déchargement. L’apôtre y trouva un groupe de fidèles qui l’accueillirent avec joie. Grâce à la bienveillance de Julius, il resta sept jours parmi eux. On reprit ensuite la marche vers Rome. Une première députation des fidèles de cette ville, prévenus de l’arrivée de Pau], alla à sa rencontre jusqu’au relais de poste appelé Forum d’Appius, sur la voie Appienne, à quarante-trois milles de Rome. À dis milles de là, aux Trois Tavernes, un nouveau groupe vint les rejoindre. L’Apôtre, réjoui par cet accueil fraternel, éclata en actions de grâces. On parcourut assez rapidement les onze lieues qui séparaient les Trois Tavernes de la porte Capène. Entouré de cette escorte de chrétiens, le prisonnier Paul entra dans la Ville Éternelle.

3° Première captivité à Rome. Act, , xxviii, 16-31. — Dès son arrivée, Paul fut remis, avec les autres prisonniers, au préfet du prétoire. Ceux qui en avaient appelé à César étaient considérés comme les prisonniers de l’empereur et confiés à la’garde impériale. Il est difficile de savoir l’endroit précis où Julius conduisit son illustre captif. La cohorte prétorienne, depuis Auguste, était dispersée dans les divers quartiers de Rome. On a le choix entre le corps de garde du Palatin et les castra prsetoriana, bâtis par Séjan, près de la voie Nomentane. Le préfet du prétoire était alors Burrhus qui touchait presque au terme de sa carrière. C’est à lui, sans doute, que Paul fut présenté. On décida qu’en attendant son jugement, le prisonnier serait mis en une sorte de demiliberté. Il fut confié à un soldat qui avait pour mission de le garder à vue, sans être enchaîné.

L’Apôtre put ainsi se choisir un logement où ses amis pourraient venir le voir. Suivant son habitude, il songea d’abord à se mettre en rapport avec les chefs de synagogue de la Ville Eternelle. Le troisième jour après son arrivée, il en fit convoquer quelques-uns pour leur expliquer son appel à César. Prenant les devants sur ses accusateurs que les Juifs de Jérusalem ne manqueraient, pas d’envoyer à sa poursuite, il mit ses coreligionnaires au courant de sa situation. Il protesta qu’il n’avait rien fait et ne voulait rien faire contre une nation qui, d’ailleurs, était la sienne, que son appel à César n’avait pas d’autre but que de se soustraire à des ennemis acharnés à sa perte. « Ne vous trompez pas, dit-il en finissant, c’est à cause de l’espérance d’Israël que je porte ces chaînes. » Les Juifs accueillirent le plaidoyer avec faveur, déclarant qu’ils n’avaient rien reçu de Judée à son sujet et lui témoignant le désir d’entendre l’exposé des nouvelles doctrines. On prit jour pour une seconde entrevue. La conférence dura du matin au soir. L’Apôtre parcourut la Bible en tous sens, énumérant tous les textes de la Loi et des prophètes qui prouvaient que Jésus était le Messie. Sa parole gagna plusieurs adhérents à la foi nouvelle, mais le plus grand nombre des auditeurs résistèrent à la grâce. Finalement, on se sépara sans avoir pu s’entendre. Paul comprit qu’une fois de plus il n’aurait pas raison de l’obstination de ses anciens coreligionnaires. Il répéta contre eux le passage d’Isaïe sur l’aveuglement volontaire des hommes endurcis qui ferment leurs yeux et leurs oreilles pour ne voir ni entendre la vérité, ajoutant qu’il allait porter aux Gentils, qui la recevraient mieux, la parole de salut que les Juifs ne voulaient pas accueillir.

Son apostolat parmi les païens réalisa, en effet, les plus belles conquêtes. L’Évangile fit à Rome d’étonnants progrès. Les conversions furent nombreuses. Le Christ eut des adeptes jusque dans la maison de Néron, non seulement parmi les soldats, les esclaves, les affranchis, mais jusque dans les familles patriciennes, chez les consuls et jusque dans l’entourage immédiat de l’empereur. Phil., iv, 22. Les chaînes du prisonnier devenaient elles-mêmes une prédication du Christ dans le Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/1148 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/1149 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/1150 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/1151 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/1152 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/1153 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/1154