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PAUVRE — PAUVRETE


était généralement observé. Voir Aumône, t. i, col. 1244-1253. — 10° Enfin la justice - envers le pauvre était prescrite aussi bien que la charité. On devait le traiter équitablement dans les jugements, Exod., xxiii, 6 ; Prov., xxxi, 5, 9, sans cependant montrer en sa faveur une partialité qui eût été une injustice. Exod., xxm, 3 ; xxx, 15 ; Lev., xra, 15. Le rituel des sacrifices l’autorisait à offrir des victimes moins coûteuses. Lev., xiv, 21 ; xxvii, 8. — Cette législation, imposée par le Maître souverain à son peuple, constituait aux pauvres d’Israël de véritables droits et érigeait en devoirs de justice ce qui d’ordinaire ne constitue que des devoirs de charité. Le système était possible dans une théocratie, où le souverain est le propriétaire absolu du sol, comme ce fut d’ailleurs le cas réel en Israël, et où tous les membres de la nation sont au même rang aux yeux du Maître. L’Israélite pauvre faisait partie du peuple de Dieu au même titre que le plus fortuné, et, de ce chef, il possédait des droits qui le plaçaient bien au-dessus de l’étranger, quel qu’il fût. Il convenait donc que ce pauvre eût sa place assurée au sein de la nation privilégiée, et que, victime de l’infortune, il ne déchût jamais complètement de sa dignité. Sa liberté et ses biens lui étaient donc restitués périodiquement. .Chacun était intéressé à ce que les choses fussent ainsi réglées et toute l’économie sociale était organisée en conséquence. Ainsi, en droit, chez les Israélites, la pauvreté ne pouvait jamais être qu’accidentelle et temporaire, et toute la nation travaillait d’elle-même à relever à un niveau suffisant celui que les acoidents de la vie en avaient fait tomber.

III. Condition des pauvres. — 1° Malgré les prescriptions législatives, il y avait des pauvres en Israël, les uns par infortune naturelle, comme les orphelins, les veuves, les infirmes, les autres par leur faute, les paresseux, les inintelligents, d’autres enfin par le fait de leurs semblables. Très fréquemment, les écrivains sacrés reprochent aux riches et aux puissants l’oppression qu’ils font peser sur les pauvres. L’apologue de Nathan, II Reg., Xii, 1-4, ne représente pas une situation imaginaire, pas plus d’ailleurs que la parabole du mauvais riche. Lue., xvi, 19-21. Amos, ii, 6-7, dit des riches de son temps :

Ils vendent le juste à prix d’argent,

Et l’indigent pour une paire de sandales ;

Ils n’aspirent qu’à voir la poussière de la terre

Sur la tête des misérables,

Et font fléchir la voix des petits.

Ailleurs, viii, 5-6, le même prophète les montre à l’œuvre : ils vendent à fausse mesure, trafiquent des besoins des malheureux et leur font payer la pire des nourritures. L’oppression des pauvres est le sujet de continueltes objurgations. Job, xx, 19 ; xxiv, 4, 9, 14 ; Ps. x, 9 ; xxxvii (xxxvi), 14 ; cix (cvm), 17 ; Prov., xxx, 14 ; Sap., ii, 10 ; Is., iii, 14 ; x, 2 ; xxxii, 7 ; Jer., v, 28 ; Ezech., xxii, 29 ; Hab., iii, 14, etc. Saint Jacques, ii, 5-8, reproduit avec véhémence les mêmes reproches à l’adresse des Juifs ses contemporains. — 2° Même en dehors de l’oppression injuste, le pauvre est naturellement victime de sa condition sociale. Il est malheureux, Prov., x, 15 ; vu de mauvais œil par ses amis, Prov., xiv, 20 ; xix, 7 ; oublié, Eccle., ix, 15 ; timide et n’osant parler. Prov., xviii, 23. L’accueil qu’on lui fait d’ordinaire n’est pas encourageant :

Le pauvre parle, et l’on dit i Quel est celui-là ?

Et s’il heurte, on le culbute. Eccli-, xiii, 27.

Saint Jacques, ii, 2, 3, montre le pauvre entrant dans l’assemblée avec un habit sordide et s’entendant dire : « Toi, tiens-toi là debout, ou assieds-toi ici, au bas de mon marchepied. » — 3° Il est vrai qu’il y a des pauvres mauvais, Prov., xxviii, 3 ; de faux pauvres, Prov., xiii, 7 ; des pauvres impies, Eccli., xiii, 23, et

orgueilleux. Eccli., xxv, 4. Mais il y en a aussi de charitables, Luc, XXI, 3, et de bons, qui valent mieux que le riche méchant. Prov., xix, 1, 22 ; xxviii, 6 ; Eccle., IV, 13. Ils sont bienheureux quand ils se résignent volontiers à leur état et restent pauvres en esprit. Matth., v, 3 ; Luc, vi, 20. — 4° Notre-Seigneur dit que ses disciples « ont toujours, â’xsTe, habetis, des pauvres avec eux, s> et non qu’ils « auront toujours. » Matlh., xiv, 7 ; Joa., xii, 8. Il ne fait pas une prédiction, mais, constate un fait qui était vrai de son temps, et le sera dans tous les temps.

IV. Protection des pauvres. — 1° Dieu a fait le pauvre aussi bien que le riche, et c’est lui-même qui relève le pauvre, I Reg., ii, 7, 8 ; Ps. cxm (cxii), 7 ; Prov., xxii, 2 ; Eccli., XI, 11-13 ; qui le protège, Ps. ix, 10, 13 ; xi (x), 5 ; xxxiv (xxxiii), 7 ; cix (ovin), 31 ; qui le délivre, Ps. xxxv (xxxiv), 10 ; lxxii (lxxi), 4, 12, 13 ; Prov., xxii, 22, 23 ; qui prend soin de lui. Ps. lxviii (lxvii), 11 ; Is., xli, 17. Il veut que l’on considère comme s’adressant à lui le traitement bon ou mauvais dont on use envers le pauvre. Prov., xvii, 5 ; xix, 17 ; Matth., xxv, 34-46. — 2° Les auteurs sacrés adressent à Dieu des appels en faveur du pauvre, Job, v, 15 ; Ps., x, 12, 14, etc. ; montrent en action la charité envers le pauvre, Job, xxix, 12, 16 ; xxx, 25 ; xxxi, 16, 19, etc. ; proclament bienheureux ceux qui s’intéressent au sort du pauvre, Ps. xli (xl), 2 ; Prov., xiv, 21, 31 ; xxii, 9 ; xxviii, 8, 27, et invitent à le traiter fraternellement. Is., lviii, 7 ; Tob., iv, 17 ; Luc, xiv, 13, 21 ; xviii, 22. — 3° Par-dessus tout, le Sauveur s’est plu à évangéliser les pauvres, Matth., xi, 5 ; Luc, iv, 18 ; vii, 22, et a voulu être pauvre lui-même. Zach., ix, 9 ; II Cor., viii, 9.

H. Lesètrb,

    1. PAUVRETÉ##

PAUVRETÉ (hébreu : dallàh, miskênût, re’s, rU ; Septante : àiropta, èvSefa, Trsvfa, mm’/tia, ù<rripY)<rt ;  ; Vulgate : paupertas, pauperies, egestas, inopia, penuria, mendicitas), état de celui qui, à des degrés divers, manque du nécessaire à la vie. — 1° Dans l’Ancien Testament, la pauvrelé est envisagée comme un pis-aller dont il faut s’accommoder de son mieux. Sans doute la pauvreté et la richesse viennent du Seigneur, Eccli., xi, 14, et des hommes pieux se contentent de la première. Tob., v, 25. Mais le sentiment commun est ainsi formulé dans les Proverbes, xxx, 8-9 :

Ne me donne ni pauvreté, ni richesse, ’Accorde-moi le pain qui m’est nécessaire,

De peur que, dans l’abondance, je ne te renie

Et dise : qui est Jéhovah ?

Et que, dans la pauvreté, je ne dérobe

Et n’outrage le nom de mon Dieu.

On comprend que la pauvreté ne pouvait être fort goûtée d’un peuple auquel les bénédictions temporelles avaient été promises en récompense de sa fidélité. Deut., xxviii, 2-6. « Point d’indigence pour ceux qui te craignent, » dit un Psalmiste. Ps. xxxiv (xxxm), 10. La pauvreté devenait comme une malédiction, laissant soupçonner l’infidélité à Dieu et rendant la vie malheureuse. Prov., x, 15. C’est l’idée formulée dans un passage du Zohar, i, 876, traduction de Pauly, édit. Lafuma, Paris, 1906, t. i, p. 506-507. Il y est dit, à propos de celui qui ne lave pas ses mains conformément aux prescriptions rabbiniques, qu’il sera puni en haut et ici-bas, « et la punition d’ici-bas consistera dans la pauvreté ; » au contraire, pour celui qui les lave bien, la bénédiction sur la terre consiste dans la richesse. » De fait, la pauvreté est représentée comme la conséquence de la paresse, Prov., vi, 11 ; x, 4 ; xx, 13 ; xxi, 5 ; xxiv, 34, de l’avarice, Prov., xi, 24, du vain bavardage, Prov., xiv, 23, du plaisir, Prov., xxi, 17, des entreprises chimériques, Prov., xxviii, 19, de la cupidité envieuse, Prov., xxviii, 22, et quelquefois de l’instabilité de la fortune. Eccle., v, 13. La pauvreté était chose pire encore quand s’y joignait l’impiété. Eccli., xiii, 30. —