Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/1149

Cette page n’a pas encore été corrigée
2229
2230
PAUL (SAINT)


qui n’a pas été la sentence de mort (l’auteur l’aurait indiqué d’un mot), mais le commencement d’une nouvelle période d’activité dont le récit dépassait les limites d’un livre de mémoires ou la connaissance de l’écrivain qui peut-être finissait son œuvre juste au moment où l’Apôtre inaugurait une nouvelle série de travaux. Ainsi, il résulte de ces divers indices que Paul, après deux années de captivité, aurait comparu devant Néron, aurait été acquitté et aurait repris ses courses apostoliques. De quel côté dirigeat-il cette nouvelle série de missions ? Plusieurs critiques sont portés à croire que ce fut vers l’Espagne. Voir Espagne, t. ii, col. 1951 v

2° Nouvelle activité apostolique en Orient. Épîtres pastorales. — D’après les Épîtres pastorales, la dernière activité de l’Apôtre se serait exercée dans les pays de Grèce et d’Asie. Il se peut que durant sa prison, Paul ait changé d’intention par rapport à ses courses occidentales. C’est ce que laissent entrevoir les Épi très de la première captivité. Phil., i, 25 ; II, 23, 24 ; Philémon, y. 22. On peut donc supposer, en s’aidant des épîtres à Tïmothée et à Tite, qu’après sa libération, l’Apôtre se dirigea vers l’Orient. Il passa par l’île de Crète où il laissa Tite organiser les églises de cette contrée, visita Corinthe, la Macédoine, s’arrêta chez Carpus à Troade, descendit â Éphèse. De là, il rayonna dans toute la province d’Asie. Il dut se rendre dans la vallée du Lycus, fortifiant, par sa parole, les communautés phrygiennes de Colosses, Hiérapolis, de Laodicée. Après un assez long séjour dans Éphèse, Paul reprit le chemin de la Macédoine. En route, lui parvinrent, de la métropole d’Asie, des nouvelles très fâcheuses. Timothée, avec son naturel timide et un état de santé des plus précaires, rencontrait, dans l’exercice de sa charge, toutes sortes de difficultés. Paul lui écrivit alors, pour le guider et le soutenir au milieu de l’épreuve, une lettre où il lui rappelle les directions qu’il lui a précédemment données. C’est celle qu’on désigne sous le nom de première Épilre à Timothée. L’Apôtre venait à peine d’envoyer ce message à Éphèse, qu’il apprît, on ne sait comment, la situation peu prospère des Églises de Crète. Il se mit aussitôt à rédiger, à la hâte, quelques avis pour Tite. Il n’eut guère, pour cela, qu’à répéter ce qu’il venait d’écrire à Timothée. Apollos, qui était auprès de lui, reçut, avec un ancien scribe nommé Zenon, la mission de porter cette lettre, notre Épitre à Tite. On comptait beaucoup sur l’éloquence du docteur alexandrin, sur sa façon savante et originale d’interpréter les Écritures, pour réduire au silence l’opposition. Act., xviii, 27-28. Paul promettait, en outre, à Tite de lui envoyer bientôt Artémas ou Tychique, qui, sans doute, devait l’aider dans ses travaux et le remplacer momentanément. En effet, il prie son disciple de venir, dès qu’il aura reçu ce secours, le rejoindre à Nicopolis, en Épire, où il compte passer l’hiver. Tit., iii, 12. Enfin, il recommande, en terminant, de faire honorablement la conduite à Zenon et à Apollos, qui ne devaient guère que passer, et d’avoir grand soin d’eux, iii, 13. Le projet d’aller hiverner à Nicopolis paraîtmodifier les premières intentions de Paul qui se proposait d’abord de retourner, sous peu, à Éphèse. I Tim., iii, lij^ry, 13. Maintenant, s’il parle d’aller en Épire, c’est qu’il a changé d’itinéraire. On objectera peut-être qu’ilVagit de Nicopolis, en Thrace, sur le Nestus, près des frontières de la Macédoine ; mais la présence de Tite, en Dalmatie, à peu de temps de là, II Tim., iv, 10, rend fort improbable cette supposition. C’est bien dans la Nicopolis d’Épire, l’ancienne Actium, bâtie par Auguste en souvenir de sa victoire, que Paul a dessein de passer l’hiver, en compagnie de Tite. L’Apôtre presse le départ de ses disciples (<T710155a<Tov êX6eîv), parce que l’hiver approche et que la navigation va devenir difficile.

3° Seconde captivité à Rome. — Paul alla-t-il d’Épire

à Rome ou revint-il en Asie après l’hiver ? Il est impossible de se prononcer sur l’une ou l’autre de ces alternatives. La seconde Épitre à Timothée, écrite après le retour à Rome, à l’approche de l’hiver, en l’an 66, reflète ainsi la situation de l’Apôtre. Il est à Rome, en prison, i, 8, 12, 16, 17 ; ii, 9, 10, pour la cause du Christ, tandis que Timothée est à Éphèse, ii, 16, 18 ; n, 17 ; iv, 14, 15, 19, où les mauvaises doctrines continuent à pulluler, par la faute d’Hyménée et de Philète, il, 17. Il n’y a pas longtemps que Paul est à Rome et en prison puisqu’il donne à Timothée, comme des nouvelles, certains détails sur une tournée qu’il vient de faire dans l’Archipel ; à Milet, il a laissé Trophime malade, iv, 20 ; à Troade, il a laissé un manteau et des livres chez Carpus, ii, 13 ; Éraste est resté à Corinthe, iv, 20. Il a donc traversé récemment l’Asie Mineure et la Grèce, en compagnie d’un groupe de disciples, Tit., iii, 15, assez nombreux, parmi lesquels on comptait sans doute, outre ceux qui viennent d’être cités, Tite, Dénias, Crescent, Tychique et un certain nombre d’Éphésiens. À Rome, les Asiates, entre autres Phygelle et Hermogéne, l’ont abandonné, i, 15. Un autre Éphésien, au contraire, Onésiphore, le chercha et, sans rougir de sa chaîne, le servit et rafraîchit son cœur, i, 16, 18. L’Apôtre est plein du pressentiment de sa fin prochaine, iv, 6-8 : il craint pour son second procès une issue fatale. À mesure qu’approche le dénouement, il fait le vide autour de lui. Démas, peu fait à l’épreuve, le quitte un des premiers pour des intérêts périssables et retourne à Thessalonique, iv, 10 (texte grec). Crescent est allé en Galatie, Tite en Dalmatie, iv, 10, Tychique n’est pas encore revenu d’Éphèse, où Paul lui-même l’a envoyé, iv, 12, en sorte que l’Apôtre n’a que saint Luc auprès de lui.

Dans l’intervalle, ses adversaires exploitent son isolement. Un certain Alexandre, ouvrier en cuivre, originaire d’Éphèse, lui a fait une vive opposition, iv, 14. Par rapport au procès en cours, voici où en sont les choses. Paul a déjà comparu devant l’autorité romaine ; dans cette comparution, personne ne l’a assisté, iv, 16, mais Dieu l’a aidé et l’a arraché de la gueule du lion, lv, 17. Dans le cas, malheureusement trop certain, où la seconde audience se termine par une condamnation, il désire avoir, près de lui, ses plus chers disciples. En conséquence, il priait Timothée, dans cette seconde lettre, de venir avant l’hiver, iv, 9, 21, et d’amener Marc avec lui, iv, 11. Il lui ordonnait de passer par la Macédoine, l’Achaïe, et d’y donner des nouvelles de son mailre. Le disciple fidèle put arriver à Rome dans les premiers jours de novembre, entre les deux jugements. On sait que, d’après le droit romain, chaque accusation constituait une cause distincte, Suétone, Nero, xv, donnant lieu à une procédure judiciaire détaillée. Les deux procès dont parle l’Apôtre laissent supposer qu’on l’avait accusé de divers griefs. Il aura été absous une première fois, peut-être pour le crime d’incendiaire, Tacite, Ann., xv, 44, ayant pu facilement établir son innocence, établir un alibi. Mais il ne pouvait en être de même pour celui de chrétien, la loi interdisant les cultes étrangers non approuvés par le Sénat. "Voilà pourquoi Paul attendait la mort comme l’issue naturelle de son second procès. Loin de s’en effrayer, il s’en réjouit. Jusqu’au bout, il vit devant lui la couronne impérissable qui lui était préparée et, comme le coureur des jeux olympiques, il redoubla d’efforts à mesure qu’il approchait du but. D’après la tradition romaine (Clément de Rome, le prêtre Caïus, Tertullien, Eusèbe, saint Jérôme), Paul fut décapité à trois milles de Rome, sur la route d’Ostie, à l’endroit appelé autrefois les Eaux salviennes, aujourd’hui Trois Fontaines, le 29 juin, en l’an 67. C’est la date qu’Eusèbe assigne à cet événement, « qui a mis fin à une vie sans pareille dans l’histoire de l’humanité. »