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PAUL (SAINT)


monde des prétoires. Animés par son exemple, ses disciples ainsi que les autres chrétiens de Rome se mirent à prêcher avec courage. La cellule de Paul devint ainsi le centre d’une incessante activité, le foyer d’un prosélytisme intense, comme aux plus beaux jours de ses missions.

A) Lettres aux Églises d’Asie. — Peu de temps, ce semble, après son arrivée à Rome, Paul éprouva une grande consolation. Apprenant sa captivité, les Églises de Colosses, de Laodicée, d’Hiérapolis envoyèrent Épaphras, leur saint et dévoué catéchiste, et quelques autres frères pour partager sa chaîne, l’assurer de l’amitié des fidèles, lui offrir les secours d’argent dont il pouvait avoir besoin. Col., i, 7. Paul, à la vérité, n’avait jamais évangélisé, par lui-même, cette partie de la Phrygie, mais il y était connu par ses disciples, notamment par cet Épaphras qui paraît avoir été le fondateur de l’Église de Colosses. Les nouvelles apportées par Épaphras étaient excellentes, Col., i, 4, 9 ; la foi, la charité, l’hospitalité fraternelle, florissaient dans la vallée du Lycus. La vie chrétienne s’y développait avec une merveilleuse fécondité. Pourtant l’ivraie commençait à se mêler au bon grain. Sous l’influence de certains faux docteurs, commençait à s’opérer, dans ces contrées, un singulier mélange des doctrines les plus disparates ; un ascétisme très rigoureux uni à des hardiesses spéculatives des plus dangereuses. La Phrygie avait toujours été célèbre pour son mysticisme étrange. Aujourd’hui elle alliait aux données de la prédication nouvelle des abstractions métaphysiques, des généalogies d’éons, des pratiques de théurgie, des fragments des vieux mystères phrygiens, des abstinences qui rappellent l’essénisme. L’Apôtre résolut de s’opposer, au plus vite, à ces dangereuses nouveautés. Voulant garder près de lui Épaphras, dont il songeait à utiliser l’activité, il écrivit une lettre pour remercier les Colossiens de leur générosité, leur marquer son affection, les préserver de l’erreur, barrer la route à ces rêveries maladives par le dogme de la transcendance du Christ. Tychique fut chargé de porter cette Épltre à Colosses, Col., iv, 7, 8 ; Eph., vi, 21, 22 ; II Tim., iv, 22, et de visiter les Églises d’Asie, surtout celles de la vallée du Lycus, de leur donner des nouvelles de Paul, de leur dire de vive voix ce qui touchait à sa situation personnelle, à l’égard des autorités romaines, détails qu’on ne pouvait confier par écriture, enfin remettre à chacune des Églises les lettres séparées que Paul leur adressait. Il avait mission, à Colosses même, de rendre à son maître, Philémon, un esclave infidèle nommé Onésime. Voir Philémon et Onésime, Tychique portait encore une sorte d’encyclique destinée en particulier à l’Église d’Ephèse. Voir Éphésiens (Épître aux), t. ii, col. 1849.

B) Épître aux Philippiens. — Cependant Paul subissait, en prison, les lenteurs de la procédure impériale. La désorganisation des services publics, qui marqua les dernières années du règne de Néron, dut se faire sentir dans les affaires judiciaires. Si, par un appel à César, l’Apôtre avait cru abréger cette longue captivité préventive, il avait vu ses espérances trompées. On ne s’était guère plus préoccupé de lui à Rome qu’à Ce-, sarée. Il continua donc dans les chaînes l’œuvre d’un apostolat déjà couronné de si heureux résultats. Ce fut, d’après ce qui résulte de plusieurs indices, vers la fin de la première captivité, que Paul reçut une députation de l’Église de Philippes. Elle vint dans un moment où l’apostolat de Paul était traversé par de douloureuses épreuves. Bien des chrétiens qui auraient dû le consoler, commençaient à le méconnaître et à le renier. Il paraît avoir, un instant, souffert de l’isolement. Des adversaires, des judaïsants, cherchaient à entraver son œuvre, à la détruire. Ils allèrent jusqu’à lui susciter toutes sortes d’ennemis, pour aggraver sa position de prisonnier. La venue des délégués de Macé doine le consola de tant d’amertumes. Épaphrodite, envoyé de l’Église, ne lui apportait pas seulement des secours d’argent, il lui faisait connaître l’état prospère de l’église de Philippes, la vive amitié des fidèles pour leur Apôtre bien-aimé. La paix, l’union, la concorde animaient la communauté ; à peine quelques froissements entre les deux diaconesses Évodie et Syntyque. Épaphrodite séjourna quelque temps auprès de l’Apôtre, l’aidant dans son ministère avec un zèle qui faillit le conduire à la mort. On s’en émut à Philippes. Pour rassurer les fidèles, Paul renvoya en Macédoine le précieux auxiliaire, avec une lettre pleine de tendresse pour les Philippiens. Il exprimait l’espoir d’être bientôt délivré de prison. Il attendait donc l’issue prochaine de son procès, non sans émotion, mais dans la résignation la plus complète. En effet, après deux ans d’attente, Paul comparut devant l’empereur ou du moins devant le conseil auquel ressortissait son appel. Il fut acquitté et, selon son expression, sortit délivré de la gueule du lion. II Tim., v, 17.

IV. Dernières années et mort de Paul. — La fin des Actes laisse l’historien dans une obscurité presque impénétrable. A. peine quelques vagues lueurs très incertaines. On quitte le terrain solide de la certitude pour entrer dans celui des hypothèses et des vraisemblances. On reste généralement d’accord pour dire que l’Apôtre est mort à Rome, qu’il y a subi le martyre. Mais à quelle date et dans quelles circonstances ? Faut-il placer cette fin tragique immédiatement après les deux ans de captivité mentionnés par les Actes, ou faut-il admettre un intervalle entre cette captivité et la mort de l’Apôtre, intervalle de liberté et d’activité, après lequel il aurait été arrêté de nouveau, puis condamné et exécuté ? Eusèbe est le premier qui parle explicitement des deux captivités de l’Apôtre à Rome, H. E., ii, 22, t. xx, col. 196 ; mais pour utiliser son.témoighage, il resterait à décider s’il se fonde sur l’exégèse, d’ailleurs inexacte, de II Tim., iv, 17, ou s’il la tient d’une autre source. De nos jours, les avis, sur la libération de l’Apôtre, sont très partagés, Tillemont, Fabricius, Mosheim, Neander, Gieseler, Michaëlis, Bertholet, Hug, Credner, Ewald, Bleek, Renan, l’admettent ; tandis que Pelau, Lardner, Eichhorn, de Wette, Reuss, Baur et toute son école la rejettent. L’opinion dominante dans l’Église depuis le iv° siècle a été que saint Paul, mis en liberté à Rome, après deux ans d’emprisonnement, reprit ses courses apostoliques jusqu’à sa seconde captivité. Cf. Nicéphore Calliste, H. E., ii, 34, t. cxlv, col. 841.

1° Délivrance de l’Apôtre. — On n’a, pour résoudre le problème, que des indications indécises, mais on peut en tirer les conclusions suivantes.

1. Le rapport de Festus. — D’après la narration des Actes, on peut inférer que le successeur de Félix aura envoyé à Rome un compte rendu favorable sur un prisonnier dont il avait reconnu l’innocence et qu’il aurait certainement relâché sans l’appel à l’empereur. Act., xxv, 25 ; xxvi, 32. Dès lors, il est permis de conclure à l’heureuse issue de sa première captivité. L’acquittement officiel aura pu être retardé pour diverses raisons, mais il y a lieu de croire qu’il n’aura pas dépassé les deux années dont parle l’auteur des Actes, xxiii, 30.

2. Les Épîtres de la captivité. — L’Épltre à Philémon v, 22, et surtout l’Épltre aux Philippiens, i, 25 ; II, 23, 24, indiquent, chez leur auteur, l’espoir d’une délivrance à bref délai ainsi que le dessein de revenir en Orient pour consolider ses conquêtes apostoliques. Cette confiance devait être fondée sur la tournure favorable que prenaient alors les circonstances du procès.

3. La fin du livre des Actes. — De toutes les solutions proposées pour expliquer la manière brusque et imprévue dont Luc termine son récit, la plus naturelle est celle qui suppose qu’au bout des deux années de captivité, il s’est produit, dans la situation de Paul, un changement