Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/188

Cette page n’a pas encore été corrigée
343
344
LOI MOSAÏQUE


mêmes l’exemple de la corruption, elle affirme catégoriquement l’unité et la sainteté de Dieu. Ce Dieu unique, qui a le nom de’El chez les vieux peuples sémitiques, devient pour Israël Jéhovah ou Jahvéh, nom qui n’implique aucune attache aux choses de la nature, mais ne désigne que l’être pur, l’être mystérieux par excellence. Ce Dieu est au-dessus de tous les êtres ; il les a tous créés sans exception. Pour l’honorer, il faut l’aimer et lui obéir. Il est sévèrement défendu d’en faire des représentations, pour ne pas tomber dans l’inconvénient des Égyptiens et des autres peuples, qui confondaient si facilement la divinité avec sa représentation matérielle, si grossière et abjecte qu’elle fût. Moïse n’empruntait pas ce dogme de la divinité aux peuples qui l’entouraient, puisque des idées contraires régnaient chez ces derniers. Il ne le trouvait pas non plus au sein de son propre peuple, qui fut toujours si porté à l’idolâtrie et à ses pratiques dégradantes. Les patriarches eux-mêmes, malgré les révélations dont ils avaient été l’objet, étaient loin d’avoir sur Dieu des idées aussi élevées que celles qui furent communiquées à.Moïse. Cf. Saint Cyrille d’Alexandrie, In Gen., xxviii, 16, t. lxix, col. 188. La législation religieuse de Moïse dépasse en grandeur, en pureté, en perfection, tout ce qui existait alors dans le monde. « Si l’on prend ces caractères dans leur ensemble, ils sont certainement transcendants, sinon tout à tait dans le sens métaphysique, au moins dans le sens historique, pour le temps. » Lagrange, La méthode historique, p. 64. — 2. Le culte prescrit envers Jéhovah avait pour condition principale l’imitation de sa sainteté. « Vous vous sanctifierez et vous serez saints, parce que je suis saint, » Lev., xi, 44, était-il dit, même à l’occasion d’une simple loi de pureté légale. Les cérémonies tendaient au" même but. Voir Cérémomies, t. ii, col. 439, 440. La morale se résumait toute à aimer Dieu par-dessus tout, Deut., vi, 5, et ensuite son prochain comme soi-même. Si ces préceptes ne se dégagent que peu à peu des premières formules}’ils ne sont pas moins le fondde toute la loi et des prophètes. Matth., xxii, 36-40 ; Marc., xii, 30-33 ; Rom., xiii, 8-10 ; Gal., v, 14. De ce principe de l’amour découlait la pratique des autres vertus morales, Gal., v, 22-23, et la condamnation des vices. I Tim., i, 8-10. — 3. Certaines croyances, il est vrai, étaient moins avancées chez les Hébreux que chez d’autres peuples. Mais il est des vérités qu’il fallait laisser un peu dans l’ombre pour empêcher un peuple grossier d’en tirer des conséquences funestes. Ainsi l’immortalité de l’âme apparaissait chez les Égyptiens avec une clarté beaucoup plus vive, tandis que Moïse semble éviter de parler de ce dogme. Mais cette espèce de silence était nécessaire pour que le culte des morts ne dégénérât pas, comme partout ailleurs, en culte idolâtrique. Moïse se contente de proscrire tout ce qui a trait à ce culte. Deut., xxvi, 13, 14. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 6e édit., t. ii, p. 524-528. Il est remarquable cependant que, quand Notre-Seigneur veut prouver aux sadducéens l’immortalité de l’âme, c’est à un texte de l’Exode, iii, 6, qu’il fait appel. Matth., xxii, 32. En somme, il n’y a pas eu dans l’antiquité de doctrine sur Dieu et sur les rapports de l’homme avec Dieu, qui approchât en hauteur et en pureté de celle que Moïse a consignée dans sa loi.

2° Son caractère figuratif. — 1. La loi de Moïse n’était faite ni pour tous les temps ni pour tous les lieux. Elle préparait une loi plus parfaite, définitive et universelle. Les Juifs attendaient un Messie ou envoyé de Dieu, devant réaliser les promesses de bénédiction pour toutes Jes nations de la terre, qui avaient été faites à Abraham, Gen., xxii, 18, un Messie qui naquit de Juda, Gen., xux, J0, et fût le grand prophète promis par Moïse lui-même. Deut., xviii, 15 ; cf. Joa., i, 45 ; Act., iii, 22 ; vii, 37. L’idée messianique alla en se développant et en se précisant par l’action des prophètes. Mais toutes les insti tutions de la loi mosaïque avaient pour but d’entretenir la grande espérance et de figurer la réalité future. Les lois civiles isolaient le peuple hébreu des autres peuples et concentraient son attention sur la mission qui lui était assignée de préparer la venue du Messie et de le donner un jour au monde. Les lois religieuses tendaient à représenter à l’avance ce que serait un jour le nouvel ordre de choses établi par ce Messie. — 2. Notre-Seigneur témoigne lui-même de ce caractère de la loi mosaïque en disant que Moïse a écrit de lui, Joa., v, 46, et en déclarant que devait s’accomplir tout ce qui était écrit de lui dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes. Luc, xxiv, 44. La loi était l’ombre des choses futures qui devaient être réalisées par le Christ. Col., ii, 17 ; Heb., x, 1. « Le Christ est la fin de la loi, » Rom., x, 4, c’est-à-dire non pas seulement le terme auquel elle aboutit, mais le bien par excellence qu’elle prépare et qu’elle figure : « La loi est notre pédagogue vers le Christ. » Gal., iii, 24. Le naiS ! f{tùf61 était un esclave chargé de conduire l’enfant auprès de son maître. Cf. Hérodote, viii, 75 ; Euripide, Jon., 725 ; Elect., 287 ; Cicéron, De amie., 20 ; Sénèque, De ira, n, 22, etc. La loi mosaïque est ainsi clairement caractérisée : elle a été une institution d’ordre subalterne, chargée de surveiller et de contenir un peuple indocile, pour le conduire à son véritable maître, le Christ. Voilà pourquoi saint Paul dit encore : « Avant que vînt la foi, nous étions enfermés sous la garde de la loi, en vue de la foi qui devait être révélée. » Gai, , iii, 23. Voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1427-1429. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I a IIe, q. xcvm-cill.

3° Impuissance relative de la loi pour le salut. — 1. La loi mosaïque ajoutait une charge à la loi naturelle. Les païens se contentaient de cette dernière et pouvaient, en la suivant consciencieusement, accomplir l’essentiel de ce que prescrivait la loi mosaïque. Rom., ii, 14, 15. La loi mosaïque est présentée comme n’étant pas au-dessus des forces et hors de la portée des Israélites. Deut., xxx, 11. Elle est bonne, juste et sainte, Rom., vii, 12 ; mais, en multipliant les prescriptions, elle a multiplié les causes de péché, par suite du penchant qui inclinait au mal les sujets de cette loi. Rom., vii, 7-13. En provoquant la transgression, non par elle-même, mais par la faute de l’homme, la loi a provoqué la colère, Rom., iv, 15, et la malédiction. Gal., tu, 10. — 2. Les Juifs avaient pourtant grande confiance dans leur loi. Ils en exagéraient et en multipliaient les prescriptions, jusqu’à la rendre impraticable. Matth., xxiii, 4 ; Luc, xi, 46. Notre-Seigneur remarque que les Juifs sondent les Écritures, parce qu’ils pensent avoir en elles la vie éternelle. Joa., v, 39. Saint Paul interpelle le Juif qui se repose sur la loi, qui croit posséder dans la loi la règle de la science et de la vérité, qui se flatte d’être capable de conduire les autres, grâce à la loi, et qui cependant ne sait pas lui-même observer la loi. Rom., ii, 17-20. — 3. En réalité, « la loi n’a rien amené à l’état parfait. » Heb., vii, ’19. Elle n’a fait que donner plus de force au péché, I Cor., xv, 56, en multipliant les occasions de transgression. Israël, même en la pratiquant, n’a pu parvenir à la justice. Rom., ix, 31. C’est pourquoi saint Paul le déclare à plusieurs reprises : pas de justification possible par les œuvres de la loi de Moïse. Act., xiii, 38 ; Rom., iii, 20 ; Gal., ii, 16. Voir Justification, t. iii, col. 1877, 1878. — 4. Comme le salut ne peut venir aux hommes que par Jésus-Christ, Act., iv, 12, et que la justice qui sauve n’est possible que par la foi en Jésus-Christ, Rom., iii, 22, il reste à conclure que la loi mosaïque, impuissante par elle-même à sauver les âmes, ne pouvait que les disposer au salut, en leur révélant le vrai Dieu et en leur faisant espérer le Messie, dont la grâce agissait à l’avance sur leurs âmes. C’est cette grâce qui, en vue des mérites futurs de la rédemption, les aidait à pratiquer la vertu, à se repentir de