Évangile d’une grand’mère/Texte entier

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ÉVANGILE

D’UNE GRAND’MÈRE






imprimerie générale de ch. lahure

Rue de Fleurus, 9, à Paris




Jésus au milieu des enfants
Jésus au milieu des enfants




ÉVANGILE


D’UNE GRAND’MÈRE


PAR
MME LA COMTESSE DE SÉGUR
NÉE ROSTOPCHINE


APPROUVÉ


PAR S. É. LE CARDINAL ARCHEVÊQUE DE BORDEAUX
ET PAR NN. SS. LES ARCHEVÊQUES DE SENS, DE BOURGES, ET LES ÉVÊQUES
DE SÉEZ, DE POITIERS, DE NÎMES ET D’ANNECY


ET ILLUSTRÉ


DE 30 GRAVURES SUR BOIS
D’APRÈS LES DESSINS DE SCHNORR


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DEUXIÈME ÉDITION


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PARIS
LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET CIE
BOULEVARD SAINT-GERMAIN, No 77


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1867
Droits de propriété et de traduction réservés




APPROBATIONS.


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APPROBATION
DE
SON ÉMINENCE LE CARDINAL DONNET,
ARCHEVÊQUE DE BORDEAUX.



Madame la Comtesse,

Sous le rapport de l’instruction dont l’enfance est susceptible, rien ne paraît négligé par le gouvernement. Pourrions-nous en dire autant de l’éducation religieuse et morale ? Combien l’intérieur des familles qui devrait façonner le cœur de l’enfant en lui imprimant l’amour de Dieu, ne laisse-t-il pas à désirer ? N’est-ce pas en prononçant souvent son adorable nom que la mère d’Augustin lui apprit de bonne heure à l’entourer de son respect et prépara cet avenir si glorieux pour l’Église ? Souvent, il faut en convenir, des parents bien intentionnés ignorent la marche à suivre pour former des chrétiens au sein du foyer domestique et se voient condamnés à confier à d’autres ce soin dont ils eussent dû tout d’abord se charger ; car l’école ne doit être que le prolongement de la vie de famille.

Votre expérience, madame, et votre foi plus encore, vous ont inspiré de leur venir en aide en donnant sous le titre modeste de l’Évangile d’une grand’mère, le récit des actions et des paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ expliquées avec autant de charme que de solidité aux jeunes intelligences que vous vous proposez d’atteindre.

C’est un traité complet de la religion dans lequel je n’ai trouvé, après l’avoir lu attentivement dans une de mes visites pastorales, que le véritable esprit de l’Église et de très-gracieux développements.

Je dirai même que cet Évangile d’une grand’mère apparaît fort à propos à la suite des réfutations du moderne arianisme publiées par les évêques et par de savants et consciencieux publicistes. Ceux-ci parlaient aux érudits ; mais vous vous adressez au jeune âge que vous aimez d’un amour si vrai et si intelligent ; vous lui donnez comme un abrégé de l’histoire du monde et un cours de morale montrant la réalité à côté des figures et l’accomplissement à la suite des prophéties.

Vous cherchez aussi, madame, à parler aux yeux de l’enfant par ces gravures ou images qui représenteront les faits dont le souvenir ne s’effacera jamais de sa mémoire.

Je désire que l’Évangile d’une grand’mère reçoive l’hospitalité dans toutes les familles et dans toutes les écoles, c’est assez vous dire, madame, l’approbation que je donne à votre travail et le vœu que je forme à l’instar du grand apôtre : Que celui qui vous a inspiré l’amour du bien, l’achève, le consolide et le perfectionne.

J’ai l’honneur d’être avec respect et dévouement, madame la Comtesse, votre très-humble et obéissant serviteur,

† FERDINAND, card. DONNET, archevêque de Bordeaux.

Bordeaux, le 5 novembre 1865.


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APPROBATION
DE SA GRANDEUR MGR L’ARCHEVÊQUE DE SENS.


Nous, archevêque de Sens, évêque d’Auxerre, avons fait examiner l’ouvrage ayant pour titre l’Évangile d’une grand’mère, et sur le rapport de l’examinateur, nous l’approuvons très-volontiers et nous en recommandons la lecture aux enfants de nos familles chrétiennes. Ils y trouveront les quatre Évangiles fondus ensemble et racontés avec beaucoup de simplicité, de charme et d’intérêt.

Les passages difficiles du texte sacré, les termes obscurs, les enseignements les plus relevés se trouvent admirablement éclaircis et mis à la portée de leur intelligence et de leur cœur.

Les questions naïves que chacun des petits enfants multiplie selon son âge et son caractère, les réponses nettes, affectueuses de la grand’mère jettent sur le récit une lumière suffisante et le remplissent d’animation ; il y a déjà là tous les germes d’une explication plus complète de la doctrine chrétienne si peu connue et si mal comprise de nos jours.

Donné à Sens, le 7 novembre de l’an 1865.

† M. S. archevêque de Sens, évêque d’Auxerre,


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APPROBATION DE MGR L’ARCHEVÊQUE DE BOURGES.


Madame la Comtesse,

Je viens de parcourir moi-même votre Évangile d’une grand’mère. Vous le destinez aux enfants de huit à douze ans, et sous une forme familière qui saisit plus vivement leur jeune attention, vous vous proposez de leur faire connaître et aimer notre Seigneur Jésus-Christ. Vous avez pleinement atteint ce but, madame la Comtesse ; votre récit attache, instruit, touche. Vous parlez avec le cœur d’une grand’mère et vous allez aux cœurs des enfants ; on sent à chaque page que vous les connaissez, que vous les aimez, que vous leur voulez du bien. Avec la bénédiction de Dieu, votre livre fera son chemin, c’est-à-dire qu’il répondra à vos pieux et maternels désirs. Puisse-t-il devenir l’Évangile de tous les enfants ! c’est mon vœu bien sincère. Permettez-moi d’y joindre, madame la Comtesse, mes félicitations empressées et l’hommage de mon bien respectueux dévouement en Notre-Seigneur.

† T. A. archevêque de Bourges.


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APPROBATION DE MGR L’ÉVÊQUE DE SÉEZ.



Madame la Comtesse,

Je vous remercie du nouvel ouvrage dont vous venez d’enrichir les familles chrétiennes. J’ai lu moi-même et j’ai fait lire par un théologien l’Évangile d’une grand’mère; cet excellent livre nous paraît éminemment propre à faire connaître Notre-Seigneur aux jeunes enfants et à le leur faire aimer.

Veuillez agréer, madame la Comtesse, avec mes remercîments et mes félicitations, l’hommage de mes sentiments profondément respectueux et dévoués.

Ch. FRÉD., évêque de Séez.
Séez, le 9 novembre 1863.


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APPROBATION DE MGR L’ÉVÊQUE DE POITIERS.


Madame la Comtesse,

J’ai lu avec infiniment de plaisir l’Évangile d’une grand’mère. Je fais des vœux pour que vous ne tardiez point à publier ce livre, et que vous étendiez ainsi à des milliers de familles un travail qui ne doit pas profiter seulement à la vôtre.

Votre talent de raconter aux enfants, déjà si connu et si admiré ne s’est jamais exercé avec plus de succès que dans ce récit. C’est simple, clair, pieux et approprié à l’esprit de votre jeune auditoire.

En vous adressant mes félicitations et mes compliments d’évêque, je me fais le garant et l’interprète de la reconnaissance d’une foule de mères et de grand’mères qui vous béniront ainsi que moi de leur avoir facilité leur plus sainte et leur plus noble tâche.

Le premier rayonnement intellectuel du baptême consiste dans la connaissance de ce Jésus auquel l’âme est vouée par l’acte de la régénération. Ainsi, après la grâce du sacrement, la plus désirable est celle de l’initiation. Votre livre, madame, aidera la famille chrétienne à remplir auprès des petits baptisés « l’œuvre d’évangéliste, » et il contribuera puissamment à faire jaillir de leurs cœurs et de leurs lèvres cet acte précoce de foi qui doit accompagner le premier éveil de la raison. Votre dévouement à l’enfance ne saurait obtenir un plus beau triomphe ni une plus douce récompense.

Agréez la nouvelle assurance du respectueux dévouement avec lequel j’ai l’honneur d’être, madame la Comtesse, votre très-humble et obéissant serviteur,

† L. E., évêque de Poitiers.


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APPROBATION DE MGR L’ÉVÊQUE DE NIMES.


Madame la Comtesse,

Les extrémités de la vie se touchent par les intimités les plus affectueuses. On voit les petits enfants aimer leur grand’mère d’un amour privilégié ; à leur tour les grand’mères chérissent leurs petits-enfants avec une tendresse qui semble vouloir dépasser même l’amour maternel. C’est à cette douce pente que vous avez obéi en composant votre explication de l’Évangile, et je me plais à vous le dire, le cœur vous a bien inspirée par l’idée de mettre l’Évangile, c’est-à-dire le plus beau, mais aussi le plus simple et le plus naïf des livres à la portée de pauvres petites intelligences s’ouvrant à peine à la raison comme à la foi, vous êtes heureusement entrée dans l’esprit du bon Maître qui disait : Laissez venir à moi les petits enfants. Le développement de l’ouvrage est digne de l’intention générale qui l’a dicté. Tout m’a paru juste et vrai dans l’interprétation du texte sacré. Votre sagesse en a fait jaillir sans effort des leçons pleines de grâce, d’à-propos et d’utilité pour votre jeune auditoire ; on dirait que pour lui être accessibles, les hauteurs de Dieu s’abaissent sous votre main par une sorte de condescendance. L’Évangile, au fond, ne perd rien de son éclat ; mais vous tempérez ses clartés suprêmes afin qu’elles n’éblouissent pas des yeux encore peu faits pour en supporter la pleine lumière. Enfin il n’est pas jusqu’à la forme dramatique à laquelle vous vous attachez, qui ne soit elle-même une nouvelle source d’intérêt, parce qu’aux doux attraits du récit évangélique, considéré en lui-même, elle unit tout le charme d’une conversation de famille.

À tous ces titres, madame la Comtesse, j’approuve votre livre autant que je peux approuver un écrit qui n’a été ni composé ni imprimé dans mon diocèse, et je prie Dieu de le bénir avec abondance, c’est-à-dire à la mesure de son mérite propre et des pieux désirs de votre cœur si profondément chrétien.

Daignez agréer, madame la Comtesse, l’hommage de mon dévouement et de mon respect.

HENRI, évêque de Nîmes.


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APPROBATION DE MGR L’ÉVÊQUE D’ANNECY.


C’est le privilège de l’Évangile d’être le livre de tous, des simples et des savants, des grands et des petits. Le divin Sauveur, en l’enseignant dans une noble et sublime simplicité, témoigne de sa volonté de le rendre accessible, même aux enfants, qu’il aime d’un amour de prédilection.

Cette charité du bon Pasteur vient d’inspirer au cœur et à l’intelligence d’une mère de puiser à cette source divine, pour la jeune et heureuse famille, qui est l’objet de sa tendresse.

Sous le titre de l’Évangile d’une grand’mère, elle lui raconte les faits et les paraboles du texte sacré, et elle en fait jaillir avec abondance la lumière et la vie.

Nous avons parcouru avec un véritable charme cet admirable ouvrage, et nous emportons de notre lecture trop rapide la douce conviction que de grandes personnes et de grands esprits aimeront à se faire petits avec ceux auxquels il s’adresse. Ils aimeront comme eux goûter l’attrait d’un récit fait avec une exquise simplicité, pour mieux laisser la doctrine divine, dont il est l’expression, briller de tout son éclat.

Nous approuvons cet ouvrage pour notre diocèse, et nous faisons des vœux pour qu’il se répande dans les familles chrétiennes.

Annecy, le 7 novembre 1865.

C. MARIE, évêque d’Annecy.






À MES CHERS PETITS-ENFANTS

PIERRE, HENRI, MARIE-THÉRÈSE DE SÉGUR
VALENTINE, LOUIS, MATHILDE DE SÉGUR-LAMOIGNON
CAMILLE, MADELEINE, LOUIS, GASTON DE MALARET
ÉLISABETH, SABINE, HENRIETTE, ARMAND FRESNEAU
JACQUES, JEANNE, MARGUERITE, PAUL ET FRANÇOISE
DE PITRAY

À vous tous, très-chers enfants, je dédie cet ouvrage. Deux d’entre vous ont déjà quitté ce monde et vivent de la vie éternelle. À ces deux chères petites âmes, je demande de bénir ce livre et de le rendre utile et profitable à vous, chers enfants, qui pouvez en profiter. En le lisant, pensez à votre Grand’mère qui vous aime si tendrement et si profondément.

Comtesse DE SÉGUR,
Née Rostopchine.xx






ÉVANGILE

D’UNE GRAND’MÈRE




PERSONNAGES.


     La Grand’mère, 65 ans.

     Camille, 17 ans.

     Madeleine, 15 ans.

     Élisabeth, 13 ans.

     Pierre, 12 ans.

     Henri, 9 ans.

     Louis, 8 ans.

     Jacques, 8 ans.

     Henriette, 7 ans.

     Jeanne, 6 ans.

     Valentine, 6 ans.

     Marie-Thérèse, 6 ans.

     Armand, 4 ans.

     Louis (dit Petit-Louis), 4 ans.

Les enfants réunis jouent et s’amusent dans une grande salle d’étude.






« Élisabeth, Élisabeth, s’écria joyeusement Henriette à sa sœur, qui entrait avec Camille, Madeleine et Pierre, tu sais que Grand’mère nous a promis de nous raconter l’Évangile. Elle va venir. »

Armand. Qu’est-ce que c’est, l’Évangile ?

Henriette. C’est la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Armand. Qu’est-ce que c’est, Jésus-Christ ?

Henriette. Tu ne sais rien, toi ! Moi, qui n’ai que sept ans, je sais que Jésus-Christ c’est le Fils de Dieu.

Petit-Louis. Comment ! le bon Dieu a un fils !

Henriette. Certainement, puisque Jésus-Christ est son fils.

Camille. Henriette a raison. Notre-Seigneur Jésus-Christ est bien réellement le Fils de Dieu, comme vous l’expliquera tout à l’heure Grand’mère. Et l’Évangile est le récit des actions et des paroles de Notre-Seigneur pendant qu’il a été dans ce monde. Mais voilà Grand’mère ; arrangeons-lui son fauteuil, sa table, pour qu’elle soit commodément placée. (Grand’mère entre ; tous les enfants courent à elle et l’embrassent.)

Grand’mère. Bonjour, chers enfants ; je viens vous raconter la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et je tâcherai de vous faire bien comprendre que Jésus-Christ est le Fils de Dieu et Dieu lui-même, et qu’il s’est fait homme comme nous, par amour pour nous, pour expier nos péchés et pour nous sauver de l’enfer ; mais si je dis des choses que vous ne compreniez pas, il faudra m’interrompre et en demander l’explication.

Les Enfants, ensemble. Oui, oui, Grand’mère ; commençons, commençons vite.

Grand’mère. Avant de commencer, mes enfants, il faut faire partir les petits, qui ne comprendraient rien et qui s’ennuieraient, et puis donner aux grands la permission de s’en aller ; c’est trop enfant pour eux.

Camille. Oh non ! Grand’mère, je vous en prie, laissez-moi écouter ; ce ne sera pas trop enfant, je vous assure !

Grand’mère. Reste si tu veux, chère petite ; c’est dans ton intérêt que je le disais. Et toi, Madeleine ! et toi, Élisabeth ! et toi, Pierre !

Élisabeth, Madeleine et Pierre. Moi aussi, moi aussi, Grand’mère.

Grand’mère. Bon ! À présent, faisons partir les petits. D’abord Paul, Gaston et Françoise vont s’en aller ! Armand et Petit-Louis, quatre ans, c’est bien jeune. Allez, mes petits chéris, allez jouer avec vos bonnes dans le jardin.

Armand. Oh non ! non ! Ça m’amusera beaucoup ; je voudrais rester avec vous, Grand’mère.

Petit-Louis. Moi aussi, je veux rester avec les autres, comme Armand. Je serai bien sage : je ne bougerai pas.

Grand’mère. Allons, je veux bien. Seulement, si vous vous ennuyez, vous vous en irez.

Camille. Tenez, Grand’mère, voici votre fauteuil.

Madeleine. Et un tabouret sous vos pieds.

Élisabeth. Et une petite table avec un verre d’eau sucrée.

(La Grand’mère les embrasse, s’assied. Les enfants se placent tous en demi-cercle devant elle.)




I

LES JUIFS.



Grand’mère. Vous savez, mes enfants, ce que c’est que les Juifs ?

Henriette. Oui, oui, Grand’mère : Juifs ou Israélites.

Armand. Mais, je ne sais pas, moi. Je veux savoir.

Henriette. Ah bien ! tu es ennuyeux ! On te dira après.

Henri. Si tu interromps, on te chassera.

Armand. Je ne dirai plus rien. Je ne veux pas qu’on me chasse.

Grand’mère. Non, mon pauvre petit, on ne te chassera pas. Mais, il ne faudra pas interrompre à chaque mot.

Les Juifs étaient un peuple que le bon Dieu protégeait tout particulièrement, auquel il avait fait savoir par ses serviteurs, les Prophètes, qu’il enverrait son Fils Jésus, qui devait être de leur nation, pour vaincre le démon, leur grand ennemi. Ces Juifs, qui auraient dû être si bons, puisqu’ils étaient le peuple choisi par le bon Dieu, étaient très-souvent méchants ; ils refusaient d’obéir aux chefs que leur donnait le bon Dieu, ils refusaient même de le prier et de l’honorer. Mais Dieu est si bon, si bon, qu’il pardonne toujours quand on se repent ; aussi, dès que les Juifs se repentaient et demandaient pardon, Dieu leur pardonnait.

Louis. Et ils recommençaient ?

Grand’mère. Ils recommençaient toujours. Dieu leur avait donné un très-beau pays qui s’appelait la Terre-Sainte ou la Judée, et qu’on appela plus tard la Palestine ; ils vivaient là et ils attendaient ce Sauveur, Fils de Dieu, que les Prophètes leur avaient annoncé depuis bien des siècles. Ils croyaient que le Fils de Dieu viendrait dans une grande gloire, comme le plus puissant, le plus riche des Rois, qu’il aurait une suite nombreuse, des richesses immenses.

Pendant qu’ils attendaient, qu’ils étudiaient les livres des Prophètes, qu’ils se disputaient entre eux pour savoir quand le Fils de Dieu apparaîtrait dans le monde, Jésus, le Fils de Dieu, Notre-Seigneur et Maître tout-puissant, était réellement près de venir sur la terre ; voici comment :

II

L’ANNONCIATION.
l’ange gabriel annonce à marie la naissance de jésus.



Une jeune fille de quinze ans, nommée Marie, fille de deux fidèles serviteurs de Dieu, Joachim et Anne, qui descendaient du Roi David, ancien Roi des Juifs, était mariée avec Joseph, son cousin, qui descendait aussi du Roi David. Marie était la plus belle, la plus sage, la plus excellente des créatures. Un jour qu’elle priait le bon Dieu, dans sa maison de Nazareth, elle vit tout d’un coup devant elle un Ange tout resplendissant de lumière ; c’était l’Ange Gabriel. Il lui dit :

« Je vous salue, ô Marie pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes. »

Marie se troubla en l’entendant parler ainsi, parce qu’elle était très-humble, qu’elle ne pensait jamais de bien d’elle-même, et qu’elle ne croyait pas avoir mérité d’être la femme bénie entre toutes les femmes, c’est-à-dire la Mère du Fils de Dieu qui devait venir pour sauver le monde ; elle cherchait en elle-même ce que voulait dire ce salut. L’Ange lui dit :

« Ne craignez pas, Marie, parce que vous avez trouvé grâce devant le Seigneur ; et il m’envoie vers vous, pour vous dire que vous aurez un fils ; vous l’appellerez Jésus. Il sera grand et il sera le Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu le fera régner éternellement sur les hommes ; et son règne n’aura pas de fin. »

Alors, Marie dit à l’Ange : « Comment cela se fera-t-il ? »

L’Ange lui répondit : « Le Saint-Esprit descendra sur vous, et le Très-Haut vous couvrira de son ombre. Voilà pourquoi le fils qui naîtra de vous sera appelé le fils de Dieu. Et voici qu’Élisabeth, votre cousine, va aussi avoir un fils, dans sa vieillesse. On riait d’elle, en l’appelant stérile ; Dieu a voulu faire voir que rien ne lui était impossible, et, dans trois mois, Élisabeth mettra au monde un fils. »

Et Marie dit alors : « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole. »

Et l’Ange la quitta.

Valentine. Grand’mère, pourquoi l’Ange a-t-il dit qu’on se moquait d’Élisabeth parce qu’elle était stérile ? Qu’est-ce que c’est, stérile ?

Grand’mère. Stérile veut dire : qui n’a jamais eu d’enfant. Chez les Juifs, c’était une honte, comme une malédiction de Dieu, de ne pas avoir d’enfants.

Valentine. Pourquoi cela ?

Grand’mère. Parce que tous les Juifs espéraient que Jésus, le Messie promis par Dieu pour délivrer les hommes du démon, naîtrait dans leur famille ; et quand on n’avait pas d’enfants, on ne pouvait plus conserver cette espérance.

Valentine. Ah ! oui, je comprends.

Henriette. Et pourquoi l’Ange a-t-il dit que Jésus serait grand ? Comment serait-il grand ?

Grand’mère. L’Ange a voulu dire qu’il serait grand en sainteté et en puissance.

Louis. Comment donc l’Ange Gabriel a-t-il dit que Jésus régnerait toujours, puisqu’il n’a pas régné du tout et qu’il ne règne pas encore.

Grand’mère. L’Ange parlait du règne religieux, spirituel, de Jésus sur le monde entier. Le royaume de Jésus-Christ, c’est l’Église. Le Pape et les Évêques, pasteurs de cette Église, travaillent depuis dix-huit cents ans à étendre par toute la terre le règne de Jésus-Christ. Notre-Seigneur est remonté au Ciel, où il est encore, où il sera toujours, où il règne sur tous les hommes, et où il récompense les bons et punit les méchants.

Armand. Je voudrais bien voir le bon Dieu, Grand’mère.

Grand’mère. Tu ne pourras pas voir le bon Dieu, tant que tu seras vivant dans ce monde, mon cher petit. Après notre mort, nous monterons au Ciel, et nous verrons Dieu, la Sainte Vierge et les Anges.

Armand. Oh ! pourquoi pas à présent ?

Grand’mère. Parce que le bon Dieu ne le veut pas.

Armand. Mais pourquoi ?

Grand’mère. Parce que le bon Dieu ne veut pas que nous comprenions tout et que nous sachions tout, pendant que nous vivons dans ce monde ; ce sera notre récompense après notre mort, si nous sommes bons et sages, et si nous obéissons aux commandements du bon Dieu.

Henriette. Voyons, Armand, tais-toi ; tu empêches Grand’mère de raconter.

Grand’mère. Il faut bien qu’il demande ce qu’il ne comprend pas. À présent, je vais vous raconter ce qu’on appelle la Visitation, c’est-à-dire la visite de la sainte Vierge Marie à sa cousine Élisabeth, femme de Zacharie, prêtre dans le temple de Jérusalem.

Jeanne. Qu’est-ce que c’est qu’un temple ?

Grand’mère. Les temples étaient pour les Juifs ce que sont les églises pour nous ; c’était la maison du Seigneur où on gardait les commandements de Dieu écrits sur des tablettes en pierre qu’on appelait les Tables de la Loi. C’est là que les prêtres conservaient les choses saintes et que les Juifs s’assemblaient pour offrir les sacrifices.


III

LA VISITATION.



Zacharie était un prêtre juif ; il était vieux, sa femme Élisabeth était vieille aussi ; elle avait déjà quatre-vingts ans passés ; ils n’avaient jamais eu d’enfants, ce qui les affligeait beaucoup.

Henri. Les prêtres juifs avaient donc des femmes ?

Grand’mère. Oui, les prêtres juifs avaient des femmes, parce que la loi ancienne n’était pas aussi parfaite que la nôtre et n’exigeait pas des prêtres un dévouement si absolu. Nos prêtres n’ont pas de femmes, afin de se dévouer tout entiers au service de Dieu, au salut des âmes, au soulagement des pauvres et à l’instruction religieuse des enfants.

Un jour Zacharie entra dans le Temple pour offrir de l’encens au Seigneur devant l’autel dans le sanctuaire. Tout le peuple se tenait dehors et priait ; les prêtres seuls avaient le droit d’entrer dans cette partie du Temple. Pendant que Zacharie offrait et brûlait de l’encens, il vit un Ange debout à la droite de l’autel. Zacharie se troubla et fut saisi de frayeur, car il vit bien que c’était un Ange.

Mais l’Ange lui dit :

« Ne crains pas, Zacharie, car ta prière a été exaucée et ta femme Élisabeth aura un fils, que tu appelleras Jean. Tu en seras dans la joie et plusieurs se réjouiront de sa naissance. Il sera rempli du Saint-Esprit dès sa venue en ce monde et il convertira beaucoup de gens. »

Zacharie, ne pouvant croire à la parole de l’Ange, lui demanda :

« Comment saurai-je que ce que vous dites doit arriver, car ma femme est bien avancée en âge ? »

L’Ange lui répondit :

« Je suis Gabriel, l’Ange du Seigneur, toujours présent devant Dieu, et c’est pour apporter cette heureuse nouvelle, que Dieu m’a envoyé vers toi. Et parce que tu n’as pas cru à ma parole qui s’accomplira au temps marqué par le Seigneur, tu vas devenir muet et tu resteras muet jusqu’à ce que ces choses arrivent. » Et l’Ange disparut.

Zacharie sortit du Temple ; le peuple le questionnait sur la cause de leur longue attente, et il ne pouvait répondre ; car il était muet. Quelque temps après, il s’aperçut qu’Élisabeth aurait bientôt un fils selon la parole de l’Ange ; Élisabeth s’en réjouissait et remerciait Dieu de l’avoir tirée de l’humiliation où elle vivait devant les hommes à cause de sa stérilité.

Pendant qu’elle bénissait Dieu d’avoir bientôt un fils, la sainte Vierge Marie demanda à Joseph, son époux, de la mener chez sa sainte cousine Élisabeth. Joseph y ayant consenti, ils se mirent en route à pied et traversèrent la Judée pour arriver à la ville d’Hébron, où demeuraient Zacharie et Élisabeth.

Lorsque Marie entra dans la maison, elle salua sa cousine. Aussitôt qu’Élisabeth eut entendu la voix de Marie, elle fut remplie du Saint-Esprit, qui lui fit voir que Marie était la Mère du Fils de Dieu ; elle s’écria :

« Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de vos entrailles est béni ! D’où me vient cet honneur que la Mère de mon Seigneur soit venue jusqu’à moi ? »

Alors Marie dit ce beau cantique qu’on appelle Magnificat, qui se chante à l’église à la fin des vêpres.

Marie demeura environ trois mois avec sa cousine Élisabeth, puis elle retourna dans sa maison, à Nazareth.


IV

NAISSANCE DE SAINT JEAN.



Au temps qu’avait prédit l’Ange Gabriel, Élisabeth eut un fils que tout le monde venait voir : et on félicitait Élisabeth du bonheur que lui avait envoyé le Seigneur Dieu.


Naissance de saint Jean.
Naissance de saint Jean.



Le huitième jour ; les prêtres voulurent circoncire l’enfant.

Henri. Qu’est-ce que c’est, circoncire ?

Grand’mère. La circoncision était, chez les Juifs, une cérémonie un peu comme le baptême chez nous autres chrétiens ; la circoncision était la marque religieuse du peuple juif, elle était pour eux ce qu’est pour nous le baptême.

Les prêtres voulurent donc circoncire l’enfant, et ils voulurent l’appeler Zacharie, comme son père. Mais Élisabeth leur dit :

« Non, il s’appellera Jean.

— Mais il n’y a personne dans votre famille qui s’appelle Jean, » lui répondirent-ils.

En hébreu, Jean signifiait plein de grâce.

Comme Élisabeth insistait, ils dirent au père de leur faire savoir comment il fallait l’appeler. Et Zacharie, prenant des tablettes écrivit : « Jean est le nom qu’il doit avoir. »

Ce qui surprit tout le monde. Au même instant, la langue de Zacharie se délia miraculeusement et il se mit à parler et à bénir le Seigneur. Toutes les personnes présentes et tous les gens du voisinage furent saisis d’admiration. Tout le monde voulut venir voir cet enfant dont la naissance avait causé des choses si merveilleuses ; et chacun disait en le regardant avec attention :

« Que pensez-vous que sera cet enfant ? Il est certainement protégé par la main du Seigneur. »

Et le petit Jean grandissait, se fortifiait, et il avait une sagesse extraordinaire. Mais ses parents furent obligés de le cacher dans le désert, de peur que le méchant Roi Hérode, qui régnait alors en Judée, ne le fît mourir.

Marie-Thérèse. Qu’est-ce que c’est, un désert ?

Grand’mère. Un désert est un pays affreux, qu’on ne peut pas habiter parce que rien n’y pousse et que les animaux sauvages seuls peuvent y vivre.

Marie-Thérèse. Et comment le pauvre petit Jean y vivait-il ?

Grand’mère. Sa mère Élisabeth venait le soigner et lui apporter à manger, et puis les Anges en avaient soin parce que ce petit enfant était choisi par Dieu pour être le Précurseur, c’est-à-dire pour annoncer Jésus le Sauveur.

Jeanne. Mais pourquoi le méchant Hérode voulait-il faire mourir un pauvre petit si bon et si sage ?

Grand’mère. Je vous raconterai cela demain, mes enfants ; vous en avez assez pour aujourd’hui.

Les enfants auraient bien voulu que leur Grand’mère continuât, mais elle leur dit qu’il ne fallait pas apprendre trop de choses à la fois, de peur d’oublier tout. « C’est comme une indigestion, ajouta-t-elle ; quand on mange trop, on rend tout ce qu’on a pris, il n’en reste rien pour l’estomac. Il en est de même pour la mémoire ; quand on lui en donne trop, elle rejette tout et ne garde plus rien. Et c’est ce qu’on appelle en plaisantant, une indigestion de l’esprit. »



V

NAISSANCE DE JÉSUS.
ADORATION DES BERGERS.



Le lendemain, la grand’mère trouva tous les enfants rassemblés quelque temps avant l’heure, tant ils étaient impatients de savoir ce qui allait arriver. Ils se placèrent devant elle comme la veille ; elle commença :

Peu de temps avant la naissance de Jésus, César-Auguste, Empereur de Rome et maître de la Judée, ordonna qu’on fit le compte de tous les habitants des terres qui lui étaient soumises. Cyrinus, gouverneur de la Syrie, fit pour la Judée ce compte qu’on appelle dénombrement. Joseph vivait à Nazareth, ville de la Galilée ; quand il apprit l’ordre donné par César, il fut obligé d’aller se faire inscrire à Bethléem, petite ville de la Judée, près de Jérusalem, éloignée de vingt-cinq lieues de Nazareth ; c’était la patrie du Roi David et de sa famille. Il partit donc avec Marie son épouse ; le voyage fut long. Marie était fatiguée, et quand ils arrivèrent à Bethléem, ils ne trouvèrent pas de logement, parce que ce dénombrement avait fait venir beaucoup de monde dans la ville.

Ne sachant où il pourrait loger Marie, Joseph sortit de la ville, et il trouva près des portes une grotte profonde qui servait d’étable à des vaches et à des ânes. Le Roi David s’y était reposé souvent quand il était berger, car c’était là qu’il gardait ses troupeaux. Joseph arrangea dans cette étable une couche de paille pour Marie, et c’est là, dans cette étable, que Jésus vint au monde.

Il y avait dans les environs, des bergers qui gardaient les troupeaux dans la campagne de Bethléem comme au temps du Roi David, et qui veillaient chacun à leur tour, pour qu’on ne volât pas leurs troupeaux.

Tout à coup, au milieu de la nuit, vers minuit, un Ange du Seigneur leur apparut ; et ils furent enveloppés d’une lumière éblouissante, ce qui leur causa une grande frayeur. Mais l’Ange leur dit :

« Ne craignez point, car je viens vous annoncer une nouvelle qui sera pour tous une grande joie. Dans Bethléem, la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. Voici à quoi vous le reconnaîtrez. Vous trouverez dans une étable un enfant enveloppé de langes et couché dans une Crèche. »

Valentine. Qu’est-ce que c’est, une crèche ?

Grand’mère. Une crèche est l’espèce de mangeoire dans laquelle on donne à manger aux bêtes de l’étable.

Jeanne. Mais le pauvre petit enfant devait être très-mal là dedans ?

Grand’mère. Oui, il était très-durement et très-mal, mais il a voulu que ce fût ainsi.

Jacques. Comment le bon Dieu, qui était son Père, qui a tout ce qu’il veut, ne lui a-t-il pas donné un beau petit lit bien chaud, dans une chambre bien jolie, au lieu de le laisser dans une vilaine crèche et dans une sale étable ?


Naissance de Jésus.
Naissance de Jésus.



Grand’mère. Parce que l’enfant Jésus a voulu nous faire voir par son exemple qu’il ne faut pas aimer et désirer les richesses de ce monde, et qu’on doit aimer les privations et les humiliations.

Petit-Louis. Je ne veux pas coucher dans une crèche, moi, ni dans une étable.

Grand’mère. On n’est pas obligé de coucher dans une crèche ni dans une étable, mais tout le monde est obligé de ne pas être douillet ni délicat et de ne pas trop aimer ses aises.

Henriette. Écoute, Loulou, va dans une crèche puisque le petit Jésus y a été ; tu sais bien qu’il faut l’imiter.

Petit-Louis. Et toi ?

Henriette. Non, moi pas ; je resterai avec papa et maman.

Petit-Louis. Tiens ! pourquoi cela ?

Henriette. Pour qu’ils ne soient pas seuls.

Grand’mère. Ce n’est pas gentil cela ! tu veux envoyer le pauvre Louis dans une étable, et toi tu ne veux pas y aller ; pas du tout pour que ta maman et ton papa ne soient pas seuls, mais parce que tu crains d’être mal dans l’étable.

Henriette rougit, ne répond pas et embrasse Louis, qui lui donne un petit coup de poing.

Grand’mère. Voyons, mes enfants, ne vous disputez pas et laissez-moi continuer.

L’Ange dit aux bergers comment ils reconnaîtraient le Sauveur, le Christ, le Seigneur. Au même moment, une troupe nombreuse d’Anges se joignit à celui qui parlait aux bergers ; et ils chantaient tous admirablement : « Gloire à Dieu au plus haut des Cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. »

Au bout de quelque temps, les Anges quittèrent les bergers, et les bergers se dirent les uns aux autres : « Allons à Bethléem ; allons voir ce qui est arrivé, et ce que le Seigneur vient de nous faire annoncer par ses anges. »

Ils se dépêchèrent donc d’y aller et ils trouvèrent dans l’étable Joseph et Marie, avec l’enfant Jésus enveloppé dans des langes et couché dans une crèche. En le voyant, ils l’adorèrent, et ils reconnurent la vérité de ce que leur avait dit l’Ange. Et tous ceux auxquels ils le racontèrent, admiraient ce que leur disaient les bergers.

Et Marie conservait le souvenir de ces choses et adorait Jésus dans son cœur.

Au bout de huit jours, il fallut que Joseph fît circoncire l’enfant, auquel il donna le nom de Jésus, comme l’avait commandé l’Ange Gabriel à Marie.


VI

LES ROIS MAGES.



Peu de temps après, on vint dire au Roi Hérode, qui régnait à Jérusalem, que des Rois Mages qui arrivaient de très-loin voulaient le voir et qu’ils demandaient : « Où est le Roi des Juifs qui vient de naître, car nous avons vu son étoile en Orient et nous venons à Jérusalem pour l’adorer ? »

Hérode fut très-effrayé de ce qu’on lui disait, parce qu’il craignait qu’un Roi plus puissant que lui ne vînt lui enlever son Royaume. Et toute la ville de Jérusalem eut peur aussi. Hérode fit venir les Rois Mages, leur parla, les questionna, et il sut que le Roi dont parlaient les Mages était le Christ, le Fils de Dieu que les Juifs attendaient d’après les livres des Prophètes. Alors Hérode fit venir les savants, Princes des prêtres et docteurs du peuple, et il leur demanda où le Christ devait naître.

Ils lui répondirent : « À Bethléem, ville de Juda. »

Hérode emmena les Mages chez lui, leur fit beaucoup de questions sur l’étoile qu’ils avaient vue. Ils lui racontèrent que des Anges leur étaient apparus, qu’ils leur avaient annoncé la naissance du Roi des Juifs, le Christ, le Messie promis, le Fils de Dieu, et leur avait ordonné d’aller l’adorer ; qu’ils allaient se mettre en route sans savoir où ils devaient aller, mais qu’au moment de partir, une étoile, plus grosse et plus brillante que toutes les étoiles du ciel, se montra à eux et se mit à avancer devant eux ; elle s’arrêtait quand ils s’arrêtaient et avançait quand ils marchaient ; cette étoile avait disparu quand ils étaient entrés à Jérusalem, et c’est pourquoi ils avaient demandé à voir le Roi des Juifs que leur avaient désigné les Anges.

Hérode les remercia, leur dit d’aller à Bethléem, car c’était là que devait naître le Messie, le Christ, pour sauver tous les hommes, en les délivrant du démon.

« Allez, leur dit le Roi Hérode, informez-vous à Bethléem de cet enfant, et quand vous l’aurez trouvé, revenez me le faire savoir, pour que moi aussi j’aille l’adorer. »

Les Rois Mages le lui promirent et se remirent en route ; aussitôt, leur étoile reparut, ce qui leur causa une grande joie ; et l’étoile marcha devant eux, jusqu’à ce qu’étant arrivée à la grotte où était l’Enfant et Marie sa mère, elle s’arrêta.

Les Mages en furent transportés de joie ; ils entrèrent dans la grotte, et trouvèrent l’Enfant avec Marie sa mère. Et se prosternant devant lui, ils l’adorèrent. Puis, ouvrant les caisses qui étaient sur le dos de leurs chameaux et qui contenaient leurs trésors, ils en tirèrent leurs présents qu’ils lui offrirent ; c’était de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Jacques. Comment l’encens était-il un trésor ? Ce n’est pas du tout un beau présent ; on en brûle ici dans toutes les églises.

Grand’mère. L’encens qu’on brûle chez nous, n’est pas le vrai encens des Juifs ; le nôtre est bien une résine, une espèce de gomme qui coule de certains arbustes, mais il n’a pas l’odeur excellente de l’encens des Juifs et des peuples de l’Asie ; celui-là est rare et coûte fort cher.

Jacques. Mais qu’est-ce que l’Enfant Jésus et la Sainte Vierge pouvaient faire avec l’encens ? Ça ne leur servait a rien.

Grand’mère. C’était un hommage, une marque de respect que leur donnaient les Mages. Ils l’offraient non-seulement comme une chose précieuse, mais parce qu’ils voulaient faire voir par là qu’ils reconnaissaient l’Enfant Jésus pour le vrai Dieu, puisqu’on n’offre de l’encens qu’à Dieu.

Henriette. Et qu’est-ce que c’est que la myrrhe ?

Grand’mère. La myrrhe est un parfum très-précieux et très-amer au goût ; elle signifiait que Jésus devait beaucoup souffrir, faire une pénitence suffisante pour effacer les péchés des hommes et puis mourir pour les sauver. Le bon Dieu avait fait connaître tout cela aux Rois Mages ; ils l’offrirent à Jésus comme un présent fort rare et fort cher.

Après avoir adoré l’Enfant, et après s’être reposés quelque temps, ils repartirent pour retourner dans leur pays, mais un Ange leur apparut en songe et leur ordonna de ne pas aller retrouver le Roi Hérode à Jérusalem, parce qu’il voulait faire mourir l’Enfant Jésus au lieu de l’adorer ; l’Ange leur ordonna de s’en retourner par un autre chemin, et les Mages obéirent. Quand ils furent de retour chez eux, le Roi Hérode les attendait toujours et il s’impatientait de ne pas les voir revenir.


VII

LA PURIFICATION DE LA SAINTE VIERGE.



Après le départ des Mages, le temps arriva où, selon la loi de Moïse, Marie dut aller à Jérusalem pour présenter l’Enfant Jésus au Temple et offrir un sacrifice. Joseph et Marie étaient pauvres ; ils n’offrirent que deux tourterelles ; les gens riches offraient un agneau.

Louis. Pourquoi offrait-on des tourterelles ou des agneaux ? À qui les offrait-on ?

Grand’Mère. On les offrait à Dieu, parce que d’après la loi juive, tous les hommes appartenaient au Seigneur ; et les parents devaient racheter l’enfant, pour pouvoir le garder et l’élever au lieu de le laisser pour le service du Temple ; c’est pourquoi on apportait aux grands prêtres des tourterelles ou un agneau ; le grand prêtre les tuait et les offrait au Seigneur comme un sacrifice qui devait lui être agréable.

Armand. Et ce n’était pas vrai, n’est-ce pas, Grand’mère !

Grand’mère. Si fait ; le bon Dieu aimait ces sacrifices parce qu’on les faisait pour obéir à la loi et que le bon Dieu aime l’obéissance.

Élisabeth. Et pourquoi le bon Dieu avait-il ordonné des sacrifices ? et comment le sang de ces pauvres bêtes pouvait-il lui être agréable ?

Grand’mère. Il ne lui était pas agréable par lui-même ; mais seulement parce qu’il figurait le sacrifice divin de la croix, par lequel Jésus son fils devait nous sauver un jour.

Le jour où la sainte Vierge et son mari Joseph apportèrent l’Enfant Jésus au temple de Jérusalem, il s’y trouvait un vieillard nommé Siméon, qui était un homme juste et obéissant à la loi de Dieu ; le Saint-Esprit lui avait promis qu’il verrait le Christ, le Messie, le Fils de Dieu, avant de mourir. Et lorsque L’Enfant fut apporté dans le Temple, le Saint-Esprit apprit à Siméon que cet enfant était le Christ, promis pour sauver les hommes de la méchanceté du démon.

Siméon prit l’Enfant Jésus dans ses bras et commença à bénir Dieu, en disant :

« À présent, Seigneur, vous me laisserez mourir en paix, car mes yeux ont vu le Seigneur que vous envoyez dans le monde pour racheter les hommes. »

Siméon continua à dire de très-belles choses sur l’Enfant Jésus et sur sa Mère. Et une vieille femme nommée Anne la prophétesse, fille de Phanuel, veuve et âgée de quatre-vingt-quatre ans, entra dans le Temple pendant que Siméon prophétisait. Elle aussi se mit à louer le Seigneur et à parler de l’Enfant Jésus comme de celui qu’attendaient les Juifs pour les délivrer du démon.

Valentine. Grand’mère, comment le Saint-Esprit a-t-il fait pour apprendre à Siméon que Jésus était le Messie ?

Grand’mère. Il le lui a fait comprendre sans parler, simplement en voulant qu’il comprît.

Jacques. Mais comment c’est-il possible ? Comment Siméon a-t-il fait pour entendre puisque le Saint-Esprit ne disait rien ?

Grand’mère. C’est tout aussi possible au Saint-Esprit, qui est Dieu tout-puissant avec le Père et le Fils, qu’il est possible à toi, de penser à une personne absente, ou de te souvenir d’une chose dont personne ne te parle. Et puis, nous autres à qui le bon Dieu n’a pas accordé des grâces pareilles, nous ne pouvons comprendre comment ces choses se passent entre Dieu et les âmes des saints.

VIII

FUITE EN ÉGYPTE.



Après que Jésus eut été porté au Temple par Marie et par Joseph, ils retournèrent à Bethléem. Une nuit pendant que Joseph dormait, un Ange lui apparut et lui dit :

« Lève-toi, prends l’Enfant et sa Mère, et fuis en Égypte. Tu y demeureras jusqu’à ce que je vienne t’avertir de retourner dans ton pays ; parce que le Roi Hérode cherchera l’Enfant pour le faire mourir. »

Joseph se leva, éveilla la Sainte-Vierge, lui dit ce qu’il venait d’entendre et prépara tout pour partir de suite.

Jacques. Et comment sont-ils partis ? Ils n’avaient pas de voiture ?

Grand’mère. Non, mais on pense que saint Joseph avait un âne ; il fit un paquet des choses les plus nécessaires à l’Enfant Jésus et à sa Mère, le plaça sur l’âne avec la Sainte Vierge Marie qui tenait dans ses bras l’Enfant Jésus, et saint Joseph marcha près d’eux pour les conduire. Ils s’enfuirent au milieu de la nuit, dans l’obscurité, pour que personne ne les vît partir et ne pût aller dire à Hérode qu’ils avaient emmené l’Enfant, et le chemin qu’ils avaient suivi.

Jacques. Mais puisque l’Enfant Jésus était le bon Dieu, pourquoi ne tuait-il pas le méchant Hérode ?


Fuite en Égypte.
Fuite en Égypte.



Grand’mère. Parce que Jésus n’est pas venu sur la terre pour tuer les méchants, mais pour les convertir ; et de plus, il a voulu tout souffrir pour l’amour de nous, pour nous apprendre à supporter patiemment toute espèce de souffrance.

IX

MASSACRE DES INNOCENTS.



Hérode attendait toujours le retour des Rois Mages, et il était très-impatient de les voir revenir, parce qu’il craignait beaucoup ce nouveau Roi dont lui avaient parlé les Mages. Voyant enfin qu’ils ne revenaient pas, il se mit dans une grande colère, car il ne savait comment faire pour trouver cet Enfant-Roi. Il pensa pourtant qu’un moyen sûr et excellent de s’en débarrasser était, de tuer tous les enfants âgés de moins de deux ans. De cette façon, pensa-t-il, je suis sûr de faire mourir ce Roi-Enfant que les Mages ont été saluer, car il n’a certainement pas encore deux ans. Le cruel Hérode ordonna donc à une troupe de soldats aussi méchants que lui, d’aller à Bethléem et de massacrer tous les enfants âgés de moins de deux ans.

Valentine. Quel abominable homme ! C’était affreux ! les pauvres parents devaient crier autant que les enfants !

Grand’mère. Certainement ! Longtemps auparavant, un Prophète nommé Jérémie

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est, un prophète ?

Grand’mère. Un prophète est un homme auquel le bon Dieu accorde le don de savoir et de dire ce qui arrivera dans l’avenir.

Valentine. Comment cela ? Comment disait-il l’avenir ?

Henriette. C’est comme si le bon Dieu m’accordait ce don, et que je te dise : Titine, tu seras méchante ce soir ; tu seras en pénitence demain ; tu seras morte dans dix ans. Et que cela arrive : je serais un prophète. N’est-ce pas, Grand’mère.

Grand’mère, souriant. Non, tu serais prophétesse ; heureusement que tu ne l’es pas, car tes prophéties ne seraient pas agréables à ma petite Valentine. Mais tu as bien compris et bien expliqué ce que c’est qu’un prophète ; seulement les Prophètes n’ont prédit que ce qui concernait la gloire de Dieu et le bien des hommes.

Je disais donc qu’un Prophète nommé Jérémie avait prédit ce malheur, ce crime horrible qu’on appelle le Massacre des Innocents ; il avait prédit qu’il y aurait ce jour-là des plaintes et des cris lamentables. Vous jugez ce que ce devait être ; les enfants massacrés à coups de coutelas, à coups de haches, tués à coups de massues et poussant des cris effroyables quand les soldats les arrachaient des bras de leurs mères pour les faire mourir. Les malheureuses mères, courant avec leurs enfants dans leur bras, cherchant à les cacher, à les sauver, se jetant sur leurs bourreaux pour se faire tuer à la place de leurs enfants, serrant les pauvres petits contre leur sein, espérant empêcher les soldats de les saisir ; et cela dans toutes les maisons, dans toutes les rues de Bethléem à la fois ! Ces pauvres petits innocents qui ont été tués pour Jésus-Christ, sont les premiers martyrs et on célèbre leur fête le 28 décembre, après Noël.

Joseph avait mené l’Enfant Jésus, et sa Mère en Égypte, comme le lui avait commandé l’Ange. Un an après, l’Ange apparut encore à Joseph pendant qu’il dormait et lui dit :

« Lève-toi, prends l’Enfant et sa Mère et retourne en Judée, parce que le Roi Hérode qui voulait faire mourir l’Enfant, est mort lui-même. »

Jacques. Hérode s’est-il corrigé avant de mourir ?

Grand’mère. Non ; il est mort méchant comme il avait vécu.

Joseph, qui obéissait toujours au bon Dieu et qui faisait sans hésiter tout ce qu’il lui commandait, emmena donc encore une fois l’Enfant et sa Mère et retourna en Judée. Mais ayant appris en route que le méchant Archélaüs, fils du Roi Hérode, était devenu Roi après la mort de son père, il se retira dans la province de Galilée, qui était son pays, dans une ville appelée Nazareth. L’enfant Jésus avait alors deux ans et demi. Lorsque Jésus fut grand et qu’il parcourut les autres provinces de la Judée, on l’appelait le Nazaréen, comme l’avaient prédit les Prophètes.

Et à présent, mes enfants, nous allons nous reposer. Demain nous verrons l’Enfant Jésus perdu dans Jérusalem.

Armand. Comment perdu ! Qui l’a perdu ?

Grand’mère. Tu le sauras demain.

X

L’ENFANT JÉSUS AU MILIEU DES DOCTEURS.




Les enfants étant tous réunis, la grand’mère commença ainsi :

L’Enfant Jésus vivait à Nazareth avec sa mère et avec Joseph ; il grandissait et il travaillait avec son père à l’état de charpentier. Tout le monde admirait sa sagesse, sa douceur et sa bonté.

Tous les ans à la fête de Pâques…

Petit-Louis. Comment ? les Juifs avaient le jour de Pâques comme nous ? Ils mangeaient des œufs rouges ?

Grand’mère. Ils avaient une fête de Pâques, mais ils ne mangeaient pas des œufs rouges, et ils ne fêtaient pas le même événement que nous.

À la Pâque des Juifs, on fêtait le passage de la Mer Rouge, c’est-à-dire la délivrance des Juifs de la domination très-dure des Égyptiens. Notre Pâques, à nous, est pour fêter la délivrance de tous les hommes du joug très-cruel du démon.

Jeanne. Comment cela ? Je ne comprends pas.

Grand’mère. Quand tu auras entendu toute l’histoire de Notre-Seigneur Jésus-Christ (car c’est ainsi que nous appelons Jésus), tu comprendras comment il nous a délivrés, par sa mort, de la puissance du méchant démon…

Armand. Racontez-nous cela tout de suite, Grand’mère, je vous en prie.

Grand’mère. Non, avant de raconter la mort de Jésus-Christ, il faut que je vous raconte sa vie, ses miracles.

Henriette. Qu’est-ce que c’est des miracles ?

Grand’mère. Des miracles sont des choses si extraordinaires que Dieu seul et ceux auxquels il en donne la puissance, peuvent les faire, comme, par exemple, de guérir dans une minute une personne très-malade, ou un aveugle, ou un sourd. Mais, vous m’avez tant interrompue que je ne sais plus ce que je disais.

Camille. Vous disiez, Grand’mère, que tous les ans à la fête de Pâques

Grand’mère. Ah ! oui, merci, chère petite ; j’y suis. Tous les ans à la fête de Pâques, Marie et Joseph allaient à Jérusalem pour célébrer la fête. Cette année, l’Enfant Jésus étant arrivé à l’âge de douze ans, il les accompagna, selon la loi de Moïse. Cette première entrée de l’Enfant dans le Temple était une fête de famille qui ressemblait un peu à nos premières communions.

Louis. Et comment célébrait-on la Pâque ?

Grand’mère. Chaque famille tuait un chevreau ou un agneau, qu’on faisait rôtir tout entier ; et toutes les personnes de la famille étaient invitées à venir le manger en grande cérémonie chez le chef de la famille. Il fallait manger debout, en habit de voyage, le bâton à la main, pour rappeler comment Dieu avait jadis délivré les Juifs en les faisant quitter l’Égypte, où on les gardait comme esclaves. Il fallait manger l’agneau ou le chevreau tout entier, et s’il en restait quelques débris, on brûlait ces restes avec les os et les entrailles pour que la fumée montât vers le ciel. Lors donc que l’Enfant Jésus eut douze ans, Marie et Joseph l’emmenèrent à Jérusalem pour célébrer la fête de Pâques qui durait sept jours.

Marie-Thérèse. Était-ce l’hiver ou l’été ?

Grand’mère. C’était au printemps, du 15 au 22 du mois de Nisan, qui est notre mois d’Avril. Quand les fêtes furent terminées, les habitants de Nazareth et tous les autres s’en retournèrent chez eux. Marie et Joseph partirent avec leurs parents et leurs amis, et ils ne s’aperçurent pas que l’Enfant n’était pas avec eux ; ils croyaient que Jésus marchait avec ses jeunes compagnons, et ce ne fut que le soir, quand on s’arrêta pour souper et pour coucher, qu’ils commencèrent à s’inquiéter en ne le trouvant pas avec les enfants de Nazareth. Ils le cherchèrent partout et furent très-effrayés et fort inquiets quand ils surent qu’on n’avait pas vu l’Enfant Jésus depuis le départ de Jérusalem.

Jeanne. Comme c’est mal d’avoir perdu ce pauvre petit Jésus !

Grand’mère. Ce n’était pas mal, chère enfant, parce que la Sainte Vierge n’a jamais fait le mal et ne pouvait pas le faire. Le bon Dieu la protégeait depuis sa naissance et la rendait si bonne qu’elle n’avait jamais envie de mal faire ; mais le bon Dieu avait voulu que Marie et Joseph ne s’inquiétassent pas de l’Enfant Jésus, parce qu’ils savaient ce qu’était l’Enfant Jésus, et ils comprenaient qu’il n’était pas nécessaire de le surveiller comme un enfant ordinaire ; ensuite, parce que Jésus devait accomplir ce jour-là la volonté de Dieu son Père et se faire voir plus savant que les prêtres juifs et les Docteurs de la loi.

Armand. Qu’est-ce que c’est, les Docteurs de la loi ?

Grand’mère. C’étaient des hommes chargés d’expliquer la loi de Moïse ; ils passaient pour savants, et ils croyaient alors (comme le croient les savants d’aujourd’hui) tout savoir et tout comprendre.

Quand Marie et Joseph furent bien sûrs que l’Enfant Jésus n’était pas avec leurs compagnons, ils ne voulurent ni manger ni se reposer avant de l’avoir trouvé, et repartirent à pied pour Jérusalem. Ils apprirent par les personnes qu’ils connaissaient, que l’Enfant Jésus y était resté et qu’on l’avait vu dans le Temple. Marie et Joseph le cherchèrent pendant trois jours ; ne sachant plus où le trouver et le demander, ils entrèrent dans une des salles qui entouraient le Temple, et ils trouvèrent l’Enfant Jésus assis au milieu des Docteurs de la loi. Il les écoutait, les interrogeait et leur expliquait si clairement et si bien les passages des Écritures que les Docteurs de la loi ne comprenaient pas, qu’ils étaient tous dans l’admiration et dans une grande surprise de la sagesse de ses réponses.

Joseph et Marie furent très-étonnés de ce qu’ils voyaient et de ce qu’ils entendaient ; Marie s’approcha de Jésus et lui dit :

« Mon fils, pourquoi nous avez-vous causé cette grande inquiétude ? Voyez avec quelle tristesse nous vous cherchons depuis trois jours. »

Jésus leur répondit gravement :

Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je devais m’occuper des affaires de mon Père ? »

Mais ils ne comprirent pas ces paroles ; ils ne savaient pas que les affaires dont s’occupait le divin Enfant étaient de faire déjà comprendre aux hommes, que lui, Jésus, était le Fils de Dieu, le Christ, le Messie attendu par les Juifs.

Et Jésus, se levant, les suivit ; car si dans les choses divines il obéissait uniquement à son Père céleste, dans tout le reste il obéissait parfaitement à sa bienheureuse Mère et à saint Joseph. Ils arrivèrent à Nazareth. Il demeura avec eux jusqu’à la mort de saint Joseph, et il leur était soumis. L’Enfant Jésus croissait en sagesse et en grâce devant Dieu et devant les hommes, qui l’admiraient de plus en plus. Et sa Mère conservait dans son cœur le souvenir de toutes ces choses, c’est-à-dire de toutes les paroles, de toutes les actions de Jésus. De douze à trente ans, Jésus ne fit que travailler, prier et obéir, devenant ainsi le modèle de tous les chrétiens, et en particulier des enfants et des jeunes gens. Quel enfant oserait refuser d’obéir et de travailler, quand le Fils de Dieu lui-même en a donné un si bel exemple !

Saint Joseph mourut doucement dans les bras de Jésus et de Marie ; il est, à cause de cela, le protecteur des mourants. Jésus avait environ trente ans quand saint Joseph mourut.

XI

SAINT JEAN-BAPTISTE.



Vous vous rappelez, mes enfants, qu’Élisabeth, la mère de Jean-Baptiste, l’avait mené et caché dans le désert, pour que le méchant Roi Hérode, et, plus tard, le méchant Archélaüs, fils d’Hérode, ne pussent pas le trouver et le faire mourir.

Jacques. Mais le pauvre petit Jean-Baptiste ne leur avait rien fait ? Pourquoi l’auraient-ils fait mourir ?

Grand’Mère. Parce qu’Hérode et Archélaüs avaient toujours peur que le Roi dont leur avaient parlé les Mages n’eût pas été tué dans le Massacre des Innocents ; et comme saint Jean-Baptiste était au-dessus de tous les enfants par son intelligence, sa sagesse, et par les miracles qui avaient accompagné sa naissance, Élisabeth et Zacharie avaient peur qu’Hérode ne le prît pour ce Christ-Roi qu’il craignait, et qu’il ne le fît mourir. C’est pourquoi Élisabeth le laissa dans le désert, dans une grotte où elle lui portait tout ce qui lui était nécessaire.

À mesure qu’il grandissait, il devenait de plus en plus saint et il faisait de grandes pénitences. Il priait continuellement, et il ne vivait que de sauterelles et de miel sauvage. Devenu homme et âgé de près de trente ans, il sortit du désert et il commença à parcourir le pays, pour annoncer la venue de Jésus. Il parlait admirablement du bon Dieu, du Paradis, de l’Enfer, de la nécessité de faire pénitence, et il annonçait à tous les hommes le Sauveur qui allait venir ; beaucoup de gens venaient l’entendre et le voir ; il les engageait à devenir bons, à se repentir de leurs péchés, et il baptisait dans l’eau du Jourdain tous ceux qui le lui demandaient.

Louis. Qu’est-ce que c’est, le Jourdain ? Et comment Jean-Baptiste baptisait-il ?

Grand’mère. Le Jourdain est un fleuve qui coule à quelques lieues de Jérusalem. Jean-Baptiste faisait entrer dans le Jourdain ceux qui voulaient être baptisés, et il leur versait sur la tête de l’eau du fleuve, en signe de la pureté de cœur qu’ils devaient avoir.

Valentine. Mais ils pouvaient se noyer dans le Jourdain ?

Grand’mère. Non, parce qu’il y avait peu d’eau au bord ; on en avait jusqu’aux genoux à peine.

Le peuple qui entourait Jean-Baptiste lui demandait des conseils pour devenir bon, et Jean disait aux riches :

« Que celui qui a plusieurs habits en donne un à celui qui n’en a pas ; et que celui qui a trop, donne à celui qui a faim. »

Et aux Publicains qui venaient lui demander conseil, il disait : « Ne faites pas payer plus d’argent qu’on ne doit vous en payer. »

Henriette. Je ne comprends pas bien, Grand’mère. Qu’est-que c’est, des Publicains ? et qu’est-ce qu’ils faisaient payer ?

Grand’mère. Les Publicains étaient des gens chargés par les Romains, maîtres de la Judée et des Juifs, de faire payer les impôts, c’est-à-dire l’argent que chacun devait donner au gouverneur pour l’entretien de routes, des ponts, pour maintenir l’ordre, et pour en envoyer à Rome, à l’Empereur. Très-souvent, les Publicains faisaient payer plus qu’on ne devait, et personne ne pouvait les souffrir à cause de cela : les Juifs les appelaient des voleurs. Voilà pourquoi Jean-Baptiste leur disait de ne pas faire payer plus qu’on ne leur devait. Les soldats lui demandaient aussi ce qu’ils devaient faire.

« N’employez pas les coups ni la violence pour vous faire donner ce qu’il vous faut, et ne demandez pas plus qu’il ne vous faut, » leur répondait Jean.

Le peuple trouvait Jean-Baptiste si bon, si vertueux, si admirable, qu’il croyait voir en lui le Christ ; le Messie promis qu’on attendait alors, d’après ce qu’avaient annoncé les Prophètes. Mais Jean leur dit :

« Moi, je baptise seulement dans l’eau ; mais vous allez en voir un autre plus puissant que moi, qui vous baptisera dans le Saint-Esprit. Et moi, je ne suis rien auprès de lui ; je ne suis pas digne de délier les cordons de sa chaussure. »

Le Roi Hérode, fils de l’ancien Hérode et successeur de son frère Archélaüs, voulut le connaître ; Jean-Baptiste, bien loin de le flatter et de le complimenter, lui fit souvent des reproches de la vie méchante qu’il menait. Hérode se fâchait ; il n’osait pourtant lui faire de mal, parce qu’il le craignait à cause de sa vertu et de la grande réputation qu’il avait parmi le peuple.

XII

BAPTÊME DE NOTRE-SEIGNEUR.



En ce temps-là, après la mort de Joseph, Jésus quitta Nazareth et vint trouver Jean-Baptiste auprès du Jourdain, pour être baptisé par lui. Jean, qui savait que Jésus était le Fils de Dieu et Dieu lui-même, refusait, par respect, de le baptiser :

« C’est moi, Seigneur, qui dois être baptisé par vous, et c’est vous qui venez à moi ! » lui disait Jean.

Jésus lui répondit : « Laisse-moi faire pour ce moment, car c’est ainsi que nous devons accomplir la volonté de celui qui m’envoie. »

Alors Jean-Baptiste ne résista plus ; il versa de l’eau sur la tête de Jésus. Aussitôt que Jésus eut été baptisé, il sortit de l’eau. Tout à coup le ciel s’ouvrit au-dessus de sa tête, l’Esprit de Dieu descendit sous la forme d’une colombe, et vint se reposer sur Jésus. Et au même instant, une voix qui venait du ciel dit très-haut :

« C’est là mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toutes mes affections ! »

Henriette. Qu’est-ce que c’était que cette voix ?

Grand’mère. C’était la voix de Dieu le Père, qui faisait ainsi connaître à tout le monde que Jésus était véritablement son Fils et Dieu lui-même.

Jacques. Quel âge avait Jésus quand il fut baptisé ?

Grand’mère. Il avait trente ans, et il allait commencer à parcourir toute la Judée pour apparaître au monde et instruire les hommes dans la loi du salut.


XIII

JÉSUS AU DÉSERT.



Avant d’instruire les Juifs et avant de leur faire voir qu’il était bien réellement le Fils de Dieu fait homme, Notre-Seigneur voulut montrer à tous les hommes, par son exemple, qu’il fallait mortifier son corps.

Valentine. Qu’est-ce que c’est, mortifier ?

Grand’mère. Mortifier veut dire maltraiter, punir.

Valentine. Et pourquoi donc punir son corps ? Ainsi, mon corps à moi, qu’est-ce qu’il a fait de mal ? Il ne fait que ce que je veux.

Grand’mère. Tu te trompes ; ton corps a de mauvais penchants qui te poussent à vouloir des choses mauvaises que Dieu défend, telles que la gourmandise, la paresse, la nonchalance, la colère et beaucoup d’autres vilaines choses. Il est donc juste de faire pénitence, c’est-à-dire de retenir et de punir ce corps qui te pousse sans cesse à faire du mal.

Henriette. Et si je ne le punis pas ?

Grand’mère. Si tu ne le punis pas, le bon Dieu le punira après ta mort, et bien plus sévèrement que tu ne l’aurais puni toi-même. Ainsi, il vaut mieux se mortifier pendant qu’on vit, pour que le bon Dieu n’ait plus à punir après la mort.

Jacques. Alors, qu’est-ce qui arrive ?

Grand’mère. Il arrive que le bon Dieu, ne trouvant plus rien à punir, mais seulement nos bonnes actions à récompenser, nous fait entrer tout de suite dans le Paradis avec lui, avec la Sainte Vierge, les Anges et tous les Saints, et que nous sommes très-heureux toujours et toujours.

Jeanne, réfléchissant. Toujours !… Toujours !… c’est que c’est bien long, toujours !

Grand’mère. C’est si long, que cela ne finit jamais. Et je vous le demande, mes chers petits, ne vaut-il pas mieux entrer ainsi tout de suite au Paradis, que de brûler quelquefois très-longtemps dans les flammes du Purgatoire ? Le Purgatoire, c’est la pénitence de ceux qui n’ont pas fait assez pénitence sur la terre. L’Enfer, qui est éternel comme le Paradis, est la pénitence de ceux qui n’ont pas voulu faire du tout pénitence sur la terre.

Je vous disais donc que Jésus voulut nous donner l’exemple de la mortification. Il se retira tout seul dans le désert.

Petit-Louis. Celui de saint Jean-Baptiste ?

Grand’mère. Le même désert, mais pas à l’endroit qu’avait habité saint Jean-Baptiste ; d’ailleurs saint Jean-Baptiste n’y était plus depuis un an. Il était habituellement sur les rives du Jourdain pour y baptiser.

Marie-Thérèse. Où était-il quand Jésus entra dans le désert ?

Grand’mère. Il parcourait la Judée et la Galilée pour annoncer la venue prochaine de Jésus-Christ, du Sauveur, du Messie, afin que Jésus trouvât tout le monde préparé à le reconnaître et à l’adorer. Jésus alla dans le désert tout seul et y resta dans une grotte sur une montagne pendant quarante jours sans boire ni manger.

Henriette. C’est impossible, Grand’mère ! Il serait mort de faim !

Grand’mère. Si Notre-Seigneur avait été un homme comme nous, il serait certainement mort de faim et de soif avant huit jours ; mais n’oubliez pas que Jésus était Dieu fait homme, qu’il avait la toute-puissance d’un Dieu et qu’il avait la volonté de souffrir, plus, beaucoup plus que les hommes ordinaires n’auraient pu souffrir sans mourir. Il voulut donc souffrir d’une manière extraordinaire de la faim et de la soif pendant quarante jours pour expier les péchés que commettent les hommes par leur gourmandise, leur indolence, leur sensualité.

Jeanne. Qu’est-ce que c’est, sensualité ?

Grand’mère. C’est l’amour de tout ce qui est agréable au corps : bien manger, bien boire, être couché mollement, être assis commodément, n’avoir ni trop chaud, ni trop froid, enfin être bien à l’aise sans rien qui gêne.

Henri. Mais il n’y a pas de mal à cela.

Grand’mère. En apparence, il n’y a pas de mal ; mais, par le fait, quand on vit de cette manière, on devient indolent, lâche ; on devient incapable de faire aucun sacrifice à son devoir, on ne pense plus qu’à s’amuser, à passer agréablement son temps ; on oublie le ciel, on oublie qu’on est pécheur et qu’on a des péchés à expier ; enfin, on risque beaucoup de tomber en enfer, comme vous le verrez plus tard, dans la terrible histoire du mauvais riche.

Pendant que Jésus était dans le désert, le démon, qui s’étonnait et se fâchait depuis longtemps de n’avoir jamais pu lui faire commettre un seul péché, même le plus léger, voulut profiter de la souffrance de Jésus pour le faire tomber dans quelque faute ; il lui promit et lui présenta les mets les plus excellents en lui disant :

« Si vous êtes le Fils de Dieu, commandez que ces pierres deviennent du pain. »

Jésus lui répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »

Le démon, se voyant repoussé et ne sachant toujours pas si Jésus était ou non le Fils de Dieu qui devait venir sur la terre pour sauver les hommes de la puissance de l’enfer, essaya d’un autre moyen pour découvrir si Jésus était homme ou Dieu. Il prit Jésus, l’enleva et le transporta.

Jacques. Comment le transporta-t-il ?

Grand’mère. C’est ce que nous ne pouvons savoir ; l’Évangile dit tout simplement que le démon le transporta sur le haut du temple de Jérusalem, qui était très-élevé :

« Si vous êtes le Fils de Dieu, lui dit-il, jetez-vous en bas ; car il est écrit que Dieu a commandé à ses Anges de prendre soin de vous, et qu’ils vous soutiendront avec leurs mains, de peur que votre pied ne heurte contre quelque pierre. »

Jésus lui répondit : « Oui, mais il est encore écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. »

Le démon, encore une fois vaincu par la sagesse des réponses de Jésus, essaya d’un troisième moyen pour le tenter et savoir ce qu’il était. Il le transporta sur une montagne très-élevée, et de là lui montrant tous les Royaumes du monde avec toute leur gloire, il lui dit :

« Je vous donnerai toute la puissance et la gloire de ces Royaumes, si, vous prosternant devant moi, vous m’adorez ! »

Jésus lui dit : « Retire-toi, Satan ! car il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et n’adoreras que lui seul ! »

Alors le démon, honteux, se retira, et les Anges s’approchèrent de Jésus et le servirent.

Armand. Ah ! tant mieux ! Je suis bien content pour le bon Jésus et pour le méchant démon ! Mais comment les Anges le servirent-ils ?

Grand’Mère. En lui donnant une nourriture céleste, qui était aussi supérieure à celle que nous mangeons en ce monde que Jésus était supérieur à tous les hommes et à tous les Anges.


XIV

ON DEMANDE À JEAN QUI IL EST.



Pendant que Jésus était dans le désert, Jean-Baptiste…

Henriette. Grand’mère, j’ai oublié de vous demander pourquoi on l’appelait Jean-Baptiste ?

Grand’mère. Parce qu’il avait eu l’honneur de baptiser Notre-Seigneur et qu’il baptisait la foule de gens qui venaient entendre ses prédications. Baptiste veut dire baptiseur. Jean continuait à baptiser et à annoncer la venue du Messie. Un jour, les Juifs de Jérusalem lui envoyèrent des prêtres et des lévites…

Armand. Qu’est-ce que c’est, des lévites ?

Grand’mère. Des lévites étaient des gens qui aidaient les prêtres dans les cérémonies, mais qui étaient moins que les prêtres, de même que les lieutenants sont moins que les capitaines, quoiqu’ils soient militaires comme eux. Des prêtres et des lévites vinrent donc trouver Jean pour lui demander :

« Qui êtes-vous ? Êtes-vous le Christ, le Messie ? »

Ils demandaient cela, parce que le bruit s’était répandu à Jérusalem qu’un homme extraordinaire avait paru, qu’il prêchait et baptisait près du Jourdain, et que cet homme pouvait bien être le Messie annoncé par les Prophètes et que tout le monde attendait.

Jean répondit : « Je ne suis pas le Christ.

— Qui donc êtes-vous ? Êtes-vous Élie ?

— Non, je ne le suis point.

— Êtes-vous Prophète ?

— Non, je ne le suis point.

— Qui êtes-vous donc, afin que nous puissions rendre réponse à ceux qui nous ont envoyés ? Que dites-vous de vous-même ?

— Je suis, répondit Jean, le Précurseur, la voix qui crie dans le désert : Préparez les voies du Seigneur.

— Pourquoi donc baptisez-vous ? lui demandèrent les Pharisiens, si vous n’êtes ni le Christ, ni Élie, ni Prophète ? »

Jean leur répondit : « Moi, je baptise seulement dans l’eau ; mais il y en a un qui doit venir après moi, qui est bien au-dessus de moi ; il est au milieu de vous. Et je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses chaussures ; et celui-là baptisera dans le Saint-Esprit. J’ai vu l’Esprit-Saint descendre du ciel sous la forme d’une colombe et reposer sur lui. Je l’ai vu, et j’ai rendu témoignage que c’est lui qui est le Fils de Dieu. »


XV

PREMIERS DISCIPLES DE JÉSUS.



Le jour suivant, Jean se trouvait encore là, accompagné de deux disciples.

Valentine. Qu’est-ce que c’est, disciples ?

Grand’mère. Des disciples sont des élèves, des amis, qui croient à la sagesse d’un Maître et qui cherchent à y faire croire les autres et à lui faire avoir d’autres disciples.

Jean étant là, vit passer Jésus, et il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. » Les deux disciples, qui l’entendirent, suivirent Jésus. Et Jésus, s’étant retourné, les vit qui le suivaient et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent :

« Maître, où demeurez-vous ? »

Jésus répondit : « Venez et voyez. »

Ils le suivirent jusqu’à sa demeure, et ils restèrent chez lui ce jour-là. L’un de ces deux disciples était saint Jean, qui fut depuis l’ami de Jésus, et qui a écrit l’Évangile ; c’est pourquoi on l’appelle Jean l’Évangéliste ; l’autre disciple était saint André, frère de Simon. André rencontra Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie. » Et il le mena à Jésus.

Jésus l’ayant regardé, lui dit : « Tu es Simon, fils de Jean, tu t’appelleras Pierre ; » et depuis ce temps Simon fut appelé Pierre. C’est l’Apôtre Saint-Pierre.

Louis. Et pourquoi Notre-Seigneur l’a-t-il appelé Pierre ?

Grand’mère. Tu le verras plus tard, quand on parlera de saint Pierre comme chef de l’Église de Notre-Seigneur.

En voilà assez pour aujourd’hui, mes chers enfants ; à demain la suite.

Tous les petits. Oh ! non, Grand’mère ! encore un peu, je vous prie ; c’est si amusant !

Camille. Vous voyez bien, mes petits, que Grand’mère est fatiguée ; il y a longtemps qu’elle parle.

Henriette. Quel dommage ! Je voudrais savoir tout de suite comment et pourquoi les méchants Juifs ont fait mourir le bon Jésus.

Grand’mère. Vous le saurez dans quinze jours, peut-être même plus tard.

Et la grand’mère s’en alla après les avoir embrassés.

Les enfants soupiraient et ne bougeaient pas ; enfin, Élisabeth rompit le silence :

« Je voudrais bien savoir, dit-elle, ce qu’était devenue la pauvre Sainte Vierge après le départ de Jésus ; elle devait être bien triste.

Camille. L’Évangile parle souvent de la Sainte Vierge comme accompagnant Jésus ; il paraît certain que la Sainte Vierge, avec quelques autres saintes femmes, a souvent suivi Notre-Seigneur. Elles logeaient habituellement chez un ami de Jésus nommé Lazare, qui était riche et qui donnait tout ce qui était nécessaire à Jésus, à ses disciples et à sa divine mère, la Sainte Vierge Marie.

Élisabeth. Tu es sûre ? Comment sais-tu cela ?

Camille. Parce que je l’ai lu dans des livres qu’on m’a donnés, et puis Grand’mère me l’a dit.

Élisabeth. Je suis bien contente de le savoir. Cela me faisait de la peine de penser que la pauvre Sainte Vierge était restée seule, pauvre, abandonnée.

Jacques. Camille, sais-tu ce que Grand’mère nous racontera demain ?

Camille. Je crois qu’elle nous dira le premier miracle de Jésus, et d’autres miracles encore.

Jeanne. Raconte-nous cela, Camille, je t’en prie.

Camille. Non, c’est Grand’mère qui veut bien s’en donner la peine ; ce serait mal à moi de lui ôter le plaisir de vous instruire par son récit.

Jeanne. C’est vrai, allons jouer. »

XVI

NOUVEAUX DISCIPLES.



Le lendemain, la grand’mère trouva ses petits-enfants réunis depuis longtemps et l’attendant avec impatience. Elle se plaça bien vite dans son fauteuil et commença :

Jésus avait trois disciples : Jean l’Évangéliste, Simon-Pierre et André. Le lendemain, Jésus rencontra Philippe ; il le regarda et lui dit : « Suis-moi. » Philippe était de Bethsaïde, ville de Galilée ; il le suivit avec joie, car il avait déjà entendu parler de Jésus et de Jean-Baptiste le Précurseur.

Philippe ayant rencontré Nathanaël, qui était un Scribe ou Docteur de la loi, c’est-à-dire un savant, lui dit :

« Nous avons trouvé celui dont parlent Moïse et les Prophètes ; c’est Jésus de Nazareth.

— Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? lui répondit Nathanaël.

— Viens et vois, » dit Philippe.

Louis. Pourquoi donc Nathanaël disait-il cela ? C’est très-mal.

Grand’mère. Parce que l’opinion des Juifs savants était qu’il ne pouvait venir aucun prophète de Nazareth ; et comme Nathanaël savait que le Christ devait venir de Bethléem, il ne croyait pas que Jésus, qui avait toujours vécu à Nazareth, pût être le Messie comme le lui disait Philippe.

Pourtant Nathanaël suivit Philippe et arriva devant Jésus, qui lui dit :

« Tu es un véritable enfant d’Israël, sans déguisement et sans ruse.

— D’où me connaissez-vous ? dit Nathanaël surpris.

— Avant que Philippe ne t’ait appelé, répondit Jésus, je t’ai vu sous le figuier où tu étais. »

Le figuier où s’était trouvé Nathanaël était à une grande distance de Notre-Seigneur, à plus d’une lieue, de sorte que Notre-Seigneur ne pouvait l’y avoir vu que par un miracle ; ce qui parut si surprenant à Nathanaël, qu’il reconnut de suite que Jésus était le Seigneur tout-puissant.

« Maître, dit Nathanaël avec admiration, vous êtes le Fils de Dieu, le Roi d’Israël. »

Jésus lui répondit : « Tu crois en moi, parce que je t’ai dit que je t’avais vu sous le figuier. Tu verras de bien plus grandes choses. En vérité, en vérité, je vous le dis : Vous verrez le ciel ouvert et les Anges monter et descendre sur le Fils de l’Homme. »

Petit-Louis. Comment les Anges montaient-ils et descendaient-ils ? Où montaient-ils ?

Grand’mère. Notre-Seigneur veut dire que, lorsque nous le verrons dans sa gloire, les Anges viendront tous l’adorer et ne feront que monter au Ciel et redescendre sur la terre où il sera revenu, pour l’adorer et le servir. — Et Nathanaël le suivit. — On croit que Nathanaël est le même que l’Apôtre saint Barthélemy.

Marie-Thérèse. Jésus dit : Le Fils de l’Homme. Qui était le Fils de l’Homme ?

Grand’mère. Jésus, en parlant de lui-même, s’appelait souvent le Fils de l’Homme, d’abord pour nous enseigner l’humilité, puisque lui, Dieu, s’était tant abaissé en se faisant homme, et puis, pour rappeler qu’il était aussi vraiment homme qu’il était vraiment Dieu. Croire en Jésus-Christ, c’est croire que le Fils de l’Homme est vraiment le Fils de Dieu ; c’est adorer cet homme comme Dieu.


XVII

NOCES DE CANA.



Trois jours après, Jésus arriva, avec sa Mère et ses disciples, à Cana, petite ville de la Galilée, pour assister à la noce d’un de leurs parents, à laquelle ils avaient été invités.

Henri. Comment ? Jésus allait à une noce ? Ce n’est donc pas mal d’aller aux noces ?

Grand’mère. Certainement, non, ce n’est pas mal, quand on y va pour obliger ceux qui vous invitent, quand on n’y fait pas de mal, qu’on ne mange et qu’on ne boit pas trop, quand on ne se laisse pas aller à s’y amuser de manière à manquer à ses devoirs et à offenser le bon Dieu.

À la fin du repas, l’intendant s’aperçut qu’il n’y avait plus de vin ; il le dit à Marie. Elle s’approcha de Jésus, et lui dit : « Ils n’ont plus de vin. » Jésus lui répondit : « Femme, que


Gravure de Schnorr - Les Noces de Cana
Gravure de Schnorr - Les Noces de Cana




nous importe à vous et à moi ? mon heure n’est pas encore venue. »

Henriette. Femme ! Pourquoi Notre-Seigneur parle-t-il ainsi à la Sainte Vierge ?

Grand’mère. Ce n’était pas pour la réprimander ; mais n’oublie pas, chère petite, qu’il y avait en Jésus deux natures différentes, que Jésus était Fils de Dieu avant d’être le Fils de la Sainte Vierge, qu’il était homme et qu’il était Dieu. S’il était fils respectueux et soumis de Marie, comme homme, il était, comme Dieu, au-dessus d’elle, et ne recevait de direction que de Dieu son Père. Il n’avait pas fait de miracles publics jusque-là, parce que le temps de sa mission n’était pas encore arrivé ; et il voulait la commencer au jour prédit par les Prophètes et marqué par le bon Dieu. Pourtant, en faveur de sa Mère et parce qu’elle le désirait, il voulut bien faire le miracle qu’elle demandait. Et la Sainte Vierge était si sûre de la tendresse de son Divin Fils, que, sans se troubler de la réponse qu’il venait de lui faire, elle se retourna vers l’intendant et vers ceux qui servaient et leur dit :

« Faites tout ce qu’il vous dira. »

Il y avait là six grands vases de pierre qui servaient à conserver l’eau pour les purifications des Juifs.

Valentine. Qu’est-ce que c’était, les purifications ?

Grand’mère. C’était se laver la bouche et les mains après les repas, se laver les pieds chaque fois qu’on rentrait, faire laver les pieds à tous les étrangers qui venaient visiter les personnes de la maison, etc. Il y avait donc pour cet usage six grands vases qu’on avait préparés. Jésus dit aux serviteurs :

« Remplissez d’eau ces vases. »

Et ils les remplirent jusqu’au haut, Jésus leur dit :

« Puisez maintenant dans ces vases, et portez-en à l’intendant. »

Et ils portèrent ce qu’ils avaient puisé. Aussitôt que l’intendant eut goûté cette eau changée en vin, ne sachant pas d’où venait ce vin si excellent, il alla trouver le maître de la maison, et lui dit :

« Qu’avez-vous fait, Maître ? Quand on a beaucoup de convives et un grand repas, on commence toujours par donner le meilleur vin, et on sert le moins bon à la fin quand les convives ont beaucoup bu et qu’ils ne distinguent plus autant le bon vin du mauvais. Mais vous, vous avez réservé, pour la fin, le meilleur, le plus excellent de tous les vins. »

Le maître ne comprit pas ce que lui disait son intendant, parce qu’il ne savait pas que le vin eût manqué et que Jésus eût fait le miracle de changer l’eau en vin ; mais les serviteurs qui avaient puisé l’eau savaient bien ce qu’il en était, et ils le dirent au maître et à l’intendant, qui furent remplis d’admiration et de joie. Ce fut le premier miracle public de Jésus ; il donna plus de force à la foi de ses disciples.

Henri. Pourquoi dites-vous public, Grand’mère ? Est-ce que Jésus avait déjà fait des miracles cachés ?

Grand’mère. L’Évangile n’en parle pas, mon enfant ; mais les auteurs sacrés et les saints inspirés de Dieu, qui ont écrit ce qui leur a été révélé, laissent croire que Jésus a fait beaucoup de miracles dès sa naissance, sans qu’on sût qu’ils venaient de sa toute-puissance et de sa bonté.

Henri. Vous dites, Grand’mère, que les saints ont eu des choses révélées ; qu’est-ce que c’est, révélé ?

Grand’mère. Ce sont des choses cachées et qui pourtant ont été vues par des moyens extraordinaires ; ainsi à Bethléem les Mages ont su, par un moyen extraordinaire, par révélation, qu’Hérode voulait tuer l’Enfant Jésus ; Joseph a su, par la révélation d’un Ange, qu’il devait emmener l’Enfant en Égypte, etc.


XVIII

JÉSUS CHASSE LES VENDEURS DU TEMPLE.



Comme la Pâque des Juifs approchait, Jésus alla à Jérusalem, et il trouva dans le Temple, dans la partie extérieure, qui était comme un grand vestibule, des marchands qui s’y étaient établis pour vendre des colombes, des moutons, des bœufs, destinés aux sacrifices ; et puis des changeurs d’argent et d’or. Jésus, indigné de voir la maison du bon Dieu profanée par des hommes qui n’y venaient que pour gagner de l’argent, fit un fouet avec des cordes et les chassa tous du Temple avec leurs moutons et leurs bœufs. Il jeta par terre l’or et l’argent des changeurs et il renversa leurs tables. Et il dit à ceux qui vendaient des colombes pour les sacrifices :

« Ôtez tout cela d’ici, et ne faites pas de la maison de mon Père une caverne de voleurs. »

Les Juifs furent très-mécontents de ce qu’il avait fait, et ils lui dirent :

« De quel droit faites-vous de telles choses ? Quel miracle nous montre que vous en avez le droit ? »

Jésus leur répondit :

« Détruisez ce temple, et je le rebâtirai en trois jours.

— Comment ! reprirent les Juifs, nos pères ont été quarante-six ans à bâtir ce temple, et vous le rebâtirez en trois jours ? »

Les Juifs ne comprenaient pas que Jésus ne parlait pas du temple bâti par Salomon, mais du temple de son corps, qui serait rétabli, c’est-à-dire ressuscité trois jours après que les Juifs l’auraient détruit ou fait mourir. Ses disciples se ressouvinrent de cette parole après sa résurrection.

Pendant que Jésus était à Jérusalem, il fit plusieurs miracles, et beaucoup de gens crurent en lui. Mais Jésus, qui voyait le fond des cœurs, qui savait tout ce qu’on pensait et tout ce qu’on faisait, ne se fiait pas à leurs sentiments, car il savait que ces mêmes Juifs le feraient cruellement mourir trois ans après.

Jésus quitta Jérusalem pour parcourir la Judée ; il y resta quelque temps, et il baptisait et faisait baptiser par ses disciples. Jean baptisait aussi, mais de l’autre côté du Jourdain.

Les disciples de Jean vinrent un jour le trouver, et lui dirent :

« Maître, celui qui était avec vous au delà du Jourdain et à qui vous avez rendu témoignage, le voilà qui baptise, et tout le monde va à lui. »

Jean leur répondit :

« Ne vous ai-je pas dit que je n’étais pas le Christ ? Je n’ai reçu du Ciel que la mission de marcher devant lui et l’annoncer. C’est Jésus qui est le Maître ; moi je ne suis que son


Jésus chasse les vendeurs du temple.
Jésus chasse les vendeurs du temple.



serviteur et son ami, et il faut que mes disciples me quittent pour suivre Jésus. Et bien loin de m’affliger de ce que tous vont à lui, je m’afflige de ce que, vous aussi, vous n’y alliez pas. »

Jésus, sachant ce que disaient les Juifs et les Pharisiens, sachant qu’ils murmuraient et commençaient à s’inquiéter du grand nombre de disciples qui venaient à lui, quitta la Judée et s’en retourna en Galilée.


XIX

LA SAMARITAINE.



Pour aller en Galilée, il fallait que Jésus passât par un pays qu’on appelait la Samarie. Il arriva un jour à une ville de la Samarie, nommée Sichar, près des champs que Jacob avait donnés à son fils Joseph. C’est là, près de Sichar, qu’était le puits de Jacob.

Valentine. Pourquoi était-ce le puits de Jacob ?

Grand’mère. Parce que c’est près de ce puits ou de cette source que Jacob habitait ; c’est là que fut élevé son fils Joseph, lequel fut vendu par ses frères à des marchands égyptiens. Tu verras cela dans l’Histoire sainte.

Armand. Oh ! Grand’mère, je voudrais savoir l’Histoire sainte. Racontez-nous-la.

Grand’mère. Plus tard, nous verrons ; quand nous aurons fini la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Jésus était donc près du puits de Jacob ; il était fatigué, et il s’assit sur le bord du puits, pendant que ses disciples étaient allés à la ville acheter quelque chose à manger. Une femme de Samarie vint puiser de l’eau. Jésus lui dit :

« Donne-moi à boire. »

Cette femme lui répondit :

« Comment, vous, qui êtes Juif, me demandez-vous à boire à moi, qui suis Samaritaine ? »

Elle disait cela, parce qu’il y avait une grande haine entre les Juifs et les Samaritains ; ils étaient jaloux de leurs temples ; les Samaritains ne voulaient pas souffrir qu’on allât prier et offrir des sacrifices au temple de Jérusalem ; ils voulaient que tout le monde allât à leur temple, qu’ils avaient bâti sur le mont Garizaïm. Et les Juifs, par l’ordre de Dieu même, ne voulaient pas qu’on allât dans un autre temple que celui de Jérusalem.

Jésus répondit à la Samaritaine :

« Ô femme ! si tu savais le don de Dieu (c’est-à-dire la grâce que te fait le bon Dieu), et si tu connaissais celui qui te dit : Donnez-moi à boire, peut-être lui en aurais-tu demandé toi-même. Et il t’aurait donné de l’eau vive. »

Cette femme, étonnée, lui dit :

« Seigneur, vous n’avez rien pour en puiser, et le puits est profond. Comment auriez-vous de l’eau vive ? Êtes-vous plus grand que Jacob, notre père, qui nous a donné ce puits et qui en a bu lui-même, aussi bien que ses enfants et ses troupeaux ? »

Jésus lui répondit :

« Celui qui boit de cette eau aura soif encore ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif. »

La Samaritaine, qui commençait à se troubler et à comprendre que Jésus n’était pas un homme ordinaire et que ses paroles étaient vraies, dit à Jésus :

« Seigneur, donnez-moi de cette eau, afin que je n’aie plus soif et que je ne vienne plus ici pour en puiser. »

Jésus lui dit :

« Va appeler ton mari, et viens ici.

— Je n’ai point de mari, » répondit la femme.

Jésus lui répondit :

« Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari ; car tu en as eu cinq, et, Maintenant, l’homme chez qui tu demeures n’est pas ton mari. Ce que tu as dit est vrai. »

La Samaritaine lui dit :

« Seigneur, je vois que vous êtes un prophète. Mais nos pères ont prié sur la montagne de Garizaïm, et vous, vous dites qu’il faut prier dans le temple de Jérusalem.

— Femme, crois-moi, le temps est venu où vous n’adorerez plus le Père ni sur cette montagne, ni dans Jérusalem, mais partout.

— Seigneur, je sais que le Messie, qui est appelé le Christ, doit venir. Lors donc qu’il sera venu, il nous apprendra toutes choses. »

Jésus lui dit :

« C’est moi qui le suis, moi qui te parle. »

Au même instant, les disciples revinrent, et ils s’étonnaient de le voir causer avec une femme. Et cette femme laissa là sa cruche, courut à la ville, et dit aux habitants :

« Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-ce point le Christ? »

Ils sortirent de la ville et allèrent le trouver.

Cependant, les disciples lui disaient avec insistance :

« Maître, mangez ; » mais il leur dit :

« J’ai une nourriture à prendre que vous ne connaissez pas. »

Les disciples se dirent l’un à l’autre :

« Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? »

Jésus, qui savait ce qu’ils pensaient, leur dit :

« Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. »

Les Samaritains crurent en lui sur la parole de cette femme, qui assurait que Jésus lui avait dit tout ce qu’elle avait fait ; ils vinrent à Jésus, et le prièrent de demeurer chez eux. Il y consentit, et il resta avec eux deux jours. Et un grand nombre d’entre eux crurent en lui après l’avoir entendu parler, et ils disaient à la Samaritaine :

« Ce n’est plus sur ce que vous nous avez dit que nous croyons ; nous l’avons entendu nous-mêmes, et nous savons qu’il est véritablement le Christ, le Sauveur du monde. »

XX

JÉSUS PRÊCHE DANS UNE SYNAGOGUE EN GALILÉE.



Deux jours après, Jésus quitta les Samaritains pour venir prêcher en Galilée. Et, dans ce temps, Hérode fit mettre en prison Jean-Baptiste, parce que Jean lui reprochait toujours sa méchanceté et sa mauvaise conduite. Jésus vint en Galilée et il alla dans la ville de Nazareth, où il avait vécu, pendant si longtemps, avec Marie et Joseph. Il entra dans la synagogue le jour du sabbat.

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est, une synagogue ?

Grand’Mère. Une synagogue est, comme le sont nos églises, une maison de prière, un temple où les Juifs se réunissaient le jour du sabbat.

Armand. Et qu’est-ce que c’est, le sabbat ?

Valentine. Le sabbat, c’est beaucoup de bruit ; tu sais bien que maman dit toujours : Emmenez les enfants, ils font un sabbat épouvantable. C’est quand nous faisons du bruit.

Grand’Mère, riant. Le sabbat des Juifs n’est pas le sabbat qui fait mal à ta maman, ma petite Titine ; leur sabbat est le jour de samedi, qu’ils fêtent comme nous autres chrétiens nous fêtons le dimanche.

Valentine. Mais alors pourquoi, quand nous faisons du bruit, maman dit-elle que nous faisons le sabbat ?

Grand’Mère. On appelle un grand bruit sabbat, parce que les Juifs, dans leur synagogue, font un bruit affreux le jour où ils fêtent le sabbat. Je suis entrée une fois, en voyageant en Pologne, dans une synagogue, un jour de sabbat, pendant que les Juifs étaient réunis ; ils parlaient tous à la fois en faisant une espèce de chant et une espèce de prière, avec des cris et des contorsions extraordinaires.

Mais, pour revenir à notre Évangile, je disais que Jésus-Christ était entré dans une synagogue le jour du sabbat. Il prit un livre du prophète Isaïe, et se mit à le lire en faisant des explications si belles et si faciles à comprendre, que tout le monde avait les yeux fixés sur lui avec admiration ; et quand il eut fini sa lecture et ses explications, ils disaient tous : N’est-ce pas là le fils de Joseph le charpentier ? Comment se fait-il qu’il parle ainsi ? » Mais quand Jésus se mit à leur parler de leur aveuglement, leur reprochant de ne pas le connaître encore, et qu’il les compara à d’autres gens d’autres pays, qui ne furent pas exaucés ni bénis de Dieu parce qu’ils n’avaient pas la foi, ils se mirent dans une grande colère ; et, se levant, ils le chassèrent hors de la ville et le poussèrent jusqu’au sommet de la montagne, sur laquelle leur ville était bâtie, pour le précipiter au bas et le tuer. Mais Jésus, passant miraculeusement au milieu d’eux, se retira.

Jacques. Mais comment les Juifs l’ont-ils laissé partir, puisqu’ils voulaient le tuer ?

Grand’Mère. Parce que Jésus se rendit invisible à leurs yeux, et que, l’ayant devant eux, ils ne le voyaient plus.

Madeleine. Comment ne croyaient-ils pas en Notre-Seigneur, après tous les miracles qu’ils lui avaient vu faire ? Grand’mère. Parce qu’ils ne voulaient pas croire ; parce que leur orgueil se révoltait à la pensée de reconnaître pour leur Maître, pour leur Dieu, un pauvre charpentier sans fortune, sans puissance, sans gloire, dépourvu de tout ce qu’ils voulaient avoir pour conquérir l’univers et se trouver les maîtres du monde entier. Il y en eut pourtant à Nazareth plusieurs qui crurent en Jésus.


XXI

JÉSUS GUÉRIT L’ENFANT D’UN OFFICIER
À CAPHARNAÜM.



Jésus quitta donc l’ingrate ville de Nazareth, et alla demeurer à Capharnaüm ; et il prêcha au peuple la pénitence, parce que le Royaume des Cieux était proche.

Puis il retourna à Cana, qui est tout près de Capharnaüm.

Il y avait à Cana un officier dont le fils était malade à Capharnaüm. Cet officier, apprenant que Jésus arrivait, alla le trouver et le pria de venir chez lui pour guérir son fils qui était près de mourir.

Jésus lui dit :

« À moins que vous ne voyiez, vous autres, des prodiges et des miracles, vous ne croyez pas.

— Seigneur, reprit le père, venez avant que mon fils ne meure.

— Va, lui dit Jésus, ton fils est guéri. »

L’officier crut à la parole de Jésus, et s’en retourna chez lui. Le lendemain, comme il était environ à moitié chemin, il rencontra ses serviteurs qui venaient lui annoncer que son fils était guéri.

Il leur demanda à quelle heure il s’était trouvé mieux.

« Hier, à la septième heure, dirent-ils, la fièvre le quitta. »

Le père reconnut que c’était l’heure même où Jésus lui avait dit : « Ton fils est guéri, » et il crut en lui, et toute sa famille y crut aussi.


XXII

PIERRE ET ANDRÉ SUIVENT JÉSUS.



Jésus suivait les bords de la mer en Galilée.

Henriette. Au bord de quelle mer était la Galilée ?

Grand’mère. Au bord de la mer Méditerranée, à l’Ouest ; mais à l’Est, elle touchait à une autre mer qui était le lac de Tibériade. Il était si grand, qu’on l’appelait Mer de Galilée, et c’est au bord de cette mer que marchait Jésus, lorsqu’il aperçut les deux frères Simon, que Jésus surnomma Pierre, et André, qui jetaient leurs filets dans la mer, car ils étaient pêcheurs. Jésus leur dit : « Suivez-moi. » Aussitôt ils quittèrent leurs filets et le suivirent, lui prouvant ainsi, par leur docilité, qu’ils croyaient en sa puissance, et qu’ils voulaient consacrer leur temps et leur vie à le servir.

S’étant avancé un peu plus loin, il vit dans une barque Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère, qui raccommodaient leurs filets, car eux aussi étaient pêcheurs.

Il les appela, et ils le suivirent sur l’heure, laissant leur père Zébédée dans sa barque, avec les gens qu’il avait loués pour le servir.

Jeanne. Comment ! Ils ont abandonné leur pauvre père ?

Grand’mère. Ils ont abandonné leur père pour obéir à leur Dieu ; ils nous font voir, par cette obéissance si entière, avec quel empressement nous devons obéir aux ordres de Dieu. Zébédée avait des serviteurs ; il pouvait se passer de ses fils. Il s’en est séparé, comme il s’en serait séparé si ses fils s’étaient mariés, ou s’ils étaient entrés au service d’un étranger qui les aurait emmenés bien loin. Jésus ne les emmenait pas loin, puisqu’il ne quittait pas la Palestine.


XXIII

JÉSUS DÉLIVRE UN POSSÉDÉ.



Ils allèrent ensemble à Capharnaüm, Jésus instruisait le peuple dans la synagogue le jour du sabbat. Il parlait si saintement, qu’ils étaient tous remplis d’étonnement. Il se trouvait là, pendant que Jésus parlait, un malheureux homme possédé du démon, qui jeta un grand cri en disant à Jésus :

« Laissez-nous ! Qu’avons-nous à faire avec vous, Jésus de Nazareth ? Êtes-vous venu pour nous perdre ? Je sais qui vous êtes ; vous êtes le Saint de Dieu. »

Jésus menaça le démon qui parlait par la bouche de cet homme, et lui dit :

« Tais-toi, et sors de cet homme. »

Le démon, ayant jeté l’homme par terre au milieu de l’assemblée, sortit de son corps, et l’homme fut guéri. Tout le monde fut épouvanté, et ils se disaient les uns aux autres : « Qu’est ceci ? Il commande en maître aux démons, et ils lui obéissent ! » Et la renommée de Jésus s’étendit au loin dans les contrées d’alentour.

Jacques. Grand’mère, je remarque une chose que je ne comprends pas. Pourquoi, lorsque Jésus fait un grand miracle, les Juifs ont-ils toujours peur, et même souvent ils ne veulent plus qu’il reste avec eux ?

Grand’mère. Parce qu’ils sont méchants, qu’ils se sentent méchants, qu’ils ont peur d’être punis, et qu’ils craignent tous ceux qui ont une puissance supérieure à la leur. Ils voyaient, d’après les miracles que faisait Jésus, et qu’ils étaient obligés de reconnaître, qu’il avait un grand pouvoir, et ils avaient peur qu’il n’employât ce pouvoir contre eux pour les punir.

Jésus fit plusieurs grands miracles à Capharnaüm. La belle-mère de Pierre était très-malade d’une forte fièvre, Jésus la guérit en la prenant par la main et lui ordonnant de se lever ; elle se leva guérie, et se mit à les servir. Le soir, après le coucher du soleil, une foule de gens malades vinrent à Jésus ou lui furent apportés pour qu’il les guérît. Il imposait les mains sur chacun des malades, et ils étaient guéris.

Les démons sortaient, à son ordre, du corps des possédés ; ils criaient en disant : « Vous êtes le Fils de Dieu ! » Mais Jésus leur défendait, avec menaces, de dire qu’il était le Christ et qu’ils le savaient.

Élisabeth. Qu’est-ce que c’est, être possédé par le démon ? Est-ce tout simplement être méchant ?

Grand’mère. Non ; être possédé du démon, c’est avoir le malheur de lui appartenir même par le corps, et le corps est obligé d’obéir au démon, qui demeure en lui.

Élisabeth. Comment est-on possédé ? Est-ce une punition ?

Grand’mère. Presque toujours ; quelquefois, pourtant, c’est une épreuve pour exercer l’humilité ou pour mieux faire comprendre le bonheur d’appartenir à Jésus.

Élisabeth. Est-ce que les possédés pèchent quand le démon les fait blasphémer et commettre de méchantes actions ?

Grand’mère. Non, car ils ne sont plus libres, pas plus que ne l’est un fou qui ne sait plus ce qu’il fait, ou bien que tu n’es libre toi-même si on prend ta main de force pour donner un soufflet à ton voisin.

Henri. Y a-t-il encore des possédés ?

Grand’mère. Oui, mais ils sont très-rares dans les pays chrétiens où Jésus est connu, aimé et servi.

XXIV

PÊCHE MIRACULEUSE.



Le lendemain, dès qu’il fit jour, Jésus sortit et alla dans un lieu désert où il avait l’habitude de prier. Simon et les autres disciples qui l’accompagnaient l’y cherchèrent, et, l’ayant trouvé, ils lui dirent :

« Tout le monde vous cherche, Maître.

— Il faut que j’annonce aux autres villes le royaume de Dieu, répondit Jésus, car c’est pour cela que j’ai été envoyé en ce monde. »

Jésus se mit donc à parcourir toute la Galilée, parlant dans les synagogues, prêchant le royaume de Dieu.

Jacques. Qu’est-ce que c’est, le Royaume de Dieu ?

Grand’mère. C’est le Paradis où règne Dieu ; et puis, c’est aussi dans ce monde la vie bonne et sainte qui fait régner le bon Dieu dans nos cœurs et dans nos actions. Notre-Seigneur expliquait ce qu’il fallait faire pour entrer dans ce Royaume, et il guérissait les malades et les infirmes. Le bruit de ces guérisons se répandit dans toute la Syrie…

Valentine. Comment ! la Syrie, puisque Jésus était en Galilée ?

Grand’mère. La Galilée est dans la Palestine, et la Syrie est au nord de la Palestine ; c’est tout près. Toute la Syrie sut donc en peu de temps les miracles de Jésus, et on lui amena tous les malades et ceux qui souffraient de divers maux, comme les possédés, les paralytiques, les aveugles, les sourds-muets, et il les guérit tous. Une grande multitude de gens, de tous les pays environnants, le suivait partout où il allait.

Un jour, il était sur le bord du lac de Génésareth.

Louis. Où était le lac de Génésareth ?

Grand’mère. Le lac de Génésareth est le même que la mer de Tibériade. Génésareth était, comme Tibériade, une ville bâtie sur les bords de la mer de Galilée, et qui lui donnait son nom.

Notre-Seigneur marchait donc au bord de ce lac, et il était tellement entouré d’une foule de peuple qui venait pour entendre la parole de Dieu, qu’il en était accablé. Il aperçut deux barques arrêtées près du bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus pour raccommoder leurs filets. Jésus monta dans l’une de ces barques qui appartenait à Simon-Pierre, et le pria de s’éloigner un peu du rivage ; puis il s’assit, et il instruisait le peuple de dessus la barque.

Quand Notre-Seigneur eut achevé son discours, il dit à Simon : « Avance en pleine mer et jette tes filets pour pêcher. »

Simon lui répondit : « Maître, nous avons pêché toute la nuit sans rien prendre ; mais, pour obéir à votre parole, je jetterai les filets. »

Simon-Pierre les jeta dans le lac, et quand il voulut les tirer, ses filets étaient si pleins et si lourds qu’ils se rompaient, c’est-à-dire que les mailles des filets cassaient. Alors ils appelèrent à leur aide les hommes qui étaient sur l’autre barque ; et quand on tira les filets et qu’on mit les poissons dans les barques, il y en avait une si grande quantité que les barques étaient sur le point de couler.

Armand. Comment couler ? Où couler ?

Grand’mère. Couler au fond du lac ; parce que les barques se trouvaient si lourdes, pleines comme elles l’étaient, qu’elles enfonçaient jusqu’au bord, et si elles avaient enfoncé un peu plus, l’eau serait entrée par-dessus le bord, et les barques auraient été au fond du lac.

Simon-Pierre, voyant ce nouveau miracle de Jésus, se jeta à ses pieds et lui dit : « Éloignez-vous de moi, Seigneur, parce que je ne suis qu’un pêcheur. »

Louis. C’était très-mal à Simon-Pierre de dire cela à Jésus, qui avait été si bon pour lui et qui avait guéri sa belle-mère.

Madeleine. Pierre était donc marié ?

Grand’mère. Oui, il était marié et il avait même une fille connue sous le nom de Pétronille ; mais il quitta sa maison et sa femme pour suivre Notre-Seigneur. Et ce que disait Pierre à Jésus était au contraire très-bien, car il le disait par humilité ; ce miracle d’une pêche si abondante lui démontrait de plus en plus que Jésus était Dieu ; il ne se croyait pas digne de le recevoir dans sa pauvre barque.

Mais Jésus lui dit : « Ne crains pas. À l’avenir tu seras pêcheur d’hommes. »

Jacques. Comment pêcheur d’hommes ? On ne pêche pas les hommes comme des poissons !

La grand’mère rit et tout le monde rit.

Grand’mère. Jésus voulait dire qu’au lieu de passer son temps à prendre des poissons, Simon-Pierre passerait son temps à prêcher aux hommes ce qu’ils doivent croire et savoir, et qu’il retirerait des hommes au démon pour les donner au bon Dieu, au lieu de retirer des poissons de la mer pour les donner en nourriture aux hommes.

Simon-Pierre et Jacques et Jean, fils de Zébédée, qui étaient avec Simon, ramenèrent les barques au rivage, et cette fois ils quittèrent leurs barques et leurs filets pour suivre Jésus. Jusqu’alors ils avaient cru en lui et ils étaient ses disciples, mais ils n’étaient pas toujours avec lui ; ils le quittaient quelquefois pour leurs affaires et pour voir leurs familles.

Et à présent, mes enfants, nous aussi, nous allons quitter notre bon Jésus pour revenir à lui demain.


XXV

LE LÉPREUX.



Grand’mère. Nous avons eu hier, mes chers enfants, des miracles intéressants, surtout celui de la pêche miraculeuse ; après cette pêche, Jésus continua à aller de ville en ville pour prêcher, pour faire connaître aux Juifs la loi de Dieu et pour se faire connaître à eux. Un jour, il se trouvait dans une des villes de la Galilée, lorsqu’un homme couvert de lèpre…

Armand. Qu’est-ce que c’est, la lèpre ?

Grand’mère. La lèpre est une maladie de la peau, affreuse, douloureuse et si contagieuse, c’est-à-dire qui se gagne si facilement, qu’on défendait aux lépreux (gens atteints de cette maladie) de vivre avec les autres hommes ; ils logeaient ensemble dans des maisons hors des villes et il leur était défendu de toucher ni d’approcher personne. On leur apportait ce qui leur était nécessaire pour vivre et se vêtir et on le déposait dans un endroit où ils allaient le chercher.

Jeanne. Vous disiez, Grand’mère, que la lèpre était douloureuse et affreuse. Comment ça ?

Grand’mère. Douloureuse, parce que toute la peau était enflammée…

Petit-Louis. Comment ? Elle flambait ?

Grand’mère, riant. Non ; quand on dit qu’une partie du corps est enflammée, cela veut dire qu’il y a là une grande chaleur et une vive douleur. Dans la lèpre, la peau était donc très-enflammée et enflée ; elle se fendait partout, et de ces fentes il sortait du sang et de l’humeur ; de plus, on souffrait d’une démangeaison insupportable et continuelle qui empêchait même de dormir. Jésus vit donc ce pauvre lépreux, qui, l’apercevant et se tenant éloigné, se prosterna le visage contre terre et lui dit :

« Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir. »

Jésus, étendant la main, lui dit : « Je le veux ! Sois guéri. »

Et à l’instant même sa lèpre disparut. Jésus lui commanda de n’en parler à personne.

« Mais va, lui dit-il, te montrer aux prêtres, et en reconnaissance de ta guérison, fais l’offrande que Moïse ordonne de faire, afin de bien leur prouver que tu es guéri. »

Cet homme ne fut pas plus tôt parti, qu’il se mit à publier partout ce miracle, de sorte que tout le monde le sut et que Jésus ne pouvait plus se montrer dans la ville sans être entouré de la foule qui accourait de toutes parts pour être guérie par lui et pour l’entendre. Mais Jésus évitait la foule et se retirait dans le désert pour prier.

Jacques. Pourquoi Jésus a-t-il défendu au lépreux de dire qu’il avait été guéri par lui ?

Grand’mère. Pour nous donner un exemple d’humilité, pour nous faire voir qu’il faut éviter les louanges et les honneurs ; ensuite pour ne pas être trop généralement reconnu comme le Christ, le Fils de Dieu, puisqu’il voulait accomplir sa mission, qui était de mourir pour les hommes pour les racheter, comme l’avaient prédit tous les Prophètes. Et si on l’avait reconnu pour le Christ, les Juifs n’auraient pas osé le faire mourir.

Pierre. Il y a des choses que je ne comprends pas bien, Grand’mère. Puisque Jésus voulait se faire connaître, pourquoi empêchait-il le lépreux de publier sa guérison ? Et pourquoi voulait-il absolument mourir pour racheter les hommes ?

Grand’mère. Jésus voulait faire tout ce qu’il pouvait, comme homme, pour se faire reconnaître des Juifs, mais il ne voulait pas forcer leur volonté par sa puissance Divine, afin de ne pas ôter à ceux qui se convertissaient, c’est-à-dire qui devenaient bons, de mauvais qu’ils avaient été, le mérite de leur changement. Et Jésus voulait mourir comme l’avaient annoncé les Prophètes, parce qu’il venait pour expier nos péchés, qui nous avaient mérité non-seulement la mort, mais la punition éternelle dans l’enfer. Il a voulu souffrir et mourir, pour nous donner à tous l’exemple de la patience dans les plus grandes souffrances et jusque dans la mort. C’est par amour pour nous aussi, et non par nécessité, qu’il a voulu souffrir et mourir.

Henriette. Vous dites, Grand’mère, que Jésus voulait racheter les hommes. Racheter à qui et de qui ?

Grand’mère. Racheter, c’est-à-dire arracher de la puissance du démon ; c’est Adam et Ève qui se sont laissés séduire par lui et qui se sont livrés à lui par le péché ; à partir du péché, Adam et tous les hommes qui devaient venir de lui et dont il devait être le père, se sont trouvés esclaves du démon. Seulement Jésus leur a donné, par ses souffrances et par sa mort, la possibilité d’être heureux éternellement, en suivant la loi qu’il leur donnait ; c’est comme cela qu’il nous a rachetés.

Henriette. Ah ! oui, je comprends. C’est comme si un homme me devait de l’argent, à moi qui suis un Roi, je suppose. Il refuse de payer ; je le mets en prison avec sa famille. Mais son frère, à force de travail, paye pour lui, pour que je le fasse sortir de prison. Et je lui ouvre la porte, il peut sortir s’il veut.

Grand’mère. C’est très-bien compris et expliqué ; il faut seulement ajouter qu’en ouvrant la porte, tu lui dis : « La porte restera ouverte jusqu’à la nuit ; si vous n’êtes pas sorti de votre prison quand je viendrai fermer la porte, vous n’en sortirez plus jamais et vous souffrirez toujours. »

Louis. Comment ? Je ne comprends pas.

Grand’mère. D’après la comparaison d’Henriette, la dette de l’homme, c’est le péché ; le Roi, c’est le bon Dieu ; la prison, c’est la vie de pénitence que nous sommes condamnés à mener, pleine d’ennuis, de privations, de souffrances ; le frère, c’est Jésus-Christ, qui souffre et travaille tant, qu’il paye la dette de son frère et de sa famille. Le roi ouvre la porte ; donc les prisonniers peuvent sortir de leur prison, c’est-à-dire que les hommes peuvent sortir du péché. S’ils ne le veulent pas, s’ils aiment mieux rester dans le péché jusqu’à la nuit, c’est-à-dire jusqu’à la mort, le Roi referme la porte et les hommes restent toujours et toujours dans la prison du péché qui est l’enfer.


XXVI

LE PARALYTIQUE.



Nous allons reprendre l’histoire de Jésus.

Quelques jours après, il monta dans une barque, il retraversa le lac de Génézareth et revint à Capharnaüm, qu’il avait choisi pour sa demeure. Dès que le peuple eut appris dans quelle maison il demeurait, il y vint en foule, et il y venait tant de monde pour l’écouter parler, que l’intérieur de la maison et le devant de la porte ne pouvaient les contenir tous. Il y avait parmi tous ces gens plusieurs Pharisiens et Docteurs de la loi qui étaient venus de tous les villages de Galilée, de Judée et même de Jérusalem, pour écouter ce que disait Jésus, pour tâcher de le prendre en faute et porter plainte contre lui.

Jacques. Mais de quoi pouvaient se plaindre ces méchants, puisque Jésus ne faisait et ne disait que de bonnes choses, et à qui voulaient-ils se plaindre, puisque Jésus ne faisait de tort à personne ?

Grand’mère. C’est précisément ce qui les faisait tant enrager ; c’est que Jésus leur reprochait leur hypocrisie, leur dureté, leur orgueil, leur avarice, et que lui-même faisait et disait tout parfaitement et qu’ils étaient de plus en plus jaloux de sa sagesse, de sa science, de sa bonté et de sa puissance. Ils auraient voulu se plaindre au gouverneur romain, en lui faisant croire que Jésus excitait le peuple à la révolte ; mais ils ne trouvaient rien à redire, et ils étaient d’autant plus furieux.

Un jour que Jésus parlait au peuple, il vint des gens qui portaient un lit sur lequel était couché un pauvre paralytique ; ils cherchaient à entrer dans la maison où parlait Jésus, mais trouvant impossible de pénétrer au travers de la foule, ils grimpèrent sur le toit de la maison, en démolirent, c’est-à-dire en défirent une partie, descendirent par cette ouverture le paralytique avec son lit et le placèrent devant Jésus.

Louis. Comment les a-t-on laissés casser tout un toit sans les chasser ?

Grand’mère. Dans ce pays-là, les maisons n’avaient qu’un étage, les toits étaient presque plats et faits avec de très-grandes tuiles qu’on posait les unes près des autres, de manière qu’il était facile de découvrir une partie de la maison sans rien casser ; il n’y avait qu’à enlever les tuiles et les mettre en tas dans un coin.

Jésus, voyant leur foi, dit au malade :

« Mon fils, tes péchés te sont remis. »

Alors les Pharisiens et les Docteurs de la loi dirent en eux-mêmes :

« Quel est cet homme qui blasphème de la sorte ? Quel autre que Dieu peut remettre les péchés ? »

Mais Jésus, sachant ce qu’ils pensaient, leur adressa la parole et dit :

« Quelles sont ces pensées que vous avez dans le cœur ? Lequel est le plus facile, de dire : Vos péchés vous sont remis, ou de dire : Levez-vous et marchez ? Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a, sur la terre, le pouvoir de remettre les péchés :

« Lève-toi, dit-il au paralytique, je te le commande ; emporte ton lit et va dans ta maison. »

Au même instant, le paralytique se leva en leur présence, emporta le grabat sur lequel il avait été couché, et s’en alla dans sa maison en rendant grâce à Dieu.

Tout le monde fut frappé d’étonnement et glorifiait Dieu ; et tous s’écriaient : « Nous avons vu aujourd’hui des choses merveilleuses ! »

Jeanne. Grand’mère, vous dites que les Pharisiens accusaient Jésus d’avoir blasphémé : qu’est-ce que c’est, blasphémer ?

Grand’mère. Blasphémer, c’est dire des choses irrespectueuses ou injurieuses pour le bon Dieu et pour les choses saintes.

Jacques. Mais Jésus n’avait rien dit d’injurieux pour le bon Dieu.

Grand’mère. Non, certainement ; mais en faisant ce grand miracle, il avait aussi pardonné au paralytique ses péchés, ce que Dieu seul a le pouvoir de faire, comme le disaient très-justement les Pharisiens ; et c’est comme s’il leur avait dit : « Je suis Dieu, c’est pour cela que je pardonne les péchés et que je guéris les paralytiques. » Et les Pharisiens ne pouvaient souffrir que Jésus fût reconnu comme Dieu et qu’il le prouvât par ses miracles. Ils étaient de ceux qui attendaient un Messie-Roi, puissant et glorieux, qui soumettrait toute la terre aux Juifs.


XXVII

MATTHIEU SUIT JÉSUS.



Jésus continua à instruire le peuple qui venait en foule pour l’écouter. Un jour, il vit un homme qui s’appelait Lévi ou Matthieu, assis devant un bureau des impôts…

Valentine. Qu’est-ce que c’est, des impôts ?

Grand’mère. Les impôts étaient les sommes d’argent que chacun devait payer au gouverneur de la Judée.

Armand. Et combien fallait-il payer ?

Grand’mère. Cela dépendait de ce qu’on avait ; les riches payaient plus que les pauvres ; on payait plus pour une grande terre que pour une petite, plus pour une belle maison que pour une petite ou une laide.

Jésus dit à Matthieu :

« Suis-moi. »

Et Matthieu se leva sur-le-champ et le suivit, laissant son bureau et tout ce qu’il avait. Il resta disciple de Jésus et il écrivit, depuis, l’Évangile que je vous raconte.

Henriette. Ah ! c’est lui qui a écrit tout l’Évangile ? Je croyais que c’était saint Jean.

Grand’mère. Saint Jean a en effet écrit aussi l’Évangile, de même que saint Luc et saint Marc ; on les a gardés tous les quatre, parce que tous les quatre ont été inspirés et enseignés intérieurement par le Saint-Esprit. D’ailleurs tout ce qui est raconté dans un Évangile n’est pas toujours raconté dans les autres, parce qu’il y a des choses que l’un a omis d’écrire et que l’autre a écrites.

Matthieu ou Lévi, car il avait deux noms, donna à Jésus un grand festin dans sa maison ; et il y avait à ce festin, ou repas, un grand nombre de Publicains et d’autres gens, ce qui fâcha et humilia les Pharisiens et les Scribes, parce qu’ils se croyaient très-supérieurs aux Publicains ; et ils murmuraient et disaient aux disciples :

« Pourquoi buvez-vous et mangez-vous avec des Publicains et des pécheurs ? »

Jésus, connaissant leurs pensées, répondit pour ses disciples :

« Ce ne sont pas ceux qui se portent bien, qui ont besoin du médecin, mais les malades. Apprenez ce que signifient mes paroles : J’aime mieux la miséricorde que le sacrifice ; car je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs. »

Armand. Je ne comprends pas ce que dit Jésus.

Grand’mère. Il dit ou veut dire : que si les Publicains et leurs amis étaient malades dans leur âme, c’est-à-dire s’ils étaient méchants, il venait à eux pour les guérir, c’est-à-dire, pour les rendre bons, comme les médecins qui ne soignent pas les bien portants, mais les malades. Il dit qu’il aimait mieux pardonner que punir, être miséricordieux que sacrifier les coupables, parce qu’il n’était pas venu dans ce monde pour appeler les bons, qui viennent sans qu’on les appelle, mais les mauvais, après lesquels il faut courir.

Armand. Ah ! oui, je comprends très-bien à présent.

Grand’mère. Les disciples de Jean et ceux des Pharisiens, qui jeûnaient souvent, vinrent trouver Jésus et lui dirent :

« Maître, pourquoi vos disciples ne jeûnent-ils pas, comme les disciples de Jean et des Pharisiens ? »

Jésus leur répondit :

« Ceux qui accompagnent l’époux aux noces peuvent-ils jeûner ? Pendant tout le temps que l’époux est avec eux, ils ne peuvent pas jeûner. Mais un jour viendra, où l’époux leur sera enlevé, alors ils jeûneront. »

Jeanne. Qu’est-ce que cela veut dire ? Je ne comprends pas du tout.

Grand’mère. Cela veut dire que le temps que Jésus passait sur la terre avec ses disciples, était pour eux une grande fête comme une noce ; de même que personne ne jeûne à une noce, de même ses disciples ne jeûnaient pas tandis qu’il était avec eux ; mais lorsqu’il les quitterait pour retourner au Ciel dans la gloire de son père, alors ils jeûneraient.

XXVIII

LE MALADE DE LA PISCINE DE SILOÉ.



Quelque temps après, Jésus vint à Jérusalem pour une fête. Il y a à Jérusalem une piscine…

Armand. Qu’est-ce que c’est qu’une piscine ?

Grand’mère. Une piscine est une espèce de bassin ou de réservoir plein d’eau. Cette piscine dont je vous parle s’appelait la piscine des Brebis.

Marie-Thérèse. Pourquoi cela ?

Grand’mère. Parce qu’on y lavait les entrailles des brebis après qu’on les avait tuées pour le sacrifice. On nommait aussi cette piscine piscine de Bethsaïda ; et enfin on l’appelait piscine de Siloé, parce que c’était la fontaine ou la source de Siloé qui donnait de l’eau à la piscine de Bethsaïda près de la porte des Brebis, une des portes de Jérusalem.

Il y avait, près de la piscine de Bethsaïda, un grand bâtiment, avec cinq portiques, ou colonnades à arcades, qui s’appelaient Bethsaïda, ce qui veut dire maison de grâce, de bienfaisance.

Là se tenaient une foule de malades et d’infirmes, qui venaient puiser de l’eau pour se guérir ; mais il fallait prendre cette eau au moment où elle bouillonnait, ce qui arrivait quand un Ange envoyé de Dieu venait l’agiter. Beaucoup de malades se trouvaient guéris en se plongeant dans la piscine au moment où l’eau bouillonnait.

Il y avait là un malade, paralysé de tous les membres depuis trente-huit ans. Jésus, le voyant étendu par terre et sachant qu’il était malade depuis si longtemps, lui dit :

« Veux-tu être guéri ? »

Le malade lui répondit :

« Seigneur, je n’ai personne qui m’aide à descendre dans la piscine pendant que l’eau bouillonne ; d’autres y descendent avant que je puisse y arriver. »

Jésus lui dit :

« Lève-toi, emporte ton lit et marche. »

Aussitôt cet homme fut guéri, et prenant son lit, il marchait. Or c’était un jour de sabbat. Les Juifs lui disaient :

« C’est aujourd’hui le jour du sabbat ; il ne vous est pas permis d’emporter votre lit. »

Jacques. Qu’ils sont bêtes ces Juifs ! Pourquoi ne voulaient-ils pas laisser ce pauvre homme emporter son lit ?

Grand’mère. Parce que d’après la loi juive, il n’était pas permis de porter des fardeaux le jour du sabbat.

Le paralytique répondit :

« Celui qui m’a guéri m’a dit : Prends ton lit et marche ? »

les Juifs lui demandèrent :

« Quel est cet homme qui vous a dit : Prends ton lit et marche ? »

Mais celui qui avait été guéri ne savait qui c’était, parce que Jésus s’était de suite éloigné de la foule. Peu de temps après, Jésus le trouva dans le Temple et lui dit :

« Te voilà guéri : ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de plus triste encore. »

Cet homme alla trouver les Juifs et leur dit :

« Celui qui m’a guéri, c’est Jésus. »

Les Juifs, au lieu de reconnaître par tous ces miracles que Jésus était Dieu, le Messie promis et attendu pour sauver les hommes, le persécutèrent de plus en plus parce qu’il guérissait le jour du sabbat ; et ils cherchaient à le faire mourir, parce qu’il se faisait l’égal de Dieu, se disant Dieu et Fils de Dieu. Et Jésus leur dit :

« En vérité, en vérité, je vous le dis, tout ce que fait le Père, le Fils le fait aussi, parce que le Père aime le Fils et lui communique toute la puissance qu’il a lui-même. Car, ainsi que le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, de même le Fils donne la vie à qui il lui plaît. Le Père ne juge personne, mais il donne au Fils tout pouvoir de juger, afin que les hommes honorent le Fils comme ils honorent le Père. Celui qui n’honore pas le Fils, n’honore pas le Père qui l’a envoyé.

« En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle. »

Élisabeth. Comme c’est beau ces paroles de Notre-Seigneur ! Et pourtant je ne comprends pas tout.

Grand’mère. Personne ne les comprend parfaitement, parce que ce sont des paroles divines qui expriment des choses que nous ne pouvons comprendre, de même que le mystère de l’Incarnation. Mais ce que nous pouvons tous comprendre, c’est que Notre-Seigneur déclarait devant tous, qu’il fallait croire en lui comme Dieu, croire qu’il était égal au Père Céleste, et qu’on ne connaissait pas le vrai Dieu quand on ne croyait pas en Notre-Seigneur.

Jésus continua à leur dire de très-belles choses, pour qu’ils crussent en lui, qu’ils fussent bien convaincus qu’il était réellement Dieu fait homme ; et il leur dit qu’il ne parlait pas ainsi pour sa propre gloire, mais pour la gloire de Dieu son Père, et pour le bonheur et le salut de tous les hommes. Mais les Juifs étaient comme sourds et aveugles ; ils ne voulaient ni comprendre ses paroles, ni voir ses miracles, et ils continuèrent à chercher les occasions de le prendre en faute, pour le faire mourir.

Jacques. Je déteste ces Juifs ! Ils sont méchants pour ce bon Jésus !

Grand’mère. On les verra bien plus méchants encore quand ils feront souffrir et si cruellement mourir le bon Jésus leur Dieu, leur Sauveur.

Valentine. Jamais les Français ne seraient si méchants.

Grand’mère. Il y en a des millions qui sont tout aussi méchants et qui font tout comme les Juifs. Ils ne persécutent pas Jésus homme, parce qu’ils ne le peuvent pas, qu’ils ne le voient pas, mais ils insultent Dieu homme, par leurs paroles, par leurs actions ; ils le crucifient par leur désir, par leur volonté ; ils le font souffrir par leurs méchantes et vilaines actions ; ils outragent et persécutent ses disciples les Prêtres ; ses amis, les bons chrétiens ; et son vicaire, le Pape, celui qui le remplace dans ce monde.

Henriette. Comment ! Grand’mère, des Français font tout cela ?

Grand’mère. Hélas ! oui, mon enfant. Et nous-mêmes, quand nous ne remplissons pas notre devoir, nous insultons notre bon Jésus, nous nous joignons aux Juifs qui l’outrageaient.

Petit-Louis. Oh ! mon Dieu, mon Dieu ! Que je suis fâché d’avoir été méchant ce matin ! Et puis hier aussi ! Je tâcherai de ne plus l’être jamais.

Tous les enfants. Et moi aussi, jamais je ne serai méchant !

Grand’mère. C’est très-bien, mes chers enfants ; tâchons de ne pas faire comme les Juifs, et soyons toujours pleins de tendresse et de reconnaissance envers le bon Jésus, notre Dieu. Je vais vous laisser sur cette bonne résolution et nous reprendrons demain la vie de Notre-Seigneur.


XXIX

GUÉRISON D’UN HOMME À LA MAIN DESSÉCHÉE.



Le lendemain, quand la grand’mère entra dans la salle d’étude, les huit petits enfants au-dessous de huit ans se précipitèrent vers elle en criant :

« Nous avons été très-sages, Grand’mère, nous n’avons pas insulté ni offensé le bon Jésus ! nous n’avons pas fait comme les méchants Juifs ! »

La grand’mère les embrassa tous en souriant.

« Je suis très-contente de ce que vous me dites, mes chers petits. Le bon Jésus, que vous avez cherché à contenter, vous en récompensera ; jamais il ne laisse rien passer de bon sans le récompenser. »

Henri. Mais aussi il punit tout ce qui est mal.

Grand’mère. Oui, sans doute ; autrement il ne serait pas juste. Aujourd’hui, je vais vous raconter un nouveau miracle.

Jésus entra un jour de sabbat dans une synagogue et il se mit à enseigner le peuple. Il y avait là, près de lui, un homme qui avait la main droite desséchée, à la suite d’une maladie ou d’un accident. Les Docteurs de la loi et les Pharisiens observaient pour voir si Jésus le guérirait ; parce qu’ils voulaient saisir cette occasion d’accuser Jésus d’avoir fait une chose défendue en guérissant le jour du sabbat.

Notre-Seigneur, connaissant leur pensée, leur dit :

« Qui est celui d’entre vous, qui, ayant une brebis, si elle tombe dans un fossé, ne la relève et ne la retire ? Or un homme vaut bien plus qu’une brebis ; il est donc permis de faire du bien le jour du sabbat. »

Alors il dit à l’homme qui avait la main desséchée :

« Lève-toi, et viens ici. » Puis il dit aux Pharisiens et aux Docteurs de la loi :

« Est-il permis, le jour de sabbat, de faire du bien ou du mal, de sauver la vie d’un homme ou de le laisser périr ? »

Et ils n’osèrent répondre une parole ; mais Jésus, les regardant avec indignation, et attristé de l’aveuglement de leur cœur, il dit à cet homme :

« Étends ta main. » Il l’étendit et sa main fut guérie.

Les Pharisiens fort en colère, mais ne pouvant le blâmer devant le peuple, sortirent de la synagogue et tinrent conseil sur les moyens de le perdre.

Armand. Comment le perdre ? où le perdre ?

Grand’mère. Le perdre, c’est-à-dire le faire mourir, lui faire perdre la vie.

Petit-Louis. Grand’mère, pourquoi avez-vous dit : l’aveuglement de leur cœur ; un cœur ne peut pas être aveugle puisqu’il n’a pas d’yeux.

Grand’mère. Aussi n’ai-je pas voulu dire que leur cœur ne verrait plus clair. On dit aveuglement du cœur, pour : les mauvais sentiments du cœur, qui l’empêchent de voir, c’est-à-dire de comprendre le mal qu’il fait.

Henriette. Certainement. Quand on te dit : « Tu vois bien que tu as eu tort ! » tu ne le vois pas avec tes yeux, et pourtant tu le vois, tu le sens.

Petit-Louis. Oui, oui, je comprends à présent.


XXX

JÉSUS CHOISIT SES APÔTRES.



Grand’mère. Jésus se retira ensuite sur une montagne où il passa la nuit en prières, comme il faisait souvent.

Louis. Mais pourquoi priait-il et qui priait-il, puisqu’il était lui-même le bon Dieu et tout-puissant ?

Grand’mère. Il était Dieu certainement, mais Dieu-homme. N’oublie pas qu’il était venu sur la terre sous la forme d’homme, pour que toute sa vie nous servît d’exemple ; et que comme homme, il voulait prier et honorer Dieu son Père pour nous montrer comment nous devions le prier et l’honorer. De plus, Notre-Seigneur, vrai homme en même temps que vrai Dieu, priait véritablement comme nous. Il adorait Dieu son Père, agenouillé et les mains jointes comme nous ; il rendait hommage au bon Dieu ; et dans ses prières, dont personne ne pourra jamais comprendre l’excellence, il demandait toutes les grâces dont le monde a et aura besoin. Ayant prié toute la nuit, il appela ses disciples quand il fit jour et il en choisit parmi eux douze, auxquels il donna le nom d’Apôtres.

Jeanne. Qu’est-ce que cela veut dire, Apôtre ?

Grand’mère. Apôtre veut dire envoyé. Jésus les nomma ainsi parce qu’il voulait les envoyer prêcher dans d’autres pays, chez d’autres peuples, pour le faire connaître et pour faire connaître ses commandements. Ces douze Apôtres étaient :

Simon, que Jésus nomma Pierre, Jacques, fils de Zébédée, Jean, frère de Jacques, André, Matthieu, Jude, Philippe, Thomas, Simon le Cananéen, Barthélemy, Jacques, fils d’Alphée, Judas Iscariote qui le trahit.

Henri. S’il devait le trahir, pourquoi l’a-t-il choisi pour Apôtre ?

Grand’mère. Au moment où Notre-Seigneur l’avait choisi, Judas était très-bon et très-zélé ; il devint mauvais plus tard, parce qu’il négligea les grâces dont Notre-Seigneur l’avait comblé, qu’il aima l’argent et qu’il devint avare et intéressé. En le choisissant pour apôtre, Jésus-Christ voulait nous faire voir que même les meilleurs doivent toujours veiller sur eux-mêmes et toujours combattre leurs mauvais instincts sous peine de devenir méchants comme l’est devenu Judas Iscariote.



XXXI

SERMON SUR LA MONTAGNE.



Jésus était suivi d’une grande foule de peuple, et s’étant assis sur la montagne, il parla longtemps. Voici quelques-unes des choses qu’il leur dit :

« Heureux les pauvres d’esprit ; car le Royaume des Cieux est à eux ! »

Henriette. Pauvre d’esprit veut dire bête ; il faut donc être bête pour entrer dans le Royaume de Dieu ?

Grand’mère. Non ; pauvre d’esprit signifie dans cette occasion pauvre de goûts, de désirs, de pensées ; qui n’aime ni ne désire les richesses, et qui ne met pas son bonheur dans la richesse.

« Heureux ceux qui pleurent ; car ils seront consolés ! »

Jacques. Mais alors pourquoi papa me gronde-t-il quand je pleure, puisque Jésus dit que c’est heureux de pleurer.

Grand’mère. Ce n’est pas de pleurer pour des contrariétés ou des pénitences qui est un bonheur ; Jésus parle des chagrins, des malheurs, des souffrances, qu’on supporte avec courage par amour pour lui et par obéissance à sa volonté ; ce sont ceux-là qui seront consolés.

« Heureux ceux qui sont doux ; car ils posséderont la terre ! »

Armand. Quelle terre ? Toute la terre ?

Grand’mère. Non, pas la terre de ce monde ; Jésus veut parler du Ciel, qu’on appelle souvent la terre promise des vivants. Et puis, même dans ce monde, la douceur et la bonté sont récompensées par la tendresse qu’elles inspirent ; la bonté et la douceur gagnent tous les cœurs et adoucissent même les méchants.

« Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice ; car ils seront rassasiés. »

Henriette. Qu’est-ce que c’est, faim et soif de la justice ? de quelle justice ?

Grand’mère. Cela veut dire, désirer la justice très-ardemment ; comme on désire manger et boire quand on a faim et soif. La justice, c’est tout ce qui est bien pour la gloire de Dieu.

« Heureux les miséricordieux ; car ils seront eux-mêmes traités avec miséricorde. »

Valentine. Qu’est-ce que c’est, miséricordieux ?

Grand’mère. Miséricordieux veut dire bon, qui pardonne facilement et avec bonté le mal qu’on lui fait ; et aussi ceux qui ont compassion des malheureux et qui cherchent à les secourir et à les consoler.

« Heureux ceux qui ont le cœur pur ; car ils verront Dieu ! »

Armand. Comment, pur ?

Grand’mère. Pur, c’est-à-dire propre, nettoyé de tout mauvais sentiment, de toute mauvaise pensée.

« Heureux les pacifiques ; car ils seront appelés enfants de Dieu ! »

Marie-Thérèse. Qu’est-ce que c’est, pacifique ?

Grand’mère. Pacifique veut dire tranquille, qui n’aime


Sermon sur la montagne.
Sermon sur la montagne.



pas les disputes, les querelles ; qui cède plutôt que de se disputer.

« Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice : car le Royaume des cieux est à eux. »

Ces bonheurs dont parle Jésus et qui sont au nombre de huit s’appellent : les huit béatitudes ; béatitude veut dire bonheur.

« Vous serez heureux quand les hommes vous maudiront et vous persécuteront ; et diront faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. »

Jeanne. Comment, à cause de moi ? Pourquoi Jésus dit-il : à cause de moi ?

Grand’mère. Parce que c’est un grand mérite, et, par conséquent, un grand bonheur, de souffrir pour Jésus, par amour pour Jésus, les méchancetés des hommes ; ainsi les martyrs, ceux qu’on a tués cruellement parce qu’ils ne voulaient pas renoncer à reconnaître Jésus-Christ pour leur Dieu et leur Maître, ceux-là ont été tout droit dans le Ciel près du bon Dieu. Et Jésus ajoute aussi :

« Réjouissez-vous alors et tressaillez de joie, parce que votre récompense sera grande dans le Ciel. »

Camille. Pourquoi donc dit-on tout le contraire dans le monde ? On appelle heureux ceux qui sont riches, ceux qui s’amusent, ceux qui ont de belles positions, ceux qui n’ont rien à souffrir.

Grand’mère. C’est ce que dit le monde ; mais le monde dit faux, puisqu’il dit le contraire du bon Dieu. S’il n’y avait pas de Paradis et d’Enfer, le monde aurait raison ; mais nous autres chrétiens, nous savons qu’après ce monde, il y a l’éternité ; et que cela seul est bon et heureux qui nous mène au Ciel, à l’éternité de bonheur ; et que ce qui nous prépare une éternité de malheur est un vrai mal.

Jésus parla très-longuement encore, mais je ne vous redirai pas tout, parce qu’il y a des choses que vous êtes trop jeunes pour comprendre.

Valentine. Oh ! si, Grand’mère ! Nous comprendrons très-bien ; dites tout.

Grand’mère. Non, chers enfants : ce serait trop long ; ceux de vous qui veulent connaître tout, n’ont qu’à lire les chapitres v, vi et vii de l’Évangile de saint Matthieu ; demandez-le à vos mamans. Je vais continuer en ne disant que ce que je pourrai vous faire comprendre.

« Malheur à vous, riches, parce que vous avez votre consolation ! Malheur à vous qui êtes rassasiés, parce que vous aurez faim ! Malheur à vous qui riez maintenant, parce que vous pleurerez et sangloterez ! »

Jacques. Comment ! on ne doit pas être riche, il ne faut pas manger, il ne faut pas rire !

Grand’mère. Si fait ; mais il ne faut pas trop aimer les richesses et les garder pour soi seul ; il faut les partager avec les pauvres. Il ne faut pas être gourmand, rechercher les bonnes choses, les friandises, et refuser la nourriture aux pauvres qui manquent de pain, parce que, pour expier notre gourmandise, nous souffririons dans l’autre monde, après notre mort. Il ne faut pas passer son temps à s’amuser, à danser, à rechercher les plaisirs, parce que nous serions condamnés au malheur et à la souffrance après notre mort.

Jésus continua à parler au peuple qui l’entourait.

« Vous avez entendu qu’il a été dit : Vous ne tuerez pas ; parce que celui qui tue sera condamné par le tribunal. Et moi je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère sera condamné par le jugement ; et tout homme qui dira à son frère Raca sera condamné par le tribunal ; et celui qui dira : « Vous êtes un fou, » sera condamné au feu de l’enfer.

Louis. C’est donc une grosse injure Raca et fou ?

Grand’mère. Raca est un mot méprisant, comme imbécile, sot, fou. Jésus veut vous faire voir combien c’est mal et contraire à la charité, de dire des sottises, de mépriser les autres, de se mettre en colère et de dire des injures.

Petit-Louis. Jésus dit qu’il ne faut pas en dire à ses frères, mais à d’autres, on peut ; comme à des cousins, par exemple ?

Grand’mère. Mais pas du tout, cher enfant. Jésus, en disant frère, veut dire tous les hommes ; car nous sommes tous frères, puisque Dieu est notre père à tous.

Petit-Louis. Mais un pauvre, par exemple, ou même un ouvrier, n’est pas mon frère ?

Grand’mère. Il est ton frère, d’abord parce qu’il est comme toi, enfant d’Adam, et puis, parce qu’il est comme toi, chrétien, enfant de Dieu et frère adoptif de Jésus-Christ, et à moins que tu ne sois très-bon, il vaut autant que toi s’il est bon lui-même ; et le bon Dieu l’aimera et le récompensera autant que toi ; et s’il est meilleur que toi, plus chrétien que toi, il est plus que toi.

Petit-Louis. Pourquoi cela ? pourquoi serait-il plus que moi ?

Grand’mère. Parce qu’il n’a pas comme toi le temps ni les moyens de s’instruire, de connaître la volonté du bon Dieu ; parce qu’il n’a pas comme toi une vie heureuse et facile, et qu’il lui faut du courage et de la patience pour supporter les fatigues du travail, les privations de la pauvreté ; aussi Jésus a dit un jour que les riches entrent difficilement dans le Royaume de Dieu, c’est-à-dire dans le Paradis ; et c’est pour cela que Jésus a voulu naître pauvre, vivre et mourir pauvre et ouvrier, pour encourager par son exemple les ouvriers et les pauvres.

Jésus dit aussi :

« Si vous êtes sur le point d’offrir un don, un présent à l’autel du Seigneur, et que vous vous souveniez qu’un de vos frères, c’est-à-dire une personne quelconque, ait à se plaindre de vous, soit fâchée contre vous, laissez là votre présent, et allez vous réconcilier avant avec votre frère ; après, vous reviendrez faire votre offrande. »

Madeleine. Mais s’il y a de mauvaises gens, qui nous en veuillent sans qu’il y ait de notre faute et qui nous repoussent, comment faire pour nous réconcilier avec eux ?

Grand’mère. Il ne s’agit ici que de ceux que nous avons offensés et qui sont mal avec nous par notre faute. Le bon Dieu ne demande jamais l’impossible.

« Si votre œil droit est pour vous une occasion de péché, arrachez-le et jetez-le loin de vous. Et si votre main droite est pour vous une occasion de péché, coupez-la et jetez-la loin de vous. »

Louis. Grand’mère, ceci est trop fort. Je trouve que Notre-Seigneur donne des conseils qu’on ne peut pas suivre.

D’abord, un œil ou une main ne peuvent pas faire pécher ; et puis, tout le monde serait borgne ou même aveugle ; et enfin, cela ferait trop mal d’arracher les yeux et de couper les mains.

Grand’mère. Cher enfant, Notre-Seigneur ne veut pas dire par là qu’il faille réellement s’arracher les yeux et se couper les mains ; il veut dire seulement que si une personne ou une chose à laquelle nous tenons beaucoup, que nous aimons beaucoup, veut ou peut nous faire faire le mal, nous faire pécher, nous devons nous en séparer, nous en arracher, quelque peine que cela nous fasse. Notre-Seigneur parlait souvent en paraboles, comme on le faisait dans ce temps-là.

Armand. Comment, en paraboles ? Qu’est-ce que c’est, en paraboles ?

Grand’mère. Parabole veut dire comparaison, histoire ou récit de quelque chose qui ressemble à ce qu’on veut expliquer et faire comprendre, au moyen d’une fable.


XXXII

SUITE DU SERMON SUR LA MONTAGNE.



Jésus dit encore :

« Vous savez qu’il a été dit à vos pères : Vous ne jurerez pas contre la vérité ; et moi je vous dis : Ne jurez pas du tout, ni par le Ciel, qui est le trône de Dieu, ni par la terre, qui est son marchepied, ni par Jérusalem, parce que c’est la ville du grand Roi. Ne jurez pas non plus sur votre tête parce que vous ne pouvez en rendre un seul cheveu, blanc ou noir. Mais contentez-vous de dire : « Oui, cela est, » ou bien : « Cela n’est pas. » Ce qu’on dit de plus vient du mauvais, de l’esprit de mensonge.

« Vous savez encore qu’il a été dit : « Œil pour œil, dent pour dent… »

Jacques. Comment, œil pour œil et dent pour dent ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Cela veut dire que dans la loi ancienne, la vengeance n’était pas aussi formellement défendue que dans la loi nouvelle ; que si on vous crevait un œil, il était permis de crever aussi l’œil de son ennemi ; que s’il vous arrachait une dent, on pouvait lui rendre la pareille ; en un mot, qu’on pouvait rendre le mal qu’on vous faisait.

Jésus donnait un conseil bien différent ; car il a dit :

« Ne résistez pas aux méchants. Si quelqu’un vous frappe la joue droite, tendez-lui encore la joue gauche. Et si quelqu’un veut vous prendre votre habit, donnez-lui encore votre manteau. Et si quelqu’un veut vous forcer à faire mille pas avec lui, faites-en encore deux mille. »

Madeleine. Est-on réellement obligé de faire tout cela ?

Grand’mère. Non ; ce sont de simples conseils. L’esprit de ce conseil, sa véritable signification, est de supporter les injures avec patience ; c’est un conseil et non un ordre, un précepte.

Madeleine. Et comment distinguer un conseil d’un précepte ?

Grand’mère. C’est l’Église qui le fait comprendre et qui en décide.

Notre-Seigneur continue :

« On vous a dit aussi :

« Aimez votre prochain et haïssez vos ennemis. Et moi je vous dis : Aimez vos ennemis ; faites du bien à ceux qui vous haïssent ; priez pour ceux qui vous calomnient et qui vous persécutent.

« Afin que vous fassiez comme votre Père qui est au Ciel, qui fait briller le soleil pour les méchants comme pour les bons, qui envoie les biens de la terre aux mauvais comme aux bons.

« Car si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense pouvez-vous espérer ? Et si vous ne saluez que vos frères, quel mérite avez-vous de plus que les païens ?

« Soyez donc parfaits comme votre Père Céleste est parfait. »

Valentine. Qu’est-ce que c’est, les païens ?

Grand’mère. Les païens sont des gens qui ne savent pas qu’il y a un Dieu, qui ne connaissent pas notre Dieu ; mais comme ils sentent bien qu’ils ne se sont pas créés eux-mêmes, que quelqu’un de plus puissant qu’eux a dû les créer et créer la terre et tout ce qui existe, ils se sont fait des dieux, ou plutôt des images de faux dieux, qu’ils invoquent et qu’ils honorent à la place du vrai Dieu ; c’est pourquoi on les a appelés païens ou idolâtres, parce que ces faux dieux s’appelaient idoles.

Henriette. Grand’mère, Jésus a dit que nous soyons parfaits comme le bon Dieu. Nous ne pouvons pas être parfaits comme lui, puisque nous ne sommes pas des dieux.

Grand’mère. Non, certainement, nous ne pouvons pas être parfaits, comme le bon Dieu, mais nous pouvons et nous devons essayer de devenir parfaits, en faisant toujours tout pour le bon Dieu, tout pour lui plaire, et en prenant Jésus pour modèle.

Jésus dit encore :

« Prenez garde à ne pas faire vos bonnes œuvres devant les hommes pour qu’on vous voie et qu’on vous admire ; car vous ne recevrez pas de récompense de votre Père qui est dans les Cieux.

« Quand donc vous faites l’aumône, que votre main gauche ne sache pas ce que fait votre main droite… »

Louis. Comment ? les mains ne savent pas ce qu’on fait, puisqu’elles n’ont pas de tête pour penser !

Grand’mère. C’est encore une manière de dire qu’il faut cacher ses bonnes œuvres, pour que personne, pas même nos meilleurs amis, ne puissent les connaître.

Petit-Louis. Pourquoi donc ?

Grand’mère. Parce que, dit Jésus, si vous avez votre récompense dans ce monde par la bonne opinion qu’on aura de vous, votre Père qui est dans les cieux ne vous donnera plus aucune récompense.


XXXIII

LA PRIÈRE. LE PATER.



« Et quand vous priez, ne vous mettez pas exprès bien en évidence, pour que tout le monde vous voie et vous admire, mais retirez-vous dans votre chambre et priez en secret. Et votre Père, qui voit dans le secret, vous récompensera. »

Cependant, il ne faut pas refuser de faire le bien, dans la crainte qu’on ne vous voie et qu’on ne vous loue ; seulement il ne faut pas le faire par un motif de vanité.

Louis. Il ne faut donc pas aller à l’église ?

Grand’mère. Si fait, puisque l’église est la maison de Dieu, et que nous devons y aller ; mais il ne faut pas y aller par hypocrisie pour y être vus.

« Ne dites pas trop de paroles en priant, comme font les païens ; mais priez ainsi :

« Notre Père qui êtes aux Cieux, que votre nom soit sanctifié ; que votre règne arrive ; que votre volonté soit faite sur la terre comme au Ciel ; donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien ; pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Et ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal. Amen. »

Jeanne. Mais c’est le Pater, ça ?

Grand’mère. Oui, c’est ce que nous appelons le Pater, parce que les deux premiers mots de cette prière en latin sont : Pater Noster, Notre Père.

Jeanne. Comment ? c’est Jésus qui a fait cette prière ?

Grand’mère. Oui ; Jésus lui-même, pour nous montrer comment il fallait prier et ce qu’il fallait demander au bon Dieu.

Et Jésus-Christ ajoute :

« Si vous pardonnez le mal qu’on vous a fait, votre Père vous pardonnera le mal que vous avez fait, les péchés que vous avez commis. Et si vous ne pardonnez pas, Dieu votre Père ne vous pardonnera pas non plus. »

Voyez, mes enfants, comme il est heureux pour nous d’avoir à pardonner, puisque c’est le moyen assuré d’obtenir le pardon de tous les péchés que nous commettons.

« Ne cherchez pas non plus à vous amasser des richesses ; à quoi vous serviront-elles, si la rouille et les vers les rongent et si les voleurs les dérobent ? Amassez d’autres trésor pour le Ciel, où il n’y aura pas de voleurs pour les emporter, ni de rouille, ni de vers pour les ronger. »

Louis. Quels trésors faut-il amasser ?

Grand’mère. Les prières, les bonnes actions, les aumônes, les vertus de charité, d’humilité, de douceur, d’obéissance, etc., qui sont des trésors devant Dieu, les seuls trésors que nous puissions lui offrir, et que personne ne peut nous enlever.

« Ne vous inquiétez pas, dit Jésus, de quoi vous vivrez, de ce que vous mangerez, de quoi vous vous vêtirez. Regardez les oiseaux du ciel ; ils ne sèment pas, ils ne moissonnent pas, ils ne serrent pas leurs récoltes dans des greniers. Et votre Père Céleste les nourrit. Et vous qui êtes plus qu’un oiseau, pourquoi vous inquiétez-vous ? Pourquoi dites-vous : Que mangerons-nous ? Que boirons-nous ? Comment nous vêtirons-nous ? N’ayez donc aucune inquiétude de ce qui vous arrivera. Votre Père Céleste aura soin de vous. À chaque jour suffit sa peine. »

Jacques. Nous ne devons donc pas nous occuper de nos affaires ?

Grand’mère. Si fait ; nous pouvons et nous devons nous en occuper, mais pas pour nous en tourmenter, nous inquiéter ; nous devons avoir confiance dans la bonté de Dieu.


XXXIV

LA POUTRE ET LA PAILLE DANS L’ŒIL.



« Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ; comme vous aurez traité les autres, de même vous serez traités. Pourquoi voyez-vous une paille dans l’œil de votre frère et ne voyez-vous pas une poutre dans votre œil ? »

Henriette. Oh ! Grand’mère ! une poutre ! Est-ce qu’une poutre pourrait tenir dans l’œil ?

Marie-Thérèse. Qu’est-ce que c’est qu’une poutre ?

Grand’mère. Une poutre est une très-grosse pièce de bois, que les charpentiers emploient pour bâtir des maisons, des ponts, et pour d’autres gros ouvrages. Quand Notre-Seigneur parle d’une poutre dans l’œil, c’est encore par comparaison avec les grands défauts, les grandes méchancetés. Il veut dire qu’on voit dans les autres les moindres petites fautes, et qu’on ne voit pas les grosses fautes qu’on a commises ni les grands défauts dont on est rempli soi-même. Aussi Notre-Seigneur ajoute :

« Hypocrites, ôtez d’abord la poutre de votre œil, et ensuite vous songerez à ôter la paille de l’œil de votre frère.

« Ne jetez pas les choses saintes aux chiens, et ne répandez pas les perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds et que, se jetant sur vous, ils ne vous déchirent. »

Armand. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Cela veut dire qu’il ne faut pas faire devant les impies des choses pieuses qui pourraient les faire blasphémer et leur donner occasion de faire des péchés graves. Cela veut dire aussi qu’il faut être prudent en faisant le bien.

« Demandez, et on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez et on vous ouvrira. »

Armand. Grand’mère, ceci n’est pas juste, car je demande très-souvent et on ne me donne pas ; je cherche des choses que je ne trouve pas ; je frappe à la porte et on me crie : N’entrez pas. Ainsi, l’autre jour, je vous ai demandé une pièce d’or et vous ne me l’avez pas donnée. Hier j’ai cherché mon fouet, partout, partout ; je ne l’ai pas trouvé. Vous voyez bien.

Grand’mère. Cher petit, tu oublies que Jésus parle des hommes par rapport au bon Dieu ; c’est au bon Dieu qu’il nous dit de demander ; et c’est le bon Dieu qui nous accordera toujours les choses bonnes et utiles que nous lui demanderons ; mais il refusera les choses inutiles ou dangereuses, comme je t’ai refusé l’autre jour la pièce d’or qui ne t’aurait servi à rien, et un couteau pointu qui aurait pu te faire du mal. C’est comme pour chercher ; Jésus veut dire que ceux qui cherchent la vérité et la loi de Dieu, les trouvent ; que ceux qui frappent, c’est-à-dire qui prient sans se rebuter, pour obtenir les vertus nécessaires, et la force d’obéir au bon Dieu, finissent toujours par pouvoir entrer dans la paix du cœur et d’une bonne conscience.

Armand Qu’est-ce que c’est, la conscience ?

Grand’mère. C’est ce sentiment intérieur que nous avons de ce qui est bien et de ce qui est mal ; de ce qu’il nous est permis de faire et de dire et de ce qui nous est défendu. Ainsi tu as envie de te mettre en colère ; ta conscience te dit par la pensée : « Ne te fâche pas, retiens-toi ; c’est mal de se mettre en colère ; tu offenseras le bon Jésus qui t’aime tant. » Tu as envie de prendre en cachette un bonbon ou un fruit ; ta conscience te dit encore par la pensée : « Ne prends pas ; on te l’a défendu : tu ferais mal ; ce serait voler ; n’y pense plus ; va-t’en pour ne pas en avoir envie. » C’est la conscience qui te dit tout cela, non pas en te le disant tout haut ou tout bas, mais en te le faisant penser. Et la conscience c’est la voix de Jésus au fond de ton cœur.

Jésus dit encore beaucoup de choses que vous verrez plus tard dans l’Évangile et que vous ne comprendriez pas bien maintenant. Il finit ce discours qu’on appelle Sermon sur la montagne, en disant :

« Celui qui entend ces paroles que je vous dis, et les écoute et y obéit, est comme un homme sage qui bâtit une maison sur la pierre. La pluie est tombée, les rivières se sont débordées, les vents ont soufflé et sont venus fondre sur cette maison ; et elle n’a pas été ébranlée, car elle était bâtie sur la pierre.

« Et celui qui entend ces paroles que je vous dis, et ne les écoute pas et n’y obéit pas, est semblable à l’homme insensé qui bâtit sa maison sur le sable. La pluie est tombée, les rivières se sont débordées, les vents ont soufflé et sont venus fondre sur cette maison, et elle s’est écroulée, parce qu’elle était bâtie sur le sable, et grande a été la ruine du maître. »

Et le peuple admirait ce que disait Jésus, car il leur enseignait comme quelqu’un qui a la toute-puissance, et non pas comme les Scribes et les Pharisiens, qui pouvaient bien leur parler des choses savantes, mais qui ne trouvaient pas le chemin de leur cœur et qui ne savaient pas leur inspirer l’amour de Dieu.


XXXV

GUÉRISON D’UN LÉPREUX



Jésus descendit de la montagne, et une grande multitude de peuple le suivit. Et voilà qu’un lépreux vint à lui, et lui dit, comme celui que Notre-Seigneur avait guéri à Capharnaüm :

« Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir. »

Jésus, étendant la main, le toucha, disant :

« Je le veux ; sois guéri. »

Et, à l’instant même, sa lèpre fut guérie. Et Jésus lui dit, comme il avait dit à l’autre lépreux :

« Garde-toi de parler de ceci à personne ; mais va, montre-toi au prêtre, offre-lui le don (le présent) que Moïse a ordonné, pour que ce don leur soit un témoignage. »

Louis. Comment, un témoignage ? À qui un témoignage ?

Grand’mère. Un témoignage, veut dire une preuve qu’on dit la vérité. Le lépreux qui était guéri devait, d’après la loi juive, donner pour preuve de sa guérison, une tourterelle ou une colombe au prêtre chargé des sacrifices, et le lépreux recevait alors du prêtre la permission de rentrer dans la ville et de vivre comme les autres Juifs. Ce beau miracle, deux fois répété, est la figure de la confession.

Valentine. Comment ? Je trouve que cela n’y ressemble pas du tout.

Grand’mère. Tu vas voir que c’est au contraire très-semblable. La lèpre signifie le péché. Le lépreux, c’est-à-dire le pécheur, fatigué et malheureux de la lèpre ou maladie de son âme, demande au bon Dieu de le guérir. Le bon Dieu accorde la guérison, mais à condition que le pécheur ira confesser ses péchés au prêtre, qui a reçu du bon Dieu le pouvoir de guérir les maladies de l’âme, d’en accorder le pardon ; le don qu’offre le lépreux ou le pénitent, est la pénitence, les œuvres d’expiation qu’on doit faire pour effacer les péchés ; et c’est aussi le don de son cœur, devenu pur comme une colombe, toujours blanche, tu sais. Et le prêtre donne alors la faculté de recevoir comme les autres les sacrements de l’Église. Comprends-tu, à présent ?

Valentine. Oui, Grand’mère, je comprends, mais ce n’est pas tout à fait la même chose.

Grand’mère. Parce qu’une comparaison n’est jamais absolument parfaite ; je te l’ai expliquée de mon mieux.

XXXVI

LE CENTURION.



Après avoir guéri le lépreux, Notre-Seigneur entra dans la ville de Capharnaüm. Et un centurion s’approcha de lui en disant :

Jeanne. Qu’est-ce que c’est, un centurion ?

Grand’mère. Un centurion était un capitaine romain, qui commandait cent hommes, de même que le décurion était un officier qui commandait dix hommes.

Le centurion dit donc à Jésus :

« Seigneur, mon serviteur est dangereusement malade ; il est là, dans ma maison, et il souffre beaucoup. »

Jésus lui dit :

« J’irai, et je le guérirai. »

Et le centurion lui répondit :

« Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison ; mais dites seulement une parole, et mon serviteur sera guéri. »

Pierre. Ce sont les mêmes paroles que dit le prêtre au moment de communier et de donner la sainte communion.

Grand’mère. Oui, ce sont des paroles si belles et si humbles, qu’elles ont été placées dans la bouche du prêtre au moment où il va recevoir et donner le bon Dieu.

Et le centurion dit encore :

« Car moi, qui ne suis qu’un homme soumis à la puissance d’un autre, et qui ai des soldats auxquels je commande, je dis à l’un : Viens, et il vient ; et à mon serviteur : Fais cela, et il le fait. »

Jésus, entendant ces paroles, en fut étonné…

Henriette. Comment était-il étonné, puisqu’il savait tout ce qu’on pensait et ce qu’on allait dire ?

Grand’mère. Sans doute, il le savait parce qu’il était Dieu, mais, comme homme, il témoigna de la surprise qu’il y eût en Galilée autant de foi, c’est-à-dire qu’on crût en sa puissance avec la foi et la confiance qu’on a en Dieu. Et Notre-Seigneur dit à ceux qui le suivaient :

« Je vous le dis, en vérité, je n’ai pas trouvé une foi aussi vive dans Israël. Et je vous dis que plusieurs viendront de l’Orient et de l’Occident et s’assiéront avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des Cieux. Tandis que les fils du Royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures. Là seront les pleurs et les grincements de dents. »

Louis. Grand’mère, je ne comprends pas du tout ce que dit Notre-Seigneur. D’abord qu’est-ce qui viendra ? Et d’où viendra-t-on ?

Grand’mère. Notre-Seigneur dit cela à propos du centurion, qui était Romain et pas Juif. Il veut dire que les peuples à l’Orient et à l’Occident de la Judée, c’est-à-dire les autres nations qui n’ont pas eu comme les Juifs le bonheur d’avoir parmi eux le Christ, le Sauveur du monde, mais qui, malgré cela, croiront en lui et auront la foi du centurion, seront sauvés après leur mort de même que les trois grands Patriarches Abraham, Isaac et Jacob, qui sont dans le Royaume des Cieux avec le bon Dieu.

Louis. Et qu’est-ce que c’est que les fils du Royaume ? Et pourquoi les jettera-t-on dans les ténèbres ? Et pourquoi y aura-t-il des pleurs et des grincements de dents ?

Grand’mère. Les fils du Royaume sont le peuple juif que le bon Dieu avait toujours protégé et auquel il a envoyé son Fils Jésus, qui s’est ainsi fait leur frère et qui a voulu les faire entrer dans le Royaume de Dieu. Ils n’ont pas voulu y entrer ; ils ont été des fils ingrats et révoltés, et le bon Dieu les jettera en enfer, où tout est nuit ; on n’y voit rien, on n’y comprend rien, on n’y sait rien, on est au milieu de flammes qui brûlent sans éclairer, et les souffrances terribles qu’on éprouvera feront verser des pleurs et feront grincer des dents.

Jeanne. Quelle terrible chose que l’enfer !

Grand’mère. Oui, bien terrible, bien plus terrible que toutes les souffrances de la terre ; voilà pourquoi il faut tâcher de n’y pas tomber.

Jacques. Mais comment faire pour ne pas y aller ?

Grand’mère. Il faut être bien bon, bien charitable, bien fidèle à tous ses devoirs, ne rien faire de ce que nous savons être mal, faire tout le bien qui dépend de nous, savoir nous priver de ce que nous aimons, nous soumettre à la volonté du bon Dieu et bien l’aimer, bien le prier, en un mot être de bons chrétiens ; en faisant tout cela, nous sommes sûrs de ne pas aller en enfer.

Tous les enfants promettent de suivre les conseils de leur grand’mère ; elle les embrasse et continue.

Jésus dit au centurion :

« Va, et qu’il te soit fait comme tu l’as cru. »

Et son serviteur fut guéri à l’heure même.

À présent, mes enfants, arrêtons-nous jusqu’à demain.

Les Enfants. Oh ! non, Grand’mère, c’est intéressant ! Continuez encore un peu.

Grand’mère. Non, mes chers enfants ; j’ai d’autres occupations importantes. Et voici une occasion de vous soumettre de bonne grâce à la petite privation que je vous impose. Attendez patiemment à demain, et amusez-vous entre vous ; vous profiterez ainsi de ce que vous venez d’entendre.

Les enfants suivirent le conseil de leur grand’mère et aucun d’eux ne témoigna ni mécontentement ni tristesse.


XXXVII

JÉSUS RESSUSCITE LE FILS DE LA VEUVE DE NAÏM.



La grand’mère continua le lendemain le récit de l’Évangile.

Notre-Seigneur quitta Capharnaüm et alla dans une ville appelée Naïm ; ses disciples étaient avec lui, et une foule nombreuse le suivait.

En approchant de la porte de Naïm, il vit qu’on emportait un pauvre mort pour l’enterrer ; c’était le fils unique d’une veuve, et beaucoup de gens de la ville l’accompagnaient.

Et le Seigneur, voyant la mère qui pleurait, fut touché de compassion, et lui dit :

« Ne pleure point. »

Et il s’approcha, toucha le cercueil ; ceux qui le portaient s’arrêtèrent, et Jésus dit :

« Jeune homme, lève-toi ; je te le commande. »

Et le mort se leva et commença à parler, et Jésus le rendit à sa mère.

Valentine. Comment Notre-Seigneur a-t-il pu ressusciter un mort ?

Grand’mère. Il l’a ressuscité par la même puissance Divine par laquelle il l’avait créé, parce qu’il était Dieu tout en étant homme. Et il n’est pas plus difficile de rendre la vie à un mort que de créer un être qui n’existe pas.

Et tous furent saisis de crainte, et ils glorifiaient Dieu, disant :

« Un grand prophète a paru parmi nous, et Dieu a visité son peuple. »


XXXVIII

JEAN-BAPTISTE ENVOIE SES DISCIPLES À JÉSUS.



Le bruit de ce que Jésus avait fait se répandit dans toute la Judée et dans tous les pays d’alentour. Et les disciples de Jean lui annoncèrent tous les miracles dont on parlait. Alors Jean appela deux de ses disciples, et les envoya à Jésus pour lui dire :

« Êtes-vous le Messie, Celui qui doit venir ; ou devons-nous en attendre un autre ? »

Henri. Mais pourquoi saint Jean-Baptiste n’y allait-il pas lui-même au lieu d’envoyer des disciples ?

Grand’mère. D’abord, parce qu’il voulait que ses disciples vissent par eux-mêmes les miracles de Jésus-Christ, et qu’ils entendissent ses paroles si pleines de sagesse et de sainteté, qui touchaient et pénétraient le cœur. Ensuite parce que, sachant que Jésus était Dieu, il ne se croyait pas digne de se trouver en sa présence ; et enfin parce qu’il ne voulait pas avoir l’air, vis-à-vis de ses disciples, de se poser en rival de Notre-Seigneur et attirer à lui l’attention des Juifs, des Pharisiens et des autres, jaloux de la sainteté et des miracles de Jésus.

Les disciples de Jean allèrent donc trouver Notre-Seigneur, et lui dirent :

« Jean-Baptiste nous a envoyés pour vous demander si vous êtes Celui qui doit venir, ou si nous devons en attendre un autre. »

Pendant qu’ils l’interrogeaient ainsi, Jésus guérit devant eux plusieurs personnes atteintes de maladies, de plaies, des possédés du démon, et il rendit la vue à plusieurs aveugles. Et Jésus répondit aux disciples :

« Allez, et annoncez à Jean ce que vous avez vu et entendu : que les aveugles voient, que les boiteux marchent, que les lépreux sont purifiés, que les sourds entendent, que les morts ressuscitent, que les pauvres seront évangélisés. »

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est évangélisés ?

Grand’mère. Être évangélisé, c’est recevoir la parole de Dieu, c’est recevoir les consolations de l’Évangile, c’est-à-dire de la vraie religion. Évangile veut dire bonne nouvelle, et Jésus disait aux pauvres tout ce qu’ils devaient savoir de la loi et de la religion nouvelle qu’il enseignait pour être consolés et sanctifiés dans leurs peines. Jusque-là les pauvres n’étaient pour ainsi dire aimés de personne, et ils ne recevaient de consolations de personne.


XXXIX

JÉSUS PARLE DE JEAN-BAPTISTE.



Lorsque les envoyés de Jean-Baptiste furent repartis, Notre-Seigneur commença à parler de Jean au peuple et leur dit :

« Qu’êtes-vous allés voir dans le désert ? Un Prophète ? — Oui, je vous le dis, et plus qu’un Prophète. C’est de lui qu’il est écrit : J’envoie mon Ange devant ta face pour préparer le chemin devant toi. »

Armand. Comment ? La face de qui ? Et le chemin devant qui ?

Grand’mère. La face ou la personne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et saint Jean-Baptiste, l’Ange, c’est-à-dire l’Envoyé, pour annoncer la venue de Notre-Seigneur et préparer ainsi le chemin devant lui, préparer les esprits à croire en lui, en sa Divinité.

Jésus reprocha ensuite aux Pharisiens et aux Docteurs de la loi d’avoir méprisé ses paroles, d’avoir nié ses miracles, de n’avoir pas voulu reconnaître sa Divinité, et de repousser tout ce qui est vérité.

« Car, dit-il, Jean est venu, ne mangeant point de pain, et ne buvant pas de vin, et vous avez dit : Il est possédé du démon. »

Henriette. De quoi vivait-il donc ?

Grand’mère. Il vivait, comme je vous l’ai dit, ce me semble, de miel sauvage et de sauterelles ; il était vêtu d’étoffe de poil de chameau très-rude et grossière ; il dormait sur la terre ou sur les pierres, il marchait pieds nus ; enfin il menait une vie très-dure et très-mortifiée. C’est pourquoi Notre-Seigneur dit aux Juifs qui l’entouraient : que lorsqu’ils eurent vu saint Jean mener une vie si austère, si rude, ils le crurent possédé du démon.

« Le Fils de l’Homme, continua Jésus, est venu mangeant et buvant, et vous dites : C’est un homme qui aime le vin et la bonne chère, et qui est un ami des Publicains et des pécheurs. »

Notre-Seigneur faisait voir ainsi aux Juifs et aux Pharisiens qu’ils blâmaient tout ce qui était bien, de quelque côté que cela vînt, aussi bien les leçons de douceur et d’indulgence qui venaient de lui, que les exemples de sévérité qui venaient de saint jean-Baptiste. Et il dit encore :

« Je vous bénis, ô mon Père, Seigneur du Ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces mystères aux sages et aux savants, tandis que vous les avez fait connaître aux simples et aux petits. Oui, je vous bénis, ô mon Père, de ce que telle a été votre volonté. »

Madeleine. De quels mystères parle Notre-Seigneur, et qui appelle-t-il les simples et les petits ?

Grand’mère. Les mystères dont parle Notre-Seigneur sont ceux de sa Divinité et de sa venue sur la terre pour racheter les hommes. Les simples et les petits sont ses Apôtres, ses disciples, gens pauvres et ignorants, qui étaient pourtant plus réellement éclairés et instruits que les sages et les savants orgueilleux. Notre-Seigneur ajoute :

« Venez tous à moi, vous qui souffrez et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. »

Louis. Comment chargés ? de quoi chargés ?

Grand’mère. Chargés de peines, de souffrance, de tristesse, et aussi chargés de péchés dont le souvenir donne le repentir et le remords, et rend malheureux. Alors, quand on a recours à Notre-Seigneur, quand on le prie, quand on lui demande du soulagement, il soulage, il console ; il donne de la force, de la patience, de la résignation ; voilà comment il soulage et comment il nous décharge du poids de nos peines, de nos misères qui nous écraseraient et nous rendraient malheureux. Aussi Notre-Seigneur dit encore : « Soumettez-vous à mon joug, c’est-à-dire à ma volonté, à ma puissance ; apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ; et votre âme trouvera la paix. Car mon joug est doux et mon fardeau est léger. »

Élisabeth. Comment l’âme trouvera-t-elle la paix si on souffre, si on est malheureux ?

Grand’mère. L’âme trouvera la paix et le bonheur en obéissant au bon Dieu, en se soumettant à sa volonté, et en acceptant les malheurs comme des choses bonnes et utiles, puisque lorsqu’on souffre avec Jésus et pour Jésus, on se prépare un grand bonheur dans le Ciel. Notre-Seigneur, qui nous aime, permet pour notre bien que nous soyons affligés, puisque les souffrances de cette vie expient les péchés que nous avons commis.


XL

LA PÉCHERESSE.



Nous allons voir maintenant la grande bonté de Jésus-Christ pour les pécheurs repentants.

Un Pharisien pria un jour Jésus de venir manger chez lui avec ses disciples, et Notre-Seigneur, étant entré dans cette maison, se mit à table.

Pendant le repas, une femme connue dans la ville pour sa conduite dissipée et pour son amour du plaisir et de la toilette, ayant su que Jésus était à table chez ce Pharisien, y apporta un vase d’albâtre plein de parfums.

Petit-Louis. Qui était cette femme ?

Grand’mère. C’était Marie-Madeleine, sœur de Marthe et de Lazare, les amis de Jésus ; elle avait quitté sa sœur et son frère, qui s’affligeaient de la vie coupable et folle qu’elle menait ; elle était jeune, riche et belle, et elle vivait dans son château de Magdala, où elle passait son temps en festins, en danses, en plaisirs de tout genre ; elle avait déjà vu et entendu Jésus, et le repentir commençait à entrer dans son cœur. Elle apporta ce vase plein de parfums précieux, qu’elle avait achetés sans doute pour elle-même, pour parfumer ses riches vêtements et ses cheveux qui étaient magnifiques ; se sentant touchée de repentir, elle se tenait derrière Jésus, à ses pieds ; elle les baisait, les arrosait de ses larmes, les essuyait avec ses cheveux qui étaient très-longs et très-épais, et les couvrait de parfums.

Henriette. Mais comment pouvait-elle atteindre les pieds de Jésus, puisqu’il était à table.

Valentine. Ce n’est pas difficile ; en se mettant à quatre pattes et en se coulant sous la table.

Grand’mère, souriant. Non, c’eût été inconvenant et très-incommode. Chez les Juifs, on ne s’asseyait pas sur des chaises ou sur les bancs pour les repas ; on mettait le long des tables des lits au lieu de chaises, de sorte qu’on était couché pour manger, la tête et les bras du côté de la table, et les pieds au bout du lit.

Jeanne. Comment ! les pieds pendaient hors du lit ?

Grand’mère. Non, puisque les lits étaient placés autour de la table comme on place les rayons autour du soleil. Alors il était très-facile à Marie-Madeleine de baiser et de parfumer les pieds de Notre-Seigneur.

Il la laissa faire et parut ne s’apercevoir de rien.

Le Pharisien qui avait invité Jésus à dîner se dit en lui-même : Si cet homme était un prophète, il saurait sans doute qui est cette femme qui le touche, et qu’elle n’est qu’une pécheresse.

Alors Jésus, prenant la parole, lui dit :

« Simon, j’ai à te parler. »

Louis. Comment ! le Pharisien c’était Simon-Pierre ?

Grand’mère. Non, puisque Simon-Pierre était un pêcheur, et

La pécheresse.
La pécheresse.


qu’il avait déjà tout quitté pour suivre Notre-Seigneur. C’était un autre Simon.

« Parlez, Maître, répondit Simon.

— Un créancier, lui dit Jésus, avait deux débiteurs. »

Valentine. Qu’est-ce que c’est, un créancier et un débiteur ?

Grand’mère. Un créancier est un homme auquel on doit de l’argent ; et un débiteur est celui qui doit de l’argent ou des objets qu’on lui a prêtés.

« Un de ces débiteurs devait cinq cents deniers, et l’autre quarante. »

Jacques. Combien cela fait-il, cinq cents deniers ?

Grand’mère. Un denier d’argent valait environ quatre-vingts centimes ; alors, cinq cents deniers valaient environ quatre cents francs de notre argent, et quarante deniers étaient comme trente-deux francs.

Jésus dit que les deux débiteurs n’avaient pas de quoi payer leur dette ; le créancier la leur remit à tous deux ; c’est-à-dire leur en fit présent et n’en exigea plus le payement.

« Dis-moi, dit Notre-Seigneur à Simon, lequel des deux débiteurs avait plus de reconnaissance et d’amour pour le créancier. »

Simon répondit : « Je crois que c’est celui à qui il a remis davantage. »

Jésus lui dit : « Sagement jugé. » Et se retournant vers cette pécheresse, il dit à Simon : « Tu vois cette femme ? je suis entré dans ta maison, tu ne m’as pas donné d’eau pour me laver les pieds ; elle, me les a arrosés de ses larmes, et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as pas donné de baiser ; elle, depuis qu’elle est entrée, n’a cessé de me baiser les pieds. Tu n’as pas répandu d’huile sur ma tête ; elle, a répandu des parfums précieux sur mes pieds. C’est pourquoi je te le déclare, beaucoup de péchés lui sont remis (c’est-à-dire pardonnés), parce qu’elle a beaucoup aimé. Mais celui auquel on a moins remis aime moins. »

Alors, se tournant avec bonté vers la pauvre Madeleine dont le visage était baigné de larmes, il lui dit :

« Madeleine, tes péchés te sont remis. »

Et ceux qui étaient à table avec lui dirent en eux-mêmes :

« Quel est donc celui qui remet les péchés ? » Mais Jésus dit à Madeleine : « Ta foi t’a sauvée ; va en paix. »

Valentine. Les Juifs ont dû être encore plus mécontents ; ils étaient si méchants.

Camille. Quelle différence entre Notre-Seigneur et les Juifs ! Notre-Seigneur est si bon ! Il pardonne toujours. Et quand il reprend, c’est si doucement !

Henri. Pas toujours. Quand il s’est fâché contre les marchands qui vendaient dans le Temple, il les a joliment chassés à coups de corde.

Henriette. C’est vrai, ça ; j’en ai été étonnée.

Grand’mère. C’est que tu n’as pas réfléchi que Notre-Seigneur se fâchait non pas pour une injure faite à lui-même, mais faite au bon Dieu, son Père, et qu’il a voulu nous faire voir que nous pouvons et que nous devons chasser et même maltraiter les ennemis de Dieu, notre Père.

Jacques. Ainsi un homme qui serait méchant, je pourrais le battre, l’injurier, ce ne serait pas mal ?

Grand’mère. Si tu le fais par colère contre l’homme, c’est mal ; si tu le fais pour le corriger, pour son bien, pour l’empêcher de faire du mal à d’autres, par amour de Dieu et par charité pour l’âme de cet homme, cela peut être une bonne action.

Jésus continua à parcourir les villes et les villages, annonçant l’heureuse nouvelle du salut. Il était suivi comme d’habitude par les douze Apôtres et par des personnes qu’il avait délivrées de leurs infirmités ou dont il avait chassé les démons, comme Marie-Madeleine de laquelle sept démons avaient été chassés.

Henriette. Sept démons ! comment ça se peut-il ? Il me semble qu’un seul était déjà assez terrible.

Grand’mère. Certainement qu’un seul suffisait pour la tourmenter et pour la punir, mais Madeleine s’était tellement laissée aller au plaisir qu’elle était possédée par le démon de l’orgueil, de la dissipation, de la gourmandise, de la colère, de l’envie, de l’égoïsme et de la sensualité.

Henriette. Mais comment ne les voyait-on pas en elle ? Et comment ne les a-t-on pas vus sortir ?

Grand’mère. Parce que les démons ne sont pas visibles aux yeux ; ils sont des esprits ; et on ne peut les voir, pas plus que nous ne voyons notre âme, qui existe pourtant, puisqu’elle nous fait penser, aimer et vivre.

XLI

LE POSSÉDÉ AVEUGLE ET MUET.



Tout justement on amena à Jésus un homme possédé d’un démon qui le rendait aveugle et muet. Notre-Seigneur eut pitié de cet homme et il le guérit, de sorte qu’il se mit à parler et à voir comme les autres hommes. Tout le monde fut dans l’étonnement de ce nouveau miracle, et tous se demandaient : « N’est-ce pas là le Christ, Fils de David ? »

Quand Jésus et ses disciples rentrèrent dans la maison où ils demeuraient, il leur fut impossible de manger, tant était grande la foule qui accourait de tous côtés pour voir celui qui faisait des miracles si extraordinaires et qui parlait avec tant de sagesse, de force et de bonté.

Des parents de Jésus, ayant appris qu’il était là, vinrent pour se saisir de lui, « car, disaient-ils, il a perdu l’esprit. »

Jacques. Quels méchants parents ! J’espère que le pauvre Jésus ne s’est pas laissé prendre par eux.

Grand’mère. Non certainement, puisque l’Évangile ne le dit pas.

Jeanne. Et comment a-t-il fait pour les empêcher de le saisir ?

Grand’mère. Il a, probablement fait comme sur la montagne quand les Juifs voulaient le lapider ; il s’est rendu invisible à leurs yeux. Les parents ne pouvant le faire enfermer à cause du peuple qui l’aimait et l’entourait, les Docteurs de la loi se mirent à dire au peuple :

« Il est possédé ; c’est par Béelzébut, prince des démons, qui est en lui, qu’il chasse les démons. » Jésus, qui savait ce qu’ils disaient et pensaient, les appela, les assembla autour de lui et leur dit :

« Comment Satan peut-il chasser Satan ? Si le royaume de Satan se divise, se partage, comment pourra-t-il subsister ? Si Satan chasse ses serviteurs, les démons, il n’aura plus de puissance, il ne pourra plus subsister. Si c’est par Béelzébut que je chasse les démons, par qui vos enfants les chasseront-ils ? Et si c’est par Dieu que je chasse les démons, il est certain que le Royaume de Dieu est au milieu de vous. »

Louis. Je ne comprends pas bien ce que dit Notre-Seigneur ; pourquoi demande-t-il par qui leurs enfants chasseront les démons ? Et comment les Juifs peuvent-ils croire que le Royaume de Dieu est au milieu d’eux ? Quel royaume ? Où est-il ? Il n’y a ni Roi ni soldats.

Grand’mère. À la première question, je répondrai que dans ce temps-là il y avait tant de gens possédés du démon, que beaucoup de Prêtres et Docteurs cherchaient à chasser ces démons, au moyen de prières, de sacrifices, d’encens brûlés, etc. C’étaient les enfants des Docteurs et des Prêtres qui leur succédaient et qui héritaient de leur pouvoir, qu’ils savaient tenir du bon Dieu. Et Jésus veut leur faire voir que si leurs enfants chassent les démons au nom de Dieu, il est bien plus simple encore que lui-même Jésus les chasse aussi au nom de Dieu son Père.

À ta seconde question je réponds, que les Juifs et surtout les savants docteurs qui connaissaient les prophéties, devaient croire que le Royaume de Dieu, qui est le règne de la vérité pour les esprits, et de la grâce dans les cœurs, était au milieu d’eux ; c’est-à-dire le Christ, le Messie, le Sauveur dont le Royaume est la puissance, la vérité, la gloire ; car Notre-Seigneur avait fait assez de miracles et des plus éclatants, pour qu’ils ouvrissent les yeux et crussent en lui. À ta dernière question, je réponds : Leur Roi était Jésus. Ses soldats étaient les Apôtres, les disciples, tous les défenseurs de la foi et des préceptes de Notre-Seigneur.


XLII

LE MIRACLE DE JONAS EXPLIQUÉ.



Après leur avoir encore donné bien des explications dont ils ne profitèrent pas plus qu’ils n’avaient profité des miracles et des autres paroles de Notre-Seigneur, il leur parla sévèrement :

« Race de vipères, leur dit-il, comment pouvez-vous dire de bonnes choses, vous qui êtes mauvais ? Car la bouche parle selon ce que sent le cœur ; l’homme bon tire de bonnes choses d’un bon fonds ; et l’homme méchant tire de mauvaises choses d’un fonds mauvais. »

Les Scribes et les Pharisiens lui dirent alors :

« Maître, nous voudrions bien que vous nous fissiez voir quelque prodige. »

Pierre. Comment ? Mais Notre-Seigneur avait déjà fait une quantité de prodiges. Et les Pharisiens eux-mêmes avaient interrogé l’aveugle-né, le paralytique et d’autres encore.

Grand’mère. Oui, mais ils ne voulaient pas y croire, et ils espéraient, en lui demandant des prodiges, qu’il ferait quelque chose de contraire à la loi, ce qui leur donnerait un motif pour le mettre en prison.

Aussi Notre-Seigneur se contenta de dire :

« Cette génération méchante et infidèle demande un prodige ; il ne lui en sera pas donné d’autre que le prodige du prophète Jonas. Car, de même que Jonas demeura trois jours dans le ventre d’une baleine, de même le Fils de l’Homme restera trois jours dans le sein de la terre. »

Valentine. Comment Jonas est-il entré dans le ventre d’une baleine ? Qu’est-ce que c’est que Jonas ?

Grand’mère. Jonas était un Prophète auquel Dieu ordonna d’aller dans une ville appelée Ninive et de parcourir la ville en criant : « Encore quarante jours et Ninive sera détruite ! »

Jonas eut peur des gens de Ninive qui étaient très-méchants ; et au lieu d’exécuter l’ordre de Dieu, il se sauva et s’embarqua à Joppé sur un vaisseau qui allait à Tarse. Pour punir Jonas de sa désobéissance, le bon Dieu envoya une terrible tempête ; le vaisseau était prêt à périr, lorsque Jonas dit aux gens qui conduisaient le vaisseau que c’était sans doute à cause de sa désobéissance que le bon Dieu allait les faire tous périr ; alors ces hommes prirent Jonas et le lancèrent dans la mer. Une baleine qui se trouvait là, par l’ordre de Dieu, avala Jonas, le prenant sans doute pour un poisson ; elle le garda trois jours et ensuite le rejeta sur le rivage. Alors Jonas remercia le bon Dieu de l’avoir sauvé, et courut à Ninive, pour crier dans toutes les rues et les environs : « Encore quarante jours et Ninive sera détruite ! »

Jacques. Grand’mère, je crois que c’est impossible, puisque mon oncle Louis m’a dit que le gosier d’une baleine était si étroit qu’elle ne pouvait avaler que de tout petits poissons, comme les sardines, par exemple.

Grand’mère. C’est vrai ; mais d’abord tout est possible au bon Dieu ; ensuite ton oncle Louis ne t’a pas dit que la baleine avait aux deux côtés de la mâchoire, plusieurs compartiments, comme des cabinets qui s’ouvrent et se ferment par une espèce de porte ; quand la baleine passe près d’une foule de petits poissons réunis, ce qu’on appelle un banc, banc de sardines, banc de harengs, etc., elle ouvre son immense gueule qui se remplit de petits poissons ; elle les place avec sa langue dans ses cabinets qui sont ses garde-manger et dont elle ferme les portes. Quand elle a faim, elle ouvre une des portes, en fait sortir les poissons et les avale un à un, jusqu’à ce qu’elle soit rassasiée. Il est probable que la baleine de Jonas, le sentant trop grand et trop dur pour être avalé, le revomit sur le rivage.

D’ailleurs tout cela est miraculeux, car un homme ne peut pas vivre sans miracle dans la gueule d’un poisson pendant trois jours.

Tu vois que Notre-Seigneur voulait dire que lui aussi serait englouti comme Jonas pendant trois jours et qu’il ressusciterait le troisième jour.

Jacques. Mais Notre-Seigneur n’a pas été englouti comme Jonas, puisqu’aucune baleine ne l’a avalé.

Grand’mère. Il a été englouti par la terre, c’est-à-dire enseveli (ce que nous appelons enterré) dans un rocher creusé exprès pour contenir un mort.


XLIII

LA MÈRE ET LES FRÈRES DE JÉSUS



Notre-Seigneur parla longtemps au peuple, et il parlait encore, lorsqu’on vint lui dire :

« Votre Mère et vos frères sont dehors et demandent à vous parler. »

Louis. Je croyais que Jésus n’avait pas de frères, qu’il était le seul fils de la Sainte Vierge.

Grand’mère. Et tu croyais très-juste. La Sainte Vierge n’a jamais eu d’autre enfant que Jésus fils de Dieu. Mais en hébreu, ou plutôt en syriaque, langue qu’on parlait en Judée, on appelle frères tous les cousins. Et il y a beaucoup de pays où c’est comme en Judée ; ainsi en russe, il n’y a pas de mot pour dire cousin ou cousine…

Marie-Thérèse. Et comment dit-on ?

Grand’mère. J’allais précisément le dire ; on dit : frère ou sœur au second degré, dvaïourodnoï brate, pour cousin ou cousine germaine ; frère ou sœur au troisième degré, traïourodnoï brate, pour cousin ou cousine issus de germain. Et c’est ainsi qu’en syriaque on appelait frères les cousins de Notre-Seigneur. Il répondit à ceux qui lui disaient que sa Mère et ses frères l’attendaient :

« Quelle est ma Mère ? Quels sont mes frères ? Voici, dit-il, en étendant la main vers ses disciples ; voici ma Mère et voici mes frères. Car, celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans le Ciel, celui-là est mon frère, ma sœur et ma Mère. »

Je vois que vous avez l’air un peu étonnés de la réponse de Notre-Seigneur. Remarquez qu’il ne perd pas une occasion de témoigner sa tendresse pour les hommes qu’il veut sauver de la méchanceté du démon, et surtout pour ceux qui aiment le bon Dieu, qui obéissent à ses commandements et qui abandonnent pour lui obéir, les richesses, les honneurs, les plaisirs du monde ; c’est pourquoi il les appelle ses frères, ses sœurs et sa Mère.

Henri. Je comprends ; mais j’aurais mieux aimé que Notre-Seigneur, sachant que la pauvre Sainte Vierge voulait le voir, fût allé lui parler.

Grand’mère. L’Évangile ne dit pas qu’il y fût allé, mais très-certainement il l’a fait, car il aimait et il respectait trop sa Mère pour ne pas obéir à ses moindres désirs ; comme aux noces de Cana, quand sa Mère lui dit qu’on n’avait plus de vin, Notre-Seigneur eut l’air de repousser sa demande, et pourtant il fit tout de suite ce qu’elle désirait, malgré que « son heure ne fût pas encore venue, » dit-il.

Et puis Notre-Seigneur voulait faire comprendre aux hommes qu’ils doivent toujours préférer les affaires de Dieu aux intérêts et aux affections, si bonnes et si permises, de la famille.

XLIV

PARABOLE DU BON GRAIN.



Ce même jour, Jésus sortit de la maison, et s’assit au bord de la mer pour parler. Mais il se rassembla aussitôt une si grande foule de peuple, que de peur d’être écrasé, il monta dans une barque, s’y assit et s’éloigna un peu du rivage pour que toute cette multitude pût le voir et l’entendre.

Il leur enseigna beaucoup de choses en paraboles.

Henriette. Qu’est-ce que c’est parabole ?

Grand’mère. Je crois vous avoir déjà dit qu’une parabole était une histoire ou un récit pour mieux faire comprendre quelque chose qu’on veut expliquer. Voici une des paraboles que dit Notre-Seigneur au peuple :

« Un homme sortit pour aller semer du grain dans son champ ; pendant qu’il marchait, il laissa tomber dans le chemin, du grain qui fut mangé par les oiseaux du ciel.

« Une autre partie du grain tomba sur un endroit pierreux ; le grain leva, mais il y avait peu de terre ; les racines n’eurent pas assez de suc ; le soleil dessécha la terre et les grains moururent.

« D’autres grains tombèrent dans les épines ; ils poussèrent, mais les épines devinrent grandes et étouffèrent les grains.

« D’autres, enfin, tombèrent dans une bonne terre et produisirent du blé, les uns cent grains pour un, les autres soixante, les autres trente pour un.

« Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende. »

Jeanne. Je ne comprends pas du tout ce que cela veut dire.

Grand’mère. Notre-Seigneur va te l’expliquer lui-même en l’expliquant aux douze Apôtres, qui ne comprirent pas non plus et qui lui dirent : « Pourquoi parlez-vous en paraboles ? »

Jésus vit bien qu’ils n’avaient pas compris, et leur dit :

« Voilà ce que signifie cette parabole. La semence ou le grain, c’est la parole de Dieu. Celui qui entend cette parole et qui ne l’écoute pas, ne la garde pas dans son cœur ; il laisse les oiseaux du ciel, c’est-à-dire le démon, l’enlever de son cœur.

« Ce qui tombe dans les pierres, c’est celui qui ayant entendu la parole de Dieu, la reçoit avec joie, mais il n’a pas de bonne terre, c’est-à-dire de bonne volonté ; il ne fait pas de racines, c’est-à-dire il oublie ce qu’il a entendu, et quand arrive l’occasion de mal faire, il le fait.

« Ce qui est tombé dans les épines, ce sont ceux qui ont entendu et reçu la parole de Dieu, mais qui se laissent envahir… »

Armand. Qu’est-ce que c’est envahir ?

Grand’mère. Envahir veut dire entourer, saisir. « Ceux-là donc se laissent envahir par les choses du monde, les richesses, les plaisirs, de sorte que leurs bons désirs sont étouffés par ces choses du monde.

« Enfin ce grain qui est tombé dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant écouté la parole de Dieu, la conservent dans leur cœur, en profitent, portent du fruit par leur patience, leur soumission et rendent cent, soixante ou trente pour un. »

Petit-Louis. Que veut dire cent pour un ?

Grand’mère. Cela veut dire qu’une vertu en fait venir beaucoup d’autres.

Petit-Louis. Comment cela ?

Grand’mère. Voici comment. Tu es bon ; ta bonté, si tu cherches à la conserver, te donne la patience, la douceur, la complaisance, le dévouement, etc. ; tout cela provient de ta bonté, en est réellement le fruit. Et voilà comment un grain, une qualité donnée par Dieu, en fait venir d’autres.

Petit-Louis. Ah ! oui ! Je comprends très bien.

Élisabeth. Et c’est pour cela qu’il faut arracher de ton cœur la mauvaise graine.

Petit-Louis. Comment, la mauvaise graine ?

Élisabeth. Oui ; si tu es méchant, de cette méchanceté viendra l’impatience, la colère, l’égoïsme, l’avarice…

Petit-Louis. Oui, oui, je comprends ; c’est comme pour la bonté.

Grand’mère. Précisément. Ma petite Élisabeth m’a bien aidée à expliquer la parabole de Notre-Seigneur.

Il parla encore longtemps et il proposa au peuple une autre parabole.

XLV

PARABOLE DE L’IVRAIE.



« Le Royaume du Ciel est semblable à un père de famille qui avait semé du bon grain dans son champ. Mais pendant que les hommes dormaient, l’ennemi vint, sema de l’ivraie au milieu du bon grain, et s’en alla. »

Armand. Qu’est-ce que c’est, de l’ivraie ?

Grand’mère. L’ivraie est une mauvaise herbe qui vient assez ordinairement dans le blé et qui rend le pain malsain et mauvais ; on la détruit le plus possible à force de labourer et de fumer la terre. L’ivraie de la parabole poussa donc en même temps que le bon grain. Alors les serviteurs du père de famille vinrent lui dire : « Seigneur, n’avez-vous pas semé du bon grain dans votre champ ? D’où vient que l’on y trouve de l’ivraie ? »

Le maître leur dit :

« C’est l’homme ennemi qui a fait cela ! »

Les serviteurs lui dirent :

« Voulez-vous que nous allions l’arracher ?

— Non, répondit-il, de peur qu’en arrachant l’ivraie, vous n’arrachiez aussi le bon grain. Laissez croître l’un et l’autre. Et au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : « Cueillez d’abord l’ivraie et liez-la en gerbes pour la brûler. Et recueillez le blé dans mon grenier. »

Notre-Seigneur leur dit encore quelques paraboles, et quand il eut fini de parler, il congédia le peuple et rentra dans la maison. Les disciples, s’approchant de Jésus, lui dirent : « Maître, expliquez-nous la parabole de l’ivraie semée dans le champ. »

Henriette. Ils n’avaient donc pas beaucoup d’esprit, les disciples ; ils ne comprenaient jamais rien.

Grand’mère. En effet, les Apôtres étaient des gens grossiers et ignorants ; c’est la miséricorde et la grâce de Notre-Seigneur qui les a changés au jour de la Pentecôte, quand le Saint-Esprit est descendu sur eux, comme vous le verrez plus tard. Jésus leur répondit :

« Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’Homme. Le champ, c’est le monde. Le bon grain, ce sont les enfants du Royaume de Dieu, les bons. L’ivraie, ce sont les enfants du malin esprit, du démon, ce sont les méchants. L’ennemi qui a semé l’ivraie, c’est le démon. Le temps de la moisson, c’est la fin du monde ou la mort. Et les moissonneurs, ce sont les Anges. Et ce que le maître du champ a fait pour l’ivraie et le bon grain, ce qui se passe quand on arrache l’ivraie et qu’on la brûle dans le feu, se passera de même à la fin du monde. Le Fils de l’Homme enverra ses Anges ; ils enlèveront de son Royaume tout ce qu’il y a de mauvais et les gens qui commettent l’iniquité ; et ils les jetteront dans la fournaise ardente, c’est-à-dire l’enfer. C’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents. Et les justes, les bons, brilleront comme le soleil dans le Royaume de leur père, c’est-à-dire dans le Ciel. »

Valentine. Grand’mère, d’abord, qu’est-ce que c’est, commettre l’iniquité ?

Grand’mère. C’est vivre méchamment, désobéissant au bon Dieu, n’ayant pas de charité pour les hommes, pas d’amour pour le bon Dieu, enfin c’est être méchant et ennemi de Dieu.

Valentine. Et pourquoi Notre-Seigneur appelle-t-il l’enfer une fournaise ardente, et pourquoi dit-il qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents ?

Grand’mère. Il appelle l’enfer fournaise ardente parce que dans l’enfer on brûle d’un feu si terrible que rien ne peut nous donner une idée de cette souffrance. Et les damnés qui brûlent de ce feu éprouvent de telles douleurs qu’ils pleurent et qu’ils grincent des dents. Ils pleurent de désespoir d’avoir mérité une punition si horrible ; ils pleurent de rage de ne pouvoir échapper à la justice du Dieu qu’ils ont offensé et méprisé toute leur vie, tandis qu’il leur eût été si facile d’obéir aux commandements de ce Dieu bon et aimant et qui ne demandait que leur bonheur. Ils pleurent de regret de ne pouvoir jamais, jamais, jouir du bonheur du Paradis et de rester toujours, éternellement, livrés au méchant démon qui rit de leurs souffrances et de leurs larmes. Voilà pourquoi Notre-Seigneur dit, en parlant de l’enfer, qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents.

Élisabeth. Pauvres gens ! Ça fait de la peine de penser à leurs souffrances !

Grand’mère. Certainement, c’est affreux ; et c’est pourquoi nous devons prier beaucoup pour ne pas mériter le sort de ces âmes coupables. Il faut même prendre garde, par des fautes légères et de la négligence, de tomber dans ces mêmes flammes qu’on appelle alors le Purgatoire ; nous ne pouvons prier pour les damnés, puisque leur sort est irrévocable, mais nous pouvons et nous devons prier pour les pauvres âmes du purgatoire qui implorent notre pitié.

Henriette. Comment peuvent-elles nous implorer et nous entendre ?

Grand’mère. Nous n’en savons rien : nous savons seulement que le bon Dieu, pour les consoler, leur fait connaître ce que nous faisons pour elles ; de même qu’il fait connaître à la sainte Vierge, aux Saints et aux Anges du paradis toutes les prières que nous leur adressons.

Louis. Et les âmes qui sont en enfer nous entendent-elles ?

Grand’mère. Non, mon enfant ; elles sont tout à fait séparées de nous et en dehors de ce qu’on appelle la Communion des Saints, c’est-à-dire de l’union qui existe entre toutes les âmes fidèles au bon Dieu, soit dans le Ciel, soit ici-bas sur la terre, soit au purgatoire. Comme c’est beau de penser que tous les amis du bon Dieu ne forment ainsi qu’une seule famille, dont tous les membres s’aiment tendrement et sont unis entre eux ! Les démons et les damnés sont seuls exclus de ce bonheur. Ils ne sont plus de la famille.

Armand. Qu’est-ce que cela veut dire, damné ?

Grand’mère. Cela veut dire condamné au feu éternel de l’enfer. On est damné quand on a le malheur de mourir en état de péché mortel. Vous le voyez, mes enfants, le péché mortel est une chose bien abominable, puisqu’il mène droit en enfer et prive pour toujours de la vue du bon Dieu. Il vaut mieux mourir que de le commettre.

Notre-Seigneur ajoute à l’explication qu’il a donnée aux Apôtres :

« Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre. »

Ensuite il dit encore plusieurs paraboles ou comparaisons pour expliquer le Royaume du Ciel ; en voici une que vous pourrez comprendre facilement.


XLVI

PARABOLE DU FILET ET DES POISSONS.



« Le Royaume des Cieux peut encore être comparé à un grand filet qu’on jette à la mer et qui se remplit de poissons de toutes espèces. Lorsqu’il est plein, les pêcheurs le retirent, s’assoient sur le rivage, choisissent les bons poissons qu’ils mettent dans des baquets, et rejettent les mauvais. Il en sera de même à la fin du monde ; les Anges viendront pour séparer les méchants d’avec les justes, et ils jetteront les mauvais dans la fournaise ardente ; c’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents. »

Louis. Moi je trouve deux choses. D’abord, pourquoi Notre-Seigneur répète-t-il deux fois la même chose pour la fournaise, les pleurs et les grincements de dents ? Et puis, je trouve que les pauvres Juifs ne pouvaient pas comprendre les paraboles, puisque nous autres nous ne les comprenons pas ; et pourtant nous avons plus d’esprit que les Juifs.

Grand’mère. Je vais répondre à tes deux objections. D’abord, pour les répétitions en ce qui regarde l’enfer, Notre-Seigneur l’a fait exprès, et il le redit d’autres fois encore dans l’Évangile, car l’enfer est un mal trop affreux pour que Notre-Seigneur ne cherche pas à en bien faire comprendre toute l’horreur et tout le danger.

Et quant aux paraboles que tu trouves difficiles à comprendre, il faut dire que, dans les temps anciens, on parlait souvent par paraboles et par allégories.

Armand. Qu’est-ce que c’est, allégorie ?

Grand’mère. Allégorie est presque la même chose qu’une parabole ; une parabole est une chose plus sérieuse qu’une allégorie ; ainsi une fable est une allégorie ; on ne peut pas dire que ce soit une parabole. — Les Juifs avaient donc, plus que nous, l’habitude de deviner le sens des paraboles. En second lieu, Notre-Seigneur connaissait la malveillance méchante des Juifs à son égard ; il savait que lors même qu’ils reconnaîtraient en eux-mêmes la vérité de tout ce qu’il leur disait, ils n’en feraient rien voir au dehors, et que ses paroles n’ouvriraient pas les yeux à des gens que ses miracles n’avaient pas convertis. Enfin, tu te trompes quand tu crois que les Juifs avaient moins d’esprit que nous ; ils en avaient tout autant, seulement ils en faisaient un mauvais usage. La preuve qu’ils comprenaient, c’est que lorsque Notre-Seigneur eut fini ses paraboles, il ajouta :

« Comprenez-vous bien ce que je vous dis ?

— Oui, répondirent-ils. »

XLVII

LE DOCTEUR DE LA LOI VEUT SUIVRE JÉSUS.



Et Notre-Seigneur quitta ce lieu pour aller prêcher dans un autre.

Voyant une grande foule autour de lui, il ordonna à ses disciples de monter dans des barques pour passer de l’autre côté du lac de Génézareth.

Alors, un Docteur de la loi s’approcha, et lui dit : « Maître, je vous suivrai partout où vous irez. » Jésus lui répondit :

« Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’Homme n’a pas où reposer sa tête. »

Notre-Seigneur disait cela, parce qu’il avait vu dans le cœur de ce Docteur de la loi, qu’il espérait s’enrichir en suivant Notre-Seigneur qui devait devenir, pensait-il, un grand Roi, riche et puissant.

Un des disciples lui dit : « Seigneur, avant de partir, permettez-moi d’aller ensevelir mon père. » Jésus lui dit :

« Suis-moi, et laisse les morts ensevelir leurs morts. »

Jeanne. Comment ? Notre-Seigneur ne laisse pas ce disciple enterrer son père !

Grand’mère. C’est sans doute une très sainte action de rendre à ses parents les derniers devoirs ; mais Notre-Seigneur veut nous faire voir par cette réponse que le service de Dieu doit passer avant tout. Ce disciple s’était donné à Jésus ; il devait le suivre ; d’autres qui étaient restés près de son père pouvaient l’ensevelir. C’est cette obéissance parfaite qui fait l’esprit religieux ; ainsi font les sœurs de Charité que tout le monde aime et vénère ; leur supérieure les envoie en Chine, en Amérique, dans les Indes, sur les champs de bataille ; elles partent de suite sans faire la moindre objection ; et c’est une des raisons pour lesquelles elles inspirent tant de respect.

Jacques. Comment Notre-Seigneur dit-il qu’il faut laisser les morts enterrer les morts ? Les morts ne peuvent plus rien faire puisqu’ils sont morts.

Grand’mère. Notre-Seigneur appelle morts les gens du monde qui ne s’occupent que des choses du monde et qui sont comme morts pour les choses de Dieu.

Ce même soir, Jésus dit à ses disciples :

« Passons à l’autre bord du lac. »


XLVIII

TEMPÊTE APAISÉE.



Les disciples renvoyèrent donc tout le peuple et emmenèrent Jésus dans la barque où il était entré ; d’autres barques les suivaient. Alors il s’éleva une tempête si violente, que l’eau entrait dans les barques, en sorte qu’elles s’emplissaient.

Cependant Jésus était à la poupe, dormant appuyé sur un coussin.

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est, une poupe ?

Grand’mère. La poupe est la partie d’arrière d’un navire ou d’une barque ; la proue est le devant, la poupe est l’arrière.

Les disciples éveillèrent Jésus, et lui dirent :

« Maître, n’avez-vous pas de souci que nous périssions ? »

Et Jésus, se levant, menaça le vent et dit à la mer :

« Cesse de gronder. Tais-toi. »

Et le vent s’apaisa et il se fit un grand calme. Jésus leur dit :

« Pourquoi vous effrayer ? N’avez-vous pas encore la foi ? »

Et ils furent saisis d’une grande crainte et ils se disaient l’un à l’autre :

« Qui donc est celui-ci, que le vent et la mer lui obéissent ! »

Henri. Comment ! les disciples ne comprenaient pas encore que Jésus était le bon Dieu ?

Grand’mère. Ils en avaient un peu la pensée, mais pas très-assurée encore ; c’est pourquoi chaque miracle nouveau les étonne et les effraye.

Avant et après ces miracles, ils voyaient Notre-Seigneur pauvre, humilié, fatigué, vrai homme de douleur, et ils trouvaient, comme malgré eux, une espèce de désaccord entre cette faiblesse du Fils de l’Homme et cette puissance du Fils de Dieu.

XLIX

LES DÉMONS ET LES POURCEAUX.



La tempête étant apaisée, Notre-Seigneur, ses disciples et tous ceux qui l’accompagnaient abordèrent au pays des Géraséniens, situé du côté opposé à la Galilée.

Lorsque Jésus fut descendu à terre, tout à coup, du milieu des sépulcres vint à lui un homme…

Armand. Qu’est-ce que c’est, sépulcre ?

Grand’mère. Les sépulcres sont des cavernes, des espèces de petites grottes où on met des morts. Cet homme était possédé d’un esprit immonde ; il habitait dans les sépulcres, et on ne pouvait le lier, l’attacher, même avec des chaînes. Car souvent, ayant été enchaîné et ayant des fers aux pieds et aux mains, il brisait les fers et personne ne pouvait se rendre maître de lui.

Valentine. Qu’est-ce que c’est qu’un esprit immonde ?

Grand’mère. C’est un esprit, c’est-à-dire un démon, sale, dégoûtant, qui n’aime que des saletés, qui ne parle que de saletés, qui ne pense qu’à des saletés ; ainsi on dit d’un cochon que c’est un animal immonde. Quand il y a un tas de saletés, on les appelle des immondices. Vous jugez qu’un tel possédé devait être très-dégoûtant, et que tout le monde le fuyait. Le jour et la nuit il errait sans cesse dans les sépulcres et dans les montagnes, criant et se meurtrissant avec des pierres et faisant peur à tout le monde.

Jacques. Pourquoi cela, puisqu’il était dehors et qu’on était dans les maisons ?

Grand’mère. D’abord, puisqu’il avait assez de force pour casser de grosses chaînes de fer, il pouvait bien, si l’idée en venait, briser les portes et les fenêtres, entrer dans les maisons et faire beaucoup de mal ; ensuite, il fallait bien sortir le jour pour son travail ou pour ses affaires, et on risquait de le rencontrer, ce qui pouvait être fort dangereux, et c’est le démon qui lui donnait cette force extraordinaire.

Voyant de loin Jésus, il accourut et se prosterna devant lui. Et jetant un grand cri :

« Qu’y a-t-il entre moi et toi, Jésus, Fils du Dieu tout-puissant ? Je t’adjure par Dieu, ne me tourmente pas. »

Car Jésus lui disait :

« Esprit immonde, sors de cet homme. »

Et Jésus l’interrogea :

« Quel est ton nom ?

— Mon nom est Légion, parce que nous sommes plusieurs. »

Et il suppliait Jésus de ne pas le chasser de ce pays.

Jacques. Pourquoi cela ?

Grand’mère. Parce que le pays était peuplé par des hommes méchants qui obéissaient aux démons, qui écoutaient toutes les sales idées que leur donnait le démon, de sorte qu’il y était plus honoré que le bon Dieu.

Il y avait là, le long de la montagne, un troupeau de cochons qui paissaient. Et les esprits priaient Notre-Seigneur, et lui demandaient de leur permettre d’entrer dans les corps de ces pourceaux.

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est, des pourceaux ?

Grand’mère. Un pourceau est un cochon ; c’est de là que vient le mot porc, qui est une manière plus propre, plus élégante d’appeler les cochons.

Jésus le leur permit. Et les esprits immondes, sortant du possédé, entrèrent dans les porcs. Et tout le troupeau, d’environ deux mille, se précipita impétueusement dans la mer et s’y noya.

Jeanne. Pauvres bêtes ! Pourquoi Jésus les a-t-il fait noyer ?

Grand’mère. Ce n’est pas Notre-Seigneur qui les a fait noyer ; c’est le démon qui ne fait jamais que le mal et qui se réjouit de tout le mal qu’il fait.

Jeanne. Mais Notre-Seigneur pouvait l’empêcher.

Grand’mère. Il pouvait certainement l’empêcher ; mais il ne l’a pas voulu parce qu’il fallait punir tous ces Géraséniens qui étaient des hommes immondes et dignes de châtiment.

Ceux qui gardaient les cochons s’étant enfuis, annoncèrent ceci dans la ville et dans les environs. Et plusieurs de ceux à qui appartenaient les troupeaux sortirent pour voir ce qui était arrivé.

Ils vinrent près de Jésus, et ils virent celui que le démon tourmentait, assis, habillé et entièrement guéri. Et ils furent saisis de crainte. Ceux qui avaient vu ce qui était arrivé au possédé et aux pourceaux le leur racontèrent. Et ils commencèrent à prier Jésus de s’éloigner de leurs demeures.

Jeanne. Comme ils sont bêtes, ces gens-là ! Au lieu de demander au bon Jésus de rester plus longtemps, ils lui demandent de s’en aller !

Grand’mère. Ils font ce que font tous les hommes qui ne sont pas réellement bons chrétiens et qui ne pensent qu’aux biens de ce monde. Ils n’ont pensé qu’à la perte de leurs pourceaux, sans comprendre que la présence de Notre-Seigneur leur était bien plus utile et profitable que ne pouvaient l’être leurs troupeaux.

Louis. Mais les autres hommes ne sont pas comme ceux-là ! Ils ne chassent pas Notre-Seigneur.

Grand’mère. Ils le chassent de leur cœur et ils préfèrent leurs pourceaux, c’est-à-dire leurs vices, leur gourmandise, leur colère, leur paresse, leur avarice, leur orgueil, à la présence de Notre-Seigneur en eux, c’est-à-dire à une vie de vertu, de douceur, de patience, de charité, d’humilité, de mortification.

Henriette. Grand’mère, me gronderez-vous si je vous dis ce que je pense ?

Grand’mère. Tu sais, chère enfant, que je ne gronde jamais que pour des méchancetés, et ta pensée, quand même elle serait mauvaise, ne serait pas une méchanceté ; ainsi tu peux dire hardiment ce que tu penses.

Henriette. Eh bien ! Grand’mère, je pense que les pauvres Géraséniens avaient besoin de leurs cochons ; et qu’à leur place je n’aurais pas été contente du tout de les avoir perdus ; et je pense encore que ce n’est pas du tout agréable de vivre comme vous le dites, de se mortifier, de toujours obéir, d’être douce, humble, et de ne jamais s’amuser.

Grand’mère. Je te répondrai, ma chère petite, que si les Géraséniens avaient été comme ils auraient dû l’être pour Notre-Seigneur, il aurait eu la puissance de leur rendre cent fois plus de cochons qu’ils n’en avaient perdu. Ensuite que si ce n’est pas amusant d’obéir et d’être sage et vertueux, c’est très-profitable, parce que la vie passe bien vite et que l’éternité la récompense ou la punit. Et enfin, qu’il n’est pas défendu de s’amuser, et que les enfants très-sages, et même les grandes personnes, s’amusent, et beaucoup, quand ils le peuvent et quand ils le veulent. On joue, on court, on rit, on monte à âne, on pêche, on chasse, on fait des parties, on s’amuse quoiqu’on soit sage et vertueux ; et plus que si on ne l’était pas, parce que la conscience est tranquille et qu’on se sent heureux. Ce qui est mal c’est de faire passer le plaisir par-dessus tout, de négliger son devoir pour le plaisir ; mais lorsqu’on s’amuse innocemment et modérément, sans faire de tort à personne, on ne fait aucun mal et on n’en pratique pas moins les vertus que j’ai nommées. Je reprends l’Évangile.

Notre-Seigneur remonta dans la barque pour s’en retourner. Et l’homme qu’il avait délivré de la légion de démons qui avait été en lui le supplia de lui permettre de l’accompagner. Mais Jésus ne le voulut pas et lui dit :

« Retourne dans ta maison et apprends à ta famille ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde. »

Jacques. Pourquoi Jésus ne laisse-t-il pas venir ce pauvre homme avec lui ?

Grand’mère. Parce que Notre-Seigneur savait que cet homme serait plus utile à la gloire de Dieu dans son pays en faisant connaître ce grand miracle, qu’en se joignant aux autres disciples. Le possédé guéri s’en alla donc et se mit à publier dans la Décapole les grandes choses que Jésus avait faites pour lui ; et tout le monde en était dans l’admiration.

Armand. Qu’est-ce que c’est, la Décapole ?

Grand’mère. Décapole veut dire réunion de dix villes.

Armand. Comment cela ?

Grand’mère. Parce que Déca en grec veut dire dix, et Polis signifie ville. Il y avait dix villes dans ce pays-là, et c’est pourquoi on l’appelait Décapole.


L

RÉSURRECTION DE LA FILLE DE JAÏRE.



Jésus ayant repassé avec sa barque à l’autre bord, une grande multitude de peuple s’assembla autour de lui, avant qu’il ne se fût éloigné de la mer.

Or, un chef de la synagogue nommé Jaïre

Armand. Qu’est-ce que c’est, une synagogue ?

Grand’mère. Je crois t’avoir déjà expliqué qu’une synagogue était un lieu de réunion pour prier, une espèce de temple, comme sont pour nous les églises ; et de même que nous avons des curés pour nos églises, de même les Juifs avaient des chefs pour leurs synagogues, et Jaïre était un de ces chefs. Et quand il vit Notre-Seigneur, il vint à lui, se jeta à ses pieds, et le pria avec instance, disant :

« Ma fille est à l’extrémité… »

Résurrection de la fille de Jaïre.
Résurrection de la fille de Jaïre.


Armand. Qu’est-ce que c’est, à l’extrémité ?

Henriette. Grand’mère, dites, je vous prie, à Armand de ne pas vous interrompre à chaque instant. C’est assommant !

Grand’mère. Chère petite, tu serais bien aise que je t’expliquasse quelque chose que tu ne comprendrais pas. Pourquoi ne veux-tu pas que je fasse de même pour le pauvre Armand ? C’est ennuyeux pour toi, je le comprends ; mais il faut être complaisant les uns pour les autres ; tes cousins et cousines ne se plaignent pas, et pourtant ils sont tout aussi ennuyés que toi.

Henriette. C’est vrai, Grand’mère ; j’ai tort. Pardonne-moi, mon petit Armand ; interromps tant que tu voudras, je ne me plaindrai plus.

Armand. Merci, Henriette, tu es très-bonne ; mais je voudrais savoir ce que c’est, à l’extrémité.

Grand’mère. Cela veut dire bien malade, tout près de mourir. Jaïre dit donc à Jésus que sa fille allait mourir. « Venez, ajouta-t-il, imposer votre main sur elle… »

Armand. Comment, imposer ? (Henriette soupire.)

Grand’mère. C’est-à-dire, mettez votre main sur elle, touchez-la de votre main, afin qu’elle guérisse et qu’elle vive.

Et Notre-Seigneur alla avec Jaïre, et une grande multitude le suivait et le pressait.

Or une pauvre femme qui avait un flux de sang…

Armand. Comment, un flux de sang ? (Henriette s’agite.)

Grand’mère. C’est-à-dire qu’elle perdait du sang presque sans cesse, depuis douze ans ; les médecins l’avaient beaucoup fait souffrir par leurs remèdes, lui avaient fait dépenser tout son argent, et au lieu d’aller mieux, elle allait de plus en plus mal.

Ayant entendu parler de Jésus et des miracles qu’il opérait, elle vint à lui dans la foule, par derrière, et toucha son vêtement. Car elle se disait : « Si je puis toucher seulement la frange de son vêtement, je serai guérie. »

Et aussitôt le sang s’arrêta, et elle sentit en son corps qu’elle était guérie.

Au même moment, Jésus, sachant qu’une vertu, une grâce, était sortie de lui, se retourna vers la foule, et dit :

« Qui a touché mes vêtements ? »

Les disciples lui dirent :

« Vous voyez la foule qui vous presse, qui vous écrase, et vous dites : « Qui m’a touché ? »

Et Notre-Seigneur regardait tout autour de lui, pour voir celle qui l’avait touché.

La pauvre femme, honteuse et craintive malgré son bonheur (car elle sentait bien ce qui était arrivé en elle), se prosterna devant lui et lui dit toute la vérité.

Et Jésus lui dit :

« Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton infirmité. »

Il parlait encore, lorsqu’on vint dire au chef de la synagogue :

« Votre fille est morte ; pourquoi fatiguer davantage le Maître ? »

Jésus ayant entendu ces paroles, se retourna vers Jaïre et lui dit :

« Ne crains point ; crois seulement. »

Et il ne permit à personne de le suivre, excepté à Pierre, à Jacques, et à Jean, frère de Jacques.

En arrivant à la maison du chef de la synagogue, il vit beaucoup de tumulte, et des gens qui pleuraient et qui poussaient de grands cris.

Armand. Pourquoi cela ?

Grand’mère. C’était la manière dont les Juifs témoignaient leur sympathie, leur amitié aux parents du mort ; ils poussaient des cris lamentables et faisaient semblant de pleurer.

Notre-Seigneur étant entré, leur dit :

« Pourquoi vous troubler et pleurer ? La jeune fille n’est point morte, mais elle dort. »

Et ceux qui étaient là se moquaient de lui. Mais Jésus, les ayant tous renvoyés, prit le père et la mère de la jeune fille, et ceux qui étaient avec lui, et entra dans le lieu où la jeune fille était couchée.

Et prenant la main de la jeune fille, il lui dit : « Thalitha cumi ; » c’est-à-dire : « Ma fille, lève-toi ! Je te le commande. » Et aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher ; elle avait douze ans. Et tous furent frappés d’admiration. Mais Jésus leur défendit expressément d’en parler à personne, et il dit qu’on donnât à manger à la jeune fille. Et le bruit de ce miracle se répandit dans tout le pays.

Louis. Comment a-t-il pu se répandre, puisque Jésus avait défendu qu’on en parlât ?

Grand’mère. Parce que, malgré sa défense, beaucoup de personnes en parlèrent : les uns par admiration, les autres par légèreté, par indiscrétion, les autres par bavardage. Alors comme aujourd’hui, on n’obéissait pas toujours à Notre-Seigneur, on ne l’écoutait pas.


LI

LES AVEUGLES GUÉRIS.



Jésus étant parti de là, deux aveugles le suivirent en criant : « Fils de David, ayez pitié de nous ! » Quand il fut arrivé à la maison, ces aveugles s’approchèrent de lui et Jésus leur dit :

« Croyez-vous que je puisse faire pour vous ce que vous me demandez ? »

Ils lui répondirent : « Oui, Seigneur. »

Alors il leur toucha les yeux, en disant :

« Qu’il vous soit fait selon votre foi. »

Et aussitôt leurs yeux furent ouverts.

« Prenez bien garde, leur dit-il, que personne ne le sache ! »

Mais eux, s’étant retirés, firent connaître Jésus et ses miracles dans tout le pays.

Jacques. Et Jésus ne les a pas punis ?

Grand’mère. Non, l’Évangile ne le dit pas ; et il est plus que probable que Notre-Seigneur ne les a pas punis.

Jacques. Alors, ce n’est donc pas pour tout de bon que Jésus défendait de faire connaître ses miracles ? Il avait

Les aveugles guéris.
Les aveugles guéris.


défendu à ces pauvres gens d’en parler. Ils l’ont dit à tout le pays ; donc ils lui ont désobéi comme Moïse a désobéi au bon Dieu quand il a frappé le rocher deux fois au lieu d’une fois pour en faire sortir de l’eau. Et le bon Dieu a bien sévèrement puni le pauvre Moïse, puisqu’il lui a dit qu’il n’entrerait pas dans la terre promise.

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est la terre promise ?

Jacques. C’est le pays de Chanaan.

Petit-Louis. Et qu’est-ce que c’est le pays de Chanaan ?

Jacques. Eh bien ! c’est la terre promise !

Petit-Louis. Tu expliques mal. On ne comprend pas ce que tu dis.

Grand’mère, souriant. Je t’expliquerai cela plus tard, mon petit Loulou, quand nous serons seuls. À présent, je veux faire voir à Jacques la différence qui existe entre la désobéissance de Moïse et celle des aveugles.

Moïse a désobéi au Seigneur par méfiance du Seigneur, un seul coup de baguette ne lui paraissant pas suffisant pour faire sortir de l’eau du rocher, comme le lui avait dit la voix de Dieu.

Les aveugles ont désobéi au Seigneur par excès de reconnaissance et d’amour, ne pouvant pas supporter qu’on ignorât dans leur pays la puissance et la bonté de Notre-Seigneur. Ce n’est pas la première fois que nous voyons dans l’Évangile de semblables désobéissances pieuses, et nulle part nous ne voyons que le Seigneur en soit fâché.

Jacques. Mais pourquoi cela ?

Grand’mère. Parce que l’indulgence et la bonté de Notre-Seigneur lui font excuser une action qui provient d’un si bon sentiment. L’amour de dieu étant la plus grande, la plus belle des vertus, Notre-Seigneur pardonne les manquements légers que peut faire commettre cet amour mal dirigé ou mal compris.


LII

LE POSSÉDÉ DÉLIVRÉ



Aussitôt que les aveugles furent partis, on lui présenta un homme qui était possédé d’un démon muet.

Armand. Qu’est-ce que c’est, un démon muet ?

Grand’mère. C’est un démon qui empêchait l’homme de parler. Aussitôt que Notre-Seigneur eut chassé ce démon, le muet parla. Et le peuple, ravi d’admiration, s’écriait : « Jamais rien de semblable n’a paru dans Israël. »

Mais les Pharisiens, qui avaient peur que ce miracle ne lui donnât encore plus de disciples, disaient au peuple : « C’est par le prince des démons qu’il chasse les démons. »

Jeanne. Et le peuple les crut ?

Grand’mère. Oui, il les crut, parce qu’on est toujours plus disposé à croire le mal que le bien.

LIII

JÉSUS VA À NAZARETH.



Notre-Seigneur quitta ce lieu et vint dans son pays, à Nazareth, accompagné de ses disciples. Un jour de sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Un grand nombre de ceux qui l’entendaient s’étonnaient qu’il parlât si bien, et disaient :

« D’où lui viennent toutes ces choses ? Et d’où lui vient cette sagesse que nous voyons ? Et d’où vient que tant de merveilles se font par ses mains ? N’est-ce pas ce charpentier, fils de Marie, frère de Jacques, de Joseph, de Juda, de Simon ? »

Armand. Comment, frère ?

Grand’mère. C’est-à-dire cousin. Je vous ai expliqué qu’en syriaque et en hébreu, les cousins s’appelaient frères et sœurs, et qu’il n’y a même pas de mot pour dire cousin ou cousine. Les frères et les sœurs dont on parle dans l’Évangile sont les cousins et les cousines de Notre-Seigneur, les enfants de Marie, femme de Cléophas, sœur aînée de la Sainte Vierge.

« Ses sœurs, disaient les gens de Nazareth, ne sont-elles pas ici parmi nous ? »

Et ils se scandalisaient de lui.

Armand. Comment, scandalisaient ? Qu’est-ce que c’est, scandalisaient ?

Grand’mère. Scandaliser, c’est faire quelque chose de mal, c’est donner un mauvais exemple. Les Nazaréens se scandalisaient, c’est-à-dire se choquaient, se révoltaient de ce que disait Notre-Seigneur, trouvant qu’un fils de charpentier ne devait pas se permettre de faire de la morale et de prêcher les autres.

Et Jésus leur dit :

« Un Prophète n’est sans honneur que dans sa patrie, dans sa maison, dans sa famille. »

Et il ne fit là aucun miracle, si ce n’est qu’il guérit quelques malades.

Valentine. Pourquoi cela ?

Grand’mère. Parce que, pour faire des miracles sur les corps, Notre-Seigneur voulait ordinairement que l’âme eût foi en lui, qu’elle reconnût ses péchés et qu’elle éprouvât le désir de s’améliorer. À Nazareth, il ne trouvait rien de tout cela ; tout au contraire, on ne voulait pas croire en lui, et on se moquait de sa divinité.


LIV

NOTRE-SEIGNEUR ENVOIE SES APÔTRES POUR PRÊCHER.



Pourtant il alla dans les villages d’alentour, pour continuer à enseigner. Il appela un jour les douze Apôtres, et il

Jésus envoie ses apôtres pour prêcher.
Jésus envoie ses apôtres pour prêcher.


commença à les envoyer deux à deux pour prêcher, et il leur donna la puissance de chasser les esprits immondes.

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est, les esprits immondes ?

Grand’mère. Ce sont les démons. Notre-Seigneur commanda à ses Apôtres de ne rien porter en chemin qu’un bâton seulement pour les aider à marcher ; ni sac, ni pain, ni argent, ni habits de rechange.

Marie-Thérèse. Et comment donc ces pauvres Apôtres pouvaient-ils vivre ?

Grand’mère. Ils vivaient d’aumônes. Notre-Seigneur faisait pour eux ce qu’il fait encore tous les jours pour ceux qui se dévouent à son service et qui ont confiance en lui. Il dispose favorablement le cœur de ceux qui les écoutent et qui les reçoivent avec bonne foi ; c’est-à-dire avec le désir de connaître le bien et de le pratiquer. Maintenant encore, nous avons les sœurs de charité, les petites sœurs des pauvres, les Capucins, qui ne peuvent rien posséder et qui vivent d’aumônes.

Notre-Seigneur, en envoyant ses apôtres dépourvus de tout et à la merci de la charité publique, a donné la première idée et le premier exemple de la vie religieuse et du vœu de pauvreté.

Armand. Qu’est-ce que c’est, vœu ?

Grand’mère. Vœu signifie promesse religieuse à laquelle on ne peut manquer sans faire un péché.

Notre-Seigneur leur dit encore :

« En quelque maison que vous entriez, demeurez-y jusqu’à ce que vous sortiez de ce lieu. Et si quelqu’un ne vous reçoit pas et ne vous écoute pas, sortez de là et secouez la poussière de vos pieds, en témoignage contre eux. »

Henriette. Pourquoi donc secouer la poussière des pieds ? Qu’est-ce que cela peut faire ?

Grand’mère. C’était un signe de malédiction, comme s’ils disaient :

« Vous refusez de recevoir le serviteur de Dieu, vous en serez punis ; et puisque vous me refusez le pain et l’abri que je vous demande, je ne veux rien garder de vous, pas même la poussière que mes pieds ont ramassée dans votre maison. »

Et c’est pourquoi il faut toujours être poli et charitable envers les prêtres, les religieuses, qui sont les serviteurs de Dieu, et qui viennent vous demander des aumônes en son nom, pour une église, ou un couvent, ou une école, etc. Donnez peu si vous avez peu, mais donnez afin de recevoir la bénédiction du bon Dieu, au lieu de mériter sa malédiction.

Notre-Seigneur ajouta :

« Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; soyez donc prudents comme les serpents et simples comme les colombes. » Il leur dit aussi qu’ils seraient persécutés et haïs à cause de lui ; qu’ils seraient obligés de fuir de ville en ville pour pouvoir prêcher le royaume de Dieu. « Car, dit-il, je ne suis pas venu apporter la paix, mais la guerre. »

Louis. Comment cela ? et pourquoi ?

Grand’mère. Parce que les uns deviendraient de fidèles serviteurs de Dieu, des chrétiens, et que les autres resteraient mauvais et serviteurs du démon ; et que les méchants persécuteraient les bons, les tortureraient, les tueraient, et feraient ainsi la guerre au bon Dieu. Notre-Seigneur leur dit aussi :

« Celui qui vous reçoit me reçoit, c’est-à-dire celui qui fait la charité à son prochain me la fait à moi-même, et celui qui donnera seulement un verre d’eau froide en mon nom au plus petit des hommes, parce qu’il est mon disciple, je vous le dis en vérité, il ne perdra pas sa récompense. »

Les Apôtres partirent d’après l’ordre de leur Maître, et ils prêchaient la pénitence, la charité envers les pauvres et envers le prochain, afin de s’aimer les uns les autres. Ainsi, nous autres chrétiens, quand nous donnons à un pauvre, c’est à Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même que nous donnons, et c’est de là que vient le mérite religieux de nos aumônes.

Et les Apôtres chassaient les démons, et faisaient des onctions d’huile sur les malades et ils se trouvaient guéris.

Valentine. Pourquoi leur mettaient-ils de l’huile ?

Grand’mère. C’était de l’huile qu’ils bénissaient au nom de Jésus-Christ, Fils de Dieu. C’était sans doute l’image du sacrement de l’Extrême-Onction. En outre l’huile représente la douceur et la suavité du Saint-Esprit.

Marie-Thérèse. Qu’est-ce que c’est, l’Extrême-onction ?

Grand’mère. C’est un sacrement institué pour les mourants, pour les aider à bien mourir et à effacer les péchés qu’ils ont commis.

Valentine. Qu’est-ce que c’est, un sacrement ?

Grand’mère. Un sacrement est un signe extérieur institué par Notre-Seigneur pour nous donner sa grâce et pour nous sanctifier dans les moments importants de notre vie.

Valentine. Quels moments importants ?

Grand’mère. 1er Le Baptême, à notre naissance ;

2e La Confirmation, quand nous avons l’âge de raison ;

3e La Communion, quand nous avons besoin de nourrir et de fortifier notre âme.

4e La Confession, quand nous avons péché ;

5e L’Extrême-Onction, quand nous sommes en danger de mort ;

6e L’Ordre, quand on veut se donner à Dieu en se faisant prêtre ;

7e Le Mariage, quand on veut se marier.

Les cinq premiers sont pour tout le monde ; les deux derniers sont : l’Ordre, pour ceux qui veulent être prêtres ; le Mariage, pour ceux qui veulent se marier pour devenir père ou mère de famille.


LV

DÉCOLLATION DE SAINT JEAN-BAPTISTE.



Grand’mère. L’autre jour, mes enfants, vous me demandiez ce que c’était que le scandale et se scandaliser ; aujourd’hui vous allez être scandalisés de l’horrible conduite du Roi Hérode.

Louis. Celui qui a tué les pauvres petits innocents ?

Grand’mère. Non ; celui-là était mort depuis trente-deux ans. C’est son fils Hérode qui régnait en ce temps-là.

Henri. Comment, son fils Hérode ? puisque c’est son fils Archélaüs qui lui avait succédé lorsque Joseph ramena d’Égypte la sainte Vierge et l’Enfant Jésus ?

Grand’mère. Archélaüs n’a régné qu’un an ; il était mort depuis trente et un ans, et son méchant frère lui avait succédé.

Décollation de saint Jean-Baptiste.
Décollation de saint Jean-Baptiste.


Armand. Qu’est-ce que c’est, succéder ?

Grand’mère. C’est venir après, remplacer. C’était donc Hérode II, fils d’Hérode Ier, qui régnait en Judée. Il entendait beaucoup parler de Jésus et de ses miracles. Quelque temps auparavant, Hérode avait fait saisir saint Jean-Baptiste ; il le fit enchaîner et jeter en prison.

Jacques. C’est abominable ! Pourquoi cela ?

Grand’mère. Parce que Hérodiade, la belle-sœur d’Hérode, détestait saint Jean-Baptiste qui rappelait au Roi, devant le peuple, que la loi lui défendait d’épouser sa belle-sœur pendant que Philippe, époux d’Hérodiade, vivait encore. Hérodiade, qui était ambitieuse…

Armand. Qu’est-ce que c’est, ambitieuse ?

Grand’mère. C’est aimer les honneurs, la puissance, la richesse ; c’est vouloir toujours être plus qu’on n’est. Hérodiade voulait être Reine, et saint Jean l’en empêchait ; elle chercha à faire mourir Jean, mais n’ayant pu y faire consentir Hérode, elle obtint du moins qu’il le fît mettre en prison.

Un jour, c’était la fête d’Hérode, le jour de sa naissance ; il donnait un grand festin aux grands de sa cour, aux premiers officiers de ses troupes et aux principaux de la Galilée. La fille d’Hérodiade y étant venue, dansa ; et il paraît qu’elle dansait très-bien, car elle plut tellement à Hérode et à tous les gens du festin, que le Roi l’appela et lui dit : « Demande-moi ce que tu voudras, je te le donnerai. Oui, je jure de te donner tout ce que tu demanderas, fût-ce la moitié de mon royaume. » La fille d’Hérodiade sortit pour réfléchir à ce qu’elle pourrait demander ; elle alla consulter sa mère. Hérodiade lui répondit : « Demande la tête de Jean-Baptiste dans un plat. »

La fille, qui était aussi mauvaise et méchante que sa mère, se rendit près du Roi et lui dit : « Je veux que vous me donniez tout de suite la tête de Jean-Baptiste dans un plat. »

Le Roi fut attristé de cette demande. Néanmoins, à cause de son serment et de tous ceux qui l’avaient entendu, il ne voulut pas la refuser ; il envoya donc un de ses gardes et lui commanda d’apporter dans un plat la tête de Jean-Baptiste et de la remettre à la fille d’Hérodiade.

Le garde obéit, et la fille d’Hérodiade remit à sa mère la tête de Jean-Baptiste.

Les disciples de Jean l’ayant su, vinrent dans la prison, prirent le corps et le déposèrent dans un tombeau.

Henriette. Et la tête de ce pauvre saint Jean, qu’est-ce que la méchante Hérodiade en a fait !

Grand’mère. Il paraît, d’après les traditions et les révélations…

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est, traditions et révélations ?

Grand’mère. Les traditions sont les récits des personnes qui ont vu les choses ou les événements qu’elles racontent ; ceux qui les entendent les racontent à leur tour à leurs enfants, qui en font autant aux leurs, et ainsi de suite pendant des siècles. Les révélations sont des choses révélées, c’est-à-dire apprises miraculeusement aux personnes très-pieuses, très-saintes, qui prient beaucoup et que le bon Dieu favorise tout particulièrement.

Je disais donc que, d’après les traditions et les révélations, il paraîtrait qu’Hérodiade fit jeter la tête de saint Jean dans un cloaque qui était auprès des cuisines du palais d’Hérode.

Armand. Qu’est-ce que c’est, cloaque ?

Grand’mère. C’est un trou, un endroit creux où on jette toutes les saletés qui empesteraient les cours et les maisons.

Des saintes femmes qui savaient que la tête de saint Jean-Baptiste avait été jetée dans ce cloaque, voulurent la ravoir pour l’ensevelir près de son corps ; mais ce ne fut qu’après la mort de Notre-Seigneur qu’elles purent y parvenir. On nettoya ce cloaque pour faire des réparations aux murs qui l’entouraient ; les saintes femmes se mélèrent aux ouvriers qui y travaillaient ; elles aperçurent la tête de saint Jean-Baptiste sur une pierre saillante ; elles s’en emparèrent, l’enveloppèrent de linges et l’emportèrent pour l’ensevelir dans le tombeau où avait été déposé son corps.


LVI

MULTIPLICATION DES PAINS.



Les Apôtres que Notre-Seigneur avait envoyés pour faire connaître la vérité aux peuples, revinrent près de Jésus et lui rendirent compte de ce qu’ils avaient fait.

Notre-Seigneur leur dit :

« Venez à l’écart, dans un lieu désert pour vous reposer. »

Car il y avait tant de monde qui allait et venait, que Notre-Seigneur et les disciples n’avaient pas même le temps de manger

Et montant avec eux dans une barque, ils se rendirent dans un lieu désert au delà de la mer de Galilée, nommée aussi lac ou mer de Tibériade.

Mais comme la foule le vit partir, on alla l’annoncer de tous côtés, et le peuple accourut de toutes les villes voisines pour aller le rejoindre du côté où on voyait sa barque se diriger. Quand Jésus sortit de la barque, il vit toute cette foule arrivée avant lui, et il se dirigea avec ses disciples vers une montagne où il s’assit. Jésus, levant les yeux, vit cette grande multitude qui était venue pour l’entendre. Il eut pitié d’eux, car ils étaient là comme un troupeau de brebis sans pasteur. Et après les avoir enseignés longtemps il dit à Philippe :

« Où achèterons-nous du pain pour donner à manger à tout ce peuple ? »

Il lui parlait ainsi pour l’éprouver, car il savait bien ce qu’il devait faire.

Ses disciples lui répondirent :

« Maître, ce lieu est désert et il est déjà tard ; renvoyez-les, afin qu’ils aillent dans les hameaux et les villages voisins acheter ce qu’il faut pour leur nourriture. »

Mais il leur dit :

« Donnez-leur vous-mêmes à manger. »

Et ils dirent :

« Irons-nous donc acheter pour deux cents deniers de pain ? »

Il leur dit :

« Combien de pains avez-vous ? Allez et voyez. »

Ils allèrent voir et ils lui dirent :

« Il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons. »

Multiplication des pains.
Multiplication des pains.


On dit que ce petit garçon, qui s’appelait Martial, est ce même saint Martial qui fut, depuis, Apôtre de Limoges et de cette partie de la France.

Et Jésus leur commanda de faire asseoir tout le monde, par petits groupes, sur l’herbe verte. Et ils s’assirent par groupes de cent à cent cinquante.

Notre-Seigneur, ayant pris les cinq pains et les deux poissons, leva les yeux au ciel, les bénit, rompit le pain, le donna à ses disciples pour le distribuer à ces pauvres gens, et il partagea entre tous, les deux poissons.

Et tous mangèrent et furent rassasiés.

Jacques. Comment était-ce possible ?

Grand’mère. C’était possible et très-facile à Notre-Seigneur, parce qu’il était Dieu et Créateur de toutes choses ; il créait ces pains et ces poissons à mesure qu’il les distribuait, comme il a créé les poissons qui sont dans la mer.

Et des restes de pain et de poisson, ils remplirent douze corbeilles.

Or, ceux qui mangèrent étaient au nombre de cinq mille hommes, femmes et enfants. Et tout ce peuple, ayant vu le miracle qu’avait fait Jésus, disait : « C’est là vraiment le Prophète qui doit venir dans le monde. »

Et Jésus, sachant qu’ils voulaient l’enlever pour le faire Roi, dit à ses disciples de monter dans une barque et de passer de l’autre côté du lac, vers Bethsaïde, pendant qu’il ferait partir tout ce peuple.

Élisabeth. Mais après un si grand miracle, qui montrait à tous qu’il était réellement le Fils de Dieu, pourquoi donc Notre-Seigneur ne voulut-il pas se laisser faire Roi, puisqu’il venait dans le monde pour se faire connaître ? Il lui eût été bien plus facile de convertir les Juifs étant Roi, qu’en restant pauvre et sans puissance.

Grand’mère. Notre-Seigneur a toujours dit que son Royaume n’était pas de ce monde ; en effet, sa puissance était tellement plus grande que celle des Rois de ce monde, qu’un royaume terrestre eût été trop misérable pour sa grandeur. De plus, Notre-Seigneur a toujours prêché le mépris et le danger des richesses et des honneurs. Il a voulu, par toute sa vie, démontrer l’avantage de la pauvreté et d’une humble position. Il aurait contredit toutes ses prédications en se faisant Roi, et il n’aurait pas racheté les hommes de la puissance du démon ; il n’aurait pas péri sur une croix pour les sauver, il n’aurait pas laissé s’accomplir les prophéties. D’ailleurs, je le répète, qu’était-ce pour Notre-Seigneur, maître du monde, qu’un misérable royaume dans un coin de ce monde ? Son Royaume, son beau, son éternel et magnifique Royaume, était et est encore au Ciel, où il ne doit jamais périr ni diminuer de gloire, de beauté et de puissance.


LVII

NOTRE-SEIGNEUR MARCHE SUR LA MER.



Notre-Seigneur renvoya donc cette multitude sans se laisser nommer Roi, et alla tout seul sur une montagne pour prier.

Madeleine. Grand’mère, une chose qui m’étonne, c’est que Notre-Seigneur allait toujours prier. Pourquoi priait-il et qui priait-il, puisqu’il était Dieu lui-même, égal à Dieu son Père.

Grand’mère. Comme il était vrai homme aussi bien que vrai Dieu, Jésus-Christ pouvait prier ; il priait d’abord pour nous donner l’exemple de la prière, ensuite pour adorer Dieu son Père, le remercier, le supplier, et lui demander pardon et miséricorde au nom de tous les hommes.

Notre-Seigneur alla donc prier pendant que les disciples voguaient vers le rivage de Capharnaüm. Et un grand vent s’étant élevé, la mer commença à s’enfler ; et Jésus les voyant lutter contre les vagues sans pouvoir avancer…

Valentine. Comment Jésus pouvait-il les voir, puisqu’il était resté sur la montagne à prier ?

Grand’mère. Il les voyait avec son esprit Divin, qui pénétrait partout, qui était partout. Les voyant donc en danger, il alla à eux, marchant sur l’eau. Les disciples, le voyant s’avancer sur les eaux, crurent que c’était un fantôme, et jetèrent de grands cris, car tous le virent et furent épouvantés.

Mais aussitôt il leur parla, et leur dit :

« Rassurez-vous, c’est moi ; ne craignez point. »

Pierre lui répondit :

« Seigneur, si c’est vous, ordonnez que j’aille à vous en marchant sur l’eau.

— Viens, » lui dit Jésus.

Et Pierre, descendant de la barque, marchait sur l’eau pour aller à son Divin Maître. Mais le vent soufflant tout à coup avec plus de force, Pierre eut peur ; aussitôt il commença à enfoncer, et il s’écria :

« Seigneur, sauvez-moi ! »

Notre-Seigneur, étendant la main, le soutint et lui dit :

« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »

Henri. Je comprends très-bien qu’il ait eu peur, puisqu’il enfonçait dans l’eau, et à la place de saint Pierre, j’aurais eu peur comme lui.

Grand’mère. Tu aurais eu tort comme lui. Il n’a commencé à enfoncer que lorsqu’il a eu peur, c’est-à-dire lorsqu’il a commencé à douter du pouvoir qu’avait Notre-Seigneur de le maintenir sur l’eau ; car, s’il avait eu de la foi, il n’aurait pas craint de périr. Et pourtant, il avait été témoin de tant de miracles ! Quelques heures auparavant, il avait vu cinq pains et deux poissons se multiplier, au point que cinq mille personnes s’en étaient rassasiées ; c’est pourquoi Jésus voulut punir son peu de foi, et en même temps l’augmenter, la rendre plus vive, en permettant qu’il enfonçât. Il eut heureusement la pensée d’appeler de suite Notre-Seigneur à son secours. Et c’est ce que nous devons toujours faire quand nous nous sentons entraînés vers le mal, que nous avons de la peine à résister, que nous enfonçons comme saint Pierre. Il faut appeler le Seigneur à notre secours, et il nous vient toujours en aide comme il a fait pour saint Pierre. Il lui a tendu la main, il l’a ainsi soutenu au-dessus de l’eau, il l’a fait remonter dans la barque ; et la tempête cessa tout à coup.

Ceux qui étaient dans la barque furent encore plus étonnés, car ils étaient si aveuglés, ils comprenaient si peu ce qu’était Notre-Seigneur, que le miracle de la multiplication des pains ne leur avait même pas ouvert les yeux ; ils ne comprirent pas que Dieu seul pouvait faire un pareil prodige, et que par

Jésus soutient Pierre enfonçant dans la mer.
Jésus soutient Pierre enfonçant dans la mer.


conséquent Jésus était Dieu. Mais après l’avoir vu marcher sur les eaux et faire cesser la tempête subitement, ils s’approchèrent de lui et l’adorèrent avec crainte, en disant : « Vous êtes véritablement le Fils de Dieu. »

La barque continua à traverser le lac, et aborda au pays de Génézareth. Dès qu’ils furent descendus sur le rivage, les habitants reconnurent Jésus, et, le suivant dans tout le pays, ils lui faisaient apporter les malades partout où il s’arrêtait. En quelque lieu qu’il entrât, bourg, ville, village, on mettait les malades sur les places publiques, et on le priait de leur laisser seulement toucher le bord de son vêtement ; et tous ceux qui le touchaient étaient guéris.


LVIII

JÉSUS ANNONCE L’EUCHARISTIE
QUI EST LE PAIN DE VIE.



Le lendemain de son arrivée à Génésareth, le peuple, qui était demeuré à Tibériade, de l’autre côté de la mer, se mit à sa recherche, et, ne le trouvant pas de ce côté du lac, ils montèrent dans leurs barques pour aller le chercher à Capharnaüm.

L’ayant trouvé, ils lui dirent :

« Maître, comment et quand êtes-vous venu ici ? »

Jésus leur répondit qu’il voyait le fond de leur cœur, et qu’ils ne le cherchaient que parce qu’il les avait nourris avec les pains qu’il avait multipliés, et non pour connaître les vérités qu’il leur enseignait. Il leur dit de songer que cette vie n’est pas la vraie vie, que le pain qu’il leur avait donné n’était pas le pain de vie, le pain qui fait vivre éternellement.

Ils lui demandèrent alors de leur donner de ce pain de vie qui empêche de mourir.

Et Notre-Seigneur leur expliqua en paroles magnifiques, que vous lirez et comprendrez quand vous serez grands comme Camille, Madeleine, Élisabeth et Pierre, que ce pain de vie était lui-même, sa propre chair et son propre sang, qu’il donnerait à tous les hommes pour s’en nourrir, et que ceux qui ne le mangeraient pas n’auraient pas la vie éternelle, la vie de l’âme, ne vivraient pas en lui et ne l’auraient pas en eux.

Louis. Comment, Grand’mère ? Je ne comprends pas du tout. Comment pouvons-nous manger Notre-Seigneur ? Et comment peut-il se donner à manger aux hommes, puisqu’il n’est plus avec eux ? Et comment serions-nous assez méchants pour manger le bon Jésus, comme les sauvages qui mangent leurs ennemis ?

Grand’mère. Notre-Seigneur nous a laissé réellement sa chair à manger, en continuant le miracle de la multiplication des pains. Les personnes qui communient, c’est-à-dire qui reçoivent du prêtre qui dit la Messe, une parcelle blanche, qu’on appelle une hostie, reçoivent réellement le corps de Notre-Seigneur, tout le corps entier de Notre-Seigneur, qui se donne à nous, qui entre en nous sous l’apparence d’une hostie, et qui se multiplie ainsi à l’infini pour tous ceux qui veulent le recevoir. On ne mange donc pas Notre-Seigneur comme les sauvages mangent leurs prisonniers, puisqu’il se dissimule, se cache pour ainsi dire à nos yeux sous la forme de l’hostie ; mais il est bien réellement là, et c’est pourquoi le pain de la communion, « le pain de vie, » est « sa propre chair et son propre sang. »

Et il dit aussi : « Je suis le pain vivant descendu du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point. Et si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement, et le pain que je donnerai, c’est ma chair, que je dois livrer pour la vie du monde. Et en vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez ma chair et si vous ne buvez mon sang, vous n’aurez point la vie en vous. Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage ; celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.

« C’est là le pain du ciel. Il n’est pas de ce pain comme de la manne. Vos pères ont mangé de la manne et ils sont morts ; mais celui qui mange de ce pain vivra éternellement. »

Les Juifs et même les disciples qui entendaient parler ainsi Notre-Seigneur, ne le comprirent pas, ne le crurent pas et trouvèrent que ce qu’il disait était fort étrange, et pas possible. Jésus lut dans leurs cœurs endurcis ce qu’ils pensaient.

« Cela vous scandalise, dit-il. Que direz-vous donc, quand vous aurez vu le Fils de l’Homme remonter où il était auparavant ? »

Pierre. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Cela veut dire qu’il faut une grande foi et une grande soumission à la parole de Dieu et de l’Église, pour croire que le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit véritablement présent sur la terre, dans l’Eucharistie, bien qu’on l’ait vu remonter au Ciel au jour de l’Ascension. C’est en effet un grand mystère que nous ne pouvons comprendre.

Il continua à leur parler, mais plusieurs le quittèrent et ne voulurent plus être ses disciples.

Et c’est ce que font encore maintenant les protestants, c’est-à-dire les hommes qui ne veulent pas croire ce que l’Église leur enseigne de la part de Notre-Seigneur. Ils quittent l’Église comme les Juifs et les faux disciples quittèrent le Sauveur.

Jésus se retourna vers les douze Apôtres :

« Et vous, ne voulez-vous pas aussi me quitter ? » leur demanda Notre-Seigneur.

Simon-Pierre lui répondit :

« Seigneur, à qui irions-nous ? Vous avez les paroles de vie éternelle ; nous croyons et nous savons que vous êtes le Christ, Fils de Dieu. »

Et Jésus les regardant avec amour :

« Ne vous ai-je pas choisis tous les douze ? » dit-il.

Puis regardant Judas :

« Et cependant, parmi vous, il y a un démon. »

Ce démon était Judas Iscariote, car c’était lui qui devait le trahir, quoiqu’il fût un des douze.

Depuis ce temps Jésus resta en Galilée, ne voulant pas aller en Judée parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir et que le temps de son sacrifice n’était pas encore venu.

Il cherchait à démontrer au peuple et aux Docteurs de la loi que ce n’était pas seulement les pratiques extérieures de la loi qui étaient agréables à Dieu, mais les bons sentiments du cœur, l’humilité, la patience, la douceur, l’obéissance, la pureté, la charité. Il leur expliqua qu’il ne leur servirait de rien d’avoir jeûné, d’avoir offert des sacrifices, de s’être bien exactement lavé les mains et le visage avant de manger, s’ils avaient conservé de mauvais sentiments dans leur cœur et commis des fautes d’orgueil, d’avarice, de colère, d’envie, de blasphème, de méchanceté, etc. « Car, dit-il, ce qui souille l’homme c’est ce qui sort de l’homme même ; ce sont les mauvaises pensées, les mauvais sentiments, les mauvaises actions. Tous ces maux viennent du cœur de l’homme et c’est là ce qui le souille. »

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est, souille ?

Grand’mère. Souiller veut dire salir, tacher. Un cœur souillé veut dire un cœur taché, sali par le péché.


LIX

LA CANANÉENNE.



Notre-Seigneur partit ensuite et alla du côté de Tyr et de Sidon.

Armand. Qu’est-ce que Tyr et Sidon ?

Grand’mère. C’étaient deux villes de la Phénicie, très-riches, très-commerçantes, Tyr surtout, et situées toutes deux au bord de la mer.

Notre-Seigneur alla donc de ce côté, mais pas dans la ville ; il entra dans une maison isolée où il fut bientôt découvert et entouré par le peuple ; car une femme cananéenne

Armand. Qu’est-ce que c’est, une femme cananéenne ?

Grand’mère. On appelait Cananéens les gens qui habitaient ce pays ; ils étaient idolâtres, c’est-à-dire qu’ils croyaient à plusieurs dieux et qu’ils adoraient des bêtes, des arbres, des légumes, des pierres, selon que l’idée leur en venait.

Henriette. Qu’ils étaient bêtes ces gens-là ! Comment ! ils auraient adoré une grenouille ?

Grand’mère. Une grenouille, un poisson, un oiseau, un loup, un bœuf, n’importe quoi, pourvu que de cet animal ils eussent pu attendre du bien ou craindre du mal ; ainsi un loup peut faire beaucoup de mal en dévorant les bestiaux utiles, et même des hommes. Un oiseau comme la chouette peut, au contraire, faire du bien en mangeant les souris, les mulots, lesquels dévorent le grain et les bonnes semences : cela suffisait pour en faire des dieux.

La femme cananéenne, qui venait de Tyr, et qui avait entendu parler des miracles de Jésus, se mit donc à crier en le voyant : « Seigneur, fils de David, ayez pitié de moi ! Ma fille est cruellement tourmentée par le démon ! » Mais Jésus ne lui répondit pas un mot.

La Cananéenne continuant de crier, les disciples s’approchèrent de lui et le priaient, disant : « Accordez-lui ce qu’elle demande, afin qu’elle s’en aille, car elle nous fatigue de ses cris. »

Jésus leur répondit :

« Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. »

Marie-Thérèse. Qu’est-ce que cela veut dire ? À quelles brebis est-il envoyé ?

Grand’mère. Au peuple juif, à celui qui avait été nommé peuple de Dieu. Il avait été choisi pour que de ses Rois sortît la sainte Vierge, la Mère du Messie qui devait sauver le monde. C’est donc ce peuple Juif que Notre-Seigneur voulait instruire et convertir avant les autres peuples ; et c’est pourquoi Notre-Seigneur résiste aux cris de la Cananéenne. Ensuite il voulait faire voir combien il est utile et nécessaire de persévérer dans la prière, de ne pas se décourager quand on n’est pas exaucé, mais d’importuner pour ainsi dire Notre-Seigneur de ses cris, de ses supplications, jusqu’à ce que nous ayons obtenu ce que nous demandons.

La Cananéenne s’avança pourtant et l’adora, disant : « Seigneur, secourez-moi.

— Il n’est pas bon, répondit Jésus, de prendre le pain des enfants et de le donner aux chiens. »

Valentine. Mais la pauvre femme ne demandait pas de pain, ni le pain d’aucun enfant, ni pour le donner aux chiens.

Grand’mère. Notre-Seigneur voulait éprouver son humilité, en lui faisant sentir qu’il regardait les Juifs comme ses enfants, puisqu’ils étaient le peuple de Dieu ; il compare au pain les miracles qu’il fait en leur faveur. Enfin, il considère les nations idolâtres et la Cananéenne comme une race de chiens, indignes d’avoir sa part de ce pain.

Jeanne. C’est singulier ! Notre-Seigneur, qui est si bon, est tout de même bien sévère pour cette pauvre femme.

Grand’mère. Notre-Seigneur Dieu, étant la bonté même, ne peut pas avoir été trop sévère ; c’est comme si tu disais qu’il est sévère et injuste en laissant quelqu’un devenir malade, ou pauvre, ou bossu. Il le fait pour augmenter les mérites de celui qui souffre et pour le récompenser d’autant mieux de sa persévérance et de sa résignation, comme tu vas le voir pour la Cananéenne.

Elle répondit humblement à Jésus : « Il est vrai, Seigneur, mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. »

Alors, Jésus, la regardant avec bonté, lui dit :

« Ô femme ! ta foi est grande ! Qu’il soit fait comme tu le désires ! »

Et à l’heure même sa fille fut guérie. La Cananéenne, étant retournée dans sa maison, trouva sa fille tranquillement couchée sur son lit et délivrée du démon.

Jésus quitta le pays de Tyr, et vint par Sidon jusqu’à la mer de Galilée.

LX

GUÉRISON D’UN SOURD-MUET.



Jésus, étant allé sur une montagne, s’y assit…

Jacques. Pourquoi Notre-Seigneur va-t-il toujours sur des montagnes ?

Grand’mère. Pour pouvoir prier tranquillement, loin de la foule. Et aussi pour pouvoir se faire mieux entendre du peuple qui venait le rejoindre jusque sur la montagne ; car vous savez que la voix s’entend bien mieux quand celui qui parle est placé plus haut que ceux qui écoutent.

Jacques. Ah ! c’est donc pour cela que, dans les églises, le prêtre qui prêche monte dans la chaire ?

Grand’mère. Précisément, il fait comme Notre-Seigneur sur la montagne. Notre-Seigneur fut bientôt rejoint par le peuple qui lui amenait un sourd-muet, en le priant de le guérir. Jésus, le tirant de la foule et le prenant à part, lui mit les doigts dans les oreilles et de la salive sur la langue ; puis, levant les yeux au ciel, il jeta un soupir et dit : « Ephphéta ! » ce qui veut dire : « Ouvrez-vous ! » Aussitôt les oreilles du sourd s’ouvrirent et entendirent ; sa langue se délia et il parla distinctement. Jésus leur défendit de le dire à personne ; mais plus il le leur défendait et plus ils publiaient ses miracles et faisaient éclater leur admiration. Ils disaient : « Il a bien fait toutes choses ; il a fait entendre les sourds et parler les muets. »

Élisabeth. Pourquoi Notre-Seigneur a-t-il tant fait de choses pour guérir ce sourd-muet ? Pour les autres, il voulait simplement qu’ils fussent guéris, ou bien il les touchait ; et pour celui-ci, il met ses doigts dans les oreilles du sourd, il lui met de la salive sur la langue, il lève les yeux au ciel, il soupire, et il dit un mot très-difficile.

Grand’mère. C’est pour nous faire voir que tous les malades ne se guérissent pas de la même manière, c’est-à-dire que tous les pécheurs ne se convertissent pas avec la même facilité. D’abord, celui-ci est amené par ses amis au lieu de venir lui-même, ce qui représente la mauvaise volonté des pécheurs qu’on amène difficilement à écouter la vérité ; ensuite, il reste avec tout le monde, il ne vient pas à Jésus ; c’est encore Notre-Seigneur qui le tire de la foule et qui le mène à part, comme pour lui faire perdre l’attrait du monde et l’éloigner des séductions du monde ; les doigts du Seigneur dans les oreilles et la salive sur la langue indiquent qu’il est obligé de toucher par lui-même le cœur de ce pécheur pour le guérir du mal ; le toucher ne suffit pas encore : il lève les yeux au ciel en soupirant, comme pour appeler Dieu son Père à son aide ; et enfin ce n’est qu’à la parole, à l’ordre du Seigneur, que le sourd-muet entend et parle ; c’est-à-dire que le pécheur reconnaît enfin ses péchés, et parle pour en témoigner son repentir. Tu comprends donc que tout, dans cette guérison, est la figure de la conversion du pécheur.

LXI

SECONDE MULTIPLICATION DES PAINS.



Après ce miracle, de grandes troupes de peuple vinrent le trouver ; amenant, traînant après eux des sourds, des muets, des aveugles, des paralytiques, des boiteux, des infirmes, et beaucoup d’autres malades qu’ils amenèrent à ses pieds. Jésus les guérit tous, de sorte que le peuple était dans l’admiration et ne cessait de s’extasier de voir les boiteux redressés, les paralytiques marcher, les aveugles voir, les sourds entendre, les infirmes ne plus souffrir ; et tous rendaient gloire à Dieu.

Cependant Jésus assembla ses disciples et dit :

« J’ai compassion de ce peuple ; voilà trois jours qu’ils sont constamment avec moi, et ils n’ont rien à manger. Si je les renvoie à jeun chez eux, ils tomberont de faiblesse en chemin, car plusieurs sont venus de très loin. »

Ses disciples lui répondirent :

« Comment pourrait-on trouver dans ce désert assez de pain pour nourrir tout ce monde ? »

Jésus leur demanda :

« Combien avez-vous de pains ?

— Nous en avons sept, répondirent-ils, et quelques petits poissons. »

Alors Jésus commanda au peuple de s’asseoir à terre, par petits groupes, et prenant les sept pains et les petits poissons, il rendit grâce à Dieu, et les ayant rompus, il les donna à ses disciples pour les distribuer au peuple. Tous ceux qui étaient là en mangèrent tant qu’ils en voulurent, et quand ils furent tous rassasiés, on emporta sept corbeilles pleines de morceaux qui étaient restés.

Or, ceux qui mangèrent ainsi étaient au nombre de quatre mille hommes, sans compter les femmes et les petits enfants.

Ensuite, Jésus, ayant renvoyé tout ce peuple, monta dans une barque et vint au pays de Magédan.

Louis. Où était le pays de Magédan ?

Grand’mère. C’était entre Génésareth et Corozaïn, et tout près de la mer de Galilée.

Henri. Il me semble qu’il y a de si petites différences entre les deux multiplications des pains, qu’on pourrait croire que c’est le même miracle : ainsi, ce sont les disciples qui ont les provisions ; l’autre fois, il est vrai, c’était un jeune garçon ; mais ce sont aussi des pains et des poissons. Et les deux fois, Notre-Seigneur ne distribue pas lui-même le pain et les poissons ; il les fait distribuer par ses disciples.

Grand’mère. Il est pourtant très-certain, d’après les Évangiles, que Notre-Seigneur a répété ce miracle deux fois, pour indiquer les deux lois de Dieu : la Loi Ancienne, donnée par Dieu aux Juifs, et la Loi Nouvelle, donnée aussi par Dieu à toute la terre. Il a fait distribuer les pains et les poissons par ses disciples, pour faire voir qu’il chargeait ses disciples, qui représentent l’Église et les prêtres, de distribuer à chaque groupe, c’est-à-dire à chaque Église, à chaque paroisse, la sainte communion, qui est, comme il l’a dit lui-même, le pain de vie, sa propre chair, la nourriture qui fait vivre éternellement. Les provisions qui se trouvent la première fois entre les mains d’un jeune garçon, et l’autre fois dans celles des disciples, indiquent que la première loi, la loi Juive, était encore imparfaite, comme un garçon est encore un homme imparfait ; et la loi nouvelle, la loi de Jésus-Christ, la loi chrétienne, est entre les mains des Apôtres, c’est-à-dire de l’Église arrivée à son degré de perfection et représentée par des hommes. Il est à remarquer aussi que ces deux grands miracles se sont passés en plein jour, à la face de tout un peuple. Ils sont tellement évidents, que les incrédules, qui ne peuvent les nier, ne cherchent pas même à les expliquer naturellement.


LXII

GUÉRISON D’UN AVEUGLE.



Jésus remonta dans la barque et passa à l’autre bord ; il alla à Bethsaïda, et on lui amena un aveugle, en le priant de le guérir. Il prit l’aveugle par la main, et l’ayant mené hors du bourg, il lui mit de la salive sur les yeux, et lui ayant imposé les mains, il lui demanda s’il voyait quelque chose.

L’aveugle, regardant, dit : « Je vois grands comme des arbres les hommes qui marchent. » Jésus lui mit encore les mains sur les yeux, et l’aveugle recouvra entièrement la vue et vit tout très-distinctement. Après cela, Jésus le renvoya dans sa maison et dit :

« Va chez toi, et si tu entres dans le bourg, ne parle de ceci à personne. »

Louis. Voilà encore un infirme que Notre-Seigneur a eu de la peine à guérir.

Grand’mère. Notre-Seigneur aurait pu, s’il l’avait voulu, le guérir sans lui parler, sans le toucher, sans le regarder même, par le seul effet de sa volonté ; mais pour l’aveugle, de même que pour le sourd-muet, il a voulu nous faire voir que, pour obtenir la guérison de nos âmes, il faut quitter nos mauvaises habitudes, nos mauvaises connaissances, nous laisser emmener par Notre-Seigneur. Dans le commencement, le pécheur ne voit pas encore très-bien ses péchés, il voit le monde plus grand, plus beau qu’il n’est ; mais après avoir eu les yeux lavés une seconde fois par la salive de Jésus, c’est-à-dire l’âme nettoyée par la grâce des Sacrements et par la lumière de l’Évangile, les yeux du pécheur s’ouvrent tout à fait, et il voit les choses du monde telles qu’elles sont ; il distingue ce qui est bien d’avec ce qui est mal ; et son âme est guérie.

Henriette. Qu’est-ce que c’est, imposer les mains ? Vous avez dit, Grand’mère, que Jésus imposa les mains à l’aveugle.

Grand’mère. L’imposition des mains est une cérémonie qui existe encore chez nous, et qui existait chez les Juifs ; en mettant les mains ouvertes et étendues sur la tête de son enfant, le père le bénissait et appelait sur lui les bénédictions de Dieu ; le Prêtre également bénissait ainsi les Lévites et les Magistrats. Chez nous, les Évêques imposent les mains sur la tête de ceux qui doivent être Prêtres quand ils reçoivent le sacrement de l’Ordre, et aussi au sacrement de la Confirmation.


LXIII

JÉSUS PROCLAME PIERRE LE CHEF DE L’ÉGLISE



Jésus partit de Bethsaïde avec ses disciples, pour aller dans les villages voisins de Césarée de Philippe, ville située en Judée, dans la tribu de Nephtali, vers la source du Jourdain. Pendant qu’ils marchaient, il leur fit cette question :

« Qui dit-on que je suis ? »

Ils répondirent : « Les uns disent : C’est Jean-Baptiste ressuscité ; les autres : C’est Élie ; d’autres enfin : C’est Jérémie ou quelqu’un des Prophètes.

— Mais vous, leur dit Jésus, qui dites-vous que je suis ? »

Simon-Pierre, prenant la parole, dit : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. »

Jésus lui répondit :

« Tu es heureux, Simon, fils de Jean ; car ce n’est pas la chair ni le sang qui t’ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans les Cieux. Et moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle.

« Et je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les Cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le Ciel. »

Louis. Que veut dire la chair et le sang ? Comment la chair et le sang peuvent-ils révéler quelque chose ?

Grand’mère. La chair et le sang veulent dire : la simple raison, l’intelligence humaine, qui n’auraient pas pu révéler à saint Pierre que Jésus était Dieu, si la grâce ne le lui avait fait comprendre.

Henriette. Et comment Notre-Seigneur dit-il qu’il bâtira son Église sur saint Pierre ?

Grand’mère. De même que pour bâtir une maison, on commence par poser une première pierre, sur laquelle se posent toutes les autres, de même Notre-Seigneur établit saint Pierre comme premier soutien, premier Pontife de l’Église Chrétienne ; c’est sur cette pierre que se sont placés, se placent et se placeront jusqu’à la fin du monde, tous les fidèles qui forment l’Église. Elle repose sur saint Pierre, c’est-à-dire sur le Pape, qui est son successeur, et c’est lui qui la dirige, qui la conduit.

Valentine. Et que veut dire : les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle ?

Grand’mère. Les portes de l’enfer signifient les puissances de l’enfer ; ce sont les démons, les hérétiques, les impies de toute espèce qui attaquent l’Église et qui voudraient détruire la foi. Mais Notre-Seigneur prédit que le démon ne pourra jamais l’emporter sur l’Église parce qu’elle repose sur un fondement inébranlable qui est saint Pierre (ou le Pape, car c’est la même chose). L’enseignement de saint Pierre, les jugements de saint Pierre sont la règle suprême de l’Église.

Louis. Quelles clefs Notre-Seigneur va-t-il donner à saint Pierre ?

Grand’mère. C’est encore au figuré que parle Notre-Seigneur. Il veut dire que saint Pierre étant le chef de l’Église en aura les clefs, comme un intendant qui reçoit de son maître toutes les clefs de sa maison : tout ce qu’il liera, c’est-à-dire tout ce qu’il défendra et condamnera sur la terre, sera défendu et condamné par Notre-Seigneur, dans le Ciel ; et tout ce qu’il déliera, c’est-à-dire tout ce qu’il approuvera sur la terre, sera approuvé et béni par Dieu, dans le Ciel.

Le Pape, en effet, en sa qualité de représentant visible de Jésus-Christ, est le chef suprême de l’Église, et tout le monde doit lui obéir comme à Jésus-Christ, même les Rois, même les Empereurs, même les Évêques.


LXIV

NOTRE-SEIGNEUR PRÉDIT SA MORT ET SA RÉSURRECTION.



Ensuite Notre-Seigneur commença à déclarer à ses disciples qu’il fallait qu’il allât à Jérusalem pour y souffrir beaucoup ; que les Anciens, les Scribes et les Princes des Prêtres le feraient mettre à mort, mais qu’il ressusciterait le troisième jour.

Pierre, le prenant à part, commença à le reprendre, disant :

« Qu’ainsi ne soit, Seigneur ! Il ne vous arrivera pas ainsi. »

Mais Jésus, se retournant, dit à Pierre :

« Arrière, Satan ! Tu m’es à scandale, parce que tu n’as pas le goût des choses de Dieu, mais des choses des hommes. »

Henriette. Oh ! Pauvre saint Pierre ! Pourquoi Jésus lui parle-t-il si durement ? Il n’avait rien dit de mal ; il voulait seulement le rassurer, le consoler…

Grand’mère. Notre-Seigneur lui témoigne son mécontentement d’une façon vive, exprès pour lui faire voir combien il était coupable de vouloir s’opposer à la volonté de Dieu et de chercher à lui en donner à lui-même le dégoût ; lui apprenant par là que, quelque répugnantes, quelque terribles que fussent les peines et les souffrances que nous envoyait le bon Dieu, il fallait les accepter avec goût, avec amour, et ne pas leur préférer les douceurs, les agréments de la vie humaine. Saint Pierre, qui, peu de temps auparavant, avait déclaré que Jésus était le Christ, le Fils du Dieu vivant, et qui venait d’être proclamé Chef de l’Église, ne devait douter d’aucune des paroles de Notre-Seigneur et croire fermement que toutes ses actions et ses paroles étaient Divines, c’est-à-dire parfaites.

Jésus dit ensuite à ses disciples et au peuple rassemblé autour de lui :

« Si quelqu’un veut marcher après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive. »

Valentine. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Cela veut dire, que si on veut devenir un bon chrétien et aller en Paradis après sa mort, il faut renoncer à soi, c’est-à-dire à tous ses défauts, à tous ses mauvais penchants, et prendre sa croix, c’est-à-dire, porter sans murmurer les peines, les souffrances qu’envoie le bon Dieu, s’imposer des privations…

Valentine. Mais quelles privations ?

Grand’mère. Les privations de ce qui nous plaît : ainsi, les paresseux tâcheront d’être actifs ; les gourmands se priveront de quelques friandises ; les colères s’efforceront d’être patients et doux ; les jaloux feront valoir ceux qui excitent leur jalousie ; les vaniteux chercheront à être simples et à ne pas briller ; les entêtés soumettront leur volonté à celle de leurs supérieurs ; les menteurs observeront de ne jamais exagérer ni altérer la vérité. Voilà les privations du renoncement à soi-même. Et alors, quand on s’est renoncé de cette manière, on suit tout naturellement Notre-Seigneur qui vous mène au Ciel.

Il dit aussi aux disciples :

« Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi, la trouvera. Car à quoi sert à l’homme de gagner le monde entier, s’il perd sa vie ? »

Henri. Comment : il ne faut pas chercher à sauver sa vie si elle est en danger ?

Grand’mère. On peut et on doit chercher à sauver sa vie quand ce n’est pas pour commettre un mal, comme le serait de renier Dieu. Notre-Seigneur veut parler des gens qui aiment mieux perdre la vie que de renoncer à Dieu en faisant quelque chose de mal ; alors, celui qui aura mieux aimé mourir que pécher, trouvera la vie éternelle dans le Ciel. Tandis que celui qui, en sauvant sa vie et pour sauver sa vie, a offensé et renié Dieu, celui-là perdra la vie éternelle ; et à quoi lui aura servi d’être heureux dans ce monde pendant quelques années, si après sa mort il va en enfer, où il expie sa faute par des souffrances éternelles ?


LXV

TRANSFIGURATION DE NOTRE-SEIGNEUR.



Environ huit jours après que Notre-Seigneur eut dit ces paroles, il emmena Pierre, Jacques et Jean, au sommet d’une haute montagne pour prier. Et pendant qu’il priait, l’aspect de sa face devint tout autre, et son vêtement apparut d’une blancheur éclatante.

Et voilà que deux hommes s’entretenaient avec lui ; c’étaient Moïse et Élie environnés de gloire, c’est-à-dire de lumière resplendissante. Et ils parlaient de sa sortie du monde qui devait s’accomplir dans Jérusalem.

Cependant Pierre et ceux qui étaient avec lui étaient appesantis de sommeil ; en se réveillant, ils virent le Seigneur dans sa gloire et les deux hommes qui étaient avec lui. Pierre, ne sachant trop ce qu’il disait, s’écria : « Maître, il nous est bon d’être ici ; dressons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse et une pour Élie. »

Pendant qu’il parlait, une nuée se forma et enveloppa de

Transfiguration.
Transfiguration.


son ombre Notre-Seigneur, Moïse et Élie. Les voyant entrer dans la nuée, les disciples furent saisis de frayeur.

Et de la nuée sortit une voix qui disait :

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le. »

À ces paroles les disciples furent saisis de frayeur et tombèrent la face contre terre. Mais Jésus, s’approchant, les toucha et leur dit :

« Levez-vous, ne craignez rien. »

Alors, levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus seul ; et comme il descendait la montagne avec eux, il leur dit :

« Ne parlez à personne de ce que vous venez de voir, jusqu’à ce que le Fils de l’Homme soit ressuscité d’entre les morts. »

Ils obéirent à son commandement ; mais ils se demandaient entre eux : « Que veut dire cette parole : Jusqu’à ce qu’il soit ressuscité d’entre les morts ? »

Jacques. Comment ! ils n’avaient pas compris ce que Notre-Seigneur leur avait dit tant de fois ?

Grand’mère. Leur esprit était encore fermé à la vérité ; il fallait la mort, la résurrection du Sauveur, son ascension au Ciel et la lumière du Saint-Esprit descendant sur eux, pour que les disciples et même les Apôtres comprissent ce qu’était Jésus, pourquoi il venait dans ce monde et pourquoi il voulait mourir et prouver sa Divinité par sa résurrection.

Henri. Nous autres nous comprenons pourtant bien tout cela.

Grand’mère. Nous autres nous comprenons ces choses parce que nous avons la grâce du Baptême et que l’Église nous les explique.



LXVI

LE POSSÉDÉ GUÉRI.



Le jour suivant, comme il descendait la montagne, une foule nombreuse vint au-devant de lui. Et voilà que du milieu de cette foule, un homme s’écria :

« Maître, je vous supplie, ayez pitié de mon fils, mon unique enfant ! Le mauvais esprit se saisit de lui, et aussitôt il crie. Et l’esprit le jette par terre ; il s’agite en écumant, et l’esprit ne le quitte qu’après l’avoir tout déchiré. J’ai prié vos disciples de le chasser ; et ils ne l’ont pas pu. »

Jésus lui dit : « Amène ici ton fils. »

Et comme l’enfant approchait, le démon le jeta à terre et l’agita violemment en le faisant écumer.

Et Jésus demanda au père :

« Depuis combien de temps est-il en cet état ? »

Le père répondit : « Depuis son enfance. Souvent l’esprit le jette dans le feu ou dans l’eau pour le faire périr. Si vous pouvez quelque chose, ayez pitié de nous, et secourez-nous. »

Jésus lui répondit :

« Si tu peux avoir la foi, tout est possible à celui qui croit. »

Et le père de l’enfant s’écria aussitôt, les yeux pleins de larmes :

« Je crois. Seigneur, aidez mon incrédulité. »

Et Jésus, voyant le peuple qui s’assemblait, menaça l’esprit immobile, lui disant :

« Esprit sourd et muet, je te commande, sors de cet enfant et ne rentre plus en lui. »

Et poussant un grand cri, et s’agitant avec violence, l’esprit sortit de l’enfant qui devint comme mort ; de sorte que plusieurs disciples disaient : « Il est mort. »

Mais Jésus le prenant par la main et le soulevant, l’enfant se leva. Et Jésus le rendit à son père.

Jeanne. Grand’mère, pourquoi les disciples n’ont-ils pas pu guérir cet enfant ?

Grand’mère. Parce qu’ils n’avaient pas encore assez de foi en Notre-Seigneur et dans le pouvoir qu’il leur avait donné.

Henri. Et pourquoi Notre-Seigneur veut-il que le père croie, pour guérir l’enfant ? Ce n’eût pas été la faute du pauvre enfant si le père n’avait pas cru en Jésus-Christ.

Grand’mère. C’était le père qui demandait la guérison de son enfant ; c’était au père que Notre-Seigneur devait accorder cette grâce. Pour la mériter, il fallait qu’il crût au pouvoir de celui qu’il implorait.

Valentine. Et pourquoi le méchant démon secoue-t-il si fort ce pauvre enfant et le jette-t-il par terre avec tant de violence qu’il resta comme mort ?

Grand’mère. Parce qu’il était furieux de ne pouvoir résister à la volonté de Notre-Seigneur, et qu’il regrettait de devoir abandonner le corps de ce pauvre enfant qu’il se plaisait à tourmenter depuis plusieurs années.

Louis. Et pourquoi Notre-Seigneur dit-il au démon : « Esprit sourd et muet ? »

Grand’mère. Parce que le démon, en entrant dans l’enfant, l’avait rendu sourd et muet pour l’empêcher de se plaindre, de prier, et même d’entendre les prières qu’on faisait pour lui.

Élisabeth. Y a-t-il encore des gens possédés du démon ?

Grand’mère. C’est fort rare dans les pays chrétiens, et depuis la venue de Notre-Seigneur sur la terre, mais il y en a encore quelquefois ; et dans les pays idolâtres, en Chine par exemple, il paraît qu’il y en a beaucoup.

Élisabeth. Et comment fait-on pour délivrer les possédés ?

Grand’mère. On les fait exorciser ; c’est-à-dire que des prêtres disent sur eux certaines prières, les aspergent d’eau bénite, leur faisant toucher des reliques des Saints, priant pour eux, et souvent on parvient à les délivrer.

Camille. On disait, il y a quelques jours, chez une dame où nous étions en visite, qu’il n’y avait pas de possédés et qu’on prenait des maladies pour des possessions.

Grand’mère. Ces personnes ne réfléchissaient pas ou n’avaient pas la foi. Du moment qu’on est chrétien et qu’on croit à l’Évangile, on doit nécessairement croire au démon et à la possibilité de la possession par le démon. Quant aux possédés, il est malheureusement certain qu’il y en a quelques-uns et qu’il est très-dangereux de plaisanter avec ce qui peut appeler le démon, ce qu’on appelle évoquer le démon ou les esprits.

Mais en n’appelant pas à soi les mauvais esprits, en vivant chrétiennement et purement, on est sous la protection du Sauveur tout-puissant, par conséquent à l’abri des attaques de Satan.


LXVII

JÉSUS PRÉDIT SA PASSION ET SA MORT.



Pendant que le peuple était dans l’admiration de tout ce que faisait Notre-Seigneur, il entra dans une maison. Ses disciples lui demandaient :

« Pourquoi n’avons-nous pas chassé ce démon ?

— Parce que vous n’avez pas assez de foi. En vérité, je vous le dis, si vous aviez un peu de foi, vous diriez à cette montagne : « Passe de l’autre côté, » et elle y passerait. Et rien ne vous serait impossible. »

Étant partis de là, ils traversèrent la Galilée pour aller à Capharnaüm. Et pendant ce voyage, Jésus leur dit :

« Le Fils de l’homme doit être livré entre les mains des hommes ; ils le tueront et il ressuscitera le troisième jour d’entre les morts. »

Mais les disciples ne comprirent pas encore ce langage, malgré qu’il fût bien clair et facile à comprendre.

LXVIII

JÉSUS PAYE L’IMPÔT.



Quand ils furent arrivés à Capharnaüm, les hommes chargés de faire payer les impôts s’approchèrent de Pierre et lui dirent :

« Votre Maître ne paye-t-il pas le tribut des deux drachmes ? »

Armand. Qu’est-ce que c’est, le tribut ?

Grand’mère. Le tribut est une somme d’argent que les pays conquis doivent donner tous les ans à ceux qui sont devenus leurs maîtres. Les Juifs devaient le tribut aux Romains depuis que ceux-ci avaient conquis la Judée.

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est, deux drachmes ?

Grand’mère. Une drachme était une petite pièce d’argent qui valait dix sous de notre monnaie à nous.

« Oui, répondit Pierre ; il le paye. » Et étant entré dans la maison, il en parla à Notre-Seigneur, qui dit à Pierre qu’il ne devait pas payer l’impôt, lui qui était le maître de la terre et le Roi des Rois.

« Mais ajouta-t-il, pour ne pas scandaliser ces gens, va à la mer, jette l’hameçon, et le premier poisson que tu trouveras, prends-le, ouvre-lui la bouche, tu y trouveras un stater que tu prendras et que tu donneras pour moi et pour toi. »

Henriette. Qu’est-ce que c’est, un stater ?

Grand’mère. Un stater est une pièce d’argent qui vaut quatre drachmes, c’est-à-dire deux francs de notre monnaie.


LXIX

DISPUTE ENTRE LES APÔTRES.
JÉSUS DÉFEND DE SCANDALISER LES PETITS ENFANTS.



Lorsqu’ils furent entrés dans la maison, Notre-Seigneur demanda aux Apôtres et aux disciples :

« De quoi vous entreteniez-vous pendant le chemin ? »

Ils ne lui répondirent pas, parce qu’ils s’étaient disputés pendant la route, pour savoir quel était le premier, le plus grand d’entre eux. Alors Jésus s’assit, appela les douze Apôtres et leur dit :

« Celui qui veut être le premier doit être le dernier et le serviteur de tous. »

Louis. Comment cela ? Pourquoi le dernier ?

Grand’mère. Le dernier veut dire ici le plus humble ; le bon Dieu aime les humbles ; il déteste les orgueilleux ; et plus on se croit pécheur, sans vertus et sans mérite, plus on est en état de recevoir les grâces du bon Dieu, plus on est près de devenir Saint, et plus on est glorifié dans le Ciel.

Notre-Seigneur prit un petit enfant, le plaça au milieu d’eux, et après l’avoir embrassé, il dit :

« En vérité, je vous le dis, si vous ne changez et si vous ne devenez comme cet enfant, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux. Celui donc qui se fait petit comme cet enfant, celui-là est le plus grand dans le Royaume des Cieux. Et qui reçoit en mon nom un petit enfant me reçoit. Mais celui qui scandalise un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on suspendît à son cou une meule de moulin et qu’on le précipitât dans les profondeurs de la mer. »

Louis. Pourquoi cela ? C’est donc bien méchant de scandaliser un enfant ?

Grand’mère. Tu vois que Notre-Seigneur dit lui-même combien c’est abominable de scandaliser un enfant, c’est-à-dire de lui apprendre le mal, de diminuer sa foi, de tuer son âme, cette pauvre petite âme innocente et pure. Notre-Seigneur dit quel horrible crime cela est, puisque la punition sera si terrible, que d’être jeté au fond de la mer avec une meule au cou serait un bienfait pour le coupable. Et quand vous serez grands, mes chers enfants, aimez les enfants comme Notre-Seigneur les a aimés, soyez bons pour eux, instruisez-les dans le bien, donnez-leur de bons conseils, consolez-les dans leurs petits chagrins, n’abusez pas lâchement de votre force, de votre pouvoir, sur ces pauvres petits êtres sans défense, mais rendez-leur la vie douce, et disposez leurs cœurs à la tendresse, à l’amour du bon Dieu, à la charité envers tous ; faites comme notre bon Jésus, aimez-les, embrassez-les, et souvenez-vous de cette parole du Sauveur : « Qui reçoit un petit enfant en mon nom me reçoit. »

Camille. C’est donc pour cela, Grand’mère, que vous aimez tant les enfants ?

Grand’mère. Pour cela, chère petite, et aussi par un goût, un instinct naturel que je n’ai jamais pu dominer, ni diminuer.

Camille. Et pourquoi le diminuer, Grand’mère, puisqu’il nous rend tous heureux ?

Grand’mère, souriant. Aussi je me laisse aller ; mais continuons l’Évangile, qui est bien mieux que tout ce que je puis dire.

Notre-Seigneur dit encore aux disciples :

« Malheur au monde à cause de ses scandales ! Malheur à l’homme par qui le scandale arrive !

« Si donc votre main est pour vous une occasion de scandale et de péché, coupez-la… »

Henriette. Ah ! mon Dieu ! c’est la seconde fois que Notre-Seigneur dit cela.

Grand’mère, continuant. « Il vaut mieux entrer dans la vie éternelle privé d’une main, que d’en avoir deux et aller en enfer, dans le feu éternel, où le ver qui dévore ne meurt pas, et où le feu qui brûle ne s’éteint pas.

« Si votre pied est pour vous une occasion de péché, coupez-le. Il vaut mieux entrer dans la vie éternelle, privé d’un pied, que d’en avoir deux et être précipité dans l’enfer, dans le feu éternel, où le ver qui dévore ne meurt pas, où le feu qui brûle ne s’éteint pas.

« Si votre œil vous est une occasion de péché, arrachez-le ; il vaut mieux que vous entriez dans le royaume de Dieu privé d’un œil, que d’en avoir deux et être précipité dans le feu de l’enfer, où le ver qui dévore ne meurt pas, et où le feu qui brûle ne s’éteint pas. Car tous seront salés par le feu, comme toute victime doit être salée par le sel. »

Henriette. Grand’mère, c’est impossible ! On ne peut pas faire ce qu’ordonne Notre-Seigneur ! Comment veut-il qu’on se coupe les pieds et les mains, et qu’on arrache ses yeux ? C’est trop fort ! D’abord moi je ne me laisserai ni arracher les yeux, ni couper les pieds et les mains.

Grand’mère. Et tu feras très bien, ma pauvre fille ; tu as oublié ce que je t’ai expliqué à ce sujet il y a peu de jours ; c’est que Notre-Seigneur parle par comparaisons, ce qu’on appelle au figuré, et qu’il veut démontrer combien on doit être prêt à tout sacrifier, même les choses les plus nécessaires, plutôt que de pécher. Tu couperas tes pieds et tes mains au figuré, en les empêchant, par l’effet de ta volonté, de faire le mal ; de même pour tes autres membres. Notre-Seigneur répète ce précepte deux fois, et en termes plus énergiques la seconde fois pour nous faire voir combien il le juge nécessaire.

Louis. Et pourquoi Notre-Seigneur dit-il que tous seront salés par le feu ? On ne sale pas les hommes ; et le feu ne sale pas !

Grand’mère. Notre-Seigneur veut dire ici que dans l’enfer les damnés seront pénétrés et conservés par le feu éternel, comme les viandes sont pénétrées et conservées par le sel.

Notre-Seigneur leur dit en finissant :

« Je vous déclare en vérité que si deux d’entre vous ou plus se réunissent pour prier, ils obtiendront ce qu’ils demandent de mon Père qui est aux Cieux ; car là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. »

LXX

PARABOLE DES TALENTS.



Pierre, s’approchant, lui dit :

« Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon prochain, lorsqu’il m’aura offensé ? Sera-ce jusqu’à sept fois ? »

Jésus lui répondit :

« Je ne vous dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. »

Henri. Pourquoi Notre-Seigneur dit-il ce chiffre-là ?

Grand’mère. Ce chiffre signifie seulement qu’il faut pardonner toujours et toujours, sans jamais se lasser.

Puis Notre-Seigneur ajoute :

« Le Royaume des Cieux est semblable à un Roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. Ayant donc commencé, on lui en amena un qui lui devait dix mille talents. »

Marie-Thérèse. Qu’est-ce que c’est, un talent ?

Grand’mère. Un talent équivalait, chez les Hébreux, à trois mille sicles, c’est-à-dire à six mille francs de notre monnaie. En disant dix mille talents, ou soixante millions de francs, Notre-Seigneur voulait indiquer une somme énorme.

« Ce serviteur n’ayant pas de quoi payer, son maître commanda qu’on le vendît, lui, sa femme et ses enfants, et tout ce qu’il avait pour payer sa dette. »

Valentine. Quel méchant Roi !

Grand’mère. Attends, tu vas voir la fin de la parabole.

« Ce serviteur, se jetant aux pieds du Roi, le suppliait en ces termes :

« Seigneur, prenez patience, et je vous payerai tout. »

« Alors le Roi, touché de compassion, le laissa aller, et lui remit sa dette. Ce serviteur ne fut pas plus tôt sorti qu’il rencontra un de ses camarades qui lui devait cent deniers… »

Armand. Qu’est-ce que c’est, un denier ?

Grand’mère. Le denier était une petite monnaie romaine marquée d’un x, qui valait environ quatre-vingts centimes.

« Le serviteur, ayant donc rencontré ce camarade qui lui devait cent deniers c’est-à-dire quatre-vingts francs, le saisit à la gorge et l’étouffait presque, disant : « Rends-moi ce que tu me dois. » Et son compagnon, se jetant à ses pieds, lui dit : « Prenez patience et je vous payerai tout. »

Mais lui ne voulut pas ; et s’en allant, il le fit mettre en prison jusqu’à ce qu’il eût payé sa dette.

« Les autres serviteurs, voyant ce qui se passait, en furent très-affligés et ils allèrent raconter à leur maître ce qui était arrivé.

« Alors le maître de ce méchant serviteur l’appela et lui dit : « Méchant serviteur, je t’ai remis ta dette parce que tu m’as prié. Comme j’ai eu pitié de toi, ne devais-tu pas avoir pitié de ton compagnon ? »

« Et son maître irrité le livra aux exécuteurs, jusqu’à ce qu’il eût payé toute sa dette.

« Ainsi vous fera le Père Céleste, si chacun de vous ne remet du fond du cœur à son frère ce que son frère lui doit. »

Louis. Mais pourtant, Grand’mère, quand on prête de l’argent, il faut bien qu’on le rende ; ce serait voler que de ne pas rendre !

Grand’mère. Notre-Seigneur ne veut pas parler d’une dette d’argent, mais du pardon des injures, et de la remise des offenses. Ainsi le serviteur méchant devait énormément au Roi, c’est-à-dire qu’il avait commis beaucoup d’offenses envers lui ; son maître veut le punir, lui faire expier par des punitions sévères, par la prison, les offenses dont il s’est rendu coupable. Le serviteur effrayé demande pardon, implore la miséricorde de son maître, et promet de compenser ses offenses passées par sa bonne conduite, par ses bons services ; le maître, qui est bon, se laisse toucher et pardonne. C’est une vraie dette qu’il remet. Le méchant serviteur rencontre un homme qui l’a légèrement offensé ; il le saisit et veut le faire mettre en prison, c’est-à-dire lui faire tout le mal qu’il est en son pouvoir de faire, malgré les supplications et les promesses de son débiteur d’être à l’avenir un ami fidèle.

Alors le Roi, voyant que son méchant serviteur n’a pas suivi son commandement de pardonner les offenses comme nous voudrions qu’on nous les pardonnât à nous-mêmes retire son pardon, et nous fait voir ainsi que nous devons être charitables et pardonner à nos ennemis, si nous voulons que le bon Dieu, notre Divin maître, nous pardonne à son tour tous nos péchés.

LXXI

LES SAMARITAINS REFUSENT DE RECEVOIR JÉSUS.



Notre-Seigneur, sachant que le temps approchait où il devait être mis à mort par les Juifs, marcha vers Jérusalem et il envoya des disciples en avant pour lui préparer un logement dans un village des Samaritains. Mais les habitants de Samarie, qui détestaient les Juifs, ne voulurent pas les recevoir. Et les disciples Jacques et Jean dirent à Jésus :

« Seigneur, voulez-vous que nous commandions au feu du ciel de descendre et de les consumer ? » Mais Jésus, se tournant vers eux, leur dit, en les reprenant :

« Vous ne savez de quel esprit vous êtes ! »

Marie-Thérèse. Comment ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Cela veut dire : Vous oubliez donc que vous devez avoir l’esprit de charité, qui est l’esprit de Dieu, mon esprit à moi qui suis tout bonté et tout amour. Aussi, Notre-Seigneur ajoute :

« Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour perdre les âmes, mais pour les sauver. »

Et ils allèrent plus loin dans un autre village. Pendant qu’ils y allaient, un homme s’approcha de Notre-Seigneur et lui dit :

« Je vous suivrai partout où vous irez. »

Jésus lui répondit :

« Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’Homme n’a pas où reposer sa tête. »

Jeanne. Pauvre Jésus ! il n’a pas seulement une pauvre petite maison à lui !

Grand’mère. S’il l’avait voulu, il aurait eu toutes les richesses du monde ; mais il a voulu être toute sa vie pauvre et dénué de tout, pour nous donner l’exemple du détachement des richesses et du bien-être de ce monde. Aussi, quand d’autres hésitent à le suivre parce qu’ils ont des affaires à régler, Notre-Seigneur leur dit :

« Quiconque ayant mis la main à la charrue, regarde derrière soi, n’est point propre au Royaume de Dieu. »

Valentine. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Cela veut dire que tout homme qui a commencé à travailler pour le bon Dieu, et à le servir, et qui jette un regard de regret derrière soi, c’est-à-dire, rappelle le passé, regrette les plaisirs, les amis qu’il a abandonnés pour le service de Dieu, celui-là est un mauvais serviteur ; il quittera la charrue, c’est-à-dire la rude vie de pénitence et de mortifications, et il abandonnera Dieu pour le monde.

LXXII

LE SAMARITAIN.



Un Docteur de la loi dit un jour à Jésus, pour le tenter et le compromettre vis-à-vis du peuple :

« Maître, que faut-il que je fasse pour posséder la vie éternelle ? »

Jésus lui répondit :

« Qu’y a-t-il d’écrit dans la loi ? Qu’y lis-tu ? »

Celui-là répondit :

« Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur et de tout votre esprit, et votre prochain comme vous-même. »

Jésus lui dit :

« Tu as fort bien répondu ; fais cela et tu vivras. »

Mais celui-ci, voulant se faire passer pour un homme de bien, qui cherche à s’instruire de la loi pour la pratiquer, demanda à Jésus :

« Et qui donc est mon prochain ? »

Jésus, prenant la parole, lui dit :

« Un homme, qui allait de Jérusalem à Jéricho… »

Petit-Louis. Était-ce loin Jéricho ?

Grand’mère. Jéricho était à cinquante stades de Jérusalem ; une stade faisait cent quatre-vingt-cinq mètres de nos mesures ;

Le bon Samaritain.
Le bon Samaritain.


donc, cinquante stades, faisaient neuf kilomètres un quart, à deux mètres près, ou bien deux lieues un quart.

« Un homme allant donc à Jéricho, rencontra des voleurs, qui le dépouillèrent de tous ses vêtements et de tout ce qu’il possédait, le couvrirent de plaies et de blessures et s’en allèrent, le laissant par terre à moitié mort.

« Or, il arriva qu’un Prêtre juif allait par le même chemin ; il vit cet homme et il passa outre. Un Lévite étant venu près de là, le vit aussi et passa de même.

« Mais un Samaritain qui voyageait, vint à passer près de cet homme, et l’ayant vu, il fut touché de compassion. S’étant donc approché il pansa ses plaies après y avoir versé de l’huile et du vin ; et le mettant sur son cheval, il le conduisit à une hôtellerie et prit soin de lui.

« Et le jour suivant, tirant deux pièces d’argent de sa bourse, il les donna à l’hôte et dit :

« Prenez soin de cet homme et tout ce que vous dépenserez de plus, je vous le rendrai à mon retour. » De ces trois, lequel vous paraît avoir été le prochain de celui qui était tombé entre les mains des voleurs ? »

Le Docteur répondit :

« Celui qui a été compatissant pour lui. »

Et Jésus lui dit :

« Allez, et faites de même. »

Henri. Grand’mère, pourquoi Notre-Seigneur a-t-il raconté que le Prêtre et le Lévite avaient été méchants pour le pauvre homme, et que le Samaritain avait seul été bon pour lui ? Les Prêtres et les Lévites étaient pourtant du peuple juif que le bon Dieu protégeait.

Grand’mère. C’est exprès que Notre-Seigneur l’a dit ainsi, pour diminuer l’orgueil des Prêtres et des Lévites qui se croyaient supérieurs à tous les autres hommes et qui dédaignaient principalement les Samaritains. Il a surtout voulu indiquer que les autres peuples avaient autant de droits que le peuple juif aux grâces du bon Dieu, et qu’il venait sur la terre pour tous les hommes, de toutes les religions.


LXXIII

MARTHE ET MARIE. LES DEUX PARTS.



Jésus, étant en chemin avec ses disciples, entra dans le bourg de Béthanie, où demeurait Lazare que Jésus aimait, avec ses sœurs Marthe et Marie-Madeleine. Notre-Seigneur entra dans la Maison de Lazare ; et pendant que Marthe se donnait beaucoup de mouvement pour préparer le logement et le souper de Notre-Seigneur, Marie se tenait à genoux aux pieds du Seigneur et l’écoutait parler.

Marthe vint trouver Jésus et lui dit :

« Seigneur, ne voyez-vous pas que ma sœur me laisse tout faire toute seule ? Dites-lui donc qu’elle vienne m’aider. »

Le Seigneur lui répondit :

« Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu te troubles de beaucoup de choses. Or, une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera point ôtée. »

Louis. Je trouve cependant que Marthe avait raison de se

Marthe et Marie.
Marthe et Marie.


plaindre que Marie-Madeleine ne l’aidât pas. Car enfin, c’était pour que Notre-Seigneur fût bien logé et qu’il eût un bon souper que Marthe se donnait tant de mal.

Grand’mère. Aussi Notre-Seigneur ne la blâme pas. Il lui fait seulement remarquer que les choses dont elle se tourmente tant, sont bien peu importantes. Il lui dit qu’une seule chose est nécessaire.

Jacques. Et il ne lui dit pas ce que c’est.

Grand’mère. Il l’indique en ajoutant que Marie a choisi la meilleure part, qui est de rester près de lui, de l’écouter et de profiter de ses paroles. Et il ne veut pas l’obliger à renoncer à ce bonheur.

Jacques. Alors la pauvre Marthe a dû continuer à tout préparer toute seule ?

Grand’mère. Elle ne manquait pas de serviteurs pour exécuter ses ordres, car Lazare était riche. Notre-Seigneur veut lui donner une leçon comme à nous, pour nous empêcher de nous tant tourmenter, nous tant agiter pour les choses de ce monde, quelquefois au point de n’avoir plus le temps de nous occuper des choses de Dieu.

Jacques. Mais il fallait bien qu’on préparât ce qui était nécessaire pour recevoir Notre-Seigneur ?

Grand’mère. Oui, mais pas en le négligeant lui-même. Ainsi Marthe abandonnait Notre-Seigneur pour lui préparer un bon repas dont il ne se souciait pas, et une chambre bien arrangée qui lui était fort indifférente.

Jeanne. C’est vrai ça ; elle aurait dû se contenter de donner ses ordres à ses serviteurs, et puis aller écouter parler Jésus comme faisait sa sœur.

Grand’mère. Ce reproche que Marthe faisait à Madeleine et auquel répond si nettement Notre-Seigneur, est encore celui que les gens du monde adressent souvent aux religieux et aux religieuses. Ils prétendent que les religieux et religieuses sont inutiles ; et Notre-Seigneur est là pour répondre qu’ils ont choisi la meilleure part, et que ce qu’ils font est beaucoup plus utile que ce qu’ils ne font pas.


LXXIV

MÉPRIS DES RICHESSES.



Un jour un homme dit à Jésus du milieu de la foule :

« Maître, ordonnez à mon frère de partager avec moi notre héritage. »

Jésus lui répondit :

« Mon ami, qui m’a établi pour vous juger ou pour faire vos partages ? » Puis il dit à tous : « Ayez soin de vous bien garder de toute avarice ; car le salut n’est point dans les richesses qu’on possède. »

Ensuite il leur raconta une parabole.

« Un homme riche, dont les terres avaient rapporté une abondante récolte, réfléchissait et se demandait à lui-même : – Que ferai-je ? Je n’ai pas assez de greniers pour refermer mes récoltes ? Voici, dit-il, ce que je ferai. J’abattrai mes greniers, j’en rebâtirai de plus vastes, j’y amasserai mes récoltes et tous mes biens ; et je dirai à mon âme : « Mon âme, tu as de grands biens en réserve pour plusieurs années, repose-toi ; mange, bois, fais bonne chère. » Mais Dieu lui dit : « Insensé, cette nuit même, on va te redemander ton âme ; et ces richesses que tu as amassées, pour qui seront-elles ? » Il est ainsi de celui qui amasse des trésors et qui n’est point riche selon Dieu. »

Henriette. Est-ce que cela veut dire qu’il ne faut pas amasser des récoltes ni de l’argent ?

Grand’mère. Non ; il est très-permis de serrer ses récoltes et d’augmenter sa fortune ; mais il ne faut pas s’y attacher comme au plus grand bonheur qui puisse nous arriver, ni faire des projets de manger, boire, dormir, vivre de la vie d’un animal, oubliant que nous avons un Dieu à servir, à aimer, à remercier, et des prochains à aider, à soulager dans leur pauvreté et leurs souffrances, et à aimer comme le bon Sauveur les a aimés. Nous ne travaillons pas seulement pour le temps, mais encore et surtout pour l’éternité.


LXXV

LE FIGUIER STÉRILE.



Jésus dit ensuite cette parabole à ses disciples :

« Un homme avait planté un figuier dans sa vigne ; il vint pour y chercher des fruits et n’en trouva pas. Alors il dit à celui qui cultivait sa vigne : « Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier et je n’en trouve point. Coupez-le ; à quoi bon occupe-t-il encore la terre ? »

« Mais le vigneron, répondant, lui dit :

« Seigneur, laissez-le encore cette année ; je bêcherai tout autour et j’y mettrai du fumier. Peut-être portera-t-il du fruit. Sinon, vous le couperez. »

Valentine. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Le figuier cultivé et bêché représente les âmes qu’on cherche à convertir pour qu’elles donnent des fruits, c’est-à-dire des bonnes actions, et pour qu’elles mènent une vie chrétienne. Le bon Dieu attend longtemps et voyant que ces âmes restent stériles, ne rapportent rien, il dit aux vignerons, c’est-à-dire aux Prêtres, qui cultivent les consciences et qui enseignent, de couper cet arbre ; c’est-à-dire d’abandonner, de chasser ces hommes inutiles qui ne font aucun bien. Mais le Prêtre prie le Seigneur d’attendre, de lui permettre de cultiver encore cet arbre, cette âme, qui finira peut-être par donner des fruits et par devenir une bonne et sainte âme. Et Notre-Seigneur qui est bon y consent.

LXXVI

LA FEMME COURBÉE GUÉRIE.



Notre-Seigneur enseignait dans la synagogue un jour de sabbat ; il s’y trouvait une femme qui, depuis dix-huit ans, avait le corps ployé en deux, et si courbé qu’elle ne pouvait regarder le ciel. Jésus, l’ayant aperçue, l’appela et lui dit :

« Femme, tu es délivrée de ton infirmité. »

En même temps, il lui imposa les mains, et la femme, se trouvant redressée, rendit gloire à Dieu.

Or, le chef de la Synagogue, s’indignant que Jésus eût guéri cette femme le jour du sabbat, dit au peuple : « Il y a six jours pour le travail ; venez ces jours-là pour vous faire guérir, et non pas le jour du sabbat. » Mais Jésus lui répondant :

« Hypocrites, lui dit-il, est-ce que le jour du sabbat, chacun de vous ne délie pas son bœuf ou son âne, de la crèche où il est attaché, pour le mener boire ? Et cette fille d’Abraham que Satan a liée depuis dix-huit ans, on ne peut pas rompre son lien le jour du sabbat ! »

Ses ennemis furent remplis de confusion, et le peuple se réjouissait des choses merveilleuses que faisait Notre-Seigneur.

Un jour, quelques Pharisiens s’approchaient de Jésus et lui dirent :

« Maître, retirez-vous, et partez d’ici, car Hérode veut vous tuer. » Et il leur dit :

« Allez dire à ce renard, que je chasse les démons et que je guéris les malades aujourd’hui et demain ; et le troisième jour, tout pour moi sera consommé. »

Jeanne. Pourquoi Notre-Seigneur l’appelle-t-il renard, pour le mettre en colère, et pourquoi, au lieu de continuer à guérir les malades, ne se sauve-t-il pas ?

Grand’mère Notre-Seigneur appelle Hérode renard, pour montrer qu’il connaît sa fourberie et ses ruses ; et il lui annonce qu’il continuera sa mission pendant quelque temps encore, parce que ni Hérode ni aucune puissance ne peut l’empêcher d’accomplir la volonté de Dieu son Père et les prophéties d’après lesquelles il ne doit pas encore être arrêté et mis à mort.

Il en est de même pour tous les mauvais Rois qui persécutent l’Église. Ils ont beau faire, ils n’empêcheront pas l’œuvre de Dieu de se faire et ils n’échapperont pas à la punition.


LXXVII

PRÉDICTION DE LA RUINE DE JÉRUSALEM.



« Jérusalem, Jérusalem, dit ensuite le Seigneur, toi qui tues les prophètes, et qui lapides ceux qui te sont envoyés !… »

Armand. Qu’est-ce que c’est, lapides ?

Grand’mère. Lapider, c’est tuer à coups de pierres ; c’était un supplice très-commun chez les Juifs.

« Combien de fois, dit Notre-Seigneur, ai-je voulu rassembler tes enfants, comme un oiseau rassemble ses petits sous ses ailes, et tu ne l’as pas voulu ! »

Jeanne. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Cela veut dire que Jérusalem étant la capitale de la Judée, le lieu où se réunissaient les Juifs, Notre-Seigneur y est venu plusieurs fois pour instruire ses habitants, pour les délivrer du démon, pour leur apporter le salut en leur montrant la vérité, et qu’ils l’ont repoussé, qu’ils n’ont jamais voulu l’écouter.

Alors il leur prédit que Jérusalem serait détruite ; et qu’ils ne le verraient plus, jusqu’au jour où ils croiraient en lui et diraient :

« Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. »


LXXVIII

PARABOLES.



Un jour Jésus entra dans la maison d’un Pharisien pour y dîner ; et voyant que les convives ou invités se disputaient les premières places, il leur donna une leçon d’humilité.

« Lorsque vous serez conviés à un festin, dit-il, ne vous asseyez pas à la première place de peur qu’un autre plus considérable que vous, ayant été convié aussi, le maître de la maison ne vienne et ne vous dise :

« Donnez-moi cette place » Et qu’alors vous ne descendiez avec confusion à la dernière.

« Mais lorsque vous serez invité, allez vous asseoir à la dernière place, afin que celui qui vous a convié, venant, il vous dise : « Mon ami, montez plus haut. »

« Alors vous serez honoré devant ceux qui seront à table avec vous. Car quiconque s’élève, sera abaissé ; et quiconque s’abaisse, sera élevé. »

Pierre. Grand’mère, vous avez dit que c’est une leçon d’humilité que Notre-Seigneur a donnée ; moi je trouve que c’est une leçon d’orgueil.

Grand’mère. Comment, d’orgueil ? Quel orgueil vois-tu là dedans ?

Pierre. Voilà ! Notre-Seigneur ne lui dit pas de ne pas se mettre à la première place, parce qu’il ne s’en croit pas digne, mais pour ne pas être humilié en étant obligé de changer de place. Et il ne lui dit pas de se mettre à la dernière place par humilité, mais pour être honoré en étant mieux placé par le maître de la maison.

Grand’mère. Ton observation serait juste, cher enfant, si en effet Notre-Seigneur conseillait de faire ce calcul d’orgueil ; mais cette parabole est une comparaison, et toute comparaison est toujours imparfaite ; il faut voir ici la pensée principale du Sauveur, à savoir qu’il ne faut pas chercher les premières places, et que tout homme qui voudra s’élever, sera humilié, toujours devant Dieu et très souvent devant les hommes.

Notre-Seigneur dit aussi à celui qui l’avait invité :

« Lorsque vous donnerez à dîner ou à souper, n’appelez ni vos amis, ni vos parents, ni vos voisins riches, de peur qu’ils ne vous invitent à leur tour, et ne vous rendent ce qu’ils auront reçu de vous.

« Mais lorsque vous faites un festin, appelez-y les pauvres, les faibles, les boiteux, les aveugles. Et vous serez heureux qu’ils n’aient rien à vous rendre, car ce vous sera rendu à la résurrection des justes. »

Henriette. Alors, Grand’mère, pourquoi nous engagez-vous tous à dîner chez vous, et pourquoi engagez-vous des messieurs et des dames du voisinage qui sont riches et qui nous engagent aussi à aller chez eux ? et pourquoi n’engagez-vous pas les pauvres gens du village ?

Grand’mère. Parce que ce n’est pas cela que défend Notre-Seigneur ; il ne parle qu’au figuré ; par dîners et soupers, il veut dire qu’il faut rendre des services, faire du bien. Et il nous fait comprendre qu’il ne faut jamais rendre des services dans la pensée qu’on vous en rendra aussi, mais uniquement pour faire le bien, pour obéir au bon Dieu, qui nous ordonne d’être charitables et bons pour tous les hommes ; et de n’espérer ni désirer de récompense que du bon Dieu.

LXXIX

PARABOLE DU FESTIN.



Un de ceux qui étaient à table avec Jésus et que l’Évangile ne nomme pas, dit : « Heureux celui qui mangera le pain dans le royaume de Dieu ! »

Notre-Seigneur répondit par une parabole :

« Un homme fit un grand souper et y invita beaucoup de monde. Et à l’heure du souper, il envoya son serviteur dire aux invités de venir, parce que tout était prêt.

« Et tous commencèrent à s’excuser. Le premier dit : « J’ai acheté une maison de campagne, et il faut que j’aille la voir ; je vous prie de m’excuser. »

Le second dit : « J’ai acheté cinq paires de bœufs pour mes labours et je vais les essayer ; je vous prie de m’excuser. »

« Et un autre dit : « Je viens de me marier, et c’est pourquoi je ne puis venir. »

« Le serviteur, étant revenu, rapporta tout ceci à son maître. Alors le père de famille, irrité, dit à ses serviteurs :

« Allez vite dans les places et les rues de la ville et amenez ici les pauvres et les faibles, les boiteux et les aveugles. »

« Et le serviteur dit au maître :

« Seigneur, il a été fait comme vous l’avez commandé, et il y a encore de la place. »

« Et le maître dit au serviteur :

« Allez dans les chemins et le long des haies, et pressez tout le monde d’entrer, afin que ma maison soit remplie. Car je vous le dis, aucun de ceux qui ont été invités ne goûtera de mon souper. »

Jacques. Qu’est-ce que Notre-Seigneur veut dire par là ? Est-ce qu’il faut réellement forcer les gens de venir souper quand les invités ne viennent pas ?

Grand’mère. Non, cher enfant ; c’est une parabole qui signifie que le bon Dieu nous invite tous à un festin, c’est-à-dire au bonheur du Paradis au Ciel.

Les Juifs sont les premiers qui ont eu le bonheur d’être invités à ce festin ; au lieu de s’y rendre avec empressement, ils se sont laissés entraîner comme nous par les plaisirs et les intérêts de ce monde ; l’un n’a pas le temps de faire le bien, de vivre selon les commandements de Dieu, parce qu’il a des affaires qui l’occupent ; l’autre a des bals, des spectacles, des courses, des fêtes qui lui prennent tout son temps ; l’autre a des livres intéressants, des promenades agréables, des amis charmants qui ne lui laissent pas une heure de liberté ; un autre a une santé délicate, une nombreuse famille, des enfants à élever ; et ainsi de suite.

Le maître, qui est le bon Dieu, envoie ses serviteurs, c’est-à-dire ses Prêtres, pour les avertir, leur rappeler que le festin est prêt, ce qui veut dire que le moment de la grâce est arrivé, et qu’ils doivent se tenir prêts à répondre à l’invitation du Seigneur. Mais ils n’écoutent pas les paroles des Prêtres envoyés, et persistent à ne pas se rendre à l’appel du Maître.

Alors Notre-Seigneur envoie ses ministres, ses Prêtres, dans les pays voisins pour convertir les païens, les infidèles, et ils en amènent, c’est-à-dire en convertissent un grand nombre.

Armand. Qu’est-ce que c’est, convertissent ?

Grand’mère. Convertir quelqu’un veut dire le ramener au bien, le rendre bon chrétien.

Il se trouve encore beaucoup de places vides ; alors le Maître renvoie de nouveau ses serviteurs les Prêtres, dans les pays lointains, pour convertir les nations les plus éloignées du bon Dieu, les plus pauvres de sagesse et de bons sentiments, les plus aveugles de la vérité, les plus boiteux dans le chemin du Ciel, et pour leur prêcher la parole de Dieu, pour les obliger à reconnaître la vérité et à marcher vers le festin du Royaume Céleste.


LXXX

AIMER NOTRE-SEIGNEUR PAR-DESSUS TOUT.



Comme Notre-Seigneur marchait suivi d’une grande foule de peuple, il se retourna vers eux et leur dit :

« Si celui qui vient à moi ne hait pas son père et sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple… »

Valentine. Oh ! Grand’mère ! Ça c’est très mal ; je trouve que c’est un très mauvais conseil !

Grand’mère. Oui, si tu le suis à la lettre ; mais c’est encore au figuré, comme lorsque Notre-Seigneur a dit de s’arracher l’œil si l’œil fait pécher, de se couper la main et le pied s’ils sont une occasion de mal faire. Notre-Seigneur veut dire que pour être son disciple, son ami, il faut tellement craindre le mal, que lors même qu’il viendrait du père, de la mère, etc., il faut le haïr et le fuir, sans avoir égard aux mauvais conseils ou aux supplications qui nous viendraient de ceux que nous devons le plus aimer et respecter.

Louis. Comment cela ? Comment peut-il venir des mauvais conseils des pères, des mères, femmes, enfants, frères et sœurs ?

Grand’mère. Voici comment : Dans les premiers siècles qui ont suivi Notre-Seigneur…

Armand. Qu’est-ce que c’est, siècle ?

Grand’mère. Siècle veut dire cent ans. Dans ces premiers siècles, les Empereurs, romains martyrisaient les chrétiens.

Armand. Qu’est-ce que c’est, martyrisaient ?

Henriette. Comme tu es ennuyeux ! Tu ne fais qu’interrompre !

Armand. Mais puisque je ne comprends pas.

Henriette. Attends que Grand’mère ait fini son histoire.

Armand. Mais quand j’attends, j’oublie.

Grand’mère. Chère petite Henriette, tu oublies toi d’être indulgente et bonne pour ton petit frère ; tu oublies d’être patiente et charitable.

Henriette. C’est vrai, Grand’mère ; Mais c’est que c’est si ennuyeux, si impatientant !

Grand’mère. Les autres ne disent rien, et pourtant cela ne les amuse pas plus que toi. Pense donc que je ne vous raconte pas une histoire comme les mémoires d’un âne ou comme les deux nigauds, mais une histoire sérieuse, instructive, que je désire vous faire bien connaître. Je suis donc bien aise de vous expliquer ce que je ne vous fais pas bien comprendre du premier coup. Et je réponds à Armand :

Martyriser veut dire faire beaucoup souffrir ; et les Empereurs romains ordonnaient qu’on défendît aux chrétiens de croire à la divinité de Notre-Seigneur, qu’on les obligeât à adorer les idoles, c’est-à-dire le démon ; et qu’on les torturât, c’est-à-dire qu’on leur fît souffrir les tourments les plus affreux pour les faire renoncer à Notre-Seigneur. Ces admirables chrétiens aimaient mieux mourir dans les tourments que renoncer à leur bon Sauveur qui était mort pour eux ; et ils étaient ce qu’on appelle des martyrs de la foi.

Et pour répondre à Louis, j’ajouterai que les pauvres martyrs avaient à endurer les supplications de leurs parents et de leurs amis les plus chers, qui, étant païens, voulaient les faire renoncer à Jésus-Christ pour les sauver des cruels tourments dont on les menaçait ; et c’est ainsi que leurs parents voulaient leur faire commettre le mal, et que les martyrs devaient haïr leurs conseils et y résister ; et maintenant encore, on peut et on doit pratiquer cette règle de l’Évangile, toujours en mettant l’obéissance aux ordres de Dieu au-dessus des affections de famille les plus légitimes et les plus tendres. Il faut aimer Notre-Seigneur par-dessus toute chose.

Notre-Seigneur dit encore :

« Celui qui ne porte pas sa croix et ne me suit pas, ne peut être mon disciple. »

Jeanne. On ne peut pas porter une croix, ni suivre Jésus qui n’est pas avec nous ; alors qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Cela veut dire, comme le dit Notre-Seigneur : « Que celui qui ne cherche pas à surmonter ses mauvais penchants, celui qui ne supporte pas avec résignation et avec courage les peines et les souffrances que je lui envoie, celui qui ne s’impose pas des privations, celui qui ne sacrifie pas son plaisir à son devoir, celui qui ne me suit pas, c’est-à-dire qui ne fait pas comme moi, qui n’imite pas ma douceur, ma patience, ma charité, mon détachement des biens de ce monde, celui-là n’est pas mon disciple, ni mon ami, et ne peut gagner le bonheur éternel. »


LXXXI

PARABOLE DU BON PASTEUR
ET DE LA DRACHME PERDUE.



Il y avait des publicains et des pécheurs qui s’approchaient de Notre-Seigneur pour l’écouter. Les Pharisiens et les Scribes murmuraient et disaient : « Celui-ci accueille les pécheurs et mange avec eux. »

Jésus leur dit cette parabole :

« Quel est celui qui, ayant cent brebis, s’il en perd une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert, et ne s’en aille chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée ?

« Et lorsqu’il l’a trouvée, il la met avec joie sur ses épaules ; et revenant à la maison, il réunit ses amis et ses voisins et leur dit : « Réjouissez-vous avec moi, parce que j’ai trouvé ma brebis qui était perdue. »

« Ainsi je vous dis qu’il y a plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui fait pénitence, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence.

« Ou bien, quelle est la femme qui, ayant dix drachmes… »

Armand, regardant Henriette avec inquiétude. Qu’est-ce que c’est, drachme ?

Grand’mère. Une drachme était une pièce d’argent qui valait dix sous de notre monnaie.

« Quelle est la femme qui, ayant dix drachmes, si elle en perd une, n’allume sa lampe et ne balaye sa maison, et ne cherche soigneusement jusqu’à ce qu’elle l’ait trouvée ?

« Et lorsqu’elle l’a trouvée, elle appelle ses amies et ses voisines, et leur dit : « Réjouissez-vous avec moi, parce que j’ai trouvé la drachme que j’avais perdue. » Ainsi sera, je vous le dis, la joie des Anges de Dieu pour un seul homme qui fera pénitence. »



LXXXII

PARABOLE DE L’ENFANT PRODIGUE.



Notre-Seigneur dit encore :

« Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : « Mon père, donnez-moi la portion de bien que je dois avoir. » Le père lui donna ce qui devait lui revenir.

« Et peu de jours après, ce plus jeune fils rassembla tout ce qu’il avait, partit pour un pays éloigné et il y dissipa tout son bien dans une vie d’excès et de plaisir. Après qu’il eut tout perdu, il y eut une grande famine dans ce pays. »

Armand. Qu’est-ce que cela veut dire, famine ?

Grand’mère. On appelle famine quand tout le monde souffre de la faim, parce qu’il n’y a presque rien à manger, les blés et les fruits n’ayant pas pu mûrir ou n’ayant pas poussé.

« Il y eut donc une grande famine et il commença à souffrir de la faim. Il s’en alla et se mit domestique au service d’un homme du pays. Et celui-ci l’envoya dans les champs pour garder les pourceaux.

« Et il aurait bien voulu partager avec eux les épluchures qu’on leur donnait, mais personne ne lui en donnait à lui.

Petit-Louis. Pourquoi cela ?

Grand’mère. Parce qu’on les gardait pour les cochons.

« Le jeune homme, réfléchissant au passé et à l’état misérable où il était réduit par sa faute, se dit : « Combien de serviteurs dans la maison de mon père ont du pain en abondance, et moi ici je meurs de faim. Je me lèverai et j’irai vers mon père ; et je lui dirai : Mon père, j’ai péché contre le ciel et contre vous. Je ne suis plus digne d’être appelé votre fils. Faites de moi comme de l’un de vos serviteurs. »

« Et se levant, il partit pour aller vers son père. Et il était encore loin que déjà son père l’aperçut, et touché de compassion, il accourut, se jeta à son cou et l’embrassa.

« Et le fils lui dit : « Mon père, j’ai péché contre le ciel et contre vous. Je ne suis pas digne d’être appelé votre fils. »

« Et le père, sans lui répondre et l’embrassant avec tendresse, dit à ses serviteurs :

« Apportez vite sa robe première, et mettez-la-lui, et mettez-lui un anneau d’or au doigt et de riches chaussures aux pieds. Amenez le veau gras et tuez-le. Faisons un festin et réjouissons-nous, car mon fils que voilà était mort, et il revit ; il était perdu, et il est retrouvé. »

Jacques. Le fils a dû être bien content ? Mais, Grand’mère, je crois que si je me sauvais et si je dépensais mon argent, papa ne ferait pas comme ça ?

Grand’mère. Peut-être que non, parce que ton papa, tout bon qu’il est, ne l’est pas autant que le bon Dieu. Et Notre-Seigneur, dans cette parabole, veut parler du bon Dieu et du pécheur. D’abord, voilà ce fils très-heureux chez son père, qui veut et qui croit être plus heureux loin de lui ; comme nous autres, qui sommes heureux en vivant sagement sous la loi de Dieu et qui pensons être plus heureux en nous éloignant de lui, c’est-à-dire en abandonnant les prières, les offices, les pratiques et les habitudes sages et vertueuses. Le bon Dieu notre père nous accorde les biens de la terre, la santé, l’intelligence, la fortune, etc. Nous nous laissons aller aux plaisirs du monde et alors nous nous éloignons de Dieu, nous perdons notre piété, nos bons sentiments, notre santé même, notre fortune et notre bonheur, en faisant mille folies ; et quand nous sommes malheureux, repoussés par le monde, que nous souffrons de la misère, c’est-à-dire des peines du cœur et de l’amour-propre, nous nous souvenons de notre ancien bonheur, de la paix du cœur dont nous jouissions quand nous étions innocents et vertueux ; et nous formons le courageux projet de quitter ce pays, étranger pour tout bon chrétien, et de revenir à Dieu notre père.

Nous commençons par regretter l’heureux temps de l’innocence, nous nous humilions en nous avouant coupables, nous quittons ce pays maudit qu’on appelle le monde, avec ses habitants qui sont les péchés et les vices ; nous allons vers notre père, nous confessons nos fautes, nous les reconnaissons ; nous nous trouvons indignes de pardon. Notre père, au lieu de nous repousser, accourt au-devant de nous, c’est-à-dire aide à notre repentir, il nous inspire des sentiments humbles et affectueux ; il nous rend notre place parmi les bons chrétiens, les serviteurs et les enfants fidèles ; il fait tuer le veau gras, c’est-à-dire qu’il nous invite à sa Sainte Table, et nous donne la Sainte Communion, sa propre chair et son propre sang ; et tout le passé mauvais est effacé.

Cette parabole s’appelle l’Enfant prodigue, et c’est peut-être celle qui exprime le mieux la grande bonté, la grande miséricorde du bon Dieu. Si jamais l’un de vous (ce qu’à Dieu ne plaise) devient enfant prodigue, qu’il ne perde pas courage, qu’il se souvienne que Dieu est infiniment bon ; que tout en reconnaissant ses fautes, il faut s’en humilier, mais sans se décourager ; qu’il aille en demander pardon en les confessant sincèrement et humblement. Le bon Dieu lui ouvrira son cœur et ses bras et lui rendra le calme et le bonheur.

« Pendant ce temps le fils aîné du bon père de famille était aux champs ; et comme il revenait, il entendit le bruit des réjouissances et de la musique. Et appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que c’était.

« Le serviteur lui dit : « Votre frère est revenu et votre père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé son fils. »

« Et le fils aîné se fâcha et ne voulut pas entrer ; le père l’ayant appris, sortit pour l’en prier. Mais lui, répondant à son père, dit : « Voilà que je vous sers depuis tant d’années ; je n’ai jamais manqué à aucun de vos commandements ; et jamais vous ne m’avez donné un chevreau pour me réjouir en le mangeant avec mes amis. Mais lorsque mon frère, qui s’en est allé, qui a mangé tout son bien avec de mauvais sujets, est revenu, vous avez tué pour lui le veau gras ! »

« Le père lui dit : « Mon fils, n’es-tu pas toujours avec moi, et tout ce que j’ai n’est-il pas à toi ? Mais il fallait nous réjouir, parce que ton frère était mort, et il revit ; il était perdu, et il est retrouvé. »

Jacques. Grand’mère, à la place du père, j’aurais chassé ce méchant frère jaloux qui se fâche parce qu’on fait manger un veau gras à son frère qui revient tout malheureux, tout honteux et repentant.

Grand’mère, souriant. Le bon père de la parabole, qui représente Dieu, est plus indulgent que tu ne le serais, mon enfant. Il réprime le mauvais sentiment de son fils, mais avec bonté ; il commence par sortir de la salle du festin pour le prier d’entrer ; il l’écoute avec patience ; il lui explique l’accueil qu’il a fait à son frère repentant. Là encore, Notre-Seigneur a voulu démontrer sa patience, sa bonté à notre égard ; avec quel amour il nous traite, il nous supporte, il nous attend. Et quand nous voulons bien revenir à lui, et recevoir ses bienfaits, il nous en récompense comme si nous ne l’avions jamais offensé.

Camille. Oh oui ! Notre-Seigneur est un bien bon père et son service rend la vie bien douce, car, avec lui, tout est bon, même les peines les plus cruelles !

Louis. Comment les peines peuvent-elles être agréables ?

Camille. Parce qu’on les accepte pour l’amour de Dieu et qu’on sait que chaque peine aura sa récompense.

La grand’mère embrasse Camille et continue :


LXXXIII

L’ÉCONOME INFIDÈLE.



Notre-Seigneur dit un jour à ses disciples :

« Un homme riche avait un Économe qui fut accusé devant lui d’avoir dissipé ses biens… »

Valentine. Qu’est-ce que c’est, un Économe ?

Grand’mère. Un Économe est un intendant chargé par un homme riche de surveiller les ouvriers et les travaux, d’acheter ce qu’il faut, de vendre le bois, les grains, les bestiaux, enfin de faire toutes les affaires de son maître.

« Le maître fit donc venir cet Économe et lui dit : « Qu’est-ce que j’entends dire de vous ? Rendez-moi compte de votre administration, car je ne veux plus que vous gouverniez mon bien. » Alors l’Économe se dit en lui-même : « Que ferai-je, puisque mon maître m’ôte l’administration de son bien ? Travailler à la terre, je n’en ai pas la force, et j’ai honte de mendier.

« Je sais ce que je ferai, afin qu’étant renvoyé de ma charge, je trouve des gens qui me reçoivent dans leur maison. »

« Ayant donc fait venir ceux qui devaient à son maître, il dit au premier : « Combien devez-vous à mon maître ? »

« Cent barils d’huile, » répondit-il

L’Économe lui dit : « Prenez votre billet ; asseyez-vous et écrivez-en vite un autre de cinquante seulement. »

Pierre-Louis. Qu’est-ce c’est, un billet ?

Grand’mère. Un billet est un papier sur lequel on a écrit qu’on doit à une personne de l’argent ou un objet quelconque.

« Ensuite il dit à un autre : « Et vous, combien devez-vous ? »

« L’autre répondit : « Cent mesures de froment. »

« L’Économe dit : « Prenez vite votre billet et écrivez-en un autre de quatre-vingts mesures. »

« Et il fit de même pour tous ceux qui devaient à son maître. Et le maître, ayant plus tard appris ce qu’avait fait

La parabole de l’enfant prodigue
La parabole de l’enfant prodigue


son Économe, loua son habileté ; car les hommes sont plus prudents pour les affaires du monde que pour les affaires du Ciel.

« Et moi je vous dis : « Faites-vous des amis avec l’argent qui sert si souvent au mal, afin que lorsque vous viendrez à manquer, ils vous ouvrent les portes des tabernacles éternels. »

Élisabeth. Grand’mère, cette parabole est singulière. Comment Notre-Seigneur peut-il trouver bien ce qu’a fait cet Économe qui a volé son maître, et comment nous conseille-t-il de faire de même ?

Grand’mère. Notre-Seigneur ne nous dit pas de voler comme cet Économe. Il nous dit seulement que les méchants étant fort habiles pour leurs affaires, nous devons l’être comme eux pour faire le bien ; que nous devons être actifs et habiles comme eux pour la grande affaire de notre salut. Il nous recommande surtout de faire servir les richesses, qui sont si dangereuses quand on les emploie mal, à faire le bien, à secourir les pauvres. Cette habileté s’appelle la charité.

Notre-Seigneur ajoute qu’il faut être fidèle dans les petites choses pour être fidèle aussi dans les grandes, et que si on est infidèle, c’est-à-dire trompeur, dans les petites choses, on n’inspirera pas de confiance pour les choses importantes.

« Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon, c’est-à-dire les richesses »

Louis. Pourquoi cela ?

Grand’mère. Parce que, si nous aimons Dieu, nous devons nous méfier des richesses qui nous exposent à offenser Dieu en vivant mollement, en satisfaisant tous nos désirs, en nous accordant toutes les douceurs de la vie, et par conséquent en n’imitant pas Notre-Seigneur, en ne portant pas de croix avec lui et pour lui. Et si nous aimons les richesses, nous ne pouvons pas aimer Dieu, qui est l’ennemi des richesses et de tout ce qu’elles donnent.

Aussi les Pharisiens, qui étaient avares, écoutaient tout cela avec rage et se moquaient du Sauveur. Jésus, qui voyait le fond de leur cœur, leur dit encore :


LXXXIV

LE MAUVAIS RICHE ET LE PAUVRE LAZARE.



« Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de lin. »

Armand. Qu’est-ce que c’est, pourpre ?

Grand’mère. C’est une étoffe très-rare, très-belle et très-précieuse, qu’on tissait avec des filaments de certains coquillages. Notre-Seigneur indique par là que ce riche portait des vêtements magnifiques.

« Chaque jour, dit Notre-Seigneur, ce riche faisait des repas splendides et il vivait dans la mollesse et le plaisir.

« Et il y avait aussi un mendiant nommé Lazare, lequel était couché à la porte du riche et il était couvert d’ulcères. »

Le mauvais riche et le pauvre Lazare
Le mauvais riche et le pauvre Lazare


Jeanne. Est-ce que c’était l’ami de Notre-Seigneur, le frère de Marthe et de Marie-Madeleine ?

Grand’mère. Non, puisque l’ami de Notre-Seigneur était riche et que celui-ci était un pauvre mendiant.

Armand. Qu’est-ce que c’est ulcère ?

Grand’mère. Un ulcère est une plaie profonde qui ronge les chairs.

« Le pauvre Lazare désirait se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche, et personne ne lui en donnait ; mais les chiens venaient lui lécher ses plaies.

« Or, il arriva que le mendiant mourut, et il fut porté par les Anges dans le sein d’Abraham. »

Valentine. Comment, dans le sein d’Abraham ?

Grand’mère. C’est-à-dire dans le Royaume de Dieu, pour être éternellement heureux.

« Le riche mourut aussi et il fut enseveli dans l’enfer.

« Comme il était dans les tourments, il leva les yeux et il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. Et jetant un cri, il dit : « Abraham, mon Père, ayez pitié de moi, et envoyez-moi Lazare, afin qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau pour rafraîchir ma langue, car je souffre horriblement dans cette flamme. »

« Et Abraham lui répondit : « Mon fils, souviens-toi que, pendant ta vie, tu as reçu les biens, et Lazare, pendant la sienne, a reçu les maux ; et maintenant il est consolé et toi tu souffres.

« De plus, un grand abîme existe entre nous et toi, de sorte que ceux qui voudraient passer d’ici à toi, ou revenir ici de l’endroit où tu es, ne le pourraient pas. »

« Et le riche dit encore : « Mon Père, je vous prie du moins d’envoyer Lazare dans la maison où j’ai cinq frères, afin qu’il leur dise ces choses et qu’ils ne viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de tourment. »

« Et Abraham répondit : « Ils ont Moïse et les Prophètes ; qu’ils les écoutent. »

« Le riche reprit : « Non, mon Père ; mais si quelqu’un des morts va vers eux, ils feront pénitence. »

« Mais Abraham lui dit : « S’ils n’écoutent pas Moïse et les Prophètes, quelqu’un des morts ressusciterait qu’ils ne le croiraient pas non plus. »

Madeleine. Cette parabole est terrible, Grand’mère.

Grand’mère. Oui, chère enfant, terrible pour les riches qui emploient mal leurs richesses, comme il y en a malheureusement tant. Remarquez bien que Notre-Seigneur ne dit pas que le riche fût méchant, injuste, colère, etc., mais seulement qu’il était vêtu de vêtements magnifiques, qu’il faisait des repas splendides, qu’il vivait dans la mollesse et les plaisirs. Il n’insultait pas Lazare, il ne le chassait pas ; seulement il n’y pensait pas, il ne le secourait pas. C’est pour cette vie opulente, indolente et inutile, c’est pour cette indifférence de la misère de Lazare, que le mauvais riche a été précipité en enfer.

Et que de riches ne voit-on pas, qui vivent dans l’opulence et qui ne donnent pas même le quart de leur superflu aux pauvres et aux bonnes œuvres ; qui n’ont jamais d’argent quand on leur en demande pour une bonne œuvre, et qui, après vous avoir refusé une pièce d’or, ou même d’argent, vont en dépenser dix et vingt pour un vêtement, un meuble, une fête, une partie de cartes ou de plaisir !

Pauvres gens ! Ils croient amasser du bonheur et ils se préparent des tourments affreux et éternels ! Pour une vie misérable de soixante ou quatre-vingts ans au plus, qu’ils passent dans les jouissances du corps, ils se condamnent à une éternité de souffrances !

Remarquez aussi, mes enfants, comme Notre-Seigneur dit clairement qu’on souffre par le feu en enfer. Le riche se plaint de souffrir cruellement par les flammes, il demande avec instance une goutte d’eau pour rafraîchir sa langue. Et cette goutte d’eau lui est refusée ; et Abraham lui rappelle que dans le monde il a vécu dans l’abondance et qu’il doit expier son opulence égoïste. Et Abraham lui refuse aussi d’avertir ses frères, parce qu’ils ont assez de moyens de connaître la vérité, et que, lorsque cette vérité n’est pas reçue ni connue, malgré toutes les preuves que nous en a données le bon Dieu, la résurrection d’un mort ne la ferait même pas admettre. Et, en effet, quand Notre-Seigneur a ressuscité Lazare en plein jour et sous les yeux des Juifs, comme vous le verrez plus loin, les Juifs sont restés incrédules.

Notre-Seigneur continua de parler en public, et il convertissait beaucoup de monde ; et chacun disait : « Quand le Christ viendra, fera-t-il plus de miracles que n’en fait cet homme ? »

Les Pharisiens entendaient tous les discours qu’on tenait sur Jésus ; ils savaient tous les miracles qu’il faisait et l’admiration qu’il inspirait. Ils étaient de plus en plus jaloux et irrités, et ils avaient décidé entre eux de le faire mourir, mais qu’il fallait chercher une occasion pour avoir l’air de le condamner avec justice.



LXXV

LES PHARISIENS VEULENT FAIRE SAISIR JÉSUS.



Le dernier jour de la fête des Tabernacles

Louis. Qu’est-ce que c’était que cette fête ?

Grand’mère. La fête des Tabernacles était instituée en souvenir du voyage des Juifs dans le désert quand ils avaient fui de l’Égypte. Elle durait huit jours, et, pour rappeler ce voyage pendant lequel ils avaient demeuré sous des tentes, les Juifs de Jérusalem demeuraient aussi sous des tentes de feuillage.

Les Pharisiens envoyèrent des hommes pour saisir Notre-Seigneur pendant qu’il parlait au peuple ; mais il parlait si bien, il inspirait un tel respect et un tel amour, que ces hommes n’osèrent pas l’arrêter, et qu’ils revinrent près des Princes des Prêtres.

« Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? » dirent les Pharisiens en colère.

« Jamais homme n’a parlé comme cet homme, » répondirent les archers.

Armand. Qu’est-ce que c’est, archer ?

Grand’mère. Les archers étaient des soldats chargés de maintenir l’ordre, comme chez nous les gendarmes.

Les Pharisiens répliquèrent :

« Êtes-vous donc séduits aussi, vous autres ? Y a-t-il un seul magistrat pharisien qui ait cru en lui ? Quant à la populace, qui ne connaît pas la loi, ce sont des gens maudits. »

Jacques. Pourquoi donc étaient-ils maudits ?

Grand’mère. Ils ne l’étaient que par les orgueilleux Pharisiens, qui croyaient qu’eux seuls, gens savants, qui avaient étudié, qui connaissaient la loi, avaient le pouvoir et le droit de connaître la vérité et de l’enseigner. C’est ce qui arrive encore aujourd’hui et partout. Les savants, gens orgueilleux et ignorants dans les choses de Dieu, veulent imposer leur fausse science à tous, et ne permettent pas qu’on étudie humblement la science des vertus chrétiennes dans les livres des saints et des hommes inspirés de Dieu.

Jacques. Mais pourquoi les écoute-t-on ?

Grand’mère. Les gens sages ne les écoutent pas, cher enfant ; ils restent dans leurs croyances chrétiennes, laissant ces pauvres savants se moquer d’eux, et ils conservent paisiblement la grande et vraie science de l’amour de Dieu et du prochain.


LXXXVI

LA FEMME INFIDÈLE.



Nous allons voir une nouvelle preuve de la grande bonté de Notre-Seigneur.

Un matin, après avoir été prier sur une montagne qu’on appelait la montagne des Oliviers, Jésus alla dans le temple et il enseignait le peuple. Les Scribes et les Pharisiens lui amenèrent une femme qui trompait son mari. « Maître, lui dirent-ils, cette femme est adultère. »

Armand. Qu’est-ce que c’est, adultère ?

Grand’mère. Adultère veut dire une mauvaise femme qui est infidèle à son mari, c’est-à-dire qui le trompe. Mais c’est un mot dont on ne se sert plus parmi les gens bien élevés. On dit une mauvaise femme, une méchante femme.

Les Pharisiens dirent donc :

« La loi de Moïse nous ordonne de lapider les adultères. Vous donc, que dites-vous ? »

Jésus, se baissant, écrivait sur la terre avec son doigt.

Louis. Qu’est-ce qu’il écrivait ?

Grand’mère. L’Évangile ne le dit pas ; mais on suppose que Jésus savait que les Pharisiens lui amenaient cette femme non pour le consulter, comme ils en avaient l’air, mais dans un esprit méchant. Ils étaient prêts à l’accuser de cruauté s’il avait fait lapider cette femme, ou bien de désobéir à la loi de Moïse s’il l’avait pardonnée. On suppose donc que Notre-Seigneur écrivait des sentences de l’Écriture qui condamnaient l’hypocrisie des Pharisiens, ou bien qu’il révélait les crimes secrets de quelques-uns d’entre eux.

Et comme les Pharisiens continuaient à l’interroger, Jésus se redressa, et leur dit :

« Que celui d’entre vous qui est sans péché, lui jette la première pierre. »

Et se baissant de nouveau, il continua à écrire.

Ayant entendu cette parole, ils sortirent les uns après les autres, les plus vieux les premiers.

Petit-Louis. Pourquoi cela ? Pourquoi les plus vieux les premiers ?

Grand’mère. Parce que les plus vieux étaient probablement les plus mauvais.

Et Jésus demeura seul avec cette femme, qui était là debout et tremblante devant lui.

Alors Jésus, se levant lui dit :

« Femme, où sont ceux qui t’accusaient ? Quelqu’un t’a-t-il condamné ? »

Elle répondit humblement :

« Personne, Seigneur. »

Jésus lui dit :

« Ni moi non plus, je ne te condamnerai. Va donc, et ne pèche plus. »

Et tout le peuple applaudit à ce jugement, et admira la charité, la bonté de Jésus.

Notre-Seigneur parla encore longtemps au peuple, pour prouver qu’il était le Messie, le Fils de Dieu, envoyé par son Père pour sauver le monde. Il leur démontra qu’ils étaient dans l’erreur en ne reconnaissant pas en lui le Messie ; il leur rappela le grand nombre de miracles qu’il avait faits, les bons conseils qu’il leur avait donnés et qu’ils avaient admirés. Mais ces Juifs étaient si mauvais, qu’au lieu d’être touchés des divines paroles que leur adressait Notre-Seigneur, ils prirent des pierres pour le lapider ; mais Jésus sortit, et se retira, soit en se rendant invisible, soit en les empêchant de le suivre.

LXXXVII

L’AVEUGLE-NÉ



Jésus vit, en s’en allant, un homme qui était aveugle de naissance, et ses disciples lui demandèrent :

« Maître, est-ce à cause de ses péchés, ou à cause des péchés de son père et de sa mère, que cet homme est né aveugle ? »

Jésus leur répondit :

« Ce n’est ni pour ses péchés ni pour ceux de ses parents, mais c’est afin que la puissance de Dieu soit manifestée en lui. Tandis que je suis dans ce monde, je suis la lumière du monde. »

Ayant dit cela, il cracha à terre, et fit de la boue avec sa salive, la mit sur les yeux de l’aveugle, et dit :

« Va te laver dans la piscine de Siloé. »

Il y alla donc, il s’y lava, et en revint, voyant clair.

Alors les gens du voisinage et ceux qui l’avaient vu auparavant, aveugle et demandant l’aumône, disaient :

« N’est-ce pas lui qui était assis là, et qui mendiait ? »

Les uns disaient :

« C’est lui. »

Les autres disaient :

« Non, c’en est un qui lui ressemble. »

Mais lui, disait :

« C’est moi-même. »

Ils lui disaient donc :

« Comment tes yeux se sont-ils ouverts ? »

Il répondit :

« Cet homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, en a enduit mes yeux, et m’a dit : « Va à la piscine de Siloé, et lave-toi. » J’y suis allé, je me suis lavé, et je vois. »

Ils lui dirent :

« Où est-il ? »

Il répondit :

« Je ne sais. »

Et ils amenèrent aux Pharisiens cet homme qui avait été aveugle. Or, quand Jésus fit de la boue avec sa salive et guérit les yeux de l’aveugle, c’était le jour du sabbat.

Les Pharisiens lui demandèrent donc aussi comment il avait vu.

Il leur dit :

« Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et je vois. »

Quelques-uns d’entre les Pharisiens disaient :

« Cet homme n’est pas de Dieu, puisqu’il ne garde pas le jour du sabbat. »

Mais d’autres disaient :

« Comment un pécheur pourrait-il faire ces miracles ? »

Et ils se disputaient entre eux.

Ils dirent encore à l’aveugle :

« Et toi, que dis-tu de celui qui t’a ouvert les yeux ? »

Il dit :

« C’est un Prophète. »

Les Juifs ne voulurent encore pas croire qu’il eût été aveugle et qu’il eût recouvré la vue, jusqu’à ce qu’ils eussent appelé les parents de celui qui voyait. Et ils les interrogèrent, disant :

« Est-ce là votre fils que vous dites être né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ? »

Ses parents répondirent :

« Nous savons qu’il est notre fils et qu’il est né aveugle. Comment il voit maintenant, nous ne le savons, ni qui lui a ouvert les yeux. Interrogez-le, il est en âge de répondre ; qu’il parle lui-même. »

Ses parents disaient cela, parce qu’ils craignaient les Juifs ; car déjà les Pharisiens avaient décidé ensemble que quiconque reconnaîtrait Jésus pour le Christ, serait chassé de la Synagogue.

Henri. Et qu’est-ce que ça faisait d’être chassé de la Synagogue.

Grand’mère. C’était une honte, une malédiction, comme l’est pour nous une excommunication, c’est-à-dire un jugement qui nous chasse de l’Église.

Les Pharisiens appelèrent donc de nouveau l’homme qui avait été aveugle, et lui dirent :

« Rends gloire à Dieu. Nous savons que ce Jésus est un pécheur. »

Il leur répondit :

« S’il est pécheur, je ne sais ; je sais seulement que j’étais aveugle, et qu’à présent je vois. »

Ils lui dirent encore :

« Que t’a-t-il fait ? Comment t’a-t-il ouvert les yeux ? »

Il leur répondit :

« Je vous l’ai déjà dit, et vous l’avez entendu. Que voulez-vous entendre encore ? Vous aussi, voulez-vous devenir ses disciples ? »

Alors ils le maudirent, et dirent :

« Sois son disciple, toi ; nous, nous sommes disciples de Moïse. Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais celui-ci, nous ne savons d’où il est. »

L’aveugle leur répondit :

« Cela est surprenant que vous ne sachiez d’où il est, et pourtant il a ouvert mes yeux. Nous savons que Dieu n’écoute pas les pécheurs ; mais il exauce celui qui honore Dieu et qui fait sa volonté. Jamais on n’a ouï dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle-né. Si celui-ci, n’était pas de Dieu, il ne pourrait pas faire ces miracles. »

Ils lui dirent :

« Tu es né tout entier dans le péché et tu nous enseignes ! »

Et ils le jetèrent dehors.

Jésus apprit qu’ils l’avaient jeté dehors, et, l’ayant rencontré, il lui dit :

« Crois-tu au Fils de Dieu ? »

Il répondit :

« Où est-il, Seigneur, afin que je croie en lui ? »

Jésus lui dit :

« Tu l’as vu, et celui qui te parle, c’est lui. »

Il répondit :

« Je crois, Seigneur ! »

Et se prosternant, il l’adora.

Jacques. À la bonne heure ! J’aime beaucoup ce pauvre aveugle ! Il est reconnaissant et courageux.

Louis. Et comme il répond bien et simplement à ces méchants Pharisiens !

Louis. Et comme ces Pharisiens sont menteurs et mauvais, de faire semblant de ne pas croire en la puissance de Notre-Seigneur !

Élisabeth. Et comme ce pauvre aveugle, simple et ignorant, raisonne mieux que les savants Docteurs de la loi, et comme il s’empresse de reconnaître et d’adorer Notre-Seigneur !

Grand’mère. Et Jésus dit, s’adressant à lui particulièrement, comme pour le distinguer :

« Je suis venu dans ce monde pour un jugement ; pour que ceux qui ne voient pas, voient ; et que ceux qui voient deviennent aveugles. »

Louis. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. C’est-à-dire, que Notre-Seigneur est venu pour éclairer ceux qui ne voyaient pas la vérité par ignorance, et non par orgueil et par de mauvais sentiments ; et pour punir par l’aveuglement du cœur ceux qui, par orgueil, par méchanceté, croient pouvoir se passer du secours de Dieu pour voir la vérité. Ceux-là il les rend aveugles d’esprit, c’est-à-dire qu’il les prive des lumières de la foi.

Quelques Pharisiens qui se trouvaient là et qui avaient entendu ces paroles dirent, en se moquant : « Est-ce que nous sommes aveugles, nous ? » Jésus leur répondit :

« Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché. Mais maintenant vous dites : « Nous voyons. » Votre péché demeure. »

Louis. Qu’est-ce que veut dire Notre-Seigneur ?

Grand’mère. Il veut dire que si les Pharisiens avaient eu un peu d’humilité, et si, se méfiant de leur science, ils s’étaient vus aveugles, ils lui auraient demandé de les guérir, de leur ouvrir les yeux ; mais leur orgueil les empêchant de sentir leur ignorance, ils restaient dans le péché et privés de la lumière de Jésus-Christ.


LXXXVIII

LE BON PASTEUR.



Notre-Seigneur dit encore :

« Je suis le bon Pasteur. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Mais le mercenaire… »

Armand. Qu’est-ce que c’est, mercenaire ?

Grand’mère. Mercenaire veut dire qui vend ses services, comme un berger qu’on paye pour garder les troupeaux. Et Notre-Seigneur compare le bon pasteur, le maître du troupeau, au berger qu’il paye, et il dit :

« Le mercenaire, qui n’est pas le pasteur, et à qui les brebis n’appartiennent pas, ne voit pas plus tôt venir le loup, qu’il abandonne les brebis et s’enfuit ; alors le loup emporte les brebis et disperse le troupeau. Or, le mercenaire s’enfuit, parce qu’il est mercenaire et qu’il ne se met pas en peine des brebis. Pour moi, je suis le bon Pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme mon Père me connaît et comme je connais mon Père. Et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie ; il faut que je les amène aussi, elles écouteront ma voix ; et il n’y aura qu’un troupeau et un pasteur.

« Mon Père m’aime parce que je donne ma vie pour mes brebis ; mais je saurais la reprendre. Personne ne peut me la ravir ; et c’est de moi-même que je la donne. Et comme j’ai le pouvoir de la donner, j’ai le pouvoir de la reprendre ? »

Henriette. Pourquoi Notre-Seigneur dit-il encore d’autres brebis ? Où sont-elles ?

Grand’mère. Ces brebis dont parle Notre-Seigneur sont les peuples païens, qui ont été visités et convertis plus tard par les Apôtres et leurs successeurs, les Évêques catholiques. Ils sont devenus chrétiens et n’ont fait ainsi qu’un seul troupeau avec le peuple d’Israël, auquel seul s’adressait Notre-Seigneur dans ses prédications.

Ces discours de Jésus excitèrent de nouvelles disputes parmi les Juifs. Les uns disaient : « Il est possédé du démon et il a perdu le sens ; pourquoi l’écoutez-vous ? » D’autres disaient : « Ce ne sont pas les paroles d’un homme possédé du démon. Est-ce que le démon peut ouvrir les yeux des aveugles ? »



LXXXIX

GUÉRISON DES DIX LÉPREUX.



Jésus traversait la Samarie et la Galilée pour se rendre à Jérusalem, lorsqu’entrant dans un village, dix lépreux qui s’arrêtèrent loin de lui…

Jeanne. Pourquoi loin de lui ?

Grand’mère. Parce qu’il était défendu aux lépreux de s’approcher des villages, des villes et de tous ceux qui passaient, de peur de donner la lèpre, qui se gagne très-facilement, comme je vous l’ai déjà dit. Ces lépreux, s’étant arrêtés, criaient : « Jésus, notre Maître, ayez pitié de nous ! »

Les ayant vus, il dit :

« Allez, et montrez-vous aux prêtres ! »

Et comme ils y allaient, ils furent guéris. L’un d’eux, lorsqu’il se vit guéri, revint en louant Dieu à haute voix. Et se prosternant aux pieds de Jésus, il lui rendit grâces. Et celui-là était Samaritain. Alors Jésus dit :

« Est-ce que les dix n’ont pas été guéris ? Les neufs autres, où sont-ils ? Il ne s’en est pas trouvé un seul qui revînt et qui rendît grâce à Dieu, sinon cet étranger ! »

Et il lui dit : « Lève-toi, et va ! ta foi t’a sauvé. »

XC

LE PHARISIEN ET LE PUBLICAIN.



Notre-Seigneur, après avoir prédit ce qui se passerait au temps de sa Passion, et avoir prophétisé les terribles événements de la fin du monde et des temps à venir, dit cette parabole à ceux qui le suivaient pour leur faire voir qu’il ne fallait pas avoir bonne opinion de soi-même et du mépris pour les autres.

« Deux hommes, dit-il, montèrent au Temple pour prier : l’un était Pharisien et l’autre Publicain. Le Pharisien, se tenant debout, priait ainsi en lui-même, disant : « Mon Dieu, je vous rends grâces de ce que je ne suis pas comme les autres hommes, qui sont voleurs, injustes, trompeurs ; ni comme ce Publicain. Je jeûne deux fois la semaine, et je donne aux pauvres la dixième partie de tout ce que je possède. »

« Et le Publicain, se tenant à l’écart, à la porte du Temple, n’osait pas même lever les yeux au ciel ; mais il frappait sa poitrine, disant : « Mon Dieu, ayez pitié de moi qui suis un pécheur. »

« Je vous le dis, celui-ci s’en alla pardonné dans sa maison, et non pas l’autre ; car quiconque s’élève sera abaissé, et quiconque s’abaisse sera élevé. »

Quelques-uns lui amenaient des petits enfants pour qu’il

Le Pharisien et le Publicain
Le Pharisien et le Publicain


les touchât ; ce que voyant, les disciples les renvoyaient. Mais Jésus, les appelant, leur dit :

« Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les empêchez pas ; car le Royaume de Dieu est à celui qui leur ressemble. En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque ne se fera pas semblable à un enfant n’entrera pas dans le Royaume des Cieux. »

Jacques. Mais, Grand’mère, vous, par exemple, vous ne pouvez pas devenir comme un petit enfant ; vous ne pourrez donc pas entrer dans le Ciel, ni aucune grande personne ?

Grand’mère, souriant. J’espère bien y entrer, mon enfant. Jésus veut parler de l’innocence d’un enfant, et non pas de son âge ; il veut que nous devenions purs de tout mal, innocents comme les petits enfants.

Petit-Louis. Et moi, est-ce que je suis pur de tout mal ?

Grand’mère. Oui, mon pauvre petit ; tu es un petit innocent.

— Et moi, et moi ? s’écrièrent à la fois Armand, Valentine, Louis, Jacques, Jeanne et Henriette.

Grand’mère. Les enfants sont innocents et purs de tout péché jusqu’à l’âge de raison, mes chers petits ; et on appelle âge de raison, l’état d’un enfant qui a déjà assez de raison et de force de volonté pour résister aux tentations et pour éviter le péché, au moins les péchés graves ; ainsi, ceux de vous qui ont l’âge de raison doivent se confesser du mal qu’ils ont fait, pour en recevoir l’absolution, c’est-à-dire le pardon du prêtre, et pour retrouver ainsi leur innocence. Ordinairement, c’est à l’âge de sept ans que l’on a l’âge de raison.

Notre-Seigneur ayant été interrogé par les Juifs sur ce qu’il était, et leur ayant clairement dit encore qu’il était Fils de Dieu, envoyé par son Père pour sauver ceux qui croiraient en lui et qui obéiraient à ses commandements ; que lui et son Père ne faisaient qu’un ; les Juifs, indignés de ce prétendu blasphème, prirent des pierres pour le lapider, mais il leur échappa sans qu’ils aient pu le saisir.


XCI

LE SALUT DES RICHES EST DIFFICILE.



Un jour que Notre-Seigneur se mettait en route, un jeune homme riche accourut, et s’étant mis à genoux devant lui :

« Bon maître, dit-il, que dois-je faire pour acquérir la vie éternelle ? »

Jésus lui répondit :

« Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu seul. Tu connais les commandements ? Vous ne commettrez pas le mal, vous ne tuerez point, vous ne rendrez pas de faux témoignage, vous ne tromperez point. Honorez votre père et votre mère. »

Pierre. Grand’mère, pourquoi Jésus a-t-il l’air de ne pas vouloir être Dieu ? Il dit : « Pourquoi m’appelez-vous bon ? Dieu seul est bon. » Il n’est donc pas Dieu ?

Grand’mère. Notre-Seigneur ne parle que de sa nature humaine ; le jeune homme ne lui en connaissait pas d’autre, et c’est comme Jésus-homme qu’il le trouvait bon ; c’est à cela que répond le Sauveur.

Le jeune homme lui répondit : « Maître, j’observe tous ces préceptes dès ma jeunesse. »

Jésus le regardant, l’aima, et lui dit :

« Une seule chose te manque : si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, tu auras un trésor dans le Ciel. Puis, viens et suis-moi. »

Mais le jeune homme, affligé de ces paroles, s’en alla triste, car il avait de grands biens.

Henriette. Pourquoi Notre-Seigneur voulait-il que ce pauvre homme vendît et donnât tous ses biens ? Ce n’est pourtant pas défendu d’être riche ?

Grand’mère. Non ; aussi Notre-Seigneur ne lui en donne pas l’ordre, mais seulement le conseil. Ce jeune homme semblait désirer la perfection, puisqu’il observait déjà tous les commandements de la loi, et que, malgré cela, il accourait vers Jésus pour lui demander ce qu’il devait encore faire afin de gagner la vie éternelle. C’est pourquoi Notre-Seigneur l’aima, car il vit un cœur pur qui désirait faire plus que ne lui commandait la foi. Il lui conseilla alors de renoncer au monde, de faire le sacrifice de tous ses biens, par conséquent de tout ce qu’on appelle plaisir et bonheur dans le monde, et de se consacrer entièrement à Dieu, comme le font à présent les prêtres et les religieux. Ils se dépouillent de tout ce qui est satisfaction du corps, et ils suivent Jésus.

Aussi quand Jésus vit que ce jeune homme n’avait pas le courage de se séparer de ses richesses, il regarda autour de lui et dit :

« Qu’il est difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu ! »

Ses disciples, l’entendant, s’étonnèrent beaucoup.

Et Jésus reprit une seconde fois :

« Mes enfants, qu’il est difficile à ceux qui aiment les richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu. »

Henri. Comment, Grand’mère ! Alors tous les riches iront en enfer ?

Grand’mère. Non ; Notre-Seigneur ne parle que des riches égoïstes, qui mettent tout leur bonheur dans leurs richesses, qui les aiment et qui ne les sacrifieraient pas à la volonté du bon Dieu. Par exemple, s’il fallait faire une mauvaise action ou perdre ses richesses, le riche d’esprit égoïste préférerait commettre le mal pour conserver ses richesses, tandis que le vrai chrétien, celui qui est riche sans aimer ses richesses, aimerait cent fois mieux perdre tout ce qu’il a, qu’offenser le bon Dieu.

Les disciples s’étonnaient de plus en plus et ils se firent la question que vient de faire Henri : « Qui donc pourra être sauvé, car tout le monde, sauf le mendiant, a plus ou moins de fortune sur la terre ? » Jésus, les regardant, dit :

« Cela est impossible aux hommes, mais pas à Dieu, car tout est possible à Dieu. »

Pierre lui dit : « Voilà que nous avons tout quitté pour vous suivre ! quelle sera notre récompense ? »

Jésus leur répondit :

« Je vous le dis en vérité ; vous qui m’avez suivi, lorsque le Fils de l’Homme sera sur le trône de sa gloire, vous serez sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël. Et quiconque laissera sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses fils, ou ses champs, à cause de mon nom, recevra le centuple et possédera la vie éternelle.

« Mais les premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers. »

Louis. Comment cela ? je ne comprends pas.

Grand’mère. Cela veut dire que beaucoup de personnes qui paraissent devoir être des saints, et par conséquent destinés à être les premiers dans le Royaume de Dieu, peuvent devenir mauvais comme Judas, qui a trahi Notre-Seigneur, et qui, au lieu d’aller en Paradis, a été en enfer. Et d’autres qui étaient mauvais et qui semblaient devoir être damnés, peuvent devenir de grands saints, comme saint Paul, qui a commencé par faire mourir les chrétiens et qui est devenu un des Apôtres les plus admirables.

Et puis ces paroles regardent encore la punition de l’incrédulité des Juifs, qui, au lieu de rester enfants de Dieu, sont devenus maudits ; tandis que les peuples païens, qui étaient bien inférieurs aux Juifs, sont devenus les enfants de Dieu et sont montés au premier rang par leur foi en Jésus-Christ. Notre-Seigneur dit alors cette parabole :

XCII

LES OUVRIERS DE LA VIGNE.



« Le Royaume des Cieux est semblable à un père de famille, qui sortit de grand matin afin de louer des ouvriers pour sa vigne. En ayant trouvé quelques-uns, il convint avec eux d’un denier par jour et il les envoya à sa vigne.

« Vers la troisième heure du jour, étant sorti une seconde fois, il vit d’autres ouvriers, qui étaient sans rien faire sur la place, et il leur dit :

« Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste. »

« Et ils y allèrent. Il sortit encore vers la sixième, puis la neuvième heure, et fit de même.

« Enfin, étant sorti vers la onzième heure, il en trouva d’autres qui étaient oisifs ; il leur dit :

« Pourquoi êtes-vous ici tout le jour sans rien faire ? » Ils répondirent : « Parce que personne ne nous a loués. » Il leur dit :

« Allez, vous aussi, à ma vigne. »

« Sur le soir, le maître de la vigne dit à son Intendant :

« Appelez les ouvriers et payez-les en commençant par les derniers venus. »

« Ceux donc qui avaient été appelés vers la onzième heure s’approchèrent et ils reçurent chacun un denier.

« Les premiers venant ensuite, ils pensaient qu’ils recevraient davantage ; mais ils reçurent de même chacun un denier. En le recevant, ils murmuraient contre le père de famille, disant :

« Ces derniers ont travaillé une heure et vous les traitez comme nous, qui avons porté le poids du jour et de la chaleur. »

« Mais lui, leur répondant, dit :

« Mon ami, je ne vous fais pas de tort ; n’êtes-vous pas convenu avec moi d’un denier ? Prenez ce qui est à vous, et allez. Je veux donner à ce dernier comme à vous. Est-ce qu’il ne m’est pas permis de faire ce que je veux ? Et pourquoi voyez-vous de mauvais œil que je sois bon ? Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers. Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »

Élisabeth. Grand’mère, je trouve que les ouvriers qui ont travaillé toute la journée avaient raison de se plaindre ; car ils ont travaillé douze heures et les autres une heure, et on ne leur a pas donné plus qu’aux derniers.

Grand’mère. En effet, si l’on prenait cette parabole à la lettre, il y aurait là quelque chose d’étrange ; et les premiers ouvriers pouvaient espérer d’être payés plus que les derniers venus. Mais ce n’est pas là le sens des paroles du Sauveur. Il veut uniquement faire comprendre aux Juifs orgueilleux et entêtés, que Dieu ne leur fait aucun tort en admettant tous les autres peuples au bonheur de connaître Jésus-Christ, le Sauveur du monde. Le denier donné en récompense à tous les ouvriers, aux derniers comme aux premiers, représente Jésus-Christ qui se donne, avec un égal amour, aux Juifs et aux païens, à tous les hommes de bonne volonté. Cette promesse du denier fait par le père de famille, c’est Jésus-Christ promis comme Sauveur dès le commencement du monde.

Jacques. Et pourquoi le maître ne chasse-t-il pas ceux qui murmuraient ?

Grand’mère. Parce que Notre-Seigneur, qui est infiniment bon, pardonne leur mécontentement et se borne à leur expliquer ce qui leur paraît injuste ; il termine en disant :

« Et pourquoi me regardez-vous de mauvais œil, parce que je suis bon ? »

Jeanne. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Cela veut dire : Parce que je suis bon pour ces hommes, parce que je récompense leur bonne volonté, faut-il que vous en soyez jaloux, que vous les regardiez d’un œil méchant ?

Après cette parabole, Jésus, montant le chemin qui allait à Jérusalem, prédit encore à ses disciples qu’il allait à Jérusalem pour être livré aux Princes des Prêtres et aux Scribes qui le condamneraient à mort ; et qu’ils le livreraient au peuple pour être tourmenté, flagellé, crucifié ; mais qu’il ressusciterait le troisième jour.

XCIII

RÉSURRECTION DE LAZARE.



Il y avait dans la ville de Béthanie un homme bon et riche, nommé Lazare, ami de Jésus ; il était frère de Marthe et Marie, et il tomba malade. Ses sœurs, qui savaient que Jésus l’aimait, lui envoyèrent dire par des amis : « Seigneur, celui que vous aimez est malade. »

Ce qu’entendant, Jésus leur dit :

« Cette maladie n’est pas pour la mort, mais pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de l’Homme soit glorifié par elle. »

Jésus aimait Marthe et Marie-Magdeleine sa sœur, et Lazare. Ayant entendu qu’il était malade, il resta pourtant deux jours encore au lieu où il était. Ensuite, il dit à ses disciples :

« Retournons en Judée ! »

Les disciples lui dirent :

« Maître, il y a peu de jours les Juifs voulaient vous lapider, et vous voulez y retourner ? »

Après avoir fait entendre à ses disciples que rien ne pouvait avancer ni retarder l’heure de sa mort prédite par les Prophètes, Jésus leur dit :

« Notre ami Lazare dort, mais je vais le réveiller. »

Les disciples lui dirent : « S’il dort, il guérira. » Jésus parlait de la mort, mais eux croyaient que c’était le sommeil de la convalescence.

Armand Qu’est-ce que c’est, convalescence ?

Grand’mère. Convalescence veut dire fin de la maladie, guérison, mais faiblesse encore. Alors Jésus leur dit :

« Lazare est mort. Et à cause de vous, je me réjouis de ce que je n’étais pas là. Mais allons à lui. »

Jacques. Et pourquoi donc Notre-Seigneur se réjouit-il de n’avoir pas été là ? Il aurait pu l’empêcher de mourir et le guérir.

Grand’mère. Parce que Notre-Seigneur savait qu’il le ressusciterait, et il se réjouissait de rendre ses disciples témoins d’un si grand miracle.

Thomas, appelé Didyme, dit aux autres disciples : « Et nous aussi, allons et mourons avec lui. » Car ils croyaient tous que Jésus courait les plus grands dangers en allant à Jérusalem.

Jésus vint donc, et il trouva que Lazare était depuis quatre jours dans le sépulcre. Béthanie était à quinze stades de Jérusalem, c’est-à-dire à trois kilomètres, car un stade équivaut à deux cents mètres ; il y avait donc cinq stades par kilomètre.

Beaucoup de Juifs étaient venus près de Marthe et de Marie pour les consoler de la mort de leur frère. Marthe, ayant entendu dire que Jésus venait, alla au-devant de lui ; mais Marie, qui ignorait la venue du Sauveur, était assise dans la maison.

Marthe dit donc à Jésus : « Seigneur, si vous aviez été ici,

Résurrection de Lazare.
Résurrection de Lazare.


mon frère ne serait pas mort. Cependant, je sais que tout ce que vous demanderez à Dieu, Dieu vous le donnera. »

Jésus lui dit :

« Ton frère ressuscitera. »

Marthe lui dit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection au dernier jour. » Jésus lui dit :

« Je suis la résurrection et la vie. Quiconque croit en moi, fût-il mort, vivra.

« Et quiconque vit et croit en moi, ne mourra jamais. Le crois-tu ? »

Elle lui dit : « Oui, Seigneur, je crois que vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant, qui est venu en ce monde. » Ayant dit cela, elle s’en alla, et appela Marie en secret, disant : « Le Maître est là ; il t’appelle. »

Ce que Marie ayant entendu, elle se leva vite et vint à lui. Car Jésus n’était pas encore entré dans le bourg, mais il était dans le lieu où Marthe l’avait rencontré.

Des Juifs qui étaient dans la maison avec Marie et la consolaient, l’ayant vue se lever en hâte et sortir, la suivirent, disant : « Elle va au sépulcre pour y pleurer. »

Mais Marie, étant venue à l’endroit était Jésus et le voyant, tomba à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si vous aviez été ici, mon frère ne serait pas mort. » Et Jésus, lorsqu’il la vit pleurant, et les Juifs qui étaient venus avec elle pleurant aussi, frémit en son esprit, et se troubla lui-même. Il dit :

« Où l’avez-vous déposé ? »

Les Juifs répondirent : « Seigneur, venez et voyez. »

Et Jésus pleura.

Jacques. Jésus pleura ? et pourquoi, s’il l’aimait, ne l’a-t-il pas empêché de mourir ? Les pauvres sœurs et les amis n’auraient pas eu de chagrin, ni Jésus non plus.

Grand’mère. Jésus pleura pour nous montrer par son exemple qu’il est permis de pleurer ses parents et ses amis ; et qu’abandonner le monde pour vivre chrétiennement, pieusement, ne veut pas dire qu’on ne puisse continuer à aimer tendrement ses parents et ses amis. Notre-Seigneur voulut laisser mourir Lazare pour opérer le miracle éclatant de sa résurrection, afin de ne rien négliger pour ouvrir les yeux aux Juifs sur sa puissance divine ; et plus la mort de Lazare était constatée par la douleur des sœurs et des amis, plus le miracle de la résurrection devait avoir de retentissement.

Quand les Juifs le virent pleurer, ils dirent : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais quelques-uns d’entre eux dirent :

« Lui qui a ouvert les yeux d’un aveugle-né, ne pouvait-il pas faire que celui-ci ne mourût point ? »

Jésus, frémissant de nouveau en lui-même, vint au sépulcre ; c’était une grotte, et une pierre était posée dessus. Jésus dit :

« Ôtez la pierre. »

Marthe, sœur de Lazare, répondit : « Seigneur, il sent déjà mauvais, car il y a quatre jours qu’il est là. » Jésus lui dit :

« Ne t’ai-je pas dit que si tu croyais, tu verrais la gloire de Dieu ? »

Ils ôtèrent donc la pierre. Alors Jésus, levant les yeux, dit :

« Père, je vous rends grâce de ce que vous m’avez écouté. Pour moi, je savais que vous m’écouteriez toujours, mais j’ai dit ceci à cause de ce peuple qui m’entoure, afin qu’ils croient que vous m’avez réellement envoyé. » Ayant dit cela, il cria d’une voix forte :

« Lazare, sors du tombeau ! »

Et aussitôt, celui qui avait été mort, sortit, les pieds et les mains entourés de bandelettes et le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le et laissez-le aller. »

Valentine. Pourquoi l’avait-on attaché avec des bandelettes ?

Grand’mère. C’était l’usage, chez les Juifs, d’arranger ainsi les morts. On leur remplissait la bouche, les narines, les oreilles, d’herbes aromatiques ; on les enveloppait de bandelettes de lin ou de toile, et par-dessus on roulait une grande pièce d’étoffe pour que le mort fût bien enveloppé de la tête aux pieds. Une tromperie était donc impossible ; car aucun homme n’aurait pu vivre même quelques minutes, enveloppé ainsi ; et les Juifs présents au miracle ne pouvaient pas le nier, ou même faire semblant de n’y pas croire. Aussi beaucoup d’entre les Juifs qui étaient venus près de Marthe et Marie, et qui avaient vu ce grand miracle fait par Jésus, crurent en lui.

Mais plusieurs allèrent trouver les Pharisiens, et leur dirent ce qui venait de se passer. Les Pontifes et les Pharisiens assemblèrent alors le conseil et dirent : « Que ferons-nous ? Car cet homme fait beaucoup de miracles. Si nous le laissons faire, tous croiront en lui, et les Romains viendront et ils nous ruineront nous et notre ville. »

Un d’eux, nommé Caïphe, qui était Grand Prêtre cette année…

Henriette. Comment, cette année ? Est-ce que le Grand Prêtre ne restait pas jusqu’à la mort le chef des autres comme maintenant le Pape ?

Grand’mère. Non ; on le nommait tous les ans.

Henriette. Et qui est-ce qui le nommait ?

Grand’mère. Un tribunal qu’on appelait le Sanhédrin, qui était composé de soixante-dix Prêtres et Docteurs, et qui était présidé par le Grand Prêtre.

Caïphe, qui était Grand Prêtre cette année, leur dit : « Vous n’y entendez rien ! Vous ne songez pas qu’il est plus utile qu’un homme meure pour le peuple, plutôt que de laisser périr la nation entière. »

Louis. C’est bien méchant ce qu’il dit, car il savait bien que Jésus était innocent et excellent.

Grand’mère. Il le savait très-bien, de même que les autres Juifs, mais il craignait que les Romains ne fussent jaloux de l’admiration que le peuple avait pour Jésus, et de sa puissance qui augmentait tous les jours, et qu’ils n’envoyassent des troupes pour chasser les Prêtres, les Pharisiens et tous ceux que les Romains avaient chargés de gouverner le peuple juif. Et puis, le bon Dieu permettait que le méchant Caïphe aidât ainsi à l’accomplissement des prophéties qui annonçaient la mort du Sauveur pendant le pontificat de ce même Caïphe.

Et à partir de ce jour, les Pharisiens et les Docteurs de la loi cherchèrent à faire mourir Jésus.

Et Jésus le sachant, ne se montra plus en public chez les Juifs ; mais il se retira dans un pays près du désert, en une ville nommée Éphrem, et il y resta avec ses disciples.

Élisabeth. Pourquoi Notre-Seigneur ne se montrait-il plus, puisqu’il voulait se laisser tuer par les Juifs ?

Grand’mère. Parce que le temps n’était pas encore venu et qu’il fallait que les prophéties s’accomplissent.

Or, la Pâque des Juifs approchait, et beaucoup d’habitants d’Éphrem allèrent à Jérusalem pour se purifier avant la Pâque.

Valentine. Comment se purifiaient-ils ?

Grand’mère. En offrant des sacrifices pour effacer, laver leurs péchés, et se trouver purs de tout mal ; c’était une image de notre Pâque à nous ; nous devons à ce moment nous purifier tout particulièrement de nos péchés par la confession, avant de manger l’agneau pascal, c’est-à-dire avant de communier et recevoir le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Les habitants d’Éphrem cherchaient Jésus, et s’étonnaient de ne pas le trouver et qu’il ne fût pas venu pour la fête. Et les Pharisiens et les Princes des Prêtres avaient donné ordre que si quelqu’un savait où il était, de le leur faire savoir, parce qu’ils voulaient le prendre.

XCIV

JÉSUS VA À JÉRUSALEM
ET PRÉDIT ENCORE SA MORT ET SA RÉSURRECTION.



Jésus se mit en route avec ses disciples pour aller à Jérusalem, et il marchait devant eux. Ils étaient tout étonnés de le voir marcher ainsi, et ils le suivaient avec crainte.

Jeanne. Pourquoi cela, et pourquoi étaient-ils étonnés ?

Grand’mère. Ils étaient étonnés de voir Jésus aller avec tant de fermeté aux souffrances et à la mort qu’il avait prophétisées, et ils le suivaient parce qu’ils l’aimaient et ne voulaient pas l’abandonner ; mais ils le suivaient avec crainte parce qu’ils avaient peur d’être saisis et maltraités avec lui.

Jésus, prenant à part ses douze Apôtres, leur parla encore des prophéties qui allaient s’accomplir à Jérusalem, et il leur répéta que les Juifs le livreraient aux Princes des Prêtres et aux Pharisiens ; qu’ils le condamneraient à mort ; qu’on se moquerait de lui, qu’on lui cracherait au visage, qu’on le flagellerait, qu’on le ferait mourir, et qu’il ressusciterait le troisième jour. Mais les Apôtres ne comprirent pas tout cela ; leur esprit n’était pas encore ouvert : c’était pourtant une des prophéties les plus frappantes et les plus précises de l’Évangile. En marchant vers Jéricho, Notre-Seigneur guérit encore un aveugle qui criait au bord de la route : « Fils de David, ayez pitié de moi ! » Jésus le guérit ; et l’aveugle vit clair et suivit son Sauveur en rendant gloire à Dieu.


XCV

ZACHÉE REÇOIT JÉSUS DANS SA MAISON.



Notre-Seigneur, étant entré à Jéricho, traversait la ville. Or, il y avait un chef de Publicains, homme riche, nommé Zachée, qui cherchait à voir Jésus, pour le connaître. Comme il était très-petit, la foule l’empêchait de voir et d’approcher. Alors il courut en avant, et monta sur un sycomore devant lequel devait passer le Sauveur.

Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux, et l’ayant vu, il lui dit :

« Zachée, descends vite, car il faut aujourd’hui que je demeure dans ta maison. »

Zachée s’empressa de descendre, et il reçut Jésus avec joie.

Ce que voyant, les Juifs murmuraient tous, disant : « Il est descendu chez un Publicain, chez un pécheur public. »

Mais l’humble Zachée, se tenant debout respectueusement devant le Seigneur, lui dit devant tous : « Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres ; et si j’ai fait tort à quelqu’un en quoi que ce soit, je lui rendrai quatre fois autant. »

Jésus lui dit :

« Cette maison a reçu aujourd’hui le salut, car le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »

Jeanne Je ne comprends pas très-bien, Grand’mère. Pourquoi Notre-Seigneur dit-il qu’il est venu chercher ce qui était perdu ? Et pourquoi Zachée veut-il donner ses biens et rendre plus qu’il n’a pris ?

Grand’mère. Notre-Seigneur veut parler de l’âme, qui pouvait être perdue par le péché et par l’amour des richesses ; et c’est cette âme que Notre-Seigneur est venu sauver.

Et Zachée veut donner une partie de ses biens pour réparer le tort qu’il avait fait en exigeant des payements trop considérables : car tu te souviens que les Publicains étaient chargés de l’aire payer par chacun ce qui était dû à l’État et que souvent ils faisaient payer plus qu’on ne devait ; et Zachée, pour se punir de son injustice, promet de donner quatre fois plus qu’il n’avait reçu injustement. Et c’est cette bonne résolution qui prouve le repentir sincère de Zachée et qui fait dire à Notre-Seigneur que sa visite dans cette maison y a apporté le salut et la paix.

Jésus ajouta encore une parabole.

XCVI

PARABOLE DES MINES D’ARGENT.



« Un homme d’une grande naissance s’en alla dans un pays lointain pour prendre possession d’un royaume et revenir ensuite. Ayant appelé dix de ses serviteurs, il leur donna dix mines ou marcs d’argent, et leur dit : « faites-les valoir « jusqu’à ce que je revienne. »

Armand. Combien ça fait, dix mines d’argent ?

Grand’mère. Une mine d’argent vaut à peu près quatre-vingt-treize francs ; ainsi, dix mines valaient neuf cent trente francs.

Armand. Ce n’est pas beaucoup pour un Roi !

Grand’mère. Dans ce temps-là, mille francs équivalaient à vingt mille francs de notre temps à nous, parce que tout était bien meilleur marché ; d’ailleurs, ce Roi ne devait rien à ses serviteurs ; il leur donne cet argent pour éprouver leur habileté à le bien employer, le plus avantageusement possible.

« Les gens de son pays, qui étaient mauvais et qui le haïssaient, envoyèrent des députés chargés de lui dire : « Nous ne voulons pas que ce Roi règne sur nous. » Mais lui étant revenu prendre possession de son Royaume, fit appeler les serviteurs auxquels il avait donné de l’argent, pour connaître le profit que chacun en avait tiré. Le premier vint, et dit : « Seigneur, votre mine a produit dix autres mines. » Il lui dit : « Bien, bon serviteur ; parce que tu as été fidèle en peu de chose, tu seras Gouverneur de dix villes. »

« Un autre vint et dit : « Seigneur, votre mine a produit cinq autres mines. » Il dit à celui-ci : « Tu seras établi Maître de cinq villes. »

« Un autre vint et dit : « Seigneur, voilà votre mine, que j’ai gardée soigneusement enveloppée dans un linge. J’ai eu peur de vous, parce que vous êtes un homme sévère ; vous enlevez ce que vous n’avez pas posé, et vous moissonnez ce que vous n’avez pas semé. »

« Le Maître lui dit : « Je te juge par tes paroles, méchant serviteur. Tu sais que je suis un homme sévère, qui enlève ce que je n’ai pas posé, et qui moissonne ce que je n’ai pas semé. Pourquoi donc n’as-tu pas mis mon argent à la banque où il aurait pu rapporter ? »

« Et il dit à ceux qui étaient présents :

« Ôtez-lui la mine d’argent et donnez-la à celui qui en a dix. »

« Ils lui dirent :

« Seigneur, il a déjà dix mines. »

« Mais lui reprit :

« Je vous le dis, on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance ; et celui qui n’a pas, on lui ôtera même ce qu’il a. Et quant à mes ennemis, ceux qui n’ont pas voulu que je régnasse sur eux, amenez-les ici, et tuez-les devant moi. »

Henri. Ah ! mon Dieu ! Comme il était sévère, ce Roi. Je ne voudrais pas être son sujet !

Valentine. Mais que veut dire cette parabole ? J’ai beau chercher, je ne comprends pas.

Grand’mère. Le Roi, c’est le bon Dieu. Ses serviteurs sont les hommes. Les mines qu’il donne sont les différentes grâces qu’il distribue aux hommes : esprit, intelligence, force, courage, adresse, bonté, patience, charité, et autres vertus, car il y en a une infinité.

Les ennemis qui ne veulent pas de lui pour leur Roi sont les Juifs, qui refusent de reconnaître Notre-Seigneur et qui le lui font savoir. Les bons serviteurs qui ont fait profiter et augmenter l’argent que leur maître leur avait confié sont les bons, les justes, qui ont acquis de grands mérites avec les grâces que le bon Dieu leur avait accordées, les uns plus, les autres moins, selon qu’ils avaient reçu plus ou moins d’intelligence ou de capacité.

Les villes que donne le Roi aux bons serviteurs représentent la récompense que nous accordera le bon Dieu selon les services que nous lui aurons rendus, ou le bien que nous aurons fait. Le mauvais serviteur, qui a enfoui sa mine au lieu de chercher à l’augmenter, représente ceux qui perdent les bonnes qualités et les grâces que leur avait accordées le bon Dieu et dont ils n’ont fait aucun usage.

Les méchants révoltés qui refusent de reconnaître leur Roi, sont les Juifs et les mauvais chrétiens qui repoussent et renient leur Dieu et qui ne veulent pas se repentir. Les grâces qui leur étaient destinées et dont ils n’ont pas voulu profiter sont données aux fidèles et intelligents serviteurs, lesquels ont fait voir qu’ils savaient apprécier et augmenter les trésors confiés à eux par leur maître, le bon Dieu.

Notre-Seigneur ayant dit ces choses, continua à marcher vers Jérusalem, et guérit encore un aveugle, qui le suivit comme avait fait l’autre.


XCVII

MARIE-MAGDELEINE RÉPAND UNE SECONDE FOIS
DES PARFUMS SUR LES PIEDS DE JÉSUS.



Six jours avant la Pâque, Notre-Seigneur vint à Béthanie, où Lazare avait été ressuscité. Marthe servait à table, et Lazare était un de ceux qui dînaient avec le Seigneur. Marie prit une livre d’huile de nard ; c’était un parfum très-précieux ; elle brisa le vase qui le contenait, et répandit le nard sur les pieds de Jésus. La maison fut remplie de l’excellente odeur de ce parfum. Alors Judas Iscariote, celui qui devait trahir Notre-Seigneur, se mit à dire…

Jacques. Comment trahir ? Pourquoi Notre-Seigneur, qui savait tout, gardait-il près de lui un traître, un scélérat pareil ?

Grand’mère. Parce que Notre-Seigneur voulait que les Écritures, c’est-à-dire les prophéties, s’accomplissent ; ensuite parce qu’il voulut jusqu’à la fin faciliter à Judas les moyens de chasser les affreux sentiments qui entraient dans son cœur et ne rien négliger pour les changer en sentiments de foi, d’amour et de repentir ; la vue des miracles de Jésus, de sa

Marie-Madeleine répand des parfums sur Jésus-Christ.
Marie-Madeleine répand des parfums sur Jésus-Christ.


bonté si grande et si constante, aurait dû le remplir d’amour et de regret ; mais il se laissa entraîner par le méchant démon, et vous verrez qu’il se perdit pour l’éternité.

Judas Iscariote se mit donc à dire :

« Que ne vendait-on plutôt ce parfum pour trois cents deniers qu’on aurait donnés aux pauvres ? »

Ce qu’il disait n’était pas par charité pour les pauvres, mais parce que c’était lui qui avait la bourse, c’est-à-dire qui était chargé de la dépense et qui gardait l’argent.

Jésus lui dit :

« Pourquoi fais-tu de la peine à cette femme ? Ce qu’elle vient de faire pour moi est une bonne œuvre ; vous aurez toujours des pauvres avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. En répandant ce parfum sur moi, elle a prévenu l’heure de ma sépulture. Je vous le dis en vérité, dans tous les lieux où sera prêché cet Évangile, on racontera à la louange de cette femme ce qu’elle vient de faire pour moi. »

Une foule de Juifs, ayant appris que Jésus était là, vinrent non-seulement pour le voir, mais aussi pour voir Lazare, qu’il avait ressuscité d’entre les morts.

Et les princes des prêtres cherchèrent les moyens de faire mourir aussi Lazare, parce que plusieurs Juifs se séparaient d’eux à cette occasion, et croyaient en Jésus-Christ.

XCVIII

ENTRÉE TRIOMPHANTE DE JÉSUS DANS JÉRUSALEM.



Le lendemain, Notre-Seigneur étant arrivé près de Bethphagé, à la montagne qu’on appelle des Oliviers, appela deux de ses disciples et leur dit :

Allez à ce village qui est devant vous ; quand vous y serez entrés, vous trouverez un ânon attaché, sur lequel aucun homme n’est encore monté ; détachez-le, et amenez-le-moi. Et si quelqu’un vous dit : « Que faites-vous ? » Dites : « Le Seigneur en a besoin. » et aussitôt on vous le laissera emmener. »

Et s’en allant, ils trouvèrent l’ânon attaché dehors, à la porte, entre deux chemins, et ils le délièrent. Quelques-uns de ceux qui étaient là leur dirent :

« Que faites-vous ? Pourquoi déliez-vous cet ânon ? »

Ils répondirent comme Jésus le leur avait commandé, et ils les laissèrent emmener l’ânon.

Ils conduisirent l’ânon à Jésus, ils mirent leurs vêtements sur son dos et Notre-Seigneur s’assit dessus. Et plusieurs étendaient leurs vêtements par terre le long de la route ; d’autres coupaient des branches d’arbres et les jetaient sur le chemin.

Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient, criaient : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le fils de David ! Hosanna au plus haut des cieux ! »

Quelques Pharisiens qui se trouvaient parmi le peuple lui dirent :

« Maître, faites taire vos disciples. »

Il leur répondit :

« Si ceux-ci se, taisent, les pierres même crieront. »

Petit-Louis. Comment les pierres pouvaient-elles crier ?

Grand’mère. Notre-Seigneur veut dire qu’il y avait un tel entraînement, un tel enthousiasme parmi ce peuple, qu’il était impossible de le faire taire, et que rien ne l’empêcherait de crier Hosanna, c’est-à-dire Gloire à Dieu, en son honneur.


XCIX

NOTRE-SEIGNEUR PLEURE SUR JÉRUSALEM.



Jésus, étant arrivé près de Jérusalem, jeta les yeux sur cette ville et pleura sur elle, disant :

« Ah ! si du moins en ce jour qui t’est encore donné tu connaissais ce qui peut te procurer la paix ! Mais, maintenant ces choses sont cachées à tes yeux ! Des jours malheureux viendront sur toi ; tes ennemis t’environneront de tranchées et t’enfermeront et te serreront de toutes parts ! Ils te jetteront à terre, ainsi que les enfants qui sont au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas voulu reconnaître le temps où tu as été visitée ! »

Élisabeth. Grand’mère, il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas bien ; d’abord qu’est-ce que ça fait à Notre-Seigneur que Jérusalem soit malheureuse, puisque les Juifs sont si méchants pour lui ? et puis quels sont les ennemis de Jérusalem et comment n’a-t-elle pas voulu connaître le temps où elle a été visitée, et par qui a-t-elle été visitée ?

Grand’mère. Notre Seigneur s’afflige des malheurs qu’il sait devoir tomber sur Jérusalem, parce que, malgré la méchanceté des Juifs, il les aime comme il aime les autres hommes, et plus encore puisqu’ils étaient son peuple choisi ; il désire qu’ils connaissent la vérité, qu’ils ouvrent les yeux et qu’ils obtiennent le bonheur éternel.

Les ennemis des Juifs étaient les Romains, lesquels, quarante ans après la mort de Notre-Seigneur, se rendirent maîtres de Jérusalem et la détruisirent entièrement. C’est la punition de l’aveuglement volontaire des Juifs, qui ont connu les miracles de Jésus-Christ, qui auraient dû comprendre qu’il était le Messie promis et attendu, et qui, de peur de perdre leur pouvoir, de peur de se trouver obligés d’obéir au lieu de commander, de se voir méprisés pour leurs vices au lieu d’être honorés pour leurs fausses vertus, ont fait tous leurs efforts pour faire mourir leur Sauveur. Ils y sont parvenus. Ils ont cherché ensuite à cacher sa résurrection, laquelle a été connue malgré eux, à leur grande colère comme vous le verrez bientôt. Ils n’ont donc pas voulu connaître le temps où Notre-Seigneur les a visités, ni reconnaître sa Divinité, ni avouer qu’il était le Messie, le Fils de Dieu attendu par tous les Juifs.

Notre-Seigneur paria encore longtemps au peuple ; il dit qu’il ne voulait pas demander à son Père de le délivrer de cette heure où il devait tant souffrir ; parce que, dit-il, c’est pour cette heure que je suis venu en ce monde ; le prince de ce monde, le démon, va être chassé, et moi je serai élevé de terre et j’attirerai tout à moi. Il voulait parler de la croix sur laquelle il serait attaché, et il voulait annoncer que sa mort amènerait la conversion de beaucoup de peuples qui seraient sauvés par lui. Il ajouta :

« Je suis la lumière ; je suis venu dans le monde pour éclairer les âmes et pour les sauver ; ceux qui n’écouteront pas mes paroles seront jugés au dernier jour, et tout ce que je dis c’est par l’ordre de mon Père qui m’a envoyé. »

Et la multitude tout émue demandait :

« Quel est donc celui-ci ? »

Et la foule qui l’avait suivi répondait :

« C’est Jésus, le prophète de Nazareth en Galilée. »

Petit-Louis. Notre-Seigneur était-il réellement un prophète ?

Grand’mère. Notre-Seigneur était plus qu’un prophète. Il était le Roi et le Dieu des prophètes. Seulement les Juifs, témoins de ses miracles et ne sachant pas qu’il était le Fils de Dieu, ne voyaient en lui qu’un envoyé de Dieu, un prophète comme Isaïe, Jérémie, et les autres prophètes qui l’avaient précédé.

Jésus entra dans le Temple et il guérit les boiteux, les aveugles, les infirmes qui vinrent à lui. Les enfants criaient : Hosanna au Fils de David !

Henriette. Que veut dire Hosanna ?

Grand’mère. Hosanna veut dire Gloire.

Les Pharisiens en furent indignés et lui dirent :

Entendez-vous ce que crient les enfants ?

— Oui, leur répondit Jésus ; mais n’avez-vous jamais lu cette parole de l’Écriture : C’est de la bouche des enfants que vous avez reçu la louange la plus parfaite. »

Et Jésus, les ayant quittés, retourna à Béthanie avec les douze Apôtres.


C

LE FIGUIER MAUDIT.
LES VENDEURS CHASSÉS DU TEMPLE.



Le lendemain, lorsqu’ils sortaient de Béthanie, Notre-Seigneur eut faim, car étant vraiment homme, il avait voulu se soumettre à toutes les nécessités de la nature humaine. Apercevant de loin un figuier qui avait des feuilles, il s’avança pour voir s’il y trouverait quelque fruit ; et s’en étant approché, il n’en vit pas, car ce n’était pas la saison des figues.

Adressant la parole au figuier, Notre-Seigneur lui dit :

« Que jamais il ne naisse de toi aucun fruit. »

Jacques. Mais ce n’était pas la faute du figuier, puisque ce n’était pas la saison des figues !

Grand’mère. Non ; mais les figuiers ont à la fois des feuilles et des fruits, de sorte que cet arbre ayant des feuilles malgré que ce ne fût pas la saison, on devait croire qu’il avait aussi des figues ; c’était donc un figuier trompeur, et Notre-Seigneur, en le maudissant, a voulu nous faire comprendre combien était coupable l’hypocrite qui fait croire à des vertus qu’il n’a pas.

Quand ils furent à Jérusalem, Jésus entra dans le Temple et il y trouva, comme nous l’avons déjà vu une fois, des vendeurs d’animaux et des changeurs d’or et d’argent établis dans la partie du Temple où ils ne devaient pas entrer. Il chassa avec une sainte indignation leurs animaux, renversa leurs tables et leurs sièges, et il leur disait :

« N’est-il pas écrit : Ma maison est une maison de prières et vous en faites une caverne de voleurs ! »

Jacques. Et si ces hommes s’étaient mis en colère ? S’ils avaient résisté ?

Grand’mère. Notre-Seigneur avait la puissance de sa Sainteté et de sa Divinité ; et quand il le voulait, personne ne pouvait y résister. Et puis les voleurs sont toujours lâches.

Le soir étant arrivé, il sortit de la ville.


CI

LE FIGUIER DESSÉCHÉ.
RÉPONSE DE JÉSUS AUX PHARISIENS.



Le lendemain, Notre-Seigneur retourna encore à Jérusalem, et en passant devant le figuier qu’il avait maudit la veille, les disciples virent que cet arbre était tout à fait desséché par l’effet de la malédiction du Seigneur.

Jésus entra dans le Temple ; les Princes des Prêtres, les Docteurs de la loi et les Anciens s’approchèrent de lui et lui dirent :

« Dites nous par quelle autorité vous faites toutes ces choses et qui vous a donné le pouvoir de les faire ? »

Jésus leur répondit :

« J’ai aussi une question à vous adresser ; répondez-moi : Le baptême de Jean venait-il de Dieu ou des hommes ? »

Ils se consultèrent entre eux et ils firent en eux-mêmes ce raisonnement :

« Si nous répondons de Dieu, il nous dira : Pourquoi donc n’y avez-vous pas cru ? Si nous répondons qu’il venait des hommes, le peuple nous lapidera, car ils sont tous persuadés que Jean était un prophète. »

Ils répondirent donc à Jésus :

Nous ne savons pas.

— Eh bien ! leur dit Jésus, je ne vous dirai pas non plus par quelle autorité je fais ces choses. »

Louis. Pourquoi donc Notre-Seigneur n’a-t-il pas voulu répondre, lui qui a déjà si bien répondu d’autres fois ?

Grand’mère. Parce que Notre-Seigneur savait que sa réponse n’aurait aucun bon résultat, car ces Juifs ne le questionnaient pas pour savoir la vérité, dont ils ne se souciaient pas, mais pour l’embarrasser et lui faire dire des paroles que dans leur méchanceté ils pourraient mal répéter et interpréter dans un mauvais sens.

CII

PARABOLE DES VIGNERONS.
FESTIN DU PÈRE DE FAMILLE.



Notre-Seigneur leur dit ensuite une parabole :

« Que vous semble de ceci ? dit-il. Un homme avait deux fils. Appelant le premier il lui dit : « Mon fils, allez aujourd’hui travailler à ma vigne. » — « Non, répondit le fils ; je ne veux pas y aller. » Pourtant il se repentit de ses paroles et il alla travailler à la vigne de son père. Le père s’adressa à l’autre fils et lui donna le même ordre. Il répondit : « Oui, mon père, j’y vais. » Mais il n’y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté de son père ?

— Le premier, » dirent-ils.

Alors Jésus ajouta :

« En vérité, je vous le dis, les Publicains et les pécheresses entreront avant vous dans le Royaume de Dieu ; parce que Jean est venu à vous, menant une vie innocente et pénitente, et vous ne l’avez pas cru, tandis que les Publicains et les pécheresses ont ajouté foi à ses discours. Et leur exemple ne vous a donné ni la foi ni le repentir.

« Écoutez une autre parabole : « Un père de famille planta une vigne et l’entoura d’une haie. Il y établit un pressoir et bâtit une tour, puis il la loua à des vignerons et s’en alla en pays étranger. Le temps des vendanges étant venu, il envoya ses serviteurs aux vignerons pour recueillir le fruit de sa vigne. Mais les vignerons, s’étant saisis des serviteurs, frappèrent l’un, tuèrent l’autre, et en lapidèrent plusieurs. Il envoya d’autres serviteurs en plus grand nombre que les premiers, mais on les traita de même. Enfin, il leur envoya son fils, disant : « Ils auront du respect pour mon fils. »

« Mais les vignerons, voyant venir le fils, dirent entre eux : « Voici l’héritier, venez, tuons-le, et nous aurons son héritage. » Alors, s’étant saisis de lui, ils le tuèrent et le jetèrent hors de la vigne.

« Quand viendra le maître, que fera-t-il de ces méchants ? »

Les Juifs lui répondirent : « Il les fera périr et il louera sa vigne à d’autres vignerons, qui lui rendront ce qu’elle aura rapporté. Mais, à Dieu ne plaise ! » ajoutèrent-ils.

HENRI. Qu’est-ce que c’est donc, Grand’mère, que ces vignerons, et pourquoi les Juifs disent-ils : À Dieu ne plaise !

Grand’mère. Le maître de la vigne, c’est le bon Dieu.

La vigne, c’est la vraie religion, qui porte des fruits, la foi, l’espérance, la charité, et toutes les vertus qui proviennent de ces trois vertus principales.

Les vignerons ce sont les Juifs, auxquels le bon Dieu a confié le soin de cultiver la foi et de la répandre.

Les serviteurs envoyés aux vignerons, ce sont les Prophètes, que les Juifs ont outragés, chassés et même tués.

Le fils, c’est Notre-Seigneur, que les Juifs chassèrent de la Synagogue et mirent à mort.

Les vignerons, qui remplacent les premiers, sont les païens, qu’on nomme aussi les gentils, qui ont reçu le don de la foi, et qui, à la place des Juifs indignes de cette grâce, ont connu la vraie religion.

Armand. Pourquoi les a-t-on appelés gentils ?

Grand’mère. Ce n’est pas parce qu’ils étaient bons. Le mot gentils veut dire en latin peuples, nations.

Les Juifs s’écrient : À Dieu ne plaise ! parce qu’ils ont compris la parabole de Notre Seigneur et qu’ils ont peur des maux qu’ils attireraient sur eux-mêmes et sur leur nation en faisant mourir le Messie, le Fils de Dieu.

Les Princes des Prêtres et les Pharisiens, comprenant que les paroles de Notre-Seigneur et les menaces qu’il adressait de la part de Dieu son Père étaient dites pour eux, cherchèrent à s’emparer de lui ; mais ils craignaient le peuple, qui honorait Jésus comme un Prophète, et ils n’osèrent le prendre.


CIII

LES NOCES DU FILS DU ROI.



Notre-Seigneur continua à parler en paraboles.

« Le royaume des Cieux, dit-il, est semblable à un Roi qui célébrait les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs chercher ceux qui étaient invités ; mais ils refusèrent de venir. Il envoya encore d’autres serviteurs avec ordre de dire : « J’ai préparé mon festin ; j’ai tué mes bœufs et tout ce qui avait été engraissé ; venez, tout est prêt. » Mais les invités ne les écoutèrent pas et s’en allèrent, l’un à sa maison de campagne, l’autre à son commerce ; d’autres se saisirent des serviteurs, les accablèrent d’outrages et les tuèrent.

« À cette nouvelle, le Roi, fort en colère, envoya des soldats pour exterminer les meurtriers et brûler leurs demeures. Alors il dit à ses serviteurs : « Le festin des noces est prêt, mais ceux que j’avais invités n’étaient pas dignes d’y assister ; allez donc dans les places publiques, et appelez aux noces tous ceux que vous trouverez. »

« Les serviteurs allèrent dans toutes les rues de la ville, rassemblèrent tous ceux qu’ils rencontrèrent, bons et mauvais ; et la salle du festin fut remplie.

« Le Roi, étant entré pour voir ceux qui étaient à table, aperçut un homme qui n’était pas revêtu de la robe nuptiale. »

Armand. Qu’est-ce que c’est, la robe nuptiale ?

Grand’mère. La robe nuptiale est un bel habit qu’on donnait pour les jours de fête à tous les invités.

« Mon ami, lui dit le Roi, comment êtes-vous entré ici sans avoir la robe nuptiale ? » Cet homme ne répondit rien.

« Alors le Roi dît à ses serviteurs : « Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dehors dans les ténèbres. »

« C’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents. Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »

Louis. Je ne comprends pas bien cette parabole. Que signifient le Roi et les noces du fils du Roi ?

Grand’mère. Le Roi était l’image du bon Dieu, comme dans toutes les paraboles de Notre-Seigneur.

Les noces du fils du Roi signifiaient l’union de Jésus, Fils de Dieu, avec les hommes dont il a bien voulu prendre la nature et la forme.

Les invités représentaient les Juifs, invités les premiers, pour venir prendre part au festin de l’Eucharistie, que Notre-Seigneur allait instituer sous peu de jours, comme je vous le dirai bientôt, et dans lequel Dieu se donne lui-même à nous, pour nous servir de nourriture.

Les serviteurs qu’il envoie sont d’abord les Prophètes, puis les Apôtres, les disciples, et plus tard les Prêtres, les Missionnaires, qui ont été accablés d’outrages, de mauvais traitements et qui ont été mis à mort.

Les soldats envoyés par le Roi pour punir les méchants, représentent les malheurs, les calamités, comme la guerre, la peste, les maladies, les révolutions, que Dieu envoie pour châtier les hommes et les peuples qui repoussent les envoyés de Dieu et qui les maltraitent au lieu de les honorer et de les écouter.

Le festin auquel assiste un homme qui n’est pas revêtu de la robe nuptiale, est la sainte Communion, que veulent recevoir les personnes qui n’ont pas purifié leur âme par une sincère confession, par le repentir de leurs fautes et qui vivent dans le péché.

Le silence que garde l’homme non revêtu de la robe nuptiale, représente la dureté de cœur, l’indifférence de ceux qui n’écoutent pas la voix de Dieu et qui restent pécheurs.

L’ordre donné par le Roi de jeter cet homme dans les ténèbres extérieures, c’est le jugement de Dieu contre les pécheurs rebelles qui meurent dans leurs péchés et que Dieu condamne à l’enfer.

CIV

LE TRIBUT À CÉSAR.



Les Pharisiens se retirèrent ensuite pour délibérer sur les moyens de perdre Notre-Seigneur, et ils décidèrent qu’il fallait tâcher de le faire parler contre la loi et contre César, qui était leur Empereur. Ils envoyèrent donc des espions pour l’interroger sur ce qu’ils devaient faire pour le tribut de l’Empereur ; ils se présentèrent comme des gens de bien qui venaient le consulter :

« Seigneur, lui dirent ces hypocrites, nous savons que vous êtes un homme sage et prudent et que vous ne donnez que de bons conseils. Dites-nous votre avis sur ceci. Est-il permis ou n’est-il pas permis de payer le tribut à César ? »

Jésus, connaissant leur malice, leur répondit :

« Hypocrites, pourquoi me tentez-vous ? Montrez-moi la pièce d’argent qu’on doit payer pour le tribut. »

Ils lui présentèrent un denier.

Petit-Louis. Combien ça faisait, un denier ?

Grand’mère. Je vous ai déjà dit, je crois, qu’un denier faisait à peu près quatre-vingts centimes de notre monnaie.

Jacques. Ce n’était pas beaucoup ; pourquoi les Juifs étaient-ils mécontents de payer si peu de chose ?

Grand’mère. Parce que cette obligation de payer un tribut leur rappelait que les Romains les avaient conquis, et ils en étaient humiliés.

Notre-Seigneur, voyant le denier, leur dit :

« De qui est cette image et cette inscription ?

— De César, lui dirent-ils.

— Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »

Élisabeth. Comme c’est bien répondu ! Comme Notre-Seigneur fait de belles réponses quand les Juifs veulent l’embarrasser !

Pierre. Ils ont dû être bien attrapés et furieux ; car il n’y avait rien à redire à cette réponse.

Grand’mère. L’Évangile dit qu’ayant entendu la réponse de Notre-Seigneur, ils furent remplis d’admiration et que, le laissant, ils s’en allèrent.

Henri. Et ils ne se convertirent pas ?

Grand’mère. L’Évangile ne le dit pas. Probablement qu’ils restèrent ce qu’ils étaient, pleins d’orgueil, de haine et de jalousie, car il est impossible que le repentir entre dans un cœur rempli d’orgueil, de haine et d’envie.

CV

RÉSURRECTION DES MORTS.



D’autres Docteurs juifs qui appartenaient à une secte qu’on nommait les Saducéens, vinrent le même jour questionner Notre-Seigneur sur la résurrection des morts à laquelle ils ne croyaient pas ; dans l’espoir de ridiculiser la résurrection et une autre vie, ils lui dirent :

« Seigneur, Moïse a écrit dans la loi que si un homme épouse une femme et qu’il meure sans enfants, sa veuve doit épouser le frère de cet homme. Or, il y avait parmi nous sept frères, dont le premier se maria et mourut sans enfants ; le second épousa la même femme et mourut aussi sans enfants. De même du troisième et des quatre derniers frères. Lorsqu’ils ressusciteront tous, lequel des sept frères sera le mari de la femme, car tous sept l’ont épousée ? »

Jésus leur répondit : « Vous ne savez ce que vous dites ; vous ne comprenez rien aux Écritures non plus qu’à la toute-puissance de Dieu. Les hommes de ce monde épousent des femmes et les femmes épousent des hommes. Mais, dans la résurrection, dans l’autre vie, il n’y aura ni maris ni femmes, ils ne pourront plus mourir, parce qu’étant ressuscités, ils seront tous dans le ciel comme des anges de Dieu.

« Et quant à la résurrection, à laquelle vous ne croyez pas, n’avez-vous pas lu ce qui vous a été dit par Dieu lui-même : « Je suis le Dieu d’Abraham, et le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob. » Or, Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants. »

Pierre. Grand’mère, je ne trouve pas que cela prouve que les morts ressuscitent.

Grand’mère. Cela prouve la résurrection, puisque les paroles de Notre-Seigneur supposent nécessairement la résurrection d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Ils étaient morts et cependant Jésus déclare qu’ils sont vivants. Ils ne le sont pas encore, aux yeux de ce monde, mais ils le seront un jour, au jour de la résurrection et du Jugement dernier. Et ce qui arrivera pour eux, arrivera pour tous les hommes.

Armand. Qu’est-ce que c’est, le Jugement dernier ?

Grand’mère. Le Jugement dernier, qui aura lieu à la fin du monde, sera le moment annoncé par Jésus-Christ où tous les hommes qui ont vécu depuis le commencement des siècles seront rassemblés et jugés par le Seigneur Dieu tout-puissant. Tous les crimes, tous les péchés commis et non pardonnés seront dévoilés et connus de tous ; c’est alors que chacun entendra son jugement à la face du monde ; les méchants seront condamnés au feu éternel de l’enfer, et les bons recevront pour récompense les joies éternelles du Paradis.

Ceux qui avaient interrogé Jésus ne surent que lui répondre et quelques Docteurs de la loi, plus sincères que les autres, dirent : « Seigneur, vous avez bien parlé. » Et ils n’osèrent plus lui faire de questions.

Le peuple qui l’avait entendu était dans l’admiration.

CVI

L’AMOUR DE DIEU ET DU PROCHAIN



Les Pharisiens, ayant appris que Jésus avait réduit les Saducéens au silence par ses Divines réponses, en furent très-mécontents ; et l’un des Docteurs de la loi, espérant encore l’embarrasser, s’approcha de Jésus et lui demanda quel était le premier de tous les commandements.

« Voici le premier des commandements, » répondit Notre-Seigneur.

« Tu aimeras ton Seigneur Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces. »

« C’est là le premier et le plus grand des commandements. Le second est semblable au premier :

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

« Ces deux commandements renferment toute la loi et les prophètes. »

Henri. Comment cela ? Puisqu’il y a dix commandements ?

Grand’mère. Dieu en a donné dix à Moïse pour expliquer plus clairement ce que les hommes auraient pu ne pas comprendre, c’est-à-dire que lorsqu’on aime Dieu, on lui obéit, on l’invoque, on l’honore, on l’adore ; et quand on aime les hommes, qu’on voit en eux des frères et des enfants de Dieu, on est tout naturellement charitable, humble, doux, patient, dévoué, généreux ; et alors ces deux amours, se fondant dans un seul qui est l’amour de Dieu, nous rendent aussi parfaits que nous pouvons l’être en ce monde.

Camille. Mais, Grand’mère, comment peut-on aimer tous les hommes ? Comment pourrais-je aimer comme je vous aime, ceux qui vous offensent, qui vous chagrinent ? Ou bien, comment aimer des gens désagréables, maussades, ennemis du bon Dieu, comme j’aime les personnes aimables, bonnes, pieuses et qui m’aiment ?

Grand’mère. Chère enfant, le bon Dieu ne nous oblige pas d’aimer tout le monde de cœur, d’affection, de sympathie, de goût. Aimer les hommes, c’est n’avoir aucun mauvais sentiment contre eux ; c’est tâcher de faire tout le bien que nous pouvons ; c’est pardonner leurs torts ; c’est être indulgents pour leurs défauts ; c’est prier pour eux ; c’est désirer sincèrement leur amélioration et chercher à les y aider. C’est de cet amour-là que nous devons aimer tous les hommes.

Madeleine. Pourtant, Grand’mère, quand une personne m’a fait du mal, ou qu’elle cherche à m’en faire, je ne puis pas lui rendre des services et chercher à l’obliger comme si je l’aimais.

Grand’mère. C’est précisément là où est le mérite, mon enfant ; c’est l’effort, très-pénible, j’en conviens, que le bon Dieu te demande, qu’il récompensera magnifiquement ; obliger ceux qui nous aiment ou que nous aimons, c’est un bonheur, un vrai plaisir ; mais rendre service à ceux qui nous ont offensés et que notre cœur repousse, c’est un grand et généreux effort que Notre-Seigneur nous demande et dont il nous a montré l’exemple dans toute sa vie, surtout dans sa Passion que je vous raconterai bientôt.

Le Pharisien qui avait interrogé le Sauveur, comprit la beauté de la réponse de Jésus-Christ, et il parla si bien que Notre-Seigneur lui dit :

« Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu. »

Et personne n’osait plus lui faire de questions. Comme les Pharisiens étaient assemblés autour de Jésus, il leur en fit une à son tour.

« Que pensez-vous du Christ ? De qui est-il fils ?

— De David, répondirent-ils.

— Comment donc, ajouta Jésus, David l’appelle-t-il son Seigneur, lorsqu’il dit : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : « Asseyez-vous à ma droite jusqu’à ce que j’aie mis vos ennemis sous vos pieds. » Si David l’appelle son Seigneur, comment est-il son fils ? »

Aucun d’eux ne put répondre et depuis ce jour, personne n’osa plus l’interroger.

Louis. Et nous non plus nous ne comprenons pas.

Grand’mère. C’est pourtant bien simple pour ceux qui savent leur catéchisme. Jésus-Christ est le Seigneur de David, parce qu’il est vrai Dieu avec le Père et le Saint-Esprit. Et il est le fils de David, parce qu’il est vraiment homme, et descendant de David par la sainte Vierge Marie sa mère. C’est tout simplement le Mystère de l’Incarnation ; les Juifs ne voulaient pas y croire.

CVII

DISCOURS DE JÉSUS SUR LES SCRIBES ET LES PHARISIENS.



Notre-Seigneur dit à ses disciples et à la foule qui l’entourait :

« Les Scribes et les Pharisiens ont succédé à Moïse, et ils ont reçu l’autorité pour vous enseigner la loi. Faites donc ce qu’ils vous disent, mais ne faites pas ce qu’ils font ; car ils disent ce qu’il faut faire, mais ils ne le font pas. Ils préparent des fardeaux pesants, et ils les mettent sur les épaules des hommes, et eux-mêmes ne veulent pas remuer ces fardeaux du bout des doigts. »

Jeanne. Pourquoi mettent-ils des fardeaux sur les épaules des hommes ? Quels fardeaux mettent-ils ?

Grand’mère. Notre-Seigneur veut dire qu’ils leur ordonnent de faire des choses trop difficiles et dont ils ne voudraient pas seulement essayer.

Valentine. Quelles choses ?

Grand’mère. Des prières trop longues, des jeûnes trop fatigants, des pénitences trop dures ; c’est que Notre-Seigneur appelle des fardeaux trop pesants. Il continua à leur reprocher leur dureté et leur orgueil, en disant :

« Ils font leurs actions pour être vus des hommes et pour être applaudis. Ils aiment à avoir les premières places dans les repas et à être assis au premier rang dans les assemblées ; à être salués dans les places publiques et à être appelés Maîtres. Mais vous, ne vous faites pas appeler maîtres, parce que vous n’avez qu’un seul Maître qui est le Christ, qu’un seul Père qui est dans le Ciel.

« Celui qui est le plus grand parmi vous sera votre serviteur ; car quiconque s’élève sera abaissé, et quiconque s’abaisse sera élevé. »

Élisabeth. Comment le plus grand peut-il être le serviteur, puisque c’est lui qui doit commander ?

Grand’mère. Notre-Seigneur veut nous donner par là une leçon d’humilité, et nous faire comprendre que les grands ne doivent pas être fiers ni orgueilleux de la position que Dieu leur a donnée, puisque lui, notre Dieu et notre Maître, se fait le serviteur de ses disciples et qu’il s’abaisse jusqu’à leur laver les pieds, comme vous le verrez plus tard.

« Malheur à vous, ajoute Notre-Seigneur, malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le Royaume des Cieux ! »

Henriette. Comment ferment-ils le Ciel ?

Grand’mère. En leur rendant par leur sévérité la pratique de la loi si difficile, qu’ils en dégoûtent les hommes au lieu de leur en donner le désir.

« Malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites, qui dévorez les maisons des veuves, tout en faisant de longues prières ! »

Louis. Comment peuvent-ils dévorer les maisons des veuves ?

Grand’mère, souriant. Jésus-Christ ne veut pas dire qu’ils mangent les maisons, mais qu’ils ruinent les veuves en les séduisant par leur hypocrisie et en se faisant donner tout ce qu’elles possèdent.

Armand. Et pourquoi les veuves et pas les autres ?

Grand’mère. Parce que les veuves n’ayant plus de conseiller, de protecteur, et ne connaissant rien aux affaires, sont plus faciles à tromper et à séduire.

« Malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites, qui entreprenez des voyages sans fin pour convertir un homme ; et lorsque vous avez réussi à lui faire croire ce que vous croyez vous-même, vous le rendez digne de l’enfer, deux fois plus que vous ne l’êtes vous-mêmes. »

Élisabeth. Mais comment cela se peut-il, Grand’mère ? c’est très-bien de se donner tant de mal pour convertir quelqu’un.

Grand’mère. Oui, c’est très-bien quand on le fait par esprit de charité, d’amour de Dieu et des hommes. Mais les Pharisiens le faisaient comme le font aujourd’hui les protestants, par orgueil, pour se vanter d’avoir converti un homme à leur religion. Et quand cet homme voulait vivre comme le lui ordonnait l’ancienne loi, ceux qui l’avaient converti lui donnaient de si mauvais exemples que cet homme devenait bien plus coupable qu’il ne l’avait été avant d’avoir connu la loi.

Valentine. Comment pouvait-il devenir plus coupable ?

Grand’mère. Parce que, avant de connaître la loi, il faisait le mal sans le savoir, et qu’après, il offensait Dieu sachant qu’il l’offensait, avec cette hypocrisie que les Pharisiens pratiquaient en toutes circonstances.

« Malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites, qui obéissez à la loi en de petites choses et qui négligez ce qu’il y a de plus important dans la loi, la justice, la miséricorde et la foi ! C’est là ce qu’il faut observer, sans négliger les petites choses !

« Malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites, qui nettoyez le dehors de la coupe et du vase, et qui laissez le dedans plein de souillures ! Nettoyez d’abord le dedans et vous nettoierez ensuite le dehors. »

Jacques. Comment ! Ils laissaient le dedans de leurs vases tout sale ? c’est dégoûtant !

Grand’mère, souriant. Non ; Notre-Seigneur parle au figuré.

Marie-Thérèse. Qu’est-ce que c’est, au figuré ?

Grand’mère. Au figuré, veut dire en image, en comparaison ; il compare le cœur et l’âme des Pharisiens à des coupes et à des vases sales en dedans et propres en dehors ; ce qui veut dire que leurs cœurs sont pleins de mauvais sentiments, de haine, d’orgueil, d’avarice, etc., et ils paraissent par leurs discours et leurs actions extérieures, être remplis de sentiments de piété, d’humilité, de pénitence, de justice. C’est ce que veut dire Notre-Seigneur en les comparant à des vases sales au dedans et propres au dehors.

« Malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites, qui ressemblez à des sépulcres blanchis ; les dehors paraissent beaux aux yeux des hommes, et le dedans est plein d’ossements affreux et de corruption ! Ainsi au dehors, vous paraissez justes aux yeux des hommes, mais au dedans, vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité ! »

C’est la même comparaison que fait Notre-Seigneur sous une forme différente.

« Malheur à vous, Docteurs de la loi et Pharisiens hypocrites ; vous élevez des monuments aux Prophètes, vous ornez les tombeaux des justes, et vous dites : « Si nous eussions vécu du temps de nos pères, nous n’eussions pas répandu avec eux le sang des Prophètes. » Ainsi vous dites vous-mêmes que vous êtes les enfants de ceux qui ont versé le sang des Prophètes, et vous achevez de combler la mesure d’iniquité de vos pères, en faisant pis que vos pères ! Serpents, race de vipères, comment éviterez-vous d’être condamnés au feu de l’enfer ?

« C’est pourquoi je vais vous envoyer des Prophètes, des Sages et des Docteurs… »

Jeanne. Et où Notre-Seigneur les trouvera-t-il, puisque les Juifs sont tous méchants ?

Grand’mère. Ils étaient tout trouvés, puisque Notre-Seigneur veut parler de ses Apôtres.

Notre-Seigneur ajoute :

« Vous tuerez les uns, vous sacrifierez les autres ; il y en aura que vous frapperez de fouets dans vos synagogues ; vous les poursuivrez de ville en ville, afin que tout le sang répandu sur la terre retombe sur vous.

« Jérusalem, Jérusalem, qui tues les Prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes ! Et tu ne l’as pas voulu ! Et le temps approche où ta demeure sera déserte et abandonnée ! »

Henri. Quand donc Notre-Seigneur a-t-il voulu les rassembler ?

Grand’mère. Toutes les fois qu’il est venu leur prêcher la vérité, qu’il a fait des miracles pour leur démontrer qu’il était le Messie promis et attendu, le Fils de Dieu, le Sauveur des hommes. Ils n’ont jamais voulu croire ni à ses paroles, ni à ses miracles, ni à sa Divinité. Et le temps de leur punition étant proche, Notre-Seigneur les avertit une seconde fois.

Louis. Comme Notre-Seigneur leur parle durement !

Grand’mère. Il ne leur parle pas durement, mais fortement. La charité est aussi sévère pour flétrir le mal, que douce et bonne pour reconnaître le bien. La charité qui ne déteste pas le mal, n’est pas la vraie charité chrétienne. C’est de l’indifférence, c’est de la lâcheté, c’est de la fausse bonté.


CVIII

LE DENIER DE LA VEUVE.



Notre-Seigneur s’asseyant dans le Temple, vis-à-vis de l’endroit où était le tronc du trésor, regardait le peuple qui y jetait de l’argent. Plusieurs riches en jetaient beaucoup. Il vint aussi une pauvre veuve, et elle jeta deux petites pièces qui faisaient un denier. Jésus, rassemblant ses disciples, leur dit :

« Je vous assure que cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tous les autres, car ils n’ont donné qu’une partie de ce qu’ils avaient de trop ; mais elle, malgré sa pauvreté, a donné tout ce qu’elle avait, tout ce qui lui restait pour vivre. »

Camille. C’est bien consolant pour les pauvres. Il n’est donc pas besoin d’être riche pour faire l’aumône. C’est une leçon qu’il ne faudra pas oublier.


CIX

RUINE DE JÉRUSALEM. JUGEMENT DERNIER.



Notre-Seigneur prédit ensuite la ruine de Jérusalem ; il dit qu’il n’en resterait pas pierre sur pierre. Il prédit ensuite la fin du monde ; mais qu’avant ce temps, il y aurait de grandes persécutions contre les chrétiens, de grandes guerres, des pestes, des famines, des tremblements de terre, des nations entières détruites, des faux prophètes, des malheurs de toutes sortes. Et que ce seraient les signes précurseurs du retour de Notre-Seigneur pour juger le monde. Lorsque le Fils de Dieu apparaîtra dans sa majesté, tous les morts ressusciteront, les uns pour être sauvés éternellement, les autres pour être éternellement damnés.

Et ce sera la fin des temps.

Madeleine. Et quand cela arrivera-t-il ?

Grand’mère. Notre-Seigneur n’a pas voulu nous le faire connaître ; il a même dit que nul ne connaissait le moment, pas même les Anges du ciel. Il ajoute même une parole qui, à première vue, paraît singulière : que « le Fils de l’Homme lui-même ne le sait pas. Jésus savait tout, car le Père et lui ne l’ont qu’un, comme il le déclare lui-même ; mais c’était le secret de Dieu seul, et le Fils de l’Homme ne devait pas le révéler. C’est un peu comme nos Prêtres quand il s’agit du secret de la confession : ils savent et ils ne savent pas. Le jour de la fin du monde est le secret de Dieu. Et il recommande à tous les hommes de veiller et de prier, afin d’être toujours prêts à paraître devant le bon Dieu, « car personne ne connaît le jour ni l’heure. »


CX

PARABOLE DES DIX VIERGES.



« Le Royaume des Cieux, dit Notre-Seigneur, est semblable à dix vierges invitées à des noces, qui attendaient l’époux ; elles prirent chacune leur lampe, et allèrent au devant de lui.

« Sur ces dix vierges, cinq étaient folles, et les cinq autres étaient sages. »

Marie-Thérèse. Comment, folles ?

Grand’mère. C’est-à-dire étourdies, déraisonnables, qui ne pensaient qu’à s’amuser.

« Les cinq folles ne prirent point d’huile pour mettre dans leurs lampes ; les vierges sages prirent, au contraire, de l’huile dans des vases pour en mettre dans les lampes.

Comme l’époux tardait à venir, elles s’endormirent. Vers minuit, on entendit crier « Voici l’époux qui vient, allez au devant de lui. »

Aussitôt toutes les vierges se levèrent et préparèrent leurs lampes. Alors les folles dirent aux sages :

« Donnez-nous de votre huile, car nos lampes vont s’éteindre. »

« Les sages répondirent :

« Nous ne pouvons vous en donner, il n’y en aurait pas assez pour vous et pour nous ; allez plutôt chez le marchand, et achetez-en. »

« Mais pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle de noces, et la porte fut fermée. Quand les vierges folles arrivèrent à leur tour, elles frappèrent à la porte en disant :

« Seigneur, ouvrez-nous. »

« Mais il leur répondit :

« En vérité, je vous assure que je ne vous connais pas. »

« Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »

Henri. Grand’mère, voulez-vous nous expliquer cette parabole ? je ne la comprends pas du tout.

Grand’mère. Très-volontiers, mon enfant. Les dix vierges représentent les chrétiens ; la lumière des lampes, c’est la foi ; l’huile, c’est l’amour de Dieu et les bonnes œuvres ; l’époux, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ ; l’attente de l’époux est l’attente du Jugement dernier ; le sommeil des vierges, c’est la mort ; le réveil, c’est la résurrection, où chacun ne retrouvera dans sa lampe que l’huile qu’il y aura mise, c’est-à-dire les bonnes œuvres qu’il a faites dans sa vie ; les vierges qui vont chez le marchand acheter de l’huile quand l’époux est prêt à arriver, sont les mondains qui attendent au dernier moment, au moment de la mort, pour reconnaître leurs fautes, leur oubli de Dieu, et qui n’ont plus le temps d’en recevoir le pardon. Et quand les vierges arrivent, la porte est fermée, elles sont venues trop tard ; c’est-à-dire que la mort est venue avant qu’on ait eu le temps de se purifier par un vrai repentir et d’avoir pratiqué quelques vertus ; le jugement est prononcé, et ces vierges folles sont repoussées de la salle du festin, c’est-à-dire du Paradis.

Notre-Seigneur continue :

« Or, quand le Fils de l’Homme viendra dans l’éclat de sa majesté et avec tous ses Anges, et qu’il s’assiéra sur le trône de sa gloire, toutes les nations se rassembleront devant lui ; il séparera les uns d’avec les autres, comme un berger sépare les brebis d’avec les boucs ; il placera les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. »

« Alors le Roi de gloire dira à ceux qui seront à sa droite :

« Venez, les bénis de mon Père, posséder le Royaume des Cieux qui vous a été préparé dès le commencement du monde. Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; je n’avais pas de demeure, et vous m’avez logé ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez soigné ; j’étais en prison, et vous m’avez visité. »

« Alors les justes répondront :

« Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu avoir faim, et que nous vous avons nourri, ou avoir soif, et que nous vous avons donné à boire ? Quand est-ce que nous vous avons vêtu, soigné et visité ? »

« Le Roi de gloire leur répondra :

« Je vous le dis en vérité : Toutes les fois que vous avez fait ces choses à un des plus petits de mes frères parmi les hommes, c’est à moi que vous les avez faites. »

« Il dira ensuite à ceux, qui seront à sa gauche :

« Retirez-vous de moi, maudits ; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le démon et pour ses envoyés. Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais sans logement, et vous ne m’avez pas recueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; j’étais malade, et vous ne m’avez pas soigné ; j’étais en prison, et vous ne m’avez pas visité. «

« Et les maudits diront à leur tour :

« Quand est-ce que nous vous avons vu avoir faim ou soif, manquer de logement et d’habits, être malade ou en prison, et que nous avons manqué à vous assister ? »

« Et il leur répondra :

« Je vous dis en vérité que toutes les fois que vous avez manqué de faire ces choses à l’un des petits que voilà, vous avez manqué de me les faire à moi-même. »

« Et ceux-ci iront aux supplices éternels, et les justes dans la joie éternelle. »

Henri. Mais, Grand’mère, comment peut-on traiter les pauvres comme Notre-Seigneur lui-même ? On ne peut pas les adorer comme on l’adore.

Grand’mère. Aussi Notre Seigneur ne le dit pas et ne l’ordonne pas ; il veut seulement nous démontrer que tous les hommes, pauvres et riches, bons ou mauvais, sont ses frères et nos frères, et que par amour et par respect pour lui nous devons traiter les pauvres comme ses frères, sans quoi nous ne pouvons prétendre au bonheur éternel. Et quand tu liras la Vie des saints, tu verras que tous les saints aiment, soulagent et servent les pauvres, parce qu’ils voient en eux Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même.

Pierre. Pourtant il y a eu de grands saints qui ne s’occupaient pas du tout des pauvres, puisqu’ils se retiraient dans les déserts, où ils ne voyaient personne.

Grand’mère. Ils avaient l’air de ne pas s’en occuper ; mais outre qu’ils étaient pauvres eux-mêmes, ils aimaient les pauvres ; ils étaient prêts à se dévouer pour eux, et puis ils les secouraient continuellement en priant pour eux et en leur obtenant des grâces pour supporter saintement leurs misères.

Notre-Seigneur passait ainsi ses journées à enseigner le peuple, et la nuit il sortait du Temple et de la ville, et se retirait sur la montagne des Oliviers. Tout le peuple allait de grand matin au Temple pour l’écouter.


CXI

LES JUIFS TIENNENT CONSEIL.
TRAHISON DE JUDAS.



Jésus, ayant ainsi parlé, dit à ses disciples :

« Vous savez qu’on célébrera la Pâque dans deux jours, et que le Fils de l’Homme sera livré pour être crucifié. »

Pendant ce temps, les Princes des Prêtres et les Anciens du peuple s’étaient assemblés dans la salle de Caïphe, le Grand Prêtre. Ils cherchaient le moyen de se saisir adroitement de Jésus et de le faire mourir sans ameuter le peuple. « Mais, disaient-ils, il ne faut pas que ce soit durant la fête, car tout le peuple étant rassemblé, il pourrait y avoir du tumulte et une révolte. » Et ils ne savaient comment faire.

Pendant qu’ils délibéraient, Satan s’empara de Judas Iscariote, l’un des douze Apôtres.

Jacques. Comment fit-il pour s’en emparer ?

Grand’mère. En lui donnant de mauvaises pensées que Judas reçut dans son cœur au lieu de les repousser avec horreur. Judas avait perdu la foi ; de plus, il aimait l’argent ; ce fut ce qui le perdit. Satan lui représenta que sa trahison envers son maître lui serait largement payée ; Judas se complut dans cette pensée, et il résolut de trahir Jésus et d’aller le vendre à ses ennemis. À partir de ce moment il fut l’esclave de Satan.

Judas alla immédiatement trouver les Princes des Prêtres pendant qu’ils délibéraient sur les moyens de prendre Jésus. Il leur offrit de le leur livrer. Ils acceptèrent avec joie, car ils n’osaient le prendre publiquement et ils ne savaient où il se retirait la nuit.

Ils firent donc leur marché avec le traître Judas, et ils convinrent de lui payer trente pièces d’argent quand il aurait livré Jésus.

Jacques. Quel abominable homme que ce Judas ! Notre-Seigneur aurait dû le chasser depuis longtemps.

Grand’mère. Notre-Seigneur voulait avant tout obéir à Dieu son Père, sauver les hommes et accomplir les prophéties. En laissant Judas libre de rejeter tous les bons sentiments que devait faire naître en lui tout ce qu’il voyait et tout ce qu’il entendait, en ne le forçant pas à devenir bon, Notre-Seigneur exécutait la volonté de son Père Céleste qui respecte toujours notre liberté, et il nous donnait l’exemple le plus sublime de charité, d’humilité, de patience, de douceur, d’obéissance et de toutes les vertus qu’il avait prêchées dans sa vie.

Il y avait plus d’un an que Judas avait perdu la foi ; l’Évangile le dit formellement. Les mauvais chrétiens font comme Judas. Ils trahissent et ils abandonnent Jésus-Christ, qui cependant est patient avec eux et leur accorde souvent de longues années pour leur laisser le temps du repentir. Et de même que Judas, ils sont inexcusables s’ils ne se convertissent pas.


CXII

LA SAINTE CÈNE.



Le jour des Azymes étant venu…

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est, les Azymes ?

Grand’mère. Les Azymes étaient du pain sans levain, que les Juifs mangeaient pendant sept jours, après avoir tué l’agneau pascal. Le premier jour s’appelait le jour des azymes.

Les pains d’autel ou hosties dont se servent les Prêtres à la messe, sont des pains Azymes.

Ce jour-là étant venu, Jésus dit à Pierre et à Jean :

« Allez nous préparer la Pâque, afin que nous la mangions.

— Où voulez-vous que nous la préparions, Seigneur ? » lui demandèrent-ils.

Il leur répondit :

« En entrant dans la ville, vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le dans la maison où il entrera, et vous direz au maître de la maison : « Voici ce que vous fait dire le Seigneur : Quel est le lieu où je dois manger la Pâque avec mes disciples ? » Et il vous montrera une grande salle bien ornée ; c’est là que vous nous préparerez ce qu’il faut. »

Les disciples s’en allèrent dans la ville ; ils trouvèrent tout comme le Seigneur le leur avait dit (miracle qu’on ne remarque pas assez) ; et ils préparèrent la Pâque.

Marie-Thérèse. Qu’est-ce qu’il y avait à préparer ?

Grand’mère. Beaucoup de choses ; il fallait avoir un agneau, le tuer, le faire rôtir ; avoir des pains Azymes, et puis certaines herbes amères qu’on mangeait avec l’agneau ; il fallait préparer la table et tout ce qui était nécessaire pour le repas de l’agneau pascal, c’est-à-dire de la Pâque.

Le soir étant arrivé, Notre-Seigneur monta à Jérusalem avec ses douze Apôtres.

Valentine. Pourquoi dites-vous, Grand’mère, que Jésus monta à Jérusalem ?

Grand’mère. Parce que la ville était sur une hauteur et qu’il fallait monter pour y arriver.

Quand l’heure fut venue, environ huit heures du soir, il se mit à table et les douze Apôtres avec lui.

Et il leur dit :

« J’ai désiré ardemment de manger la Pâque avec vous, avant de souffrir. Car je vous déclare que désormais je ne mangerai plus de cette Pâque avec vous, jusqu’à ce que je vous reçoive dans le Royaume de Dieu. »

Ensuite, prenant la coupe de vin, il rendit grâces, et dit :

« Prenez et buvez. Car je vous déclare que je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai de nouveau avec vous dans le Royaume de mon Père. »

Or, pendant qu’ils mangeaient, il leur parla ainsi :

« Je vous le dis en vérité, l’un de vous me trahira ! »

Cette parole les ayant fort affligés, chacun se mit à demander :

« Est-ce moi, Seigneur ? »

Et Jésus leur répondit :

« Celui qui me trahira, met sa main dans le plat avec moi. Pour ce qui est du Fils de l’Homme, il s’en va selon qu’il a été prédit de lui ; mais malheur à celui par lequel Le Fils de l’Homme sera trahi. Il eût bien mieux valu pour lui qu’il ne fût jamais né ! »

Judas, celui-là même qui le trahissait, lui dit à voix basse :

« Maître, est-ce moi ?

— C’est vous, » lui répondit de même Jésus.

Jacques. Mais comment les Apôtres ne se sont-ils pas jetés sur Judas pour l’enfermer et pour l’empêcher de trahir leur Maître ?

Grand’mère. D’abord parce qu’ils n’avaient pas bien entendu la demande de Judas et la réponse du Sauveur ; et puis parce qu’ils ne savaient pas de quelle trahison voulait parler Jésus, et à quelle époque devait se faire cette trahison qui leur paraissait si horrible qu’ils ne pouvaient y croire.


CXIII

JÉSUS LAVE LES PIEDS DES APÔTRES.



Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant ce qui devait arriver et que son heure était venue de souffrir pour sauver les hommes et de quitter ce monde pour s’en retourner à son Père, voulut leur prouver tout son amour, et que, les ayant aimés, il les avait aimés jusqu’à la fin. Et il institua le sacrement de l’Eucharistie.

Louis. Comment Notre-Seigneur l’a-t-il institué ?

Grand’mère. En changeant le pain et le vin en son corps et en son sang, et en le faisant manger à ses Apôtres. Il voulut ainsi leur prouver son amour et leur donner la consolation de s’unir à lui par l’Eucharistie quand il aurait quitté le monde pour remonter au Ciel près de son Père. Et ce qu’il fit pour les Apôtres, il l’a fait et le fait encore tous les jours pour tous les chrétiens qu’il aime comme il aime ses disciples.

Avant d’instituer la sainte communion, Notre-Seigneur voulut laver les pieds de ses disciples…

Valentine. Oh ! Notre-Seigneur laver les pieds de ses disciples ! Pourquoi cela ?

Grand’mère. Pour leur donner un dernier exemple d’humilité, et pour figurer l’état de pureté que doit avoir l’âme avant de recevoir le corps et le sang de Jésus-Christ ; cette pureté s’obtient par le repentir et par la confession ; le Prêtre lave et purifie l’âme par l’absolution, c’est-à-dire l’effacement, le pardon des péchés qui ont souillé l’âme.

Le souper étant fini, Notre-Seigneur se leva de table, prit un bassin, y versa de l’eau, mit un linge autour de ses reins, et commença à laver les pieds de ses disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait autour de lui. Il vint donc à Simon-Pierre et il voulut lui laver les pieds.

Mais Pierre lui dit : « Quoi, Seigneur, vous me laveriez les pieds ! »

Jésus lui répondit :

« Tu ne sais pas maintenant ce que je fais, mais tu le sauras plus tard.

— Non, reprit Pierre, jamais vous ne me laverez les pieds.

— Si je ne te lave, répondit Jésus, tu n’auras point de part à mon Royaume.

— Seigneur, lui dit alors Simon-Pierre, lavez-moi non-seulement les pieds, mais encore les mains et la tête. »

Jésus lui répondit :

« Celui qui est déjà pur, n’a besoin que de laver ses pieds, pour être tout à fait pur. Et vous êtes purs, mais non pas tous. »

Henriette. Mais pourquoi Jésus veut-il absolument laver les pieds de Pierre qui ne le voulait pas ?

Grand’mère. Parce que, comme je te l’ai dit, Notre-Seigneur donnait à ses disciples une leçon d’humilité, et qu’il voulait

Jésus lave les pieds des Apôtres.
Jésus lave les pieds des Apôtres.


que saint Pierre l’acceptât comme les autres disciples. De plus Notre-Seigneur nous enseigne par là que les Prêtres, et les Pontifes eux-mêmes, sont tenus à s’humilier de leurs péchés et à se confesser comme tous les autres fidèles.

Louis. Et pourquoi lorsque ce bon saint Pierre demande à Notre-Seigneur de lui laver les mains et la tête, Jésus refuse-t-il, et répond-il que Pierre est déjà lavé et qu’il n’a plus que les pieds à laver pour être pur ?

Grand’mère. Parce que, comme je vous l’ai dit aussi, en lavant les pieds de ses disciples, Notre-Seigneur voulait, en outre de la leçon d’humilité, faire comprendre aux disciples le sacrement de pénitence, c’est-à-dire la confession, qui rend pur en nettoyant l’âme des péchés qu’elle a commis. Les disciples étaient purifiés par la présence, les paroles de Notre-Seigneur ; ils n’avaient plus à se purifier que des faiblesses de la nature humaine, de ces péchés qu’on peut appeler petits par comparaison avec les grands péchés des ennemis de Dieu. C’est ce que veut dire Notre-Seigneur en disant qu’il leur suffit d’avoir les pieds lavés pour être purs.

Valentine. Et pourquoi Notre-Seigneur dit-il qu’ils ne sont pas tous purs ?

Grand’mère. Parce que Jésus savait que Judas, l’un des Apôtres, devait le trahir, et qu’il était bien loin d’être pur.

Jeanne. Je crois bien, il devait avoir une vilaine âme noire et sale comme un trou à charbon.

Armand. Est-ce que l’âme a une couleur ? Peut-on la voir ?

Grand’mère. Non, l’âme n’a ni couleur, ni forme, et par conséquent nous ne pouvons pas la voir. L’âme est un esprit qui fait vivre le corps, qui pense, qui réfléchit, qui aime ; c’est ce qui en nous ne mourra jamais.

Petit-Louis. Comment ça ? Je voudrais bien comprendre.

Grand’mère. C’est une des choses que ni toi, ni moi, ne pouvons comprendre en ce monde, cher enfant, mais que nous comprendrons dans le Ciel.


CXIV

INSTITUTION DE L’EUCHARISTIE.



Après avoir lavé les pieds de ses Apôtres, Jésus reprit ses vêtements, se remit à table et dit :

« Comprenez-vous ce que je viens de faire ? Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi qui suis votre Seigneur et votre Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres ; car je vous ai donné l’exemple de ce que vous devez faire. »

Pendant qu’ils soupaient, c’est-à-dire après le repas ordonné par la loi pour manger l’agneau Pascal, et avant le second repas, Jésus se leva solennellement, prit du pain, le bénit, le rompit et le donna à ses disciples, en disant :

« Prenez et mangez, ceci est mon corps. »

Puis, prenant le calice, il rendit grâces et le leur donna en disant :

« Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui sera répandu pour vous et pour beaucoup, pour la rémission des péchés. Faites ceci en mémoire de moi. »

Petit-Louis. Pourquoi Notre-Seigneur dit-il : Ceci est mon corps ; ceci est mon sang ? Ce n’était que du pain et du vin.

Grand’mère. C’était du pain et du vin avant que Notre-Seigneur eût prononcé les paroles Divines qui ont changé miraculeusement ce pain au corps et au sang de Jésus notre Sauveur et notre Dieu ; et c’est ce qu’on appelle le sacrement de l’Eucharistie. C’est un mystère impénétrable, une vérité très-réelle, et qu’aucune créature ne saurait comprendre. L’Eucharistie est le grand mystère de la foi. Judas seul au Cénacle ne voulut pas y croire. Jésus a donné à ses Apôtres et à tous leurs successeurs, qui sont les Prêtres, le pouvoir de continuer le grand miracle de l’Eucharistie ; il nous a donné par là le plus grand témoignage d’amour qu’un Dieu même ait pu nous donner, puisqu’il demeure ainsi avec nous toujours et partout, et que nous pouvons, quand nous le voulons, nous unir à lui en le recevant dans notre corps. Jésus-Christ disait donc bien en disant : Ceci est mon corps ; ceci est mon sang. »

Louis. Vous dites, Grand’mère, que nous pouvons recevoir le corps de Jésus quand nous voulons. Je le voudrais bien, moi, et pourtant je ne le reçois pas.

Grand’mère. Parce que tu es encore trop jeune, mon enfant ; tu n’as pas été préparé à faire ta première communion, c’est-à-dire à recevoir pour la première fois le corps et le sang de Notre-Seigneur. Et avant d’obtenir une si grande faveur, il faut avoir appris à comprendre mieux que tu ne saurais le faire encore, combien est grande et admirable cette grâce immense que nous accorde notre Dieu, notre Créateur et notre Maître. Il faut savoir en profiter pour le salut de notre âme ; et les petits enfants ne sont pas en état de communier avec fruit.

Jésus parla ensuite une seconde fois de la trahison de Judas, et il dit :

« Malheur à celui par qui le Fils de L’Homme sera trahi ! »

Et Jean, le disciple bien-aimé de Notre-Seigneur, avait la tête appuyée sur la poitrine de Jésus

Marie-Thérèse. Comment appuyée ?

Grand’mère. Mais oui ; je vous ai expliqué que les Juifs mangeaient, non pas comme nous, assis à table, mais couchés autour, la tête près de la table et les pieds au bout de la couche ou du lit sur lequel ils s’étendaient pour leur repas.

Jean était donc couché, la tête appuyée sur la poitrine de Jésus. Simon-Pierre lui fit signe de demander lequel d’entre eux trahirait leur bon Maître.

Jean, s’étant penché vers le Sauveur, lui demanda : « Seigneur, qui est-ce ? » Le Seigneur lui répondit :

« C’est celui à qui je vais présenter du pain trempé. »

Et ayant trempé un morceau de pain, il le donna à Judas Iscariote. Dès que Judas eut mangé le pain trempé, il se leva de table pour aller livrer son Maître. Jésus lui dit :

« Fais au plus vite ce que tu as à faire. »

Mais aucun des disciples ne comprit ce qu’il avait voulu dire par cette parole ; ils crurent que Judas, ayant la bourse, avait encore quelque chose à acheter ou à payer pour la fête.

Élisabeth. Mais ils avaient dû entendre la question de saint Jean et la réponse de Notre-Seigneur.

Grand’mère. Non ; saint Jean et Notre-Seigneur avaient parlé bas ; personne n’avait entendu ce qu’ils avaient dit.

Lorsque Judas fut sorti, Jésus fit l’action de grâces avec ses disciples…

Valentine. Pourquoi une action de grâces ?

Grand’mère. Parce que les Apôtres venaient de faire leur première Communion et qu’il était bien juste qu’ils remerciassent le bon Dieu de la faveur unique qu’il leur avait accordée. Et Notre-Seigneur remerciait son Père Céleste de cette faveur qu’il accordait à tous les hommes de tous les siècles, jusqu’à la fin du monde, en instituant le sacrement de L’Eucharistie, c’est-à-dire en leur laissant pour nourriture céleste, sa propre chair et son propre sang.

Saint Jean, le disciple bien-aimé, a écrit dans son Évangile une partie des admirables paroles dites à ce moment par Notre-Seigneur, et qui font dans son Évangile ce qu’on appelle le Discours de la Cène. Je ne vous les redirai pas, parce que vous êtes trop jeunes pour les bien comprendre ; quand vous serez plus grands, vous les lirez dans l’Évangile de saint Jean.

Lorsque ce discours fut terminé, le Sauveur quitta la maison où ils avaient fait la sainte Cène, et qu’on appelle le Cénacle ; et suivi de ses onze Apôtres, il alla vers une colline près de Jérusalem, qui porte le nom de Montagne des Oliviers.

Lorsqu’ils y furent arrivés, ils entrèrent dans un jardin public nommé Gethsémani, dont les grottes ou cavernes servaient d’abri aux voyageurs pauvres qui venaient à Jérusalem pour les fêtes. Jésus et ses disciples s’y retiraient très-souvent pendant la nuit, pour s’y reposer et pour prier.

Judas le savait, aussi conduisit-il de ce côté les soldats et les émissaires de Caïphe.


CXV

L’AGONIE.



Il était neuf heures du soir ; en entrant à Gethsémani, Jésus dit à ses disciples :

« Arrêtez-vous là et attendez-moi ; je vais aller prier plus loin. Priez de votre côté, pour ne pas succomber dans l’épreuve. »

Louis. Dans quelle épreuve ? De quelle épreuve Notre-Seigneur voulait-il parler ?

Grand’mère. De l’épreuve de sa passion. Les disciples voyant leur Maître, qu’ils savaient tout-puissant, saisi, garrotté, insulté, tourmenté, battu, crucifié, tué enfin par ses ennemis, avaient à surmonter le doute qui pouvait entrer dans leurs cœurs (et qui entra en effet), de la toute-puissance et de la Divinité de Notre-Seigneur.

Jacques. Mais puisqu’ils savaient que Jésus était le Fils de Dieu ?

Jeanne. Et puisqu’ils l’avaient dit eux-mêmes ?

Louis. Et puisqu’ils lui avaient vu faire tant de miracles ? et tout récemment encore la résurrection de Lazare ?

L’agonie de jésus à gethsémani.
L’agonie de jésus à gethsémani.


Élisabeth. Et puisqu’ils venaient de communier ?

Grand’mère. C’est vrai ! Ils auraient certainement dû être très-fermes dans leur foi ; mais c’était une grande épreuve que de voir ce même Jésus si puissant jadis, devenu si faible en apparence contre ses ennemis, abandonné de Dieu son Père ; succombant à ses souffrances et mourant comme le dernier des hommes, lui qui s’était tant de fois proclamé le Seigneur Dieu tout-puissant. Et puis les Apôtres n’avaient pas encore reçu le Saint-Esprit ; cette source de force et de foi ne leur avait pas encore été donnée.

Notre-Seigneur prit donc avec lui ses trois disciples de prédilection : Pierre, qui représentait la foi ; Jean, le disciple de l’amour ; et Jacques, le disciple de la prière.

Et quand Jésus entra dans la grotte pour prier, la Passion commença.

Louis. Qu’est-ce que c’est, la Passion ?

Grand’mère. On appelle Passion les souffrances terribles que Notre-Seigneur endura pendant les dix-huit heures qui précédèrent sa mort.

Le Christ, abandonnant volontairement à son Père son corps et toute sa nature humaine, pour expier par la souffrance les péchés des hommes, commença à éprouver toutes les terreurs, toutes les angoisses de la Passion et de la mort qu’il devait subir pour nous sauver.

« Mon âme est triste jusqu’à la mort, dit-il à ses trois Apôtres. Attendez ici et veillez avec moi. »

Et tout accablé de tristesse et d’ennui, il monta à quelque distance, et entra dans une grotte que l’on voit et que l’on vénère encore sous le nom de Grotte de l’agonie.

Là, Jésus se prosterna la face contre terre, et tomba dans des défaillances, dans des douleurs inexprimables.

Henri. Pourquoi donc ? Quelles douleurs éprouvait-il ?

Grand’mère, Les plus cruelles douleurs de l’âme, car tous les péchés des hommes, toute l’horreur et la multitude de ces péchés, fondirent sur lui comme une tempête, lui que l’amour de son Père et des hommes remplissait de toute éternité, il se vit condamné à prendre sur lui et à expier toutes les offenses des hommes envers son Père, tous Leurs blasphèmes, leurs impuretés, Leurs haines, leur ingratitude. Satan s’approcha de lui et se plut à étaler à son esprit ce qui devait l’accabler, le torturer davantage ; il se fit une joie barbare de lui présenter toutes les âmes qui ne devaient pas profiler de son sacrifice, et qui, repoussant son amour et ses grâces, devaient rester la proie du démon.

Le Sauveur, dans son accablement, cria vers son Père :

« Mon Père, si cela est possible, que ce calice de souffrance s’éloigne de moi. Cependant, que votre volonté s’accomplisse, et non la mienne. »

Élisabeth. Mais pourquoi, puisqu’il souffrait tant, n’usait-il pas de son pouvoir pour ne plus souffrir ?

Grand’mère. Parce qu’il n’y aurait plus eu d’expiation solennelle de nos crimes ; parce que notre Sauveur ne nous aurait pas donné le plus grand témoignage de son amour infini, le sacrifice de la vie. Jésus souffrit et mourut uniquement parée qu’il le voulut ; et il le voulut pour nous pénétrer d’une plus grande horreur du péché et d’un amour plus reconnaissant envers lui, auteur de notre rédemption.

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est, Rédemption ?

Grand’mère. Rédemption veut dire rachat, payement. Jésus-Christ, par toutes les larmes et par toutes les souffrances qu’il allait endurer, rachetait les hommes, payait, expiait pour eux. Et c’est pourquoi il abandonnait à son Père sa puissance divine et consentait à conserver toute la faiblesse de l’humanité.

Alors, tombant dans une véritable agonie, le corps baigné d’une sueur de sang qui coulait jusqu’à terre, il priait plus ardemment encore pour le salut des hommes.

Petit-Louis. Pauvre Jésus ! Une sueur de sang ! Comme il devait souffrir !

Grand’mère. Hélas ! oui, cher enfant ! Il souffrait plus qu’aucune créature n’a jamais souffert ; aucun homme n’a eu de sueur de sang, parce qu’aucun homme n’aurait pu supporter les souffrances affreuses qu’a endurées Notre-Seigneur pour racheter nos péchés. Et ce que Jésus-Christ a souffert dans son âme, dans son cœur, il l’a aussi souffert dans son corps, dans sa chair.

Après une heure de cette lutte, de ce combat de l’âme et du corps, Jésus-Christ tout sanglant et d’une pâleur livide…

Armand. Qu’est-ce que c’est, livide ?

Grand’mère. Livide veut dire sans couleur, comme un mort.

Notre-Seigneur se releva et s’approcha des trois Apôtres. Ils s’étaient endormis, accablés de fatigue et de tristesse.

Marie-Thérèse. Pourquoi de tristesse ?

Grand’mère. Parce que leur divin Maître leur avait annoncé ses souffrances et sa mort, et qu’il venait de leur dire : « L’heure est venue. »

« Quoi, leur dit Jésus, vous n’avez pu veiller une heure avec moi ! Veillez et priez pour ne pas succomber à la tentation qui approche. »

Et s’éloignant de nouveau, il retourna à la grotte et recommença sa prière et son agonie.

« Mon Père, s’écriait-il, s’il est possible, que ce calice de douleur s’éloigne de moi ! Cependant, non pas ma volonté, mais la vôtre ! » Et il répéta plusieurs fois cette prière, modèle admirable pour nous dans toutes nos souffrances. Il revint une seconde fois auprès des disciples négligents que le sommeil avait une seconde fois vaincus ; et tout attristé de l’abandon où le laissaient ses disciples préférés et Jean son disciple bien-aimé, il les quitta, afin de retourner à la grotte et reprendre sa prière.

Notre-Seigneur nous démontre ainsi la nécessité de la prière ; et les disciples, qui ont négligé la prière, n’ont pas eu, deux heures plus tard, la force nécessaire pour suivre leur Maître ; et ils se sont enfuis aussitôt qu’il y a eu du danger à demeurer près de lui.


CXVI

JUDAS FAIT SAISIR JÉSUS.



Cependant le traître Judas approchait. L’agonie de Notre-Seigneur avait duré environ trois heures, et il était minuit.

Judas fait saisir Jésus.
Judas fait saisir Jésus.


Calme et paisible, Jésus, le Rédempteur des hommes, s’avança une dernière fois vers les Apôtres.

« Vous pouvez maintenant vous reposer et dormir, leur dit-il avec une sorte de tristesse amère. Voici que celui qui doit me livrer est proche. »

Les Apôtres se levèrent effrayés, et au même instant, Judas, accompagné des soldats du Temple et d’une foule armée, entra dans le jardin ; ils étaient plus de cinq cents hommes. Judas avait donné aux juifs ce signal pour reconnaître Jésus : « Celui que j’embrasserai, c’est Jésus de Nazareth. Saisissez-le et garrottez-le avec soin. »

Jacques. Oh ! le méchant Judas ! Comme je l’aurais puni si j’avais été là !

Grand’mère. Le bon Dieu l’a puni bien plus terriblement que tu n’aurais pu le faire, mon enfant ! Tu verras cela tout à l’heure.

« Maître, dit-il à Jésus en s’approchant de lui avec un respect hypocrite, je vous salue. » Et il l’embrassa.

« Mon ami, lui dit Jésus avec bonté, qu’es-tu venu faire ? Quoi, Judas, tu trahis le Fils de l’Homme par un baiser ! »

Puis il s’avança au-devant de la troupe venue pour le prendre et leur dit :

« Qui cherchez-vous ? »

Ils s’écrièrent : « Jésus de Nazareth !

— C’est moi ! » dit le Christ.

Et à cette seule parole, ils reculèrent tous frappés de terreur et tombèrent à la renverse.

Petit-Louis. Bravo ! c’est bien fait ! j’espère que le bon Jésus va tous les tuer.

Grand’mère : Le bon Jésus leur permit de se relever sans avoir aucun mal ; il a voulu être bon et miséricordieux jusqu’à la fin, et donner à ces malheureux pour lesquels il allait souffrir et mourir, le temps de se repentir et de pleurer leur crime. En les renversant par une seule parole, il voulut une dernière fois faire voir à ses bourreaux et au monde quelle était sa puissance et que c’était bien volontairement qu’il s’abandonnait entre les mains cruelles des Juifs.

Marie-Thérèse. Mais j’espère bien que ces méchants hommes ont eu peur et qu’ils n’ont plus osé toucher au bon Jésus.

Grand’mère. Ces méchants, comme tu les appelles très-justement, au lieu de reconnaître la puissance de la Divinité de Notre-Seigneur, furent plus furieux encore ; ils se relevèrent, se jetèrent sur Jésus, le garrottèrent fortement avec des cordes, l’accablèrent d’injures et de coups, le firent sortir du jardin des Oliviers et le conduisirent chez le Grand Prêtre Anne. Pendant ce temps, Caïphe, qui était cette année souverain pontife, rassemblait dans son palais le grand Conseil des Prêtres.

Les Apôtres, qui avaient négligé, comme vous avez vu, de se fortifier par la prière, s’enfuirent lâchement devant les Juifs. Saint Pierre seul voulut résister un moment, et tirant une épée, il coupa l’oreille d’un soldat nommé Malchus. Jésus toucha l’oreille et la guérit immédiatement.

Et il dit à Pierre :

« Remets ton épée dans le fourreau ; ne dois-je pas boire tout entier le calice que m’a préparé mon Père ? »

Valentine. Quel calice Jésus devait-il boire ?

Grand’mère. Le calice de sa Passion et de sa mort. Ce qu’on appelle ici boire le calice, c’est recevoir et accepter avec résignation les peines, les humiliations, les souffrances de toutes sortes que nous envoie le bon Dieu.

Saint Pierre se sauva donc avec les autres Apôtres, mais il suivit de loin son divin Maître jusqu’au péristyle ou vestibule du palais de Caïphe.

Saint Jean vint bientôt l’y rejoindre et comme il était connu de l’esclave qui gardait la porte du palais, il fit entrer Pierre avec lui, et tous deux, se mêlant à la foule des soldats romains, s’approchèrent du foyer allumé au milieu de la cour.


CXVII

JÉSUS DEVANT ANNE.



Jésus parut devant Anne. Celui-ci l’interrogea sur sa doctrine et ses disciples.

Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est, doctrine ?

Grand’mère. Une doctrine est l’ensemble des idées sur la religion, sur la foi, ou sur d’autres choses importantes.

Jésus lui répondit paisiblement :

« Je n’ai parlé qu’en public et devant le monde. J’ai enseigné dans vos synagogues et dans le Temple, en présence du peuple. Pourquoi donc m’interrogez-vous sur ce que j’ai dit ? Interrogez ceux qui m’ont entendu ; ils vous rendront témoignage de ce que j’ai dit. »

Un Soldat brutal et grossier, se figurant que les paroles de Notre-Seigneur étaient insultantes pour Anne ; donna un soufflet à Jésus, en lui disant :

Est-ce ainsi que tu réponds au Grand Prêtre ?

— Si j’ai mal parlé, prouve-le, répondit le Sauveur avec une douceur et une majesté toutes divines ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?

Camille. Quelle belle réponse ! Et quelle patience, quelle douceur admirables !

Grand’mère. Oui, chère enfant, aussi admirables que son humilité, que sa charité. Jusqu’à la fin Notre-Seigneur nous donne l’exemple des plus sublimes vertus ; et s’il permet que des valets et des soldats sacrilèges le soufflettent et l’outragent de mille manières, c’est pour nous affermir contre les humiliations, les injustices, les calomnies de ce monde. Comment nous plaindrons-nous de la sévérité, de l’injustice dont nous souffrons, quand nous pensons que l’innocent Jésus a souffert mille fois plus que nous ; que Jésus Notre-Seigneur, notre Dieu, a supporté les soufflets, les crachats, les coups, la faim, la soif, la fatigue, toutes les tortures imaginables ! Ce qu’il a fait par amour pour vous, chers enfants, faites-le par amour pour lui ; et soyez sûrs que quoi que vous souffriez, vous n’arriverez jamais à souffrir la millième partie de ce qu’a souffert votre Dieu. Si un ami vous trahit, pensez à Judas. Si on vous trappe, pensez aux coups, aux soufflets que Jésus a reçus de ces grossiers soldats ; tâchez de conserver comme lui la paix du cœur et la douce humilité qui pardonne.

CXVIII

JÉSUS CHEZ CAÏPHE.



Le Fils de Dieu resta peu de temps chez Anne. Caïphe, contrairement à la loi, avait rassemblé au milieu de la nuit le Conseil des Princes des Prêtres, au nombre de vingt-trois. Il fit avertir Anne, et Jésus fut conduit devant le Conseil pour être jugé.

Ces juges impies, qui ne cherchaient pas du tout à savoir la vérité, mais qui voulaient seulement avoir un prétexte pour condamner celui qu’ils haïssaient, avaient payé de faux témoins ; ils se présentèrent et accusèrent Notre-Seigneur ; mais leurs témoignages se contredisaient trop grossièrement pour avoir quelque apparence de vérité.

« Tu ne réponds rien à ceux qui t’accusent ? » lui demanda le Grand Prêtre impatienté du calme et du silence de Jésus.

Mais Notre-Seigneur gardait le silence.

« Je t’adjure au nom de Dieu, de nous dire si tu es le Christ, Fils du Dieu très-saint. »

Notre-Seigneur, qui n’avait pas parlé jusqu’alors, répondit à la demande que lui adressait Caïphe au nom de Dieu.

« Oui, tu l’as dit, je le suis. Et vous verrez le Fils de l’Homme à la droite de la majesté de Dieu, apparaître dans les nuées du Ciel.

— Qu’avons-nous besoin d’autres témoignages contre lui ? s’écria alors le Grand Prêtre en déchirant ses vêtements. Vous venez d’entendre son blasphème.

Louis. Pourquoi ce méchant Caïphe a-t-il déchiré ses vêtements ?

Grand’mère. Parce que, chez les Juifs, c’était la manière d’exprimer une grande indignation ou une grande désolation. En cette occasion, c’était seulement de l’hypocrisie.

« Il mérite la mort ! » crièrent-ils tous à la fois.

Et se jetant sur le Sauveur avec les soldats et les valets, ils se mirent à le frapper, à lui cracher ou visage.

On le traîna tout garrotté dans une des prisons du palais ; le visage adorable de Jésus meurtri et souillé, fut couvert d’un linge sale comme d’un voile, et les misérables qui le frappaient se moquaient de lui en disant : Christ, prophétise-nous, et devine qui t’a frappé. »

Jésus fut insulté de la sorte pendant plusieurs heures.


CXIX

PIERRE RENIE LE SAUVEUR.



Pendant l’interrogatoire, Pierre était dans la cour de Caïphe, au milieu d’une foule nombreuse.

Peu d’heures auparavant, avant d’entrer à Gethsémani, il avait fait à son Maître des protestations de dévouement ; il les faisait avec une grande sincérité, mais aussi avec beaucoup de présomption.

« Lors même que tous vous abandonneraient, moi je ne vous abandonnerai pas, » avait-il dit. Et le Seigneur lui avait répondu avec tristesse :

« Cette nuit même, avant que le coq chante, tu me renieras trois fois. »

Et malgré l’avertissement de Jésus, Pierre avait dormi au lieu de prier.

Pierre, en effet, renia trois fois le Fils de Dieu.

Une servante l’aperçut presque à son entrée dans la cour, et lui demanda s’il n’était pas un des disciples de Jésus de Nazareth.

Et Pierre répondit : « Femme, je ne le connais pas, je ne sais pas ce que tu veux dire. »

Il s’avança tout troublé au milieu des soldats, et s’approcha du foyer, car il faisait froid. Après quelques instants, une autre femme, l’ayant regardé, le montra à ceux qui se chauffaient. Et interrogé une seconde fois, le pauvre Pierre nia de nouveau et avec serment, qu’il connût cet homme.

Une heure après, un des serviteurs de Caïphe, qui avait accompagné Judas au jardin des Oliviers, entra dans la cour, reconnut Pierre et lui dit :

« Je t’ai vu dans le jardin avec lui. » Alors Pierre se mit à blasphémer et à jurer une troisième fois qu’il n’avait jamais connu Jésus.

Et aussitôt le coq chanta.

En ce même temps, le Sauveur sortait de la salle du Conseil, on le conduisait dans la prison du Temple. En passant près de Pierre, il jeta sur lui un regard de reproche et de compassion. Et Pierre, touché par ce divin regard, se rappela les paroles de son Maître. Il se leva, sortit aussitôt, et pleura amèrement,

Henri. Et où alla-t-il ensuite ?

Grand’mère. Une tradition, c’est-à-dire un récit qui a passé de bouche en bouche, nous dit que saint Pierre alla chercher du courage et de la consolation près de la sainte Vierge et de l’Apôtre saint Jean, lequel, durant la Passion, n’abandonna pas la Mère de Dieu ; saint Pierre avoua sa faute et la pleura aux pieds de la sainte Vierge.

Henri. La pauvre sainte Vierge a dû le repousser et lui témoigner un grand mécontentement.

Grand’mère. Au contraire, la sainte Vierge, qui est le refuge des pécheurs et la Mère de miséricorde, le reçut avec bonté, le consola, lui pardonna au nom de son divin Fils, et l’encouragea dans ses bonnes pensées de repentir du passé et de fermeté pour l’avenir. Elle savait pourtant l’affliction que son Fils avait ressentie du reniement de Pierre, disciple choisi et désigné déjà pour le remplacer sur la terre comme chef futur des Apôtres et de toute l’Église ; malgré tout, elle pardonne à Pierre et nous montre par là combien nous devons compter sur la tendresse, l’indulgence de cette Mère divine, qui nous reçoit toujours quand nous avons recours à elle, qui nous exauce toujours quand nous l’invoquons, qui prie pour nous et qui nous obtient des grâces si nécessaires pour notre salut.

CXX

DÉSESPOIR ET MORT DE JUDAS.



Pierre se repentit après son péché. Il pleura, eut recours à Marie et ne désespéra point de la bonté de Jésus.

Judas se repentit aussi, dit l’Évangile, lorsqu’il vit que son crime causait la mort de son Maître. Mais il n’eut pas le bon repentir.

Élisabeth. Comment, Grand’mère ? Est-ce qu’il y a un bon et un mauvais repentir ? Il me semble que le repentir est toujours bon.

Grand’mère. Oui, mon enfant, il est toujours bon quand il vient de l’amour, quand il est causé par le regret d’avoir mal fait, d’avoir offensé le Dieu qu’on aime ; mais chez Judas, ce repentir provenait de la honte de s’être déshonoré, de la colère de n’avoir ni prévu ni compris les suites de l’action infâme qu’il commettait, et de s’être fait complice des meurtriers de Jésus ; il prévoyait une vie de honte et de misère, et au lieu de prier, de pleurer comme avait fait saint Pierre, il se laissa aller à la rage et au désespoir.

Lorsqu’il entendit condamner à mort ce Maître qui avait été si bon pour lui, il alla trouver les Princes des Prêtres et leur dit en jetant à leurs pieds les trente pièces d’argent :

« J’ai péché en vous livrant le sang du Juste. »

Les Princes des Prêtres le repoussèrent et se moquèrent de lui ; Judas sortit en courant comme un fou, le cœur plein de rage et de terreur ; il alla en dehors de la ville et se pendit à un arbre ; son ventre creva, et ses entrailles se répandirent par terre.

Jésus-Christ avait dit : « Malheur à celui par qui le Fils de l’Homme sera livré. Il eût mieux valu pour lui n’être jamais né. »

En se tuant, Judas s’était ôté la possibilité du repentir. Il aurait dû se souvenir de la bonté du Sauveur et pleurer son crime en implorant son pardon. Quelque mal qu’on ait fait, quelque crime qu’on ait commis, il ne faut jamais se livrer au désespoir, ni douter de la miséricorde divine.


CXXI

JÉSUS RENVOYÉ À PILATE.



Dès que le jour parut, Caïphe rassembla une seconde fois les Princes des Prêtres, les Anciens du peuple, les Scribes et les Pharisiens. Ils interrogèrent de nouveau Jésus, qui affirma encore qu’il était le Christ, le Fils de Dieu fait homme, Ils confirmèrent la condamnation à mort ; mais comme le gouverneur romain pouvait seul faire exécuter les condamnations à mort, Jésus fut conduit au palais de Ponce Pilate, qui était gouverneur de Jérusalem au nom de l’Empereur Tibère.

Jésus renvoyé à Pilate.
Jésus renvoyé à Pilate.


Pilate était un homme faible et égoïste ; il désirait plaire à tout le monde et il ne cherchait pas à être juste dans ses jugements.

Il était environ six heures du matin quand Jésus fut amené à son tribunal. Les Juifs accusèrent Jésus d’une foule de crimes et ils affirmèrent qu’il se disait Roi de Judée, et qu’il méprisait l’autorité de César Tibère.

Pilate interrogea Jésus ; il fut frappé de sa majesté et de sa douceur.

« Es-tu Roi ? lui demanda-t-il.

— Oui ; répondit le Sauveur, lu l’as dit, je suis Roi ; mais mon Royaume n’est pas de ce monde. Si mon Royaume était de ce monde, je serais environné de serviteurs qui prendraient ma défense. Je suis venu en ce monde pour rendre témoignage à la vérité.

— Et qu’est-ce que la vérité ? » demanda Pilate. Mais sans attendre une réponse dont, au fond, il se souciait peu, il s’avança vers les Juifs, et leur dit que ne trouvant aucun crime en cet homme, il allait le renvoyer à Hérode, Tétrarque de Galilée.

Armand. Qu’est-ce que c’est, Tétrarque ?

Grand’mère. Un Tétrarque était un Roi d’une petite province. Hérode commandait la province de Galilée, qui était une partie de la Judée ou Palestine. Et comme Pilate venait d’apprendre que Jésus était Galiléen, il voulut se faire ami d’Hérode en lui renvoyant un homme qui était de sa province.

CXXII

JÉSUS DEVANT HÉRODE.



Hérode, Tétrarque de Galilée, était un prince cruel, orgueilleux et railleur, c’est-à-dire moqueur.

Il avait entendu parler de Jésus comme d’un faiseur de miracles, et il s’attendait, ainsi que ses courtisans, à lui voir faire des prodiges. Mais le Fils de Dieu ne dit pas une parole en sa présence.

Hérode, mécontent et désappointé, se moqua de lui, le regarda comme un fou, et le fit revêtir d’une robe blanche, ce qui, en Galilée, était le vêtement des fous. Il lui fit mettre dans la main un long roseau en place du sceptre royal que portent les Rois, et il le renvoya à Pilate, accompagné par une populace grossière qui blasphémait, qui l’insultait et le frappait.


CXXIII

JÉSUS RAMENÉ DEVANT PILATE.



Les clameurs de ce peuple excité par les calomnies des Pharisiens et des Princes des Prêtres, attirèrent Pilate, qui interrogea de nouveau Jésus ; mais le Sauveur ne répondit plus rien.

Jacques. Pourquoi ne répondit-il pas ? Il aurait peut-être convaincu Pilate de son innocence.

Grand’mère. Notre-Seigneur voyait le fond du cœur égoïste et lâche de Pilate ; il savait que la peur de l’Empereur et des Juifs l’empêcherait d’être juste. D’ailleurs, quand Pilate lui avait demandé : « Qu’est-ce que la vérité ? » il ne s’était même pas donné la peine d’attendre la réponse du Sauveur.

Notre-Seigneur garda donc le silence, jugeant que toute parole serait inutile.

Pilate, voyant que Jésus ne disait plus rien pour sa défense, était fort embarrassé.

Louis. Il me semble qu’il n’y avait pas de quoi être embarrassé. Il voyait que Jésus était innocent ; il devait le dire aux méchants Juifs, les chasser et protéger le pauvre Jésus contre leur méchanceté.

Grand’mère. Certainement ; c’est ce qu’il aurait fait s’il avait été un homme honnête, courageux et craignant de mal faire ; mais Pilate était lâche, il avait peur de se faire des ennemis et de perdre sa place de Gouverneur de la Judée ; il voulut donc contenter les Juifs, sans pourtant commettre une injustice trop visible à l’égard de Jésus, et il crut avoir trouvé un moyen très-habile.

Il était d’usage qu’aux fêtes de Pâques le Gouverneur romain accordât aux Juifs la grâce d’un condamné à mort. Il y avait dans les prisons de Jérusalem un brigand célèbre, nommé Bar-Abbas, condamné à mort pour ses crimes. Pilate espéra qu’en Le proposant au peuple avec Jésus, tout le monde préférerait Jésus, car ce brigand était fort redouté.

Pilate rappela donc au peuple rassemblé autour de son palais, quel était l’usage des fêtes de Pâques, et il leur demanda s’ils voulaient délivrer Bar-Abbas ou Jésus.

Les Pharisiens excitèrent si bien la foule que presque tous crièrent à Pilate :

« Non, pas Jésus, mais Bar-Abbas.

— Et que ferai-je de l’autre ? dit Pilate.

— Qu’il soit crucifié ! » vociférèrent les Juifs.

Ce qui est frappant et ce qui n’a pas été l’effet du hasard, c’est que le nom hébreu de Bar-Abbas, signifie fils de roy. Jésus, Fils de Dieu, sauvait ainsi d’une mort justement méritée, le coupable Bar-Abbas, qui représentait tous les coupables fils d’Adam, tous les fils coupables de notre premier père.


CXXIV

JÉSUS FLAGELLÉ.



Pilate hésitait de plus en plus.

« Mais je ne trouve aucun crime en cet homme, » répétait-il aux Pharisiens et aux Juifs.

Et pour toute réponse, tous hurlaient plus fort :

« Crucifiez-le, crucifiez-le ! »

Le lâche Pilate, effrayé de leurs vociférations, crut les apaiser en leur annonçant qu’il allait faire flageller le Seigneur ; il croyait par là satisfaire leur rage et sauver Jésus de la mort.

Il le livra donc aux bourreaux qui le traînèrent dans la cour du Prétoire.

Les soldats romains le dépouillèrent de la robe blanche qu’Hérode lui avait fait mettre par dérision ; ils l’attachèrent à une colonne et le fouettèrent avec une cruauté inouïe.

Sa chair sacrée fut bientôt déchirée par les lanières de cuir armées de pointes de fer dont se servaient les Romains pour ces cruelles exécutions. Et quand sa chair fut en lambeaux, quand ses os furent dépouillés, quand il eut reçu plus de trois mille coups de fouets et que les infâmes bourreaux furent las de frapper, ils délièrent Jésus, l’assirent sur une pierre, jetèrent sur ses épaules sanglantes un manteau de pourpre, enfoncèrent sur sa tête une couronne d’épines dont les pointes lui déchiraient la tête et le front, et lui remirent dans les mains le sceptre de roseau.

« Salut, ô Roi des Juifs ! » disaient-ils en ricanant et en se prosternant devant lui. Et lui arrachant le roseau des mains, ils lui en frappaient la tête, puis ils le souffletaient et le couvraient de crachats.

Voilà, mes chers enfants, une partie des souffrances qu’a voulu endurer Notre-Seigneur pour racheter nos péchés, pour nous sauver du démon. Et nous, ingrats et méchants, nous oublions sa Passion, nous continuons à l’offenser, nous préférons notre plaisir à son amour, et nous nous jetons dans une vie dissipée, commode, agréable, coupable par son inutilité, sans réfléchir que nous nous perdons et que nous rendons les souffrances de Notre-Seigneur inutiles en ce qui nous touche. Notre ingratitude, notre légèreté ont été une des plus grandes peines du Sauveur, car il nous aime et il ne peut nous sauver ; il souffre pour nous des tortures affreuses, et nous repoussons son sacrifice. Prions les uns pour les autres, mes chers enfants, afin que tous nous soyons remplis de reconnaissance et d’amour pour ce bon Sauveur et que nous profitions de ce qu’il a souffert pour nous réunir à lui dans le bonheur éternel.


CXXV

PILATE ABANDONNE NOTRE-SEIGNEUR
À SES BOURREAUX.



Tout sanglant, tout brisé par la douleur, le Rédempteur du monde fut traîné devant son juge.

Pilate, marchant devant lui hors de la salle du Prétoire, le montra à la foule en disant : « Voilà l’Homme. »

Lui-même, juge inique, eut peur de sa cruelle faiblesse. Il crut qu’en montrant au peuple ce corps ensanglanté, ce visage déchiré, ils auraient pitié de lui.

« Voilà l’Homme ! » dit Pilate.

Oui, voilà l’Homme, l’Homme saint, l’Homme-Dieu qu’ils ont méconnu, outragé, torturé. Voilà l’Homme qui veut souffrir, qui veut mourir pour sauver ceux qui le méconnaissent, qui l’outragent, qui le torturent ; voilà l’Homme-Dieu mourant, mais qui veut souffrir encore jusqu’à ce qu’il ait expié tous les péchés de tous les hommes qu’il appelle ses frères.

Et les Juifs n’ont aucune pitié de ses atroces douleurs ; ils veulent qu’il souffre encore, ils veulent l’avilir plus encore par le supplice ignominieux de la croix, et tous rugissent de plus fort en plus fort :

« Crucifiez-le ! crucifiez-le ! »

Pilate, à ces cris, rassemble son courage : « Pourquoi le crucifierai-je, demanda-t-il, puisqu’il est innocent ? Crucifierai-je votre Roi ?

— Nous n’avons pas d’autre Roi que César ! crient les Juifs. Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ! Il s’est dit Fils de Dieu, et selon notre loi il doit mourir ! Si vous le relâchez, vous êtes ennemi de César ! »

À ces paroles, Pilate eut peur et chercha à étouffer la voix de sa conscience. Il monta donc sur son tribunal, qui, suivant l’usage des anciens, était situé en plein air et devant le palais. Il se fit apporter de l’eau, et se lavant les mains en présence de la foule :

« Je suis innocent, dit-il, du sang de ce juste ! C’est vous qui en répondrez !

— Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » s’écria tout d’une voix ce peuple furieux qui avait été jusque-là le peuple de Dieu, et qui, depuis ce jour où il devint assassin de son Dieu, fut maudit comme Caïn, et condamné comme lui à errer sur la terre, méprisé et haï par toutes les nations et dans tous les siècles.

Pilate, croyant se purifier par là du sang innocent de Jésus, le condamna au supplice le plus cruel et le plus infamant de l’antiquité, le supplice de la croix. Il fit écrire en hébreux, en grec et en latin l’inscription qui devait être attachée selon l’usage au haut de la croix du condamné :

Jésus de Nazareth, Roi des Juifs.

Cette inscription fut gravée, c’est-à-dire écrite en creusant dans le bois, sur une planche de bois de cèdre ; la planche était peinte en blanc et les lettres de l’inscription étaient peintes en rouge.

Marie-Thérèse. Comment savez-vous cela, Grand’mère ?

Grand’mère. Parce que ce précieux souvenir de la Passion de Notre-Seigneur, se voit encore à Rome, dans la basilique de Sainte-Croix, où il fut déposé par l’impératrice Hélène, trois cent et quelques années après la mort de Notre-Seigneur.

Madeleine. Comment, on distingue encore les lettres ?

Grand’mère. Parfaitement ; la couleur est disparue depuis longtemps, mais j’ai vu les lettres quand j’ai été à Rome, ainsi qu’un grand morceau de la croix, l’un des clous qui ont percé les mains de Notre-Seigneur, et quelques épines de la couronne que les Juifs enfoncèrent dans la tête du Sauveur. Toutes ces précieuses reliques sont à Rome, dans l’église de Sainte-Croix de Jérusalem.

Quand les Pharisiens et les Princes des Prêtres virent l’inscription, ils voulurent faire changer les dernières paroles en disant que Jésus n’était pas Roi des Juifs, mais qu’il s’était seulement dit Roi des Juifs.

Pilate méprisait les Juifs, et dans ce moment il se sentait irrité contre eux parce qu’ils lui avaient fait commettre une mauvaise action que sa conscience lui reprochait vivement ; il repoussa leur demande avec colère et répondit : « Ce qui est écrit est écrit. »

Jésus fut donc proclamé Roi des Juifs, c’est-à-dire Roi du vrai peuple de Dieu. Et c’est Pilate, son meurtrier, qui le proclame Roi ! C’est au nom de l’Empire romain, alors maître de l’univers, qu’il le proclame ! Et pour que personne ne l’ignore, il le fait inscrire sur la croix dans les trois langues réputées sacrées : l’hébreu, le grec, le latin.

Louis. Pourquoi les appelait-on sacrées ?

Grand’mère. Parce qu’elles seules servaient pour les prières, les cérémonies du culte et pour écrire les livres saints, que le Saint-Esprit lui-même a inspirés et qui renferment les écrits de Moïse et des Prophètes, les Psaumes, les Évangiles et les écrits des Apôtres. On appelle tous ces écrits les saintes Écritures.

Il était environ huit heures du matin lorsque Pilate prononça la sentence qui condamnait Notre-Seigneur à mourir sur la croix. On se mit à préparer cette croix, qui, d’après les anciennes traditions, fut faite d’un bois mystérieux.

Élisabeth. Comment, mystérieux ? Puisque vous l’avez vue, Grand’mère, elle existe encore et on peut bien savoir de quel bois elle est.

Grand’mère. J’ai vu, il est vrai, un grand morceau de la traverse, qui est à l’église Sainte-Croix de Jérusalem, mais personne n’a jamais pu dire de quel bois elle était faite.

Pour donner plus d’éclat au supplice de Notre-Seigneur, aussi bien que pour augmenter son abaissement, les Princes des Prêtres voulurent qu’on crucifiât avec lui deux scélérats qui étaient condamnés à mort et qui attendaient leur exécution dans les prisons de la ville.

Pendant les préparatifs du supplice, Notre-Seigneur fut abandonné aux soldats de Pilate, qui le frappèrent et l’outragèrent plus cruellement encore qu’avant la condamnation. Il ne sortit du Prétoire que pour se rendre au Golgotha ou montagne du Calvaire.

Une ancienne tradition dit que c’est sous les ruchers du Golgotha qu’Adam avait été enterré ; que ses ossements y étaient encore lorsque Notre-Seigneur fut crucifié, que la croix de Jésus fut plantée à l’endroit même où se trouvait la tête d’Adam, et que le sang de Notre-Seigneur coula jusque sur le crâne du premier homme qui fut aussi le premier pécheur.


CXXVI

JÉSUS PORTE SA CROIX.



Le chemin que traversa le lugubre cortège était d’environ un kilomètre. Ou l’appela et on l’appelle encore, la Voie douloureuse ; et les chrétiens qui habitent Jérusalem et ceux qui vont en pèlerinage peuvent parcourir une partie de ce chemin et baigner de leurs larmes les pierres sanctifiées par le sang du Dieu Rédempteur.

On obligea Jésus, malgré sa faiblesse excessive et les plaies qui couvraient son corps, à porter lui-même sa croix. Il

Jésus porte sa croix.
Jésus porte sa croix.


tomba à plusieurs reprises sous ce cruel fardeau qui pourtant lui était cher parce qu’il devait servir à la rédemption des hommes. On voit encore la place où la très-sainte Vierge Marie, sa mère, accompagnée de saint Jean et de sainte Marie-Madeleine, s’était placée pour l’attendre et pour le suivre.

Henri. Où avait-elle été jusque-là ?

Grand’mère. Elle était restée au Cénacle avec les saintes femmes depuis la Cène ; les disciples Pierre, Jean et Jacques, allaient et venaient pour lui apporter des nouvelles du Sauveur.

Quand elle sut qu’il allait partir pour le lieu du supplice, le Golgotha, elle alla se placer au commencement du chemin qu’il devait suivre, pour l’accompagner de loin et ne plus le quitter jusqu’à son dernier soupir.

La tradition rapporte aussi qu’une des pieuses femmes qui se trouvaient sur le passage de Notre-Seigneur se jeta aux pieds de Jésus pour lui présenter une boisson fortifiante et pour essuyer sa sainte face toute couverte de sueur, de sang et de crachats ; et que le Sauveur récompensa son courage et sa foi en imprimant miraculeusement les traits de son visage sur le linge qu’elle lui présentait.

Camille. Et qu’a-t-on fait de ce linge précieux ?

Grand’mère. Il existe encore à Rome, dans la basilique de Saint-Pierre ; c’est ce linge qu’on appelle le Saint-Suaire.

Jésus et les deux voleurs arrivèrent au Golgotha, vers neuf heures du matin, ce qui était pour les Juifs la troisième heure du jour.

Élisabeth. Comment était-ce pour eux la troisième heure, puisque c’était la neuvième.

Grand’mère. Parce que les Juifs ne comptaient pas les heures comme nous, à partir de minuit ; ils les comptaient à partir du lever du soleil ; et comme dans cette saison, mois d’avril, Le soleil se lève à six heures, neuf heures pour nous était trois heures pour eux. C’est à la troisième heure que les juifs crucifièrent Notre-seigneur ; les ténèbres couvrirent la montagne du calvaire depuis la sixième heure, midi pour nous, jusqu’à la neuvième heure, trois heures pour nous.

Élisabeth. Je croyais que c’était à midi que Notre-Seigneur avait été crucifié. C’est l’agonie qui commença à midi.

Grand’mère. On le dit généralement, mais d’après l’Évangile même, et le témoignage d’anciens docteurs, le crucifiement aurait eu lieu à neuf heures. Saint Marc dit expressément : C’était la troisième heure (neuf heures du matin) et on le crucifia.

Le Sauveur serait resté ainsi six heures en croix. L’œuvre du salut se serait faite en six heures comme l’œuvre de la création s’était faite en six jours. Le monde lui-même, suivant les anciennes traditions, doit durer six époques que l’on croit être de mille ans chacune.


CXXVII

CRUCIFIEMENT DE JÉSUS.



Les bourreaux arrachèrent à Notre-Seigneur le manteau de pourpre qui s’était collé à ses plaies ; de sorte que le sang coula de nouveau en abondance.

Ils mirent la croix par terre, y étendirent Notre-Seigneur et y clouèrent ses mains et ses pieds.

Au-dessus de sa tête couronnée d’épines, ils placèrent l’inscription de Pilate : Jésus de Nazareth, Roi des Juifs.

Ensuite ils descendirent le pied de la croix dans le roc qui avait été creusé pour la recevoir, et Jésus Notre Sauveur fut alors élevé de terre, les bras étendus comme pour sauver et bénir tous les hommes.

On crucifia les deux voleurs des deux côtés de la croix de Jésus. À sa droite, était le voleur Dismas, qui touché de la douceur, de la majesté de Jésus, se convertit quelques moments après et le reconnut pour son Dieu.

Les soldats se partagèrent les vêtements de Notre-Seigneur et des deux voleurs. Mais comme la robe de Jésus était sans couture, ils ne voulurent pas la déchirer et ils la tirèrent au sort.

Tous ces détails de la Passion avaient été prédits par les Prophètes, plusieurs siècles avant la venue du Messie dans le monde.

Le Golgotha était couvert de peuple, et les Pharisiens jouissaient de leur triomphe. « Eh bien ! criaient-ils avec ironie à Jésus crucifié, toi qui prétends détruire et rebâtir le Temple de Dieu en trois jours, descends donc maintenant de ta croix ! Voyez-le, ajoutaient-ils, il sauve les autres et il ne peut se sauver lui-même ! S’il est Roi d’Israël, qu’il descende de la croix et alors nous croirons en lui ! »

Le peuple et les soldats répétaient ces blasphèmes.

Valentine. C’est dommage que Jésus n’ait pas voulu faire ce miracle que demandaient les Pharisiens, de descendre de la croix. Ils se seraient tous convertis.

Grand’mère. Ils ne se seraient pas plus convertis que lorsqu’ils ont vu le miracle de l’aveugle-né et celui de la résurrection de Lazare. Remarque bien que les Pharisiens n’étaient pas dans l’ignorance et la bonne foi, mais dans la haine et l’orgueil ; de plus, n’oublie pas que Notre-Seigneur, en commençant sa Passion, avait abandonné à son Père tout son pouvoir divin pour ne plus en faire usage et ne conserver que les faiblesses de la nature humaine. Ce n’était plus l’heure des miracles ; c’était l’heure du sacrifice divin, qui est le plus incompréhensible et le plus adorable des miracles.


CXXVIII

LE VOLEUR DISMAS CONVERTI.



Au milieu des blasphèmes, des injures, du tumulte et des cris, la voix du Fils de Dieu se fit entendre :

« Mon Père, s’écria Jésus, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. »

Madeleine. Mais c’était la faute de ces méchants Juifs s’ils ne le savaient pas, car Notre-Seigneur avait dit et fait tout ce qu’il fallait pour les éclairer.

Grand’mère. Oui certainement, chère enfant, mais notre bon Sauveur veut encore tenter un dernier effort pour toucher leurs cœurs, pour les ramener à Dieu et pour leur obtenir les grâces et le pardon de son Père. Il fait pour eux ce qu’il fait pour nous, et nous faisons pour lui ce que font ces Juifs que nous traitons de barbares et de scélérats.

Madeleine. Oh ! Grand’mère, aucun chrétien ne torturerait le pauvre Jésus, comme l’ont fait ces misérables Juifs !

Grand’mère. Chère petite, chaque fois que nous péchons, c’est un soufflet, une injure que nous prodiguons à Notre-Seigneur ; chacun de nos péchés a été racheté par les coups, les blessures, les tortures, le sang répandu, le crucifiement et la mort de Notre-Seigneur ; ainsi chaque fois que nous péchons, nous sommes les complices de sa Passion.

Madeleine. Mais c’est affreux à penser, Grand’mère ! Nous sommes donc des monstres comme les Juifs.

Grand’mère. Nous sommes des monstres comme eux, si nous péchons mortellement ; mais nous ne sommes que de faibles et pauvres créatures, si nous péchons par entraînement, sans réflexion, sans volonté d’offenser notre bon Sauveur et avec le grand regret de l’avoir offensé. Plus ou moins, cependant, nous participons tous à sa Passion et chacun de nous y a ajouté son offense, son soufflet, son crachat. Nous avons donc bien raison de pleurer sur les souffrances que nous avons causées à Notre-Seigneur et sur nos péchés qu’il a voulu expier par sa Passion et par sa mort.

À cette douce et adorable parole :

« Mon Père pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font, » le cœur de Dismas, ce voleur crucifié à la droite de Jésus, fut touché d’un sincère et subit repentir. À tant d’amour, de miséricorde, il reconnut son Dieu ; et tournant vers Jésus ses yeux baignés de larmes : « Seigneur, lui dit-il, avec une humble confiance, souvenez-vous de moi quand vous serez dans votre Royaume ! »

Et Jésus lui répondit :

« Aujourd’hui même, tu seras avec moi dans le Paradis. »

Jacques. Le voleur a dû être bien content !

Grand’mère. Oui, il a été heureux de cette promesse qui nous montre qu’il n’est jamais trop tard pour se repentir et que les plus grands scélérats peuvent être pardonnés, si leur repentir est proportionné à leurs crimes et si leur foi est grande et leur amour ardent.

Henri. C’est très-commode cela, Grand’mère ! On peut être toute sa vie un méchant homme ; pourvu qu’on se repente au dernier moment, on est sauvé.

Grand’mère. Non, ce n’est pas comme tu le dis. D’abord il n’y a aucun agrément à être méchant, avare, égoïste, gourmand, paresseux, menteur, colère, etc., parce qu’on est méprisé, détesté de tout le monde, et tourmenté par la crainte de l’enfer. Ensuite, parce que les gens qui vivent ainsi, offensant Dieu, et voulant l’offenser, finissent par perdre toute foi, tout sentiment religieux, ne se repentent guère à la fin de leur vie, et ne croient jamais être assez près de la mort pour se repentir. Enfin, parce qu’il arrive souvent qu’on meurt subitement sans avoir le temps de se repentir et de demander pardon au bon Dieu ; de plus, le repentir forcé de la fin est bien douteux ; il ne faut pas s’y fier et le confondre avec le vrai et profond repentir du bon Larron.

CXXIX

JÉSUS LÈGUE SA MÈRE À SAINT JEAN.



Il y avait trois heures que Jésus était sur la croix. Vers la sixième heure du jour, c’est-à-dire vers midi, des ténèbres miraculeuses couvrirent toute la terre jusqu’à la neuvième heure.

Pierre. Était-ce une éclipse de soleil ?

Grand’mère. Non, ce n’était pas une éclipse ordinaire ; mais une obscurité étonnante sans aucune cause naturelle, qui répandit partout la terreur et dont plusieurs historiens même païens ont parlé dans des livres qui sont arrivés jusqu’à nous. Un de ces historiens assure que l’obscurité était si grande que l’on voyait distinctement les étoiles.

Au pied de la croix, se tenait debout, immobile et brisée de douleur, Marie, la Mère du divin Sauveur.

Élisabeth. Pauvre Sainte Vierge, comment avait-elle le courage d’assister à un si cruel supplice ?

Grand’mère. La Sainte Vierge avait reçu, comme Mère de Dieu, un courage et une force surnaturels. Elle ne faisait qu’un avec Jésus ; elle souffrait avec lui de loin comme de près ; elle acceptait comme lui le sacrifice qu’il faisait de sa vie pour sauver les hommes ; elle l’acceptait avec le même amour et la même soumission à la volonté du Père Éternel : elle partageait l’amour de son Divin Fils pour les hommes.

La Sainte Vierge au pied de la croix était là comme le prêtre qui offre le sacrifice de la messe ; elle offrait son Fils pour le salut des pécheurs.

La Sainte Vierge était accompagnée de saint Jean qui ne la quittait pas, de sainte Marie-Madeleine et de quelques saintes femmes qui suivaient habituellement Notre-Seigneur.

Sur le Calvaire ou Golgotha, l’humanité tout entière, les chrétiens de tous les siècles, étaient représentés par saint Jean, le disciple bien-aimé de Jésus.

Le Sauveur, ranimant ses forces épuisées, jeta les yeux sur sa Mère et sur saint Jean, qui le contemplaient tous deux avec une douloureuse tendresse. Du regard, il montra saint Jean à sa mère.

« Femme dit-il, voilà votre fils ! »

Et tournant ensuite les yeux vers son fidèle Apôtre, il ajouta :

« Voici ta mère ! »

Jésus donnait ainsi à Marie tout le genre humain, comme devant le remplacer dans le cœur de cette Mère Divine. Et il donna Marie pour Mère à tout le genre humain, Elle, pour nous aimer, nous protéger, nous secourir, sans jamais se lasser, comme une vraie mère. Et nous, pour aimer, vénérer, implorer Marie, sans jamais craindre de fatiguer sa tendresse et sa bonté maternelles. Ainsi, non content de nous avoir laissé son propre corps comme nourriture dans la sainte Eucharistie, il nous laisse encore une Mère miséricordieuse que nous pouvons et devons toujours invoquer, qui nous vient toujours en aide et qui nous obtient des grâces qu’elle seule peut obtenir. La piété et l’amour envers Marie deviennent ainsi inséparables de la piété et de l’amour envers Jésus, notre Dieu et notre Sauveur.


CXXX

JÉSUS EXPIRE SUR LA CROIX.



L’heure solennelle approchait. Les ténèbres commençaient à devenir moins épaisses, comme pour laisser apercevoir le corps livide et palpitant du Fils de Dieu suspendu à la croix. Tout son sang s’était épuisé et son regard était déjà voilé par les approches de la mort.

Pour nous faire comprendre l’excès de ses souffrances, augmentées par l’abandon où la justice Divine laissait son humanité chargée de tous les péchés des hommes, il s’écria d’une voix pleine d’angoisses :

« Mon Dieu, mon Dieu ! Pourquoi m’avez-vous délaissé ? »

Il n’osait plus appeler Dieu son Père.

« J’ai soif ! » murmura Jésus d’une voix éteinte.

Un des soldats, ému de compassion, prit une éponge, l’imbiba d’un peu de vinaigre mêlée d’eau, et à l’aide de sa lance l’approcha des lèvres desséchées du Rédempteur ; mais Jésus refusa ce soulagement, et sachant que toutes les prophéties étaient accomplies, que la rédemption du monde était achevée, il releva sa tête chargée d’épines et murmura :

« Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains ! »

Puis, montrant une dernière fois sa Divinité, il s’écria d’une voix puissante :

« Tout est consommé ! »

Et inclinant la tête, il rendit l’esprit.

Il était trois heures ; c’était le moment où dans le Temple on offrait le sacrifice du soir, en immolant un agneau, touchant symbole de l’immolation du véritable agneau de Dieu.


CXXXI

JÉSUS EST ENSEVELI.



Après quelques instants de silence, La grand’mère reprend :

Le Fils de Dieu venait de mourir ! le Dieu Créateur, le Dieu qui commande à la mort, le Dieu éternel, venait de mourir. Le péché d’Adam et de tous ses descendants était racheté ; désormais l’homme pouvait être sauvé ; il pouvait reprendre dans le Ciel la place d’où l’avait chassé le péché.

Le Sauveur mourut le vendredi saint, quinzième jour du mois d’avril, à la neuvième heure, c’est-à-dire à trois heures après midi.

Au moment où il expira, de grands prodiges s’accomplirent. La terre trembla, le rocher du Calvaire se fendit entre la croix de Jésus et celle du mauvais larron. Une grande terreur

Jésus est enseveli.
Jésus est enseveli.


se répandit dans Jérusalem, et surtout dans le Temple où on immolait l’agneau pascal. Le voile qui séparait le Sanctuaire de ce qu’on appelait le Saint des Saints se déchira du haut en bas, avec un grand bruit, comme pour annoncer au monde que l’ancienne alliance avec ses figures et ses cérémonies n’existait plus. L’arche d’alliance se vit à découvert, et les portes massives du Temple s’ouvrirent d’elles-mêmes avec fracas.

Aussitôt après que Jésus eut expiré, son âme Divine apparut aux âmes saintes, qui, depuis le commencement du monde, attendaient la venue du Rédempteur ; elle les consola et leur fit connaître que le moment de leur délivrance était enfin arrivé. Toutes ces âmes furent entraînées plus tard, par Notre-Seigneur, dans la gloire éternelle, au jour de l’Ascension.

Le corps de Jésus resta quelque temps suspendu sur la croix. Cependant, comme la nuit approchait et que le lendemain était le jour du Sabbat, pendant lequel les Juifs observent le repos le plus complet, les Pharisiens voulurent en finir et ordonnèrent qu’on achevât les suppliciés en leur rompant les jambes. Les bourreaux tuèrent ainsi les deux larrons ; mais un soldat nommé Longin, qui se convertit depuis et devint un grand saint, s’étant avancé vers la croix du divin Sauveur, et voulant s’assurer de sa mort, saisit sa lance et l’enfonça brutalement dans le côté de Jésus. Le cœur de Jésus fut percé de part en part, et saint Jean, qui n’avait pas quitté le pied de la croix, dit dans son Évangile : que de cette blessure jaillit du sang et de l’eau, symboles du Baptême et de l’Eucharistie.

Les autres bourreaux, assurés de la mort du Sauveur, ne lui rompirent pas les jambes, accomplissant ainsi sans le savoir, la prophétie de Moïse :

« Ils ne briseront aucun de ses os. »

La loi juive défendait que les corps des condamnés demeurassent suspendus en croix pendant le sabbat. La Sainte Vierge, saint Jean, et quelques autres disciples de Jésus résolurent donc d’ensevelir son corps.

Un des disciples, homme riche et puissant, nommé Joseph d’Arimathie, se présenta courageusement devant Pilate et lui demanda la permission de détacher de la croix et de conserver dans un sépulcre qui lui appartenait, le corps inanimé du fils de Marie. Pilate fit encore une fois constater la mort et accorda la demande.

Le pieux Joseph, aidé de la Sainte Vierge Marie, de saint Jean, de Marie-Madeleine et des autres saintes femmes, rendit donc à son maître ce triste et dernier devoir.

Le corps fut détaché de la croix, descendu doucement et déposé dans les bras maternels de la Sainte Vierge. Elle lui enleva la sanglante couronne d’épines qui entourait encore sa tête, et retira les épines qui étaient restées dans les chairs ; le corps fut lavé selon l’usage juif ; ses plaies furent remplies de parfums et d’herbes aromatiques ; on mit à part les clous arrachés de ses plaies béantes ; les saintes femmes enveloppèrent la tête d’un suaire, et tout le corps d’un linceul.

On porta le douloureux fardeau près du tombeau nouvellement creusé dans le roc, que Joseph d’Arimathie consacrait à la sépulture de Jésus ; puis on le descendit dans le caveau qui existe encore aujourd’hui et que les pèlerins viennent vénérer en visitant les lieux saints. Ce caveau était creusé dans le roc vif et situé au pied du Calvaire.

Après les derniers adieux et les derniers baisers d’amour, Marie, la Mère de douleurs, rentra dans Jérusalem avec saint Jean, son fils d’adoption, avec sainte Madeleine et ses autres compagnes.

Les Pharisiens et les Princes des Prêtres avaient surveillé tout ce qui s’était fait. Se souvenant que Jésus avait prédit qu’il ressusciterait le troisième jour après sa mort, ils allèrent demander des soldats à Pilate, « de peur, disaient-ils, que les disciples de cet imposteur ne viennent enlever son corps pendant la nuit pour répandre ensuite le bruit de sa résurrection. »

Pilate, déjà bourrelé de remords, les renvoya avec colère. « Vous avez des gardes, leur dit-il, veillez vous-mêmes à ce tombeau. »

Les Juifs s’empressèrent alors de fermer eux-mêmes l’entrée du sépulcre avec une énorme pierre, et ils mirent sur les joints le grand sceau du Temple, pour empêcher toute supercherie.

Pierre. De cette façon, quand Jésus ressuscita et sortit du tombeau malgré toutes leurs précautions, ils ont bien vu qu’il était Dieu, et qu’ils étaient, eux, des misérables qui avaient assassiné leur Dieu. Pour le coup, ils ont dû tous se convertir.

Grand’mère. Pas plus cette fois qu’aux autres miracles de Notre-Seigneur. Tu verras tout à l’heure comment ils ont agi pour empêcher ce dernier miracle d’être connu du peuple. Mais leurs précautions mêmes pour empêcher les tromperies qu’ils redoutaient, ont servi à rendre plus évident le grand miracle de la résurrection.

CXXXII

RÉSURRECTION ET TRIOMPHE DU CHRIST.



Quatorze fois dans le temps de ses prédications Notre-Seigneur avait annoncé qu’après sa Passion et sa mort, il ressusciterait le troisième jour, et il présentait d’avance cette résurrection comme le signe évident et définitif auquel, non-seulement les Apôtres, mais les Juifs infidèles eux-mêmes, pourraient reconnaître qu’il était le Fils de Dieu, égal à Dieu son Père.

Les ennemis du Sauveur connaissaient si bien cette prophétie et en comprenaient tellement l’importance, que leur premier soin, aussitôt que Jésus eut été enlevé de la croix et déposé au Saint Sépulcre, fut d’y mettre des gardes, et de fermer la porte du tombeau avec les grands sceaux publics.

Par cette méfiance des vues des Apôtres, par ces précautions excessives, ils rendirent eux-mêmes plus certaine la résurrection de Notre-Seigneur dont tous les gardes du tombeau furent témoins.

Valentine. Comment ! C’est devant eux tous que Jésus sortit vivant du tombeau ?

Grand’mère. Oui, devant tous, à leur grande frayeur, comme je vais vous le raconter tout à l’heure.

Saint Jean et saint Pierre avaient accompagné Marie au

La Résurrection.
La Résurrection.


Cénacle aussitôt après que Notre-Seigneur fut déposé dans le tombeau ; ils pleuraient et ils priaient avec elle.

Marie-Thérèse. Qu’est-ce qu’on appelait le Cénacle ?

Grand’mère. Le Cénacle était la salle où Jésus avait soupé le jeudi soir avec ses disciples et où il avait institué la sainte Eucharistie.

Saint Jean avoue lui-même dans son Évangile qu’ils avaient tous oublié la prophétie de Jésus touchant sa résurrection ; excepté la Sainte Vierge, ils avaient tous perdu la foi en la Divinité de Notre-Seigneur. Ils étaient comme hors d’eux-mêmes et ne savaient plus que croire. La Sainte Vierge seule connaissait ce qui devait arriver ; mais alors, comme pendant la vie de son Divin Fils, elle conservait toutes ces choses dans son cœur.

Les autres Apôtres s’étaient dispersés depuis le jeudi soir, peu après l’arrestation de leur Maître. Ils avaient passé le vendredi et le samedi dans l’abattement, presque dans le désespoir. Thomas Dydime, l’un des douze Apôtres, saisi d’une terreur panique, s’était même enfui au loin, hors de Jérusalem.

Les Apôtres, réduits au nombre de dix, à cause de la trahison de Judas et de la fuite de Thomas, s’enfermèrent dans le Cénacle. Leur esprit était bouleversé et ils n’avaient qu’un seul sentiment, la peur des Juifs.

Depuis le vendredi soir, les gardes s’étaient succédé près du tombeau ; ils étaient plusieurs ensemble pour mieux le garder.

Les saintes femmes, en rentrant à Jérusalem, s’étaient hâtées d’acheter cent livres de parfums pour achever le lendemain de la Pâque, l’embaumement du corps de Jésus. N’ayant pu sortir le jour du sabbat, elles ignoraient, comme les Apôtres, que les Princes des Prêtres eussent envoyé des soldats pour veiller près du sépulcre.

Au moment où le jour commençait à luire, le tombeau Divin fut ébranlé tout à coup. Un Ange brillant comme l’éclair apparut au milieu des gardes, qui, dans leur effroi, tombèrent à la renverse. La porte scellée du tombeau se brisa et fut lancée au loin.

Le Fils de Dieu était ressuscité.

Il venait d’accomplir la prédiction qu’il avait faite :

Je quille ma vie pour la reprendre ; personne ne me la ravit ; c’est par ma propre volonté que je l’abandonne. J’ai le pouvoir de la quitter et j’ai le pouvoir de la reprendre. C’est le commandement que j’ai reçu de mon Père.

La mort était vaincue et Notre Sauveur venait de reconquérir pour nous tout ce qu’Adam avait perdu par le péché.

Jacques. Comment, par qui la mort a-t-elle été vaincue ? Et comment peut-on vaincre la mort ? Pour vaincre il faut combattre ; et la mort n’est pas un homme avec lequel on puisse se battre.

Grand’mère. C’est Notre-Seigneur qui a vaincu la mort par sa Résurrection ; c’est-à-dire que par son expiation des péchés des hommes, il a donné à leur âme la possibilité de vivre de la vie éternelle, dans le bonheur éternel. La mort n’a pas de corps comme un homme, mais elle est un mal terrible qui existe bien réellement. On dit souvent : vaincre ses mauvais penchants ; vaincre la maladie ; vaincre sa paresse. C’est de même que Notre-Seigneur a vaincu la mort, en se montrant plus fort qu’elle, puisqu’il a repris sa vie. En outre, vaincre la mort signifie vaincre la mort et l’enfer.

Lorsque les gardes furent revenus de leur terreur, ils s’enfuirent vers la ville et allèrent raconter à Caïphe et aux Princes des Prêtres ce qui venait d’arriver. Ceux-ci, persistant dans leur mauvaise foi, dans leur haine et dans leur incrédulité, s’endurcirent dans le crime en donnant aux soldats une somme d’argent considérable, afin qu’ils ne parlassent pas de ce qu’ils avaient vu, et qu’ils répandissent le bruit que pendant la nuit, les disciples de Jésus, profitant du sommeil des gardes, étaient venus et avaient enlevé le corps.

Jeanne. Est-ce qu’on les a crus ?

Grand’mère. Personne ne pouvait y croire, car il était trop évident : d’abord, que les gardes n’avaient pu tous dormir à la fois, et si profondément que le bruit causé par le brisement de la pierre du tombeau, et par la chute de cette pierre énorme, n’en eût pas éveillé un seul.

Ensuite, personne ne put croire que ces disciples si timides, qui s’étaient enfuis au premier danger, sans avoir tenté de défendre leur maître, fussent devenus assez intrépides et audacieux pour combattre les hommes armés qui gardaient le sépulcre et qu’ils devaient s’attendre à trouver éveillés, prêts à défendre l’entrée du tombeau.

Et dans quel but auraient-ils risqué leur vie ?

Pour retirer d’un sépulcre le cadavre d’un homme qui les aurait trompés en leur faisant croire qu’il était Dieu et qu’il ressusciterait.

Enfin, si les gardes s’étaient réellement endormis et s’étaient laissés jouer de la sorte par les disciples dont ils se méfiaient et dont on leur avait ordonné de se méfier, les Princes des Prêtres, au lieu de payer aux gardes leur silence, les auraient fait poursuivre et juger, les auraient fait comparaître et parler en public pour confirmer l’imposture de Jésus et la justice de sa condamnation.

Personne à Jérusalem ne crut aux paroles des soldats et des Princes des Prêtres. Le bruit de la résurrection de Notre Seigneur se répandit partout et ce fut là ce qui prépara des milliers de conversions qui suivirent tes premières prédications de saint Pierre et des Apôtres.


CXXXIII

MARIE-MADELEINE AU TOMBEAU.



Marie-Madeleine, la pauvre pécheresse convertie, la fidèle et courageuse chrétienne du Calvaire, poussée par son amour pour Jésus, sortit de Jérusalem le dimanche matin avant même le lever du soleil. Elle voulait aller pleurer près du tombeau de son bon maître, s’exposant ainsi aux insultes des soldats qui gardaient le corps.

Pendant qu’elle allait au tombeau, le Christ était ressuscité ; et lorsque Madeleine arriva au petit jardin qui entourait le sépulcre, les gardes s’étaient déjà enfuis et Madeleine vit avec stupéfaction la porte ouverte et la pierre enlevée.

Elle jeta un regard rapide dans l’intérieur du caveau, et croyant qu’on avait enlevé le corps, elle courut précipitamment au Cénacle avertir Pierre, qui était déjà considéré comme le Chef des Apôtres. Pierre et Jean sortirent aussitôt et coururent vers le tombeau. Madeleine les suivit de loin.

La Sainte Vierge, près de laquelle Madeleine était venue chercher Pierre et Jean, resta seule dans sa demeure ; et ce fut alors que, d’après une pieuse tradition, son Fils adorable lui apparut comme à la première, la plus digne des créatures, et comme ayant droit à la première et à la plus grande part de son amour.

Pierre et Jean couraient au sépulcre, ne comprenant rien aux paroles de Madeleine. Saint Jean, qui était jeune, courait plus vite que saint Pierre. Il arriva le premier, se pencha à l’entrée du caveau, et vit en effet que l’intérieur était vide.

Jean n’osa pas entrer avant Pierre, que Jésus avait désigné d’avance comme Chef de l’Église. Pierre arriva, descendit les marches qui conduisaient au caveau funéraire, et s’assura de la vérité. Le linceul qui avait entouré le corps du Sauveur était encore là, et les linges qui avaient enveloppé la tête du Fils de Dieu étaient pliés et déposés à part.

Les deux Apôtres oubliaient, dans le trouble de leurs pensées, la promesse de la résurrection ; et croyant, eux aussi, qu’on avait emporté le corps de leur Maître, ils furent remplis de frayeur, et ils épouvantèrent les autres disciples en leur racontant ce qu’ils avaient vu.

Remarquez tous ces détails, mes enfants ; ils montrent, jusqu’à l’évidence, l’absurdité des Juifs lorsqu’ils prétendirent que les Apôtres avaient enlevé le corps du Seigneur. Les Apôtres n’y pensaient même pas, et ne voulaient pas croire à la possibilité de la résurrection.

CXXXIV

JÉSUS APPARAIT À MADELEINE.



Marie-Madeleine avait suivi Pierre et Jean quand ils vinrent au sépulcre. Après leur départ, elle s’agenouilla près de ce tombeau qui lui rappelait de si douloureux et de si chers souvenirs, et elle se mit à fondre en larmes.

Puis elle s’avança de nouveau jusqu’à l’ouverture du sépulcre, et elle aperçut, de chaque côté de la pierre sur laquelle avait été déposé le corps divin, deux Anges sous l’apparence de deux jeunes hommes vêtus de blanc.

La vue de ces deux Anges fit peu d’impression sur Madeleine, absorbée dans sa douleur, et dont la vue était troublée par les Larmes.

« Femme, lui dirent les Anges, pourquoi pleures-tu ?

— Je pleure, répondit Madeleine, parce qu’on a enlevé mon Seigneur, et que je ne sais où ils l’ont mis. »

Pendant qu’elle parlait encore, elle entrevit auprès d’elle, un peu en arrière, un homme qu’elle crut être le jardinier chargé du soin d’entretenir le Saint Sépulcre. Sans se retourner et sans le regarder, la pauvre Madeleine lui dit en pleurant :

« Si c’est vous qui l’avez emporté, dites-le moi, et indiquez-moi où vous l’avez mis. »

Une voix, bien connue l’appela par son nom : « Marie ! »

Elle tressaillit, et, levant les yeux, elle reconnut son adorable Sauveur. Dans le premier élan de sa joie, ardente dans son amour comme dans sa douleur, elle se précipita à ses pieds pour les baiser. Mais Jésus, pour modérer ces transports, lui dit :

« Ne me touche pas, je ne suis pas encore monté vers mon Père ; mais va trouver mes frères, et dis-leur que je vais à mon Père et à votre Père, à mon Dieu et à votre Dieu. »

Petit-Louis. Comment Notre-Seigneur, qui était Dieu, appelle-t-il Dieu le Père son Dieu ?

Grand’mère. Parce qu’il était vraiment homme en même temps qu’il était vraiment Dieu. Comme homme, Jésus-Christ adore Dieu, prie Dieu, obéit comme nous. C’est en ce sens que Dieu est le Dieu de Jésus-Christ.

Madeleine obéit à l’ordre de son Maître, et, le cœur plein de joie, elle courut au Cénacle annoncer aux Apôtres la résurrection de Jésus. Mais ils ne la crurent pas.

Élisabeth. C’est étonnant que les Apôtres ne veuillent pas croire à la résurrection qui leur avait été annoncée tant de fois par Notre-Seigneur lui-même, et que Marie-Madeleine venait leur confirmer. Vraiment, ces Apôtres ne méritaient pas tout l’amour et les bontés de Notre-Seigneur.

Grand’mère. Les Apôtres étaient encore des hommes ignorants et faibles ; ils n’avaient pas reçu le Saint-Esprit ; ils n’avaient pas reçu les grâces extraordinaires que Dieu accorde à ses Prêtres. Vous verrez ces mêmes hommes faibles, ignorants, timides, devenir des hommes éloquents, instruits, courageux ; ils convertiront des milliers d’incrédules.

CXXXV

NOTRE-SEIGNEUR APPARAÎT
AUX SAINTES FEMMES.



Peu d’heures après cette première apparition, trois autres saintes femmes, Jeanne, Marie, mère de Jacques, et Salomé, allèrent au sépulcre ; elles portaient des parfums et des aromates pour achever l’embaumement de Jésus qu’on n’avait pu faire complètement le soir du vendredi saint.

Elles se demandaient avec inquiétude comment elles feraient pour entrer dans le caveau, à cause de l’énorme pierre qu’elles avaient vu placer pour en fermer l’entrée.

Lorsqu’elles approchèrent, elles virent, avec non moins de surprise que Madeleine, l’entrée ouverte et la pierre brisée et couchée auprès. Elles entrèrent précipitamment et furent très-effrayées à la vue d’un Ange qui se tenait à l’endroit où avait reposé la tête du Seigneur. Mais l’Ange les rassura par de douces paroles.

« Ne craignez pas, leur dit-il. Je sais que vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié. Il est ressuscité ; il n’est plus ici ! Ne cherchez pas parmi les morts Celui qui est vivant ! Souvenez-vous de ce qu’il vous disait en Galilée : « Le fils de l’homme sera livré entre les mains des pécheurs et il sera crucifié, mais il ressuscitera le troisième jour. » Allez, donc, et annoncez ces choses à ses disciples et particulièrement à Pierre.

Henri. Pourquoi à Pierre plus qu’aux autres ?

Grand’mère. Parce que Pierre était plus que les autres. Il était déjà désigné pour être le Vicaire de Jésus-Christ et le souverain Pontife de toute l’Église.

Se souvenant alors de cette prophétie, elles furent remplies d’une terreur religieuse et s’enfuirent sans oser même parler entre elles. Mais voici que sur le chemin elles aperçurent le Divin Maître qui, s’avançant vers elles, leur dit :

« Je vous salue. »

Elles se prosternèrent devant lui, selon l’usage d’Orient, et lui embrassèrent les genoux et les pieds.

Jacques. Pourquoi Notre-Seigneur leur permet-il de baiser ses pieds, puisqu’il l’a défendu à la pauvre Madeleine ?

Grand’mère. Parce que Madeleine se laissait emporter par un mouvement trop naturel que Notre-Seigneur voulut réprimer, lui faisant comprendre ainsi que, même dans les affections les plus louables, il fallait se garder d’une impétuosité qui tient à la nature humaine et qui n’est pas parfaitement sage.

Et Jésus dit aux saintes femmes :

« Ne craignez point. Allez et annoncez tout ceci à mes frères ; qu’ils aillent en Galilée, c’est là qu’ils me verront. »

Et il disparut.

Les Apôtres et les disciples ne crurent pas davantage les saintes femmes qu’ils n’avaient cru Madeleine ; ils les traitèrent de visionnaires et de folles.

Élisabeth. Par exemple ! c’est un peu fort ! les Apôtres étaient bien entêtés ! Il me semble que je n’aurais pas été si incrédule.

Grand’mère. Le bon Dieu a permis ce prodige d’incrédulité pour aider notre foi. Plus les Apôtres ont été incrédules d’abord, plus le témoignage qu’ils ont donné ensuite et qu’ils ont confirmé de leur sang a de poids et de valeur.


CXXXVI

JÉSUS APPARAIT AUX DISCIPLES
PRÈS D’EMMAÜS.



Dans l’après-midi du jour de la Résurrection, deux disciples se rendaient à un bourg nommé Emmaüs, peu éloigné de Jérusalem. Ils causaient avec découragement de la venue du Messie, lorsque Jésus, qui avait pris à leurs yeux un extérieur différent de celui qu’il avait eu avant sa mort, s’approcha d’eux et leur demanda le sujet de leur tristesse et de leur conversation. Ils le lui dirent simplement et ajoutèrent :

« Nous attendions de notre Maître le salut d’Israël. Il avait annoncé qu’il ressusciterait le troisième jour mais voici le troisième jour, et rien n’apparaît.

— Ô insensés ! leur dit Le Seigneur, est-ce que vous refusez de croire à tout ce qu’ont dit les Prophètes ? Ne fallait-il pas que le Christ souffrît de la sorte, pour entrer dans sa gloire ? »

Et leur expliquant Moïse et tous les Prophètes, le Divin voyageur faisait comprendre à ses compagnons le mystère des Saintes Écritures, et combien elles étaient pleines du Messie.

Arrivés à Emmaüs, ils le prièrent de s’arrêter avec eux dans l’hôtellerie et de partager leur repas. Jésus y consentit. Ayant pris du pain, il le bénit comme à la sainte Cène, le rompit, le consacra en son corps adorable et communia ses deux convives.

Aussitôt leurs yeux s’ouvrirent ; ils reconnurent le Seigneur. Mais il avait disparu.

Jeanne. Comment leurs yeux s’ouvrirent-ils, puisqu’ils étaient déjà ouverts ?

Grand’mère. Il ne s’agit pas des yeux du corps qui étaient très-ouverts, comme tu le dis ; mais des yeux de leur esprit, qui comprirent dans ce moment ce qu’ils n’avaient pas compris jusque-là, que leur compagnon n’était autre que Jésus ressuscité.

Pour eux, pleins de joie et de ferveur, ils sortirent de l’hôtellerie et retournèrent en toute hâte à Jérusalem, où ils arrivèrent le soir. Et en route ils se disaient l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant d’amour pendant qu’il nous parlait dans le chemin ? »

Les Apôtres et les disciples leur racontèrent les événements de la journée ; eux, à leur tour, racontèrent comment le Seigneur leur était apparu, et comment ils l’avaient reconnu lors de la fraction du pain et de la communion. Et figurez-vous, mes enfants, que malgré ces assertions si positives et si multipliées, les Apôtres ne voulaient pas croire.

CXXXVII

JÉSUS APPARAÎT AUX DISCIPLES RÉUNIS.



Mais voici que les portes étant fermées et les Apôtres et disciples se trouvant réunis, tout à coup Notre-Seigneur apparut debout au milieu d’eux et leur dit :

« Que la pais soit avec vous ! Ne craignez rien, c’est moi. »

Ils crurent voir un fantôme et furent saisis d’effroi.

« Que craignez-vous ? leur répéta-t-il de sa douce et sainte voix. Quelles pensées vous agitent ? »

Et leur montrant ses mains et ses pieds, où il avait conservé les stigmates, c’est-à-dire les signes de la rédemption :

« Voyez et touchez, leur dit-il. C’est bien moi ; un fantôme n’a ni chair ni os. »

Mais comme ils hésitaient encore, partagés entre la joie et la stupeur, le bon Maître, plein d’indulgence pour leur faiblesse, ajouta :

« Avez-vous quelque chose à manger ? »

Ils lui offrirent un poisson grillé et un rayon de miel. Il mangea devant eux et leur distribua ce qui restait.

Enfin les Apôtres étaient convaincus. Ils voyaient de leurs yeux, ils touchaient de leurs mains. À l’excès du découragement succéda le comble de la joie. Ils se prosternèrent devant le Fils de Dieu et l’adorèrent. Mais il leur reprocha la dureté de leur cœur et leur lenteur à croire. Puis il leur ouvrit l’esprit…

Petit-Louis. Comment a-t-il pu ouvrir leur esprit ?

Grand’mère. En leur donnant la grâce de comprendre le sens des prophéties qui s’étaient accomplies par sa vie, par sa mort, par sa résurrection.

« Tout ce qui est arrivé était écrit, dit-il en finissant. Il fallait que le Christ souffrît, qu’il mourût et qu’il ressuscitât le troisième jour d’entre les morts ; et maintenant il faut que la pénitence et la rémission ou le pardon des péchés soient prêchés par toute la terre, en commençant par Jérusalem.

« La paix soit avec vous ! leur dit-il une seconde fois avec douceur et majesté. De même que mon Père m’a envoyé, de même je vous envoie. »

Puis, soufflant sur eux :

« Recevez le Saint-Esprit. Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. »

Ce fut ainsi que Notre-Seigneur institua la Confession ou Sacrement de pénitence.

Henri. Comment ça ? Il n’a pas dit qu’il fallait se confesser ?

Grand’mère. Il n’a pas dit le mot, mais il a dit la chose.

Henri. Je ne vois pas cela, Grand’mère, dans ce que dit Notre-Seigneur.

Grand’mère. Tu vas le comprendre tout à l’heure. Notre-Seigneur, en donnant aux Apôtres la puissance de remettre les péchés, suppose nécessairement qu’il y aura des péchés à remettre ; que, pour les remettre, il faut que les Apôtres les connaissent ; et pour les connaître, il faut qu’on les leur dise. La Confession n’est pas autre chose : l’aveu des fautes par celui qui les a commises, et la rémission ou absolution de ces fautes par celui qui a reçu de Dieu le pouvoir de les remettre ; de même le Prêtre a le pouvoir de les retenir, c’est-à-dire de ne pas les pardonner, s’il juge qu’il n’y a pas de repentir ni ferme propos de ne plus pécher.

Si jamais, mes enfants, vous entendez dire que la Confession a été inventée par les hommes et non pas établie par Notre-Seigneur, rappelez-vous ces paroles si claires de Jésus-Christ :

« Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez ! »


CXXXVIII

THOMAS DIDYME INCRÉDULE.



L’Apôtre saint Thomas, caché hors de Jérusalem, entendit pourtant parler de ce qui se passait. Revenu de sa première frayeur, il se hasarda à rentrer dans la ville et à venir rejoindre ses frères. Mais ceux-ci eurent beau lui dire qu’ils avaient vu Jésus ressuscité, qu’il avait mangé en leur présence, qu’il était apparu à plusieurs reprises et en divers endroits, aux Apôtres et aux saintes femmes, Thomas refusa de le croire.

« Si je ne mets la main dans le trou de son côté, disait-il, et si je ne touche du doigt les plaies de ses pieds et de ses mains, je ne croirai pas. »

Or, le huitième jour après Pâques, les Apôtres, et cette fois Thomas avec eux, étant réunis dans le Cénacle pour la prière, les portes et les fenêtres de la salle étant fermées, Jésus se trouva tout à coup devant eux, et se tournant vers Thomas :

« Donne-moi la main, lui dit-il, et approche-la de mon côté. Mets ton doigt dans mes plaies, et ne sois plus incrédule, mais fidèle. »

L’Apôtre, convaincu à son tour, se prosterna, et, plein de repentir et de foi, il s’écria :

« Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Et Jésus lui dit sévèrement :

« Parce que tu as vu, Thomas, tu as cru. Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui cependant ont cru. »

Madeleine. Nous sommes alors bienheureux, nous autres catholiques, puisque nous croyons sans avoir vu.

Grand’mère. Certainement ; c’est de nous tous que Notre-Seigneur a dit : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! » Mais il ne suffit pas d’avoir la foi, il faut vivre suivant notre foi, et pratiquer toutes les vertus chrétiennes que Notre-Seigneur nous a indiquées dans l’Évangile par ses paroles et par ses exemples.

CXXXIX

PIERRE CHEF DE L’ÉGLISE.



Le Sauveur ressuscité demeura quarante jours sur la terre, apparaissant souvent aux siens et leur parlant de l’établissement de son Église, de la prédication de l’Évangile, de l’organisation des Prêtres et Évêques, de l’administration des Sacrements et de la direction des choses saintes.

Dans une de ces apparitions sur le bord du lac de Génésareth, il interpella Pierre au milieu de ses frères :

« Pierre, m’aimes-tu plus que ne le font ceux-ci ?

— Oui, Seigneur, répondit Pierre, vous savez que je vous aime.

Alors, sois le pasteur de mes agneaux ! »

Il lui demanda une seconde fois :

« Pierre, fils de Jean, m’aimes-tu ?

— Seigneur, vous savez que je vous aime, répondit Pierre une seconde fois.

Sois le pasteur de mes agneaux ! »

Enfin le Sauveur lui ayant demandé une troisième fois :

« Pierre, m’aimes-tu ? »

Pierre, guéri de sa présomption passée, se rappelant son triple reniement chez Caïphe, et redoutant humblement sa faiblesse, répondit tout ému et attristé :

« Seigneur, vous savez toute chose, vous savez que je vous aime. »

Alors Jésus le regarda avec amour et dit :

« Sois le pasteur de mes brebis ! »

Armand. Où étaient les agneaux et les brebis que Jésus donnait à saint Pierre ?

Grand’mère. Les agneaux dont voulait parler Notre-Seigneur, sont tous les fidèles dont se compose le troupeau de l’Église. Les brebis sont les Évêques, qui nous baptisent, nous élèvent dans la vérité, dans la foi. Brebis et agneaux ne forment qu’un seul troupeau sous la conduite du pasteur qui est Pierre et après lui son successeur Notre Saint Père le Pape. C’est pourquoi, tous, nous devons obéir au Pape, notre seul Pasteur, notre seul directeur. Celui qui se révolte contre le Pape, se révolte contre Jésus-Christ dont il est le représentant sur la terre.


CXL

ASCENSION DE NOTRE-SEIGNEUR.



Le quarantième jour après Pâques, le Seigneur apparut une dernière fois à ses disciples, près de Jérusalem. La Sainte Vierge, les onze Apôtres et plus de cinq cents disciples étaient présents.

Il était midi. Le Fils de Dieu conduisit cette foule pieuse sur la montagne des Oliviers, à un endroit qu’on vénère quand on va en pèlerinage à Jérusalem.

« Voici, dit-il aux Apôtres, que je vais vous envoyer du Ciel le Promis de mon Père, qui est le Saint-Esprit. Et vous me rendrez témoignage dans toute la Judée, et jusqu’aux extrémités de la terre. »

Puis élevant les mains pour les bénir, il ajouta :

« La toute-puissance m’a été donnée au Ciel et sur la terre.

Allez donc et prêchez l’Évangile à toute créature, enseignez les nations et apprenez-leur à observer ma loi.

« Baptisez-les, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.

« Et voici que moi-même je suis avec vous jusqu’à la fin des siècles. »

Et pendant que Dieu fait homme adressait à ses Apôtres ce solennel adieu, il s’éleva majestueusement devant la foule prosternée, et bientôt une nuée lumineuse le cacha à tous les regards.

Le mystère de la Rédemption était accompli, et Jésus, en quittant la terre, lui laissa l’Église et l’Eucharistie.

Ascension de Notre-Seigneur.
Ascension de Notre-Seigneur.


CXLI

DERNIÈRES EXPLICATIONS.



J’ai fini, mes chers enfants, l’histoire de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans le monde. Quand vous serez grands, vous la lirez plus belle et plus complète dans l’Évangile.

Henriette. Grand’mère, vous n’avez pas parlé de la Sainte Vierge depuis la résurrection de Notre-Seigneur. Elle n’est pas montée au ciel avec lui ?

Grand’mère. Non, chère enfant ; la sainte Vierge a encore vécu quatorze ans après l’Ascension avec saint Jean qui ne l’a pas quittée ; la tradition dit qu’elle demeura à Jérusalem, puis à Éphèse, où elle suivit saint Jean son fils adoptif. On croit qu’elle revint à Jérusalem et qu’elle y mourut. Elle aimait ces lieux où son Divin Fils avait souffert ; elle parcourait sans cesse le chemin nommé la voie douloureuse que Notre-Seigneur avait suivi portant sa croix jusqu’au Calvaire. Elle mourut entourée de tous les Apôtres.

Camille. Ce qui m’étonne et m’attriste, c’est que l’Évangile parle à peine de la Sainte Vierge, pendant les trois années de la prédication de Notre-Seigneur qui a l’air de l’avoir oubliée et abandonnée.

Grand’mère. L’Évangile parle peu de la Sainte Vierge, il est vrai, parce que ce n’était pas nécessaire ; mais nous savons par la tradition que la Sainte Vierge n’a pas quitté Notre-Seigneur jusqu’à sa mort, qu’elle le suivait avec les saintes femmes dans ses changements de demeure, et que, sans le suivre jour par jour, elle le retrouvait et le voyait souvent.

Madeleine. Mais de quoi vivait-elle, puisqu’elle n’avait pas de biens ?

Grand’mère. Lazare et les saintes femmes étaient riches ; elles avaient soin de ne laisser manquer de rien Notre-Seigneur, sa Divine Mère et les personnes qui les accompagnaient.

Jacques. Est-ce que Notre-Seigneur n’a pas dit adieu à la sainte Vierge quand il est monté au Ciel ?

Grand’mère. L’Évangile ne le dit pas ; mais nous savons que Notre-Seigneur aimait si tendrement la sainte Vierge, qu’il lui était si intimement uni, que même lorsqu’ils étaient séparés extérieurement, elle était toujours avec lui et lui toujours avec elle. Il est probable qu’en montant au Ciel, son dernier regard fut pour sa Mère.

Élisabeth. Je suis contente de ce que vous nous dites, Grand’mère. J’avais du chagrin de l’abandon de la Sainte Vierge.

Louis. Et le Saint-Esprit, quand Jésus l’envoya-t-il aux Apôtres ?

Grand’mère. Dix jours après l’Ascension. Les Apôtres étaient tous réunis au Cénacle autour de la sainte Vierge. Tout à coup il se fit un grand bruit dans le Ciel ; la maison fut remplie comme d’un vent impétueux ; les Apôtres virent apparaître comme des langues de feu qui se séparèrent, et chaque langue s’arrêta sur la tête d’un des Apôtres. Ce jour est une grande fête dans l’Église ; on l’appelle la Pentecôte.

Ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et ils se mirent à parler miraculeusement toutes les langues. À partir de ce moment, leur intelligence s’ouvrit ; ils comprirent les Écritures, ils prêchaient et convertissaient les nations comme le leur avait ordonné leur Divin Maître.

Saint Pierre, le premier, prêcha la foi ; il convertit trois mille Juifs à sa première prédication, cinq mille à la deuxième. Après avoir prêché l’Évangile à Jérusalem, les Apôtres se dispersèrent par toute la terre. En moins de vingt ans, il y eut des chrétiens dans le monde entier. Aujourd’hui, plus de deux cents millions de chrétiens continuent sur la terre l’œuvre commencée le jour de la Pentecôte, sous la conduite du Pape, successeur de saint Pierre, et des Évêques Catholiques, successeurs des Apôtres.

Voici donc ma tâche finie et ma promesse accomplie, chers enfants. J’espère que vous profiterez de ce que je vous ai raconté pour suivre les préceptes de notre Divin Sauveur, et que vous vivrez pieusement afin de mourir saintement. Nous ne sommes sur la terre que pour aller au Ciel. Notre espoir doit être de nous y retrouver tous, laissant à ceux qui nous survivront la grande consolation d’une réunion certaine et éternelle.


Chapitres. 
Pages.
  
 1
I. 
 7
 12
 20
 26
 39
 50
 55
 66
XXV. 
 69
 73
 76
 96
XXXVI. 
 104
 113
 135
 167
 184
 188
LXXII. 
 199
 202
 203
LXXVIII. 
 207
 210
 221
 229
LXXVII. 
 232
LXXVIII. 
 237
 288
 296
CXV. 
 306
 313
 315
 322
 324
 330
 332
 340
 358


ÉVANGILE D’UNE GRAND’MÈRE
PAR Mme LA COMTESSE DE SÉGUR




placement des gravures.


Jésus au milieu des enfants 
Pages.
Naissance de saint Jean-Baptiste 
 14
Adoration des Bergers 
 18
Fuite en Égypte 
 26
Noces de Cana 
 50
Jésus chasse les vendeurs du temple 
 54
Sermon sur la montagne 
 88
La Pécheresse 
 114
Résurrection de la fille de Jaïre 
 142
Les aveugles guéris 
 146
Jésus envois les apôtres pour prêcher 
 150
Décollation de saint Jean-Baptiste 
 154
Multiplication des pains 
 158
Jésus soutient Pierre enfonçant dans la mer 
 162
Transfiguration 
 182
La Samaritaine 
 198
Marthe et Marie 
 200
La parabole de l’enfant prodigue 
 222
Le mauvais riche et le pauvre Lazare 
 224
Le Pharisien et le Publicain 
 240
Résurrection de Lazare 
 250
Marie Magdeleine répand des parfums sur Jésus 
 262
Le lavement des pieds 
 300
L’agonie de Jésus à Gethsémani 
 306
Judas fait saisir Jésus 
 310
Jésus devant Pilate 
 320
Jésus porte sa croix 
 330
Jésus est enseveli 
 340
La Résurrection 
 344
Ascension de Notre-Seigneur 
 362