Librairie de L. Hachette et Cie (p. 340-343).

CXXXI

JÉSUS EST ENSEVELI.



Après quelques instants de silence, La grand’mère reprend :

Le Fils de Dieu venait de mourir ! le Dieu Créateur, le Dieu qui commande à la mort, le Dieu éternel, venait de mourir. Le péché d’Adam et de tous ses descendants était racheté ; désormais l’homme pouvait être sauvé ; il pouvait reprendre dans le Ciel la place d’où l’avait chassé le péché.

Le Sauveur mourut le vendredi saint, quinzième jour du mois d’avril, à la neuvième heure, c’est-à-dire à trois heures après midi.

Au moment où il expira, de grands prodiges s’accomplirent. La terre trembla, le rocher du Calvaire se fendit entre la croix de Jésus et celle du mauvais larron. Une grande terreur

Jésus est enseveli.
Jésus est enseveli.


se répandit dans Jérusalem, et surtout dans le Temple où on immolait l’agneau pascal. Le voile qui séparait le Sanctuaire de ce qu’on appelait le Saint des Saints se déchira du haut en bas, avec un grand bruit, comme pour annoncer au monde que l’ancienne alliance avec ses figures et ses cérémonies n’existait plus. L’arche d’alliance se vit à découvert, et les portes massives du Temple s’ouvrirent d’elles-mêmes avec fracas.

Aussitôt après que Jésus eut expiré, son âme Divine apparut aux âmes saintes, qui, depuis le commencement du monde, attendaient la venue du Rédempteur ; elle les consola et leur fit connaître que le moment de leur délivrance était enfin arrivé. Toutes ces âmes furent entraînées plus tard, par Notre-Seigneur, dans la gloire éternelle, au jour de l’Ascension.

Le corps de Jésus resta quelque temps suspendu sur la croix. Cependant, comme la nuit approchait et que le lendemain était le jour du Sabbat, pendant lequel les Juifs observent le repos le plus complet, les Pharisiens voulurent en finir et ordonnèrent qu’on achevât les suppliciés en leur rompant les jambes. Les bourreaux tuèrent ainsi les deux larrons ; mais un soldat nommé Longin, qui se convertit depuis et devint un grand saint, s’étant avancé vers la croix du divin Sauveur, et voulant s’assurer de sa mort, saisit sa lance et l’enfonça brutalement dans le côté de Jésus. Le cœur de Jésus fut percé de part en part, et saint Jean, qui n’avait pas quitté le pied de la croix, dit dans son Évangile : que de cette blessure jaillit du sang et de l’eau, symboles du Baptême et de l’Eucharistie.

Les autres bourreaux, assurés de la mort du Sauveur, ne lui rompirent pas les jambes, accomplissant ainsi sans le savoir, la prophétie de Moïse :

« Ils ne briseront aucun de ses os. »

La loi juive défendait que les corps des condamnés demeurassent suspendus en croix pendant le sabbat. La Sainte Vierge, saint Jean, et quelques autres disciples de Jésus résolurent donc d’ensevelir son corps.

Un des disciples, homme riche et puissant, nommé Joseph d’Arimathie, se présenta courageusement devant Pilate et lui demanda la permission de détacher de la croix et de conserver dans un sépulcre qui lui appartenait, le corps inanimé du fils de Marie. Pilate fit encore une fois constater la mort et accorda la demande.

Le pieux Joseph, aidé de la Sainte Vierge Marie, de saint Jean, de Marie-Madeleine et des autres saintes femmes, rendit donc à son maître ce triste et dernier devoir.

Le corps fut détaché de la croix, descendu doucement et déposé dans les bras maternels de la Sainte Vierge. Elle lui enleva la sanglante couronne d’épines qui entourait encore sa tête, et retira les épines qui étaient restées dans les chairs ; le corps fut lavé selon l’usage juif ; ses plaies furent remplies de parfums et d’herbes aromatiques ; on mit à part les clous arrachés de ses plaies béantes ; les saintes femmes enveloppèrent la tête d’un suaire, et tout le corps d’un linceul.

On porta le douloureux fardeau près du tombeau nouvellement creusé dans le roc, que Joseph d’Arimathie consacrait à la sépulture de Jésus ; puis on le descendit dans le caveau qui existe encore aujourd’hui et que les pèlerins viennent vénérer en visitant les lieux saints. Ce caveau était creusé dans le roc vif et situé au pied du Calvaire.

Après les derniers adieux et les derniers baisers d’amour, Marie, la Mère de douleurs, rentra dans Jérusalem avec saint Jean, son fils d’adoption, avec sainte Madeleine et ses autres compagnes.

Les Pharisiens et les Princes des Prêtres avaient surveillé tout ce qui s’était fait. Se souvenant que Jésus avait prédit qu’il ressusciterait le troisième jour après sa mort, ils allèrent demander des soldats à Pilate, « de peur, disaient-ils, que les disciples de cet imposteur ne viennent enlever son corps pendant la nuit pour répandre ensuite le bruit de sa résurrection. »

Pilate, déjà bourrelé de remords, les renvoya avec colère. « Vous avez des gardes, leur dit-il, veillez vous-mêmes à ce tombeau. »

Les Juifs s’empressèrent alors de fermer eux-mêmes l’entrée du sépulcre avec une énorme pierre, et ils mirent sur les joints le grand sceau du Temple, pour empêcher toute supercherie.

Pierre. De cette façon, quand Jésus ressuscita et sortit du tombeau malgré toutes leurs précautions, ils ont bien vu qu’il était Dieu, et qu’ils étaient, eux, des misérables qui avaient assassiné leur Dieu. Pour le coup, ils ont dû tous se convertir.

Grand’mère. Pas plus cette fois qu’aux autres miracles de Notre-Seigneur. Tu verras tout à l’heure comment ils ont agi pour empêcher ce dernier miracle d’être connu du peuple. Mais leurs précautions mêmes pour empêcher les tromperies qu’ils redoutaient, ont servi à rendre plus évident le grand miracle de la résurrection.