Librairie de L. Hachette et Cie (p. 290-294).

CX

PARABOLE DES DIX VIERGES.



« Le Royaume des Cieux, dit Notre-Seigneur, est semblable à dix vierges invitées à des noces, qui attendaient l’époux ; elles prirent chacune leur lampe, et allèrent au devant de lui.

« Sur ces dix vierges, cinq étaient folles, et les cinq autres étaient sages. »

Marie-Thérèse. Comment, folles ?

Grand’mère. C’est-à-dire étourdies, déraisonnables, qui ne pensaient qu’à s’amuser.

« Les cinq folles ne prirent point d’huile pour mettre dans leurs lampes ; les vierges sages prirent, au contraire, de l’huile dans des vases pour en mettre dans les lampes.

Comme l’époux tardait à venir, elles s’endormirent. Vers minuit, on entendit crier « Voici l’époux qui vient, allez au devant de lui. »

Aussitôt toutes les vierges se levèrent et préparèrent leurs lampes. Alors les folles dirent aux sages :

« Donnez-nous de votre huile, car nos lampes vont s’éteindre. »

« Les sages répondirent :

« Nous ne pouvons vous en donner, il n’y en aurait pas assez pour vous et pour nous ; allez plutôt chez le marchand, et achetez-en. »

« Mais pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle de noces, et la porte fut fermée. Quand les vierges folles arrivèrent à leur tour, elles frappèrent à la porte en disant :

« Seigneur, ouvrez-nous. »

« Mais il leur répondit :

« En vérité, je vous assure que je ne vous connais pas. »

« Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »

Henri. Grand’mère, voulez-vous nous expliquer cette parabole ? je ne la comprends pas du tout.

Grand’mère. Très-volontiers, mon enfant. Les dix vierges représentent les chrétiens ; la lumière des lampes, c’est la foi ; l’huile, c’est l’amour de Dieu et les bonnes œuvres ; l’époux, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ ; l’attente de l’époux est l’attente du Jugement dernier ; le sommeil des vierges, c’est la mort ; le réveil, c’est la résurrection, où chacun ne retrouvera dans sa lampe que l’huile qu’il y aura mise, c’est-à-dire les bonnes œuvres qu’il a faites dans sa vie ; les vierges qui vont chez le marchand acheter de l’huile quand l’époux est prêt à arriver, sont les mondains qui attendent au dernier moment, au moment de la mort, pour reconnaître leurs fautes, leur oubli de Dieu, et qui n’ont plus le temps d’en recevoir le pardon. Et quand les vierges arrivent, la porte est fermée, elles sont venues trop tard ; c’est-à-dire que la mort est venue avant qu’on ait eu le temps de se purifier par un vrai repentir et d’avoir pratiqué quelques vertus ; le jugement est prononcé, et ces vierges folles sont repoussées de la salle du festin, c’est-à-dire du Paradis.

Notre-Seigneur continue :

« Or, quand le Fils de l’Homme viendra dans l’éclat de sa majesté et avec tous ses Anges, et qu’il s’assiéra sur le trône de sa gloire, toutes les nations se rassembleront devant lui ; il séparera les uns d’avec les autres, comme un berger sépare les brebis d’avec les boucs ; il placera les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche. »

« Alors le Roi de gloire dira à ceux qui seront à sa droite :

« Venez, les bénis de mon Père, posséder le Royaume des Cieux qui vous a été préparé dès le commencement du monde. Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; je n’avais pas de demeure, et vous m’avez logé ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez soigné ; j’étais en prison, et vous m’avez visité. »

« Alors les justes répondront :

« Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu avoir faim, et que nous vous avons nourri, ou avoir soif, et que nous vous avons donné à boire ? Quand est-ce que nous vous avons vêtu, soigné et visité ? »

« Le Roi de gloire leur répondra :

« Je vous le dis en vérité : Toutes les fois que vous avez fait ces choses à un des plus petits de mes frères parmi les hommes, c’est à moi que vous les avez faites. »

« Il dira ensuite à ceux, qui seront à sa gauche :

« Retirez-vous de moi, maudits ; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le démon et pour ses envoyés. Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais sans logement, et vous ne m’avez pas recueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; j’étais malade, et vous ne m’avez pas soigné ; j’étais en prison, et vous ne m’avez pas visité. «

« Et les maudits diront à leur tour :

« Quand est-ce que nous vous avons vu avoir faim ou soif, manquer de logement et d’habits, être malade ou en prison, et que nous avons manqué à vous assister ? »

« Et il leur répondra :

« Je vous dis en vérité que toutes les fois que vous avez manqué de faire ces choses à l’un des petits que voilà, vous avez manqué de me les faire à moi-même. »

« Et ceux-ci iront aux supplices éternels, et les justes dans la joie éternelle. »

Henri. Mais, Grand’mère, comment peut-on traiter les pauvres comme Notre-Seigneur lui-même ? On ne peut pas les adorer comme on l’adore.

Grand’mère. Aussi Notre Seigneur ne le dit pas et ne l’ordonne pas ; il veut seulement nous démontrer que tous les hommes, pauvres et riches, bons ou mauvais, sont ses frères et nos frères, et que par amour et par respect pour lui nous devons traiter les pauvres comme ses frères, sans quoi nous ne pouvons prétendre au bonheur éternel. Et quand tu liras la Vie des saints, tu verras que tous les saints aiment, soulagent et servent les pauvres, parce qu’ils voient en eux Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même.

Pierre. Pourtant il y a eu de grands saints qui ne s’occupaient pas du tout des pauvres, puisqu’ils se retiraient dans les déserts, où ils ne voyaient personne.

Grand’mère. Ils avaient l’air de ne pas s’en occuper ; mais outre qu’ils étaient pauvres eux-mêmes, ils aimaient les pauvres ; ils étaient prêts à se dévouer pour eux, et puis ils les secouraient continuellement en priant pour eux et en leur obtenant des grâces pour supporter saintement leurs misères.

Notre-Seigneur passait ainsi ses journées à enseigner le peuple, et la nuit il sortait du Temple et de la ville, et se retirait sur la montagne des Oliviers. Tout le peuple allait de grand matin au Temple pour l’écouter.