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tre chaque crime une peine plus grave que celle qui est établie par la loi : ainsi ils ne peuvent condamner à mort dans un cas où il n’y a point de loi qui prononce la peine de mort ; mais l’application des peines plus ou moins rigoureuses est arbitraire, c’est-à-dire qu’elle dépend des circonstances & de la prudence du juge, lequel peut absoudre ou infliger une peine plus legere, s’il ne croit pas que l’accusé soit précisément dans le cas d’une peine plus rigoureuse.

On distingue parmi nous de même que chez les Romains les crimes capitaux, c’est-à-dire qui emportent peine de mort naturelle ou civile de ceux qui ne le sont pas, & donnent seulement lieu à quelque condamnation moins grave.

Les crimes les plus legers que l’on qualifie ordinairement de délits simplement, sont les injures faites, soit verbalement, ou par écrit, ou par gestes, comme en levant la canne sur quelqu’un, ou par effet en le frappant de soufflets, de coups de poing ou de pié, ou autrement.

Les autres crimes plus graves qui sont les plus connus, sont les vols & larcins, les meurtres, homicides & parricides, l’homicide de soi-même, le crime des femmes qui celent leur grossesse & se font avorter, la supposition de part, le crime de lese-majesté divine & humaine, les empoisonnemens, les crimes de concussion & de péculat, les crimes de débauche publique, adultere, rapts, & autres procédant de luxure ; le crime de faux, de fausse monnoie, les sortiléges, juremens, & blasphemes, l’hérésie, & plusieurs autres, de chacun desquels on parlera en leur lieu.

Nous observerons seulement ici que les crimes en général sont réputés plus ou moins graves, eu égard aux circonstances qui les accompagnent : par exemple, l’injure est plus grave lorsqu’elle est faite à un homme qualifié, & par un homme de néant, lorsqu’elle est faite en public ; & ainsi des autres circonstances qui peuvent accompagner les différens crimes.

La connoissance des crimes appartient à certains juges, privativement à d’autres ; ainsi qu’on le verra aux mots Compétence, Juges, Lieutenans-Criminels, Prevôts des Maréchaux, Prévention, & Procédure criminelle.

La maniere de poursuivre les crimes est expliquée aux mots Accusation, Accusateur, Accusé, Dénonciation, Plainte, Procédure criminelle, & autres termes qui appartiennent à la procédure extraordinaire.

Il y a aussi plusieurs choses à observer par rapport aux preuves nécessaires en matiere criminelle : par exemple, que la confession de l’accusé ne suffit pas pour le condamner, qu’il faut des preuves très claires, sur-tout lorsqu’il s’agit de condamner un homme à mort. Il y a des crimes qui se commettent en secret, tels que l’adultere, l’inceste, & autres crimes de cette espece, pour lesquels on n’exige pas des témoins oculaires ; mais on a égard aux autres circonstances qui fournissent des indices du crime, comme la fréquentation & la grande familiarité, les privautés, les discours libres tenus verbalement & par écrit, qui annoncent la débauche. Voyez Information & Preuve.

Les différentes peines que l’on peut infliger aux accusés selon la qualité des crimes & délits, tels que les amendes, aumônes, peines du carcan, du foüet, d’être marqué, le bannissement, les galeres, la peine de mort, seront expliquées en général au mot Peines, & plus particulierement chacune au mot qui leur est propre.

Tous crimes en général sont éteints par la mort de l’accusé, pour ce qui est de la peine corporelle & de la peine pécuniaire applicable au fisc ; mais quant

aux réparations pécuniaires qui peuvent être dûes à la partie civile, les héritiers de l’accusé sont tenus à cet égard de ses faits.

Il y a même certains crimes dont la réparation publique n’est point éteinte par la mort de l’accusé, tels que l’homicide de soi-même, le duel, le crime de lese-majesté.

La peine portée par le jugement peut être remise par des lettres de grace, qu’il dépend de la clémence du prince d’accorder. Voyez Lettres de grace.

Mais sans le secours d’aucunes lettres, le crime ou plûtôt la peine publique, & les condamnations pécuniaires prononcées pour raison du crime, se prescrivant au bout d’un certain tems, savoir après 20 ans, lorsque la condamnation n’a pas été exécutée, & au bout de 30 ans, lorsqu’elle a été exécutée soit par effigie ou par simple signification, selon la qualité du jugement. Voyez Prescription. Voyez les livres XLVII. & XLVIII. du digest. & le IX. du code ; le liv. V. des décret. & Accusateur, & ci-après Criminel, Peines, Procédure criminelle.

Crime atroce ; est celui qui blesse griévement le public, & qui mérite une punition des plus severes.

Crime capital, est celui qui emporte peine de mort naturelle ou civile.

Crime double, les lois Romaines donnent ce nom aux actions qui renferment tout à la fois deux crimes différens, tel que l’enlevement d’une femme mariée, dont l’auteur commet en même tems le crime de rapt & celui d’adultere. Le crime double est opposé au crime simple. Voyez au Code, liv. IX. tit. xiij. l. 1.

Crimen duorum, est celui qu’une personne ne peut commettre seule, & sans qu’il y ait deux coupables, tel que le crime d’adultere.

Crime énorme ou atroce, est la même chose.

Crimes extraordinaires, chez les Romains, étoient opposés aux crimes qu’on appelloit ordinaires. On entendoit par ceux-ci les crimes qui avoient une peine certaine & fixée par les lois Romaines, & dont la poursuite se faisoit par la voie ordinaire des demandes & des défenses ; au lieu que les crimes extraordinaires, tant privés que publics, étoient ceux dont la peine n’étoit point déterminée par les lois, dont par conséquent la punition étoit arbitraire, & qui se poursuivoient par la voie extraordinaire de la plainte & de l’accusation. Parmi nous on fait peu d’attention à ces distinctions de crimes privés & publics, & de crimes ordinaires & extraordinaires ; on ne s’arrête principalement qu’à la distinction des crimes qui sont capitaux d’avec ceux qui ne le sont pas ; & quoique nos lois ayent reglé la peine des crimes les plus connus, on tient cependant qu’en France toutes les peines sont arbitraires, c’est-à-dire qu’elles dépendent beaucoup des circonstances & de la prudence du juge. Quant à la voie par laquelle on poursuit la vengeance des crimes, le ministere public le fait toûjours par la voie de la plainte. Les particuliers intéressés à la vengeance du crime, peuvent aussi prendre la voie de la plainte ou de la dénonciation ; mais ils peuvent aussi prendre la voie civile pour les intérêts civils.

La voie de la plainte est bien regardée comme une voie & procédure extraordinaire : cependant la procédure criminelle commencée par une plainte, quoiqu’elle soit suivie d’information & de decret, n’est vraiment réglée à l’extraordinaire que quand il y a un jugement qui ordonne le recollement & la confrontation, qui est ce que l’on appelle le réglement à l’extraordinaire ; car jusqu’à ce réglement l’affaire peut, sur le vû des charges, être civilisée ou du moins renvoyée à l’audience. Voyez au digeste 47, tit. xj. de extraordinariis criminibus.

Crime graciable, est celui pour lequel on peut ob-