L’Encyclopédie/1re édition/PROCÉDURE

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PROCÉDURE, s. f. (Jurisprudence.) est l’instruction judiciaire d’un procès, soit civil ou criminel.

On comprend conséquemment sous ce terme tous les actes qui se font, soit par le ministere d’un huissier, ou par celui d’un procureur, tant pour introduire la demande, que pour établir le pouvoir du procureur, les qualités des parties pour la communication respective des titres, pieces, & procédures ; enfin, pour l’établissement des moyens, & pour parvenir à un jugement, soit définitif, ou du-moins préparatoire, ou interlocutoire.

Ainsi les exploits de demande ou ajournement, les cédules de présentation, les actes d’occuper, les exceptions, défenses, repliques, sommations de procureur à procureur, & autres actes semblables, sont des procédures.

Les jugemens par défaut, ne sont même quelquefois considérés que comme de simples procédures, lorsqu’ils sont susceptibles de l’opposition, à cause qu’ils peuvent être détruits par cette voie.

La matiere du procès, & les moyens qui établissent le droit des parties, sont ce que l’on appelle le fond ; au lieu que la procédure s’appelle la forme, & comme il est essentiel de bien instruire un procès, parce que la négligence d’une partie, ou de ceux qui instrumentent pour elle, & les vices qui se glissent dans la procédure, peuvent opérer la déchéance de l’action ; c’est ce qui fait dire que la forme emporte le fond.

La procédure a été introduite pour l’instruction respective des parties litigantes, & aussi pour instruire régulierement les juges de ce qui fait l’objet du procès.

Il n’y a pourtant pas eu toujours autant de procédures en usage, qu’il y en a présentement.

Chez les anciens la forme de l’administration de la justice étoit beaucoup plus simple ; mais si la procédure ou instruction étoit moins dispendieuse & l’expédition de la justice plus prompte, elle n’en étoit pas toujours plus parfaite ; le bon droit étoit souvent étouffé, parce qu’il n’y avoit point de regles certaines pour le faire connoître, & que l’expédition dépendoit du caprice des juges.

C’est pour remédier à ces inconvéniens, que les procédures ont été inventées.

En effet, il n’y a aucun acte dans l’ordre de la procédure, qui n’ait son objet particulier, & qui ne puisse être nécessaire, soit pour donner à une partie le tems de se défendre, soit pour faire renvoyer l’affaire devant les juges qui en doivent connoître, soit pour procurer aux parties les éclaircissemens dont elles ont besoin, soit pour instruire la religion des juges ; & si l’on voit souvent des procédures inutiles & abusives, c’est un vice qui ne vient pas de la forme que l’on a établie, mais plutôt de l’impéritie ou de la mauvaise foi de quelques parties ou praticiens qui abusent de la forme, pour empêcher le cours de la justice.

On ne peut douter qu’il y avoit des formes judiciaires établies chez les Grecs, puisque l’on en trouve chez les Romains dans la loi des douze tables, dont les dispositions furent empruntées des Grecs.

Ces formes étoient des plus singulieres, par exemple, la premiere que l’on observoit avant de commencer les procédures civiles, étoit que les parties comparoissoient devant le préteur ; là, dans la posture de deux personnes qui se battent, elles croisoient deux baguettes qu’elles tenoient entre les mains : c’étoit-là le signal des procédures qui devoient suivre. Ce qui a fait penser à Hotman, que les premiers Romains vuidoient leurs procès à la pointe de l’épée.

Indépendamment de ce qui étoit porté par la loi des douze tables pour la maniere d’intenter les procédures civiles ou criminelles, on introduisit beaucoup d’autres formules, appellées legis actiones, qui étoient la même chose que ce que la procédure & le style sont parmi nous. On étoit obligé d’observer les termes de ces formules avec tant de rigueur, que l’omission d’un seul de ces termes essentiels, faisoit perdre la cause à celui qui l’avoit omis.

Ces anciennes formules furent la plûpart abrogées par Théodose le jeune ; cependant plusieurs auteurs se sont empressés d’en rassembler les fragmens ; le recueil le plus complet est celui que le président Brisson en a donné sous le titre de formulis & solemnibus populi romani verbis. Ces formules regardent non-seulement les actes & la procédure, mais aussi la religion & l’art militaire.

A mesure que les anciennes formules tomberent en non-usage, on en introduisit de nouvelles plus simples & plus claires ; il y avoit des appariteurs qui faisoient les actes que font aujourd’hui les sergens & huissiers, des procureurs ad lites, que l’on appelloit cognitores juris, & des avocats. Ainsi l’on ne peut douter qu’il y eût toujours chez les Romains des formes judiciaires pour procéder en justice.

La procédure usitée chez les Romains dut probablement être pratiquée dans les Gaules, lorsqu’ils en eurent fait la conquête, vu que tous les officiers publics étoient romains, & que les Gaulois s’accoutumerent d’eux-mêmes à suivre les mœurs des vainqueurs.

Lorsque les Francs eurent à leur tour conquis les Gaules sur les Romains, il se fit un mélange de la pratique romaine avec celle des Francs. C’est ainsi qu’au lieu des preuves juridiques, on introduisit en France l’épreuve du duel, coutume barbare qui venoit du Nord.

Dans ces premiers tems de la monarchie, la justice se rendoit militairement ; il y avoit pourtant quelques formes pour l’instruction, mais elles étoient fort simples, & en même tems fort grossieres. Il y avoit des avocats & des sergens, mais on ne se servoit point du ministere des procureurs ad lites ; il étoit même défendu de plaider par procureur ; les parties étoient obligées de comparoître en personne.

Ce ne fut que du tems de saint Louis, que l’on commença à permettre aux parties de plaider par procureur en certains cas, en observant à cet effet des lettres du prince.

Ces permissions devinrent peu-à-peu plus fréquentes, jusqu’à ce qu’enfin il fut permis à chacun de plaider par procureur, & que l’on établit des procureurs en titre.

Depuis qu’il y eut des procureurs ad lites, les procédures furent beaucoup multipliées, parce que l’instruction se fit plus régulierement.

La plus ancienne ordonnance que nous ayons, où l’on trouve quelques regles prescrites pour l’ordre de la procédure, ce sont les établissemens faits par saint Louis en 1270.

Les principales ordonnances qui ont été faites depuis sur le même objet, sont celles de 1493, de 1535, de 1536, 1539, 1560, 1563, 1566, 1579. 1629, & les ordonnances de 1667, 1669, 1670, 1673, & celle des évocations & du faux, l’une & l’autre de 1737.

Les traités de procédure ne sont point à négliger, puisque la procédure fait aujourd’hui un point capital dans l’administration de la justice. On trouve dans les anciens praticiens divers usages curieux, & l’on y voit l’origine & les progrès de ceux que l’on observe présentement. On peut voir sur cette matiere le style du parlement, Imbert, Papon, Ayrault, Masuer, Gastier, Lange, Gauret, Ferrieres, &c.

Nous n’entreprendrons pas de tracer ici les regles propres à chaque espece de procédure ; on en trouvera les notions principales sous chaque terme auquel elles appartiennent, tels que Ajournement, Assignation, Arrêt, Défenses, Dupliques, Enquêtes, Exception, Exploit, Procès-verbal, Opposition, Requête, Réplique, Signification, Sentence, Sommation. (A)

Procédure civile, est celle qui tend à fin civile, c’est-à-dire, qui ne tend qu’à faire régler quelque objet civil, comme le payement d’un billet, le partage d’une succession, à la différence de la procédure criminelle, qui a pour objet la réparation de quelque délit.

On peut néanmoins pour raison d’un délit, prendre seulement la voie civile, au lieu de la voie criminelle.

Toute procédure civile commence par un exploit d’assignation ou par une requête, afin de permission d’assigner ou de saisir, ou de faire quelque autre chose.

La procédure civile renferme divers actes, tels que les exploits de demande, de saisie, & autres, les requêtes, les exceptions, défenses, moyens de nullité, répliques, sommations, les inventaires de production, les avertissemens, contredits de production ; les productions nouvelles, contredits, salvations, actes d’appel, griefs, causes & moyens d’appel, réponses, & autres écritures, tant du ministere d’avocat, que de celui des procureurs ; les significations des jugemens, les actes d’opposition, d’appel & de reprise, les interventions, demandes en garantie, &c.

Les regles de la procédure civile sont répandues dans plusieurs anciennes ordonnances, & ont été résumées & réformées par l’ordonnance de 1667.

Procédure civilisée, est celle qui étant d’abord dirigée au criminel, a été depuis convertie en procès civil ; ce qui arrive lorsque les informations ont été converties en enquêtes, & les parties reçues en procès ordinaires ; mais la procédure n’est pas civilisée, lorsque les parties sont seulement renvoyées à l’audience.

Procédure criminelle, est celle qui a pour objet la réparation de quelque délit ; elle commence par une dénonciation ou par une plainte. Lorsque l’objet paroît mériter une procédure criminelle, le juge permet d’informer, & sur le vu des charges, il decrete l’accusé, soit de prise de corps, soit d’ajournement personnel, ou d’assigné pour être oui ; ou bien il renvoye à l’audience, selon que le cas le requiert ; quelquefois après l’interrogatoire de l’accusé, le juge ordonne que le procès se poursuivra par récollement & confrontation ; sur quoi il intervient un jugement définitif, qui absout ou qui condamne l’accusé. Après la condamnation, le criminel obtient quelquefois des lettres de grace ; en ce cas, il faut les faire entériner : tel est en petit le tableau d’une procédure criminelle.

Les regles de cette procédure sont fixées par l’ordonnance de 1670 ; on en trouvera ici les principales notions aux mots Plainte, Dénonciation, Ajournement personnel, Decret, Information, Récollement, Confrontation, &c.

Procédure en état, c’est lorsqu’une partie a satisfait de sa part à ce qu’elle étoit obligée de faire ; par exemple, à l’égard du défendeur lorsqu’il a fourni de défenses. C’est la même chose que quand on dit que le procès est en état ; ceci signifiant que le procès est instruit de la part d’une partie, ou même de la part des deux parties, & qu’il est en état de recevoir sa décision.

Procédure extraordinaire, est celle qui se fait en matiere criminelle lorsque le procès est reglé à l’extraordinaire, c’est-à-dire, lorsque le juge a ordonné que les témoins seront récollés & confrontés.

Procédure frustratoire, est celle qui est inutile & sans aucun autre objet que de multiplier les frais.

Procédure nulle, est celle qui est vitieuse dans sa forme, & qui ne peut produire aucun effet ; cependant une procédure n’est pas nulle de plein droit ; il faut qu’elle ait été déclarée telle.

Procédure périe, est celle qui est tombée en péremption par une discontinuation de poursuites pendant trois ans. Voyez Péremption.

Procédure récriminatoire, en matiere criminelle que le premier accusé fait contre l’accusateur lorsqu’il rend plainte contre lui ; en ce cas, on commence par juger lequel des deux plaignans demeurera accusé ou accusateur ; ordinairement c’est le premier plaignant. Cela peut néanmoins arriver autrement par quelques circonstances, comme quand on voit que la premiere plainte n’a été rendue que pour prévenir celui qui avoit véritablement sujet de rendre plainte. Voyez Plainte & Récrimination. (A)