L’Encyclopédie/1re édition/PLAINTE

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PLAINTE, (Gram.) voyez Plaindre.

Plainte, s. f. (Jurisprud.) est une déclaration que l’on fait devant le juge ou devant le commissaire dans les lieux où il y en a de préposés à cet effet, par laquelle on défere à la justice quelque injure, dommage, ou autre excès, que l’on a souffert de la part d’un tiers.

Chez les Romains on distinguoit les délits privés, des crimes publics : pour ces premiers, la plainte ou accusation n’étoit recevable que de la part de ceux qui y avoient intérêt, au lieu que l’accusation pour les crimes publics étoit ouverte cuilibet è populo.

Parmi nous il y a dans tout crime ou délit deux sortes de personnes qui peuvent rendre plainte, savoir celui qui a été offensé, & le ministere public.

Tout procès criminel commence par une plainte, ou par une dénonciation.

La plainte contient bien la dénonciation du délit ou quasi délit dont on se plaint ; mais elle differe de la simple dénonciation, en ce que celle-ci peut être faite par un tiers qui n’a point d’intérêt personnel à la réparation du délit ou quasi délit ; au lieu que la plainte ne peut être rendue que par celui qui a été offensé en sa personne, en son honneur, ou en ses biens.

Lorsqu’un homme a été homicidé, sa veuve, ses enfans, ou autre plus proche parent, peuvent rendre plainte.

Le monastere peut aussi rendre plainte pour les excès commis en la personne d’un de ses religieux.

On peut rendre plainte par un simple acte, sans présenter requête & sans se porter partie civile ; mais on peut aussi rendre plainte par requête, & en ce cas, la plainte n’a de date que du jour que le juge, ou en son absence, le plus ancien praticien du lieu, l’a répondue.

Les plaintes peuvent aussi être écrites par le greffier en présence du juge ; mais il est défendu aux huissiers, sergens & archers, de les recevoir, à peine de nullité ; & aux juges de les leur adresser, à peine d’interdiction.

Les commissaires au châtelet doivent remettre au greffe dans les 24 heures les plaintes qu’ils ont reçues avec les informations & procédures par eux faites, & en faire faire mention par le greffier au-bas de leur expédition, & si c’est avant ou après midi, à peine de 100 livres d’amende, dont moitié pour le roi, l’autre pour la partie qui s’en plaindra.

Tous les feuillets des plaintes doivent être signés par le juge & par le plaignant, s’il sait ou peut signer, ou par son procureur fondé de procuration spéciale ; & il doit être fait mention expresse sur la minute & sur la grosse de sa signature & de son refus : la même chose doit être observée par les commissaires au châtelet.

Les plaignans ne sont point réputés parties civiles, à-moins qu’ils ne le déclarent formellement ou par la plainte, ou par un acte subséquent qui se pourra faire en tout état de cause, dont ils pourront se départir dans les 24 heures, & non après : & en cas de désistement, ils ne sont point tenus des frais faits depuis qu’il a été signifié, sans préjudice néanmoins des dommages & intérêts des parties.

Dans le cours de la procédure, & lorsque les informations ont été decrétées, le plaignant est regardé comme l’accusateur, & celui contre qui la plainte est rendue, demeure accusé.

Les accusateurs ou plaignans qui se trouvent mal fondés, sont condamnés aux dépens, dommages, & intérêts des accusés, & à plus grande peine, s’il y échet. La même chose a lieu pour les plaignans qui ne se seroient point portés parties, ou qui s’étant rendus parties, se seroient desistés, si leurs plaintes sont jugées calomnieuses.

Quand le plaignant ne se porte point partie civile, & qu’il s’agit d’un délit ou quasi délit, à la réparation duquel le public est intéressé, le procès doit être poursuivi à la diligence du ministere public.

Lorsqu’il y a plainte respective, le juge après les interrogatoires doit commencer par juger lequel des deux plaignans demeurera accusé ou accusateur ; & après avoir examiné les charges & informations, il doit déclarer accusé celui contre lequel les charges sont les plus fortes, & déclarer l’autre l’accusateur.

L’accusateur ne peut par sa plainte conclure qu’à la réparation civile du crime ou délit, il ne peut conclure à aucune peine corporelle ; mais il peut requérir la jonction du ministere public.

Quand on a pris la voie civile, ou que l’on a transigé sur le criminel, on ne peut plus rendre plainte, à moins qu’elle ne soit faite au nom de quelque autre partie intéressée à la réparation du délit. Voyez le titre 3. de l’ordonnance criminelle ; Bornier le style criminel ; Imbert ; & les mots Accusation, Accusé, Crime, Criminel, Dénonciation, & ci-après Procédure criminelle. (A)

Plainte, ou Querelle d’inofficiosité, quærela inofficiosi testamenti : c’est l’action que l’on intente pour attaquer un testament, par lequel on est prétérit ou exhérédé.

Cujas a prétendu que cette plainte fut introduite par la loi glicia ; mais Hotman & autres auteurs, ne sont pas de ce sentiment.

Quoi qu’il en soit, elle fut établie comme un remede extraordinaire, auquel on ne pouvoit avoir recours que quand le testament étoit d’ailleurs en bonne forme ; on attaquoit la capacité du testateur, comme s’il n’avoit pas été sanæ mentis.

On permit donc aux enfans injustement exhérédés par leur pere ou prétérits par la mere, de se plaindre du testament.

Toutes sortes de testamens étoient sujets à la plainte d’inofficiosité, soit que l’héritier institué fût un enfant ou un étranger. On excepta seulement le testament du soldat fait in procinctu ; ce qui fut ensuite étendu à celui qui disposoit de son pécule quasi castrense.

Cette plainte n’étoit accordée qu’aux enfans du premier degré, ou aux petits enfans qui venoient par représentation.

Les bâtards pouvoient l’intenter contre le testament de leur mere, mais non pas contre celui du pere, à moins qu’ils n’eussent été légitimés, soit par mariage subséquent, soit par lettres du prince.

On accorda aussi l’action d’inofficiosité aux enfans posthumes, prétérits, ou exhérédés.

Elle fut pareillement accordée aux enfans de l’un & de l’autre sexe, soit qu’ils fussent remariés ou non ; bien entendu qu’ils ne pouvoient l’intenter que dans le cas où il n’y avoit point d’enfans, ou lorsque les enfans étoient justement exhérédés.

A l’égard des freres, la plainte d’inofficiosité n’avoit lieu que quand leur frere ou sœur consanguins ou germains, avoient institué une personne infâme.

Pour prévenir cette plainte, il falloit suivant l’ancien droit, que la légitime eût été laissée entiere ; mais il n’importoit pas à quel titre. Justinien changea cette jurisprudence, en ordonnant que ceux auxquels il auroit été laissé moins que leur légitime, ne pourroient attaquer le testament pour cause d’inofficiosité, sauf à demander un supplément de légitime.

La plainte d’inofficiosité ne pouvoit être intentée avant l’adition de l’héritier ; il falloit anciennement former son action dans les deux ans, à compter de l’adition. Depuis on fixa ce délai à cinq années, & il ne couroit point contre les mineurs.

Cette action ne passoit pas aux héritiers étrangers, à-moins qu’elle n’eût été intentée ou préparée ; mais pour la transmettre aux enfans, il suffisoit que les choses fussent entieres.

L’effet de cette plainte étoit de faire annuller le testament, & de faire adjuger la succession au plaignant, à l’exclusion de l’héritier institué ; les legs même étoient révoqués. Mais si la prétérition qui se trouvoit dans le testament de la mere avoit été faite par ignorance, l’institution seule étoit annullée ; les legs subsistoient.

Il arrivoit quelquefois que le testament étoit annullé pour une partie, & subsistoit pour l’autre ; savoir, quand de deux enfans exhérédés, un seul intentoit l’action, ou que l’un des deux seulement réussissoit en sa demande.

Quand les juges étoient partagés sur la question, on devoit décider pour la validité du testament.

On ne pouvoit intenter la plainte d’inofficiosité lorsqu’on avoit quelque autre action, ou qu’on avoit répudié celle-ci ; il en étoit de même, lorsqu’on approuvoit le testament sciemment, ou lorsqu’on avoit laissé écouler le délai de cinq années depuis l’institution. Elle n’avoit pas lieu non plus, comme on l’a dit, contre le testament du soldat, ni lorsqu’il avoit été quelque chose à ceux qui avoient droit de légitime, soit à titre d’institution, legs, fidei-commis, ou autrement. Dans le cas de la substitution pupillaire faite par le pere, la mere, ni le fils, ne pouvoient attaquer le testament. Le fils prétérit déclaré ingrat, n’avoit plus l’action d’inofficiosité ; enfin, l’action étoit éteinte par la mort de la personne prétérite ou exhérédée, à-moins qu’elle n’eût laissé des enfans, ou préparé l’action.

Tel étoit l’ancien droit sur cette matiere.

Mais, suivant la novelle 115, & la disposition des institutes, auxquels l’ordonnance des testamens, articles 50 & 53, se trouve conforme ; la prétérition étant maintenant regardée comme une exhérédation, & le testament étant nul quant à l’institution & aux substitutions & fidei-commis universels dans le cas de la prétérition ou du défaut d’institution, la plainte d’inofficiosité ne doit plus avoir lieu, puisque ce n’étoit qu’un remede extraordinaire quand on n’avoit point d’autre voie pour attaquer le testament. Voyez au digeste & au code les titres de inoffic. testam. la novelle 115 ; l’ordonnance des testamens ; le traité de Furgoles, tome III. ch. viij. sect. 4. (A)