Kalevala/trad. Léouzon le Duc (1867)/30

Traduction par Louis Léouzon le Duc.
A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie (p. 307-318).

TRENTIÈME RUNO

sommaire.
Lemminkäinen se prépare, malgré l’avis contraire de sa mère, à entreprendre une campagne contre Pohjola. — Il arme son navire et s’adjoint Tiera, son ancien frère d’armes. — La mère de famille de Pohjola évoque contre les héros le secours du Froid. — Le Froid entre en lutte avec Lemminkäinen, mais vaincu par ses conjurations, il renonce à maltraiter sa personne et se retire, en laissant son navire entre les glaces. — Lemminkäinen, accompagné de Tiera, poursuit son voyage à pied. — Il s’égare en route, puis, après s’être créé un cheval fantastique, il abandonne le projet qu’il avait formé contre Pohjola et retourne dans la maison de sa mère.

Ahti, le fils unique, Lemminkäinen, le joyeux garçon, s’en alla, de grand matin, visiter son navire.

Le navire se lamentait, le gouvernail pleurait amèrement : « Pourquoi m’a-t-on façonné, pourquoi m’a-t-on construit ? Ahti a renoncé à la guerre : voilà dix étés qu’il n’a entrepris de campagne, pas même pour conquérir de l’or ou pour rassembler de l’argent. »

Le joyeux Lemminkäinen donna au navire un coup de son gant, de son beau gant[1], et il lui dit : « Ne pleure point, ô surface de sapin[2], ne te lamente point, ô navire aux vastes bords, tu iras encore à la guerre, tu te mêleras encore au tumulte sanglant des batailles ; demain, peut-être, tu seras rempli de rameurs. »

Et le héros se rendit auprès de sa mère, et il lui dit : « Ô ma bonne mère, ô toi qui m’as engendré, tu ne devras point verser de larmes, tu ne devras point gémir, lors même que je viendrais à te quitter, que je partirais pour la guerre. Un projet a été conçu dans mon esprit, une résolution a surgi dans mon cerveau ; je veux exterminer la race de Pohjola, je veux tirer vengeance des maux horribles dont elle nous a accablés. »

La mère de Lemminkäinen chercha à le dissuader de son projet, elle s’efforça de le faire renoncer à sa résolution : « Non, mon fils, ne va point au pays de Pohjola, le malheur y fondra sur toi, tu y rencontreras la mort. »

Lemminkäinen s’inquiéta peu de ce conseil ; il ne s’en obstina pas moins à partir, et il dit : « Où trouverai-je, maintenant, un autre homme, un autre homme avec un autre glaive, pour accompagner Ahti dans la guerre, pour fortifier le fort ?

« Je connais déjà Tiera, je sais la renommée de Kuura ; peut-être trouverai-je en lui un autre homme, un autre homme avec un autre glaive, pour accompagner Ahti dans la guerre, pour fortifier le fort. »

Et il s’en alla de village en village, cherchant la maison de Tiera ; et, quand il y fut arrivé, il dit : « Ô Tiera, toi qui m’es si bien connu, toi, mon cher, mon unique ami, te souvient-il encore de nos anciens jours, de notre vie d’autrefois, alors que nous allions ensemble au milieu des grandes batailles ? Il n’existait pas un village dans lequel se trouvaient dix maisons, pas une maison dans laquelle se trouvaient dix guerriers, pas un guerrier, pas un seul héros que nous n’ayons attaqués ensemble, que nous n’ayons détruits et exterminés. »

Le père était assis près de la fenêtre, taillant le manche de sa hache, la mère se tenait sur le seuil de l’aitta[3], battant le beurre, le frère était à l’entrée du chemin, construisant son beau traîneau, les sœurs étaient sur le rivage, lavant le linge de famille.

Ils dirent tous ensemble : « Tiera ne peut aller, maintenant, à la guerre, sa lance ne peut se rendre au combat ; Tiera vient de faire un grand marché, un acte de commerce éternel[4] ; il vient d’épouser une jeune fille, de prendre une compagne, et il n’a pas encore eu le temps de caresser et de fatiguer son sein[5]. »

Tiera se trouvait sur la plate-forme du poële, Kuura[6] sur la couche du foyer[7], occupé à mettre ses chaussures ; il descendit dans l’enclos, et là il ceignit et boucla sa ceinture, puis il prit sa lance. Cette lance n’était ni des plus grandes, ni des plus petites, elle était de longueur moyenne. Un cheval bondissait sur le fer, un poulain y reposait, un loup hurlait au bout de la hampe, un ours grognait sourdement près de l’anneau[8].

Tiera la brandit avec force ; il l’enfonça d’une brasse dans la terre grasse du champ, dans la jachère en friche, dans le sol dépouillé de verdure. Ensuite, il se hâta de la joindre aux lances d’Ahti, et, se rendant à l’appel de son ancien frère d’armes, il partit avec lui pour la guerre.

Ahti Saarelainen poussa son navire dans la mer ; il le fit glisser à travers les vagues, comme glisse le serpent venimeux, le serpent vivant, sous la paille sèche, et il gouverna vers le nord-ouest, du côté des golfes de Pohjola.

Alors, la mère de famille de Pohjola envoya sur les ondes un froid sinistre ; elle l’exhorta de ses paroles et elle lui dit : « Ô Froid, mon tendre fils, toi, le plus beau parmi ceux que j’ai engendrés, va où je t’invite, où je t’exhorte à aller ; fais que le navire de l’audacieux, que le bateau de Lemminkäinen soit enchaîné par les glaces, sur la blanche surface de la mer, au milieu des golfes vastes et profonds ; fais aussi que l’audacieux lui-même y soit tellement cloué que, de tous les jours de sa vie, il ne puisse s’en détacher, il ne puisse s’en délivrer, si je ne viens, si je n’accours à son aide ! »

Le Froid, cet être de misérable origine, ce garçon dégradé dans ses mœurs[9], se mit en devoir de soumettre la mer à sa puissance, de suspendre la course des vagues. Déjà, lorsqu’il passait à travers les terres, les feuilles des arbres s’étaient fanées, les tiges de gazon s’étaient desséchées[10].

Quand il fut parvenu sur les bords, les bords immenses de la mer de Pohjola, il s’attaqua, dès la première nuit, aux golfes et aux lacs, il amoncela les glaces sur leurs rivages ; mais il ne monta point encore jusqu’à la haute mer, il ne toucha point encore à ses ondes ; un gracieux pinson voltigeait à leur cime, un hoche-queue s’y balançait ; et leurs ailes, et leur petite tête n’avaient rien perdu de leur chaleur.

Mais, la nuit suivante, le Froid déploya une violence terrible, une vigueur implacable ; il sévit sans pudeur ; les glaces s’élevèrent d’une aune, la neige tomba haute et drue ; et le navire de l’audacieux, le bateau de Lemminkäinen demeura immobile sur la mer.

Le Froid songea aussi à s’emparer du grand héros, à le geler sans merci ; et déjà il l’avait entrepris par les doigts et par les orteils ; mais Lemminkäinen éclata en fureur, et il le poussa dans le feu, il le jeta sur un tas de pierres dures comme le fer[11] ; puis il éleva la voix et il dit :

« Ô Froid, fils de Puhuri[12], sauvage rejeton du cruel hiver, garde-toi de me geler les doigts, de me geler les orteils, garde-toi de toucher à mes oreilles, de toucher à ma tête !

« N’as-tu donc d’autre proie à dévorer que la chair de l’homme, que le corps du fils de la femme ? Étends ta rage sur les champs et sur les marais, sur les pierres sèches et dures, sur les roseaux des ondes, sur les branches des peupliers, sur l’écorce des bouleaux, sur les jeunes sapins des bois ; mais respecte la chair de l’homme, la chair du fils de la femme !

« Et si ces choses ne te suffisent point, choisis-en de plus grandes : verse tes fureurs sur les pierres ardentes, sur les dalles brûlantes, sur les montagnes de fer, sur les rochers d’acier ; enchaîne la cataracte orageuse de Wuoksen[13], la cataracte farouche d’Imatra[14] ; ferme la gorge béante, l’effroyable gueule des torrents sauvages[15] !

« Dois-je nommer ta famille, dois-je raconter ta renommée[16] ? Je connais ton origine, je sais comment tu as été engendré. Le Froid est né au milieu des roseaux, l’air dur au milieu des bouleaux, par delà les tentes de Pohja, les maisons de Pimentola, d’un père au génie corrupteur, d’une mère à l’âme dépravée.

« Qui allaita le Froid, qui nourrit l’air dur, lorsque sa mère manqua de lait, lorsqu’elle n’eut plus de mamelles ?

« Le serpent allaita le Froid, le serpent le nourrit avec ses mamelles maigres et sèches, ses mamelles vides et ridées ; le vent du nord le berça, le souffle glacé l’endormit, sur la mousse d’un marais horrible, au milieu des sources bondissantes[17].

« Ainsi naquit, ainsi fut élevé le garçon dépravé, le vicieux compère, mais il n’avait point encore de nom ; on donna au misérable le nom de Froid[18].

« Alors, il se vautra dans les enclos, il se balança aux branches des arbres ; pendant l’été, il dormit au fond des sources, il séjourna au sein des vastes marais ; pendant l’hiver, il régna dans les bois de sapins, il trôna parmi les hauts pins, il gronda parmi les bouleaux et les aulnes ; il dessécha les rameaux, il nivela les plaines[19], il dépouilla les forêts de leur feuillage, les bruyères de leurs fleurs, il dispersa les pommes des pins, il fendit les sapins.

« As-tu donc déjà assez grandi, ô Froid, es-tu donc devenu assez fort et assez puissant, toi qui voudrais t’attaquer à moi, qui voudrais me faire gonfler les oreilles, me torturer les pieds et les ongles des doigts ?

« Je te défie de me geler le corps, de me roidir les membres : je mettrai du feu dans mes bas, des charbons ardents dans mes chaussures, dans tous les plis de mes vêtements, en sorte qu’il te sera impossible de m’étreindre et de me terrasser.

« Va plutôt, va dans les régions extrêmes du nord ; et quand tu y seras arrivé, quand tu seras de retour dans ton pays, gèle la chaudière sur le feu, le charbon sur le foyer, la main de la femme dans la pâte, le jeune homme sur le sein de la jeune fille[20], le lait de la vache dans ses mamelles, le poulain dans le ventre de la cavale ! »

« Si tu te montres sourd à mes paroles, je t’enverrai dans la fournaise de Hiisi, au milieu des rochers ardents de Lempo[21] ; là, tu t’enfonceras dans le feu, tu te mettras sur l’enclume, et le forgeron te broiera, te pétrira de son lourd marteau.

« Si tu t’obstines dans ta rébellion, si tu refuses absolument de t’éloigner, j’ai encore en réserve un autre endroit, une autre place : j’enfermerai ta bouche, j’enfermerai ta langue dans la maison de l’été[22], et tu ne pourras en sortir, tu ne pourras t’en échapper, de tous les jours de ta vie, si je ne viens pas, si je n’accours pas à ton aide. »

Le Froid, fils de Puhuri, s’aperçut alors que le malheur le menaçait, et il commença à demander grâce ; il éleva la voix et il dit : « Réconcilions-nous, ô Lemminkäinen, renonçons à nous nuire l’un à l’autre, tant que durera cette vie, tant que la lune répandra sa lumière.

« Si tu apprends que j’ai encore abusé de ma force, que j’ai commis quelque action coupable, jette-moi dans la fournaise, enfonce-moi dans le feu, au milieu des charbons ardents, sous le soufflet d’Ilmarinen, ou bien enferme ma bouche, enferme ma langue dans la maison de l’été, de manière à ce que je ne puisse en sortir de tous mes jours, de toute la durée de ma vie[23]. »

Alors, le joyeux Lemminkäinen abandonna son navire au milieu des glaces, et il poursuivit sa route à pied ; Tiera accompagna l’audacieux héros.

Il s’avança sur la surface solide, sur la plaine unie ; il marcha un jour, il marcha deux jours ; le troisième jour il découvrit au loin le promontoire de Nälkäniemi[24], il aperçut le misérable village.

Et il s’approcha du château du promontoire, et il dit : « Est-il dans ce château de la viande et du poisson, pour rassasier les héros, pour apaiser notre faim ?

Il ne se trouvait point de viande dans le château, ni même une seule queue de poisson.

Le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli dit : « Ô feu dévore ce château, eau balaye ce repaire ! »

Et il se remit en route : et il s’enfonça dans les vastes déserts, au milieu de régions inhabitées, de sentiers inconnus.

Le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli, coupa de la laine sur les pierres, détacha des poils de la surface des rochers[25], et il les roula autour de ses jambes, il les roula autour de ses mains, aux endroits que le froid avait attaqués, que la gelée avait blessés.

Et, en marchant, il examinait où conduisait la route, où menait le sentier : la route conduisait dans un bois, le sentier dans un désert.

Alors, il éleva la voix et il dit : « Ô Tiera, mon cher frère, nous voilà donc destinés à errer pendant tous nos jours, pendant toute notre vie, sous la voûte du ciel ! »

Tiera prit la parole et dit : « Hélas ! c’est en vain, malheureux que nous sommes ! c’est en vain que nous sommes partis pour les grandes batailles, pour les sombres demeures de Pohjola ; nous périrons, nous perdrons la vie dans ces horribles régions, sur ces routes inconnues.

« Nous ne savons, nous ignorons par quels chemins, par quels sentiers, nous irons mourir au milieu d’un bois, tomber inanimés au milieu d’une bruyère, sur les champs habités par les corbeaux, sur les plaines fréquentées par les corneilles.

« Les corbeaux planent dans l’air ; ils emportent dans leurs griffes nos tristes restes, ils plongent leur bec dans nos chairs, ils s’abreuvent de notre sang chaud, ils dispersent au loin nos os sur les tas de pierres[26].

« Et la pauvre mère ne sait pas, l’infortunée nourrice ignore où se meut sa chair, où bouillonne son sang : si c’est au milieu des grandes batailles, ou sur les vastes détroits, les vagues orageuses, si c’est sur une colline pommelée ou dans les profondeurs d’un bois désert.

« Non, la mère ne sait rien du sort de son enfant ; elle le croit mort, elle le croit disparu ; et elle pleure, et elle se lamente : « Le voilà donc, mon pauvre enfant, mon unique soutien, infortunée que je suis ! Il est là-bas à labourer les champs de Tuoni[27], à herser les terres de Kalma[28] ! Et, maintenant, les arcs restent inactifs, les beaux arcs se dessèchent, les oiseaux deviennent trop gras, les gelinottes caquettent dans les bois, les ours ravagent les troupeaux, les rênes folâtrent dans les plaines. »

Le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli dit : « Hélas ! oui, il en est ainsi, ma pauvre mère, ma déplorable nourrice ! Tu avais engendré de nombreuses colombes, tu avais mis au monde une troupe de cygnes ; et le vent les a séparés, le malheur les a dispersés.

« Je me souviens des anciens jours, je ne puis oublier les temps meilleurs, alors que nous bondissions, beaux comme les fleurs, frais comme les myrtilles, à travers les collines. Tout le monde admirait notre charmant visage, notre taille gracieuse. Il n’en est plus ainsi, maintenant, dans ces heures amères de notre vie : le vent est le seul être que nous connaissions, le soleil le seul objet que nous ayons à contempler, encore s’enveloppe-t-il de nuages et se laisse-t-il voiler par la pluie.

« Cependant, je serais moins triste, je me désolerais moins cruellement si toutes les jeunes filles vivaient heureuses, si les belles vierges se livraient à la joie, si toutes les femmes avaient le sourire aux lèvres, si les fiancées avaient l’âme douce comme le miel, si elles ne pleuraient point de regret, si elles n’étaient point dévorées par le chagrin[29].

« Les sorciers n’ont pu encore nous berner, les sorciers n’ont pu faire que nous périssions sur ces routes, que nous succombions au milieu de ce voyage, que nous nous endormions du suprême sommeil, dans les jours de notre jeunesse, dans la fleur de nos années.

« Que leurs maléfices se tournent contre leurs propres demeures, qu’ils s’attachent à leurs propres foyers, qu’ils se bernent eux-mêmes, qu’ils bernent leurs enfants, qu’ils détruisent leur famille, qu’ils exterminent toute leur race !

« Jamais mon père, jamais le père de mon père ne se sont inclinés devant le pouvoir des sorciers, jamais ils n’ont gagné le Lapon avec des présents[30]. Je suivrai l’exemple de mon père, je dirai comme lui : « Protége-moi, ô Créateur éternel, protége-moi, ô glorieux Jumala, sauve-moi avec ta main pleine de grâces, avec ta puissante armée, des artifices des hommes, des machinations des femmes, des ensorcellements des mentons barbus, des ensorcellements des mentons sans barbe ! Sois mon appui invincible, ma garde inviolable, afin que le garçon ne se perde point, que le fils de ma mère ne s’égare point de la route que le Créateur lui a montrée, que Jumala lui a tracée[31] ! »

Et le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli se fit un cheval de chagrins, un noir étalon de soucis, il lui façonna une bride de jours sinistres, une selle d’angoisses poignantes[32] ; puis il monta sur le dos du bel animal, il s’élança sur la croupe du coursier au front étoilé ; et, suivi de Tiera, son frère d’armes, il se mit aussitôt en route, longea avec fracas les rivages, et arriva à la demeure de sa mère bien-aimée, de sa douce et tendre nourrice.


  1. « Iski purtta vanttuhulla,
    « Kirjasuulla kintahalla. »

  2. Hongan pinta.
  3. Voir Première Runo, note 12.
  4. On sait déjà que chez les anciens Finnois le mariage était une espèce de marché. Voir Vingt et unième Runo, note 2.
  5. « Viel’on nannit nappimatta,
    « Rinpat riuahuttamatta. »

  6. Tiera et Kuura sont des noms propres qui s’appliquent, comme on le voit, à la même personne.
  7. Voir Huitième Runo, note 9.
  8. Il s’agit ici des figures de ces animaux incrustées ou gravées sur le fer et la hampe de la lance.
  9. « Pakkanen pahan sukuinen,
    « Ja poika pahan tapainen. »

  10. « Jopa tuonne mennessansa,
    « Maata matkaellessansa
    « Puut puri lehettömäksi,
    « Heinat helpehettomaksi. »

  11. « Tunki Pakkasen tulehen,
    « Tyonti rauta-rauniohon. »

  12. Le vent du nord.
  13. Voir Troisième Runo, note 15.
  14. Voir Troisième Runo, note 16.
  15. L’embouchure des fleuves :

    « Kurimuksen kulkun suuta,
    « Kinahmia kauheata. »

  16. « Joko nyt sanon sukusi,
    « Kuuluttelen kunniasi ? »

    C’est-à-dire dois-je raconter la cause pour laquelle tu es célèbre, tu es connu, par conséquent la cause de ton existence, le principe de ton origine ?

  17. « Kyyhyt Pakkasen imetti,
    « Kyy imetti, Käarme syötti
    « Nännillä nenattömillä,
    « Utarella uuttomalla,
    « Poljaistuuli tuuitteli,
    « Vilu ilma viiaytteli
    « Pahoilla pajupuroilla,
    « Hereillä hetiehilla. »

  18. Dans les runot, le froid est ordinairement personnifié ; il est, par conséquent, tout naturel qu’on lui donne un nom propre. Ce nom (en finnois, Pakkanen) viendrait-il de Pakko, force impérieuse, angoisse, douleur ?
  19. Pendant l’hiver, le sol des pays du Nord est entièrement nivelé, de sorte que les traîneaux y circulent aussi bien sur la terre ferme que sur les lacs, les marais et les détroits.
  20. « Poika neitosen povehen. »

  21. Voir Quatrième Runo, note 21.
  22. « Vien suusi suven siahan,
    « Kielesi kesan kotihin. »

    La runo prend ici, dans le froid, les parties qui mordent et engloutissent, nous avons vu plus haut la même expression à propos du fer ou de l’acier.

  23. Ce long récit concernant le froid forme, chez les bardes finnois populaires, un chant consacré sous le nom de Paroles conjuratrices du froid, Pakkasens Luku.
  24. Promontoire de la faim, de nelkä, faim, et niemi, promontoire.
  25. « Keritst kiveltä villat
    « Katkoi karvat kalliolta. »

  26. Tiera regarde sa position et celle de Lemminkäinen comme tellement désespérée, que leur mort lui paraît déjà un fait accompli. Aussi parle-t-il au présent de l’acharnement des corbeaux sur leur cadavre.
  27. Voir Douzième Runo, note 7.
  28. Voir Neuvième Runo, note 6.
  29. Lemminkäinen donne ici un souvenir aux jeunes filles de Saari, auxquelles son départ a fait verser tant de larmes.
  30. On sait que, chez tous les peuples du monde, les sorciers n’ont jamais été insensibles aux présents, et que la moindre pièce d’argent suffit le plus souvent pour calmer leur courroux et se les rendre favorables.
  31. Tout ce long passage relatif aux sorciers, forme un chant particulier analogue à celui que nous avons rencontré dans la douzième runo (voir Douzième Runo, note 12. On l’appelle aussi Paroles de précaution (varaussanat). Je citerai le texte des derniers vers :

    « Ei ennen minun isoni,
    « Eika valta-vanhempani
    « Nouatellut noian mielta,
    « Lahjoitellut Lappalaista.
    « Noin sanoi minun isoni,
    « Noin sanon mina itseki :
    « Varjele vakainen luoja,
    « Kaitse kauroinen Jumala,
    « Auta armo-kourallasi,
    « Vakevalla vallallasi.
    « Miesten miieli-juohtehista
    « Akkojen ajatuksista,
    « Pakinoista partasuien,
    « Pakinoist’on parratointen !
    « Ole ainaisna apuna,
    « Vakaisena vartiana,
    « Ettei poika pois tulisi,
    « Emon tuoma erkaneisi
    « Luojan luomalta laulta,
    « Jumalan sukeamalta ! »

  32. C’est-à-dire que les chagrins, les soucis, etc., déterminèrent Lemminkainen à reprendre au plus vite le chemin de la maison maternelle.