Kalevala/trad. Léouzon le Duc (1867)/9

Traduction par Louis Léouzon le Duc.
A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie (p. 67-77).

NEUVIÈME RUNO.

sommaire.
Le vieillard commence l’opération. — Mais, pour guérir la blessure faite par le fer, il doit remonter à sa cause première, il doit connaître l’origine du fer. — Wäinämöinen la lui raconte. — Alors, le vieillard fuimine ses malédictions contre le fer, puis s’efforce par ses conjurations d’arrêter le sang qui coule de la blessure. — Il envoie son fils chercher le baume à la vertu éternelle, qu’il applique sur le genou du heros, en invoquant le secours d’Ukko, le grand créateur. — Wäinämöinen guérit et rend grâces à Jumala, source unique de toute force et de tout bien.

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen descendit seul, sans aucun aide, de son traîneau, et entra sous le toit du vieillard.

On apporta un vase d’argent, un vase d’or ; mais ils ne purent contenir le sang qui s’échappait de la blessure de Wäinämöinen, le sang bouillonnant du noble héros.

Le vieillard rugit du haut du poêle, la barbe grise tonna : « Quel homme es-tu donc entre les hommes, quel héros entre les héros ? Déjà sept barques, déjà huit grandes cuves sont remplies de ton sang, à infortuné, et il déborde encore sur le plancher. J’aurais besoin encore d’autres paroles, mais j’ignore l’origine du fer, je ne sais comment le misérable métal a été formé. »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Je connais l’origine du fer, je crois savoir d’où l’acier est issu. L’air est le plus ancien des éléments, puis est venue l’eau, puis le feu, et enfin le fer[1].

« Ukko, le créateur très-haut, l’arbitre suprême du temps, sépara l’air de l’eau, et de l’eau, il tira la terre. Mais le fer ne se montra point encore.

« Ukko, le glorieux Jumala, se frotta les mains au-dessus de son genou gauche. Et de ce frottement naquirent trois vierges, trois filles de la nature[2]. C’étaient les mères qui devaient engendrer le fer, donner le jour à la bouche bleue.

« Les trois vierges marchaient en cadence sur les bords d’un nuage. Leurs mamelles étaient gonflées, les bouts de leurs seins étaient douloureux, et elles répandirent leur lait sur la terre, elles en inondèrent les plaines et les marais, elles le mêlèrent aux ondes limpides.

« La plus âgée des vierges versa un lait noir, la seconde un lait blanc, la plus jeune un lait rouge.

« Celle qui versa un lait noir donna naissance au fer flexible, celle qui versa un lait blanc donna naissance à l’acier, celle qui versa un lait rouge donna naissance au fer roide et dur.

« Un peu de temps s’écoula, et le fer voulut rendre visite au plus âgé de ses frères, il voulut lier connaissance avec le feu.

« Mais le feu se livra à une fureur insensée, il se souleva d’une façon épouvantable, menaçant de dévorer le fer, le pauvre fer, son frère.

« Cependant le fer parvint à se soustraire à sa terrible étreinte, à sa gueule exaspérée ; il se cacha au fond d’une source murmurante, dans les entrailles d’un vaste marais ; il se cacha sur la cime d’un rocher sauvage, là où les cygnes déposent leurs œufs, où l’oie fait éclore ses petits.

« Et il resta dans la vase humide du marais, caché entre les troncs de deux petits arbres, sous les racines de trois bouleaux, pendant un an, pendant deux ans, pendant presque trois ans. Mais, malgré tout, il ne put échapper à l’étreinte impitoyable du feu ; il dut retourner dans ses demeures, pour y être changé en arme de combat, en redoutable glaive.

« Le loup s’élança à travers le marais, l’ours le piétina violemment ; et son sol fut dévasté jusque dans ses profondeurs, et la retraite du fer fut mise à découvert.

« Le forgeron Ilmarinen était né et avait grandi. Il était né sur une montagne de charbon, il avait grandi au milieu d’un champ de suie, un marteau de cuivre à la main, des tenailles au poing.

« Ilmarinen était né pendant la nuit ; et, le jour suivant, il se construisit une forge ; et il chercha une place pour l’établir, un endroit pour suspendre ses soufflets.

« Il aperçut au coin d’un marais, un petit espace libre ; il s’approcha pour le voir de plus près, et y établit sa forge, y suspendit ses soufflets.

« Et le forgeron Ilmarinen s’avança vers les lieux déjà foulés par les pieds du loup, dévastés par les griffes de l’ours. Il y découvrit un germe de fer, une semence d’acier.

« Et il dit : « Malheur à toi, ô déplorable fer, à toi qui gis là, dans cet horrible marais, dans cette étroite demeure, exposé, sans cesse, aux pieds du loup, aux griffes de l’ours ! »

« Puis il pensa, il médita profondément : « Qu’adviendra-t-il de ce fer si je le mets au feu, si je le place sur ma forge ? »

« Mais, en entendant raconter les exploits, les mortels exploits du feu, le fer, le pauvre fer frissonna d’épouvante.

« Ilmarinen lui dit : « Ne te laisse point effrayer ainsi ! Le feu ne brûlera point son ami, il ne fera point de mal à son frère. Quand tu seras entré dans sa demeure, tu y deviendras beau, admirablement beau ; tu serviras de glaive redoutable aux hommes, de franges aux ceintures des femmes ! »

« Et, depuis ce moment, le fer fut retiré du marais, il fut enlevé de la vase humide et placé au cœur de la forge.

« Ilmarinen souffla une fois, souffla deux fois, souffla trois fois. Le fer se liquéfia comme de la bouillie, s’enfla comme de l’écume ; il s’étendit, tel qu’une pâte de froment, tel qu’une pâte de seigle, sous la grande flamme du forgeron, sous la puissance merveilleuse du feu.

« Mais, bientôt, le pauvre fer poussa un cri de détresse : « Ô forgeron Ilmarinen, retire-moi d’ici, sauve-moi de la brûlante étreinte du feu ! »

« Ilmarinen lui dit : « Si je te retire du feu, peut-être te montreras-tu cruel et intraitable, peut-être frapperas-tu ton frère, mettras-tu en pièces l’enfant de ta mère. »

« Le fer prononca un serment terrible ; il jura, au cœur du foyer, sur l’acier de l’enclume, sous les coups du marteau, et dit : « N’ai-je pas assez de bois à mordre, de cœurs de pierre à dévorer, pour songer à frapper mon frère, à mettre en pièces l’enfant de ma mère ? Il est mieux, il est plus beau pour moi de servir de compagnon au voyageur, d’arme de sûreté au piéton, que d’attaquer ma propre race, que de maltraiter mon parent. »

« Alors, le forgeron Ilmarinen, le batteur de fer éternel, retira le fer du feu. Il le mit sur l’enclume, il le martela avec force, et en fit des lances à la pointe aiguë, des épieux, des haches, des instruments, des outils de toute espèce.

« Mais il lui manquait encore quelque chose : la langue du fer ne pouvait avoir toute sa force, la bouche de l’acier ne pouvait être formée ; le fer ne pouvait devenir dur sans être trempé dans l’eau.

« Après avoir réfléchi un instant, le forgeron jeta un peu de cendres, un peu de lessive, dans l’eau qui devait former l’acier, dans l’eau qui devait durcir le fer.

« Et il goûta cette eau avec sa langue, avec ses sens intérieurs, et il dit : « Ceci ne saurait m’être utile pour former l’acier, pour durcir le fer. »

« Mehiläinen[3] s’éleva du sein de Ia terre ; l’aile bleue surgit d’une touffe de gazon ; elle vole, elle se pose, autour de l’atelier du forgeron.

« Ilmarinen lui dit : « Ô Mehiläinen, légère créature, apporte-moi du miel sur tes ailes, du miel sur ta langue, du miel extrait du suc de six fleurs, de sept tiges de gazon, pour l’acier qui doit être préparé, pour le fer qui doit être durci. »

« Herhiläinen[4], l’oiseau de Hiisi, voltigeait autour de la forge, épiant, à travers le toit d’écorce de bouleau, l’acier qui devait être préparé, le fer qui devait être durci.

« Elle se glissa, en assourdissant son bourdonnement, jusqu’au vase destiné à tremper l’acier, à durcir le fer, et y répandit les matières fatales de Hiisi : le venin mortel du serpent, la noire sanie du ver, la bave brune de la fourmi, les sucs funèbres du crapaud.

« Le forgeron Ilmarinen, le batteur de fer éternel, crut que Mehiläinen était de retour et avait apporté le miel, et il dit : « Voilà, maintenant, qui me servira pour l’acier qui doit être formé, pour le fer qui doit être durci. »

« Et il tira le fer, le pauvre fer de la forge, et il le trempa dans l’eau maudite.

« Soudain, le fer éclata en révolte, l’acier trahit une perversité cruelle. Le misérable renia son serment ; il mangea comme un chien sa conscience et son honneur ; et il frappa son propre frère, il mordit son parent avec rage, et le sang coula, et le sang chaud déborda comme un fleuve.»

Le vieillard rugit du haut du poêle, la barbe grise tonna, la tête de cent ans hurla : « Maintenant je connais l’origine du fer, je sais les habitudes de l’acier.

« Malheur à toi, déplorable fer, vile et pauvre scorie ! malheur à toi, acier fatal ! Tu ne devais donc naître au monde que pour y déployer ta méchanceté et ta violence !

« Tu n’étais pas précisément grand, tu n’étais ni grand, ni petit, ni trop beau, ni trop hideux[5], alors qu’à l’état de lait, de lait doux et limpide, tu reposais pacifiquement dans le sein de la jeune vierge, que tu faisais gonfler ses mamelles, sur le bord du long nuage, dans la vaste plaine du ciel.

« Tu n’étais pas précisément grand, tu n’étais ni grand ni petit, alors que tu gisais comme une eau dormante, comme une onde claire, dans le marais, que tu couronnais la cime des rochers sauvages, sous la forme d’une vase épaisse, d’une argile rouillée.

« Tu n’étais pas précisément grand, tu n’étais ni grand ni petit, alors que les élans te foulaient aux pieds dans les bois, que les rennes te piétinaient dans les bruyères, que le loup et l’ours te pétrissaient avec leurs griffes.

« Tu n’étais pas précisément grand, tu n’étais ni grand ni petit, alors qu’on t’extrayait de la vase du marais, qu’on te dégageait du limon de la terre et qu’on te portait à la forge d’Ilmarinen.

« Tu n’étais pas précisément grand, tu n’étais ni grand ni petit, alors que tu pétillais comme le mâchefer, que tu bouillonnais, comme l’eau, dans le feu mordant, que tu jurais ton redoutable serment, au cœur du foyer, sur l’acier de l’enclume, sur le champ du marteau.

« Mais, voilà que tu as grandi, et, alors, tu t’es levé pour la révolte, tu as renié ton serment, tu as mangé comme un chien ta conscience et ton honneur, tu as déchiré ta race, tu as assailli ta famille avec tes dents meurtrières.

« Qui t’a poussé à ce crime ? qui t’a excité à cette action misérable ? Est-ce ton père, est-ce ta mère, est-ce l’aîné de tes frères, la plus jeune de tes sœurs, ou quelque autre de tes illustres parents ?

« Non, ce n’est point ton père, ce n’est point ta mère, ni l’aîné de tes frères, ni la plus jeune de tes sœurs, ni aucun autre de tes illustres parents ; de toi-même tu t’es livré à cet acte exécrable, à cet exploit de Kalma[6] !

« Viens donc contempler ce que tu as fait, viens effacer les traces de ton crime, avant que je le raconte à ta mère, avant que je porte plainte à ta nourrice. La mère souffre davantage, la nourrice est dans une angoisse plus grande, lorsque le fils commet le mal, lorsque l’enfant devient pervers.

« Cesse de couler, ô sang ! Cesse, ô sang chaud, de jaillir jusque sur moi et d’inonder ma poitrine ! Reste droit comme un mur, immobile comme la cloison d’un champ, comme un glaive dans la mer, comme l’algue dans le marais, comme la borne sur la route, comme le rocher au milieu de la cataracte mugissante !

« Mais, si ton instinct te pousse à couler, à te précipiter avec violence, coule du moins dans la chair, bondis à travers les os. Il est mieux, il est plus beau pour toi de rougir la chair, de bouillonner dans les veines, d’arroser les os, que de couler par terre et de te prostituer parmi les ordures.

« Oui, il est indigne de toi, ô lait, ô sang innocent, de te souiller dans la poussière ; il est indigne de toi, ô beauté de l’homme, ô trésor des héros, de te perdre dans l’herbe des prairies ou sur le versant des collines. Ta place est dans le cœur, ton siége est sous le poumon. Hâte-toi d’y retourner. Est-ce que tu es un fleuve pour rouler ainsi tes ondes ? un lac pour déborder avec tant d’impétuosité ? une source de marais pour jaillir avec tant de fracas ? une barque trouée pour faire eau de toute part ?

« Suspends peu à peu ta course, ô sang chéri, ô sang rouge, ou plutôt arrête-toi brusquement ! Jadis la cataracte de Tyrjä[7] suspendit peu à peu sa chute, le fleuve de Tuonela s’arrêta brusquement, la mer se dessécha, le ciel cessa de pleuvoir, durant l’été de la grande sécheresse, durant les jours de feu de l’année vide de force[8].

« Si tu refuses de m’obéir, j’aurai recours à d’autres moyens : je demanderai à Hiisi sa grande chaudière, celle où l’on fait cuire le sang, où l’on fait bouillir l’onde rouge, sans qu’une seule goutte en tombe à terre et se perde dans la poussière.

« Et si l’homme n’est pas en moi, si le héros n’est pas dans le fils du vieillard, l’homme, le héros qui puisse opposer une digue à ce fleuve, à ce torrent des veines, j’invoquerai le père céleste, le grand Jumala, qui habite au-dessus des nuages, le puissant entre tous les hommes, l’habile entre tous les héros ; et il fermera la bouche du sang, et il enchaînera celui qui se précipite.

« Ô Ukko, créateur très-haut, ô céleste Jumala, viens ici, car on a besoin de ton secours ; viens ici, car on t’appelle ! Bouche avec ta main épaisse, avec ton large pouce, ce trou terrible, cette plaie béante ; étends une feuille de nénuphar, un lis d’or, à travers la voie du sang, afin qu’il cesse de jaillir sur ma barbe, de dégoutter sur mes vêtements ! »

Et le vieillard ferma lui-même la bouche du sang ; il enchaîna le torrent rouge ; puis il envoya son fils à sa forge pour y préparer un baume, un baume fait avec de la semence de gazon, avec les tiges de mille plantes saturées de miel.

Le jeune homme s’achemina vers la forge ; il rencontra un chêne, et il lui dit : « As-tu du miel sur tes branches, du miel sous ton écorce ? »

Le chêne répondit avec sagesse : « Hier, le miel a coulé sur mes branches, il a inondé ma couronne, un miel tombé du haut du ciel, du haut des nues liquéfiées. »

Le fils du vieillard coupa les branches du chêne, les rameaux de l’arbre fragile ; il prit, ensuite, de la semence de gazon ; il prit les tiges de mille plantes, de ces plantes qu’on ne voit point croître dans tous les lieux de monde.

Et il mit une chaudière sur le feu, et il la remplit de l’écorce du chêne et des mille plantes belles à voir.

La chaudière commença à bouillonner avec force ; elle bouillonna trois nuits entières, trois jours de printemps. Alors, le fils du vieillard examina si le baume était prêt, s’il possédait une vertu infaillible.

Le baume n’était point encore prêt, il ne possédait point une vertu infaillible. Le fils du vieillard y ajouta de nouvelles semences de gazon, de nouvelles plantes, qui avaient été rapportées de loin, d’au delà de cent chemins : des semences de gazon, des plantes données par neuf sages, par neuf katsoja[9].

Et il fit de nouveau bouillir la chaudière pendant trois nuits, pendant neuf nuits ; puis il examina encore si le baume était prêt, s’il possédait une vertu infaillible.

Un tremble s’élevait au milieu d’un champ, un tremble chargé d’une foule de branches. Le fils du vieillard l’abattit, le fendit en deux parties, et après l’avoir frotté avec le baume magique, il dit : « Si ce remède est bon, s’il peut s’appliquer avec efficacité sur les blessures, que le tremble reprenne sa forme première, qu’il devienne plus beau qu’il n’a jamais été ! »

Soudain, les deux parties séparées du tremble se rejoignirent et il devint plus beau, plus entier qu’il n’avait jamais été.

Le fils du vieillard expérimenta le baume sur les fentes des pierres, sur les crevasses des rochers. Les fentes des pierres se rejoignirent, les crevasses des rochers se comblèrent.

Alors, le fils du vieillard sortit de la forge et porta à son père le baume qu’il avait préparé. « Voilà le remède sûr, le remède infaillible ; avec lui, tu peux souder les pierres, tu peux unir ensemble tous les rochers. »

Le vieillard goûta le baume avec sa langue, avec sa bouche nue, et trouva qu’il était bon.

Et il en frotta le corps de Wäinämöinen, il en oignit sa plaie dans tous les sens, et il dit : « Je ne te touche point avec ma propre chair, mais avec la chair du Créateur ; je ne te traite point avec ma propre force, mais avec la force du Tout-Puissant ; je ne te parle point avec ma propre bouche, mais avec la bouche de Jumala. Oui, si ma bouche est agréable, plus agréable encore est la bouche de Jumala ; si ma main est belle, plus belle encore est la main du Créateur. »

Lorsque le baume fut étendu sur la blessure, Wäinämöinen fut presque saisi de vertige ; il chancela comme un homme ivre, il ne put trouver aucun repos.

Le vieillard se mit à conjurer les douleurs ; il chassa les horribles tourments jusque dans le sein de Kipu-mäki[10], jusqu’au sommet de Kipu-vuori[11], afin de faire souffrir les pierres, de torturer les rochers.

Puis il prépara une étoffe de soie, il la coupa en morceaux et en fit des bandages, pour fixer l’appareil sur le genou du pauvre héros, sur le pied de Wäinämöinen.

Et il prit la parole, et il dit : « Que la soie du Créateur serve de bandage, que le manteau de Jumala serve de couverture à ce bon genou, à ce pied solide ! Abaisse tes regards sur l’appareil, ô beau Jumala ; protége-le, ô glorieux Créateur ; veille à ce qu’il ne lui manque rien, à ce qu’il ne lui arrive aucun accident ! »

Soudain, le vieux Wäinämöinen se sentit merveilleusement soulagé, et, bientôt, sa guérison fut complète. Sa blessure se ferma, sa chair devint plus ferme, plus belle qu’elle n’avait jamais été ; son pied reprit sa force, son genou sa flexibilité, et il n’éprouva plus aucune douleur.

Alors, il éleva majestueusement ses regards vers le ciel, et il dit : « Les grâces, le secours bienfaisant viennent toujours du haut du ciel, du tout-puissant créateur. Sois béni, ô Jumala, sois glorifié, ô Dieu unique, toi qui m’as si efficacement protégé au milieu de mes angoisses, de ces douleurs causées par les morsures du fer ! »

Le vieux Wäinämöinen dit encore : « Ô race de l’avenir, race qui te renouvelles au sein des âges, garde-toi de construire un bateau avec un cœur superbe, de montrer trop de confiance, même en en façonnant un seul côté ! C’est à Jumala, c’est au Créateur seul qu’il appartient d’achever un ouvrage, de mettre la dernière main à un projet, et non à l’habileté du héros, à la puissance du fort ! »

  1. Dès les temps les plus reculés, les Finnois ont été d’habiles travailleurs de fer. Suivant les traditions, c’est d’eux que les Scandinaves ont appris l’art du forgeron. Le sol de la Finlande abonde également en minerai de fer. On l’y trouve non-seulement dans les montagnes, mais encore dans les marais et dans les lacs. Certains endroits sont remplis d’un sable noir imprégné de fer.
  2. V. Première Runo, note 18.
  3. L’abeille, de Mehi, miel.
  4. La guêpe. On l’appelle aussi Hörhiäinen, Hörhiläinen, Hörhöläinen (de Hörisen : Bourdonner).
  5. V. Deuxième Runo, note 8.
  6. La mort. Kalma signifie littéralement odeur de cadavre.
  7. La Norvége ou le nord de la Laponie. Même mot sans doute que Rutja, par lequel les Finnois d’aujourd’hui désignent la Norvége.
  8. Allusion à un de ces étés brûlants qui se produisent assez souvent dans le haut Nord et qui, sans doute, avait eu lieu vers l’époque à laquelle remonte la présente runo.
  9. Voyants ou Regardants ; sorciers qui, par leur seul regard, communiquaient aux choses une vertu magique. V. Troisième Runo, note 18.
  10. Pierre des maladies.
  11. Montagne des maladies. Les maladies sont enfermées dans ses entrailles, sous la garde de Kipu-Tyttö, fille de Tuoni, la déesse des maladies.