Kalevala/trad. Léouzon le Duc (1867)/12

Traduction par Louis Léouzon le Duc.
A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie (p. 97-106).

DOUZIÈME RUNO.

sommaire.
Kylliki, oubliant son serment, va folâtrer hors de sa maison. — Lemmikäinen, plein de colère, prend le parti de l’abandonner et d’aller chercher dans Pohjola une autre épouse. — Sa mère s’efforce de le détourner de ce projet et lui représente les dangers qu’il aura à courir de la part des puissants sorciers du pays. — Lemmikäinen méprise orgueilleusement cet avis, met en état ses armes de combat et s’apprête à partir. — Au moment de se mettre en route, il arrange sa chevelure et suspend son peigne au mur de la chambre, en disant que sa mort ne sera certaine que lorsque ce peigne apparaîtra rouge de sang. — Il arrive dans Pohjola, et débute par berner tous les hommes de la maison, à l’exception d’un vieux berger aveugle, auquel il reproche les crimes de sa jeunesse et qu’il traite avec le plus sanglant mépris. — Celui-ci conçoit le projet de se venger.

Ahti Lemmikäinen, le beau Kaukomieli, vécut de longs jours dans une heureuse union avec la jeune fille. Il n’alla point à la guerre, et Kylliki ne vagabonda point dans le village.

Mais il arriva qu’un jour, un matin, Ahti Lemmikäinen partit pour la pêche ; et il ne revint pas le soir, il ne revint pas à la tombée de la nuit. Kylliki sortit, alors, dans le village, et alla se mêler aux jeux bruyants des jeunes filles.

Qui en portera la nouvelle ? Qui annoncera l’événement ? Ainikki, la sœur, la propre sœur du joyeux héros. « Ô Ahti, mon cher frère, Kylliki est sortie dans le village ; elle court les maisons étrangères, se mêlant à la société des jeunes filles, aux jeux bruyants des belles chevelures. »

Le jeune Ahti, le fier guerrier, le joyeux Lemmikäinen fut saisi d’une grande, d’une longue colère, et il dit : « Ô ma mère, ma vieille mère, trempe ma chemise dans le venin d’un noir serpent, et hâte-toi de la faire sécher, car je veux partir pour la guerre, je veux entreprendre une campagne contre les foyers de Pohja, contre les lieux où vivent les fils des Lapons. Déjà, Kylliki est sortie dans le village, elle court les maisons étrangères, se mêlant à la société des jeunes filles, aux jeux bruyants des belles chevelures. »

Kylliki prit la parole, Kylliki, la jeune femme, s’empressa de répondre : « Ah ! mon cher Ahti, garde-toi d’aller à la guerre ! J’ai fait un songe, tandis que j’étais plongée dans un lourd sommeil. Le feu grondait aux alentours, comme un foyer de forge, les flammes s’élevaient en tourbillons orageux, le long des murs extérieurs ; puis elles envahirent brusquement la maison, telles qu’une cataracte sauvage, courant de fenêtre en fenêtre, et bondissant du plancher jusqu’au toit. »

Le joyeux Lemmikäinen répondit : « Je ne crois point aux songes des femmes, non plus qu’à leurs serments. Ô ma mère, ma nourrice, apporte-moi ma chemise et mon armure de guerre ! Je veux boire la bière du combat, je veux goûter le doux miel des batailles[1]. »

La vieille femme dit : « Ô mon fils, mon cher Ahti, non, ne va point à la guerre ! Nous ne manquons pas de bière à la maison, nous en avons dans la belle tonne en bois d’aulne, derrière la bonde en bois de chêne ; je puis t’en fournir assez, lors même que tu voudrais passer toute la journée à boire. »

Le joyeux Lemnikäinen dit : « Je me soucie fort peu de la bière de la maison, je préfère boire l’eau du fleuve, avec la rame goudronnée ; elle a plus de saveur à mon goût que la boisson domestique. Apporte-moi ma chemise et mon armure de guerre ! Je veux aller aux régions de Pohjola, aux lieux où vivent les fils des Lapons, pour savoir s’il y a de l’or, pour demander s’il y a de l’argent. »

La vieille femme dit : « Ô mon fils, mon cher Ahti, nous avons assez d’or, dans notre maison, assez d’argent dans notre aitta[2].

« Hier matin, tandis que l’esclave labourait le champ rempli de serpents, le champ infesté de vipères, le soc de sa charrue souleva une caisse, mit à découvert un trésor. Il y avait là cent, il y avait là mille pièces de monnaie. J’ai recueilli le trésor, et je me suis empressée de le déposer dans l’aitta. »

Le joyeux Lemmikänen dit : « Je me soucie fort peu de ces trésors. Une seule petite pièce de monnaie conquise dans le combat aura plus de valeur à mes yeux que tout l’or, que tout l’argent soulevé par la charrue. Apporte-moi ma chemise et mon armure de guerre, je veux entreprendre une campagne contre Pohjola, je veux aller me battre avec les fils des Lapons.

« Et j’ai envie aussi de voir de mes propres veux, d’entendre, de mes propres oreilles, s’il n’est pas dans Pohjola, s’il n’est pas dans Pimentola[3] une jeune fille qui ait peu de goût pour les prétendants, une jeune fille que les hommes le plus dignes d’estime laissent indifférente. »

La vieille femme dit : « Ô mon fils, mon cher Ahti, tu as déjà Kylliki à la maison ; rien n’est au-dessus de sa propre épouse, et il n’est pas d’usage que deux femmes se rencontrent dans le lit d’un seul homme. »

Le joyeux Lemmikäinen dit : « Kylliki s’est échappée dans le village. Qu’elle se livre aux gais ébats ! Qu’elle folâtre, dans chaque maison, au milieu des jeunes filles, qu’elle se mêle aux gais amusements des belles chevelures ! »

La vieille femme dit : « Ne pars point, cependant, mon fils, pour les régions de Pohjola, pour les lieux où vivent les fils des Lapons, avant d’avoir acquis la science[4], avant d’avoir enrichi ton esprit de connaissances ! Le Lapon peut t’ensorceler, Turjalainen[5] peut te précipiter, la bouche dans le charbon de forge, la tête dans l’argile, les coudes dans les tisons ardents, les poings dans la cendre brûlante, au milieu des pierres enflammées. »

Lemmikäinen dit : « Déjà les méchants sorciers, déjà les serpents venimeux ont cherché à me berner. Pendant une nuit d’été, trois Lapons, debout sur une pierre fixée au sol, trois Lapons nus[6], sans chemise, sans baudrier, sans ceinture magique, ont voulu m’attaquer ; mais les malheureux n’ont eu sur moi d’autre succès que celui de la hache sur la pierre, de la tarière sur le roc, du rouleau sur la glace, de Tuoni[7] dans une maison vide d’habitants.

« Alors, ils ourdirent contre moi d’autres desseins. Ils me menacèrent de me renverser par terre, de me fatiguer jusqu’à l’épuisement ; ensuite de me jeter comme un tronc d’arbre sur la mousse humide, comme une passerelle sur un bourbier ; de m’enfoncer jusqu’au menton dans le marais, jusqu’à la barbe dans l’ordure. Mais, brave que je suis, je m’embarrassai peu de ces menaces, et je me mis à entonner un chant magique, à déployer la puissance de la parole. Et je bernai les sorciers avec leurs flèches, les chasseurs avec leurs arcs, les sorcières avec leurs couteaux, les tietäjä[8] avec leurs lames d’acier, et je les précipitai dans la cataracte de Tuoni, sous la chute d’eau la plus profonde, sous le tourbillon le plus sauvage. Là, les savants dans l’art noir, les hommes haineux dorment d’un lourd sommeil ; ils dormiront jusqu’à ce que l’herbe pousse à travers leur tête, à travers leur bonnet, à travers la chair de leurs larges épaules[9]. »

La vieille femme combattit encore le dessein de Lemmikäinen, Kylliki se joignit à elle[10], et elles lui dirent : « Garde-toi, néanmoins, ô Ahti, d’aller au froid village, de te rendre dans la sombre Pohjola ! Le malheur y fondra sur toi. Lors même que tu parlerais avec cent bouches, nous ne te croirions pas. Non, tu ne saurais lutter, en puissance magique, avec les fils de Pohjola, car tu ignores la langue de Turja, tu ignores les chants de Laponie[11]. »

Le joyeux Lemmikäinen, le beau Kaukomieli se mit à peigner sa chevelure, sa longue chevelure ; puis il suspendit son peigne à la poutre du foyer, et il éleva la voix, et il dit : « Quand le coup mortel aura frappé Lemmikäinen, quand le malheur aura abattu l’infortuné héros, ce peigne distillera du sang ; le sang s’en échappera en rouges rayons ! »

Et, malgré la défense de sa mère, malgré les conseils de sa nourrice, le joyeux Lemmikäinen se disposa à partir pour la sombre Pohjola.

Il se couvrit d’une chemise de fer, il ceignit un baudrier d’acier, et il dit : « Le héros est plus ferme dans une cuirasse, plus puissant dans une chemise de fer, plus hardi dans un baudrier d’acier ; il peut affronter les méchants sorciers, il peut se rire des plus faibles, se moquer même des plus forts. »

Il prit son glaive à la pointe aiguë, son glaive aiguisé chez Hiisi, trempé dans la demeure des dieux, et il le mit dans le fourreau, et il le suspendit à son côté.

Où le guerrier se mettra-t-il en garde ? Où le farouche héros se munira-t-il d’une égide protectrice ? Il se met en garde, il se munit d’une égide protectrice, devant la porte de la maison, sous la poutre qui couronne le seuil de la chambre, à l’ouverture du chemin, du chemin même le plus éloigné qui conduit à l’habitation.

Mais toutes ces précautions ne peuvent servir que contre les femmes ; il faut contre les hommes une égide plus puissante, plus efficace ; le héros s’en munit à l’embranchement de deux chemins, sur le dos d’une pierre bleue, près d’une source bondissante, sur les bords d’une cataracte orageuse, d’un tourbillon écumeux.

Là, le joyeux Lemmikäinen éleva la voix, et il dit : « Sortez de la terre, ô hommes du glaive, sortez de la terre, ô héros vieux comme la terre ! Sortez des sources, guerriers à la lame étincelante, sortez des fleuves, archers à la main sûre ! Et toi, ô forêt, viens avec tes hommes ; désert, viens avec ton peuple ; vieillard de la montagne viens avec ta force ; démon des eaux, viens avec tes épouvantements ! Et toi, femme antique des mers, et vous, vierges des sources, venez avec votre puissance ! Oui, accourez tous autour du héros, du célèbre héros ; combattez avec lui, afin que les noirs artifices des sorciers, que le couteau de fer des sorcières, que les flèches des meilleurs tireurs ne mordent point sur lui !

« Et, si cela ne suffit point, j’aurai recours à d’autres moyens, j’élèverai plus haut mes soupirs, j’invoquerai Ukko, le grand dieu du ciel, le souverain modérateur des nuages.

« Ô Ukko, dieu suprême, vénérable père céleste, toi qui parles à travers les nuages, qui fais entendre ta voix à travers les espaces de l’air, donne-moi un glaive flamboyant dans un fourreau splendide, un glaive avec lequel je puisse briser tous les obstacles, anéantir les sorciers, abattre les esprits malfaisants de la terre, les démons funestes de l’eau, et devant moi, et derrière moi, et au-dessus de ma tête, et à mes côtés ! Donne-moi un glaive pour renverser les sorciers sur leurs flèches, les sorcières sur leurs couteaux de fer, les savants dans l’art noir, les hommes méchants sur leurs armes d’acier[12]. »

Et le joyeux Lemmikäinen, le beau Kaukomieli donna un coup de sifflet magique. Et, soudain, du fond d’un petit bois, un étalon accourut, un coursier à la crinière d’or, à la robe de feu. Le héros l’attela à son traîneau, à son beau traîneau, puis il y monta, fit claquer son fouet orné de perles et partit à grand train. L’étalon bondit, le traîneau glisse, la route s’efface, les bruyères d’argent, les champs d’or retentissent.

Lemmikäinen marcha un jour, marcha deux jours, marcha trois jours, et il rencontra un village.

Il s’arrêta devant la première habitation[13], et il dit : « Est-il quelqu’un dans cette maison qui puisse dételer mon cheval et le débarrasser de son collier ? »

Un petit garçon, qui jouait sur le plancher, lui répondit : « Non, il n’est personne dans cette maison qui puisse dételer ton cheval et le débarrasser de son collier. »

Lemmikäinen ne s’affligea pas trop de cette réponse. Il continua sa route et s’arrêta devant la seconde habitation : « Est-il quelqu’un dans cette maison qui puisse dételer mon cheval et le débarrasser de ses harnais ? »

Une vieille femme lui cria du haut du poêle[14], une vieille bavarde à la méchante langue lui répondit : « Non, il ne manque pas d’hommes dans cette maison pour dételer ton cheval, pour le débarrasser de ses harnais ; tu en trouveras, même, dix, cent, si tu veux, qui te fourniront des chevaux, qui te donneront un traîneau tout attelé, afin que tu puisses, méchant garçon, retourner dans ta demeure, auprès de ton père et de ta mère, de ton frère et de ta sœur, avant que le jour finisse, que le soleil se couche. »

Lemmikäinen ne se troubla guère de ces paroles, il éleva la voix, et il dit : « Cette vieille mériterait bien que l’on tirât sur elle, ce menton crochu devrait être assommé ! »

Et il reprit sa course bruyante, et il s’arrêta devant la troisième habitation, et il dit : « Ô Hiisi, ferme la bouche aux aboyeurs, Lempo, scelle la mâchoire des chiens, mets un bâillon sur leurs lèvres, une barre entre leurs dents, afin qu’ils ne puissent donner l’éveil que lorsque le héros sera passé[15] ! »

Et il entra dans l’enclos de l’habitation, et il frappa la terre de son fouet. Un nuage de poussière s’éleva, et de ce nuage sortit un petit homme, qui détela le cheval et le débarrassa de ses harnais.

Alors, le joyeux Lemmikäinen, sans que personne l’aperçût, sans que personne le remarquât, se mit à écouter de ses propres oreilles, à travers les fentes des murailles, la mousse des poutres[16], les ais des lucarnes, et il entendit chanter des paroles, moduler des runot.

Et il glissa furtivement ses regards dans l’intérieur de la maison. Elle était remplie de tietäjät, de magiciens puissants, de savants devins, d’habiles ensorceleurs ; tous chantaient des runot de Laponie, vociféraient des chants de Hiisi.

Le joyeux Lemmikäinen prit hardiment une autre forme, et il entra dans la tupa, et il dit : « Le chant est beau quand il finit vite, le chant est beau quand il est court ; il est mieux de ménager l’esprit que de le briser à moitié chemin[17]. »

La mère de famille de Pohjola suspendit son travail et dit : « Il y avait ici naguère un chien couleur de fer, un mangeur de viande, un briseur d’os, un suceur de sang cru. Quel homme es-tu donc parmi les hommes, quel héros parmi les héros, toi qui as franchi ce seuil, qui as pénétré dans cette tupa, sans que le chien t’ait entendu, sans que l’aboyeur t’ait remarqué ? »

Le joyeux Lemmikäinen répondit : « Je ne suis point non plus venu ici avec ma science et mon habileté, avec ma puissance et ma sagesse, avec la force et la vertu magique que j’ai héritées de mon père, les runot protectrices que m’ont enseignées ceux de ma race, pour être dévoré par tes chiens, pour devenir la pâture de tes aboyeurs.

« Lorsque j’étais petit enfant, ma mère m’a baigné dans l’eau trois fois, pendant une nuit d’été, neuf fois, pendant une nuit d’automne, afin que je devinsse un tietäjä puissant, un enchanteur fameux, et dans mon pays et dans tout l’univers. »

Et le joyeux Lemmikäinen, le beau Kaukomieli se mit à vociférer ses runot sauvages, à déployer sa grande puissance de tietäjä. Le feu jaillit de son vêtement de peau, la flamme s’élance de ses yeux.

Il força les meilleurs chanteurs, les plus puissants runoiat, à chanter des runot misérables ; il leur mit à la bouche un bâillon de pierre, il enfonça dans leur gorge des débris de rocher.

Il berna les hommes superbes ; il les dispersa de tout côté, au milieu des terres nues, des champs sans culture, des marais vides de poissons, au fond de la cataracte mugissante de Rutja[18], sous ses tourbillons écumeux ; il les jeta contre les rochers des torrents, pour y brûler comme le feu, pour y pétiller comme l’étincelle.

Il berna les guerriers avec leurs glaives, les héros avec leurs armes ; il berna les jeunes, il berna les vieux, il berna les hommes mûrs. Un seul fut dédaigné, un vieux pâtre aux yeux éteints, au chapeau mouillé.

Le vieux pâtre dit : « Ô joyeux fils de Lempi, tu as berné les jeunes, tu as berné les vieux, tu as berné les hommes mûrs, pourquoi donc m’as-tu laissé de côté ? »

Le joyeux Lemmikäinen répondit : « Je t’ai laissé de côté, parce que tu fais déjà suffisamment horreur à voir, parce que, sans que je m’occupe de toi, tu es déjà assez hideux, parce que, dans ta jeunesse, alors que tu n’étais qu’un misérable berger, tu as déshonoré ta sœur, tu as violé l’enfant de ta mère, abusé de tous tes chevaux, pollué tes jeunes cavales, sur le dos du marais, sur le nombril de la terre[19], là où croupit l’eau fangeuse. »

Le vieux pâtre au chapeau mouillé fut saisi d’une violente colère. Il sortit de la maison et se rendit près du fleuve de Tuonela, de la cataracte sacrée. Là, il épia Lemmikäinen, il attendit que Kaukomieli quittât Pohjola pour retourner dans son pays.

  1. Lemmikäinen veut dire dans ce langage imagé qu’il est altéré de la soif des combats. Sa mère feint de ne pas le comprendre et lui propose la bière de famille.
  2. Voir Première Runo, note 12.
  3. Voir Sixième Runo, note 7.
  4. Il s’agit ici de science et de connaissances magiques.
  5. Fils ou habitant de Turja ; voir Neuvième Runo, note 7.
  6. Tel était l’usage des anciens sorciers de Laponie. Ils se posaient debout sur une pierre ; car de là ils s’imaginaient donner plus de force à leurs opérations (voir page Troisième Runo, note 30) : ils se mettaient, en outre, tout à fait nus, afin de se soustraire aux influences magiques qui pouvaient avoir été attachées à leurs vêtements. Ils avaient pareillement toujours quelque arme à la main : un couteau, une flèche, un arc, etc.
  7. Dieu de la mort, appelé aussi Tuonen.
  8. Voir Troisième Runo, note 24.
  9. Ces deux derniers paragraphes contiennent ce que les Finnois appellent les paroles de jactance (kerskaus-sanat). C’est une sorte de formule dont les sorciers se servent pour vanter leur science et leur puissance.
  10. Voici la seconde fois que Kylliki, bien que vagabondant dans le village, se joint à la mère de Lemmikäinen, pour le retenir. Ces interventions hypothétiques ne sont pas rares dans les runot. Elles font parler et agir les personnages absents comme ils eussent parlé et agi s’ils eussent été présents.
  11. Les chants, les paroles magiques étaient regardés comme plus puissants chez les Lapons que chez tous les autres peuples. Il ne s’agit point ici toutefois d’une langue particulière.
  12. Ces évocations, ces prières de Lemmikäinen constituent une formule dite en finnois paroles de précaution (varaus sanat). On en fait usage au moment d’entreprendre un voyage, une expédition guerrière, ce qui s’appelle se mettre en garde contre les ensorcellements et autres dangers. Mais, pour que ces paroles soient efficaces, elles doivent être prononcées dans un lieu déterminé, par exemple, sous la poutre principale du toit, sur le seuil de la porte de la chambre, etc. Elles varient aussi suivant que les dangers sont à craindre du côté des hommes ou du côté des femmes.
  13. Voir Huitième Runo, note 8.
  14. Voir Huitième Runo, note 9.
  15. Formule en usage pour prévenir les aboiements des chiens : Koiran lumous-sanat, littéralement : paroles pour charmer les chiens.
  16. Dans les maisons en bois, on remplit les interstices des poutres avec du chanvre ou de la mousse.
  17. Proverbe finnois.
  18. Synonyme de Turja. Voir Neuvième Runo, note 7.
  19. C’est-à-dire sur la terre nue. Plus spécialement, les runot entendent par nombril de la terre, le centre de la terre, les régions intérieures.