Kalevala/trad. Léouzon le Duc (1867)/4

Traduction par Louis Léouzon le Duc.
A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie (p. 32-43).

QUATRIÈME RUNO.

sommaire.
Wäinäimöinen surprend Aino dans un bois, et lui demande de l’épouser. — Aino refuse et revient en pleurant à la maison. — Sa mère cherche à la consoler, et l’engage à se revêtir de beaux vêtements. — La jeune fille suit ce conseil, puis se lamente de nouveau sur sa triste destinée. — Elle voudrait ne pas être née, elle aspire à mourir. — En exhalant ainsi ses plaintes elle arrive sur les bords de la mer. — Trois jeunes filles sont la à se baigner. — Elle veut les rejoindre, se dépouille de ses habits et se jette à la nage. — Les flots l’emportent, et elle roule dans l’abîme. — Le lièvre rapporte à la mère d’Aino, la fatale nouvelle. — Elle verse des larmes abondantes, et de ses larmes naissent trois fleuves et neuf cataractes, et au milieu de ces cataractes, s’élèvent des bouleaux dans la couronne desquels trois coucous d’or chantent des chants symboliques.

Aino, la jeune vierge, Aino, la sœur de Joukahainen, s’en alla dans le bois pour faire des paquets de verges de bouleau[1]. Elle en fit un pour son père, un autre pour sa mère, un troisième pour son frère, à la florissante jeunesse.

Et tandis qu’elle revenait à la maison, traversant le bois d’un pas rapide, le vieux Wäinämöinen arriva.

Il vit la jeune fille, parée d’un collier de perles, marcher sur le frais gazon.

Et il lui dit : « C’est pour moi seul et non pour un autre que tu dois, à jeune fille, porter un collier de perles, orner ta poitrine d’une boucle de métal, et nouer tes cheveux avec un ruban de soie[2]. »

La jeune fille dit : « Ce n’est ni pour toi ni pour un autre que j’orne ma poitrine d’une boucle de métal, que je noue mes cheveux avec un ruban de soie. Les beaux vêtements ne me font point envie, ni les tranches de pain de froment. Je préfère me couvrir de vêtements étroits, me nourrir de morceaux de pain dur, dans la maison de mon père, auprès de ma douce mère. »

Et elle détacha la boucle de sa poitrine, elle ôta les anneaux de ses doigts, le collier de perles de son cou, le ruban rouge de ses cheveux ; et elle les jeta à terre, afin que la terre en jouit à son gré ; elle les dispersa dans le bois, pour que le bois l’utilisât à son profit[3] ; et elle revint en pleurant à la maison.

La père d’Aino était assis près de la fenêtre, façonnant un manche pour sa hache.

« Pourquoi pleures-tu, pauvre fille, pauvre fille, jeune vierge ? »

« Je n’ai que trop de raisons de pleurer, de déplorer mon sort. Je pleure, mon père, je pleure et me lamente, parce que ma boucle d’argent s’est détachée de ma poitrine, parce que les franges de cuivre de ma ceinture se sont perdues. »

Le frère d’Aino était occupé, près de la porte, à fabriquer un arc.

« Pourquoi pleures-tu, pauvre sœur, pauvre sœur, jeune vierge ? »

« Je n’ai que trop de raisons de pleurer, de déplorer mon sort. Je pleure, mon cher frère, je pleure et me lamente, parce que mon anneau d’or est tombé de mon doigt, parce que mon collier de perles d’argent a disparu de mon cou. »

La sœur d’Aino tissait, dans l’intérieur de la maison, une ceinture d’or.

« Pourquoi pleures-tu, pauvre sœur, pauvre sœur, jeune vierge ? »

« Je n’ai que trop de raisons de pleurer, de déplorer mon sort. Je pleure, ma chère sœur, je pleure et me lamente parce que ma parure d’or est tombée de mes tempes, ma parure d’argent de mes cheveux, mon bandeau de soie bleue de mon front, mon ruban rouge de ma tête. »

La mère d’Aino travaillait, sur l’escalier de l’aïtta[4], à écrémer le lait.

« Pourquoi pleures-tu, pauvre fille, pauvre fille, jeune vierge ? »

« Ah ! ma mère, ma nourrice, toi qui m’as donné le jour, je n’ai que trop de raisons de pleurer ; mon sort est cruel et amer ! Je pleure, ma chère mère, je pleure et me lamente, et comment pourrais-je faire autrement ? J’étais allée dans le bois, pour y faire des paquets de verges de bouleau. Déjà, j’en avais fait un pour mon père, un autre pour ma mère, un troisième pour mon frère, à La florissante jeunesse, et je revenais à la maison. Mais, voici que tout à coup, du fond des vallées, Osmoinen[5] me fit entendre sa voix, de l’extrémité des champs, Kalevainen[6] me cria ces paroles : « C’est pour moi seul et non pour un autre que tu dois, ô jeune fille, porter un collier de perles, orner ta poitrine d’une boucle de métal, nouer tes cheveux avec un ruban de soie. »

« Et j’ai détaché la boucle de ma poitrine, j’ai ôté le collier de perles de mon cou, le bandeau bleu de mes cheveux, le ruban rouge de ma tête ; et je les ai jetés à terre, afin que la terre en jouît à son gré ; je les ai dispersés dans le bois, pour que le bois les utilisât à son profit, et j’ai dit : « Ce n’est ni pour toi ni pour un autre que j’orne ma poitrine d’une boucle de métal, que je noue mes cheveux avec un ruban de soie. Les beaux vêtements ne me font point envie, ni les tranches de pain de froment. Je préfère me couvrir de vêtements étroits, me nourrir de pain dur, dans la maison de mon père, auprès de ma bonne mère ! »

La mère dit à son enfant : « Ne pleure point, ma fille, ne sois point triste, tendre fruit de ma jeunesse ! Mange du beurre salé pendant un an : tu deviendras plus grasse que toutes les autres jeunes filles[7] ; mange de la chair de porc pendant une seconde année : tu deviendras plus charmante que toutes les autres jeunes filles, mange des gâteaux de crème pendant une troisième année, et tu deviendras plus belle que toutes les autres jeunes filles.

« Va dans l’aitta[8] bâtie sur la colline, dans l’aitta richement garnie, et là, ouvre le meilleur coffre, lève son beau couvercle. Tu y trouveras six ceintures d’or, sept jupes bleues que Kuutar[9] a tissées, que Päivätär[10] a façonnées.

« Étant encore jeune fille, j’allai, un jour, cueillir des baies dans un bois, des fraises sur les montagnes. Alors, près d’un champ de bruyères, d’un bosquet au vert feuillage, j’entendis que Kuutar tissait, que Päivätär agitait sa navette.

« Je m’approchai d’elles, et je dis : « Donne, ô Kuutar, de tes parures d’or, donne, ô Päivätar, de tes parures d’argent, à la pauvre jeune fille, à l’enfant qui implore ! »

« Et Kuutar me donna de ses parures d’or, Päivätär, de ses parures d’argent. J’en ornai mon front et mes tempes, et je revins, belle comme une fleur radieuse, belle comme la joie, dans la maison de mon père.

« Je les portai un jour, je les portai deux jours, mais, le troisième jour, je les quittai et les déposai dans l’aitta bâtie sur la colline, sous le couvercle du meilleur coffre. Elles y sont restées jusqu’à ce jour, sans même que je sois allée les revoir.

« Ceins donc, maintenant, ton front du bandeau de soie, tes tempes du bandeau d’or ; suspends les perles brillantes à ton cou, la boucle d’or à ta poitrine ; change ta chemise de toile grossière contre une chemise du lin le plus fin ; mets une robe de laine, une ceinture de soie, de beaux bas de soie, de belles chaussures ; noue les tresses de tes cheveux avec un cordon de soie ; orne tes doigts d’anneaux d’or, tes bras de bracelets d’argent.

« Puis tu reviendras à la maison, comme le charme de ta famille, comme l’amour de tous ceux de ton sang ; tu brilleras, tu t’épanouiras, telle que la fleur sur le sentier, telle que la fraise des champs, plus belle que par le passé, plus admirée que tu ne le fus jamais. »

Ainsi parla la mère à son enfant. Mais Aino demeura insensible à ses prières. Elle s’en alla, pleurant, errer dans l’enclos de la maison, et elle éleva la voix, et elle dit :

« Comment est faite l’âme, comment sont faites les pensées de celle qui est heureuse ? L’âme, les pensées de celle qui est heureuse sont semblables à l’eau qui danse joyeusement dans un vase. Comment est faite l’âme de celle qui est malheureuse, comment sont faites les pensées des oiseaux des régions glacées[11] ? L’âme de celle qui est malheureuse, les pensées des oiseaux des régions glacées sont semblables aux flocons de neige abandonnés sous l’auvent, à l’eau qui dort dans le puits sombre.

« Souvent mon âme, à moi, triste enfant, mon âme, à moi, infortunée, erre sur les gazons desséchés ; elle se glisse à travers les branches des arbres, elle se pose sur la verdure qui fleurit, elle se roule dans les touffes de feuillage. Mon âme n’est pas plus belle que le goudron, mon cœur n’est pas plus blanc que le charbon brûlé de la forge[12].

« Mieux eût valu pour moi de ne jamais naître à la vie, de ne jamais grandir pour ces jours funestes, pour ce monde vide de joie. Mieux eût valu pour moi de mourir âgée seulement de six nuits, de m’éteindre au huitième jour de mon existence. Alors il m’eût fallu bien peu de chose : un simple lambeau de toile, un tout petit coin de terre ; et je n’eusse coûté que quelques larmes à ma mère, encore moins à mon père, pas même une seule larme à mon frère. »

Et tandis qu’elle parlait ainsi, la jeune fille pleurait. Elle pleura un jour, elle pleura deux jours. Alors sa mère lui dit :

« Pourquoi pleures-tu, malheureuse enfant ? pourquoi te lamentes-tu, pauvre fille ? »

« Je pleure, je passe mes jours dans les larmes, parce que tu m’as promise, parce que tu m’as donnée, moi, ton enfant, pour servir de soutien au vieillard, de joie au décrépit, d’appui au chancelant, de gardienne à l’habitant du coin de la tupa[13]. Ah ! il eût été beaucoup mieux de m’envoyer au fond de la mer, pour y devenir la sœur des poissons, la parente des habitants de l’onde. Oui, il eût été préférable pour moi d’être ensevelie au fond de la mer, de demeurer sous les vagues, comme sœur des poissons, comme parente des habitants de l’onde, que d’être destinée à soigner le vieillard, à soutenir celui qui chancelle, celui qui tombe dans son bas[14], et en se heurtant contre la plus petite branche coupée. »

Cependant Aino monta dans l’aitta bâtie sur la colline ; elle ouvrit le meilleur coffre, et en retira les six ceintures d’or, les sept jupes bleues. Puis elle s’en revêtit, et elle couronna ses tempes d’une parure d’or, elle entrelaça ses cheveux de fils d’argent ; elle ceignit son front d’un bandeau de soie bleue, sa tête d’un ruban rouge.

Et elle se mit à parcourir les champs et les marais, les forêts défrichées et les vastes déserts, et, dans sa course vagabonde, elle chantait :

« Je souffre dans mon cœur, je souffre dans ma tête. Mais ce n’est point encore assez. Que ne puis-je souffrir mille fois davantage ! car alors la mort viendrait me délivrer de mes misères. Oui, il serait temps pour moi de quitter ce monde et de descendre dans les profondeurs de Mana[15], dans les abîmes de Tuonela[16]. Mon père ne pleurerait point, ma mère ne trouverait point que c’est mal, les joues de ma sœur ne se mouilleraient d’aucune larme, les yeux de mon frère resteraient secs, lors même que je roulerais au fond de la mer, que je tomberais dans l’onde poissonneuse, sous les vagues profondes, au milieu de la vase noire. »

Aino marcha un jour, marcha deux jours. Le troisième jour, la mer déroula devant elle ses rivages couverts de roseaux ; et la nuit vint suspendre sa course, les ténèbres la forcèrent de s’arrêter.

Elle pleura tout le soir, elle se lamenta toute la nuit, assise sur une pierre, au bord de la mer immense. Le lendemain, à l’aurore, elle aperçut, à l’extrémité d’un cap, trois jeunes filles qui se baignaient. Aino voulut faire la quatrième, la tige délicate voulut faire la cinquième[17].

Elle suspendit sa chemise à une branche d’osier, sa robe à un peuplier, elle déposa ses bas sur la terre nue, ses souliers sur une pierre, ses perles sur le rivage sablonneux, ses anneaux sur la grève rocailleuse.

Un rocher s’élevait à la surface de l’eau, un rocher tacheté de diverses couleurs et brillant comme de l’or. La jeune fille s’efforça de l’atteindre à la nage.

Mais, à peine était-elle assise sur ce rocher qu’il s’ébranla tout à coup et roula dans l’abîme. Aino y roula avec lui.

Ainsi disparut la colombe, ainsi mourut la pauvre jeune fille. Elle dit en mourant, elle murmura en descendant au fond des eaux :

« J’étais venue pour me baigner dans la mer, pour nager dans le golfe. Et voilà que je disparais sous les ondes, pauvre colombe, que je meurs, triste oiseau, d’une mort prématurée ! Ah ! que, durant toute cette vie, mon père ne vienne plus pêcher dans ce grand golfe !

« J’étais venue pour me baigner dans la mer, pour nager dans le golfe. Et voilà que je disparais sous les eaux, pauvre colombe, que je meurs, triste oiseau, d’une mort prématurée ! Ah ! que, durant toute cette vie, ma mère ne vienne plus puiser de l’eau pour faire son pain dans ce grand golfe !

« J’étais venue pour me baigner dans la mer, pour nager dans le golfe. Et voilà que je disparais dans les eaux, pauvre colombe, que je meurs, triste oiseau, d’une mort prématurée ! Ah ! que, durant toute cette vie, mon frère ne mène plus baigner son cheval de combat dans ce grand golfe !

« J’étais venue pour me baigner dans la mer, pour nager dans le golfe. Et voilà que je disparais sous les eaux, pauvre colombe, que je meurs, triste oiseau, d’une mort prématurée ! Ah ! que, durant toute cette vie, ma sœur ne vienne plus laver ses yeux[18] dans les eaux de ce grand golfe !

« Toutes les gouttes d’eau qu’on y trouvera seront autant de gouttes de mon sang ; tous ses poissons, autant de lambeaux de ma chair ; toutes les branches dispersées sur ses rivages, autant de fragments de mes os ; toutes les tiges de gazon, autant de débris de ma chevelure. »

Telle fut la triste aventure de la jeune fille, telle fut la fin de la belle colombe.

Et, maintenant, qui en portera la nouvelle, qui fera entendre les récits de la langue[19], dans la maison renommée, dans la belle maison d’Aino ?

C’est l’ours qui portera la nouvelle, c’est l’ours qui fera entendre les récits de la langue.

Non, l’ours ne sait point parler, l’ours a disparu parmi les troupeaux de bétail.

Qui portera la nouvelle, qui fera entendre les récits de la langue, dans la maison renommée, dans la belle maison d’Aino ?

C’est le loup qui portera la nouvelle, c’est le loup qui fera entendre les récits de la langue.

Non, le loup ne sait point parler, le loup a disparu parmi les troupeaux de brebis.

Qui portera la nouvelle, qui fera entendre les récits de la langue, dans la maison renommée, dans la belle maison d’Aino ?

C’est le renard qui portera la nouvelle, c’est le renard qui fera entendre les récits de la langue.

Non, le renard ne sait point parler, le renard a disparu parmi les troupes d’oies.

Qui portera la nouvelle, qui fera entendre les récits de la langue, dans la maison renommée, dans la belle maison d’Aino ?

C’est le lièvre qui portera la nouvelle, c’est le lièvre qui fera entendre les récits de la langue.

Oui, le lièvre a dit avec assurance : « Les paroles ne se perdront point dans l’homme[20]. »

Et le lièvre se mit à bondir, les longues oreilles à sauter, les jambes crochues à mesurer l’espace, la bouche en croix à s’élancer légèrement, vers la maison renommée, vers la belle maison d’Aino.

Il arriva près de la chambre du bain et s’accroupit sur le seuil de la porte. Le bain était rempli de jeunes filles, armées de verges de bouleau[1]. Elles dirent au lièvre :

« Viens ici, bête aux pieds obliques, que nous te fassions cuire ; viens ici, bête aux yeux ronds, que nous te fassions rôtir, pour le souper du maître, pour le déjeuner de la maîtresse, pour le goûter de la fille, pour le dîner du fils de la maison. »

Le lièvre répondit, les yeux ronds dirent hardiment : « Que Lempo[21] vienne, si cela lui plaît, se faire cuire dans vos chaudières ! Quant à moi, je viens apporter la nouvelle, je viens faire entendre les récits de la langue. La jeune fille est tombée dans l’eau, la belle à la boucle d’étain, à la ceinture de cuivre, au bandeau d’argent, a disparu ; elle est descendue au fond de la mer, sous les vagues immenses, pour y devenir la sœur des poissons, la parente des habitants de l’onde.

Alors, la mère d’Aino commença à pleurer, à se lamenter, et elle dit :

« Gardez-vous, ô pauvres mères, gardez-vous, durant cette vie terrestre, de bercer vos filles, de nourrir vos enfants, pour les unir à l’homme qu’elles n’auront point choisi, comme je l’ai fait, moi, avec mes filles, avec mes chères colombes ! »

Et la mère continua de pleurer. Les larmes coulent de ses yeux bleus sur ses tristes joues.

Une larme tombe, puis une autre, et de ses tristes joues, elles roulent sur sa belle poitrine.

Une larme tombe, puis une autre, et de sa belle poitrine, elles roulent sur les fins plis de ses vêtements.

Une larme tombe, puis une autre, et des fins plis de ses vêtements, elles roulent sur ses bas bordés de rouge.

Une larme tombe, puis une autre, et de ses bas bordés de rouge, elles roulent sur ses souliers brodés d’or.

Une larme tombe, puis une autre, et de ses souliers brodés d’or, elles roulent sur la terre qui s’étend à ses pieds ; elles roulent sur la terre, pour le profit de la terre, elles roulent dans l’eau, pour la jouissance de l’eau[22].

Et de ces larmes, trois fleuves surgirent, et de chaque fleuve, trois cataractes impétueuses comme la flamme, et au milieu de ces cataractes, trois îles, et sur les bords de chaque île, une montagne d’or, et sur la cime de chaque montagne, trois bouleaux, et dans la couronne de chaque bouleau, trois beaux coucous.

Les coucous se mirent à chanter.

Le premier dit : « Amour, amour ! »

Le second dit : « Fiancé, fiancé ! »

Le troisième dit : « Joie, joie ! »

Celui qui dit : « Amour, amour ! » chanta pendant trois mois, pour la jeune fille privée d’amour, pour celle qui repose au fond de la mer.

Celui qui dit : « Fiancé, fiancé ! » chanta pendant six mois, pour le fiancé privé de sa fiancée, pour celui qui est laissé en proie aux amers regrets.

Celui qui dit : « Joie, joie ! » chanta toute sa vie, pour la mère privée de joie, pour celle qui pleure sans repos.

Et la mère d’Aino dit : « Il ne faut pas qu’une mère accablée par la douleur écoute longtemps le coucou chanter. Lorsque le coucou chante, le cœur bat, les pleurs viennent aux yeux, les larmes roulent des joues, plus grosses que des pois mûrs, plus enflées que la semence des fèves. Oui, la vie s’use d’une aune, le corps vieillit d’un empan, tout le corps se brise, lorsqu’on prête l’oreille au coucou du printemps. »

  1. a et b Les Finnois se flagellent avec des verges de bouleau, en prenant leur bain de vapeur, pour activer la transpiration.
  2. La boucle de métal, ordinairement en étain ou en argent, sert à agrafer la chemise, dont le devant est à découvert et délicatement brodé. En général, l’habillement national des jeunes Finnoises, mariées ou non, est d’une simplicité qui n’exclut pas la richesse. Sa forme varie avec les localités. Les femmes de Karélie sont celles de tout le pays dont l’habillement rappelle le plus celui des héroïnes du Kalevala.
  3. Manière de parler exprimant l’abandon complet que fait la jeune fille de ses objets de parure.
  4. Voir Première Runo, note 12.
  5. Fils d’Osmo. Voir Deuxième Runo, note 15.
  6. Fils de Kaleva, un des surnoms donnés à Wäinämöinen, parce qu’il habite dans le pays de Kaleva (Kalevala).
  7. Les paysans finnois apprécient singulièrement l’embonpoint et les formes saillantes chez les femmes.
  8. Voir Première Runo, note 12.
  9. File de la lune.
  10. Fille du soleil.
  11. Fuliginæ glaciales.
  12. Manière d’exprimer combien grande est la tristesse de la jeune fille.
  13. Chambre de famille. Même signification que pirrti, expression du dialecte de Savolax. V. Troisième Runo, note 29.
  14. À chaque pas. Idiotisme finnois.
  15. Les entrailles de la terre.
  16. Région des morts.
  17. C’est-à-dire : Aino voulut rejoindre les trois jeunes filles. Par un idiotisme familier à la poésie finnoise, les expressions tige délicate perdent leur sens épithétique, pour se transformer en substantif, ce qui donne ainsi deux personnes au lieu d’une seule.
  18. Laver son visage. C’est la plus jolie partie pour le tout.
  19. C’est-à-dire qui racontera verbalement ce qui est arrivé.
  20. Proverbe finnois qui veut dire : « Ne doutez point que je ne retienne ce qui m’est dit et que je ne le rapporte fidèlement. » Le lièvre est, sans doute, préféré ici aux autres animaux, à cause de sa vélocité, de son obéissance, et parce que son humeur pacifique et timide lui laisse plus de loisirs.
  21. Le génie du mal.
  22. Idiotisme analogue à celui dont il a été question plus haut. V. note 3.