Journal de l’expédition du chevalier de Troyes/Texte entier

Texte établi par La Compagnie de L’Éclaireur,  (p. i-).


Imprimatur
L.-N. Card. Begin,
Arch. Queb.
Quebeci, die 15 sept. 1918.

Droits réservés, Canada, 1918



JOURNAL DE L’EXPÉDITION
DU
CHEVALIER DE TROYES
À LA BAIE D’HUDSON, EN 1686.
édité et annoté

par

L’abbé IVANHOË CARON
Docteur de l’Académie Romaine de Saint-Thomas d’Aquin,
Docteur en théologie, Membre de la Société Historique
de Montréal.
Missionnaire-colonisateur.
Séparateur


beauceville

la compagnie de « l’éclaireur »

éditeur

1918

DÉDICACE



À Sa Grandeur Monseigneur Élie-Anicet Latulipe,

Évêque de Haileybury.


J’ai voulu, Monseigneur, vous dédier ce récit, où sont relatés les faits héroïques des premiers explorateurs du Témiscamingue et de l’Abitibi, les travaux apostoliques des premiers missionnaires de la baie d’Hudson.

Chaque coin de notre terre canadienne porte, pour ainsi dire, l’empreinte des pas de ces intrépides voyageurs qui, au milieu d’obstacles sans nombre, insouciants des dangers, bravant les intempéries des saisons, s’en allaient au loin, à la conquête de nouveaux territoires ; des bords du Saint-Laurent aux rivages de la baie d’Hudson et aux plaines de l’Ouest, ils avaient planté le drapeau fleurdelisé et fait vibrer le verbe français.

Les missionnaires, apôtres du Christ, les suivaient et jetaient la bonne semence de l’Évangile parmi les nations indigènes. « Un bréviaire suspendu au cou, une croix à la main, dit Garneau, ils accomplissaient, souvent au risque de leur vie, les plus rudes voyages en des terres inconnues. »

Vous avez. Monseigneur, marché sur les traces de ces pionniers du sol et de l’Évangile.

Évêque et missionnaire-colonisateur, vous avez suivi le cours rapide et tortueux des rivières qui ont vu passer, il y a deux cent trente ans, le chevalier de Troyes et ses audacieux compagnons : comme eux vous avez élevé votre tente sur les bords des grands lacs ; comme eux vous avez pénétré à travers les forêts épaisses du Témiscamingue et de l’Abitibi, non pas à la recherche des fourrures précieuses, et d’un âpre gain, mais pour y appeler les défricheurs, les colons, les conquérants pacifiques de la terre qui nourrit.

Évêque et apôtre, vous êtes allé, jusque sur les rivages de la baie d’Hudson, porter les paroles de consolation et d’espérance chrétienne aux tribus indiennes évangélisées autrefois par les Pères Silvy, Dalmas, et Marest, catéchisées de nouveau par le Père Laverlochère et les missionnaires Oblats.

Ce mémoire du chevalier de Troyes rattache le passé au présent. Il formera le premier chapitre de l’histoire de l’immense diocèse de Haileybury, qui embrasse presque tout le territoire traversé par le corps expéditionnaire de 1686.

Que de détails charmants il renferme ! combien de petits faits d’histoire il éclaircit et met dans leur vrai jour ! Comme elle est belle notre histoire canadienne ! N’en laissons perdre aucune parcelle ; gardons-lui sa physionomie intime, ce mélange sublime de bravoure chevaleresque, de piété délicate et tendre qui se confie à Dieu dans les moments critiques, qui ne désespère jamais.

Ces gestes des Français d’autrefois, il importe qu’ils soient rappelés à la génération présente, qu’ils soient inscrits dans les annales du pays, pour les générations à venir. Et, c’est pourquoi je livre à la publicité le récit du chevalier de Troyes, et je prie Votre Grandeur de vouloir bien en accepter la dédicace.


— § —


Monsieur l’abbé Ivanhoë Caron.

Missionnaire-colonisateur,
Québec.


Cher Monsieur Caron,

J’accepte avec une reconnaissance mêlée d’un peu de confusion la dédicace de l’intéressant récit que vous nous promettez, et je comprends que c’est par pure bienveillance que vous daignez associer l’ouvrier de la onzième heure à ceux qui ont porté, depuis l’aube, le poids du jour et de la chaleur.

Il est vrai que j’ai passé par les mêmes chemins, mais c’était dans un confort relatif. Il restait bien encore quelques maringoins, mais leurs dards ne se peuvent comparer aux flèches empoisonnées des Iroquois qui se cachaient au bout des pointes, en quête de chevelures et altérés de sang français.

Que de fois, en voyageant sur nos lacs et rivières, sillonnés autrefois par le canot d’écorce de ces preux, j’ai songé à leurs fatigues, à leur isolement, à leurs sacrifices et à leurs dangers.

Qu’étaient leurs conversations le soir auprès du grand feu de la grève ? Que furent leurs rêves de chrétiens et de Français à la vue de ces terres immenses qui se déroulaient chaque jour devant eux ?

Qui leur eut dit alors que dans cet Ontario, dont ils consacraient le sol par leur héroïsme et leurs vertus, on ferait plus tard des lois pour ostraciser leurs fils et éteindre sur les lèvres de l’enfance le verbe de France ?

Vous avez bien fait de tirer de l’oubli cette page sublime. Elle apprendra aux derniers venus un peu de notre histoire et leur fera comprendre notre attachement au sol de la patrie canadienne. Elle enflammera notre jeunesse et prouvera encore une fois qu’on est grand, non pas dans la mesure de sa force ou de son argent, mais en proportion de son dévouement, de son travail et de son esprit de sacrifice.

Qu’ils vivent dans nos mémoires et qu’ils revivent dans nos familles, ces géants des premiers temps, prêtres et laïcs, qui furent les pionniers de notre sol, qui plantèrent partout la croix et qui arborèrent sur nos rivages le drapeau de la civilisation chrétienne.

Ces deux germes de la vie, votre récit va les féconder et mon cœur d’évêque les bénit.

Veuillez me croire, cher Monsieur, votre tout dévoué.

† ÉLIE-ANICET.
Évêque d’Haileybury.

Évêché d’Haileybury, 21 mars 1918.

PRÉFACE


Le journal de l’expédition du chevalier de Troyes à la baie d’Hudson, en 1686, n’a pas été encore imprimé. Le manuscrit original est conservé à la bibliothèque nationale à Paris. Il fait partie de l’ancienne collection Clairambault, et est catalogué sous le numéro 1026 (f. f. 409-452)[1].

M. A.-G. Doughty, député-ministre, du département des Archives Canadiennes, a bien voulu nous en faire prendre une copie, que nous reproduisons dans le présent ouvrage.

Le journal a été écrit par le chevalier de Troyes lui-même, d’après des notes prises chaque jour, au cours de l’expédition. M. de Troyes était un observateur ; il nous fait une peinture exacte des régions qu’il a traversées, des événements dont il a été témoin. C’est la narration la plus complète que nous avons de cette mémorable expédition de 1686.

Nous avions déjà le récit compris dans le Recueil de ce qui s’est passé en Canada au sujet de la guerre, tant des Anglais que des Iroquois, depuis l’année 1682, que l’on a attribué à l’ingénieur Gédéon de Catalogne. Il semble bien que M. de Catalogne raconte des faits auxquels il a pris part ; tout de même il est assez curieux de constater qu’il ne soit fait aucune mention dans le manuscrit du chevalier de Troyes d’un homme de l’importance de l’ingénieur de Catalogne.

Une autre narration, bien courte, est celle du Père Silvy que Monseigneur de Saint-Vallier a reproduite dans l’Estat présent de l’Église et de la colonie française dans la Nouvelle-France, publié à Paris en 1688.

Nous avons mis en appendice le récit attribué à M. de Catalogne et celui du Père Silvy, afin que les lecteurs puissent les comparer avec la relation du chevalier de Troyes[2].

Nous avons ajouté à ces deux récits un certain nombre de pièces inédites qui ne se rapportent pas directement au récit de M. de Troyes, mais qui, tout de même, le complètent.

Quant au mémoire du chevalier de Troyes, nous l’avons reproduit tel quel, avec ses incorrections de style, ses fautes de grammaire et d’orthographe.

Nous y avons cependant ajouté les signes de ponctuation, afin d’en rendre la lecture plus facile.

Nous tenons à remercier tout spécialement M. A.-G. Doughty, par l’entremise duquel nous avons pu avoir une copie du manuscrit du chevalier de Troyes. Mgr Amédée Gosselin, archiviste de l’Université Laval, et M. Pierre-Georges Roy, archiviste du gouvernement fédéral, à Québec, nous ont fourni plusieurs renseignements intéressants. Nous leur offrons à eux aussi nos sincères remerciements.


INTRODUCTION HISTORIQUE




Qui était ce chevalier Pierre de Troyes, dont nous publions l’intéressant mémoire ? d’où était-il originaire ? où avait-il conquis ses titres de gloire ? à quel âge vint-il dans la Nouvelle-France ? Autant de questions qui sont encore à résoudre et que les documents de l’époque ne nous permettent pas d’éclaircir.

Nous sommes portés à croire qu’il était encore dans la pleine vigueur de l’âge mûr lorsqu’il arriva dans la Nouvelle-France ; le récit qu’il a laissé de son expédition à la baie d’Hudson, en 1686, nous fait voir un homme doué d’une force physique peu ordinaire, d’une volonté qui ne se laissait pas abattre par les difficultés. En même temps, nous y reconnaissons un homme d’un jugement solide, doué d’un remarquable esprit d’observation.

Le chevalier de Troyes arriva à Québec le 1er août 1685, le même jour que le marquis de Denonville, qui venait remplacer M. de la Barre. Le roi, qui avait chargé le nouveau gouverneur de pousser activement la guerre contre les Iroquois, lui avait donné un renfort de 500 soldats, qui furent embarqués sur deux vaisseaux ; malheureusement, cinquante moururent pendant la traversée. Le chevalier de Troyes avait reçu avant son départ de France le commandement d’une compagnie dans ces nouvelles troupes.

Sa commission, datée du 5 mars 1685, se lit ainsi :


De par le Roy.

Sa Majesté voulant pourvoir au commandement de l’une des compagnies d’infanterie qu’elle fait passer en la Nouvelle-France, Elle a fait choix pour cet effet du Sr. de Troyes. Mande Sa Majesté aux Srs Marquis de Denonville, Gouverneur et son lieutenant Général, et de Meules, intendant de justice, police et finance au dit pays, de faire reconnoistre le dit Sr de Troyes en la dite qualité de capitaine de la dite compagnie. »

Fait …[3]

Quelques mois après son arrivée à Québec, Pierre de Troyes était chargé d’une mission fort périlleuse : c’était de conduire à la baie d’Hudson la petite troupe de soldats que le marquis de Denonville avait décidé d’y envoyer pour déloger les Anglais qui s’y étaient établis.

Les Français et les Anglais se disputaient depuis longtemps la possession de cette baie. En 1668, conduits par deux transfuges canadiens, Médéric Chouart des Groseilliers et Pierre-Esprit Radisson, les Anglais avaient bâti, à l’embouchure de la rivière Nemiskau (Rupert), un fort auquel ils donnèrent le nom de Charles. Deux ans plus tard, Chouart et Radisson allaient fonder pour le compte de la compagnie de la baie d’Hudson, qui venait d’être organisée, un poste à la rivière Nelson.

C’est aussi vers le même temps que les Anglais établirent deux autres postes, l’un à la rivière Monsoni (Abitibi) et l’autre à la rivière Quichitchouanne (Albany ou Sainte-Anne).

Mécontents de la manière dont ils avaient été traités par les nobles aventuriers de la compagnie de la baie d’Hudson, Chouart et Radisson revinrent en France et obtinrent le pardon de leur trahison. De Groseilliers retourna en Canada ; Radisson prit du service dans la marine française, tout en conservant l’espoir de reprendre un jour ses courses aventureuses vers la baie du Nord. De retour en France, en 1679, il rencontra à Paris le sieur Aubert de la Chenaye qui, avec le sieur Gauthier de Comporté et quelques marchands du Canada, venait d’organiser la compagnie du Nord, dont le but était de fonder des établissements dans la baie d’Hudson, afin de s’y livrer au commerce des fourrures.

Aubert de la Chenaye se laissa gagner par les belles promesses de Radisson ; il lui donna, au printemps de 1682, deux petits navires pour faire le voyage à la baie d’Hudson, au profit de la compagnie du Nord.

Radisson, accompagné de son neveu, Jean-Baptiste Chouart Des Groseilliers, et d’un pilote expérimenté, Pierre Allemand, conduisit brillamment l’expédition. Il s’empara de deux navires anglais et du fort Nelson qu’il brûla ; sur ses ruines, il construisit le fort Bourbon. Les Français passèrent l’hiver de 1682-1683 à la rivière Hayes (Sainte-Thérèse) ; au mois d’octobre 1683, ils étaient de retour, à l’exception de Jean-Baptiste Chouart qui était resté, avec huit hommes, au fort Bourbon[4].

Radisson fut mal reçu par M. de la Barre, qui le força de remettre aux Anglais le vaisseau qu’il leur avait enlevé. N’ayant pu obtenir justice auprès du gouvernement français, Radisson trahit de nouveau sa patrie, et passa en Angleterre, où il obtint de la compagnie de la baie d’Hudson trois vaisseaux pour aller détruire les établissements français de la baie.

Sans coup férir, dans l’été de 1684, il s’empara du fort Bourbon, qu’il réduisit en cendre ; il se saisit de son neveu qui lui reprochait sa trahison, et s’appropria pour plus de 400,000 francs de pelleteries ; un nouveau fort fut construit ; on y installa vingt pièces de canon et une garnison de cinquante hommes[5].

Pendant que Radisson commettait ces actes de piraterie, les associés de la compagnie du Nord, fiers du succès qui avait couronné leur expédition de l’été de 1682, essayaient d’organiser leur compagnie sur des bases plus solides.

À la suggestion de M. de la Barre, ils avaient recruté plusieurs sociétaires nouveaux, et formé la compagnie canadienne de la baie d’Hudson, par opposition à la compagnie anglaise du même nom[6].

Gauthier de Comporté, l’un des principaux intéressés, passa en France dans l’automne de 1684, pour surveiller les affaires de la compagnie.

En arrivant à Larochelle, il apprit la trahison de Radisson et les grandes pertes que la compagnie venait d’éprouver.

Dans un mémoire qu’il adressa immédiatement au marquis de Seignelay, il le priait de vouloir bien accorder sa protection à la société nouvelle, et de lui donner la propriété des terres de la baie d’Hudson, et de l’endroit où les intéressés avaient leurs établissements[7].

Le roi accéda à sa demande, et concéda aux mêmes bres de la compagnie canadienne de la baie d’Hudson le monopole de la traite des fourrures dans la baie d’Hudson pour une période de vingt ans, avec la propriété exclusive de la rivière Bourbon et la permission d’établir deux postes, l’un sur le lac des Abitibis et l’autre sur le lac Nemisco[8].

Fort de son droit, de Comporté s’adressa à l’ambassadeur anglais, à Paris, pour obtenir que le fort de Bourbon fut remis aux Français, et que les torts causés par Radisson fussent réparés, « mais il ne put obtenir autre chose, dit Denonville, que c’était une affaire de marchands »[9].

C’est alors que les associés résolurent d’organiser une expédition à leur propre compte, et d’aller déloger de nouveau les Anglais de la baie d’Hudson.

L’entreprise était hardie ; car on allait prendre une route nouvelle, la route de terre ; de Montréal on se rendait à la baie James, en canot, en suivant le cours des lacs et des rivières de l’intérieur du pays. Il fallait des hommes d’une force physique et d’un courage peu ordinaires pour entreprendre un pareil voyage.

Le chevalier de Troyes fut chargé de commander la petite troupe de braves, choisis pour mener à bonne fin une entreprise aussi difficile. Le 12 février 1686, le marquis de Denonville lui donnait les instructions suivantes :

« Instructions de Jacques de Brisay, chevalier, seigneur, marquis de Denonville, etc., gouverneur et lieutenant-général pour le roi en Canada, Acadie, île de Terreneuve, etc., au sieur de Troyes pour aller occuper des postes sur les côtes de la baie du Nord, etc., etc.

« Les violences que plusieurs particuliers anglais ont commises dans les personnes de plusieurs français envoyés par la compagnie et société des habitants de cette colonie pour le commerce des pelleteries du côté de la baie du Nord, dont la concession leur avait été accordée par Sa Majesté, par lettres patentes du 20 mai dernier, qui approuvent et autorisent la dite compagnie, et la connaissance que nous avons de la perfidie du nommé Radisson, sujet du roi et employé depuis plusieurs années par la dite compagnie, lequel, au lieu d’être fidèle à leurs intérêts, s’est dérobé pour aller en Angleterre, en dessein de s’associer de gens pour piller les postes que lui-même avait établis, et les marchandises qu’il y avait portées pour la traite de la fourrure de la part de ceux qui l’y avaient employé et lui avaient confié leurs intérêts. Son pernicieux dessein lui ayant réussi, le 15 août 1684, par une trahison qu’il fit à Chouart, son neveu, que lui-même avait posté dans une île située dans la rivière Bourbon, où sur la bonne foi d’oncle envers un neveu, et sous la bannière française, le dit Radisson approchant comme ami et comme venant de la part de la dite compagnie, se saisit du dit Chouart, des autres Français qu’il avait avec lui et d’un grand nombre de pelleteries que le dit Chouart et autres Français avaient traitées au profit de la dite compagnie, ce qui leur ayant été d’une perte très considérable, nous aurait engagé à chercher les moyens de mettre à couvert de telles insultes ceux que la dite compagnie choisira à l’avenir pour la régie de leurs affaires de ce côté-là.

« Pour ce, nous avons cru ne pouvoir mieux faire que de choisir le sieur de Troyes, dont la sagesse, prudence et bonne conduite, savoir-faire nous sont assez connus pour l’envoyer avec le nombre d’hommes et d’officiers que nous jugerons à propos de lui donner, pour aller lui-même chercher les postes les plus avantageux à occuper sur les côtes de la dite baie du Nord et embouchures des rivières qui y entrent, retrancher et fortifier les dits postes, se saisir des voleurs coureurs de bois et autres que nous savons avoir pris et arrêté plusieurs de nos Français commerçant avec les sauvages, lesquels nous lui ordonnons d’arrêter, nommément le dit Radisson et autres ses adhérents, en quelque lieu qu’il les puisse joindre, lesquels il nous ramènera comme déserteurs pour être punis suivant la rigueur des ordonnances.

« Pour ce, nous ordonnons à tous officiers, soldats et habitants de la colonie, que nous destinons d’envoyer à ses ordres de reconnaître le dit sieur de Troie pour leur commandant en chef et de lui obéir généralement en tout ce qu’il leur ordonnera pour le service du roi, de le reconnaître en la dite qualité, en foi de quoi nous avons signé ces présentes, à icelles fait apposer le sceau de nos armes, et fait contresigner par notre secrétaire. »

Cent hommes, dont trente des troupes régulières et soixante-dix choisis parmi les habitants de la colonie, furent donnés au chevalier de Troyes. C’est à la tête de ces braves qu’il allait accomplir, dans l’espace de quatre mois, les exploits audacieux dont il nous a laissé un si intéressant récit.

Il avait comme premier lieutenant le sieur de Sainte-Hélène ; d’Iberville était lieutenant en second ; le sieur de Maricourt, major ; le sieur LaNoue, aide-major. Pierre Allemand était commissaire des vivres. Enfin un Jésuite, le Père Silvy, accompagnait la petite troupe en qualité d’aumônier.

Ce religieux, « d’un mérite consommé », dit La-Potherie [10], était né en 1638, à Aix, en Provence.

Venu à Québec en 1673, il fut envoyé l’année suivante aux missions des Outaouais, à Michillimakinac. De là, il passa en 1678 à la mission de Tadoussac ; c’est pendant son séjour dans cette mission qu’il se rendit une première fois à la baie d’Hudson en suivant le cours de la rivière Némiskau (Rupert). En 1684, il accompagna M. de la Martinière et passa l’hiver avec lui à la rivière Bourbon (Fort Nelson). Il nous a laissé de son voyage un journal[11] qui a été publié par le R. P. Rochemonteix dans l’ouvrage intitulé Relation par lettres de l’Amérique Septentrionale. C’était donc son troisième voyage à la baie d’Hudson qu’il entreprenait, en compagnie du chevalier de Troyes.

Les sieurs de Sainte-Hélène, d’Iberville et de Maricourt étaient les trois frères, Jacques, Pierre et Paul Lemoyne, fils de Charles Lemoyne, seigneur de Longueuil et de Châteauguay. De Sainte-Hélène avait alors vingt-sept ans, d’Iberville en avait vingt-cinq, et de Maricourt, vingt-deux.

Zacharie Robutel, sieur de la Noue, né à Montréal en 1665, était fils de Claude Robutel de la Noue, seigneur de l’île Saint-Paul ; en 1689, Zacharie s’allia à la famille Lemoyne par le mariage qu’il contracta avec Catherine, fille de Charles Lemoyne. C’est lui qui fut envoyé par Vaudreuil, en 1717, pour fonder un poste de traite à la rivière Kaménistigoya, près de Fort-William, où il demeura jusqu’en 1721. Il devint ensuite commandant du poste de la baie des Puants (Green Bay), sur le lac Michigan. C’est là qu’il décéda dans l’été de 1733.

Pierre Allemand était un pilote renommé ; il avait embrassé fort jeune la carrière de marin, il fit son premier voyage à la baie d’Hudson avec Chouart et Radisson dans l’été de 1682 ; il y retourna en 1684 avec M. de la Martinière. Le Père Silvy fait de grands éloges de sa conduite dans cette expédition. Nous verrons par le récit du chevalier de Troyes qu’il ne se distingua pas moins dans la présente expédition. En 1688, il se rendit en France et présenta au marquis de Seignelay un mémoire dans lequel il le priait de lui accorder un petit vaisseau pour « lever des plans de tous les ports et havres des côtes du Canada… et dresser des cartes justes de toutes les côtes ». Il ne put rien obtenir, et retourna à Québec où il décéda le 27 mai 1691[12].

Le chevalier de Troyes dut retourner à Québec au commencement du mois d’octobre 1686 ; comme il l’indique dans son journal, à la date du 20 octobre, lors de l’incendie du couvent des Ursulines, il transcrivait ses notes de voyage.

Le 10 novembre 1686, M. de Denonville écrivait à M. de Seignelay[13] :

« Monseigneur a été informé des ordres que je donnai au Sr. de Troie au mois de Mars dernier, pour aller choisir des postes au fond de cette baie (la baie d’Hudson), tant pour faire valoir la traite de notre compagnie que pour empêcher le commerce des Anglais et pour répèter {reprendre) le sieur Père et les deux autres Français que je savais être aux fers avec lui depuis longtemps au fort de Quichouchouanne au fond de la Baie.

« J’envoie à Monseigneur le duplicata de tous les ordres que je donnai la-dessus.

« Le succès de ce voyage a été que le Sr. de Troie avec nos Canadiens a trouvé le secret de se rendre maître de trois réduits et de plusieurs petites maisons pour la traite des sauvages où les marchands Anglais étaient établis avec un pareil nombre de gens que ceux qui les ont pris. Aussi les Anglais n’ont plus d’établissement dans la Baie d’Hudson qu’au fort Nelson ou rivière de Bourbon, dont ils seraient dehors si on avait mis un homme à la tête du détachement canadien que l’on y envoya il y a trois ans qui eut su son fait et eut été entreprenant[14].

« Quand la nouvelle de ces pertes arriva à Londres, dit Garneau[15], le peuple cria contre le roi, auquel il attribuait tous les malheurs de la nation. Le monarque, qui a perdu la confiance de ses sujets, est bien à plaindre. Jacques II, déjà si impopulaire, le devient encore bien plus par un événement que personne n’avait pu prévoir, et l’expédition d’une poignée de Canadiens contre quelques postes de traite, à l’extrémité du monde, contribua à ébranler sur son trône un roi de la Grande-Bretagne. »

Le 11 novembre 1686, M. de Denonville, écrivant à M. de Seignelay[16], lui disait :

« Le Sr. de Troyes est le plus intelligent de nos capitaines ; il a l’esprit tel qu’il faut pour avoir tous les ménagements nécessaires pour commander aux autres ; on ne saurait avoir une meilleure conduite que celle qu’il a eu dans l’entreprise du Nord, car il lui a fallu du savoir faire pour tirer des Canadiens les services qu’il en a eus, et pour les mettre dans l’obéissance. »

Le chevalier de Troyes passa l’hiver de 1686-87 à Québec ; au printemps, à la tête d’une compagnie des troupes régulières, il accompagna M. de Denonville, dans son expédition contre les Tsonnontouans.

Après avoir rudement châtié ces barbares, et détruit plusieurs de leurs villages, M. de Denonville s’arrêta à Niagara, où il construisit un fort. Le sieur de Troyes fut nommé commandant de ce fort. On y laissa une garnison de cent soldats d’élite avec six officiers, un garde-magasin et trois charpentiers.

À son retour à Montréal, le 25 août suivant, M. de Denonville écrivit à M. de Seignelay :

« Ce poste (Niagara) étant en défense, j’y ai laissé cent hommes sous le commandement du sieur de Troye, qui fit l’an passé l’expédition du Nord. C’est un très bon sujet qui mérite bien quelque part en l’honneur de vos bonnes grâces et de votre protection. Il peut vous être utile en bien des choses, il est sage et entendu et de bonne volonté, et a bien servi sur terre »[17].

La carrière du valeureux capitaine de Troyes devait se terminer tragiquement à Niagara.

Pendant l’hiver le scorbut et d’autres maladies se déclarèrent dans la garnison, et y firent de grands ravages. Au printemps un parti de secours, qui avait été envoyé du fort Frontenac pour ravitailler ces malheureux, ne trouva plus au fort de Niagara que « trois officiers et quatre soldats se portant bien, et cinq ou six moribonds ».

« Il nous apprirent, dit M. de Catalogne, que M. de Troyes, commandant, était mort le 8 mai, et c’était à lui qu’on attribuait la principale cause de la maladie, en ce que dès l’automne il avait retranché les vivres, refusé de tuer une vache qu’il avait, que par ce moyen on aurait eu le foin qui lui était destiné, pour mettre dans les paillasses des soldats qui étaient contraints de coucher par terre. Cette dureté détermina toute la garnison à former une sédition, c’est-à-dire d’égorger le commandant et quelques autres officiers, de qui ils n’étaient con- tents, et voulaient s’élire un commandant pour les conduire chez les Anglais, à la Nouvelle-York ; de toute la garnison il n’y en eu que trois qui ne voulurent pas être de la partie. La veille que l’expédition devait se faire, un gros parti d’Iroquois se présenta devant le fort, qui de loin firent quelques escarmouches, ils tinrent la garnison en haleine pendant plusieurs jours ; cela fit ralentir leur dessein, et plusieurs tombèrent malades, qui acheva de rompre leur projet »[18].

Afin de compléter le récit du chevalier de Troyes, nous relaterons ici les principaux événements qui se passèrent au fort Sainte-Anne, jusqu’à sa prise par les Anglais, en 1692.

D’Iberville était resté commandant des postes de la baie d’Hudson, avec de Sainte-Hélène et de Maricourt comme lieutenants, et le Père Silvy, comme aumônier. Le Jean Bart canadien allait continuer pendant de longues années dans ces régions lointaines, la série des prouesses militaires qui devaient à jamais illustrer son nom. Quelques semaines après le départ du chevalier de Troyes, des navires anglais apparurent dans la baie James.

D’Iberville ayant appris que l’un de ces navires était pris dans les glaces près de l’île de Charleston, envoya quatre hommes à sa recherche.

« L’un des quatre relâcha par maladie, dit Denonville, dans une lettre au marquis de Seignelay[19], les trois autres suivirent leur ordre : ils furent surpris, arrêtez et liez ; l’un des trois se sauva ayant essuyé plusieurs coups de fusil, il porta la nouvelle de leur méchant succès, et les deux restants furent mis au fond de calle, liez, où ils ont passé l’hiver entier. Celui qui commandait le navire, chassant dans l’île, au printemps, se noya. Le temps venu pour mettre à la voile, se trouvant trop faibles pour manœuvrer, le pilote et les autres au nombre de six jugèrent à propos de faire servir le moins vigoureux des deux Canadiens. Ils le délièrent et il servit aux manœuvres. La plupart des Anglais estant au haut des manœuvres, le Canadien n’en voyant plus que deux sur le pont, sauta à une hache, dont il cassa la teste aux deux qui étaient sur le pont, courut délivrer son camarade plus vigoureux que lui, se saisirent d’armes et montèrent sur le pont où d’esclaves ils se rendirent les maîtres, et firent prendre au navire la route de nos forts. Ils rencontrèrent le sieur d’Iberville qui avait équiper un bâtiment pour aller délivrer ses hommes au moment que les glaces le luy permirent. Le bâtiment anglais était chargé de marchandises et de vivres qui ont fait grand bien à nos forts. »

La compagnie du Nord, n’ayant pu envoyer de provisions pour ravitailler les trois forts de Saint-Louis (Monsipy), de Rupert et de Sainte-Anne (Albany), dans l’été de 1687, la disette ne tarda pas à s’y faire sentir.

D’Iberville, prévoyant que les conquêtes des braves soldats du chevalier de Troyes, seraient bientôt vaines si on ne venait à leur secours, résolut de retourner à Québec, par terre, afin de renseigner lui-même le marquis de Denonville. Il partit avec ses deux frères, de Sainte-Hélène et de Maricourt, ne laissant que douze hommes dans les deux postes de Saint-Louis (Monsoni ou Monsipy) et de Sainte-Anne avec chacun un minot de blé-d’inde, pour toute nourriture. « Nous admirons, dit Denonville[20], la fermeté de ces hommes qui y ont bien voulu rester à ce prix-là, toute leur ressource est sur la chasse des outardes dont le passage en automne ne dure que huit jours et au printemps autant. »

D’Iberville dut arriver à Québec dans le courant du mois d’octobre, car le dernier jour de ce mois, M. de Denonville dans une lettre au ministre, annonçait le retour de l’intrépide marin, et ajoutait qu’il le chargeait de passer en France pour « rendre compte lui-même des avantages » que l’on pouvait tirer de la baie d’Hudson[21] et demander un navire dont on se servirait pour le transport des pelleteries emmagasinées dans les postes de la baie.

D’Iberville réussit dans sa mission ; le roi accorda aux associés de la compagnie du Nord un navire, le Soleil d’Afrique[22], qui arriva à Québec, le 3 juin 1688, portant Mgr de Laval, d’Iberville et vingt-cinq hommes de recrue. Le Soleil d’Afrique, commandé par le capitaine Delorme, et ayant à son bord d’Iberville et de Maricourt, repartit aussitôt pour la baie du Nord. En arrivant au fort Sainte-Anne, d’Iberville fut bien surpris de rencontrer deux navires anglais qui cherchaient à entrer dans la rivière. Ces deux navires portant, l’un, dix-huit canons, et l’autre, dix, étaient montés par quatre-vingt-cinq hommes d’équipage. D’Iberville résolut de s’en emparer. Il ne put cependant empêcher les Anglais de descendre à terre, et de bâtir un fort sur une île à un quart de lieue du fort des Français. Pendant l’hiver, aidé de son frère de Maricourt, il ne cessa de harceler l’ennemi, et lui prit par des ruses habiles vingt-un hommes ; plusieurs autres moururent du scorbut pendant l’hiver. Au printemps de 1689, il ne restait plus que quarante hommes dans le fort des Anglais. D’Iberville força leur gouverneur à capituler, à lui remettre les deux navires, et toutes les provisions qu’ils renfermaient. Après cet exploit, d’Iberville se rendit au fort Rupert, où il s’empara d’un autre bâtiment anglais. De retour au fort Sainte-Anne le 15 août, il y trouva son frère de Sainte-Hélène, qui était venu par terre, avec un secours de trente-huit hommes, lui apportant l’ordre de retourner à Québec[23].

D’Iberville laissa la garde des forts à son frère de Maricourt, et quitta Sainte-Anne, le 12 septembre 1688.

De Sainte-Hélène, qui était revenu par terre, arriva à Montréal quelques jours plus tard. Blessé mortellement pendant l’attaque de Phips contre Québec, il mourut le 4 décembre 1690.

De Maricourt retourna de la baie d’Hudson dans l’été de 1690, assez tôt pour assister au siège de Québec.

De tous ceux qui avaient pris part à l’expédition du chevalier de Troyes, en 1686, il ne restait plus au poste Sainte-Anne, que le Père Silvy. Le Père Dalmas fut le rejoindre en 1691, et pendant deux ans, ils travaillèrent ensemble à la conversion des Indiens. Épuisé de fatigue et accablé d’infirmités, le Père Silvy dut abandonner les missions de la baie d’Hudson et revenir à Québec, au printemps de 1693. Il s’établit définitivement au collège de Québec, où il professa les mathémathiques, et exerça ensuite les fonctions de ministre pendant dix ans. Il y mourut en 1711[24].

Un événement tragique suivit le départ du Père Silvy, du fort Sainte-Anne. Le cuisinier ou l’armurier du poste tua, dans un accès de folie, le chirurgien et ensuite le Père Dalmas. La nouvelle de ce double assassinat fut apportée par deux soldats venant de la baie d’Hudson, et arrivés à Québec, le 13 juillet 1693. La disette des vivres était devenue tellement pressante qu’ils avaient dû quitter Sainte-Anne, n’y laissant que cinq hommes, au nombre desquels le meurtrier du Père Dalmas.

Queiques jours après le départ de ces deux courriers trois navires anglais vinrent attaquer le fort. Les cinq Français soutinrent courageusement un premier assaut, mais voyant bientôt le grand nombre des assiégeants, ils abandonnèrent la place à la dérobée et se rendirent à Québec par terre[25].

Sainte-Anne, retourné en la possession des Anglais, redevint le fort Albany, nom qu’il a toujours porté depuis.

En 1709, un parti de cent hommes conduit par MM. d’Ailleboust de Manthet et de Martigny, voulut reprendre Albany. Les deux commandants furent tués dans la première attaque, et l’entreprise se termina par un désastre ; presque tous les membres de l’expédition moururent de faim et de misère[26].

D’Iberville n’avait pas renoncé à faire la conquête de la baie d’Hudson. En 1694, il enleva le fort Nelson (rivière Bourbon) aux Anglais, qui le reprirent l’année suivante.

À la tête d’une escadre de cinq vaisseaux bien armés, d’Iberville part de nouveau de Québec, au printemps de 1697, pour faire la conquête de toute la baie d’Hudson. Après une navigation périlleuse, d’Iberville monté sur le Pélican arriva seul devant le fort Nelson, le 6 septembre suivant. Comme il allait entrer dans la rivière Bourbon, il aperçut trois navires anglais qui couraient sur lui.

D’Iberville les attaqua hardiment ; le premier sombra, le deuxième amena son pavillon, et le troisième prit la fuite.

Le reste de son escadre étant venu le rejoindre, l’intrépide marin entreprit de faire le siège du fort, mais la garnison se rendit bientôt à discrétion (12 septembre 1697).

Le fort Nelson, et le reste de la baie d’Hudson, le fort Albany excepté, restèrent en la possession des Français jusqu’au traité d’Utrecht en 1713.

D’Iberville ne devait plus revoir les rivages désolés de la baie d’Hudson, les flots courroucés de cet océan intérieur, où il avait conquis ses plus beaux titres de gloire.

« Si la navigation, dit Garneau[27], a quelque chose de grand et de hardi dans les hautes latitudes de notre globe, elle y est infiniment triste. Un ciel bas et sombre, une immense solitude qu’éclaire rarement le soleil, les flots lourds, couverts, la plupart du temps, de glaces, dont les masses colossales ressemblent à des montagnes, des côtes nues et arides qui semblent augmenter l’horreur des naufrages, un silence interrompu seulement par les gémissements de la tempête ; telles sont ces mers qui ont attaché au front d’Iberville une gloire dont le caractère tient de la nature mystérieuse du Nord. Depuis longtemps son vaisseau aventureux les sillonne. Plus tard, il descendra vers des climats plus doux.

« Ce marin, qui a fait son apprentissage au milieu des glaces polaires, finira sa carrière sur les flots tièdes des Antilles, au milieu des côtes embaumées de la Louisiane. Il fondra un empire sur les rivages où l’hiver et ses frimas sont inconnus, où la verdure et les fleurs sont presque éternelles »[28].

RELATION ET JOURNAL DU VOIAGE DU
NORT PAR UN DETACHEMENT DE
CENT HOMMES COMMENDES PAR
LE SIEUR DE TROYES EN MARS
1686.


Noms des officiers du détachement.
Aumônier
Le R. P. Silvie, Jésuite
Commendant
Le sieur de Troyes
Lieutenant
Le sieur de St. Hélène
Lieut, en second
Le sieur d’Yberville
Major
Le sieur de Maricourt
Aide Major
Le sieur de la noue
Commiss. des vivres
Le sieur de Lallement
destiné encore pour commender un vaisseau en cas que l’on en trouvast un capable de venir à Québecq.
Capitaine des guides
Le sieur de St. Germain.

(410) L’entreprise du Nort estant résolu et l’exécution m’en aiant été commise je partis de Québecq au commencement de mars 1686 pour me rendre a Ville-Marie isle de Montréal ou j’arrivay avec toute la diligence que la rigueur de la saison me peut permettre. Un detachement de cent hommes destinez pour m’accompagner dans cette expédition m’y aiant joint quelques jours apres, Mr. le chevalier de Callieres en fist la reveue. Ils estoient tous en bon équipage et fournis suffisamment de canots dont ils s’estoient pourvus sur leur route, que je continué, tirant droit au bout de l’isle, ou l’on fist par mon ordre quentite de tresneaux pour voiturer sur les glaces, suivant l’usage des païes septentrionaux, les canots vivres et munitions nécessaires pour un si long voiage. Ce fut en cet endroit que le nomme Pourpoint déserta après avoir fait plusieurs vols et commis des desordres qu’il a expiez depuis sur un gibet[29].

Le trentiesme mars, je me remis en marche après avoir distribue les canots au nombre de trente-cinq, tant grands que petits, suivy de tout mon détachement et de son attirail, excepte le R. P. Silvie qui estoit (410 bis) reste dans l’isle pour attendre le retour des hommes qui le devaient mener de la prairie de la Magdeleine ou ils estoient aller chercher quelques canots. Ce jour la, deux bœufs qui trainoient le bagage du sr. de St Germain enfoncèrent dans la glace, d’où l’on les retira avec bien de la peine et ne fimes que deux lieues cette journé, avec beaucoup de travail, estant obligez a faire deux volages[30].

Le lendemain, dernier jour du mois plusieurs de nos gens enfoncerent dans la glace, qui se trouva si mole que cela obligea le Sr. de St Germain a renvoier ses boeufs, qui enfoncèrent de nouveau à vingt pas du camp, avec leurs traînes et furent sauvez par le secours que l’on leur donna. Quelques uns venus depuis du bout de l’isle nous informerent qu’ils s’estoient rendus sains et sauves ou on les avait pris, la glace estant si mauvaise que nos gens enfonçans continuellement, ne firent ce jour la qu’une lieue, estant fort empeschez a se secourir les uns les autres, ce qu’empescha qu’il y eust aucun inconvénient. Je campé dans un anse ou je trouvé le sieur de la forest, capitaine dans les troupes que commande monsieur de la Salle, qui allait aux Illinois avec un équipage de trois canots, tenant notre route jusques au Mattaouan (411)[31]

Le premier avril, je séjourné, tout mon équipage n’aiant pu suivre le jour precedent, me contentant de faire prendre le devant a ceux qui se trouverent en estat de continuer la marche, qu’un degel rendit extremement penible, estant obligez dans le chemin de traisner leur bagage, marchand dans la neige fondue jusques aux jambe. Ils furent camper dans l’isle de Carillon , où un gros arbre poury tomba sur un de leurs canots et l’écrasa de sa chutte, ce qui m’obligea, sur l’avis que j’en eu, de commender du monde pour en aller quérir un autre au bout de l’isle.

Le deuxiesme avril je me rendis avec le reste de mon détachement a l’isle de Carillon[32], accompagné du R. P. Silvie qui me joignit ce jour la. Plusieurs de nos gens enfoncerent encore dans la glace mais sans autre accident. Nous vîmes dans la journée plusieurs bendes d’outardes, et trois ou quatre tourtes dont une fut tirée. Il y avoit longtemps que nous y voions des outardes. Le Sr. Lallemand aiant pris hauteur, trouva 45 degrez, 39 minutes.

Le troisiesme jour d’avril, je séjourné à cause de la pluie ; mais aiant gelé toute la nuit je fus camper le 4e. (411 bis) au pied du Long Sault. Je marchais avec une épée amenchée dont je sondois la glace fine qui s’estoit faite la nuit precedente. Le jour commençant un peu a hausser, je me trouvé dans un endroit ou la glace plioit soubz moi dix pas a la ronde. Je marchais cependant en assurance faisant fond sur la grosse glace que je m’imaginais trouver desous, mais l’usage fréquent que je fis de mon epee me fist connaître mon erreur et le danger ou j’estois, qui m’obligea de quitter le canal, ou je marchais connue par le plus court, et de continuer la route le long de terre. Le R. P. Silvie me suivoit pas à pas, et courut les mêmes risques. Nous vîmes au bout du Long-Sault, les vestiges ou dix-sept françois[33] soutinrent pendant les antiennes guerres des Iroquois, l’effort de sept cents de ces barbares dont ils tuerent et blesserent un nombre très considérable. Leur résistance aurait eu le succez que meritait leur bravoure sans la trahison d’un huron qui se sauva du fort, et aiant adverti les Iroquois qui meditaient leur retraite des deffauts de la place, de la necessite (412) ou estoient les françois de les enlever par une attaque generalle, causa ainsi la perte de ces braves gens, qui n’eurent dans leur desastre autre consolation que de vendre bien cherement leurs vies.

Le cinquiesme jour d’avril, ceux qui estoient restez derriere arriverent au camp, ou nous séjournames pour raccomoder nos canots les regommer et faire perches et avirons, estant obligé a toutes ces precautions d’autant que nous estions au pied d’un rapide qui ne gèle jamais et ou il fallait traisner et percher. Ainsi le Sr. de St. Germain que j’avois envoié reconnaistre le bordage par dedans le bois, m’aiant assuré que le portage estoit impossible cela me fist resoudre de monter le rapide comme en plain esté, c’est a dire dans l’eau jusqu’à la ceinture. Je renvoie ce jour la un nomme Loranger, qui estoit venu seulement pour porter nos lettres et ramener les chiens et traisnes sauvages, qui avoient servy pour voiturer notre equipage. Je fus heureux de l’avoir renvoié ce jour la, parce que le degel estant survenu ce jour la, rendit la glace inutile pour tout le reste du printemps.

Le sixiesme jour d’avril, je continué de faire travailler aux canots, et fis elever une croix sur une pointe que l’on découvre de bien loin (412 bis).

Le septiesme jour des rameaux, il plut toute la journée et fist tres grand vent, ce qui nous empescha de faire la procession. Le lendemain le temps continua.

Le neufviesme avril, messieurs de Ste. helene et d’hyberville, accompagnez d’habiles canotteurs, commencerent a monter le Long-Sault[34]. Ils porterent leurs bagages au dessus du premier rapide qui est à une lieue de la pointe du lac du nom des deux montagnes[35], qui commence du bout de l’isle de Montreal et finit au pied du Long Saut, et redescendirent pour aider aux autres canots dont quelques uns furent endommagez par les glaces qui derivoient assez fréquemment. Il faisoit tres grand froid, et sejourné au camp[36] pour voir de quelle manière les canots monteroient le bout du rapide.

Le dixiesme avril, je fis partir les canots qui estoient restez au camp, et m’acheminé dans le bois le long de l’eau avec le P. Silvie[37] et ceux qui n’estoient pas necessaires pour aider a monter les canots dont plusieurs (413) furent endommagez. Ce jour la, il fallut les retablir (?) et les meilleurs canotteurs furent obligez souvent de descendre, pour aider à cause qu’ils en avoient besoin.

L’unziesme avril, je fus dans mon canot alege aiant avec moy messieurs d’hyberville et de st. germain, pour visiter le chemin, suivy de trois canots et du monde necessaire pour en faire un (chemin) dans un portage de la longueur d’une portée de fusil[38] mais l’aiant trouve assez facile je le (canot) renvoié avec m. d’hyberville, et ordre de faire decamper en diligence pour me venir joindre. Ce qu’ils firent.

Le douziesme, je partis de bon matin avec le P. Silvie et marchâmes une bonne demye lieue, par un tres mauvais chemin au bort de l’eau, par dedans le bois pour eviter les embarquements et debarquements qu’il falloit faire, a cause des glaces fondues, qui tenoient l’espace d’un quart de lieue, dont les fentes estoient si grandes, qu’il fallut faire des ponts pour passer les canots vivres et munitions. Il y en avoit de plus de trois cents pieds de large, sans neantmoins que l’on pust voir l’eau par de si grandes ouvertures, dont la profondeur estoit de plus de vingt pieds. Cela n’empescha pas que tout le monde ne se rendist (413) ou j’estois campé, mais nous eumes deux canots rompus dans le portage sur les glaces, et un homme d’un de ces deux canots passa a la nage nonobstant l’extrémite du froid et vint au camp m’advertir de cet accident, et d’une querelle survenue entre quelques personnes des mêmes canots, qui aiant beu vouloient se tuer. J’y envoié sur le champ le sieur de la Noue avec cinq hommes qui mirent le hola, et osterent le fusil du plus mutin, qui en couchoit un autre en joüe. Je leur osté, à mon tour, à leur arrivée au camp, le reste de leur eau de vie, pour les punir, et leur donné a la place de chaque baril un sac de bled d’inde, avec deffences d’y toucher. Le sr. d’hybervile fut chercher les deux canots rompus, qu’il remist comme il pust en estat de servir.

Mais le temps qu’il y faillut mettre joint au vent effroiable et au froid rigoureux qu’il fist le lendemain 13e., m’empescha de me mettre en chemin avec mes gens, dont quelques-uns se promenant, trouverent dans le bois deux peaux d’orignal, qu’aparament quelques sauvages avoient cachées, en chassant, qu’ils apporterent au camp pour vendre, de quoy estant adverti, je les fis reporter au même endroit, et envoié le sr. de ste. helenne pour avoir l’œil à ce que cela fust exécuté (414).

Le quatorziesme, jour de Paques, nous fimes nos dévotions a une grande messe que l’on chanta avec toute la solennité que le temps et lieu purent permettre[39]. Il fit toute la matinée un fort gros vent de nort, mais l’apres midi le temps fut assez beau. Apres vêpres, je fis une revue de tout mon detachement, dont je fis trois brigades composés chacunes, de trois escouades. Je pris la premiere pour moi, dont je laissé le commendement au sieur de Chesny [40]. Le sr. de ste helenne eut la seconde, et laissé, la troisiesme soubs les ordres du sr. d’hyberville. J’ordonne, pour la marche, que le sr. de ste. helenne feroit l’avant garde avec sa brigade reservée, la mienne pour le corps de bataille, et celle du sr. d’hyberville pour l’arrière garde.

La raison de cette disposition estant, afin que dans les lieutenants se trouvant par ce moien, l’un a l’avant garde et l’autre à l’arrière garde, le sr. de Chesny se trouva directement en mon absence dans le centre, estant obligé d’etre le plus souvant d’un costé et d’autre pour donner par ma presence chaleur a toutes choses. Je tiré ensuitte, des brigades, les gens dont j’avois besoin pour l’usage de mes deux canots et de ceux du P. Silvie. Je les exempte de garde (414 bis) afin qu’ils fussent d’autant plus propres au service que nous en espérions. J’en fis de meme a l’égard de ceux que je destine pour le canot du sr. Lallemend, que je voulu aussi afrenchir en son particulier de garde et de rang de brigade, afin qu’il peust vaquer plus à son aise aux fonctions auxquelles son merite et sa capacité fine l’avoient fait destiner. C’est une personne d’un grand service et dont le génie et l’activité ont esté d’un grand secours dans cette entreprise, où il a servi de bon canotteur, de soldat, de pilotte et de géographe. Après tout cela je fis mettre mes gens en bataille, le sr. de Maricourt pour major et sr. de la noüe pour aide major, six sergeants six caporaux et six anspesades[41], que je séparé, également dans les escouades, que je fis remettre en bataille, ayant les sergeants caporaux et anspesades susdits a leur teste. Je leur fis lire à même temps des reglements que j’avois dressé tant pour la marche des canots que de chaque brigade, que pour les campemens, gardes et autres fonctions militaires. Je leur fis aussi tirer au sort le rang de leurs escouades, dont la première commença a monter la garde et l’on dressa par mon ordre une (415) tente aupres de la mienne pour servir de corps de garde, l’on posa sentinelle sur le bort de la greve, devant les canots soubz lesquels on mettoit le bagage, et ainsi je les assujeti peu a peu a la discipline que demande la regularite du service, et qui seul manque a la valeur naturelle des canadiens.

Le quinziesme avril, je décampai apres la messe et m’en allé par terre avec le P. Silvie et ceux qui estoient inutiles au service des canots[42]. Je pris cet expedient non seulement a cause de la difficulté des rapides[43] mais encore à cause du froid excessif qui faisoit, qui n’empescha pas que ceux qui estoient destinez a monter les canots, ne fussent dans l’eau jusques a la ceinture, et quelque fois jusques au col, pour les traisner, estant absolument impossible de percher dans les chuttes d’eau épouvantables. Il n’y eut que les deux lieutenants et les deux majors qui osèrent[44] l’entreprendre ; les deux derniers penserent en souffrir, Car quoy qu’ils soient en réputation d’estre des meilleurs canoteurs du paie (pays), ils ne laissèrent pas d’embarquer sur une roche, et rompirent leurs canots par le milieu, qui furent remplis a même temps. Ils se jetterent resolument à l’eau, où ils en trouverent (415 bis) jusque aux échelles (aiselles), et eurent beaucoup de peine a gagner terre, en trainant leur canot plain d’eau, dont le rapide estoit effroiable. Un jeune canadien nommé la Motte voulut le secourir, mais le courant l’emportant il se seroit infaliblement noyé, sans le promp secours de nos gens, qui les ramenerent tous trois avec des fatigues incroiables a terre, ou ils déchargèrent leurs canots pour les racommoder et secher ce qui estoit dedans. Les autres canots monterent comme ils purent, quelques-uns furent jusques au portage et l’aiant fait en même temps vinrent ou j’estois campé[45]. J’y estois arrivé avec bien de la difficulté, au travers des bois affreux par leur solitude et incommodes, à cause d’une quentité prodigieuse de roches renversées ou pour mieux dire éboulées[46], et de bois abatu, le tout entremeslé d’épaisses fredoches, qui rendent la route extrêmement laborieuse Il n’y eut que très peu de gens qui me joignirent, a cause du grand nombre de canots qui furent crevez. Car outre qu’il fallut les racommoder il est constant qu’il estoit impossible de résister davantage a une si longue fatigue. Il est aisé d’en juger par le temps qu’ils mirent (416) a faire environ une lieue et demie de chemin, qui fut depuis six heures du matin jusques a six heures du soir. Ils estoient mouillez et plus longtemps dans l’eau qu’en canot. Je trouvé a ce camp la place de la cabane du sr. de la forest dont j’ay parlé ci-devant. Il en estoit décampé le matin et ne l’ay pas reveu depuis.

Le seiziesme avril tout le monde se rendit au camp, à la reserve de deux ou trois canots. Le Sr. de ste. helenne monta ensuite avec son vallet à la chute du portage, à la perche. Les srs. de maricourt et de la Noue en firent autant, dont le premier voulant, en débarquant, renger un paquet de fusils qu’il tenoit entre ses bras, eut le bonheur d’en voir partir un, sans blesser personne de ceux qui estoient autour de luy ; du reste je fis camper les hommes, le terrain y estant tres propre joint que la journee fut très belle.

Le dix septiesme avril, ceux qui estoient restez derrière se rendirent au camp, et le reste de la journée se passa à raccommoder les canots que l’on n’avoit pu rétablir. Le nommé la Voie, voulant éteindre le feu qui avoit pris dans sa chaudière a bray, se brula toute la main, un autre se (416 bis) coupa le doigt d’un coup de hache, et quatre ou cinq autres tombèrent malades d’une colique causée par le froid excessif qu’ils avoient enduré dans l’eau, le jour precedent. Le même jour le sr. Lallemand prist hauteur, et trouva 45° degrez et 43 minutes.

Le dix huitiesme, nous partimes à la pointe du jour et fument cabaner à la petite nation, à huit lieues de là.

Le dix neufviesme, nous décampames de fort bonne heure pour aller a un lieu nommé la chaudière, à environ neuf lieues de là, ce que nous ne pumes faire a cause qu’il fallut s’arrester pour racommoder nos canots. Nous passames la rivière du lièvre pour y en prendre un, qui y estoit, qu’il faillut regommer tout a neuf, aiant passé là l’hyver. Nous fumes camper a deux lieues plus haut[47] ou tous les canots a cinq ou six près nous vinrent joindre le lendemain. Pendant toute cette route nous avions fait plusieurs fois rencontre des troupes d’Iroquois Chestiens, qui nous pressoient charitablement de séjourner dans des endroits ou ils offroient de nous régaler, ce que ne pouvant leur accorder pour faire plus de diligence. Les uns (417) nous donnoient de la viende en presant, les autres offroient d’aller a la chasse pour nous, et il eut même des mieux faits d’entre eux, qui voulurent m’accompagner dont je les remercié. La nuit il fist fort mauvais temps.

Le vingtiesme, il continua, en sorte que la journée se passa en pluie accompagné d’un fort grand vent. Je fis attacher un canadien a un arbre pour le punir de quelque sotise qu’il avoit dite ; quelques mutins voulurent a ce sujet exciter une sedition, mais je les ramené en peu à leur devoir. Le P. Silvie m’y aida beaucoup, et je connus dans cette occasion le caractère des canadiens, dont le naturel ne s’accorde guère avec la subordination.

Le vingt et uniesme avril, le P. Silvie dit la messe confessa et communia ceux qui restoient a faire leur pasques, apres quoy je partis pour aller au portage de la Chaudiere que les voiageurs ont ainsi nommé, parce qu’une partie de la rivière qui tombe parmi une confusion affreuse de rochers, se jette dans un trou d’une de ces roches (417) faitte en forme de chaudière dont l’eau s’écoule par dessus.

Le vingt deuxiesme, je séjourné pour avoir le reste des canots, dans l’un desquels je renvoié au montreal quatre hommes de mon detachement, gens malades ou blessez. Ensuite je me rendis au portage des chesnes, ainsi nommé à cause de la quantite de ces arbres qui sont en cet endroit, qui est à environ une lieu et demie du saut de la chaudière. Je monté dans cette route plusieurs rapides qui se rencontrent entre deux[48], et fis un portage qui est a une lieue ou environ[49] de celuy de la chaudiere qui a un quart de lieue de long ainsi que celuy des chesnes.

Le vingt quatriesme nous vînmes au portage des chats, qui est un endroit qu’on appelle ainsi a cause des roches dont la rivière est remplie, et qui egratignans, par manière de parler, les canots des voiageurs, leur ont donné lieu de luy imposer ce soubriquet.

Le vingt cinquiesme avril, je commencé de bon matin à faire le portage et a monter les rapides qui sont au dessus[50]. Je fis camper en un endroit (418) qui n’a pas de nom[51]. Le sr. de St. Germain, capitaine des guides pour éviter les rapides avoit pris par une baye, par ou il avoit autrefois passé ; quelques uns de nos gens qui l’avoient suivi m’asseurent qu’ils avoient fait un portage bien rude et très difficile.

Le vingt sixiesme, je partis de bon matin le temps estoit assez beau, et comme il faisoit un petit vent d’est je fis porter la voile à nos canots, qui nous rendirent a l’entrée des isles des Calumet. Nous vimes vis a vis de notre camp une croix, au pied de laquelle est enterré le nommé dargy, voiageur, qui se noya, il y a quelque temps en trainant son canot a un portage au dessus qui porte le nom (sic).

Le vingt septiesme, je décampé et commençâmes a monter les rapides des Calumet[52]. On leur a donné ce nom, parce qu’il se trouve proche cet endroit une pierre bleue propre a en faire. Je campé au passage de la montagne aiant fait celui du fort[53]qui retient ce nom de celuy que les sauvages y avoient construit autrefois, pour se garantir des courses des Iroquois (418 bis).

Le vingt et huitiesme tout le monde se rendit au grand portage des Calumet[54]. Il y en eut qui ne le peurent pas faire, à cause de la longueur qui est de deux mil pas, parmi des montagnes et des fondrieres plaines de bois renversez qui rendent l’accez extremement difficille.

Le vingt neufviesme je fus obligé de séjourner[55] pour attendre ceux qui n’avoient peu achever le portage. La journée fut fort belle nous emploiames a faire secher nos vivres et a recommoder nos canots. A midy le sr. Lallemand prist hauteur et trouva 45 degrez 41 minutes.

Le trentiesme, dernier jour du mois, je fis décamper au point du jour, aiant laissé trois canots pour attendre un homme de nostre detachement qui s’estoit egaré dans le bois, le jour précédant. Nous eûmes assez beau temps, le vent estoit sud et fismes presque tout notre chemin a la voile, sur le soir il y eut un orage accompagné de pluie et un gros vent. Je rencontré sur ma route une cabane d’Iroquois qui dévoient partir au premier jour pour le Montreal, ce qui me donna occasion d’y donner (419) de mes nouvelles. Nous trouvame aussi un orignal qui traversoit la rivière estant poursuivi d’un Iroquois quelques uns de nos gens le turent, mais il coula bas incontinant et la profondeur de l’eau nous le fist perdre.

Le premier may, le P. Silvie dist la messe. Nous séjournames[56] à cause du mauvais temps qui ne peut pourtant empescher nostre monde de plenter un may devant ma tente, et d’y faire une salve. Ils en firent autant à mrs. de St. helenne et d’hyberville. Sur le soir, quatre canots de sauvages de Themiskamingue arrivèrent au camp. Il nous apprirent des nouvelles des françois qui y estoient. Il y avoit vingt jours qu’ils estoient partis, et passèrent la nuit dans nostre camp, et le lendemain deuxiesme, que nous fumes encore obligez de séjourner a cause d’un gros vent d’ouest, qui dura toute la journée. Le matin comme on commençoit la messe le feu prist a un baril de poudre de 50 l. qui ne blessa personne ; les eaux grossirent de plus de trois pieds.

Le troisiesme, je décampé de bon matin pour suivre ma route et les sauvages suivre la leur, droit au Montreal (419 bis). Je laissé le sr. d’hyberville pour attendre le nommé Lamiot qui ne s’estoit point rendu au camp quoique j’y eusse séjourné. Ma suite m’a fait connoistre qu’il m’avoit déserté avec trois hommes qu’il avoit dans son canot m’emportant un baril de poudre, un sac à balles avec les picqs, pioches et tous les vivres dont il estoit chargé. Je fus camper ce jour-la a une pointe de sable[57] qui est a une lieue du grand portage des allumettes, et les chasseurs que je faisois ordinairement marcher devant, tuerent un jeune orignal, mais un vent qui s’estoit élevé força d’attendre pour calmer (afin) de traverser une baye qui peut avoir trois quarts de lieux de large.

Le quatriesme may, nous levâme le picquet de très bonne heure, et arrivame au soleil levant au portage des grandes allumettes, distingué des petites a cause d’une isle, dont le chenal du sud s’appelle les grandes allumettes, parce que le chenal est plus long, mais aussi plus aisé a monter. Celuy du nord porte le nom des petites probablement parce qu’il est plus cour. L’on trouve dans le chenal, au droit d’une chute, une petite roche platte sur laquelle on fait portage. Un R. P. Jesuitte, y passant (420) autrefois, y oublia une boeste d’allumette qu’il portoit pour faire du feu, ce qui a donné aux voiageurs ce nom a cet endroit ; avec la différence que j’ay remarquée cy-dessus, je passé donc par les grandes, et arrivé au portage qui est fort beau, aiant 300 pas de long, où tout le monde porta canots vivres et bagages. Nous nous rembarquâmes ensuite et vînmes camper a l’entrée de la rivière creuse, après avoir traversé le lac des Allumettes, qui reçoit du costé du sud les eaux d’une petite rivière[58] qui s’y décharge, à la pointe de laquelle parurent quelques sauvages qui y battoient la quesse (caisse), portant un pavillon blanc. Le capitaine des guides que j’y avois envoié revient avec un presant de viande, qui estoit le subject de leur signal, mais il ne peut me rejoindre que la nuit suivante au lieu ou je m’estois campé, aiant esté même obligé de tirer quelques coups de fusil, pour scavoir l’endroit ou j’estois. Mon camp estoit dans le fond d’une anse[59] qui empeschoit d’en voir les feux. La sentinelle m’advertit a l’instent des coups qui se tiroient, et jugeant bien que ce ne pouvoit estre que luy que j’attendois, et d’ailleurs qu’il n’y avoit rien a crandre dans le lieu ou nous estions. Je luy fis repondre de quelques coups, au bruit desquels il nous joignit (240).

Le cinquiesme jour de may, nous partimes apres la messe pour nous rendre au portage du bout de la rivière creuse[60]. Cette rivière peut avoir quelque sept lieues de long. On voit du costé du nord, suivant la route, une hautte montagne dont la roche est droite et fort escarpée, le milieu en paroist noir. Cela provient peut estre de ce que les sauvages y font leurs sacrifices jettant des flèches par dessus, au bout desquelles ils attachent un petit bout de tabac. Nos françois ont coustume de baptiser en cet endroit ceux qui n’y ont point encore passé. Cette roche est nommée l’oiseau par les sauvages et quelques uns de nos gens ne voulant perdre l’ancienne coustume se jetterent de l’eau, nous fumes campés au bas du portage[61].

Le sixiesme may, je le fis faire[62] de bon matin. L’on en fist encore deux autres pendant la journée dans laquelle on monta aussi plusieurs rapides après quoy nous campasmes à la pointe aux pins[63].

Le septiesme may, nous nous mîmes en marche à soleil levant et estant arrivés au pied des rapides (421)[64]. Les bons canoteurs commencesrent à les monter, ce qu’ils firent avec d’autant plus de péril qu’ils y perdirent un canot, dont les hommes faillirent à se perdre. Cela m’obligea de les distribuer dans les autres canots. Quand a moi, je fus par terre par un endroit que l’on nomme marabout, d’une lieue de longueur ou à peu près. J’emploié tout le jour a faire le chemin très difficille, à cause qu’il est traversé de bois abatus. L’on coupe, par là, une langue de terre qui empte (exempte) les voyageurs de ces méchants rapides et portages. Ce qui n’empesche pourtant pas qu’ils n’aiment encore mieux suivre la rivière que de le faire ; je n’eu pas plustost regagné le bord de l’eau, que des canots me vinrent prendre avec le P. Silvie qui avait fait le chemin avec moy, et nous menèrent au camp que j’avais indiqué au-dessus[65].

Le huitiesme may, Mr de Ste helene dessendit au bas des rapides, pour aider ceux qui avaient eu de la peine à monter ; pour moy je passé outre et fis camper au portage des grelots avec douze canots. J’estais souvent ainsi obligé de prendre le devant pour éviter la confusion qui se trouvoit ordinairement dans les portages, ou il n’y avoit place ordinairement que pour deux ou trois canots (421 bis).

Le neufviesme may je fus camper a une demie lieue au dessus des rapides des grelots[66] ainsi nommey, à cause que la grève et le fond de l’eau, sont remplis de grosses roches rondes.

Le dixiesme jour de may, je continué ma route dès le matin et fus camper a trois quarts de Mataouan[67] ; la pluie nous empescha d’y aller. Nous fumes une partie du temps à la voile et le sr de ste Helenne resta derrière pour haster quelques canots endommagés. Je fis mettre les armes en état et charger a balles, craignant qu’a mon arrivée, a la fourche de Mataouan, les Iroquois joints aux anglois de boston ne m’y eussent dressé une embuscade sur l’advis qu’ils avoient peu avoir de ma marche.

Le onziesme may, il plut, neigea et fist un gros vent, ce qui nous empescha de partir ; de plus les eaux crurent cette journée là, de plus d’un pied.

Le douxiesme may, nous allâmes à Mataouan qui signifie en langue sauvage fourche de rivière, y en ayant effectivement une en cet endroit dont la gauche qui est au sud et (est) (422) le chemin des Outaouais, et la droitte, qui est au nord, par conséquent mon chemin, conduit aux Themiskamingue. J’arrive a ce lieu de Mataouan de fort bonne heure, ce qui fist que le P. Silvie célébra la ste. messe. Nous nous trouvâmes en cet endroit sur une pointe de cabanne des sauvages qui faisoient des canots. Ils parurent surpris de nous voir tant de monde. Il avoit neigé le matin mais le soir il fist assey beau. Je disné avec le sr Juchereau[68] qui venoit de Michilmakina, et s’en alloit a Quebecq en grande diligence, porter des nouvelles a mr le marquis de denonville. Il estoit arrivé comme je disnois et se rembarqua peu apres pour avencer sa route. Je fis partir en meme temps le sr de Ste helenne avec trois de nos canoteurs pour aller au devant de mr d’hyberville.

Le treiziesme may il plut, neigea et venta toute la journée, ce qui continua le lendemain jusques a midy, que mr d’hyberville arriva et me dist qu’il avoit attendu inutilement pendant deux jours le canot pour lequel je l’avois fais rester. Je me déffiois fort des sauvages de sorte que pour tenir mes gens alertes, j’avois ordonné que personne ne dormist au corps de garde une heur devant le jour, que dans ce temps. Il n’y eust plus (422) qu’un petit feu que l’on devoit éteindre a la première alarme ; en un mot tout le monde fust prest et en ordre les armes a la main. Je fis dresser une croix sur la pointe de la fourche et nostre interprète Anglois s’ouvrit la jembe d’un coup de hache jusques a l’os. L’on compte de l’isle de Montréal a Mataouan cent lieues.

Le quinziesme may, nous ne pûmes partir qu’à soleil levé, à cause des treinages qu’il falloit faire dans l’eau qui estoit extrément froide. Nous partîmes après la messe dite et aiant fait trois portages nous fûmes camper une lieu au dessus du dernier et a trois et demie de Mataouan[69]. Un de nos canots se brisa en pièces dans le second bordage, ayant abordé dans une chutte. L’on sauva ce qui estoit dedans mais nous eumes des gens blessey extremement dans l’eau ; je fis mettre, dans le canot du capitaine de nos guides, un sauavge qui savoit fort bien le chemin de la baye. Je l’avois loué à Mataouan.

Le seiziesme may nous fumes camper à huit lieues de Mataouan, une lieue audessus du quatriesme portage[70] le chemin en est très mauvais et trois cent pas de long ; le sr de Ste helenne le traina (423).

Le diseptiesme nous montâmes encore en un lieu que l’on nomme le long du saut, qui a deux lieux de long, et est extrêmement difficile pour son grand courant, et est extrêmement difficile pour son grand traîner en cinq ou six endroits. Il y eut des canots crevey et nous campâmes au dessus du dernier rapide[71].

Le dixhuitiesme nous partimes du matin et ne laissâmes pas, nonobstant un orage qui dura presque toute la journée, d’arriver a la maison de mrs. de la compagnie du nord. Elle est dans une isle du lac de Themiskamingue. Cette isle peut avoir demye lieue de tour, et est entre deux rapides, provenant d’une petite rivière nommée Metabec Chouan[72], en sauvage, de laquelle il en sort quelques uns pour venir a la traite. Il y avoit quatorze françois dans cette maison pour la compagnie qui n’eurent pas moins de joie que nous de nostre arrivée, que l’on solemnisa de part et d’autre de plusieurs coups de fusils.

Le dixneufiesme et les deux jours suivans il fist un temps fort facheux. Mrs de ste helenne et d’hyberville l’emploièrent avec mr de St Germain (pour régler) les affaires de la vieille et nouvelle societe des marchandises et peltries qui estoient dans le magasin, où il establit le sr Sibille[73] pour rendre compte de tout à la (423 bis) compagnie. On luy laissa quatre hommes pour faire la traitte, avec très peu de vivres, les sieurs Guillet[74] et Villedieu[75] restèrent la pour (aller) trois jours après a Nepissingue, nation sauvage pour faire faire des canots et les faire descendre au montreal. Quand à nous, nous en traitâmes avec des sauvages que nous trouvâmes proche la maison, pour remplacer ceux que nous avions et que nous laissâmes là, pour estre trop pesans et trop incommodes, pour le reste de nostre voiage, pour lequel je pris si bien mes mesures, qu’il se trouva deux bons canoteurs à chaque canot, pour bien sauter les rapides.

Le vingt deuxiesme il plut une partie de la journée ce qui ne m’empescha pas de m’embarquer après la messe[76] suivi de trois canots pour aller visiter une mine a six lieues de la maison, aiant donné ordre au sr de ste helenne que j’y laissé pour achever d’y régler leurs affaires, de me rejoindre le lendemain avec le reste du detachement, et de tenir dans le lac la route du nord pour m’y rencontrer plus facillement. Je rencontré à deux lieues de la maison trois cabannes sauvages, qui me traitterent un petit canot de quatre place, qui me servi le reste de mon voiage, et pour mon retour a Quebecq. Je fus camper de là, dans une isle[77], le temps ne me permettant pas d’aller plus loin (424).

Le 23me, après la messe nous marchâmes pour aller chercher cette mine, le nommé Coignac (sic) nous conduisoit. Nous rencontrâmes, en le cherchant, une cabanne sauvage dont les gens avoient tué la veille un gros orignal, et qui me donna occasion de camper auprès, afin que Cognac (sic) trouvast la mine plus facilement. Il la chercha inutilement le reste de la journée. Durant ce temps la, les deux lieutenants[78] partirent de la maison pour me venir joindre avec tous nostre monde, mais le gros temps les aiant escartés, les uns prirent au sud, les autres prirent au nord, une partie fut dans des isles, ce qui fut cause que très peu de monde me joignit.

Le vingt quatriesme, il fist tout le jour fort gros vent accompagné de pluie, mais Cognac qui avoit appelle ses idées, m’aiant asseuré qu’il se reconnaissoit et que la mine estoit fort proche, je me mis en canot avec luy, moy nageant devant et luy qui gouvernoit, et ne laissames pas malgre le mauvais temps de gagner le lieu ou il jugeoit qu’elle pouvoit estre. Nous la trouvasmes en effet. Cette mine[79] est si tuée a l’est et ouest, sur le bord du lac ouest, un rocher en demi cercle qui a cinquente pieds sur le bord de L’eau, dix pieds de hauteur du niveau (424 bis) de l’eau, et cent pieds de profondeur, n’y aiant point de terre dessus, se perdant soubz une montagne couverte de de (sic) rochers. Nous en arrachâmes quelque petit morceau fort difficillement et retournames au camp.

Le vingt cinq, nous delogâmes et fûmes dans une isle[80], qui est a une lieue du fond du lac ou mon detachement me rejoignit. Il estoit de fort bonne heure et comme le temps estoit serain je séjourné pour faire secher les vivres qui estoient mouillées. J’achevé aussi les lettres que j’escrivois et les donne a meme temps a Cognac qui partit pour Quebecq. Nous trouvâmes dans cette isle des sauvages qui nous parlerent des anglois, avec qui ils avoient traité l’automne derniere. Il y en eut un qui me promist même de me tracer, sur un ecorce avec du charbon, le plan de leurs forts, mais l’aiant pris au mot il ne fist qu’un grand rond, ce qui me persuada qu’il y avoit de l’ignorance et peut estre encore plus de

malice dans son fait. A midy le sr Lallemend prist hauteur, et trouva 47 degrey et 36 minutes. La nuit fut fort pluvieuse.

Le vingt sixe., je décampé a soleil levant et fîmes la traverse de l’isle, au bout du lac, elle est d’une (420) lieue nous avions le vent devant et nort fort impetueux, mon petit canot dont la petitesse est fort commode dans les portages, mais aussi qui n’estoit pas si propre pour le gros temps aiant esté porté contre une grosse lame m’obligea de relacher. Le P. Silvie et ceux de nos gens qui montoient de petits canots en firent de meme. Le reste avoit pris les devants. La lame ayant un peu baissé nous les rejoignîmes. Ils estoient a l’embouchure d’une petite riviere[81] ou l’on dist la messe apres quoy tous se rembarqua. Il fist une brune fort épaise le reste de la journée. Je fus camper a quatre lieue de cette rivière qui est assey profonde, mais large seulement de cinquente pas ; elle a un peu de courant et il fait très mauvais camper sur les bords, et qui sont embarassey d’une grande quantité de bois renversé et de sapinages.

Le vingt septe., il fist fort froid ce matin, mais la journée fut fort belle. Nous continuâmes aussi nostre route environ trois lieues et demie dans cette rivière, que nous laissâmes à gauche pour entrer dans une petite large de vingt pas.[82] Nous y trouvâmes en une lieue et demie de chemin trois portages, dont le premier est de mil, le second de 250 (435 bis) le troisiesme de 800. Au premier et dernier il y a deux grands costeaux, dont la montée et la descente fatiguent beaucoup ceux qui font portage. Je campé au haut du dernier avec six canots, les autres estant restey derrière, parce qu’il est impossible dans ces portages de decharger et recharger qu’un canot à la fois.[83]

Le vingt huittiesme, le temps fut fort chaud. Je décampé a soleil levant, et mes gens firent quatre portages dont il y en a un fort mechant ; il est de 700 pas, un de nos gens déchargeant son canot laissa tomber dans l’eau son sac a hardes qui coula bas.

Le vingt neuf, nous continuâmes nostre voiage par un fort beau temps et fimes environ trois lieue de chemin ou il y eut quatre portages[84], dont le dernier nous fut fatal par le trop de présomption de quelques uns de nos gens qui, au lieu de faire comme les autres, voulurent monter le rapide. Leur témérité fist faire naufrage a trois canots et mouiller tout ce qui estoit dedans, outre que les canots furent rompus en quelques endroits ; mais par bonheur personne ne fut perdu (426). Les srs de ste helenne, de maricourt et de la noue, qui arrivèrent les derniers de trois canots, manquerent a périr avec tout ce qui estoit dedans le leur, qui coula a fond ; mais estant revenu sur l’eau, ils se sauverent. Il fallut quand a eux regagner terre a la nage, excepté le sr de la noue qui ne sachant pas nager eut plus de peine qu’eux a se tirer d’affaire. Il dessendit le rapide entresné par le courant et se seroit noyé sans des canots, que je fis descendre en diligence pour le secourir, de sorte que ces mrs en furent quittes pour un sac de viende et un de bled qui furent perdus. Ils profitèrent au surplus du beau temps pour se secher en cet endroit ou ils camperent. Cette nuit la le feu courut dans le bois qui nous incomoda beaucoup. Pour moy je continué ma routte et fus coucher plus loin.

Le 30e. de may ceux qui estoient restey derrière me rejoignirent, aiant fait trois portages dans le chemin. Ils travaillèrent un peu pour la halle apres quoy nous nous embarquâmes tous et fîmes dans cette journée en vingt cinq lieues[85] huit portages, au dernier desquels il nous arriva un accident qui n’est pas moins terrible que digne de remarque (426 bis).

Quelques uns de nos derniers canots aiant allumé du feu au rapides precedant, il courut dans le bois avec une impétuosité d’autant plus grande qu’il faisoit un fort grand vent. Les flames qu’il poussoit devant luy ne s’estendoient pas mais gagnoient toujours en longueur dans le bois, au gre du vent qui les chassoit ; elles nous parurent redoutables en ce qu’après avoir brulé le long d’un lac, avec vitesse, que nous avions passé, elles gagnerent l’endrot ou nous estions. Le danger estoit grand, parce que nos gens estoient occupey a faire le portage qui est de quinze cent pas, les uns chargeoient les autres marchoient chargey, une partie revenoit querir ce qui estoit a porter, et en un mot le chemin estoit si rempli d’allans et venans, que je ne scavois le mieux comparer qu’a celuy des fourmis autour de leur fourmilière ; mais nostre malheur parut inevitable lorsque le vent aiant change, poussa effroiablement ces tourbillons de flames dans la longueur de nostre chemin de manière qu’il est aussi difficille d’escrire la peine que l’on eut de s’en garantir que de pouvoir bien exprimer la grandeur et la promptitude d’un si grand feu, qui obligea ceux qui estoient a l’entrée du portage (427) de se jetter dans leurs canots avec les poudres, et tout ce qui pouvoit craindre les approches du feu, qui s’estant mis plus au large a cause du peu de largeur du lac en cet endroit, se couvrirent eux et leurs canots de couvertes mouillées, pour mieux résister aux flames qui passoient le plus souvant sur eux, qui se trouverent engagez dans le milieu du portage. Ils en gagnerent les extrémités avec la dernière diligence, le risque n’y estant pas moins que d’estre brule vif. À mon egard, je me trouvé aux trois quarts du portage avec le P. Silvie, lorsque nous nous vîmes contraints a courir de toutes nos forces au travers le bois tout embrazé, dont le feu nous serra de si près qu’une menche de ma chemise fut brulée par une confusion d’étincelles et de charbons ardans, qui tomboient continuellement. Enfin nous gaignâmes une petite prairie sur le bord de l’eau, où nous trouvâmes que ceux qui avoient acheve le portage. avoient imite ceux de l’autre bout s’estant mis a l’eau dans leurs canots avec tout ce qui ne se pouvoit gaster, jusques au sac de bled d’inde dont tout le détachement vivoit. Nous rencontrâmes une bende (427 bis) de sauvage, en entrant dans la prairie, qui nous aiderent beaucoup a sauver nos hardes et autres choses de l’embarquement. Nous estions dans cette prairie, qui n’avoit au plus que vingt pas de large, enfoncey jusques aux genoux, tant nous avions de précipitation de nous embarquer, ce que nous fîmes dans deux canots qui vinrent nous prendre sur le bord du lac qui n’a pas en cet endroit plus de trente pas de large, le feu y devint si furieux que les flames y pasoient comme un torrant par dessus nos testes, et allumèrent le bois de l’autre bord. C’estoit une chose bien triste de nous voir exposey entre deux si impitoiables elemens, dans des canots qui n’estoient faits que d’ecorce et baraques de bois de cèdres sont extrement combustibles. Il falloit pourtant si tirer d’un si méchant pas, de sorte que, aiant remarque, nous serions plus seures vis a vis l’endroit ou le feu avoit passé, j’y fis aller les cannots qui n’y trouvèrent nul danger, et deux heures après ceux qui estoient restés au bout d’en bas continuèrent leur portage, comme si rien n’avoit arrivé, n’y aiant plus que quelques arbres secs qui bruloient, et les autres estoient tous noirs et depouilley de leurs feuilles[86] ceux qui pourront avoir la curiosité de connoistre la cause de cet embarquement (428) (embrasement) dont le progrey fut si prompt et si subit, scauront que toutes les forests de ce climat ne sont que de cèdres, sapins et bouleau, qui joint a la gomme qu’ils portent en abondence, prennent et entretiennent avec facilité le feu qui si communique. Nous perdîmes un cannot, des pouches de bled d’Inde et quelques fusils. Il y avoit des grenades dans une de ces poches qui ne prirent point feu quoy que la toille du sac fust toute brulée. Apres tant de fatigues nous fumes camper assey pres dela avec des sauvages que nous avions rencontré, qui nous traiterent un canot pour remplacer celuy qui nous avoit esté brulé. Je me croy pourtant obligé de marquer icy une circonstance qui, peut estre, ne déplaira aux supersticieux, qui est que le sr Lallemend prenoit soin de faire la carte de nostre voiage nommant tous les portages du nom des sts suivant le rang qu’ils ont dans les litennies. Il arriva que le portage ou nous essuiames cette inendie écheut sans affectation a st Laurans. Cette observation a este depuis observée et fortifiée par un autre bien déplorable. Je travaillois le 20e 8bre estant de retour à Quebecq, à mettre le journal de mon voiage au net, lorsque estant parvenu (428 bis) a l’article de cet embarquement, j’entendis sonner le toxin, à cause du feu qui avoit pris chez les Révérendes Mères Ursulines, qui brula en moins d’une heure tout leur monastere[87]. Ce qui me donne lieu d’advertir le lecteur de prendre garde au feu en lisant ce passage, s’il en fait lecture à la chandelle.

Le trente unie., et dernier jour du mois, nous partimes et entrâmes dans un petit ruisseau[88] dont l’eau estoit a peine suffisante pour porter nos canots. Nous finies cinq lieues ce jour la et trois portages au dernier desquels je fus ou estoit la separation des eaux, et par conséquent la hauteur de la terre[89] et du monde, que dans ce voiage la mer estoit egallement basses aux costes du Canada et de la baye du nord, et la terre estant elevée comme un demy cercle, et a mesure que l’on montoit les rivieres du costé du canada, l’on trouvoit des rapides et chutes d’eaux et cascades qui sont comme autant de degrey pour monter sur la hauteur de la terre et qui, servant d’écluses naturelles, font que de distence en distence l’eau est facile a naviguer. c’est aussi ce qui donne lieu a tous les portages (429) que l’on fait dans les voiages, mais lorsque on est parvenu a cette hauteur, ce n’est qu’un paie de rochers tout rempli de lacs, les terres estant partout assey belles a cinqte lieues en deça de la hauteur de la terre. J’observé encore deux choses la première que les lacs cessoient de couler a ce portage du costé de Qnebecq, et se dechargeoient dans la baye du nord, en y dessendant par pareilles cascades, la seconde, qu’il y a une hauteur de terre qui regne en ce paie la, qui fait que toutes les rivieres sont par cascades comme je l’ay observé c’y dessus. Apres toutes ces remarques, je fus camper a une lieue dans le lac ou tout le monde ne se rendit que le lendemain.

Le premier jour de juin, le reste de nos gens arriva et le temps s’estant mis au calme, nous nous mîmes en route sur le dix heures du matin et traversâmes le lac[90], qui a cinq lieux d’un portage a l’autre. Je m’arresté a des sauvages, que je trouvé cabanes dans le coin d’une petite baye, et en pris deux gré a gré que je distribué parmi nous pour servir de guides, ne pouvant la plus part du (429 bis) temps aller tous ensemble, à cause de la bort difficille des portages. Nous en fimes quatre cette journée la, qui ne sont qu’a une portée de fusil les uns des autres, et traversés par de petits lacs[91]. Je fus camper au bas du quatriesme.

Le deuxie., je escampé après la messe, et fimes, ce jour la, qui fut fort beau, neuf lieues, et deux portages. Nous traversâmes un grand lac[92], fort agréable par l’objet de quatre isles qu’il renferme, et arrivâmes au giste celuy des abitibi. Je fus camper dans une praierie, sur la droitte, en entrant, et comme il estoit de bonne heure j’allé visiter un endroit qui est tout proche, dont je trouve la situation fort propre a bastir un fort. Ce que je fis suivant mes ordres.

Le troisie. & les deux jours suivants, je fis construire le fort[93], sur une petite eminence qui est élevée du niveau de l’eau de vingt trois pieds. Il est de pieux et flanqué de quatre petits bastions, je m’applique ensuitte a faire représenter la forme des fortifications (430) des Anglais. Je me servi, a cet effet, de picquets et de cordeaux n’aiant pu trouver de terrain propre pour ce subjet dans mon voiage. Je fis apres cela mes detachemens. fist mettre les officiers a la list, et fit voir a chacun ce qu’il y avoit a faire, leur commendant de si bien se souvenir de ce que je leur disois, lorsque nous irions a une attaque plus serieuse. L’evennement m’a fait voir que cet exercice n’avoit pas esté inutille.

Le sixie. je laissé le sr. de Cerry[94] pour commender dans le fort, et luy donné trois hommes. Je partis ensuitte a soleil levant et fis cabanner au dessous du détroit de st Germain, dans la grande isle, dont il y a quentité dans le lac qui est fort beau. Nostre journée fut d’unze lieues, elle fut aussi très belle[95].

Le septe. juin, il fist un gros vent qui n’empescha pas la traversée du lac que nous fimes, qui a une lieue de large en cet endroit. Nous fimes pareillement deux portages, pour traverser une pointe du même lac (430 bis), et racourcir notre chemin. Ces deux portages dont le premier est de soixante pas, et l’autre, de deux cents, sont causés par un petit lac qui se trouve au milieu de la traversée de cette pointe, dont les eaux sont extrement cleres. Nous fîmes encore cette journée une autre traversée de deux lieues, pour aller gaigner l’embourchure de la rivière[96] qui descend aux Anglois, ou nous fumes camper.

Le huittie. il fist beau temps et nostre journée fut de quinze lieues, dans lesquelles nous trouvâmes quatre portages et plusieurs rapides qu’il faillut sauter[97].

Le neufvie. nous partimse des le matin et fimes dans la journée qui fut assez belle dix lieues et un portage d’une demie lieue ou pres s’en faut[98]. Le dixie. nous fimes six lieues et un portage ou trainage qui fut funeste a un de nos meilleurs hommes, nommé Noel Leblanc[99]. Il se noia en voulant sauter la chute, avec sr d’hyberville, dans le canot duquel il estoit. Le canot s’estant empli, peut estre parce que il estoit trop chargé (431), un recroc de bouillon, en jetta hors ledit Noel leblanc qui ne sachant pas nager coula bas sans que depuis on l’ait reveu. Quand au sr d’hyberville, qui estoit sur le devant du canot qui par sa longueur l’avoit fait passer ce mechant endroit, il nagea jusques a ce que les canots que je depesche promptement a son secours y fussent arrivey, pendant lequel temps celuy du sr d’hyberville estant revenu sur l’eau sans dessus dessous, ceux que j’y avois renvoié le ramenèrent avec le sr d’hyberville qui y perdit fusils hardes et presque tous les vivres. Je leur donné des miennes à la place : scavoir un sac de pois 20 lbs de ris, une pouche de galette, et quelques autres bagatelles. A midy le sr Lallemand prist hauteur et a trouvé 49 degrey 30 minutes.

L’unzie. je partis a soleil levant. Nostre journée fut d’unze lieues dans lesquelles nous fimes trois portages, dont le premier est de 300 pas, le second, de 250. Ils sont fort près apres les uns des autres. Le sieur l’allemand prit hauteur et trouva 49 degrey 5 minutes[100].

Le douzie. nous ne fimes qu’une lieue a cause d’un portage de deux mil huit cents pas qu’il nous faillut (431 bis) faire. Il est très mauvaias pour les montagnes et fonceaux qui s’y rencontrent, tous couvers de bois renversey ms de ste helenne et d’hyberville jetterent leurs canots alegés par les chutes, et en conduisoint six autres. Nous ne pûmes aller camper qu’a un quart de lieue au dessous de ce portage[101].

Le treizie. de juin, il tomba un demi pied de neige. Nous ne fimes qu’une lieue et deux portages[102], dont le premier est de 100 pas, et le second de deux cents. Nous campames au dernier, pendant que le capitaine des guides fut reconnoistre l’endroit du portage qu’il disoit estre proche de la. Il le trouva et s’en revint au camp où nous passâmes la nuit, qui fut fort froide.

Le quatorzie. au matin, le vent s’estant appaise et le temps s’estant remis au beau nous fimes un demi quart de lieue, pour trouver le portage[103] qui estoit fort petit, au bout duquel n’y ayant qu’une anse a traverser l’on voioit l’entree du grand[104], qui a deux lieux de long. Il est tres mauvais, a cause des montées qui y sont fort frequentes et fort embarassées de quentite de bois abatus, y aiant meme en quelques endroits des molieres dans lesquelles on enfonce jusques au genoul. Quelque terreur panique aiant saisi les deux sauvages (432) que j’avois pris pour guides, ils s’en allerent, comme on dit, sans dire adieu, mais aussi sans rien emporter. Ce jour la, il y eut quentite de nos gens qui ne peurent pas faire leur portage.

Le quinzie. je pris le devant de bonne heure avec dix canots, et fis ce jour la cinq lieux, au bout des quelles je trouve un portage[105] de 1 200 pas qu’il faillut faire. Je campé ensuite au commendem.t d’un autre qui est a une lieue de ce dernier.

Le seixie. le père Silvie dit la messe, et marchames ensuitte. Nous y fimes quatre portages[106], entre lesquels sont presque tous rapides, le premier est de mil pas, le second, de 1500. Je campé a ce dernier pour attendre tous nos gens qui s’y rendirent le même jour. Il plut un peu sure le soir. Il faut encore remarquer que la plus part des derniers canots jetterent (sic) le dernier portage.

Le dix septie. Il fist assez beau temps, et nostre journée fut de dix sept lieux. La pluie qui survint sur le soir m’empescha d’aller plus loin. Je campé dans un lieu rempli de gros bois despinettes et de tremble[107].

Le dix huitie. nostre guide m’asseura que nous n’estions pas loin de ce que nous cherchions. Je (432 bis) séjourné pour me servir de la commodité de ce lieu où il y avoit de gros bois qui m’estoient nécessaires, pour me préparer à l’attaque du premier fort. J’en fis faire des madriers pour couvrir en tout cas le mineur et plusieurs pilles. Je me servis des ecorces d’epinettes pour mes gabions et facines que je ne peu pas faire le brenchage comme en trope, a cause de la difficulté qu’il y avoit eue de les voiturer dans nos canots, l’ecorce estant plus portative d’ailleurs, moins embarassente, et aussi utile. J’adjousté à tout cela quatre échelles pour servir au besoin.

Le dix neufv.e je décampé de bonne heure et fis six lieues dans la matinée pour venir jusques a la fourche de Monsipy[108], d’où j’envoie a la découverte les srs d’hyberville et de st Germain, accompagney d’un homme de nostre detachement, et me tint coy dans une pointe d’isle, que nous ne quittâmes que sur le soir pour les joindre, ou les attendre ou ils devoient avoir posé une marque, comme je leur avois ordonné. Nous marchâmes jusques a la nuit sans en trouver, lorsqu’estant pres de la cabenne pour attendre le jour, nous vîmes un feu à nostre gauche. Nous gaignâmes terre et y trouvâmes celuy qui avoit accompaigné nos decouvreurs, qui nous dist (433) qu’il falloit dessendre plus bas, ce que nous fimes, avec d’autant plus de peine qu’il nous faillut sauter deux rapides, ou plus de la moitié de nos canots echouerent, sans neanmoins aucun dommage. Quoy qu’il fist bien noir nous fumes a une isle, ou l’homme qui avoit fait le feu cy dessus nous avoit asseurey que nous devions trouver nos decouvreurs. Cependant nous n’y trouvâmes personne et le jour approchant nous obligea de nous retirer dans un cul de sac de peur d’estre decouverts, ou nous passâmes la journée.

Le vingtie je fis arrester un canot ou estoient deux sauvages qui venoient des Anglois. Je les interrogé soigneusement, tant sur la situation des forts que sur d’autres circonstances que je voulois scavoir, et les ayant regaley de bled d’inde. Ils parurent fort contens et nous temoignèrent a leur maniere la joie qu’ils sentoient de voir les françois dans leur paie. Il est vray que la conjoncture nous estoient d’autant plus favorable que le gouverneur de quichichoanne[109], qui commendoit aussi autres forts, dont les commandans se reconnoissoient avoir depuis peu donné des coups de baston a un sauvage, dont la disgrace estoit tres sensible à tous les autres, qui avoient conceu une haine mortelle contre les anglois. Pour ces deux sauvages, ils me parurent si iritey, qu’ils vouloient a toute force venir avec moy pour se battre, disoient ils, contre cette nation qui les avoit (433 bis) si maltraites. Je les remercie d’une maniere a ne leur donner aucun soupçon de la mefiance que j’avois d’eux, et les congédiant civillement, je leur fis dire avec beaucoup de douceur qu’ils pouvoient venir le lendemain, en asseurence, traiter avec nous des marchandises des anglois dont nous allions nous rendre maistres. Je ne jugé pas apropos de les mener avec moy, dans la crainte ou j’estois que se derobant la nuit, ils ne fussent advertir les anglois de mon arrivée, le sr d’hyberville qui nous estoit venu joindre m’aiant dit qu’il estoit temps de marcher, je les fis partir, quand a moy, eux d’un costé et moy de l’autre. Nous passames la nuit sur l’eau qui nous parut fort longue, dans l’impatience ou tout le monde estoit de se voir aux mains avec les Anglois. Au petit jour, nous mimes pied a terre dans une isle, a une demi lieue de leur fort, ou nous trouvâmes le sr de St-Germain qui avoit passé la journée précédente sans menger, pour decouvrir, et pour me rendre compte de la maniere dont il estoit construit, et de ce qu’il leur avoit veu faire dans cette isle. Il me dist que leur bastiment qui avoit appareille la veille, des le matin, estoit mouillé a une lieue et demie plus bas que le fort qui avoit tiré a son départ plusieurs coups de canon, dont il avoit respondu a ceux dont ce vaisseau l’avoit salué. Cet advis joint a la proximité de l’ennemi m’obligea de faire poser un corps de garde pour la sureté de mes canots, ou je laissé le P. Silvie avec dix hommes, y compris les deux chyrurgiens. Après cela je m’applique entierement a disposer l’attaque que je meditois (434) faire de ce poste dont j’ay jugé le plan nécessaire pour donner au lecteur une idée plus parfaitte de l’action que je vais decrire.

Ce fort est composé de grosses palissades qui, sortant de terre de la hauteur de dix sept a 18 pieds, forment quatre courtines dont chaque face est de cent trente pieds. Elles sont flanquées d’autant de bastions, dont le terre plain est soustenu de deux rangs de gros pieuds entrelassey, d’espace en espace, de madriers, qui les traversans d’un rang a l’autre, semble lier & rafermir la terre qu’ils renferment, et tiennent hors d’estat de pouvoir s’ébouler. Ils estoient fort bien munis de canons. Les deux qui regardent la rivière estant percey pour trois pieces, qui paroissoient effectivement hors de leur embrasures, scavoir un a châque flan, pour deffendre la courtine et l’autre, a la face du bastion, et deux qui regardoient le desert, qui est autour du fort, de vingt arpans ou environ, qui portoient six a sept livres de balles. Les embrasures estoient fort proprement faites, en sorte qu’il eût esté impossible de glisser aucun coup de fusil le long de la piece, à cause d’une coulisse qui les joignoit et qui se retiroit avec facilité, lors qu’il la failloit manier. Voila l’exterieur de la place, qui en renfermoit une grande et une redoute au milieu, composée de trois étages, et bastie de pieces sur pieces, une terrasse au dessus faites de plenches & solives, garnie de son parapet (434 bis) qui avoit a chaque face, quatre embrasures faite en forme des abords, dans lesquelles paroissoit seulement quatre pieces de canons, dont il y en avoit trois de deux livres et un de fonte, de huit, qui pouvoient battre en cavalier tous les environs du fort, dont la principale entrée estoit dans le milieu de la courtine qui fait face a la riviere, fermée d’une porte epaisse de demi pied, renforcée de clous et grosses pentures et traversées de barre de fert, y aiant encore une fausse porte dans la courtine qui regarde le bois[110]. Revenons a nostre attaque que je disposé de la sorte. Je commende d’abord du monde pour aller quérir deux canots, dont l’un portoit des pics, pelles, pioches, echelles et madriers, et l’autre, le bellier que j’avois fait faire, avec ordre de suivre les detachements qui marchoient le long de l’eau, dont la grève est fort belle a marée basse, et dont on ne peut estre incommode du fort, qui n’estoit qu’a trente pas. Je détache les srs de ste helenne et d’hyberville avec dix huit hommes pour aller insulter les flancs qui deffendoient la courtine qui fait face au bois, et ordonné le nomme la liberté[111] avec six autres, pour faire une fauce attaque, luy enjoignant de mettre trois de ses hommes a chaque flanc de la courtine de main droite du fort, dont l’un des trois couperoit la palisade, et les deux autres tireroient continuellement dans les (435) embrasures, pour incommoder ceux qui maniroient les pièces. A mon égard, je fis trois detachements de tout ce qui me restoit, et me le reservé pour mon attaque qui devoit estre la principalle attaque. Chaque detachement avoit a sa teste un sergent, à deux desquels j’ordonne de faire le plus grand feu qu’il seroit possible aux courtines et aux flancs pour (empêcher) le canon de l’ennemi de luy servir et de nous nuire, et commendé au troisiesme de faire venir le bellier et d’enfoncer la porte, pendant que je me tenois occupé a animer nos gens et a donner des ordres nécessaires en pareilles occasions. Sur cette entrefaitte le sr de ste helenne vint me demender s’il sauteroit par dessus la palisade ; je luy repondis que quand on donnoit des ordres pour attaquer et prendre une place, il n’importoit pas de quelle manière on y entroit, pourvu que l’on s’en rendre maistre, ce qu’il interpreta si bien qu’il frenchit en un moment apres, la palisade, l’espée a la main, suivi des srs d’hyberville, maricourt, la noüe et l’allemend et de cinq ou six autres qui seuls en purent faire autant de leur detachement. Ils entrèrent ainsi bravement dans le fort, s’emparerent du canon et ouvrirent la fausse porte qui n’estoit pas fermée a la clef. J’avois pendant ce temps la, envoié querir le bellier, et allant d’un poste (435 bis) a l’autre je prenois garde exactement a ce que l’on executast régulièrement ce que j’avois ordonné. Je visite entre autre celuy du sergent laliberté auquel je dois ainsi qu’a tous les autres le temoignage de leur avoir vue vigoureusement faire leur devoir. Le bellier arrivé, je fis enfoncer la porte du fort durant lequel exercice il arriva que mes gens qui foisoient feu par tous les endroits qui le pouvoient permettre, firent une decharge au travers des palisades sur le detachement des srs de ste helenne et d’hyberville qu’ils crurent estre les Anglois qui se renvoient pour se deffendre. Il y eut un de nos gens qui porta la peine de cette meprise par une blessure qu’il reçut dans les reins. J’entre, dans ce temps la, dans le fort, accompagne de tous mes gens a qui je fis faire un feu continuel dans les sabords, fenestres et autres ouvertures de la redoute, m’occupant, dans cette intervalle, a faire retirer de son embrasement une piece de canon qui estoit a la face du bastion de main droite, pour la tourner contre la redoute. Mais, je fus bien surpris lorsque voulant voir si elle estoit chargée, je ne trouve rien dedans et aucuns boulets dont je puisse me servir, ce qui aurat été reparé par la diligence que nos gens apporterent a enfoncer la porte, lorsque nostre interprette Anglois m’advertit qu’ils demandoient quartier (436). J’eu pour lors, beaucoup de peine a arrester la fougue de nos Canadiens qui, faisans de grands cris a la façon des sauvages, ne demendoient qu’a jouer des couteaux. J’en vins a bout a la fin, et fis crier par mon interprete aux Anglois qu’ils eussent a se rendre, et qu’il y avoit bon quartier. L’un d’entre eux envoia l’interprete promener et termes bien insolens, adjoustant qu’il vouloit se battre et en effect voulut pointer un bastion sur nous, ce qui l’obligeant de se decouvrir un peu trop, il reçut un coup de fusil dans la teste qui le renversa mort sur la place. Il y en a qui attribuent ce coup a mr de ste helenne qui est en réputation d’estre un bon tireur. Cependant comme j’avois fait redoubler l’attaque et fait continuer le feu de toutes parts, ils crierent quartier tout de nouveau, mais le bellier avoit desja mis la porte dedans, aiant jetté une maniere de tembour par terre. Le sr d’hyberville s’y jetta incontinant, l’espée en une main et le fusil en l’autre, lorsqu’un anglois referma la porte, qui tenoit encore a ses pentures et empescha ensuitte que le reste ne suivit le sr d’hyberville qui, chamaillant hardimant de son epée sur tout ce qui se presentoit, blessa quelques Anglois au visage et lacha son coup de fusil dans un escalier ou il entendit du bruit. Cependant qu’un autre coup de bellier aiant entièrement enfoncé la porte, tous nos gens entrèrent (436 bis) l’epée a la main, et trouverent les Anglois tous en chemises, et ne s’attendoient nullement a une pareille camisade. C’est ainsi que nous nous emparâmes de la place sur ces messieurs, dont la negligence fut si grande qu’ils n’avoient ny garde, ny sentinelle que des matins, qui n’estoient de nulle consequence a leur egard, en ce que des sauvages passant par la de jour et de nuit, les chiens, aboiant a tout moment, faisoit que les Anglois ne prenoient aucune alarme, et mr de ste helenne m’avoit desja asseuré qu’il avoit trouvé si peu d’obstacles a sa decouverte, qu’il avoit eu tout le temps de sonder avec la baguette de son fusil les canons du fort pour voir s’ils estoient chargey, ce qui joint au peu ou au point de resistence que nous trouvame, marque bien le peu de valleur de cette nation si elle n’est aguerrie. Je les fis incontinant rabiller et enfermer dans une cave, ou je les tins une demie journée, pendant laquelle je pris connoissence de toutes choses, aiant d’abord commencé par l’etablissement d’un corps de garde et fait poser des sentinelles par tout ou je jugé necessaire. J’envoié ensuitte querir le R. P. Silvie, et commende qu’on amenâst les canots avec leurs gardes que je rappellé. Apres quoy je fis travailler en diligence nostre forgeron a recommoder toutes les pentures et a remetre toutes choses en estat. Il se servit a cet effet de la forge qui estoit hors le (437) fort ; aussi tost tout, fut il, reparé dans la journée. Il ne reste plus a present a adjouter a la description que j’ay faite du fort, la forge qui est dehors et un grand magasin avec une cuisine qui sont placey entre la premiere enceinte et la redoute, soubz laquelle le mineur avoit desja fait un trou assey suffisant pour y placer un baril de poudre de 50 l. pour la faire sauter, s’ils eussent voulu resister. Au reste les srs de maricourt et lallemend, la noüe, de la Chevallerie[112] et de st. Denis y ont fort bien fait. Ils estoient du detachement commende par les srs de ste helenne et d’hyberville, qui furent aussi parfaitement bien secondey de tous les autres Canadiens. Le fort fut pris en demie heure de temps, avec dix sept Anglois qui estoient dedans, que je fis tirer de la cave ou je les avois mis et leur donné une prison a la quelle ils ne s’attendoient pas. Il y avoit hors du fort environ a quinze pas de la pointe d’un bastion un vieil bastiment nommé la ste. Anne qui avoit esté autres fois aux françois. Il estoit du port de trois cents tonneaux et avoit esté mis la pour en oster ce que l’on trouveroit de meilleur et bruler le reste. L’estant allé visiter il me parut fort propre pour servir de prison a mes Anglois dont j’estois bien aise de demeubler le fort. J’y fis faire a cet effect sur les ecoutils (437 bis) de forts callibotit (?) et tiré ce meme jour ces messieurs de la cave ou ils estoient, pour les mettre plus saichement la dedans, avec une bonne sentinelle sur le pont, qui avoit jour et nuit correspondence avec celles des bastions et de la platte forme de la redoute.

Les vingt un, 22, 23 et 24, je visité tout le fort où je trouve tres peu de vivres, et balence longt temps a me resoudre lequel des deux forts qui me restoient j’irois attaquer. J’avois deux raisons a combattre : d’un costé les anglois que j’avois pris masseuroient que l’on faisoit ny guet, ny garde, au fort Rupert qui estoit a 40 lieues de chemin tres difficile, de celuy que nous avions pris, qu’il y avoit encore moins de vivres que ou nous estions, et que le bastiment dont j’ay parlé y en portoit tres peu. D’autre costé il n’y avoit trente lieues au fort de Quichichouanne ou les vivres estoient en abondence, mais aussi la garde y estoit fort exacte et la place tres bien munie et fortifiée, y aiant trente bons hommes et vingt cinq pieces de canon, joint que le bastiment qui ne devoit pas sejourner au fort Rupert devoit aller mouiller devant Quichichouanne, dont la prise devenoit pour lors impossible, n’aiant point de chalouppe suffisente pour le transport du canon qui m’estoit (438) absolument nécessaire dans cette occasion. Il est bien vray que le sr. Lallemend m’offrit d’en faire construire un double, mais les vivres me menquoient. Je me determine a l’attaque du fort Rupert que j’esperois enlever avec le bastiment qui y moulloit, pour m’en servir avec succey contre celuy de Quichichouanne, donnant ordre neantmoins pour la construction d’une double chaloupe, n’estant pas seur d’enlever ce bastiment. Ma resolution estant prise, je commende soixante bon hommes, laissant le surplus dans le fort que j’avois pris, soubz le commendement du sr. de st. Germain qui ne sachant pas le chemin plus loin, donna un sauvage du lieu pour nous conduire. Je leur fis distribuer des vivres autant que je le pouvois, et des canots tant pour leur usage que pour porter pics, pioches, pelles et autres munitions necessaires, outre deux petits canons sans affuts pour nous en servir dans le besoin. Je prie apres cela le R. P. Silvie de rester au fort pour se rafraichir, et parti le 25 avec mrs. de ste. helenne et d’hyberville suivi de nos gens bien deliberey pour aller a la riviere Rupert. Je fus camper a l’embouchure de celle de Monsipi. Elle est a cinq lieues de nostre fort, et estant pres d’arriver au camp deux de nos gens se battans dans leur canot le firent tourner. Par malheur il portoit nos boulets nos grenades qui nous obligea d’attendre le lendemain jusques a midy pour le retirer a basse marée. De la nous fumes camper a l’entrée de la baye des oucaouons[113] qui a cinq lieues de traverse (438 bis).

Le vingt sept et le jour suivant nous séjournames a cause d’un grand vent qui venant du large nous empescha de faire cette traverse nous eumes aussi froid qu’en plain hiver.

Le 29 des le matin, le vent estant diminué nous fimes la traverse, dans laquelle nous trouvames des glaces deux lieues devant. Nous dinâmes a terre, et nous estant remis en canot nous en rencontrâmes quatre de sauvages, qui paroissoient surpris de nous voir en si grand nombre, voulurent se mettre en deffence. Ils nous prenoient pour des Iroquois mais s’estant desabusey, ils furent joieux de rencontrer des françois. Ils nous dirent qu’ils venoient de faire la guerre aux Esquimos, qu’ils avoient veu les Anglois a la rivière Rupert, qu’il y avoit un bastiment moullé a une pointe de quatre lieues de là, dont le sr. de Briquienne[114] estoit parti en chaloupe, accompagné de quatre hommes, aller au fort qui en estoit a trois, et me repondirent sur la demande que je leur fis que les anglois ne scavoient nullement nostre arrivée dans leur riviere, qu’il estoit bien vrai qu’ils s’y fortifioient mais que c’estoit contre les iroquois contre qui ils vouloient les maintenir. Apres tout cet adveu, je fus camper dans un bel endroit ou ils me montrerent, et je les interrogé plus emplement et defendis de tirer aucun coup de fusil (439).

Le trentie. je partis de bon matin pour faire une traverse de trois lieue, au bout de laquelle nous decouvrimes le vaisseau qui appareilloit du bout dans une pointe[115]. Il faisoit sa route au travers des glaces, et nous pareillement dans nos canots, a deux desquels je fis prendre le devant avec ordre de ne s’y pas trop decouvrir. Pour moy je les suivois me couvrant, le plus que je pouvois, des glaces au travers desquelles nous marchions. Nous arrivâmes ainsi a une pointe dont on voit l’entree de la riviere rupert, et la nuit estant venue qui nous deroba la veue du vaisseau, nous campames a cette pointe que les anglois nomment Confort[116].

Le premier juillet nous marchames depuis le matin jusques à dix heures que nous fumes obligez d’attendre la nuit, pour pouvoir doubler une pointe, ce que nous ne pouvions pas faire pendant le jour sans courir risque d’estre veus du fort. Je fis, pendant tout ce temps la, preparer toutes choses et envoie le sr. de ste. helenne a la decouverte, qui mena avec luy deux françois et le sauvage qui nous servoit de guide. Il fut avec eux a une petite rivière[117] qui est environ une lieue du fort, où il laissa son canot, un françois, et un sauvage pour nous attendre et fut avec l’autre passer la nuit autour du fort, pour decouvrir et observer les demarches de ceux de dedans. Pour nous, arrivâmes a l’entrée de la nuit a l’endroit ou il avoit laissé son canot ou je campé.

Le deuxie. le sr. de ste helenne estant revenu de sa decouverte sur les huit heures du matin, m’assura que le bastiment estoit moulle devant le fort a une demie portée (439 bis) de pistolet de terre, que le fort estoit un carré flanqué de quatre bastions presque semblables au precedant, excepté qu’il n’y paroist point de canon, qu’il renfermoit aussi une redoute de pareille construction que l’autre, a la reserve que celle cy estoit couverte d’un toit plat au lieu de terrasse et sans aucun parapet, et qu’elle n’estoit pas directement située dans le milieu de l’encente. Le sr. de ste. helenne adjoutant qu’elle estoit fortifiée de quatre petits bastions qui, estant enlevez de terre de la hauteur d’un homme, estoient soustenus par des pieces de bois qui sortoient hors du corps de la redoute, ce qui aproche bien plus d’une guerite que d’un bastion, dans chacun desquels paroissoient deux pieces de canon, qu’il y avoit aussi une echelle appuiée contre le haut de cette redoute de peur du feu, et un petit corps de bastiment, à l’autre bout de la place, ou paroissoit une cheminée qui fumoit, et qui n’avoit dans toute sa decouverte apperçeu aucun garde, ny sentinelle, tant au fort que sur le vaisseau. Après un raport si bien circonstencié je m’occupe le reste du jour a disposer toutes choses par les attaques que j’avois dessein de faire ensuitte, de quoy je donné au sr. d’hyberville le choix dans tout le detachement de treize hommes, luy faisant le quatorze, pour aller dans deux canots, présenter le coste au bastiment anglois et s’en saisir, devant estre soustenu (440) d’un autre detachement conduit par un sergeant, qui devoit du bord de l’eau faire feu sur tous ceux qui auroient peu paroistre sur le pont de ce navire. Voilà sa part. A l’egard du fort, je mis mr. de ste. helenne a la teste du detachement que j’a vois destiné pour en faire l’attaque. Ils en dévoient enfoncer la porte a coups de bellier, pendant que je serois a la teste du reste de nos gens que j’avois fait mettre en bataille. Pour les soustenir, j’avais mes deux petites pieces de canon en bon estat, et ce qui est de meilleur tous nos gens fort animez. La nuit estant venue nous marchames tous dans l’ordre que j’avois prescrit, et d’autant plus diligament qu’il n’y a presque point de nuit en ce paie la, dans lequel nous avons remarque lorsqu’il faisoit serain que l’aurore commençoit a paroistre que le soleil couchant paroissait encore.

Le troisie. juillet, nous mimes pied a terre a la pointe du jour et fist a l’instant avencer quatre canots, deux desquels portoient les gens destinez pour l’attaque du bastiment & les outils necessaire pour la prise de la place, que je fis (440 bis) decharger a meme temps. J’ordonne ensuitte que l’on marchast ce qui fut fait avec tout l’ordre imaginable. Nous suivions le bord de l’eau dans un profond silence, jusques a ce qu’estant arrivez tout proche, je fis faire halte au detachement de terre pour commender aux deux canots d’aller prendre le bastiment, vers lequel je les vis partir aussi tost avec beaucoup de fierete. Comme j’avois tousjours en dessein de faire mes deux attaques en même temps, je fis marcher droit au fort dans lequel j’entré a la teste de mon detachement, apres en avoir fait enfoncer la porte a coups de bellier. Je commendé aussi tost un grenadier et un bucheur, pour jetter des grenades par les ouvertures et pour en faire de nouvelles, et ordonne de faire un feu continuel par tout les fenestre, embrasure et meurtrières, ce qui fut fait, pendant que mon grenadier estant monté sur le haut de la redoute par l’echelle qui y estoit apuiee, ramonna si bien avec ses grenades la cheminée d’un peole dont le tuiau paroissoit, qu’il en creva. Le poisle fut rompu en morceaux, et une femme qui voulut se sauver dans une autre chambre fut blessée au costé d’un eclat. Durant cette execution, mes gens tiroient continuellement et pour rendre la musique meilleure, je voulu y mesler mes deux canons qui, faissant la basse, percerent a jour la porte de la redoute, contre laquelle je les avois fait pointer. Le mineur d’un autre costé estoit prest de nous donner un plat de son métier, lorsque les anglois crierent cartier. Je commendé aussi tost que l’on cessast de tirer et en ayant fait faire silence, je leur fis dire qu’ils eussent à se rendre et qu’il y avoit bon quartier, a quoy aiant obei celuy qui commendoit m’aborda en (441) tremblant, et me prist par le bras, comme estans en seureté avec moy. Je le mené en cette posture a l’entrée du fort ou je l’interrogé sur ce que je voulois scavoir, dans le temps que le sr. de ste. helenne et nos gens s’emparoient du fort et de ceux qui le gardoient, au nombre de trente homme, y compris néantmoins ceux du navire et d’autres qui estoient allé querir du bois, et tacher a sauver le castor qui avoit passé l’hyver sous les voiles d’un vaisseau qui avoit fait naufrage, l’année dernière. Comme j’entretenois ce commendant qui ecorchoit un mechand francois, il me dist de nous retirer de peur du feu du vaisseau dont il ne scavoit pas la prise, qui l’estonna lorsque je luy en eu donné l’advis. Apres cela, je rentray dans la place dont je fis sortir les Anglois qu’on avoit desarmés, et les envoié a fond de cal à un jak, du port de trente cinq a quarente tonneaux, qui estoit échoué pres du fort et sans agrey. Je leur fis donner des vivres avec leurs couvertes et hardes, et de peur des esprits, un bon corps de garde, ainsi qu’au fort et sur le navire dont voicy la prise.

Les deux canots, que j’avois destines pour prendre le bastiment, estants partis dans la resolution que j’ay marquée cy-dessus. Le sr. d’hyberville qui en commendoit un l’aborda du costé de tribort, ou ayant rencontré (441 bis) la chaloupe cela l’empescha de monter sur le pont. Ils ny trouverent pour toute garde qu’un homme, envelopé dans sa couverte, qui dormoit tranquillement. Le reste des gens de ce vaisseau en faisoient autant dans le lit, ne s’attendant nullement a ce reveil matin. Nos gens aiant donne deux ou trois coups de pied sur le pont pour l’eveiller, celuy qui dormoit dessus se leva en sursaut, et s’estant mis en deffence obligea un des nostres de le tuer d’un coup de fusil. Au bruit, un de ceux qui estoient dans la chambre voulant monter sur le pont, le sr. d’hyberville l’en empescha et luy donna un coup de sabre sur la teste, ce que n’arresta pas son opiniatreté. Il appella ses compagnons a son secours, et faisant tous ses efforts pour monter il en fut arrester tout court par un coup du meme sabre au travers du corps. Pendant ce temps la, nos gens avoient fait des ouvertures avec des haches dans la chambre, dans laquelle ils firent pleuvoir une gresle de coups de fusil, dont quelques anglois se sentant blésez, ils demanderent tous quartier. On les fist dessendre au moment au fond de calle. Ainsi on s’assura de ce bastiment ou estoient entre autre le sr. Brigneul (Bridgar) qui commenda au fort de Monssipy et qui devoit cette année relever le gouverneur de Quichichouanne que l’on rappelloit, estoit destiné pour estre general du fond de la baye. Il avoit avec luy le capitaine omoltas[118] qui estoit arrivé dans (442) dans la baye l’année dernière, dans un vaisseau de douze pieces de canon qui commendoit, et qui aiant peri en s’en retournant, obligea les gens qui estoient dedans de se sauver en chaloupe au fort Rupert, ou ils avoient hyverne, du nombre desquelles estoit cette femme, qui fut blessée d’un morceau de la grenade, a la prise de ce fort, laquelle estoit venue en le paie pour tenir compagnie a la femme du gouverneur de Quichicouanne, de qui elle estoit amie. Voila quel fut le succez de ces deux entreprises. Revenons au fort.

Le quatrieme et jours suivants, jusques au neuf, je fis charger le navire de tout ce qui estoit dans le fort. J’y mis entre autres choses cinq pieces de canon de fert, que j’y avois trouvé, les trois autres n’estant que de bois, que je fis bruler aussi bien que la redoute & couper la palissade du fort dont je ne conservé que la cuisine, pour y pouvoir par la suite faire une tente d’esté. Il y avoit, parmi nos prisonniers anglois, deux charpentiers qui doivent avant leur arrivée radoubler le jak dont j’ay parlé, et le mettre en estat de naviguer. Je leur donné tous les outils de quoy ils avoient besoin pour le faire avec des vivres pour tous les autres, que je laissé la, leur enjoignant de travailler diligament a cette besogne parce que lorsque (442 bis) j’aurois pris Quiquichouan, je leur renvoirois des vivres et des agrez pour s’en retourner dedans. Quelques sauvages qui estoient dessendus de nimisco pour venir traiter aux anglois, furent fort surpris de nous voir les maîtres du fort, et se chargerent d’une lettre pour le Canada, et ensuitte je partis pour m’en retourner au premier fort avec le sr. Briginel[119], que j’emmené avec moy, aiant laissé le capitaine onultas (Outlaw) sur le bastiment, que je donné ordre de m’amener au plus tost.

Le 9e. et jours suivans, furent employez pour mon retour au premier fort. Je pensé perir dans mon voiage. Je patis tout ce qui se peut. J’avois donné ordre a mr. de ste helenne de venir en canot avec moy, nonobstant quoy il resta sur le bastiment pour ecrire quelques lettres, conjointement avec le sr. d’hyberville, son frère, et soubz pretexte d’indisposition se rend au fort avec le bastiment, au lieu de me joindre, comme je lui avois dit. Cela me prejudicia, d’autant plus que je me serois servi d’une bousolle qu’il avoit, au deffaut de laquelle je faillis a me perdre. Car m’estant mis a faire une traverse de cinq lieues[120] dont j’ay parlé cy dessus, par un fort beau temps, je ne fus pas plus tost au large avec tous mes canots qu’il s’éleva une brune (443) si epaisse, que nous ne nous voions pas. Cette brune avoit esté precedée d’un petit vent, lequel rafraischisant nous mîmes a la voille qui portant nos canots tentost au dessus, et puis apres dans une abime de lames, fist un peu de temps que nous ne scumes plus ou nous estions, estant dans l’incertitude de scavoir si nous allions dans le fond de la baye, ou si nous prenions la route de plaine mer, ou de connoistre si effectivement nous estions en route. Nous tirâmes quelques coups de fusil inutilement, pour scavoir si tout le monde faisoit la meme route. La brune nous desoloit, ne pouvant voir la longueur du canot, de sorte que ne sachant que faire, je fis sonder. Nous n’avions point de plomb, nous nous servîmes d’une hache avec laquelle nous trouvâmes quatre brasses, quelque temps apres trois, ce qui me rejouit, en ce que je voiois bien que nous approchions de terre ; peu après je fis encore sonder, et nous retrouvâmes qu’une brasse d’eau, et echouâme ensuitte insensiblement sur un banc de sable, la mer estant toute basse, ce qui nous donna beaucoup de joie. Quelque temps apres, nous vimes terre, la brune s’estant discipée et nous estant rembarquez nous arrivâmes a l’embouchure d’une grande riviere (443 bis)[121] que nous prenions pour celle ou estoit notre fort, mais nous nous trompions. Nous y mimes pied a terre pour disner, et continuant notre route, nous vinmes coucher dans des prairies couvertes d’eau. Nous fumes contraints de nous y servir de bois de report, de marée pour mettre sous nous, a cause de l’eau de la mer, dont la surface de cse prairies estoit inondée, la mer inondant dans les grandes marées, jusques a deux lieues dans les bois, ce qui fait que toutes les marées que l’on trouve sont salées, et que les bonnes eaux sont tres rares. C’estoit la nostre plus grande fatigue, et ce qui nuisoit le plus à notre seurté. Sur le soir, nous ouimes quelques coups de fusils de quelques uns de nos canots qui avoient pris terre, nous trouvames quantité de becasses qui nous vinrent fort a propos, estans si cours de vivres, que je n’avois peu donner a mon detachement pour retourner au fort que deux outardes sallées, y aiant desja longtemps que le biscuit estoit fini. Ils avoient vescu de persil de mandoienne (macédoine)[122] qu’ils trouvoient en abondence, aiant esté obligez dans ce voiage d’attendre qu’il fist beau pour m’embarquer, pendant lequel temps ils ne mengerent (444) que de ce percy qu’ils assaisonnoient plus d’appeti que d’autre chose. Nostre misere estant a un tel point qu’un de nos hommes attenue de tant de fatigue, estant allé à la chasse ne revint point. Je laissé deux canots pour l’attendre et le chercher, mais ne l’aiant point trouvé ils s’en revinrent au fort. J’y envoie encore un canot sauvage qui n’en rapporta aucune nouvelle, ce qui me fait juger qu’il est mort de faiblesse, ou qu’il a este englouti dans quelque marais tremblant. Pour moy, je continué ma route et arrivé a la pointe de la traverse que nous cherchions depuis si longtemps, je trouve deux de nos canots qui venoient d’y arriver, qui me dirent que plusieurs de nos gens estoient desja parti pour se rendre au fort, les avoient asseurez que tout mon monde y estoit et avoit gaigné terre a bon port. Ce qui me donna bien de la joie. Je disné la bien petitement, estant réduit moy troisième, scavoir le Sr. Briguiel anglois, moy et mon vallet, a une poingnée de pois et un quartier de becasse, encore ne faisions nous qu’un repas qui estoit a trois heures de l’apres midy. Nous continuâmes ainsi de campement en campement, jusques a sept lieues du fort. Le vent nous vint si contraire qu’il nous obligea de rester là, si bien qu’estans veneues jusques a n’avoir plus rien pour menger, Dieu permit que le vent (444 bis) changea, et m’amena en peu de temps au fort[123], ou je trouvé nostre bastiment qui estoit arrivé, il y avoit long temps.

Le dix sept & le jour suivant, tout le reste de mon detachement arriva, et pendant que je m’occupé a faire decharger le navire et mettre ce qui estoit dedans dans le magasin, je fis ensuitte oster les deux grosses pieces de canon du fort, et les fis embarquer avec leurs affuts et les boulets, ce qui s’en trouva estoient en fort petit nombre. Ce qui fist que le sr. Lallemend fist un moulle de bois pour en faire de plomb, avec du machefert dedans, pour remplir, comme il avoit desja pratiqué quelques années auparavant, contre les Anglois qui le canonnerent en passant le detroit[124], après quoy tout estant prest pour mon depart, je fis passer les anglois de l’autre bord avec des vivres, filets, fusils & poudre suffisamment pour chasser, ainsi que j’avois fait aux autres, et leur deffendis sur peine de la vie de passer dans l’isle sous aucun pretexte, leur permettant en cas de besoin de venir deux hommes au plus, a marée basse, sur une batture qui est dans le milieu de la rivière, et d’y faire un signal avec un mouchoir a la main, auquel on iroit a eux, leur donnant (445) a cet effect un canot. Je parti ensuitte aiant laissé dans le fort pour y commender vingt hommes du sieur de Chesni[125] qui s’estant fort bien acquitté de son devoir a sa prise et a celle du second, se trouvoit indisposé.

J’emploié les jours suivants a me rendre au fort de Quiquichouan, le bastiment nous suivant, qui portoit notre canon. J’observe pendant le chemin, que les bords de la mer sont très difficiles, estans fort plats, les voiageurs se trouvant absolument obligez d’aller plus de trois lieues au large, pour eviter les battures qui sont fort frequantes en cet endroit, ou si on veut mettre pied a terre de marée basse, il faut porter canots vivres et bagages, plus d’une lieue pour pouvoir y trouver le bois dont on a besoin, que les marées y entresnent, et si c’est a marée haute il faut faire un chemin fort long et très mauvais, pour pouvoir se rembarquer. Je me trouvois assez empesché dans ce voiage, ne sachant pas parfaittement ou estoit le fort, et n’aiant aucuns guide cette fois la qu’un vieil sauvage qui nous faisoit voir q’l n’y entendait rien, le sr. de st. Germain n’aiant jamais esté jusques le, et mon apprehension estoit de nous faire découvrir indiscretement, lorsqu’un samedy au soir cherchant l’embouchure de la rivière Quichichouan, les Anglois de ce (445 bis) fort tirerent suivant leur coustume sept ou huit coups de canon, qui nous firent connoistre par leur tonnaire l’endroit ou il estoit situé. Nous nous arrestames dans le moment et passâmes la nuit dans nos canots, que la marée avoit porté du costé de terre, ou ils estoient echouez. Le matin le froid nous gaignant, nous marchames dans la vase jusques a mi jambe a dessein de chercher du bois sec, dont nous fimes du feu. Ce lieu estoit directement vis a vis, d’une manière d’extropade, avec un siege destiné pour mettre une sentinelle, pour decouvrir. J’en remplis incontinant la place d’un, que je posé, et ayant fait mettre nos armes en estat je donné vingt bons hommes a mr. de ste. helenne, pour aller decouvrir le fort qui est situé dans le recoude d’un bras de rivière, et dont la veue est très bonne. Pendant ce temps la, nous vimes paroistre nostre navire a la voille. mrs. d’hyberville et l’allemend estoient dedans, ayant avec eux le sr. Briguiel (Bridgar) le capitaine Onultas (Outlaw) et cette femme blessée qu’un de nos chyrurgiens pensoit, aiant dehors tout les pavillons de la compagnie angloise. Je prenois plaisir a le considérer, lorsque le sr. de ste helenne qui avoit fait sa découverte, m’envoia quelques uns de nos gens pour m’en donner advis (446) et me conduire a un endroit qu’il avoit trouvé propre pour assoir nostre camp. J’y allé a l’instant suivi de nos gens y establir un corps de garde, et fis poser des sentinelles a nostre ordinaire. Ce lieu estoit sur le bord de la rivière, et situé d’une manière que nous ne pouvions estre très difficilement veus du fort. Sur le soir le sr. de ste. helenne me dist, estant de retour, que nous ferions mieux d’aller camper a une pointe d’isle qui est tout au pres du fort ou nous serions a couvert. Nous y fûmes le lendemain, et nous vîmes le lendemain matin nostre bastiment mouiler a l’entrée de la riviere. Estant arrivé a cet endroit, je pris dix hommes avec qui je m’advencé par dedans le bois, vers le fort que je consideré fort a mon aise, n’en estant pas une portée de fusil. Je remarqué la place ou je pouvois mettre mes canons en battrie, ou je pouvois camper, l’endroit dans le bois ou je ferois faire un chemin de communication du camp a la battrie, mais comme personne ne scavoit mieux que moy la force de mes gens qui avoient extrement pati et qui tomboient sur les dens, pour le peu de vivre que nous avions, et ainsi il seroit bon de tacher de les exempter du travail, que toutes les entreprises leur causoient. Ces considérations me firent tater le poux au gouverneur qui nous avoit desja fait connoistre qu’il scavoit nostre (446 bis) venue par un coup de canon a boulet dont il nous salua sans effect. Je luy envoié donc un tembour avec nostre interprete et un troisieme qui canottoit avec ordre de luy redemender trois françois, nommés peré, la Croix et des moulins[126], qu’il avoit arresté prisonniers, qu’il avoit fort mal traités et le sommer de me rendre la place sous conditions sures et honorables, si non qu’il s’attendist a toutes les extremités que sentoient ceux qui les attaquent opiniastrement, l’advertir que j’avois pris les deux autres forts et leurs bastiments, et en un mot et a son refus, luy dire que je suis resolu et en estat de me faire obeir. Je leur avois, outre cela, recommandé expressément de ne boire n’y manger et de ne repondre a toutes les questions qui leur pouroient faire que par un je ne scay pas. Ils me raporterent, à leur retour, la reponse du gouverneur. Elle estoit conceue en termes generaux qui ne decidant rien, ne faisoient aucune mention de rendre ny prisonniers, ni la place, ny de se vouloir battre. Ce qui me faisant juger qu’il estoit homme de cerimonie et qu’il ne demendoit que quelques coups de canon pour le faire sortir avec honneur, je me mis des le moment en devoir de le conter. En effect je (447) comendé de l’assoir et me mis a faire travailler à la battrie, et fis quatre detachements pour aller dans le bois aux quatre coins du fort ou je leur commendé de faire des feux, des crys de bucher, et faire toutes les demonstrations d’estre quentité de monde, a l’exception du quatrie. qui pendant ce temps la devoit travailler a dresser nostre battrie, laquelle nous avoit (aurait) esté impossible, la terre estant gelée, sans la lacheté des Anglois qui nous laissoient travailler aussi trenquillement que si nous eussions esté a leurs gages. Ainsi, j’eu tout le temps de faire couper la terre gelée avec des haches, et, l’eau gaignant les travaillant, je la fis egouter, par le moien d’une petite trenchée qui alloit sur le bord de la rivière. En fin le vingt troisieme au matin, la battrie fut toute preste a recevoir le canon, la plateforme estoit faite de bois madriers, a costé desquels j’avois fait dresser de gros pieux, pour y faire, avec des hances poulies qui estoient attachez, guinder le canon. Il estoit dans nostre vaisseau, qui de l’entrée de la rivière ou il estoit entre, ne pouvoit arriver a cause du vent contraire qui continua toute la journée suivante, pendant laquelle mrs. de ste. helenne, maricourt et de la noue harcelerent continuellement les assiegez, avec de petits plotons de fusiliers qui, se glissant parmi les (447 bis) fredoches qui estoient desja grandes et toufuées, tiroient a tout mercie sur ce qu’ils voient paroistre, ainsi qu’ils avoient fait pendant qu’ils travailoient a nostre battrie, sans que les Anglois firent de leur costé autre effort, que de relever leur parapet de la hauteur et l’epaisseur d’un madrier, et de tirer quelques coups de canon qui, estant mal pointés, ne faisoient que brancher des epinettes, par dessus nos testes, qu’ils entre mesloient de coups de fusil. Cependant comme le vent continuoit a estre contraire, nous n’avions plus de vivres, nos gens ne vivans plus que de persil de macédoine, je leur proposé a tous de faire un vœu a Ste Anne, a quoy aiant consenti, nous recitames les litannies de cette ste, a qui nous promîmes chacun quarente solz pour les reparations de son eglise de la coste de beaupré, et d’y apporter le pavillon qui estoit arboré sur un des bastions du fort, la priant, au surplus humblement, de nous estre favorable dans notre entreprise[127]. Ce que nous n’eûmes pas plus tost fait, que le vent changea tout à coup, nous amena nostre bastiment, d’où aiant promptement fait tirer huit pieces de canon pour nostre battrie, je fis faire si bonne diligence que le 25 elle fut en état de ronfler. Je les avois fait pointer contre les appartements du gouverneur dont un anglois m’avoit donné connoissance, de sorte que, ayant pris mon temps pour faire jouer (448), la conjoncture me fut si favorable, que la première voilée fut tirée comme il soupoit avec sa femme et leur ministre, dont deux boulets aiant passé contre le visage de cette femme, elle s’évanouit de fraieur, et l’autre, soubs le bras d’un vallet qui luy versoit à boire, il laissa, de peur, tomber l’equere qu’il avoit et le m. e (ministre), le verre qu’il tenoit a la main, sans neantmoins que personne fust blessé. A l’instant ils quitterent la table et la chambre, comme je l’ay appris depuis. Pour moy j’en demeure la pour faire la description du fort, priant seulement le lecteur de se souvenir que ce jour la estoit la veille Ste Anne.

Le fort de quichichouan est situé dans un terrain fort mareageux (sic), en sorte que quand les neiges viennent a fondre, l’eau monte jusques au premier etage. Voicy comme il est composé. Il y a un grand corps de logis construit de pieces sur pieces, qui forme la plus grande partie de la courtine, qui fait face a la riviere ; il est destiné pour l’appartement des domestiques, aiant a chaque bout une vingt.e de palisades qui achevent de faire la courtine de chaque costé, et la joignant aux bastions, dont elle est flanquée. Celle qui regarde le bois, de la même maniere, y aiant aussi un grand bastiment qui sert de logement au gouverneur, et de magasin, aussi bien que quelques bastions dont le dessous sert a cet usage (448 bis). Les deux autres courtines servent de grosses palisades, bien jointes ensemble, traversées par dessus par une pièce de bois garnie de pointes de fer ainsi que sont toutes celles qui font l’enceinte de cette place, dont les courtines ont chacune une porte deffendue en dedans par deux pièces de canon, pointées directement devant chaque porte pour arrester sur le ciel ceux qui les avoient enfoncez. Les quatre bastions dont le fort est deffendu, sont de pièces sur pieces avec une platte forme dessus, comme un cavallier ; ou il y a, sur chaque, quatre pieces de canon, outre celles qui paroissoient dans les flancs etage par etage. Il paroit encore du costé du bois, un costé de palisade de la longeur de la courtine qui la couvroit, qu’ils abatirent de crainte que cela ne facilitast nos approches du fort, au bout duquel est une petite cuisine. Voila la situation et la construction de cette place qui est environ quarente pas de la rivière, et neantmoins entourée de viels fossez presque comblez, ou il y a de l’eau en quelques endroits seulement. Je reviens a nostre battrie qui dominoit la place dont elle n’estoit qu’a portée de fusil, une petite riviere entre deux[128].

Le vingt six le Père Silvie, qui estoit venu du bastiment coucha au camp, aiant dit la messe[129], sur les six heures du matin. Nous pointames nostre canon contre les deffences du fort, les srs. de ste. helenne, d’hyberville qui nous avoient rejoint, L’allemend, en pointerent six, aidez du nomme Pitre, nostre canonnier, et moi, j’en pointe deux de telle maniere que nostre battrie voioit trois bastions et deux courtines, contre (449) lesquelles nous envoiames en moins d’une heure plus de cent quarante vollees de canon, qui grillerent la place de tous costez, en sorte que le boullets venans a nous menquer, nos gens crierent un grand Vive le Roy. Les anglois nous repondirent d’un pareil cry. Mais il nous parut au ton cassé, qu’ils estoient cachez dans une cave, ce qu’ils nous ont avoue depuis, et que le cry Vive le Roy, dont ils nous avoient repondu, estoit pour nous faire connoistre qu’ils se vouloient rendre, n’estant assez hardys pour paroistre, et aller oster le pavillon qui paroissoit sur un de leurs bastions. Ce que un d’eux aiant pourtant voulu entreprendre, il s’en retourna aussi tost sur ses pas, sans oser aller plus avant. Comme je ne scavois rien de tout cela je faisois travailler a toute force a faire des boulets, lorsqu’après avoir menge fort legerement, me promenant seul dans le camp, pour disciper le mal de teste, qui m’acueilloit, et raivant aux moiens de reduire promptement cette place, dont une plus longue resistence avoit causé la ruine entière de mes gens, l’on vint m’advertir, de nostre battrie, qu’ils battoient la gancade (?), et l’on voioit des gens s’embarquer avec un pavillon blanc sur le bord de l’eau. Je juge bien que leur heure estoit venue. J’envoie dont, incontinent, ordre au corps de garde a l’este, fis dessendre des gens sur l’avenue de nostre camp, et aiant fait prendre les armes a soixente de nos meilleurs hommes, je leur fis border la haie de l’eau, pour attendre cette chaloupe & commende, lorsqu’elle seroit avancée, de demender a ceux qui estoient dans (449 bis), ce qu’il vouloient faire. Je mis le surplus de nos gens dans le camp, avec ordre de bucher et de parler comme si ils eussent esté bien du monde. L’on me vint dire peu de temps après qu’ils me vouloient parler. Je fus donc au devant d’eux avec le P. Silvie, ne voulant pas par raison le faire introduire dans le camp. Je trouvé un homme qui estoit sorti de la chaloupe, ou il en estoit resté quatre autres y compris leur tembour. C’estoit leur ministre qui, tenant en sa main une demie picque ou estoit attache le tablier de la servante qui leur servoit de pavillon, vouloit me faire un grand compliment. Lorsque en l’interrompant je luy demendé brusquement le subjet de sa venue. Il me repondit, tout deconcerté, que le gouverneur auroit bien voulu avoir l’honneur de me parler. Je luy dis qu’il le pouvoit faire & venir au camp en toute seureté, quoy qu’a dire, je n’eusse guerre envie de l’y recevoir, de peur qu’il ne decouvrit nostre misère, a quoy, aiant expliqué que le gouverneur viendroit volontiers en chaloupe, a moitié chemin du fort et de la battrie, pour conferer avec moy, si j’en voulois faire de meme, je me fis, comme on dit, tirer l’oreille et enfin j’y consenti sous pretexte que je voulois gratifier le gouverneur. En faitte de quoy le ministre, me faisant de grandes, reverences, m’asseura que le gouverneur (450) serait a moy dans une heure. Je luy repondis seurement que s’il n’y venoit dans demie heure, je l’irois querir, ce qui l’estonna. Il me dist d’un air ministral qu’il l’aloit faire venir au plus tost. Pendant ce temps la, je fis armer une chaloupe, & ne laissant qu’une faible garde au camp, je fis marcher tout mon monde a la battrie, pour s’y tenir sous les armes a la veue du fort. L’on pointa aussi deux pieces de canon chargées de bates (boulets ou balles), toutes autres pieces estant en estat, et les bouttes feus allumés, apres quoy je monté en chaloupe, en meme ordre et nombre de gens que le gouverneur qui, s’estant embarqué, se laissoit toujours de virer dans le milieu du chenal, a la marée qui baisoit, jusques à ce que m’aiant joint, nous jettames nostre grapin a l’eau, qui nous arresta. Il m’aborda avec de grandes salvades. Il commença nostre conference par une bouteille de vin d’espagne, dont il commença le premier a boire, la santé des roys de france et d’angleterre. Je luy fis raison volontiers avec ceux qui estoient avec moy, du nombre desquels estoit mr. d’hyberville. Il avoit plusieurs autres bouteilles de liqueurs dont voulant faire regal, je leur dis que je n’estois venu la pour boire, que je ne manquois pas de rafraichissement et s’il vouloit venir au camp, je luy ferois boire de meilleur vin que le sien, quoy que je n’eusse serieusement qu’une chopine d’eau de vie que je gardois pour la dernière necessité, et luy demendé ce qu’il souhaittoit de moy. Il me fist reponse qu’il me prioit de luy dire ce que je voulois et mes pretentions. Je luy dis que puisqu’il ne me rendoit pas les françois[130] qu’il avoit, que je voulois avoir la place, sur quoy il me reparla qu’il me la rendoit volontiers, mais qu’il m’estimoit trop genereux pour ne luy pas accorder une grace qu’il avoit a me demender, qui consistoit a ce que je luy accordast des articles de capitulation dont nous convinmes, et que nous signâmes sur le champ par laquelle il estoit obligé de me remettre le fort et tout ce qui estoit dedans[131]. A l’instant meme, nous nous quittames donc, luy, pour s’en retourner se preparer a me recevoir, et moy, pour m’apprester a l’aller voir. En effect, je ne fus pas si tost arrivé au camp que je choisi cinq.te de mes meilleurs hommes, et mis a leur teste mrs. de ste helenne et d’hyberville, qui marchoient tembour battant du costé du fort, que le gouverneur leur remit de bonne foy, entre les mains, suivant et ainsi qu’il estoit obligé par la capitulation. Je me rendi en suitte en canot, laisse le gouverneur, sa femme, le ministre et ses domestiques dans leur appartement & fis camper les autres anglois loin du fort, avec deffences d’y venir plus d’un à la fois. Apres cela, il (je) donnai ordre pour la seureté de la place, fist reparer le (451) dommage quelle avoit receu de nostre canon, et employé les jours suivants a la faire retirer de la battrie et a la remettre sur nostre bastiment. Je fist pareillement embarquer les hardes et meubles du gouverneur et de sa suitte pour le mener, luy, sa femme et leurs domestiques dans l’isle de Caleston[132], leur donnant pour leur compagnie le capitaine onultas (Outlaw), le ministre cette femme qui avoit esté blessée, et estoit lors presque guerie, le tout sous la conduite du sr. d’hyberville à qui je donnai vingt bons hommes et le commendant du vaisseau. A l’egard du fort, j’y laissé le sr. de St. Germain, luy quatriesme, avec ordre de jetter les quatre bastions par terre repouser les deux palisades contre les pignons des deux corps de logis, affin qu’il n’y eust qu’une cour gardée et nulle fortification, de lacher un canot ou il y eut des vivres et des munitions, pour en cas qu’il fust attaqué. De retour au premier fort qui est celuy que nous gardons et est situé dans la rivière de Musipy (Monsipy), j’ordonne au sr. d’hyberville verballement de bruler le grand corps de logis qui estoit dans l’isle de Carleston, de crainte que les anglois renforcey de vivres et de monde par l’arrivée de deux vaisseaux qu’ils attendoient ne s’y fortifiassent, ce qui nuiroit fort a la possession du fort de la baye, estant le seul lieu ou les navires peuvent aborder en asseurence, et luy enjoignis de laisser aux Anglois, qu’il devoit debarquer, les vivres dont j’estois convenu avec eux, et dont j’estois fort content, et de donner une chaloupe au capitaine onultas (Outlaw), et tous les agrey necessaires pour le jak qui devoit estre prest pour les emmener, le capitaine onultas (Outlaw) devoit aussi porter de son costé des vivres tant a ceux qui travailloient au jac, qu’a ceux qui avoient esté pris sur le navire et au fort de Rupert, qui estoient la tous ensemble. De la, avec le jak il devoit prendre, à la pointe de Confort, les Anglois, du fort de Quichichouan et de celuy de Monsipy, lesquels j’envoie depuis à la pointe de Confort, a cet effect après les avoir joint tous ensemble, y compris le sr. de brigniel (Bridgar) avec qui j’ay parti de Quichichouan, pour me rendre au fort monssipi, aiant auparavant pris congé du R. P. Silvie et mr d’hyberville, de maricourt et de la noue. Mr. de ste. helenne devant me rejoindre en bref a Monsipi, ou j’arrive quelque temps apres, et fist partir les Anglois avec ledit sieur Brigniel (Bridgar) pour aller a cette pointe de Confort dont j’ay parle cy dessus. M. de ste. helenne estant arrivé, je regle toutes choses avec luy, et la necessite des vivres nous contraignit de nous separer. Je luy dis adieu pour m’en revenir a Quebecq. Ce fut le dix neuf aoust que je parti sur les trois heures apres midy, avec tout mon detachement, a la reserve de quarente hommes que je laisse dans la baye, sous les ordres de mr. de ste. helenne et d’hyberville, accompagné du sr Lallemend avec lequel je commence la remonte de cette grande riviere qui a environ cent lieues de long, mes gens aiant pour tous vivres de lorge, a faire de la biere, et qui avoit este germee, à cinq ou six livres de lard. Nous arrivames au fort des abethibis, ou aiant rafraichi nos gens de vivres, je vins a themiskamingue, en cinq jours, dans lesquels nous fimes vingt cinq portages. En chemin, un de nos gens tua une grande femelle d’orignal, qui servoit bien a nous remettre de tant de fatigues. Nous repassames par la mine ou nous remarquames les endroits ou les gens de mr. le marquis de denonville y avoient envoié, en avoient tire[133]. Ce fut le 7e. 7bre, que nous arrivames à Themiskamingue, ou nostre retour rejouit fort nos françois quy y sont. Ils tirent plusieurs coups de fusil et ensuitte de quoy y aiant trouvé fort peu de vivres j’en partis le lendemain après avoir distribué a mes gens du bled d’inde avec quoy nous devions faire six vingts lieues pour gaigner les premières habitations de l’isle de montreal je les fis entierement avec le chef de la nation de Theminiskamingue. Voicy commence (452 bis) mon voiage finit par trois feuneaux de marche j’arrive a montreal avec le reste de mon detachement sans que pendant la route il arrivast rien de remarquable.




APPENDICES



appendice a

Les Sieurs Ratisson (Radisson) et Desgrosilliers, (Desgroseilliers) partirent en Juin 1682, avec les Sieurs Sorel, de la Chesnaye, chanjon et Gitton, vingt neuf hommes d’équipage des vivres et des marchandises.

Arrivèrent le 20e. Aoust à un petit cap de la coste du nord ouest dud.t golphe à 200 lieues du fond de la baye où les Anglois sont establis.

Ils y trouvèrent une belle rivière et bastirent une maison.

Un forban anglois de Boston commançoit de s’establir près de là dans une autre rivière. Ils résolurent avec luy de bien vivre ensemble.

Quelques jours après survint un grand vaisseau de la compagnie des avanturiers de Londres qui a ses establissemens dans le fonds de la Baye.

Il venoit pour en former un dans la rivière de Nelson, où les françois s’estoient postez, les glaces l’empeschèrent d’y entrer.

Ratisson (Radisson) exhorta les sauvages du pays d’avertir les voisins à venir traitter au printemps avec luy.

Une crue d’eau entraina le vaisseau anglois, et voyant que le commis qui le commandoit se reunissoit avec le forban il s’en asseura.

Au mois d’avril les glaces bouchèrent la rivière, raserent l’une des barques et incommodèrent fort l’autre.

Le forban courut risque et fust sauvé par le travail des françois.

Ratisson (Radisson) ayant fait raccommoder l’une des barques fist quelque traitte avec les sauvages.

Il y en trouva de la nation des Asselibools (Assiniboines) et Christiars (Christinaux) qui avoient traittés avec des françois au Lac supérieur quelques années auparavant.


Après le printemps il vendit sa barque audit commis pour raporter son équipage et il revint à Québec le 20e. Octobre avec ledit commis sur le navire du forban après avoir laissé dans sa maison huit ou dix de ses gens, des vivres et pour 16 m de marchandises.

Envoyé la carte du lac Almengoin (Alemepigon) auquel du Luth est allé se poster.

Il est aisé de s’y soutenir par le petit fort françois du golphe d’Hudson distant de deux cens lieues de l’establissement des Anglois.

Ils ne doivent pas trouver mauvais qu’ils s’establissent en un lieu que les françois soustiennent par la terre, sauf a envoyer quérir les pelleteries par mer.

Monsieur de la Barre n’a pas crû devoir retenir ce forban quoyqu’il n’ayt qu’un simple passeport pour la pesche à la molue du magistrat de Baston, puisqu’il a esté pris ne faisant aucun mal, et que cela auroit pu exciter une querelle avec ses voisins.

Ainsy il luy a fait restituer son navire, et offrir le prix des marchandises consommées par les françois.

Non signé

Arch., publiques du Canada, Collection Moreau de St-Mery, Vol F 176, page 100.



appendice b

mémoire que présentent a Monseigneur, Les Interessez dans la Compagnie de la Baye dhudson establie en conséquence des ordres de sa Majesté addressés a Monsieur de la Barre gouverneur de la Nouvelle france.

Au mois de juillet de l’année 1682. Les sieurs de la Chesnaye et associés envoyèrent a la Baye dhudson deux barques chargées de marchandises commandées par les Srs Desgrosetiers (Desgroseilliers) et Radisson avec trente hommes d’équipage.

Au mois d’octobre de l’année suivante 1683 M. de la Barre excita les intéressez de prendre part avec le d. de la Chenaye et associés et de former un compagni tous nsemble. Ce qu’ils firent pour suivre les intentions du Roy que mond.t Sr. de la Barre leur fit connoistre et afin de conserver a sa Majesté la possession de cette Baye, qui avoit esté decouverte des les années 1661 et 1663 sous les ordres de M. le Baron dAvaugour dans laquelle les armes de sa M. avoient esté arborées et encores pour empêcher que les Anglois profitassent de la plus belle pelletrie de la nouvelle france et ne détruisissent pas dans la suitte le commerce de cette nouvelle colonie, s’estants postés dans les plus beaux endroits de la d. Baye depuis qu’elle leur a été découverte par led.t Des Groseliers qui passa parmy eux et qui depuis a reconnu sa faute Et en a obtenu le pardon de S. M.

Au mois de Mars de lannée 1684 par les ordres de M. de la Barre les Intéressez envoyèrent deux navires de 80 tonneaux (1) pour porter un secours d’hommes, de vivres de munitions de guerre et de marchandises, au poste de la Riviere de Nelson qui avoit esté estably par les dits des groseliers et Radisson qui en estoient venu donner advis a Mrs De la Barre et de Meules et qui ensuitte passoient en france pour rendre compte de leur decouverte.

Par le retour de Desgroseliers dans la nouvelle france les interessez on appris que Radisson sous pretexte de mécontentement estoit allé a Londres et s’estoit engagé aux Anglois.

Le député desd. intéressez qui presente ce memoire a apris à la Rochelle que led.t Radisson est retourné au poste de Nelson avec les Anglois et qu’il a enleve leur Pelleterie qui estoient en grand nombre et qu’on fait monter a soixante milliers de Castor et qu’il la conduit a Londres.

Les dits intéressés ont desja fait pour six vingts mil deux cens livres de dépence et ils seroient ruinés s’ils faisoient une si grande perte.

Ils suplient très humblement sa Grandeur de vouloir bien donner sa protection a cette Compagnie formée en consequence des ordres du Roy par les exhortations de M. de la Barre qui a repondu aux intessez (intéressés) en son propre et privé nom de la depense qu’ils ont fait et qui a esté a grée par M. de Meules Intendant.

Ils demandent qu’il plaise a Monseigneur de leur accorder la propriété de la terre de la Baye dhudson dont il a esté pris possession au nom de sa M. et de l’endroit où est leur establissement, pour autant de temps qu’Elle laura agréable.

Qu’il leur soit permis d’Envoyer vingt canots par les rivières qui descendent du costé du Nord dans le fleuve St. Laurent charges d’hommes de munitions et de marchandises et de faire des establissements au-dessus des Anglois afin de les empescher par ce moyen sans leur faire de violences de profiter des pelleteries des sauvages et de les obliger par la cessation de ce commerce de se retirer d’Eux mesme des postes qu’ils occupent ce qui se peut faire avec beaucoup de facilité.

Qu’ils puissent avoir droit de repressaille sur les Anglois en cas qu’ils ayent enlevé leurs pelletries Navires et marchandises.


Qu’ils ayent la permission de continuer leur commerce par Mer et par terre ainsy qu’ils le jugeront plus expédient et plus facille.

Et par ce que cet establissement pouroit faire de la peine aux fermiers du Roy acause de la traite de Tadeussac Ils offrent de la sous affermer aux conditions raisonnables qu’il plaira a Monseigneur de régler en Egard au grand profit.

Que lesd.t fermiers tireront dailleurs de cet establissement puis que toute la pelettrie qui va aux Anglois tombera dans leurs mains et augmentera notablement leurs droits.

Les dits Intéressez Représentent encores a sa Grandeur que par les ordres de M. de la Barre gouverneur et de M. de Meulles Intendant, ils ont équipé un petit navire de cinquante thonneaux qui a passé en france pour apporter la nouvelle de la guerre des yroquois, dont ils n’ont point esté rembourssés et qu’ils croient perdu parce qu’ils n’en ont point apris de nouvelles.

fait a Paris ce sixieme fevrier gby. quatre vingts cinq.
DE COMPORTE
Tant pour moy que pour mes assosiez
Arch., publ. du Canada, Corr. par. Vol-F. 7 C. iii p. 315.



appendice c

… Nous n’estions pas encore bien avant dans le destroit quand sur les 2 heures du matin nous ouimes crier navire. Ce mot nous fit sauter hors du lit pour voir ce que c’éstait. Des qu’on en fut assuré on prépara tout pour le combat, et faisant porter sur sa route en tenant le vent, on luy coupa le chemin de telle sorte qu’en peu d’heures ont l’eut atteint. Et parce qu’il n’amenoit point quoique nous fussions assez proches, on luy dit de le faire par une volée de canon qu’on luy envoia. Des qu’il eut amené on fit dire par un interprète au capitaine qui vint à bord dans sa chaloupe pour nous montrer sa commission il nous l’apporta aussitôt ; elle ne consistoit qu’en un congé de la compagnie d’Angleterre qui l’envoioit au fond de la baye, disait-il, quoiqu’il fut pour Portnelson comme nous le sçumes de 2 François qu’ils y menaient. Nous luy demandâmes si cette Compagnie estoit le même que celle de l’année dernière, et nous aiant repondu que c’estoit la même, Mr. de laMartiniere et Mr. l’Allemand me demanderent mon sentiment touchant ce qu’il y avoit à faire, et s’ils devoient prendre ce bâtiment n’y aiant point de guerre entre les 2 nations. Je leur dit qu’il n’y avait point a balancer que puisqu’ils rencontroient le bien de ceux qui avoient volé la Compagnie du Canada qui les emploiait, ils pouvoient et dévoient le prendre, en vertu d’un droit naturel qui ne dépend de qui que ce soit. On lui dit donc qu’il estoit pris et l’on envoia en même temps prendre possession de son navire. Il nous dit que le navire estoit à lui et non pas à la Compagnie qui ne l’avoit qu’a fret, et nous respondimes qu’il n’avoit rien à craindre, que la Compagnie d’Angleterre estoit trop juste pour luy rien faire perdre, et pour ne pas le dédommager. Aiant appris de luy que 4 bâtiments partis de Londres pour la baye, savoir le sien, un autre un peu plus grand, et 2 fregattes de 12 pièces de canon et autant de pierriers chacune, la frégatte de Ratisson qui avoit pris le devant devoit avoir passé comme nous estions dans la baye, et les 2 autres qu’il avait laissés après luy avant qu’il fust dans le destroit passeroient infailliblement dans un ou deux jours, il eust esté à mon sentiment dà propos de faire havre pour nous accomoder à loisir pendant que ces batiments passeroent sans nous voir Mr. de la Martiniere en estoit d’avis ; mais Mr. de la Martiniere (L’Allemand) qui se plait à tenir le large ne le jugea pas à propos. Nous passames donc notre route et le lendemain si je ne me trompe nous visme un autre navire, et bien qu’on ne pust distinguer si c’estoit le petit où le grand on poussa droit à luy, et l’ayant joint sur le soir on luy dit par un coup de canon d’amener comme on avoit fait à l’autre ; il obéit, mais le capitaine aiant reconnu la Kecke prise refusa de venir à bord résolu d’attendre l’abordage plustot que de se rendre. On luy fit des menaces mais ce fut en vain, cela fut cause qu’on résolu de l’attaquer par la décharge et du canon et des fusils, laquelle pourtant ne fit rien, le capitaine anglais ayant fait cacher tout son monde ; il ne voulut pas même qu’on tirat sur nous quoiqu’il eut du canon et des pierriers avec lesquels il eut pu fracasser nos gens qu’il voioit à découvert sur le pont. Comme les boulets nous manquaient et que les fusils ne servaient de rien contre des gens qui ne se montraient pas, on délibéra si on viendrait a l’abordage. Chacun y estoit disposé, et on attendait plus que l’ordre. Mr. de la Martiniere et Mr. l’Allemand s’en remirent à mon jugement, le premier pourtant me disant qu’ils avaient des coffres à feu et qu’il ne voulait perdre personne, puisque nous ne pouvions perdre sans nous trouver courts, et sans nous exposer au danger de tout perdre et nos prises et nos navires faute de gens pour les conduire, Mr. Moisan nous ayant protesté quelques jours auparavant que l’on lui otait seulement un homme de son équipage qui était le plus fort de tous, il ne répondait point de son bâtiment ni de le mener à Kébec. Je leur dis, cela supposé, qu’il fallait l’abandonner ne pouvant me persuader qu’après tant de fierté ils se rendissent sans résistance, que je ne doutais point qu’on ne les prit à l’abordage, mais qu’on y perdrait du monde, et qu’il fallait où faire cela où, les laisser aller. On prit ce dernier party, et on porta à la route aussi bien la nuit survenant aurait peut-être causé quelque confusion, qui auraient eu des méchantes suites.

Le lendemain vers le midi faisant une bordée au large nous vîmes un autre navire. Comme nous étions surs que c’était le grand, et que nous n’étions pas en état de lui courir sus nous changeames de bord et poussâmes vers terre en gagnant toujours sur la route au plus près du vent.

Les Anglais croyant que nous avions peur portèrent à nous toute la rélevée mais n’allant guère mieux que nous ils ne gagnèrent presque rien. Cependant la nuit approchant, à la faveur de l’obscurité nous fîmes vent arrière en portant droit à terre pour l’élonger ensuite à petites voiles vers l’Ouest, où nous voions quelque apparence d’un havre propre à nous mettre à découvert de l’insulte des ennemis, lesquels nous ayant perdu de vue à cause ou de l’obscurité ou de la terre qui nous dérobait à leurs yeux, poussèrent toujours leurs bordées et s’en furent terrir à plus d’une lieu de nous vers l’Est. Le jour qui ne couche point dans ce pays à l’espace de plusieurs mois s’étant éclaircy, nous nous entrevîmes en un estat à ne nous pas craindre, la mer étant calme pour lors

Ce beau calme nous fit résoudre à nous faire touer pour tacher de gagner le havre dont j’ai parlé que nous voions entre deux montagnes de roches. Les ennemis à notre exemple mirent 2 chaloupes à l’eau pour la même fin, mais nous allions plus vite qu’eux, tellement qu’a my relevée favorisés d’un petit vent qui se leva a propos nous entrâmes dans un havre aussi favorable que nous puissions souhaiter. Mr. Moisan qui nous devança y entra jusqu’au fond sans aucune peine ; pour nous l’entrée nous en fut plus dangereuse, car une raffale de vent nous y ayant surpris nous jetta sur un horrible cap de roche où le bâtiment s’y fut brisé si le ressac de la mer ne l’eut retenu à une brasse près, ce qui nous obligea de mouiller l’encre promptement afin de nous en éloigner en attendant qe nos chaloupes que nous avions envoiés à ia Kecke pour la faire venir plus vite fussent de retour.

Quand elles furent arrivées nous fimes signe à ceux de la Kecke de tenir le plus qu’ils pourraient l’autre bord du havre de peur d’un pareil accident ; après quoi nous levâmes l’ancre, et nous étant fait touer vers le-même endroit nous mîmes le vent dans les voiles, et nous poussâmes bien avant dans le hâvre, ou nous échouâmes au-delà de la Kecke qui avait échoué devant nous. Ce havre est fort plat, et presque tout a sec en marée basse, n’y restant qu’un petit canal d’une rivière qui s’y décharge, et dans laquelle la barque avait poussé jusqu’au bout, où elle flottait en tout temps. Il est entouré de montagnes de roches dont une pointe déboutant bien avant au large tout à l’entrée, nous fut très avantageuse non seulement parce qu’elle nous couvrait et nous otait la vue de la mer, mais encore parce qu’elle dominait sur les ennemis qui furent obliger de mouiller l’ancre un peu au-dessous de nous pour ne pas échouer en voulant passer devant nous. D’abord nous y envoyames 10 ou 12 fusiliers pour s’y poster parmi des roches entrecoupées derrière lesquels ils seraient à couvert du canon ennemi et d’où ils pourraient les incommoder et les empêcher à coups de fusils de se faire touer s’il leur prenait envie de s’approcher davantage, et pour en venir mieux à bout et leur donner plus de terreur nous y fîmes porter la couleuvrine de la barque. Sur le tard la fregate vint se poster en ce même endroit et mouiller l’ancre à notre vue, mais un peu trop loin pour nous nuire. D’abord on les salua de la pointe, ce qui les obligea de se mettre à couvert de leurs gardecorps, et d’entourer et fortifier leurs bandages avec des cables pour arrêter leurs balles, tellement qu’on ne voyait plus dans leur bord que des sabres dégainés, que le Brilleur (John Bridgar) et quelques autres fanfarons faisaient briller en l’air. Après cette rodomontade ils tirèrent deux coups de canon contre le rocher à quelques brasses au dessus de nos gens qui leur répondirent avec la couleuvrine. Ce même soir à l’entrée de la nuit un Anglais qui servait de coq dans la Kecke, par une imprudence de nos Français, se voyant tout seul sur le pont pendant qu’on soupait dans la chambre sauta dans la chaloupe et s’en fut trouver les Anglais, auxquels il ne manqua pas de dire ce qu’il avait appris de nos gens, que nous n’avions point de boulets, ce qui pût leur donner quelques espérances de nous prendre, ou du moins de ravoir la Kecke, et pour y réussir plus aisément en nous intimidant, ils mirent des barrils au bout de leurs vergues afin de nous épouvanter et de nous obliger à nous rendre ou du moins à parlementer par la crainte d’être brulés. Ils passèrent toute la nuit à ferrailler, à battre, à rompre, à forger, et à faire un bruit enragé pensant par là nous faire perdre cœur ; mais ils furent bien surpris le lendemain quand ils nous virent pousser jusqu’au bout du havre, entrer dans la rivière, et y mettre nos 3 navires à couvert d’une grande pointe de sable qui les deffendait du canon, et beaucoup plus encore le jour suivant nous voyant manier après une batterie de 8 pièces de canon que nous dressâmes sur la pointe qui commandait à tout le canal par lequel ils eussent pu nous venir joindre aux grandes marées. Ils considéraient nos gens qu’ils voyaient occupés les uns à lever le gazon, les autres à le charrier, partie à faire les fortifications et les embrasures avec tant de vitesse qu’il leur était impossible de les conter.

D’ailleurs ils voyaient la pointe de roche à près de demi lieue de nous toujours fournie d’hommes outre ceux qui allaient et venaient continuellement d’une pointe à l’autre, soit pour y porter des avis, ou des vivres ou des munitions. La promptitude avec laquelle notre ouvrage fut achevé, par les soins de Mr. le Gardeur, qui avait toujours la main à l’œuvre, notre batterie dressée, nos canons chargés et déchargés partie à baie et partie autrement, leur fit croire que leur coq les avait trompés en leur disant que nous n’avions plus de boulets puisque nous les prodigions de la sorte, mais là ils ne savoient pas qu’avec du plomb et des cailloux, ou du machefer, Mr. l’Allemand en jettoit au moule pendant qu’on était occupé à faire des travaux. Ce même jour ils envoyèrent une chaloupe à l’autre bord du havre où quelques uns mirent à terre, et montèrent sur certaines roches à la portée du canon de nous pendant que d’autres s’occupaient à je ne scay quoi que nous ne pûmes distinguer ; nous crûmes d’abord qu’ils allaient voir s’ils pourraient y loger un canon comme nous avions fait de l’autre coté, et nous battre avec avantage, ou s’ils trouveraient le canal pour s’y faire touer, et nous venir joindre : et pour les en empescher nous enyoiâmes 5 ou 6 fusilliers en diligence afin de les debusquer pendant qu’on tirerait quelque volée de canon vers cet endroit là. Quand ils en furent assez proche en tira 3 coups de canon braqués sur la chaloupe ennemie contre laquelle les boulets allèrent tomber et firent tant de peur aux Anglais que ceux qui visitaient la roche en descendirent precipitament et se rembarquèrent ; en même temps ils entendirent derrier eur une douzaine de coups de fusils qui leur sifflerent aux ôreilles. Cela les fit penser à eux et juger qu’ils ne feraient que perdre leur temps. Voyant surtout que nous ne nous empressions guère de leur parler, mais seulement à les battre partout où nous le rencontrerions, ils résolurent donc de nous parier eux-mêmes et envoyèrent le Brigueur en chaloupe avec un pavillon blanc, lequel ayant abordé au dessus de la pointe demanda à M. l’Allemand qui descendit aussitôt sur la grève avec son interprète. Le Brigueur ayant demandé sureté et d’être seul à seul, mit pied à terre, et s’entretint longtemps avec lui de choses differentes, et il lui demanda d’où vient que nous avions pris leur navire, n’y ayant point de guerre entre nous. D’ou vient, dit Mr. l’Allemand, qu’en pleine paix vous nous avez donné chasse 2 jours durant sans savoir que nous l’eussions pris, et nous reconnaissant Français ? Ensuite il ajouta les causes de le prendre, lesquelles portèrent l’autre à déclamer contre Ratisson qu’il traita de traître et de voleur, et à jurer qu’il le tuerait partout ou il le trouverait : après avoir ainsi pesté il demanda s’il ne voulait pas le leur rendre, M. l’Allemand dit qu’il ne l’avait pas pris pour le rendre, mais que s’ils voulaient le ravoir, ils vinsent le reprendre eux-mêmes, mais qu’il fallait auparavant terrasser tous les Français, qui étaient bien disposés à les recevoir.

Nous voions, dit le Brigueur, que vous êtes forts, mais nous vous garderont ici ayant des vivres pour trois ans. Je m’en réjouis fort, dit Mr. l’Allemand, nous aurons le loisir de vous voir et de vous régaler de cariboux que nous tuerons en attendant qu’un printemps prochain nous puissions nous en retourner de compagnie en Canada. Cette réponse lui faisant connaitre qu’il n’y avait rien à faire, il prît congé, se rembarqua et s’en fut à son bord, où désespérant lui et les autres de gagner autre chose que des coups et de perdre du temps, et peut être leur navire, et eux-mêmes, ainsi qu’il fut arrivé, s’ils eussent bien échoués quelque part qu’ils n’eussent pu se relever, car alors nous les aurions eus à notre disposition, tellement qu’a l’entrée de la nuit, ils levèrent l’ancre nous saluant de tous leurs canons, nous leur répondîmîes du notre bien satisfaits de les voir aller.

Nous apprîmes de nos Anglais que ceux des 2 frégattes avaient ordres exprès de leur compagnie de perdre tous les Français qu’ils trouveraient dans le détroit et dans la baie sans avoir égard à leur commission. Un ordre si cruel et si impie mérite vengeance. Je ne manquai pas de faire remarquer à ceux que nous tenions, la différence qu’il y avait entre le génie anglais et celui des Français qui est humain, doux, bienfaisant, fidelle, religieux et veritablement chretien, ainsi qu’ils le pouvaient connaître par le bon traitement que nous leur faisions, nonobstant la declaration qu’ils nous avaient faite sans y penser.




appendice d


Monseigneur

L’application et les soins que vous donnez si charitablement a l’aventage de ce pais, a donné Courage aux principaux habitans et marchands, d’y former une compagnie, pour prendre possession des terres decouvertes par les francois, et Commencer par Mer un cômerce au Nord de cette Colonie. Vous avez sceu, Monseigneur, qu’ils s’estoient postez dans les Rivieres de Bourbon et de Ste. Thérèse, que le Roy leur a données par son arrest du 20e. may dernier et ou ils avoient basty des maisons et magasins, mesme Commencé d’y faire une grande traitte avec les sauvages des Environs, durant et après leur hyvernement, lorsque trois ou quatre Renegats francois assistez d’une Compagnie particulière d’anglois de Londres, les ont pris, brûlez leurs maisons et Magazins et pillez pour plus de quatre cents mil livres de pelleteries, ce qui est sans exemple, entre des nations de bonne Intelligence, ils ont fait plus, car ils gardent les dites Rivières de Bourbon et de Ste. Thérèse avec vingt pièces de Canon et une garnison de Cinquante hommes, ce qui fait craindre a la dite Compagnie de ne pouvoir reprendre avec ses seulles forces, ces Rivieres et terres, qui appartiennent de temps Immémorial au Roy, C’est surquoy ils reclament vostre protection. Monseigneur, pour obtenir de sa Majesté, un Navire avec lequel ils puissent attaquer par mer les ds. pyrattes Anglois et Renégats francois Ils sont bien aussy dans l’Intention de s’Efforcer de les prendre par terre.

Un de leurs Navires retournant en cette année des ds. Rivieres occupées par Langlois, a fait prise d’une Caiche[134] chargée pour le cômerce desd. anglois, qu’il a amenée icy, et ou la compe. en poursuit la Confiscation par droit de represaille elle Estime, Monseigneur, que vous le trouverez bon.

Comme elle est dans une forte passion, d’appliquer tous ses soins, pour commencer divers cômerces, qu’elle est composée des principaux habitans, et que tous ceux de la Colonie seront receus a Entrer dans lad. Compe. ils prennent la liberté de vous representer, non seulement que les commis, et soubs fermiers de la ferme du pays, font commerce comme s’ils estoient habitans, mais encore qu’ils les ont menassez d’obtenir divers arrests, pour Establir de Nouveaux Bureaux, et avoir la faculté d’achepter pour de L’argent les castors, des mains de ceux qui retournent des bois, qui est un privilège d’habitant Comme le droit du fermier est, de les achepter tous pour des Lettres de Change.

Ce pays est pauvre et ne commence qu’a respirer soubz vostre protection. C’est pourquoy, ils vous supplient Monseigneur, qu’ils puissent estre continuez dans leurs droits, et qu’il sera deffendû comme en france aux agens et soubs fermiers de faire aucun cômerce. Ils priront Dieu toutes leurs vies pour vostre prospérité et grandeur Et sont avec un très proffond Respect Monseigneur Vos tres humbles et tres obeissans serviteurs. De Comporté, Charles Aubert de la Chenaye, Le Ber, Chanjon, Pâchot, Migeon de Loranssat (Bransac) Gobin, J. Gitton, d’Iberville, Catignon, F. Hazeur, & Routhier.

A Québec ce 10e. Novembre 1685.
A Monseigneur de Seignelay.

Arch. publ. du Canada. Corr., par. Vol F. 7 C 11 1 p. 320.




appendice e


… Messieurs le Marquis de Denonville et de Champigny Noroy arrivèrent à Québec pour relever Monsieur Delabarre. Peu de jours après il reçut des lettres des commandants de Misilimakinack ; ent’autres, M. Deladurantaye lui mandait que trois Français ayant eu la curiosité de connaitre les routes de la Baye de Husson, où ils furent rendre visite aux Anglais qui y faisaient le commerce. Les Anglais les recurent gracieusement pendant quelques jours. Ayant pris congé d’eux, ils se retiraient le long de la mer. Le troisième jour, comme ils se reposaient, ayant laissé leur canot échoué, ne se doutant point de la marée. Lorsque le canot fut en flotte, un petit vent de terre le poussa au large sans qu’ils s’en aperçurent. Ainsi ils se trouvèrent dégradés, ce qui les détermina à retourner par terre chez les Anglais. Il y avait des Anglais sur la route qui chassaient Lorsqu’ils aperçurent ces trois Français ils en furent donner avis au commandant, qui les soupçonna de mauvais dessein et les fit arrêter, desquels il en envoya deux à l’Ile Charleston, à dix lieux au large, et garda le Sieur Péré au fort. Les deux qui étaient à l’ile avec des Anglais n’étaient point gênés, avaient la liberté de chasser et pêcher, ce qui les facilita à fabriquer un canot d’écorce et d’épinette, avec lequel ils traversèrent en terre ferme, où ils trouvèrent des sauvages qui les ramenèrent aux Outaouais, où ils racontèrent leur aventure à M. Deladurantaye, qui en informa M. le Gouverneur général.

Aussitôt les négociants de Québec et Montréal proposèrent de faire un armement pour enlever les trois forts que les Anglais occupaient à la Baye de Husson. La chose conclue on fit l’armement l’hiver de 86, composé de trente soldats et soixante-dix Canadiens, commandés par M. Detrois, (de Troyes) capitaine des troupes, Ducheny (Duchesnay) et Catalogne pour commander les soldats ; les Sieurs de St. Hilaire, (Ste-Hélène) D’Iberville, Maricour, tous trois frères, et le Sieur Lanoue, (pour commander les Canadiens).

Le cortège se rendit en traines sur les glaces (au bout) du long sault au commencement d’Avril, et le premier jour de Mai nous arrivâmes à Mataouan, où les deux rivières se séparent, la plus petite vers les (Outaouais), et la plus grande au Lac des Temiscamingues. Du lac de Temiscamingues, nous prîmes à droite, montant une petite rivière, où les portages sont fréquents, et de petite baie en petite baie nous gagnâmes la hauteur des teres, où se trouve un petit lac qui décharge dans le lac des abitibis, à l’entrée duquel nous fîmes un fort de pieux et y laissâmes trois Canadiens ; et ensuite traversâmes le lac qui se décharge par une rivière extrêmement rapide à la Baye de Husson, où nous arrivâmes le 18 Juin avec tous les préparatifs pour prendre un fort. Deux sauvages nous informèrent de la situation du fort, qui était à 4 bastions, un canon de 8e de balles, à chaque flancs ; ils nous dirent aussi qu’il y avait dedans un petit vaisseau. Nous partimes à minuit close mais nous fûmes surpris dans ce climat, en ce que le crépuscule n’était pas fermé que l’aurore parut ; le temps était fort serein, ce qui nous obligea à nous retirer dans un cric de marée haute, où nous restâmes toute la journée, après avoir laissé deux vedettes dans l’île où était le fort.

Dès le soir nous partîmes et furent à nos vedettes, qui nous dirent que le vaisseau était parti. Les Sieurs de St. Hélène et d’Iberville furent à la découverte de si près qu’ils sondèrent les canons qui n’étaient point chargés ; cela n’empêcha pas que l’on ne suivit le premier projet, qui était de couper la palissade pour faire une brèche, où les soldats étaient destinés que je commandais.

En outre nous avions fait un bélier, porté par les Canadiens qui en deux coups rompirent les pentures des portes, ce qui fit cesser la brèche. Etant maitres du fort nous ne l’étions pas du bâtiment, qui était carré, de pièces sur pièces, de vingt pieds de hauteur ; le dessus fait en pont de navire, avec un garde-corps avec des petits canons de 2e ; au-devant de la porte il y avait un tambour de pieux qui empêchait la jouissance du bélier, lequel il fallut démontrer et ensuite la porte fut enfoncée. Néanmoins répoussés et retenue par les assiégés, en sorte que le Sieur d’Iberville était pressé entre la porte et le poteau, sans que nous puissions le dégager, ayant un pistolet à la main le tira à tout hasard, ce qui épouvanta les assiégés, qui nous abandonnèrent la porte. On apporta en peu de temps de la lumière que nous avions dans les lantermes, et fûmes dans les appartements, où les Anglais nous demandèrent cartier. Ils étaient au nombre de quinze. Il n’y eu que leur canonnier de tué, à qui M. de St. Hélène donna un coup de fusil au milieu du front, par un des sabards d’en haut, où il chargeait un canon avec des morceaux de gros verre cassé. L’action dura environ deux heures, pendant laquelle on ne cessa de fusiller les fenêtres et sabords.

Devant le port il y avait un bâtiment échoué, qui avait été pris sur les Français de Québec ; on se détermina à le mettre en état de naviguer, pour nous en servir à transporter les canons pour la prise des autres forts. Après, huit jours de séjour, pendant lesquels nombre de sauvages vinrent en traite, nous partîmes par la droite de la baie, en sortant, pour aller prendre le fort Rupert, distant de celui-ci de quarante lieues, afin de tacher de surprendre le vaisseau qui y faisait route. En effet, comme nous étions sur une pointe, nous vîmes le vaisseau à travers les glaces flottantes. Comme elles étaient au vent à nous, nous en ressentions la fraîcheur comme au plus fort de l’hiver. Le vent ayant cessé le 2e jour, 27 Juin, nous trâversâmes cette baie à travers les glaces qui était comme des iles flottantes, qui étaient au gré du vent, sur lesquelles et aux environs il y avait un nombre infini de loups-marins et de canage (canard) de mer. La traversée faite, nous y trouvâmes trois sauvages qui voulaient s’enfuir, nous ayant pris pour des Iroquois, ayant beaucoup de crainte de cette nation quoi qu’ils ne les aient jamais vus. Nous continuâmes notre route, gardant à vue le vaisseau, qui fut mouillé devant le fort, à la portée du fusil. Les officiers Canadiens furent le soir à la découverte, à travers les bois, et sur leurs opinions, M. D’Iberville demanda deux canots armés de 7 hommes chacun, avec lesquels il aborderait le vaisseau, et que le reste du détachement, en cas de résistance, ferait feu sur les Anglais. Nous n’en fumes pas à la peine, car M. D’Iberville monta sur le vaisseau sans opposition, tout le monde, au nombre de quinze, étaient endormis. Le Général Brigur (Bridgar) était dessus et un capitaine d’un vaisseau qui, l’automne précédente avait fait naufrage dans ces côtes, lequel saisit M. D’Iberville au collet ; mais comme M. D’Iberville était fort et vigilant, lui fendit la tête d’un coup de sabre, et tomba mort sur son lit ; un matelot fut aussi tué en dormant. Comme l’action fut courte et que le signal fut donné, nous fûmes au fort, duquel nous enfonçâmes la porte d’un coup de bélier. Quoique nous fussions maîtres du fort (batiment) nous ne l’étions pas du bâtiment, (fort) car s’il y avait eu dix bons hommes ils nous auraient battus, parce que, comme je vous l’ai dit, leurs maisons sont de pièces en pièces. A celle-ci il y avait quatre guérittes pendantes, et un degré de rampe pour monter au plan-pied ; par conséquent le bélier mutilé, notre mousqueterie ne cessait de tirer aux embrassurs des fenêtres. Deux petits canons que nous avions apportés furent braqués sur la porte, sans que les assiégés fissent aucun mouement. Il y avait une échelle qui portait sur la maison, un soldat et un Canadien y montèrent avec des grenades, après avoir fait ouverture avec une hache, par laquelle ils jettèrent des grenades qui tombaient dans une grande salle où toutes les chambres répondaient, avec un effet admirable. Une dame échappée du naufrage du vaisseau dont j’ai parlé, s’y était réfugiée ; croyant que le feu était à la maison par l’éclat des grenades, se hasarda d’entreprendre de vouloir ouvrir la porte, à la lueur d’un éclat de grenade. Le commandant l’aperçut, et lui cria de se retirer, qu’il allait ouvrir la porte ; ce qu’il fit effectivement en passant devant une fenêtre où la mousqueterie ne cessait de tirer, sans qu’il en fut atteint. La porte ouverte, j’étais avec M. D’Iberville et plusieurs autres ; nous entrâmes.

Je m’étais muni d’une chandelle, et monté dans les apartements, c’est-à-dire dans la salle, sans trouver personne. Une voix plaintive me fit ouvrir la porte d’un cabinet, où je trouvai cette Anglaise en chemise, toute ensanglanté, par l’effet d’un éclat de grenade, dans la hanche. Ma présence, si l’on en juge par son cri piteux, lui fit autant impression que le bruit de la grenade, puisque nous ressemblions à des bandits. Par ces cris elle demandait M. Docte (Doctor), que je repetai à grands cris. Aussitôt parut le chirugien qui me demanda cartier. Je le menai au cabinet de la dame. Quoique ma figure ne lui fut point agréable, elle eut la reconnaissance, en ce que je mis un fauteuil devant sa porte pour que personne n’y entrât que les officiers. La scène étant finie, et le jour venu, chacun courait à la pitance. On amena du vaisseau le Général Brigeur, (Bridgar) qui proposa à M. DeTroys de lui rendre son vaisseau avec ses 14 hommes, qu’il le défiait de le prendre avec tout ie qu’il avait de Français. On le turlupina un peu et y ayant près le fort un hiak, on mit deux ouvriers Anglais à le radouber, pour leur servir à paser en Angleterre ou au port Nelson. M. D’Iberville amarina sa prise : et après quatre jours de séjour nous partîmes pour retourner par notre chemin, et M. D’Iberville mena le vaisseau pour aller charger huit pièces de canon pour canonner les trois forts, distants du premier de 40 lieus. Lorsque nous fûmes à la traversé où nous avions trouvé les glaces en allant, il n’y en avait plus. Nous commençâmes la traversé comme le soleil se levait. Deux heures après il fit une brûme si épaisse avec le vent devant que deux canots ne pouvant pas se voir, par conséquent sauve qui peut.

Comme j’étais maître de mon canot, je ne changeai point ma route, et nous arrivâmes au bout de notre traversée, où un autre canot nous suivit au bruit des coups de fusil. Le soir nous trouvâmes deux autres canots, mais pour M. DeTroys et ceux qui étaient avec lui nous ne savions ce qu’ils étaient devenus. Deux jours après, nous arrivâmes à notre fort, où M. DeTroys arriva aussi trois jours après nous, et le vaisseau en même temps, sur lequel on chargea les canons et les amonitions, mais fort peu de vivres. Nous partîmes en canot, à gauche, le long de la mer. Nous fûmes 5 jours à nous rendre devant le fort Quiquitchiouan, distant de 40 lieus du premier. Ce fort est à un grand quart de lieue avant dans une petite rivière qui ne porte que des petits bâtiments ; au-devant il y a une île, où nous disposâmes une batterie pour huit canons. Pour y parvenir il fallut couper une partie de la terre à coups de hache, tant elle était gelée. Ls Anglais qui voyaient tous ces mouvements n’en faisaient aucun de leur côté. Lorsque la batterie fut achevée quoique nous n’eussions pas les canons, M. DeTroys envoya un tambour avec un interprète pour sommer le gouverneur de rendre le Sieur Peré qu’il avait retenu, que faute de quoi il lui demandait la place. Le gouverneur répondit qu’il avait envoyé le Sieur Péré en France par l’Angleterre et que l’on avait tort de l’insulter, puisqu’il n’y avait point de guerre entre les deux Couronnes. La chose en demeura là attendant toujours nos canons ; les vents n’étaient point favorables pour amener le vaisseau, nous n’avions plus de vivres, point de chasse dans cette saison, ni d’autres ressources qu’un persil de Macédoine ? ou à périr, ou prendre le fort par escalade.

Le conseil tenu, on commença des échelles, mais par bonheur la surveille de la Ste. Anne le vaisseau entra, on déchargea les canons ; le lendemain on les mit en batterie ; dès le soir on fit une décharge, à laquelle les assiégés répondirent par une des leurs. Le lendemain, jour de Ste. Anne, on recommença à canonner, les assiégés de même, mais notre canon leur en démontra du leur, et ne tirait que lentement. Nos boulets diminuaient fort, on résolut d’en faire de plomb mais il fallut observer la proportion du poid et du calibre. Pour cet effet on fit un moule, dans le centre duquel on mettait de petites boules de bois, soutenues par le millieu par de petites chevilles ; ce qui nous réussit. Comme, vers midi, nous laissions refroidir les canons, les assiégés envoyèrent un canot ou était le ministre, à qui M. DeTroys dit qu’il voulait absolument que la place lui fut rendue. Le ministre lui dit qu’en pareil cas il fallait qu’il confèrât avec le gouverneur ; ainsi, s’il voulait faire la moitié du chemin avec son canot, que le gouverneur s’y rendrait ; ce qui fut effectué. Les articles signés M. D’Iberville fut prendre possession du fort. Les Anglais sortirent, le gouverneur, sa femme, son fils, le ministre, sa servante, et trente hommes ; et moi, avc nos soldats, je gardais le camp où je fis la recherche des vivres, et n’y en trouvai en tout que pour faire diner quinze hommes. M. DeTroyes qui était resté au camp avec moi, m’envoya chercher au vaisseau la dame Anglaise de qui j’ai ci-devant parlé, qui avait été guérie par un de nos chirugiens. Le détachement fut pour garder le fort, où M. D’Iberville resta commandant, qui ne suivait pas les articles de la capitulation, de quoi se sont plaint les Anglais.

Le M. DeTroys partit sans faire observer aucun ordre de route à sauve qui peut, avec très peu de vivres, c’est-à-dire de l’orge germée, avec laquelle les Anglais faisaient de la bière. Nous nous rendîmes à Montréal au mois d’octobre, où les derniers n’arrivèrent qu’un mois après les premiers.

Recueil de ce qui s’est passé en Canada au sujet de la guerre, tant des Anglais que des Iroquois, depuis l’année 1682 jusqu’en 1712.




appendice f


Le Père SILVY Jesuite, qui de Missionnaire de Sauvage étoit devenu en cette occasion l’Aumonier d’un petit corps de troupes composé de Canadiens, a si bien ramassé en peu de mots tout ce qui s’y est fait de plus remarquable, que j’ay cru devoir transcrire sa lettre du trentième de Juillet 1686.

« Ce n’a pas esté, dit-il sans bien des risques et des fatigues qu’avec l’aide de Dieu nous sommes venus à bout de nos detsseins. La route depuis Mataouan est extrêmement difficile, ce ne sont que des rapides très-violents et très-périlleux à monter et à descendre ; je fus plusieurs fois en danger de me perdre avec tous ceux qui m’accompagnoient, le charpentier Noël le Blanc, un de nos meilleurs hommes, et dont nous avions le plus besoin, fut englouti tout d’un coup sans reparaître sur l’eau. M. d’Iberville qui le menoit avec luy, ne se sauva que par son adresse, et par sa présence d’esprit qu’il conserva toujours toute entière. D’autres s’étaient sauvés a la nage en furent quitte pour la perte de leur canot, de leur bagage, de leurs vivres. Ces désastres néanmoins n’étonnèrent point notre petite flotte, qui arriva enfin auprès des Hollandois sans qu’ils eussent le moindre vent de nôtre marche. Ces Messieurs ne se défians de rien, dans leur Fort Monsousipi ou, y furent surpris pendant leur sommeil, ils ne purent ni tirer un coup, ni même se mettre en défense, le bruit du bélier, dont on enfonçoit une grosse porte bien ferrée, et les mousquetades de nos gens qui perçoient sans cesse leurs chambres d’outre en outre, les éveillèrent en sursault. En moins d’un quart d’hure on fut maître de leur fort et de leur maisons, où ils eurent à peine le loisir de demander quartier, tant on alloit vite en besogne. Cependant ce fort avoit quatre bastions munis de bons canons qui ne servirent en rien, et la platte-forme de la maison avoit aussi les siens qui demeurerent inutiles. Un des assiegez plus fier que les autres, y ayant voulu monter pour en braquer un contre nous, fut tué sur le champ, et paya luy seul pour tous les autres. Les quinze qui restoient eurent la vie, et on s’assura de leur personne. Nous en eussions pris quinze autres dans une barque que nos découvreurs avoient appercue la veille, si elle ne fut partie le même jour pour Nemiskau, où le petit Brigueur (John Bridgar) nommé pour commander l’année suivante au fonds de la Baye, alloit porter des ordres et faire faire des travaux. Nous fûmes bien fâchez de l’avoir manquée, et comme elle nous étoit necessaire pour porter du canon au Fort de Kitchitchouan, on prit résolution de la suivre, et d’aller attaquer NemisKau gardé par quinze autres Hollandois, espérant enlever l’un et l’autre en même temps pour y pouvoir ensuite aller prendre Kitchitchouan poste principal où étoit le Gouverneur avec trente hommes de la même nation, tion.

« Monsieur d’Iberville avec douze maîtres fut en cannot affronter la barque durant la nuit, et il la prit pendant que Mr. de Troyes suivi de son monde prenait le Fort avec la même facilité, sans nulle perte de notre part. Les ennemis n’y perdirent de leur côté que deux hommes, et il n’y en eut deux autres avc une femme qui furent blessez. Aussitôt on mit sur la barque tous les canons du premier Fort, et nous étant rendus en dilligence devant le 3e, (où on ne nous attendoit pas) il se rendit par composition.

« Après avoir esté criblé par six vingts coups de canon en moins d’une heure ; on y entra tambour battant et enseigne déployée le propre jour de Sainte Anne qu’on avoit prise pour patronne du voyage et de l’entreprise. Voilà Monseigneur, continue ce Pere, les coups d’essay de nos Canadiens, sous la sage conduite du brave Mr de Troyes, et de Mrs. de Sainte Hélène et d’Iberville, ses Lieutenans. Ces deux généreux frères se sont merveilleusement signalez ; et les Sauvages qui ont vu ce qu’on à fait en si peu de temps et avc si peu de carnage, en sont si frappez d’étonnement, qu’ils ne cesseront jamais d’en parler partout où ils se trouveront. Je n’en ay vû qu’un très petit-nombre de diverses Nations, dont les uns m’entandoient, et les autres ne m’entendoient pas : comme on leur parle qu’en passant, parce qu’ils courent toujours : il ny a gueres d’apparence qu’on puisse sitôt les faire Chrêtiens : il faut espérer néamoins que Dieu par sa bonté toute puissante leur donnera les moyens de se convertir, s’ils veulent concourir avec nous à cet important ouvrage. »




appendice g


A Québec le 6e Novembre 1686.


Monseigneur,

Ce qui a donné courage aux principaux Marchands et Habitants de ce pays de former une compagnie pour le commerce au Nord de Canada a esté le désir de plaire a vostre grandeur et en veue de conserles droits du Roy sur toutes les terres des dits Pays du Nord.

Cette compagnie ayant esté traversée par quelques Renegats francois assistés d’Anglois comme ils ont pris la liberté de vous le faire scavoir l’année dernière, n’a rien epargné pour faire rendre le change aux dits Anglois et elle a esté asses heureuse que son argent donné sans epargne aux coureurs de bois du Canada leur a fait entreprendre de chasser les dits Anglois des trois Maisons et Magazins qu’ils avoient fortifiés de garnisons et de Canons au fond de la dite Baye.

La Depence a excédé leurs moyens et quoy qu’il s’y soit fait quelque pillage tout a Esté quasi dissipé au proffit des dits Coureurs de bois. Ainsy Monseigneur cette Compagnie s’adresse a vostre grandeur pour luy faire rendre justice en faisant regler que la Rivière Bourbon et dependances, dont Sa Majesté a accordé la Jouissance a la ditte compagnie vingt années, luy sera remise et abandonnée par les dits Anglois et renegats françois pour y continuer son comerce qu’elle y avoit Estably des 1682.

Cette Compagnie avoit sous fermé du Sieur Patu ce que l’on apelle la traitte de Tadousat pour passer plus commodement aux dittes habitations Angloises après avoir aporté tous les menagemens possibles a la ditte sous ferme. Elle n’a rien tiré pour payer le prix de son bail ce qui l’a obligée de demander diminution audit sieur Patu qui a fait regler par Monsieur l’Intendant que son bail seroit Executé.

C’est ce qui les a obligez Monseigneur de donner leur procuration au Sieur Riverin qui se presentera a vostre grandeur pour obtenir justice contre les dits Anglois decharge de la ditte sous ferme. Et encor le payement de la fregatte le St. Anthoine qu’ils ont Expédié en 1684 par ordre de Messieurs de la Barre et de Meulles pour vous porter Monseigneur nouvelles de la guerre Contre les Nations Irocoises.

Vos bontés pour ce pays leur fait espérer la Continuation de vostre protection pour cette petitte Compagnie qui sera obligée de prier Dieu pour vostre grandeur, de qui ils veulent toujours dependre absolument en qualité de……

Monseigneur Vos tres humbles et tres obeissans serviteurs Pachot, De Comporté, Hazeur, Le Ber, Migeon De Bransac, Bouthier, Gobin, Chanjon, Charles auber de la chenaye, Patu, Catignon.

Arch. publiques du Canada. Corr., générale, vol F. 8 C 11 p. 149




appendice h


.... Nos marchands ne manquent pas de bonne volonté pour augmenter le commerce et nous ont bien promis de faire faire quelques bâtiments, mais il faut qu’ils retirent leurs avances qui sont au fond de la Baie d’Hudson, dont ils n’ont pu rien retirer cette année (1687) par les terres, les rivières étant trop basses pour pouvoir naviguer. On n’y a pas pu même porter des vivres, ce qui a nécessité le Sr. d’Iberville, Commandant, de quitter les postes que nous y occupions, les ayant réduits de deux à trois qu’ils étaient, et n’ayant laissé dans chacun que six hommes pour la garde des forts et des pelleteries, qui y sont pour plus de deux cent mille livres, et cent mille livres d’autres effets argent de France, il n’a pu laisser des vivres à ces douze hommes qu’un minot et demi de blé d’Inde pour chacun, nous admirons la fermeté de ces hommes qui y ont bien voulu rester à ce prix là, toute leur ressource est sur la chasse des outardes dont le passage en automne ne dure que huit jours et au printemps autant ; le mémoire que nous vous envoyons de la part de la Compagnie du Nord, fais le détail des secours qu’ils demandent à Monseigneur sans quoi cette Compagnie se pendant ? ce qui portera un grand préjudice au commerce de toute le Colonie ; si des cette année on avait pu envoyer un navire chargé de marchandises au fond de la dite baie on ferait au printemps prochain plus de cinq cent paquets de castors ; étant descendus cette année des sauvages du nord pour voir s’il y arriverait quelque navire, ils s’en sont retournés trés fachés de ce qu’il n’y en est pas allé, mais ayant de la joie de nous voir occuper les postes au lieu des Anglais dont ils ne sont pas contents. Cependant, ils seront tous obligés d’aller à la rivière Bourbon au Port Nelson ou sont les Anglais, ce contre temps est fort désagréable. Nous avons bien prévu cela dès l’année passée Monseigneur, et c’est ce qui nous avait engagés de demander pour nos marchands un navire pour aller quérir leurs effets et se garantir des pirates, car s’ils n’avaient envoyé que de simples barques elles auraient été prises infailliblement par des pirates qui n’ont pas quittés l’embouchure de notre rivière tout l’été, se cachant derrière des iles et dans des coins de rivières où les navires du Roi n’ont pas pu les aller chercher.

Ces pirates ont été vus par le navire la Diligente de M. de (Cherry) et plusieurs autres, même par quelques barques. Ce qui nous a persuadés par le grand séjour qu’ils ont fait qu’ils attendaient le retour des pelleteries du fond de la Baie d’Hudson. Il n’est pas possible de pouvoir soutenir l’entreprise de cette baie autrement que par mer, dès l’an passé que le Sieur de Troyes s’en rendit maître, il fallait qu’il prit tous les forts où qu’il mourût de faim, on a tenté cette année (1687) le chemin de Nemisko qui est plus court mais qui est plus mauvais pour la navigation, car ils n’ont pu porter le moitié des vivres qu’on leur envoyait ainsi Monseigneur, il faut, s’il vous plait que vous secouriez l’année prochaine notre compagnie d’un navire le Sieur de Lorme commandera qui est un fort bon sujet ; ils s’en sont retournés très fachés de ce qu’il ny en avait pas.

Ils se chargeront de l’équipage de l’entretien du navire, si vous voulez leur donner pour deux ans. Sans cela Monseigneur, la compagnie est ruinée, à l’abri de ce navire nous enverrons deux barques qui iront dans tout le pays plat pour ne pas hasarder le navire, nous souhaitons fort que le Roi se soit accommodé de toute la baie qui nous donnerait de grands avantages pour le commerce et nous formerait des matelots et des pilotes dont nous manquons beaucoup et nous donnerait lieu de faire des nouvelles découvertes de ce côté là.

Archives canadiennes, correspondance générale Canada, Le Marquis de Denonville et M. de Champigny à M. de Seignelay, 6 Novembre 1687. Vol. 9 fols 20-23.,




appendice i


De l’Isle de Charleston, le 21 septembre 1688 coppie d’une lettre du Sr. d’Yberville, commandant dans la baie du Nord du Canada, du 21 Sptembre 1688.

Je me sers du retour du navire le Soleil d’Afrique pour vous donner des nouvelles de ces quartiers où nous sommes arrivez le 9è. de ce mois. Les vents nous ont esté si contraires, et les glaces en si grande quantité qu’il ne s’en est pas encore tant vue, et nous, ne nous sommes fait autre mal que d’avoir rompu le coupe gorge du vaisseau. Le petit navire, le St-François, appartenant à la compagnie n’est pas encore venu je l’attens de jour en jour, nous avons été obligez de le quitter à moitié chemin, parce qu’il n’allait pas si bien que nous, et nous fesait trop perdre de temps.

La compagnie ne recevra pas cette année tout le castor de ces cartiers par la raison que nous n’avons point trouvé icy en arrivant la barque chargée comme on en avait donné ordre a M. de Louvigny, commandant de ce fort pour la compagnie, qui avait fait partir la barque de l’Isle de Charleston pour faire retourner au fort St. Louis, le même jour de nostre arrivée, disant qu’il croyait que le navire ne viendrait point et qu’il ferait relâche ce qui m’obligea pendant que le vaisseau dechargeait d’aller en canot le querir. Je la trouvai chargée de 34 à 35 milliers de castor selon l’estime de M. de la Chevrotière, commandant du fort, 13 paquets de marthes, et 10 paquetz de loutres, dont je n’ay point le nombre. Je ne puis estre de retour le 16è. ou le vent… nous retient encore aujourd’hui, et nous fait connaistre que le navire sera party devant mon retour du fort Ste. Anne où je voulais aller descharger 15 500 lbs pesant de Castor

Arch. Can. Corr. génér. Canada 1688-1689 Vol. 10. Fols. 237 238.




appendice j


Memoires des intéressés en la Compagnie de la Baie d’Hudson en Canada à sa Majesté. (Sans date).

En 1686, la dite compagnie qui se voyait sans ressource fit un effort et par le permission de M. D’Enonville, elle envoya cent hommes sous le commandement du Sr. d’Yberville, pour insulter les forts des anglais. Ils traversèrent tout le Canada avec des peines incompréhensibles, ils attaquèrent les dits forts bien garnis de canon en batterie et où il y avait 80 hommes de garnison, et ils y trouvèrent 400 paquets de castor et d’autres effets.

Le d. d’Yberville ayant escaladé et pris l’espée à la main les d. vents après une assez forte résistance, retint 35 hommes et envoya le reste, on les chargea de qulques castor pour l’apporter a dos, ils furent obligez d’en laisser partie dans les bois n’ayant pu les apporter parce qu’ils étaient en sus chargez de leurs vivres, dans une distance de 300 lieues dans un pays traversé de rivières, de rapides et de montagnes. De sorte qu’ayant esté jugé impossible de tirer les effetz de la Baye par terre, et n’y ayant point de vaisseaux en Canada, les dits interessez, envoyèrent en France à la fin de l’année 1687, pour chercher les moyens de les faire apporter par mer. Ils eurent recours a vostre majesté qui eut la bonté de leur faire donner le vaisseau, le Soleil d’Afrique. Il partit à la fin d’avril 1688, pour Quebek, afin d’y prendre les choses nécessaires. Il fit sa traversée en 37 jours et repartit de Quebek, le 28 juin pour la baie qu’il trouva encore glacée le 3ème d’Août.

Le navire ne put arriver à l’Isle de Charleston que le 19ème septembre on est obligé de mouiller à cette isle à 25 lieues des forts, et le Sieur d’Yberville y avait fait partir les castors. Dès le 22ème la mer commença a se refermer et pour ne pas exposer le vaisseau de sa Majesté, il fallut mettre à la voile pour le retour ; pendant ces quatre jours on mit à terre 560 barriques de marchandises et vivres, on fit cent bariques d’eau, et 150 tonneaux de lest avec le bois, et on ne put prendre qu’environ la moitié du castor qui s’est trouvé d’environ 34 millers.

Arch. Canad. Corr. Génér. Canada Vol 10 fols 528-530.




appendice k


Relation de ce qui s’est passé à la Baie du Nord, envoyés par le Sieur Patu, sous fermier du Canada, de Québec.

A Québec le 14 Novembre 1689.

Aussitôt que le navire le Soleil d’Afrique fut arrivé à Charleston, le frère du Sr. d’Iberville et un autre s’embarquèrent dans un canot pour venir en diligence à Monsipy où ils trouvèrent la barque qu’ils chargèrent de castors, et l’amenèrent à Charleston où était le navire ayant eu beau temps, le voyage sitôt fait obligea d’Iberville à décharger promptement le castor, et rechargea les marchandises qu’il avait cru nécessaires pour Quichychouan où est le fort. Il dit à Delorme :

« Si j’ai beau temps je serai de retour avec le reste du castor dans peu et attendez-moi ici huit jours ; si je ne suis de retour dans ce temps, levez l’ancre et vous en allez » D’Iberville partit avc la barque, arriva le même jour à l’entrée de la rivière Quichychouan, et entra la nuit déchargea le lendemain, et rechargea le castor le troisième jour de son arrivé.

Lorsqu’il voulu s’en reouner et sortir de la rivière, il aperçut deux navires Anglais, ce qu’il le fit entrer sans qu’il en fut apperçut. Aussitôt il dépêcha deux canots pour aller couper les balises qui étaient dans la rivière pour conduire les vaisseaux, cela se fit à la vue des Anglais qui tirèrent plusieurs coups de fusils sur eux pour les en empêcher.

Ensuite les Anglais se mirent dans deux chaloupes pour remettre les balises de barils. Nos gens se voyant traités comme ennemis se mirent à tirer de leur côté, et cassèrent leurs barils à coup de haches, à mesure qu’ils en mettaient, cela se fit pendant deux jours. Leurs deux navires étaient échoués à la bande ; et si d’Iberville eut eu du canon sur sa barque, il les aurait pris en l’état qu’ils étaient, après cela le petit navire Anglais se releva et entra dans la rivière conduit par deux chaloupes qui sondaient continuellement. Maricourt frère d’Iberville et Martigny[135] son cousin les observaient, et tiraient incessamment sur eux. Les Anglais mirent leur monde à terre sous les armes embusqués de tout coté. La nuit suivante Maricourt, son cousin, Pierre Vaux, et Dorval s’embarquèrent après minuit pour venir faire leur embuscade sans être pris, à dessein de prendre quelques anglais en vie pour savoir leur dessein et les raisons qu’ils avaient de les attaquer et inquieter dans leur établissement, soit que les Anglais entendissent quelques branches cassées, où qu’ils eussent peur ils crièrent hors de la garde et envoyèrent des sentinelles plus avant. Nos gens voyant trois gens bien vêtus crurent que c’étaient les Commandants ils se trainèrent pour les approcher, un de ces Commandants prétendus qui avait une épée à garde d’argent, avec une grande perruque, s’écarta des autres, passa au bout de la levée dont nos gens tenaient le haut, cachés dans des broussailles ; ils le laissèrent passer croyant qu’il s’écarterait assez pour le pouvoir prendre en vie ; mais il revint sur ses pas pour rejoindre ses camarades. Nos gens voyant qu’il leur allait échapper, Martigny le tira de dix pas et le jetta par terre sur le bord de l’eau où il entra quelques pas en tombant puis se releva et y baissa son fusil criant à moi Pierre Vaux tira un second coup qui ne le fit pas tomber. Maricourt sans perdre de temps tira et le jetta à bas dont il ne se releva pas. Nos gens entrèrent environ deux arpents dans le bois, rchargèrent leurs fusils et trouvèrent les anglais qui faisaient grand bruit autour du corps de leur Capitaine. Nos gens firent encore sur eux leur descharge de loin, et leur crièrent : « vous voilà bien étonné pour un homme mort, nous nous reverrons plus amplement », après quoi ils s’enfuirent dans leur canot et traversèrent à deux cents pas au-dessus d’eux. Depuis ce temps qui dura depuis douze ou quinze jours jurqu’au départ de Martigny pour venir ici qui fut le 10 Octobre (1688), il ne passa rien. Le lendemain que le Capitaine fut tué, dès le point du jour, les Anglais déchargèrent leur petit navire dans le même lieu où avait été tué le Capitaine, une partie d’eux demeura pour garder leurs marchandises et l’autre fut avec le petit navire décharger le grand navire qui était encore échoué à la côte, et le lendemain d’après ils le firent entrer.

Nos gens au nombre de 14 qui avaient passé la nuit des deux côtés de la rivière en embuscade, voyant que les Anglais faisaient monter leurs deux navires escortés de leurs deux chaloupes, sortirent de leur embuscade pour les fusiller à découvert. Les Anglais leur tirèrent bien quarante coups de canon. La Mothe qui est notre interpète pour les sauvages, y fut légèrement blessé à la cuisse, Maricourt le fut pareillement d’un éclat de roche. Cela ne les empêcha pas de continuer à tirer sur les Anglais qui ayant la marée favorable montèrent malgré les nôtres, et se vinrent camper à un quart de lieue de notre fort ou depuis ils ont campés sous des tentes creusées en terre pour se mettre à couvert des coups de fusils de nos gens qui les obervaient nuit et jour, espérant en prendre quelqu’un en vie, mais ils n’ont jamais osé s’écarter plus de vingt pas. Partie de nos gens était occupée à faire une fosse contre leur fort pour y mettre leur barque à couvert des glaces, les autres les gardaient, et le reste chassait à leur barbe. Ils sont si consternés que Lamothe seul s’étant mis en embuscade au-dessus d’eux, la nuit avec trois fusils, à la pointe du jour il vit une chaloupe où il y avait neuf hommes qui montaient terre à terre, il les laissa approcher et les tira en passant, celui qu’il mirait tomba à la renverse, tous les autres se jettèrent au fond de la chaloupe, qui n’eurent pas l’assurance de paraître, et se laissèrent dériver avec le courant qui les remenait vers leurs gens.

Ensuite de cela d’Iberville envoya à son cousin Martigny qui s’offrit de nous apporter des lettres cet hiver pourvu qu’on lui donna encore un Français de ceux qui étaient à Monsipy, avec un sauvage pour le guider.

Il partit donc seul pour venir à Monsipy ou, (10 octobre 1686), il prit Montplaisir avec lui et deux sauvages des Abitibys qui s’y trouvèrent, lesquels leur promirent de les amener ici sur les neiges. Malheureusement les vivres leur ayant manqué, ils furent obligés de quitter leur chemin pour chasser de quoi vivre. Ils trouvèrent dans les lieux de chasse des sauvages qui venaient de Thémiscaming, qui leur dirent que les Iroquois avaient tué tous les Français qui y étaient, qu’ils avaient trouvée des morceaux de leurs corps par la place. C’en était là plus qu’il ne fallait pour épouvanter nos gens, et les faire relacher. Ce fut en ce même lieu qu’ils reçurent la dernière lettre que d’Iberville nous a écrite, partie par des sauvages qui avaient premis de ratrapper nos gens. D’Iberville eut le prévoyance d’envoyer du papier à son cousin, et lui manda de lui faire savoir si les guides persistaient, et s’il espérait se rendre cet hiver ; il lui manda par les mêmes sauvages que sur la nouvelle ci-dessus ses guides avaient pris l’épouvante, et qu’au lieu de descendre, ils le menaient vers le Lac Supérieur, ce qui l’empêcherait de se rendre ici plustôt que le printemps.

Nos deux français et leur guides pensèrent mourir de faim et pour augmentation de malheur les fusils des sauvages, et un de ceux de nos gens crévèrent. La misère qu’ils eurent sur les chemins les obligea à suivre des lacs pour y pêcher, ce qui alongea beaucoup leur chemin. Ils y rencontrèrent un sauvage qui eut la bonté de leur faire un petit canot où ils s’embarquèrent le 18e. Mai (1689) environ à 150 lieus de St. Marie où ils s’envinrent seuls, conduits par une petite carte que le sauvage leur avait faite sur une écorse. Il s’éjourna un jour à St. Marie où le P. Albanel lui apprit que partie des sauvages était en guerre, et l’autre à la chasse que tous les Français avaient bien fait leurs affaires, qu’ils devaient s’assembler pour descendre en Juillet, qu’il arrivait souvent des partis de guerre qui amenaient des prisonniers, et que les Hurons devaient se retirer avec les Miamys à cause que les Français les veulent abandonner en voulant faire paix avec les Iroquois.

D’Iberville mande qu’il croit qu’il y a bien 80 à 90 hommes parmi les Anglais, et bien qu’il n’ait que 17 hommes avec lui, il espérait se rendre maître des dits Anglais.

Le 30 Juin 1689 le Sr. De Bellefeuille arriva venant de la Baye du Nord d’où il partit le 15 Avril ; il a été amené par deux sauvages d’Abitibys au travers des terres, et il est sorti par le rivière Lelièvre. Voici ce qu’il dit s’être passé au Nord depuis le départ de Martîgny au mois d’Octobre 1688.

Le Sieur d’Iberville commandant à la Baye fit réflection que s’il continuait à harceler les Anglais, il les obligerait à lever l’ancre et s’en aller à l’île Charleston qui est le seul lieu où il pourraient mettre leurs navires en sureté. Nous avions encore à Charleston les deux tiers de la cargaison du navire le Soleil d’Afrique avec six hommes qui les gardaient ; cela le fit résoudre à les laisser en repos travailler à faire une maison, et se fortifier jusqu’à ce que leurs navires fussent pris dans les glaces. Ce temps étant arrivé, d’Iberville ne garda plus de mesures (Octobre 1688). Un jour le Sr. d’Iberville se promenant avec Lamothe passant devant le fort des Anglais, ils l’appelèrent en montrant un pavillon, et le prièrent de bien vouloir vivre en paix avec eux, et qu’il n’inquiéta point leurs gens qui allaient à la chasse des perdrix, il leur fit réponce qu’il ne pouvait leur laisser cette liberté par le crainte qu’il avait qu’en leur accordant ils ne prissent connaissance de l’état où il était ; cela finit avec quelques gasconnades de la part des Anglais. Le lendemain deux Capitaines des navires anglais et un pilote sortirent pour la chasse nonobstant la défense du Sr. d’Iberville ; un des capitaines se trouvant incommoder, relâcha, d’Iberville lui sixième étant allé pour gater et couper la charpante que les anglais préparaient pour achever leur bâtiment, il fit rencontre de la piste du Capitaine et pilote il leur coupa leur chemin, et les ayant rencontré leur fit commandemant de mettre armes bas ; ce qu’ils firent et se rendirent au Sr. d’Iberville qui les amena à son fort. Le lendemain d’Iberville envoya huit hommes pour attraper ceux qui iraient de la part des Anglais chercher le Capitaine et le pilote de qui ils ignoraient le prise.

Nos gens étant en embuscade virent venir dix Anglais sur la glace bien armés, mais ils n’osèrent approcher et s’en retournèrent. Deux ou trois jours se passèrent pendant que nos gens cherchaient occasion de prendre ceux qui sortiraient. Les Anglais se voyant gênés présentèrent un pavillon et demandèrent à parler, ils s’avancèrent au milieu de la rivière, et dirent qu’ils ne demandaient qu’a vivre en paix, et qu’ils étaient prêts (pour en donner des marques) de nous vendre toutes leurs marchandises à cent pour cent payables en Castor à 4 $ 10 s. et demeureraient paisiblement dans leur fort jusqu’à ce qu’on eut des nouvelles d’Europe ou de M. de Denonville, et qu’ils donneraient pour sureté de leur parole un otage. Le Sr. d’Iberville en demeura d’accord à condition qu’ils ne passeraient point au sud de leur ile qui était de notre côté, le Sr. d’Iberville se réservait le pouvoir d’aller ou bon lui semblerait avec ses gens. Le traité fut ainsi fait par écrit, et cela fini, les Anglais firent apporter leurs marchandises au milieu de la rivière sur la glace, par huit ou dix hommes.

Les nôtres les recevaient les armes à la main, cela dura pendant deux ou trois jours, ensuite de quoi un long temps se passa que l’on vivait en bons amis.

Un Capitaine et un Lieutenant du Gouverneur vinrent visiter d’Iberville qui les avait invités à diner ; ils s’en retournèrent sur le soir conduits par lui jusqu’à moitié chemin, d’Iberville ayant examiné son traité ne le trouva pas bien fait et était toujours dans la défiance. Il se résolu de faire en sorte d’avoir un Irlandais catholique qui parlait français, lequel était aux Anglais et qui avait témoigné à d’Iberville en particulier qu’il se voulait rendre à lui d’Iberville impatientant de ce qu’il ne le venait pas trouver, envoya son frère Maricourt avec six hommes pour le prendre. Le dit Maricourt se cacha dans le bois et envoya deux de ses hommes sur la glace demandant à parler. Les Anglais y envoyèrent le dit Irlandais pour savoir ce que l’on voulait. Un de nos hommes s’avança et lui dit qu’ils étaient venus de la part de leur commandant pour le sommer de lui tenir sa parole. Il répondit qu’il la voulait tenir mais qu’on lui donnât quatre ou cinq jours pour avoir le loisir de retirer ses hardes. Pendant ce temps notre autre français s’avança et lui dit qu’il ne fallait point différer, et qu’il ne manquerait point de hardes.

Il obéit et l’emmenèrent à notre fort. Il dit au Sr. d’Iberville l’état ou étaient les affaires des anglais, lui faisant connaître qu’ils étaient venus exprès pour chasser les Français, et qu’il s’en défiait, que tout ce qu’ils faisaient n’étaient que pour l’amuser et le trahir, et qu’ils avaient encore des marchandises par derrière eux. Ensuite d’Iberville et son frère Maricourt, avec douze hommes se furent camper dans l’ile des Anglais, proche leur fort et demandèrent à parler. D’Iberville fit connaître qu’il n’était pas content de leur procédé et qu’ils manquaient à la parole qu’ils lui avaient donnée. Ils lui firent réponse qu’ils désireraient le contenter en toutes choses.

Le Gouverneur Anglais vint lui-même pour l’assurer qu’il lui tiendrait parole. Le lendemain l’on fut chercher le reste de la marchandise, et ils envoyèrent le Capitaine Abraham pour otage, disant à d’Iberville que c’était un homme pour lui ils avaient beaucoup de considération. Un long temps se passa, se visitant les uns les autres en se régalant. Le capitaine Abraham, otage, fit confidence à d’Iberville. qu’il était un forban qui avait été pris par eux dans le détroit, et lui dit, ne faites aucun fond pour m’avoir comme otage, je sais qu’ils vous veulent tromper, et, et que tout ce qu’ils font n’est que pour prolonger le temps en attendant que les glaces leur donnent la liberté de se mettre sur les navires avec quoi ils prétendent se rendre maîtres de votre fort et vous prendre, et ajouta qu’ils avaient encore des marchandises.

D’Iberville profita de ces avis pour rompre le traité qu’il avait fait avec eux, puisqu’ils y contrevenaient. Il résolut de commencer par leur oter quatre bons hommes qu’ils avaient, lesquels étaient de vieux hivernants de ces quartiers, qui savaient la langue des sauvages. Pour exécuter ce dessein il les fit inviter par LaMothe, et un sauvage, d’aller quérir de la viande fraîche, et que les sauvages avaient tué dix cariboux, ils accordèrent que le lendemain ils iraient. LaMothe les fut quérir en passant, et les mena par l’endroit où il savait que Maricourt les attendait avec cinq hommes. Le dit Maricourt leur dit Mrs. la viande fraîche que je veux vous donner est chez nous, il faut y venir ce qu’ils firent, leur ayant été promis qu’il y avait bon quartier pour eux. D’Iberville les fit mettre en prison, et dit au Capitaine Baudeleur premier, prisonnier, de faire venir toutes ses hardes, ce qu’il fit en écrivant au commandant Anglais qui fit réponse par notre français qu’ils les en verraient sans faute le lendemain, ce qu’il fit avec 17 hommes qui menaient une traîne. Le Sieur d’Iberville fit au devant d’eux accompagné de 13 hommes à dessein de les enlever, ce qu’il fit en les faisant conduire à son fort. Ils dirent que leur Lieutenant venait après eux, lui deuxième. Maricourt s’en fut lui 4e. au devant pour les prendre.

Dans ce même temps notre chirurgien fut inviter celui des Anglais d’aller à la chasse avec lui ce qu’il fit, nos gens le furent attendre dans le bois, et l’emmenèrent au fort.

Voilà 21 hommes de pris et tous par adresse. Le même jour d’Iberville envoya sommer les Anglais de lui remettre tous les effets de leur compagnie entre les mains, et de se rendre. Ils répondirent qu’ils étaient encore 40 hommes de combat, sans leurs malades, et que ce n’était pas une proposition à leur faire que de les mettre ainsi à sa discrétion. Le lendemain Maricourt, lui 14e. fut camper dans l’ile des Anglais, hors la portée de canon ; il y fit faire une cabane et envoyait continuellement harceler les Anglais. Le jour suivant d’Iberville y fit mener une petite pièce de canon, et y vint lui-même. Deux jours se passèrent ainsi à tirailler les uns contre les autres. L’Anglais se servait de toute son artillerie qui état nombreuse, ayant sur ses deux navires 34 pièces de canon et 8 pierriers. Le 3e. jour ils nous tuèrent le nommé Villeneuve, une heure après on tua un des leurs. Le lendemain d’Iberville y retourna avec son prisonnier Baude, Lieutenant du Gouverneur, où il les somma de se rendre, qu’à faute de quoi il n’y aurait pas de quartier. Ils donnèrent leur réponce par écrit en alléguant les conditions du premier traité. D’Iberville n’y voulut pas entendre et leur fit connaître que le plus court pour eux étaient de se rendre.

Les Anglais envoyèrent pour la seconde fois le priant de leur donner du délai jusqu’au lendemain afin de songer à leurs affaires, promettant, de lui donner toute sorte de satisfaction. Le lendemain étant arrivé, et nos gens toujours campés devant eux, d’Iberville envoya son interprète demandé leur réponse. Ils l’envoyèrent en latin. D’Iberville vint à notre camp avec le Lieutenant, son prisonnier, et accepta leurs propositions qui étaient qu’ils payeraient tel gages des officiers montant à 2 500 lbs. qu’il leur donnerait un vaisseau avec vivres pour s’en retourner. Cela étant arrêté, d’Iberville envoya quérir le Gouverneur qui vint sur la glace et signèrent les conventions ; et ensuite le dit Gouverneur fit sortir tout son monde sans armes sur la glace. Maricour fut prendre possession du fort des Anglais avec 14 hommes, le Gouverneur l’y conduisant. Cela étant fini d’Iberville fit désarmer les deux navires, et mis ce qui était dedans au fort. Les Anglais furent coucher dans les dits deux navires, ensuite d’Iberville s’en retourna à son vieux fort où il restait 8 français qui gardaient les prisonniers au nombre de 55, le reste étant mort de maladie dans leur fort. Le lendemain d’Iberville revint au fort nouvellement pris pour mettre ordre à tout, et fit conduire tous les Anglais au vieux fort, s’en réservant dix des meilleurs pour les faire travailler ; et après avoir retiré tous les effets qui étaient dans son vieux fort il y en retira aussi 8 hommes qui y étaient restés à la réserve d’un, qu’il laissa pour garder les Anglais, et leur distribuer des vivres, Maricour partit du vieux fort vers la fin de l’année 1688 pour aller à Charleston sur les glaces pour savoir des nouvelles des six hommes qu’il y avait laissées pour le garde de nos marchandises qui y étaient restées ; il les trouva en parfaite ordre et en ramena quatre avec lui pour fortifier Quichychouan où étaient les navires Anglais. Il y a presque 150 lieus à faire sur les glaces et une traversée de 15 lieus sans abri, les Anglais étaient 85 hommes sur les deux navires, le plus grand était de 18 pièces de canon et 4 pierriers, le petit était de dix pièces et de 4 pierriers avec quantité d’armes et munitions de bouche et de guerre. Des 85 hommes susdits, il en était mort 28, y compris 3 de tuer par nos gens.

Avant que le Sieur Bellefeuille fut arrivé pour apporter la nouvelle de la prise des navires Anglais la Compagnie avait résolu d’envoyer St. Hélène, frère d’Iberville pour la découverte d’un chemin par lequel on prétendait aller en 20 jours à la Baye, et même temps un secours d’hommes pour aider au Sr. d’Iberville à repousser les Anglais qui pouvaient revenir cette année à la dite Baye pour savoir des nouvelles de leurs gens.

C’est pourquoi il fut dépêché un des associés pour aller travailler à Montréal a cette expédition qui fut achevée le 5e. de Juillet (1689) que le dit de Sainte Hélène partit avec 50 hommes parmi lesquels il y avait nombre de matelots que l’on envoyait exprè pour amener les navires Anglais, en cette rade. Il fut aussi dépêché par Tadoussac 10 à 12 hommes entre lesquels était un pilote français qui avait fait deux voyages au port Nelson dans le temps que nous en étions en possession. Depuis l’arrivée du dit Sr. Bellefeuille on n’avait reçu aucune nouvelles de la Baye jusqu’au 20 Octobre 1689 qu’arriva le Sr. La Chevrotière avec 8 Anglais entre lesquels étaient les trois Capitaines des navires pris avec des lettres de d’Iberville qui marquait qu’il avait pris la résolution de s’en venir à Québec avec les navires Anglais, le plus grand équipé de ses canons, 30 Français et 12 Anglais, et qu’il avait donné aux autres Anglais, qui n’étaient de nulle conséquence, un petit bâtiment qu’il avait pris le printemps dernier pour s’en retourner en Europe, qu’il partirait le 10 Septembre du fond de la Baye et, qu’il laisserait son frère Maricour pour y commander avec St. Hélène qui ne s’enviendrait que quand le temps serat passé que l’on peut craindre l’arrivée de quelques navires Anglais, et même qu’il viendrait par ce chemin prétendu qu’il aurait marqué en allant, ayant mit 42 jours à se rendre au lieu de 20. Il ne crois pas que les Anglais y retournent sitôt. Dans les prises que nous avons faite, il s’est rencontré onze pilotes, il ne leur reste que le nommé Grimeton qui était pour nous dans le Soleil d’Afrique, et qui nous a déserté, s’il revient au dit fond de la Baye il est encore à nous.

Nous sommes au 29 octobre 1689 le navire du Nord arrive chargé de pelleteries, il a rencontré le navire qui porte les retours du fort Nelson à Londres, si l’équipage avait été tout français, d’Iberville l’aurait assurément pris ; mais se prudence l’a empêché de rien entreprendre sur le d. navire afin de se réserver pour le port Nelson. C’est à la conduite du dit Sr. d’Iberville que l’on doit tout ce succès.

Arch. Can. Corr. géné Canada. Vol. 1 fol 480 à 498.




appendice l


17 Novembre 1689

COPIE D’UNE LETTRE DU SR. D’IBERVILLE COMMANDANT DE LA BAIE DU NORD EN CANADA A SES ASSOCIES A PARIS.

Québec, le 17 Novembre 1689.

Le Capitaine Bonnaventure[136] a relaché ici ayant parti trop tard de France. S’il fut arrivé au mois d’Aout ou de Septembre à la Baie, il se fut chargé des Castors que j’ai apportés ici et j’aurais avec le Navire que j’ai pris sur les Anglais, été hiverner au Fort Nelson avec quarante hommes et m’en serais rendu maître cet hyver sans qu’il eût coûté vingt mille livres. Pour vous faire un petit détail de ce que j’ai fait depuis que vous avez eu de nos nouvelles par les premiers vaisseaux, je vous dirai que le 1r. Juillet étant au fort St. Anne je sus par des sauvages venant de la guerre des Esquimaux qu’il avaient trouvé une chaloupe anglaise qui venait avec quatre hommes de reconnaître le fort St. Louis où elle n’a trouvé que quatre hommes qu’elle s’en retournait à Ruper où était son vaisseau distant du fort Ste. Anne de 50 lieus et du fort St.  Louis de trente lieus ; qu’ils le devaient venir prendre, ayant pris le plus grand des bâtiments Anglais, je fus contraint de partir pour aller à Charleston quérir nos yivres qui y avaient resté en automne, je partis sur le champ le’er. de Juillet avec onze de mes gens et laissa au fort mon frère de Maricour avec 9 hommes et 58 Anglais et me rendis à Charleston. Après avoir passé au fort St. Louis pour voir si l’anglais n’y serait point. J’y arrivai le 2 au soir ou j’ai trouvé des quatre hommes que mon frère y avait laissés un de mort et deux autres brûlés par la poudre, hors de service, le 3, je changeai tout ce qu’il y avait dans la maison et laissai les caches et en repartis la même nuit pour Ruper où je me rendis de vent contraire, le 7 je fis reconnaître le vaisseaux et le 8 au matin je m’en allai avec quatre hommes et un de mes frères pour les sommer de me rendre leur vaisseau et les effets, à demie lieue de leur navire, de brume, je rencontrai leur chaloupe avec huit hommes dont quatre se trouvèrent sauvages.

Je l’abordai leur parlant Anglais et me saisis d’eux ils firent peu de résistance, voyant que nous allions mieux qu’eux et que nous étions les plus forts ou plus résolus de nous battre. Je pris le capitaine du vaisseau avec moi dans ma chaloupe et envoyai la sienne à mon bord avec trois de ses hommes conduits par un de mes frères. Je fus sommer le pilote du vaisseaux de se rendre, qui ne voulut faire quoiqu’ils ne fussent que cinq hommes, à moins que je ne leur payasse leurs gages, ce que je leur accordai, ne voulant pas faire entrer mon vaisseau dans cette Rivière et étant toujours pressé de m’en retourner à Charleston quérir cent barriques de grain que j’avais en cache approvisionner le fort St. Louis et me rendre au fort Sainte Anne où j’avais beaucoup de travail tant qu’à mettre nos barques à l’eau que les glaces avaient jetées sur les côtés, que beaucoup d’autres travaux que mon frère ne pouvait faire avec si peu de monde et en avoir tant à garder, ce qui m’obligea de leur promettre de sortir aussitôt de cette rivière et ne me pus rendre au fort Ste. Anne que le 15 Août (1689) à cause des Sautes de vent.

Mon frère de Ste. Hélène m’y joignit avec un secours de trente huit hommes et m’apporta des ordres de m’en revenir à Québec avec le plus grand des vaisseaux de vingt quatre pièces de canon chargées de castor, ce que je fis le 12, 7bre (1689) que je suis parti du fort Ste.  Anne et mon frère de Ste. Hélène aussi avec deux hommes pour s’en revenir à Montréal en canot. Je laissai mon frère de Maricour en ma place avec trente six hommes dans trois endroits en cas de l’arrivée du navire Anglais qu’ils attendaient cette année, de trente pièces de canon qui n’est pas venu, mon frère Ste. Hélène étant parti du fort St. Louis le 18 Septembre, l’on en a aucune nouvelles et moi qui ai rencontré un navire de 14 pièces de canon dans l’ntrée du détroit venant du port Nelson où il avait hyverné et en était parti le 12 du mois. On nous dit qu’il n’avait point eu cette année de navire d’Europe et on était bien en peine, je parus Anglais à ces gens là, ne faisant parler que les Anglais, et portant le pavillon de Roi et de la Compagnie d’Angleterre.

Nous nous promîmes de nous garder compagnie et que pour cela je porterai le feu, ce que je fis pendant 120 lieues durant lequel temps nous nous parlâmes cinq fois attendant un vent favorable pour nous visiter en chaloupe, j’aurais bien voulu leur attraper une chaloupe et tâcher de les prendre après leur avoir ôté 8 ou 10 hommes, quoiqu’ils fussent 25 de compte fait, mais le temps ne nous permit pas de nous visiter Chouar étant avec eux que je reconnus. Ainsi nous nous quitâmes au bout du détroit, eux faisant route vers l’Angleterre, et nous vers Belle-Isle et arrivâmes heureusement à Québec le 28 Octobre (1689). Il me reste à vous marquer notre résolution pour notre entreprise que la Compagnie a résolu d’acheter un vaisseau de 18 à 20 pièces de canon, de 120 ou 150 tonneaux qui partira de LaRochelle le 15 de Mars afin de se rendre ici en Mai et je serai tout prêt pour partir dans le bâtiment que j’ai ici et un autre que nous y joindrons, mais nous avons bon besoin que celui de France ne nous manque pas ; c’est pourquoi tâchez d’obtenir un ordre particulier à M. l’Intendant pour avoir des boulets environ 2 000 petits et gros, c’est de quoi nous ne pouvons nous passer, n’en ayant point ici, il faut nous faire joindre à cela un mortier et des bombes, nous serions sûre de notre coup, puisque si nous les avions pas d’une manière nous les aurions de l’autre et quatre pièces de canon de fonte de campagne et 6 ou 3 livres de balles. Je vous assure bien de les rapporter moi-même s’il plait à Dieu. On nous a dit que le Roi veut que l’on se saississe de ce Poste. Qu’il aye donc la bonté de nous assister de ce petit secours et je suis sûr que nous nous en rendrons les maîtres avec soixante Canadiens pendant qu’ils sont environ cinquante hommes dans leur fort entouré de bons fossés de 10 pieds de large et plein d’eau avec trente pièces de canon et que nous n’avons que des fusils et des petits canon de fer de notre navire que nous serons peut-être obligés de porter au travers des bois, s’ils ont des vaissaux qui nous empêchent l’entrée de leurs Rivières enfin je ne fais nul doute que si on nous veut secourir de ce que je vous demande, nous viendrons à bout de nos desseins où y périrons.

Arch. Canad. Corr. générale, Canada, Vol 10 fol. 499 à 504.




appendice m


MEMOIRE DE LA COMPAGNIE DU NORD. TOUCHANT LE PILLAGE COMMIS PAR LES ANGLAIS A LA RIVIERE BOURBON (BAIE D’HUDSON).

La Compagnie du Commerce du Nord établie à Québec avec permission et patente de S. M. a eu le malheur après avoir pris posseession au dit pays du Nord de la riche et grande rivière de Bourbon, en 1682, d’y avoir été pillée en terre en 1683, par les anglais pendant le retour de leur vaisseau à Québec, qui leur prirent un magasin rempli de plus de 200 000 de castor martre et autres pelleteries dans le temps qu’il n’y avait point de guerre entre les deux nations ayant corrompu deux ou trois gardeurs français des dits pelleteries et magasins.

Une si grande violence a obligé la dite Compagnie pendant quelle en porta sa plainte a S. M. en France, de renvoyer les armées suivantes, tant par mer que par terre au dit nord pour se venger des dits Anglais, en y continuant leur commerce.

Leurs forces remportèrent des lors de gands avantages sur les dits Anglais qui perdirent au fond de la baie du Nord trois forts, garnis de 24, 18 et 12 pièces de canon avec quatre vingts hommes dans le fort nommé Chichosiouan, à présent Ste. Anne, quarante hommes dans celui nommé Monsipi aprésent St. Louis, et dans celui nommé Rupert, apresent St-Jacques soixante hommes où ils firent aussi quelque pillage qui fut laissé à leur soldats et aventuriers pour leur donner courage à de nouvelles entreprises.

Ce fut vers ce temps que S. M. accorda au Roi d’Angleterre que les limites des terres seraient réglées par MM. les commissaires qui furent nommées de la part des deux royaumes ce portant défense aux sujets de faire aucun acte d’hostilité, à quoi les dits Anglais refusant d’obéir de leur part, seraient venus sur la fin de l’année 1688, au fond de la baie du Nord, occupée par les français hiverner avec trois navires et environ cent hommes d’équipage auraient bâti un fort a la voix de celui des dits français, qui toujours sur leurs gardes ayant sur leurs bras de si dangereux voisins découvrirent par la communication avec quelques uns des dits Anglais, qu’ils étaient ennemis, comme ils l’avaient pensé ce qui les engagea à leur faire la guerre dans laquelle ils furent assez heureux de prendre avec 17 français les dits trois navires et leur fort nommé Churchil, gardé par 85 hommes, les autres étant morts pendant l’hiver, laquelle prise a été jugée bien faite par le jugement de l’amirauté au Siège Royale de Québec, ayant été prouvée par les papiers qui ont été saisis aux officiers anglais qu’ils étaient partis de Londres a dessens de chasser les français de la dite Baie, et d’attirer ceux des dits français qui voudraient prendre parti ayant ordre pour cet effet de se servir de la force et de la fraude.

Une si méchante conduite de la part des dits Anglais dans le temps qu’ils avaient l’ordre de leur Roi de vivre en paix, la guerre déclaré par S. M. contre ceux qui servent le prince d’Orange a donné tout le droit aux français de faire un effort pour reprendre sur eux les Rivières de Ste Thérèse et de Bourbon, dont ils se sont saisis dès l’année 1682. Pour cet effet ils ont fait partir de Québec au mois de Juin dernier deux navires commandés par les Sieurs d’hiberville et de Bonnaventure. Armés de 18, l’autre de 12 pièces de canon et quatre vingts hommes avec toutes les provisions nécessaires pour la traite et pour l’entretien de leur garnison au fond de la baie et équipage, forces qui ont dépensé 180 000 lbs., et qu’ils jugeraient suffisantes pour emporter les dts. Rivières possédées par les Anglais sur le nom de port Nelson, et où les dts. Srs. d’hyberville et de Bonnanventure trouvèrent arrivés avant eux de l’Europe trois gros navires dont un de 40 pièces avec un brûlot, ce qui les a fait relacher l’un au fond de la dite baie, et l’autre à Québec et depuis à cause du siège des Anglais en Europe, après avoir obligé pendant leur navigation les dits Anglais du Nord d’abandonner le poste de Nieu Sayanne, éloigné de 50 lieues de celui de Nelson où ils ont brulé en le quittant a ce que l’on estime au moins pour 100 000 livres d’effets.

Tant de pertes et de dépenses de la part des Anglais pour posséder le dit port Nelson peut bien faire juger de sa valeur que l’on ne peut assez estimer.

Les français y ayant fait, la première fois qu’ils y firent la traite, pour 200 000 de Castors, martres, loutres et autres pelleteries que les Anglais leur pillerent.

Toutefois non obstant l’espérance qu’il peut y avoir d’y profiter après la conquête et la convenance pour Qubec, qui peut y aller et retourner en trois mois et demi, il y a si longtemps que la dite compie. soutient la guerre à ce sujet contre les dits Anglais quelle ne croit pas ses forces capables d’obtenir cette conquête, ce quelle remontre très humblement a S. M. pour quelle y donne la main par sa grand bonté et générosité ordinaires. La dite Compagnie de Québec croit que si S. M. voulait bien lui accorder pour deux ou trois ans un de ses vaisseaux de 36  pièces de canon, bien armé de tout le nécessaire pour la guerre auquel ils joindraient leurs deux navres, sans difficulté ils prendraient sur les Anglais le dit post Nelson.

Pour réussir il faudrait primer les Anglais et obtenir le dit vaisseau de S. M. en état au mois de février prochain pour venir à Québec, la dite Compie., demeurant chargée des soins de l’équipage et victuailles.

Trois pièces de canon de fonte pour mettre à terre et battre le fort.

1 000 lbs, de poudre, tant pour la guerre, que pour la traite aux sauvages que la dite Compie payera que sur le pied que S. M. la paie au fermier ou traitement des poudres qui est à 35 lbs., avec 30 ou 40 mille livres de pret pour 4 ans et sans intérêts.

La Compagnie représente l’importance de l’entreprise qui ne pourra jamais réussir que soutenue par une maison Royale aussi puissante que celle de S. M. en accordant ses grâces a la dite Compie.

A Québec, le 15 Novembre 1690.

Signé

GABIN PACHOTCHENAYE
CHARLES ALBERT DE LA CHENAYE

ERRATA


Page 1, ligne 8, porté au lieu de portés.
Page 33, ligne 31, bras gauche au lieu de bras droit.
Page 43, ligne 30, Silvy au lieu de Silvie. Ligne 36, Lartigue au lieu de Lartique.
Page 51, ligne 30, Dupay au lieu de Dupuy.
Page 53, ligne 30, Opasatika au lieu de Opasitika.
Page 54, ligne 35, septentrionales au lieu de méridionales.



INDEX














table des noms de personnage et
de lieux.



Abraham, Capitaine, 124
Alert, l’, 78
Ailleboust, Sieur d’… de Manthet, 17
Abitibi, lac, 5, 54, 56, 121
Abitibi, Rivière, 2, 56, 57, 61
Abitibi, fort, 54, 55
Albany, fort, 2, 13, 17, 18, 90
Allemand (Lallemand) Pierre, 3, 8, 19, 22, 27, 30, 34, 47, 58, 66,
   69, 70, 85, 90, 103, 106
Allumettes, portage des, 35
Amyot, Sieur, 34
Arnaud, R. P., 44

Bellefeuille, abbé de, 37, 43, 44, 55
Bellefeuille, Sieur de, 122, 126
Blanche, rivière, 47
Bourbon, fort, 3, 4, 5
Bourbon, rivière, 5, 6, 8, 10, 17, 107, 115, 117, 129, 130
Bourget, Monseigneur, 44
Bridgar, John, 72, 78, 79, 82, 85, 94, 105, 106, 111, 114
Bryson, 33

Carillon, rapide de 24
Catalogne, M. de, 11, 109
Cerry. Sieur de, 55
Charles, fort, 2
Cherry, Sieur de, 117
Chute-à-Blondeau, 25
Chutes-aux-Iroquois, 56
Clay Falls, portage, 59
Clément, R. P., 44
Cognac, Sieur, 45, 46
Comfort, pointe, 73
Como, pointe, 21
Creuse, rivière, 37
Cugnet, Sieur, 42

Dalmas, R. P., 16. 17
Dargy, rapide, 33
Dasserat, lac, 54
De Callieres, M.,20
De Comporté Gauthier, 3, 4
De la Chenaye, Aubert, 3, 99, 100
De la Barre, M., 3, 4, 100, 101, 116
De la Forest, François, 21
De la Montagne, rapide, 33
Delorme, capitaine, 14, 117
Denonville, Marquis de, 1, 13, 19, 11, -1, -1, -23
Denys, Simon-Pierre, Sieur de Bonaventure
Des Calumets, rapide 33
Des Chats rapides. 32.
Des Grelots, rapide, 38
Des Groseilliers Médéric Chouart, 2, 3, 6, 9, 99, 100, 101
Des Groseilliers, Jean Baptiste Chouart, 3, 6, 128
Des Joachims, rapide, 37
Desmoulins, Sieur, 86
De Tonty, le chevalier, 45
D’Hudson, compagnie de la baie, 2, 3, 4
Diligente, la, 117
Dorval, Sieur, 120
Duhamel, Monseigneur, 44
Dupuis, J. Baptiste, abbé, 43
Dupuy, canton, 51
Du Sable, rapide, 33

Fleury de la Gorgendière, Sieur, 42
Fort Coulogne, 34
Frederick-House, rivière, 57

Garin, R. P., 44
Grace-Point, 26
Grand-Portage, le, 59
Grenville, 24, 28. 29
Guillet Mathurin, 43
Guillet, Paul, 42

Hannah, baie de, 71
Harricana, rivière, 80
Hayes, fort, 64
Hayes, rivière, 3

Iberville. Sieur d’, 7, 8, 12, 13, 14, 15, 16, 18, 19, 24, 25, 26, 29
   34, 35, 40, 41, 57, 58, 61, 62, 67, 69, 74, 77, 85, 90. 96
   97, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 116, 117, 118, 119,
   121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 130
Île de Carillon, 22
Île de Charleston, (Charlton) 12, 15, 95, 96, 117, 119, 122, 126,
   127, 131
Île du Chef, 46
Île du Collège, 45

Juchereau de la Ferté, Denis-Joseph, 39
Juchereau-Duchesnay, Ignace, 27, 69, 83
Jacques II, 10

La Chaudière, rapide, 32
La Chevrotière, François-Chavigny de, 69, 118, 126
LaCroix, Sieur, 86
Laliberté, Sieur, 65
La Martinière, Sieur de, 8, 9, 72, 83, 102, 103
LaMothe, 29, 121, 124
LaNoue, Sieur de, 7, 8, 19, 26, 28, 29, 30, 48, 66, 69, 97
La petite Nation, 31
Latulipe, Mgr. E. A., 44
Laverlochère, Père, 44
Lavoie, Sieur, 30
Leblanc Noël, 57, 58, 113
Lebret, R. P., 44
Le Gardeur, Sieur, 1 05
L’Eturgeon, baie de, 36
Lièvre, rivière du, 31, 122
Loranger, Sieur, 23
Lorrain, Monseigneur, 4 4
Louvigny. Sieur, de, 118
Long-Sault, 22, 24, 41

Maricourt, Sieur de, 7, 8, 12, 13, 14, 15, 16, 19, 27, 29, 30, 48, 66
   69, 97, 109, 121, 123, 125, 126, 127, 128.
Martigny, Sieur de, 17, 120, 121
Mattawa, 39, 40, 113
Metabetchouan, rivière, 41
Moisan, Sieur 104
Montplaisir, Sieur, 121
Monsoni ou Monsipy, fort 64, 82, 96, 97, 114, 119, 121. 130
Monsoni ou Monsipy, rivière. 2, 3, 13, 61, 71,

Montréal, rivière, 41,
Moose, rivière, 61
Moreau, abbé, 44
Morel, abbé Thomas, 88
Mourrier, R. P., 44
Muskrat, rivière 36

Nelson, rivière, 2, 99, 101
Nelson, fort, 2, 3, 8, 10, 17, 127, 131
Nemisco, lac, 5, 117
Nemiskau, rivière, 2
Niagara, fort, 11
Nord (compagnie du), 3, 4, 6. 13, 14, 41, 129

Opasatika, lac, 53
Outlaw, capitaine, 78, 79, 85, 94, 96

Pélican, le, 17
Péré, Sieur, 9, 86, 93, 112
Pian, R. P., 44
Pitre. Sieur, 90
Poiré, abbé, 44
Pothier, R. P., 44
Pourpoint, Jacques, 20

Quichitchouanne, fort, 70, 83, 89, 97, 114, 119, 130
Quichitchouanne, rivière, 2, 84, 119

Radisson (Pierre-Esprit), 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9. 99, 100
Remics, rapides, 62
Roche, Capitaine, rapide de la, 37
Rocher-Fendu, lac 33
Rupert, fort 2, 13, 15, 78, 96, 110, 128, 130
Rupert, rivière, 71, 72

Sainte-Anne, fort, 2, 12, 13, 15, 16, 17, 127, 128, 130
Saint-François, le, 118
Saint-Germain, Sieur de, 19, 20, 21, 23, 25, 33, 41, 55, 61, 63, 71,
   96
Sainte-Hélène, Sieur de, 7, 8, 12, 13, 14, 16, 24, 26, 29, 30, 34,
   38, 39, 40, 42, 48, 58, 65, 74, 76, 90, 97, 109, 110, 114, 126,
   128
Saint-Jacques, fort, 130

Saint-Louis, fort, 13, 64, 118, 127, 128, 130
Sainte-Thérèse, rivière, 107, 130
Sebille, Jean, 42
Sergeant, Henri, 93, 94, 95
Silvy, Père. 7, 9, 12, 16, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 27, 28, 31, 32, 34,
   38, 39, 44, 47, 50, 60, 63, 68, 71, 90, 97, 113
Soleil d’Afrique, le, 14, 119, 126
Stonefield, 28
Susan, le, 72

Témiscamingue, 34, 39, 41, 42, 43, 44, 46, 98, 109, 121
Trois-Portages les, 58

Vaux, Pierre, 120
Villedieu, Antoine, 43
Villeneuve, Sieur, 125

Windigo, rivière, 48


TABLE DES MATIÈRES

(ne fait pas partie de l’ouvrage original)

 iv
 viii
Appendices
 99
 100
 102
 107
 108
 113
— Correspondance du 6e Novembre 1686 
 115
 116
 117
— Mémoires des intéressés à la Compagnie de la Baie d’Hudson 
 118
 119
— Copie d’une lettre du Sr d’Iberville du 17 novembre 1689 
 127
— Mémoire de la Compagnie du Nord touchant le pillage commis par les Anglais à la Rivière Bourbon (Baie d’Hudson) 
 129
 132
 133
  1. La collection de Pierre Clairambault, généologiste des Ordres du Roi, est une des plus importantes de la Bibliothèque Nationale.

    Pierre Clairambault, né en 1651, travailla longtemps dans les bureaux de Colbert, de Seignelay, de Pontchartrain et de Maurepas, en même temps, il s’occupait de recherches historiques ; il était chargé, en 1683. de réunir les documents nécessaires pour dresser le catalogue général de la noblesse, et un peu plus tard de classer et d’inventorier les collections de Saignéères et d’Hozier.

    Ses fonctions officielles et les différents travaux qui lui furent confiés, l’amenèrent à réunir un grand nombre de pièces historiques, généalogiques, etc.

    Son cabinet, ainsi formé d’éléments empruntés à des sources très diverses, passa après sa mort, en 1740, à son neveu, Nicolas Pascal, qui le vendit au roi en 1755.

    Il se composait alors de 3 250 volumes ou boîtes ; aujourd’hui, par suite des mutilations qu’il a eu à subir pendant la période révolutionnaire, il ne compte plus que 348 volumes dont 129 constituent le fonds dit du Saint-Esprit. (Rapport sur les Archives de France relatives à l’histoire du Canada par J.-Edmond Roy. Publication des Archives du Canada. No 6. Ottawa, 1911.)

  2. Appendices E et F.
  3. Archives Canadiennes, série F., vol. 215, p. 142. — Ordres du Roi (série B-II), 1684-1685.
  4. Archives Canadiennes, Collection Moreau de St. Mery, vol. F. 176, page 180. Voir appendice A.
  5. Mémoire des intéressés dans la compagnie de la baie d’Hudson, Paris, 6e février 1685, Archives Canadiennes, Correspondance général, vol. F. 7. C. II, p. 315. Voir appendices B et D.
  6. Mémoire cité. Voir appendice B.
  7. Mémoire cité. Voir appendice B.
  8. Arrêt du conseil d’État du roi, 20 mai 1685, — Jugements et délibérations du Conseil Souverain, vol. II, p. 1037.
  9. Denonville au Ministre, 10 novembre 1686, — Archives canadiennes. Correspondance générale, vol. 8, fol. 129.
  10. Histoire de l’Amérique septentrionale, t. i, p. 147.
  11. Le manuscrit du Père Silvy est conservé à la Bibliothèque nationale de Paris. Il fait partie du fonds Clairambault, et est enregistré sous le même numéro que le manuscrit du chevalier de Troyes, fol. 618 à 622. Voir appendice C.
  12. Voir dans le Bulletin des Recherches historiques (vol. xxi, p. 129 et suq.) l’étude que M. P.-G. Roy a consacrée à Pierre Allemand
  13. Arch. Can., Corr. gén. Canada, 1686. Vol. 8, folio 129.
  14. Cet homme dont il est ici question est le sieur Bermen de la Martinière, qui avait passé l’hiver de 1684-85 à la rivière Bourbon, sans réussir à s’emparer du fort Nelson.
  15. Histoire du Canada. 5ème édition. Tome i, page, 412.
  16. Arch. Can., Corr. gén. Canada. Vol. 8. fol. 161.
  17. Arch. Can., Corr. gén. Canada. Vol. 9, p. 61.
  18. Recueil de ce qui s’est passé en Canada au sujet de la guerre tant des Anglais que des Iroquois, depuis l’année 1682. Mémoires de la Société Littéraire et Historique de Québec, 3ème série, 1871.

    Voir aussi un article de M. P.-G. Roy, dans le Bulletin des Recherches historiques, 1904, pp. 284-287.

  19. rien Arch. Can., Corr. gén. Canada, 1687, fol. 61.
  20. Arch. Can., Corr. gén. Canada. Le marquis de Denonville et M. de Champigny à M. de Seignelay 6 novembre 1687. Voir à l’appendice H la partie de la lettre du gouverneur et de l’intendant où sont consignés ces faits.
  21. « Le Sieur d’Iberville étant de retour de la Baie d’Hudson, j’ai cru devoir l’engager à vous aller rendre compte lui-même de tous les avantages que nous en pourrons tirer ; ils me paraissent de telle conséquence, Monseigneur, que vous ne sauriez trop prendre soin de cette compagnie qui périra si elle n’est pas honorée de votre protection. D’Iberville est fort résolu de retourner à la Baie et de donner tous ses soins pour l’établissement de ce commerce qui ne se peut soutenir que par mer, moyennant le navire que nous vous demandons et qu’il faut faire partir de France le quinze Mars, sans quoi il ne pourrait être ici de retour la même année, ce qui ferait un grand tort à la compagnie.

    « Le commerce, Monseigneur, de ce côté là est d’autant plus de conséquence à conserver que si la guerre durait de ce côté ici, tous les sauvages éloignés tourneront tous du côté de la mer, et nous n’aurions plus de castor.

    « D’Iberville Monseigneur, est un très sage garçon entreprenant et qui sait ce qu’il fait, ils sont huit frères, enfans de feu le Moine, tous les mieux élevés de Canada avec les enfants de Leber, leur oncle, qui a toujours gouverné les deux familles dans une étroite union d’intérêt et d’amitié. Aussi ces deux familles sont-elles en assez bon état et font honneur au pays.

    « D’Iberville, Monseigneur, vous demandera une compagnie pour Longueuil, son frère aîné qui en est capable, aussi bien que Ste Hélène, son frère que j’ai nommé cette année pour remplacer le lieutenant de Merville, comme j’ai eu l’honneur de vous le demander. Maricourt son autre frère, serait aussi bon lieutenant. »

    Arch. Can., Corresp. gén. Canada. M. de Denonville au ministre, 31 octobre 1688.

    Il y a certainement une erreur de copiste dans l’indication de la date de cette lettre, c’est 1687 qu’il faut lire au lieu de 1688.

    En jetant un coup d’œil sur les jugements et délibérations du Conseil Supérieur à la date du 6 novembre 1687, on se convaincra facilement que c’est dans l’automne de 1687, que le sieur d’Iberville passa en France.

    De plus, la lettre suivante, écrite de l’île de Charleston, le 21 septembre 1688, prouve clairement que d’Iberville ne pouvait être à Québec, au mois d’octobre 1688. « Je me sers, dit d’Iberville, du retour du navire le Soleil d’Afrique pour vous donner des nouvelles de ces quartiers où nous sommes arrivés le 18è de ce mois. Les vents nous ont été si contraires, et les glaces, en si grande quantité, qu’il ne s’en est pas encore tant vu, et nous ne nous sommes fait autre mal que d’avoir rompu le coupe-gorge du vaisseau. Le petit navire le St-François, appartenant à la compagnie, n’est pas encore venu, je l’attens de jour en jour, nous avons été obligé de le quitter à moitié chemin, parcequ’il n’allait pas si bien que nous et nous fesait perdre trop de temps. » Voir à l’appendice I la suite de cette lettre. Voir aussi l’appendice J.

    Arch. Can., Corresp. gén. Canada. 1688-1689, vol. 10, ff. 237-238.

    Voir en plus Mémoires des intéressés en la compagnie de la baie d’Hudson en Canada, à Sa Majesté. Appendice K

  22. C’était le plus fin voilier de l’époque, dit Charlevoix (vol. ii, p. 110), il faisait sept lieues à l’heure.
  23. Voir appendices K et L.
  24. Le Père C. de Rochemonteix. Les Jésuites et la Nouvelle-France. Tome iiième, pp. 273 et 275.
  25. Relation non signée de ce qui s’est passé en Canada depuis le mois de septembre 1692 jusqu’au départ des vaisseaux en 1693.

    Arch. Can., Corresp. gén. Canada. Vol. 12, fol. 182.

  26. Arch. Can., Corresp. gén. Canada. 14 novembre 1709. vol. 30, fol. 4.
  27. Histoire du Canada. 5ème édit. Tome i, pp. 413 et 414.
  28. D’Iberville décéda à la Havane, le 9 juillet, 1706, à peine âgé de 47 ans.
  29. Jacques Pourpoint soldat de la compagnie de M. de Crisafy, accusé d’avoir déserté du détachement de la compagnie de M. de Troyes et de plusieurs autres délits, dont un très grave contre les mœurs, fut condamné le 22 mai 1686 à être pendu à la Basse-Ville, après avoir été conduit en chemise, une torche ardente au poing, devant la principale porte de l’église paroissiale de la ville pour y demander pardon à Dieu des dits crimes ; et pour un plus grand exemple, il fut ordonné que sa tête seule, retranchée du corps et mise au haut d’un pieu, serait exposée sur la butte la plus proche de la ville sur la grande route allant d’icelle à Coulonges, pour y demeurer tant qu’elle serait en être. Pourpoint fut exécuté le même jour. (Jug. et délib. du Conseil Souverain, vol. ii, p. 44.)
  30. Ils durent camper dans les environs de la pointe Como, sur la rive sud du lac des Deux-Montagnes.
  31. On voit par une lettre en date du 14 avril 1686 (Arch. Can., ordres du roi, vol. ii, p. 37½) que le roi avait permis au sieur de la Forest d’aller rencontrer M. de la Salle au fort Saint-Louis des Illinois, avec 12 hommes et des marchandises.

    Le sieur François de la Forest, capitaine d’un détachement de la marine, était le principal lieutenant de la Salle. Commandant du fort Frontenac de 1675 à 1683, il se rend à Paris dans l’automne de 1683, se sépare de la Salle en 1684, revient à Québec dans l’été de 1685, et part pour les Illinois au printemps de 1686. Le 11 novembre 1702, il épouse à Québec Charlotte-Françoise Juchereau de St-Denis, comtesse de St-Laurent. En 1713, il commande à Détroit, mais il revient mourir à Québec en 1714. C’était un vrai coureur des bois.

  32. Ce mot de Carillon est probablement une corruption du nom de Philippe Carrion du Fresnay, qui avait établi un poste de traite sur cette île.
  33. Dollard et ses compagnons.
  34. Il est évident que le chevalier de Troyes entend désigner ici par le nom de Long-Sault les trois rapides qui se trouvent dans l’espace compris entre Carillon et Grenville.
  35. C’est celui de Carillon, le premier des rapides du Long-Sault. Nous avons vu plus haut que M. de Troyes indique que c’est au pied du Long-Sault que ses compagnons et lui virent les vestiges du vieux fort, où Dollard et ses compagnons sacrifièrent si bravement leur vie en 1660. M. l’abbé A. Guindon P. S. S., vient d’établir que ce fort se trouvait à deux cents pas de l’eau, sur une petite butte, juste au pied du rapide. Voir l’Action française, juin 1918, p. 265.
  36. Au pied du rapide de Carillon.
  37. En suivant la rive nord.
  38. Au rapide qui se trouvait autrefois en face de la Chute-à-Blondeau.
  39. Le chevalier de Troyes et sa petite troupe durent passer ce jour de Pâques dans les environs de Grace-Point, sur la rive nord de la rivière Ottawa.
  40. Ignace Juchereau Duchesnay de Saint-Denys, fils de Nicolas Juchereau, sieur de Saint-Denys, et de Marie-Thérèse Giffard, né à Beauport le 3 août 1658, décédé au même endroit le 7 avril 1715. Il avait épousé à Beauport, le 24 février 1683, Marie-Catherine Peuvret. (La famille Juchereau Duchesnay. Pierre-Georges Roy. Pp. 175-177.)
  41. Anspessade — Bas officier de gens de pied au xvie et xviie siècle. Nouveau Larousse illustré.
  42. En suivant la rive nord de l’Ottawa.
  43. Ces rapides se continuent sur une distance de cinq milles entre Stonefield et Grenville.
  44. Les sieurs de Ste-Hélène, d’Iberville, de Maricourt et de la Noüe.
  45. À l’endroit où se trouve actuellement Grenville.
  46. La rive nord de l’Ottawa dans cette partie est escarpée et recouverte de gros blocs de pierre, qui rendent la marche très pénible.
  47. À la rivière Blanche.
  48. Les rapides de la Petite Chaudière.
  49. Le portage des rapides Remics.
  50. Rapides des Chats.
  51. Sur la rive du lac des Chats.
  52. Sous ce nom général de rapides des Calumets, le chevalier de Troyes indique ici une série de rapides, de chutes et de portages dont les noms primitifs ont été conservés. Ce sont ceux du Sable, de la Montagne et de Dargy, qui se trouvent dans le bras gauche de l’Ottawa, à l’extrémité est de l’île Calumet, un peu au-dessous de Bryson.
  53. Sur l’île du vieux Fort, à l’entrée du lac du Rocher-Fendu.
  54. À l’endroit où se trouve aujourd’hui le village de Bryson.
  55. Au-dessus des rapides du Grand Calumet.
  56. Dans les environs de Fort-Coulonge actuel.
  57. À peu près vers le milieu du lac inférieur des Allumettes.
  58. La rivière Muskrat, qui se décharge dans le lac des Allumettes, en plein milieu de la ville de Pembroke.
  59. Cette anse doit être la baie de l’Eturgeon, sur le bord duquel est le camp militaire de Petawawa.
  60. La rivière creuse est cette partie de l’Ottawa qui s’étend de l’île des Allumettes aux rapides des Joachims. « Elle est bornée au nord, dit M. de Bellefeuille, dans la relation de la première mission du Témiscamingue en 1836, de hautes montagnes, entre lesquelles on remarque que l’« Oiseau » à une lieue de l’embouchure, laquelle est coupée perpendiculairement et s’élève au-dessus de l’eau à au moins 300 pieds. À un mille plus haut, du côté sud, est la pointe au « Baptême », ainsi nommé parce que ceux qui n’ont jamais été au delà sont obligés de promettre une messe à l’honneur de sainte Anne pour les voyageurs ; sans quoi il leur faut recevoir le baptême. La loi est sans exception ; les missionnaires y sont obligés comme les autres. »
  61. Au pied des rapides des Joachims.
  62. Le portage des rapides des Joachims. Il y a deux portages aux Joachims, chacun d’un quart de mille de longueur et séparés l’un de l’autre par un petit lac de quatre arpents de largeur.
  63. La pointe aux Pins doit être cette étendue de terrain plat qui se trouve sur la rive nord, à l’endroit même où un torrent, qui portait autrefois le nom de rivière des Cyprès, sort de la montagne, et se jette dans la rivière Ottawa.
  64. Les rapides de la « Roche Capitaine ».
  65. M. de Troyes ne donne pas ici les appellations de la Roche Capitaine et des Joachims de l’Estang, mais il est certain que ces rapides étaient ainsi nommés dès cette époque ; c’est sous ces noms qu’ils sont mentionnés dans le mémoire que M. de Denonville envoyait au marquis de Seignelay, en date du 9 novembre 1686, et qui a pour titre : « Chemin du bout de l’Île de Montréal au lac de Témiscamingue, sur le bord duquel est la mine de plomb. »
  66. Nous croyons que ce rapide est celui que l’on appelle aujourd’hui les « Deux Rivières ».
  67. Mattawa.
  68. Denis-Joseph Juchereau de la Ferté était fils de Jean Juchereau, sieur de la Ferté, et de Marie, fille de Robert Giffard, seigneur de Beauport. En 1684, il accompagna Greysolon Duluth, au Sault Sainte-Marie ; en 1689, il se distingua aux côtés de d’Iberville, dans sa campagne de la baie d’Hurtson. Il décéda à Québec, le 9 août 1709. Il ne s’était pas marié. (La famille Juchereau Duchesnay, par Pierre-Georges Roy.)
  69. Ces portages se trouvent aux rapides de la Demi-Charge, de la Cave et des Érables.
  70. Au-dessus du rapide de la Montagne.
  71. Au pied du lac Témiscamingue.
  72. Cette rivière Metabetchouan est la rivière Montréal actuelle. Un poste de traite avait été établi en cet endroit dès l’année 1679, par les associés de la compagnie du Nord, pour le compte desquels M. de Troyes se rendait à la baie d’Hudson.

    L’île où était situé ce poste est disparue, rongée par les eaux du lac ; il y a une soixantaine d’années, paraît-il, on en voyait encore quelques vestiges.

    Ce poste fut abandonné en 1688, à cause des incursions des Iroquois. M. de Frontenac et les deux intendants Raudot s’opposèrent à ce qu’il fut ouvert de nouveau, disant qu’en le rétablissant on causerait un grand tort au commerce de fourrures, parce que les coureurs des bois iraient rencontrer les sauvages à ce poste et les empêcheraient de se rendre à Montréal et aux Trois-Rivières, pour traiter directement avec les marchands.

    En 1720, M. de Vaudreuil permit au sieur Paul Guillet, un marchand de Montréal, d’entreprendre l’exploitation de ce poste, et d’y faire la traite pour son compte personnel.

    En 1724, le poste de Témiscamingue fut affermé, pour la somme de 6 000 livres, au sieur Fleury de la Gorgendière. Ce montant, d’après les instructions du roi, devait être employé à solder les dépenses des travaux entrepris pour fortifier l’enceinte de Montréal

    Le bail de M. de la Gorgendière fut annulé en 1727.

    Le sieur Paul Guillet et M. Charly, marchand également de Montréal, obtinrent de M. de Beauharnois la permission de continuer de faire la traite dans les limites du Témiscamingue, sous forme de congés, pour lesquels ils payaient annuellement 4 000 livres. Nouvel affermage du poste de Témiscamingue en 1737, au sieur Lanouiller de Boisclerc, grand-voyer du pays.

    En 1747, la ferme du Témiscamingue est cédée au sieur Cugnet, directeur des domaines du roi, qui exploite en même temps les postes de Michipicoton et de Kamanistigoya, sur le lac Supérieur ; les revenus que le sieur Cugnet retirait de ces différents postes étaient consacrés à payer les dettes qu’il avait contractées dans l’exploitation des forges de Saint-Maurice.

    Dans le mémoire qu’il a laissé sur l’état de la Nouvelle-France, à l’époque de la guerre de Sept-Ans (1757) Bougainville dit que le poste de Témiscamingue était appelé, en langue sauvage, « Aubatswenanek », et était surtout fréquenté par les « Têtes-de-Boules », ou gens de terre, par les « Namcosakis » qui venaient des rivages de la baie d’Hudson. Il semble que tout commerce de fourrures, de ce côté, fut définitivement abandonné en 1758.

    Après la conquête, en 1785, quelques traiteurs de la compagnie du Nord-Ouest allèrent établir un nouveau comptoir pour le trafic des pelleteries, à l’endroit appelé aujourd’hui le vieux Fort.

    Ce comptoir, comme tous les autres de la compagnie du Nord-Ouest, fut cédé à la compagnie de la baie d’Hudson, en 1821. Ce poste est abandonné depuis quelques années. Les vieilles résidences sont encore debout, mais il n’y règne plus rien de la belle animation d’autrefois.

  73. Jean Sebille, marchand, baptisé le 28 août 1653 à Blois, en France. Il épousa à Québec, le 24 juin 1690, Marie-Anne Hazeur, et décéda au même endroit, en 1706.
  74. Mathurin Guillet baptisé aux Trois-Rivières, le 7 novembre 1648. Il épousa en 1687, Marie Charlotte Lemoyne, cousine des sieurs de Sainte-Hélène et d’Iberville. Il était le père de Paul Guillet, qui exploita plus tard le poste de Témiscamingue.

    Dans la liste « des intéressés en la Compagnie de la colonie du Canada, et des actions qu’ils y ont prises ». (Archives Can., Corresp. générale, série F., Vol. 110, pp. 531-554), on trouve les noms de M. Sébille et de M. Guillet avec les apostilles suivantes :

    sébille, (5000), mort ; sa succession doit plus qu’il n’a de biens.

    guillet, (90) Habitant très pauvre.

  75. Antoine Villedieu, fils de Jean et de Barbe Nicole, de Saint-Eustache de Paris ; il épousa, à la Pointe-aux-Trembles de Montréal, le 28 février 1685, Marie Martin.
  76. Le Père Silvie dut aussi célébrer la messe, les trois jours précédents. Ce furent les premières messes célébrées sur les rivages du lac Témiscamingue ; il devait s’écouler un espace de 150 ans, de 1686 à 1836, avant que le Saint Sacrifice y fut de nouveau offert. Les longues recherches que nous avons faites nous permettent de conclure qu’aucun missionnaire ne fréquenta ces régions durant ce laps de temps.

    En 1836, Mgr Lartigue, évêque de Montréal, charge M. Charles de Bellefeuille, de la compagnie de Saint-Sulpice, et M. Jean Baptiste Dupuy, prêtre séculier, d’aller évangéliser les régions lointaines du nord de son immense diocèse. Partis de Montréal le 20 juin, ces deux courageux missionnaires, arrivèrent au vieux Fort, le 14 juillet. Le lendemain, ils célébraient la messe dans un des hangars appartenant à la compagnie de la baie d’Hudson.

    Le 19, M. de Bellefeuille fit planter une croix au pied d’un monticule, en arrière du Fort, et mis la mission nouvelle sous la protection de St-Adalbert. Ce zélé missionnaire retourna au Témiscamingue les deux années suivantes ; épuisé par les fatigues qu’il avait endurées durant ces pénibles voyages, il décéda à Montréal, dans l’automne de 1838.

    La mission du Témiscamingue fut continuée en 1839, 1841 et 1842 par M. Moreau, et M. Poiré. Ce sont ces deux missionnaires qui firent bâtir, auprès de la croix élevée par M. de Bellefeuille, la première chapelle du Témiscamingue. En 1844, sur les instances de Mgr Bourget, évêque de Montréal, les Oblats de Marie Immaculée vinrent s’établir au pays, et prirent charge des missions du nord de la province.

    Le premier prêtre Oblat, qui visita le Témiscamingue, fut le Père Laverlochère ; successivement et avec lui, y passèrent les Pères Clément, Garin, Arnaud, Pothier.

    En 1863, les Pères Pian, Lebret et Mourier vinrent s’établir définitivement au Témiscamingue.

    Ce sont eux qui bâtirent la première résidence destinée à loger les missionnaires, en face du vieux Fort, à l’endroit appelé aujourd’hui la Mission.

    Auprès de cette maison, ils construisirent une petite chapelle et un hôpital que trois Sœurs Grises d’Ottawa vinrent habiter en 1866.

    En 1866, les missionnaires quittèrent la Mission pour venir s’établir au fond de la Baie-des-Pères ; c’est là qu’ils jetèrent les fondements de Ville-Marie, la plus ancienne paroisse du Témiscamingue.

    Monseigneur Duhamel, archevêque d’Ottawa, fit sa première visite épiscopale au Témiscamingue en 1876, et Mgr Lorrain, premier évêque de Pembroke, en 1884.

    Le 1er octobre 1908, ce territoire était détaché du diocèse de Pembroke pour former le vicariat apostolique du Témiscamingue, dont Mgr Élie-Anicet Latulipe devenait le premier titulaire.

    Le vicariat apostolique du Témiscamingue a été érigé en diocèse d’Haileybury, le 31 décembre 1917.

    « Illustres et saints pionniers de la foi au Témiscamingue, disait Monseigneur Latulipe, dans une belle lettre pastorale qu’il adressait à ses diocésains, le 15 juin 1911, à l’occasion du soixantième anniversaire de la première mission des messieurs de Bellefeuille et Dupuy, « vos prières et vos vœux ont été exaucés, vos sauvages algonquins sont devenus chrétiens, et la robe noire du missionnaire n’a jamais cessé de les visiter. Autour du lac, autrefois solitaire, on voit aujourd’hui de nombreux hameaux, des villes florissantes et partout le clocher catholique. Ce qui vous a semblé un rêve est devenu la réalité. La cathédrale du premier évêque du Témiscamingue est à la veille d’être terminée et le 19 juillet prochain c’est un pontife qui bénira la croix que nous remettrons en place au Fort Témiscamingue, à côté de Ville-Marie, et c’est la messe pontificale qui sera chantée sur l’emplacement de l’humble hangar, où pour la première fois fut offert le Saint Sacrifice de la messe, le 15 juillet 1836. »

  77. L’île du Collège, où le Père Silvy célébra la messe.
  78. Le sieur de Ste-Hélène et le sieur d’Iberville.
  79. Dans ce même été de 1686, M. de Denonville envoya un parti d’hommes commandés par le chevalier de Tonty, pour faire une exploration de cette mine. Le 9 novembre 1686, il écrivait au marquis de Seignelay : « J’envoie à M. Arnault un échantilon d’une mine de plomb ou d’étain qui s’est trouvée sur le bord du lac Témiscamingue. Je joins à cette lettre un mémoire du chemin qu’il y a de l’Isle de Montréal à cette mine ; tous les portages et rapides y sont marqués. Il faut dix-huit ou vingt jours pour aller de l’Isle de Montréal jusques à la mine, un canot chargé de huit à neuf cents pesant, et huit à dix jours pour en revenir. »

    Le chevalier de Tonty avait présenté à M. de Denonville un mémoire que nous retrouvons, dans les archives, à Ottawa (F. 182, fol. 166), annoté par les deux Raudot :

     « Cette mine, disait M. de Tonty, est à 130 lieues de Montréal, en 
    

    un lieu nommé Onabatongas, près de Témiscamingue. Elle est au bord d’un lac, provenant d’une montagne pelée.

    « Ce métal est d’un beau jaune et très dur, et l’on ne doute pas que cette mine soit considérable. »

    « On a toujours dit, en ce pays, ajoutaient les MM. Raudot (1708), qu’en cet endroit il y avait une mine ; on ne peut savoir la qualité du métal par sa couleur. Cette mine, quand même elle serait de cuivre, est trop loin dans le nord pour donner des profits ; on peut permettre la recherche de cette mine, sans engager Sa Majesté à aucune dépense, et avec défense de commercer avec les sauvages. »

    La mine du Témiscamingue est située dans la ligne de séparation des cantons Duhamel et Guigues.

    On y a fait des travaux d’exploration à différentes époques ; elle est considérée comme très riche, mais les difficultés d’accès en ont retardé jusqu’à ce jour l’exploitation.

  80. L’île du Chef.
  81. La rivière Blanche, qui prend sa source près de Swastika, Ontario. Elle décharge dans le lac Témiscamingue, par trois embouchures, peu éloignées l’une de l’autre. Elle coule à travers une région excessivement fertile.
  82. Dans la branche est de la rivière Blanche, qui se jette dans la rivière principale, à la hauteur du vième rang, du canton Evanturel, Ontario.
  83. Ils montèrent en ce jour la rivière Windigo, jusqu’au lac Hough. C’est la route qui était suivie autrefois par les explorateurs pour aller du Témiscamingue au lac Larder.
  84. Ces quatre portages se trouvent entre le lac Hough et le lac Ward, dans le canton Rattray.
  85. Il y a évidemment erreur ici ; c’est cinq lieues qu’a voulu écrire le chevalier de Troyes.
  86. L’endroit où se passa cet incident est situé tout près de la frontière interprovinciale, dans le canton Dupuy, entre le lac Durand (ancien Kiskabeka) et le lac Foudras (ancien Nabugushk). Il y a encore une petite prairie de foin sauvage à l’extrémité est de ce dernier lac. Tout ce terrain est marécageux.
  87. Deuxième incendie du monastère des Ursulines.
  88. Petit cours d’eau qui réunit le lac Foudras au lac Opasatica.
  89. Après avoir traversé le lac Opasatica, ils entrèrent dans le lac Massia (ancien Summit). C’est entre ce dernier et le lac Berthemer (ancien Ogima) que se trouve la ligne de séparation des eaux.
  90. Le lac Dasserat (ancien Mattawagosik). Il est parsemé d’îles.
  91. Les sauvages appellent les trois premiers de ces portages : « Nistotek ». Le quatrième porte le nom de « Kopigigotek »
  92. Le lac Duparquet (ancien Agotawegami).
  93. Ce fort de l’Abitibi fut fréquenté pur les traiteurs français et occupé par eux jusqu’en 1763.

    D’après les longues recherches qui furent faites pour déterminer les limites méridionales de la province d’Ontario, il semble acquis que seuls les postes situés sur les rivages de la baie James retournèrent à l’Angleterre, après le traité d’Utrecht, en 1713. Ceux de Mistassini, de Nemiscau, d’Abitibi restèrent en la possession des Français.

    Dans la correspondance des gouverneurs et des intendants, il est souvent question de ce poste d’Abitibi. Ceux-ci poussaient les coureurs des bois de ce côté, et les exhortaient à prendre tous les moyens possibles pour attirer les sauvages et les empêcher de descendre à la baie James, où ils rencontraient les traiteurs anglais.

    Ces derniers, d’après une lettre de de Beauharnois, en date du 18 février 1731 (Arch. Can., série F, vol. 54, fol. 224), avaient bâti une maison sur la rivière Abitibi, à 50 ou 60 lieues au-dessus du lac Abitibi, où ils invitaient les Indiens à se rendre.

    Après la conquête, le poste d’Abitibi fut occupé par les messieurs de la compagnie du Nord-Ouest, et finalement il fut cédé en 1821 à la compagnie de la baie d’Hudson qui y a encore un établissement, où trois cents Indiens y viennent faire la traite des fourrures.

    Sur un monticule, en arrière du fort, s’élève une chapelle proprette : c’est là que les pauvres sauvages viennent prier et recevoir l’instruction religieuse pendant les quelques semaines que dure la mission d’été.

    MM. de Bellefeuille et Dupuy (voir page 44) se rendirent à ce poste en 1837 et 1838. Plus tard, en 1844, les révérends Fères Oblats continuèrent l’œuvre qu’ils avaient commencée, et depuis cette époque cette mission a été visitée annuellement par un prêtre de cette communauté. Le missionnaire actuel des Indiens de l’Abitibi est le révérend Père Isidore Evain.

  94. Il nous a été impossible d’identifier ce sieur de Cerry.
  95. Bonne journée aussi ! Les intrépides voyageurs avaient traversé presque tout le lac Abitibi, dans une course fort rapide.
  96. La rivière Abitibi, qui se jette dans la baie James, après une course de 240 milles.
  97. Longue course quand on considère les portages difficiles qui se rencontrent dans ce parcours de quinze lieues. Deux surtout méritent d’être mentionnés ici ; c’est d’abord celui des chutes Couchiching, à sept milles de l’embouchure de la rivière. C’est là que se trouve le grand barrage emmagasinant les eaux qui fournissent l’énergie motrice aux moulins de « l’Abitibi Pulp and Paper Company ».

    Le deuxième de ces portages est celui des Chutes-aux-Iroquois. C’est en cet endroit que sont construits les moulins de l’« Abitibi Pulp and Paper Company ». Un village s’est formé tout autour, et ce pays perd, peu à peu, sa sauvage beauté d’autrefois. Mais pourquoi cette chute a-t-elle emprunté son nom aux Iroquois ?

    « Du temps, nous dit l’abbé J.-B. Proulx (À la baie d’Hudson, 1886, pp. 62-63), que les terribles guerriers des Cinq-Cantons faisaient la chasse, non pas aux bêtes, mais aux hommes, jusqu’aux confins les plus reculés de l’Amérique, ils surprirent, sur le lac Abitibi, un parti de sauvages de cette contrée. Les hommes furent scalpés et brûlés à petit feu, les femmes égorgées, les enfants empalés comme des lapins au bout de pieux durcis au feu, puis rôtis et mangés. Seule, une femme fut épargnée afin de servir de guide aux vainqueurs dans la poursuite de leurs ravages vers la baie d’Hudson. Les farouches guerriers, à demi-nus, couverts de sang, peints de figures bizarres, les cheveux relevés, ressemblant à des espèces de démons, dans leurs frêles embarcations, glissaient sur l’onde. Ils souriaient à l’espérance de nouveaux massacres.

    « La captive est assise dans le canot qui marche en avant, silencieuse. À quoi songe-t-elle ? repasse-t-elle dans sa mémoire les scènes d’horreur où elle a vu périr tous les siens ? se réjouit-elle dans son cœur d’avoir échappé à la mort ? Pense-t-elle au triste sort qui l’attend à son arrivée dans les cantons iroquois ? sa figure est impassible. Les avirons travaillent en cadence, pas une parole ne s’élève des canots, le silence règne sur les rives. Déjà on approche de la chute et l’on n’entend qu’un murmure faible et voilé. En effet les eaux ici ne se brisent pas sur les cailloux, elles tombent d’aplomb comme du haut d’un mur ; la forêt environnante, avec son épais feuillage, éteint la sonorité du bruit, et à trois cents verges seulement de distance on croirait à un courant d’une importance secondaire. « Le rapide est-il difficile ? » demande l’Iroquois. « Non, répond la femme, l’inclinaison est douce, le chenal est sans roche, mais il est étroit, serrez de près le rivage » Le canot effleure un galet plat, que l’on voit encore sur la côte de gauche. La femme saisit une branche qui lui tend la main, et d’un bond elle saute sur la grève ; du pied elle a poussé le canot au large ; il descend la tête baissée dans le gouffre. Les autres arrivent à la file ; en vain, au prix de mille efforts, veulent-ils rebrousser chemin, il est trop tard, la force irrésistible du courant les entraîne. Debout sur sa roche, souriante, elle voit ses ennemis pousser des cris de désespoir, passer devant elle en la menaçant de la voix et de la main, glisser un après l’autre dans l’abîme, disparaître au milieu des bouillons, reparaître un instant, disparaître encore, enfin flotter à la dérive avec les débris de leurs canots. Elle est toujours là, immobile, elle jouit, elle est vengée. »

  98. La rivière Abitibi, dans cette partie de son cours, est fort belle. Elle coule entre deux berges assez élevées, richement boisées d’épinettes blanches, de trembles, de peupliers. Le sol ici est d’une grande richesse, et cette région s’ouvre rapidement à la colonisation. Elle est traversée en plein milieu par le nouveau Transcontinental.
  99. C’est dans le « rapide de l’île », quelques milles avant la jonction de la rivière Abitibi et de la rivière Frederick House, qu’eut lieu cette triste noyade.

    Noël Leblanc était fils de Léonard Leblanc et de Marie Riton. Il fut baptisé à Québec, le 14 janvier 1653 ; il épousait, au même endroit, le 14 janvier 1686, Félicité LePicard, fille de Jean LePicard et de Marie-Madeleine Gagnon.

    La veuve de Noël Leblanc épousa en secondes noces, à Québec, le 19 novembre 1690, Louis d’Ailleboust, sieur de Coulonge.

  100. Cet endroit porte encore le nom des Trois-Portages. Il y a ici un second « rapide de l’île » beaucoup plus terrible que le premier.
  101. Ici, dans un espace d’une dizaine de milles, il y a une série de rapides fort dangereux. Les chemins de portage sont difficiles, étant obstrués de longues branches et de broussailles. Dans cette journée les voyageurs firent les deux premiers portages, le « Lobstick » et le « Rocheux ».
  102. Ces deux portages sont le « Clay Falls » et le « Bouleau ».
  103. Le « Oilcan » ou « Canistre d’Huile ».
  104. C’est le « Grand-Portage » proprement dit. La rivière Abitibi forme ici un véritable canon, de 30 à 40 verges de largeur, avec des flancs perpendiculaires tellement élevés et escarpés qu’on n’aperçoit pas le lit de la rivière des bords de ce canon. Le portage, qui est sur la rive est, a plus de deux milles de longueur. Les « montées » indiquées par le chevalier de Troyes n’ont pas changé de place, et elles rendent la traversée de ce portage fort pénible.
  105. Le portage de la « Loutre », qui a une longueur de 152 chaînes.
  106. Le premier de ces portages est celui du « Sextant », le second, celui du « Corail ».
  107. À dix-huit milles de la jonction de la rivière Abitibi et de la rivière Moose.
  108. Rencontre de la rivière Moose et la rivière Abitibi.
  109. Quitchichouan ou « Albany ».
  110. Ce fort qui portait le nom de Monsoni, que les Anglais appelaient Hayes, et que les Français nommèrent plus tard Saint-Louis, était établi à peu près à l’endroit où se trouve aujourd’hui le poste de la compagnie de la baie d’Hudson, à dix-huit milles de la mer. Les messieurs Révillon ont aussi à Moose un établissement très fréquenté par les Indiens. Un ministre de l’Église d’Angleterre, le révérend M. Haythornthwaite, réside en cet endroit. Une quarantaine d’enfants indiens fréquentent l’école industrielle, qui est sous la direction de deux demoiselles anglaises.
  111. Probablement Nicolas Vinet, dit Laliberté, fils de Jean Vinet et d’Anne Moreau, de Nantes, baptisé en 1653, et marié à Boucherville, le 18 août 1698, à Jeanne Berthaut.
  112. Ce sieur de la Chevalerie était François de Chavigny de la Chevrotière, né à l’île d’Orléans, le 6 juillet 1650, fils de François de Chavigny de Berchereau, et de Eléonore de Grandmaison. Un arrière-fief dans la seigneurie de Beaulieu, situé dans l’île d’Orléans, et appartenant à Eléonore de Grandmaison, portait le nom de la Chevalerie. On peut vraisemblablement supposer que M. de la Chevrotière tirait de là son titre de sieur de la Chevalerie.

    Le sieur de la Chevalerie faisait partie du corps expéditionnaire commandé par le chevalier de Troyes. Il resta à la baie d’Hudson et ne revint à Québec que dans l’été de 1690.

    Voir appendice F.

    On trouvera la biographie de M. de la Chevrotière dans la famille de Chavigny de la Chevrotière, par M. P.-G. Roy.

  113. La baie de Hannah, dans laquelle se décharge la rivière Harricana.
  114. Johan Bridgar avait été nommé, en 1682, gouverneur du nouvel établissement de la compagnie de la baie d’Hudson à Port-Nelson. En 1683, Radisson le fit prisonnier, et le conduisit à Québec ; le gouverneur M. de la Barre qui n’approuva pas la manière d’agir de Radisson, fit remettre à Bridgar, son navire Susan, et le renvoya en Angleterre.

    Dans l’été de 1685, Bridgar faillit être pris de nouveau, dans le détroit de Hudson, par M. de la Martinière, qui s’en retournait à Québec, après une expédition infructueuse.

    En 1686, comme la suite du récit le fera voir, Bridgar devait passer par des aventures encore plus terribles que les précédentes.

  115. Pointe Mesakonam.
  116. Pointe Comfort.
  117. Rivière Pontax.
  118. Outlaw, commandant du navire Alert au service de la compagnie de la baie d’Hudson.
  119. John Bridgar.
  120. Entre la pointe Mesakonam et l’embouchure de la rivière Moose.
  121. La rivière Harricana.
  122. Le Bubon de Macédoine (Bubon macedonicum L.) est connu depuis longtemps sous le nom de persil de Macédoine ; il a joui autrefois d’une assez grande réputation à cause de l’odeur aromatique assez agréable de ses semences employées comme diurétiques apéritives, carminatives, etc. Du temps de Pline on se servait, pour guérir les tumeurs de l’aine d’une plante nommé bubonium qui, en grec, signifie aine ; mais la nôtre n’a d’autre rapport que son nom avec la plante de Pline. Elle est revêtue d’un duvet blanchâtre, particulièrement sur sa tige, ses pétioles et ses rameaux. Elle est rare en Europe, bien plus commune dans les prairies sèches des montagnes de l’Atlas, de la Grèce, etc. Ses feuilles ressemblent un peu à celles du persil ; les folioles sont ovales, incisées ou dentées ; les fleurs nombreuses, petites et blanchâtres ; les fruits ovales, velus, ainsi que les pédoncules et les involucres à plusieurs folioles.

    Extrait de Histoire philosophique, littéraire, économique des plantes de l’Europe, par J.-L.-M. Poiret (1829). Tome vi, p. 68.

    Si d’Iberville et ses compagnons se sont nourris sur les bords de la baie d’Hudson d’une plante qu’ils ont pu prendre pour le Persil de Macédoine, cette plante doit être vraisemblablement le Ligusticum scoticum L., plante qui habite les rivages des mers froides de l’Amérique et que l’on trouve depuis New-York jusqu’au Labrador, et aussi le long du bas Saint-Laurent. Nos gens appellent aujourd’hui cette plante le persil de mer et les feuilles goûtent effectivement le persil. Le Persil de Macédoine n’est pas une plante de l’Amérique.

    Note du Frère, Marie-Victorin, des Écoles Chrétiennes.

  123. Fort Monsoni (Moose Factory).
  124. Nous avons mis à l’appendice C la partie de la relation du voyage de M. de la Martinière (1684-1685) où le père Silvy raconte en détail l’attaque qu’ils essuyèrent de la part des Anglais dans le détroit de Hudson, au mois d’août 1685.
  125. Le sieur Duchesnay.
  126. Sur les nommés Péré, LaCroix et Desmoulins, voir le préambule de la narration de M. de Catalogne, appendice E.
  127. Cette partie du récit du chevalier de Troyes est reproduite dans un manuscrit conservé au séminaire de Québec, et qui a pour titre : Miracles arrivés en l’église de « Sainte Anne du Petit-Cap coste de Beaupré en Canada » et signé par « Thomas Morel prêtre missionaire et chanoine de la cathédrale de Québec, 1687 ».

    M. Morel fait précéder ce récit de l’indication suivante : « Protections de Sainte Anne, qui parut à l’endroit de M. de Troyes et de ses gens, capitaine d’une compagnie pour le Roy, et commandant un détachement de 100 hommes, pour le voyage du Nord, contre les Anglais. »

    Quant au drapeau, fut-il réellement apporté au sanctuaire de Sainte-Anne ? Nous ne pouvons l’assurer. Dans les livres de compte de la fabrique de la paroisse de Sainte-Anne-de-Beaupré, on lit que, du consentement unanime des habitants, il fut vendu en 1704, un drapeau anglais, à M. Fromage, de Québec. Nous ne pouvons affirmer, cependant, que ce drapeau était le pavillon arboré sur un des bastions du fort Albany.

    Un correspondant du Bulletin des Recherches historiques (vol. II, 60-61) semble conclure que ce drapeau était plutôt celui que les habitants de Beaupré, de Beauport et de l’Île d’Orléans avaient enlevé aux Anglais, à la Canardière, pendant le siège de Québec, en 1690.

  128. Albany, est encore un des principaux postes de la compagnie de la baie d’Hudson. Il est fréquenté par environ quatre cents sauvages, presque tous catholiques.

    La mission d’Albany, après avoir été abandonnée pendant 154 ans, fut reprise, pour la première fois, en 1848, par le Père Laverlochère. Depuis cette époque cette mission fut visitée annuellement, par les missionnaires oblats ; en 1892, ces religieux y ont établi une résidence fixe. Deux Pères et quelques frères de la même communauté y demeurent habituellement. On a fondé, de plus, à Albany, une école et un hôpital où cinq Sœurs Grises d’Ottawa font la classe aux petits sauvages, et s’occupent, en même temps, du soin des malades.

  129. Ce fut la première messe dite à Albany.
  130. Henry Sergeant, gouverneur d’Albany, avait renvoyé Péré en France par voie d’Angleterre, l’automne précédente.

    Péré revint en Canada au printemps de 1687.

    Voir sur ce personnage un article de M. P.-G. Roy, dans le Bulletin des Recherches historiques, 1904, pp. 213-221.

  131. Il y a dans le British Empire in America, d’Oldmixon (vol. 1er, pp. 561-563), un récit de la prise d’Albany que je transcris, tel que je le trouve :

    « The 8th of July, 1686, the Chevalier de Troyes came before the fort at Albany River, where the Governour, Mr. Sergeant then resided. Two Indians had informed him of thier having surpriz’d the forts at Hayes Island and Rupert River, and having brought with them the great guns from those places. Two hours after the English heard them discharging thier guns, and saw some of them at a distance. Upon which part of the Company’s servants declar’d they would not venture their lives unless they might be assur’d of pay, and sent John Parsons and John Garret, two of their number, in all thier names, to the Governour, to tell him their resolutions. Mr. Sergeant, by promises and giving them cloaths and others necessaries, prevail’d with them to return to their charge. But in a day or two they mutiny’d again, and Elias Turner, the gunner, possess’d the people with an apprehention that it was impossible to hold out the place, declaring that for his part he would throw himself on the French. Accordingly he went to the Governour, and desir’d leave so to do ; but being threat’ned to be shot to death in case be attempted it, he was at last persuaded to return to his post.

    The English shot at the French as long as they appeared in the brushes, and forc’d them to retire under the banks, where the guns from the fort could not hit them.

    The French had found a way to bring their great guns through the woods, and had planted them on their battery before the English saw them. The enemy’s shot had made a breach in the flankers, and damaged the houses in the fort ; upon which, and the repeated desires of the men, the Governour consented to a parley ; Mr. Bridger assuring him the enemy were mining them, and they should certainly be blown up. Cap. Outlaw also agreed to capitulate, and the white flag hung out ; after which a treaty was concluded. »

    Ces articles de la capitulation sont à la page 110 de l’ouvrage Statues, documents and papers, bearing on the discussion, respecting the Northern and Western boundaries of the province of Ontario. En voici la copie :

    Articles accordés entre M. le chevalier de Troyes, commandant le

    détachement de partie du Nord, et le Sieur Henri Sergent, gouverneur

    pour la Compagnie Angloise de la Baye de Hudson, le 16 juillet, 1686.

    Il a été accordé que le Fort seroit rendu avec tout ce qui appartient à la dite compagnie, dont on doit prendre une facture pour notre satisfaction particulière, et pour celle des deux parties en général.

    Il a été accordé que tous les domestiques de la compagnie qui sont à la rivière Albani jouiront de ce qui leur appartient en propre.

    Que le dit Henri Sergent, gouverneur, jouira et possédera tout ce qui lui appartient en propre, et que son ministre, ses trois domestiques et sa servante resteront avec lui et l’attendront.

    Que le dit Sieur chevalier de Troyes renvoyera les domestiques de la compagnie à l’isle de Charleston, pour y atteindre les navires qui doivent venir d’Angleterre pour les y passer. Et en cas que les dit navires n’arrivent point, le Sieur chevalier de Troyes les assistera d’un vaisseau, des qu’il pourra, pour les envoyer en Angleterre.

    Que le dit Sieur chevalier de Troyes donnera audit Henri Sergent, gouverneur, ou à son commis, les vivres qu’il croira lui être nécessaires pour lui et pour son monde, pour les reconduire en Angleterre, si les bâtiments n’arrivent pas à son port, et pendant ce temps là, leur donnera des vivres pour attendre leur vaisseau.

    Que ses magazins seront fermez et scellez, et les clefs seront délivrez au lieutenant dudit Sieur chevalier de Troyes, afin que rien ne soit détourné pour en prendre une facture, suivant le premier article.

    Que le gouverneur et tous les domestiques de la compagnie qui sont à la rivière Albani sortiront hors du fort, et se rendront au dit Sieur chevalier de Troyes, et tous seront sans armes, excepté le gouverneur et son fils, qui auront l’épée au côté.

  132. L’île de Charlton. Cette île est située dans la baie James, à mi-distance entre Albany et Rupert. Les Anglais y avaient bâti un fort et des hangars, où l’on déposait les fourrures qui venaient des postes de la côte, avant de les charger sur les navires qui retournaient en Europe. On y avait aussi établi des dépôts de provisions.
  133. Voir pages 45 et 46.
  134. La « Perpetuana » prise par le Sieur Bermen de la Martinière dans le detroit d’Hudson.
  135. Jean Baptiste Lemoine, Sieur de Martigny, fils de Jacques Lemoine, sieur de Ste-Marie, et de Mathurine Godé, baptisé à Montréal, le 2 avril 1662, marié le 1er juillet 1691, à Elizabeth Guyon. Il suivit d’Iberville dans presque toutes ses campagnes. Il fut tué au siège du fort Sainte-Anne, en 1709, dans la tantative malheureuse des Français pour reprendre ce poste.
  136. Simon Pierre Denys, Sieur de Bonaventure, fils de Pierre Denys, sieur de la Ronde, et de Catherine LeNeuf, de la Potherie, baptisé à Québec, le 24 juin, 1659. Marié, en 1686, à Geneviève Couillard de Québec, il épousa, en secondes noces, en 1693, à La Rochelle, Jeanne Jeannière, épouse de feu François Bourdon, Sieur de Dombourg.

    Lieutenant de frégate d’abord, il devint capitaine en 1689, et fut aussi lieutenant du roi en Acadie.