Journal de l’expédition du chevalier de Troyes/017

Texte établi par La Compagnie de L’Éclaireur,  (p. 129-131).

appendice m


MEMOIRE DE LA COMPAGNIE DU NORD. TOUCHANT LE PILLAGE COMMIS PAR LES ANGLAIS A LA RIVIERE BOURBON (BAIE D’HUDSON).

La Compagnie du Commerce du Nord établie à Québec avec permission et patente de S. M. a eu le malheur après avoir pris posseession au dit pays du Nord de la riche et grande rivière de Bourbon, en 1682, d’y avoir été pillée en terre en 1683, par les anglais pendant le retour de leur vaisseau à Québec, qui leur prirent un magasin rempli de plus de 200 000 de castor martre et autres pelleteries dans le temps qu’il n’y avait point de guerre entre les deux nations ayant corrompu deux ou trois gardeurs français des dits pelleteries et magasins.

Une si grande violence a obligé la dite Compagnie pendant quelle en porta sa plainte a S. M. en France, de renvoyer les armées suivantes, tant par mer que par terre au dit nord pour se venger des dits Anglais, en y continuant leur commerce.

Leurs forces remportèrent des lors de gands avantages sur les dits Anglais qui perdirent au fond de la baie du Nord trois forts, garnis de 24, 18 et 12 pièces de canon avec quatre vingts hommes dans le fort nommé Chichosiouan, à présent Ste. Anne, quarante hommes dans celui nommé Monsipi aprésent St. Louis, et dans celui nommé Rupert, apresent St-Jacques soixante hommes où ils firent aussi quelque pillage qui fut laissé à leur soldats et aventuriers pour leur donner courage à de nouvelles entreprises.

Ce fut vers ce temps que S. M. accorda au Roi d’Angleterre que les limites des terres seraient réglées par MM. les commissaires qui furent nommées de la part des deux royaumes ce portant défense aux sujets de faire aucun acte d’hostilité, à quoi les dits Anglais refusant d’obéir de leur part, seraient venus sur la fin de l’année 1688, au fond de la baie du Nord, occupée par les français hiverner avec trois navires et environ cent hommes d’équipage auraient bâti un fort a la voix de celui des dits français, qui toujours sur leurs gardes ayant sur leurs bras de si dangereux voisins découvrirent par la communication avec quelques uns des dits Anglais, qu’ils étaient ennemis, comme ils l’avaient pensé ce qui les engagea à leur faire la guerre dans laquelle ils furent assez heureux de prendre avec 17 français les dits trois navires et leur fort nommé Churchil, gardé par 85 hommes, les autres étant morts pendant l’hiver, laquelle prise a été jugée bien faite par le jugement de l’amirauté au Siège Royale de Québec, ayant été prouvée par les papiers qui ont été saisis aux officiers anglais qu’ils étaient partis de Londres a dessens de chasser les français de la dite Baie, et d’attirer ceux des dits français qui voudraient prendre parti ayant ordre pour cet effet de se servir de la force et de la fraude.

Une si méchante conduite de la part des dits Anglais dans le temps qu’ils avaient l’ordre de leur Roi de vivre en paix, la guerre déclaré par S. M. contre ceux qui servent le prince d’Orange a donné tout le droit aux français de faire un effort pour reprendre sur eux les Rivières de Ste Thérèse et de Bourbon, dont ils se sont saisis dès l’année 1682. Pour cet effet ils ont fait partir de Québec au mois de Juin dernier deux navires commandés par les Sieurs d’hiberville et de Bonnaventure. Armés de 18, l’autre de 12 pièces de canon et quatre vingts hommes avec toutes les provisions nécessaires pour la traite et pour l’entretien de leur garnison au fond de la baie et équipage, forces qui ont dépensé 180 000 lbs., et qu’ils jugeraient suffisantes pour emporter les dts. Rivières possédées par les Anglais sur le nom de port Nelson, et où les dts. Srs. d’hyberville et de Bonnanventure trouvèrent arrivés avant eux de l’Europe trois gros navires dont un de 40 pièces avec un brûlot, ce qui les a fait relacher l’un au fond de la dite baie, et l’autre à Québec et depuis à cause du siège des Anglais en Europe, après avoir obligé pendant leur navigation les dits Anglais du Nord d’abandonner le poste de Nieu Sayanne, éloigné de 50 lieues de celui de Nelson où ils ont brulé en le quittant a ce que l’on estime au moins pour 100 000 livres d’effets.

Tant de pertes et de dépenses de la part des Anglais pour posséder le dit port Nelson peut bien faire juger de sa valeur que l’on ne peut assez estimer.

Les français y ayant fait, la première fois qu’ils y firent la traite, pour 200 000 de Castors, martres, loutres et autres pelleteries que les Anglais leur pillerent.

Toutefois non obstant l’espérance qu’il peut y avoir d’y profiter après la conquête et la convenance pour Qubec, qui peut y aller et retourner en trois mois et demi, il y a si longtemps que la dite compie. soutient la guerre à ce sujet contre les dits Anglais quelle ne croit pas ses forces capables d’obtenir cette conquête, ce quelle remontre très humblement a S. M. pour quelle y donne la main par sa grand bonté et générosité ordinaires. La dite Compagnie de Québec croit que si S. M. voulait bien lui accorder pour deux ou trois ans un de ses vaisseaux de 36  pièces de canon, bien armé de tout le nécessaire pour la guerre auquel ils joindraient leurs deux navres, sans difficulté ils prendraient sur les Anglais le dit post Nelson.

Pour réussir il faudrait primer les Anglais et obtenir le dit vaisseau de S. M. en état au mois de février prochain pour venir à Québec, la dite Compie., demeurant chargée des soins de l’équipage et victuailles.

Trois pièces de canon de fonte pour mettre à terre et battre le fort.

1 000 lbs, de poudre, tant pour la guerre, que pour la traite aux sauvages que la dite Compie payera que sur le pied que S. M. la paie au fermier ou traitement des poudres qui est à 35 lbs., avec 30 ou 40 mille livres de pret pour 4 ans et sans intérêts.

La Compagnie représente l’importance de l’entreprise qui ne pourra jamais réussir que soutenue par une maison Royale aussi puissante que celle de S. M. en accordant ses grâces a la dite Compie.

A Québec, le 15 Novembre 1690.

Signé

GABIN PACHOTCHENAYE
CHARLES ALBERT DE LA CHENAYE