Journal de l’expédition du chevalier de Troyes/012
appendice h
.... Nos marchands ne manquent pas de bonne volonté pour
augmenter le commerce et nous ont bien promis de faire faire quelques
bâtiments, mais il faut qu’ils retirent leurs avances qui sont au fond de
la Baie d’Hudson, dont ils n’ont pu rien retirer cette année (1687) par
les terres, les rivières étant trop basses pour pouvoir naviguer. On n’y
a pas pu même porter des vivres, ce qui a nécessité le Sr. d’Iberville,
Commandant, de quitter les postes que nous y occupions, les ayant réduits
de deux à trois qu’ils étaient, et n’ayant laissé dans chacun que six
hommes pour la garde des forts et des pelleteries, qui y sont pour plus
de deux cent mille livres, et cent mille livres d’autres effets argent de
France, il n’a pu laisser des vivres à ces douze hommes qu’un minot et
demi de blé d’Inde pour chacun, nous admirons la fermeté de ces hommes
qui y ont bien voulu rester à ce prix là, toute leur ressource est sur
la chasse des outardes dont le passage en automne ne dure que huit jours
et au printemps autant ; le mémoire que nous vous envoyons de la part
de la Compagnie du Nord, fais le détail des secours qu’ils demandent à
Monseigneur sans quoi cette Compagnie se pendant ? ce qui portera un
grand préjudice au commerce de toute le Colonie ; si des cette année on
avait pu envoyer un navire chargé de marchandises au fond de la dite
baie on ferait au printemps prochain plus de cinq cent paquets de castors ;
étant descendus cette année des sauvages du nord pour voir s’il y
arriverait quelque navire, ils s’en sont retournés trés fachés de ce qu’il
n’y en est pas allé, mais ayant de la joie de nous voir occuper les postes
au lieu des Anglais dont ils ne sont pas contents. Cependant, ils seront
tous obligés d’aller à la rivière Bourbon au Port Nelson ou sont les Anglais,
ce contre temps est fort désagréable. Nous avons bien prévu cela
dès l’année passée Monseigneur, et c’est ce qui nous avait engagés de
demander pour nos marchands un navire pour aller quérir leurs effets et
se garantir des pirates, car s’ils n’avaient envoyé que de simples barques
elles auraient été prises infailliblement par des pirates qui n’ont pas quittés
l’embouchure de notre rivière tout l’été, se cachant derrière des iles
et dans des coins de rivières où les navires du Roi n’ont pas pu les aller
chercher.
Ces pirates ont été vus par le navire la Diligente de M. de (Cherry) et plusieurs autres, même par quelques barques. Ce qui nous a persuadés par le grand séjour qu’ils ont fait qu’ils attendaient le retour des pelleteries du fond de la Baie d’Hudson. Il n’est pas possible de pouvoir soutenir l’entreprise de cette baie autrement que par mer, dès l’an passé que le Sieur de Troyes s’en rendit maître, il fallait qu’il prit tous les forts où qu’il mourût de faim, on a tenté cette année (1687) le chemin de Nemisko qui est plus court mais qui est plus mauvais pour la navigation, car ils n’ont pu porter le moitié des vivres qu’on leur envoyait ainsi Monseigneur, il faut, s’il vous plait que vous secouriez l’année prochaine notre compagnie d’un navire le Sieur de Lorme commandera qui est un fort bon sujet ; ils s’en sont retournés très fachés de ce qu’il ny en avait pas.
Ils se chargeront de l’équipage de l’entretien du navire, si vous voulez leur donner pour deux ans. Sans cela Monseigneur, la compagnie est ruinée, à l’abri de ce navire nous enverrons deux barques qui iront dans tout le pays plat pour ne pas hasarder le navire, nous souhaitons fort que le Roi se soit accommodé de toute la baie qui nous donnerait de grands avantages pour le commerce et nous formerait des matelots et des pilotes dont nous manquons beaucoup et nous donnerait lieu de faire des nouvelles découvertes de ce côté là.
Archives canadiennes, correspondance générale Canada, Le Marquis de Denonville et M. de Champigny à M. de Seignelay, 6 Novembre 1687. Vol. 9 fols 20-23.,