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premieres épreuves qui ne lui auront pas réussi, à faire mieux ; plus de gens travailleront, l’émulation ou plutôt l’envie du succès fera sortir le génie & le talent. La concurrence fera mieux faire, & diminuera le prix de la main-d’œuvre, & les villes & les provinces se rempliront successivement d’ouvriers, & de debitans qui rassembleront des marchandises, en feront le triage, mettront le prix aux différens degrés de bonté de fabrication, les débiteront dans les lieux qui leur sont propres, feront des avances aux ouvriers, & les aideront dans leurs besoins. De ce goût de travail & de petites manufactures dispersées naîtroit une circulation d’argent & d’industrie, & un emploi constant des talens, des forces & du tems. Les privileges exclusifs de toute espece seroient réduits aux seuls établissemens qui, par la nature de leur objet & par la grandeur nécessaire à ces établissemens, seroient au-dessus de la force des simples particuliers, & auroient sur-tout pour objet des choses de luxe & non d’absolue nécessité : or de cette derniere espece on ne connoît que les forges & les verreries qui, à d’autres égards, méritent une attention particuliere en ce qu’il ne faut en permettre l’établissement que dans les lieux où les bois sont abondans, & ne peuvent être employés à d’autres usages ; sur quoi il faut aussi observer de n’en pas surcharger un pays par les raisons qui ont été exposées article Forge.

Privilege, (Jurisprud.) Les privileges ne s’étendent point par interprétation d’une personne à une autre, ni d’une chose à une autre, ni d’un cas à un autre.

C’est à celui qui allégue un privilege à le prouver.

Privilege signifie aussi quelquefois la préférence que l’on accorde à un créancier sur les autres, non pas eu égard à l’ordre des hypotheques, mais à la nature des créances & selon qu’elles sont plus ou moins favorables, & qu’un créancier se trouve avoir un droit spécial sur un certain effet.

Il y a différens degrés de privilege entre créanciers qui ne passent chacun qu’en leur rang. Quand il y a parité de privilege, on préfere celui qui plaide pour ne pas perdre quelque chose ; & si tous deux sont dans ce cas, on décharge le défendeur. Voyez Mornac sur la loi XI. §. ult. ff. de minor.

Privilege de bailleur de fonds, est la préférence que l’on accorde sur le gage spécial à celui qui a vendu le fonds, ou qui l’a donné à rente, ou qui a prêté ses deniers pour acquérir. Voyez Bailleur de fonds.

Privilege des bourgeois de Paris. Voyez Bourgeois de Paris.

Privilege de cléricature. Voyez Clerc & Cléricature.

Privilege des commensaux. Voyez Commensaux.

Privilege du committimus. Voyez Committimus.

Privilege du fisc. Voyez Fisc.

Privileges des foires de Brie & Champagne, & de Lyon. Voyez Conservateur, Conservation & Foires.

Privilege des frais funéraires. Voyez Frais funéraires.

Privilege des frais de justice. Voyez Frais de justice.

Privilege de garde-gardienne. Voyez Garde-Gardienne.

Privilege de maçon. Voyez Maçon.

Privilege de nanti de gages. Voyez Gage.

Privilege de noblesse. Voyez Noblesse.

Privilege du premier saisissant. Voyez Contribution, Déconfiture, Saisie.

Privilege du propriétaire. Voyez Propriétaire.

Privilege de scholarité. Voyez Scholarité.

Privileges des villes, sont les franchises, exemptions & immunités, qui leur ont été accordées par

les rois & autres seigneurs. Voyez le recueil des ordonnances de la troisieme race, dans lequel on trouve plusieurs de ces privileges. (A)

Privilege de chasse, c’est une concession singuliere que le roi octroie, & toujours par lettres-patentes qui doivent être vérifiées en la chambre des comptes.

Privilege d’impression, (Librairie.) c’est une permission qu’un auteur ou un libraire obtient au grand sceau, pour avoir seul la permission d’imprimer ou faire imprimer tel livre ; ce privilege est proprement exclusif, & paroît n’avoir commencé que sous Louis XII. en 1507. L’édit du 21 Août 1686 & les arrêts du 2 Octobre 1701 & du 13 Août 1703 contiennent en cent douze articles les réglemens de la Librairie de France sur le fait des privileges ; quelques-uns des derniers réglemens dérogent aux anciens, d’autres sont mal expliqués, & plusieurs sont contraires au bien & à l’avantage du commerce de la Librairie. (D. J.)

PRIVILÉGIÉ, s. m. (Jurisprud.) se dit de quelqu’un qui jouit de certains privileges, ou de quelque lieu dans lequel on jouit de certaines exemptions.

Il y a des marchands privilégiés suivant la cour ; d’autres qui vendent dans des lieux privilégiés : les uns & les autres n’ont pas besoin de maîtrise.

On entend aussi par privilégiés ceux qui ont droit de committimus ou garde-gardienne, &c.

Les privilégiés sont encore certaines personnes qui, par une prérogative attachée à leur office, sont exemptes de payer des droits pour les biens qu’elles vendent ou achetent dans la mouvance du roi.

Il y a aussi des églises privilégiées par rapport à certaines exemptions dont elles jouissent relativement à la jurisdiction de l’ordinaire. Voyez Exemption.

Un créancier privilégié est celui dont la créance est plus favorable que les créances ordinaires, & qui par cette raison doit être préféré aux autres créanciers même hypothécaires. Voyez ci-devant le mot Privilege. (A)

PRIVILEGIUM, (Jurisprudence rom.) ce mot répond à-peu-près à notre decret personnel. Le privilegium étoit souvent compris sous le mot général de loi, & n’en differoit que parce qu’il ne regardoit qu’une seule personne, comme l’indique l’étymologie, au lieu que la loi étoit énoncée en termes généraux ; sans application à aucun particulier. Les decrets nommés privilegia étoient défendus par les lois de douze tables, & ne pouvoient s’ordonner contre un citoyen que dans une assemblée par centuries. Celui du bannissement de Cicéron étoit, par cette raison contre les lois ; mais le parti de l’abrogation lui parut plus sûr, que de faire intervenir en sa faveur un decret du sénat. Mongaut. (D. J.)

PRIX, s. m. (Droit nat. & civil.) quantité morale ou mesure commune, à la faveur de laquelle on peut comparer ensemble, & réduire à une juste égalité, non-seulement les choses extérieures, mais encore les actions qui entrent en commerce, & que l’on ne veut pas faire gratuitement pour autrui.

On peut diviser le prix en prix propre ou intrinseque, & prix virtuel ou éminent. Le premier, c’est celui que l’on conçoit dans les choses mêmes, ou dans les actions qui entrent en commerce, selon qu’elles sont plus ou moins capables de servir à nos besoins, ou à nos commodités, & à nos plaisirs. L’autre est celui qui est attaché à la monnoie, & à tout ce qui en tient lieu, en tant qu’elle renferme virtuellement la valeur de toutes ces sortes de choses ou d’actions, & qu’elle sert de regle commune pour comparer & ajuster ensemble la variété infinie de degrés d’estimation dont elles sont susceptibles.

Le fondement intérieur du prix propre ou intrinseque, c’est l’aptitude qu’ont les choses ou les actions