L’Encyclopédie/1re édition/CONSERVATEUR

CONSERVATEUR, s. m. (Jurispr.) est un officier public établi pour la conservation de certains droits ou priviléges, Il y en a de plusieurs sortes : les uns qu’on appelle greffiers-conservateurs, dont la fonction est de tenir registre de certains actes pour la conservation des droits de ceux que ces actes intéressent, tels que les conservateurs des hypotheques, les conservateurs des rentes, les conservateurs du domaine, les conservateurs des priviléges des bourgeois de Paris ; d’autres qu’on appelle juges-conservateurs, qui ont jurisdiction pour conserver certains droits & priviléges, tels que les conservateurs des priviléges royaux & apostoliques des universités, les conservateurs des foires, &c. Voyez ci-après les subdivisions de cet article. (A)

Conservateur apostolique, ou des Priviléges apostoliques des Universités. Les universités ont deux sortes de priviléges, savoir apostoliques & royaux, & elles ont aussi des conservateurs différens pour chaque sorte de priviléges. On entend par priviléges apostoliques, ceux qui ont été concédés par les papes. L’université de Paris a pour conservateur de ses priviléges royaux le prevôt de Paris, & pour conservateurs de ses priviléges apostoliques, les évêques de Beauvais, Senlis, & Meaux, quand elle fait choix de l’un d’eux, & qu’il veut bien accepter la commission au nom du pape. Charles V. dans des lettres du 18 Mars 1366, portant confirmation des priviléges de l’université de Paris, fait mention en plusieurs endroits du conservateur de ces priviléges ; ce qui ne peut s’entendre du prevôt de Paris, comme la suite le fait connoître. Il est parlé d’abord en général des priviléges accordés à l’université, tant par le saint siége que par les prédécesseurs de Charles V. & il est dit que le conservateur des priviléges, le garde du scel de cette cour, sont exempts de tout péage & exaction ; qu’en vertu des priviléges qui leur ont été accordés par le saint siége, il doit connoître du refus fait aux écoliers étudians dans l’université de leur donner les fruits de leurs bénéfices, & des contestations qu’auront les écoliers & principaux officiers de l’université au sujet des péages dont ils sont exempts, même quand les parties adverses de ces écoliers & officiers résideroient hors du royaume ; qu’il peut employer les censures ecclésiastiques contre les parties adverses de ces écoliers & officiers ; que néanmoins le parlement, le prevôt de Paris, & autres juges, troubloient journellement le conservateur dans la connoissance de ces matieres, disant qu’elles étoient réelles. Sur quoi Charles V. déclare que quoique la connoissance de ces matieres appartienne à lui & à sa jurisdiction, cependant, par grace pour l’université, il permet au conservateur d’en connoître, pourvû que la conclusion du libelle soit personnelle ; & en conséquence il ordonne à tous ses juges, & nommément au prevôt de Paris, de faire joüir le conservateur de cette concession. Le prevôt de Paris étant alors conservateur des priviléges royaux de l’université, on ne peut entendre ce qui est dit dans ces lettres, que du conservateur des priviléges apostoliques. Urbain VI. à la priere de Charles V. ordonna par une bulle du 14 Mars 1367, que quand le pape seroit en Italie, nul ecclésiastique ne pourroit faire assigner aucun habitant de France hors du royaume, devant les conservateurs à lui accordés par les papes dans la forme prescrite par le concile de Vienne ; & que nul ecclésiastique, en vertu d’une cession de droits, ne pourroit faire assigner, même en France, devant ces conservateurs aucun habitant du royaume. L’exécution de cette bulle fut ordonnée dans le même tems par Charles V. (A)

Conservateur des Castillans trafiquans dans le Royaume. Charles V. dans les privileges qu’il accorda à ces marchands au mois d’Avril 1364, leur donne pour conservateurs de ces priviléges le doyen de l’église de Rouen, & le bailli & le vicomte de cette ville. (A)

Conservateurs des Decrets volontaires, furent créés par édit du mois de Janvier 1708, sous le titre de commissaires-conservateurs généraux des decrets volontaires ; on créa aussi par le même édit des contrôleurs de ces commissaires-conservateurs. Suivant cet édit, tous ceux qui vouloient faire un decret volontaire pour purger les hypotheques de leur vendeur, étoient obligés de faire enregistrer par le commissaire-conservateur & par son contrôleur la saisie-réelle & le contrat de vente, avant que le poursuivant pût faire procéder aux criées, à peine de nullité & de 500 liv. d’amende ; & l’acquéreur devoit payer un certain droit au conservateur & au contrôleur. On ne pouvoit délivrer la grosse du decret volontaire, que ce droit n’eût été préalablement payé, à peine du triple droit contre les acquéreurs, leurs procureurs, & contre les greffiers & scelleurs.

Mais les droits attribués à ces officiers ayant paru trop onéreux au public, leurs offices ont été supprimés par édit du mois d’Août 1718 : le Roi a seulement reservé la moitié des droits pour en employer le produit au remboursement de ces officiers. Voy. le traité de la vente par decret de M. d’Hericour. (A)

Conservateurs du Domaine, furent créés par édit du mois de Mai 1582, pour la conservation du domaine du Roi. Ils avoient le titre de conservateurs & gardes des fiefs, domaines, titres, & pancartes du roi ; il y en avoit un dans chaque bailliage & sénéchaussée. Ces offices furent supprimés par édit du mois de Mai 1639, & rétablis par un autre édit du mois de Septembre 1645. Il paroît que ceux-ci furent encore supprimés ; car on recréa de nouveau un office de conservateur des domaines aliénés dans chaque province & généralité, par édit du mois d’Octobre 1706 ; & le 27 Septembre 1707, il y eut une déclaration pour l’exécution de l’édit de 1706, portant création des offices de conservateurs des domaines aliénés : mais par édit du mois de Juillet 1708, ces offices furent encore supprimés ; & en leur place, on créa par le même édit des inspecteurs-conservateurs généraux des domaines du roi aliénés, qui sont encore entre ses mains ; & leurs fonctions & droits furent réglés par une déclaration du 13 Août 1709. Ces inspecteurs conservateurs du domaine furent aussi depuis supprimés ; on en a établi deux par commission au conseil. Voyez Domaine & Inspecteurs du Domaine. (A)

Conservateurs généraux des Domaines, V. ci-devant Conservateurs du Domaine. (A)

Conservateurs des Etudes, sont les mêmes que les conservateurs des universités ou des priviléges royaux des universités. Ils sont ainsi nommés dans des lettres de Charles VI. du 6 Juillet 1388. Voyez ci-après au mot Conservateur des Priviléges royaux. (A)

Conservateur des Foires ou Juge-Conservateur des Priviléges des Foires, est un juge établi pour la manutention des franchises & priviléges des foires, & pour connoître des contestations qui y surviennent entre marchands, & autres personnes fréquentans les foires de son ressort, & y faisant négoce.

Les anciens comtes de Champagne & de Brie furent les premiers instituteurs de ces sortes d’officiers, aussi-bien que des foires franches de Brie & de Champagne, dont ils les établirent conservateurs.

On les nomma d’abord simplement gardes des foires, ensuite gardes-conservateurs ; & vers la fin du xv. siecle, ils prirent le titre de juges-conservateurs des priviléges des foires, comme on les appelle encor présentement.

Quoiqu’ils ne prissent pas d’abord le titre de juges, ils avoient néanmoins la jurisdiction contentieuse sur les marchands fréquentant les foires.

Il y avoit dans chaque foire deux gardes ou conservateurs, un chancelier qui étoit dépositaire du sceau particulier des foires, & deux lieutenans, un pour les gardes, l’autre pour le chancelier.

Aucun jugement ne pouvoit être rendu par un des gardes seul ; en l’absence de l’un, le chancelier avoit voix délibérative avec l’autre.

Dans les causes difficiles, on appelloit quelques notables marchands, ou autres qui avoient long-tems exercé le commerce.

Les conservateurs avoient sous eux plusieurs notaires pour expédier les actes, & des sergens pour exécuter leurs mandemens.

Les gardes ou conservateurs & leur chancelier devoient, à peine de perdre leurs appointemens, se trouver à l’ouverture des foires de leur ressort, & y rester jusqu’à ce que les plaidoiries fussent finies. Après quoi ils pouvoient y laisser leurs lieutenans, à la charge d’y revenir lors de l’échéance des payemens.

C’étoit à eux à visiter les halles, & autres lieux où l’on exposoit les marchandises. Ils avoient aussi le droit de nommer deux prudhommes de chaque métier pour visiter ces mêmes marchandises.

L’appel de ces conservateurs étoit dévolu aux gens tenans les jours de S. M. c’est-à-dire tenans les grands jours, comme il est dit dans les lettres patentes de Philippe de Valois de l’an 1349.

Les gardes ou conservateurs des foires de Brie & Champagne transférées dépuis à Lyon, avoient une telle autorité, qu’on arrêtoit en vertu de leurs jugemens, même dans les pays étrangers.

Présentement la conservation des priviléges des foires dans la plûpart des villes est unie à la justice ordinaire.

Par exemple, à Paris, c’est le prevôt de Paris qui est le conservateur des priviléges des foires qui se tiennent dans cette ville ; & en conséquence c’est le lieutenant général de police qui en fait l’ouverture.

Dans quelques villes, la conservation des priviléges des foires est unie au tribunal établi pour le commerce ; comme à Lyon où la jurisdiction des consuls, le bureau de la ville, & la conservation des foires, sont unis sous le titre de conservation. Voyez le recueil des priviléges des foires de Lyon & les additions à la bibliotheque de Bouchel, tome I. p. 18. (A)

Conservateur de la Gabelle. C’étoit le juge des gabelles ; il en est parlé dans une ordonnance du roi Jean du 20 Avril 1363. (A)

Conservateur des Hypotheques, dont le vrai titre est greffiers-conservateurs des hypotheques, sont des officiers établis pour la conservation des hypotheques sur les offices, qui, par les édits de leur création ou par des arrêts du conseil rendus en conséquence, peuvent être exercés sans provisions.

Pour bien entendre quelle est la fonction de ces sortes d’officiers, & en quoi ils ressemblent & different avec les gardes des rôles, il faut observer que par édit du mois de Mars 1631, le roi créa en titre d’office des gardes des rôles des offices de France, pour conserver les hypotheques & droits des créanciers sur les offices. Ceux qui prétendent quelque droit sur un office, pour l’exercice duquel on a besoin de provisions prises en chancellerie, forment opposition au sceau ou au titre des provisions, à ce que les provisions ne soient scellées qu’à la charge de l’opposition, le sceau ayant pour les offices l’effet de purger les hypotheques, de même que le decret pour les autres immeubles.

Mais comme il y a grand nombre d’offices qui sont possédés en vertu de simples quittances de finances, pour lesquels on n’a pas besoin de provision, & qui sont d’un prix trop médiocre pour supporter les frais d’un decret, les créanciers, & autres prétendant droit à ces offices, ne savoient de quelle maniere se pourvoir pour conserver leurs droits sur ces sortes d’offices.

L’édit du mois de Mars 1673, portant établissement d’un greffe des enregistrements, ou, comme on l’appelloit communément, un greffe des hypotheques dans chaque baillage & sénéchaussée, sembloit y avoir pourvû, en ordonnant en général que tous ceux qui auroient hypotheque, en vertu de quelque titre que ce fût, sur héritages, rentes foncieres ou constituées, domaines engagés, offices domaniaux, & autres immeubles, pourroient former leurs oppositions au greffe des hypotheques de la situation des immeubles auxquels ils auroient droit. L’objet de cet édit étoit de rendre publiques toutes les hypotheques, & de faire en ce point une loi générale de ce que quelques coûtumes particulieres ont ordonné de faire par la voie des saisines & des nantissemens ; mais les inconvéniens que l’on trouva dans cette publicité des hypotheques, furent cause que l’édit de 1673 fut révoqué par un autre du mois d’Avril 1674, qui ordonna que pour la conservation des hypotheques, on en useroit comme pour le passé.

On créa aussi par un autre édit du mois de Mars 1673, des conservateurs des hypotheques sur les rentes dont nous parlerons dans l’article suivant.

Ce ne fut qu’au mois de Mars 1706, que le roi créa dans chaque province & généralité un conseiller du roi greffier-conservateur des hypotheques sur les offices, qui, par les édits de création, ou arrêts donnés en conséquence, peuvent être exercés sans provision.

Cet édit ordonne que dans un mois les propriétaires de ces offices, & droits y réunis, soient tenus de faire enregistrer au greffe du conservateur, par extrait seulement, leurs quittances de finance, ou autres titres concernans la propriété d’iceux, à peine d’interdiction de leurs fonctions & privation de leurs gages & droits.

Que toutes les oppositions qui seront formées à la vente de ces offices, & les saisies-réelles qui en pourront être faites, seront enregistrées dans ce greffe, à peine de nullité des oppositions & saisies.

Qu’à cet effet les greffiers-conservateurs tiendront deux registres paraphés de l’intendant, sur l’un desquels ils écriront les saisies & oppositions qui leur auront été signifiées, & dont ils garderont les exploits & main-levées, & que sur l’autre registre ils mettront les enregistremens des titres de propriété.

Qu’en cas d’opposition au titre des offices & droits, il ne sera point procédé à l’enregistrement des titres de propriété, que l’opposition n’ait été jugée.

Qu’à l’égard des oppositions pour deniers, les enregistremens ne pourront être faits qu’à la charge d’icelle, à peine par les greffiers-conservateurs des hypotheques d’en demeurer responsables en leurs noms pour la valeur des offices & droits.

Les créanciers opposans à l’enregistrement des titres de propriété desdits offices & droits y réunis, sont préférés sur le prix aux autres créanciers non opposans, quand même ils seroient privilégiés.

Les offices & droits y réunis, dont les titres de propriété ont été enregistrés sans opposition, demeurent purgés de tous priviléges & hypotheques, excepté néanmoins des douaires & des substitutions.

Toutes oppositions qui seroient faites ailleurs qu’entre les mains desdits conservateurs, pour raison de ces sortes d’offices & droits, sont nulles.

Les notaires qui passent des actes contenans vente ou transport de ces sortes d’offices, doivent en donner dans quinzaine des extraits au conservateur des hypotheques.

L’édit de création attribue au conservateur un droit pour l’enregistrement de chaque quittance de finance & opposition des gages, un minot de franc-salé à chacun, exemption de taille, tutelle, curatelle, guet & garde. (A)

Conservateurs des Hypotheques sur les Rentes, sont des officiers établis par édit du mois de Mars 1673, pour la conservation des hypotheques que les particuliers peuvent avoir sur les rentes dûes par le Roi, appartenantes à leurs débiteurs. L’édit de création veut que pour conserver à l’avenir les hypotheques sur les rentes dûes par le Roi sur les domaines, tailles, gabelles, aides, entrées, décimes & clergé ; dons gratuits, & autres biens & revenus du Roi, les créanciers ou autres prétendans droit sur les propriétaires & vendeurs de ces rentes, seront tenus de former leur opposition entre les mains du conservateur des hypotheques sur lesdites rentes ; que ces oppositions conserveront pendant une année les hypotheques & droits prétendus sur lesdites rentes, sans qu’il soit besoin de faire d’autres diligences ; que pour sûreté de ceux qui demeureront propriétaires de ces rentes par acquisitions, partages, ou autres titres, ils seront seulement tenus à chaque mutation de prendre sur leurs contrats ou extraits d’iceux, des lettres de ratification scellées en la grande chancellerie ; que si avant le sceau de ces lettres il ne se trouve point d’opposition de la part des créanciers ou prétendans droit, & après qu’elles seront scellées sans opposition, les rentes seront purgées de tous droits & hypotheques. Pour recevoir les oppositions qui peuvent être formées au sceau de ces lettres par les créanciers & autres prétendans droit sur lesdites rentes pour la conservation de leurs hypotheques, & délivrer des extraits des oppositions à ceux qui en ont besoin, l’édit crée quatre offices de greffiers-conservateurs des hypotheques desdites rentes, & à chacun un commis. Il est dit que ces conservateurs auront chacun entrée au sceau, & exerceront les offices par quartier ; qu’ils tiendront fidele registre des oppositions formées entre leurs mains, & garderont les exploits pour y avoir recours au besoin ; qu’avant que les lettres soient présentées au sceau, ils seront tenus de vérifier sur leurs registres s’il y a des oppositions. L’édit attribue à ces officiers une certaine retribution pour l’enregistrement des oppositions, & pour délivrer les extraits, & les mêmes priviléges qu’ont les officiers de la grande chancellerie. Cette derniere prérogative leur a été confirmée par un édit du mois de Juillet 1685. Les quatre offices de conservateurs des hypotheques sur les rentes ont dépuis été réunis, & sont exercés par un seul & même titulaire ; il y a néanmoins un conservateur particulier pour les hypotheques des rentes sur la ville. (A)

Conservateur des Juifs ou des Priviléges des Juifs, étoit un juge particulier que le roi Jean avoit accordé aux Juifs étant dans le royaume pour la conservation de leurs priviléges. Il en est parlé dans une ordonnance de ce prince du mois de Mars 1360, où il est dit que toutes lettres contre les priviléges des Juifs ne seront d’aucune force & vertu, si elles ne sont vûes ou acceptées par le conservateur ou gardien qu’il leur a accordé par ses autres lettres. Charles V. par des lettres du 4 Octobre 1364, permit au comte d’Estampes gardien & conservateur général des Juifs & Juives, & leur juge en toutes les causes qu’ils avoient contre les Chrétiens dans le royaume, ou les Chrétiens contr’eux, de nommer des commis en sa place, & à ceux-ci de nommer des substituts pour juger les affaires des Juifs. La charge de conservateur des Juifs fut abolie, & les Juifs soûmis à la jurisdiction du prevôt de Paris, & des autres juges ordinaires du lieu de leur demeure, par des lettres de Charles VI. du 15 Juillet 1394. (A)

Conservateur ou Juge-Conservateur de Lyon, voy. ci-apr. Conservation de Lyon (A)

Conservateur des marchandises ; on établissoit autrefois des commissaires généraux, auxquels on donnoit le titre de gardiens & conservateurs sur les vivres & les marchandises. (A)

Conservateur de la Marée ; le prevôt de Paris fut établi juge, conservateur, gardien, & commissaire des affaires des vendeurs de marée, par des lettres du roi Jean, du mois d’Avril 1361, comme il l’étoit anciennement ; mais cela fut attribué en 1369 à la chambre souveraine de la marée. Il rentra encore dans ses fonctions en 1379 ; mais les commissaires de la marée continuerent à connoître de certaines contestations sur cet objet, & enfin depuis 1678 le châtelet n’a retenu que les réceptions des jurés-compteurs, déchargeurs & vendeurs de marée. Voyez Chambre de la marée. (A)

Conservateur ou Juge-conservateur des Priviléges royaux de l’Université de Paris, est le juge établi par nos rois pour la conservation des priviléges qu’ils ont accordés à cette université ; cette fonction est présentement réunie à celle de prevôt de Paris ; mais les choses n’ont pas toûjours été à cet égard dans le même état.

Il y a apparence que cet office de conservateur fut établi dès le commencement de l’université, c’est-à-dire par Charlemagne même son fondateur. Car ce prince étant obligé d’être presque toûjours hors du royaume pour contenir les peuples voisins, établit deux juges pour les affaires de sa maison & de son état, l’un desquels, appellé comes sacri palatii, avoit l’intendance de la justice sur tous les sujets laïques nobles & roturiers ; l’autre appellé apocrisiarius ou archicapellanus, custos palatii ou responsalis negotiorum ecclesiasticorum, rendoit la justice à ceux de la maison du prince, & à tous les ecclésiastiques & religieux.

Adhelard, autrefois abbé de Corbie & parent de Charlemagne, fit un livre de l’ordre du palais, que Hincmar ministre d’état sous Charles le Chauve, mit en lumiere : on y voit que des trois ordres qui étoient dans le palais, le second étoit des maîtres & écoliers, ensorte que cet ordre étoit comme les autres sous la direction de l’apocrisiaire.

Les révolutions qui arriverent dans la forme du gouvernement depuis environ l’an 900, furent sans doute la cause de l’extinction du titre & office d’apocrisiaire ; & il est à croire que dans ces tems de trouble les affaires de l’université allerent très-mal.

Mais Hugues Capet étant monté sur le throne, Robert son fils, qui lui succéda en 997, aimant les lettres & ceux qui en faisoient profession, en rétablit les exercices, & probablement constitua le prevôt de Paris juge des différends de l’université, au moins en ce qui concernoit les procès civils & criminels.

Cet établissement dura jusqu’en l’an 1200, que l’université s’étant plainte à Philippe-Auguste contre Thomas prevôt de Paris, dont les sergens avoient emprisonné quelques écoliers & en avoient tué d’autres, ce prince ordonna que desormais le prevôt de Paris prêteroit serment à l’université en ce qui regarde le fait de police, & au surplus renvoya la décision des procès à l’évêque de Paris.

Mais l’université n’ayant pas été contente de l’évêque de Paris ni de ses officiaux, la connoissance des procès de l’université fut rendue au prevôt de Paris par des lettres du 31 Décembre 1340, confirmées par d’autres lettres du 21 Mai 1345.

On voit par ce qui vient d’être dit, que l’origine du serment que le prevôt de Paris prêtoit à l’université, remonte jusqu’à l’an 1200, & qu’elle vient de la qualité de juge-conservateur des priviléges royaux de l’université, attribuée au prevôt de Paris. En effet, l’ordonnance de 1200 porte que le prevôt de Paris & ses successeurs, chacun à son avenement, seront tenus, sous quinzaine à compter du jour qu’ils auront été avertis, de faire serment dans une des églises de Paris, en présence des députés de l’université, qu’ils conserveront les priviléges de la même université.

Cette ordonnance fut confirmée par S. Louis au mois d’Août 1228, par Philippe le Hardi en Janvier 1275, & par Philippe le Bel en 1285.

Ce dernier ordonna encore en 1301, que tous les deux ans, le premier dimanche après la Toussaints, lecture seroit faite en présence du prevôt de Paris & de ses officiers & des députés de l’université, du privilége de l’université ; qu’ensuite le prevôt de Paris feroit faire serment à ses officiers de ne point donner atteinte à ce privilége. Cette ordonnance fut faite à l’occasion de l’emprisonnement de Guillaume le Petit, fait par ordre de Guillaume Thiboust lors prevôt de Paris.

Le vendredi après l’octave de l’épiphanie 1302, Philippe le Bel ordonna que la lecture & le serment ordonnés l’année précédente seroient faits dans l’église S. Julien le Pauvre ; & au mois de Février 1305 il renouvella son ordonnance de 1285.

Le 10 Octobre 1308, Pierre le Feron prevôt de Paris prêta serment dans l’église des Bernardins ; le recteur observa que le prevôt de Paris n’avoit point comparu au jour indiqué par l’université, qu’il s’étoit absenté malicieusement, & conclut, en disant que le prevôt de Paris devoit être puni très-séverement pour sa desobéissance & son mépris des priviléges de l’université ; le prevôt de Paris proposa ses excuses, qui furent reçues.

On trouve dans l’histoire de l’université par du Boulay, les actes de prestation de ce serment par les prevôts de Paris qui ont succédé à Pierre le Feron, en date des 8 Mai 1349, 13 Juin 1361, 10 Octobre 1367, 23 Juin 1370, 29 Mai 1421, 24 Mars 1446, & 23 Avril 1466, 29 Juin 1479, 21 Novembre 1509, 24 Avril 1508, 13 Avril 1541, 13 Juin 1592.

Il y a eu de tems en tems des contestations de la part des prevôts de Paris pour se dispenser de ce serment ; le dernier acte qui y a rapport est celui du 2 Mars 1613, par lequel le sieur Turgot proviseur du collége d’Harcourt, fut député pour aller trouver le nouveau prevôt de Paris (Louis Séguier), & l’avertir de venir prêter le serment que tous ses prédécesseurs ont prêté à l’université. Il paroît que depuis ce tems l’université a négligé de faire prêter ce serment, quoiqu’il n’y ait eu aucune ordonnance qui en ait dispensé les prevôts de Paris.

Au mois de Février 1522, le titre de bailli conservateur des priviléges royaux de l’université fut démembré de la charge de prevôt de Paris, par l’érection du tribunal de la conservation. Ce nouveau tribunal fut composé d’un bailli, un lieutenant, douze conseillers, & autres officiers nécessaires.

L’office de bailli conservateur fut réuni à la charge de prevôt de Paris, après la mort de Jean de la Barre seul & unique titulaire de cette charge de bailli conservateur ; il mourut en 1533.

Le siége du baillage ou conservation des priviléges royaux de l’université avoit d’abord été établi en l’hôtel de Nesle ; il fut de-là transferé au petit châtelet, & réuni à la prevôté de Paris par édit de 1526, qui ne fut registré au parlement qu’en 1532. Mais nonobstant cette réunion & translation, les officiers de la conservation continuoient de connoître seuls des causes de l’université, & s’assembloient dans une des chambres du grand châtelet, que l’on appelloit la chambre de la conservation. Ce ne fut qu’en 1543 que la réunion fut pleinement exécutée par le mêlange qui se fit alors des huit conseillers restans de ceux qui avoient été créés pour la conservation avec les conseillers de la prevôté.

Depuis cette réunion il y a toûjours eu des jours particuliers d’audience destinés pour les causes de l’université. Un édit du mois de Juillet 1552 ordonne que le prevôt de Paris tiendroit l’audience deux fois la semaine, pour y juger par préférence les causes de l’université.

On trouve dans le recueil des priviléges de l’université des actes des 5 Mai 1561, 5 Mai 1569, 7 Octobre 1571, & 19 Avril 1583, par lesquels l’université a député au prevôt de Paris, pour l’avertir qu’il étoit obligé de donner deux jours par semaine pour les causes de l’université.

Enfin l’on voit que le 3 Mars 1672, M. le Camus lieutenant civil rendit une ordonnance portant que, pour décider les procès que pourroient avoir les recteur, régens, docteurs, suppôts, écoliers, jurés, messagers, & autres de l’université ayans privilége, dont le chatelet est le juge conservateur, il leur sera donné audience le mercredi pour les causes du présidial, & le samedi pour les causes qui se devront traiter à la chambre civile par préférence.

L’université joüit toûjours de ce privilége d’avoir ses causes commises au châtelet ; c’est ce que l’on appelle le privilége de scholarité.

Depuis 1340 que la connoissance des causes de l’université a été attribuée au châtelet, sans aucune interruption jusqu’à présent, le prevôt de Paris a toûjours pris le titre de conservateur des priviléges royaux de l’université de Paris ; on en trouve un exemple en 1458 dans un acte rapporté au livre rouge vieil du châtelet, du 10 Février de cette année.

Il y a de semblables conservateurs des priviléges royaux des autres universités dans les autres villes où il y a université. Cet office de conservateur est joint presque partout à celui de prevôt. (A)

Conservateurs des Saisies et Oppositions faites au Thrésor royal, sont des officiers établis pour la conservation des droits des créanciers sur les remboursemens ou autres payemens qui sont à recevoir au thrésor royal. Ils furent premierement créés au nombre de quatre par édit du mois de Mai 1706, sous le titre de greffiers conservateurs, mais plus connus sous le nom seul de conservateurs des saisies & oppositions qui se font ès mains des gardes du thrésor royal, à l’instar des greffiers conservateurs des hypotheques des rentes sur la ville ; il fut ordonné qu’à l’avenir ces saisies & oppositions se feroient entre les mains de ces nouveaux officiers, à peine de nullité, à la réserve des remboursemens des rentes sur la ville, & des augmentations de gages, dont les oppositions & saisies ont toûjours dû être faites entre les mains des greffiers conservateurs des hypotheques sur les rentes. Ces trois conservateurs des saisies & oppositions concernant les remboursemens & payemens au thrésor royal, furent supprimés par édit du mois d’Août 1716. On en recréa deux seulement en 1719 sous le titre d’ancien & d’alternatif, parce qu’il n’y avoit alors que deux gardes du thrésor royal ; mais ayant été créé un troisieme garde du thrésor royal en 1722, on créa aussi en 1723 un greffier conservateur triennal des saisies & oppositions, avec les mêmes droits qui étoient attribués par l’édit de 1706 : présentement il n’y a que deux de ces conservateurs, ayant réuni à leurs offices la troisieme charge. (A)

Conservateurs des Villes ou des Priviléges des Villes, sont des juges royaux qui ont été établis en certaines villes pour la conservation des priviléges accordés à ces villes par nos rois. Il est parlé dans différentes ordonnances de ces conservateurs, entr’autres du conservateur & juge des bourgeois de Montpellier. En un autre endroit il est dit que le sénéchal de Cahors sera conservateur des priviléges de cette ville. On trouve aussi que le sénéchal & le connétable de Carcassonne furent établis conservateurs & juges de cette ville pour une affaire particuliere. Voyez les ordonnances de la troisieme race, tome III. pp. 327. 421. & 627.

Cette fonction de conservateur des villes a quelque rapport avec celle des officiers appellés chez les Romains defensores civitatum, lesquels étoient les juges du menu peuple & conservoient ses priviléges contre les entreprises des grands ; mais ils ne connoissoient que des affaires sommaires & de la fuite des esclaves : à l’égard des affaires importantes, ils les renvoyoient devant les gouverneurs des provinces.

Lorsque les Gaules eurent passé sous la domination des Romains, on y adopta insensiblement leurs lois & leurs usages. On voit dans les capitulaires de nos rois, que les officiers des villes étoient pareillement nommés defensores civitatis, curatores urbis, servatores loci ; il y a beaucoup d’apparence que les conservateurs établis dans plusieurs villes sous la troisieme race, succéderent à ces officiers appellés servatores loci, dont le nom a été rendu en notre langue par celui de conservateurs. Voyez le traité de la Police, tome I. liv. I. tit. xij. l’hist. de la Jurisprud. Rom. de M. Terrasson, p. 36. (A)

Conservateurs des Universités. Voyez Conservateur Apostolique & Conservateur des Priviléges royaux, &c. (A)