L’Encyclopédie/1re édition/GAGE

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GAGE, pignus, s. m. (Jurisprud.) est un effet que l’obligé donne pour sûreté de l’exécution de son engagement.

Quelquefois le terme gage est pris pour un contrat par lequel l’obligé remet entre les mains du créancier quelque effet mobilier, pour assûrance de la dette ou autre convention ; soit à l’effet de le retenir jusqu’au payement, ou pour le faire vendre par autorité de justice, à défaut de payement ou exécution de la convention.

Quelquefois aussi le terme gage est pris pour la chose même qui est ainsi engagée au créancier.

Enfin ce même terme gage signifie aussi toute obligation d’une chose soit mobiliaire ou immobiliaire ; & dans ce cas, on confond souvent le gage avec l’hypotheque ; comme quand on dit que les meubles sont le gage du propriétaire pour ses loyers, ou qu’une maison saisie réellement devient le gage de la justice, qu’elle est le gage des créanciers hypothécaires, &c.

Mais le gage proprement dit, & le contrat de gage qu’on appelle aussi nantissement, s’entend d’une chose mobiliaire dont la possession réelle & actuelle est transférée au créancier, pour assûrance de la dette ou autre obligation : au lieu que l’hypotheque s’entend des immeubles que le débiteur affecte & qu’il engage au payement de la dette, sans se dépouiller de la possession de ces immeubles.

Chez les Romains, on distinguoit quatre sortes de gages ; savoir le prétorien, le conventionnel, le légal & le judiciaire : parmi nous on ne connoît point le gage prétorien. La définition de ces différentes sortes de gages sera expliquée dans les subdivisions de cet article.

On peut donner en gage toutes les choses mobilaires qui entrent dans le commerce.

Il y a certains gages qui ne sont par eux-mêmes d’aucune valeur, lesquels ne laissent pas néanmoins d’être considérés comme une sûreté pour le créancier. On en peut donner pour exemple Jean de Castro, général portugais dans les Indes, lequel ayant besoin d’argent, se coupa une de ses moustaches, & envoya demander aux habitans de Goa vingt mille pistoles sur ce gage ; elles lui furent aussi-tôt prêtées, & dans la suite il retira sa moustache avec honneur.

Les pierreries de la couronne, quoique réputées immeubles & inaliénables, ont été quelquefois mises en gage dans les besoins pressans de l’état. Charles VI. en 1417, engagea un fleuron de la grande couronne à un chanoine de la grande église de Paris (Notre-Dame), pour la somme de 4600 liv. tournois, & le retira en la même année, en baillant un chappe de velours cramoisi semé de perles.

Les reliques mêmes ont aussi été quelquefois mises en gage : présentement les choses sacrées telles que les calices, ornemens & livres d’église, appartenans a l’église, ne peuvent être mis en gage, sinon en cas d’urgente nécessité.

Les personnes que l’on donne en otage, sont aussi, à proprement parler, des gages, pour l’assûrance de quelque promesse.

Un créancier peut recevoir pour gage ou nantissement, des titres de propriété ou de créance, des titres de famille, &c. il n’est pas obligé de les rendre, qu’on ne lui donne satisfaction ; & si les débiteurs des sommes portées dans ces titres deviennent insolvables, il n’en est pas garant.

Avant que les Juifs eussent été chassés de France, ils y prêtoient beaucoup sur gages : sur quoi il fut fait divers réglemens : Philippe-Auguste, au mois de Février 1218, leur défendit de recevoir en gages des ornemens d’église ni des vêtemens ensanglantés ou mouillés, dans la crainte que cela ne servît à cacher le crime de celui qui auroit assassiné ou noyé quelqu’un ; il leur défendit aussi de prendre en gage des fers de charrue, des bêtes de labour, ou du blé non battu, sans doute afin qu’ils fussent tenus de rendre la même mesure de blé : il leur défendit encore, par une autre ordonnance, de prendre en gage des vases sacrés ou des terres des églises, soit dans le domaine du roi ou du comte de Troyes, ou des autres barons, sans leur permission. L’ordonnance de 1218 fut renouvellée par Louis Hutin le 28 Juillet 1315. Le roi Jean en 1360, comprit dans la défense les reliques, les calices, les livres d’églises, les fers de moulin. S. Louis leur défendit de prendre des gages qu’en présence des témoins ; & Philippe V. dit le Long ordonna en 1317, qu’ils pourroient se défaire des choses qu’ils avoient prises en gage, au bout de l’an, si elles n’étoient pas de garde ; & si elles étoient de garde, au bout de deux ans.

Lorsque plusieurs choses ont été données en gage, on ne peut pas en retirer une sans acquitter toute l’obligation, quand même on payeroit quelque somme à proportion du gage que l’on voudroit retirer.

Le créancier nanti de gages est préféré à tous autres sur le prix des gages qu’il en sa possession, quand même ce seroit un créancier hypothécaire ; il ne perd pas pour cela son privilége sur le gage dont il est nanti.

L’action qui naît du gage est directe ou contraire suivant le droit romain, c’est-à-dire que le gage produit une double action ; savoir, celle qu’on appelle directe, laquelle a lieu au profit de celui qui a donné le gage, à l’effet de le répéter en satisfaisant par lui aux conventions : cette action sert aussi à obliger le possesseur du gage à faire raison des dégradations qu’il peut avoir commises sur le gage.

L’action contraire est celle par laquelle le créancier qui a reçû le gage, demande qu’on lui fasse raison des impenses qu’il a été obligé de faire pour la conservation du gage ; il peut aussi en vertu de cette action, se pourvoir en dommages & intérêts, pour raison des fraudes que l’on a pû commettre par rapport au gage ; comme si on lui a remis des pierreries fausses pour des fines, ou bien s’il a été dépossédé du gage par le véritable propriétaire qui l’a reclamé.

Une des principales regles que l’on suit en matiere de gages, est que ce contrat demande beaucoup de bonne foi.

Il n’est pas permis de prêter à interêt sur gage.

L’ordonnance du Commerce, tit. vj. art. 8. porte qu’aucun prêt ne sera fait sous gage, qu’il n’y en ait un acte pardevant notaire, dont sera retenu minute, qui contiendra la somme prêtée & les gages qui auront été délivrés, à peine de restitution des gages, à laquelle le prêteur sera contraint par corps, sans qu’il puisse prétendre de privilége sur les gages, sauf à exercer ses autres actions.

L’article suivant veut que les gages qui ne pourront être exprimés dans l’obligation, le soient dans une facture ou inventaire, dont il sera fait mention dans l’obligation, & que la facture ou inventaire contienne la quantité, qualité, poids, & mesure des marchandises ou autres effets donnés en gage, sous les peines portées par l’article précédent.

Ces dispositions de l’ordonnance ne s’observent pas seulement entre marchands, mais entre toutes sortes de personnes.

Un fils de famille peut donner en gage un effet mobilier procédant de son pécule, pourvû que ce ne soit pas pour l’obligation d’autrui.

Le tuteur peut aussi, pour les affaires du mineur, mettre en gage la chose du mineur, mais non pas pour ses affaires.

Il en est de même du mandataire ou fondé de procuration à l’égard de son commettant.

Les lois permettent néanmoins au créancier qui a reçu un effet en gage, de le donner lui-même aussi en gage à son créancier ; mais elles veulent que ce dernier n’y soit maintenu qu’autant que le gage du premier subsistera ; & cela paroît peu conforme à nos mœurs, suivant lesquelles on ne peut en général engager la chose d’autrui, à-moins que ce ne soit du consentement exprès ou tacite du propriétaire. Celui qui consent de donner sa chose en gage à quelqu’un, ne consent pas pour cela que celui-ci la donne en gage à un autre ; il peut y avoir du risque pour le propriétaire, que le créancier se dessaisisse du gage.

Les fruits du gage sont censés faire partie du gage.

Le créancier nanti de gage n’est point tenu de le rendre, qu’il ne soit entierement payé de son principal & des intérêts légitimement dûs, & même de ce qui lui est dû d’ailleurs sans gage.

S’il a reçû en gage plusieurs effets, il ne peut être contraint d’en relâcher un en lui payant une partie de la dette. Il peut exiger son payement en entier.

Il n’est pas permis en France au créancier de s’approprier le gage faute de payement ; mais il peut après l’expiration du délai convenu, faire vendre le gage, soit en vertu d’ordonnance de justice, ou même en vertu de la convention, si cela a été expressément convenu, pourvû néanmoins que la vente soit toujours faite par un huissier, en la maniere ordinaire.

Lorsque le gage est vendu, & qu’il se trouve des saisies & oppositions de la part de différens créanciers, celui qui est nanti du gage a un privilége spécial, tellement que sur cet effet il est payé par préférence à tous autres créanciers.

Si le prix du gage excede la dette, le surplus doit être rendu au débiteur ; si au contraire le gage ne suffit pas pour acquitter toute la dette, le créancier a la faculté de demander le surplus sur les autres biens du débiteur.

Les dépenses faites par le créancier pour conserver le gage, soit du consentement exprès ou tacite du débiteur, ou même sans son consentement, supposé qu’elles fussent nécessaires, peuvent être par lui répétées sur le gage, & avec le même privilége qu’il a pour le principal.

Le débiteur ou autre qui soustrait le gage, commet un larcin dont il peut être accusé par le créancier.

Lorsque le créancier a été trompé sur la substance ou qualité du gage, il en peut demander un autre, ou exiger dèslors son payement, quand même le débiteur seroit solvable.

Le créancier ne peut jamais prescrire le gage quelque tems qu’il l’ait possedé.

Voyez au digeste les titres de pignoratitiâ actione, de pignoribus vel hypotecis, & au code si aliena rei pignori data sit, quæ res pignori obligari possunt qui potiores in pignote, &c. (A)

Gage de bataille, étoit un gage tel qu’un gant ou gantelet, un chaperon, ou autre chose semblable, que l’accusateur, le demandeur ou l’assaillant jettoit à terre, & que l’accusé ou défendeur, ou autre auquel étoit fait le défi, relevoit pour accepter ce défi, c’est-à-dire le duel.

L’usage de ces sortes de gages étoit fréquent dans le tems que l’épreuve du duel étoit autorisée pour vuider les questions tant civiles que criminelles.

Lorsqu’une fois le gage de bataille étoit donné, on ne pouvoit plus s’accommoder sans payer de part & d’autre une amende au seigneur.

Quelquefois par le terme de gage de bataille, on entendoit le duel même dont le gage étoit le signal ; c’est en ce sens que l’on dit que S. Louis défendit en 1260 les gages de bataille ; on continua cependant d’en donner tant que les duels furent permis. Voyez Duel. Voyez le style du parlement dans Dumoulin, ch. xvj. (A)

Gage, (contre-) est un droit que quelques seigneurs ont prétendu, pour pouvoir de leur autorité faire des prises quand on leur avoit fait tort ; il intervint à ce sujet deux arrêts au parlement en 1281 & 1283, contre les comtes de Champagne & d’Auxerre. Voyez le gloss. de M. de Lauriere, au mot contre-gage. (A)

Gage conventionnel, est celui qui est contracté volontairement par les parties, comme quand un homme prête cent écus, & que le débiteur lui remet entre les mains des pierreries, de la vaisselle d’argent, une tapisserie, ou autres meubles pour sûreté de la somme prêtée. (A)

Gage exprès, appellé en droit pignus expressum, c’est l’obligation expresse d’un bien pour sûreté de quelque dette ; il est opposé au gage tacite ; il peut être général ou spécial. Voyez la loi 3. au code, liv. VII. tit. viij. & ci-après Gage tacite. (A)

Gage général, c’est l’obligation de tous les biens du débiteur. Voyez Hypotheque générale.

Gage judiciaire ou judiciel, pignus judiciale, c’est lorsque les biens d’un homme sont saisis par autorité de justice ; ils deviennent par-là obligés à la dette.

Chez les Romains le gage judiciel étoit à-peu-près la même chose que le gage prétorien ; en effet Justinien les confond l’un avec l’autre dans la loi derniere, au code de prætorio pignore : pignus, dit-il, quod à judicibus datur quod & prætorium nuncupatur ; il y a cependant plusieurs différences entre le gage judiciel & le gage prétorien.

Le gage judiciel proprement dit, étoit celui que l’exécuteur ou appariteur prenoit par autorité de justice pour mettre la sentence à exécution. Loyseau le définit quod in causam judicati ex bonis condemnati extra ordinem capit executor jussu & autoritate magistratus ; sur quoi il ajoûte que c’étoit le magistrat qui avoit donné le juge, & non pas le juge qui avoit rendu la sentence.

On exécutoit une sentence en trois manieres ; ou par emprisonnement, transactis justis diebus, suivant la loi des 12 tables, & c’étoit la seule exécution connue dans l’ancien droit ; ou quand le débiteur étoit absent & qu’on ne pouvoit le prendre, on se mettoit en possession de ses biens ex edicto prætoris, ensuite on les faisoit vendre, ce qui notoit d’infamie le débiteur. Depuis pour sauver au débiteur la rigueur de la prison ou de l’infamie, on inventa une forme extraordinaire, qui fut de demander au magistrat un exécuteur ou appariteur pour mettre la sentence à exécution ; lequel exigebat, capiebat, distrahebat & addicebat bona condemnati secundum ordinem constitutionis de pii. c’est-à-dire qu’il faisoit commandement de payer, & pour le refus saisissoit, puis vendoit & adjugeoit d’abord les meubles, ensuite les immeubles, & en dernier lieu les droits & actions. Cette façon d’exécuter les sentences fut appellée gage judiciel.

Pour connoître plus amplement la différence qu’il y avoit entre le gage judiciel & le gage prétorien, on peut voir ce qui est dit ci-après à l’article Gage prétorien, & ce qu’en dit Loyseau, tr. du déguerpissem. liv. III. ch. j. n°. 11. (A)

Gage de la Justice, c’est la chose qui répond envers la justice de l’exécution de quelque obligation, & que l’on a mis pour cet effet sous la main de la justice ; tels sont tous les biens meubles & immeubles saisis par autorité de justice. (A)

Gage légal. est la même chose que hypotheque légale, si ce n’est que parmi nous ce gage ou assûrance peut avoir lieu sur des meubles qui n’ont point de suite par hypotheque.

Gage mort, dans la coûtume de Bretagne, est celui que l’on donne pour avoir délivrance des bestiaux qui ont été pris en délit ; cet usage a été introduit par la nouvelle coûtume au lieu du gage plege que l’on étoit obligé de donner. Voyez les art. 397. 403. 406. 418. & 419. (A)

Gage, (mort-) appellé dans la basse latinité mortuum vadium, a plusieurs significations différentes.

Gage, (mort-) dans la coûtume de Lille, est lorsqu’un pere pour avantager un de ses enfans, ordonne qu’il joüira d’un héritage jusqu’à ce que l’autre l’air racheté de la somme réglée par le pere. Voyez Lille, tit. j. art. 53. & tit. des testam. art. 5. & des donat. art. 7. (A)

Gage (mort-) dans la même coûtume de Lille, est aussi lorsque celui qui tient un bien en gage, a droit d’en joüir jusqu’à ce que le propriétaire le rachette de la somme pour laquelle il a été hypothequé, & que le créancier détenteur en a les issues, c’est-à-dire qu’il en gagne irrévocablement les fruits sans en rien imputer sur sa créance ; il est encore parlé de ce mort-gage dans la coûtume d’Artois & dans celle de Normandie.

Le mort-gage revient à l’antrichrese des Romains, & sous ce point de vûe on peut dire que Justinien avoit restreint l’effet du mort-gage, en ordonnant que si le créancier joüissoit plus de sept ans du gage, il tiendroit compte de la moitié des fruits sur le sort principal. Voyez cod. de usuris, l. si eâ lege & l. si eâ pactione.

Anciennement le mort-gage avoit lieu dans toute la France, mais seulement en certains cas : savoir, lorsque le vassal engageoit son fief à son seigneur, suiv. le chap. j. extr. de feudis, dans les mariages, ou lorsqu’un pere vouloit avantager quelqu’un de ses enfans, ou enfin lorsque l’on faisoit quelqu’aumône aux églises. Voyez Boutillier, liv. I. tit. xxv. p. 139.

Présentement le mort gage n’est usité que dans les coûtumes qui l’admettent expressément.

Celle d’Artois déclare, art. 39. qu’on n’y use point de mort-gage, c’est-à-dire qu’il n’y est pas permis.

Cette prohibition est conforme au droit canon, extra de usuris, 5. 19. lequel néanmoins permet une convention semblable à celui qui pour sureté de la dot de sa femme a reçû un immeuble en gage, afin qu’il puisse supporter les charges du mariage.

Lorsqu’un laïc possede un fief dépendant de l’église, & qu’il le donne à titre de mort-gage à cette église qui lui prête de l’argent, elle n’est pas obligée d’imputer au sort principal les fruits de ce fief, ch. j. & viij. extr. de usuris.

Gregoire IX. par une bulle de l’an 1127 accorda à l’abbaye de S. Bertin dans Saint-Omer en Artois, le droit de gagner les fruits des héritages qui lui sont donnés à titre de mort-gage.

Le mort-gage est toleré à Arras, pour y éluder la coûtume locale de cette ville, qui défend de créer des rentes sur les maisons. Pour y pratiquer le mort-gage, le propriétaire d’une maison la vend à faculté de rachat, puis il la reprend à loyer moyennant une somme par an, qui est égale à l’intérêt de l’argent qu’il a prêté.

On peut encore considérer comme une espece de mort-gage le droit accordé à la ville d’Arras par une charte du mois de Juillet 1481, de placer l’argent des mineurs à intérêt : les mineurs ayant suivant cette charte le droit de retirer le fond à leur majorité, sans imputer sur le principal les intérêts qu’ils ont touchés annuellement.

Le pays de Lallœue ressortissant au conseil provincial d’Artois, est en possession immémoriale accompagnée de titres, d’user du mort-gage en toutes sortes de cas & entre toutes sortes de personnes, même de ne payer que quatre deniers d’issue & quatre deniers d’entrée pour chaque contrat de mort-gage, pourvû que le mort-gage ne dure pas plus de 30 ans ; s’il duroit plus long-tems, il en seroit dû des droits de vente.

Il y a aussi plusieurs lieux hors de l’Artois où le mort-gage est usité en toutes sortes de cas, tels que le pays de Vaes & Dendermonde.

Le mort-gage est pareillement usité en Anjou, au Maine, & en Touraine.

Il y a d’autres endroits où le contrat pignoratif n’a lieu qu’en quelques cas.

Les regles que l’on suit en matiere de mort-gage dans les pays où il est usité, sont :

1°. Que le mort-gage n’est qu’un simple engagement, & non une aliénation ; c’est pourquoi l’on ne dit point vendre & engager, ni aliéner à titre de mort-gage, mais bailler, donner & délaisser à titre de mort-gage.

2°. La propriété de la chose donnée à ce titre reste toûjours pardevers celui qui la donne en gage, ou ses héritiers & ayans cause ; mais ils ne peuvent pas retirer l’héritage des mains de l’engagiste sans lui payer les causes de l’engagement.

3°. L’engagiste qui joüit à titre de mort-gage ni ses ayans cause ne peuvent prescrire l’héritage, quand même ils l’auroient possédé pendant mille ans & plus.

4°. Il n’est pas permis à l’engagiste de vendre l’héritage par lui tenu à mort-gage pour être payé de son principal ; il est obligé de le garder jusqu’à ce qu’il plaise au débiteur de le retirer ; mais l’engagiste peut aliéner le droit qu’il a de joüir à titre de mort-gage, à la charge que l’acquéreur sera sujet aux mêmes conditions que lui.

5°. Le créancier gagne les fruits du mort-gage sans être obligé de les imputer sur son principal.

6°. Il est tenu de toutes les dépenses dont les usufruitiers sont chargés, & s’il est obligé de faire de grosses réparations, le propriétaire débiteur est tenu de les lui rendre.

On ne peut pas stipuler que le débiteur ne rentrera dans l’héritage donné à titre de mort-gage, que de certain tems en certain tems ; le débiteur peut y rentrer en tout tems nonobstant cette clause, en remboursant le sort principal, les labours & semences, impenses & améliorations.

Les engagemens du domaine de la couronne sont une espece de mort-gage, l’engagiste n’étant point tenu d’imputer les joüissances sur le prix du rachat. Voyez l’auteur des notes sur Artois, art. 39

Le mort gage est opposé au vif-gage. Voyez ci-après Vif-gage. (A)

Gage, (mort-) suivant Littleton, sect. 32. est aussi un gage qui est vendu au créancier quand le débiteur ne le retire pas dans le tems dont il est convenu. Voyez Rastal & Jacob goht. ad leg. unic. cod. theod. de commiss. rescind. (A)

Gage plege en Normandie, est l’obligation que contracte quelqu’un pour le vassal qui n’est pas resseant sur son fief de payer pour lui les rentes & redevances dûes pour l’année suivante, à raison de son fief ; il doit donner plege, c’est-à-dire caution, qui demeure sur le fief, & qui s’oblige de les payer.

La clameur de gage-plege, suivant l’art. 336. de la coûtume de Normandie & le style du même pays, est une action propriétaire & possessoire tout ensemble, dont use celui qui craint qu’un autre ne fasse quelqu’entreprise sur aucune saisie ou droiture à soi appartenant ; l’objet de cette action est de prévenir l’entreprise. Voyez Clameur de gage-plege. (A)

Gage-plege signifie aussi en Normandie une convocation extraordinaire que fait le juge dans le territoire d’un fief pour l’élection d’un prevôt ou sergent pour faire payer les rentes & redevances seigneuriales dûes au seigneur par ses censitaires, rentiers & redevables.

Le seigneur féodal a par rapport aux rentes & redevances dûes à son fief & seigneurie, deux devoirs différens : l’un de plaids, l’autre de gage-plege ; les plaids & gage-plege se tiennent par son juge bas-justicier ; il ne peut pas les tenir lui-même ; la convocation doit être faite dans l’étendue du fief, & non ailleurs ; les plaids sont pour juger les contestations au sujet des rentes & redevances seigneuriales contre les redevables. Le gage-plege est pour élire un prevôt pour faire le recouvrement des rentes & redevances seigneuriales, & y recevoir les nouveaux aveux des censitaires & rentiers.

La convocation du gage-plege doit être faite par le sénéchal si c’est dans une haute-justice, ou par le prevôt si c’est dans une moyenne ou basse-justice. Elle se fait en présence du greffier, tabellion, notaire ou autre personne publique, avant le 15 de Juillet au plus tard ; & tous les aveux & autres actes du gage-plege doivent être signés tant du juge que du greffier, ou autre personne publique que l’on a commis pour en faire la fonction.

Les minutes des aveux & déclarations demeurent ès mains du notaire ou tabellion, & les minutes des jugemens au greffe de la justice.

Le gage-plege ne se tient qu’une fois l’année, à jour marqué.

Tous les hommes de fiefs sujets ou vassaux tenans roturierement du fief, sont obligés de comparoître au gage-plege en personne, ou par procureur spécial & ad hoc, pour faire élection d’un prevôt receveur, & en outre pour reconnoître les rentes & redevances seigneuriales par eux dûes au fief & seigneurie ; ils doivent spécifier les héritages à cause desquels les rentes & redevances sont dûes, & si depuis leurs derniers aveux ou déclarations ils ont acheté ou vendu quelques héritages tenus de ladite seigneurie, le nom du vendeur ou de l’acheteur, le prix porté au contrat, & le nom du notaire ou tabellion qui a reçû l’acte.

Lorsque les sujets du seigneur sont défaillans de comparoir au gage-plege, on les condamne en l’amende qui ne peut excéder la somme de cinq sols pour chaque tête ; cette amende est taxée par le juge, eu égard à la qualité & quantité des héritages tenus par le vassal ou sujet ; & outre l’amende, le juge peut faire saisir les fruits de l’héritage, & les faire vendre pour le payement des rentes & redevances qui sont dûes sans préjudice de l’amende des plaids, qui est de 8 s. 1 den.

La proclamation du gage-plege doit être faite publiquement un jour de dimanche, à l’issue de la grande messe paroissiale, par le prevôt de la seigneurie, quinze jours avant le terme d’icelui ; & cette publication doit annoncer le jour, le lieu, & l’heure de la séance. Voyez la coûtume de Normandie, art. 185. & suiv. (A)

Gage-plege de duel, étoit le gage ou otage que ceux qui se battoient en duel donnoient à leur seigneur. Ces otages ou gages-pleges étoient des gentils-hommes de leurs parens ou amis. On disoit pleiger un tenant, ou se faire son gage-plege de duel, pour dire que l’on se mettoit en gage ou otage pour lui. (A)

Gage prétorien, pignus prætorium, étoit chez les Romains celui qui se contractoit, lorsque par l’édit du préteur, c’est-à-dire en vertu d’un mandement & commission du magistrat, ce que l’on appelloit autore prætore, le créancier étoit mis en possession des biens de son débiteur, quoiqu’il n’eût stipulé sur ces biens aucune hypotheque.

Cette mise en possession se fait avant la condamnation du débiteur ou après. Elle s’accordoit avant la condamnation, à cause de la contumace du débiteur, soit in non comparendo, aut in non satis dando ; elle s’accordoit après la condamnation lorsque le débiteur se cachoit de peur d’être emprisonné faute de payement, suivant la loi des douze tables.

Dans les actions réelles cette mise en possession ne s’accordoit que sur la chose contentieuse seulement, au lieu que dans les actions personnelles elle se faisoit sur tous les biens du débiteur ; mais Justinien la modéra ad modum debiti, comme il est dit en l’authentique & qui jurat, inserée au code de bonis autor. jud. possid. C’est pourquoi depuis Justinien, cette mise en possession fut fort peu pratiquée, parce que l’usage du gage judiciel fut trouvé plus commode, attendu qu’il étoit plûtôt vendu, & avec moins de formalité.

Le gage prétorien ne s’accordoit que quand le débiteur étoit absent, & qu’il se cachoit pour frauder ses créanciers, suivant ce qui est dit dans les deux dernieres lois au code de bonis autor. jud. poss. Il avoit lieu aussi après la mort du débiteur quand il n’y avoit point d’héritier, suivant la loi pro debito au même titre ; car tant qu’on trouvoit la personne, on ne s’attaquoit jamais aux biens.

En France le gage prétorien n’est nullement usité. Voyez Loyseau, tr. du déguerpiss. liv. III. ch. j. n. 8. & 13. (A)

Gage spécial, est celui qui est singulierement obligé au créancier, lequel a sur ce gage un privilége particulier ; par exemple, le marchand qui a vendu de la marchandise, a pour gage spécial cette même marchandise, tant qu’elle se trouve en nature entre les mains de l’acheteur ; à la différence du gage général qui s’étend sur tous les biens, sans qu’un créancier ait plus de droit qu’un autre sur un certain effet. (A)

Gage simple, pignus simplex, étoit chez les Romains celui qui ne contenoit aucune condition particuliere ; à la différence de l’antichrese & de la convention appellée fiducia, qui étoient aussi des especes de gages sur lesquels on donnoit au créancier certains droits particuliers. Voyez Antichrese & Fiducie. (A)

Gage tacite, c’est l’hypotheque tacite ; les immeubles aussi bien que les meubles deviennent en certains cas le gage tacite des créanciers. Voyez Hypotheque tacite. (A)

Gage, (vif) est celui qui s’acquitte de ses issues, c’est-à-dire dont la valeur des fruits est imputée au sort principal de la somme, pour sûreté de laquelle le gage a été donné. Tout gage est présumé vif. Voyez la loi 2. ff. de pignoribus, & ci-devant Mort-gage. (A)

Gages des Officiers, (Jurisprud.) que l’on appelloit autrefois salaria, stipendia, annonæ, sont les appointemens ou récompense annuelle que le Roi ou quelque autre seigneur donne à ses officiers.

On confondoit autrefois les salaires des officiers avec leurs gages, comme il paroît par le titre du code de præbando salario ; présentement on distingue deux sortes de fruits dans les offices, savoir les gages que l’on regarde comme les fruits naturels, & les salaires ou émolumens qui sont les fruits industriaux.

Dans les trois derniers livres du code, les gages ou profits annuels des officiers publics sont appellés annonæ, parce qu’au commencement on les fournissoit en une certaine quantité de vivres qui étoit donnée pour l’usage d’une année ; mais ces profits furent convertis en argent par Théodosius & Honorius en la loi annona au code de erogat. milit. ann. & ce fut-là proprement l’origine des gages en argent.

Les officiers publics n’avoient dans l’empire romain point d’autres profits que leurs gages, ne prenant rien sur les particuliers, comme il résulte de la novelle 53, qui porte que omnis militia nullum alium questum quam ex imperatoris munificentia habet. Les magistrats, greffiers, notaires, appariteurs, & les avocats même avoient des gages ; les juges même du dernier ordre en avoient ordinairement ; & ceux qui n’en avoient pas, ce qui étoit fort rare, extra omne commodum erant, comme dit la novelle 15. ch. vj. C’est pourquoi Justinien permet aux défenseurs des cités de prendre au lieu de gages, quatre écus des parties pour chaque sentence définitive, & en la novelle 82, ch. xjx, il assigne aux juges pedanées quatre écus pour chaque procès à prendre sur les parties, outre deux marcs d’or de gages qu’ils prenoient sur le public.

En France les officiers publics, & sur-tout les juges n’avoient autrefois d’autres salaires que leurs gages.

On les payoit ordinairement en argent, comme il paroît par une ordonnance de Philippe V. dit le Long, du 18 Jui let 1318, portant que les gages en deniers assis sur le thrésor, en baillies, prévotés, sénéchaussées, & en l’hôtel du Roi, ne seroient point échangés en terre, ni assis en terre.

Suivant la même ordonnance, personne ne pouvoit avoir doubles gages, excepté certains veneurs, auxquels le roi avoit donné la garde de quelques-unes de ses forêts. Charles V. étant régent du royaume, permit à Jean de Dormans, qui étoit chancelier de Normandie, & qu’il nomma chancelier de place, de joüir des gages de ces deux places.

Les clercs qui avoient du roi certaines pensions, ne les conservoient plus dès qu’ils avoient un bénéfice, parce que ce bénéfice leur tenoit lieu de gages.

Charles IV. dit le Bel, défendit le 15 Mai 1327, aux soudoyers & autres qui avoient gages du Roi, de vendre leurs cédules & escroës à vil prix, & à toutes personnes de les acheter, sous peine de confiscation de corps & de biens.

Les gages se comptoient à termes ou par jour, de maniere que l’on diminuoit aux officiers le nombre de jours qu’ils n’avoient pas servi.

En l’année 1351, le roi Jean augmenta les gages des gens de guerre, à cause de la cherté des vivres & autres biens.

C’étoit d’abord sur la recette des bailliages & sénéchaussées, que les gages de tous officiers royaux étoient assignés. Charles V. en 1373 assigna ceux du parlement & des maîtres des requêtes sur les amendes ; la même chose avoit déjà été ordonnée le 12 Novembre 1322. Dans la suite les gages des cours souveraines, des présidiaux & autres officiers, ont été assignés sur les gabelles.

On trouve au registre de la cour de l’an 1430, tems où les Anglois étoient les maîtres du parlement, une conclusion portant que s’ils ne sont payés de leurs gages dans Pâques, nul ne viendra plus au palais pour l’exercice de son office : & in hoc signo indissolubile vinculum charitatis & societatis ut sint socii constitutionis & laboris ; & le 12 Février audit an, il est dit qu’il y eut cessation de plaidoierie, propter vadia non soluta, jusqu’à la Pentecôte 28 Avril, & fut envoyé signifier au Roi & à son conseil à Rouen. Voyez la bibliotheque de Bouchel, verbo gages.

Aux offices non venaux les gages ne courent que du jour de la réception de l’officier ; dans les offices venaux ils courent du jour des provisions. Voyez ce qui est dit ci-après des gages intermédiaires.

Les augmentations de gages ont cela de singulier, qu’elles peuvent être acquises & possédées par d’autres que par le propriétaire titulaire de l’office. Voyez l’acte de notorieté de M. le Camus, du 18 Avril 1705.

Les gages cessent par la mort de l’officier, & du jour que sa résignation est admise.

On trouve néanmoins deux déclarations des 13 Décembre 1408, & 18 Janvier 1410, qui ordonnent que les conseillers qui auront servi pendant 20 années, joüiront de leurs gages, leur vie durant ; mais ce droit n’a plus lieu depuis la vénalité des charges.

L’ordonnance de Charles VII. du mois d’Avril 1453, article xj. défend à tous officiers de judicature, de prendre aucuns gages ou pensions de ceux qui sont leurs justiciables.

Plusieurs ordonnances ont défendu aux officiers royaux de prendre gages d’autres que du roi ; telle est la disposition de celle d’Orléans, art. xxxxjv ; de celle de Moulins, art. xjx & xx ; & de celle de Blois, art. cxij & suivans : ce qui s’observe encore présentement, à-moins que l’officier n’ait obtenu du Roi des lettres de compatibilité.

François I. par son ordonnance de 1539, art. cxxjv. défendit aux présidens & conseillers de ses cours souveraines, de solliciter pour autrui les procès pendans ès cours où ils sont officiers, & d’en parler aux juges directement ou indirectement, sous peine de privation entre autres choses de leurs gages pour un an.

L’ordonnance d’Orléans, art. 55. enjoint à tous hauts justiciers de salarier leurs officiers de gages honnêtes, ce qui est assez mal observé ; mais lorsqu’il y a contestation portée en justice à ce sujet, on condamne les seigneurs à donner des gages à leurs juges.

Les gages des officiers de la maison du Roi, de la Reine, & des Princes de la maison royale, ne sont pas saisissables, suivant une déclaration du 20 Avril 1555, qui étend ce privilége aux gages de la gendarmerie ; elle excepte seulement les dettes qui seroient pour leurs nourriture, chevaux & harnois.

La déclaration du 24 Novembre 1678, ordonne que les transports & cessions qui seront faits à l’avenir par les officiers du roi, des gages qui sont attribués à leurs charges, portés par les contrats & obligations qui seront passés au profit de leurs créanciers, ou en quelque autre maniere que ce soit, seront nuls & de nul effet, sans que les trésoriers de la maison du Roi puissent avoir aucun égard aux saisies qui seront faites entre leurs mains ; la même chose est ordonnée pour les officiers employés sur les états des maisons de la Reine, de Monsieur, duc d’Orléans, & de Madame, duchesse d’Orléans ; les gages de ces sortes d’offices ne peuvent même être compris dans une saisie réelle, parce que l’office même n’est pas saisissable.

Pour ce qui est des autres offices, les gages en sont saisissables, à la différence des autres émolumens, tels que les épices, vacations, & autres distributions semblables. Voyez la déclaration du 19 Mars 1661.

Les gages des commis des fermes du Roi ne sont pas saisissables, suivant l’ordonnance de 1681, titre commun à toutes les fermes, art. 14. (A)

Gages anciens, sont ceux qui ont été d’abord attribués à un office ; on les surnomme anciens, pour les distinguer des augmentations de gages qui ont été attribuées dans la suite au même office. (A)

Gages, (Augmentation de) sont un supplément de gages que le Roi accorde à un officier ; ce qui se fait ordinairement moyennant finance. Voyez ce qui en est dit ci-devant à l’art. Gages des Officiers, & l’art. précéd. touchant les gages anciens. (A)

Gages intermédiaires, sont ceux qui ont couru depuis le décès ou résignation du dernier titulaire, jusqu’au jour des provisions du nouvel officier. Avant la vénalité des offices, on ne parloit point de gages intermédiaires ; les gages n’étant donnés que pour le service de l’officier, ne couroient jamais que du jour de sa réception, & même seulement du jour que l’officier avoit commencé d’entrer en exercice. Mais depuis que les offices ont été rendus vénaux, & qu’on leur a attribué des gages, lesquels abusivement ont été considérés plûtôt comme un fruit de l’office, que comme une récompense du service de l’officier ; l’usage a introduit que pour ces sortes d’offices, les gages courent du jour des provisions, & l’on a appellé gages intermédiaires, comme on vient de le dire, ceux qui courent entre le décès ou résignation du dernier titulaire, & les provisions du nouvel officier.

On entend aussi quelquefois par gages intermédiaires, ceux qui ont couru entre les provisions & la réception.

On ne paye point au nouvel officier les gages intermédiaires sans lettres de chancellerie, qu’on appelle lettres d’intermédiat ; & à la chambre des comptes, où l’on suit scrupuleusement les anciens usages, on ne passe point encore purement & simplement les intermédiats de gages d’officiers d’entre les provisions & la réception ; si la difficulté en est faite au bureau, on laisse ordinairement cette partie en souffrance ; ce qui oblige l’officier de recourir aux lettres de rétablissement. Voyez ce que dit Loyseau, tr. des offices, liv. I. ch. viij. n°. 56 & suiv. (A)

Gages par jour, voyez ci-après Gages à termes.

Gages menagers ; quelques anciennes ordonnances appellent ainsi les appointemens que l’on donnoit à certaines gens de guerre qui étoient prêts à marcher au premier ordre, & n’avoient qu’une paye modique lorsqu’ils ne servoient pas actuellement. (A)

Gages à termes ou par jour, étoient ceux qui ne se payoient aux officiers du roi, qu’à proportion du tems & du nombre de jours qu’ils avoient servi ; à la différence de ceux qui étoient donnés à vie, comme cela se pratiquoit quelquefois. Il est parlé de ces gages à termes ou par jour, dans plusieurs ordonnances, & notamment dans une du 16 Juin 1349, portant que les officiers ne seront payés de leurs gages qu’à proportion du tems qu’ils serviront. C’est apparemment de-là que vint l’usage de faire donner par les officiers une cédule appellée servivi, par laquelle ils attestoient le nombre de jours qu’ils avoient servi dans leur office. Il est encore parlé de ces gages à termes ou par jour, dans une ordonnance du roi Jean, du 13 Janvier 1355. Voyez ci-après Gages à vie. (A)

Gages à vie, étoient des appointemens ou pensions qui étoient assûrés aux officiers du roi, leur vie durant, pour leur service actuel, soit qu’ils le fissent en plein, & sans y manquer un seul jour, ou qu’ils fussent absens sans nécessité ou empêchement légitime pendant un tems plus ou moins considérable.

On appelloit ces gages à vie, pour les distinguer des gages ordinaires, que l’on appelloit alors gages à termes ou à jours, qui ne se payoient aux officiers qu’à proportion du tems & du nombre de jours qu’ils avoient réellement servi.

Plusieurs personnes du conseil, & autres officiers du roi, qui prenoient gages de lui, ayant obtenu de lui des lettres par lesquelles ces gages leur étoient assûrés à vie, comme on vient de le dire, soit qu’ils fussent présens ou absens, qu’ils exerçassent ou n’exerçassent pas leurs offices, & ceux qui avoient obtenu ces lettres, prenant de-là occasion de s’absenter sans nécessité ; Philippe de Valois ordonna le 19 Mars 1341, que ces lettres ne pourroient servir aux impétrans, si ce n’est à ceux qui par maladie ou vieillesse, ne pourroient exercer leurs offices, ou à ses officiers, qui après sa mort seroient privés sans qu’il y eût de leur faute, de leurs charges par ses successeurs ; mais on conçoit aisément que cette derniere disposition ne pouvoit avoir d’effet, qu’autant qu’il plaisoit aux successeurs de ce prince, étant maîtres chacun de révoquer leurs officiers, & de continuer ou non les pensions accordées de grace par leurs prédécesseurs.

Il y eut néanmoins encore dans la suite de ces gages à vie ; car on trouve une autre déclaration du 3 Févr. 1405, par laquelle ils furent révoqués. (A)