L’Encyclopédie/1re édition/DUEL

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DUEL, s. m. (Hist. anc. & mod. & Jurisprudence.) est un combat singulier entre deux ou plusieurs personnes. Notre objet n’est point de parler ici de ceux qui se faisoient seulement pour faire preuve d’adresse, ou en l’honneur des dames ; nous ne parlerons que de ceux auxquels on avoit recours, comme à une preuve ou épreuve juridique, pour décider certains différends, & de ceux qui sont une suite des querelles particulieres.

Anciennement ces sortes de combats étoient autorisés en certains cas : la justice même les ordonnoit quelquefois comme une preuve juridique, quand les autres preuves manquoient ; on appelloit cela, le jugement de Dieu, ou le plaît de l’épée, placitum ensis. On disoit aussi gage de duel, ou gage de bataille ; parce que l’aggresseur jettoit son gant ou autre gage par terre ; & lorsque le défendeur le ramassoit en signe qu’il acceptoit le duel, cela s’appelloit accepter le gage.

Il y a eu ensuite diverses lois qui ont défendu ces sortes d’épreuves : on a aussi défendu les duels pour querelles particulieres ; mais les lois faites par rapport à ceux-ci, ont été mal observées jusqu’au tems de Louis XIV.

Cette coûtume barbare venoit du Nord, d’où elle passa en Allemagne, puis dans la Bourgogne, en France, & dans toute l’Europe.

Quelques-uns prétendent qu’elle tiroit son origine de Gondebaud, roi des Bourguignons ; lequel en effet ordonna par la loi gombette, que ceux qui ne voudroient pas se tenir à la déposition des témoins, ou au serment de leur adversaire, pourroient prendre la voie du duel : mais cette loi ne fit qu’adopter une coûtume qui étoit déjà ancienne dans le Nord.

Cet usage fut aussi adopté peu après dans la loi des Allemands, dans celles des Bavarois, des Lombards, & des Saxons ; mais il étoit sur-tout propre aux Francs, comme il est dit dans la vie de Louis le Débonnaire, à l’an 831, de Bernard, lequel demanda à se purger du crime qu’on lui objectoit, par la voie des armes, more Francis solito.

Les assises de Jérusalem, les anciennes coûtumes de Beauvaisis & de Normandie, les établissemens de S. Louis, & plusieurs autres lois de ces tems anciens, font mention du duel, pour lequel elles prescrivent différentes regles.

On avoit recours à cette épreuve, tant en matiere civile que criminelle, comme à une preuve juridique pour connoître l’innocence ou le bon droit d’une partie, & même pour décider de la vérité d’un point de droit ou de fait, dans la présupposition que l’avantage du combat étoit toûjours pour celui qui avoit raison. Le vaincu, en matiere civile, payoit l’amende ; d’où vint cette maxime adoptée dans quelques coûtumes, & passée en proverbe, que les battus payent l’amende. En matiere criminelle, le vaincu souffroit la peine que méritoit le crime déféré à la justice.

Le moine Sigebert raconte qu’Othon Ier. ayant, vers l’an 968, consulté les docteurs allemands pour savoir si en directe la représentation auroit lieu, ils furent partagés ; que pour décider ce point, on fit battre deux braves ; que celui qui soutenoit la représentation ayant eu l’avantage, l’empereur ordonna qu’elle auroit lieu.

Alphonse VI. roi de Castille, voulant abolir dans ses états l’office mosarabique, pour y substituer le romain : & n’ayant pû y faire consentir le clergé, la noblesse, ni le peuple ; pour décider la chose, on fit battre deux chevaliers, l’un pour soûtenir l’office romain, l’autre le mosarabique : le champion de l’office romain fut battu. On ne s’en tint pourtant pas à cette seule épreuve ; on en fit une autre par le feu, en y jettant deux missels : le romain fut brûlé, & le mosarabe resta, dit-on, sain ; ce qui le fit prévaloir sur le romain.

En France, le duel étoit pareillement usité pour la décision de toutes sortes d’affaires civiles & criminelles, excepté néanmoins pour larcin, & quand les faits étoient publics. Il fut aussi défendu de l’ordonner à Orléans pour une contestation de cinq sous, ou d’une moindre somme.

Il avoit lieu entre le créancier & le débiteur, & aussi entre le créancier & celui qui nioit d’être sa caution, lorsqu’il s’agissoit d’une somme considérable ; entre le garant & celui qui prétendoit que la chose garantie lui avoit été volée ; entre le seigneur & le vassal, pour la mouvance.

On pouvoit appeller en duel les témoins, ou l’un d’eux, même ceux qui déposoient d’un point de droit ou de coûtume.

Les juges mêmes n’étoient pas exempts de cette épreuve, lorsqu’on prétendoit qu’ils avoient été corrompus par argent ou autrement.

Les freres pouvoient se battre en duel, lorsque l’un accusoit l’autre d’un crime capital ; en matiere civile, ils prenoient des avoüés ou champions, qui se battoient pour eux.

Les nobles étoient aussi obligés de se battre, soit entre eux, ou contre des roturiers.

Les ecclésiastiques, les prêtres, ni les moines, n’en étoient pas non plus exempts ; seulement, afin qu’ils ne se souillassent point de sang, on les obligeoit de donner des gens pour se battre à leur place ; comme l’a fait voir le P. Luc d’Achery, dans le VIII. tome de son spicilege. Ils se battoient aussi quelquefois eux-mêmes en champ clos ; témoin Regnaud Chesnel, clerc de l’évêque de Saintes, qui se battit contre Guillaume, l’un des religieux de Geoffroi, abbé de Vendôme.

On ne dispensoit du duel que les femmes, les malades, les mehaignés, c’est-à-dire les blessés, ceux qui étoient au dessous de vingt-un ans, ou au-dessus de soixante. Les Juifs ne pouvoient aussi être contraints de se battre en duel, que pour meurtre apparent.

Dans quelques pays, comme à Villefranche en Perigord, on n’étoit point obligé de se soûmettre à l’épreuve du duel.

Mais dans tous les autres lieux où il n’y avoit point de semblable privilége, la justice ordonnoit le duel quand les autres preuves manquoient ; il n’appartenoit qu’au juge haut-justicier d’ordonner ces sortes de combats : c’est pourquoi des champions combattans, représentés dans l’auditoire, étoient une marque de haute justice, comme on en voyoit au cloître S. Merry, dans la chambre où le chapitre donnoit alors audience, ainsi que le remarque Ragueau, en son glossaire, au mot champions ; & Sauval, en ses antiquités de Paris, dit avoir vû de ces figures de champions dans les deux chambres des requetes du palais, avant qu’on les eût ornées comme elles sont présentement.

Toutes sortes de seigneurs n’avoient même pas le droit de faire combattre les champions dans leur ressort ; il n’y avoit que ceux qui étoient fondés sur la loi, la coûtume, ou la possession : les autres pouvoient bien ordonner le duel, mais pour l’exécution ils étoient obligés de renvoyer à la cour du seigneur supérieur.

Le roi & le parlement ordonnoient aussi souvent le duel ; il suffit d’en citer quelques exemples : tels que celui de Louis le Gros, lequel ayant appris le meurtre de Milon de Montlhéry, condamna Hugues de Crécy, qui en étoit accusé, à se purger par la voie du duel. Philippe-de-Valois en ordonna aussi un entre deux chevaliers appellés Vervins & Dubois.

Le 17 Février 1375, 3 Janvier 1376, & 9 Juillet 1396, on plaida au parlement des causes de duel en présence de Charles V. & de Charles VI.

Le parlement en ordonna un en 1256, sur une accusation d’adultere ; il le défendit à diverses personnes en 1306, 1308, 1311, 1333, 1334, & 1342 ; il en permit deux en 1354 & 1386, pour cause de viol ; & en 1404, on y plaida encore une cause de duel pour crime de poison.

L’Eglise même approuvoit ces épreuves cruelles. Quelquefois des évêques y assistoient ; comme on en vit au combat des ducs de Lancastre & de Brunswick. Les juges d’église ordonnoient aussi le duel. Louis le Gros accorda aux religieux de S. Maur des Fossés le droit d’ordonner le duel entre leurs serfs & des personnes franches.

Les monomachies ou duels ordonnés par le juge de l’évêque, se faisoient dans la cour même de l’évêché : c’est ainsi que l’on en usoit à Paris ; les champions se battoient dans la premiere cour de l’archevêché, où est le siége de l’officialité. Ce fait est rapporté dans un manuscrit de Pierre le Chantre de Paris, qui écrivoit vers l’an 1180 : quædam écclesiæ, dit-il, habent monomachias, & indicant monomachiam debere fieri quandoque inter rusticos suos, & faciunt eos pugnare in curiâ ecclesiæ, in atrio episcopi vel archidiaconi, sicut fit Parisiis. Il ajoûte que le pape Eugene (c’étoit apparemment Eugene III.) étant consulté à ce sujet, répondit utimini consuetudine vestrâ. Descr. du dioc. de Paris, par M. Lebœuf.

Quant aux formalités des duels, il y en avoit de particulieres pour chaque sorte de duels ; mais les plus générales étoient d’abord la permission du juge qui déclaroit qu’il échéoit gage, c’est-à-dire qu’il y avoit lieu au duel ; à la différence des combats à outrance, qui se faisoient sans permission & souvent par défi de bravoure sans aucune querelle. Ces sortes de combats étoient ordinairement de cinq ou six contre un même nombre d’autres personnes, & rarement de deux personnes seulement l’une contre l’autre.

Dans le duel reglé, on obligeoit ceux qui devoient se battre, à déposer entre les mains du juge quelques effets en gage, sur lesquels devoient se prendre l’amende & les dommages & intérêts au profit du vainqueur. En quelques endroits, le gage de bataille étoit au profit du seigneur : cela dépendoit de la coutume des lieux.

Il étoit aussi d’usage que celui qui appelloit un autre en duel, lui donnoit un gage : c’étoit ordinairement son gant qu’il lui jettoit par terre, l’autre le ramassoit en signe qu’il acceptoit le duel.

On donnoit aussi quelquefois au seigneur des otages ou cautions, pour répondre de l’amende.

Les gages ainsi donnés & reçus, le juge renvoyoit la décision à deux mois, pendant lesquels des amis communs tâchoient de connoître le coupable, & de l’engager à rendre justice à l’autre ; ensuite on mettoit les deux parties en prison, où des ecclésiastiques tâchoient de les détourner de leur dessein ; si les parties persistoient, on fixoit le jour du duel ; on amenoit ce jour-là les champions à jeun devant le même juge qui avoit ordonné le duel ; il leur faisoit préter serment de dire vérité : on leur donnoit ensuite à manger, puis ils s’armoient en présence du juge. On régloit leurs armes. Quatre parreins choisis avec même cérémonie les faisoient dépouiller, oindre le corps d’huile, couper la barbe & les cheveux en rond ; on les menoit dans un camp fermé & gardé par des gens armés : c’est ce que l’on appelloit lices, champ de bataille, ou champ clos ; on faisoit mettre les champions à genoux l’un devant l’autre, les doigts croisés & entrelassés, se demandant justice, jurant de ne point soûtenir une fausseté, & de ne point chercher la victoire par fraude ni par magie. Les parreins visitoient leurs armes, & leur faisoient faire leur priere & leur confession à genoux ; & après leur avoir demandé s’ils n’avoient aucune parole à faire porter à leur adversaire, ils les laissoient en venir aux mains : ce qui ne se faisoit néanmoins qu’après le signal du héraut, qui crioit de dessus les barrieres par trois fois, laissez aller les bons combattans ; alors on se battoit sans quartier.

A Paris, le lieu destiné pour les duels étoit marqué par le roi : c’étoit ordinairement devant le Louvre, ou devant l’hôtel-de-ville, ou quelque autre lieu spacieux. Le roi y assistoit avec toute sa cour. Quand le roi n’y venoit pas, il envoyoit le connétable à sa place.

Il y avoit encore beaucoup d’autres cérémonies dont nous omettons le détail, pour nous attacher à ce qui peut avoir un peu plus de rapport à la Jurisprudence. Ceux qui voudront savoir plus à fond tous les usages qui s’observoient en pareil cas, peuvent voir Lacolombiere en son traité des duels ; Sauval, en ses antiquités de Paris, & autres auteurs qui ont écrit des duels.

Le vaincu encouroit l’infamie, étoit traîné sur la claie en chemise, ensuite pendu ou brûlé, ou du moins on lui coupoit quelque membre ; la peine qu’on lui infligeoit étoit plus ou moins grande, selon la qualité du crime dont il étoit réputé convaincu. L’autre s’en retournoit triomphant ; on lui donnoit un jugement favorable.

La même chose s’observoit en Allemagne, en Espagne, & en Angleterre : celui qui se rendoit pour une blessure étoit infame ; il ne pouvoit couper sa barbe, ni porter les armes, ni monter à cheval. Il n’y avoit que trois endroits dans l’Allemagne où on pût se battre ; Witzbourg en Franconie, Uspach & Hall en Suabe : ainsi les duels y devoient être rares.

Ils étoient au contraire fort communs en France depuis le commencement de la monarchie jusqu’au tems de S. Louis, & même encore long-tems après.

Il n’étoit cependant pas permis à tout le monde indifféremment de se battre en duel : car outre qu’il falloit une permission du juge, il y avoit des cas dans lesquels on ne l’accordoit point.

Par exemple, lorsqu’une femme appelloit en duel, & qu’elle n’avoit point retenu d’avoüé : car elle ne pouvoit pas se battre en personne.

De même une femme en puissance de mari ne pouvoit pas appeller en duel sans le consentement & l’autorisation de son mari.

Le duel n’étoit pas admis non plus, lorsque l’appellant n’avoit aucune parenté ni affinité avec celui pour lequel il appelloit.

L’appellé en duel n’étoit pas obligé de l’accepter, lorsqu’il avoit combattu pour celui au nom duquel il étoit appellé.

Si l’appellant étoit serf, & qu’il appellât un homme franc & libre, celui-ci n’étoit pas obligé de se battre.

Un ecclésiastique, soit l’appellant ou l’appellé, ne pouvoit pas s’engager au duel en cour-laye ; parce qu’il n’étoit sujet à cette jurisdiction que pour la propriété de son temporel.

Le duel n’avoit pas lieu non plus pour un cas sur lequel il étoit déja intervenu un jugement, ni pour un fait notoirement faux ; ou lorsqu’on avoit d’ailleurs des preuves suffisantes, ou que la chose pouvoit se prouver par témoins ou autrement.

Un bâtard ne pouvoit pas appeller en duel un homme légitime & libre : mais deux bâtards pouvoient se battre l’un contre l’autre.

Lorsque la paix avoit été faite entre les parties, & confirmée par la justice supérieure, l’appel en duel n’étoit plus recevable pour le même fait.

Si quelqu’un étoit appellé en duel pour cause d’homicide, & que celui en la personne duquel l’homicide avoit été commis eût déclaré avant de mourir les auteurs du crime, & que l’accusé en étoit innocent, il ne pouvoit plus être poursuivi.

L’appellant ou l’appellé en duel étant mineur, on n’ordonnoit pas le duel.

Un lépreux ou ladre ne pouvoit pas appeller en duel un homme qui étoit sain, ni un homme sain se battre contre un lépreux.

Enfin il y avoit encore certains cas où l’on ne recevoit pas de gages de bataille entre certaines personnes, comme du pere contre le fils, ou du fils contre le pere, ou du frere contre son frere. Il y en a une disposition dans les assises de Jérusalem.

Du Tillet dit que les princes du sang sont dispensés de se battre en duel : ce qui en effet s’observoit déjà du tems de Beaumanoir, lorsqu’il ne s’agissoit que de meubles ou d’héritages ; mais quand il s’agissoit de meurtre ou de trahison, les princes, comme d’autres, étoient obligés de se soûmettre à l’épreuve du duel.

On s’est toûjours recrié, & avec raison, contre cette coûtume barbare des duels.

Les papes, les évêques, les conciles, ont souvent condamné ces desordres : ils ont prononcé anathème contre les duellistes ; entre autres le concile de Valence, tenu en 855 ; Nicolas I. dans une épître à Charles-le-Chauve ; Agobard, dans ses livres contre la loi gombette & contre le jugement de Dieu ; le pape Célestin III. & Alexandre III. & le concile de Trente, sess. 25. chap, xjx. Yves de Chartres dans plusieurs de ses épîtres ; l’auteur du livre appellé fleta, & plusieurs écrivains contemporains.

Les empereurs, les rois, & autres princes, ont aussi fait tous leurs efforts pour déraciner cette odieuse coûtume. Luithprand, roi des Lombards, l’appelle impie, & dit qu’il n’avoit pû l’abolir parmi ses sujets, parce que l’usage avoit prévalu.

Frédéric I. dans ses constitutions de Sicile, défendit l’usage des duels. Frédéric II. accorda aux habitans de Vienne en Autriche le privilege de ne pouvoir être forcés d’accepter le duel. Edoüard, roi d’Angleterre, accorda le même privilége à certaines villes de son royaume. Guillaume comte de Flandre, ordonna la même chose pour ses sujets, en 1127.

En France, Louis VII. fut le premier qui commença à restraindre l’usage des duels : c’est ce que l’on voit dans des lettres de ce prince de l’an 1168, par-lesquelles en abolissant plusieurs mauvaises coûtumes de la ville d’Orléans, il ordonna entre autres choses que pour une dette de cinq sous ou de moins qui seroit niée, il n’y auroit plus bataille entre deux personnes, c’est-à-dire que le duel ne seroit plus ordonné.

S. Louis alla plus loin ; après avoir défendu les guerres privées en 1245, par son ordonnance de 1260, il défendit aussi absolument les duels dans ses domaines, tant en matiere civile que criminelle ; & au lieu du duel, il enjoignit que l’on auroit recours à la preuve par témoins : mais cette ordonnance n’avoit pas lieu dans les terres des barons, au moyen dequoi il étoit toûjours au pouvoir de ceux-ci d’ordonner le duel, comme le remarque Beaumanoir qui écrivoit en 1283 ; & suivant le même auteur, quand le plaid étoit commencé dans les justices des barons, on ne pouvoit plus revenir à l’ancien droit, ni ordonner les gages de bataille. Saint Louis accorda aussi aux habitans de Saint-Omer, qu’ils ne seroient tenus de se battre en duel que dans leur ville.

Les seigneurs refuserent long-tems de se conformer à ce que S. Louis avoit ordonné dans ses domaines ; le motif qui les retenoit, est qu’ils gagnoient une amende de 60 sous, quand le vaincu étoit un roturier, & de 60 liv. quand c’étoit un gentil-homme.

Alphonse, comte de Poitou & d’Auvergne, suivit néanmoins en quelque sorte l’exemple de S. Louis, en accordant à ses sujets, en 1270, par forme de privilége, qu’on ne pourroit les contraindre au duel ; & que celui qui refuseroit de se battre, ne seroit pas pour cela réputé convaincu du fait en question, mais que l’appellant auroit la liberté de se servir des autres preuves.

Du reste, les bonnes intentions de S. Louis demeurerent alors sans effet, même dans ses domaines, tant la coûtume du duel étoit invétérée.

Philippe-le-Bel dit dans une ordonnance de 1306, qu’il avoit déjà défendu généralement à tous ses sujets toutes manieres de guerre, & tous gages de bataille ; que plusieurs malfaiteurs en avoient abusé, pour commettre secretement des homicides, trahisons, & autres maléfices griefs, & excès qui demeuroient impunis faute de témoins : mais pour leur ôter toute cause de mal faire, il modifie ainsi sa défense ; savoir que quand il apérera évidemment d’un crime méritant peine de mort, tel qu’un homicide, trahison, ou autres griefs, violences, ou maléfices, excepté néanmoins le larcin, & qu’il n’y aura pas de témoins ou autre preuve suffisante : en ce cas celui qui par indices ou fortes présomptions sera soupçonné d’avoir commis le crime, pourra être appellé en duel.

En conséquence de cette ordonnance, il fut fait un formulaire très-détaillé pour les duels, qui explique les cas dans lesquels on pouvoit adjuger le gage de bataille & les conditions préalables ; de quelle maniere le défendeur pouvoit se présenter devant le juge, sans être ajourné ; les trois cris différens que faisoit le roi ou héraut d’armes, pour appeller les combattans & annoncer le duel ; les cinq défenses qu’il faisoit aux assistans par rapport à un certain ordre qui devoit être observé dans cette occasion ; les requêtes & protestations que les deux champions devoient faire à l’entrée du champ, & l’on voit que chacun d’eux pouvoit être assisté de son avocat ; de quelle maniere l’échaffaud & les lices du champ, & les pavillons des combattans, devoient être dressés ; la teneur des trois différens sermens que faisoient ceux qui alloient combattre, une main posée sur la croix, & l’autre sur le canon de la messe ; enfin les deux cas où il étoit permis de oultrer le gage de bataille, savoir lorsque l’une des parties confessoit sa coulpe & étoit rendu, ou bien quand l’un mettoit l’autre hors des lices vif ou mort. Comme ce détail nous meneroit trop loin, nous renvoyons au glossaire de Ducange, & au recueil des ordonnances de la troisieme race, où cette piece est rapportée tout au long.

Ce qu’il y a encore de singulier, c’est que l’on traita juridiquement la question de savoir, si le duel devoit avoir lieu : ces sortes de causes se plaidoient au parlement par le ministere des avocats. C’est ce que l’on voit par l’ancien style du parlement, inséré dans les œuvres de Dumolin. Cet ouvrage fut composé par Guillaume Dubreuil avocat, vers l’an 1330, peu de tems après que le parlement eut été rendu sédentaire à Paris. Il contient un chapitre exprès de duello, où il est parlé de la fonction des avocats dans les causes de duel : quelques-uns ont cru que cela devoit s’entendre des avoüés ou champions qui se battoient en duel pour autrui, & qu’on appelloit advoatos ou advocatos. Mais M. Husson, en son traité de advocato, liv. I. ch. xlj. a très-bien démontré que l’on ne devoit pas confondre ce qui est dit des uns & des autres ; & pour être convaincu que les avocats étoient en cette occasion différens des avoüés, il suffit de lire la question 89 de Jean Galli, qui dit avoir plaidé de ces causes de duel, & distingue clairement ce qui étoit de la fonction des avocats & de celle des avoüés.

Le roi Jean fit aussi quelques réglemens au sujet des duels. On en trouve plusieurs dans les priviléges qu’il accorda aux habitans de Jonville sur Saône en 1354, & dans ceux qu’il accorda aux habitans de Pont-Orson, en 1366.

Les premieres lettres, c’est-à-dire celles des habitans de Jonville, portent en substance : que quand un habitant de Jonville se sera engagé à un duel, il pourra s’en départir, même le faire cesser, quoique déjà commencé, moyennant une amende de soixante sous, s’il est déjà armé, de cent sous, s’il est armé en-dedans des lices, & de dix livres, si le combat est commencé, & que les premiers coups nommés les coups le roi soient donnés ; que dans tous ces cas il payera les dépenses faites par rapport au combat par le seigneur, par son conseil, & par son adversaire ; & que celui qui sera vaincu dans un duel, sera soûmis à la peine que le seigneur voudra lui imposer.

Les priviléges des habitans de Pontorson portent que s’il arrive une dispute & batterie un jour de marché entre des bourgeois de ce lieu, & que l’on donne un gage de bataille, celui qui aura porté sa plainte en justice payera douze deniers mansois ; que si la querelle s’accommode devant le juge, on ne payera rien pour la demande qui a été faite du gage de bataille ; que si la querelle se renouvellant, on demande une seconde fois un gage de bataille, il sera payé douze deniers, quand même la querelle s’accommoderoit ensuite sans combat : que si dans la dispute il y a eu du sang répandu, & que cela donne lieu à une contestation devant le juge, on payera douze den. pour la premiere plainte ; que si on soûtient qu’il n’y a pas eu de sang répandu, c’est le cas du duel, que le vaincu payera cent neuf sous d’amende ; que si après le duel la dispute se renouvelle, le coupable payera soixante livres d’amende, ou qu’il aura le poing coupé ; que les mêmes peines auront lieu lorsqu’on renouvellera d’anciennes inimitiés. Il étoit permis au créancier d’appeller en duel son débiteur qui prétendoit ne lui rien devoir ; l’engagement de se battre devoit être répeté le troisieme jour devant deux temoins. Quand on faisoit un serment, on mettoit une obole sur le livre sur lequel on le faisoit ; & quand ce serment pouvoit être suivi d’un duel, on mettoit quatre deniers sur ce livre.

On trouve encore plusieurs autres lettres ou priviléges semblables, accordés aux habitans de différentes villes & autres lieux, qui reglent à-peu-près de même les cas du duel, & les amendes & autres peines qui pouvoient avoir lieu.

Sous Charles VI on se battoit pour si peu de chose, qu’il fit défense sur peine de la vie d’en venir aux armes sans cause raisonnable, comme le dit Monstrelet ; & Juvenal des Ursins assûre aussi qu’il publia une ordonnance en 1409, portant que personne en France ne fût reçû à faire gages de bataille, sinon qu’il y eût gage jugé par le roi ou par sa cour de parlement : il y avoit même déjà long-tems que le parlement connoissoit des causes de duel, témoins ceux dont on a parlé ci-devant, & entr’autres celui qu’il ordonna en 1386 entre Carouge & Legris ; ce dernier étoit accusé par la femme de Carouge d’avoir attenté à son honneur. Legris fut tué dans le combat, & partant jugé coupable ; néanmoins dans la suite il fut reconnu innocent par le témoignage de l’auteur même du crime, qui le déclara en mourant. Legris, avant de se battre, avoit fait prier Dieu pour lui dans tous les monasteres de Paris. Voyez Champion, Epreuves.

L’église souffroit aussi que l’on dît des messes pour ceux qui alloient se battre ; & l’on trouve dans les anciens missels le propre de ces sortes de messes, sous le titre missa pro duello. On donnoit même la communion à ceux qui alloient se battre, ainsi que cela fut pratiqué en 1404 à l’égard des sept François qui se battirent contre sept Anglois ; & le vainqueur encore tout couvert du sang de son adversaire, venoit à l’église faire son action de graces, offrir les armes de son ennemi, ou faire quelqu’autre offrande.

Le dernier duel qui fut autorisé publiquement, fut le combat qui se fit en 1547 entre Guy Chabot fils du sieur de Jarnac, & François de Vivonne sieur de la Chataigneraye : ce fut à Saint-Germain-en-Laye, en présence du roi & de toute la cour. Les parties se battirent à pié avec l’épée ; Vivonne y fut blessé, & mourut de ses blessures : le roi Henri II. fit dès ce moment vœu de ne plus permettre les duels.

Mais quoiqu’on eût cessé de permettre en justice le duel, comme une preuve juridique pour décider les questions douteuses, les duels que les parties faisoient sans permission, & ordinairement pour des querelles d’honneur, furent pendant long-tems très communs.

Le maréchal de Brissac en Piémont voyant la fureur des duels, imagina de les permettre, mais d’une façon si périlleuse, qu’il en ôta l’envie à ceux qui auroient pû l’avoir, ayant ordonné que l’on se battroit sur un pont entre quatre piques, & que le vaincu seroit jetté dans la riviere, sans que le vainqueur pût lui donner la vie.

L’édit de 1569 ordonna que nul ne pourroit poursuivre au sceau l’expédition d’aucune grace où il y auroit soupçon de duel ou rencontre préméditée, qu’il ne fût actuellement prisonnier à la suite du roi, ou bien dans la principale prison du parlement dans le ressort duquel le combat auroit été fait ; & qu’après qu’il auroit été vérifié qu’il n’étoit en aucune sorte contrevenu à l’édit, & que le roi auroit pris sur ce l’avis des maréchaux de France, Sa Majesté se réservoit d’accorder des lettres de remission en connoissance de cause.

L’ordonnance de Blois, art. 194, renouvella les défenses faites précédemment contre les duels, & d’expédier pour ces cas aucunes lettres de grace ; ajoûtant que s’il en étoit accordé quelqu’une par importunité, les juges n’y auroient aucun égard, encore qu’elles fussent signées du roi, & contre-signées par un secrétaire d’état.

Le parlement de Paris défendit aussi séverement les duels, comme on voit par un arrêt de la tournelle du 26 Juin 1599, portant défenses à tous sujets du roi, de quelque qualité & condition qu’ils fussent, de prendre de leur autorité privée par duels, la réparation des injures & outrages qu’ils prétendroient avoir reçûs ; leur enjoint de se pourvoir par-devant les juges ordinaires, sur peine de crime de lese-majesté, confiscation de corps & de biens, tant contre les vivans que contre les morts ; ensemble contre tous gentilshommes & autres qui auroient favorisé ces combats & assisté aux assemblées faites à l’occasion des querelles, comme transgresseurs des commandemens de Dieu, rebelles au roi, infracteurs des ordonnances, violateurs de la justice, perturbateurs du repos & tranquillité publique ; & il fut enjoint à tous gouverneurs, baillis & autres officiers d’y tenir la main.

Les défenses contre les duels furent renouvellées par Henri IV. en 1609, par Louis XIII. en 1611, 1613, 1614, 1617 ; par un édit du mois d’Août 1623, & une déclaration du 26 Juin 1624, une autre de 1626, & un réglement du mois de Mai 1634.

Mais toutes ces lois multipliées furent sans aucun fruit jusqu’au tems de Louis XIV. lequel défendit les duels encore plus rigoureusement que ses prédécesseurs, & tint la main à l’exécution des réglemens, comme on voit par ses edits du mois de Juin 1643, & de 1651 ; par l’ordonnance de 1670, tit. xvj. art. 4. & par plusieurs déclarations des mois d’Août 1679, Décembre 1704, & 28 Décembre 1711.

La déclaration du mois d’Août 1679 peut être regardée comme le siége de la matiere, étant le réglement le plus ample, & les autres réglemens postérieurs ne servant que d’explication à celui-ci. Le roi exhorte d’abord tous ses sujets à vivre en paix, de garder le respect convenable à chacun, selon sa qualité ; de faire tout ce qui dépendra d’eux pour prévenir tous différends, débats & querelles, sur-tout celles qui peuvent être suivies de voies de fait ; de se donner les uns aux autres tous les éclaircissemens nécessaires sur les plaintes qui pourroient survenir entre eux, déclarant que ce procédé sera réputé un effet de l’obéissance dûe au roi.

Les maréchaux de France, les gouverneurs des provinces, ou en leur absence les commandans & les lieutenans des maréchaux de France, sont chargés de terminer tous les différends qui pourroient arriver entre les sujets du roi, suivant le pouvoir qui leur en étoit déja donné par les anciennes ordonnances.

Ceux qui assisteront ou se rencontreront, quoiqu’inopinément, aux lieux où se commettront des offenses à l’honneur, soit par des rapports ou discours injurieux, soit par des manquemens de promesse ou parole donnée, soit par démentis, coup de main ou autres outrages, sont obligés d’en avertir les maréchaux de France ou autres personnes dénommées ci-devant, à peine d’être réputés complices desdites offenses, & d’être poursuivis comme y ayant tacitement contribué, pour ne s’être pas mis en devoir d’en empêcher les suites.

Les maréchaux de France & leurs lieutenans, les gouverneurs ou commandans des provinces, ayant avis de quelque différend entre gentilshommes & autres faisant profession des armes, doivent aussi-tôt leur défendre toutes voies de fait, & les faire assigner devant eux, & s’ils craignent quelqu’infraction à ces ordres, leur envoyer des archers ou gardes de la connétablie, pour se tenir près des parties, & à leurs frais, jusqu’à ce qu’elles se soient rendues devant celui qui les aura fait appeller.

Les officiers dont on vient de parler ayant le pouvoir de rendre des jugemens souverains sur le point d’honneur & réparation d’offenses, doivent accorder à l’offensé une réparation dont il ait lieu d’être content.

Si l’offense blesse aussi le respect dû aux lois & ordonnances, le coupable pourra en outre être condamné à tenir prison ou au bannissement, & en une amende.

Les différends entre gentilshommes, pour la chasse, les droits honorifiques des églises, & droits féodaux & seigneuriaux, seront réglés de même avec des arbitres convenus par les parties, le tout sans frais, sauf l’appel au parlement.

Au cas qu’un gentilhomme refuse ou differe sans cause légitime d’obéir aux ordres des juges du point d’honneur, il y sera contraint, soit par garnison ou par emprisonnement, & s’il ne peut être pris, par saisie & annotation de ses biens.

Ceux qui ayant eu des gardes des maréchaux de France ou autres juges du point d’honneur, s’en seront dégagés, doivent être punis avec rigueur.

Celui qui se croyant offensé, fera un appel à qui que ce soit, demeurera déchû de toute satisfaction, tiendra prison pendant deux ans, & sera condamné en une amende qui ne pourra être moindre de la moitié d’une année de ses revenus, & sera suspendu de toutes ses charges, & privé du revenu d’icelles durant trois ans : ces peines peuvent même être augmentées, selon les circonstances.

Si celui qui est appellé, au-lieu de refuser l’appel & d’en donner avis aux officiers préposés pour cet effet, va sur le lieu de l’assignation, ou fait effort pour y aller, il sera puni des mêmes peines que l’appellant.

Ceux qui auront appellé pour un autre, ou qui auront accepté l’appel sans en donner avis, seront punis de même.

Si l’appel est fait par un inférieur à ceux qui ont droit de le commander, il tiendra prison pendant quatre ans, & sera privé pendant ce tems de l’exercice de ses charges, & de ses gages & appointemens. Si c’est un inférieur qui appelle un supérieur ou seigneur, outre les quatre ans de prison il sera condamné à une amende au moins d’une année de son revenu ; & si les chefs ou supérieurs reçoivent l’appel, ils seront punis des mêmes peines.

Ceux qui seront cassés pour de tels crimes, en cas de vengeance contre ceux qui les auront remplacés, ou en cas de récidive ou qu’ils ayent appellé des secours, tiendront prison six ans, & payeront une amende de six ans de leur revenu.

Si l’appellant & l’appellé en viennent au combat, encore qu’il n’y ait aucun de blessé ni tué, le procès leur sera fait ; ils seront punis de mort, leurs biens meubles & immeubles confisqués, le tiers applicable aux hôpitaux du lieu, & les deux autres tiers aux frais de capture & de justice, & à ce que les juges pourront accorder aux femmes & enfans pour alimens. Si c’est dans un pays où la confiscation n’a pas lieu, l’amende sera de la moitié des biens au profit des hôpitaux. Le procès doit aussi être fait aux morts, & leurs corps privés de la sépulture ecclésiastique.

Les biens de celui qui a été tué & du survivant, sont régis par les hôpitaux pendant le procès pour duel, & les revenus employés aux frais du procès.

Ceux qui se défiant de leur courage, auront appellé des seconds, tiers ou autre plus grand nombre de personnes, outre la peine de mort & de confiscation, seront dégradés de noblesse, déclarés incapables de tenir aucunes charges, leurs armes noircies & brisées publiquement par l’exécuteur de la haute justice : leurs successeurs seront tenus d’en prendre de nouvelles : les seconds, tiers ou autres assistans seront punis des mêmes peines.

Les roturiers non portant les armes, qui auront appellé en duel des gentilshommes, ou suscité contr’eux d’autres gentilshommes, sur-tout s’il s’en est suivi quelque grande blessure ou mort, seront pendus, tous leurs biens confisqués, les deux tiers pour les hôpitaux, l’autre pour les frais du procès, alimens des veuve & enfans, & pour la récompense du dénonciateur.

Les domestiques & autres qui portent sciemment des billets d’appel, ou qui conduisent au lieu du duel, sont punis du foüet & de la fleur-de-lis pour la premiere fois. & en cas de récidive, des galeres perpétuelles.

Ceux qui sont spectateurs du duel, s’ils y sont venus exprès, sont privés pour toûjours de leurs charges, dignités & pensions ; s’ils n’en ont point, le quart de leurs biens est confisqué au profit des hôpitaux, ou si la confiscation n’a pas lieu, une amende de même valeur.

Les rencontres sont punies de même que les duels : on punit aussi rigoureusement ceux qui vont se battre hors du royaume.

Il est défendu de donner asyle aux coupables, à peine de punition.

Si les preuves manquent, les officiaux doivent décerner des monitoires.

Les cours de parlement peuvent aussi ordonner à ceux qui se seront battus en duel, de se rendre dans les prisons ; & en cas de contumace, ils peuvent être déclarés atteints & convaincus, & condamnés aux peines portées par les édits, leurs biens confisqués, même sans attendre les cinq années de la contumace ; leurs maisons seront rasées, & leurs bois de haute-futaie coupés jusqu’à certaine hauteur, suivant les ordres que le roi donnera, & les coupables déclarés infames & dégradés de noblesse.

Le procès pour crime de duel ne peut être poursuivi que devant les juges de ce crime, sans que l’on puisse former aucun réglement de juge.

Personne ne peut poursuivre l’expédition de lettres de grace, lorsqu’il y a soupçon de duel ou rencontre préméditée, qu’il ne soit actuellement dans les prisons, & qu’il n’ait été vérifié qu’il n’a point contrevenu au réglement fait contre les duels.

La déclaration de 1679, d’où sont tirées les dispositions que l’on vient de rapporter en substance, confirme aussi le réglement des maréchaux de France, du 22 Août 1653, & celui du 22 Août 1679.

Cette déclaration porte encore que lorsque dans les combats il y aura eu quelqu’un de tué, les parens du mort pourront se rendre parties dans trois mois contre celui qui aura tué ; & s’il est convaincu du crime, la confiscation du mort sera remise à celui qui aura poursuivi, sans qu’il ait besoin d’autres lettres de don.

Le crime de duel ne s’éteint ni par la mort, ni par aucune prescription de vingt ni de trente ans, ni autre, à moins qu’il n’y ait ni exécution, ni condamnation, ni plainte : il peut être poursuivi contre la personne, ou contre sa mémoire.

Enfin le roi par cette déclaration promet, soi de roi, de n’accorder aucune grace pour duel & rencontre, sans qu’aucune circonstance de mariage ou naissance de prince, ou autre considération, puisse y faire déroger.

Le réglement de MM. les maréchaux de France, du 22 Août 1653, porte entr’autres choses, que ceux qui seront appellés en duel, doivent répondre qu’ils ne peuvent recevoir aucun lieu pour se battre, ni marquer les endroits où on les pourroit rencontrer.... qu’ils peuvent ajoûter que si on les attaque ils se défendront ; mais qu’ils ne croyent pas que leur honneur les oblige à aller se battre de sang-froid, & contrevenir ainsi formellement aux édits de Sa Majesté, aux lois de la religion, & à leur conscience.

Que lorsqu’il y aura eu quelque demêlé entre gentilshommes, dont les uns auront promis & signé de ne point se battre, & les autres non, ces derniers seront toûjours réputés aggresseurs, à moins qu’il n’y ait preuve du contraire.

La déclaration du 28 Octobre 1711 adjuge aux hôpitaux la totalité des biens de ceux qui seront condamnés pour crime de duel.

Le Roi à-présent régnant fit serment à son sacre de n’exempter personne de la rigueur des peines ordonnées contre les duels ; & par un édit du mois de Février 1729, il renouvella les défenses portées par les précedens réglemens, & expliqua les dispositions auxquelles on auroit pû donner une fausse interprétation pour les éluder : & il est dit que comme les peines portées par les réglemens n’avoient pas été jusqu’alors suffisantes pour arrêter le cours de ces desordres, les maréchaux de France & autres juges du point d’honneur pourront prononcer des peines plus graves, selon l’exigeance des cas.

Il y a encore une autre déclaration du 12 Avril 1723, concernant les peines & réparations d’honneur, à l’occasion des peines & menaces entre gentilshommes & autres. Nous ne nous étendrons pas ici sur cet objet, parce qu’on aura occasion d’en parler aux mots Injure, Maréchaux de France, Point d’honneur & Réparation.

L’analyse qui vient d’être faite des derniers réglemens concernant les duels, prouve que l’on apporte présentement autant d’attention à les prévenir & les empêcher, que l’on en avoit anciennement pour les permettre.

Les souverains des états voisins ont aussi défendu séverement les duels dans les pays de leur domination, comme on voit par un placard donné à Bruxelles le 23 Novembre 1667. (A)