Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste/Chap.33

CHAPITRE XXXIII.

SOLUTIONS DOUBLEMENT ASYMPTOTIQUES.


Modes divers de représentation géométrique.

392.Pour l’étude des solutions doublement asymptotiques, nous allons nous borner à un cas très particulier, celui du no 9, masse de la planète troublée nulle, orbite de la planète troublante circulaire, inclinaisons nulles. Le problème des trois corps admet alors l’intégrale bien connue sous le nom d’intégrale de Jacobi.

Revenant au no 299 sur l’étude de ce problème du no 9, nous avons été amenés à distinguer plusieurs cas. Nous avons vu à la page 158 que l’on doit avoir l’inégalité

(1)

Nous avons distingué ensuite le cas où est beaucoup plus petit que et est suffisamment grand (p. 159) et nous avons vu que la courbe

(2)

se décompose en trois branches fermées que nous avons appelées et donc, en vertu de l’inégalité (1), le point doit rester toujours à l’intérieur de ou toujours à l’intérieur de ou toujours à l’extérieur de ( sont les coordonnées rectangulaires de la planète troublée par rapport aux axes mobiles).

Dans ce qui va suivre, nous supposerons que la valeur de la constante est assez grande pour que la courbe (2) se décompose ainsi en trois branches fermées et que le point reste toujours à l’intérieur de De cette façon, la distance de la planète troublée au corps central peut s’annuler, mais il n’en est pas de même de la distance des deux planètes.

Cette hypothèse correspond à la suivante que nous avons faite aux pages 198 et 199 ; à savoir que la courbe présente l’aspect de la fig. 9 et que le point reste sur l’arc utile

Nous allons adopter les notations du no 313 ; nous introduirons donc les variables képlériennes Mais il y a deux manières de définir ces variables képlériennes. Nous pourrions, comme au no 9, rapporter le corps troublé au centre de gravité du corps troublant et du corps central, et envisager l’ellipse osculatrice décrite autour de ce centre de gravité. Mais il est préférable de rapporter le corps troublé au corps central lui-même et d’envisager l’ellipse osculatrice décrite autour de ce corps central.

Ces deux procédés sont également légitimes ; nous avons vu en effet au no 11 que l’on peut rapporter le corps au corps et le corps au centre de gravité de et de Il est clair qu’on pourrait également rapporter à et au centre de gravité de et Si représente le corps central, le corps troublant et le corps troublé, on voit que la première solution est celle qui a été adoptée au no 9 et que dans la seconde solution, que nous adopterons désormais, les deux corps et sont rapportés tous deux au corps central, puisque, la masse de étant nulle, le centre de gravité de et de est en

Il vient alors

et désignent les masses du corps troublant et du corps central, la distance des deux planètes, la distance constante du corps troublant au corps central, celle du corps troublé au corps central.

Nous poserons, comme au no 313,

On voit, et c’est le point important que je voulais signaler, que, dans la région d’où le point ne peut pas sortir, la fonction reste toujours finie.

Nous adopterons le mode de représentation de la page 199 et nous représenterons la situation du système par le point de l’espace dont les coordonnées rectangulaires sont

On voit que quand le rapport est constant, le point décrit un tore ; que ce tore se réduit à l’axe des quand ce rapport est infini et au cercle

quand ce rapport est nul.

Les dérivées et restent finies dans la région considérée, de même que la fonction elle-même, sauf quand ou est très petit, il n’en serait pas de même des dérivées qui pourraient devenir infinies pour Il en résulte que

diffèrent très peu de et Nous avons vu à la page 200 que, dans l’hypothèse où nous nous sommes placés, et par conséquent ne peuvent s’annuler parce que la constante des forces vives (la constante du no 313 se ramène facilement à la constante h du no 299) est plus grande que

Nous aurons donc, si n’est pas très petit,

car ne peut devenir infini que pour d’où il suit que est toujours croissant, sauf pour très petit.

Soit un point tel que il se trouvera sur le demi-plan

Quand varieront conformément aux équations différentielles, le point décrira une certaine trajectoire ; quand qui croît constamment atteindra la valeur le point venu en se trouvera de nouveau sur le demi-plan

Le point est alors le conséquent de d’après la définition du no 305. Comme est toujours croissant, tout point du demi-plan a un conséquent et un antécédent ; il n’y a exception que pour très petit, c’est-à-dire pour les points du demi-plan qui sont très éloignés de l’origine ou très voisins de l’axe des

Nous aurons un invariant intégral au sens du no 305 ; cherchons à former cet invariant.

Les équations étant canoniques admettent l’invariant intégral

Posons et prenons pour variables nouvelles l’invariant deviendra

De cet invariant quadruple nous déduirons à cause de l’existence de l’intégrale l’invariant triple

Dans cette intégrale triple sont supposés remplacés en fonctions de à l’aide des équations

Prenons maintenant pour variables et appelons le jacobien de par rapport à l’invariant deviendra

Soit

d’où

Posons encore

un calcul simple donne

Notre invariant s’écrira donc

Les principes du no 305 nous permettent d’en déduire l’invariant suivant au sens du no 305

Ici et jouent le rôle que jouaient et dans l’analyse du no 305.

La quantité sous le signe est essentiellement positive, sauf pour très petit, c’est-à-dire pour les points du demi-plan très éloignés de l’origine ou très voisins de l’axe des

393.Cette circonstance (qu’un point n’aura plus de conséquent s’il est trop éloigné ou s’il est trop près de l’axe des ) pourrait causer quelque gêne et il peut être utile de tourner cette difficulté par un artifice quelconque.

Nous pourrions d’abord utiliser la remarque du no 311 et remplacer notre demi-plan par une aire courbe simplement connexe. Voici comment nous choisirions cette aire courbe.

Si est très petit, l’excentricité est très petite et les deux planètes circulent en sens contraire ; les principes du no 40 sont applicables et nous permettent d’affirmer l’existence d’une solution périodique de la première sorte qui satisfera évidemment aux conditions suivantes : les quantités

sont des fonctions périodiques du temps ces fonctions dépendent en outre de et de la constante des forces vives elles sont développables suivant les puissances de la période dépend aussi de et de L’angle augmente de quand augmente d’une période. Enfin et sont divisibles par de sorte que pour on a

Avec notre mode de représentation, cette solution périodique que j’appelle est représentée par une courbe fermée comme est très petit quand est très petit, cette courbe s’écarte très peu de l’axe des je veux dire qu’elle s’en écarte peu de même qu’un cercle de rayon très grand s’écarte peu d’une droite. Tout point de la courbe est, ou très éloigné de l’origine ou très voisin de l’axe des

Cela posé, notre aire courbe aurait pour périmètre la courbe elle s’écarterait peu du demi-plan sauf dans le voisinage immédiat de la courbe Il serait facile d’ailleurs d’achever de la déterminer de telle manière que tout point de cette aire eût un conséquent sur cette aire elle-même. Il suffirait pour cela que si j’appelle une trajectoire quelconque, c’est-à-dire une des courbes définies dans notre mode de représentation par les équations différentielles, il suffirait, dis-je, que la surface ne fût tangente en aucun point à aucune des trajectoires

Mais il y a un autre moyen, qui au fond ne diffère pas du premier. La difficulté, pour peu qu’on y réfléchisse, rappellera celle du Chapitre XII ; nous sommes donc conduits à faire un changement de variables analogue à celui du no 145.

Posons d’abord

puis

est une fonction de Soit ensuite

(1)

et enfin

J’observe d’abord que la forme canonique des équations ne sera pas altérée quand des variables je passerai à puis à puis enfin à

Il me reste à choisir la fonction

Je sais que est dans le domaine envisagé une fonction holomorphe de Je veux qu’elle reste fonction holomorphe des nouvelles variables

Pour cela je veux que les variables anciennes soient fonctions holomorphes des variables nouvelles et de

À cet effet, il nous suffira de supposer que est fonction holomorphe de

et est divisible par

Je veux ensuite que pour notre solution périodique on ait

Soient donc

les équations de la solution périodique ; sont des fonctions de périodiques de période et développables suivant les puissances de

Alors sera aussi une fonction périodique de soit sa valeur moyenne ; on pourra trouver une autre fonction périodique telle que

Nous n’aurons plus alors qu’à supposer que, pour la fonction se réduise à

(2)

Cela suffira pour que les équations de la solution périodique se réduisent avec les nouvelles variables à

Il est évidemment possible de trouver une fonction qui soit développable suivant les puissances de et divisible par par et qui, en même temps, se réduise à l’expression (2) pour

Adoptons les variables nouvelles .

La fonction qui était holomorphe par rapport à sera de même holomorphe par rapport à D’autre part, comme une des solutions des équations différentielles est

on devra avoir pour les relations suivantes

(3)

Pour les petites valeurs de et est développable suivant les puissances de et En vertu des relations (3), pour les termes du premier degré de ce développement disparaissent et les termes de degré zéro se réduisent à une constante indépendante de

Cette constante ne peut d’ailleurs être autre chose que la constante des forces vives de sorte que les conditions peuvent être remplacées par les suivantes

Ainsi, pour les termes du premier degré en et disparaissent dans le développement

La difficulté provenait de ce que et contenaient des termes du premier degré en

et que, par conséquent, la dérivée contenant des termes en- devenait infinie pour

Ici cette difficulté n’existe plus ; nous n’avons plus de termes du premier degré en donc la dérivée reste finie, même pour et qui diffère très peu de conserve toujours le même signe. Donc, avec nos nouvelles variables qui, d’ailleurs, ne diffèrent des anciennes que de quantités très petites de l’ordre de nous aurons constamment

Faisons, avec nos variables nouvelles, une convention analogue à celle du numéro précédent et représentons la situation du système par le point de l’espace dont les coordonnées sont

Tout ce que nous avons dit subsistera ; seulement comme ne peut jamais s’annuler, tout point du demi-plan, sans exception, aura un conséquent.

Je dis maintenant que l’invariant intégral est toujours positif. Il ne pourrait y avoir de doute que pour le dénominateur qui, avec les mêmes variables, était et qui serait maintenant

ce qui, en regardant comme fonction des quatre variables,

peut s’écrire

Sous cette forme, on voit aisément que le dénominateur est holomorphe par rapport aux aux et à Or, pour se réduit à

et il est aisé de vérifier que le dénominateur est toujours positif. Il l’est donc encore pour les petites valeurs de

394.Dans ce qui va suivre, nous adopterons donc les variables définies au numéro précédent. Nous supprimerons d’ailleurs les accents devenus inutiles et nous écrirons et au lieu de et Nous avons alors l’invariant intégral (au sens du no 305),

ou

J’observerai d’abord que cet invariant intégral, toujours positif, reste fini quand on l’étend au demi-plan tout entier.

En effet, si est un infiniment petit du premier ordre, le numérateur est un infiniment petit du second ordre et il en est de même de Si est un infiniment grand du premier ordre, le numérateur reste fini, tandis que est très grand du quatrième ordre. Toutes les autres quantités restent finies.

J’appellerai la valeur de l’invariant étendue au demi-plan tout entier.

Ce qui caractérise les solutions périodiques et les courbes trajectoires qui les représentent, c’est que ces courbes coupent le demi-plan en des points dont les conséquents successifs sont en nombre fini ; reportons-nous, par exemple, au no 312 et, en particulier, à la fig. 7 de la page 194.

Sur cette figure, la trajectoire fermée qui représente une solution périodique coupe le demi-plan en cinq points qui sont les conséquents les uns des autres. J’appellerai, pour abréger, un pareil système système de points périodiques ou système périodique.

À chaque solution périodique instable, correspondent deux systèmes de solutions asymptotiques ; ces solutions sont représentées par des trajectoires (au sens du no 312) et l’ensemble de ces trajectoires forme ce que nous avons appelé des surfaces asymptotiques. L’intersection d’une surface asymptotique avec le demi-plan s’appellera une courbe asymptotique. Ainsi que nous l’avons vu sur la fig. 7, page 194, à chacun des points d’un système périodique instable aboutissent quatre branches de courbes asymptotiques ( ) qui sont deux à deux dans le prolongement l’une de l’autre.

Il y a une infinité de courbes asymptotiques, car il y a une infinité de solutions périodiques instables et, par conséquent, de systèmes de points périodiques instables, même en nous bornant aux solutions du premier genre, définies aux nos 42 et 44.

Nous distinguerons les courbes asymptotiques de première et de deuxième famille, suivant que l’exposant caractéristique correspondant sera positif ou négatif ; celles de la première famille sont caractérisées par la propriété suivante ; le ième antécédent d’un quelconque de leurs points est très voisin d’un point périodique si est très grand ; pour les courbes de la deuxième famille, ce serait le ième conséquent et non le ième antécédent qui serait très voisin d’un point périodique.

Sur la figure de la page 194 les courbes et sont de la première famille et les courbes et de la seconde.

Ces courbes asymptotiques peuvent être regardées comme des courbes invariantes au sens du Chapitre XXVII, à la condition de faire l’une des deux conventions suivantes ; revenons à la figure de la page 194, nous voyons la courbe qui a pour conséquentes successives Alors si nous convenons d’envisager les cinq courbes cet ensemble constituera évidemment une courbe invariante. Ou bien encore si nous convenons de n’envisager les conséquents que de 5 en 5, et d’appeler ième conséquent celui que nous appelions jusqu’ici le ième conséquent, il est clair que la courbe envisagée seule sera une courbe invariante.

Deux courbes de la même famille ne peuvent se couper. — En effet, ou bien ces deux courbes aboutiront à un même point périodique, au point par exemple ; ces deux courbes coïncideront (puisque par ne passe, comme courbe de la première famille, que avec son prolongement ), il s’agit alors de savoir si une courbe asymptotique peut avoir un point double ; la question a été résolue négativement (no 309, page 185).

Ou bien ces deux courbes aboutiront à deux points périodiques d’un même système périodique, par exemple, aux deux points et Si deux courbes qui seraient alors et avaient un point commun le ième antécédent de devrait être à la fois pour très grand très voisin de parce que appartiendrait à et très voisin de parce que appartiendrait à Cela est encore absurde.

Ou bien enfin les deux courbes aboutiraient à deux points appartenant à deux systèmes périodiques différents. Supposons par exemple que les deux courbes soient de la première famille et que soit leur point d’intersection.

Le ième antécédent de pour très grand, devrait être à la fois très voisin d’un des points du premier système périodique et d’un des points du second système ; cela est encore impossible.

Au contraire, il n’y a pas de raison pour que deux courbes asymptotiques de familles différentes ne se coupent pas.

Soient et deux solutions périodiques Instables ; et les trajectoires fermées correspondantes, et les systèmes périodiques correspondants.

Soient et deux surfaces asymptotiques passant respectivement par et et coupant le demi-plan suivant deux courbes asymptotiques et l’une de la première, l’autre de la deuxième famille.

Qu’arrivera-t-il si et ont un point commun Les deux surfaces et se couperont suivant une trajectoire qui correspondra à une solution remarquable La trajectoire appartiendra à deux surfaces asymptotiques ; de sorte que pour elle se rapprochera beaucoup de et que pour elle se rapprochera beaucoup de Pour très grand, le ième antécédent de sera très voisin d’un des points du système et son ième conséquent très voisin d’un des points du système

La solution est donc doublement asymptotique.

Toutes ces conséquences n’ont rien d’absurde.

Mais deux cas sont à distinguer. Ou bien les deux solutions et coïncident, de sorte que d’abord très rapprochée de s’en éloigne beaucoup et se rapproche ensuite de nouveau beaucoup de cette même trajectoire Je pourrai dire alors que la solution est homocline. Ou bien diffère de et de je dirai alors que est hétérocline.

L’existence des solutions homoclines sera bientôt démontrée ; celle des solutions hétéroclines reste douteuse au moins dans le cas du problème des trois corps.

Solutions homoclines.

395.À la fin du no 312, nous avons vu que « les arcs et se coupent. » Or, l’arc appartient à la courbe qui est une courbe asymptotique de la première famille et l’arc fait partie de la courbe qui est de la deuxième famille.

Le raisonnement est général et nous devons conclure que les deux surfaces asymptotiques qui passent par une même trajectoire fermée doivent toujours se couper en dehors de cette trajectoire. Les courbes asymptotiques de la première famille qui aboutissent aux points d’un système périodique coupent toujours les courbes de la deuxième famille qui aboutissent à ces mêmes points.

En d’autres termes, sur chaque surface asymptotique, il y a au moins une solution doublement asymptotique homocline ; nous verrons bientôt qu’il y en a une infinité ; mais nous allons voir tout de suite qu’il y en a au moins deux.

Revenons pour cela à la figure de la page 194. D’après le raisonnement des nos 308 et 312, l’invariant intégral étendu au quadrilatère doit être nul ; c’est pour cette raison que ce quadrilatère curviligne ne saurait être convexe et que les côtés opposés et doivent se couper. Soit l’un des points d’intersection de ces deux arcs. Remarquons que le point a été choisi arbitrairement sur la courbe asymptotique si l’on met le point au point lui-même, ce point se trouvera aussi sur la courbe et coïncidera avec le point Si les deux points et coïncident, il en sera de même de leurs cinquièmes conséquents et

Le quadrilatère se réduira donc à la figure formée par deux arcs de courbe ayant mêmes extrémités. Cette figure ne peut être convexe puisque l’invariant intégral étendu au quadrilatère doit être nul. Il faut donc que les deux arcs et aient d’autres points communs que leurs extrémités.

Il y aura donc au moins deux points d’intersection distincts (en ne regardant pas comme distincts un point et un quelconque de ses conséquents).

Il y aura donc toujours au moins deux solutions doublement asymptotiques.

Supposons donc que les points et coïncident et prolongeons les arcs et jusqu’à leur premier point de rencontre en Nous aurons ainsi déterminé une aire qui cette fois sera convexe (au point de vue de l’Analysis situs) et qui sera limitée par deux arcs faisant partie respectivement des deux arcs et et ayant mêmes extrémités, à savoir et

Soit cette aire et sa ième conséquente ; l’aire sera évidemment comme convexe et limitée par deux arcs de courbe, l’un de la première, l’autre de la deuxième famille.

L’intégrale aura même valeur pour et Soit cette valeur. Comme la valeur de l’invariant intégral pour le demi-plan entier est finie, on verrait, en raisonnant comme au no 291, que, si

l’aire aura une partie commune au moins avec des aires

et comme ne peut être pris aussi grand que l’on veut, je puis énoncer le résultat suivant :

Parmi les aires il y en a une infinité qui ont une partie commune avec

Comment peut-il arriver que ait une partie commune avec

L’aire ne peut être tout entière intérieure à puisque l’invariant intégral a même valeur pour les deux aires. Pour la même raison l’aire ne peut être tout entière intérieure à Les deux aires ne peuvent non plus coïncider ; si en effet une portion d’une courbe asymptotique (de la première famille par exemple) coïncidait avec sa ième conséquente, il en serait de même de sa ième antécédente quelque grand que soit or, si est grand, cette ième antécédente est très voisine des points périodiques et les principes du Chapitre VII suffisent pour montrer que cette coïncidence n’a pas lieu.

Il faut donc supposer que le périmètre de coupe celui de or, le périmètre de se compose d’un arc appartenant à la courbe de la première famille et d’un arc

appartenant à la courbe de la seconde famille.

De même, le périmètre de se composera de l’arc ième conséquent de qui appartiendra à la même courbe asymptotique que c’est-à-dire à une courbe de la première famille, et de l’arc ième conséquent de qui appartiendra à la même courbe asymptotique que c’est-à-dire à une courbe de la seconde famille.

Deux courbes de même famille ne pouvant se couper, il faut que coupe ou que coupe Mais si les deux arcs et se coupent, leurs ième antécédents et se couperont également. Il faut donc que coupe le ième conséquent ou le ième antécédent de

Mais l’arc tous ses antécédents et tous ses conséquents appartiennent à une même courbe invariante de la deuxième famille, représentée sur la figure de la page 194 par l’ensemble des courbes

L’arc est donc coupé une infinité de fois par cet ensemble de courbes.

Les deux surfaces et qui passent par la trajectoire fermée ont donc une infinité d’autres courbes d’intersection.

Il y a donc sur la surface une infinité de solutions doublement asymptotiques homoclines. C. Q. F. D.

396.Soit un arc quelconque de notre courbe asymptotique de la première famille, et supposons que cet arc coupe une courbe asymptotique de seconde famille aux deux points extrêmes et Je dis qu’entre ces deux points et il y aura toujours d’autres points d’intersection avec la courbe de la seconde famille.

Soit en effet l’arc de la courbe de la seconde famille qui joint les deux points et

Ou bien les deux arcs et ont d’autres points communs que leurs extrémités, et alors le théorème se trouve démontré.

Ou bien ces deux arcs n’ont pas d’autre point commun que leurs extrémités et alors les deux arcs limitent une aire analogue à celle que nous avons envisagée à la fin du numéro précédent ; les mêmes raisonnements lui sont applicables cl nous pouvons conclure que l’arc coupe une infinité de fois la courbe de la seconde famille.

Donc sur une courbe asymptotique de la première famille entre deux points d’intersection quelconques avec la courbe de la seconde famille, il y en a une infinité d’autres.

Sur une surface asymptotique quelconque, entre deux solutions doublement asymptotiques quelconques, il y en a une infinité d’autres.

Nous n’avons pas encore le droit de conclure que les solutions doublement asymptotiques sont überalldicht sur la surface asymptotique ; mais cela semble probable.

Les points d’intersection des deux courbes asymptotiques peuvent se répartir en deux catégories. En effet, on peut parcourir la courbe asymptotique dans deux sens opposés ; nous considérerons ce sens comme positif, si l’on va d’un point à son conséquent. Soient alors un point d’intersection des deux courbes, deux arcs de courbes asymptotiques se coupant en Supposons que soit de la première et de la seconde famille, et qu’en suivant les courbes dans le sens positif on aille de en et de en Suivant que la direction sera à droite ou à gauche de le point d’intersection sera de la première ou de la deuxième catégorie.

Cela posé, soit un arc de la première famille, coupé en et par un arc de la deuxième famille. À quelque catégorie qu’appartiennent et l’ensemble des deux arcs formera une courbe fermée. Si les deux arcs n’ont pas d’autre point commun que leurs extrémités, cette courbe fermée n’a pas de point double et limite une aire Si les deux arcs avaient d’autres points communs que leurs extrémités, et si par exemple les deux arcs se coupaient en on remplacerait les points et par les points et situés entre et et les arcs par les deux arcs et et l’on continuerait ainsi jusqu’à ce qu’on arrive à deux arcs n’ayant d’autre point commun que leurs extrémités.

Supposons donc que les deux arcs limitent une aire D’après ce que nous venons de voir, l’arc doit couper une infinité de fois la courbe asymptotique de la seconde famille, il faut donc que la courbe de la seconde famille pénètre une infinité de fois à l’intérieur de et elle doit en sortir une infinité de fois. Elle ne peut y pénétrer ou en sortir qu’en coupant car elle ne peut couper qui fait partie aussi de la courbe de la seconde famille. Or, il est clair que les points par où elle pénétrera dans l’aire et ceux par où elle en sortira ne seront pas de la même catégorie.

Donc entre deux points quelconques d’intersection des deux courbes, il y en a une infinité d’autres appartenant à la première catégorie et une infinité d’autres appartenant à la deuxième catégorie.

Désignons par les points de rencontre successifs de la courbe de La seconde famille et de l’arc comptés dans l’ordre où on les rencontre en suivant la courbe de la seconde famille dans le sens positif. Ils seront alternativement des deux catégories. Étudions l’ordre dans lequel on les rencontre en suivant l’arc

Cet ordre ne pourra être tout à fait quelconque et certaines successions se trouvent exclues, par exemple les suivantes :

ainsi que les mêmes successions renversées, et les successions analogues où et sont remplacés par et

397. Que l’on cherche à se représenter la figure formée par ces deux courbes et leurs intersections en nombre infini dont chacune correspond à une solution doublement asymptotique, ces intersections forment une sorte de treillis, de tissu, de réseau à mailles infiniment serrées ; chacune des deux courbes ne doit jamais se recouper elle-même, mais elle doit se replier sur elle-même d’une manière très complexe pour venir recouper une infinité de fois toutes les mailles du réseau.

On sera frappé de la complexité de cette figure, que je ne cherche même pas à tracer. Rien n’est plus propre à nous donner une idée de la complication du problème des trois corps et en général de tous les problèmes de Dynamique où il n’y a pas d’intégrale uniforme et où les séries de Bohlin sont divergentes.

Diverses hypothèses restent possibles.

1o On peut supposer que l’ensemble des points des deux courbes asymptotiques ou plutôt l’ensemble des points dans le voisinage desquels se trouvent une infinité de points appartenant à c’est-à-dire l’ensemble « dérivé de  », on peut supposer, dis-je, que l’ensemble occupe le demi-plan tout entier. Il faudrait alors conclure à l’instabilité du système solaire.

2o On peut supposer que l’ensemble a une aire finie et occupe une région finie du demi-plan, mais ne l’occupe pas tout entier ; soit qu’une partie de ce demi-plan reste en dehors des mailles de notre réseau, soit qu’à l’intérieur d’une de ces mailles reste une « lacune ». Soit par exemple une de ces mailles limitée par deux ou plusieurs arcs de courbes asymptotiques des deux familles. Construisons ses conséquents successifs et appliquons-lui le procédé du no 291. Formons comme à la page 143

L’aire si elle est finie représentera une des lacunes dont nous venons de parler. Il semble qu’on puisse lui appliquer le raisonnement du no 294 et conclure que cette aire doit coïncider avec un de ses conséquents. Mais cet ensemble pourrait se composer d’une région d’aire finie et d’un ensemble situé en dehors de cette région et dont l’aire totale serait nulle. Tout ce que nous pourrions conclure, d’après la page 150, c’est que (le ième conséquent de ) contient et que l’ensemble a pour aire zéro. De même les ensembles auront pour aire zéro (nous entendons par aire d’un ensemble la valeur de l’intégrale étendue à cet ensemble). Et d’autre part est une partie de Quand croit indéfiniment tend vers un ensemble qui comprend tous les points qui font partie à la fois de tous les ensembles L’aire de cet ensemble est finie et égale à celle de Enfin coïncide avec son ième conséquent.

3o On peut supposer enfin que l’ensemble ait pour aire zéro.

Il serait analogue alors à ces « ensembles parfaits qui ne sont condensés dans aucun intervalle ».

398. Nous pourrions représenter les divers points d’intersection des deux courbes de la façon suivante. Soit une variable qui varie de à quand on suit la courbe asymptotique de la première famille depuis le point jusqu’à l’infini, et qui augmente de l’unité quand on passe d’un point à son cinquième conséquent, de à par exemple (en nous supposant placés, pour fixer les idées, dans les conditions de la figure de la page 194). Soit une autre variable qui varie de à quand on suit la courbe de la seconde famille depuis le point jusqu’à l’infini et qui augmente de l’unité quand on passe d’un point à son cinquième conséquent.

Les différents points d’intersection des deux courbes sont caractérisés par un couple de valeurs de et de et chacun d’eux peut être représenté par le point du plan dont les coordonnées rectangulaires sont et

Nous aurons ainsi dans le plan une infinité de points représentatifs des solutions doublement asymptotiques ; de chacun de ces points on peut en déduire une infinité d’autres ; si en effet le point correspond à une intersection des deux courbes, il en sera de même des points

est entier positif ou négatif ; pour connaître tous les points représentatifs, il suffirait de connaître tous ceux qui sont compris dans la bande ou dans la bande

Une autre remarque c’est que l’ordre dans lequel se succéderont les projections de ces points représentatifs sur l’axe des n’aura aucun rapport avec l’ordre dans lequel se succéderont leurs projections sur l’axe des et voici la conséquence.

Considérons plusieurs solutions doublement asymptotiques ; pour négatif et très grand, elles seront toutes très voisines de la solution périodique et elles se présenteront dans un certain ordre, certaines d’entre elles étant plus voisines et d’autres moins voisines de la solution périodique.

Toutes ensuite s’éloigneront beaucoup de la solution périodique, puis, pour positif et très grand, elles en seront de nouveau toutes très voisines ; mais elles se présenteront alors dans un ordre entièrement différent. Si de deux solutions la première est plus voisine que la seconde de la solution périodique pour il pourra arriver que pour la première soit plus éloignée que la seconde de la solution périodique, mais il pourra arriver aussi que ce soit le contraire.

Cette remarque est encore de nature à nous faire comprendre toute la complication du problème des trois corps et combien les transcendantes qu’il faudrait imaginer pour le résoudre diffèrent de toutes celles que nous connaissons.

Solutions hétéroclines.

399. Existe-t-il des solutions hétéroclines ?

Ce que nous pouvons voir, c’est que s’il y en a une, il y en a une infinité.

Soit en effet un point appartenant à un système périodique ; soient et deux courbes asymptotiques aboutissant à ce point l’une de la première, l’autre de la seconde famille. Nous venons de voir comment ces courbes se coupent de façon à déterminer des solutions doublement asymptotiques homoclines.

Soit maintenant un point appartenant à un autre système périodique ; soient deux courbes asymptotiques, de la première, de la seconde famille.

Supposons que coupe en cette intersection correspondra à une solution doublement asymptotique hétérocline.

Mais si ces deux courbes se coupent en elles se couperont également en une infinité de points conséquents de

Je précise ; je suppose par exemple que le système périodique dont fait partie se compose de cinq points alors le cinquième conséquent d’un point quelconque de la courbe se trouvera encore sur cette courbe, et en général si est sur cette courbe, il en sera de même de son ième conséquent pourvu que soit multiple de cinq.

Supposons de même que le système périodique dont fait partie se compose de sept points ; alors, si est sur la courbe il en sera de même de son ième conséquent pourvu que soit multiple de 7.

Si donc les deux courbes ont une intersection en elles en auront encore une en pourvu que soit multiple de 35.

Soient donc un arc de et un arc de l’ensemble de ces deux arcs ayant mêmes extrémités formera une courbe fermée. Sur cette courbe fermée nous pourrons raisonner comme au no 396 ; nous verrons donc que, si les deux arcs n’ont d’autre point commun que leurs extrémités, cette courbe fermée n’a pas de point double et limite une aire analogue à l’aire des nos 395 et 396. Si les deux arcs ont d’autres points communs que leurs extrémités, on peut trouver deux autres arcs faisant partie des deux arcs n’ayant d’autres points communs que leurs extrémités et limitant une aire analogue à

Sur cette aire on raisonnera comme aux nos 395 et 396 et l’on verra que sur chacune des deux courbes, entre deux points quelconques d’intersection avec l’autre courbe, on peut en trouver une infinité d’autres.

Ce raisonnement montre que, s’il y a une solution hétérocline, il y en a une infinité.

400. S’il y a une solution hétérocline, le réseau dont nous avons parlé au no 397 devient encore plus compliqué ; au lieu d’une seule courbe se repliant sur elle-même sans jamais se recouper elle-même et de façon à couper une infinité de fois l’autre courbe nous aurons deux courbes qui sans jamais se recouper mutuellement doivent couper une infinité de fois

Nous avons défini au no 397 l’ensemble relatif au point et aux courbes asymptotiques nous pourrions définir un ensemble analogue par rapport au point et aux deux courbes asymptotiques

S’il n’y a pas de solution hétérocline ces deux ensembles doivent être extérieurs l’un à l’autre ; ils ne peuvent donc remplir le demi-plan.

Si au contraire il existe une solution hétérocline, ces deux ensembles coïncideront. On voit que l’existence d’une pareille solution, si elle venait à être établie, serait un argument contre la stabilité.

Au Chapitre XIII nous avons étudié les séries de MM. Newcomb et Lindstedt, nous avons démontré au no 149 que ces séries ne peuvent converger pour toutes les valeurs des constantes qui y entrent. Mais une question restait douteuse ; ces séries ne pourraient-elles converger pour certaines valeurs de ces constantes et, par exemple, ne pouvait-il arriver que la convergence eût lieu quand le rapport est la racine d’un nombre commensurable non carré parfait ? (Cf. t. II, p. 104, in fine.)

Mais s’il existe une solution hétérocline, la réponse à cette question devra être négative. Supposons, en effet, que pour certaines valeurs du rapport les séries de Newcomb et Lindstedt convergent et revenons à notre mode de représentation. Les solutions des équations différentielles qui correspondraient à cette valeur de seraient représentées par certaines courbes trajectoires. L’ensemble de ces courbes formerait une surface, admettant les mêmes connexions que le tore, et cette surface couperait notre demi-plan suivant une certaine courbe fermée

L’ensemble dont nous venons de parler devrait être tout entier extérieur à cette courbe, on tout entier intérieur.

Soient alors et deux points appartenant à deux systèmes différents. Si est intérieur à la courbe et extérieur à cette courbe, l’ensemble relatif à devrait lui être tout entier intérieur, tandis que l’ensemble relatif à lui serait tout entier extérieur.

Ces deux ensembles ne pourraient donc avoir aucun point commun et il ne pourrait exister de solution doublement asymptotique hétérocline allant de à

Or, si l’on admettait l’hypothèse du Tome II, page 104, que je viens de rappeler, c’est-à-dire si la convergence avait lieu pour une infinité de valeurs du rapport par exemple, pour celles dont le carré est commensurable, il existerait une infinité de courbes qui sépareraient les uns des autres les points appartenant à des systèmes périodiques différents. Cette hypothèse est donc incompatible avec l’existence des solutions hétéroclines au moins si les deux points et que l’on considère, ou plutôt les solutions périodiques correspondantes, correspondent à deux valeurs différentes du nombre

Comparaison avec le no 225.

401. Avant d’essayer de former des exemples de solutions' hétéroclines, nous allons revenir sur l’exemple du no 225, où l’existence des solutions doublement asymptotiques homoclines peut être mise en évidence.

Nous avions posé

étant les deux paires de variables conjuguées.

Nous avons formé ensuite la fonction de Jacobi et nous l’avons développée suivant les puissances de

Arrêtons-nous au second terme en négligeant et écrivons

Nous avons trouvé ensuite

ou, en attribuant aux constantes et la valeur zéro

puis nous avons trouvé

est une fonction de définie par l’équation

Nous avons posé

et supposant

nous avons trouvé (p. 464 et 465, t. II) deux valeurs de correspondant aux deux courbes asymptotiques des deux familles. L’une de ces valeurs est

et l’autre

Les équations des deux surfaces asymptotiques seront alors

et

Pour trouver les solutions doublement asymptotiques, il faut chercher l’intersection de ces deux surfaces asymptotiques ; il nous suffira donc d’égaler les deux valeurs de et les deux valeurs de

Soit

Nous trouverons

ou, en posant

étant entier.

Telle est l’équation des solutions doublement asymptotiques.

Cette équation nous donne en réalité deux solutions distinctes, l’une correspondant aux valeurs paires, l’autre aux valeurs impaires de

402. On peut s’étonner de ne trouver ainsi que deux solutions doublement asymptotiques, tandis que nous savons qu’il y en a une infinité.

Les approximations suivantes ne nous donneraient non plus qu’un nombre fini de solutions doublement asymptotiques. Quelle est l’explication de ce paradoxe ?

Nous avons vu dans les numéros précédents que les diverses solutions doublement asymptotiques en nombre infini correspondent aux diverses intersections d’un certain arc avec les divers conséquents d’un autre arc

Supposons que le premier de ces conséquents qui rencontre soit le conséquent d’ordre Le nombre dépendra évidemment de la constante et il sera d’autant plus grand que cette constante sera plus petite. Il deviendra infini quand sera nul.

Or, en développant suivant les puissances de et nous arrêtant à un terme quelconque du développement, c’est comme si nous considérions comme infiniment petit.

L’arc ne rencontre plus alors que les conséquents d’ordre infiniment grand de l’autre arc et c’est ce qui fait que la plupart des solutions doublement asymptotiques échappent à notre analyse.

Exemples de solutions hétéroclines.

403. Cherchons à généraliser et posons

est une fonction de et et une fonction de et ces deux fonctions étant d’ailleurs périodiques tant en qu’en

Considérons les courbes

(1)

où nous regarderons comme un paramètre, et comme les coordonnées d’un point.

Parmi ces courbes, celles qui doivent attirer notre attention, ce sont celles qui présentent des points doubles. Ces points doubles en effet correspondent aux solutions périodiques des équations canoniques quand on suppose que est nul et que se réduit à

Nous avons une double infinité de courbes (1) dont l’équation générale est

et qui dépendent de deux paramètres et

Je viens de dire que les plus intéressantes sont celles qui ont un point double ; surtout dans le cas où quelques-unes de ces courbes ont deux ou plusieurs points doubles. C’est alors en effet que nous rencontrerons les solutions hétéroclines.

Cherchons comme au no 225 à former la fonction de Jacobi et posons

La fonction se forme immédiatement ; nous aurons

étant une fonction de définie par l’équation (1) et dépendant des deux paramètres et

On trouve ensuite

(2)

Dans et on regarde comme une constante et l’on remplace par sa valeur tirée de l’équation (1). L’équation (2) est donc une équation linéaire par rapport aux dérivées de dont les coefficients sont des fonctions données de et de dépendant en outre des paramètres et

Comme est périodique en je poserai

de même que les dérivées de ne dépendent que de

Je pose de même

et la fonction sera donnée par l’équation

(3)

dont les coefficients sont des fonctions données de

Cette équation peut évidemment s’intégrer par quadratures.

Cherchons à déterminer de cette manière nos surfaces asymptotiques. Nous devrons d’abord choisir les constantes et de telle sorte que la courbe (1) ait un point double ; je supposerai de plus que ces constantes soient telles qu’à chaque valeur de correspondent deux valeurs réelles de (c’est ce qui arrive dans l’exemple du no 225).

Ces deux valeurs de sont des fonctions périodiques de qui deviennent égales entre elles au point double, soit par exemple pour

Nous pouvons également, comme nous l’avons fait au no 225, considérer ces deux valeurs de comme la continuation analytique l’une de l’autre.

La fonction nous apparaît alors comme uniforme en et périodique de période à la façon de

Cette fonction uniforme prendra la même valeur pour et

Si au lieu d’un point double, on en avait plusieurs, nous pourrions encore regarder comme une fonction uniforme de de période si le nombre des points doubles était impair. Si au contraire ce nombre était pair, nous aurions pour deux valeurs qui ne s’échangeraient pas entre elles quand augmenterait de et qu’on pourrait par conséquent regarder comme deux fonctions uniformes distinctes de ayant pour période

Nous supposerons pour fixer les idées que nous avons deux points doubles correspondant aux valeurs et de

Il résulte de là que, pour et pour l’équation (1) doit avoir une racine double puisque les deux valeurs de se confondent et par conséquent que doit s’annuler.

L’équation (3) est une équation linéaire à second membre dont l’intégration se ramène à celle de l’équation sans second membre et par conséquent à celle de l’équation

(4)

d’où

La fonction ainsi définie est une fonction holomorphe de pour toutes les valeurs réelles de cette variable sauf pour les valeurs qui correspondent aux points doubles. Pour ces valeurs la fonction qui joue un rôle analogue à celui de au no 226, devient nulle ou infinie.

On trouve ensuite

étant une constante d’intégration, d’où

Pour trouver les équations des surfaces asymptotiques, nous écrirons

en attribuant aux constantes d’intégration des valeurs convenables.

Négligeons d’abord  ; nous prendrons donc et nous donnerons aux constantes et les valeurs qui correspondent à la courbe qui a deux points doubles.

Avec cette approximation, les équations différentielles admettent comme solutions périodiques

(5)
(6)

sont les coordonnées des deux points doubles.

Nous pouvons, pour représenter nos surfaces asymptotiques, prendre le point de l’espace à quatre dimensions dont les coordonnées sont

et étant deux constantes positives assez grandes pour que l’on n’ait à envisager que des valeurs positives de et

Les équations (5) et (6) représentent alors deux courbes fermées de cet espace à quatre dimensions, correspondant aux deux solutions périodiques.

Par chacune de ces courbes passent deux surfaces asymptotiques, une de la première, l’autre de la seconde famille.

Mais au degré d’approximation adopté, c’est-à-dire en négligeant ces quatre surfaces asymptotiques se confondent deux à deux.

Les équations des surfaces asymptotiques seront en effet

L’équation admet comme nous l’avons vu deux racines qui se confondent pour et pour qui ne s’échangent pas quand augmente de et qui sont périodiques en de période Soient et ces deux racines ; les équations de nos surfaces asymptotiques deviennent ainsi

(7)

Mais pour bien préciser la signification de ces équations, distinguons les diverses nappes de nos surfaces. Nous avons quatre surfaces asymptotiques ; chacune d’elles passe par une des courbes (5) ou (6) et est partagée par cette courbe en deux nappes, que je désignerai par les notations suivantes :

La surface de la première famille passant par la courbe (5) sera partagée en deux nappes et

La surface de la seconde famille passant par la courbe (5) sera partagée en deux nappes et

La surface de la première famille passant par la courbe (6) sera partagée en deux nappes et

La surface de la seconde famille passant par la courbe (6) sera partagée en deux nappes et

Alors, au degré d’approximation adopté, ces nappes auront pour équation

On voit qu’à ce degré d’approximation, les deux surfaces et se confondent, de même que les deux surfaces et

Passons donc à l’approximation suivante et prenons

Pour achever de définir il faut choisir les constantes

Pour les nappes et nous devons choisir ces constantes de telle sorte que les fonctions se comportent régulièrement pour il suffit de se reporter à l’analyse de la page 466, tome II, pour comprendre que cette condition suffit pour déterminer complètement ces constantes. J’appellerai la fonction ainsi déterminée.

Pour les nappes et nous choisirons les de telle sorte que les soient régulières pour et nous appellerons la fonction ainsi déterminée.

Pour les nappes et nous choisirons les de telle sorte que les soient régulières pour pour les nappes et les devront être régulières pour Nous désignerons par et les deux fonctions ainsi déterminées.

Les équations de nos quatre surfaces deviennent ainsi

(8)

Mais il importe d’observer que la fonction par exemple, qui se comporte régulièrement pour se comporte d’une façon irrégulière pour il en résulte que nos équations cessent d’être valables, même comme première approximation, dès qu’on dépasse la valeur

Pour le faire mieux comprendre, je me bornerai à la remarque suivante.

Soient et deux valeurs de telles que

Soit le point de notre courbe asymptotique qui correspond à la valeur soit son ième conséquent ; et je suppose que l’on prenne assez grand pour que la valeur correspondante de soit plus grande que

La valeur qu’il faut attribuer à dépend évidemment de et elle croît indéfiniment quand tend vers zéro.

Voici en général les valeurs de pour lesquelles nos équations peuvent servir de première approximation :

Si les surfaces et par exemple se coupent, l’intersection correspondra à une solution doublement asymptotique hétérocline qui pour sera très voisine de la solution périodique (5) et pour très voisine de la solution périodique (6).

Pour rechercher cette intersection, rapprochons les équations de et

l’intersection nous sera évidemment donnée par

(9)

est une fonction de et de développable suivant les puissances entières positives et négatives de

Ce qui nous importe c’est que c’est une fonction périodique de elle admet donc au moins un maximum et un minimum ; l’équation (9) admet donc au moins deux solutions, ce qui revient à dire qu’il y a au moins deux solutions hétéroclines.

On démontrerait de même qu’il y a deux solutions correspondant aux intersections des surfaces et deux correspondant aux surfaces et et deux aux surfaces et

L’analyse précédente ne donne pas les solutions homoclines.

404. Prenons par exemple

Les solutions périodiques (5) et (6) vers lesquelles tendent les solutions hétéroclines pour et sont alors

On remarquera que, pour se réduit à Donc, pour la fonction dépend seulement des variables de la première série et et ne dépend pas des variables de la deuxième série et La fonction est donc bien de la forme envisagée aux nos 13, 125, etc.

Nous ne nous contenterons pas toutefois de cet exemple qui prouve que les équations canoniques de la forme envisagée au no 13 peuvent admettre des solutions hétéroclines.

En effet, les deux solutions (5) et (6) correspondent toutes deux à la même valeur des quantités et à savoir

Or, ces quantités ne sont autre chose que les nombres appelés plus haut et

Donc, nous voyons bien qu’il existe des solutions doublement asymptotiques qui pour et pour se rapprochent indéfiniment de deux solutions périodiques différentes ; mais ces deux solutions périodiques correspondent aux mêmes valeurs des nombres et

Je vais donc former un autre exemple où nous verrons des équations de même forme jusqu’au no 13, et qui possèdent des solutions doublement asymptotiques se rapprochant indéfiniment de deux solutions périodiques qui non seulement sont différentes, mais correspondent à des valeurs différentes du rapport

Malheureusement, je pourrai montrer que ces solutions existent pour les valeurs de voisines de 1, mais je ne suis pas encore en mesure d’établir qu’elles existent également pour les petites valeurs de

405. Nous prendrons les deux paires de variables conjuguées

ou bien encore

en posant

Ce changement de variables n’altère pas la forme canonique des équations. Nous prendrons

Nous supposerons que est une fonction holomorphe de et de indépendante de et de que pour on ait

et que pour

je suppose la quantité

Il résulte de ces hypothèses, que si l’on fait d’où nos équations admettront deux solutions périodiques remarquables.

La première que j’appellerai s’écrira

La seconde que j’appellerai s’écrira

La première correspond à la seconde à ces deux solutions périodiques ne correspondent donc pas à une même valeur du rapport

Pour définir je pose

en attribuant à la variable une valeur essentiellement positive.

Je suppose ensuite que ( étant une quantité positive très petite) on ait pour

(1)

est une fonction de régulière pour toutes les valeurs réelles de périodique de période et enfin s’annulant avec sa dérivée pour et pour

Comme la fonction (1) serait infinie pour c’est-à-dire pour je supposerai que, pour la fonction prend des valeurs quelconques, de façon toutefois qu’elle reste finie et continue ainsi que ses dérivées des deux premiers ordres.

Il est aisé de vérifier que pour c’est-à-dire pour nos équations admettent encore les deux solutions périodiques et pour la première de ces solutions on a pour la seconde

On en conclut immédiatement que pour toutes les valeurs de nos équations admettront ces deux solutions périodiques.

406. Nous allons maintenant intégrer nos équations dans le cas de au moins en supposant que reste constamment

Si l’on supposait d’abord on retomberait sur le problème des forces centrales et l’intégration serait immédiate. Elle ne l’est guère moins dans le cas général.

La méthode de Jacobi conduit, en effet, à l’équation aux dérivées partielles

étant une constante. Posons

étant une seconde constante, et il viendra

La solution générale de nos équations est donc

(2)
(3)

et étant deux nouvelles constantes.

Nous trouverons nos deux solutions périodiques et en donnant aux constantes les valeurs particulières

Supposons que nous voulions nous servir de l’équation (2) pour définir en fonction de si nous donnons aux constantes et des valeurs voisines de zéro et sera alors une fonction périodique de Nous poserons

le nombre étant choisi de telle sorte que soit fonction périodique de de période Ce nombre qui est une espèce de moyen mouvement, dépendra naturellement des constantes et

De même sera une fonction périodique de

Pour on a simplement

407. Nous avons donc deux solutions périodiques et qui seront représentées par deux courbes fermées, si l’on convient de regarder les et les comme les coordonnées d’un point dans l’espace à quatre dimensions. Par chacune de ces courbes passent deux surfaces asymptotiques, l’une de la première, l’autre de la deuxième famille ; nous allons voir que les quatre surfaces se confondent deux à deux, ainsi qu’il arrivait au no 403 (équation 7) quand on négligeait

Pour trouver, en effet, les équations de ces surfaces, il suffit de donner à et à les valeurs et il vient ainsi

Telles sont les équations des surfaces asymptotiques pour on voit qu’on trouve seulement deux de ces surfaces, correspondant au double signe du second radical.

Nous supposerons que la fonction qui s’annule pour et est positive pour toutes les autres valeurs de

Nous allons maintenant chercher à former les équations des surfaces asymptotiques pour les valeurs de voisines de 1.

On a

et sont des fonctions holomorphes des et des et, par conséquent, de et

Les équations de nos surfaces s’écriront

étant une fonction de et de satisfaisant à l’équation aux dérivées partielles

où l’on a remplacé et par et

Développons suivant les puissances de

nous aurons, en première approximation, pour les équations de nos surfaces asymptotiques

Nous avons déjà trouvé

Il reste à déterminer pour cela nous avons l’équation

Dans le second membre et doivent être remplacés par et par Ce second membre est donc une fonction connue de et de

L’équation devient

Posons

On voit que et sont des fonctions périodiques de et nous pouvons regarder comme fonction de et

Notre équation devient alors

Le second membre est une fonction connue de et de périodique par rapport à

Cette équation est ainsi tout à fait de même forme que l’équation (2) du no 403, jouant le rôle de et celui de

Elle se traitera de la même manière ; on déterminera par les procédés du no 403 les quatre fonctions correspondant aux quatre surfaces asymptotiques.

On reconnaîtra comme au no 403 que ces surfaces asymptotiques se coupent et par conséquent qu’il existe des solutions hétéroclines.

Mais cela n’est établi que pour les valeurs de voisines de 1 ; je ne sais pas si cela est encore vrai pour les petites valeurs de

Le résultat est donc bien incomplet ; j’espère cependant qu’on me pardonnera la longueur de cette digression, car la question que j’ai posée, plutôt que résolue, paraît se rattacher directement à la question de la stabilité, comme je l’ai montré au no 400.

FIN DU TOME TROISIÈME ET DERNIER.