Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste/Chap.09

Gauthier-Villars et Fils (2p. 15-37).

CHAPITRE IX.

MÉTHODES DE MM. NEWCOMB ET LINDSTEDT.


Historique.

123.M. Lindstedt a proposé, dans les Mémoires de l’Académie de Saint-Pétersbourg, 1882, un procédé d’intégration par approximations successives de l’équation suivante

(1)

est une fonction développée suivant les puissances croissantes de et dont les coefficients sont des fonctions périodiques du temps

Il a même fait voir que la même méthode est applicable aux équations suivantes

qui sont plus générales que l’équation (1) et qui se réduisent à un cas particulier des équations de la Dynamique, quand on a

L’équation (1) a une importance extrême en Mécanique céleste ; car M. Gyldén s’y est trouvé conduit plusieurs fois dans le cours de ses belles recherches.

M. Lindstedt ne démontrait pas la convergence des développements qu’il avait ainsi formés, et, en effet, ils sont divergents ; mais nous avons vu dans le Chapitre précédent comment ils peuvent néanmoins être intéressants et utiles.

Mais il y a une autre difficulté plus grave ; on constate aisément que la méthode est applicable dans les premières approximations, mais on peut se demander si l’on ne sera pas arrêté dans les approximations suivantes ; M. Lindstedt n’avait pu l’établir rigoureusement et conservait même à ce sujet quelques doutes. Ces doutes n’étaient pas fondés et sa belle méthode est toujours légitime ; je l’ai démontré d’abord par l’emploi des invariants intégraux dans le Bulletin astronomique, t. iii, p. 57, puis, sans me servir de ces invariants, dans les Comptes rendus, t. cviii, p. 21. C’est la seconde de ces démonstrations que je reproduirai dans le présent Chapitre. J’ai été ainsi conduit à un mode d’exposition de la méthode de M. Lindstedt qui s’étend immédiatement au cas le plus général des équations de la Dynamique.

Plusieurs cas particuliers y échappaient encore toutefois et entre autres le cas général du Problème des trois Corps.

Ce cas avait toutefois, en raison de son importance, attiré l’attention de M. Lindstedt. Ce savant astronome avait dans les Comptes rendus, t. XCVII, p. 1276 et 1353, montré comment sa méthode y pouvait être appliquée.

Malheureusement les mêmes difficultés que j’ai signalées plus haut subsistaient encore et non seulement les développements divergent, ce dont nous n’avons pas à nous inquiéter pour les raisons exposées dans le Chapitre précédent, mais on pouvait même douter de leur possibilité et, par conséquent, de la légitimité de la méthode elle-même. Je crois être arrivé à lever ces doutes et c’est à quoi je consacrerai le Chapitre XI.

Aussi, pour expliquer la manière d’appliquer la méthode de M. Lindstedt au Problème des trois Corps, j’adopterai un mode d’exposition qui ne sera, ni celui du savant inventeur, ni celui qui conviendrait au calcul des divers termes du développement, mais celui qui se prête le mieux à la démonstration de la légitimité de la méthode.

M. Lindstedt avait été devancé dans la voie où il a travaillé par M. Newcomb (Smithsonian contributions to Knowledge, décembre 1874), qui avait donné le premier des séries représentant le mouvement des planètes et ne contenant que des sinus et des cosinus. Sa méthode, sur laquelle je reviendrai plus loin, est fondée sur la variation des constantes arbitraires.

124.Bien que parmi les méthodes récemment introduites dans la Mécanique céleste, celles de M. Lindstedt ne soient pas les premières en date, je crois néanmoins que c’est par elles qu’il convient de commencer l’exposition de ces nouveaux procédés d’approximations successives. Je ne pourrais pas, en effet, en séparer l’exposition de celles de M. Newcomb qui sont les premières dans l’ordre chronologique et, d’ailleurs, les méthodes de M. Lindstedt sont en effet les moins compliquées de toutes et celles qui s’adaptent le mieux aux cas les plus simples. Elles ne se trouvent en défaut que quand on est en présence de très petits diviseurs, et il faut alors leur préférer les méthodes plus perfectionnées de M. Gyldén. Ma façon d’exposer la théorie de M. Lindstedt différera beaucoup de celle de cet astronome et je l’appliquerai d’ailleurs à des cas plus nombreux, mais les séries que j’obtiendrai seront identiques aux siennes, ainsi que je le montrerai plus loin.

Je compléterai d’ailleurs ses résultats sur un grand nombre de points et je chercherai à les étendre à des problèmes aussi nombreux que possible.

Exposé de la méthode.

125.Reprenons les équations du no 13

(1)

Le problème consiste à satisfaire formellement aux équations (1) par des séries de la forme suivante

(2)

les quantités et étant elles-mêmes de la forme suivante

et étant des coefficients indépendants de et du temps mais qui peuvent être fonctions d’un certain nombre de constantes d’intégration ; les sont des coefficients dépendant de et développés suivant les puissances de ce paramètre.

Quand je dis que les séries (2) satisfont formellement aux équations (1), voici ce que j’entends :

Substituons dans ces équations (1) les séries (2) arrêtées au er terme, c’est-à-dire faisons

je dirai que les séries (2) satisfont formellement aux équations (1), si, après cette substitution, la différence des deux membres de ces équations devient divisible par

Pour déterminer les séries (2), nous nous servirons d’un procédé entièrement différent de celui dont M. Lindstedt a fait usage.

Cherchons donc à former une série de la forme suivante

(3)

dont les coefficients soient eux-mêmes des séries de la forme suivante

les étant des coefficients constants et étant une fonction de périodique, de période par rapport à ces variables.

Nous chercherons à déterminer la série (3) de façon à satisfaire formellement à l’équation aux dérivées partielles

(4)

La constante du second membre (qui n’est autre chose que la constante des forces vives) pouvant dépendre de nous la poserons égale à

Faisons dans l’équation (4) il viendra si l’on se rappelle que ne dépend pas des

(5)

On peut satisfaire à cette équation en faisant

les étant des constantes qui peuvent être choisies arbitrairement puisque la constante est elle-même arbitraire.

Nous poserons, comme dans les Chapitres qui précèdent,

En égalant ensuite les coefficients des puissances semblables de dans les deux membres de l’équation (4), on obtient une série d’équations qui permettent de déterminer par récurrence ,

Voici quelle est la forme de ces équations

(6)

est un polynôme entier par rapport aux quantités

et les coefficients de ce polynôme sont des fonctions de et de périodiques, de période par rapport aux

Je dis qu’on pourra tirer la fonction de cette équation (6) et de telle sorte que soient périodiques, de période par rapport aux

Supposons, en effet, que cela soit vrai pour les dérivées de par rapport aux

Alors sera une fonction périodique de et je pourrai écrire

les nombres étant des entiers pendant que les les et les sont des coefficients constants indépendants des

On peut faire alors

Les sont des constantes qui peuvent être choisies arbitrairement puisqu’elles sont assujetties seulement à la condition

et que la constante est arbitraire.

Cette méthode ne serait en défaut que s’il existait des entiers tels que

Nous supposerons qu’il n’en est pas ainsi.

Il est à remarquer que les fonctions ainsi définies contiennent des constantes arbitraires ; elles dépendent d’abord de

puis de
puis de
puis de

Nous ne voulons conserver que constantes arbitraires ; nous continuerons donc à considérer les comme arbitraires, en choisissant d’une manière quelconque, mais définitive, les Nous pourrions convenir, par exemple, de choisir les de façon que

mais je préfère prendre tous les nuls ; les constantes ne sont pas nulles alors ; en général, elles dépendent, ainsi que de

Cela posé, soit

Posons
(7)

Si nous changeons de variables, en prenant pour variables nouvelles les et les au lieu des et des [les nouvelles variables étant liées aux anciennes par les relations (7)], le théorème du no 4 nous apprend que les équations resteront canoniques et que nous aurons

Voyons maintenant quelle sera la forme de quand elle sera exprimée en fonction des nouvelles variables et Par hypothèse, la série satisfait formellement à l’équation (4) ; cela revient à dire que nous aurons

étant une fonction des des et de susceptible d’être développée suivant les puissances de Quant aux quantités nous avons vu que ce sont des fonctions des

Nous poserons

Alors, pour se réduit à

Il vient alors

si l’on néglige les quantités de l’ordre de on tirera de ces équations

On peut exprimer ce résultat en disant que le théorème de Jacobi du no 3 est applicable au calcul formel, en employant le langage du Chapitre VIII.

Posons

Nous avons là une série ordonnée suivant les puissances de qui peut être divergente ; mais peu nous importe, puisque nous nous plaçons au point de vue du Chapitre précédent, c’est-à-dire au point de vue formel.

Posons ensuite

les étant regardées comme des constantes d’intégration. Envisageons ensuite les équations

(8)

De ces équations (8), on peut tirer les et les sous la forme de séries ordonnées suivant les puissances de et dont les coefficients sont des fonctions des et des Ces séries peuvent d’ailleurs être convergentes ou divergentes, peu importe.

Si dans ces séries on remplace les par et si l’on regarde les comme des constantes, elles satisferont formellement aux équations (1).

Soient

(2)

ces séries ; voyons quelle est la forme des et des Pour se réduit à

et il vient par conséquent

Ainsi le premier terme du développement de est une constante et le premier terme du développement de (c’est-à-dire ) se réduit à

Si, au lieu de tirer les et les des équations (8), nous les avions tirées des équations (7), les premiers termes auraient été les mêmes, puisque la différence est de l’ordre de

Pour déterminer les quantités

envisageons donc les équations (7) que nous écrirons sous la forme suivante

(7 bis)

Nous pouvons tirer des équations (7 bis) les et les en séries ordonnées suivant les puissances de et convergentes si est assez petit ; il nous suffit pour cela d’appliquer le théorème du no 30, puisque représente une fonction complètement définie et n’est pas une simple expression formelle.

Nous avons supposé que les quantités sont nulles ; il en résultera que les et par conséquent sont des fonctions périodiques de période par rapport aux

Si donc dans les équations (7 bis) on change en et en ( étant des entiers), ces équations ne changeront pas. Donc les valeurs de et de tirées de ces équations sont périodiques, de période par rapport aux

Donc dans les séries (2) les quantités et sont des fonctions périodiques de période par rapport aux

Diverses formes des séries.

126.L’existence des séries (8) étant ainsi démontrée, on peut se proposer de les former sans passer par l’intermédiaire de l’expression auxiliaire

Mais je veux auparavant montrer qu’il est possible de satisfaire formellement aux équations (1) du numéro précédent par une infinité d’autres séries de même forme que les séries (2).

1o La fonction du numéro précédent est déterminée par l’équation (4) à une constante près seulement, ou plutôt, puisque les quantités sont regardées comme des constantes, à une fonction arbitraire près de et

Si donc une fonction satisfait à l’équation (4), il en sera de même de la fonction

étant une fonction de et développable suivant les puissances croissantes de

Remplaçons alors les équations (8) par les suivantes

(8 bis)

Nous pourrons supposer que est divisible par on pourra alors tirer des équations (8 bis) les et les sous la forme de séries (2 bis) de même forme que les séries (2).

On aura

(2 bis)

les et les étant comme les et les des fonctions périodiques des

La comparaison des équations (8 bis) et des équations (8) montre qu’on obtiendra les séries (2 bis) en partant des séries (2) et en y changeant en

2o Plus généralement, soient

fonctions de et de développables suivant les puissances de

Si, dans les séries (2), l’on change en

ces séries conserveront la même forme ; nous avons en effet

(2)

les et les étant développables suivant les puissances de et périodiques par rapport aux

Quand on changera en il viendra

(2 ter)

Il est manifeste que et sont encore développables suivant les puissances de et périodiques par rapport aux

De plus les séries (2 ter) satisfont formellement aux équations (1). En effet, les séries (2) satisfont à ces équations quand on y fait

quelles que soient les valeurs attribuées aux constantes d’intégration

Or les sont des fonctions des qui sont des constantes : ce sont donc des constantes. Donc changer en revient à remplacer les constantes d’intégration par des constantes différentes ce qui, d’après la remarque que nous venons de faire, n’empêchera pas nos séries de satisfaire encore aux équations différentielles (1).

Ainsi les séries (2 ter) satisfont formellement aux équations (1).

Seulement elles ne peuvent pas être tirées d’équations analogues aux équations (8) et (8 bis), à moins que

ne soit la différentielle exacte d’une fonction de qui n’est autre alors que la fonction que nous avons considérée un peu plus haut.

3o Dans les séries (2) changeons

en

étant des fonctions de et développables suivant les puissances de

Si les sont regardées comme des constantes, les seront également des constantes.

Si l’on altère de la sorte la valeur des constantes d’intégration, les séries (2) conserveront la même forme et elles ne cesseront pas de satisfaire formellement aux équations (1).

En résumé, écrivons les séries (2) sous la forme suivante

(2)

en mettant ainsi en évidence que et dépendent non seulement des et de mais des

Soient ensuite

fonctions des et de développables suivant les puissances de

Formons les séries

(2 quater)

ces séries satisferont formellement aux équations (1) quelles que soient les fonctions et

De plus les fonctions

et

étant périodiques par rapport aux il en sera de même des fonctions

Une deuxième remarque :

Posons

Les fonctions et sont des fonctions périodiques des je vais considérer les valeurs moyennes de ces fonctions périodiques et je les appellerai respectivement

Cela posé, voici ce que je me propose de démontrer :

Soient et fonctions tout à fait arbitraires de et assujetties seulement à être développables suivant les puissances de

Je dis qu’on pourra toujours, quelles que soient ces fonctions et choisir les fonctions et de telle façon que

En effet, il suffit pour cela de définir les et les par les équations suivantes

Or on peut toujours tirer de ces équations les et les sous la forme de séries ordonnées suivant les puissances de et dont les coefficients sont des fonctions de

Si nous écrivons les séries (2 quater) sous la forme suivante

les et les sont des fonctions périodiques des D’après la remarque qui précède, on peut toujours s’arranger de telle façon que les valeurs moyennes de ces fonctions périodiques et soient telles fonctions que l’on veut de

Calcul direct des séries.

127.Passons maintenant au calcul direct des séries (2 quater). Pour cela, supposons que dans par exemple, qui est une fonction des des et de on remplace ces variables par leurs développements

ce deviendra alors une fonction des des des des et de Cette fonction sera périodique par rapport aux elle sera développable suivant les puissances de des et des (si ) ; elle dépendra des d’une manière quelconque.

Écrivons alors

(9)

les étant des fonctions des des des des périodiques par rapport aux

Nous aurons de même

(10)

les étant des fonctions de même forme que les

Si l’on se rappelle que est nul, et que ne dépend pas des on conclura sans peine que ne dépend que

Au contraire, dépend des mêmes quantités et, en outre, des mais il est indépendant des D’ailleurs est nul et se réduit à

Nous supposerons d’autre part que

d’où

Nous supposerons que est développable suivant les puissances de et nous écrirons

(11)

Nos équations différentielles s’écriront alors

(12)

On a, en effet,

Dans les équations (12), remplaçons et par leurs développements (9), (10) et (11) et égalons ensuite les puissances semblables de

En posant, pour abréger,

Il viendra, en égalant les coefficients de

(13)

En égalant les termes indépendants de il vient simplement

équations auxquelles on peut, comme nous le savions déjà, satisfaire en faisant

Les équations (13) se réduisent alors à

(14)

Voyons comment on peut se servir des équations (14) pour déterminer par récurrence les fonctions

de façon que ces fonctions soient périodiques par rapport aux et que leurs valeurs moyennes soient telles fonctions que nous voulons des

Nous avons vu dans les deux numéros précédents que cette détermination est possible.

Supposons que l’on ait calculé

(15)

et que l’on se propose de calculer à l’aide des équations (14) et

Comme et ne dépendent que des variables (15), le second membre de la première équation (14) est une fonction connue des périodique par rapport à ces variables.

Soit

cette fonction, nous en déduirons, en intégrant l’équation (14),

Ainsi est une fonction périodique des il n’y aurait d’exception que dans deux cas : si les satisfaisaient à une relation linéaire à coefficients entiers

mais nous avons supposé le contraire ; ou bien si la fonction périodique avait une valeur moyenne différente de 0. Il n’est pas facile de démontrer directement qu’il n’en est pas ainsi, mais comme nous savons d’avance que doit être une fonction périodique des nous sommes certains que la valeur moyenne de est nulle. C’est pour cela que j’ai commencé l’exposition de la méthode de M. Lindstedt par les considérations des deux numéros précédents, au lieu de débuter tout de suite par le calcul du présent numéro.

Quant à la constante on peut arbitrairement l’égaler à telle fonction que l’on veut des d’après ce que nous avons vu au numéro précédent.

Il reste à calculer à l’aide de la seconde équation (14). On verrait, comme pour que l’on trouvera sous la forme d’une fonction périodique des à la condition que la partie moyenne de

soit nulle. Or la constante est restée arbitraire, et il est clair qu’on peut toujours la choisir de façon à annuler cette valeur moyenne.

On ne sera donc jamais arrêté dans le calcul des différents termes des séries (2 quater).

Il reste beaucoup d’arbitraires dont un calculateur habile pourra disposer pour abréger ses calculs ; on peut en effet choisir arbitrairement les valeurs moyennes de et de

Parmi les choix que l’on peut faire, je citerai le suivant, sans avoir l’intention toutefois de le recommander particulièrement. On peut choisir les constantes de telle façon que

Cette méthode est applicable toutes les fois qu’on peut choisir les quantités de façon qu’il n’y ait entre elles aucune relation linéaire à coefficients entiers, et, par conséquent, toutes les fois que l’on peut choisir arbitrairement les rapports de ces quantités.

C’est ce qui arrive, par exemple, dans le cas particulier du Problème des trois Corps défini au no 9 ; dans ce cas, on a en effet

d’où

Il est clair que nous pouvons choisir de façon que le rapport ait telle valeur que nous voulons.

C’est ce qui arrive également avec l’équation suivante, qui s’introduit dans l’application des méthodes de M. Gyldén, et qui a fait l’objet des études particulières de M. Lindstedt,

(16)

est une fonction développée suivant les puissances de et périodique en

J’observe d’abord que peut toujours être regardée comme la dérivée prise par rapport à d’une fonction de même forme. Je puis alors comme nous l’avons vu au no 2, remplacer l’équation précédente par les suivantes :

Posons ensuite

nos équations deviendront

La forme canonique des équations ne sera en effet pas altérée, en vertu du no 6.

Ici nous avons, en faisant

d’où

Si donc est incommensurable, il n’y a entre et aucune relation linéaire à coefficients entiers, et la méthode est applicable.

Elle serait applicable également au cas général du Problème des trois Corps, si ces trois corps se mouvaient dans un plan et s’attiraient suivant toute autre loi que la loi de Newton, mais elle cesse de l’être (à moins de modifications importantes qui feront l’objet des numéros suivants) si la loi d’attraction est la loi newtonienne.

En effet, dans ce cas (et en reprenant les notations du no 125), ne contient plus et par conséquent est nul ; il en résulte qu’il y a, entre les une relation linéaire à coefficients entiers, à savoir

Le calcul direct tel qu’il a été exposé dans ce numéro se rapproche beaucoup plus de la méthode originale de M. Lindstedt. Il présente un avantage important sur les procédés indirects des deux numéros précédents, puisqu’il nous donne immédiatement les valeurs des des et des en fonctions des et, par conséquent, du temps, et se prête ainsi au calcul des éphémérides. Mais ces procédés indirects nous étaient nécessaires ; car, sans eux, je n’aurais pu démontrer la légitimité du calcul direct (qui ne peut s’achever que si la valeur moyenne de est nulle), ou du moins je n’aurais pu le faire sans employer les invariants intégraux dont je ne parlerai que dans un Chapitre ultérieur.

À un autre point de vue, la connaissance de ces procédés indirects ne nous sera pas non plus inutile. Nous avons vu, en effet, dans l’Introduction, qu’on peut quelquefois employer avec avantage une intégrale ou une relation invariante (pour parler le langage des nos 1 et 19) au lieu d’une solution. D’ailleurs le calcul de la fonction peut servir de vérification au calcul direct.

128.On peut choisir la constante définie plus haut, de telle façon que c’est-à-dire la valeur moyenne de soit nulle, et, par conséquent, que

En effet, nous avons

ne dépendant que de et En égalant les valeurs moyennes, il vient

Les fonctions et sont entièrement connues ; il en est donc de même de et, par conséquent, il suffit, pour annuler les de choisir les constantes de façon à satisfaire aux équations linéaires

(1)

Il faut et il suffit, pour que cela soit possible, que le hessien de ne soit pas nul. Or il est précisément nul dans le cas de l’équation (16), c’est-à-dire dans le cas particulier dont s’est surtout occupé M. Lindstedt ; c’est ce qui explique pourquoi ce savant astronome n’a pas aperçu la possibilité de faire

Ce hessien est encore nul dans le cas particulier du Problème des trois Corps défini au no 9, mais nous avons vu au no 43 qu’on peut, par un artifice simple, tourner cette difficulté.

Comparaison avec la méthode de M. Newcomb.

129.M. Newcomb, pour parvenir à des séries de même formé que celles qui nous ont occupé dans ce Chapitre, a employé la méthode de la variation des constantes arbitraires. Pour bien montrer que le résultat ne pouvait différer de celui que nous avons obtenu dans les numéros précédents, nous allons exposer cette méthode sous la forme suivante.

Reprenons l’équation aux dérivées partielles

(1)

qui est l’équation (4) du no 125.

Soit une fonction de et de constantes satisfaisant approximativement à l’équation (1), de telle sorte que l’on ait

ne dépendant que des constantes et étant très petit. Nous aurons alors une solution approximative des équations canoniques

(2)
en faisant
(3)

et en regardant les et les comme des constantes arbitraires.

Supposons maintenant qu’on veuille pousser plus loin l’approximation en appliquant la méthode de Lagrange ; on regardera alors les et les non plus comme des constantes, mais comme de nouvelles fonctions inconnues. Voici comment, d’après le théorème du no 4, nous devrons former nos nouvelles équations. Substituons à la place des leurs valeurs en fonction des et des tirées des équations (3) ; il viendra

et nous aurons les équations canoniques

(4)

J’ai pris comme variables les au lieu des ce qui revient au même, afin de mieux mettre en évidence la forme canonique des équations.

L’intégration des équations (4) peut être ramenée à celle de l’équation aux dérivées partielles

(5)

Soit une fonction des et de nouvelles constantes satisfaisant à cette équation. Si nous posons

(6)

nous satisferons aux équations (4) en égalant les à des constantes et les à des fonctions linéaires du temps.

Si n’est qu’une intégrale approximative de (5), nous n’aurons ainsi que des solutions approximatives des équations (4).

Telle est la méthode de la variation des constantes ; ce n’est pas tout à fait celle que nous avons appliquée au no 125 ; conservant l’équation (1), après en avoir trouvé une solution approximative, nous en cherchions une solution plus approchée encore. Soit cette solution, qui dépendra des et de constantes Si nous posons alors

(7)

les seront des constantes et les des fonctions linéaires dû temps, soit exactement si est une solution exacte de (1), soit approximativement si n’est qu’une solution approchée. Pouvons-nous choisir de telle façon que les équations (7) équivalent aux équations (3) et (6) ? Les équations (3) et (6) peuvent s’écrire

et les équations (7)

Il suffira donc de prendre

la méthode du no 125 ne diffère donc pas essentiellement de celle de M. Newcomb et ne présente sur elle d’autre avantage que celui d’éviter de trop nombreux changements de variables.

J’ajouterai que nous avons choisi d’une manière particulière les constantes d’intégration, afin de conserver aux équations leur forme canonique. M. Newcomb ne s’y est pas astreint, et c’est ce que font d’ailleurs les astronomes dans l’application de la méthode de Lagrange. Les équations où s’introduisent les crochets de Lagrange prennent ainsi une forme en apparence plus compliquée. Mais cette différence n’a rien d’essentiel.

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