La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité/P3/1877

Gauthier-Villars et fils (1p. 249-309).

LXXXI. 1877. — C. Flammarion. Carte de la planète Mars et observations.

Voici cette note avec la carte (fig. 152), présentée d’ailleurs comme « provisoire » et destinée à de grands perfectionnements[1].

Au moment où la planète Mars passe à sa plus grande proximité de la Terre, il peut être intéressant pour un grand nombre d’observateurs d’avoir sous les yeux un planisphère exposant l’état actuel de nos connaissances sur ce monde voisin. J’ai l’honneur de présenter à l’Académie une carte que j’ai commencée il y a bien longtemps déjà, en 1863, époque à laquelle je travaillais à la seconde édition de mon ouvrage sur La pluralité des mondes habités, dans laquelle je publiai un premier croquis, comme comparaison avec la géographie de la Terre, carte que j’ai souvent recommencée depuis, qui a seulement été terminée l’année dernière, et qui ne doit encore être considérée toutefois que comme un tracé provisoire des taches permanentes de cette planète.

Nous possédions déjà trois essais principaux de représentation géographique de Mars. Le premier date de quarante ans, et a été donné par Beer et Mädler, pour résumer leurs observations faites en Allemagne de 1830 à 1839 ; le second est dû à Kaiser, de Leyde, qui traça une carte de Mars, après les oppositions de 1862 et 1864, pendant lesquelles il observa assidûment la planète ; le troisième est dû à M. Proctor qui, en 1869, dessina une carte remarquable, beaucoup plus complète que les deux précédentes, d’après les observations faites en Angleterre par Dawes, en 1864. Ces trois cartes offrent entre elles des dissemblances considérables.

Mon but a été de représenter, non une seule série d’observations comme dans les cas précédents (les miennes, quoique nombreuses, eussent été, du reste, fort insuffisantes pour ce but), mais l’ensemble général des observations faites depuis ‘le commencement, si c’était possible, J’ai comparé, pour construire cette carte, plusieurs centaines de dessins, dont les premiers datent de plus de deux siècles (1636), et dont les principaux, indépendamment des trois séries précédentes, sont dus à Huygens, Maraldi, Herschel, Schrœter, Secchi, Lockyer, Lassell, Phillips, lord Rosse, Knobel. La bibliographie aréographique de M. Terby m’a été fort utile dans ce travail.

Le degré zéro des longitudes aréographiques a été placé au point choisi par Beer et Mädler, méridien remarquable par une petite tache très sombre, signalée vers 1798 par Schrœter, remarquée de nouveau en 1822 par Kunowski, prise comme origine en 1830, par Mädler, revue par Dawes en 1854 et 1862, placée par Kaiser à 90 degrés, et qui est incontestablement un point fixe du sol de Mars. D’après l’ensemble des observations, cette tache me paraît isolée de celle qui s’étend à sa droite (orient). Kaiser a pris pour origine la tache ronde, non moins caractéristique, que l’on voit près du 270e degré, et Phillips, le cap équatorial du continent traversé par notre 45e degré. Il m’a paru préférable de conserver l’origine précédente, déjà adoptée par Mädler, Lockyer, Proctor, etc.

La configuration la plus anciennement connue de la géographie de Mars est la mer verticale sombre que l’on voit descendre au-dessous de l’équateur, vers le 70e degré de longitude, s’amincir et se terminer par un coude qui se dirige vers l’est en forme de canal. Au-dessous, se trouve une autre mer qui s’avance dans l’intérieur des terres en formant un angle. Lorsque le globe de Mars est tourné de façon à nous présenter cette région à peu près de face, ces deux mers paraissent réunies vers le coude, et l’ensemble rappelle la forme d’un sablier. On la désigne depuis longtemps sous ce même nom : the Hour-glass Sea. La première observation que nous ayons de cette tache date du 28 novembre 1659, et est due à l’astronome Huygens.

Cette mer, représentée sous forme de sablier par tous les anciens observateurs, a, coïncidence bizarre, servi véritablement de sablier ou de mesure du temps, pour déterminer la durée de la rotation de la planète. Il semble donc que la meilleure désignation à donner à cette mer soit de lui conserver son nom déjà vénérable de mer du Sablier. Aucune dénomination n’a jamais été si légitime. Le P. Secchi a proposé le nom de mer Atlantique, et M. Proctor celui de mer de Kaiser, Or, d’une part, elle est bien étroite pour mériter le nom d’Atlantique, et d’autre part, si elle devait porter un nom d’astronome, ce serait celui d’Huygens, qui l’a découverte. Pour toutes ces raisons, il nous a paru logique de lui conserver le nom de mer du Sablier.

Elle est généralement plus sombre et mieux marquée que la plupart des autres Fig. 152.

Carte géographique provisoire de la planète Mars, par M. Flammarion, en 1876[2].
taches, surtout vers le centre. Du reste, les diverses taches qui parsèment le disque de la planète sont loin d’avoir une même intensité.

La mer du Sablier et l’océan Newton, dont elle est le prolongement, forment la configuration aréographique la plus anciennement connue.

On peut leur associer la mer Maraldi, vue aussi par Huygens, en 1659, sous la forme de bande analogue à celles de Jupiter. Hooke l’a dessinée en 1666, et Maraldi en 1704. Le P. Secchi lui avait donné le nom de Marco Polo, mais il est évident que celui de Maraldi, proposé par M. Proctor, lui convient à tous les titres.

Le golfe Kaiser, dont l’extrémité orientale forme la baie fourchue (longitude zéro), est, comme la mer du Sablier et les mers Maraldi, Hooke et Huygens, l’une des configurations géographiques de Mars les plus anciennement dessinées. On en trouve un vestige dans deux dessins de Huygens de 1659 et de 1683. Herschel a dessiné le même golfe en 1777 et 1783, notamment le fer à cheval formé par le golfe d’Arago avec celui de Kaiser, et il est même le premier qui ait bien figuré ces détails ; mais il a été, en 1862, l’objet de l’étude la plus soignée de la part de Kaiser.

À l’est du golfe de Kaiser, on rencontre : 1o une baie émergeant au nord de l’océan Kepler ; 2o une Manche conduisant de cet océan à la mer Mädler. Cette Manche, comme cette mer, sont également connues depuis fort longtemps.

Le bras de mer qui s’étend de l’océan Kepler à la mer Mädler, qui est si caractéristique, et pour lequel le nom de Manche est certainement la dénomination qui convient le mieux, est surtout connu par les dessins du P. Secchi. La mer Mädler paraît se prolonger vers le Nord et devenir d’abord plus claire, puis plus foncée, et jeter un bras à l’Est vers une autre mer plus orientale.

L’océan Kepler est connu par un grand nombre d’observations, dont les plus anciennes remontent à William Herschel et Schrœter.

On remarque à l’Est une tache ronde sombre, qui a reçu le nom de mer Lockyer. Cette petite mer est très curieuse : on la voit dessinée pour la première fois par Beer et Mädler, en 1830 ; on la retrouve dans leur carte, sur le 270e degré de longitude et le 30e degré de latitude, mais isolée de l’océan Kepler, dont la limite orientale ne dépasse pas le 274e degré. On la reconnaît aussi en 1860, dans les dessins de Schmidt, d’Athènes, isolée aussi. En 1862, le P. Secchi l’a prise pour un cyclone, à cause de la forme circulaire de son entourage. La même année, le même jour (18 octobre), elle était dessinée en Angleterre, par M. Lockyer, et il la nommait « mer Baltique ». Les dessins de Lassell lui donnent la forme d’un œil et on la nomme aussi « Oculus ».

Les mors de la Rue, Dawes, Airy, Faye et Huygens ne sont pas aussi exactement connues. Il en est de même des terres de Laplace, Fontana, Cassini, Secchi, Schrœter, Tycho, Webb, et des golfes Arago et Foucault.

L’avantage pratique de donner des noms aux objets, au lieu de simples numéros d’ordre, m’a conduit à inscrire les noms que l’on voit sur ce planisphère : ce sont ceux des principaux astronomes, à l’exception de la mer du Sablier et de la Manche, déjà nommées par leur propre forme. J’ai suivi en cela le même principe que M. Proctor, mais étendu sur une plus vaste échelle et affranchi de répétitions.

Très certainement il reste encore bien des points douteux, surtout à partir du 60e degré de latitude, et principalement au Nord ; mais j’ai l’espérance que, telle qu’elle est, cette carte représente, aussi exactement que possible, l’état actuel de nos connaissances sur la géographie de ce monde voisin.

Sur cette carte, les degrés de longitude sont gradués de l’Est à l’Ouest pour l’observateur terrestre, et de l’Ouest à l’Est pour les habitants de Mars, leur orient étant à gauche lorsqu’on regarde la planète, le Sud en haut.

Telle est la note par laquelle nous résumions alors nos connaissances aréographiques. En même temps, à l’aide d’un télescope de 0m,20, muni de grossissements de 210 et 300 fois, nous prenions un grand nombre de dessins de la planète. Nous en reproduisons d’abord ici quatre (fig. 153), réduits à l’échelle de 1mm pour 1″, qui montrent exactement l’aspect et la grandeur du disque aux dates indiquées. Le premier a été fait le 30 juillet, à 11h 0m ; la mer Fig. 153

Croquis de Mars, les 30 juillet, 23 août, 14 septembre et 26 octobre 1877.
du Sablier est à peu près au centre du disque et l’a légèrement dépassé (longitude du méridien central : 312°). Le second est du 23 août, à 11h 30m ; la mer circulaire, ou l’Œil, a sensiblement dépassé le méridien central, dont la longitude était alors de 105°. Le troisième est du 14 septembre, à 10h 10m ; il Fig. 154.

Mars, le 27 septembre 1877.
laisse deviner la mer Maraldi et la mer Hooke (longitude du méridien central : 240°). Le quatrième est du 26 octobre, à 7h 55m, et esquisse vaguement la figure de deux ailes ouvertes d’un grand voilier, qui paraît formée par la réunion des mers Schiaparelli et Maraldi (méridien central à 190°). À cette dernière date, la planète était déjà fort éloignée de la Terre.

Ces quatre croquis montrent en même temps d’une manière frappante la diminution de la neige polaire supérieure ou australe. Le solstice d’été de l’hémisphère austral de Mars est arrivé, en 1877, le 27 septembre.

À ces croquis, qui représentent la circonférence totale de la planète, nous pourrions en joindre ici un certain nombre d’autres faits durant cette opposition. Nous nous bornerons à reproduire celui du 27 septembre, à 8h 35m (fig. 154), sur lequel le lac circulaire se détache comme un point noir bien net. La mer qui l’environne ne paraissait pas se continuer au-dessous, comme dans le croquis du 23 août. L’océan de la Rue et la baie Christie étaient bien limités.

Remarque digne d’attention : pendant toute cette période de juillet à octobre 1877, l’hémisphère visible de Mars s’est presque constamment montré très pur et sans nuages.

LXXXII. 1877. — Paul et Prosper Henry. Dessins.

À l’observatoire de Paris, MM. Henry frères ont fait un certain nombre de dessins de la planète, pendant la même opposition, à l’équatorial de Fig. 155

Croquis de Mars, les 22 août 1877, 5 septembre, 10 septembre, à 9h 0m, et même jour à 11h 45m par MM. Henry frères.
0m,24 du jardin. Ces dessins concordent d’une manière remarquable avec la carte. Quelques particularités cependant sont à signaler. Ainsi, la mer circulaire paraît, dans plusieurs dessins, presque rattachée à une traînée légère, comme si la mer Schiaparelli se continuait en un mince filet jusqu’à elle. Tel est, par exemple, celui du 22 août, à 11h 50m. Un beau dessin du 5 septembre, à minuit, montre nettement la baie du Méridien et la baie Burton, mais l’océan Dawes paraît limité au sud par un courant, qui correspond d’ailleurs au détroit Arago. Fait plus remarquable encore, les observateurs ont vu, à plusieurs reprises, la mer Hooke traversée par une ligne blanche, comme un pont gigantesque de nuages rectilignes ou un banc de sable ; tel, par exemple, le dessin du 10 septembre, à 9h 50m. La rive droite de la mer du Sablier était très foncée, Deux heures après, cette mer, amenée par la rotation du globe, se présentait dans toute son ampleur. Ces quatre dessins, fort curieux, sont reproduits ici (fig. 155). On les comparera avec intérêt avec notre carte complète de la fig. 31.

À ces dessins, nous ajouterons, des mêmes observateurs, celui du 27 août (fig. 156), qui représente la première observation faite, en France, de l’un Fig. 156.

Mars, le 27 août 1877. Première observation faite en France d’un satellite de Mars.
des satellites de Mars. Ces satellites ont été découverts à l’Observatoire de Washington, par M. Asaph Hall, le plus éloigné, le 11 août 1877, le plus proche, le 17 août suivant. La nouvelle fut télégraphiée en Europe, notamment à Le Verrier, directeur de l’Observatoire de Paris (qui ne devait pas tarder à quitter cette terre : il est mort le 23 septembre suivant), et l’on s’efforça de vérifier cette découverte, aussi curieuse qu’inattendue. Le 27 août, MM. Henry réussirent, en masquant la planète, à apercevoir le satellite le plus éloigné. Mars tournait alors vers nous l’hémisphère ayant la mer circulaire à peu près à son centre.

Avant de continuer notre étude de la planète, c’est ici le lieu de rappeler cette étonnante découverte des satellites.

LXXXIII. 1877. — Asaph Hall. Découverte des satellites de Mars[3].

La découverte des deux satellites de Mars est assurément l’une des plus curieuses et des plus intéressantes des temps modernes. On peut dire qu’elle a été faite exprès, — ce qui n’est pas le cas général dans les découvertes, — et qu’elle est le résultat de la plus louable persévérance. Nous venons de voir que l’année 1877 a été particulièrement remarquable à cause du rapprochement maximum auquel Mars devait se trouver de la Terre, l’opposition des deux planètes ayant été fixée par le calcul pour le 5 septembre de cette année-là. Le professeur Asaph Hall, astronome de l’Observatoire de Washington, pensa que ce serait là une circonstance extrêmement favorable pour vérifier le voisinage de Mars, à l’aide du grand équatorial de cet Observatoire[4]. Il se disait avec raison que, quoique plusieurs observateurs eussent déjà été déçus dans leurs espérances en cherchant un satellite à cette planète, ce n’était pourtant pas là une raison suffisante pour y renoncer définitivement, surtout en considérant que les conditions actuelles de la recherche étaient exceptionnellement favorables. Il se mit donc à l’œuvre dès les premières soirées du mois d’août, scruta les environs de la planète avec un soin minutieux, et, pour ne pas être gêné par son grand éclat, prit soin de la masquer ou de la faire sortir du champ de la lunette, de façon à pouvoir saisir la plus légère trace de satellite visible dans son voisinage.

Les premières nuits furent infructueuses, fatigantes et désespérantes, et l’astronome renonçait à continuer sa recherche, lorsque Mme Hall, secrétaire de son mari, insista vivement pour qu’il y consacrât « encore une soirée ». C’était le 11 août, M. Hall se mit à l’équatorial, et, trois heures plus tard, crut apercevoir un petit point lumineux qui fit battre son cœur. Mais à peine avait-il bien constaté son existence qu’un épais brouillard, s’élevant de la rivière Potomac, vint interrompre l’observation. Le ciel resta obstinément couvert pendant les nuits suivantes. Enfin, cinq jours plus tard, le 16, le ciel s’étant éclairci, l’astronome se précipita à sa lunette, retrouva le petit point, ne le perdit plus, et, en deux heures d’observation, constata qu’il marchait dans le ciel avec la planète. Ce petit point n’était donc pas une étoile fixe. Mais peut-être, — le hasard est si grand ! — l’une des innombrables petites planètes, qui gravitent centre Mars et Jupiter, passait-elle justement par là en ce moment ? On consulta les éphémérides et l’on trouva qu’en effet la planète Europa devait justement passer à cette date derrière Mars.

Un calcul préliminaire montra que si le petit point observé était un satellite, il devrait être caché par la planète pendant une partie de la nuit suivante du 17, mais devrait reparaître avant l’aurore, près de sa position originale ; tandis que, si c’était la planète Europa, elle devait se trouver le soir même un peu au sud-est de Mars.

Cette nuit du 17 fut merveilleusement claire, et à peine Mars était-il levé au-dessus des brumes de l’horizon, que l’équatorial fut impatiemment pointé sur lui. Aucun satellite n’était visible, ce qui était de bon augure. À 4h du matin, l’astronome, radieux, vit le petit point lumineux émerger tranquillement des rayons de la planète, comme le calcul l’annonçait : c’était bien un satellite de Mars.

Ce n’est pas tout. En observant ce satellite et en suivant son mouvement, M. Hall ne tarda pas à en remarquer un second, encore plus petit et plus proche de la planète !

La nouvelle fut télégraphiée aux principaux astronomes du globe, et, malgré le scepticisme qu’elle excita d’abord, elle ne tarda pas à être confirmée par toutes les observations ultérieures.

Ces deux petits satellites ont été suivis, à l’aide des grands instruments, pendant les mois de septembre et d’octobre 1877 ; puis on les perdit de vue, à mesure que Mars s’éloigna de la Terre. On les retrouva en 1879, lorsque la planète revint dans notre voisinage, et l’on put même les observer à l’aide d’instruments moins puissants, car, lorsqu’on sait qu’une chose existe, on la voit beaucoup plus facilement que lorsqu’on ignore son existence. On les a encore retrouvés pendant l’opposition de 1881, et depuis on les suit pendant toutes les oppositions.

Ces deux petites lunes ont reçu de leur découvreur les noms de Deimos (la Terreur) et Phobos (la Fuite), en souvenir de deux vers de l’Iliade d’Homère (Liv. XV), qui représentent Mars descendant sur la Terre pour venger la mort de son fils Ascalaphe :

Il ordonne à la Terreur et à la Fuite d’atteler ses coursiers,
Et lui-même revêt ses armes étincelantes.

Phobos est le premier, le plus proche ; Deimos le second. Voici les éléments de leurs orbites :

Demi-diamètre de Mars = 3 364 kilomètres.
Distance de Phobos = 2,77 demi-diamètres de Mars.
= 9 321 kilomètres.
Distance de Deimos = 6,92 demi-diamètres de Mars.
= 23 281 kilomètres.

Ces distances sont comptées du centre de la planète. Si nous en retranchons le demi-diamètre de Mars, il reste, pour la distance de la surface de la planète à la surface des satellites, moins de 6 000 kilomètres pour le premier et moins de 20 000 pour le second.

Le diamètre angulaire de Mars étant de 9″,57, les plus grandes élongations ne sont que de 13″ pour le premier et de 32″ pour le second.

La révolution du premier s’effectue dans la période étrangement rapide de 7h 39m 15s, et celle du second, dans la période également très rapide de 30h 17m 54s, période à peu près égale à quatre fois la première, ce qui indique un lien de parenté entre les deux satellites. Leurs orbites sont, toutes deux, presque circulaires, à peu près dans le plan de l’équateur martien, et inclinées l’une et l’autre de 26° environ sur l’écliptique. — Nous avons représenté ce petit système sur notre fig. 157 : c’est ainsi qu’ils circulent actuellement dans le plan de l’équateur de Mars.

À cause de l’exiguïté de ces satellites et de leur voisinage de la planète, Fig. 157.

Orbite apparente des satellites de Mars, pour une lunette astronomique.
il faut d’excellents instruments pour les distinguer. Toutefois, comme un objet qu’on sait exister est plus facile à découvrir qu’un objet dont on ignore l’existence, des instruments fort inférieurs à l’équatorial de Washington suffisent aujourd’hui pour permettre d’observer ces deux points lumineux, et même pour mesurer leur position.

L’analogie avait déjà fait soupçonner l’existence de ces satellites, et plusieurs astronomes, W. Herschel, d’Arrest, etc., avaient même passé de longues heures à les chercher. On avait dit : la Terre a un satellite, Jupiter en possède quatre, et Saturne huit ; Mars, qui se trouve entre la Terre et Jupiter, pourrait bien en avoir un ou plutôt deux. C’est Kepler lui-même qui, le premier, a tenu ce raisonnement, dès l’année 1610, et Voltaire a suivi cette tradition dans Micromégas.

Ces deux globules célestes sont si petits qu’il est impossible de leur trouver aucun diamètre appréciable, et qu’on ne peut obtenir quelque estimation de leur volume probable, qu’en mesurant avec soin la quantité de lumière qu’ils réfléchissent. C’est ce qui a été fait à l’Observatoire de Harvard-College, par le professeur Pickering, et il résulte de ces mesures photométriques, confirmées du reste par les estimations des autres observateurs, qu’en admettant que leur surface soit analogue à celle de la planète elle-même, leurs diamètres ne surpassent pas dix à douze kilomètres. Le premier, Phobos, est le plus brillant et probablement le plus gros des deux ; il n’offre que le faible éclat d’une étoile de 10e grandeur, et le second, seulement celui d’une étoile de 12e ; cependant le second est plus facile à découvrir, parce qu’il est plus éloigné de la planète et moins éclipsé dans ses rayons. Il n’en est pas moins bien remarquable que ces deux points lumineux, dont le diamètre ne surpasse guère celui de Paris, soient visibles à quinze et vingt millions de lieues de distance dans les instruments dus au génie de l’homme[5] !

Les mouvements apparents de ces satellites dans le ciel de Mars sont particulièrement curieux. Le satellite extérieur tourne, avons-nous dit, autour de sa planète, en 30 heures 17 minutes 54 secondes, tandis que la planète tourne sur elle-même en 24 heures 37 minutes 23 secondes. Il en résulte que ce petit globe paraît marcher très lentement de l’Est à l’Ouest dans le ciel de Mars.

La différence entre la période du satellite extérieur et la rotation de Mars étant de 5 heures 41 minutes, ce satellite emploie en apparence 131 heures pour accomplir son circuit dans le ciel de Mars ; c’est une période de 5 jours martiens plus 8 heures, et c’est là un petit mois dont les habitants doivent se servir pour leur calendrier.

Tout autre est le mouvement du satellite le plus proche. Comme il accomplit sa révolution entière de l’Ouest à l’Est en 7 heures 39 minutes, et que la planète tourne dans le même sens en 24 heures 37 minutes, il se lève à l’Occident et se couche à l’Orient après avoir traversé le ciel avec une vitesse correspondante à la différence des deux mouvements, c’est-à-dire en 11 heures environ[6]. C’est là un exemple unique dans le système du monde.

Quelle est la grandeur apparente de ces deux lunes, vues de la planète ?

Chacun sait qu’un objet éloigné à la distance de 57 fois son diamètre, apparaît avec une grandeur apparente de 1 degré, et qu’un objet éloigné à 570 fois son diamètre sous-tend un angle dix fois plus petit, ou de 6 minutes. Le premier satellite de Mars étant à 6 000 kilomètres de la surface de la planète et ayant, selon toute probabilité, 12 kilomètres de largeur, est éloigné à 500 fois son diamètre et offre par conséquent un disque de 7 minutes environ.

C’est un peu moins du quart du diamètre apparent de notre Pleine Lune, lequel est de 31 minutes.

C’est en même temps le tiers du diamètre moyen du Soleil, vu de Mars, ce diamètre étant de 21 minutes.

Le second satellite, éloigné à 20 000 kilomètres de la surface de Mars, est réduit à un petit disque de 2 minutes et demie.

La lumière renvoyée par ces deux satellites aux habitants de la planète doit être extrêmement faible. Le satellite extérieur n’offre en effet, même au zénith, qu’un disque égal au quinzième environ de celui de notre Pleine Lune, ce qui équivaut à une surface 225 fois plus petite. D’un autre côté, la lumière reçue du Soleil varie, suivant la position de Mars, de la moitié au tiers de celle que reçoit notre astre des nuits. Il en résulte que la clarté de Deimos doit être comprise entre les fractions 1/430 et 1/675 de celle de notre clair de lune. Phobos doit être trois fois plus large, offrir un disque de 6 à 7 minutes et donner une clarté dix fois plus forte, c’est-à-dire comprise entre 1/45 et 1/67 de l’intensité de notre clair de lune. Ce sont là deux lunes minuscules.

La découverte de ces satellites a permis de déterminer avec précision la masse de la planète, jusqu’alors assez incertaine. M. Hall a trouvé, relativement à celle du Soleil, 1/3093500, ce qui donne relativement à la Terre : 0,105[7].

Le spectacle de Mars vu de chaque satellite, surtout du premier, doit être admirable, et son éclat merveilleux. Vu de Phobos, il occupe près d’un quart de l’étendue de la voûte céleste, et, vu de Deimos, environ 1/11. Sa surface apparente surpasse dans le premier cas de 6 400 fois celle de la Pleine Lune, et dans le second cas de 1 000 fois, sa lumière de 2 500 et 400 fois.

Une remarque de cosmogonie à propos des satellites de Mars.

L’hypothèse qui rend le mieux compte de la formation des corps célestes est celle qui les considère comme des condensations d’une matière diffuse primordiale (Kant et Laplace). Le Soleil proviendrait d’une nébuleuse immense et les planètes seraient des condensations partielles dans cette nébuleuse ; leur mouvement de révolution autour du foyer central aurait pour origine l’ancien mouvement de rotation de la nébuleuse.

Il en serait de même des satellites relativement à leur planète : la Lune proviendrait de la nébuleuse terrestre ou se serait détachée de l’équateur ; les satellites de Mars, de Jupiter, de Saturne, etc., auraient eu une origine analogue.

Dans cette hypothèse, tout satellite devrait circuler autour de sa planète en un temps plus long que la rotation de cette planète, attendu que, depuis son détachement, la planète a continué de se condenser et de tourner de plus en plus vite, en vertu du principe de la loi des aires.

Le mouvement si rapide du premier satellite de Mars est-il en contradiction avec la théorie nébulaire ?

Non. Déjà, dans le système saturnien, les corpuscules qui forment l’anneau intérieur effectuent leur révolution en une période moindre que celle de la rotation de la planète. La période à laquelle la force centrifuge égale la pesanteur est, pour les distances 1,36 à 1,57 de l’anneau transparent, 5h 50m à 7h 11m, et pour le bord intérieur du large anneau central, 7h 12m[8]. La rotation de Saturne est de 10h 15m.

On peut penser que, dans la zone équatoriale de Mars, comme dans celle de Saturne, une atmosphère est restée, après le détachement du satellite comme après l’isolement de l’anneau ; que cette atmosphère supérieure très raréfiée a néanmoins opposé une résistance au mouvement du satellite et qu’il s’est graduellement approché de la planète. Cette approche croissante a eu pour résultat l’accroissement de son mouvement. Il est probable qu’il se meut maintenant dans un vide parfait, dans l’éther pur, et que sa période est stable. Un satellite qui graviterait à l’équateur même de Mars, tout près de la surface, dans le vide, effectuerait sa révolution en 1h 40m, comme nous l’avons déjà vu (p. 235).

Mais continuons notre étude comparative des observations de Mars.

LXXXIV. 1877. — Niesten. Observations et dessins[9].

M. L. Niesten, astronome à l’Observatoire de Bruxelles, a fait, du 21 août au 10 novembre 1877, un grand nombre d’observations à l’aide de l’équatorial de 0m,152, muni de grossissements de 90 à 450, ceux de 180 et 270 ont été les plus fréquemment employés. Ces observations comprennent 42 dessins, parmi lesquels nous en reproduirons quatre représentant : 1o la mer circulaire Terby ; 2o la mer du Sablier ; 3o la mer Maraldi et la mer Hooke, réunies par l’isthme de Niesten ; 4o la mer Maraldi et la mer Hooke isolément.

Voici le résumé que l’auteur donne lui-même de ses observations.

Tache polaire. — L’hémisphére méridional de Mars étant dans son été, a présenté sa tache polaire pendant tout le cours des observations. Ovale le 21 août, cette tache s’arrondit, devient plus petite à partir du 14 septembre, pour s’aplatir de nouveau vers le 20 octobre. Sa couleur était d’un blanc franc. Son éclat a varié sensiblement d’un jour à l’autre, ainsi que dans le courant d’une même soirée (21 septembre, 8h 15m et 11h 15m). Notons son aspect terne du 21 août et du 18 octobre et son éclat exceptionnel du 22 septembre, du 26 août et du 27 novembre.

Mers. — Dans toutes les observations, la tache polaire est entourée d’une mer, peu marquée sous le méridien 150°, plus sombre vers les méridiens 0°, 90° et 180°.

La mer Zöllner est plus apparente que la mer Lambert, le 11 septembre. Elles se rejoignent (Voy. la carte p. 69). La terre de Lockyer est très claire le 13 octobre.

Les dessins des 14 et 15 septembre, 18 et 20 octobre (fig. 158) représentent l’extrémité orientale de la mer Maraldi, à laquelle se joint la mer Hooke. La terre de Burckhardt présente la forme d’une péninsule ovale.

M. Niesten pense que la mer que nous avons arrêtée, sur notre carte de 1876 (voy. fig. 152), au 180° de longitude et au 80° de latitude australe se prolonge au delà. C’est parfaitement exact, et notre carte de la page 69 montre ce prolongement (mer Maunder).

Sur cette carte, nous avions conservé le nom de mer Lockyer au lac circulaire qui a reçu depuis le nom de mer Terby (que nous avions donné à une autre mer sur le premier dessin de la carte précédente, Terres du Ciel). « L’aspect de nos dessins, écrit le savant astronome belge, se rapproche beaucoup de la région correspondante sur la carte de M. Flammarion. » En effet, la carte de M. Proctor (voy. fig. 127) est certainement très loin de la Fig. 158

Observations de Mars, par M. Niesten en 1877.
vérité pour la « Dawes sea » comme pour le long ruban de mer qui s’élève sur cette carte le long du 240e méridien.

Le détroit d’Herschel II se montre tel que le représente notre carte de la page 69, mais sans trace de l’île Phillips.

Les taches ont présenté une couleur d’un gris bleuâtre plus ou moins foncé ; les plus sombres ont été le lac circulaire, la région nord et la région centrale de l’océan de la Rue et l’extrémité orientale de la mer Maraldi. Le disque de la planète était généralement d’un jaune très pâle, parfois jaune orangé, ocreuse le 21 août. Notons aussi des reflets rougeâtres le long de la mer Maraldi et parfois au sud de l’océan Dawes, ainsi qu’aux environs du lac circulaire et du détroit d’Herschel. Ils ont été surtout sensibles sur la terre de Burckhardt.

LXXXV. 1877. — F. Terby. Études sur la planète Mars[10].

Le savant astronome de Louvain a communiqué à l’Académie de Belgique le résumé de ses observations. Nous en extrairons les points les plus importants. (Lunette de 9cm d’ouverture ; grossissements de 120 à 140 fois).

La tache polaire méridionale a été constamment visible, comme il fallait s’y attendre ; sa forme légèrement ovale attestait bien souvent qu’elle était tournée du côté de la Terre. Cette tache a été la plus brillante, la plus blanche, la plus étendue lors des observations faites à la fin du mois d’août, tandis que le détroit d’Herschel II apparaissait sur le disque (fig. 1). Elle a été plus faible et moins étendue pendant mes observations du milieu de septembre (fig. 2, 3, 4 et 5), tandis qu’on observait les mers Hooke et Maraldi. À partir du 21 septembre, elle fut vue de nouveau plus blanche et plus brillante, tandis que l’on observait l’extrémité occidentale de la mer Maraldi pf, l’océan de la Rue, la mer Lockyer, le détroit d’Herschel II et la mer du Sablier. Pendant la période qu’embrassent ces observations, et qui s’étend du 30 août au 20 octobre, l’auteur n’a pas observé de neiges septentrionales.

Fig. 1. Le 30 août 1877, de 10h 30m à 10h 45m, La tache polaire méridionale est très brillante, très blanche et arrondie. La bordure sombre qui l’entoure (mer Phillips) est la région la plus noire du disque. La région observée est celle du détroit d’Herschel II. En c, on aperçoit deux baies ; en b se trouve l’océan de la Rue. Le grossissement de 120 fois fait voir une région brillante en α ; c’est celle qui correspond aux îles de Phillips et de Jacob. Par moments cette zone donne à la tache l’aspect de deux bandes parallèles. La partie septentrionale du disque, située sous la zone sombre, est beaucoup plus brillante que la région située entre celle-ci et la tache polaire. La zone sombre est plus foncée de chaque côté, dans le voisinage du bord de la planète.

Fig. 2. Le 11 septembre, de 10h 5m à 10h 30m. La tache polaire est beaucoup plus petite et plus faible que le 30 août. Les taches sombres sont elles-mêmes très faibles. On y remarque pourtant très bien des parties inégalement foncées. On voit la mer du Sablier d, la mer Hooke mr, la mer Maraldi f, la terre de Burckhardt β ; la mer Zöllner t est douteuse. En résumé, cette observation a été peu satisfaisante à cause de la faiblesse étonnante de ces taches habituellement si bien visibles.

Fig. 3. Le 14 septembre, de 10h à 10h 25m, L’image est admirablement nette, grâce au passage de légères vapeurs. La tache neigeuse semble entièrement tournée vers nous, mais elle n’est pas franchement blanche ni brillante. La mer Hooke mr apparaît avec une forme différente de celle de la carte de M. Proctor. La côte qui longe la terre de Burckhardt mérite toute confiance et pourra être Fig. 159.

Dessins de Mars, par M. Terby, en 1877.
corrigée. La terre de Burckhardt est plus large au nord qu’au sud et présente une courbure qu’on ne soupçonnait point. On voit aussi que la mer Hooke ne longe pas celle de Maraldi jusqu’à l’extrémité la plus occidentale de cette dernière. Entre la petite zone sombre qui entoure la tache polaire et les mers Hooke et Maraldi, on voit une bande foncée.

Fig. 4. Le 17 septembre, de 8h 30m à 8h 35m. On voit la mer Maraldi f la zone sombre présente une baie kf. « J’ai vainement cherché, en γ, à l’est de cette baie, la langue de terre que j’ai proposé de nommer Terre de Webb, et qui est si marquée dans plusieurs dessins de cet astronome. Cette solution de continuité de la bande est demeurée douteuse dans ma lunette astronomique ». Entre la mer Maraldi et la tache polaire, on voit encore distinctement une bande sombre, La tache polaire est toujours plus petite et moins brillante que le 30 août.

Fig. 5. Le 17 septembre, à 10h 15m, La tache polaire semble encore plus petite, mais est devenue plus brillante qu’à 8h 30m.

Fig. 6. Le 21 septembre, de 8h 15m à 8h 30m. La tache polaire est redevenue plus blanche et plus brillante sans toutefois égaler en éclat son aspect du 30 août. On voit que l’extrémité kf à pf de la mer Maraldi est conformée autrement que ne l’indique la carte de M. Proctor. La région septentrionale du disque était évidemment grisâtre.

Fig. 7. Le 27 septembre, à 8h 15m. La tache polaire est blanche et brillante ; on voit l’océan de la Rue b, une petite mer q qui est la région la plus sombre du disque, arrondie comme l’ombre d’un satellite de Jupiter ; elle correspond à la région occupée par les mers Lockyer et Dawes de M. Proctor. Ces deux petites mers sont-elles confondues ici, ou n’en existe-t-il qu’une seule en réalité ? On voit aussi l’extrémité pf, la mer Maraldi.

Fig. 8. Le 27 septembre, de 8h40 à 8h 55m, Cette observation porte à admettre une communication entre l’océan de la Rue et la mer Maraldi.

Fig. 9. Le 28 septembre, de 8h 5m à 8h 15m. Tache polaire blanche et brillante. La petite mer q est toujours la région la plus sombre.

L’auteur a continué ses observations jusqu’au 20 octobre et a publié encore six autres dessins. Ces résultats sont remarquables, surtout si l’on considère l’instrument à l’aide duquel ils ont été obtenus : 0m,09 seulement d’ouverture. Objectif excellent de Secrétan. Sans aucun doute, excellente vue et excellente méthode d’observation.

LXXXVI. 1877. — O. Van Ertborn. Observations et dessins.

Ces observations ont été faites également en Belgique, à Aertselaer, près d’Anvers. M. le baron Octave Van Ertborn a commencé ses études de Mars dès l’année 1860 et en a fait plusieurs dessins presque à chaque opposition. En 1877, il a publié dans les Mémoires de l’Académie de Belgique[11] 26 dessins faits du 15 août au 3 novembre, à l’aide d’une lunette de 108mm montée en équatorial. Grossissements 125, 205 et 255.

L’hémisphère austral de la planète a présenté généralement d’une manière très nette le contours de ses continents et de ses mers, tandis que ceux de l’hémisphère boréal ont été rarement visibles et sont restés comme voilés par des brouillards.

Les principales configurations géographiques peuvent être reconnues sur ces dessins. L’auteur croit avoir distingué la passe de Bessel, mais il lui a été impossible de voir la mer Dawes. Il croit aussi avoir remarqué un filet reliant la mer circulaire à l’océan voisin. Les mers Hooke et Maraldi sont admirables de netteté. La mer du Sablier est un peu courte. Le cap polaire est fort brillant sur tous les dessins, très remarquables pour l’instrument employé.

Afin d’obtenir un équilibre de température parfait, la coupole a été ouverte plusieurs heures avant le commencement des observations, l’objectif découvert et le tube de l’instrument ouvert, L’équatorial est mû par un Fig. 160.  Fig. 161.

Dessins de M. Van Ertborn, 5 et 29 septembre 1877.
mouvement d’horlogerie parfaitement régulier, fait très important, ajoute l’observateur, car, pour apercevoir de minutieux détails, il faut regarder longtemps, et ce n’est que par une sensation continue qu’ils affectent la rétine, La situation à la campagne est aussi de la plus haute importance pour le calme et la netteté des images. L’auteur, ayant été aidé dans ses observations par plusieurs personnes, ajoute :

L’œil de l’observateur joue un rôle capital dans l’observation des objets très petits ou très faibles. Il est un fait que l’on ne peut perdre de vue et que l’on a négligé jusqu’ici, c’est de faire faire les observations délicates par des personnes dont la vue ne soit pas fatiguée. Il est des rétines dont la sensibilité et la définition sont telles que leur rôle doit être supérieur à celui des meilleurs instruments. Mon neveu aperçoit quatorze Pléiades à l’œil nu ; les étoiles et les planètes lui apparaissent dépourvues de rayons, Il aperçoit à 92 mètres de distance des points blancs de 1 centimètre carré sur fond noir. Le septembre 1877, il vit à l’aide de mon quatre pouces le compagnon de µ d’Andromède, dont il n’avait jamais entendu parler et qui est un test très sévère, même pour les objectifs de huit pouces.

Nous reproduisons ici deux des meilleurs dessins de M. Van Ertborn, faits par une excellente atmosphère. Le premier, du 5 septembre à 11h 30m (fig. 160), montre les océans Dawes et de la Rue, la mer du Sablier, le détroit d’Herschel II. Le second, du 29 septembre à 7h 45m (fig. 161), montre l’océan de la Rue, sans doute la baie Burton dans le ruban inférieur, la mer circulaire Terby rattachée par un fil, et la passe de Bessel.

Très certainement, le dessinateur termine, accuse plus ou moins nettement des contours vagues, indécis, douteux. Il n’en peut être autrement et telle est la principale cause de la diversité des dessins.

LXXXVII. 1877. — Cruls. Observations, dessins, durée de rotation.

On doit à M. L. Cruls, alors astronome à l’Observatoire de Rio de Janeiro, aujourd’hui directeur de cet établissement, une belle série d’observations et de dessins photographiés[12]. Ces observations ont été faites à l’équatorial de 0m,25, généralement muni d’un grossissement de 240 (une fois, le 13 octobre, la planète étant voisine du zénith, de 340 et 580).

Les observations s’étendent du 16 août au 13 octobre. Durant toute cette période, le pôle austral s’est constamment montré d’un blanc intense. La tache polaire a visiblement diminué d’étendue. Le 13 octobre, elle n’était plus en contact avec le bord de la planète, mais intérieure, isolée et plus réduite.

Circonstance rare pour la plupart des observatoires, grâce à la position de Rio de Janeiro, la distance zénithale méridienne de Mars pendant cette opposition n’a pas dépassé 12°.

M. Cruls cite une opinion de M. Liais, alors directeur de l’Observatoire de Rio, d’après laquelle les taches sombres ne seraient pas des mers, mais des terrains plus foncés que les autres, et se range à cette manière de voir. Ces tons varieraient avec les sécheresses et les pluies. Les terrains pourraient être considérés comme différant plus entre eux que des mers, les eaux offrant plutôt une teinte intermédiaire entre des terrains clairs comme du sable ou foncés comme des forêts et des prairies.

Dans cette appréciation, toutes les taches sombres ne seraient pas dues à des étendues d’eau ; plusieurs représenteraient des terrains couverts de végétation.

Les taches sombres voisines des régions polaires ont paru vagues ; celles comprises entre 50° de latitude sud et 40° de latitude nord ont paru plus distinctes.

La présence dans notre atmosphère d’une légère couche de vapeurs, tempérant l’excessive lumière de la planète, accroît la netteté des taches.

Une belle série de 21 dessins photographiés accompagne ce Mémoire. L’un d’eux est reproduit ici, celui du 16 septembre (fig. 162). Nos lecteurs Fig. 162.

Dessin de Mars, par M. Cruls, le 16 septembre 1877.
y reconnaîtront tout de suite la mer Maraldi, la mer Hooke, la mer Flammarion et la mer Zöllner, ainsi que le continent Herschel, la terre de Burckhardt, l’île Dreyer, les terres de Webb et de Cassini, etc.

M. Cruls s’est servi de ces observations pour déterminer directement la durée de rotation, d’après le retour de la mer circulaire au méridien central les 24 août, 3 septembre et 3 octobre, ainsi que par le retour de la pointe occidentale de la mer Maraldi, les 16 août et 27 septembre, et a trouvé pour cette durée, correction faite des positions de la Terre : 24h 37m 34s.

Ces observations du savant astronome de Rio ont ajouté de précieux documents à l’étude de la planète. Nous ne partageons pas toutefois l’opinion de notre illustre ami sur les taches sombres. La plus grande probabilité, à nos yeux, est en faveur des mers. D’abord, la présence de la vapeur d’eau dans l’atmosphère martienne est démontrée par quatre faits distincts : 1o l’analyse spectrale ; 2o les neiges polaires, qui varient avec les saisons ; 3o les voiles de vapeur parfois étendus sur de vastes contrées ; 4o les nuages, rares, mais existant. Or, cette vapeur ne peut provenir que d’étendues d’eau ; ces étendues d’eau doivent paraître plus foncées que les continents puisqu’elles absorbent plus la lumière incidente, et ce sont plutôt les taches sombres que les taches claires qui les représentent. Ensuite, leur mobilité est un indice de leur nature ; nous avons déjà constaté, et nous reconnaîtrons plus loin, plus sûrement encore, que plusieurs taches sombres varient de largeur ; or, l’eau n’est-elle pas l’élément mobile par excellence ? Il nous semble donc que les taches foncées représentent les étendues d’eau qui existent incontestablement à la surface de la planète.

Affirmer qu’il n’y a pas autre chose, — peut-être, comme l’indiquent MM. Liais et Cruls, des forêts, des prairies, etc. — serait dépasser les limites d’un raisonnement motivé. C’est fort possible, et c’est même vraisemblable. Nous avons nous-même bien souvent remarqué, dans nos voyages en ballon, que des prairies, des marécages couverts de joncs, paraissent plus foncés que les fleuves. Mais l’eau doit y jouer le rôle fondamental.

LXXXVIII. 1877. — J.-L.-E. Dreyer. Observations et dessins.

À l’Observatoire de lord Rosse à Parsonstown, M. J.-L.-E. Dreyer a appliqué le télescope de trois pieds à l’observation de la planète. Oculaires grossissant 160 et 215 fois. Le télescope de six pieds n’a pas donné d’images meilleures.

Fig. 163 Fig. 164
Dessins de Mars par M. Dreyer, 7 septembre et 3 octobre 1877

L’observateur a publié douze dessins[13]. Nous reproduisons ici les deux plus intéressants, le premier du 7 septembre à 11h 50m (fig. 163), le second du 3 octobre à 11h 10m (fig. 164). Dans le premier, on remarquera le détroit d’Herschel et la baie du Méridien, sous forme d’un ruban détaché, rappelant la fig. 96 de Lockyer, 25 septembre 1862, ainsi que celle de Knott, du 23 septembre 1862 (fig. 110), et celle de Kaiser, du 31 octobre 1862 (fig. 111). Tous les dessins de Dreyer représentant cette partie de la planète offrent le même aspect. Le détroit d’Herschel est donc parfois très sombre.

-Dans le second dessin, on remarque la mer Terby, bien détachée aussi de l’océan environnant, nettement circulaire, ou plutôt légèrement allongé de l’Est à l’Ouest. Le lac situé au-dessous n’est pas marqué. Il l’est, faiblement, sur les dessins du 28 septembre et du 1er octobre.

L’hémisphère inférieur ou boréal est très pâle et presque dépourvu de taches, dans tous les croquis, excepté pour la mer du Sablier.

La longue bande verticale nommée Bessel’s Inlet sur la carte de Proctor n’a pas été vue une seule fois.

LXXXIX. 1877. — O. Lohse. Observations et dessins[14].

Cet observateur, dont nous avons déjà remarqué les études en 1873, a fait pendant l’opposition de 1877 une nouvelle série d’observations et de dessins. Ceux-ci se rapprochent plus des aspects connus que les premiers ; toutefois, les différences sont encore dignes d’attention. On en jugera par les quatre que nous reproduisons ici (fig. 165).

Le premier est du 8 septembre, à 9h 30m (heure de Berlin). On y reconnaît la mer du Sablier au centre, et au-dessus le vaste espace clair qui représente la terre de Lockyer.

Le second est du 21 septembre, à 9h 33m. La longitude du méridien central devait être alors 158°, et la mer Maraldi traversait ce méridien : on ne la reconnaît guère.

Le troisième est du 26 septembre, à 9h 27m. Le lac Terby vient de traverser le centre ; il est allongé, et à droite, la mer voisine est singulièrement recourbée et retournée vers lui. Dans un dessin fait la veille, la communication est même complète. Comparer ce dessin à celui de M. Schiaparelli, que l’on verra plus loin, pris le même jour.

Le quatrième dessin est du 3 octobre, à 9h 36m. La longitude du méridien central devait être alors de 51°, et ce que nous avons devant les yeux, c’est la baie Christie.

Ces observations ont été faites avec un équatorial de 5 pouces 1/2.

De l’ensemble des observations, l’auteur tire les conclusions suivantes :

Le disque de Mars devient plus blanc, plus clair à mesure que l’on approche Fig. 165

Dessins de Mars, par M. Lohse, en 1877.
des bords, et, sur tous les dessins, les taches sont effacées par cette clarté circulaire. Le disque de Jupiter, au contraire, diminue d’éclat du centre vers les bords, comme on le constate perpétuellement par les passages des satellites, qui paraissent brillants lorsqu’ils passent sur la zone périphérique, et sombres lorsqu’ils arrivent sur les régions centrales, L’atmosphère de Mars diffère donc essentiellement de celle de Jupiter.

Les grandes différences observées dans les dessins de Mars doivent provenir en partie de ce que cette atmosphère n’est pas absolument transparente. Il semble que cette transparence soit soumise à des oscillations, comme l’indiquent les variations de la coloration rouge, vue à travers cette atmosphère. Il paraît exister là des vapeurs, des brumes qui, pour une cause quelconque, ne se condensent pas en nuages analogues aux nôtres. Ce brouillard léger, de distribution inégale, est plus ou moins transparent et laisse apercevoir les configurations géographiques, excepté vers les bords du globe, parce qu’ici l’épaisseur est plus grande et que les lacunes ou éclaircies sont masquées par l’angle de la projection ; il réfléchit par conséquent mieux la lumière solaire au bord qu’au centre.

Quant à la cause qui empêche les nuages d’être aussi denses que sur la Terre, l’auteur déclare qu’il considère comme raisonnable l’opinion d’un observateur anglais, M. Brett, dont nous parlerons plus loin, d’après laquelle la planète serait encore très chaude : cette chaleur empêcherait la condensation des nuages, à l’exception des régions polaires.

Comme l’observateur anglais aussi, l’astronome allemand pense que les taches polaires pourraient être dues, non à des neiges, mais à des nuages fort élevés dans les régions supérieures de l’atmosphère. Cette opinion est en contradiction avec celle qui est généralement reçue, mais l’éclatante blancheur de ces taches polaires, qui paraissent même parfois dépasser le bord du disque, est favorable à cette appréciation.

Nous examinerons bientôt ces assertions, en arrivant aux observations de M. John Brett.

XC. 1877. — N. E. Green. Dessins et Carte.

M. Nathaniel Green, artiste peintre anglais, avec lequel nous avons déjà précédemment fait connaissance, s’était rendu à l’île de Madère et installé à une altitude de 1 200 pieds anglais, et même ensuite à 2 200, avec un télescope de 13 pouces, du système newtonien, dans le but d’obtenir les meilleures vues de la planète. L’oculaire le plus fréquemment employé a été celui de 250 diamètres, parfois celui de 400.

Dans ces conditions très avantageuses, il a étudié le monde de Mars avec le plus grand soin et en a fait un grand nombre de dessins (41). Il remarque avec raison que le crayon ou le pinceau donnent toujours trop d’intensité, trop de force aux aspects délicats, et parfois très vagues, reconnus souvent avec difficulté par l’œil même le plus exercé.

L’auteur a présenté à la Société Royale astronomique de Londres[15] et publié douze de ses dessins en lithographie, plus deux dessins du pôle sud, et a tiré de cet ensemble une Carte générale, la plus complète qui ait jusqu’alors été publiée. Cette carte est, pour ainsi dire, devenue classique.

Nous reproduisons ici (fig. 166) d’abord quatre de ces vues, représentant Fig. 166

Dessins de Mars, par M. Green, à Madère en 1877.
l’ensemble de la planète, prises : 1o le 1er septembre à 10h 40m (heure de Greenwich), longitude 7° ; 2o le 29 septembre à 9h 0m, longitude 94° ; 3o le 18 septembre à 11h 45m, longitude 232° ; 4o le 15 septembre à 11h 10m, longitude 250°. Le méridien central traverse dans la première la baie Burton, à droite de la baie du Méridien ; dans la seconde, l’extrémité orientale de la mer Terby ; dans la troisième, la mer Hooke et la mer Maraldi ; dans la quatrième, la baie Gruithuisen : la mer du Sablier arrive par la droite.

L’ensemble des dessins faits du 19 août au 5 octobre (26 nuits favorables,

Fig. 167. — Carte géographique de la planète Mars, par M. Green, d’après ses observations de 1877, publiée par la Société Royale astronomique de Londres.
21 inutiles) a conduit l’habile observateur à construire, comme nous l’avons dit, une Carte générale que nous reproduisons également ici (fig. 167). Elle mérite d’être étudiée dans ses moindres détails.

Les régions circumpolaires australes et boréales sont représentées au-dessus du planisphère.

M. Green n’a tracé sur cette carte aucun détail qu’il n’ait vérifié lui-même. Elle diffère considérablement, en plusieurs points, de celle de Proctor. Ainsi, malgré l’attention la plus soutenue, il a été impossible de constater l’existence de la longue passe appelée Bessel Inlet. (Nous l’avions, d’ailleurs, déjà supprimée de notre carte avant même les observations de 1877.) L’auteur pense qu’un aspect de ce genre pourrait être produit parfois par un courant atmosphérique du Nord au Sud.

Les environs du lac circulaire, mer Terby, sont également très différents ; ce lac circulaire est une tache sombre nettement définie : on l’a observé dix-huit fois à Madère sans apercevoir la mer Dawes, mais en devinant plutôt une ombre grise assez vague. La carte est particulièrement intéressante à étudier sur ce point. Examiner notamment le petit lac Schiaparelli et l’île neigeuse de Hall.

La mer Maunder, tracée sur cette carte, au-dessus de la mer Maraldi, entre la terre de Webb et la terre de Gill, et visible entre autres sur le dessin du 18 septembre, a été tracée pour la première fois sur notre carte de 1877, s’étendant du 247e degré de longitude au 180e, c’est-à-dire, en comptant ouest-est, du 112e au 180e. Sur la carte de M. Green, cette mer est tracée un peu plus à droite et beaucoup plus longue, du 130e degré au 220e. Elle a été observée en même temps par M. Maunder à l’Observatoire de Greenwich comme bande intermédiaire entre la mer Maraldi et la mer Joynson.

Les rives des océans se sont montrées plusieurs fois d’une blancheur de neige. À ce propos, nous croyons devoir traduire ici, à peu près textuellement, ce que dit l’auteur.

« Neiges. — En dehors des neiges polaires, on en remarque sur plusieurs points des continents. Dans le dessin du 20 avril 1856, de M. Warren de la Rue (voy. plus haut, fig. 76), tout le continent au sud de la mer du Sablier est évidemment couvert de neige, car à ce moment le pôle sud était hors de vue et la forme de la région blanche est précisément celle de la terre de Lockyer, vue en raccourci. Cet aspect se voit aussi clairement sur les fig. 3 et 4 publiées par l’auteur en 1873 dans l’Astronomical Register (voir également plus haut, fig. 139) : là aussi, le cap polaire sud est hors de vue, mais la neige couvre toute la terre de Lockyer. Il y a également une indication très marquée de la présence de la neige sur la ligne blanche qui forme les bords du continent Beer, près de l’équateur, et il n’y a aucune témérité à supposer que ce continent soit borné par des chaînes de montagnes d’une grande hauteur comme les continents américains sud et nord, sur leur côte occidentale, par les Andes. Ces lignes claires ne sont pas confinées aux bordures du continent Beer, on en voit aussi en d’autres régions, telles que la terre de Kepler, au sud de la mer Terby, à la péninsule de Hind, et à l’île neigeuse de Dawes.

» Nuages. — Les nuages de Mars, écrit aussi M. Green, sont évidemment beaucoup moins denses que ceux de la Terre, à ce point qu’aucun nuage proprement dit ne paraît exister dans les régions équatoriales. M. Brett a été conduit à considérer les caps polaires comme des formations nuageuses, mais cette hypothèse est contredite par la forme de ces caps et spécialement par les points fixes nettement définis auxquels les neiges se réduisent en fondant, et que l’on voit, après plusieurs années, occuper les mêmes places. Mais, s’il n’y a pas de nuages proprement dits, il y a sûrement des vapeurs suffisantes pour voiler souvent complètement de vastes étendues continentales. Dans le dessin du 29 septembre, par exemple (voy. plus haut, fig. 166), non seulement l’océan de la Rue est voilé, mais encore sa partie orientale, vue nettement définie en seize fois différentes, était ce jour-là cachée par un nuage. Dans le dessin du 18 septembre (voy. aussi fig. 166), la zone qui environne le pôle sud est devenue très nette, tandis qu’elle est indistincte sur d’autres dessins. En 1877, à Greenwich, et en 1862 dans les observations de Lockyer, des régions de l’océan Dawes ont été temporairement masquées par des nuages blancs. À ces faits on peut ajouter l’apparition de masses blanches, rivalisant d’éclat avec celles du pôle, observées sur le limbe près du pôle nord et spécialement du côté oriental ; l’une d’elles est représentée sur un dessin publié par l’auteur en 1865. Ces masses blanches ont été observées sur le bord seulement, et n’avançant pas avec lui ; donc elles n’étaient pas attachées à la surface et la seule explication à en donner est de les considérer comme des nuages ou des vapeurs, qui furent dissipés par le soleil levant, comme il arrive assez souvent aussi dans nos climats.

» Atmosphère. — Le témoignage principal de l’atmosphère de Mars consiste dans l’affaiblissement constant des aspects géographiques et des colorations à mesure que l’on approche du bord. M. Noble a remarqué que cet affaiblissement est plus prononcé vers le bord occidental que vers l’oriental, ce qui indique que le lever du Soleil est généralement plus clair que le coucher. L’évidence la plus marquée de cet anneau atmosphérique concentrique autour du disque s’est présentée le 20 septembre : le blanc bleuâtre de cet anneau offrait un contraste très grand avec le ton orange de la région australe, contraste qui s’accroissait considérablement lorsque des nuages passaient devant la planète. L’hémisphère nord n’a pas montré de taches géographiques : l’atmosphère y était peu transparente. IL semble que les environs du pôle nord devaient être au loin chargés des vapeurs destinées à se condenser bientôt pour former les neiges polaires.

» Une observation intéressante a été faite le 21 août. Une série de lignes a été vue, convergeant vers le pôle nord, indiquant sans doute un courant d’air froid vers l’équateur.

» Mers. — Les mers ont présenté un ton gris verdâtre, qui peut être dû en Fig. 168

Aspect de Mars le 2 septembre 1877. Dessin de M. Green.
partie au contraste des continents jaunes presque orangés, mais qui peut être en partie réel, si l’on en juge par les variations de tons observées. Si l’intensité de ces tons foncés correspond à des profondeurs d’eau, la mer du Sablier et la mer Terby doivent être très profondes.

» Cette dernière mer a des contours bien nets, et se montre légèrement allongée de l’Est à l’Ouest, Cette mer est généralement représentée comme rattachée à l’océan de la Rue par un canal foncé, et elle offre en effet cet aspect quand elle arrive et qu’on la voit obliquement. Mais, lorsque la vision est directe et bien nette, ce n’est pas un canal que l’on devine, c’est un petit lac, que l’on distingue très nettement, comme on le voit ici (fig. 168) sur le dessin fait par l’auteur le 2 septembre à 1h 10m du matin. »

Ce petit lac est désigné sur ce dessin par la lettre a. La lettre b indique la position de l’île neigeuse de Hall.

L’observateur remarque à ce propos que, lorsqu’une tache allongée est vue imparfaitement, on a une tendance à la terminer en pointe, et que cette tendance de tout dessinateur peut expliquer certaines lignes étroites tracées par Dawes et Schiaparelli. C’est le cas, pense-t-il, pour la réunion apparente de la mer Terby à l’océan de la Rue.

Neiges polaires. — N. Green a fait sur ce sujet de fort intéressantes observations. Tout d’abord, on peut remarquer sur le premier des dessins que nous Fig. 169.

Les neiges du pôle sud de Mars, le 1er septembre 1877.
avons reproduits (fig. 166), celui du 1er septembre, à l’ouest du cap polaire, un point blanc, qui, selon toute probabilité, représente de la neige. On le Fig. 170.

Le même pôle, le 8 septembre.
voit mieux encore sur le dessin ci-dessus (fig. 169). Mais laissons parler l’auteur,

« Selon toute probabilité, écrit l’observateur lui-même, c’était là de la neige restant encore sur un sol élevé, tandis qu’elle avait fondu tout autour, à des niveaux inférieurs. Ce point brillait comme une étoile et il était impossible de ne pas le remarquer. Le 8 septembre, à minuit 30m, j’eus de nouveau l’occasion de l’observer ; mais alors on distinguait parfaitement deux points séparés, et, deux jours plus tard, de 10h à 11h 30m, on en distinguait encore d’autres concentriques à la zone des neiges, comme on le voit (fig. 170). Ces altérations de formes étaient sans doute dues à la perspective, ces diverses taches neigeuses s’étant présentées presque de profil lors de l’observation du 1er septembre. On ne les a jamais vues à l’est du cap polaire, et c’est là une circonstance d’un intérêt particulier. En effet, leur grand éclat à l’ouest du pôle, leur décroissance en passant par le méridien central, et leur invisibilité en arrivant au côté oriental, s’expliquent naturellement en supposant que les pentes des montagnes qui conservaient cette neige étaient tournées au Sud-Ouest ; de cette sorte, elles étaient abritées des rayons solaires pendant la plus grande partie d’une rotation ; mais elles étaient pleinement exposées à sa lumière et par conséquent mieux vues, justement lorsqu’elles s’éloignaient vers le bord occidental.

» Il est curieux de remarquer que ce point de lumière a été observé et figuré de la même façon dans un dessin fait le 30 août 1845, à Cincinnati, par Mitchel ; il se rattache certainement à une configuration locale de la planète. Je lui ai donné le nom de Mitchel, en souvenir de cet enthousiaste ami de l’Astronomie. »

Un autre observateur, M. Brett, examinant Mars dans la nuit du 1er septembre, a décrit ce point blanc près du pôle, comme an auxiliary patch. C’est une confirmation de l’observation précédente.

Le décroissement de la zone polaire neigeuse a été manifeste. Au mois de juillet, cette zone occupait un espace deux fois plus vaste qu’à la fin de septembre.

Telles sont les observations de l’habile peintre anglais, qui a consacré d’ailleurs une partie de sa carrière à la représentation des curiosités du ciel. L’examen de sa Carte générale résume tous les faits dégagés par ses minutieuses recherches. Nous avons tenu à la reproduire par la photogravure, afin que nulle modification n’y soit apportée par une main étrangère ; mais il en résulte que les continents sont moins clairs qu’ils ne devraient être, à cause de leur ton jaune trop photogénique : le lecteur peut suppléer facilement à cet effet photographique inévitable.

Parmi les dessins de M. Green, nous tenons encore à en présenter deux ici (fig. 171), comme dignes de la plus haute attention et particulièrement remarquables, obtenus en des circonstances atmosphériques tout à fait exceptionnelles, le premier surtout.

Celui-ci sera, pour un observateur attentif, un véritable régal de l’œil et de l’esprit. Il a été obtenu le 10 septembre, à 11h 20m. L’atmosphère était si transparente et si calme que l’on croyait distinguer les moindres détails de la surface de la planète. On a pu se servir d’un oculaire construit spécialement par Browning pour l’observation de Mars, fini avec le plus grand soin, grossissant 400 fois en diamètre. Autour du cap polaire, se Fig. 171.

Vues télescopiques de Mars, par M. Green, le 10 septembre à 11h 20m, et le 8 à minuit 30m.
voyaient plusieurs flaques de neige isolées. La région occidentale de la mer Fig. 172.

Diagramme explicatif.
w = Montagnes de Mitchel ; — r = Terre de Lockyer ; — u = Île de Hirst ; — t = Cap Banks ; — v = Continent Beer ; — q = Mer du Sablier : — s = Plage inondée entre la mer Main et la mer Flammarion ; — x = Péninsule de Hind.
du Sablier à l’endroit de la mer Main et de la péninsule de Hind, une demi-teinte, qui n’est ni continentale, ni maritime, et qui donne l’idée de terres inondées ou de marais. Nous l’avons déjà remarqué sur les dessins de Dawes, et nous reviendrons plus tard sur ces inondations apparentes — et peut-être réelles.

Sur les rives orientales de la même mer, à l’angle du détroit d’Herschel, on a distingué une baie ou petite mer, presque séparée par une sorte de presqu’île. Au-dessus et à l’est, on apercevait un cap déjà observé et dessiné en 1862 par M. Banks à Ealing (voy. The Astronomical Register). L’auteur a distingué aussi, entre la mer du Sablier et la terre de Lockyer, une sorte d’île triangulaire, à peine différente du fond qui l’entoure ; cette île a été vue et dessinée le 3 août de la même année par M. Hirst à Sydney et par M. Trouvelot à Cambridge, le 16 septembre.

La seconde vue, prise le 8 septembre à minuit et demi, complète la précédente, surtout pour toute la région orientale de la mer du Sablier, jusqu’à la baie du Méridien.

Remarquons enfin que l’observateur constate qu’il n’a vu aucun des canaux signalés par M. Schiaparelli, et dont nous parlerons bientôt. Mais il est juste d’ajouter que celui-ci ne les a découverts qu’aux mois de février et mars, quatre mois après le dernier dessin de M. Green.

Ces observations de M. Green peuvent être mises au premier rang de toutes celles qui ont été faites sur la planète dont nous écrivons l’histoire.

XCI. 1877. — Harkness, Noble, Pratt, John Brett, G.-D. Hirst, Bredichin, Bernaerts, Hartwig, Schur, Ellery, de Konkoly, Bœddicker, Weinek, Klein, Duval, etc. Observations diverses.

Avant d’arriver aux plus importantes observations de cette précieuse opposition de 1877, qui sont celles de M. Schiaparelli à Milan, nous compléterons les notices précédentes en passant en revue tous les autres observateurs qui ont obtenu des résultats plus ou moins satisfaisants.

Les observateurs de Mars sont un peu comme les jours, ils se suivent et ne se ressemblent pas. On a parfois plus d’une désillusion.

Le plus puissant instrument du monde était en 1877 le grand équatorial de 26 pouces anglais, ou 0m,66 de diamètre, de l’Observatoire de Washington, à l’aide duquel M. Hall a découvert les satellites de Mars. Le professeur William Harkness le dirigea plusieurs fois sur la planète, depuis le 18 août jusqu’au 18 octobre 1877, mais jamais il ne put obtenir de bonnes images avec l’oculaire de 400 : il dut se contenter du grossissement de 175. On put prendre huit dessins, et, après chaque soirée, M. Hall constata qu’on ne pouvait rien obtenir de meilleur.

Ces huit dessins ont donné pour résultat le planisphère ci-dessous (fig. 173)[16], construit dans la projection de Mercator.

C’est là, comme l’observateur l’avoue lui-même, un assez maigre butin. C’est à peine si l’on reconnaît la mer du Sablier, la mer Maraldi, la mer Terby et l’océan de la Rue. Tout cela aurait pu se voir avec une lunette de 108mm !

Le seul résultat intéressant de ces observations a été une détermination Fig. 173.

Carte de Mars faite en 1877 à l’Observatoire de Washington.
de la position du centre de la neige polaire australe, par M. Hall. Il a trouvé pour cette position : Longitude, 20°,66 ; distance au pôle, 5°,11[17].

À la Société Royale astronomique de Londres, le capitaine Noble a présenté, à la séance du 9 novembre 1877, une série de dessins faits à son observatoire de Forest Lodge, Maresfield (Uckfield) à l’aide d’une lunette équatoriale de 4,2 pouces d’ouverture et de 61 pouces de distance focale, donnant de bonnes images avec un grossissement de 255, L’observateur, accoutumé depuis longtemps à l’étude de Mars — car il avait commencé ses observations dès l’année 1858, — signale que les taches deviennent invisibles vers les bords du disque ; il remarque notamment, comme M. Green le rappelait plus haut, que l’on peut en général les distinguer plus près du bord suivant « following limb » ou oriental que du bord précédent ou occidental. Il en conclut que sur Mars le lever du Soleil est plus clair que le coucher. Les matinées seraient plus pures que les soirées. Il en est de même ici, du moins dans nos climats : le soleil est plus fréquent le matin que le soir, et tous les photographes ont remarqué que la lumière du matin est meilleure que celle de l’après-midi.

À la même Société, à la séance suivante, de décembre, M. H. Pratt a présenté d’autre part une série de dessins faits à l’aide d’un équatorial newtonien dont le miroir mesurait 8,15 pouces d’ouverture, oculaire grossissant 400 fois. Le temps n’a pas été favorable, et en général les images n’ont pas été bonnes. Les dessins ont été extrêmement difficiles à faire. Ce que l’on voyait en d’heureux instants disparaissait quelques moments après. La teinte rouge de la planète a paru plus pâle que dans les oppositions précédentes. L’observateur confirme la remarque du capitaine Noble sur la meilleure visibilité des taches près du bord pour lequel le Soleil vient de se lever que près de celui pour lequel il va se coucher.

La persistance avec laquelle un grand nombre de taches bien connues sont revues d’années en années, comme on les a revues de nuits en nuits pendant cette opposition, prouve sûrement qu’elles appartiennent au globe et non à l’atmosphère. Pourtant, les différences dans les détails observés au même instant par la même personne, au même instrument, dans les mêmes conditions atmosphériques, témoignent de variations certaines dans la transparence de l’atmosphère martienne. L’idée d’obscurcissements locaux provenant d’une condition nuageuse de cette atmosphère paraît suffisante pour expliquer les divergences, quoiqu’il ne soit pas facile de décider pourquoi certaines formes seraient visibles à certaines époques et oblitérées ou grandement modifiées en d’autres temps.

L’atmosphère de Mars s’est montrée en général bien transparente, mais de temps en temps les configurations sont devenues invisibles, certainement à cause de l’opacité temporaire de cette atmosphère, opacité qui n’est jamais comparable à celle des masses de nuages de Jupiter. L’effet dont on vient de parler n’était pas dû à un défaut de transparence dans notre atmosphère, car, en même temps que Mars était brumeux, Saturne, à une attitude moindre, était très net. Le fait a été observé plusieurs fois, notamment le 14 novembre.

Un autre observateur anglais, M. John Brett, a présenté à la même séance[18] une série d’observations faites du 2 août au 8 octobre, à l’aide d’un télescope de 9 pouces de Browning, à l’extrémité sud de l’Angleterre, près de Lizard. Ses résultats ne sont pas encourageants, ils sont plutôt contradictoires.

Le disque de Mars s’est toujours montré beaucoup moins net que Jupiter et Saturne : c’est un « mauvais objet télescopique » : bad telescopic object.

L’observateur pense que l’atmosphère de la planète est tellement opaque qu’elle empêche de rien distinguer exactement, si ce n’est vers le centre du disque. Il la compare avec celle de Jupiter et pense que celui-ci n’a pas d’atmosphère proprement dite. « Le disque de Mars est très blanc sur ses bords : preuve d’épaisse atmosphère. Jupiter est, au contraire, plus brillant dans sa région centrale que sur ses bords : preuve opposée. Il doit être liquide et demi transparent jusqu’à une grande profondeur au-dessous de sa surface ; Mars, au contraire, est un corps solide, sa topographie générale étant permanente, avec une atmosphère considérable, Pourtant il n’a pas de nuages. Du 2 août au 8 octobre, l’auteur a observé la planète sans en découvrir un seul. Les principales taches ont été reconnues. Ce ne sont pas des mers, car elles donneraient nécessairement naissance à certaines évaporations, par conséquent à des nuages. Qu’un hémisphère entier puisse être tout à fait dépourvu de nuages pendant plus de deux mois, c’est fatal à l’hypothèse des mers. Personne ne peut prétendre que l’atmosphère de Mars ne soit pas assez dense pour soutenir des nuages, car cette densité saute aux yeux. »

Ainsi parle M. John Brett. Et les neiges polaires ? « Les taches blanches des pôles, dit-il, sont généralement regardées comme des neiges, mais il y a une ou deux objections contre cette assimilation, outre l’absence de nuages pour les former, D’abord, la tache polaire australe, actuellement en vue, est entourée d’une teinte sombre, qui est du même ton qu’une prétendue mer qui la continue jusqu’à l’équateur, et dont elle n’est séparée par aucun détroit, Donc, si la tache blanche est de la neige, elle repose sur la mer ou sur une île polaire. »

L’auteur ne peut pas l’admettre, et remarque en même temps que cette tache blanche polaire est vue très souvent non pas sur le globe même, mais au-dessus de lui. On attribue cet effet à l’irradiation, mais la distance est trop grande pour être ainsi expliquée, et, de plus, cette suspension blanche porte ombre à l’Est lorsque la planète a passé son opposition, comme on le voyait notamment le 28 septembre à 9h, meilleure soirée de l’année. « Ce n’est pas de la neige, mais un nuage énorme, qui se forme au seul endroit de la planète où il puisse s’en former, au pôle. C’est la seule région assez froide pour condenser de la vapeur, car le reste de la planète est très chaud. »

Voilà assurément du nouveau, et nous avons déjà vu que plusieurs observateurs semblent accepter ces conclusions. Mais toutes ces assertions sont discutables, et il n’est même pas difficile de les renverser. D’abord, il n’est pas exact que l’atmosphère de Mars soit d’une telle opacité, car, au contraire, presque tous les observateurs s’accordent à reconnaître sa transparence. Elle est incomparablement plus limpide que la nôtre. À la distance de Mars, et dans les mêmes conditions, il serait impossible de distinguer sur la Terre autant de détails que sur Mars, même par les journées les plus pures.

L’absence absolue de nuages est également une erreur. Sans doute, ils sont très rares ; mais il nous a suffi de comparer les excellents dessins de Lockyer et de Green, dès 1862, pour reconnaître leur existence et leurs mouvements. La vapeur d’eau, dont la présence dans l’atmosphère de Mars est démontrée par l’analyse spectrale, s’y condense moins en nuages que sur la Terre, mais elle jette parfois un voile qui empêche de distinguer de vastes contrées, et il n’est pas douteux qu’elle ne produise les taches polaires, qui, quoi qu’en dise l’auteur, ne planent pas au-dessus du niveau du globe, mais semblent parfois, par l’irradiation, former une protubérance sur le disque, parce qu’elles ont la blancheur de la neige.

Ce que M. Brett prend pour la densité de l’atmosphère martienne, c’est l’effet de la présence de la vapeur d’eau, qui exerce une action absorbante très marquée dans sa plus grande épaisseur, sur tout le contour de la planète.

L’auteur ajoute que tous ces faits sont contraires à l’opinion que Mars puisse être habité.

Pendant que les observations précédentes avaient lieu en Europe, un autre observateur zélé, M. Hirst, étudiait la planète à Sydney (Nouvelle-Galles du Sud) et en prenait un dessin soigneusement exécuté à l’aide d’un télescope de 10 pouces 1/4. L’auteur remarque que c’est seulement vers le milieu d’août que les configurations géographiques sont devenues bien nettes, soit à cause de notre atmosphère, soit à cause de celle de Mars[19].

À l’Observatoire de Moscou, M. Bredichin a observé l’opposition de Mars au point de vue de la parallaxe solaire. Nous n’avons pas à parler ici de ces mesures de positions, mais, le 6 septembre, l’auteur a pris un dessin[20] qui montre surtout l’éclatante blancheur de la tache polaire et laisse deviner la mer Maraldi sous forme d’une envergure d’ailes.

Nous avons vu plus haut les observations faites en Belgique par M. Terby. On peut leur ajouter celles qui ont été faites à Malines par M. Bernaerts[21] à l’aide d’une lunette de 9cm d’ouverture, et qui sont accompagnées de dessins. Le point le plus intéressant de ces croquis est qu’ils font communiquer les mers Zöllner et Lambert avec la mer polaire australe, comme on le voit sur notre carte de la page 69.

Le diamètre de la planète a été l’objet de nouvelles mesures, notamment à l’Observatoire de Strasbourg, par M. Hartwig[22]. Cet observateur a trouvé :

 
Diamètre équatorial
9″,421 ± 0″,012.
Diamètre polaire
9″,300 ± 0″,022.
Aplatissement
1/78.

À l’aide de l’héliomètre de Breslau, M. Schur a trouvé, pendant la même opposition :

 
Diamètre équatorial
9″,262 ± 0″,016.
Diamètre polaire
9″,168 ± 0″,018.
Aplatissement
1/99.

L’ensemble des mesures d’Arago, Bessel, Kaiser et Main, combiné avec les précédentes, donnerait pour le diamètre moyen, à la distance 1 : 9″,352.

Pendant la même opposition, à l’Observatoire de Melbourne (Australie), M. Ellery a fait une série de mesures des diamètres polaires et équatoriaux de Mars[23]. Résultat assez bizarre : tantôt le premier est plus petit que le second (ce qui devrait être constant), et tantôt il est plus grand. Exemples :

27 août. Diamètre polaire = 24″,185 ;  Diamètre équatorial = 24″,550.
29 août» Diamètre polaire» 24″,918 ; Diamètre équatorial» 25″,158.
30 août» Diamètre polaire» 25″,172 ; Diamètre équatorial» 25″,082.
26 sept. Diamètre polaire» 25″,602 ; Diamètre équatorial» 25″,287.

À son observatoire de O Gyalla en Hongrie, M. de Konkoly a fait de son côté une série d’observations intéressantes[24] et a publié notamment 15 dessins pris du 19 octobre au 16 novembre, étude qu’il a continuée pendant les oppositions suivantes. Les principales configurations géographiques y sont reconnaissables, sauf les variations d’aspects, dues surtout sans doute aux observateurs, auxquelles nous sommes accoutumés.

À l’Observatoire de Prague, M. Weinek, auquel on doit de si charmants dessins des cratères lunaires, à pris trois vues de Mars, les 8, 21 et 29 septembre, qui n’offrent, remarque assez étrange, aucun détail intéressant, quoique l’instrument ait été un équatorial de 8 pouces, armé d’un grossissement de 192, et que l’observateur soit des plus habiles[25].

À l’Observatoire de Göttingue, M. Bœddicker, qui depuis a poursuivi ses études à l’Observatoire de Birr Castle en Irlande, a observé l’opposition de 1877 et pris dix vues de la planète[26]. Nous regrettons de ne pouvoir publier tous les dessins. Ils ont chacun leur valeur, sans contredit, mais il nous paraît indispensable de concentrer toute cette monographie de Mars en un seul volume, et déjà le cadre devient bien resserré ! Nous tenons à signaler tous les travaux, tous les documents qui sont parvenus à notre connaissance, lors même que nous ne pouvons pas les utiliser entièrement. Il faut avouer, du reste, que l’opposition de 1877 a été, comme on pouvait s’y attendre, particulièrement féconde, et qu’un certain nombre de dessins se répètent inévitablement.

Remarquons encore deux dessins de M. Klein, à Cologne, pris les 27 septembre et 24 octobre, publiés dans la Revue astronomique allemande Sirius. En France, plusieurs observateurs amateurs nous ont envoyé un assez grand nombre de croquis, parmi lesquels nous signalerons principalement ceux de M. E. Duval, agriculteur à Saint-Jouin (Seine-Inférieure)[27].

Nous pourrions encore signaler les travaux de Dreyer[28], Grover[29] avec six dessins de septembre et octobre 1877, Lamey[30], Fergola[31], Lindstedt[32], etc. Ils n’ajouteraient aucun document important aux précédents. Les deux derniers consistent seulement en observations de positions au cercle méridien, avec des étoiles de comparaison.

XCII. 1877. — Schiaparelli. Observations, cartes et étude générale.

Nous arrivons ici au plus grand travail que l’on ait effectué sur la planète Mars.

L’illustre directeur de l’Observatoire de Milan, aussi habile dans les observations que dans le calcul, auquel la Science doit plus d’une brillante découverte, notamment celle des orbites des étoiles filantes et de leur assimilation aux orbites cométaires, s’est engagé, relativement à la planète Mars, dans un travail des plus heureux et des plus féconds, qui éclipse, pour ainsi dire, tous ceux de ses devanciers.

Chaque période d’opposition, depuis cette fameuse année 1877, a été marquée par des recherches considérables de la part de l’éminent astronome. Nous exposerons ici celles de l’année 1877, que l’auteur a rédigées lui-même en un ouvrage spécial[33].

Ces observations ont été faites à l’aide d’un excellent équatorial construit par Merz, de Munich, de 0m,218 d’ouverture et de 3m,25 de distance focale. Le grossissement employé a été celui de 322 ; seulement en janvier, février et mars, la planète étant très réduite par la distance (de 30″ à 5″), on a employé celui de 468.

En commençant ces observations, l’auteur ne s’attendait pas à les pousser aussi loin ; mais les résultats obtenus ont été si encourageants, les conditions atmosphériques restèrent si favorables, qu’il se lança avec plaisir dans ce grand travail.

L’œuvre de M. Schiaparelli, en 1877, se divise en cinq sections : 1o nouvelle détermination de la direction de l’axe de rotation ; 2o triangulation topographique des points fondamentaux de la surface de Mars ; 3o description des diverses régions de l’hémisphère austral et d’une partie du boréal ; 4o la tache polaire australe ; 5o l’atmosphère de Mars. Nous allons examiner avec soin tout cet ensemble.

Il était important de commencer par connaître exactement la direction de l’axe de rotation de la planète. L’auteur a pris comme base d’approximation la direction déterminée par Oudemans, d’après l’observation des taches polaires australe et boréale de Bessel en 1830, 1835 et 1837[34]. Cette détermination donne, pour 1834 :

Ascension droite : 317° 34′ ; Déclinaison : +50° 5′.

La variation annuelle due à la précession terrestre est de +0′,485 et +0′,247. Les coordonnées pour 1877 deviennent donc :

Ascension droite : 317° 55′ ; Déclinaison : +50° 16′.

L’origine des longitudes géographiques a été placée au point a de la carte de Beer et Mädler, à la baie du Méridien, comme l’a adopté notamment M. Marth, qui, à chaque opposition, depuis 1875, prend soin de calculer les éphémérides des aspects quotidiens de Mars[35]. La graduation des longitudes est faite de la gauche vers la droite, — pour le disque vu dans une lunette qui renverse les images et montre la planète le Sud en haut, — c’est-à-dire de l’Ouest à l’Est pour l’observateur qui regarde Mars, ou de l’Est à l’Ouest pour un habitant de Mars, autrement dit encore, les longitudes vont en croissant du bord précédent au bord suivant.

Pour calculer la longitude aréographique du point central du cirque, M. Marth adopte 88 642,7 secondes de temps solaire moyen terrestre pour la durée d’une rotation complète de Mars relativement aux étoiles. C’est ce que M. Schiaparelli adopte également.

66 observations de la position de la tache neigeuse (macchia nevosa) ont donné, pour la position du point austral de l’axe de Mars vu de la Terre : 164°,90, pour la date du 27 septembre, à 0h de Greenwich, qui correspond à la moyenne des observations.

En adoptant le diamètre polaire déterminé par Kaiser (9″,387) et 8″,80 pour la parallaxe horizontale équatoriale du Soleil, on trouve qu’un degré d’arc de grand cercle du globe de Mars équivaut à 0°,533 de l’équateur terrestre, soit à 59 kilomètres. L’erreur probable de la position obtenue pour la neige polaire est d’environ 7 kilomètres. L’auteur conclut que les angles de position de la tache polaire pris pendant une opposition seule de la planète ne suffisent pas pour une détermination précise de l’axe, et a remis cette vérification précise à l’opposition suivante, de 1879.

TRIANGULATION ARÉOGRAPHIQUE DES POINTS FONDAMENTAUX.

Les observateurs avaient déclaré jusqu’ici qu’il était impossible de mesurer au micromètre les taches du globe de Mars. Telle n’est pas l’opinion de l’auteur. Il pense que, lorsque le diamètre de la planète n’est pas inférieur à 20″, on peut prendre des positions au micromètre, et que l’erreur probable ne dépasse pas un degré d’arc de grand cercle.

Voulant donc établir la topographie de Mars sur une base exacte, l’astronome milanais a suivi les principes de la topographie terrestre. Il a choisi un certain nombre de points distincts et faciles à reconnaître, distribués sur l’ensemble de la planète, et les a pris comme réseau fondamental pour y interpoler tout le reste.

La détermination du lieu aréographique d’un point de la surface s’obtient en notant le moment auquel ce point traverse le méridien central, et en mesurant en cet instant au micromètre la distance qui le sépare du centre du disque. Il est facile ensuite de traduire en longitudes et latitudes.

Les points ainsi mesurés micrométriquement sont au nombre de 62. Nous les avons inscrits au Tableau suivant, avec les noms nouveaux que M. Schiaparelli leur a donnés.

N°1   
Dénomination Longitude Latitude.
1
Vertice d’Aryn
0°,00 + 4°,56
2
Secondo corno del golfo Sabeo
3°,54 2°,37
3
Istmo della Terra di Deucalione
17°,82 2°,52
4
Ombra dell’istmo stesso
17°,83 + 4°,56
5
Golfo delle Perle, bocca del Indo
23°,59 4°,90
6
Bocca dell’Idaspe
27°,38 + 4°,41
7
Capo degli Aromi
38°,40 + 8°,30
8
Capo delle Ore in Argyre
39°,78 + 39°,38
9
Capo delle Grazie in Argyre
51°,86 + 53°,84
10
Golfo dell’Aurora, bocca del Gange
55°,74 + 2°,32
11
Punta dell’Aurea Cherso
61°,49 + 25°,26
12
Primo punto di Thaumasia
66°,36 + 23°,79
13
Confluente del Chrysorroas col Nilo
84°,16 18°,88
14
Lago del Sole, centro
90°,24 + 25°,22
15
Lago della Fenice, centro
106°,45 + 19°,42
16
Bocca del Fasi
106°,93 + 44°,88
17
Colonne d’Ercole, bocca esterna
119°,81 + 44°,88
18
Centro d’Icaria
119°,92 + 37°,86
19
Primo punto del Mare delle Sirene
131°,37 + 31°,32
20
Primo punto di Thyle I
134°,12 + 65°,08
21
Colonne d’Ercole, bocca interna
138°,02
22
Centro di Thyle I
151°,86 + 65°,08
23
Base australe d’Atlantide 1
189°,80 + 37°,54
24
Primo punto del Mare Cimmerio
165°,80 + 37°,49
25
Golfo del Titani
174°,24 + 18°,17
26
Ultimo punto del Mare delle Sirene
176°,52 + 25°,34
27
Stretto d’Ulisse, mezzo
187°,08 + 74°,08
28
Punto della riva australe dell’Oceano
188°,15 7°,12
29
Fiume dei Lestrigoni, bocca sull’Oceano
200°,19 4°,50
30
Golfo dei Lestrigoni, ultimo seno
201°,79 + 18°,01
31
Scamandro, bocca sul Mare Cronio
202°,52 + 55°,41
32
Scamandro, punto di mezzo
202°,57 + 48°,98
33
Fiume dei Cielopi, bocca sull’Oceano
205°,05 15°,77
34
Base australe d’Esperia
211°,10
35
Capo boreale di Thyle II
221°,64 + 62°,28
36
Centro di Thyle II
223°,53 + 69°,93
37
Golfo dei Ciclopi
224°,98 + 12°,43
38
Primo punto del Mare Tirreno
226°,41 + 37°,81
39
Centro d’Esperia
231°,62 + 22°,79
40
Bocca australe delle Xanto
234°,11 + 51°,13
41
Ultimo punto del Mare Cimmerio
238°,87 + 9°,85
42
Esperia, base settentrionale
250°,28 + 13°,22
43
Piccola Sirte
256°,94 + 6°,24
44
Capo Circeo, in Ausonia
266°,59 + 15°,68
45
Punto della costa d’Ausonia
266°,79 + 22°,70
46
Lago Tritone
267°,15 20°,38
47
Primo punto dell’Ellade
270°,74 + 49°,49
48
Lago Meride
277°,09
49
Biforcazione d’Ausoni
282°,32 + 13°,33
50
Congiunzione del Nepente col Nilo
286°,25 26°,26
51
Gran Sirte et bocca del Nilo
290°,45 17°,09
52
Punto più australe dell’Ellade
+ 57°,99
53
Centro dell’Ellade
294°,12 + 46°,30
54
Punto più boreale dell’Ellade
+ 30°,38
55
Ultimo punto del Mare Tirreno
296°,09 0°,67
56
Ultimo punto dell’Ellade
315°,07 + 44°,08
57
Corno d’Ammone
318°,32 + 10°,40
58
Scilla e Carridi
324°,17 + 20°,31
59
Ellesponto, punto di mezzo
326°,11 + 48°,22
60
Primo punto della Noachide
334°,82 + 48°,40
61
Bocca del Phison, nel golfo Sabeo
338°,85 + 5°,05
62
Primo corno del golfo Sabeo
357°,27 2°,37

Ces noms sont, comme on le voit, tirés de l’ancienne géographie et même quelque peu mythologiques. Un grand nombre sont d’une euphonie fort agréable. (L’auteur expose que ceux de la carte de Proctor lui ayant paru insuffisants pour le nombre des détails comme pour les changements à apporter à sa carte, il a dû faire une nouvelle nomenclature pour son usage personnel.) Le méridien initial a été nommé vertice d’Aryn « sommet d’Aryne », en souvenir d’une opinion légendaire du moyen âge. La prétendue ville d’Aryne ou coupole du monde était supposée, dans les cartes du moyen âge, située juste à égale distance du Nord, du Sud, de l’Orient et de l’Occident : elle était donc censée sur l’équateur et marquait un méridien central[36].

C’est notre baie du Méridien, dont les deux pointes sont nommées première et seconde corne du golfe Sabæus, la première étant celle qui passe la première devant l’œil de l’observateur par suite du mouvement de rotation de la planète. Ce sens est également celui de la numération des degrés.

À cause des circonstances atmosphériques, ce point zéro des longitudes de Mars n’a pu être l’objet que d’une seule mesure, et comme il est l’origine de ces longitudes, il pourrait y avoir une erreur constante dans la numération des degrés, ce qui ne changerait rien d’ailleurs à l’exactitude des positions relatives. L’auteur se promet de vérifier plus tard ce point initial.

Si l’on compare ce méridien zéro à celui de la carte de M. Green (fig. 167), on remarquera entre les deux une différence de 7° : celui de M. Green passe à droite de la baie du Méridien ; cette différence s’étend à toute la carte ; comparez, par exemple, le 90°, le 290°, etc.

Nous reproduisons ici (fig. 174) le planisphère de Mars, construit d’après la projection de Mercator, tel que M. Schiaparelli l’a donné dans son Mémoire Fig. 174.

Triangulation de l’aréographie, par M. Schiaparelli, en 1877, positions de 62 points mesurés, et Carte nouvelle.
précité. On y trouvera les 62 points précédents. C’est là un travail tout à fait remarquable, et dont aucun des anciens observateurs de Mars n’aurait soupçonné la possibilité. Il a fallu, pour y réussir, une inébranlable persévérance, un œil excellent, une méthode d’observation rigoureuse et un bon instrument.

Si l’on compare ce planisphère à notre carte de la page 69, on pourra assez facilement identifier les configurations géographiques. La mer du Sablier y devient la « Syrtis Magna », trop peu accentuée sur la carte de M. Schiaparelli, sans doute parce qu’en 1877 elle était moins large et moins sombre que d’habitude. Le détroit d’Herschel II s’appelle « Sinus Sabæus », la mer circulaire Terby s’appelle « Lac du Soleil », la terre de Kepler, « Thaumasia Fœlix », le continent Huygens, « Memnonia », la mer Maraldi, « Cimmerium Mare », la mer Hooke, « Tyrrhenum », etc. etc. Cette carte ne dépasse pas le 40e degré de latitude boréale, attendu qu’en 1877 la planète n’en montrait pas davantage. L’astronome italien l’a complétée dans les oppositions suivantes.

Remarquons que l’auteur place l’Ouest à droite et l’Est à gauche, au lieu du contraire, qui est le sens de toute image céleste dans une lunette astronomique. Ces désignations se rapportent non pas à l’observateur terrestre, mais à un observateur qui serait sur Mars. Sur cette planète, comme sur la Terre, un point est à l’orient d’un autre quand il passe au méridien avant lui : Vienne est à l’orient de Paris et passe au méridien avant lui. Cette manière de voir est très logique, seulement il faut la définir pour éviter tout quiproquo.

Le bras de mer que nous appelons la Manche, sur notre carte, à l’extrémité de la baie Christie, est très large, et a reçu le nom de « Ganges ».

Les deux pointes de la baie du Méridien sont prolongées jusqu’à une mer australe par deux tracés qui ont reçu les noms de « Hydaspes » et de « Gehon ». Nous avons vu plus haut (p. 188) qu’en 1864, Dawes, convaincu qu’il y a là deux embouchures de grands fleuves, avait cherché ces fleuves sans parvenir à les découvrir.

Non loin de là, on voit un autre grand canal, le Phison.

Nous reviendrons plus loin sur ces curieux tracés et sur ces fameux « canaux ».

De ses nombreux dessins, faits surtout au point de vue des détails et rarement comme disques entiers, l’auteur a publié les quatre que nous reproduisons ici (fig. 175), embrassant l’ensemble de la planète. Ils sont des 20 octobre, 26 septembre, 18 septembre et 14 octobre, les longitudes du méridien central étant respectivement 18°, 85°, 181° et 298°. La latitude du centre est, en moyenne, de −24°.

Le second de ces dessins semble en contradiction avec les cartes, en ce qu’il présente un appendice blanc à gauche de la terre de Kepler qui entoure le lac circulaire. C’était, écrit l’observateur, une masse de nuées Fig. 175.

Dessins de Mars, par M. Schiaparelli, en 1877.
éclairées, una massa di nubi illuminate[37]. Dans le premier dessin, le même désaccord se montre pour la grande « île d’Argyre », et l’explication est la même.

L’auteur arrive ensuite à la description générale de la planète.

DESCRIPTION DE LA SURFACE DE MARS.

M. Schiaparelli commence par faire remarquer que, lorsqu’il s’agit d’inscrire rapidement ce que l’on observe dans une lunette, l’important est de ne pas perdre de temps en périphrases et que les désignations les plus courtes sont les meilleures. La ressemblance des aspects à ceux de la géographie terrestre fait tout naturellement inscrire les noms usités dans le langage habituel, tels que île, isthme, détroit, canal, péninsule, promontoire, etc. Mais ces désignations « ne font rien préjuger sur la nature des taches et sont un simple artifice pour aider la mémoire et abréger les descriptions. » L’auteur ajoute : « Nous parlons de la même façon des mers lunaires, que nous savons fort bien n’être pas de véritables mers. »

Jusqu’ici, l’observateur ne se compromet pas. Mais il est, avec raison, selon nous, plus explicite un peu plus loin. Quelle est son opinion précise ? La voici :

« Sur la nature des taches sombres, on peut faire un nombre infini d’hypothèses plus ou moins arbitraires. Pourtant, nous n’en voyons que deux qui puissent se soutenir par une analyse suffisante, et, sur ces deux, il n’y en a qu’une qui donne une explication plausible de tous les faits observés.

» La première, qui assimilerait les taches de Mars à celles de la Lune, fait supposer la surface de la planète entièrement solide : la variété des tons proviendrait de celle des matériaux constitutifs de cette surface. Une telle hypothèse, quoique non entièrement impossible, ne réussit pas à expliquer les faits observés, à moins qu’on ne la complique d’autres hypothèses subsidiaires plus ou moins bizarres. L’existence des neiges polaires, dont la probabilité confine à la certitude, celle des brumes et des nuages, prouvent que, dans l’atmosphère de Mars, il y a une circulation météorique, que des vapeurs s’élèvent en certaines régions et se condensent en d’autres. On ne comprendrait pas que cette circulation se fît exclusivement en haut, sans que la surface de la planète y prît part. Si les vapeurs de Mars se condensent en cristaux en certains lieux, en d’autres elles doivent se condenser sous forme liquide. Ces condensations liquides, à moins de supposer que la surface de la planète soit exactement une surface équipotentielle, doivent se réunir dans les lieux les plus bas et donner naissance ou à des mers ou à des lacs plus ou moins étendus. Les voies par lesquelles ces condensations liquides se rendent à leurs réservoirs ne peuvent être que des ruisseaux ou des fleuves, de cours régulier ou intermittent. Tout ce système, il est vrai, pourrait être caché ou souterrain, comme la circulation de l’eau dans les déserts de l’Afrique ; ou encore les lacs en question pourraient être très petits et invisibles d’ici, et, en définitive, le mécanisme de la circulation des vapeurs atmosphériques pourrait être inobservable. Tout est possible ; mais les suppositions deviennent inutiles du moment que, sur la planète, on voit des apparences précisément semblables à celles que présenterait à un observateur placé sur Mars la circulation des vapeurs de l’atmosphère terrestre. »

Ce raisonnement, publié par M. Schiaparelli en 1878, est du même ordre que celui que l’on peut lire dans la première édition des Terres du Ciel (1876, p. 429). Et comment pourrait-il en être autrement ? L’analogie est trop évidente ici pour ne pas être notre guide, tout en nous gardant de toute conclusion trop étroite, trop « géomorphique », pourrions-nous dire. Nous demanderons à nos lecteurs la permission de reproduire ce passage.

« La météorologie martienne est une reproduction très ressemblante de celle de la planète que nous habitons. Sur Mars, comme sur la Terre, en effet, le Soleil est l’agent suprême du mouvement et de la vie, et son action y détermine des résultats analogues à ceux qui existent ici. La chaleur vaporise l’eau des mers et l’élève dans les hauteurs de l’atmosphère ; cette vapeur d’eau revêt une forme visible par le même procédé qui donne naissance à nos nuages, c’est-à-dire par des différences de température et de saturation. Les vents prennent naissance par ces mêmes différences de température. On peut suivre les nuages, emportés par les courants aériens, sur les mers et les continents, et maintes observations ont, pour ainsi dire, déjà photographié ces variations météoriques. Si l’on ne voit pas encore précisément la pluie tomber sur les campagnes de Mars, on la devine du moins, puisque les nuages se dissolvent et se renouvellent. Si l’on ne voit pas non plus la neige tomber, on la devine aussi, puisque, comme chez nous, le solstice d’hiver y est entouré de frimas. Ainsi il y a là, comme ici, une circulation atmosphérique, et la goutte d’eau que le Soleil dérobe à la mer y retourne après être tombée du nuage qui la recélait. Il y a plus : quoique nous devions nous tenir solidement en garde contre toute tendance à créer des mondes imaginaires à l’image du nôtre, cependant celui-là nous présente, comme dans un miroir, une telle similitude organique, qu’il est difficile de ne pas aller encore un peu plus loin dans notre description.

» En effet, l’existence des continents et des mers nous montre que cette planète a été, comme la nôtre, le siège de mouvements géologiques intérieurs qui ont donné naissance à des soulèvements de terrains et à des dépressions, Il y a eu des affaissements et des soulèvements modifiant la croûte primitivement unie du globe. Par conséquent, il y a des montagnes et des vallées, des plateaux et des bassins, des ravins escarpés et des falaises. Comment les eaux pluviales retournent-elles à la mer ? Par les sources, les ruisseaux, les rivières et les fleuves. La goutte d’eau tombée des nues traverse, comme ici, les terrains perméables, glisse sur les terrains imperméables, revoit le jour dans la source limpide, gazouille dans le ruisseau, coule dans la rivière, et descend majestueusement dans le fleuve jusqu’à son embouchure. Ainsi, il est difficile de ne pas voir sur Mars des scènes analogues à celles qui constituent nos paysages terrestres : ruisseaux courant dans leur lit de cailloux dorés par le soleil ; rivières traversant les plaines ou tombant en cascades au fond des vallées ; fleuves descendant lentement à la mer à travers les vastes campagnes. Les rivages maritimes reçoivent là, comme ici, le tribut de canaux aquatiques, et la mer y est tantôt calme comme un miroir, tantôt agitée par la tempête. »

Nous n’avons reproduit ce passage que pour montrer l’accord des deux raisonnements. Pour notre part, nous continuerons à penser que les taches foncées du globe de Mars représentent des mers. Nous verrons plus loin (1879) que M. Schiaparelli a changé d’avis et est redevenu fort sceptique à cet égard.

Mais continuons l’exposé de l’œuvre de cet éminent observateur. Il arrive ensuite à l’examen des mers et rapporte la variété de leurs tons à la profondeur, les plus profondes absorbant davantage la lumière solaire et devant nous paraître plus sombres, les moins profondes laissant transparaître leur fond à travers leur épaisseur. La nature du liquide et celle des matières qu’il peut tenir en suspension peuvent aussi avoir leur influence. « Sans faire aucune hypothèse spéciale sur la nature de ces liquides, la variété de leurs tons peut s’expliquer simplement par des différences de profondeur, de transparence et de constitution chimique. »

« La salure différente des mers terrestres détermine, ajoute l’astronome de Milan, de grandes différences de teintes dans ces mers. Plus l’eau est salée, plus elle est sombre. En général, la salure des mers terrestres décroît avec la latitude, en raison de la moindre évaporation et d’une plus grande précipitation, et c’est ce qui explique que les mers polaires sont plus claires que les équatoriales. C’est ce qu’a montré Maury, à propos du contraste des eaux du Gulf-Stream avec l’Atlantique, du vert clair de la mer du Nord et des mers polaires, de l’azur sombre des mers tropicales et de l’océan Indien. Il en est de même sur Mars. Là aussi, la mer polaire est de couleur moins sombre que celles de la zone torride, et les mers de la zone tempérée ont une teinte intermédiaire. Tout cela nous conduit à assimiler les mers martiennes aux mers terrestres. »

Et l’auteur ajoute encore :

« Le réseau compliqué de lignes sombres qui réunissent entre elles les taches que nous regardons comme des mers, est un autre argument en faveur de la même hypothèse. Ces lignes doivent leur couleur à la même cause que celle des mers, et ne peuvent être que des canaux ou des détroits de communication. Leur élargissement à leur embouchure est toute naturelle dans cette explication. Rien d’analogue à ce réseau ne se voit sur la Lune. Si c’étaient là des matériaux diversement colorés, il faudrait chercher comment une telle distribution réticulée a pu se produire.

» On voit donc, dit encore M. Schiaparelli, que l’hypothèse d’une constitution maritime et continentale de la surface de Mars est douée de la plus grande probabilité. Elle deviendrait presque une certitude si l’on réussissait à affirmer d’une manière indubitable la disparition réelle de l’émissaire oriental du lac du Soleil. Ce canal, qui a été vu par Mädler en 1830, par Kaiser, Lockyer, Rosse et Lassell en 1862, ainsi que par Kaiser et Dawes en 1864, n’a pu être retrouvé en 1877, malgré les recherches les plus diligentes, qui ont conduit à découvrir des détails bien plus minutieux. Si cette variation est constatée dans l’avenir, il sera difficile de trouver une explication plus simple et plus naturelle qu’un changement de régime hydraulique en cette région, analogue sans doute à ce qui est arrivé en Chine dans le cours du fleuve Jaune. »

Le lecteur a certainement deviné qu’il s’agit ici de ce que nous pourrions appeler la queue de la poire dans les dessins suivants : fig. 68, Beer et Mädler, au point d de l’hémisphère de gauche ; page 151, Lockyer, fig. 89 et 90 ; page 162, id., fig. 104 ; fig. 108, lord Rosse, fig. 3 ; page 177, Kaiser, fig. 115 ; page 186, Dawes, fig. 119 et 120, c’est-à-dire de l’appendice de la mer Terby, lequel n’a pas été représenté sur notre carte de la page 69, parce que nous le considérons précisément comme essentiellement variable.

En 1879, M. Schiaparelli l’a retrouvé : il était redevenu visible. Il lui a donné le nom de « canal du Nectar ».

En 1877, M. Green a signalé là un petit lac (voy. p. 278, fig. 168 a), auquel il a donné le nom de « lac Schiaparelli ». Il croit que ce petit lac, formant un point intermédiaire entre l’océan de la Rue et la mer Terby, fait croire, par des images indécises comme elles le sont le plus souvent, à un canal réunissant les deux mers.

Pour nous, il se passe là des changements certains d’une année à l’autre, et l’explication basée sur des variations liquides est justifiée.

Reprenons l’œuvre de l’astronome italien.

Il y a sur Mars des régions de teintes intermédiaires entre les mers sombres et les continents clairs. Que représentent-elles ?

« Si l’on regarde les taches de Mars comme de simples colorations d’un sol solide, ces variétés de tons ne demandent aucune explication particulière. Le règne minéral et également le règne végétal peuvent offrir toutes les gradations de tons et toutes les colorations possibles. Mais, si nous attribuons cette variété de clair-obscur à des couches liquides, nous trouverons une explication plus naturelle et plus instructive des faits observés. Il nous suffira, pour cela, de considérer le ton comme proportionnel à l’absorption des rayons solaires par la couche liquide, et, dans ce cas, les régions grises dont il s’agit seront des bancs sous-marins ou des bas-fonds. On voit sur la mer Érythrée les nuages se condenser là de préférence, ce qui s’accorderait avec une température plus basse, due précisément à des bas-fonds ou à des bancs. L’isthme de l’Hespérie, à l’endroit où la mer Tyrrhénienne et la mer Cimmérienne sont le plus rapprochées, doit laisser place à une communication possible entre les deux mers. »

Il s’agit ici de l’isthme de Niesten, au point teinté sur notre carte de la page 69. Il y a probablement là, presque toujours, une légère couche d’eau, et quand on la voit obliquement, elle paraît plus foncée que quand on la voit de face.

Quant à la profondeur de ces mers, M. Schiaparelli rappelle que, d’après les expériences du P. Secchi dans la Méditerranée, un objet même très blanc cesse d’être visible à une profondeur de 60 mètres. Cependant, d’après M. de Tessan, à l’extrémité australe de l’Afrique, le banc des Aiguilles paraît atténuer la sombreur des eaux, quoiqu’il soit à 200 mètres au-dessous de la surface. L’épaisseur de l’eau sur les bas-fonds martiens dont nous parlons doit être très petite, ainsi que dans les canaux.

L’atmosphère est parfois voilée ; elle paraît généralement plus claire quand le Soleil atteint sa plus grande hauteur pour une localité donnée. Quelquefois le voile est si épais que l’on ne distingue plus rien à travers.

Les nuages ont pour effet de blanchir les régions au-dessus desquelles ils planent. Si donc on voit dans une région donnée une teinte sombre, puis une teinte claire : dans le premier cas, c’est la surface de la planète que l’on a eue sous les yeux ; dans le second, c’est une couche de nuages ou de brouillards.

Entrons maintenant dans les détails de la géographie de Mars.

Continent Beer = Grand diaphragme, contenant Aeria, Arabia, Corne d’Ammon.

(Il est nécessaire, pour suivre ces détails de l’aréographie, de placer devant soi notre carte de la p. 69 et la carte précédente de M. Schiaparelli.)

C’est la plus vaste étendue claire continue qui existe sur le globe de Mars. Pendant toute la durée des observations, de septembre 1877 à mars 1878, il a été impossible d’y découvrir une seule tache. La Corne d’Ammon (57 de la triangulation) correspond au cap Banks. Le rivage de la mer du Sablier et du détroit d’Herschel II est net et sans dentelures frappantes ; les mers sont sombres, probablement profondes.

Détroit d’Herschel II = Golfe Sabæus. Phison. Baie du Méridien. Hiddekel et Gehon.

À l’opposé du continent Beer, la région qui s’étend au sud du détroit est non pas lumineuse, mais grise. C’est ce qui fait que ce détroit ne doit pas être détaché comme sur les anciens dessins. Un petit golfe, la baie de Schmidt, reçoit un cours d’eau, le Phison, déjà aperçu par Kaiser le 22 novembre 1864 (voir plus haut, fig. 112). M. Schiaparelli l’a vu s’étendant jusqu’au Nil. On voit ensuite, à la baie du Méridien, deux fleuves ou canaux, l’Hiddekel et le Gehon, le premier parallèle au Phison, le second coudé. L’Hiddekel a été découvert seulement le 28 février 1878, alors que la planète était toute petite et qu’on ne distinguait plus les deux pointes de la baie : ce n’est qu’au juger que l’observateur a mis son embouchure à la première pointe. Cours incertain. La péninsule de Deucalion paraît être une terre submergée ; elle n’a pas du tout l’éclat et la netteté du continent.

Détroit Arago = Golfe des Perles. — Baie Burton = Bouches de l’Indus. Continent Mädler = Chryse. Hydaspe.

Le détroit Arago est une mer assez sombre. Quand les images sont incertaines et que l’on ne s’est pas sûrement orienté, on peut le prendre pour la mer du Sablier, ce qui est arrivé plus d’une fois. L’Indus, large fleuve, s’y jette, après être venu du Nil en formant un coude. Ce cours n’a pu être suivi jusqu’au Nil qu’à partir du 24 février 1878, car auparavant ce continent était couvert de nuages : mais alors on l’a fort bien vu, quoique le diamètre de Mars fût réduit à 5″,7. La péninsule de Pyrrha paraît une terre submergée, comme celle de Deucalion.

Manche = Gange. — Baie Christie = Golfe de l’Aurore.

Il faut convenir que la nomenclature du célèbre astronome milanais est tout à fait euphonique et charmante, sans compter ses qualités d’antique érudition. Golfe des Perles, golfe de l’Aurore, lac du Phénix, Icarie, Champs Élysées, terres de Deucalion et de Pyrrha : que pourrait-on imaginer de plus gracieux. Pour notre part, nous souhaitons de tout notre cœur voir cette ingénieuse aréographie remplacer toutes les précédentes. Mais peut-être un grand nombre de ces légères configurations sont-elles essentiellement variables, diminuant même parfois jusqu’à l’invisibilité complète.

Le golfe de l’Aurore est vaste et sombre ; aussi a-t-il été représenté par la plupart des observateurs. Là, se jette le Gange, « l’un des canaux les plus larges et les mieux visibles de toute la planète. » L’auteur l’a vu en toute circonstance, depuis le 28 août jusqu’au 25 février. Il va jusqu’au Nil. C’est la Manche de notre carte. En 1858 (voy. fig. 80), le P. Secchi l’a admirablement dessinée ; il lui avait donné le nom d’isthme ou canal de Franklin. À droite de cet isthme, on voit un canal plus étroit, vertical, c’est-à-dire tracé dans la direction Nord-Sud, qui a reçu le nom de Chrysorrhoas, et qui joint un cours d’eau non moins léger[38], tracé de l’Est à l’Ouest au-dessous du Lac circulaire ou mer Terby.

Mer Terby = Lac du Soleil.
Terres de Kepler et de Copernic = Thaumasia.

Nous arrivons à ce lac circulaire, que l’on a aussi comparé à un œil dont il formerait l’iris. Il est bien rond, écrit M. Schiaparelli en 1877, peut-être même un peu allongé dans le sens vertical. Le 30 septembre, le diamètre apparent de la planète étant de 21″,79, celui du lac était de 2″, soit 10°,5. Très foncé, surtout au centre. La teinte diminue de la région centrale vers les bords, mais non graduellement, par échelons. C’est l’une des plus curieuses configurations géographiques de toute la planète. Un petit canal le rattache, vers la droite, au lac du Phénix. Un autre tracé, moins foncé, mais plus large, monte au Sud. Il a été impossible de voir là autre chose.

(Cette région est le siège de variations considérables. Voir ce que nous avons dit plus haut, p. 243. Nous y reviendrons plus loin. Les tracés de M. Schiaparelli, intitulés : Nectaris fons, Juventæ fons, Aurea Cherso, Agathodæmon, Eosphoros, Chrysorrhoas, Lacus Phenicis, ne paraissent pas stables.)

Terre de Jacob = Terre de Noé et Argyre.

C’est une île qui paraît claire dans sa partie droite, et sombre dans sa partie gauche, comme si celle-ci restait constamment submergée sous une légère couche d’eau. Pourtant elle paraît quelquefois entièrement claire, comme le montre le dessin du 20 octobre 1877 (fig. 175). Mais, en général, elle offre l’aspect représenté sur notre carte. L’observateur pense que, dans la région blanche, il y a souvent de la neige ou des nuages. Le dessin de Dawes, du 21 janvier 1865 (voy. fig. 120), représente cette île blanche, que l’on a appelée aussi « île neigeuse de Dawes. »

Île Phillips = Terre de Deucalion.

Nous en avons déjà parlé tout à l’heure. Elle offre l’aspect d’une péninsule submergée. « La terra di Deucalione, e tutti le altre simili, écrit l’auteur. siano continenti sottimarini, » selon toute apparence. Nous avons vu, dans presque tous les dessins anciens, cette presqu’île aussi blanche que le continent auquel elle aboutit et le détroit d’Herschel, terminé par la baie du Méridien, se détacher nettement en noir sur ce fond clair. Sur la carte de Proctor (fig. 127), faite d’après les dessins de Dawes, la baie du Méridien communique avec le détroit Arago, et fait de la région dont il s’agit une île complète (île Phillips). IL en est de même des dessins de Secchi, de 1858 (fig. 81). M. Terby paraît incliné à conclure que c’est là la vraie configuration, et que le rattachement de cette île au continent est une illusion produite par des nuages blanchissant ce passage.

La terre de Pyrrha est dans le même cas,

(Ne pourrait-il se faire que l’eau prît un état intermédiaire entre l’état liquide et l’état nuageux et se condensât au-dessus de la surface sous forme de nappes de brumes visqueuses, foncées, très denses ?)

M. Schiaparelli pense que toutes ces terres entourées d’eau doivent donner naissance à des vapeurs qui se condensent plus ou moins et dessinent leurs formes en blanc pour un observateur placé au loin, ces formes variant beaucoup, selon les diversités de la condensation et avec le vent, Pourtant il n’en a pas observé en 1877 dans tout l’hémisphère austral de Mars, excepté des nuées sur la terre de Jacob.

Île de Hall = Terre de Protée.

C’est une île isolée dans l’océan de la Rue, presque sur la même latitude que la mer Terby. Nous l’avons vue sur les dessins et sur la carte de Green (fig. 167 et 168). Elle est plus rapprochée de l’équateur que l’île neigeuse de Dawes. Observations rares. M. Green l’a dessinée le 2 septembre à 1h 10m et 2h 20m, très blanche ; M. Schiaparelli l’a vue le 2 octobre et le 4 novembre ; il pense que le 26 septembre et le 4 octobre il a observé, non l’île elle-même, mais son image météorique, une nuée blanche indiquant sa forme.

Mer Schiaparelli = Mer des Sirènes. Colonnes d’Hercule, Araxes, Lac du Phénix.

On doit à l’habile astronome de Milan d’avoir apporté de nouvelles clartés dans cette curieuse région martienne. Jusqu’à lui, la mer qui porte aujourd’hui son nom était confondue avec la mer Maraldi., Ses observations l’ont définie avec précision.

Cette mer se prolonge par deux bras étroits, l’un qui descend vers la gauche jusqu’au lac de Bessel, l’autre qui monte vers le Sud jusqu’à la mer Cottignez. Le premier de ces deux bras porte le nom d’Araxes sur la carte de M. Schiaparelli, et, au lieu d’être rectiligne, est sinueux[39] ; le second porte le nom de Colonnes d’Hercule ; le lac est nommé lac du Phénix. La péninsule de Lagrange s’appelle Icarie. Cette région est dessinée sur le croquis de Kaiser du 10 décembre 1864 (fig. 114) ; mais le Phase est invisible. On la voit aussi sur un dessin de Lockyer du 18 octobre 1862 (fig. 104).

Le canal des Sirènes a été vu à dater du 18 septembre, mais la partie inférieure, plus large, était pâle et sans limites précises. L’auteur attribue cet aspect à des troubles dans l’atmosphère de Mars, qui paraît avoir été couverte de brumes assez longtemps. Le 6 janvier 1878, le diamètre de cette région de la planète étant réduit à 8″,2, ledit canal était beaucoup plus net que jamais, et cette netteté durait encore le 21 mars. L’auteur pense que le Soleil en arrivant à l’équateur (le 22 février) a dissipé les brumes. C’est possible. Mais, il est également possible que les canaux changent avec les saisons. Déjà nous avons vu que plusieurs autres canaux n’ont été bien évidents qu’en février.

L’élargissement de ce canal, comme celui de l’Eosphoros, du canal des Géants, et celui des Titans, etc., est attribué par l’auteur à une division à l’embouchure, à des deltas, comme on le voit pour le Rhône, le Rhin, etc. Dans ce cas, l’eau s’écoulerait là du Sud vers le Nord, de la mer des Sirènes vers le fleuve Océan : il y aurait une pente du Sud au Nord.

Mer Maraldi = Mer Cimmérienne. Baie Huggins. Fleuve des Cyclopes.

Nos lecteurs connaissent cette mer depuis longtemps. La particularité la plus curieuse de cette région est l’existence du canal qui porte sur notre carte le nom de baie Huggins et sur celle de M. Schiaparelli celui de fleuve des Cyclopes. Ce nous paraît être aussi là l’une des configurations variables de la planète. Aux mois de septembre, octobre et novembre, on ne distinguait qu’une ombre grise indistincte : l’auteur attribue cet aspect à l’atmosphère de Mars, alors, dit-il, assez nuageuse sur les terres équatoriales. Mais les 25, 28 et 30 décembre, le canal était vu très nettement, quoique le disque fût réduit à 9″. Cette vision nette dura jusqu’à la fin des observations. Ce canal descendait verticalement de la mer Maraldi, le long du 223e degré. Pour nous, il est plus oblique, et se rapproche du dessin de Dawes, du 1er décembre 1864 (fig. 120), ou peut-être son cours est-il soumis à certains changements.

Mer Hooke. Mer Flammarion = Mer Tyrrhénienne. Petite Syrte.

Ces mers succèdent à la précédente et nous conduisent à la mer du Sablier. La mer Hooke est plus foncée au nord qu’au sud. Entre la mer Hooke et la mer Flammarion, s’avance dans les terres un golfe aigu qui a reçu le nom de baie Gruithuisen et que M. Schiaparelli appelle Petite Syrte. Il y fait aboutir deux fleuves, le Léthé et le Triton. Cours singuliers et douteux. Très difficiles à distinguer, Non loin de là, on voit aussi le fleuve des Éthiopiens.

Mer du Sablier = Grande Syrie, Nil. Libye. Népenthès. Lac Triton. Lac Mœris.

C’est la région la plus anciennement connue de la planète, et son premier Fig. 176.

L’hémisphère austral de Mars, en 1877. Dessin de M. Schiaparelli
dessin date, comme nous l’avons vu, de l’année 1659 (fig. 9). M. Schiaparelli a donné à la mer du Sablier le nom de Grande Syrte, qui nous paraît moins heureux que ses autres dénominations. Il donne le nom de Nil à sa région inférieure qui tourne vers la droite en un long canal, et qui, sur notre carte, s’appelle Passe de Nasmyth.

À gauche de la mer du Sablier, vers la petite mer Main, l’observateur a dessiné un canal, le Népenthès, qui aboutit à un lac, le lac Triton, et porte en son milieu, comme un chaton de bague, un autre lac, le minuscule lac Mœris. Un autre fleuve, « très facile à distinguer », le Triton, va du lac de ce nom à la Petite Syrte en décrivant une courbe gracieuse. La région continentale entourée par ces eaux a reçu le nom de Libye. Cette région nous paraît soumise à des variations fréquentes et considérables, et sans doute à des inondations, surtout au nord, sur les plages de la mer. Voyez les bords estompés de ces plages sur les dessins de Dawes, 26 novembre 1864 (fig. 120), Kaiser, 28 décembre 1864 (fig. 117), id., 22 novembre (fig. 113), Lockyer, 3 octobre 1862 (fig. 98 et 99).

La mer du Sablier est beaucoup plus étroite sur la carte de M. Schiaparelli que sur les dessins de Mädler, Secchi, Lockyer, Kaiser, Franzenau, etc. Nous pouvons en conclure que ses rivages sont également variables.

Au-dessous du Népenthès, dans la « région d’Isis », qui est par elle-même très blanche, l’auteur a observé, le 14 septembre, un point aussi brillant que la neige polaire. Il lui parut former un carré de 1″,5 de côté (environ 8° ou 480 kilomètres). Si c’était de la neige, on en devrait conclure à l’existence d’un groupe de hautes montagnes sur les rives occidentales du lac Triton.

Terre de Cassini. Île Dreyer = Ausonie. Japygie.

L’astronome de Milan conclut de ses observations que sur Mars les nuées ont une tendance marquée à se former sur les terres entourées d’eaux. C’est à ce fait que l’on doit sans doute l’aspect si fréquent du détroit d’Herschel et de la baie du Méridien se détachant isolément comme un ruban sombre, la péninsule de Deucalion étant souvent blanchie par ces nuées. L’Ausonie devient sombre à la Japygie. Dans l’état normal, quand l’atmosphère de Mars est pure, ces régions se présentent comme sur le dessin du 14 octobre 1877 (fig. 175).

Terre de Lockyer = Hellade. Fleuve Alphée.

Région singulière aussi. Île ronde, légèrement allongée du sud-est au nord-ouest, dont le diamètre ne mesure pas moins de 30° ou de 1 800 kilomètres. Coloration jaune comme les continents, mais parfois blanche comme la neige. Cette île s’est montrée, en 1877, partagée du sud au nord par un canal auquel l’auteur a donné le nom de fleuve Alphée.

Mer polaire australe.

Si l’on fait abstraction des deux îles de Thulé, la calotte polaire de Mars limitée au 60e parallèle de latitude australe est entièrement maritime. L’opposition de 1877 a été extrêmement favorable pour l’examen de cette région : l’axe était incliné, en octobre, de 65° seulement sur notre rayon visuel, de sorte que toute la neige polaire est restée constamment en vue, entourée par la mer sombre. L’atmosphère a paru sans nuages.

Tel est le résumé des observations géographiques. Quelques mots encore, sur les neiges polaires.

La position du centre de la neige polaire australe a été trouvée à :

Longitude : 29°,47 ; Distance au pôle : 6°,15.

M. Asaph Hall a trouvé, en même temps (p. 283) 20°,66 et 5°,11. La moyenne des deux déterminations donne 25°,06 et 5°,63. La moyenne des mesures faites par Kaiser, Lockyer et Linsser en 1862 avait donné 15°,51 et 4°,26 ; en 1830, Bessel avait trouvé 21°,55 et 6°,59. M. Schiaparelli conclut que, dans les divers solstices méridionaux de Mars, la tache polaire australe, lorsqu’elle est réduite à son minimum, occupe toujours à peu près la même position sur la planète. Sans doute y a-t-il là quelque bas-fond.

La carte de l’hémisphère austral de Mars, construite par M. Schiaparelli (fig. 176) montre bien cette position de la calotte de neige triangulaire restant près du pôle.

Ces neiges polaires ont varié de grandeur avec les saisons. Voici les observations :

Date. Jours avant
ou après le
solstice.
Diamètre
de la
neige polaire
Date. Jours avant
ou après le
solstice.
Diamètre
de la
neige polaire
23 août. −34 28°,6 22 septembre. 14 14°,7
28 août.» −29 23°,9 24 septembre» 12 13°,8
23 septembre. −23 26°,0 25 septembre» 11 11°,5
10 septembre» −16 23°,9 26 septembre» −10 11°,5
10 septembre» −16 18°,5 30 septembre» +14 12°,5
11 septembre» −15 20°,2 21 octobre. +15 13°,7
12 septembre» −14 17°,4 22 octobre» +16 11°,8
13 septembre» −13 16°,9 24 octobre» +18 12°,7
14 septembre» −12 17°,4 10 octobre» +14 10°,4
15 septembre» −11 14°,1 12 octobre» +16 19°,5
15 septembre» −11 16°,1 13 octobre» +17 19°,3
16 septembre» −10 16°,1 14 octobre» +18 17°,6
18 septembre» 18 19°,1 27 octobre» +31 17°,0
20 septembre» 16 18°,5 24 novembre. +39 17°,0

À travers les fluctuations inévitables dans des mesures aussi difficiles, on constate la diminution rapide de ces neiges polaires, de 28° à 7°. En les voyant se réduire à ce point, l’observateur s’attendait à les voir disparaître tout à fait. Il n’en fut rien.

Les observations n’ont pu être continuées que difficilement après la dernière date, à cause de la grande obliquité de la vue, de l’invasion graduelle de l’ombre et de la formation des nuages en ces régions. Au commencement de décembre, les neiges parurent croître de nouveau. Le solstice d’été était arrivé le 26 septembre. Le minimum des neiges l’a donc suivi d’environ deux mois.

En ce minimum, la neige présente une forme triangulaire.

M. Schiaparelli termine son admirable travail par des considérations sur la météorologie et la géologie martiennes. Nous reprendrons ces questions plus loin. N’avions-nous pas raison de dire, au début de cet exposé, que le progrès accompli par l’illustre astronome de Milan dépasse d’un bond tous les précédents ? Nous retrouverons la suite de ces recherches dans toutes les oppositions qui vont suivre.

XCIII. Même année, 1877. — Maunder. Analyse spectrale de Mars[40].

Pendant que les belles observations physiques qui précèdent étaient faites par d’habiles observateurs, d’autres investigateurs continuaient les recherches d’analyse spectrale déjà commencées dès 1862 et 1864 par Huggins, Miller, Rutherfurd, Vogel (voy. p. 182), continuées en 1867 par les mêmes, plus Secchi (voy. p. 200), et en 1872 par Vogel (p. 212). À l’Observatoire de Greenwich, M. Maunder a trouvé pour le spectre de Mars les longueurs d’ondes suivantes, exprimées en dix-millionièmes de millimètre.

RAIES D’ABSORPTION DANS LE SPECTRE DE MARS.
  23 août. 21 sept. 26 sept.
Bande δ du spectre de Brewster
premier bord
.... 5640 5639
second bord
.... 5661 5717
Groupe de lignes vers D
premier bord
.... 5889 5887
second bord
.... 5907 5897
Faible bande. Milieu
6019 6022 ....
Bande α. Milieu
6287 6287 6298
Très faible bande. Milieu
.... .... 6511
Groupe de lignes vers C
premier bord
6544 6537 6544
second bord
6572 6587 6575
Très faible bande. Milieu
.... .... 6695
Très faible bande (B ?) Milieu
6852 .... 6895

Si nous comparons ces lignes d’absorption avec celles trouvées en 1867 (p. 213), nous constatons une correspondance remarquable.

De ces bandes, les trois plus marquées, la bande α et les groupes près D et C du spectre solaire, ont été observées en même temps sur la Lune, qui était à la même hauteur au-dessus de l’horizon ; mais elles étaient plus étroites sur la Lune que sur Mars.

On a essayé de reconnaître une différence entre le spectre des taches sombres et celui des taches claires. Les taches sombres donnent un spectre beaucoup plus faible que le reste du disque, le contraste étant très marqué dans le rouge et le jaune et moins dans le violet. On n’a remarqué aucune ligne ou bande particulière. Toutes ces bandes d’absorption ont paru plus faibles vers les bords que dans l’intérieur du disque.

Les taches claires ont paru orangées, variant insensiblement depuis le jaune blanc jusqu’au rouge, suivant les jours.

(On a fait, pendant cette précieuse opposition de 1877, un certain nombre d’observations de positions de Mars relativement aux étoiles voisines, pour la détermination de la parallaxe solaire. Nous n’avons pas à en parler ici.)

Remarquons enfin que la première photographie de Mars a été essayée cette année-là. M. Gould, directeur de l’Observatoire de Cordoba, expose, dans un discours relatif à l’Exposition de Philadelphie[41], qu’il a réussi à obtenir la photographie de 84 objets célestes, parmi lesquels Mars, Jupiter et Saturne. Les principaux tons clairs ou foncés sont reconnaissables ; mais ces photographies ne peuvent pas encore supporter d’agrandissement.

  1. Voy. Comptes rendus de l’Académie des Sciences, séance du 27 avril 1877, p. 476.
  2. Cette carte est la même que celle qui a été publiée dans la première édition des Terres du Ciel (novembre 1876) et dont il a été parlé plus haut.
  3. Observations and orbits of the satellites of Mars, by Asaph Hall. Washington, 1878.
  4. Cette lunette, alors la plus puissante, a pour objectif une lentille de 26 pouces anglais = 0m,66.
  5. « En admettant pour le satellite extérieur un diamètre de 0″,031, écrivait M. Hall lui-même (Monthly Notices, fév. 1878, p. 207), cet angle correspond, à la distance de notre Lune, à un cercle de 187 pieds (= 57 mètres), de sorte que la proposition d’établir un système de signaux lumineux pour communiquer avec les habitants de la Lune n’est pas du tout un projet chimérique : « Is by no means a chimerical project. »
  6. « En observant les passages de cette lune au méridien, écrit M. Hall (Monthly Notices, id., p. 208), les astronomes de Mars ont une méthode très exacte de déterminer les longitudes martiennes, puisqu’au lieu du facteur 29, qui, dans le cas de notre Lune, multiplie l’erreur d’observation, les Martiens ont un facteur inférieur à 4. Cependant, on ne peut guère douter que les astronomes martiens aient aussi leurs difficultés, dues peut-être surtout à une dense atmosphère et à une forte réfraction ; et puis, ce n’est pas une sinécure que d’observer trois passages au méridien par jour ! »
  7. Les principales déterminations de la masse de Mars antérieures à la déduction très précise tirée du mouvement des satellites étaient :
    1802.
    Delambre, par les perturbations de la Terre (valeur adoptée par Laplace)
    1/2 546 320
    1813.
    Burckhardt, par le même procédé
    1/2 680 337
    1828.
    Airy, en corrigeant Delambre par les observations de Greenwich
    1/3 734 602
    1853.
    Hansen et Olufsen, toujours par les perturbations de la Terre
    1/3 200 900
    1858.
    Le Verrier, par le même procédé
    1/2 994 790
    1876.
    Le Verrier, par les perturbations de Jupiter
    1/2 812 526

    On voit que la valeur la plus approchée était celle de Hansen et Olufsen.

  8. Voy. nos Études sur l’Astronomie, t, III, 1872, p. 30.
  9. Annales astronomiques de l’Observatoire royal de Bruxelles, t. II, 1878.
  10. Bulletin de l’Académie des Sciences de Belgique, 1878, t. I, p. 33.
  11. Observations de la planète Mars pendant l’opposition de 1877. (Mémoires des Savants étrangers, t. XLII, 1879).
  12. Crus, Mémoire sur Mars. Taches de la planète et durée de sa rotation. 1 vol. in-8o. Rio de Janeiro, 1878.
  13. Notes on the physical appearance of the planet Mars. The scientific Transactions of the royal Dublin Society, 1878, t. I, p. 64.
  14. Beobachtungen und Untersuchungen über die physische Beschaffenheit des Jupiter und Beobachtungen des Planeten Mars. Observatorium zu Potsdam, 1878.
  15. Royal astronomical Society. Memoirs, t. XLIX, 1877-1879, p. 123, et Monthly Notices, t. XXXVIII, 1878, p. 38.
  16. On the physical Configuration of Mars, Monthly Notices, nov. 1819, p. 13.
  17. Astronomische Nachrichten, t. XCI, 1878, p. 223.
  18. Monthly Notices, t. XXXVIII, p. 58.
  19. Monthly Notices of the royal astronomical Society, décembre 1877, p. 58.
  20. Annales de l’Observatoire de Moscou, t. IV, 1878.
  21. Bulletin de l’Académie de Belgique, 1878, t. I, p. 35.
  22. Untersuchungen über die durchmesser des planeten Venus und Mars. Publ. der Ast. Gesellschaft. Leipzig ; 1879.
  23. Monthly Notices, t. XXXVIII, 1878, p. 409.
  24. Beobachtungen angestellt an astrophysikalischen Observatorium in O Gyalla in Ungarn, I. Band, 1878.
  25. Berichte der K. Sächs. Gesellschaft der Wissenschaften, 15 déc. 1877.
  26. Veröffentlichungen von der Königl. Sternwarte zu Göttingen. 1877.
  27. Ils ont été publiés dans le journal hebdomadaire La Nature, déc. 1877, p. 80.
  28. The aspect of Mars in 1877, Ast. Nach., t. XCIII, 1878.
  29. English Mechanic, t. XXVI. 1878.
  30. Considération sur un essaim d’astéroïdes autour de Mars. Autun, 1877.
  31. Osservazioni di Marti. Naples, 1879.
  32. Beobachtungen des Mars, Lund, 1878.
  33. Osservazioni astronomiche e fisiche sull’asse di rotazione e sulla topografia del pianeta Marte. Reale Accademia dei Lincei. Un vol. gr. in-8o de 136 pages et planches. Rome, 1878.
  34. Astronomische Nachrichten, no 838. Voy. plus haut, p. 122.
  35. Voy. Monthly Notices, 1875, p. 305 ; 1877, p. 301, etc.
  36. Voy. Santarem, Essai sur l’histoire de la Cosmographie au moyen âge, t. I, pp. 94, 368, et tome III, p. 310.
  37. Remarque intéressante, M. Green a observé un effet analogue le 29 septembre (Voy. p. 274).
  38. Et non moins variable, probablement.
  39. « Alla sua curvatura, dit-il, che e molto evidente, e costituisce un caso piutosto raro nei canali onde è sparso il pianeta, ho posto particulare attenzione. » Il y a eu là aussi quelque changement. Voir plus loin les observations ultérieures.
  40. Monthly Notices, t. XXXVIII, novembre 1877, p. 31-38.
  41. Address of prof. Gould (The Observatory, mai 1878, p. 19).