La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité/P3/1879

Gauthier-Villars et fils (1p. 309-350).
Opposition de 1879

Opposition de 1879.

La période de 1879 a été à peine inférieure à la précédente par l’importance des observations. La planète n’approchait pas autant de la Terre, il est vrai, mais elle était plus élevée au-dessus de l’horizon, et il y avait presque compensation pour la netteté des images. De plus, les découvertes récentes étaient un puissant encouragement pour tous les observateurs.

SITUATION DE LA PLANÈTE.
Opposition : 12 novembre, Diamètre : 19″,3.
Pôle incliné vers la Terre : austral, mais moins qu’en 1877.
Dates. Latitude
du centre.
Diamètre
apparent.
Phase
(zone
manquant).
Angle
Soleil-Terre.
12 août
−15°,2 11″,4 1″,7 46°
12 septembre
−10°,5 14″,2 1″,7 41°
12 octobre
19°,8 17″,8 0″,9 26°
12 novembre (opp)
−14°,5 19″,3 0″,0 2
12 décembre
−18°,2 15″,3 0″,6 23°
12 janvier
−17°,2 11″,0 1″,0 35°
12 février
−12°,7 18″,1 0″,9 38°

Calendrier de Mars.
Hémisphère austral ou supérieur. Hémisphère boréal ou inférieur.
14 août 1879
Solstice d’été.  Solstice d’hiver.
21 janvier 1880
Équinoxe d’automne. Équinoxe de printemps.

XCIV. 1879. — N.-E. Green. Observations[1].

L’auteur expose d’abord que le but de ses observations a été surtout d’identifier les aspects observés en 1877 et de voir si quelques changements seraient arrivés dans l’intervalle.

L’atmosphère de l’Angleterre n’a pas été favorable et les meilleures vues ont été prises lorsque Saturne était presque entièrement effacé par le brouillard, l’éclat de Mars étant, par conséquent, très tempéré.

On a pu identifier toutes les configurations de la carte (fig. 167), à l’exception seulement de quelques détails. MM. Niesten à Bruxelles, Burton près Dublin et Denning à Southampton ont pris des dessins portant les mêmes vérifications.

Certaines variations d’aspects ont été observées. L’une des principales est une bande blanche à la latitude australe de 20° s’étendant de 260° à 360° de longitude, unissant en une longue ligne blanche les îles Dreyer, Hirst et Phillips. À l’est de l’île Phillips, cette bande claire tourne vers l’équateur et passant entre la baie du Méridien et la baie Burton va rejoindre le continent Beer. Or, c’est précisément l’aspect vu et dessiné par Beer et Mädler en 1830, Lockyer en 1862 et Kaiser en 1864, tandis qu’à Madère, en 1877, cette partie du globe de Mars était marquée d’une demi-teinte sur laquelle les îles étaient vues qu’indistinctement ; l’espace compris entre la baie du Méridien et la baie Burton était toujours resté assez foncé pour continuer la bande équatoriale.

Au nord de la mer Terby, la tache sombre nommée mer Dawes sur la carte de Proctor a été dessinée par Dawes, Lockyer et Kaiser ; mais elle était certainement invisible en 1877. M. Green avait fait l’impossible pour la retrouver. Elle avait donc disparu, ou à peu près. Or, elle est revenue en 1879 telle qu’elle avait été vue précédemment.

Quant aux canaux de M. Schiaparelli, l’auteur croit en avoir aperçu quelques-uns, mais « il ne pense pas que ce soient là des marques géographiques permanentes, car si toutes les lignes sombres vues par les observateurs étaient réunies sur une même carte, la plus grande confusion s’ensuivrait.

» Il est possible que plusieurs de ces lignes soient les limites de taches très faibles et pour ainsi dire invisibles, ou bien des espaces entre des voiles atmosphériques. Dans les deux cas, leurs positions varieraient.

» Ces observations nous conduisent à regarder les grandes taches sombres comme les configurations les plus permanentes, mais sujettes à des oblitérations partielles ou même à de longues disparitions, par l’interposition de quelque voile atmosphérique plus clair. »

À la séance de la Société astronomique de Londres du 12 mars 1880, on remarque[2] une intéressante discussion sur la difficulté de dessiner sûrement certains détails douteux des aspects de Mars, entre les observateurs Green, Brett, Knobel et Christie. La conclusion est qu’il est souvent impossible d’être sûr, et que l’atmosphère de Mars aussi bien que la nôtre produisent des variations plus ou moins grandes dans ces aspects. Quant à des changements réels, M. Green n’y croit pas : « The changes that I speak of I do not suppose for a moment to be actual changes in the planet, but changes in the appearance of the planet, and doubtless in a great measure due to its atmosphere. »

Telle n’est pas notre opinion. Pour nous, il s’opère actuellement sur Mars des changements réels, assez considérables pour être visibles d’ici.

Il a été question à cette même séance de neuf dessins faits par M. Brewin pendant l’opposition de 1879.

XCV. 1879. — Dr Terby. Observations et dessins[3].

Ces observations ont été faites, comme les précédentes du même auteur, à l’aide d’une excellente lunette de 108mm, de Secrétan, et aussi à l’aide de l’équatorial de six pouces de l’Observatoire de Bruxelles. Elles s’étendent du 28 septembre au 18 décembre, et contiennent 23 dessins. Voici les principales :

Le 27 octobre, de 9h 45m à 10h (fig. 177, A). — Il est évident que ce dessin est incomplet, mais il y a impossibilité totale de découvrir d’autres détails. Je vois en ζ l’Œnotria de M. Schiaparelli. Le détroit d’Herschel justifie parfaitement ici l’épithète de Schlangenförmig qui lui a été donnée autrefois. Cette observation est très bonne et très exacte.

Le 25 novembre, de 8h 45m à 9h 15m (fig. 177, B). — Très bonne image. La grande tache est très faible (océan de la Rue). La tache a est la plus noire, plus noire que le 16 octobre (mer Tycho) ; vient ensuite la Mer circulaire, moins foncée, mais le 15 et 16 octobre, elle était, au contraire, très foncée. À 9h 15m, blancheur polaire boréale ; la tache a semble disparue. La position de taches a, b et q a été relevée avec beaucoup de soin et se rapporte à l’heure moyenne de l’observation (9h).

Il est très intéressant de noter que, le 25 novembre, la mer Tycho était beaucoup plus noire que le 16 octobre. Cet effet ne peut être attribué à un relèvement de cette tache sur le disque, puisque, bien au contraire, le pôle sud s’abaissait encore vers la Terre au 25 novembre.

Le 29 novembre, de 6h à 6h 30m (fig. 177, C). — Très bonne image. On voit en ζ l’Œnotria (Schiap.), en i la mer Lambert très faible. Le Sinus Sabæus ζκ est bordé de blanc jusqu’à la ligne pointillée. Il en était de même à 8h 40m. Une ombre très légère apparaît en ξ. Les deux taches polaires sont tout à fait certaines cette fois : la supérieure est extrêmement petite, comme en 1877, mais moins brillante. L’inclinaison progressive du pôle sud vers la Terre rend donc enfin visible la petite tache polaire méridionale ; elle est réduite à ses moindres dimensions, et même a perdu son éclat par suite de l’été méridional qu’elle traverse[4]. Il est difficile d’indiquer la limite de la grande tache sombre du côté du Sud. L’image, d’abord excellente, devient très ondulante à l’approche d’un nuage qui s’élève de l’horizon est à la fin de l’observation.

Le 6 décembre, de 5h 41m à 6h 1m (fig. 177, D), et à 6h 11m. — L’image étant fort agitée, j’ai employé un diaphragme qui réduit l’ouverture de l’objectif à 0m,077, et, comme je l’ai souvent constaté, l’observation a immédiatement pu continuer dans de meilleures conditions. Les terres de Burckhardt β et de Cassini π, l’Iapygia ψ, la mer Zöllner t sont devenues beaucoup plus certaines. δ = terre de Lockyer. Le continent Æria ρ, très brillant, très blanc. L’attention soutenue avec laquelle on a examiné ces détails a introduit quelque doute dans la position précise des taches sur le disque. Néanmoins on peut dire que la position de la mer Zöllner t se rapporte plutôt à l’heure moyenne de l’observation (5h 51m), celle de la mer du Sablier au commencement et celle de la terre de Burckhardt à la fin. Cette dernière terre est donc un peu trop rapprochée du bord occidental eu égard à l’heure moyenne et la configuration générale en a subi une légère déformation.

Dans ces observations de M. Terby, la tache polaire boréale ou inférieure s’est montrée quelquefois double. On a pu voir trois fois la tache polaire supérieure, beaucoup plus petite.

Remarquons surtout dans ces dessins la bordure blanche du détroit d’Herschel, de la mer du Sablier à la baie du Méridien (nuages ou neiges ?) et la mer noire a du 25 novembre, correspondant à la mer Tycho.

L’habile astronome de Louvain a présenté la même année (6 décembre 1879) à l’Académie de Belgique un mémoire[5] ayant pour but d’établir que les canaux découverts par M. Schiaparelli en 1877, et mis en doute par un certain nombre d’astronomes, peuvent être retrouvés sur des dessins antérieurs, notamment sur ceux faits par M. Holden en 1875, au grand équatorial de 26 pouces de l’Observatoire de Washington.

Fig. 177
A. — 27 octobre. B. — 25 novembre.
C. — 29 novembre. D. — 6 décembre.
Dessins de Mars, par M. Terby, les 27 octobre, 25 et 29 novembre et 6 décembre 1879.

M. Holden a fait cette année-là six dessins, dont nous avons reproduit plus haut (fig. 148) les deux meilleurs. Nous ne partageons pas l’optimisme de M. Terby sur la correspondance de ces vues avec la carte de M. Schiaparelli.

M. Terby croit également retrouver la confirmation des canaux dans les dessins de Knott et Schmidt en 1862, Secchi en 1864, Gledhill, Lehardelay Vogel et Lohse en 1871, Knobel, Lohse et Trouvelot en 1873, Cruls et Niesten en 1877. Cette correspondance ne nous paraît pas, non plus, absolument sûre… loin de là !

XCVI. 1879. — Niesten. Observations et dessins[6].

Les observations de M. Niesten, pendant cette opposition, s’étendent du 3 octobre au 26 janvier et ne comprennent pas moins de quarante dessins, faits à l’équatorial de 6 pouces anglais (0m,15) de la tourelle orientale de l’Observatoire de Bruxelles. Grossissement variant de 90 à 450. L’observateur a été aidé par M. Stuyvaert : deux croquis successifs étaient pris, et aucun détail n’a été fixé sur le dessin final sans avoir été contrôlé par les deux observateurs.

Avant de faire leurs observations, les deux astronomes prenaient connaissance de la position du globe de Mars et de ce qu’ils avaient à y trouver d’après les cartes de Green et Schiaparelli. Ils ont reconnu plusieurs canaux ; d’autres n’ont pas présenté une délinéation nette, mais semblaient plutôt produits par la démarcation de teintes différentes recouvrant des régions adjacentes. En relevant les contours de certaines configurations, légèrement teintées de gris, ou de gris orangé, on pourrait les identifier avec certains canaux.

M. Niesten propose d’employer les dénominations de la carte de Green pour les mers et les continents, qui sont stables et certains, et celles de Schiaparelli pour les fleuves et les canaux, qui paraissent variables et incertains. C’est là une proposition qui nous semble de tous points acceptable et recommandable.

Signalons d’abord, parmi les dessins, les quatre que nous reproduisons ici en héliogravure et dont le méridien central correspond aux longitudes 67°, 150°, 250° et 330° : ils embrassent donc l’ensemble de la planète.

Dans le premier, du 29 octobre à minuit (fig. 178, A), on remarque au centre la baie Christie avec l’île de Hall. L’île Phillips ne rejoint pas le continent. Au-dessous de la mer Terby, on remarque un autre lac. Ce lac est visible sur les dessins des 15 et 29 octobre, 25, 26 et 27 novembre et 19 décembre ; l’île de Hall sur ceux des 15 et 29 octobre, 26 et 27 novembre.

La partie ombrée au nord marquerait les confluents du Nil, de Jamuna et du Gange.

Dans le second dessin (fig. 178, B), du 19 décembre, à 0h du soir, la mer Schiaparelli se développe dans toute son étendue. Sa réunion avec la mer Maraldi produit l’aspect bien connu de deux ailes ouvertes pour le vol.

Dans le troisième dessin (fig. 178, C), du 9 novembre à minuit 35m, la terre de Burckhardt, qui sépare la mer Maraldi de la mer Hooke, est au centre. Isthme de Niesten. Terres de Webb et de Cassini. Île Dreyer. Ombre grise contournant la calotte polaire boréale : Œnostos et Astapus.

Dans le quatrième dessin (fig. 178, D), du 27 octobre à 10h 15m, on reconnaît la mer du Sablier, le détroit d’Herschel, très sinueux, bordé de blanc, nuages où neiges ? La même bordure blanche est visible sur les dessins de M. Terby du 29 novembre. Les terres australes ressortent sur le fond gris. En bas, l’ombre grise suit la trace du Nil.

Fig. 178
A. — 29 octobre. B. — 19 décembre.
C. — 9 novembre. D. — 27 octobre.
Vues de Mars, par M. Niesten, les 29 octobre, 19 décembre, 9 novembre et 27 octobre 1879.

Ces quatre vues donnent une idée de l’ensemble. « Les taches les plus foncées (bleuâtres) ont été le détroit d’Herschel, la baie de Schmidt, la baie du Méridien, l’océan de la Rue, la baie Christie, la mer Terby, la mer Maraldi, la mer Flammarion, la mer du Sablier. Une légère teinte grise s’étendait sur les terres inondées de Jacob Land. Au nord des taches grises qui forment Herschel Strait, Maraldi Sea et Flammarion Sea, on remarquait une zone blanche. Continent Secchi, jaune-orange ; continent Herschel, jaune ; terre de Lockyer, jaune ; continent Beer, jaune-orange ; continent Mädler, id., terre de Browning, jaune-orange ; terres de Fontana et de Rosse, blanches. On a reconnu les traces correspondantes aux canaux Chrysorrhoas, Phasis, Agathodæmon, Ganges, Indus, Araxes, Læstrigon, Astapus, Alphée, Nil et plusieurs autres, souvent plutôt comme délimitations de grandes taches de teintes différentes que comme lignes détachées. »

XCVII. 1879. — C.-E. Burton. Observations et dessins[7].

Les observations de M. Burton continuent celles que nous avons analysées en 1871 et 1873 (p. 209). Elles embrassent une période de trois mois, du 5 octobre 1879 au 5 janvier 1880, et ont été faites à l’aide d’un réfracteur équatorial de 6 pouces, de Grubb, d’un réflecteur newtonien de 8 pouces, de John Brett, et d’un autre télescope de 12 pouces ; grossissements : 220 à 514 fois. Le mémoire de M. Burton est accompagné de 24 dessins et d’une carte. L’observateur emploie la nomenclature de la carte de Green.

Aucune comparaison avec les résultats des autres observateurs n’a été faite avant que les dessins ne fussent entièrement terminés. C’est là, à notre avis, la meilleure méthode. Elle évite les illusions provenant d’idées préconçues.

Les conditions atmosphériques ont été habituellement bonnes, et la plus grande altitude de la planète en 1879, relativement à l’année 1877, paraît avoir compensé l’accroissement de la distance et la diminution du diamètre.

L’auteur pense que l’on peut attribuer presque toutes les différences d’aspects à la projection variable de la planète et à l’obscurcissement temporaire et partiel dû aux brumes, brouillards ou neiges, dépendant des saisons.

M. Burton a été aidé dans ces observations par M. J.-L.-E. Dreyer, qui a fait un certain nombre de dessins.

Il ne nous semble pas nécessaire de donner ici les dessins de MM. Burton et Dreyer, car leur ensemble se trouve réuni sur la carte suivante (fig. 179), construite par ces deux observateurs. On remarquera certains aspects d’autant plus surprenants qu’ils ont été mieux observés. Ainsi, par exemple, la mer du Sablier offre une forme à laquelle nous ne sommes pas accoutumés ; de plus, elle se détache comme une jambe, entièrement séparée du détroit d’Herschel. On ne reconnaît pas la mer Schiaparelli. L’entourage de la mer Terby n’est pas assez circulaire. C’est encore là presque une carte nouvelle, quoique le fond soit bien martien.

Fig. 179

Carte de Mars, par Burton et Dreyer, en 1879.

On y remarque plusieurs canaux : 1o à la baie du Méridien, rappelant l’Hiddekel de Schiaparelli ; 2o à la baie Burton, rappelant l’Indus ou l’Hydaspe ; 3o à la baie Christie : la Manche ; 4o au-dessous de la mer Terby, sans doute l’Araxe, coupé par la longue traînée descendant obliquement sur notre carte (fig. 31) et qui correspond au Pyriphlégéton. On croit reconnaître ensuite le Gigas (mais incomparablement plus large), puis le Titan et le Tartare, mais bien différents, par leur position même, de ceux de la carte de Milan ; à l’extrémité de la mer Maraldi, la baie Huggins, très contournée, viendrait rejoindre la mer Oudemans : l’auteur l’identifie avec le canal des Cyclopes ; ce n’est pas être exigeant. Enfin, vers la baie Gruithuisen, un autre canal pourrait correspondre au Léthé. — Ces comparaisons conduisent à penser que l’on voit bien mal, que l’on ne dessine pas les choses où elles sont, ou que tout cela change singulièrement, comme s’il s’agissait de formations atmosphériques, de condensations glissant à la surface du sol ! Pourtant l’auteur assure avoir nettement et sûrement vu et dessiné la baie Huggins (méridien 240). Comparez avec la carte (fig. 174).

M. Burton pense que ces canaux sont identiques en nature avec les mers : « I have little doubt that these canals are identical in nature with the seas, though the connexion between them is occasionally singularly complex and difficult to define accurately. »

La neige polaire boréale s’est montrée dans toutes les observations beaucoup plus brillante et plus vaste que l’australe, quoique le pôle nord ait été au delà du bord, sur l’hémisphère invisible, et le pôle sud au contraire, en deçà, sur l’hémisphère visible. L’auteur estime qu’à la date du 10 décembre, les neiges boréales s’étendaient sur un cercle ayant 90° de diamètre. Le cap polaire austral se montrait évidemment excentrique au pôle. Les nuages, nuées ou brouillards qui voilent de temps en temps certaines régions ne sont pas blancs comme les neiges, mais de la couleur des continents, c’est-à-dire jaunâtres, et ne ressortent pas en blanc. Le 5 janvier, la neige polaire australe n’était plus blanche ou brillante, mais jaunâtre, mal définie. Peut-être était-elle en partie fondue, remplacée ou couverte par du brouillard, cette région étant depuis plusieurs mois exposée aux rayons du Soleil.

XCVIII. 1879. — Observations diverses. Dr O. Lohse, Nicolaus Von Konkoly, E. Hartwig, etc.

M. Lohse, dont nous connaissons déjà les observations antérieures, a fait une nouvelle série d’études[8], du 17 septembre au 2 décembre. Ces études se résument en six dessins et une carte. Nous reproduisons ici cette carte (fig. 180), qui ne ressemble pour ainsi dire à aucune des précédentes.

Entre autres divergences, le fameux lac circulaire que nous voyons depuis longtemps passer sous nos yeux, n’est pas rond, ni ovale, mais carré (Cette forme serait-elle due à une vision confuse des canaux qui y aboutissent ?) la mer du Sablier est à peu près arrêtée au milieu de son étendue ; on ne reconnaît

Fig. 180. — Carte de Mars, par M. Lohse, en 1879.
pas la mer Maraldi, qui est traversée par un sillon blanc. Le détroit d’Herschel et la baie double du Méridien représentent à peu près tout ce qui reste de la configuration générale, avec la terre de Lockyer, qui se devine au-dessus de la mer du Sablier écourtée.

Fig. 181. — Croquis de Mars, par M. de Konkoly, les 19 et 29 octobre 1879.

Les observations ont été faites à l’Observatoire de Potsdam, au grand équatorial de 298mm. Grossissements de 120 à 350.

M. de Konkoly a fait un certain nombre d’observations de Mars pendant la même opposition et a publié trois dessins, des 19 octobre à 11h 20m, 29 octobre à 9h 40m et 13 novembre à 8h 56m (fig. 181). Le dernier est très vague, et il est difficile de s’y reconnaître. Les deux premiers, le second surtout, sont meilleurs, et nous les reproduisons ici par la photogravure. Les observations ont été faites à l’aide d’un réfracteur de 6 pouces, armé d’un grossissement de 216.

On reconnaît sur la première la mer circulaire de Terby, mais doublée en quelque sorte. Il y a évidemment ici une grande équation personnelle. Le second montre avec évidence la mer du Sablier et toutes les configurations adjacentes.

M. Hartwig a pris de nouvelles mesures micrométriques du diamètre de Mars[9]. Ces mesures ont donné, combinées avec celles d’Arago, Bessel, Kaiser et Main :

Diamètre polaire = 9″,349. — Ellipticité douteuse.

Mesures de Hartwig :

Diamètre polaire
9″,311
Diamètre» équatorial
9″,519
Aplatissement (combiné avec les résultats de Encke et Galle) : 1/96.

Le 30 juin 1879, les planètes Mars et Saturne se sont rencontrées en perspective Fig. 182

Conjonction de Mars avec Saturne, le 30 juin 1879.
dans le ciel (fig. 182), leur moindre distance a été réduite à 87″, centre à centre. Le phénomène a été observé par un grand nombre d’observateurs (quorum pars minima fui). La remarque capitale qui a été faite en cette circonstance constance a été celle du contraste frappant entre la coloration rouge de Mars et le ton plombé de Saturne, qui paraissait vert par contraste. L’aspect de ces deux astres dans le champ de la même lunette était tout à fait merveilleux.

Les caps polaires sud et nord de Mars étaient d’une éclatante blancheur.

Il y avait déjà eu une conjonction des deux planètes le 3 novembre 1877, mais elle avait été moins étroite, et les deux astres n’avaient pas été réunis dans le même champ d’une lunette astronomique.

Le plus grand rapprochement a eu lieu vers 7h 30m du soir.

XCIX. 1879. — J.-H. Schmick. Études sur Mars[10].

L’auteur de cet opuscule a pris principalement pour but de résumer les observations faites par M. Schiaparelli en 1877. Son travail est divisé en six Chapitres dont voici les titres :

I. — La planète Mars considérée comme membre de la famille des mondes de notre système solaire.

II. — L’observation de Mars dans les instruments astronomiques.

III. — Ce que révèle l’observation spéciale de Mars : — (a) au point de vue des régions neigeuses ; — (b) au point de vue des régions foncées ; — (c) au point de vue de l’anneau lumineux qui entoure le disque.

IV. — Résultats de l’étude de Mars au point de vue de la surface solide de la planète.

V. — Que nous révèle la connaissance actuelle de Mars sur le développement de la Terre ?

VI. — Continuation du même sujet.

Le Chapitre I expose la situation cosmographique de Mars et ses mouvements, réels et apparents.

Le Chapitre II est consacré aux taches, à la rotation, aux neiges et à l’atmosphère.

Dans le Chapitre III, l’auteur passe en revue les variations des taches polaires, les effets des saisons, et expose les résultats des observations, principalement celles de M. Schiaparelli. Les régions foncées sont considérées comme des mers.

Les taches claires ou continentales font l’objet du Chapitre suivant. L’auteur partage l’opinion que la planète a perdu une partie de ses eaux, et fait remarquer la prédominance continentale de l’hémisphère nord. Il pense que le pôle nord doit avoir un bassin, comme le pôle sud, mais plus petit.

Enfin, dans les deux derniers Chapitres, l’auteur examine si les observations faites jusqu’alors sont favorables à la théorie d’Adhémar et de Croll sur les périodes glaciaires et conclut négativement.

C. 1879. — C. Flammarion. Études sur Mars[11].

Exposant dans l’Astronomie populaire nos connaissances sur la planète Mars et reprenant surtout nos arguments déjà émis dans les Terres du Ciel (voyplus haut, p. 241), nous insistions, comme caractéristique de la constitution de ce monde voisin, sur les différences de tons entre les mers et sur les variations de ces tons, ainsi que sur certains changements de formes et d’aspects qui nous paraissaient dès lors établis avec certitude par l’observation. — Nous avons remarqué, non sans curiosité, que plusieurs astronomes qui auraient dû ne point parler de ce qu’ils ne connaissaient pas, critiquèrent avec une grande désinvolture ce résultat acquis par notre étude spéciale de la planète. — Parmi les régions de Mars les plus variables, nous signalions surtout le détroit d’Herschel II et la mer Terby. Voici un extrait de ce Chapitre.

Une autre différence avec la Terre paraît être offerte par la variabilité de quelques-unes Fig. 183.

Variations dans les mers de Mars. Le détroit d’Herschel II en 1830, 1862 et 1877.
de ses configurations géographiques. L’étude constante du détroit d’Herschel II pourrait conduire sur ce point à des résultats fort curieux. En 1830, Mädler l’a plusieurs fois très nettement et très distinctement vu tel qu’il est représenté ci-dessus (fig. 183). En 1862, Lockyer l’a vu avec la même netteté comme il est dessiné à côté, et, en 1811. Schiaparelli l’a observé tel que nous le voyons sur le troisième dessin. Ce point, vu rond, noir et net en 1830, si net en réalité que Mädler le choisit pour origine des longitudes martiennes comme étant le point le plus noir, déjà vu sous la même forme par Kunowsky, en 1821, et indiqué aussi dès 1798 par Schrœter comme globule noir, n’a pu être distingué en 1358 par Secchi, malgré la recherche spéciale qu’il en a faite. Ce même point a été vu bifurqué par Dawes en 1864, et il l’est certainement ; mais la région qui l’environne au sud paraît couverte de marais et variable d’aspect suivant les années ; tous les dessins de 1877 ne montrent plus le même point, comme un disque noir suspendu à un fil serpentant, mais le fil s’est élargi au point de ne plus pouvoir soutenir cette comparaison : le golfe est aussi large au centre et à l’origine qu’à son extrémité orientale,

» Actuellement, la tache la plus noire et la plus nette, celle que l’on choisirait de préférence pour marquer l’origine des méridiens, serait la mer circulaire de Terby : on la choisirait certainement de préférence à la première. En 1830, la préférence a été donnée à la précédente, et sur plusieurs dessins on voit les deux faire exactement pendant de chaque côté de l’océan (fig. 184). Ces dessins ne Fig. 184.

Variations dans les mers de Mars. La mer circulaire de Terby en 1830, 1862 et 1877.
pourraient plus être faits aujourd’hui. Voilà une première variation. Une deuxième est présentée par l’aspect même de la tache : en 1862, les différents observateurs l’ont vue allongée de l’est à l’ouest ; en 1877, on l’a vue au contraire parfaitement ronde (correction faite de la perspective) et certainement non allongée dans le premier sens. Troisième variation : elle paraissait, en 1862, réunie à l’océan voisin par un détroit, et, en 1877, instruments de même puissance et observateurs de la même habileté n’ont rien vu de ce détroit et en ont distingué un autre au nord-est. Autre exemple de variabilité : d’excellents observateurs ont aperçu en 1862 et 1864, dans l’océan de la Rue, un point lumineux qui aurait pu être formé par une île couverte de neige et que j’ai cru devoir indiquer sur ma première carte. Personne ne l’a jamais revu depuis.

» Sans doute, il ne faudrait pas prendre pour des changements réels toutes les différences qui existent entre les observateurs. Ainsi, par exemple, en 1877, plusieurs ont vu réunies à l’occident les mers de Hooke et de Maraldi, tandis que la séparation est restée visible pour les autres ; l’œil est différemment impressionné et l’on pourrait presque dire que pour certains détails il n’y a pas deux yeux qui voient identiquement de la même façon, même les deux yeux d’une même personne. Mais, lorsque l’attention s’est tout spécialement fixée sur certains points remarquables qui auraient dû être rendus parfaitement visibles dans les instruments employés, et que l’on constate ainsi des différences qui paraissent incompatibles avec les erreurs d’observation, la probabilité penche en faveur de la réalité effective des changements signalés.

» De quelle nature sont ces variations ? c’est ce que l’avenir nous apprendra. Nous ne pourrions émettre actuellement que de vagues conjectures à cet égard. Mais quelles qu’elles soient, elles n’empêchent pas les principales configurations de la géographie martienne d’être permanentes, par conséquent réelles, et d’être vues actuellement telles que nos pères les ont vues et dessinées il y a plus de deux siècles.

» Autre remarque non moins intéressante. Cette planète voisine paraît avoir beaucoup moins de nuages que celle que nous habitons.

» C’est là un grand contraste avec notre globe, car il y a des années où nous n’en sommes vraiment pas privés. En une année entière, du mois d’août 1878 au même mois 1879, nous avons eu à Paris 167 jours pendant lesquels il a plu, et seulement 37 jours de ciel pur ou peu nuageux, 37 jours faits pour les astronomes. Sur l’hémisphère austral de Mars, c’était absolument le contraire lors des observations de 1877 : on a pu observer la planète toutes les fois qu’il a fait beau chez nous. Il ne faut pas oublier, en effet, que, pour que l’observation de la géographie martienne soit possible, deux conditions sont requises avant toutes autres : il faut qu’il fasse beau chez nous et que notre atmosphère soit pure, et il faut aussi qu’il fasse beau sur Mars, autrement nous ne pourrions pas mieux percer sa couche de nuages que nous ne pouvons en ballon traverser de la vue les nuages qui nous cachent les villages terrestres. Eh bien, il est remarquable que, sur Mars, neuf mois entiers se soient écoulés à peu près sans nuages et nous aient permis de perfectionner grandement les connaissances géographiques que nous voulions avoir de ce monde voisin.

» Nous nous trouvions en septembre et octobre 1877 au milieu de l’été de l’hémisphère austral de Mars, alors très incliné vers nous, et au milieu de l’hiver de son hémisphère boréal, tourné de l’autre côté. Tous les nuages paraissaient relégués sur cet hémisphère-ci, Sur ce globe, encore plus que sur le nôtre, l’été est la saison de l’atmosphère pure et l’hiver celle du mauvais temps. Les taches permanentes se montrent tranchées, vives et nettes, pendant l’été de l’hémisphère où elles sont placées, l’hiver arrive-t-il, elles deviennent vagues, confuses et faibles ; c’est, sans doute, que l’atmosphère de Mars devient trouble en hiver et reste très transparente en été. On remarque aussi une préférence pour les nuages à se former sur les marais et les bas-fonds teintés en gris sur la carte, plutôt que sur les mers obscures et profondes, et c’est ce qui retarde la connaissance précise que nous cherchons à acquérir de la contrée située au-dessus du détroit d’Herschel II ; mais on n’y remarque pas de zones constamment nuageuses et pluvieuses analogues à celle des calmes équatoriaux terrestres, où il pleut toute l’année.

» Quant à l’épaisseur de cette atmosphère relativement au disque de la planète, elle est inévitablement trop mince pour être visible d’ici, lors même qu’elle serait beaucoup plus élevée que la nôtre. En lui supposant 80 kilomètres de hauteur, cette épaisseur ne formerait encore que 0″,3 lorsque la planète est la plus rapprochée de nous ; la réfraction y serait donc insensible. »

Tel était, en 1879, l’ensemble des idées auxquelles nous avait conduit l’étude des observations faites sur la planète Mars. En cette même année, la revue astronomique The Observatory, dirigée par M. Christie, astronome de l’Observatoire de Greenwich, dont il est maintenant directeur, a pris soin de tempérer l’opinion qui considère les taches foncées de Mars comme des mers et les claires comme des continents. « Ces prétendues mers, dit-il, ne sont-elles pas aussi imaginaires que dans le cas de la Lune ? Les « continents » paraissent plutôt arrondis, comme nos mers, tandis que les « mers » reproduisent les formes aiguës de nos continents. Nous ignorons le vrai caractère de ces configurations, qu’il serait plus scientifique d’appeler simplement des taches, comme pour Jupiter »[12].

On voit que tous les astronomes n’avaient pas les mêmes idées. Il ne nous semble pas douteux cependant que les taches foncées représentent les eaux de Mars. Dans l’ouvrage dont il vient d’être question (Astronomie populaire), nous avons publié une seconde carte de Mars[13].

CI. 1879. — Huggins. Photographie du spectre de Mars[14].

Le savant physicien a réussi à obtenir des photographies directes des spectres des étoiles principales ainsi que des planètes Mars, Jupiter et Vénus. La fente de l’appareil à l’aide duquel ces photographies ont été prises a deux volets, de sorte que, lorsque le spectre d’un astre a été photographié sur une plaque, un volet peut être fermé et l’autre ouvert, et un second spectre peut être photographié sur la même plaque, comme comparaison. Ce second spectre peut être celui du Soleil ou de la Lune, ou d’une étoile connue, ou d’un élément terrestre.

Dans la photographie des spectres planétaires, l’auteur opérait avant la nuit, de sorte qu’il obtenait le spectre du ciel, puis celui de la planète. Par cette méthode, toute différence entre la lumière de la planète et celle du ciel aurait pu être reconnue. Il a obtenu de cette manière les spectres des trois planètes signalées plus haut, mais on n’y remarque aucune différence, aucune modification du spectre solaire dans la région photographiée, de la ligne G à la ligne O.

Le même procédé, appliqué à de petites régions de la surface lunaire, n’a révélé aucune trace d’atmosphère.

CII. 1879. — Schiaparelli. Nouvelles observations[15].

Le laborieux astronome de Milan a continué, pendant l’opposition de 1879, la série d’études entreprise en 1877 et résumée plus haut (p. 288-308). La division du travail est la même, et c’est également le même instrument qui a servi.

Ces nouvelles observations s’étendent du 30 septembre 1879 à la fin de mars 1880. La froide température de cet hiver a eu pour résultat un air calme et transparent, permettant d’excellentes images.

Remarques intéressantes, pour placer l’œil dans les meilleures conditions, l’observateur a pris soin d’éclairer fortement le champ de sa lunette, ce qui supprimait l’effet fâcheux du contraste entre l’éclat de la planète et l’obscurité environnante ainsi que du passage d’un champ obscur à la clarté du papier sur lequel les dessins étaient faits. En second lieu, il ne gardait l’œil à l’oculaire que le temps nécessaire pour bien voir et se reposait de temps en temps, ce qui permettait de travailler plusieurs heures consécutives, quand l’atmosphère était excellente. Enfin, il trouva avantageux de placer devant l’oculaire un verre colorié jaune rouge. L’objectif est parfaitement achromatique pour les rayons rouges, ce qui est également avantageux pour l’observation de Mars.

Ces observations nouvelles complètent et modifient celles de 1877.

Le diamètre apparent de la planète n’a pas atteint 25″, comme en 1877, mais, au maximum, 19″,3 au moment de l’opposition (12 novembre). Il était descendu à 5″,9 à la fin de mars. L’inclinaison de la planète était de 9°,5 au commencement des observations, de 18°,5 à son maximum (20 décembre) et de 3° seulement à la fin de mars,

Position de la tache polaire australe. — L’auteur a fait 89 observations de positions de cette tache, du 30 septembre au 2 décembre. Le résultat de ces observations, combiné avec celui qui avait été obtenu en 1877, donne, pour la projection du pôle boréal de Mars sur la sphère céleste, le point suivant (équinoxe 1880) :

α = 318° 7′,8 ;  δ = +53° 37′,1.

L’inclinaison de l’équateur de Mars résultant de cette position est la suivante :

 
Sur l’orbite de Mars
24° 52′,0
Sur l’orbite de la Terre
26° 20′,6
Sur l’équateur terrestre
36° 22′,0

William Herschel avait trouvé, pour l’inclinaison de l’axe de Mars sur le plan de son orbite, 28° 42′, et Bessel 27° 16′.

D’après cette nouvelle détermination de M. Schiaparelli, l’inclinaison n’est que de 24° 52′, ce qui rapproche davantage encore les conditions climatologiques et saisonnières de Mars de celles de la Terre.

La planète passe à son périhélie quand sa longitude héliocentrique est de 333° 49′ et à son solstice austral quand cette longitude est de 356° 48′. L’intervalle du premier au second est de 36 jours.

Les dates des solstices doivent être retardées de huit jours sur les déterminations anciennes et deviennent :

 
Date du solstice austral.
1830
18 septembre.
1862
19 septembre.
1877
26 septembre.
TRIANGULATION ARÉOGRAPHIQUE DES POINTS FONDAMENTAUX.

Nous avons vu plus haut (p. 290-292) les mesures micrométriques de 1877. Recommençant ces mesures et les comparant aux précédentes, l’auteur obtient les résultats inscrits au Tableau ci-dessous, plus précis encore que ceux de 1877.

N°1      
Dénomination Longitude. Distance
au pôle
austral.
Nombre
des
obser-
vations.
1
Vertice d’Aryn
0°,92 90°,98 8
2
Secondo corno del Golfo Sabeo
4°,49 95°,77 6
4
Canale di Deucalione, punto di mezzo
11°,91 86°,92 3,4
5
Golfo delle Perle, bocca dell’Indo
22°,07 95°,80 7
5 a
Divisione dell’Indo dell’Oxo
14°,06 112°,10 3,2
5 b
Bocca del Gehon nel Nilo
10°,76 120°,13 3,2
5 c
Bocca del’Indo nel Nilo
27°,33 125°,63 1
6
Bocca dell’Idaspe nel Golfo delle Perle
24°,44 88°,26 3
6 a
Corno d’Oro
19°,31 90°,75 1
6 b
Bocca dell’Idaspe nel Nilo
34°,92 120°,86 3
7
Capo degli Aromi
38°,66 80°,05 7
7 a
Bocca della Jamuna nel Golfo dell’Aurora
51°,40 82°,45 3
7 b
Bocca della Jamuna nel Lago Niliaco
41°,74 112°,77 3
8
Capo delle Ore in Argyre
40°,40 50°,20 8
8 a
Centro d’Argyre
29°,12 43°,17 2
8 b
Canale fra Argyre e Noachide (2o)
15°,77 42°,73 1
9
Capo delle Grazie in Argyre
47°,10 38°,78 7
9 a
Centro d’Argyre II
60°,86 24°,08 2,5
10
Golfo dell’Aurora, bocca del Gange
56°,20 84°,58 7
11
Punta dell’Aurea Cherso
60°,99 variabile 6
11 a
Bocca dell’Agatodemone
66°,12 variabile 5
12
Bocca del Nettare nel Mar Eritreo
66°,42 67°,94 6
12 a
Confluente dell’Agatodemone e del Chrysorrhoas
78°,57 80°,38 5
12 b
Confluente di Agatodemone e del F della Fortuna
82°,38 77°,35 1
13
Lago della Luna, centro
65°,98 117°,00 7
13 a
Isola Sacra
68°,04 118°,13 1
13 b
Golfo Ceraunio, parte australe
97°,27 119°,45 6
14
Lago del Sole, centro
90°,87 67°,00 12
14 a
Bocca dell’Ambrosia nel Mare australe
89°,05 44°,74 5
15
Lago dell Fenice, centro
107°,94 73°,76 8
16
Bocca del Fasi
111°,70 51°,47 6
16 a
Divisione del Fasi e dell’Arasse
112°,09 65°,76 1
17
Colonne d’Ercole, bocca esterna
124°,33 42°,89 8
18
Centro d’Icaria
120°,89 52°,80 6
19
Bocca dell’Arasse nel Mare dell Sirene
129°,15 61°,14 9,8
19 a
Bocca australe del canale dell Sirene
131°,80 59°,98 1
19 b
Confluente del canale dell Sirene I con Eosforo II
130°,97 77°,27 1
19 c
Neve Olimpica, 1879
129°,41 110°,63 6
19 d
Canale Flegetonte, mezzo
127°,26 122°,31 1
20
Primo punto di Thyle I
141°,81 28°,80 3
21
Colonne d’Ercole, bocca interna
135°,87 52°,08 7,5
21 a
Bocca del Termodonte nel Mare dell Sirene
139°,74 54°,04 1
21 b
Bocca del Termodonte nel Mare Cronio
137°,83 38°,15 1
22
Centro di Thyle I
158°,57 29°,58 2
23
Base australe di Atlantide I
156°,60 53°,64 4
24
Bocca del Simoenta nel Mare Cimmerio
168°,70 52°,09 5
24 a
Primo punto del Mare Cimmerio
161°,45 50°,37 4
24 b
Bocca del Simoenta del Mare Cronio
172°,46 37°,28 5
25
Golfo del Titani
170°,17 70°,67 8
25 a
Bocca del F. dell Gorgoni nel Mare delle Sirene
152°,08 59°,01 3,4
25 b
Punto dell’Erebo
162°,96 143°,84 2
26
Ultimo punto del Mare delle Sirene
175°,80 63°,25 8
26 a
Base inferiore d’Atlantide I
180°,39 60°,58 5
27
Stretto d’Ulisse, mezzo
189°,36 24°,27 2
29
Principio della palude Stigia
198°,74 108°,01 7
29 a
Bocca della palude Stigia nel Mar Boreale
306°,83 131°,65 5
29 b
Capo di Buona Speranza
205°,73 128°,98 1
30
Bocca del canale dei Lestrigoni nel Mare Cimmerio
199°,95 68°,49 11
30 a
Golfo dei Lestrigoni, nel 1879
183°,55 60°,09 4
30 b
Base d’Atlantide II, nel 1879
187°,92 39°,64 4
31
Bocca dello Scamandro sul Mare Cronio
203°,43 35°,53 5,1
31 a
Bocca dello Scamandro sul Mare Cimmerio
202°,66 51°,31 1
34
Base australe d’Esperia
213°,68 52°,26 3,2
35
Capo boreale di Thyle II
221°,51 30°,72 1
36
Centro di Thyle II
223°,43 23°,07 1
36 a
Ultimo punto di Thyle II
242°,06 12°,02 1
37
Golfo e bocca del canale dei Ciclopi nel 1877
224°,64 80°,57 1,2
37 a
Golfo di Ciclopi nel 1879
229°,81 76°,47 2,3
37 b
Bocca del canale dei Ciclopi nel 1879
223°,50 73°,48 4
38
Primo punto del Mare Tirreno
227°,60 53°,67 7
40
Bocca del Xanto nel Golfo di Prometeo
234°,89 38°,01 6,5
40 a
Bocca del Xanto nel Mare Tirreno
236°,17 50°,91 4
41
Ultimo punto del Mare Cimmerio
239°,97 79°,48 6
41 a
Bocca del canale degli Etiopi nell’Eunosto
242°,49 121°,92 2
42
Base settentrionale d’Esperia
249°,23 79°,48 5,4
43
Piccolo Sirte
257°,29 83°,29 8
43 a
Bocca del Golfo Alcionio nel Mar Boreale
225°,09 132°,90 1
44
Capo Circeo, in Ausonia
266°,72 74°,90 8
45 a
Primo punto dell’Adria
264°,49 48°,51 4
46
Lago Tritone
265°,21 106°,32 8,8
46 a
Neve Atlantica
269°,00 107°,06 2
46 b
Bocca del Thoth nel Golfo Alcionio
261°,23 124°,15 1
46 c
Bocca dell’Eunosto nel Golfo Alcionio
258°,13 1,0
47
Primo punto dell’Ellade, 1877
270°,48 43°,41 3,2
47 a
Bocca del Peneo nel Mare Adriatico, 1879
280°,14 46°,49 5
48
Lago Meride
275°,72 95°,57 2,1
49
Biforcazione d’Ausonia
278°,90 74°,77 4
50
Congiunzione del Nepente col Nilo 1877
286°,15 121°,26 1
50 a
Bocca del Nepente nella Gran Sirte, 1879
285°,03 100°,16 3
51
Gran Sirte et bocca del Nilo, 1877
290°,31 110°,09 6,5
51 a
Punta australe di Merso, 1879
290°,98 105°,16 5,4
51 b
Bocca dell’Astabora nella Gran Sirte
299°,16 101°,91 1
51 c
Divisione del Nilo e dell’Astapo
281°,72 128°,34 3,4
52
Bocca australe dell’Alfeo
35°,01 0,1
53
Centro o croce dell’Ellade
294°,93 46°,38 7
54
Bocca settentrionale dell’Alfeo
298°,81 61°,76 1,3
55
Ultimo punto del Mare Tirreno
297°,37 96°,70 6,5
56
Ultimo punto dell’Ellade, 1877
314°,97 48°,92 4,3
56 a
Bocca del Peneo nel Mare Australe
315°,99 44°,95 3
57
Corno d’Ammone
317°,99 81°,21 13,11
57 a
Bocca del Tifone nella Gran Sirte
306°,26 94°,99 1
57 b
Palude Sirbonide
327°,22 104°,01 2
58
Scilla e Cariddi
323°,46 69°,75 3
59 a
Novissima Thyle
355°,10 19°,25 1
60 a
Centro dello Noachide
344°,93 53°,24 3
61
Bocca del Phison nel Golfo Sabeo
336°,28 85°,24 6,5
61 a
Uscita del Phison dalla palude Coloe
302°,52 128°,29 3,4
61 b
Ingresso del Nilo nella palude Coloe
303°,59 134°,29 2,1
61 c
Bocca dell’Eufrate nel Golfo Sabeo
337°,88 82°,74 3
61 d
Divisione dell’Eufrate e dell’Oronte
336°,93 105°,60 2
61 e
Bocca dell’Eufrate nel Nilo
334°,30 132°,38 4
62
Primo corno del Golfo Sabeo
357°,17 96°,30 8
62 a
Golfo di Edoni
345°,21 85°,98 2
62 b
Canale ed istmo di Xisutro (mezzo)
347°,90 81°,48 4

Soit 114 points déterminés par 482 observations.

On voit par ce Tableau que la baie du Méridien, appelée par M. Schiaparelli vertice d’Aryn, comme nous l’avons vu, a pour longitude 0°,92, au lieu de 0°,00. Si donc on veut ramener toutes les autres positions à un méridien initial, il faut soustraire de toutes leurs longitudes ce petit nombre 0°,92.

Par ces positions, et à l’aide de 30 disques complets et de 104 esquisses partielles obtenues pendant cette période, l’éminent observateur a construit la carte reproduite ici (fig. 185), dessinée non plus seulement par traits, mais par tons, et dont l’objet est de représenter plus fidèlement que la première les aspects martiens tels qu’on doit les voir à la surface même de la planète. Cette carte est plus étendue que la première. Au lieu de s’arrêter au 40e degré de latitude inférieure ou boréale, elle va jusqu’au 60e. Nous allons l’examiner en détail.

Et d’abord, quant aux dénominations de mers, terres, fleuves, canaux, golfes, lacs, l’auteur paraît regretter (p. 5 et 51) d’avoir admis dans son précédent mémoire que ces expressions pouvaient être conformes à une réalité. Elles ne doivent signifier rien de plus que pour la Lune. Elles servent à indiquer les observations, voilà tout. Chercher ce qu’elles représentent serait sortir de la science pour entrer dans l’hypothèse, et, cette fois-ci, l’auteur s’en défend absolument. Nous prenons, non sans quelque regret, acte de sa déclaration. Il est juste d’ajouter, toutefois, que le rôle de l’observateur s’arrête strictement là, en effet. Celui du chercheur va plus loin et consiste, au contraire, à se servir des observations pour raisonner.

Quant à la nomenclature, M. Schiaparelli continue celle qu’il a adoptée, en l’étendant aux formations nouvellement observées.

Les résultats généraux obtenus sont de trois sortes. D’abord, tous les aspects observés en 1877 ont été revus, même les plus minutieux, à l’exception de deux : le « canal Hiddekel » et la « Fontaine de Jeunesse ». On a cru seulement distinguer quelquefois le premier, mais avec confusion et incertitude. La Fontaine de Jeunesse n’avait été vue qu’une seule fois en 1877 ; malgré toutes les recherches faites, on n’a rien retrouvé en 1879. Ces deux objets sont donc absents de la carte nouvelle.

Un second résultat, qui modifie, mais qui ne détruit pas le précédent, c’est que les configurations observées, tout en restant les mêmes, avaient pour la plupart changé d’aspect, de ton, de degré de visibilité, et même de largeur pour plusieurs canaux. L’inclinaison de la planète sur notre rayon visuel et sur l’éclairement solaire peut expliquer la différence de visibilité et de blancheur de certaines régions, telles que l’Argyre et l’Hellade. Peut-être aussi des causes locales font-elles varier le degré de blancheur de certaines contrées. Plusieurs de ces variations de tons du jaune au blanc ou, au contraire, au gris, sont réelles, et l’auteur croit probable qu’elles sont périodiques. Ces variations, dit-il, seront probablement la clé qui nous ouvrira les secrets de la constitution physique de la planète.

Le troisième résultat a été de confirmer les observations faites par Dawes en 1864, entre autres d’avoir retrouvé la passe de Bessel (fig. 127), qui correspondrait au canal vertical dessiné à droite du lac du Soleil, par le Phase et l’Iris. Ce canal de l’Iris n’existe pas sur la carte de 1877. Changement ?

Parmi les détails explorés, nous remarquerons l’Hydaspe, que l’observateur est porté à identifier avec le canal de Franklin de Secchi, identifié d’abord avec le Gange. Telle est aussi l’opinion du Dr Terby.

Le lac du Soleil a offert un peu la forme d’une poire, par l’adjonction du canal du Nectar, déjà dessiné par Mädler en 1830, Kaiser et Lockyer en 1862, Dawes en 1864, etc., mais absolument invisible en 1877. Cette sorte de canal étroit et léger faisait un angle de 15° à 20° avec le parallèle de latitude.

Ce nouveau témoignage de variation réelle, absolument incontestable, confirme ce que nous avons dit plus haut (fig. 184).



Fig. 185. — Deuxième carte de M. Schiaparelli, d’après ses observations de 1879.

Le canal de l’Ambroisie s’est montré mince et noir pendant toutes les observations de 1879, tandis qu’il s’était montré large et gris pendant toutes celles de 1877. Autre exemple de variation certaine.

Nous avons vu, sur la carte de 1877, l’Araxe se détacher du Phase pour se rendre à la mer des Sirènes par un cours sinueux dessiné avec une attention spéciale par l’observateur. Ce cours n’existe plus en 1879 : cette ligne, au lieu d’être courbe, est presque droite, et légèrement concave vers l’Icarie. Comparer le dessin du 11 novembre 1879 (fig. 189) ou celui du 22 décembre de celle même année (fig. 187) à celui du 25 septembre 1877 (fig. 186). Entre 1877 et 1879, le cours de ce fleuve a donc été rectifié vers la mer des Sirènes. L’observateur affirme la précision de ses dessins, ces soirées d’observation ayant été particulièrement excellentes et les vues parfaitement nettes.

Cours rectifié ? Comment ? Par quels agents ? C’est ce qu’il faudra chercher. Mais le fait est là.

Fig. 186 Fig. 187
L’Araxe, le 25 septembre 1877. L’Araxe, le 22 décembre 1879.

Le lac du Phénix a offert les changements que l’on constate également ici par la comparaison des dessins.

Fig. 188 Fig. 189
Mars, le 9 décembre 1879, à 4h 47m. Mars, le 11 novembre 1879, à 5h 35m.
Dessins de Mars par M. Schiaparelli.

Mais la découverte la plus importante faite en ces contrées pendant l’opposition de 1879 est peut-être encore celle du canal de l’Iris (Voy. la carte, à la longitude 105°), absent en 1877. Sa première observation est du 11 novembre 1879 (fig. 189) et est représentée sur le dessin ci-dessus. C’est ce canal vertical que l’on voit sur la gauche du disque, descendant du petit lac situé à droite et au-dessous de la mer Terby ou lac du Soleil. Il était net et noir. Il fut observé jusqu’au 26 décembre, alors moins noir et plus large, M. Schiaparelli pense, comme on l’a vu plus haut, qu’il peut être identifié avec la passe de Bessel de la carte de Proctor.

Pendant les observations de 1879, la région du Tharse a offert plusieurs fois des voiles blancs passagers, qui, s’ils ne sont pas dus à quelque précipitation météorique ou quelque efflorescence, ont été causés par des troubles atmosphériques. Des blancheurs analogues se sont montrées sur un grand nombre d’autres régions. Elles n’étaient pas aussi blanches que les neiges polaires « molti inferiore a quello delle nevi polari ». Le 26 décembre, par une atmosphère calme et pure, l’observateur a découvert une traînée blanche, de 8° à 10° de largeur, traversant cette région du Tharse, allant du lac Fig. 190.

Traînée blanche traversant le canal Fortuna et les deux Nils.
du Phénix au Nil double et paraissant se rattacher à un rameau des neiges boréales (indiqué en pointillé sur la carte, vers le 65e degré de longitude). Comme la vision était excellente, l’observateur chercha avec soin si cette traînée blanche passait sur les Nils en les interrompant, ou si, au contraire, elle était interrompue par eux, comme de la neige fondue. Les Nils n’étaient pas interrompus, mais leur largeur était notablement diminuée, réduite à deux filets presque imperceptibles, comme on le voit sur le dessin (fig. 190).

L’auteur ne cherche pas à expliquer le phénomène observé.

Il est difficile pourtant de se demander si ce ne serait pas là une traînée de neige plus ou moins légère, d’autant plus qu’elle paraissait en rapport avec une extension de la neige polaire boréale. Dans l’hypothèse que c’eût été de la neige et que le Nil fût de l’eau, la neige aurait dû fondre et être entièrement coupée par le Nil. N’aurait-elle fondu qu’au centre du cours ? Ou son éclat seul aurait-il diminué en apparence la largeur de ce cours par irradiation ? Ou bien encore, cette eau n’est-elle pas la même que la nôtre ? Mais l’analyse spectrale paraît prouver cette identité ? Voilà évidemment des questions qui peuvent être posées.

Pendant cette opposition de 1879, surtout en mars, Argyre I et Argyre II ont été éclatantes de blancheur, rivalisant avec la neige polaire, absolument comme si ces deux régions eussent été couvertes de neige.

À gauche de la région de Deucalion, on a revu la forme serpentine dessinée par les anciens observateurs, notamment par Lockyer en 1862 (fig. 96), Kaiser la même année (fig. 111 et 118). Cet aspect, qui n’existe pas sur la carte de 1877, est reconnaissable sur celle de 1879.

Sur cette même carte, au point 62 a, le détroit d’Herschel est resserré par un singulier étranglement.

Fig. 191. Fig. 192.
Mars, le 28 octobre 1879, à 7h 0m. Mars, le 28 novembre 1879, à 8h 40m.
Dessins de M. Schiaparelli.

On peut remarquer sur le 129e degré de longitude de la carte, au-dessous d’une traînée grise à laquelle M. Schiaparelli a donné le nom d’Océan, un petit cercle désigné par la qualification de neige olympique. C’est un point blanc, qui a été observé neuf fois, minuscule (une demi-seconde), mais aussi blanc que la neige polaire, On voit ce point blanc représenté plus haut dans le dessin du 11 novembre.

Le canal des Læstrigons, sur le 200e degré de longitude, ne paraît pas avoir changé de place, mais son embouchure, qui en 1877 ahoulissait à l’extrémité de la mer détachée de Mare Cimmerium par Atlantis II, aboutit en 1879 à Mare Cimmerium elle-même. Ce sont les rivages et les plages qui paraissent avoir subi là une variation considérable : comparez les deux cartes. Entre le 21 octobre 1877 et le 10 novembre 1879, le canal des Læstrigons est passé de la gauche d’Atlantide II à la droite, par suite de la variation des rivages !

De tels changements sont d’une importance capitale pour nous éclairer sur la véritable nature des taches foncées et claires de la planète.



Fig. 193. — Mappemonde polaire de la planète Mars, en 1879, par M. Schiaparelli.

Le Simoïs, très difficile à discerner en 1877, a été en 1879 l’un des canaux les plus évidents. Sa courbure est restée la même.

La péninsule de l’Hespérie a été moins facile à observer en 1879 qu’en 1877. Elle paraissait légèrement ombrée.

Le canal des Éthiopiens et le Léthé ont été parfaitement visibles, tandis qu’en 1877 ils ne l’avaient été que difficilement : « Ils aboutissent sûrement tous deux, comme la carte l’indique, au golfe des Alcyons, ainsi que l’Eunostos : ce tracé est le véritable, celui de la première carte n’était pas sûr. » Toutefois, nous trouverons, sur les cartes à venir, que cette forme de l’Alcyonus Sinus n’est pas stable du tout.

La Petite Syrte, ou la baie de Gruithuisen, a paru, le 1er octobre 1879, séparée de la mer du Sablier ou Grande Syrte, par une région claire traversant la mer Flammarion sur le 280e méridien, comme l’avaient déjà observé Lockyer, Kaiser, Rosse, Schmidt et Burton.

La mer du Sablier a été observée sensiblement plus large en 1879 qu’en 1877. Cette fois-ci elle correspond mieux à l’aspect classique sous lequel nos lecteurs l’ont vue passer devant leurs yeux depuis les premières pages de cet Ouvrage.

C’est là un point fort important aussi pour notre étude de la planète, pour les idées que nous pouvons nous former sur sa constitution physique. L’étendue de cette mer varie. Il n’y a ni tergiversations, ni faux-fuyants à invoquer, pas plus que notre incompétence d’expliquer les choses inconnues. Cette variation est certaine, comme celles que nous avons déjà relevées dans le cours de ces comparaisons, et plus encore, s’il est permis de mettre des degrés dans la certitude.

Si les taches foncées de Mars représentent des mers, ces accroissements d’étendue correspondent à des inondations et conduisent à penser que ces rivages (la gauche surtout de la mer du Sablier, le long de la mer Flammarion) sont très plats.

Ces inondations durant plusieurs mois ne sont pas dues à des marées.

Pour éviter ces conclusions, il nous faudrait admettre que les taches de Mars ne sont pas des mers. Bien difficile.

Par suite de l’élargissement de la mer du Sablier sur ses rivages de gauche, la mer Main, ou le lac du Népenthès, s’en est trouvée plus rapprochée en 1879 qu’en 1877, la pointe de terre que M. Schiaparelli avait baptisée du joli nom de promontoire d’Osiris ayant à peu près disparu. Comparez avec soin la carte de 1877 (fig. 176) avec celle-ci.

L’Ausonie, qui correspond à la terre de Cassini et à l’île Dreyer, s’est montrée, le 26 et le 28 octobre, traversée par une traînée grise (l’Euripe) variable de ton et de largeur. C’est là aussi une formation variable, qui, la plupart du temps, n’existe pas. M. Schiaparelli ne l’avait pas vue une seule fois en 1877. Toutefois, M. Green l’avait vue une fois, le 10 septembre.

L’Hellade a paru très brillante, parfois aussi éclatante que la neige. C’est « l’une des régions destinées à donner les meilleures informations sur les changements apportés par les saisons dans les aspects de la planète ».

Neige polaire australe en 1839. — Les observations de la tache polaire australe ont donné pour sa position 5°,0 de distance au pôle géographique et 49°,7 de longitude. En comparant cette détermination aux précédentes, on a :

   
Distance au pôle. Longitude. Observateurs.
1830
6°,6 21°,5 Bessel,
1869
4°,3 15°,5 Kaiser. Lockyer, Linsser,
1877
5°,6 25°,5 Hall, Schiaparelli,
1879
5°,0 19°,7 Schiaparelli.

Malgré les différences en longitude, on voit que la neige polaire australe, lorsqu’elle est réduite à son minimum après l’été, occupe sensiblement la même position aréographique.

Du 30 septembre 1879 au 9 mars 1880, l’auteur n’a pas fait moins de 180 observations de cette tache polaire australe. Elle a été réduite à son minimum (4°) dans la seconde moitié de novembre, c’est-à-dire trois mois un quart après le solstice d’été, qui était arrivé le 14 août. Plusieurs irrégularités ont été observées dans son contour, notamment le 24 octobre, par une atmosphère admirable.

En admettant que la diffraction augmente du double le diamètre de taches aussi brillantes que les neiges polaires de Mars, ces 4°, réduits à 2°, représentent 120 kilomètres.

Neige polaire boréale en 1879. — Pendant la durée des observations de cette opposition, du 30 septembre au 24 mars, les neiges boréales paraissent avoir passé par un maximum d’étendue, avec certaines fluctuations curieuses. Elles ont envoyé six ramifications au cercle terminateur.

Le premier rameau a été observé au-dessous du Nil, à la longitude zéro. Sa distance au pôle paraissait inférieure à 20°.

Le deuxième a été observé également au-dessous du Nil, vers 65° de longitude. Il paraissait s’étendre jusqu’à 30° du pôle nord.

Le troisième a été vu vers la longitude 119° et à la distance polaire de 36°. Paraît n’être pas sans connexion avec la neige olympique.

Le quatrième se trouvait à la longitude 155° et atteignait le 30e cercle de distance polaire.

Le cinquième avait pour longitude 189° et pour distance au pôle 29°.

Le sixième était le plus large de tous, s’étendant du 230e au 300e méridien, soit sur 70 degrés de longitude, jusqu’à 30 degrés environ de distance au pôle nord.

Ces six ramifications allongeaient donc les neiges polaires boréales, en certains points jusqu’à 30° et même 36° de distance polaire, c’est-à-dire jusqu’au 60e et au 54e degré de latitude. Les neiges polaires terrestres peuvent être considérées comme se prolongeant aussi parfois jusque là, en hiver, en Sibérie.

D’après ces mêmes observations, c’est au milieu de novembre, soit trois mois après le solstice d’hiver boréal que ces neiges auraient été le plus étendues. Ensuite elles diminuèrent. Le minimum de la tache polaire australe et le maximum de la boréale arriveraient donc à peu près en même temps, comme la théorie semblait naturellement l’indiquer d’ailleurs.

Telles sont les splendides observations faites sur Mars par l’éminent astronome de Milan pendant l’opposition de 1879 et les conclusions qui peuvent en être déduites. L’opposition suivante, de 1881-1882, sera plus riche encore.

cii. 1879. — Satellites de Mars. Observations et mesures.

À la séance de l’Académie des Sciences du 10 novembre 1879[16], M. Asaph Hall a fait part de ses observations nouvelles des satellites de Mars. En comparant les positions mesurées à celles qu’il avait calculées d’après ses éléments de 1877 (voy. p. 258), il trouva pour Phobos une différence légère de −1s,074 dans sa période, qui devient ainsi :

7h 39m 13s,996.

Parmi les observations faites sur les satellites de Mars, nous signalerons d’abord, outre celles de l’auteur de la découverte, M. Asaph Hall, à Washington[17], celles de M. Common, à son Observatoire d’Ealing, près Londres, à l’aide d’un télescope de 36 pouces d’ouverture. Grossissements 220, 240 et 380. Nous ne donnerons pas les positions déterminées, car elles n’ont rien à faire ici, mais nous donnerons les résultats relatifs à l’éclat et à la coloration de ces petits globes[18].

Deimos paraît avoir l’éclat d’Encelade. Phobos paraît un peu plus brillant que Téthys. Mais le caractère de la lumière est différent. Tandis que les satellites de Saturne offrent une clarté tranquille, ceux de Mars ont plus d’éclat, sont plus étincelants, presque stellaires. Cet aspect peut être dû à l’absence de tout disque apparent ou au contraste avec le plein éclat de Mars. Deimos paraît légèrement bleuâtre ; Phobos presque blanc. Ils ne partagent pas la coloration de Mars.

M. Common a essayé de photographier Mars, mais sans obtenir aucun détail[19].

À l’Observatoire de Greenwich, on a pu observer le second satellite, à l’aide du grand équatorial de 12 pouces 3/4 d’ouverture, mais jamais le premier[20]. On a pris quelques dessins de la planète.

On connaît le grand télescope de l’Observatoire de Melbourne, dont le miroir ne mesure pas moins de 1m,20. Dirigé sur Mars en 1877, il fut impossible de découvrir aucun satellite. Eu 1879, cependant, on a pu observer le satellite le plus éloigné[21].

En novembre 1879, à l’Observatoire d’Oxford, M. Plummer a pu observer le satellite extérieur à l’aide de l’équatorial de 12 pouces 1/2, armé d’un grossissement de 125[22].

À Princeton (États-Unis), MM. Young et Brackett ont pris des mesures micrométriques des deux satellites[23]. Équatorial de 9 pouces 1/2. À l’Observatoire de Harvard-College, M. Pickering n’a pas fait moins de 207 séries de mesures[24].

D’après les observations de M. Pickering[25], Deimos aurait été plus brillant en 1879 qu’en 1877, et plus brillant sur le côté suivant ou oriental de son orbite que sur le côté précédent ou occidental. Il y a plus d’observations du premier côté que du second. Le diamètre de ce satellite paraît être de 6 milles, et celui de Phobos de 7 milles, d’après les mesures photométriques. Deimos n’est pas rougeâtre, mais bleuâtre.

CIV. 1879. — G. H. Darwin, D. Kirkwood, E. Ledger. — Satellites de Mars, marées et période de rotation[26].

Une planète fluide prendrait une forme sphéroïdale sous l’influence de sa rotation.

Mais si un satellite tourne dans une orbite circulaire autour de la planète, dans le plan de son équateur, il se produira des marées telles que le sphéroïde sera déformé en un ellipsoïde à trois axes inégaux, le plus grand axe de l’équateur restant toujours dirigé vers le satellite.

Ainsi la figure de la planète tourne avec le satellite, tandis que chaque molécule du fluide tourne avec la planète. Il en résulte, par conséquent, une élévation et un abaissement deux fois par chaque révolution de la planète relativement au satellite.

Maintenant, supposons que le fluide soit soumis à un frottement. Alors, les particules de fluide qui arrivent à cet instant à former la protubérance équatoriale ne peuvent pas retomber aussi vite qu’elles le faisaient avant que le frottement existât. Le plus grand axe de l’équateur se met en avance sur le satellite.

La Terre a commencé par être fluide, et, dans le cours de son refroidissement, elle est devenue visqueuse et a donné naissance aux frottements dont nous venons de parler. Maintenant, elle est probablement pâteuse, presque solide, et n’a sans doute plus de marées internes.

Si le fluide formant la Terre avait été sans frottement, les protubérances équatoriales causées par l’attraction de la Lune seraient restées en ligne droite avec la Lune. Mais ce frottement modifie cet état primitif, et par conséquent la Lune exerce ses forces sur les protubérances, qui tendent à les tirer en arrière. Depuis que l’axe protubérantiel de l’équateur pointe toujours en avance de la Lune, celle-ci exerce un frein sur le mouvement de rotation diurne, et, réciproquement, la Terre a pour tendance d’accélérer le mouvement de la Lune. Le premier résultat est un ralentissement du mouvement de rotation de la Terre. Le second est une accélération de la vitesse linéaire de la Lune sur son orbite et une augmentation de sa distance.

Les deux résultats sont un allongement de la durée du jour et du mois, surtout de la première, dans la condition actuelle de la Terre et de la Lune.

Delaunay et Adams étaient déjà arrivés à une conclusion analogue, quoique ne l’attribuant qu’au frottement des marées extérieures, des marées océaniques.

M. G.-H. Darwin considère surtout, et même exclusivement ici, les marées internes anciennes.

Dans l’état actuel des choses, le taux de diminution de la vitesse angulaire de rotation de la Terre est beaucoup plus grand que celui de la vitesse angulaire du mouvement orbital de la Lune. Si le premier était exactement 27 1/2 fois plus grand que le dernier, le jour et le mois auraient été réduits autrefois dans la même proportion. On trouve que, lorsque le jour était de 15 heures et demie, le mois devait être de 19 jours.

L’auteur calcule qu’à une certaine époque, le jour a dû être de 6h 50m, et qu’alors le mois n’était que de 11 jours et 14 heures. Cet énorme changement aurait pu s’effectuer en 56 millions d’années.

En remontant plus haut encore, M. Darwin arrive à une époque à laquelle le jour et le mois étaient identiques, 5 heures et demie seulement. Alors la Lune était très proche de la Terre, à 8 000 kilomètres seulement, d’une surface à l’autre. Antérieurement, elles ont pu être presque en contact. En fait, la Lune serait née de la Terre, par la force centrifuge de rotation, selon la théorie de Laplace.

Si, au lieu de remonter dans le passé, nous anticipons sur l’avenir, nous trouvons que, d’après les mêmes principes, le mois et le jour tendent à devenir égaux et à durer 50 de nos jours actuels.

L’auteur termine son mémoire en remarquant que le « satellite anormal » de Mars — le plus proche — qui tourne plus vite que la planète « offre une confirmation de ces vues, car il semble probable que son extrême petitesse l’a conservé comme un témoignage durable de la période primitive de la rotation de Mars autour de son axe ».

À cette théorie du mathématicien anglais sur l’évolution des satellites et surtout à son application au premier satellite de Mars, M. Daniel Kirkwood, l’astronome américain, a répliqué dans les termes suivants[27] :

La masse du satellite intérieur de Mars est à celle de notre Lune (approximativement) dans le rapport de 1 à 30 000 000. Par conséquent, il ne peut produire aucune marée sensible sur la planète. C’est, en fait, de cette absence de marées que M. Darwin infère la distance constante du satellite. Alors, quelle est la cause qui a allongé la durée de rotation de Mars de moins de 8 heures à près de 25 ?

M. Darwin a répondu[28] :

Mon mémoire n’est qu’un extrait d’un long travail, actuellement sous presse. Je puis cependant répondre à la question posée par M. Kirkwood, comment la théorie des marées explique le fait que le jour martien est plus long que le mois du satellite intérieur, qu’un tel résultat dérive nécessairement des effets du frottement des marées solaires. J’espère pouvoir étudier numériquement le cas particulier de Mars.

D’autre part, à propos de ces satellites, M. E. Ledger a étudié les marées et les éclipses qu’ils peuvent causer à la surface de la planète[29]. « L’exiguïté de leur masse, dit-il, nonobstant leur proximité, interdit la formation de marées sensibles, et ils ne jouissent pas de la propriété qui leur a été imaginée d’empêcher la stagnation des mers martiennes. » Quant à leur lumière, on peut estimer à 1/40 de celle de la Lune celle du premier satellite, et celle du second à une clarté vingt fois plus faible, soit 1/800. C’est peu. Phobos reste sur l’horizon d’un lieu donné pendant 5 heures et demie à la fois, sur lesquelles il peut être éclipsé pendant 53 minutes. Deimos reste au-dessus de l’horizon pendant 60 heures de suite, pendant lesquelles se produisent deux éclipses, et quelquefois trois.

CV. 1879. — J.-C. Adams, F. Tisserand. — Inclinaison des satellites[30].

Les orbites des deux satellites de Mars sont légèrement inclinées sur le plan de l’équateur de la planète. Le professeur Adams s’est demandé si cet état de choses est permanent. Le plan de l’orbite de Mars est incliné de 27° à 28° sur son équateur. Si donc les plans des orbites des satellites conservent une inclinaison constante sur l’orbite de la planète, comme il arriverait si la force perturbatrice du Soleil était la seule tendant à altérer ces plans, leur inclinaison sur le plan de l’équateur martien, et encore plus leur inclinaison l’un sur l’autre, deviendrait, avec le temps, considérable.

M. Marth a calculé[31] les mouvements des nœuds des orbites des satellites sur l’orbite de la planète dus à l’action solaire et a conclu que, s’il n’y a aucune force dépendant de la structure interne de Mars qui contrarie ou modifie l’action solaire, les nœuds des orbites seront en opposition l’un sur l’autre dans un millier d’années, et alors l’inclinaison mutuelle des orbites des satellites s’élèvera à 49°.

Dans ce cas, la presque coïncidence actuelle entre l’équateur et la planète et les plans des orbites des satellites serait fortuite et passagère. Mais c’est bien improbable.

S’il n’y avait aucune force perturbatrice extérieure, l’aplatissement d’une planète ferait rétrograder les nœuds de l’orbite d’un satellite sur le plan de l’équateur de la planète, tandis que l’orbite conserverait une inclinaison constante sur ce plan. Laplace a montré que, si l’on prend en considération à la fois l’action du Soleil et l’ellipticité de la planète, on trouve que l’orbite du satellite se meut de manière à conserver une inclinaison presque constante sur un plan fixe passant par l’intersection de l’équateur de la planète avec le plan de l’orbite de la planète, et se trouvant entre ces plans, et que les nœuds de l’orbite du satellite ont un mouvement rétrograde presque uniforme sur ce plan fixe.

L’auteur entre dans le détail du calcul appliqué aux satellites de Mars et étudie l’effet de l’aplatissement de la planète sur les orbites de ses deux satellites. Il trouve que le mouvement des nœuds des orbites des satellites produit par l’ellipticité de la planète surpasse de beaucoup celui qui peut être produit par l’action du Soleil, de sorte que les plans fixes pour les deux satellites sont seulement légèrement inclinés sur l’équateur de Mars.

D’après les mesures du diamètre de la planète et des plus grandes élongations des satellites, combinées avec la période de rotation de Mars et les révolutions des satellites, on trouve que le rapport de la pesanteur à la force centrifuge à l’équateur de Mars est d’environ 1/220. Il suit de là que, si la planète était homogène, son aplatissement serait d’environ 1/176. Si, au lieu d’être homogène, la densité varie suivant la même loi que celle de la Terre, de telle sorte que la différence entre l’aplatissement et le rapport entre la force centrifuge et la pesanteur soit la même que pour la Terre, l’aplatissement serait 1/228. Selon toute probabilité, il est entre ces deux limites.

M. Adams a calculé la Table suivante des mouvements annuels des nœuds des deux satellites, causés par l’action solaire et par l’ellipticité de la planète, pour les valeurs précédentes de l’aplatissement, et même pour 1/118, trouvé par Kaiser, quoique celle-ci soit certainement trop forte.

Satellite I.
Mouvement annuel du nœud dû à l’action solaire :
Satellite I
0°,06.
Satellite II
0°,24
 
Pour l’ellipticité
1/118, 1/176, 1/228,
le mouvement annuel du nœud dû à cette ellipticité serait
Satellite I
333° 182° 113°
Satellite II
313°,4 187°,3 114°,5
et les inclinaisons correspondantes du plan fixe à l’équateur de la planète,
Satellite I
317″ 131″ 113°50″
Satellite II
327′ 150′ 111°19′

On voit, par cette Table, que l’orbite du premier satellite conserve une inclinaison constante sur un plan incliné de moins de 1′ sur celui de l’équateur martien, et que l’orbite du second satellite conserve aussi une inclinaison constante sur un plan incliné qui ne peut guère dépasser plus de 1° celui du même équateur.

L’aplatissement de Mars produit aussi des mouvements rapides dans la ligne des apsides des orbites des satellites, particulièrement pour le premier, et peut-être même un jour pourra-t-on déterminer l’aplatissement par ce mouvement.

M. Tisserand est arrivé aux mêmes conclusions que M. Adams[32]. Les satellites sont maintenus presque dans le plan de l’équateur par l’ellipticité de la planète. Telle est aussi l’opinion de M. Hall[33]. Voici la note de M. Tisserand.

Les deux satellites se meuvent à très peu près dans un même plan, qui diffère peu du plan de l’équateur de la planète. La presque coïncidence de ces trois plans est-elle fortuite, ou bien doit-elle exister toujours ? C’est là une question intéressante qui a été traitée en partie par M. Adams à la Société royale astronomique de Londres (14 novembre 1779). Je me suis proposé de reprendre par une autre analyse la question traitée par le savant directeur de l’Observatoire de Cambridge, et je crois être arrivé à des conclusions plus précises, malgré l’incertitude dans laquelle nous nous trouvons encore relativement à la vraie position de l’équateur de la planète Mars. L’analyse dont je parle m’a déjà servi dans une étude relative à l’un des satellites de Saturne.

Jusqu’ici, les observations n’ont pas permis de découvrir dans la planète Mars un aplatissement sensible ; si cet aplatissement était tout à fait nul, par le fait des perturbations provenant du Soleil, les plans des orbites de Phobos et Deimos, étant supposés coïncider à un moment donné, finiraient par s’éloigner l’un de l’autre d’une quantité considérable. Je vais montrer qu’en supposant la loi des densités dans l’intérieur de Mars la même que dans l’intérieur de la Terre, et en lui attribuant par suite un aplatissement que les mesures directes ne peuvent pas mettre en évidence actuellement, les plans des orbites des deux satellites ne s’éloigneront jamais que très peu du plan de l’équateur de la planète. Pour chacun des satellites, la force perturbatrice proviendra de l’action du Soleil et de celle du renflement équatorial de Mars ; je ne m’occuperai ici que des inégalités séculaires. En vertu de ces inégalités, on a l’intégrale En négligeant les excentricités des orbites des satellites, qui sont extrêmement petites, sinon nulles, l’intégrale ci-dessus peut s’écrire

(1)

et ont les valeurs suivantes :

(2)

en désignant par la masse du Soleil, celle de Mars, le demi-grand axe de l’orbite du satellite, le rayon équatorial de Mars, le demi-grand axe de l’orbite que décrit Mars autour du Soleil, l’excentricité de cette orbite, l’aplatissement de la planète à sa surface, et Le rapport de la force centrifuge à l’attraction pour les points de l’équateur de Mars ; enfin, désigne l’angle que fait l’orbite du satellite considéré avec l’orbite de Mars, et l’angle de la même orbite avec le plan de l’équateur de la planète.

Le terme provient de l’action du Soleil ; le terme est dû à l’action du renflement équatorial de Mars. Si l’on n’avait égard qu’à l’action du Soleil, on aurait  ; l’orbite de chacun des satellites ferait un angle constant avec l’orbite de Mars. Si l’on ne tenait compte, au contraire, que de l’aplatissement de la planète, cette orbite ferait un angle constant avec l’équateur de Mars. En tenant compte des deux actions, le pôle de l’orbite de chacun des satellites décrit une ellipse sphérique ; c’est une conséquence de l’équation (1).

Cherchons à évaluer le rapport  ; on tire de (2)

(3)

en appelant et les moyens mouvements du satellite et de Mars ; et sont bien connus ; et ont été donnés par M. Hall pour les deux satellites ; enfin je prendrai, d’après un mémoire de M. Hartwig, où il est tenu compte de toutes les déterminations antérieures, 2 =9",352, correspondant à une distance de Mars au Soleil égale à 1.

L’expression (3) me donnera

(4)

se détermine aisément avec les données ci-dessus et en ayant égard à la valeur bien connue de la durée de la rotation de Mars ; on trouve

(5) 1/219.

Jusqu’ici, il n’y a rien d’hypothétique ; je vais faire maintenant deux hypothèses

Hypothèse I. — Mars est homogène ; alors, . On déduit de (4) et (5)

1,44567 pour Deimos,
3,44567 pour Phobos.

Hypothèse II. — La loi des densités est la même à l’intérieur de la Terre et de Mars ; on en conclut

et désignant les valeurs correspondant à et dans le cas de la Terre ; il en résulte

1/228

et ensuite

1,23650 pour Deimos,
3,31654 pour Phobos.

Soient, sur la sphère, le pôle boréal de l’orbite de Mars, celui de son équateur, celui de l’orbite de l’un des satellites ; soient, en outre, l’angle de l’orbite et de l’équateur de Mars, et un point situé sur l’arc de grand cercle et déterminé par l’équation

(6)

Le point sera le centre de l’ellipse sphérique qui sera décrite par le pôle  ; on voit immédiatement que, pour les deux satellites, dans les deux hypothèses considérées, étant grand, le point sera voisin du point .

Soient et le grand axe et le petit axe de l’ellipse ; en désignant et les valeurs initiales de et , par et des angles auxiliaires définis par les formules

(7)
(8)

on aura

(9)

La grandeur du rapport fera que l’angle , tiré de la formule (7), sera toujours petit ; les formules (9) montrent que et seront peu différents. En fait, si l’on calcule et d’après les positions assignées à l’équateur de Mars par divers observateurs, on trouve que la différence n’atteint qu’un petit nombre de minutes d’arc. Nous pourrons admettre, en résumé, avec une précision actuellement suffisante, que le point décrit un petit cercle ayant pour centre le point défini par l’équation (6) et pour rayon la valeur de déterminée par l’équation suivante :

(10)

Si l’on a , la valeur de sera comprise entre les limites et , qui diffèrent de .

Si l’on a , la valeur de sera comprise entre les limites et , qui diffèrent de .

J’ai effectué les calculs en prenant, pour déterminer la position de l’équateur de Mars, les nombres fournis par les observations de W. Herschel, par les observations de Bessel calculées par Oudemans, et enfin les nombres indiqués par M. Marth (Monthly Notices, vol. XXXIX, p. 473)[34]. Les positions correspondantes de l’équateur de Mars diffèrent notablement ; toutefois, dans les trois cas, j’arrive à des conclusions peu différentes. Soient et les limites inférieure et supérieure de l’inclinaison de l’orbite de Deimos sur l’équateur de Mars. J’ai trouvé les résultats suivants :

Hypothèse I.
Herschel.  Oudemans.  Marth.
4″,9 2″,7 0″,1
6″,6 4″,4 1″,4



1″,7 1″,7 1″,3

Hypothèse II.
Herschel.  Oudemans.  Marth.
3″,9 1″,9 0″,2
6″,7 4″,5 2″,2



2″,8 2″,6 2″,0

On voit que, dans tous les cas, l’inclinaison de l’orbite de Deimos sur l’équateur de Mars ne peut osciller qu’entre des limites distantes seulement de 3° au plus. Pour Phobos, les limites sont encore plus restreintes.

Concluons donc que, si Mars est homogène ou bien si dans son intérieur la loi des densités est la même que pour la Terre, les orbites des deux satellites coïncideront toujours avec l’équateur de Mars, ou, du moins, ne s’en écarteront jamais que de très petites quantités.

La même chose aura lieu évidemment si l’aplatissement de Mars est compris entre les deux limites qui répondent aux hypothèses I et II.

CVI. 1879. — Passage de la Terre devant le Soleil pour les habitants de Mars.

À tous ces documents martiens nous pouvons ajouter le suivant, qui offre un intérêt d’un autre genre.

Le jour de l’opposition de Mars en 1879, le Soleil, la Terre et Mars se sont trouvés si parfaitement en ligne droite que la Terre et la Lune se sont projetées devant le disque du Soleil pour les habitants de Mars, comme Vénus et Mercure le font quelquefois pour nous.

Voici, d’après les calculs de M. Marth, les conditions dans lesquelles ce passage s’est opéré :

ENTRÉE SORTIE
12 nov.
heure de
Greenwich.
Angle
de
position.
   12 nov.
heure de
Greenwich.
Angle
de
position.
11h 49m 125°,7 Contact externe de ☾. 19h 40m 225°,3 Contact externeinterne de ☾.
11h 55m 124°,4 Contact» externeinterne de ☾. 19h 46m 226°,1 Contact» externe de ☾.
14h 16m 123°,3 Contact» externe de ♁. 11h 39m 225°,9 Contact» externeinterne de ♁.
14h 37m 125°,9 Contact» externeinterne de ♁. 12h 00m 228°,5 Contact» externe de ♁.

Le rayon apparent du Soleil, vu de Mars, était de 649″,5, celui de la Terre de 18″,1, et celui de la Lune de 4″,9. Les angles sont comptés du point du disque solaire marquant la direction du pôle nord de l’orbite de Mars.

Ce passage ne serait pas visible à l’œil nu pour des yeux analogues aux nôtres. Quand Vénus passe devant le Soleil pour nous, son disque mesure 60″ de diamètre ; celui de la Terre ne mesure ici que 36″. Mais un instrument d’optique grossissant très peu suffirait pour l’apercevoir.

Un phénomène analogue est arrivé le 8 novembre 1800 et se reproduira en mai 1905 et en mai 1984.

Les passages de Mercure et Vénus devant le Soleil pour Mars sont beaucoup plus fréquents, mais ils n’ont pas la même importance : Vénus est sensiblement plus petite que la Terre (vue de Mars) et Mercure est plus minuscule encore.

Au mois d’avril 1886, il y a eu un passage de Mars devant le Soleil pour Jupiter.


  1. On some changes in the markings of Mars (Monthly Notices, mars 1880, p. 331). Voy. aussi The Astronomical Register, déc. 1879, p. 295.
  2. The Observatory, avril 1880, p. 369.
  3. Aspect de la planète Mars pendant l’opposition de 1879 (Bulletins de l’Académie rdle Belgique, mars 1880).
  4. 14 août 1879, solstice d’été pour l’hémisphère sud ; 21 janvier 1880, équinoxe d’automne.
  5. Mémoire à l’appui des remarquables observations de M. Schiaparelli sur la planète Mars. Bruxelles, 1880.
  6. Observations sur l’aspect physique de la planète Mars pendant l’opposition de 1879-80 (Annales de l’Observatoire de Bruxelles, t. VII, 1890).
  7. Physical observations of Mars, 1879-80 (Scientific Transactions of the royal Dublin Society, 1880). Voy. aussi The Astronomical Register, mai 1890, p. 116.
  8. Beobachtungen und Untersuchungen über die physische Beschaffenheit der Planeten Jupiter und Mars (Publ. des astr. Observ. zu Potsdam, t. IX, 1882).
  9. Astronomische Gesellschaft. Leipzig, 1879.
  10. Der Planet Mars, eine zweite Erde, nach Schiaparelli. Leipzig, 1879.
  11. Astronomie populaire, première édition, 1879, p. 484.
  12. The Observatory, novembre 1879, p. 209.
  13. Les détails suivants peuvent intéresser ceux d’entre les lecteurs de ce livre qui s’occupent plus particulièrement de la cartographie de Mars. Nous avons construit sur l’ensemble des observations, après la carte tirée par M. Proctor des seules observations de Dawes, notre première carte géographique de la planète en 1876. Nous ne parlons pas du croquis de 1862, reproduit p. 143, puisqu’il ne représente qu’un hémisphère et ne constitue pas une véritable carte. Elle a été publiée dans la première édition des Terres du Ciel, 1876, p. 424, et dans les Comptes rendus de l’Académie des Sciences, 27 août 1877, p. 478. Nous en avons donné une seconde en 1879, Astronomie populaire, première édition, p. 480 ; une troisième en 1882, Revue d’Astronomie, 1882, p. 170-171, une quatrième en 1884, les Terres du Ciel, grande édition, frontispice. Nous avons publié cette même année un globe de Mars contenant l’aréographie la plus sûre. Enfin, nous avons construit en 1889 notre dernière carte (Astronomie populaire, centième mille) publiée également ici, p. 69, corrigée d’après les plus récentes observations, et dans laquelle nous avons adopté la nomenclature de Green (voy. p. 29). Ce n’est pas sans regret que nous avons renoncé aux dénominations de nos anciennes cartes, qui avaient paru dignes de l’histoire de l’Astronomie et de ses apôtres, Copernic, Galilée, Kepler, Newton, Huygens, Cassini, Hooke, Maraldi, Lacaille, Lalande, Laplace, Lagrange, Herschel, Schrœter, Beer, Mädler, Arago, Secchi, Le Verrier, Faye, etc. Mais la carte de Green étant généralement adoptée, et celle de M. Schiaparelli ayant fait double emploi avec elle, nous avons pensé qu’il importait d’éviter toute complication et toute confusion dans un sujet qui est d’ailleurs encore assez loin d’être complètement élucidé, et qu’il était préférable de ne laisser en présence que deux systèmes de nomenclature, celui de M. Green et celui de M. Schiaparelli.
  14. The Observatory, février 1880, p. 295.
  15. Osservazioni astronomiche e fisiche sull’asse di rotazione e sulla topografia del pianeta Marte. Reale Accademia dei Lincei. Memoria seconda. 1 vol. grand in-8o de 110 pages et planches. Rome ; 1881.
  16. Comptes rendus, 1879, t. II, p. 776.
  17. Monthly Notices, mars 1880, p. 272.
  18. Monthly Notices, déc. 1879, p. 95.
  19. Monthly Notices, février 1880, p. 226.
  20. Monthly Notices, janvier 1880, p. 161.
  21. Monthly Notices, février 1880, p. 237.
  22. Monthly Notices, mars 1880, p. 292.
  23. The Observatory, janvier 1880, p. 270.
  24. Astron. Nachrichten, no 2312.
  25. Annals of Harvard-College Observatory, t. XI, part. II.
  26. The Observatory, juillet 1879, p. 79.
  27. The Observatory, septembre 1879, p. 147.
  28. The Observatory, novembre 1879, p. 204.
  29. The Observatory, novembre 1879, p. 191.
  30. On the ellipticity of Mars, and its effect on the motion of the satellites (Monthly Notices, novembre 1879, p. 10).
  31. Astronomische Nachrichten, no 2280.
  32. Comptes rendus, 8 décembre 1879, p. 961.
  33. Monthly Notices, mars 1880, p. 278.
  34. Les nombres d’Herschel et de Bessel sont publiés plus haut ; ceux de M. Marth sont : inclinaison du plan de l’équateur de Mars sur celui de la Terre = 36°,260 ; nœud = 47°,945.