La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité/P2/1843-1862

Gauthier-Villars et fils (1p. 126-171).
Période 1843-1862

XL. 1843 à 1873. — Julius Schmidt.

Le savant Directeur de l’observatoire d’Athènes a fourni une des collections les plus nombreuses d’observations de Mars, faites en 1843, 1845, 1846, 1847, 1854, 1856, 1860, 1862, 1864, 1866, 1867, 1869, 1871 et 1873. Mais cette belle série n’a pas été publiée, et nous ne la connaissons que par les relations qu’en a données M. Terby. Les dessins de Schmidt s’élèvent à 107. Les observations ont été faites successivement à Hambourg, en 1843, avec un grossissement de 90 fois ; à Bilk, près Dusseldorf, en 1845 ; à Bonn, en 1846 et en 1847, avec un réfracteur de 5 pieds et un héliomètre ; à Olmütz en 1854 et en 1856, avec un réfracteur de 5 pieds, et enfin à Athènes, de 1860 à 1873, avec le réfracteur de 6 pieds et un grossissement de 550 fois. On y reconnaît avec une grande évidence, dans la plupart des cas, les principales configurations géographiques de la planète.

Les quatre dessins ci-dessous, reproduits d’après M. Terby, donnent une idée des observations de Julius Schmidt. En voici les dates ; nous les publions dès ici quoiqu’ils anticipent un peu sur notre ordre chronologique.

Fig. A.  26 septembre 1862, à 8h 36m (heure d’Athènes).
Fig. B. 1er octobre 1862, à 7h 28m. id.
Fig. C. 16 mai 1873, à 8h 15m. id.
Fig. D. 23 mai 1873, à 7h 41m. id.



Fig. 75. — Dessins de Mars, par Julius Schmidt, 1862 et 1873.

La fig. A permet de reconnaître la mer du Sablier. Au-dessus, comme une île très vaste, la terre de Lockyer, et, plus haut, la tache polaire australe, bien détachée du bord. Le reste est moins sûr. La fig. B, qui contient la mer Maraldi, montre au-dessous d’elle une bande sombre que nous ne reconnaissons pas, La fig. C rappelle la fig. 7 de Mädler en 1841, mais n’est d’identification sûre pour aucune de ses taches. La fig. D paraît représenter la mer Flammarion et la mer Hooke séparées par un isthme.

Ces observations militent également en faveur de variations notables dans les aspects de Mars,

XLI. 1845 à 1856. — Mitchel, Grant, Warren de la Rue, Jacob, Brodie, Webb.

Les observations de Mars se multiplient à mesure que s’étendent dans le monde les connaissances astronomiques et que se développe le goût des observations. Il serait inutile, pour notre étude de la planète, d’exposer ici tous les travaux, qui souvent se répètent où n’apportent aucun élément nouveau à la question. Nous n’en omettrons pourtant aucun d’intéressant et nous donnerons toujours en détail les plus importants.

En 1845, Mitchel a fait plusieurs observations de cette planète, au grand équatorial de Cincinnati, s’appliquant surtout aux neiges polaires : il crut remarquer un point noir dans la tache polaire, le 12 juillet 1845, et des mouvements aux bords de ces neiges. Par une observation de Mädler du 14 septembre 1830 et une de lui du 30 août 1845, Mitchel trouva pour la rotation 24h 37m 20s,6. Grant a présenté à la Société royale astronomique de Londres deux croquis pris en octobre 1847 et en mars 1854 (Monthly Notices, 1854, p. 165). Le premier montre la tache polaire australe et le second la boréale. L’auteur est James William Grant (qu’il ne faut pas confondre avec Robert Grant, auteur de l’History of physical Astronomy, London, 1852). Jacob a fait, en mars 1854, deux dessins sur lesquels on reconnaît les principales taches, En 1856, Warren de la Rue, Brodie et Webb en ont obtenu de plus importants.

Dans toute cette série, ce sont certainement les dessins de Warren de la Rue qui méritent la plus haute attention, et parmi ces dessins, il en est deux,

Fig. 76. — Dessin de Mars, par Warren de la Rue, le 20 avril 1856 à 9h 40m.
du 20 avril 1856, à 9h 40m et à 11h 45m, qui sont particulièrement remarquables. Nous les reproduisons ici. Le premier (fig. 76) montre bien clairement la mer du Sablier, assez étroite. Dans le second (fig. 77), fait deux heures plus tard, cette mer arrive au bord occidental ou gauche du disque et le détroit d’Herschel II occupe la partie supérieure de la figure.

La baie du Méridien se présente vers la droite, comme une langue pointue.

Les taches polaires sont bien évidentes aux deux pôles. Elles n’appartiennent pas à un même diamètre. Ces deux dessins sont peut-être les meilleurs que nous ayons eu sous les yeux depuis les premières pages de cet ouvrage. Ils ont été obtenus à l’aide d’un excellent télescope newtonien de 13 pouces anglais, ou 0m,33 de diamètre, monté en équatorial.

Nous pouvons adjoindre à ces vues deux croquis de la planète pris à peu près à la même date, au milieu d’avril 1856 : le premier, assez détaillé, dans la

Fig. 77. — Dessin fait deux heures après (à 11h 45m).
soirée du 18, par Fr. Brodie ; le second, simple esquisse, pris « vers le 15 » par le pasteur Webb. Voici ces deux observations (Monthly Notices, XVI, 204 et 188) :

Fig. 78. — Dessin de La planète Mars, 18 avril 1856, par Fr. Brodie.

1o « 18 avril, 10h 10m de temps sidéral, Mars près de la Lune, très bonne image, objectif de 6 pouces 1/3, grossissements de 396 et 578. Les pôles sont resplendissants de blancheur, surtout le pôle sud. On remarque aussi deux autres régions plus blanches, en AB et en CD ».

2o Le croquis de Webb, quoique moins détaillé, indique cependant mieux que le précédent ces quatre régions blanches (les deux pôles et les deux

Fig. 79. — Croquis de la planète Mars, par T. W. Webb, vers le 15 avril 1856.
points AB et CD), de sorte que Mars paraît presque de forme équilatérale. — Cette esquisse ressemble d’une manière remarquable à celle qui, dans les observations de Cassini publiées par le Journal des Savants, porte la lettre A (voy. fig. 10) et qui est aussi la première en tête du mémoire de Cassini (fig. 11). — Le laborieux Webb a fait un grand nombre d’autres dessins. Nous y reviendrons à propos de son ouvrage d’Astronomie pratique.

Une étude physique de la planète a été publiée par Taylor dans le Madras Spectator du 26 août 1845, observations faites avec un télescope d’Herschel. Gruithuisen en parle dans son Astronomische Jahrbuch für 1848. La planète avait une large bande équatoriale et était, à l’exception de cette bande, très lumineuse. Son aspect rappelait celui de Jupiter.

XLII. 1845-1875. — Main.

M. Main a fait, tant à l’observatoire de Greenwich qu’à celui d’Oxford, un certain nombre d’observations de la planète Mars, principalement au point de vue de la mesure du diamètre. En 1845, il a fait quelques observations de la surface[1]. Le 22 août, à 11h 30m, à l’époque de l’opposition, il examina la surface, en compagnie de l’astronome royal (M. Airy).

Vers 10° à l’ouest du Nord apparent, sur le bord de la planète, on voyait un cap blanc qui formait un contraste frappant avec la zone sombre qui était immédiatement au-dessous. Un peu au-dessous de cette bande foncée, on en remarquait une plus claire. La tache sombre la plus apparente du disque se voyait à gauche de la grande masse foncée qui occupait une partie considérable de la surface supérieure, et il y avait aussi une autre tache sombre à droite.

Les meilleures descriptions ne valent pas le plus simple dessin.

29 août, 11h. L’aspect de la planète est entièrement changé, à l’exception du cap polaire. La coloration était d’un beau rouge de terre « rich red earth ». Les taches sombres avaient une très légère teinte bleue.

Le même astronome a fait d’autres observations à l’observatoire d’Oxford[2]. Il a surtout pris des mesures de l’aplatissement polaire et du diamètre. Les voici :

 Aplatissement :   Aplatissement :
1855
9″,84 1/62
1871
9″,25 1/71
1862
9″,377 1/38
1875
9″,185 1/36
1864
9″,38 1/46

XLIII. 1856. — Winnecke.

Le but de ce travail étant l’étude de la constitution physique de la planète, nous n’avons pas donné ici les observations et calculs relatifs aux éléments de l’orbite, à la parallaxe, à la masse et au diamètre. Cependant, pour ce dernier point, nous avons signalé les mesures les plus importantes, telles que celles d’Herschel, Schrœter, Arago, Bessel. Nous signalerons aussi les mesures faites par Winnecke, en 1856, à l’observatoire de Bonn[3]. Il trouve pour le diamètre, à la distance 1, 9″,213. Aucune trace d’aplatissement, au contraire, car il obtient pour le diamètre polaire 9″,227 et pour le diamètre équatorial, 9″,186.

XLIV. 1853. — Arago[4].

Nous avons déjà signalé et résumé le mémoire d’Arago sur Mars ainsi que ses observations (p. 90-93). Dans le Livre XXIV de son Astronomie populaire, dictée la dernière année de sa vie, lorsque sa vue, fatiguée par tant de travaux, était déjà en partie perdue, il s’est occupé en outre des saisons de Mars, de sa couleur et de son atmosphère.

Les saisons sont adoptées telles que nous les avons vues exposées par Beer et Mädler.

Il est un point intéressant, relatif à l’excentricité de l’orbite, que nous aurons lieu d’examiner plus loin, et sur lequel Arago s’exprime dans les termes suivants :

MM. Mädler et Beer ont suivi, jusque dans les dernières conséquences susceptibles d’être vérifiées par nos instruments, l’explication qu’on a donnée des taches polaires brillantes de Mars en les assimilant à de la neige.

Sur les 668 jours 2/3 dont se compose une année solaire de Mars, ces astronomes trouvent que les saisons estivales de l’hémisphère boréal de la planète renferment en nombres ronds 372 jours et que les saisons hivernales contiennent 296 jours (voyez p. 115).

Ces mêmes résultats s’appliquent aux saisons de l’hémisphère sud, en remplaçant seulement le mot estivales par le mot hivernales et réciproquement.

Cette inégale durée entre les saisons froides et les saisons chaudes n’empêche pas les deux hémisphères de pouvoir jouir de la même température moyenne.

Quant aux extrêmes de ces températures, ils peuvent être très dissemblables si l’on compare un hémisphère à l’hémisphère opposé.

Ainsi, au solstice d’été de l’hémisphère sud de Mars, cette planète est actuellement à sa moindre distance au Soleil et par conséquent reçoit alors de cet astre le maximum de chaleur qu’il puisse jamais lui communiquer. Cette chaleur sera à son minimum au solstice d’hiver.

Il résulte de là que si la matière qui produit la tache blanche du pôle austral de Mars jouit des propriétés analogues à celles de nos neiges, cette tache doit varier considérablement plus que la tache blanche du pôle boréal.

Nous parlerons plus loin du théorème en vertu duquel la quantité totale de la chaleur solaire reçue de l’équinoxe de printemps à l’équinoxe d’automne est identiquement la même que celle qui est reçue de l’équinoxe d’automne à l’équinoxe de printemps, la durée de l’exposition au Soleil compensant exactement la différence des distances. Mais si la quantité totale de chaleur reçue est la même, il n’en est pas moins vrai que l’hémisphère qui est exposé au Soleil au solstice périhélique reçoit à ce moment-là plus de chaleur que l’autre n’en reçoit au solstice aphélique, et que, par conséquent, son été est plus chaud. La neige polaire doit donc y être plus réduite.

On pourrait imaginer une orbite assez allongée et une inclinaison de l’axe telle que la neige ne fondrait jamais aux environs d’un pôle qui aurait son hiver au périhélie et son été à l’aphélie.

À propos de la coloration de la planète et de l’atmosphère, Arago s’exprime comme il suit :

Quelques astronomes, physiciens et géologues ont parlé à cette occasion de terrains ocreux, de grès rouges, sur lesquels la lumière solaire serait réfléchie. Lambert, pour expliquer le même phénomène, supposait que dans cette planète tous les produits de la végétation sont rouges ; d’autres, se rappelant qu’au soleil levant ou au soleil couchant les objets terrestres sont quelquefois rougeâtres, ont voulu voir dans la coloration de Mars le résultat des modifications imprimées aux rayons de lumière par l’atmosphère dont la planète serait entourée.

Mais cette explication ne saurait être admise. En la supposant exacte, c’est sur les bords et dans les régions polaires que la coloration devrait atteindre son maximum, et c’est précisément le contraire qu’on observe.

On a remarqué que la couleur rouge de Mars paraît beaucoup plus intense à l’œil nu que dans une lunette ; en interrogeant mes souvenirs, il me semble qu’avec des lunettes la teinte s’affaiblit notablement quand le grossissement s’accroît.

Les taches permanentes de Mars ne sont jamais visibles jusqu’au bord de la planète. Ce bord paraît lumineux. Ces deux faits ont conduit à la conséquence que Mars est entouré d’une atmosphère. La prédominance d’éclat du bord oriental et du bord occidental a paru telle à quelques observateurs, qu’ils ont comparé ces deux bords à deux ménisques étroits et resplendissants entre lesquels serait enfermé le reste du disque comparativement obscur.

Quelques observateurs ont remarqué que les taches sombres présentent une légère teinte verdâtre, mais cette couleur n’a rien de réel. Elle est un phénomène de contraste, ainsi que cela se voit toutes les fois qu’un objet blanc et faible est placé à côté d’un autre objet fortement éclairé en rouge.

La disposition de taches permanentes de Mars près des bords de son disque, considérée comme un effet et comme une preuve de l’existence d’une atmosphère dont la planète serait entourée, mérite d’être développée ici.

Sans entrer dans le détail des principes de Photométrie qui pourraient trouver une application dans l’examen actuel, nous pouvons regarder comme un résultat d’observation que, lorsque la lumière solaire éclaire librement la partie matérielle d’un corps sphérique et raboteux, le bord et le centre de son disque apparent, vus de loin, ont à peu près la même intensité. Ce fait, nous le tirons de l’observation de la Lune dans son plein.

L’égalité en question n’aurait plus lieu si les rayons qui vont éclairer les bords et le centre de l’astre n’avaient pas le même éclat.

Les rayons solaires qui illuminent les bords de l’astre sont-ils plus faibles que les rayons qui frappent le centre, les bords paraîtront moins éclairés que le centre.

Or, si Mars est entouré d’une atmosphère imparfaitement diaphane, les rayons qui vont atteindre le bord de la planète doivent être plus faibles que les rayons aboutissant au centre, puisqu’ils ont eu à traverser une plus grande étendue de couches atmosphériques ; donc, par cette raison et même sans tenir compte de l’affaiblissement que la lumière éprouve en traversant une seconde fois les deux régions atmosphériques dont il vient d’être question, la partie solide ou liquide des régions voisines du bord doit être plus sombre que la partie solide ou liquide des régions centrales.

Il est une seconde cause qui, sans changer le résultat, peut en modifier notablement les conséquences optiques. En effet, dans la direction de chaque point matériel de la planète, on doit voir à la fois la lumière renvoyée par ce point et celle qui nous est réfléchie dans la même direction par les parties correspondantes et interposées de l’atmosphère planétaire. Cette seconde lumière est évidemment d’autant plus intense que l’atmosphère a plus de profondeur : on conçoit que, près du bord, la lumière atmosphérique, en s’ajoutant par portions égales à la lumière d’une tache et à celle des portions voisines plus éclatantes, les rend à peu près égales, d’après ce principe que deux lumières paraissent avoir le même éclat lorsque leur différence n’est que de 1/60.

Supposons, par exemple, qu’une tache et la portion avoisinante aient entre elles des intensités représentées par 30 et 31 ; supposons qu’on ajoute à chacune des deux parties des lumières représentées par 30, les intensités définitives deviendront 60 et 61. Avant l’addition, la tache était très différente des parties qui l’entourent ; après, la différence est insensible,

Des considérations de ce même genre, combinées avec quelques mesures photométriques des parties obscures et des parties lumineuses faites près du centre et à différentes distances du bord, conduiront à des conséquences qui semblent devoir nous rester à jamais cachées sur les propriétés optiques de l’atmosphère de Mars.

Nous n’ajouterons qu’une réflexion aux considérations d’Arago, c’est que les bords du disque de Mars étant réellement plus blancs que la région intérieure et les taches étant effacées sous cette clarté, nous devons en conclure que l’atmosphère de Mars est assez profonde, absorbe et réfléchit une partie notable de la lumière solaire qui lui arrive. Toutefois, elle est incontestablement plus transparente que celle de la Terre, et, de plus, moins souvent chargée de nuages.

Arago a mesuré l’intensité de la lumière réfléchie par les caps polaires et l’a trouvée double de celle que renvoient les bords du disque.

XLV. 1858. — Le P. A. Secchi[5].

La planète devant arriver dans le cours de l’année 1860 en l’une de ses positions les plus favorables, le savant Directeur de l’observatoire du Collège romain voulut se préparer dès l’opposition précédente de 1858 à toutes les observations qu’il serait intéressant de faire, tant pour l’étude de la constitution physique de Mars que pour la détermination de la parallaxe solaire. Il prit pour collaborateur dans cette étude son collègue le P. Cappelletti, et les deux astronomes réussirent à faire un grand nombre de dessins excellents.

L’instrument employé a été l’excellent équatorial de l’observatoire, de 9 pouces ou 0m,244 d’ouverture libre et de 4m,328 de distance focale, muni de grossissements de 300 et 400 fois.

Les heures les meilleures pour l’observation de Mars à Rome ont été celles du coucher du soleil jusqu’à deux ou trois heures après, et seulement dans les journées de beau temps fixe.

On observa sur la planète des taches de colorations très variées, rousses, bleues, jaunes et même, peut-être par contraste, verdâtres. Les dessins, avoue Secchi, ne peuvent pas donner une idée de ces teintes. La gravure sur cuivre ne peut les reproduire, et même les essais tentés en chromolithographie ne sont pas satisfaisants. Le pastel seul a réussi, et quarante dessins de ce genre sont conservés à l’observatoire du Collège romain[6]. On a remarqué que Mars paraissait moins rouge à l’œil nu lorsque, dans la lunette, on ne lui voyait aucune tache azurée notable. Cette remarque peut apporter quelque lumière sur l’origine de la variabilité des astres.

Le meilleur moyen de juger de la forme des taches observées n’est peut-être pas de les décrire, mais plutôt de les examiner directement sur les dessins. Les plus caractéristiques sont ceux des 13, 14, 15 et 16 juin, qui montrent une grande tache azurée, de la forme d’un triangle et que les observateurs désignent dans leur journal sous le nom de Scorpion. Elle rappelle en effet, la forme de cet animal et de cette constellation. Le P. Secchi l’appelle aussi canal Atlantique. Cette tache caractéristique n’est autre que notre fameuse mer du Sablier avec laquelle nous avons fait depuis longtemps connaissance. Mais traduisons ici littéralement les descriptions de l’auteur.

Ce canal Atlantique est vaste. Un autre canal[7], petit, et qui réunit entre elles deux taches plus larges, se voit sur les dessins des 3, 4, 5 et 7 juin : nous l’avons surnommé l’isthme. (Cet isthme, situé vers 140° à droite de la mer précédente, nous paraît être la mer étroite à laquelle nous avons donné le nom de Manche sur notre carte, au-dessous de la baie Christie, et que M. Schiaparelli appelle le Gange. Les trois baies doivent être : 1o la baie du Méridien ; 2o la baie Burton ou bouche de l’Indus ; 3o l’embouchure de la Manche).

Ces deux canaux, dit le P. Secchi, entourent une espèce de continent rougeâtre ; les deux canaux et le continent occupent environ 150° de longitude aréographique, le reste est couvert de taches indécises, très difficiles à reconnaître et à dessiner.

Les taches polaires sont environnées de contours cendrés et mal définis ; mais, entre le continent rougeâtre et la tache polaire supérieure, on voit une autre tache très blanche que l’on pourrait facilement confondre avec la calotte polaire. L’éclat de ces régions est si vif que par irradiation elles paraissent sortir du bord de la planète et cette illusion tend à exagérer le diamètre polaire.

Les dessins des hémisphères polaires faits par le P. Secchi ne s’accordent ni avec ceux de Beer et Mädler, ni avec ceux que nous aurons à étudier plus loin.

Parmi les nombreuses questions que suggère l’étude de la constitution physique de la planète, ajoute l’astronome romain, il ne semble pas que l’heure d’en donner la solution soit arrivée. On ne saurait, par exemple, décider si les taches bleues sont telles seulement par contraste ou en réalité. J’incline à croire que la coloration est réelle parce que j’ai pu observer de petites portions séparément au moyen d’un minuscule diaphragme ; cependant une observation faite de jour me les a montrées presque noires. L’autre question serait de décider si les régions obscures représentent de l’eau, les rougeâtres des continents, et les blanches des nuages, et il est également difficile d’y répondre : il faudrait d’abord reconnaître si ces taches sont permanentes ou variables. Si les taches blanches changent de formes, on pourrait les considérer comme des nuages ; sinon, on pourrait voir en elles des glaces ou des continents.

En faveur de l’opinion que les régions blanches sont des nuages, semble militer le fait que nous voyons quelquefois la grande tache du canal Atlantique comme couverte de cirri, tandis qu’en d’autres circonstances ce fait ne s’est pas présenté. Il faudra voir si ces aspects se reproduiront.

Les régions rougeâtres comme les bleuâtres semblent trop permanentes pour que l’on puisse douter de leur nature : il est probable que les premières sont solides et les secondes liquides. Le ton des premières n’est pas uniforme, mais marqueté « screziato » et comme rempli d’un pointillage sur la nature duquel nous n’avons aucune idée.

La comparaison de nos dessins avec ceux obtenus par Mädler, de 1830 à 1837, semble prouver l’existence de changements très notables. Toutefois, si nous réfléchissons à l’influence que peuvent exercer dans cet ordre d’observation la force des instruments et la qualité de l’atmosphère, nous devons suspendre notre jugement. Nous avons notamment été très surpris de ne pas retrouver la curieuse tache en forme de boule suspendue à un fil qui était alors si caractéristique, et il y a là une grande probabilité de changement ; mais peut-être était-ce la tache inférieure de notre isthme. Le grand canal, aujourd’hui si marqué et si fort, était-il invisible à cette époque ? Mais n’était-ce pas la grande tache marquée pn dans les dessins de cette époque ? Des recherches ultérieures résoudront ces énigmes[8].

Mars paraît certainement avoir une atmosphère. La clarté de son disque est beaucoup plus faible vers les bords qu’au centre ; de plus, la netteté des contours des configurations s’efface dans le voisinage des bords, ce qui semble démontrer qu’il y a là une atmosphère, mais très faible, et certainement beaucoup moins dense que celle de Jupiter et probablement même que celle de la Terre ; mérite de frapper l’attention la tache ovale claire que l’on voit dans le dessin du 9 juin, ainsi que dans ceux du 10, du 11, du 13, du 14 et du 15, bien séparée de sa voisine de gauche. Mais dans le dessin du 8 juin elle lui est réunie. Cette réunion n’a pu être qu’apparente et produite par la nuance apportée sur sa division par l’atmosphère de la planète[9].

Il résulte aussi des observations que l’axe de rotation n’est certainement pas concentrique avec les taches polaires. Cette conclusion avait déjà été entrevue par Beer et Mädler qui pourtant ne la considéraient pas comme certaine. (L’auteur aurait pu dire par Herschel, et démontrée par lui. Voir plus haut, p. 56-58 et 97).

Le P, Secchi s’est également occupé de la rotation de la planète, En combinant une observation faite par lui le 25 avril 1856, à 11h 20m du soir, avec une observation identique du 24 juillet 1858, à 8h 20m, il trouve 24h 37m 35s.

Voici quelques extraits du registre d’observations :

1858, 7 mai. 11h, temps moyen de Rome. Mars présente, au milieu de son disque, une grande tache triangulaire de couleur bleue et, au-dessous, une tache rougeâtre. L’atmosphère est mauvaise, et il n’est pas possible de faire de bonnes observations. Cette tache doit être le canal Atlantique, dénomination donnée par brièveté à cette grande tache bleue qui paraît jouer le rôle de l’Atlantique qui, sur la Terre, sépare le nouveau continent de l’ancien.

16 mai, Le disque se montre parsemé d’un pointillage roux.

Fig. 80.
3 juin, 9h 45m. 4 juin, 9h 30m.
5 juin, 9h 40m. 7 juin, 10h.
Dessins de Mars faits par le P. Secchi. Rome, 1858.

3 juin, 9h 45m, Bonne atmosphère. On voit bien l’isthme. La calotte polaire supérieure est bien définie, mais l’inférieure est indécise. On voit bien un canal mince que nous appellerons l’isthme (fig. 80, A).

4 juin, 9h 30m. Vue analogue à celle d’hier (fig. 80, B).

5 juin, 9h 40m. Id. L’isthme est plus avancé, et il en est de même de la tache claire de gauche (fig. 80, C).

7 juin, 10h, Entre l’isthme et le canal Atlantique, est un grand continent rougeâtre (fig. 80, D).

Fig. 81.
8 juin, 9h 10m. 9 juin, 9h 45m.
10 juin, 9h 0m. 11 juin, 9h 45m.
Dessins de Mars faits par le P. Secchi. Rome, 1858.

8 juin, 9h 10m, et 9 juin, 9h 45m. Observation de ce continent rougeâtre. On voit dans sa partie inférieure une espèce de promontoire se dirigeant vers la tache polaire inférieure (fig. 81, A, B).

10 juin, 9h 0m. L’aspect inférieur de la figure doit particulièrement attirer l’attention parce qu’entre la tache polaire et le continent rouge, s’étend une région de couleur claire (fig. 81, C).

11 juin, 9h 45m, La planète présente une variété de teintes prodigieuse et indescriptible. Le grand canal bleu est suivi d’une bordure verte à gauche qui s’étend jusqu’à une tache jaune. Au contour inférieur du canal, on aperçoit plusieurs stries blanches très petites. Elles sont très remarquables. Sont-ce des nuages ? Si on ne les revoit pas par une bonne atmosphère, on sera bien forcé d’en conclure qu’elles auront changé (fig. 81, D).

Fig. 82.
13 juin, 9h 30m. 14 juin, 9h 15m.
15 juin. 16 juin.
Dessins de Mars faits par le P. Secchi. Rome, 1858.

13 juin, 9h 30m (fig. 82, A). Le grand canal bleu se trouve presque au milieu du disque ; cette tache est si vaste que Mars paraît à l’œil nu moins rouge que d’habitude. On prend la direction des trois bras principaux de cette tache en forme de γ ou plutôt de Scorpion :

Directions des taches polaires excentriques, 200°5 ;
Direction de l’axe de la tache triangulaire, 218° ;
Bras droit, 283° ;
Bras gauche, 160°5 ;
Largeur de la tache noire, 3″,175
Diamètre polaire de la planète, 18″,371 ;
Distance de la tache au pôle supérieur, 7″,304.

Ces mesures ont été prises à 9h. Le dessin a été fait à 9h 30m.

14 juin, 9h 15m. Même aspect que la veille. Très remarquable (fig. 82, B)

15 juin. Même aspect que les deux soirs précédents (fig. 82, C)

16 juin. Atmosphère trouble (fig. 82, D).

Fig. 83.
17 juin, 9h 36m. 18 juin, 9h 20m.
20 juin, 9h 40m. 24 juin, 9h 50m.
Dessins de Mars faits par le P. Secchi. Rome, 1858.

17 juin, 9h 36m (fig. 83, A). Aspect qui rappelle absolument celui du 25 avril 1856, à 13h 37m de temps sidéral, ce qui nous permet d’affirmer 1o la rotation de la planète et 2o la permanence du canal Atlantique que l’on voit à droite. Le corps de la tache sombre est traversé de plusieurs voiles blancs. Que sont-ils ? Le 15, on ne les voyait pas.

18 juin, 9h 20m. Mars est particulièrement intéressant. On commence à apercevoir, à gauche, une traînée obscure. La planète est jaune en cet endroit, et sur tout le reste rougeâtre et bariolée. Dans cette phase (fig. 83, B), le grand canal tend à disparaître et semble se prolonger jusqu’au bord en bas ; mais, lorsqu’on le voit au milieu du disque comme du 13 au 15 juin, on constate qu’il est interrompu longtemps avant d’arriver vers le pôle.

20 juin, 9h 40m, Le dessin a été fait quand le canal était déjà au bord du disque et l’on ne voit que de légères traînées cendrées sur un fond roux (fig. 83, C).

24 juin, 9h 50m. Atmosphère épaisse, le disque semble de couleur marron (fig. 83, D).

1er et 2 juillet. Peu de taches. Mars paraît du reste à l’œil nu plus rouge que d’habitude.

23 juillet. La grande tache bleue ressemble tout à fait à un scorpion.

24 et 31 juillet, 5 et 13 août. Étude de la tache polaire inférieure : elle est certainement double et se compose de deux taches contiguës.

Telles sont les observations relatives à l’opposition de 1858. Le P. Secchi n’a pu les continuer pendant celle de 1860, comme il se l’était proposé, mais il les a reprises en 1862. Nous arriverons bientôt à ces observations. Quant à celles que nous venons de rapporter, elles sont excellentes et peuvent compter parmi les meilleures que nous ayons eu jusqu’ici. Les autres seront encore supérieures.


XLVI. 1860. — Emmanuel Liais[10]

M. Emmanuel Liais, astronome de l’Observatoire de Paris, nommé quelques années plus tard par l’Empereur du Brésil, directeur de l’Observatoire de Rio de Janeiro, a observé la planète Mars pendant l’opposition de 1860, au point de vue de son aspect physique et de la parallaxe du Soleil. Il obtint pour moyenne des mesure 25″,35, ce qui donne 9″,91 pour la distance 1. Le 23 juillet, il dessina le croquis de Mars que nous reproduisons ici d’après l’ouvrage du savant astronome, l’Espace céleste, publié en 1865. On reconnaît sur cette figure le pôle sud alors tourné vers nous, un peu du pôle nord en bas, et, selon toute apparence, la mer Maraldi.

L’auteur rappelle que la coloration rougeâtre de la planète ne peut pas être due à l’atmosphère, comme Arago l’a montré, et doit représenter soit la couleur du sol, soit celle de la végétation. Cette dernière explication nous Fig. 84.

Croquis de Mars, par M. Liais, le 23 juillet 1860.
paraît la plus naturelle, comme déjà nous l’avons fait remarquer à propos des terrains ocreux de sir John Herschel.

Nous allons arriver aux observations de l’année 1862 qui ont été très précieuses, ainsi que celles de l’année 1864, pour le progrès de la connaissance de Mars, à cause du grand rapprochement de la planète en ces deux oppositions. Mais déjà nous avons une base d’opinion suffisamment fondée sur la constitution physique de ce monde voisin. L’extrait suivant montre ce que nous pouvions dès cette époque en penser,

XLVII. 1862. — C. Flammarion[11].

Dans la première édition de la Pluralité des Mondes habités, publiée en 1862, nous résumions dans les termes suivants (p. 21), l’opinion, fondée sur l’ensemble des observations, que l’on pouvait avoir à cette époque, relativement aux conditions d’habitabilité de la planète Mars.

« Environ vingt millions de lieues au delà de la Terre, circule la planète Mars, qui présente aussi de frappants caractères de ressemblance avec les précédentes. Elle est éloignée de l’astre central de 58 178 600 lieues, achève son année en 687 jours et sa rotation diurne en 24h 39m. Les enveloppes atmosphériques qui entourent cette planète et la précédente (la Terre), les neiges qui apparaissent périodiquement à leurs pôles et les nuages qui s’étendent de temps en temps dans leurs atmosphères, la distribution géographique de leurs surfaces en continents et en mers, les variations de saisons Fig. 85.

L’hémisphère le mieux connu de Mars (1802-1864).
(Figure extraite de la 2e édition de la Pluralité des Mondes habités).
et de climats communes à ces deux mondes, nous fondent à croire que ces planètes sont toutes deux habitées par des êtres dont l’organisation doit offrir plus d’un caractère d’analogie, ou que si l’une d’elles était vouée au néant et à la solitude, l’autre, qui se trouve dans les mêmes conditions, devrait avoir le même partage. »

De la seconde édition de cet ouvrage (1864) à la seizième (1871) nous avons publié l’esquisse ci-dessus (fig. 85), que nous avions conclue dès cette époque de la comparaison des diverses observations, comme représentant l’hémisphère le plus sûrement connu de la planète. Cette petite carte contient la mer du Sablier et les mers environnantes, et avait surtout pour but de montrer les différences caractéristiques de la géographie martienne avec la nôtre. À partir de la dix-septième édition (1872), nous avons donné (planche coloriée) le même hémisphère, d’après les observations plus récentes. Continents, atmosphère, nuages, neiges, mers et glaces polaires sont admis comme définitivement prouvés.

Dans cette figure comparative, nous avons placé l’Est et l’Ouest, comme sur la Terre, c’est-à-dire comme ils se trouvent pour les habitants de Mars.

Nous arrivons maintenant aux observations faites par le P. Secchi en 1862 et publiées en 1863.

XLVIII. 1862. — Le P. A. Secchi[12].

Nous allons traduire, en le résumant, le mémoire publié par le savant astronome italien. Ces observations ont été faites à l’observatoire du Collège romain, en continuation de celles de 1858, et avec le même instrument.

L’auteur a voulu profiter de la circonstance du passage de la planète à sa plus grande proximité de la Terre et en même temps à son périhélie, pour continuer ses recherches sur sa constitution physique.

« Mars, écrit-il, est le corps céleste que nous pouvons le mieux étudier après la Lune. Herschel et d’autres astronomes assurent avoir observé sur cette planète non seulement des mers et des continents, mais encore les effets des saisons d’hiver et d’été ; pourtant les discordances qui existent entre les observations modernes et les anciennes laissent un certain doute dans l’esprit. Les instruments modernes devraient permettre de résoudre la question, car ils sont supérieurs même à ceux de William Herschel. Nos dessins de l’année 1858 ne s’accordent pas avec ceux de Mädler, notamment en ce qui concerne la tache blanche polaire, qui, dans les observations de cet astronome, s’est montrée réduite à un petit cercle brillant, tandis que nous l’avons trouvée vaste et compliquée. À la dernière opposition, elle a repris la forme dessinée par Mädler.

» Les différences observées ont deux causes. La première est la perspective sous laquelle Mars s’est présenté en 1858, car alors les deux pôles étaient également visibles, tandis que maintenant le pôle boréal s’est caché et que l’austral est tourné vers nous. Le 26 septembre 1862, à 9h 45m, la planète se présentait à nous, dans une position correspondante à celle que l’on a vue sur la fig. 2 (4 juin), des dessins de 1858, mais obliquement, en raccourci, avec le pôle supérieur incliné vers nous comme dans le troisième dessin de Mädler de 1832.

» La seconde cause de variation est qu’en réalité les taches polaires changent constamment. Les vastes champs blancs se sont évanouis et restreints à la petite calotte polaire de Mädler. Il est clair que ces variations ne peuvent s’expliquer que par une fonte de neiges ou par une disparition de nuages couvrant les régions polaires. Et, en fait, c’est ce qui doit arriver, puisque le pôle visible dans l’opposition de 1862 est précisément le pôle tourné vers le Soleil, qui passait alors par son été, et qui n’est éloigné que de 15° du périhélie : il se trouve donc à l’époque de sa plus haute température, c’est-à-dire à celle qui correspond au milieu de notre mois de juillet. Remarquons en même temps la forte inclinaison de l’axe de Mars sur son orbite qui donne à la planète des saisons très notables.

» Ces aspects prouvent également qu’il existe sur Mars de l’eau liquide et des mers, conséquence naturelle de la fusion des neiges. Cette conclusion est confirmée par le fait que les marques bleues que l’on découvre dans les régions équatoriales de la planète n’ont pas sensiblement changé de formes, tandis que les champs blancs voisins des pôles sont contigus à des champs rougeâtres, qui ne peuvent être que des continents. Ainsi, l’existence des mers et des continents, de même que les alternatives des saisons et des variations de l’atmosphère, sont aujourd’hui entièrement démontrées.

» Il résulte de ces observations de 1862, que les traits caractéristiques de la planète dessinés par Beer et Mädler ont été retrouvés d’une manière non équivoque. Ainsi, la tache qu’ils ont notée par les lettres efh correspond à celle que nous appelons mer de Cook ; celle qu’ils ont marquée np est pour nous celle de Marco Polo ; leur tache a doit être le canal de Franklin. Nous n’avons donné aucun nom aux régions rougeâtres et nous nous sommes borné à indiquer par quelques dénominations les taches foncées les plus sûres et les plus constantes.

» Nous avons rapporté de ces recherches la conviction qu’en outre des taches permanentes, il y en a là de variables qui mériteraient d’être étudiées plus à fond et avec persévérance. L’existence de l’atmosphère est rendue indubitable par l’absorption de la lumière vers les bords du disque et indépendamment des observations spectrométriques. »

EXTRAIT DES OBSERVATIONS.

21 septembre 1862, à 20h 50m de temps sidéral, Mars nous présente sa calotte polaire supérieure, très réduite et tout entière tournée vers nous. Sa direction est vers 145° du centre. On voit clairement la tache bleue qui offre la forme d’un Y et rappelle l’aspect d’un scorpion ; mais sa partie étroite est cachée. Par brièveté, nous appellerons ce canal bleu canal de Cook, appliquant à Mars les noms de quelques navigateurs célèbres, et nous donnerons le nom de continent Cabot au continent rougeâtre qui s’étend sur la droite (fig. 86, A).

26 septembre, à 9h 45m de l’après midi. Le canal de Cook se trouve presque exactement au milieu du disque. Mais, tandis que dans les dessins de 1858 sa partie la plus large, que nous appelions le corps du Scorpion, se trouvait fort au-dessus du centre, elle est maintenant juste au centre. (Voir notamment les figures des 14 et 15 juin 1858, fig. 82.) C’est là une affaire de perspective. Cette région offre cette année précisément l’aspect que Beer et Mädler ont représenté sur leur fig. 3 de 1832 (voy. fig. 67). On ne distingue pas les détails près du bord, ce qui prouve que l’atmosphère de Mars est très absorbante. Entre la tache polaire et la mer de Cook, on remarque plusieurs ramifications de couleur bleue, mais parsemées de taches jaunes et rousses, difficiles à dessiner. On croirait voir un archipel (fig. 86, B).

21 septembre, 20h 50m, T. S. 26 septembre, 9h 45m, T. M.
18 octobre, 8h 13m. 25 octobre, 8h 0m.
Fig. 86. — Dessins de Mars faits par le P. Secchi. Rome, 1862.

18 octobre, 8h 13m (fig. 86, C). La calotte polaire est bien détachée du bord. On remarque une tache obscure d’un ton différent des tons accoutumés et que je n’ai jamais vue, Elle semble entourée d’un anneau ou d’un cyclone en spirale, Les régions voisines du pôle sont rougeâtres : elles étaient certainement blanches l’autre année. On croirait voir une grande bourrasque sur Mars[13].

25 octobre, 8h 0m (fig. 86, D). Tache polaire bien marquée et bien détachée. Entre elle et le canal, est une grande région rougeâtre que nous appelons Colombie.

26 octobre, 9h 15m (fig. 87, A). On reconnaît mieux le canal de Franklin à droite. Entre le pôle et la mer qui réunit le canal de Cook avec celui de Franklin, on voit un espace rougeâtre parsemé de lignes courbes (la Colombie).

21 septembre, 20h 50m, T. S. 26 septembre, 9h 45m, T. M.
18 octobre, 8h 13m. 25 octobre, 8h 0m.
Fig. 87. — Dessins de Mars faits par le P. Secchi. Rome, 1862.

9 novembre, à 7h 38m (fig. 87, B). La figure de ce soir est remarquable par une grande tache bleue que je n’ai jamais vue dans cette proportion. C’est manifestement un prolongement de la mer de Cook. Si on ne l’a pas vue en 1858, c’est sans doute par suite d’une variation réelle plutôt que par la différence de perspective ou à cause de l’atmosphère de Mars. Très nébuleuse en cette région, notamment les 18 et 20 juin 1858, cette tache offre bien la forme de celle que Beer et Mädler ont désignée sous les lettres pm.

11 novembre, 7h 45m (fig. 87, C) La grande tache pm que nous appelons mer de Marco Polo paraît de plus en plus nette, Entre cette tache et le pôle blanc, on remarque une nuée obscure très curieuse.

16 novembre, 7h 30m (fig. 87, D). On voit toujours très bien la grande mer bleue. La tache polaire inférieure ou boréale est double.

18 et 26 décembre. La continuation des observations prouve que les neiges polaires supérieures ou australes ont considérablement diminué et sont réduites à un tout petit cercle blanc.

Ces observations du P. Secchi sont aussi curieuses qu’importantes. Elles nous confirment dans toutes nos déductions précédentes sur les continents, les mers et les influences atmosphériques de Mars, ainsi que sur les variations certaines qui arrivent à la surface de cette planète dans la forme et l’étendue des mers.

Nous pouvons pénétrer maintenant, plus complètement que nous ne l’avons fait jusqu’ici, dans la détermination de la géographie martienne. Afin de nous y mieux reconnaître, il est indispensable de remonter ici jusqu’à la carte générale de la planète, publiée à la fig. 31 de cet ouvrage, et de comparer à cette carte tous les dessins du laborieux astronome romain.

Considérons donc l’ensemble des dessins du P. Secchi et comparons-les à la carte ci-dessus.

Dans ceux de 1858, d’abord, nous reconnaissons avec certitude notre célèbre mer du Sablier sur cinq dessins, ceux des 10, 11, 13, 14 et 15 juin (voy. fig. 81 et 140). On la devine sur le suivant.

Cette mer a été, comme nous venons de le voir, qualifiée de « Scorpion » par les astronomes romains, et, en effet, la ressemblance ne manque pas de pittoresque. La queue du Scorpion s’appelle sur notre carte passe de Nasmyth et se termine en une petite mer appelée mer Lassell ; la tentacule de droite, au-dessus du corps, est l’océan Dawes qui se prolonge vers le pôle par la mer Lambert, et la première branche à droite est le détroit Herschel II ; la grande tentacule de gauche est la mer Flammarion qui se prolonge par la mer Hooke ; la petite tentacule au-dessous est probablement la mer Main, exagérée. Cette région est très variable sur tous les dessins. Au bas de la figure on remarque, sur les cinq dessins, une zone blanche, qui est la terre de Laplace, puis une zone grise, qui est la mer Delambre, enfin encore une zone claire, suivie d’une zone foncée entourant le pôle inférieur.

Nous retrouvons cette même mer du Sablier dans les dessins des 21 et 26 septembre 1862 (fig. 86). Le P. Secchi donne trois noms à cette mer : Scorpion, Atlantique et mer de Cook.

Dans les dessins des 3, 4, 5 et 7 juin 1858, nous avons sous les yeux un autre côté de la planète, Cette mer étroite et allongée (voy. fig. 80) est le second aspect caractéristique de Mars dans ces observations. Les astronomes romains appellent cette mer allongée l’isthme, et aussi le canal de Franklin. Elle se trouve à près de 180° à droite de la mer du Sablier, car on ne voit jamais ces deux taches en même temps. Dans nos cartes de Mars, nous avons donné le nom de Manche à cette mer. M. Schiaparelli l’appelle le Gange. Ce détroit n’existe pas sur la carte de M. Green, dont nous avons déjà parlé à propos des dénominations et sur laquelle nous reviendrons plus loin.

Si l’on étudie avec attention ces quatre vues de Mars, on arrive à conclure que la première langue pointue, en allant de la gauche vers la droite, est la baie du Méridien ; que la seconde, située à 20° vers la droite, est la baie Burton, appelée par M. Schiaparelli Margaritifer Sinus et embouchure de l’Indus, et que la troisième, située à la même distance au delà, doit être la baie Christie et la Manche. L’identification n’est pas absolument satisfaisante, car même en donnant 25° pour longitude à l’embouchure de l’Indus, celle de la Manche ne se trouve pas à 50°, mais à 56° ; toutefois il nous est impossible de faire aucune autre identification. Cette « Manche » est absente d’un grand nombre de dessins, cependant nous la retrouverons plus loin, parfaitement marquée sur deux dessins de Dawes des 12 et 14 novembre 1864, et sur un dessin de M. Schiaparelli du 28 novembre 1879, Les observations de Secchi et Dawes nous ont conduit à donner plus d’importance à cet isthme sur notre carte qu’il n’en a sur celle de M. Schiaparelli.

Les dessins de 1862 ne la montrent pas. Sur les huit croquis faits à Rome cette année-là, les deux premiers montrent, comme nous venons de le voir, la mer du Sablier. Le troisième montre la mer Terby, prise par le P. Secchi pour une bourrasque. Le quatrième laisse deviner les trois baies des dessins de 1858 (Méridien, Burton et Manche) et il en est de même dans le cinquième. Le sixième, le septième et le huitième montrent la mer Maraldi, que Fig. 88.

Croquis fait par le P. Secchi, le 1er décembre 1864.
l’astronome romain appelle mer de Marco Polo et que Beer et Mädler ont désignée sous les lettres pm.

Ces dessins nous confirment donc dans l’opinion que le globe de Mars possède des configurations géographiques permanentes, mais que ces configurations manifestent des différences notables, dont un certain nombre sont imputables aux observateurs et aux instruments, mais dont plusieurs, comme par exemple la largeur de la Manche, doivent tenir à la constitution physique de la planète elle-même. Ce dernier point est de la plus haute importance.

Le P. Secchi a continué ses observations en 1864. Parmi les dessins de cette année, nous signalerons, d’après M. Terby (fig. 88), celui du 1er décembre 1864, à 7h, qui paraît au premier aspect représenter la mer du Sablier, très étroite, mais qui, au contraire, renferme la mer Maraldi et montre un détroit descendant sous forme d’un triangle allongé. C’est un nouveau témoignage des changements qui se produisent sur cette planète, dans une région que nous avons déjà remarquée, car cet allongement correspond probablement à celui de la fig. 174 (p. 79), observé par Schrœter, le 2 novembre 1800, et aux pointes de gauche des fig172 et 177.

XLIX. 1862. — Lockyer[14].

Nous venons d’entrer ici dans une période féconde pour l’élucidation du grand problème de la géographie de Mars. Pendant la très favorable opposition de 1862, plusieurs astronomes se sont consacrés à un travail analogue à celui que nous venons d’examiner, et parmi eux, en première ligne avec le P. Secchi, Lockyer en Angleterre et Kaiser en Hollande. Continuons notre étude par le travail de l’astronome anglais. Nous donnerons de cet important mémoire le résumé le plus complet possible.

Les doutes et les difficultés relatives à la permanence des configurations géographiques de la planète ont surtout pour origine le désespérant manque de ressemblance des dessins pris aux diverses époques. Les opinions sont remarquablement contradictoires ; ainsi, pour n’en citer que deux exemples, tandis que Cassini reconnaissait en 1670 les taches qu’il avait découvertes en 1666 avec sa lunette Campani de 16 pouces 1/2 de distance focale, Maraldi déclare en 1720 qu’il lui a été impossible de concilier entre eux les dessins faits en 1704, 1717 et 1719 ; et de nos jours le P. Secchi a trouvé en 1858 ses dessins inconciliables avec ceux de Beer et Mädler en 1830 et 1837.

L’inclinaison de la planète entre pour beaucoup dans ces différences d’aspect, par suite des effets de raccourci qu’elle donne aux configurations, vues parfois tout à fait de face tant en latitude qu’en longitude. Il serait donc convenable de ne comparer les dessins entre eux que lorsqu’ils appartiennent à des positions identiques de la planète. Ainsi l’opposition du 5 octobre 1862 ayant eu lieu dans la longitude héliocentrique 12°, est comparable à celle du

Fig. 89. — Dessin de Lockyer. 17 septembre 1862, à 10h 50m.


Fig. 90. — Dessin de Lockyer. 17 septembre 1862, après 10h 50m.
19 septembre 1830, qui a eu lieu à la longitude héliocentrique de 356°.

En admettant que l’instrument de Beer et de Mädler ait été le même que celui dont ces observateurs se sont servis pour leur carte de la Lune,

Fig. 91. — Dessin de Lockyer. 23 septembre 1862, à 9h 40m.


Fig. 92. — Dessin de Lockyer. 23 septembre 1862, à 10h 25m.
c’est-à-dire un objectif de 42 lignes d’ouverture et de 4 pieds 1/2 de longueur focale, M. Lockyer constate que ses dessins concordent parfaitement avec ceux de 1830, étant donné que l’instrument dont il s’est servi montrait plus de détails,

Fig. 93. — Dessin de Lockyer, 23 septembre 1862, à 11h 55m


Fig. 94. — Dessin de Lockyer. 23 septembre 1862, à 12h 55m.
attendu que son objectif mesurait 6 pouces 1/2 d’ouverture avec 8 pieds 1/2 de longueur focale.

Ces observations de 1862 confirment donc de la manière la plus satisfaisante la théorie de la permanence absolue des configurations de la planète. Il y a néanmoins des discordances inexplicables entre les observations faites à l’aide d’instruments différents, même entre les mains des observateurs les plus habiles.

Quoique la fixité complète des configurations générales de la planète soit maintenant hors de doute, cependant journellement, et nous pourrions dire heure par heure, des variations dans les détails et dans les tons des différentes

Fig. 95. — Dessin de Lockyer. 25 septembre 1862, à 10h 44m.
parties de la planète claires ou sombres peuvent être observées. L’auteur ne doute pas que ces changements ne soient causés par le passage de nuages sur les différentes configurations : « These changes are, I doubt not, caused by the transit of clouds over the different features. »

Une atmosphère pure et sans nuages, tant ici que sur Mars, écrit l’auteur, a pour effet de rendre les régions foncées de la planète plus foncées et plus distinctes ; les lignes de rivages, si l’on peut s’exprimer ainsi, étaient si fines et si légères qu’il est complètement impossible de les représenter exactement. Beer et Mädler ont déjà remarqué que généralement un certain temps s’écoule avant que les taches, d’abord vagues lorsqu’on commence l’observation, deviennent nettes et bien distinctes.

Des nuages, au contraire, auront pour effet de rendre les régions sombres moins foncées, en proportion de la densité de ces nuages, et les régions claires plus claires dans la même proportion. Ils ne peuvent jamais d’une région claire faire une région sombre[15]. S’il en est ainsi, lorsque nous observons une tache foncée bien définie, nous pouvons être certains qu’il n’y a pas de nuages au-dessus d’elle et que nous voyons bien la surface même de la planète. Nous ne pouvons pas être assurés cependant, à moins que nous connaissions bien la localité par des observations antérieures, que des régions sombres ne sont pas au-dessous de régions claires,



Fig. 96. — Dessin de Lockyer, 25 septembre 1862, à 10h 50m.

Quelques exemples de passages de nuages ont été soupçonnés par le P. Secchi, en 1858. M. Lockyer en présente ici qu’il qualifie d’incontestables (unmistakeable) : les voici. Dans le dessin pris le 3 octobre, à 10h 30m (fig. 97) l’espace qui s’étend de x à y se montrait dépourvu de toute tache sombre ; dans le croquis pris le même soir à 11h 23m (fig. 98), une tache se montra vers y, laquelle s’accentua progressivement et s’étendit jusqu’à x à 11h 51m, heure à laquelle fut faite la fig. 99.

Maintenant, ajoute l’auteur, cette localité est une de celles que nous connaissons le mieux, car elle a été admirablement observée par Warren de la Rue, le P. Secchi et d’autres, et il n’y a aucun doute que le dessin no 8 de ce dernier observateur ne représente l’aspect normal de cette région située sur l’équateur, à la longitude de 28°. Les changements observés s’expliqueront facilement en admettant qu’au commencement de mes observations la configuration dont il s’agit, qui est persistante dans les fig. 10, 11, 13, 14, 15, 17 et 18 du P. Secchi, a été voilée par des nuages qui se dissipèrent graduellement jusqu’à la fin ; quoique la configuration n’ait pas été entièrement découverte, elle était devenue beaucoup mieux visible à la fin de mes observations.

Il s’agit d’une région que nos lecteurs connaissent fort bien, de notre fameuse mer du Sablier. Eh bien, tout en admettant avec l’auteur l’influence

Fig. 97. — Dessin de Lockyer. 3 octobre 1862, à 10h 30m.
de nuages blancs, nous verrons plus loin que le bord gauche de cette mer, précisément sur la zone marquée f et y, est très variable.

Pour prendre un autre exemple, ajoute l’auteur, dans le no 14 de mes dessins (fig. 95), la tache a de Beer et Mädler est entièrement invisible, tandis que dans le no 15 (fig. 96) pris quelques minutes après, elle est absolument évidente et très remarquable.

Mais, outre les nuages qui, comme nous venons de le voir, oblitèrent de temps en temps, en totalité ou en partie, les régions sombres de la planète et donnent naissance à des variations de contours et de tons déformant en apparence l’aspect des configurations, l’atmosphère assez dense de Mars avec ses brouillards et ses brumes doit jouer aussi un certain rôle. Je mentionne ce fait spécialement dans le but d’établir que quoiqu’on l’observe avec certitude dans l’hémisphère austral au milieu de l’été sur les taches, lorsqu’elles apparaissent au bord du disque et lorsqu’elles le quittent, on peut le constater avec plus d’évidence encore dans l’hémisphère boréal au milieu de l’hiver, effaçant même sur le méridien central toutes les configurations géographiques situées au nord du 30e degré de latitude, Il y a là un nouveau témoignage de la grande intensité des saisons de Mars, intensité déjà manifestée par le fait de l’étendue considérable des neiges polaires en hiver et de leur fusion si rapide en été. Comme l’ont remarqué Beer et Mädler, l’hémisphère austral de la planète sera toujours le plus facile à étudier pour nous, puisqu’il se présente à nous aux époques de la plus grande proximité de la planète.



Fig. 98. — Dessin de Lockyer. 3 octobre 1862, à 11h 23m.

À l’égard des colorations rouges et vertes si souvent décrites pour les configurations géographiques de Mars, mes observations, ajoute l’astronome anglais, m’ont conduit à la même opinion sur leur nature que celle à laquelle le P. Secchi est arrivé lui-même dans ses études de 1858. Pour moi aussi, les régions rouges représentent les continents et les régions vertes des mers. Je ne crois pas non plus que ces colorations vertes soient dues à des effets de contraste ; elles me paraissent réelles.

Les régions foncées se sont montrées à moi certainement vertes, ainsi qu’à tous ceux qui ont observé Mars dans mon instrument ; cette couleur s’est montrée particulièrement évidente dans la tache marquée pm sur la carte de Beer et Mädler (dessin du 15 octobre, à 9h 8m et à 9h 20m), Cette coloration n’était certainement pas due à l’objectif de mon instrument.

Les taches qui se sont montrées les plus foncées en 1862 sont les mêmes que celles qui ont offert le même aspect en 1830 : ces mers sont généralement presque entièrement entourées de terres.

La variation des neiges polaires est un sujet bien intéressant d’observation. En 1830, le solstice d’été de l’hémisphère sud de Mars est arrivé le 8 septembre et le minimum des neiges polaires (1/20 du diamètre apparent de la planète) a été observé le 5 octobre, c’est-à-dire 27 de nos jours après la plus haute élévation du Soleil sur cet hémisphère. En 1862, le solstice est arrivé le 30 août : or, le 23 de ce mois, la zone neigeuse offrait un diamètre

Fig. 99. — Dessin de Lockyer, 3 octobre 1862, à 11h 51m.
égal au 1/5 de celui de la planète, mais le 25 du mois suivant elle a au 1/10, et le 11 octobre au 1/13 de ce même diamètre, et c’est à peine si l’on pouvait la distinguer. Puis, ces neiges recommencèrent de nouveau à s’accroître.

Cette fusion très rapide des glaces polaires australes doit être attribuée à la grande excentricité de l’orbite de Mars et au fait que l’été de l’hémisphère sud arrive lorsque la planète est voisine ne de son périhélie. Le centre de la calotte polaire neigeuse ne coïncide pas avec le pôle, mais se trouve à quelques degrés du pôle géographique et vers le 20e degré de longitude ; au contraire, au pôle nord ou inférieur, visible en 1857, le P. Secchi a constaté que la calotte de glace est centrée sur le pôle.

Parfois la neige polaire a paru si brillante que, comme le croissant de la Nouvelle Lune, elle semblait se projeter en dehors de la planète. Un soir, comme des nuages passaient devant la planète, cette neige polaire resta seule visible comme une étoile nébuleuse. (Remarque déjà faite au XVIIIe siècle).

L’auteur rappelle en terminant que son objectif de 6 pouces 1/4 (0m,16) de diamètre est monté équatorialement et par un mouvement d’horlogerie, généralement appliqué pendant les dessins des vues télescopiques ; le grossissement a été habituellement celui de 191. Le dédoublement des étoiles χ de l’Aigle, γ² d’Andromède et λ Cassiopée est une garantie du pouvoir de définition de cet instrument.



Fig. 100. — Dessin de Lockyer, 9 octobre 1862, à 10h 47m.

Nous avons reproduit en fac-similés les 16 dessins de M. Lockyer. Ce sont les plus importants pour la connaissance de Mars de tous ceux que nous ayons étudiés depuis les premières pages de cet ouvrage. Ils ont été placés ici par ordre de date.

Dans la première et la seconde de ces vues télescopiques, on reconnaît la tache circulaire en forme d’œil qui a reçu le nom de mer Terby ; au-dessus d’elle et à gauche, l’océan de la Rue ; au-dessous, une région grise sujette à des variations fréquentes ; à gauche, une première baie arrondie, la baie Christie, et un peu plus loin une seconde baie, la baie Burton. Les glaces polaires australes sont éclatantes et nettement marquées sur toutes les figures.

M. Lockyer appelle cette tache en forme d’œil la mer Baltique.

Dans la troisième, on remarque surtout le détroit d’Herschel II et la tache a, qui n’est autre que la baie du Méridien. Un peu plus tard, dans la soirée, ce détroit et cette tache sont un peu plus avancés vers la gauche (fig. 92) et, une heure et demie après, plus avancés encore (fig. 93). Il y a une grande ressemblance entre ces dessins et ceux de Beer et Mädler. Au-dessus de cette mer allongée, on en distingue une seconde, le détroit Arago, et entre les deux il y a une langue de terre blanche ou plutôt grise. C’est une contrée variable, qui paraît tantôt continentale et tantôt maritime. La fig. 94, plus avancée encore,

Fig. 101. — Dessin de Lockyer. 11 octobre 1862, à 11h 4m.
montre au centre du disque ce détroit Arago terminé par deux langues pointues, puis, à droite, la baie Christie, et ensuite, un peu déformé, l’Œil.

On voit qu’insensiblement, la configuration géographique de la planète se dessine avec une certaine précision.

Les fig. 95 et 96 du 25 septembre nous montrent de nouveau le détroit d’Herschel II (la baie du Méridien est voilée dans le premier, et ces voiles sombres doivent être de nature atmosphérique, quoi qu’en ait dit l’auteur). Le détroit se rattache en e à la mer du Sablier. Les trois dessins du 3 octobre (fig. 97, 98, 99) représentent avec une complète évidence la mer du Sablier, la mer Flammarion, la mer Hooke, et au-dessous la mer Maraldi. La mer Zöllner et la terre de Lockyer y sont également faciles à reconnaître. À gauche de la mer du Sablier, la région xy est brumeuse.

Le dessin du 9 octobre montre la mer Hooke et la mer Maraldi. Au-dessus, la mer Maunder, entre les mers Hooke et Maraldi, l’isthme de Niesten, au au-dessus de la mer Hooke, à droite, la terre de Cassini et l’île Dreyer, puis, vers

Fig. 102. — Dessin de Lockyer, 15 octobre 1862, à 9h 8m.


Fig. 103. — Dessin de Lockyer. 15 octobre 1862, à 9h 20m.
le bord, la mer Zöllner. Au-dessous de la mer Maraldi s’étend le continent Herschel I.

Celui du 11 octobre offre les mêmes aspects ; mais, à gauche de la mer Maraldi, on voit une autre mer, la mer Schiaparelli, séparée de la mer Maraldi par la terre de Webb (la carte de Green est inexacte sur ce point).

Enfin, les deux dessins du 15 octobre montrent cette mer Schiaparelli plus foncée que la mer Maraldi et qui lui paraît réunie (mais elle ne l’est pas toujours) ; au-dessus, la mer Maunder ; à gauche, l’Œil ou mer Terby ; et celui du 18 octobre présente cet Œil au milieu du disque, entouré par l’océan de la Rue, dont il est séparé par la terre de Kepler. La région située au-dessous de

Fig. 104. — Dessin de Lockyer, 18 octobre 1862, à 8h 0m.
cet Œil est moins foncée et moins étendue que le 17 septembre : c’est aussi une région très variable.

Sur tous les dessins, la moitié inférieure ou boréale du disque est presque toujours dépourvue de détails, excepté vers la pointe de la mer du Sablier.

Il résulte clairement de toute cette série d’observations :

1o Permanence des configurations comme positions ;

2o Variations dans l’étendue et dans le ton plus ou moins foncé de ces configurations ;

3o Degrés divers d’obscurité dans les mers : la mer du Sablier, le détroit d’Herschel II, la mer Maraldi, la mer Schiaparelli paraissent généralement les plus foncées.

Au mémoire que nous venons de résumer, M. Lockyer a ajouté la note suivante à propos des observations faites à la même époque sur la même planète par le professeur Phillips et par le Rév. Dawes.

« M. Phillips conclut de ses observations que, sur un fond permanent de configurations claires et foncées, il y a sur Mars une enveloppe atmosphérique variable qui se condense et flotte « a variable envelope gathers and fluctuates », modifiant partiellement l’aspect des configurations fondamentales, et les déguisant même jusqu’à un certain point en leur adjoignant des clartés et des ombres[16] nouvelles qui ne présentent aucune constance, atmosphère légère, vaporeuse, reposant sans doute sur une surface de terres, d’eaux, de neiges. »

Cette induction est aussi remarquable qu’intéressante, et elle va être confirmée par le progrès des recherches.

Nous parlerons tout à l’heure des observations de Dawes. M. Lockyer fait remarquer qu’elles s’accordent parfaitement avec les siennes et que notamment un dessin, fait quelques minutes après celui du 3 octobre, à 11h 51m, confirme le passage des nuages dont il a été question plus haut et prouve qu’à l’heure du dessin de M. Dawes les nuages avaient entièrement disparu et laissaient voir nettement la configuration géographique de cette région.

Ces excellents dessins télescopiques de notre savant ami M. Lockyer, qui depuis cette époque a attaché son nom sous une forme impérissable aux progrès de l’Astronomie contemporaine, représentent un pas en avant très important dans l’étude physique du monde de Mars.

L. Même année, 1862. — Phillips.

Pendant cette même opposition de 1862, le professeur Phillips, d’Oxford, a fait, comme on vient de le voir, de très minutieuses observations de la planète, qu’il a communiquées le 12 février 1863 à la Société royale de Londres. En voici le résumé.

L’auteur remarque d’abord que les diverses vues de Mars sont bien discordantes entre elles et que leur comparaison doit nous rendre très perplexes. Ces taches sont-elles permanentes ? Sont-ce des mers ? sont-ce des terres ? Les assurances que nous avons vues formulées plus haut par Secchi et Lockyer forment un contraste absolu avec les incertitudes de l’observateur.

Les télescopes sont préférables aux lunettes pour l’appréciation des couleurs ; les lunettes aux télescopes pour la netteté des détails. Phillips a fait ses observations à l’aide d’une lunette de 6 pouces (0m,152) montée en équatorial et mue par un mouvement d’horlogerie.

De ses divers dessins, l’auteur en a choisi trois, que nous reproduisons ici. Le premier montre la mer du Sablier, le détroit d’Herschel II, l’océan Dawes, la mer Lambert qui monte vers le pôle, et une mer polaire supérieure. Le second montre, à gauche de la mer du Sablier, la mer Maraldi, la mer Hooke et la mer Zöllner. Le troisième permet de reconnaître la mer Maraldi à droite,

Fig. 105. — Dessin de Mars par Phillips. 27 septembre 1862.


Fig. 106. — Dessin de Mars par Phillips, 11 novembre 1862.


Fig. 107. — Dessin de Mars par Phillips, 15 octobre 1862.
la mer Schiaparelli au milieu et la mer Terby à gauche. — Le premier de ces trois dessins offre une grande analogie avec celui de sir John Herschel, du 16 août 1830 (voyfig. 71).

L’auteur exprime ses regrets qu’on ne puisse encore être sûr que ces taches grises représentent vraiment des mers et ne soient pas, comme celles de la Lune, de simples plaines grises. On aurait, dit-il, une preuve positive en faveur de la première interprétation si l’on pouvait y voir une réflexion de l’image du Soleil. Cette image du Soleil, réfléchie par les mers martiennes, n’aurait que 1/20 de seconde, sans tenir compte de l’irradiation, mais elle paraîtrait plus grande par cet effet. Une boule de thermomètre d’un pouce de diamètre (25mm) réfléchissant le Soleil est visible à 25 yards (22 mètres) de distance, comme une étoile ; la surface réfléchissante n’a guère dans ce cas que 1/240 de pouce de diamètre et par conséquent sous-tend, abstraction faite de l’irradiation, environ 1″. En employant pour l’observation de Mars un grossissement de 300, 1/20 de seconde devient 15″. Ce serait perceptible. L’auteur pense donc qu’en certaines conditions nous pourrions voir l’image du Soleil réfléchie dans les eaux de Mars, soit calmes, soit peut-être encore mieux diffusée par l’agitation des vagues.

L’atmosphère martienne doit jouer un grand rôle en modifiant les aspects géographiques vus d’ici.

La tache polaire neigeuse est à côté du pôle sud, et même assez loin.

Au télescope, les continents sont rouges et les mers vertes.

L’auteur ajoute, en terminant, que les différences d’aspects doivent provenir d’un certain état nuageux. Il y a, dit-il, une énorme transposition d’humidité d’un hémisphère à l’autre, pendant l’hiver de l’un et l’été de l’autre, qui doit donner naissance à des tempêtes et à de vastes nuées flottantes, lesquelles nuées ne se disposent pas comme sur Jupiter, à la rotation si rapide, le long de parallèles à l’équateur, mais subissent dans leur arrangement l’influence des terres et des eaux.

LI. Même année, 1862. — Observatoire de Lord Rosse[17]

Lord Rosse a communiqué à la Société royale astronomique de Londres six dessins faits par son assistant pendant la période si favorable de cette année 1862. Ces vues ont été prises aux dates suivantes, à l’aide du grand télescope de six pieds de diamètre :

1re, 22 juillet, à 22h 30m de temps sidéral. Définition imparfaite.

2e, 14 septembre, à 6h 26m de temps sidéral. Définition assez bonne.

3e, 16 septembre, à 23h 55m de temps sidéral. Très bonne définition. Grossissement de 1200. Il y avait un léger brouillard, et pourtant la netteté a été la meilleure de la saison.

4e, 33novembre,6 octobre, à 1234562h 10m de temps sidéral. Définition bonne.

5e, 33novembre,29 octobre, à 1234561h de temps sidéral.id. Définition mauvaise.

6e, 33novembre,6 novembre, à 1234561h 40m de temps sidéral.id. Définition très mauvaise.

On peut reconnaître dans la première et la dernière de ces vues la mer du Sablier. La troisième montre avec netteté la mer circulaire de Terby. On reconnaît aussi sur la seconde, à la droite de ce lac, la mer Schiaparelli. Il semble bien qu’il y ait quelques nuages épars sur chacune de ces vues faites au grand télescope de lord Rosse.

Si nous comparons ces dessins à ceux qui précèdent, nous constatons qu’ils les confirment. Ainsi, par exemple, celui du 16 septembre ressemble beaucoup à celui du 18 octobre du P. Secchi (voy. fig. 86) et à ceux de Lockyer des 18 octobre aussi (fig. 104) et 17 septembre ; celui du 6 octobre offre les mêmes aspects que celui de Lockyer du 3 octobre (fig. 98) ; toutes les configurations reconnues plus haut sont représentées sur ces dessins, selon le côté tourné vers nous.

Ces dessins nous montrent en même temps que chaque observateur voit un

Fig. 108. — Vues télescopiques de Mars prises en 1862 à l’Observatoire de lord Rosse.
peu à sa façon, selon son œil et son exercice, et dessine également à sa manière. M. Faye nous racontait l’autre jour que s’étant essayé à dessiner Mars un beau soir à l’Observatoire de Paris, du temps d’Arago, en compagnie d’un de ses collègues (Goujon), et ayant ensuite comparé leurs dessins, faits au même instrument et au même quart d’heure, les deux croquis se ressemblaient à peine. Nous avons fait plus d’une fois la même remarque.

LII. Même année, 1862. — Lassell.

La même année encore, M. Lassell a fait, à l’aide de son grand télescope de 4 pieds anglais (1m20) de diamètre, une série d’observations remarquables et a communiqué notamment à la Société royale astronomique de Londres vingt-quatre dessins pris depuis le 13 septembre jusqu’au 11 décembre 1862. Nous choisissons, parmi ces croquis, les huit plus curieux pour les offrir à nos lecteurs. Voici l’ordre de leurs dates :

1er, 25 septembre ; 2e, 27 septembre ; 3e, 11 octobre ; 4e, 13 octobre ; 5e, 23 octobre ; 6e, 25 octobre ; 7e, 4 novembre ; 8e, 5 novembre.

Les grossissements employés ont été de 474 et de 760.

La calotte neigeuse du pôle supérieur ou austral est nettement visible sur tous les dessins. L’observateur remarque que les taches ont varié pendant les observations. Ainsi, dit-il, la face présentée le 27 septembre est la même que celle du 5 novembre, et pourtant les figures ne se ressemblent guère, et il en est de même des autres.

L’auteur en conclut à des changements sans doute produits par des nuages assez denses, d’une grande étendue et d’une grande variété de formes.

Cette conclusion n’est pas aussi absolue qu’elle le semble à l’auteur, car une différence d’une heure ou deux amène parfois un changement sensible. La différence entre les dessins du 27 septembre et du 5 novembre est dans ce cas : la mer du Sablier est plus avancée vers la gauche dans le premier que dans le second.

Nos lecteurs reconnaîtront très distinctement, sur les figures des 4 et 5 novembre, la mer du Sablier avec les mers Flammarion et Hooke à gauche, la mer Zöllner au-dessus, le détroit d’Herschel II à droite, et au-dessus le détroit Arago et la mer Lambert  sur les croquis des 23 et 25 octobre, la mer Terby, l’océan de la Rue et les trois baies (Christie, Burton et du Méridien). Ces deux derniers dessins s’accordent bien avec ceux de Lockyer, de lord Rosse et de Secchi pour montrer au-dessous de l’Œil une région très foncée, dont nous constaterons bientôt la variabilité.

Il est digne d’attention que les vues de la planète prises à l’aide des gigantesques télescopes de lord Rosse et Lassell, ne contiennent pas plus de détail que celles obtenues à l’aide d’instruments de moyenne puissance.


Fig. 109. — Vues télescopiques de Mars prises en 1892 par Lassell.

LIII. Même année, 1862. — Main, Linsser, Nasmyth, Harkness, Grove, Knott, Ellery, Bulard, etc.

Presque tous les astronomes qui avaient de bons instruments à leur disposition, en cette remarquable année martienne 1862, ont fait des observations de cette planète. Nous ne pouvons les rapporter toutes, ni reproduire tous les dessins. Nous n’en extrayons pour ainsi dire que la moelle. Aux observations de Secchi, Lockyer, Phillips, lord Rosse, Lassell, que nous venons d’examiner, nous allons ajouter celles de Kaiser, non moins importantes, que nous étudierons tout à l’heure en même temps que celles de l’année 1864, parce qu’elles leur sont associées par l’auteur même. Mais nous devons ajouter tout de suite celles de Main, Linsser, Nasmyth, Grove, Knott, Harkness, Ellery, Bulard, et prendre une idée des principales.

Nous avons parlé plus haut des observations et des mesures de l’astronome Main, à Oxford (voyez p. 130).

Parmi les observations de cette période, remarquons celles de Linsser à l’Observatoire de Poulkowa (Russie). Cet astronome a publié en 1864, dans le Wochenschrift für Astronomie de Heïs, une intéressante notice dans laquelle il déclare que les dessins qu’il a pris s’accordent parfaitement avec ceux de Beer et Mädler. Il se demande si les taches sombres ne représenteraient pas des continents plutôt que des mers, à cause des divers degrés de tons sombres qu’elles offrent à l’observation. Il fait un nouveau calcul de la durée de rotation et trouve

24h 37m 22s,9.

Ses dessins confirment ceux de Beer et Mädler ; on y retrouve notamment le détroit d’Herschel II, qu’il appelle « Schlangen förmige Fleck », la mer Maraldi (pn) et la mer du Sablier.

Nous devons également adjoindre aux précédentes les observations faites par Nasmyth en Angleterre. Cet astronome a pris notamment un dessin, le 25 septembre, sur lequel on reconnaît le détroit d’Herschel II, et au-dessus l’île Phillips. (Memoirs of the literary and phil. Society of Manchester, 1862-63, p. 303).

M. Harkness, de l’Observatoire de Washington, a publié dans les Annales de cet Observatoire (1862 p. 152) deux dessins faits par lui les 6 et 30 septembre 1862 ; le premier de ces dessins représente les mers Maraldi et Hooke, le second, le détroit d’Herschel II.

Signalons encore, pour cette même période de 1862, les observations de Knott en Angleterre, et Ellery à Melbourne. Elles confirment les conclusions tirées des études précédentes. Nous reproduisons ici, d’après M. Terby, quatre dessins de Knott, pris les 23 septembre, à 8h30, 22 octobre, à la même heure, 3 novembre, à 9h, et 27 novembre, à 7h15. Ces dessins conduiraient à

Fig. 110. — Dessins de Mars faits par Knott en 1862.
une conclusion contraire à celle de M. Lockyer et plaideraient en faveur de changements rapides et considérables dans les aspects de Mars. Ils ont été obtenus à l’aide d’une lunette de 7 pouces 1/2.

M. Grove a décrit (Monthly Notices, tome XXIII, p. 75) une série de dessins qu’il a pris en octobre et novembre 1862, à l’aide d’une lunette de 4 pouces 1/2, prouvant des variations certaines à la surface de la planète. Pour expliquer ces variations, l’auteur propose d’admettre que des nuages se condensent sur de vastes districts aqueux.

D’autres observateurs encore, comme nous allons le voir, ont fait une série d’études pendant les oppositions de 1862 et 1864.

En France, M. Bulard a présenté à l’Académie des Sciences, dans la séance du 15 décembre 1862, plusieurs dessins de la planète, qui n’ont pas été reproduits, et sur lesquels nous n’avons aucun détail.

  1. Examination of the surface of the planet Mars with the telescope of the South-East equatorial. Royal Observatory, Greenwich, 1845, p. 172.
  2. Memoirs of the Royal Astr. Society, t. XXV, p. 48 ; Id., t. XXXII, p. 112 ; Radcliffe Observatory Results, t. XXII, XXXI et XXXIII.
  3. Astronomische Nachrichten, no 1135, 1858, p. 97.
  4. Astronomie populaire, œuvre posthume, publiée en 1854-1857. Arago est mort le 3 octobre 1853.
  5. Osservazioni di Marte, fatte durante l’opposizione del 1858. Memorie dell’Osservatorio del Collegio romano, Roma, 1859.
  6. Je les ai eus sous les yeux lors de mon séjour à Rome, en 1872.
  7. Cette désignation de canal qui revient dans toutes les descriptions de l’auteur nous paraît on ne peut plus mal choisie. La mer du Sablier, par exemple, ne correspond pas du tout à une désignation de ce genre.
  8. Nous pouvons affirmer aujourd’hui que ces changements sont certains.
  9. Cette tache ovale claire est l’île Phillips de notre carte (p. 69), et sa voisine de gauche serait la terre de Lockyer rejoignant l’île Dreyer et la terre de Kunowski. Il y a là l’indice de variations importantes.
  10. L’Espace céleste. Aspect de Mars et diamètre.
  11. La Pluralité des Mondes habités.
  12. Osservazioni del pianeta Marte. Memorie dell’Osservatorio del Collegio Romano. Nuova Serie, vol. II. Roma, 1863.
  13. Cette tache, comparée ici à une bourrasque, n’est autre que ma « mer Terby » de notre Carte, « La crederei, écrit Secchi, una gran burrasca in Marte »
  14. Measures of the planet Mars, made at the opposition of 1862. Memoirs of the royal astronomical Society, t. XXXII. p. 179-190.
  15. Est-ce bien sûr ?
  16. « New lights [and shades] which present no constancy, a thin, vaporous atmosphere, probably resting on a surface of land, snow and water. » Cela nous paraît plus probable que l’assertion de M. Lockyer remarquée plus haut, quoique nous ne nous expliquions pas facilement des nuages noirs vus d’en haut, éclairés par le Soleil.
  17. Observations faites à l’Observatoire de Parsonstown (Irlande).