La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité/P1/1777-1830

Gauthier-Villars et fils (1p. 49-95).

XXII. 1777, 1779, 1781, 1783. — William Herschel[1]

L’illustre astronome s’est spécialement occupé de la planète Mars pendant les oppositions de 1777, 1779, 1781 et 1783 et a publié ses observations en deux mémoires ayant pour titre, le premier, Astronomical observations on the rotation of the planets, etc. ; le second, On the remarkable appearances at the polar regions of the planet Mars, the inclination of its axis, etc. Ces observations sont accompagnées de dessins que nous publions plus loin. Dans ces deux mémoires, le but de William Herschel a été spécialement l’étude de la durée de rotation et des variations polaires : la géographie de Mars y est à peine étudiée, la plupart de ces dessins étant de simples esquisses. On croit pourtant y reconnaître quelques-unes des principales mers visibles ; ces croquis, comme les précédents, plaident également en faveur de variations, dans les taches sombres aussi bien que dans les claires.

Les instruments dont il se servit pour cette étude étaient très supérieurs en puissance à ceux qui avaient été employés jusque-là. L’aspect, la blancheur et la variation des taches polaires le conduisent à conclure que ces taches représentent des masses de glaces et de neiges accumulées vers les pôles et il attribue leurs variations à l’influence dissolvante des rayons solaires auxquels elles sont exposées pendant la révolution de la planète le long de son orbite. Observés avec soin par lui, les changements qui arrivèrent dans ces taches apportèrent une confirmation immédiate et ponctuelle à ces vues. Ainsi, pendant l’année 1781, la tache polaire australe se montra très étendue, ce à quoi l’observateur s’attendait, puisque ce pôle venait de demeurer pendant douze mois dans une nuit perpétuelle. En 1783, cette tache était devenue considérablement plus petite et on la vit continuer de décroître pendant toute la série des observations, depuis le 20 mai jusqu’au milieu de septembre. Pendant cet intervalle, le pôle austral avait déjà reçu pendant huit mois le bénéfice de l’été et continuait encore de recevoir les rayons solaires, quoique, vers la fin de cette période, dans une direction si oblique qu’ils ne devaient plus guère avoir d’efficacité sur la fonte des neiges. D’un autre côté, pendant l’année 1781, la tache polaire boréale qui avait été exposée à la chaleur solaire pendant douze mois et allait s’en retournant vers la nuit, paraissait petite et s’accroissait graduellement. Cette explication de William Herschel sur les taches polaires de Mars a été adoptée depuis cette époque comme la plus naturelle, la plus simple et d’ailleurs la plus logique puisqu’elle est identique à celle de nos propres taches polaires terrestres. Nous pouvons penser, il est vrai, que les conditions physiques, climatologiques et météorologiques ne sont pas les mêmes sur les autres mondes que sur le nôtre. Mais l’explication par analogie est évidemment la première que la nature nous offre elle-même. Lorsqu’elle suffit complètement pour expliquer un phénomène observé, il n’y a pas de raison pour en chercher une autre.

Pendant cette même période d’observations en 1777 et 1779, William Herschel conclut du mouvement des taches une période de rotation de 24h 39m 21s,67. Nous verrons plus loin que cette période a été corrigée en 1840 par Mädler, d’après les observations d’Herschel même.

Il trouva en même temps que l’inclinaison de l’équateur de la planète sur l’écliptique est de 28° 42′ et que son nœud ascendant est situé à 19° 28′ du Sagittaire.

Nous donnerons ici une analyse détaillée de ces deux importants mémoires de William Herschel[2].

PREMIER MÉMOIRE[3]
Lu le 11 janvier 1781, envoyé de Bath le 18 octobre 1780.

Comme son titre l’indique, ce travail a pour but de déterminer la durée de la rotation des planètes, afin de vérifier par cette durée si la rotation diurne de la Terre reste toujours égale. L’auteur commence par traiter des mouvements de la Terre et principalement de son mouvement diurne, et il suggère l’idée de vérifier la constance du mouvement diurne d’une planète par le mouvement diurne d’une autre. Il s’occupe principalement ici de Jupiter et de Mars.

Les observations de la planète ont commencé le 8 avril 1777 et n’embrassent que quatre jours de cette année, les 8, 17, 26 et 27 avril. L’illustre astronome les a reprises le 9 mai 1779 et les a continuées jusqu’au 19 juin de cette même année.

Voici les principales :

8 avril, 7h 30m. — J’observe deux taches sur Mars séparées par une bande brillante (Voyez ci-dessous, fig. 14).



Fig. 27. — Dessins de Mars par William Herschel, en 1777 et 1779 (Fac-similé).

Même soir, 9h 30m. — Les taches sont avancées sur le disque et l’on en voit davantage (fig. 15).

La rotation de Mars sur son axe est maintenant très évidente (fig. 16).

(Observations faites avec un télescope newtonien de 20 pieds ; grossissement = 300).

17 avril, — Télescope newtonien de 10 pieds, grossissement = 211. 7h 50m. Mars paraît comme dans la fig. 17. En a et b, on voit deux taches brillantes si lumineuses qu’elles semblent se projeter hors du disque. En c et d, on voit deux taches très foncées réunies par une ligne noire, croisées dans la direction ef par une séparation blanchâtre.

26 avril. — Même instrument, même oculaire. 9h 5m. Les taches sont très faibles et apparaissent comme dans la fig. 18.

27 avril. — Même instrument, grossissement = 324. 8h 40m. Très belle soirée, télescope en bon ordre ; les taches se présentent comme dans la fig. 19.

William Herschel a repris, avons-nous dit, ces mêmes observations du 9 mai au 19 juin 1779. Voici les principales :

9 mai, 11h 1m. — Je trouve la situation des taches telle qu’elle est représentée fig. 20 ; il y a une tache très remarquable non loin du centre.

Même jour, 11h 30m. — Les taches se sont éloignées du centre.

11 mai, 10h 18m. — La tache du 9 mai est visible sur le disque, sa région la plus foncée se trouvant au sud-est du centre (fig. 21).

Même jour, 11h 43m. — La région la plus sombre est arrivée au centre (fig. 22).

13 mai, 11h 26m. — Mars paraît tel qu’il était le 11, à 10h 18m.

22 mai, à 10h 10m. — On voit sur le disque de Mars les mêmes configurations que le 8 avril 1717, 7h 30m (fig. 14).

15 juin, à 9h 45m. — La planète présente la figure qu’elle présentait le 9 mai, à 11h 1m (fig. 20), mais plus avancée.

17 juin, de 9h% à 10h, même aspect.

19 juin, 8h 40m, même aspect que le 26 avril 1737, à 9h 5m, représenté fig. 18.

Telles sont les observations d’Herschel ; en combinant entre elles les figures de 1777 avec celles de 1779 ainsi qu’en vérifiant celles de cette dernière période les unes par les autres, il conclut pour la rotation sidérale de Mars la valeur suivante :

24h 39m 21s,67.

Nous avons reproduit ici un fac-similé des dessins d’Herschel lui-même, tels qu’ils ont été publiés dans la Pl. VI des Philosophical Transactions, à laquelle renvoient les descriptions précédentes. Notre fac-similé est de la même dimension.

La fig. 17 représente certainement la mer du Sablier, de c à la zone ponctuée ef. Nous pouvons aussi reconnaître cette même mer sur les fig. 20, 21 et 22, et l’on a en même temps l’impression évidente que chaque observateur voit et dessine à sa façon. En 1777, Mars se trouvait en une opposition presque aphélique, nous présentant non plus son pôle austral supérieur, comme en 1672 (fig. 20, p. 32), mais son pôle boréal inférieur. L’hémisphère ayant la mer du Sablier à son centre offrait la configuration représentée ci-dessous (fig. 28), par la projection du globe dont nous avons parlé plus haut. L’identification n’est pas difficile pour les figures 17, 20, 21 et 22 d’Herschel. Il n’en est pas de même pour les cinq autres. La bande blanche est digne d’attention.

Évidemment, dans tous les dessins que nous avons eus jusqu’ici sous les yeux, les observateurs n’ont vu qu’à peu près et assez vaguement ce qui existe à la surface de Mars.

À propos de la comparaison des figures de 1777 avec celles de 1779, Herschel Fig. 28.

Le globe de %ars nous présentant son pôle inférieur (oppositions aphéliques). 1777-1792-1807-1822-1837-1852-1869-1884-86.
examine comment on doit réduire les rotations observées, qui sont des rotations synodiques vues de la Terre mobile, en rotations absolues ou sidérales :

Supposons, dit-il, que l’orbite de Mars MABC (fig. 29) soit sur le même plan due l’orbite de la Terre EDFG et que l’axe de Mars soit perpendiculaire à son bite ; soient MEme les positions respectives de Mars et de la Terre le 13 mai et le 17 juin (1779), la ligne EM qui joint les centres de Mars et de la Terre indique la position géocentrique de Mars le 13 mai, et la ligne em la position géocentrique de la même planète le 17 juin. Menons maintenant les lignes er et ms, parallèles à ER, alors la ligne er indiquera la position géocentrique de Mars le 13 mai ; l’angle sme est égal à l’angle mer. Nous savons par les éphémérides que la position géocentrique de Mars à 11h 26m était à 7 signes 20° 39′ 21″ et le 17 juin, à 9h 9m, à 7 signes 12° 27′ 22″ ; par quoi nous obtenons la différence ou l’angle rem = ems = 8° 31′ 59″.

Maintenant, une tache sur Mars située dans la direction ME aura fait une rotation sidérale lorsqu’elle reviendra dans cette même direction ou sur une parallèle à la direction ms. De là nous concluons que la tache du 17 juin, après être arrivée à la ligne me où finit sa rotation synodique, devra encore parcourir un arc Fig. 29.

Variation apparente de la durée du mouvement de rotation de Mars, selon la position de la Terre.
de 8° 31′ 59″ afin d’arriver dans la direction de la ligne ms où elle finit sa rotation sidérale.

Le temps qu’elle emploiera pour parcourir cet arc au taux sidéral de 24h 39m 20s,3 pour 360° ou 4s,109 par minute de degré sera de 35m 3s,8, chiffre qui, divisé par le nombre de 34 rotations, donne 1m 1s,8, lequel, ajouté à 24h 38m 20s,3, nous donne 24h39m22s,1 pour la rotation sidérale de Mars résultant du tiers des périodes mensuelles.

Remarquons que le mouvement de Mars est rétrograde dans l’exemple précédent ; c’est pourquoi la mesure de l’angle ems a été ajoutée à la rotation synodique pour compléter la rotation sidérale. Mais si ce mouvement avait été direct, ou si la planète avait été plus avancée dans l’écliptique que la position que nous avons considérée, si elle avait été par exemple en µ, alors la ligne µσ parallèle à EM indiquerait la direction à laquelle la tache devrait retourner afin d’accomplir une rotation sidérale et par conséquent la quantité de l’angle σµe = µer ou la différence des positions géocentriques devrait être soustraite de la rotation synodique pour obtenir la rotation sidérale.

DEUXIÈME MÉMOIRE D’HERSCHEL,
Lu le 11 mars 1784[4]

Comme le titre de ce second mémoire l’indique, l’auteur a eu principalement pour objet l’étude des pôles de et de l’inclinaison de son axe. Il rappelle d’abord l’observation et le dessin du 17 avril 1777 (voir plus haut, page 51, fig. 17), et remarque que pendant les observations de 1779, aucune tache polaire n’a frappé son attention. Ses nouvelles observations s’étendent du 13 mars au 7 septembre 1781 et du 20 mai au 17 novembre 1783. Nous donnerons ici les principales.

La fig. 1 a pour but unique de montrer les deux taches polaires observées le 17 avril 1777 (à 7h 50m). Quant aux taches sombres, l’auteur ne s’en inquiète pas du tout ici, comme on peut s’en convaincre en comparant la fig. 17 du mémoire précédent, à la fig. 1 de celui-ci, qui représente la même observation.

La fig. 2 signale la tache polaire australe, d’une étendue considérable, observée le 13 mars 1781, à 17h 40m, à l’aide du télescope de 20 pieds. La figure suivante (fig. 3) reproduit l’observation du 25 juin, à 11h 36m, faite à l’aide du télescope de 7 pieds. « Deux taches brillantes, écrit l’auteur, se montraient en a et b, a étant plus grande que b. »

Le 28 juin, à 11h 15m, la différence entre les deux taches était plus considérable encore, comme on le voit fig. 4.

Le 30 juin, à 10h 48m, la tache supérieure est seule visible (fig. 5), mais, à 11h 35m, on les voit toutes deux.

Le 3 juillet, à 10h 54m, la tache polaire supérieure se montre très considérable (fig. 6) ; à 11h 24m, on ne voit pas encore l’inférieure (fig. 7) ; à 12h 36m, on l’aperçoit (fig. 8). Le 4 juillet, l’astronome remarque que les deux taches ne sont pas diamétralement opposées l’une à l’autre.

Le 15 juillet, à 9h 54m, la tache supérieure est visible (fig. 9).

Le 22 juillet, à 11h 14m (fig. 10), on distingue bien les deux taches polaires ; la supérieure est plus vaste. « Très probablement, écrit l’auteur, le pôle sud est tourné vers nous, tandis que le pôle nord nous est caché. Si ce sont là des taches polaires, la tache supérieure australe doit nous paraître, en effet, plus grande que l’inférieure, et si celle-ci s’étend un peu plus d’un côté que de l’autre du pôle nord, elle doit nous offrir des variations apparentes provenant de la rotation de la planète autour de son axe. »

8 août, à 10h 4m, on ne voit que la tache supérieure (fig. 11).

23 août, à 8h 44, on voit la tache supérieure bien évidente comme d’habitude, et l’on aperçoit un peu de la tache inférieure (fig. 12).

Telles sont les observations faites par l’illustre astronome pendant l’opposition de 1781 : on voit qu’elles ont eu pour but unique les taches polaires. Nous résumerons également aussi complètement que possible celles de 1783.

20 mai. La planète Mars offre un singulier aspect ; on remarque en a (fig. 13) la tache polaire brillante, et son éclat est tel qu’elle semble se projeter au-dessus du disque et s’en séparer au point c.

26 août. La tache brillante de Mars marque son pôle sud, car elle reste fixe à la même place, tandis que les taches équatoriales foncées effectuent leur rotation constante. Cette tache polaire australe est sensiblement circulaire.

22 septembre. Vue magnifique de la planète lorsqu’elle est vers le méridien. Une légère brume empêche le rayonnement désagréable et donne une grande netteté aux objets. Mesure de la tache polaire australe : son petit diamètre, dans la direction de l’équateur = 1″ 41‴.

23 septembre, à 9h 55m, tache polaire a visible comme d’habitude (fig. 14).

25 septembre, à 12h 30m (fig. 15), tache polaire parfaitement ronde, détachée du bord du disque. À 12h 55m, on reconnaît que le cours des taches équatoriales est curviligne et convexe vers le Nord, comme on le voit par la ligne eq (fig. 23), ce qui prouve que la tache blanche marque bien le pôle sud, et, à l’aide d’une longue attention, j’arrive à reconnaître le bord du disque au delà de la tache polaire : la distance entre la tache et le bord est d’environ le quart du diamètre de la tache.

26 septembre, 12h 10m, la tache polaire est en ligne avec le centre du disque et l’extrémité du crochet « hook » (fig. 16).

30 septembre, la planète se présente comme on la voit fig. 17.

1er octobre. Je suis conduit à penser que la tache blanche a un petit mouvement de rotation et que, par conséquent, son centre ne marque pas exactement le pôle de Mars. Le pôle réel doit être dans l’intérieur de la tache, mais près de la circonférence, vers un tiers de son diamètre, J’espère le savoir dans quelques jours.

Ici William Herschel suspend la description de ses observations pour déclarer qu’aucune des deux taches polaires ne marque exactement le pôle et que ce fait est prouvé par leur rotation. Il ajoute qu’elles n’en sont pas très éloignées ; puis il continue dans le journal :

9 octobre, à 10h 35 ; la planète Mars se présente telle qu’elle est dessinée fig.18. La tache polaire tourne et arrive ensuite vers nous, comme on le voit fig. 24. Fig. 30.

Observations de la planète Mars faites par William Herschel en 1781 et 1783.

10 octobre, à 6h 55 (fig. 19).

Même jour, à 9h 55 (fig. 20).

17 octobre, à 7h 47 (fig. 21).

23 octobre, à 7h 11 (fig. 22) : la tache polaire doit être à l’extrémité de son parallèle de déclinaison.

L’auteur passe ensuite à l’examen du mouvement de rotation des taches polaires et de leur excentricité. Il arrive à la conclusion que la latitude de la tache polaire boréale, étudiée pendant les observations de 1781, doit être 76° ou 77° Nord : « car, dit-il, je trouve que pour les habitants de Mars, la déclinaison du Soleil le 25 juin 1781, à 12h 15m de notre temps, était environ 9° 56′ Sud et que la tache polaire doit avoir été assez éloignée du pôle nord pour se trouver à quelques degrés dans la partie éclairée du globe et être invisible à nos yeux. » Il ajoute :

Le pôle sud de Mars ne pouvait être éloigné du centre de la tache brillante australe de l’année 1781 ; cette tache était d’une étendue assez grande pour couvrir toutes les régions polaires jusqu’au 70e ou même jusqu’au 60e degré de latitude.

En 1781, la tache polaire australe s’étendait sur un arc de grand cercle égal à 45°, 50° ou peut-être 60° du globe de Mars : elle ne pouvait avoir une grande distance polaire ; cependant son centre n’était pas juste au pôle.

Il résulte de cette étude que le pôle nord de Mars doit être dirigé vers 17° 47′ de la constellation des Poissons, et que l’inclinaison de l’axe sur l’écliptique est de 59° 42′. Puis l’observateur ajoute :

« Ayant ainsi déterminé ce que les habitants de Mars doivent appeler l’obliquité de leur écliptique, ainsi que la situation des points équinoxial et solsticial, nous pouvons nous rendre compte des saisons de Mars et nous expliquer ainsi les variations si remarquables des taches polaires. » Écoutons Herschel lui-même :

L’analogie entre Mars et la Terre est certainement la plus évidente parmi toutes les planètes du système solaire. Leur mouvement diurne est presque le même ; l’obliquité de l’écliptique, cause des saisons, est analogue ; de toutes les planètes supérieures, la distance de Mars au Soleil est la plus rapprochée de celle de la Terre, et il en résulte que la durée de l’année martienne n’offre pas avec la nôtre ces énormes différences que présentent les années de Jupiter, de Saturne et de Georgium Sidus (Uranus). Si donc nous savons que notre planète a ses régions polaires glacées et couvertes de montagnes de glaces et de neiges, lesquelles glaces et neiges fondent en partie lorsqu’elles sont alternativement exposées aux rayons solaires, il est permis de penser que les mêmes causes produisent probablement les mêmes effets sur le globe de Mars, que ses taches polaires, si brillantes, sont dues à la vive réflexion de la lumière sur ces régions de neiges et de glaces et que la diminution de ces taches doit être également attribuée à l’action des rayons solaires.

Herschel passe ensuite à l’examen de la figure sphéroïdale de Mars et de son aplatissement polaire. Il considère d’abord cet aplatissement comme certain au point de vue théorique de la gravitation et remarque qu’il ne peut être que rarement mesuré, puisque nous ne voyons entièrement l’hémisphère éclairé de Mars qu’au moment des oppositions, c’est-à-dire seulement trois ou quatre semaines sur deux années.

Ses observations sur ce point s’étendent du 25 septembre au 9 octobre 1783. Dans les suivantes, le disque de Mars offre déjà une phase sensible. Par ces mesures, il trouve que l’aplatissement de la planète est évident et même aussi sensible à première vue que celui de Jupiter, ce qui est vraiment assez singulier : jamais nous n’avons eu cette impression. « Le 29 septembre, dit-il, la planète ne se trouvait qu’à 37 heures de l’opposition et la veille, 28 septembre, jour où elle se trouvait à 2 jours et demi de l’opposition, l’aplatissement a été reconnu, non seulement par moi, mais encore par trois autres observateurs, MM. Wilson, Blagden et Aubert, les mesures micrométriques ont donné 29" 35‴ ou 1355‴ pour le diamètre équatorial et 21″ 29‴ ou 1289‴ pour le diamètre polaire, de sorte que le diamètre équatorial est au diamètre polaire dans le rapport de 1355 à 1289 ».

En réduisant le diamètre polaire à cause de l’inclinaison de l’axe, il conclut que les deux diamètres sont entre eux dans le rapport de 1355 à 1272 ou à peu près comme 16 à 15.

D’après ces mesures, l’aplatissement serait donc de 1/16.

Voici le résumé de tout le précédent mémoire par Herschel lui-même :

L’axe de Mars est incliné de 59° 42′ sur l’écliptique.

Le nœud de l’axe est à 17° 47′ des Poissons.

L’obliquité de l’écliptique est sur le globe de Mars de 28° 42′.

Le point équinoxial sur l’écliptique martien répond à 19° 28′ du Sagittaire.

La figure de Mars est celle d’un sphéroïde aplati dont le diamètre équatorial est au diamètre polaire dans la proportion de 1355 à 1272, ou à peu près comme 16 à 15.

Le diamètre équatorial de Mars, réduit à la distance moyenne de la Terre au Soleil, est de 9″ 8‴.

La planète à une atmosphère considérable mais modérée, de sorte que ses habitants jouissent probablement d’une condition à plusieurs égards analogue à la nôtre.

William Herschel s’occupa aussi, comme on le voit, de l’atmosphère de Mars. Il pense qu’elle doit être assez considérable, parce qu’il y a souvent observé des variations dans certaines régions plus brillantes, variations qui lui paraissent attribuables à des nuages et à des vapeurs flottant dans l’atmosphère. Il admet même qu’une bande sombre dessinée fig. 18 à une très haute latitude pourrait aussi représenter des nuages. Il rappelle une observation de Cassini, dans laquelle cet astronome vit une étoile du Verseau disparaître à la distance de 6 minutes du disque de Mars, mais ne croit pas que cette disparition puisse être attribuée à autre chose qu’à l’éblouissement causé par l’état de la planète. Les 26 et 27 octobre 1783, il observa deux étoiles de 12e et 13e grandeur à 3′ 9″ et à 2′ 56″ du bord de la planète, et leur éclat ne parut pas diminuer autrement que par l’effet du voisinage de la lumière de Mars.

Il conclut donc que l’atmosphère de Mars n’est pas aussi démesurément étendue que l’interprétation de Cassini aurait pu le faire supposer[5].

De cette nouvelle série d’observations et de dessins de William Herschel, résulte la même conclusion que nous avons tirée des séries précédentes : l’aspect de la planète Mars varie considérablement. On peut attribuer tout ce qu’on voudra à la négligence de certains dessins, et notamment de ceux-ci, puisqu’ils avaient pour objet non la configuration de la planète, mais les taches polaires ; cependant, lorsqu’il y a, comme en 1777 et 1779, des configurations dessinées avec certains détails, nous sommes bien forcés de penser que la planète ressemblait plus ou moins à ces aspects. Or, ces aspects ne sont ni ceux de Cassini, ni ceux de Hooke, ni ceux de Huygens, ni ceux de Maraldi, ni ceux de Bianchini.

Chaque observateur voit à sa façon, lorsqu’il s’agit d’aspects légers, vagues, peu définis, comme ceux d’un monde lointain entouré d’une atmosphère plus ou moins vaporeuse. Voilà pourquoi l’identification des dessins est souvent difficile, lors même que le fond des croquis est sûr.

Les observations de l’illustre auteur de la découverte d’Uranus viennent de faire avancer grandement notre connaissance cosmographique de la planète ; nous savions déjà avant Herschel (p. 38) : 1o qu’elle a des taches sombres ; 2o qu’elle tourne sur elle-même en 24h 40m environ ; 3o que ces taches sombres sont variables ; 4o que les pôles sont marqués par des taches blanches ; 5o (p. 45) qu’elles n’occupent pas le pôle géographique, mais lui sont excentriques. Nous savons de plus maintenant 6o que ces taches sont analogues aux glaces polaires terrestres, fondent en été et se reconstituent en hiver ; 7o que le centre des neiges polaires boréales se trouvait en octobre 1781 vers 76° ou 77° de latitude ; 8o que l’atmosphère paraît analogue à celle de la Terre ; 9o que l’obliquité de l’écliptique est sur Mars de 28° 42′. Nous ne parlons pas de l’aplatissement polaire trouvé par Herschel. Cet élément sera discuté plus tard.

Voici donc un grand progrès d’accompli. Années, jours, saisons, climats sont maintenant déterminés : les saisons sont analogues à celles de la Terre comme intensité, quoique près de deux fois plus longues ; de même que sur notre planète, le pôle du froid ne coïncide pas avec le pôle géographique.

Ce sont là assurément des faits intéressants ; ils sont découverts depuis plus de cent ans.

Quant à la connaissance géographique de la planète Mars, on voit que les travaux d’Herschel ne l’ont pas fait avancer d’un seul pas. Ce n’était du reste pas là leur but.

XXIII. 1783. — Messier.

Messier, à Paris, réobserva Mars les 15 et 16 septembre de cette année et remarqua la tache polaire australe en forme de cercle bien défini égale en diamètre à celui du premier satellite de Jupiter, lorsqu’on l’observe sur son disque. Le grand découvreur de comètes fit une observation analogue les 3 août, 19 et 23 septembre 1798. Le dessin publié par la Connaissance des Temps pour 1807 ne contient absolument que l’indication de cette tache polaire, sous forme d’un petit cercle, au pôle austral.

XXIV. 1785. — Bailly[6]

L’illustre historien dont la tête devait tomber huit ans plus tard, avec celle de Lavoisier, sous l’idiotisme des partis politiques, résume ce que l’on savait en France de Mars à son époque. Il ne connaît pas les travaux d’Herschel. Les astronomes français en sont restés à ceux de Maraldi, de 1719.

On voit, dit-il, sur ce globe une tache vers le pôle méridional en forme de zone polaire ; elle était susceptible de changer d’éclat et, quand elle était très claire, Mars ne paraissait pas rond. On jugea que c’était par la même apparence que la partie claire de la Lune paraît excéder les bornes du disque obscur, et appartenir à un plus grand cercle. C’est l’effet de l’irradiation des parties éclairées sur les parties obscures. On crut s’apercevoir que le retour de l’éclat de cette tache avait quelque rapport avec la révolution diurne de Mars, et qu’il arrivait après 36 de ces révolutions. Cette apparence claire est la seule tache qui se soit conservée, quoiqu’avec quelque diversité de grandeur et de clarté, pendant que les autres ont changé de figure, de situation, et même ont disparu entièrement. Ce qui est singulier, c’est qu’on a vu au pôle septentrional de cette planète une clarté semblable à celle qu’on observe au pôle méridional, mais qui subsiste seule, l’autre a disparu. Ces deux lumières étaient placées aux deux pôles, comme si elles avaient quelque analogie avec le fluide magnétique, ou avec les aurores boréales.

Il est bien singulier que Bailly, auteur philosophe dont les idées n’étaient pas restreintes à un cercle étroit, ne songe pas à des neiges polaires. Au surplus, comme nous venons de le voir, les travaux d’Herschel font que l’historien est en retard de soixante ans sur ce que la Science connaît à son époque, relativement à Mars.

Nous arrivons maintenant à l’un des plus éminents et des plus passionnés observateurs de notre chère planète, à Schrœter. Elles embrassent dix-huit années, de 1785 à 1803.

XXV. 1785 à 1803. — Schrœter[7].

Les observations de ce laborieux astronome sur la planète dont nous traçons ici la monographie sont les plus importantes et les plus considérables de toute cette époque. Elles forment un grand ouvrage comprenant 447 pages accompagnées de 230 dessins, publié seulement en 1881, par les soins de M. Van de Sande Bakhuyzen, directeur de l’Observatoire de Leyde[8]. Les observations commencent en 1785 et s’étendent jusqu’à l’année 1803 ; elles continuent donc sans interruption les recherches de William Herschel, terminées en 1783.

Cet ouvrage, intitulé Areographische Fragmente, était resté à l’état manuscrit entre les mains de la famille de l’astronome de Lilienthal. On en a dû la première connaissance aux recherches dévouées de M. le docteur Terby de Louvain, qui, en 1873, a pu l’examiner en détail et en apprécier la haute valeur, Nous donnerons nous-mêmes ici, comme excellent résumé de l’œuvre de Schrœter sur la planète Mars, un extrait du rapport présenté sur ce point par l’astronome de Louvain à l’Académie des Sciences de Belgique.

NATURE DES TACHES SOMBRES DE MARS D’APRÈS SCHRŒTER.

L’astronome de Lilienthal rappelle une opinion émise par W. Herschel dans un mémoire sur la planète Vénus, publié en 1793. Voici la traduction du passage auquel Schrœter fait allusion : « Je suppose que les bandes brillantes de Jupiter, comprises entre les bandes obscures, sont les zones où l’atmosphère de cette planète est le plus remplie de nuages. Les bandes obscures correspondent aux régions dans lesquelles l’atmosphère, complètement sereine, permet aux rayons solaires d’arriver jusqu’aux portions solides de la planète, où, suivant moi, la réflexion est moins forte que sur les nuages. » L’explication que Schrœter donne des taches sombres de Mars est diamétralement opposée : pour lui, les taches sont des nuages réfléchissant moins de lumière que le corps solide planétaire. Aussi s’élève-t-il énergiquement contre l’opinion d’Herschel, qu’il déclare tout à fait inacceptable. Il cite à l’appui de sa théorie l’observation suivante qu’il fit dans une ascension sur le mont Brocken. « Un épais brouillard précéda le lever du Soleil ; lorsque cet astre commença à monter au-dessus de l’horizon, les vapeurs descendirent peu à peu dans les vallées, sous les pieds de l’observateur. Au-dessus de celui-ci, le ciel devint d’une sérénité parfaite. Au-dessous, les rayons solaires venaient se réfléchir sur les sommets des montagnes qui se dégageaient peu à peu à mesure que le brouillard s’affaissait. Or, dit Schrœter, l’aspect grisâtre du nuage réfléchissant la lumière solaire était à la splendeur des sommets de montagnes ce que sont les taches sombres des planètes à l’égard de la surface vivement illuminée. »

Schrœter traite longuement de tous les points de ressemblance que présentent la Terre et la planète qui fait l’objet de son étude : « Nous trouvons, dit-il, une analogie si grande entre ces deux corps célestes, leurs atmosphères présentent une telle similitude, que l’on est porté à en déduire une disposition naturelle complètement semblable des deux sphères elles-mêmes. Mais il faut se garder de conclure ici d’une manière trop absolue, car les preuves directes nous font défaut. Je n’ai jamais observé avec certitude des taches obscures complètement fixes, comme le seraient nos mers et nos lacs, réfléchissant, moins de lumière. » Schrœter expose ensuite les motifs qui expliqueraient pourquoi, suivant lui, on n’aperçoit pas distinctement la configuration de la surface planétaire elle-même.

Cependant les grandes taches se terminant en pointe du côté du Nord attirent au plus haut degré l’attention du célèbre astronome ; il leur consacre un paragraphe spécial : « En étudiant sérieusement ces observations, dit-il, on sera convaincu que ces masses de nuages obscurs en forme de pyramides se produisent sur différentes parties de la surface planétaire. Quelle force naturelle les déterminait à prendre cette forme, pourquoi leur base s’appuyait-elle toujours à la bande principale ? Pourquoi leur pointe se dirigeait-elle toujours vers le Nord ? Il serait impossible de répondre à ces questions. Mais à la surface de la Terre se produisent aussi des phénomènes qui sont en liaison avec les pôles et se rattachent à une force naturelle appelée magnétique. Peut-être jetterait-on bientôt du jour sur ces phénomènes, si l’on pouvait observer notre Terre d’une distance convenable.

ROTATION DE MARS ET MOUVEMENTS DES NUAGES DE SON ATMOSPHÈRE, D’APRÈS SCHRŒTER.

Les comparaisons faites en 1787 et en 1792 ont donné des valeurs principales assez différentes, d’où l’auteur conclut comme moyenne une durée de

24h 39m 50s

qui, dit-il, se place entre la période d’Herschel (24h 39m 21s), celle de Cassini (24h 40m) et celle de Maraldi (24h 39m). Désespérant de pouvoir obtenir un résultat parfaitement précis, à cause des changements observés dans les taches, il se rallie à la période cassinienne et l’emploie dans tous ses calculs.

Attribuant les taches sombres à des nuages flottant dans l’atmosphère de Mars, l’auteur explique les irrégularités apparentes qu’il trouve dans la durée de rotation par des mouvements réels. Une tache le conduit-elle à une durée de rotation beaucoup trop courte, il conclut qu’elle était douée d’un mouvement propre direct, c’est-à-dire dans le sens de la rotation, et réciproquement. Schrœter est amené ainsi à parler des vents de l’atmosphère de Mars, de leur vitesse et de leur direction. Il calcule soigneusement le déplacement de la tache qui lui semble en désaccord avec la rotation connue, et dresse un Tableau anémométrique dans lequel se trouvent consignées la vitesse et la direction de quarante-cinq mouvements atmosphériques qu’il à constatés pendant ses longues et laborieuses recherches.

Si Schrœter s’est cru fondé, dans certaines circonstances, à étudier sur une aussi grande échelle les phénomènes atmosphériques de Mars, il faut l’attribuer à trois causes : l’absence de points de repère suffisamment précis dans les taches observées, la confusion de taches qui se ressemblent plus ou moins et l’exclusion de toute défiance à l’égard des changements apparents de cette surface planétaire.

Si les taches sont sujettes à de tels mouvements, comment Cassini est-il parvenu, au point de vue où se place Schrœter, à déterminer si exactement la durée de la rotation ? C’est la question que s’adresse l’auteur vers la fin de son ouvrage. « Il est naturel, dit-il, que les taches soustraites à l’action de vents notables seules conviennent à cette détermination ; de même les bandes se dirigeant vers le Sud ou vers le Nord et qui ne se meuvent pas vers l’Est ou vers l’Ouest ; il en est de même des taches isolées, caractéristiques d’une région de la planète, et c’est dans de telles conditions que Cassini et Maraldi ont trouvé une valeur si approchée de la rotation. »

Ainsi, Schrœter a été amené par ses observations à croire que les taches foncées de Mars sont des nuages. C’est assurément fort étrange. Et ne l’oublions pas, cet astronome est un excellent observateur.

OBSERVATIONS DE SCHRŒTER SUR LES TACHES POLAIRES.

Dans la nuit du 18 au 19 juillet 1798, l’astronome Olbers, qui se trouvait à l’Observatoire de Lilienthal et observait Mars avec le réflecteur de 13 pieds, aperçut la tache polaire méridionale. C’est la première fois que l’on voit figurer ce phénomène dans es dessins de Schrœter. Les deux astronomes constatèrent ensemble que le bord de la planète était plus brillant que le centre ; ce dernier était rougeâtre et tacheté ; mais la région polaire méridionale était très claire, très blanche et très tranchée. Schrœter ne cessa point d’observer cette tache brillante, jusqu’à la fin de l’année.

D’après l’auteur, le solstice méridional de Mars a eu lieu le 27 septembre. Quoi qu’il en soit, les observations se rapportent en grande partie à l’été de l’hémisphère méridional. L’extrémité sud de l’axe s’inclinait vers la Terre, et la région brillante australe a été figurée dans tous les dessins à partir du 18 juillet, tandis que la tache septentrionale resta longtemps invisible.

À l’époque de sa découverte par Olbers, la tache méridionale se faisait remarquer par sa grandeur ; les jours suivants, elle présenta des variations d’éclat et d’étendue ; mais, à partir du 2 septembre, elle parut entrer franchement dans une phase décroissante et devint ensuite extrêmement petite. À partir du 8 octobre, elle se réduisit à un petit disque lumineux nettement séparé du bord de la planète. Dès ce moment, sa fixité, en dépit du mouvement de rotation, permit de déterminer la position du pôle. Le 25 octobre, elle sembla se rapprocher du bord ; le 26, Schrœter la trouva aussi petite que l’un des moindres satellites de Jupiter. Les jours suivants, il la vit se rapprocher de plus en plus du bord, et enfin se confondre à peu près avec lui le 15 novembre.

Le 20 novembre, l’habile astronome retrouve encore la petite tache dans la même Position ; mais une grande lueur qui s’étend à l’occident du petit disque se confond en partie avec lui. Cette nouvelle lueur se déplace par la rotation, comme il fallait s’y attendre, car l’auteur a établi que le pôle est contenu dans la petite tache.

Après ce jour, on ne voit plus figurer que très exceptionnellement dans les dessins la petite zone polaire ; mais l’auteur observe constamment une tache brillante considérable et présentant des différences d’aspect et d’étendue. Enfin, le 20 décembre, la tache polaire boréale paraît à son tour et, pour la première fois, depuis cette date jusqu’au 1er janvier 1799, c’est-à-dire jusqu’à la fin de cette série d’observations, l’auteur voit à la fois les neiges des deux pôles.

Ces phénomènes confirment absolument les observations d’Herschel que nous venons de résumer ; on voit la tache polaire australe réduite à ses moindres dimensions pendant l’été de son hémisphère. Nettement séparée du bord, elle apparaît comme un point lumineux. Elle reprend ensuite du développement tandis que le Soleil s’abaisse vers l’équateur de Mars. Les climats et saisons de ce monde voisin sont donc bien indiqués dès cette époque.

RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS.

Ainsi Schrœter a observé presque toutes les particularités que l’on remarque aujourd’hui en étudiant les taches polaires : la variabilité de l’éclat et de l’extension, l’inégalité de cette extension dans diverses directions, et, sous ce rapport, il dit expressément que ces taches n’ont pas un contour circulaire régulier, tache polaire éclatante entourée de lueurs moins vives, zone brillante bordée d’un trait obscur, saillie apparente de la tache par irradiation.

De plus, l’auteur attache une certaine importance à une différence d’aspect qu’il signale entre les deux taches polaires : la méridionale lui paraît blanche et jaunâtre, la septentrionale un peu bleuâtre.

Rappelant les observations de Cassini, de Maraldi et de W. Herschel, Schrœter remarque d’abord que la constance de ces apparitions aux pôles doit être en relation avec un climat particulier de cette région de la planète ; les modifications de ces taches dénotent, selon lui, l’influence des phénomènes atmosphériques. Cependant l’auteur ne peut admettre que les apparitions et les disparitions de ces taches soient en rapport régulier avec les saisons. En comparant les observations de Maraldi, de W. Herschel et les siennes propres, il constate, en effet, qu’à une saison donnée de Mars ne correspondent pas toujours des observations identiques des taches polaires, ou, en d’autres termes, que la présence d’une tache neigeuse déterminée ne caractérise pas toujours la même saison : il trouve, par exemple, que la tache méridionale a été observée tantôt pendant l’été méridional, tantôt pendant l’été septentrional. Mais une telle régularité n’est pas nécessaire pour que l’on puisse attribuer les grands phénomènes des taches polaires à l’action du Soleil. À l’époque des solstices martiens, en effet, deux circonstances favorisent l’observation de la tache brillante d’un pôle donné : ou bien l’inclinaison de ce pôle du côté de la Terre coïncidant généralement avec une faible extension de la tache neigeuse, ou bien le plus grand développement de la zone brillante coïncidant avec la situation du pôle dans la région invisible. La première condition est réalisée pendant l’été d’un hémisphère, la seconde pendant son hiver. La tache polaire méridionale, prise comme exemple, peut être observée pendant l’été méridional à la faveur de la première condition et pendant l’été de l’hémisphère opposé à la faveur de la seconde.

« Les zones polaires, dit-il, doivent sans doute leur éclat à un précipité atmosphérique éblouissant. Que l’on s’imagine un ciel couvert, qui donne lieu, sur des surfaces polaires, à un précipité blanc, éblouissant, semblable à notre neige ; que l’on s’imagine aussi les liquides de la surface transformés par le froid en une surface solide miroitante, et cette explication établira une analogie de plus entre Mars et notre Terre. »

FORME SPHÉROÏDALE DE MARS, DÉFORMATIONS APPARENTES ET ACCIDENTELLES.

En janvier 1788, Schrœter portait déjà son attention sur la forme du disque de Mars. Son journal mentionne expressément qu’il n’a pas constaté de différence entre le diamètre polaire et le diamètre équatorial. Mais, le 19 mars 1792, il remarque un aplatissement et le trouve plus petit que celui de Jupiter. Le 20 mars 1792, il mesure le diamètre de la planète et trouve un aplatissement de 1/15. Cependant la position du petit diamètre ne s’accorderait pas avec le déplacement des taches, et Schrœter attache peu d’importance à ce résultat.

Les observations les plus importantes ont eu lieu pendant l’année 1798, époque où la planète Mars se trouvait à une grande proximité relative de la Terre. C’est alors que le savant observateur, après des recherches multipliées et exécutées dans les conditions les plus favorables, trouve l’image de Mars plus conforme à un disque parfaitement circulaire qu’à un disque dont les diamètres étaient dans le rapport de 80 à 81 ; que, par conséquent, si cette planète est aplatie aux pôles, l’aplatissement est inférieur à 1/81.

W. Herschel a déduit de ses observations un aplatissement de 1/16, et Schrœter entre dans une longue dissertation à ce sujet. Il rend hommage à l’habileté de l’astronome de Slough, il considère le résultat de celui-ci comme exact pour l’époque où les observations ont été faites et se demande ensuite à quoi il faut attribuer ces divergences ; il pense qu’on doit en chercher la cause dans l’atmosphère de Mars et établit un rapprochement entre l’aplatissement constaté à certaines époques et des déformations locales d’un disque dont nous devons dire quelques mots.

L’auteur a relaté dans ses autres ouvrages des observations relatives à des déformations singulières du contour de Jupiter et de Vénus. Le 2 septembre 1798, il observa pour la première fois dans Mars un fait analogue. Le contour de la planète semblait aplati depuis la tache polaire méridionale jusqu’à une distance environ 70° à l’Ouest. Une apparence de ce genre se présenta encore le 12 novembre 1800, à 7h 29m du soir. De légères vapeurs couvraient le ciel et obscurcissaient un peu la planète, mais l’image n’en était que plus nette. Dans la région comprise entre le Sud et l’Ouest, elle se terminait par une ligne droite, au lieu d’être limitée par la continuation de sa circonférence. Ce fait a été l’objet de la plus grande attention ; l’auteur a donné successivement à l’astre des positions très différentes dans le champ de son télescope de 13 pieds, armé d’un grossissement de 136 fois, et l’illusion n’avait pas encore disparu à 7h 35m. Quelques minutes plus tard, le phénomène devint moins évident, mais les vapeurs qui couvraient le ciel s’épaissirent bientôt au point d’interrompre toutes les recherches.

Schrœter expose ensuite quelques réflexions sur ce genre de phénomènes : il croit devoir l’attribuer à des déviations subies par les rayons lumineux dans certaines régions de l’atmosphère planétaire.

Schrœter mentionne souvent l’avantage que peut tirer l’observateur de la présence de légères vapeurs qui, en affaiblissant un peu l’image, lui donnent un grand calme et une grande netteté. C’est dans ces circonstances qu’il procède de préférence à ses observations et à ses mesures les plus délicates. Il en est de même des observations faites dans le voisinage de la Lune et, en général, par un ciel éclairé. Tous les observateurs ont pu apprécier les effets salutaires de pareilles conditions.

DIRECTION DE L’AXE ; OBLIQUITÉ DE L’ÉCLIPTIQUE ; SITUATION DES POINTS ÉQUINOXIAUX ET SOLSTICIAUX ; DIAMÈTRE APPARENT DE MARS.

L’astronome de Lilienthal ne laissa point échapper l’occasion de prendre toutes les mesures nécessaires à la détermination des éléments que nous venons d’énumérer, et il profita spécialement de la tache polaire méridionale, parfaitement fixe, très petite, observée du 8 octobre au 16 novembre 1798 pour rechercher la position exacte du pôle et en conclure la direction de l’axe.

Les résultats déduits de ces nombreuses mesures, prises avec l’aide de Harding, ont été soumis au calcul par Olbers. Les voici :

Latitude céleste où aboutit le pôle sud de Mars
60° 33′ 12″
Latitude céleste où aboutit le pôle sud de MarsLongitude»»»»
172° 54′ 44″
Obliquité de l’écliptique de Mars
27° 56′ 51″
Longitude du point équinoxial du printemps pour l’hémisphère boréal[9].
264° 53′ 35″

Dans la matinée du 1er septembre 1798, en des conditions très favorables, et au moment du plus grand rapprochement de Mars, Schrœter a mesuré le diamètre apparent de la planète et, par des observations répétées, a trouvé pour ce diamètre

26″,17.

Il croit ce résultat digne de toute confiance et il déduit de toutes ses mesures prises vers cette époque une moyenne de

26″,04,

qui ne diffère que de 0″,13 du résultat obtenu le 1er septembre dans les circonstances les plus favorables possible.

Schrœter évalue ensuite le diamètre apparent de Mars, vu de la distance moyenne qui sépare la Terre du Soleil, à

9″,84.



Fig. 31. — Carte générale de la planète Mars.

W. Herschel avait trouvé pour le même élément

9″,8.

Toutes ces observations de Schrœter sont extraites, comme nous l’avons dit, du mémoire académique du Dr Terby sur ce sujet[10].

Voici maintenant une série de 65 dessins choisis parmi les plus curieuses des 230 figures de Schrœter. Sans doute, malgré tout notre désir d’être aussi complet que possible, ce serait dépasser le cadre de cet ouvrage que de reproduire ici ces 230 dessins. Cependant, ce sont là des documents si importants pour l’histoire de la planète qu’il est de notre devoir d’en présenter à nos lecteurs le plus grand nombre possible. Nous les reproduisons directement d’après le livre même de Schrœter, publié en 1881, comme on l’a vu plus haut.

Comme nous les reproduisons en fac-similé par la photogravure afin de leur conserver toute leur authenticité, nous leur laissons en même temps les numéros des figures qui leur appartiennent dans l’original. Voici les dates de ces dessins et une description sommaire de chacun d’eux[11].

Mais ici déjà, nous commençons, malgré Schrœter lui-même — ce qui est assurément assez bizarre, — à entrer dans la géographie de Mars. Les trois cartes reproduites plus haut (fig. 17, 20 et 28), qui ne représentent qu’un même côté de la planète, vu sous trois inclinaisons différentes, ne suffiraient plus pour nous reconnaître. Il est indispensable que nous ayons dès à présent sous les yeux une carte de la planète entière. Nous plaçons donc ici comme type de comparaison perpétuelle la Carte générale de Mars que nous avons construite sur l’ensemble des observations modernes. Comme nous l’avons fait remarquer plus haut (p. 29) à propos des projections précédentes, les dénominations de cette carte sont celles qui sont adoptées en général, depuis la publication de la carte de M. Green par la Société royale astronomique de Londres.


Fig. 1, 12 novembre 1785, à 7h 44m.
Fig. 2, 18 novembre» 1785» à 6h 49m.
Fig. 3, 21 novembre» 1785» à 7h 0m. Ces trois vues de Mars ont été prises à l’époque de l’opposition qui a eu lieu le 26 novembre. On croit reconnaître, sur ces dessins, la mer du Sablier. C’est bien elle, en effet, sur les fig. 1 et 2, mais sur la fig. 3, c’est la mer Flammarion et la mer Hooke, et la pointe qui descend est la baie de Gruithuisen, très élargie, rarement aussi large.


Fig. 32. — Dessins de Schrœter, novembre 1785.
Fig. 4, 10 décembre 1787, à 7h 0m. Seule observation de 1787, faite 28 jours avant l’opposition. Figure assez singulière.
Fig. 5, 15 janvier 1788, à 5h 30m. Huit jours après l’opposition, qui avait eu lieu le 7 janvier.


Fig. 33. — Dessins de Schrœter, décembre 1787-janvier 1788.
Fig. 6, 28 janvier 1788, à 6h 53m.
Fig. 9, 19 mars 1792, à 11h 3m. Deux taches a et b se voyaient sur le méridien central, s’y dirigeant depuis le commencement de l’observation, à 7h 48m. Elles sont difficiles à identifier : la longitude du méridien central est 51°.


Fig. 34. — Dessins de Schrœter, mars-avril 1792.
Fig. 10, 20 mars, à 6h 50m. Les deux taches a et b ne sont pas les mêmes que les précédentes : la longitude du méridien central est 348°. b est peut-être la baie du Méridien. Ces taches se mouvaient vers le centre par la rotation de la planète. L’opposition a eu lieu le 16 mars. L’auteur observe la planète au point de vue de l’aplatissement et ne la trouve pas aplatie comme Herschel l’indique.
Fig. 18, 2 avril, à 7h32.
Fig. 19, même jour, à 10h 2m. Ces nouvelles observations le confirment dans son opinion que les taches de Mars sont variables et d’une nature atmosphérique comme celles de Jupiter. En effet, ces taches ne sont pas faciles à identifier avec la géographie de Mars.


Fig. 35. — Dessins de Schrœter, avril 1792 — mai 1794.
Fig. 25, 24 mai 1794, à 8h 44m. 30 jours après l’opposition.
Fig. 26, 25 mai 1794,»» à 8h 25m.
Fig. 27, 1er juin 1794, à 10h.


Fig. 36. — Dessins de Schrœter, juin 1794, août 1796, juillet 1798.
Fig. 28, 17 août 1796. Pendant la soirée, deux mois après l’opposition, qui avait eu lieu le 15 juin. Phase très marquée.
Fig. 29, 1798. Opposition périhélique excellente. 15 juillet, à 11h du soir.
Fig. 30, 18 juillet, à minuit. Observation faite, comme la précédente, en compagnie d’Olbers, tache polaire australe très marquée.
Fig. 32, 19 juillet, à 11h 40m. Avec Olbers également, tache polaire très marquée en a, petite tache sombre en b. Méridien central 65°.


Fig. 37. — Dessins de Schrœter, juillet 1798.
Fig. 33, 23 juillet, à 11h 22m. On remarque la tache polaire australe très brillante en a, une tache sombre en c, et en d une petite tache rappelant celle de la figure précédente. Méridien central 23°. Nous ne pouvons identifier aucune de ces taches, aucun de ces dessins, avec ce que nous savons actuellement de la géographie de Mars.
Fig. 34, 24 juillet, à 11h 20m.
Fig. 36, 28 juillet, à 10h 27m. Longitude du centre : 326°.


Fig. 38. — Dessins de Schrœter, juillet 1798.
Fig. 37, 31 juillet. Dans la matinée, occultation de Mars par la Lune. L’auteur a observé la planète en compagnie de Harding. Long. du centre : 332°.
Fig. 38, 2 août, à 10h 41m, Tache polaire australe très brillante. Beaucoup de détails. La tache triangulaire est la mer du Sablier.


Fig. 39. — Dessins de Schrœter, août 1798.
Fig. 47, 26 août, à 10h 3m. Grande tache avec les ramifications a, c, d, b, e.
Fig. 48, 27 août, à 10h 16m. Détails non moins marqués. Longitude du centre : 57°.
Fig. 49, 30 août, à 10h 24m. La tache foncée s’étend en e et f, vers les deux extrémités de la tache polaire. Longitude du centre : 27°. Comparez avec notre carte, vous ne trouverez rien de sûr.


Fig. 40. — Dessins de Schrœter, 30 août, ? septembre 1798.
Fig. 51, 2 septembre, à 10h 47m. Lendemain de l’opposition, qui a eu lieu en 1798, le 1er septembre. Longitude du centre : 6° ; même réflexion.
Fig. 52, 3 septembre, à 10h 5m. Dans ces deux dessins du 2 et du 3 septembre, la tache a marque la baie du Méridien, et la tache b le détroit Arago.


Fig. 41. — Dessins de Schrœter, 3 et 4 septembre
Fig. 53, 4 septembre, à 10h 46m. La tache a est encore la baie du Méridien.
Fig. 54, 9 septembre, à 7h 55m.


Fig. 42. — Dessins de Schrœter, 9 septembre 1798, la mer du Sablier.
Fig. 55, même jour, 2 heures plus tard : 9h 55m.
Fig. 56, même jour, à 11h 8m. Ces trois dernières observations sont précieuses par leur continuité et permettent d’identifier sûrement la tache triangulaire avec la mer du Sablier. Elle était plus foncée à la pointe, ce qui est rare.
Fig. 57, 10 septembre, à 10h 15m, à peu près même face que la veille, à 9h 55m ; mais on remarque en plus une tache supérieure (bc).


Fig. 43. — Dessins de Schrœter, 10 septembre 1798.
Fig. 65, 19 septembre, à 7h 31m.
Fig. 66, 20 septembre,» à 7h 27m.


Fig. 44. — Dessins de Schrœter, 19 et 20 septembre 1798.
Fig. 67, même jour, à 9h 48m. Ces trois figures montrent également à peu près une même face de la planète (mer Maraldi), 19 septembre, à 7h31, correspondant au 20 septembre, à 8h 11m environ, et la différence entre la deuxième et la troisième observation étant seulement de 2h 21m. C’est la même tache qui est avancée au milieu du disque à la troisième observation : la différence de forme est sensible. La pointe qui descend et qui se trouve vers 193° de longitude est le détroit que l’on voit vers la mer Oudemans.
Fig. 83, 8 octobre, à 6h 40m.
Fig. 84, 8 octobre,» à 7h 35m.


Fig. 45. — Dessins de Schrœter, 8, 9 et 10 octobre 1798.
Fig. 85, 10 octobre, à 7h 55m. Voilà encore trois figures représentant à peu près la même face de la planète (méridien central = 341°). Les deux premières se ressemblent ; la troisième diffère. Impossibles à identifier avec la carte. On comprend les conclusions de l’auteur.
Fig. 102, 15 novembre, à 6h 50m.


Fig. 46. — Dessins de Schrœter, 15 et 16 novembre 1798.
Fig. 103, 16 novembre, à 6h 13m. Même face également, la seconde figure étant en avance de 1h 15m environ sur la première. Différence sensible. La planète est très éloignée de la Terre et la phase très marquée.


Fig. 47. — Dessins de Schrœter, 20 novembre 1798.
Fig. 104, 20 novembre, à 6h 16m.
Fig. 105, même jour, à 8h 2m. Très grand changement en moins de deux heures, dans tout l’aspect. (M. Schiaparelli reconnaît dans l’extrémité inférieure de la tache, dans ce coude dirigé vers la gauche, l’extrémité de la Mer du Sablier, à laquelle il a donné le nom de Nilosyrtis ; mais cette sorte de canal se dirige vers la droite, tandis que dans cette fig. 105, il se dirige vers la gauche.) La tache blanche e est la Terre de Lockyer ou une île parfois couverte de neige.


Fig. 48. — Dessin de Schrœter, 10 décembre 1798.
Fig. 119, 10 décembre, à 4h 43m. Deux bandes équatoriales parallèles a et b, comme dans Jupiter. Sans la phase, on prendrait plutôt cette figure pour celle de Jupiter que pour celle de Mars, assurément. Nous comptons dans les Areographische Beitrage 16 figures analogues, de deux bandes parallèles, appartenant à cette époque.
Fig. 155, 8 octobre 1800, à 10h 20m.
Fig. 156, 9 octobre 1800,»  » à 10h 40m.


Fig. 49. — Dessins de Schrœter, octobre 1800.
Fig. 157, 11 octobre, à 10h 32m. Figures intéressantes pour les taches a, b, c, qui confirment Schrœter dans sa conviction de changements perpétuels à la surface de la planète.
Fig. 160, 20 octobre, à 10h 22m.
Fig. 161, 24 octobre,» à 8h 17m.
Fig. 162, 25 octobre, à 9h 32m. Observation faite en compagnie d’Olbers à son observatoire de Brême. Le point noir est la baie du Méridien, vue sous forme d’un disque très noir par Beer et Mädler en 1830. La tache b est la mer du Sablier.


Fig. 50. — Dessins de Schrœter, mer du Sablier et baie du Méridien, octobre 1800.
Fig. 172, 1er novembre, à 8h 10m.


Fig. 51. — Dessin de Schrœter, 1er novembre 1800.
Fig. 174, 2 novembre, à 7h 42m.
Fig. 175, même jour, à 11h 20m. Comme M. Terby l’a déjà remarqué, ces trois dessins sont particulièrement intéressants. Le second montre une tache triangulaire qui vient de traverser le méridien central, et le troisième, fait 3h 38m plus tard, montre une tache de même forme et beaucoup plus étendue, qui occupe à peu près la même situation (un peu plus avancée), et qui, par conséquent, se trouve à environ un sixième de la circonférence plus à droite, ou environ 60° de longitude. La fig. 172, faite le 1er novembre, confirme cette interprétation en ce qu’elle montre les deux taches indiquées en b et c. Les régions marquées f, g, d, sur les fig. 174 et 175, sont des régions très claires. Schrœter voit là des témoignages de variations nouvelles. La grande tache triangulaire de la fig. 175 est la mer du Sablier. Celle de la fig. 174 est une pointe vers 228°, c’est-à-dire à l’extrémité droite de la mer Maraldi ; la fig. 172 montre ces deux taches. Les dessins qui vont suivre confirment cette interprétation.


Fig. 52. — Dessins de Schrœter, mer du Sablier (fig. 178) et autre mer pointue (fig. 174) vers 228° de longitude, 1er et 2 novembre 1800.
Fig. 176, 4 novembre, à 8h 20m.
Fig. 177, même jour, à 10h 41m. Le premier de ces deux dessins montre la même face de la planète que la fig. 174, et le second la même que la fig. 172, avec les deux taches si singulièrement ressemblantes. Excellentes conditions d’observation. L’opposition de la planète en 1800 a eu lieu le 9 novembre.


Fig. 53. — Dessins de Schrœter, 4 novembre 1800.
Fig. 195, 8 décembre, à 5h 19m.
Fig. 196, même jour, à 6h 45m.
Fig. 197, même jour, à 9h 43m. Ces trois dessins conduisent à la même conclusion. La fig. 197 représente la mer du Sablier.


Fig. 54. — Dessins de Schrœter, 8 décembre 1800.
Fig. 191, 3 décembre, à 6h 27m.
Fig. 192, même jour, à 7h 16m. Nous plaçons ces deux dessins après les trois précédents à cause de la concordance des fig. 195, 196 et 197 avec les fig. 172 à 177. Ceux-ci offrent un intérêt d’un autre genre. Trente dessins faits du 24 octobre 1800 au 8 janvier 1801 sont à peu près identiques à la fig. 191, et sept à la fig. 192, c’est-à-dire possèdent la traînée grise qui monte jusqu’à la droite du pôle. On comprend que l’observateur soit de plus en plus convaincu de changements.


Fig. 55. — Dessins de Schrœter, 3 décembre 1800.
Fig. 182, 12 novembre, à 7h 29m, et 224, 18 décembre 1802, à 8h. Curieux exemple de déformation du disque dont il a été parlé plus haut (p. 67).


Fig. 56. — Dessin de Schrœter. Déformation apparente du disque de Mars, 12 novembre 1800.
Fig. 217, 11 octobre 1802, à 11h 5m. Longitude du centre : 275°.
Fig. 218, 14octobre» à 10h 45m. Il y a, pour le 10 octobre, une figure absolument pareille à celle du 11, c’est-à-dire montrant la traînée grise à droite de la tache α. Le 14, on ne voit plus cette traînée grise. Le 16, la tache ronde α est seule visible. Il n’y a rien de pareil à ces aspects dans les observations modernes, car ce n’est pas la baie du Méridien. Longitude du centre : 242°.


Fig. 57. — Dessins de Schrœter, octobre 1802.
Fig. 224, 18 décembre, à 8h 0m. Longitude du centre : 333°. La planète paraît coupée en bas.
Fig. 225, 23 décembre, à 5h 58m. Longitude du centre : 260°.
Fig. 227, 24 décembre,» à 8h 12m. Nouveaux aspects encore. Dessins faits au moment de l’opposition, qui a eu lieu le 25. Longitude du centre : 284°.


Fig. 58. — Dessins de Schrœter, décembre 1802.

Toutes ces observations confirment Schrœter dans sa conviction de variations perpétuelles à la surface de Mars ; cet éminent observateur a toujours pensé que les taches de cette étrange planète ne pouvaient être que de nature atmosphérique.

Telles sont les observations de Schrœter[12]. Ce sont les plus importantes de toutes celles que nous avons eu à examiner depuis les premières pages de cet ouvrage.

Tout ce qui a été déterminé par les travaux des observateurs antérieurs est confirmé : rotation diurne, inclinaison de l’axe, saisons, glaces polaires, atmosphère. Nous entrons graduellement dans la connaissance de ce monde. L’aplatissement polaire reste douteux.

La détermination de la topographie martienne n’a pas encore fait de grands progrès. Nous venons de voir que Schrœter est même convaincu, par sa longue série d’observations, que les taches sombres de la planète ne sont pas des mers, mais sont formées par des nuages. C’était également la conclusion à laquelle Maraldi avait été conduit.

Malgré toute l’habileté de ces observateurs et malgré l’excellence de leur jugement, cette conclusion ne peut pourtant pas être adoptée. En effet, plusieurs des taches observées et dessinées par l’astronome de Lilienthal sont fixes, permanentes. Notre fameuse mer du Sablier, la plus caractéristique de toutes, se montre, comme nous venons de le voir, sur un grand nombre, entre autres sur les fig. 1, 2, 54, 55, 56, 161, 162, 175, 197. La baie du Méridien se voit sur les fig. 52, 53, et 161. Ce sont même là les premières observations certaines de ce point si important choisi en 1830 par Beer et Mädler pour origine des méridiens de Mars. La mer Maraldi est reconnaissable sur la fig. 67 et ailleurs sous forme de bande analogue à celles de Jupiter. D’autre part, les observations modernes prouvent la permanence des taches principales. Ainsi Schrœter se trompe sûrement dans sa conclusion, et il en a été de même de Maraldi.

Pourtant toutes ces observations nous prouvent qu’il s’opère sur Mars des changements réels et considérables. Il n’y a plus à hésiter dès maintenant. Il nous faut admettre que les taches sombres de Mars sont formées d’une part par des régions fixes, qui, sans doute, sont des mers, puisqu’il est connu que l’eau, les liquides, absorbent une partie de la lumière incidente, tandis que les surfaces continentales la réfléchissent mieux. D’ailleurs, qu’il y ait de l’eau sur la planète Mars, c’était plus que probable dès le jour où l’on eut observé ses neiges polaires et ses nuages, et c’est aujourd’hui rendu certain par l’analyse spectrale.

Il nous faut admettre, dis-je, que les taches sombres de Mars sont formées dune part par des mers fixes, et d’autre part par un élément instable. Cet élément instable est peut-être de même nature que les mers : c’est peut-être également de l’eau, sous un autre état.

Ce fait est absolument démontré par les observations que nous venons de discuter jusqu’ici, de Maraldi à Schrœter. Les croquis de Huygens, Cassini, Hooke concordent avec cette déduction.

Parfois peut-être, lorsque les changements sont faibles, on peut admettre que des mers débordent sur des plages, sur de vastes plaines et changent leurs contours.

Mais la diversité des dessins de Schrœter, Herschel, Maraldi, Cassini, Bianchini, etc., est telle qu’il est impossible d’admettre que ces dessins aient jamais rigoureusement représenté la géographie de la planète. Tous les observateurs qui ont dessiné Mars savent qu’il est extrêmement difficile de reproduire juste ce que l’on voit, parce que les formes sont presque toujours indécises, diffuses, vagues, sans contours arrêtés, et parfois tout à fait incertaines. Les aspects sont vagues, faibles, douteux, difficiles à dessiner, les instruments diffèrent, les yeux et la manière de voir diffèrent plus encore peut-être. Néanmoins, il est manifestement impossible de tout attribuer à des erreurs d’observation, d’autant plus que toutes ces taches ont servi à déterminer la rotation de la planète et la position de l’axe. Il faut donc que ces observations aient une base réelle.

Les mers martiennes donnent-elles naissance, par l’évaporation, à des brumes sombres, sombres vues d’en haut, lorsqu’elles sont éclairées en plein par le Soleil ? Ces brumes, ces nuées, se disposent-elles selon les formes observées ? — Il nous paraît difficile d’éviter cette double interprétation.

Sur la Terre, on ne voit pas de nuages noirs — d’en haut, du côté de l’illumination solaire. (L’observation de Schrœter, citée plus haut, a dû être faite obliquement.) La surface supérieure des nuages est blanche comme de la neige. Mais il peut exister des brumes dont la constitution moléculaire soit telle qu’elle réfléchisse mal la lumière incidente. Nos observations exclusivement terrestres ne sont pas suffisantes pour tout nous apprendre. Les autres mondes doivent plus ou moins différer de celui que nous habitons. D’ailleurs, nous voyons sur Jupiter et sur Saturne des bandes sombres et des taches foncées dont un certain nombre sont certainement de formation atmosphérique.

Ces variations sont désormais incontestables.

Mais n’ayons pas la prétention de résoudre dès ce moment tous les problèmes offerts par l’analyse des aspects de Mars. Signalons sincèrement tous les faits à mesure qu’ils se produisent. Et poursuivons notre étude.

XXVI. 1794. — Von Hahn.

On trouve dans l’Astronomisches Jahrbuch für 1797 un dessin de cet observateur, qui n’ajoute rien aux travaux qui précèdent, et que nous ne signalons que pour mémoire.

XXVII. 1796, 1798, 1800, 1802, 1805, 1807, 1809, 1813. — Flaugergues[13]

Honoré Flaugergues avait son observatoire à Viviers (Ardèche), qu’il a illustré par un grand nombre d’observations intéressantes. Il observa Mars notamment de 1796 à 1809, puis, de nouveau, en 1813. Les premières observations ont paru dans le Journal de Physique, tome LXIX, année 1809, p. 126, et les secondes dans la Correspondance astronomique du baron de Zach, tome I, 1818, p. 180. Voici d’abord un extrait du premier mémoire, avec les sept dessins (fig. 59) qui l’accompagnent. L’auteur constate que ces taches sont variables, et se propose surtout de décider si elles appartiennent au sol ou à l’atmosphère.

J’ai observé Mars quelques jours avant et après l’opposition et toujours dans le méridien ou fort proche, et j’ai dessiné, avec le plus grand soin, les taches qui paraissaient et dont je vais donner la description et la figure réduite à la phase qu’elles présentaient au passage de Mars par le méridien, le jour de l’opposition, environ à minuit, temps moyen. Dans toutes ces figures, l’axe de Mars est disposé suivant le diamètre vertical, le pôle boréal en haut,

Opposition de 1796.
Lunette astronomique de dix-huit pieds de foyer ; grossissement = 105.

J’ai vu constamment dans la partie australe du disque une tache d’un rouge obscur en forme de croissant ou de fer à cheval, dont les branches étaient tournées vers le Nord (fig. A).

Opposition de 1798.
Lunette achromatique de quarante-quatre pouces de foyer ; grossissement = 90.

J’ai vu constamment dans la partie australe du disque de cette planète deux bandes parallèles assez larges, d’un rouge obscur, dirigées de l’Est à l’Ouest et séparées par une bande plus étroite et plus claire. J’ai vu encore, dans la même partie australe, une tache blanche, ovale, immobile, placée près du bord, environ seize degrés à droite du vertical dans la lunette qui renversait les objets (fig. B).

Opposition de 1800.
Même lunette.

J’ai vu constamment une grosse tache ronde, d’un rouge plus foncé que le reste du disque, dont le centre était un peu plus boréal que celui de la planète. Cette tache, dans sa partie australe, était terminée par un appendice en forme de crochet, dont la courbure était semblable à celle de la grosse tache (fig. C).

Opposition de 1802.
Même lunette.

J’ai vu constamment sur le disque de cette planète une grosse tache ronde, d’un rouge plus obscur, à peu près concentrique au disque et coupée transversalement sous un angle de 45° avec la verticale de l’Ouest à l’Est, suivant un de ces diamètres par une bande plus claire qui avançait jusqu’aux deux tiers de la tache (fig. D).

Opposition de 1805.
Même lunette.

J’ai vu constamment sur son disque une grosse tache d’un rouge plus foncé que

Fig. 59. — Croquis de Mars, par Flaugergues.
le reste du disque, d’une figure irrégulière et indécise, plus étendue et d’une teinte foncée dans la partie boréale de Mars (fig. E).

Opposition de 1807.
Même lunette.

J’ai vu constamment sur le disque de cette planète, et dans la partie australe, une tache en forme de bande, d’une teinte tant soit peu plus foncée que le reste du disque, longue, étroite, mal terminée et dirigée de l’Est à l’Ouest ; cette bande était très peu sensible (fig. F). J’ai remarqué de plus que toute la partie boréale du disque était parfaitement blanche et avait beaucoup d’éclat, particulièrement autour du point correspondant au pôle boréal.

Opposition de 1809.
Avec la même lunette achromatique.

Le bord occidental de cette planète paraissait blanc et brillant, le bord oriental rouge foncé ; on voyait deux taches, une longue en forme de bande, dirigée de l’Est à l’Ouest dans la partie australe du disque, et l’autre, plus petite, irrégulièrement arrondie, placée dans la partie boréale, proche du bord occidental ; ces deux taches étaient d’un rouge plus foncé que le reste du disque (fig. G).

Ces taches m’ont paru en général confuses et mal terminées, au point qu’il était difficile de distinguer exactement leurs contours et leur juste étendue : on peut remarquer que c’est principalement dans la partie australe du disque de Mars que paraissent ordinairement les taches.

À l’égard de la tache ovale, très remarquable par son éclat et par sa blancheur, que j’ai observée en 1798 et qui correspondait sur le disque au pôle austral de Mars, elle fut aussi observée par MM. Messier, Duc la Chapelle et Vidal.

Ces taches blanches, ovales, constamment correspondantes aux pôles de Mars, nous offrent exactement les mêmes apparences que doivent présenter, vues de Mars, les calottes de glace et de neige qui entourent les pôles du globe terrestre ; aussi M. Herschel n’a pas balancé d’attribuer ces taches blanches aux neiges et aux glaces dont les pôles de Mars doivent être entourés, et on ne peut qu’applaudir à cette explication qui paraît parfaitement bien fondée.

Pour ce qui est des taches rouges et obscures de Mars, dont l’apparence a toujours été différente dans les diverses observations que j’ai faites, on pourrait peut-être penser que ces changements étaient purement optiques et qu’ils provenaient de ce que, à raison du mouvement de rotation de Mars autour de son axe, l’hémisphère visible de cette planète n’étant pas le même que dans les observations précédentes, ne pouvait présenter les mêmes apparences. Pour apprécier cette objection, et évaluer l’effet du changement produit par le mouvement de rotation, j’ai pris pour terme de comparaison le méridien de Mars dont le plan passait par le centre de la Terre au moment de la première observation, ou le 14 juin 1796 à minuit, temps moyen. Ce méridien, que je nommerai premier méridien de Mars, doit être censé fixé au globe de cette planète, et tourner avec ce globe tout comme le premier méridien du globe terrestre est supposé fixé à l’île de Fer.

Ici l’auteur fait un calcul du méridien central de Mars qu’il appelle méridien gédiabénique (de γη, Terre, et δίαβαινω, je passe), et compare les positions de la planète pour les sept figures ci-dessus et trouve que les première, quatrième et sixième observations se rapportent à peu près à la même position, et que la seconde et la septième sont très rapprochées. Puis il ajoute :

L’apparence des taches de Mars aurait dû être à peu près la même dans les première, quatrième et sixième observations et pareillement cette apparence aurait dû être à peu près semblable dans la seconde et dans la septième, en supposant que la figure des taches de la planète soit constante, et que leur apparence ne varie qu’à raison du mouvement de rotation de cette planète autour de son axe. Donc, puisque la figure, le nombre et la disposition des taches ont toujours paru très différents dans chaque observation, on doit en conclure que les changements qu’on observe dans les taches de Mars sont réels, et que ces taches peuvent physiquement changer de figure, augmenter et diminuer, disparaître et reparaître de nouveau, ainsi qu’on l’observe dans les taches du Soleil. Mais nous remarquerons en même temps que les variations que nous avons observées sont si grandes, que pour produire des apparences semblables dans le globe terrestre, vu à la même distance que Mars, il ne faudrait pas moins que la submersion d’un continent, tel que l’Amérique, ou le dessèchement d’une mer, comme l’océan Atlantique. Ces changements sont trop considérables pour qu’on puisse en supposer de pareils dans le globe solide de Mars, et y placer la cause des variations que nous avons observées dans ses taches. Cette supposition ne s’accorderait pas avec l’état d’équilibre et de consistance auquel les planètes, à en juger par la Terre, sont parvenues depuis longtemps ; et il est beaucoup plus probable que ces taches, et les grands changements qu’elles éprouvent, n’ont lieu que dans l’atmosphère de Mars dont plusieurs observations indiquent l’existence.

Il paraît même que le fluide dont elle est composée a beaucoup de rapport avec notre air ; il lui ressemble au moins dans une propriété remarquable, celle d’absorber les rayons bleus et violets, et de ne transmettre sensiblement que les rayons jaunes et rouges. Cette propriété nous est indiquée par la couleur rouge de Mars. Dans cette supposition, qui paraît prouvée, les grandes taches rouges que nous avons observées pourraient bien être de grands amas de nuages flottants dans l’atmosphère de Mars, ou plutôt d’immenses brouillards pareils à celui qui couvrit, pendant plusieurs mois, une grande partie de notre globe en 1783, dont l’étendue, la figure, le nombre et la situation peuvent facilement et considérablement varier par l’effet de la chaleur, par celui des vents, ou par d’autres causes inconnues, et qui peuvent même, par l’effet de ces mêmes causes, se dissiper et renaître ensuite, comme nous le voyons sur la Terre.

Telles sont les observations de Flaugergues de 1796 à 1809. Elles ajoutent peu aux précédentes. Les variations polaires sont confirmées ainsi que celles des taches sombres. Quant à admettre que ces taches soient de nature atmosphérique, nous ne le pouvons pas, comme nous l’avons conclu plus haut à propos de Schrœter. Son hypothèse sur l’atmosphère de Mars n’est pas soutenable non plus : le disque se montre plus rouge dans sa région centrale que vers les bords ; donc ce n’est pas l’épaisseur de l’atmosphère qui cause cette coloration, puisque la lumière réfléchie par la planète a d’autant moins d’épaisseur atmosphérique à traverser que l’on observe plus près du centre.

En 1813, Flaugergues fit de nouvelles observations. Voici un extrait de son second mémoire.

J’ai observé Mars plusieurs fois aux environs de sa dernière opposition, ainsi que je le fais depuis plusieurs années, pour dessiner les taches de cette planète et noter les variations considérables et singulières qu’elles présentent. J’ai remarqué de plus cette année une tache blanche ovale, placée sur le pôle austral de Mars et si brillante qu’elle paraissait dépasser le disque. Cette tache fut surtout très brillante la nuit du 31 juillet, jour de l’opposition, elle a diminué de grandeur, beaucoup plus rapidement que si cette diminution eût été purement optique et seulement relative à l’augmentation progressive de la distance. Le 22 août, cette tache était à peine sensible et, quelques jours après, on ne la voyait plus. J’ai vu en 1798 une pareille tache blanche au pôle austral de Mars, mais elle avait beaucoup moins d’éclat.

Le printemps, pour la partie australe de Mars, avait commencé le 12 mars, et la déclinaison australe du Soleil, vue de la planète, était le 31 juillet de 21° 0′ ; par conséquent la tache ou la calotte blanche que j’ai observée était alors depuis plusieurs jours totalement et continuellement éclairée et échauffée par les rayons du Soleil, et elle l’a toujours été depuis, cet astre ne se couchant plus pour cette partie du globe de Mars, de sorte que si cette calotte était de glace ou de neige, semblable à la glace et à la neige de notre globe, comme tout porte à le penser, il n’est pas douteux qu’elle n’ait dû se fondre très rapidement,

On voit dans Mars de grandes taches irrégulières, variables et présentant les mêmes apparences que doivent offrir nos nuages et nos brouillards à un spectateur placé sur Mars. Les deux planètes ont leurs pôles entourés de calottes blanches qui diminuent lorsque le Soleil s’approche du pôle où elles sont placées, et qui, par cette circonstance, paraissent devoir être de la même nature, c’est-à-dire de neige ou de glace sur ce globe, comme sur la Terre.

Si cette conjecture était réelle, la fonte des glaces polaires de Mars est bien plus prompte et bien plus complète que celle des glaces terrestres, dont la majeure partie résiste aux chaleurs de l’été ; il paraît donc que la chaleur sur Mars est plus forte que sur la Terre, quoiqu’elle dût être plus faible dans le rapport de 43 à 100, si l’on avait égard seulement à la différente distance de ces deux planètes au Soleil ; c’est une raison de plus à ajouter à celles qui ont déterminé les plus habiles physiciens à penser que les rayons du Soleil ne sont pas chauds par eux mêmes, mais qu’ils sont seulement la cause occasionnelle de la chaleur. »

Flaugergues, comme on vient de le voir, remarque pour la première fois que les neiges polaires de Mars varient en plus forte proportion que celles de la Terre et que la température moyenne de cette planète peut être plus élevée que celle de notre monde. C’est parfaitement exact, et nous verrons les mesures modernes confirmer ce fait fort intéressant pour la climatologie martienne.

XXVIII. 1802-1807. — Fritsch[14].

Le pasteur Fritsch a publié, dans les volumes annuels auxquels nous renvoyons (p. 188 et 218), un sommaire de ses observations de la planète, faites pendant son opposition de 1802, observations accompagnées de cinq dessins, que nous reproduisons ici (fig. 60) [pris les 21 novembre, 24 novembre,

Fig. 60. — Dessins de Mars, par Fritsch, en 1802, 1803 et 1807.
26 novembre, 19 décembre 1802 et 10 janvier 1803] et une observation du 17 mars 1807, à 9h. Ce dernier dessin montre la tache polaire débordant le disque, par un effet d’irradiation certainement, et deux bandes équatoriales parallèles rappelant celles de Jupiter. Il dit quelques mots de l’atmosphère de Mars et de la rotation de la planète, mais ne donne aucun détail.

Ces croquis, comme ceux de Flaugergues, ont le sud en bas.

XXIX. 1805. — Huth[15].

Ces observations n’ont pas grand intérêt. Elles sont accompagnées d’un dessin du 22 février 1805, montrant au pôle nord une forte tache blanche ovale qui dépasse le disque par l’irradiation, On voit également au pôle sut une indication de la tache polaire. Hormis ces deux taches polaires, le disque est vide. Il nous semble inutile de reproduire cette figure. Les observations de l’auteur lui ont donné 24h 43m pour la durée de la rotation. Il parle de l’analogie de Mars avec la Terre, au point de vue de son atmosphère et des météores.

XXX. 1813, 1814, 1822, 1839, 1847. — Gruithuisen[16].

L’auteur a exposé d’abord, ses observations de la planète Mars faites en 1813, et notamment de la tache neigeuse (Schneeflecken) du pôle sud. Il

Fig. 61. — Dessins de Mars faits par Gruithuisen, en 1813 et 1814.
donne trois dessins, reproduits ici (fig. 61), des 1er juillet et 31 août 1813 et 14 janvier 1814. On remarque dans la zone équatoriale des traînées sombres qu’il identifie avec celles observées par Maraldi.

Les études des autres années traitent de la rotation, de la position de l’axe et des taches, mais ne sont accompagnées d’aucun dessin.

XXXI. 1811, 1813, 1815, 1817, 1845, 1847. — Arago.

Arago a fait un certain nombre d’observations de Mars, qu’il a réunies dans un mémoire lu à l’Académie des Sciences le 31 janvier 1853, l’année même de sa mort. Ce mémoire est publié dans ses œuvres complètes, tome XI, p. 245-304.

L’illustre directeur de l’Observatoire de Paris commence par célébrer la valeur de l’Astronomie physique, que les triomphes de l’Astronomie mathématique éclipsaient un peu trop. Après une rapide esquisse historique, il consacre un chapitre à l’aplatissement de Mars et donne en détail ses observations commencées dès 1811. Les résultats varient considérablement suivant les années, depuis 1/29 jusqu’à 1/100. Arago conclut après discussion que l’aplatissement de Mars surpasse 1/30.

On se souvient que William Herschel avait trouvé 1/16 et Schrœter <1/81.

En appliquant à la détermination de l’aplatissement de Mars la théorie qui a donné pour Jupiter un résultat si bien d’accord avec l’observation, on trouve pour cet aplatissement 1/230. Il y a là un grand désaccord avec la théorie. Arago fait remarquer que, pour expliquer le fait, il faudrait supposer la masse de Mars huit fois plus faible que celle qui est adoptée, ce qui est inadmissible. Il en parla à Laplace et celui-ci lui répondit que « des bouleversements locaux, analogues à ceux dont on voit les effets en diverses parties de la Terre, surtout dans les régions équatoriales, avaient pu avoir une plus grande influence sur la figure d’une petite planète que sur celle de Jupiter ou de notre globe. »

La diversité des résultats obtenus pour cet aplatissement est aussi très digne d’attention. À plusieurs points de vue, Mars paraît vraiment un monde à part. Son premier satellite tourne autour de lui beaucoup plus vite que la planète ne tourne elle-même, sa révolution s’effectuant en 7h 39m, tandis que la rotation du globe de Mars demande 24h 37m, La surface présente des variations énigmatiques. C’est un monde fort différent de celui que nous habitons. Nous arriverons sans doute, à la fin de cet ouvrage, à des conclusions tout à fait particulières.

Arago trouve pour le diamètre de Mars à la distance 1 (distance de la Terre au Soleil) : 9″,57.

Ses observations des taches ont commencé en 1813. La lunette dont il se servait était une lunette de Lerebours de 4 pouces (108mm) donnée par Napoléon à l’Observatoire : on l’appelait « la lunette de l’Empereur »[17]. C’était peut-être alors le meilleur instrument de l’Observatoire. Le progrès a marché : aujourd’hui, la plupart des étudiants du ciel sont à cette hauteur. Cette lunette était armée de grossissements de 150 et 200 fois.

L’observateur remarque qu’il a commencé par distinguer sur le disque de Mars d’abord une tache blanche indiquant le pôle supérieur ou austral, ensuite une tache sombre en forme de crochet (fig. 62, A). L’intervalle b paraissait plus petit que le tiers du disque de la planète : 16 juillet 1813.

Le 22 juillet, vers la même heure (minuit à 1h du matin), il observa de nouveau la planète. La fig. B a été prise à 1h 15m : « Je crois, écrit l’observateur, que l’intervalle c est un septième du disque ; je n’apercevais pas, il y a une heure, la portion verticale de la bande noire ». — Cette portion verticale n’est-elle pas la mer du Sablier ?

Le 27 juillet, vers 10h 45m, on n’aperçoit pas la bande crochue dessinée ces jours derniers, et qui semble si propre à déterminer la rotation de la planète.

Les 18, 19, 20, 23 et 24 août, on voit une tache sombre en forme de

Fig. 62. — Observations de Mars faites par Arago, en juillet 1813.
croissant. La tache blanche polaire est toujours très lumineuse. Les cinq dessins se ressemblent fort. Nous en reproduisons deux (fig. 63), des 20 et 23 août.

Fig. 63. — Observations de Mars faites par Arago, en août 1813.

Le 11 octobre, on apercevait encore très distinctement la tache brillante du pôle, quoique Flaugergues ait cru observer le contraire. 19 octobre et 5 novembre à 30 décembre : cette tache est devenue très petite et presque imperceptible.

1815. 2 octobre au 6 novembre. La tache polaire est très petite. Le 20 octobre, la planète offre l’aspect représenté fig. E et le 26 octobre celui de la fig. F. Dans le premier dessin, le croissant est tourné en sens contraire des figures prises en 1813. Dans le second, on aperçoit une bande droite qui ne touche d’aucun côté le bord de la planète.

En 1817, 1845 et 1847, Arago a encore fait quelques observations. Elles ne nous en apprennent pas davantage.

D’après ces observations, la tache polaire aurait mesuré 3″,66 de diamètre le

Fig. 64. — Observations de Mars faites par Arago, en octobre 1815.
7 juillet, 3″,60 le 12 (la planète mesurant 22″,86), 2″,25 le 22 (planète : 24″,16), 2″,63 le 2 août (planète : 24″,96). C’est souvent, comme on le voit, plus de la dixième partie du diamètre. Quant aux taches, elles ne peuvent être identifiées et plaideraient comme les autres en faveur de variations. Mais n’oublions pas que la lunette n’avait que 4 pouces ou 108mm de diamètre.

XXXII. 1821-1822. — Kunowsky[18].

L’observateur a fait ses observations de l’automne de 1824 au printemps

Fig. 65. — Deux dessins de Mars, faits par Kunowsky, en 1821 et 1822.
de 1822, à l’aide d’une lunette de Fraunhofer de 4 pouces 1/2 d’ouverture. Il parle (p. 225) des taches de Mars et de sa rotation, décrit les zones neigeuses « Schneezonen » et les taches sombres, et publie deux dessins (fig. 65), dont le premier paraît être du mois de novembre 1821, et dont le second est du 15 mars 1822. Il conclut à la fixité des taches. En effet, ces deux dessins, faits à quatre mois d’intervalle, se ressemblent fort. L’auteur remarque que la ligne grise qui longe le bord occidental est un commencement de phase. On reconnaît, surtout sur la première, non loin du pôle sud, la tache ronde que Beer et Mädler ont choisie en 1830 comme origine des longitudes de Mars (voir plus loin, p. 103 et 106, la remarque de ces auteurs eux-mêmes sur cette confrontation). Kunowsky combat les inductions de Schrœter sur le prétendu caractère atmosphérique et variable des taches, et conclut à leur caractère géographique et fixe. C’est la première fois, depuis les premières pages de cet ouvrage, que nous voyons affirmer cette opinion. Elle s’accorde avec les déductions conclues plus haut de la comparaison des observations, depuis les premiers dessins de Huygens et Hooke, jusqu’à ceux de Schrœter, malgré les variations incontestables qui se sont révélées dans le cours de toutes ces observations.

XXXIII. 1824. — Harding[19].

L’astronome auquel on doit la découverte de Junon passe d’abord en revue dans ce mémoire (p. 173) les observations d’Herschel et de Schrœter et discute les mesures de l’aplatissement. Pour lui, la planète semble varier de

Fig. 66. — Croquis sur la forme de Mars, pris par Harding, en 1824.
forme dans le sens équatorial comme dans le sens polaire, sans doute par suite d’un effet de son atmosphère. Il publie les six figures, des 4, 8, 14, 15, 20 et 25 avril 1824, reproduites ici (fig. 66), qui sont assez singulières.

Voici encore du nouveau. Est-il possible d’admettre une pareille conclusion ? Elle s’accorderait assurément avec la variété des valeurs trouvées pour l’aplatissement. Mais une telle variation ne paraît guère admissible. Ces effets ne sont pas supérieurs aux erreurs possibles des observations, surtout aux grands éloignements de la planète, comme celui de 1824.

Cette observation n’ajoute rien non plus aux documents précédents. Elle clôt la première période de cette histoire de Mars, qui nous a déjà appris beaucoup sur cette planète, mais qui n’a pas encore inauguré la géographie de ce monde voisin.

Par ce qui précède, nous savons que cette planète a des années, des saisons, des jours et des nuits, comme le monde que nous habitons, que des précipités météoriques analogues à nos neiges se montrent chaque hiver à ses pôles ; que le centre de ces glaces ne coïncide pas avec le pôle géographique, mais en est assez éloigné ; qu’une atmosphère dans laquelle se forment des nuages et des neiges environne ce globe ; que les glaces polaires y fondent plus complètement qu’ici, soit que cette fusion y soit rendue plus facile par la constitution même de ces neiges, ou par la nature de l’atmosphère, ou bien peut-être même que la température de l’été y soit plus élevée que sur notre planète. Nous savons de plus qu’il y a sur ce globe des taches sombres ; plusieurs de ces taches sont fixes et permanentes et doivent représenter des mers ; elles semblent toutefois soumises à des variations d’étendue visibles d’ici. Et en cela l’aspect de Mars diffère essentiellement de celui de la Terre.

Mais la diversité des dessins est telle, que nous devons attribuer la plus grande cause de cette diversité à la difficulté des observations précises sur un disque si petit, au manque de netteté des configurations, en un mot à des incertitudes d’observations. Néanmoins, un certain nombre des taches observées par Huygens, Cassini, Hooke, Maraldi, Herschel, Schrœter, etc., ont donné des résultats précis pour le mouvement de rotation et pour la position de l’axe : ces dessins avaient donc un fond de réel[20]. On ne peut pas admettre que le sol de la planète subisse de pareilles perturbations, parce que, s’il en était ainsi, il n’y aurait rien de stable à sa surface, tandis que les observations elles-mêmes nous prouvent que l’esquisse générale est stable. Quelques-unes des taches sombres de Mars doivent donc être de nature atmosphérique.

Nous allons maintenant entrer dans une période de découvertes nouvelles.


  1. Philosophical Transactions for 1781, vol. LXXI, Part. I, page 115. — Id., for 1784, vol. LXXIV, Part. II, page 233.
  2. Philosophical Transactions, 1781, page 134, et 1784, page 273.
  3. Astronomical observations on the rotation of the planets round their axes, made with a view lo determine whether the Earth’s diurnal motion is perfectly equable.
  4. On the remarkable appearances at the polar regions of the planet Mars, the inclination of its axis, the position of is poles, and its spheroidical figure ; with a few hints relating to its real diameter and atmosphere, by William Herschel, Esq. F. R. S..
  5. Cette conclusion a été confirmée depuis. Le 28 novembre 1832, James South observa l’occultation, par Mars, d’une étoile de 8e grandeur, spécialement en vue de cet objet. Là ne se montra pas le moindre changement dans l’étoile ; elle garda au contraire toute sa lumière et sa couleur bleu clair jusqu’au moment de sa véritable entrée ; à sa sortie, nul changement ne se montra non plus ; c’est une preuve que l’atmosphère de Mars n’est pas sensible au bord de la planète, vue d’ici. La lunette de South, longue de 5m,70 et d’une ouverture de 30cm, avait une remarquable puissance de définition. On trouvera plus loin ces observations.
  6. Histoire de l’Astronomie moderne, tome II, p. 603.
  7. Observations aréographiques faites à son observatoire de Lilienthal.
  8. Areographische Beitrage zur genauern Kenntniss und Beurtheilung des Planeten Mars, in mathematisch Hinsicht, von Dr J. H. Schrœter ; mit 16 Kupfertafeln. Nach dem manuscripte auf der Leidener Sternwarte, herausgegeben von H.-G Van de Sande Bakhuyzen, Director der Sternwarte. 1 vol. in-8o avec 230 dessins. Leyde, 1881.
  9. W. Herschel avait trouvé pour les mêmes éléments :
    Latitude céleste du pôle sud
    59° 42′
    Latitude céleste du pôle sudLongitude»
    167° 47′
    Obliquité de l’écliptique de Mars
    28° 42′
    Longitude du point équinoxial du printemps pour l’hémisphère boréal.
    259° 28′
  10. Terby, Areographische fragmente. Manuscrit et dessins originaux et inédits de l’astronome J. H. Schrœter, de Lilienthal. — Bruxelles, 1873.
  11. Le Mémoire de M. Van de Sande Bakhuyzen, Untersuchungen über die Rotationszeit des Planeten Mars, nous a été fort utile pour l’identification des taches.
  12. Les observations de Schrœter ont été faites à l’aide de télescopes de 4, 7, 13 et 27 pieds de longueur, armés de grossissements de 74, 95, 134, 160, 180, 270, 288 et même 515.
  13. Les taches de la planète Mars. — Aux observations de Flaugergues, en 1796, nous pouvons en ajouter une, faite le 18 avril, sur le contact de la planète avec l’étoile de 6e grandeur b du Sagittaire : Mars venait de passer devant cette étoile, qui ne reprit complètement son éclat que lorsqu’elle fut éloignée à la moitié du diamètre de la planète. L’observateur attribue avec raison cette diminution à l’éclat de Mars.
  14. Observations de Mars faites à Quedlinburg en 1802, publiées dans l’Astronomisches Jahrbuch für 1806 et 1810.
  15. Observations faites à Mannheim et Francfort, en 1805. Astronomisches Jahrbuch für 1808, p. 238 (Berlin 1805).
  16. Einige physisch astronomische Beobachtungen des Saturns, Mars, des Mondes, des Venus, etc. (Astronomisches Jahrbuch (de Berlin) für 1817, p. 185 ; — Id., de Munich, édité par Gruithuisen, 1839, p. 12 : 1840, p. 98 ; 1841, p. 100 ; 1842, p. 155 ; 1847, p. 149 ; 1848, p. 124.)
  17. En 1804, Napoléon, projetant de se rendre au camp de Boulogne, fit venir Delambre et lui demanda la meilleure lunette du Bureau des Longitudes, pour être pointée vers les côtes anglaises. — « Sire, répondit le fonctionnaire, nous pouvons vous donner la lunette de Dollond ; Votre Majesté ferait une chose agréable aux astronomes si elle voulait nous accorder en échange une excellente lunette de 4 pouces, que vient de construire M. Lerebours. — Elle est donc meilleure ? repartit l’Empereur. — Oui, Sire. — Eh bien alors ; je la prends pour moi ».

    Au retour du camp de Boulogne, Napoléon en fit don à l’Observatoire de Paris.

  18. Einige physische Beobachtungen des Mondes, des Saturns und Mars, etc. (Astronomisches Jahrbuch für 1825. Berlin, 1822.)
  19. Beobachtungen und Bemerkungen über den Mars vom Jahr 1824, vom Prof. Harding in Göttingen (Astr. Jahrbuch für 1828. Berlin, 1825). — En 1824, Pictet, à l’Observatoire de Genève, a également observé Mars, mais c’est seulement au point de vue de sa position et de la parallaxe. Il en avait été de même de Lalande en 1798. Nous n’avons pas à parler ici de ces observations de positions.
  20. Plusieurs ont été identifiés plus haut. Pour compléter les documents relatifs à cette première période, nous ajouterons ici, d’après M. Van de Sande Bakhuyzen, les longitudes du centre des meilleurs croquis d’Herschel, reproduits p. 51 et 57.
    1777, fig. 14 : 037°  1779, fig. 20 : 310°  1781, fig. 08 : 317°  1784, fig. 18 : 237°
    1777,» fig.» 15 : 066 1779,» fig.» 21 : 282 1781,» fig.» 11 : 319 1784,» fig.» 19 : 167
    1777,» fig.» 16 : 074 1779,» fig.» 22 : 303 1784, fig.» 14 : 001 1784,» fig.» 20 : 211
    1777,» fig.» 17 : 324   1784,» fig.» 15 : 021 1784,» fig.» 21 : 118
    1777,» fig.» 18 : 262 1781, fig. 06 : 292 1784,» fig.» 16 : 008 1784,» fig.» 22 : 055
    1777,» fig.» 19 : 247 1781,» fig.» 07 : 300 1784,» fig.» 17 : 308

    Ce que l’on reconnaît de plus sûr, c’est la mer du Sablier, aux fig. 17 de 1777, 20, 21, 22 de 1779, 6, 7, 8, 11 et 17 de 1781. Les détroits Herschel II et Arago sont reconnaissables sur ce dernier croquis.