L’Encyclopédie/1re édition/NATUREL
NATUREL, adj. (Philos.) se dit de quelque chose qui se rapporte à la nature, qui vient d’un principe de la nature, ou qui est conforme au cours ordinaire & à l’ordre de la nature. Voyez Nature.
Quand une pierre tombe de haut en bas, le vulgaire croit que cela lui arrive par un mouvement naturel, en quoi le vulgaire est dans l’erreur. Voyez l’article Force, p. 112. du VII. vol. j. col.
Les guérisons faites par les Médecins, sont des opérations naturelles ; mais celles de Jésus-Christ étoient miraculeuses & surnaturelles. Voyez Miracle, voyez aussi l’article Naturel qui suit.
Enfans naturels, sont ceux qui ne sont point nés d’un légitime mariage. Voyez Bastard.
Horison naturel, se dit de l’horison physique & sensible. Voyez Horison.
Jour naturel, voyez Jour.
Philosophie naturelle, c’est la science qui considere les propriétés des corps naturels, l’action mutuelle des uns sur les autres ; on l’appelle autrement Physique. Voyez Physique & Nature…
L’illustre M. Newton nous a donné un ouvrage intitulé : Principes mathématiques de la philosophie naturelle, où ce grand géometre détermine par des principes mathématiques, les lois des forces centrales, de l’attraction des corps, de la résistance des fluides, du mouvement des planetes dans leurs orbites, &c. Voyez Central, Planete, Résistance, &c. voyez aussi Newtonianisme, Attraction, Gravitation, &c. Chambers. (O)
Naturel, (Métaph.) nous avons à considerer ici ce mot sous deux regards. 1°. En-tant que les choses existent, & qu’elles agissent conformément aux lois ordinaires que Dieu a établies pour elles ; & par-là ce que nous appellons naturel, est opposé au surnaturel ou miraculeux. 2°. En-tant qu’elles existent ou qu’elles agissent, sans qu’il survienne aucun exercice de l’industrie humaine ou de l’attention de notre esprit, par rapport à une fin particuliere : dans ce sens, ce que nous appellons naturel, est opposé à ce que nous appellons artificiel, qui n’est autre chose que l’industrie humaine.
Il paroît difficile quelquefois de démêler le naturel en-tant qu’opposé au surnaturel ; dans ce dernier sens, le naturel suppose des lois générales & ordinaires : mais sommes-nous capables de les connoître sûrement ? On distingue assez un effet qui n’est point surnaturel ou miraculeux ; on ne distingue pas si déterminement ce qui l’est. Tout ce que nous voyons arriver régulierement ou fréquemment, est naturel ; mais tout ce qui arrive d’extraordinaire dans le monde est-il miraculeux ? C’est ce qu’on ne peut assurer. Un événement très-rare pourroit venir du principe ordinaire, qui dans la suite des révolutions & des changemens auroit formé une sorte de prodige, sans quitter la regle de son cours, & l’étendue de sa sphere. Ainsi voit-on quelquefois des monstres du caractere le plus inoui, sans qu’on y trouve rien de miraculeux & de surnaturel. Comment donc nous assurer, demandera-t-on, que les événemens regardés comme surnaturels & miraculeux le sont réellement, ou comment savoir jusqu’où s’étend la vertu de ce principe ordinaire, qui par une longue suite de tems & de combinaisons particulieres, peut faire les choses les plus extraordinaires ?
J’avoue qu’en beaucoup d’événemens qui paroissent des merveilles au peuple, un homme sage doit avec prudence suspendre son jugement. Il faut avouer aussi qu’il est des événemens d’un tel caractere, qu’il ne peut venir à l’esprit des personnes sensées, de juger qu’ils sont l’effet de ce principe commun des choses, & que nous appellons l’ordre de la nature : tel est, par exemple, la résurrection d’un homme mort.
On aura beau dire qu’on ne sait pas jusqu’où s’étendent les forces de la nature, & qu’elle a peut-être des secrets pour opérer les plus surprenans effets, sans que nous en connoissions les ressorts. La passion de contrarier, ou quelqu’autre intérêt, peut faire venir cette pensée à l’esprit de certaines gens ; mais cela ne fait nulle impression sur les personnes judicieuses, qui font une sérieuse réflexion, & qui veulent agir de bonne foi avec eux-mêmes comme avec les autres. L’impression de vérité commune qui se trouve manifestement dans le plus grand nombre des hommes sensés & habiles, est la regle infaillible pour discerner le surnaturel d’avec le naturel : c’est la regle même que l’Auteur de la nature a mise dans tous les hommes ; & il se seroit démenti lui-même s’il leur avoit fait juger vrai ce qui est faux, & miraculeux ce qui n’est que naturel.
Le naturel est opposé à l’artificiel aussi-bien qu’au miraculeux ; mais non de la même maniere. Jamais ce qui est surnaturel & miraculeux ne sauroit être dit naturel ; mais ce qui est artificiel peut s’appeller naturel, & il l’est effectivement en-tant qu’il n’est point miraculeux.
L’artificiel n’est donc que ce qui part du principe ordinaire des choses, mais auquel est survenu le soin & l’industrie de l’esprit humain, pour atteindre à quelque fin particuliere que l’homme se propose.
La pratique d’élever avec des pompes une masse d’eau immense, est quelque chose de naturel ; cependant elle est dite artificielle & non pas naturelle, en-tant qu’elle n’a été introduite dans le monde que moyennant le soin & l’industrie des hommes.
En ce sens là, il n’est presque rien dans l’usage des choses, qui soit totalement naturel, que ce qui n’a point été à la disposition des hommes. Un arbre, par exemple, un prûnier est naturel lorsqu’il a crû dans les forêts, sans qu’il ait été ni planté ni greffé ; aussi-tôt qu’il l’a été, il perd en ce sens là, autant de naturel qu’il a reçu d’impressions par le soin des hommes. Est-ce donc que sur un arbre greffé, il n’y croît pas naturellement des prûnes ou des cerises ? Oui en-tant qu’elles n’y croissent pas surnaturellement ; mais non pas en-tant qu’elles y viennent par le secours de l’industrie humaine, ni en tant qu’elles deviennent telle prûne ou telle cerise, d’un goût & d’une douceur qu’elles n’auroient point eu sans le secours de l’industrie humaine ; par cet endroit la prûne & la cerise sont venues artificiellement & non pas naturellement.
On demande ici, en quel sens on dit, parlant d’une sorte de vin, qu’il est naturel, tout vin de foi étant artificiel ; car sans l’industrie & le soin des hommes il n’y a point de vin : de sorte qu’en ce sens là le vin est aussi véritablement artificiel que l’eau-de-vie & l’esprit-de-vin. Quand donc on appelle du vin naturel, c’est un terme qui signifie que le vin est dans la constitution du vin ordinaire ; & sans qu’on y ait rien fait que ce qu’on a coutume de faire à tous les vins qui sont en usage dans le pays & dans le tems où l’on se trouve.
Il est aisé après les notions précédentes, de voir en quel sens on applique aux diverses sortes d’esprit la qualité de naturel & de non-naturel. Un esprit est censé & dit naturel, quand la disposition où il se trouve ne vient ni du soin des autres hommes, dans son éducation, ni des réflexions qu’il auroit fait lui-même en particulier pour se former.
Au terme de naturel, pris en ce dernier sens, on oppose les termes de cultivé ou d’affecté, dont l’un se prend en bonne & l’autre en mauvaise part : l’un qui signifie ce qu’un soin & un art judicieux a sçu ajouter à l’esprit naturel ; l’autre ce qu’un soin vain & malentendu y ajoute quelquefois.
On en peut dire à proportion autant des talens de l’esprit. Un homme est dit avoir une logique ou une éloquence naturelle. lorsque sans les connoissances acquises par l’industrie & la réflexion des autres hommes, ni par la sienne propre, il raisonne cependant aussi juste qu’on puisse raisonner ; ou quand il fait sentir aux autres, comme il lui plait, avec force & vivacité ses pensées & ses sentimens.
Naturel, le, s. m. (Morale.) le tempérament, le caractere, l’humeur, les inclinations que l’homme tient de la naissance, est ce qu’on appelle son naturel. Il peut être vicieux ou vertueux, cruel & farouche comme dans Néron, doux & humain comme dans Socrate, beau comme dans Montesquieu, infâme comme dans C …, F … ou P …, &c.
L’éducation, l’exemple, l’habitude peuvent à la vérité rectifier le naturel dont le penchant est rapide au mal, ou gâter celui qui tend le plus heureusement vers le bien ; mais quelque grande que soit leur puissance, un naturel contraint, le trahit dans les occasions imprévues : on vient à bout de le vaincre quelquefois, jamais on ne l’étouffe. La violence qu’on lui fait, le rend plus impétueux dans ses retours ou dans ses emportemens. Il est cependant un art de former l’ame comme de façonner le corps, c’est de proportionner les exercices aux forces, & de donner du relâche aux efforts. Il y a deux tems à observer : le moment de la bonne volonté pour se fortifier, & le moment de la répugnance pour se roidir. De ces deux extrémités, résulte une certaine aisance propre à maintenir le naturel dans un juste tempérament. Nos sentimens ne tiennent pas moins au naturel, que nos actions à l’habitude. La superstition seule surmonte le penchant de la nature, & l’ascendant de l’habitude, témoin le moine Clément.
Le bon naturel semble naître avec nous ; c’est un des fruits d’un heureux tempérament que l’éducation peut cultiver avec gloire, mais qu’elle ne donne pas. Il met la vertu dans son plus grand jour, & diminue en quelque maniere la laideur du vice ; sans ce bon naturel, du moins sans quelque chose qui en revêt l’apparence, on ne sauroit avoir aucune société durable dans le monde. De-là vient que pour en tenir lieu, on s’est vu réduit à forger une humanité artificielle, qu’on exprime par le mot de bonne éducation ; car si l’on examine de près l’idée attachée à ce terme, on verra que ce n’est autre chose que le singe du bon naturel, ou si l’on veut, l’affabilité, la complaisance & la douceur du tempérament, réduite en art. Ces dehors d’humanité rendent un homme les délices de la société, lorsqu’ils se trouvent fondés sur la bonté réelle du cœur ; mais sans elle, ils ressemblent à une fausse montre de sainteté, qui n’est pas plûtôt découverte, qu’elle rend ceux qui s’en parent, l’objet de l’indignation de tous les gens de bien.
Enfin, comme c’est du naturel que notre sort dépend, heureux est celui qui prend un genre de vie conforme au caractere de son cœur & de son esprit, il trouvera toujours du plaisir & des ressources dans le choix de son attachement ! (D. J.)
Naturelle, loi, s. f. (Droit naturel.) on définit la loi naturelle, une loi que Dieu impose à tous les hommes, & qu’ils peuvent découvrir par les lumieres de leur raison, en considérant attentivement leur nature & leur état.
Le droit naturel est le système de ces mêmes lois, & la jurisprudence naturelle est l’art de développer les lois de la nature, & de les appliquer aux actions humaines.
Le savant évêque de Péterborough définit les lois naturelles, certaines propositions d’une vérité immuable, qui servent à diriger les actes volontaires de notre ame dans la recherche des biens ou dans la fuite des maux, & qui nous imposent l’obligation de régler nos actions d’une certaine maniere, indépendamment de toute loi civile, & mises à part les conventions par lesquelles le gouvernement est établi. Cette définition du docteur Cumberland revient au même que la nôtre.
Les lois naturelles sont ainsi nommées parce qu’elles dérivent uniquement de la constitution de notre être avant l’établissement des sociétés. La loi, qui en imprimant dans nous-mêmes l’idée d’un créateur, nous porte vers lui, est la premiere des lois naturelles par son importance, mais non pas dans l’ordre de ses lois. L’homme dans l’état de nature, ajoute M. de Montesquieu, auroit plûtôt la faculté de connoître, qu’il n’auroit des connoissances. Il est clair que ses premieres idées ne seroient point ses idées spéculatives, il songeroit à la conservation de son être avant que de chercher l’origine de son être.
Un homme pareil ne sentiroit d’abord que sa foiblesse ; sa timidité seroit extrème ; & si l’on avoit là-dessus besoin de l’expérience, l’on a trouvé dans les forêts des hommes sauvages ; tout les fait trembler, tout les fait fuir. Les hommes dans cet état de nature ne cherchent donc point à s’attaquer, & la paix est la premiere loi naturelle.
Au sentiment de sa foiblesse, l’homme joint le sentiment de ses besoins. Ainsi une autre loi naturelle est celle qui lui inspire de chercher à se nourrir.
Je dis que la crainte porteroit les hommes à se fuir ; mais les marques d’une crainte réciproque les engageroit bientôt à s’approcher. Ils y seroient portés d’ailleurs par le plaisir qu’un animal sent à l’approche d’un animal de son espece. De plus, ce charme que les deux sexes s’inspirent par leur différence, augmenteroit ce plaisir ; & la priere naturelle qu’ils se font toujours l’un à l’autre, seroit une troisieme loi.
Les hommes parvenant à acquérir des connoissances, ont un nouveau motif de s’unir pour leur bien commun ; ainsi le desir de vivre en société est une quatrieme loi naturelle.
On peut établir trois principes généraux des lois naturelles, savoir 1°. la religion : 2°. l’amour de soi-même : 3°. la sociabilité, ou la bienveillance envers les autres hommes.
La religion est le principe des lois naturelles qui ont Dieu pour objet. La raison nous faisant connoître l’être suprême comme notre créateur, notre conservateur & notre bienfaiteur : il s’ensuit que nous devons reconnoître notre dépendance absolue à son égard. Ce qui par une conséquence naturelle, doit produire en nous des sentimens de respect, d’amour & de crainte, avec un entier dévouement à sa volonté ; ce sont là les sentimens qui constituent la religion. Voyez Religion.
L’amour de soi-même, j’entends un amour éclairé & raisonnable, est le principe des lois naturelles qui nous concernent nous mêmes. Il est de la derniere évidence que Dieu en nous créant, s’est proposé notre conservation, notre perfection & notre bonheur. C’est ce qui paroît manifestement, & par les facultés dont l’homme est enrichi, qui tendent à ces fins, & par cette forte inclination qui nous porte à rechercher le bien & à fuir le mal. Dieu veut donc que chacun travaille à sa conservation & à sa perfection, pour acquérir tout le bonheur dont il est capable, conformément à sa nature & à son état. Voyez Amour de soi-même.
La sociabilité, ou la bienveillance envers les autres hommes, est le principe d’où l’on peut déduire les lois naturelles qui regardent nos devoirs réciproques, & qui ont pour objet la société, c’est-à-dire les humains avec lesquels nous vivons. La plûpart des facultés de l’homme, ses inclinations naturelles, sa foiblesse & ses besoins, sont autant de liens qui forment l’union du genre humain, d’où dépend la conservation & le bonheur de la vie. Ainsi tout nous invite à la sociabilité ; le besoin nous en impose la nécessité, le penchant nous en fait un plaisir, & les dispositions que nous y apportons naturellement, nous montrent que c’est en effet l’intention de notre créateur.
Mais la société humaine ne pouvant ni subsister, ni produire les heureux effets pour lesquels Dieu l’a établie, à moins que les hommes n’aient les uns pour les autres des sentimens d’affection & de bienveillance, il s’ensuit que Dieu veut que chacun soit animé de ces sentimens, & fasse tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir cette société dans un état avantageux & agréable, & pour en resserrer de plus en plus les nœuds par des services & des bienfaits réciproques. Voyez Sociabilité.
Ces trois principes, la religion, l’amour de soi-même & la sociabilité, ont tous les caracteres que doivent avoir des principes de lois ; ils sont vrais puisqu’ils sont pris dans la nature de l’homme, dans sa constitution, & dans l’état où Dieu l’a mis. Ils sont simples, & à la portée de tout le monde ; ce qui est un point important, parce qu’en matiere de devoirs, il ne faut que des principes que chacun puisse saisir aisément, & qu’il y a toujours de danger dans la subtilité d’esprit qui fait chercher des routes singulieres & nouvelles. Enfin ces mêmes principes sont suffisans & très-féconds, puisqu’ils embrassent tous let objets de nos devoirs, & nous font connoître la volonté de Dieu dans tous les états, & toutes les relations de l’homme.
1°. Les lois naturelles sont suffisamment connues des hommes, car on en peut découvrir les principes, & de-là déduire tous nos devoirs par l’usage de la raison cultivée ; & même la plûpart de ces lois sont à la portée des esprits les plus médiocres.
2°. Les lois naturelles ne dépendent point d’une institution arbitraire ; elles dépendent de l’institution divine fondée d’un côté sur la nature & la constitution de l’homme ; de l’autre sur la sagesse de Dieu, qui ne sauroit vouloir une fin, sans vouloir en même tems les moyens qui seuls peuvent y conduire.
3°. Un autre caractere essentiel des lois naturelles, c’est qu’elles sont universelles, c’est-à-dire qu’elles obligent tous les hommes sans exception ; car non seulement tous les hommes sont également soumis à l’empire de Dieu, mais encore les lois naturelles ayant leur fondement dans la constitution & l’état des hommes, & leur étant notifiées par la raison, il est bien manifeste qu’elles conviennent essentiellement à tous, & les obligent tous sans distinction, quelque différence qu’il y ait entr’eux par le fait, & dans quelqu’état qu’on les suppose. C’est ce qui distingue les lois naturelles des lois positives ; car une loi positive ne regarde que certaines personnes, ou certaines sociétés en particulier.
4°. Les lois naturelles sont immuables, & n’admettent aucune dispense. C’est encore là un caractere propre de ses lois, qui les distingue de toutes lois positives, soit divines, soit humaines. Cette immutabilité des lois naturelles n’a rien qui répugne à l’indépendance, au souverain pouvoir, ou à la liberté de l’être tout parfait. Etant lui-même l’auteur de notre constitution, il ne peut que prescrire ou défendre les choses qui ont une convenance ou une disconvenance nécessaire avec cette même constitution, & par conséquent il ne sauroit rien changer aux lois naturelles, ni en dispenser jamais. C’est en lui une glorieuse nécessité que de ne pouvoir se démentir lui-même.
Je couronne cet article par ce beau passage de Cicéron ; la loi, dit-il, legum, lib. II. n’est point une invention de l’esprit humain, ni un établissement arbitraire que les peuples aient fait ; mais l’expression de la raison éternelle qui gouverne l’univers. L’outrage que Tarquin fit à Lucrece n’en étoit pas moins un crime, parce qu’il n’y avoit point encore à Rome de loi écrite contre ces sortes de violences. Tarquin pécha contre la loi éternelle, qui étoit loi dans tous les tems, & non pas seulement depuis l’instant qu’elle a été écrite. Son origine est aussi ancienne que l’esprit divin ; car la véritable, la primitive, & la principale loi n’est autre chose que la souveraine raison du grand Jupiter.
Cette loi, dit il ailleurs, est universelle, éternelle, immuable ; elle ne varie point selon les lieux & les tems : elle n’est pas différente aujourd’hui de ce qu’elle étoit anciennement. Elle n’est point autre à Rome, & autre à Athènes. La même loi immortelle regle toutes les nations, parce qu’il n’y a qu’un seul Dieu qui a donné & publié cette loi. Cicer. de Repub. lib. III. apud Lactant. instit. div. lib. VI. cap. viij.
C’en est assez sur les lois naturelles considérées d’une vue générale ; mais comme elles sont le fondement de toute la morale & de toute la politique, le lecteur ne peut en embrasser le système complet, qu’en étudiant les grands & beaux ouvrages sur cette matiere : ceux de Grotius, de Pufendorf, de Thomasius, de Buddé, de Sharrock, de Selden, de Cumberland, de Wollaston, de Locke, & autres savans de cet ordre. (D. J.)
Naturel, (Arithmét.) dans les tables des logarithmes, on appelle nombres naturels ceux qui expriment les nombres consécutifs 1, 2, 3, 4, 5, &c. à l’infini, pour les distinguer des nombres artificiels, qui en sont les logarithmes. Voyez Logarithme, Chambers. (E)
Naturel, adj. ce mot en Musique, a plusieurs sens : 1°. musique naturelle se dit du chant formé par la voix humaine, par opposition a la musique artificielle, qui se fait avec des instrumens : 2°. on dit qu’un chant est naturel quand il est aisé, doux, gracieux ; qu’une harmonie est naturelle quand elle est produite par les cordes essentielles & naturelles du mode. 3°. Naturel se dit encore de tout chant qui n’est point forcé, qui ne va ni trop haut ni trop bas, ni trop vîte, ni trop lentement. Enfin la signification la plus commune de ce mot, & la seule dont l’abbé Brossard n’a point parlé, s’applique aux tons ou modes dont les sons se tirent de la gamme ordinaire, sans altérations. De sorte qu’un mode naturel est celui où l’on n’emploie ni dièse ni bémol. Dans la rigueur de ce sens, il n’y auroit qu’un seul mode naturel, qui seroit celui d’ut majeur ; mais on étend le nom de naturel à tout mode, dont les cordes essentielles seulement ne portent ni dièse ni bémol ; tels sont les modes majeurs de sol & de fa ; les modes mineurs de la & de ré, &c. Voyez Mode, Transposition, Clé transposée. (S)
Naturel, est en usage dans le Blason, pour signifier des animaux, des fruits, des fleurs, qui sont peints dans un écu avec leurs couleurs naturelles, quoique différentes des couleurs ordinaires dans le Blason ; ce mot sert à empêcher qu’on n’accuse des armoiries d’être fausses, quand elles portent des couleurs inconnues dans le blason. Voyez Couleur & Blason. Berthelas en Forêt, d’azur à un tigre au naturel.