L’Encyclopédie/1re édition/PHYSIQUE
PHYSIQUE, s. f. (Ordre encyclopléd. Entend. Raison, Philos. ou Science, Science de la nature, Physique.) cette science que l’on appelle aussi quelquefois Philosophie naturelle, est la science des propriétés des corps naturels, de leurs phénomenes & de leurs effets, comme de leurs différentes affections, mouvemens, &c. Voyez Philosophie & Nature. Ce mot vient du grec Φύσις, nature.
On fait remonter l’origine de la Physique aux Grecs & même aux Barbares, c’est-à-dire aux brachmanes, aux mages, au pretre, égyptiens. Voyez Brachmane, Mages, &c.
De ceux-ci elle passa aux sages de la Grece, particulierement à Thalès, que l’on dit avoir été le premier qui se soit appliqué, parmi les Grecs, à l’étude de la nature.
De-là elle se communiqua aux écoles de Pythagore, de Platon, des Péripatéticiens, qui la répandirent en Italie, & de-là par tout le reste de l’Europe. Cependant les druides, les bardes, &c. avoient aussi une physique qui leur étoit propre. Voyez Pythagoricien, Platonicien, Péripatéticien, voyez aussi Druide, Barde, &c.
On peut voir dans le Système figuré qui est à la suite du Discours préliminaire de cet Ouvrage, & dans l’explication détaillée de ce système, les différentes divisions & branches de la Physique. Pour ne point nous répéter, nous y renvoyons le lecteur, comme nous avons deja fait à l’article Mathématiques pour les divisions de cette science.
Par rapport à la maniere dont on a traité la Physique, & aux personnes qui l’ont cultivée, on peut diviser cette science en Physique symbolique, qui ne consistoit qu’en symboles ; telle étoit celle des anciens Egyptiens, Pythagoriciens & Platoniciens qui exposoient les propriétés des corps naturels sous des caracteres arithmétiques, géométriques & hiéroglyphes. Voyez Hiéroglyphes.
La Physique péripatéticienne, ou celle des sectateurs d’Aristote, qui expliquoit la nature des choses par la matiere, la forme & la privation, par les qualités élémentaires & occultes, les sympathies, les antipathies, &c.
La Physique expérimentale qui cherche à découvrir les raisons & la nature des choses, par le moyen des expériences, comme celles de la Chimie, de l’Hydrostatique, de la Pneumatique, de l’Optique, &c. Voyez l’article Expérimentale, où on a traité en détail de cette espece de physique, qui est proprement la seule digne de nos recherches.
La Physique méchanique & corpusculaire qui se propose de rendre raison des phénomenes de la nature en n’employant point d’autres principes que la matiere, le mouvement, la structure, la figure des corps & de leurs parties ; le tout conformément aux lois de la nature & du méchanisme bien constatées. Voyez Corpusculaire. Chambers.
La Physique, dit M. Musschenbroeck, a trois sortes d’objets qui sont le corps, l’espace ou le vuide, & le mouvement. Nous appellons corps tout ce que nous touchons avec la main, & tout ce qui souffre quelque résistance lorsqu’on le presse. Nous donnons le nom d’espace ou de vuide à toute cette étendue de l’univers, dans laquelle les corps se meuvent librement. Le mouvement est le transport d’un corps d’une partie de l’espace dans un autre. Voyez Corps, Espace, Mouvement.
On appelle phénomenes tout ce que nous découvrons dans les corps à l’aide de nos sens. Ces phénomenes regardent la situation, le mouvement, le changement & l’effet.
Tout changement que nous voyons survenir aux corps, n’arrive que par le moyen du mouvement ; il suffit d’y faire quelque attention, pour en être entierement convaincu. Un morceau de bois quelque dur qu’il puisse être, devient vieux avec le tems, il se fend, il se desseche, il dépérit, & tombe enfin en poussiere, quoiqu’il soit toujours resté dans la même place sans aucun mouvement ; ce changement est arrivé parce que l’air ou les parties du feu ont continuellement environné ce bois, & s’y sont introduits. Une boule de cire serrée & comprimée des deux côtés, devient plate & change de figure, parce que ses parties étant pressées & enfoncées, sont par conséquent mises en mouvement & hors de leur place. On peut faire voir aussi de quelle maniere un changement peut arriver lorsque le mouvement vient à s’arrêter. Cela paroît dans un verre rempli d’eau trouble mêlée de boue ; cette eau reste trouble aussi long-tems qu’on la tient en mouvement ; mais dès qu’on la laisse reposer pendant quelque tems, toutes les petites parties de cette boue n’étant plus soutenues par celles de l’eau, tomberont par leur propre poids au fond du verre, & se sépareront de l’eau qui restera fort claire. Le mouvement est donc un des principaux objets de la Physique.
On a observé que tous les corps se meuvent selon certaines lois ou regles, quelle que puisse être la cause qui les met en mouvement. Toutes les plantes & tous les animaux ne se produisent que par le moyen de leurs semences, & cela toujours de la même maniere, & selon les mêmes lois. Les corps qui se choquent ou se communiquent réciproquement leurs forces, ou les font diminuer, ou perdre entierement, selon des lois constantes. Voyez Percussion.
On n’a encore découvert qu’un petit nombre de lois dans la Physique, parce qu’on n’a pas fait beaucoup de progrès dans cette science durant les siecles précédens. Il est par conséquent de notre devoir de faire une recherche exacte de ces lois autant qu’il est possible. Pour cet effet nous devons observer avec soin toutes sortes de corps terrestres, les examiner ensuite, & y faire toutes les recherches & les remarques dont nous sommes capables.
On range tous les corps terrestres dans quatre différentes classes, qui sont celles des animaux, celle des végétaux, celle des fossiles & celle des corps de l’atmosphere. Chacun de ses genres se partage encore en diverses especes, & celles-ci se distribuent aussi en diverses autres moins étendues que les premieres. Après avoir commencé à rassembler les corps, & les avoir rangés selon leurs genres & leurs especes, on a trouvé que le nombre de chacun de ces genres étoit fort grand ; de sorte que la Physique est inépuisable.
La premiere chose que nous devons faire, c’est d’examiner tous ces corps, & de mettre tout en œuvre pour tâcher de connoître les propriétés de chacun d’eux en particulier ; nous pourrons ensuite établir d’abord les lois communes, selon lesquelles nous remarquerons qu’il a plu au Tout-puissant d’entretenir & de faire opérer tout ce qu’il a créé lui-même. Nous ne devons pas nous trop précipiter dans cette occasion, en tirant d’abord des conclusions générales de quelques observations particulieres que nous pourrions avoir faites ; mais il vaut mieux n’aller ici que lentement, & travailler beaucoup à faire des recherches & des découvertes. Quand on examine tout avec exactitude, on trouve qu’il y a beaucoup plus de lois particulieres, que de lois générales.
C’est pourquoi on doit prier tous les véritables amateurs de la nature de rechercher & d’examiner avec soin & avec la derniere exactitude toutes sortes de corps, afin que les hommes puissent parvenir un jour ou l’autre à une plus parfaite connoissance des lois de la nature. Il est entierement impossible de parvenir à ce point, sans recueillir les remarques & les découvertes des savans, & sans recourir en même tems à des nouvelles expériences. Mussch. Essai de Physiq. §. 3. & suiv.
Un des grands écueils de la Physique est la manie de tout expliquer. Pour montrer combien en doit se défier des explications même les plus plausibles, je supposerai un exemple. Supposons que la neige tombe en été, & la grêle en hiver (on sait que c’est tout le contraire), & imaginons qu’on entreprenne d’en rendre raison ; on dira : La neige tombe en été parce que les particules des vapeurs dont elle est formée n’ont pas le tems de se congeler entierement avant d’arriver à terre, la chaleur de l’air que nous respirons empêchant cette congelation ; au contraire en hiver l’air qui est proche de la terre étant très-froid, congele & durcit ces parties ; c’est ce qui forme la grêle. Voilà une explication dont tout le monde seroit satisfait, & qui passeroit pour démonstrative. Cependant le fait est faux. Osons après cela expliquer les phénomenes de la nature. Supposons encore que le barometre hausse avant la pluie (on sait que c’est le contraire) ; cependant on l’expliqueroit très-bien : car on diroit qu’avant la pluie, les vapeurs dont l’air est chargé le rendent plus pesant, & par conséquent doivent faire hausser le barometre.
Mais si la retenue & la circonspection doivent être un des principaux caracteres du physicien, la patience & le courage doivent d’un autre côté le soutenir dans son travail. En quelque matiere que ce soit, on ne doit pas trop se hâter d’élever entre la nature & l’esprit humain un mur de séparation ; en nous méfiant de notre industrie, gardons-nous de nous en méfier avec excès. Dans l’impuissance que nous sentons tous les jours de surmonter tant d’obstacles qui se présentent à nous, nous serions sans doute trop heureux, si nous pouvions du moins juger au premier coup d’œil jusqu’où nos efforts peuvent atteindre ; mais telle est tout-à-la-fois la force & la foiblesse de notre esprit, qu’il est souvent aussi dangereux de prononcer sur ce qu’il ne peut pas que sur ce qu’il peut. Combien de découvertes modernes dont les anciens n’avoient pas même l’idée ! Combien de découvertes perdues que nous contesterions trop légerement ! Et combien d’autres que nous jugerions impossibles, sont reservées pour notre postérité ! (O)
Physique, pris adjectivement, se dit de ce qui appartient à la nature ou à la Physique. Voyez Physique & Nature.
En ce sens l’on dit un point physique, par opposition au point mathématique, qui n’existe que par abstraction, & qui est considéré comme étant sans étendue. Voyez Point.
On dit aussi une substance ou un corps physique, par opposition a esprit, ou à substance métaphysique, &c.
Horison physique ou sensible. Voyez Horison.