L’Encyclopédie/1re édition/CLÉ

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* CLÉ, s. m. (Serrurerie.) instrument de fer qui sert à ouvrir & fermer une serrure. On y distingue trois parties principales, l’anneau, la tige, & le panneton : l’anneau est la partie évuidée en cœur ou autrement, qu’on tient à la main quand on ouvre ou ferme la serrure ; la tige est le petit cylindre compris entre l’anneau & le panneton ; le panneton est cette partie saillante à l’autre extrémité de la clé, & placée dans le même plan que l’anneau. On voit que le panneton étant particulierement destiné à faire mouvoir les parties intérieures de la serrure, doit changer de forme, selon le nombre, la qualité, la disposition de ces parties. Pour faire une clé ordinaire, on prend un morceau de fer proportionné à la grosseur de la clé ; on ménage à une extremité une portion d’étoffe pour le panneton ; on forge la tige. On ménage à l’autre bout une autre portion d’étoffe pour l’anneau ; puis on sépare sur la tranche la clé qui est pour ainsi dire enlevée ; on donne au marteau & à la forge, à l’étoffe destinée pour le panneton, la forme la plus approchée de celle qu’il doit avoir ; on perce à la pointe l’étoffe destinée pour l’anneau, qu’on a auparavant applatie au marteau ; puis on acheve la clé à la lime & à l’étau. On verra dans nos Planches de Serrurerie des clés de plusieurs sortes, tant simples qu’ornées, tant ébauchées que finies, tant à panneton platis qu’à panneton en S, tant solides que forées, tant à simple forure qu’à forures multipliées. Les clés simples sont telles que celles que je viens de décrire ; elles sont quelquefois terminées par un bouton : les clés ornées sont celles dont l’anneau évuidé & solide en plusieurs endroits, forme par les parties solides & évuidées des desseins d’ornemens ; les clés à pannetons plats sont celles dont cette partie terminée par des surfaces paralleles, a par-tout la même épaisseur ; les clés à panneton en S, sont celles où cette partie a la figure d’une S. Pour former les ventres de l’S avec plus de facilité, on fore le panneton en deux endroits ; ces forures se font au foret à l’ordinaire ; on enleve ensuite à la lime le reste d’épaisseur d’étoffe qui se trouve au-delà de la forure, & l’S se trouve faite. Exemple : , soit 1 & 2 les trous ou forures, il est évident qu’en enlevant les parties 3 & 4, on formera une S. Les clés solides sont celles dont la tige n’est point percée par le bout d’un trou pour y recevoir une broche ; les clés percées sont celles où le bout de la tige foré peut recevoir une broche. Quelquefois cette forure, au lieu d’être ronde, est en tiers-point, ou d’une autre forme singuliere. Pour la faire facilement, on commence par pratiquer à la tige, au foret, un trou rond ; puis, à l’aide d’un mandrin d’acier bien trempé, & figuré comme la forure qu’on veut faire, on donne à ce trou rond, en y forçant peu-à-peu le mandrin à coups de marteau, la figure du mandrin même, ou de la broche qu’on veut être reçue dans la clé forée. Si la broche est en fleur de lys, & que la forure doive être en fleur de lys, il faudra commencer par travailler en acier un mandrin en fleur de lys. On voit que ces clés à forure singuliere demandent beaucoup de tems & de travail. Si vous concevez une clé forée, & que dans la forure on ait placé une bouterolle, ensorte que la bouterolle ne remplisse pas exactement la forure, vous aurez une clé à triple forure. On voit que par cet artifice de placer une bouterolle dans une bouterolle, & cet assemblage dans une forure, on peut ménager des espaces vuides & profonds, entre des espaces solides & profonds, dans la solidité de ce corps de la tige, & même donner à ces espaces telle forme que l’on veut, ce qui paroît surprenant à ceux qui ignorent ce travail. Voy. dans nos Planches de Serrurerie le détail en figures de toutes ces clés, & des instrumens destinés à les forer.

Voilà ce que c’est qu’une clé, en prenant ce mot au simple ; mais la fonction de cet instrument, d’ouvrir & de fermer, a fait appeller par analogie, du même nom, une infinité d’autres instrumens dont la forme est très-différente. Le nom de clé a aussi été donné, dans un sens moral, à toutes les connoissances nécessaires pour l’intelligence d’un ouvrage, d’un auteur, &c. Voyez dans la suite de cet article le mot. clé, employé selon ses acceptions différentes, tant au simple qu’au figuré. Voy. aussi les art. Serrure, Panneton, &c.

Clé, dans un sens moral & théologique, marque de puissance, comme lorsqu’il est dit, Isaïe xxij. v. 22. Je donnerai à mon serviteur Eliacem la clé de la maison de David ; il ouvrira & nul ne fermera… il fermera & nul n’ouvrira… De préeminence, comme lorsque Jesus-Christ donne à Pierre la clé du royaume des cieux… D’intelligence, comme dans l’endroit où Jesus-Christ reproche aux Pharisiens d’avoir pris la clé de la science, & de ne point entrer dans le royaume des cieux, & de n’en pas ouvrir la porte aux autres, &c.

Clé, caractere de Musique, qui mis au commencement d’une portée, détermine le degré d’élevation de cette portée dans le système général, & indique les noms de toutes les notes qu’elle contient.

Anciennement on appelloit clé les lettres par lesquelles on désignoit les sons de la gamme : ainsi la lettre A étoit la clé de la ; C, la clé d’ut, &c. A mesure que le système s’étendit, on apperçut bien-tôt l’embarras & l’inutilité de cette multitude de clés. Guy d’Arezze qui les avoit inventées, marquoit une lettre ou clé au commencement de chacune des lignes de la portée ; car il ne plaçoit point encore de notes dans les espaces : on voit des exemples de cela dans plusieurs anciens manuscrits. Dans la suite on ne marqua plus qu’une des sept clés au commencement d’une des lignes de la portée, celle-là suffisant pour fixer la position de toutes les autres selon l’ordre naturel. Enfin de ces sept lettres ou clés on en a choisi trois, qu’on a nommé claves signatæ, ou clés marquées, parce qu’on se contente d’en marquer une des trois au commencement des lignes pour donner l’intelligence des autres. En effet Kepler prétend que si étant au fait des anciennes écritures, on examine bien la figure de nos clés, on trouvera qu’elles se rapportent chacune à la lettre un peu défigurée de la note qu’elle représente. Ainsi la clé de sol étoit originairement un G ; la clé d’ut, un C ; & celle de fa, une F.

Nous avons donc trois clés à la quinte l’une de l’autre ; la clé d’f ut fa ou de fa, qui est la plus basse, & qui se marque ainsi  ; la clé d’ut ou de c sol ut, qui se marque ainsi , & qui est une quinte au-dessus de la premiere ; & la clé de sol ou de g ré sol, qui se marque ainsi clef de sol, & qui est une quinte au-dessus de celle d’ut dans l’ordre marqué (Pl. I. Mus. fig. 5.). Sur quoi il faut observer que la clé se pose toûjours sur une ligne, & jamais dans un espace.

En ajoûtant quatre lignes au-dessus de la clé de sol, ce qui fait le plus grand nombre usité, & trois lignes au-dessous de la clé de fa, ce qui est aussi le plus grand nombre, on voit que le système total des notes qu’on peut placer sur les degrés déterminés par ces clés se monte à vingt-quatre, c’est-à-dire trois octaves & une quarte depuis le fa qui se trouve au-dessous de la premiere ligne, jusqu’au si qui se trouve au-dessus de la derniere ; & tout cela forme ensemble ce qu’on appelle le clavier général : par où l’on doit juger que cette étendue a dû faire longtems celle du système. Aujourd’hui qu’il acquiert sans cesse de nouveaux degrés, tant au grave qu’à l’aigu, on marque ces degrés sur des lignes accidentelles qu’on ajoûte en haut ou en bas, selon le besoin.

Au lieu de joindre ensemble toutes les lignes comme nous avons fait ici pour montrer le rapport des clés, on les sépare de cinq en cinq, parce que c’est à-peu-près aux degrés qui y sont compris qu’est bornée l’étendue d’une voix ordinaire. Cette collection de cinq lignes s’appelle portée, & l’on y ajoûte une clé pour déterminer le nom des notes, & pour montrer quel lieu la portée doit occuper dans le clavier.

De quelque maniere qu’on prenne cinq lignes de suite dans le clavier, en y trouve une clé comprise, & quelquefois deux, auquel cas on en retranche une comme inutile : l’usage a même déterminé laquelle il falloit retrancher, & laquelle il falloit poser ; ce qui a donné lieu de fixer le nombre des positions de chaque clé.

Si je fais une portée des cinq premieres lignes du clavier en commençant par le bas, j’y trouve la clé de fa sur la quatrieme ligne : voilà donc une position de clé, & cette position appartient évidemment aux sons les plus graves.

Si je veux gagner une tierce en haut, il faut ajoûter une ligne ; il en faut donc retrancher une en bas, autrement la portée auroit plus de cinq lignes : alors la clé de fa se trouve transportée de la quatrieme ligne sur la troisieme ; la clé d’ut se trouve aussi sur la cinquieme ligne : mais comme deux clés sont inutiles, on retranche ici celle d’ut. On voit que la portée de cette clé est d’une tierce plus élevée que la précédente.

En abandonnant encore une ligne en bas pour en gagner une nouvelle en haut, on a une troisieme portée, où la clé de fa se trouveroit sur la deuxieme ligne, & celle d’ut sur la quatrieme : ici on abandonne la clé de fa, & on prend celle d’ut. On a encore gagné une tierce à l’aigu.

En continuant ainsi de ligne en ligne, on passe successivement par quatre positions différentes de la clé d’ut : arrivant à celle de sol, on la trouve posée d’abord sur la deuxieme, & puis sur la premiere ligne ; & cette derniere position donne le diapason le plus aigu que l’on puisse établir par les clés.

On peut voir (Pl. I. fig. 6.) cette succession des clés du grave à l’aigu, avec toutes leurs positions ; ce qui fait en tout huit portées, clés, ou positions de clés différentes.

De quelque caractere que puisse être une voix ou un instrument, pourvû que son étendue n’excede pas à l’aigu ou grave celle du clavier général, on peut dans ce nombre lui trouver une portée & une clé convenable ; & il y en a en effet de déterminées pour toutes les parties de la Musique. Voyez Parties. Si l’étendue d’une partie est fort grande, & que le nombre de lignes qu’il faudroit ajoûter au-dessus ou au-dessous devienne incommode, alors on change la clé : on voit clairement par la figure quelle clé il faudroit prendre pour élever ou abaisser la portée, de quelque clé qu’elle soit armée actuellement.

On voit aussi que pour rapporter une clé à l’autre, il faut les rapporter toutes deux sur le clavier général, au moyen duquel on voit ce que chaque note de l’une de ces clés est à l’égard de l’autre : c’est par cet exercice réitéré qu’on prend l’habitude de lire aisément les partitions.

Il suit de cette méchanique, qu’on peut placer telle note qu’on voudra de la gamme sur une ligne ou dans un espace quelconque de la portée, puisqu’on a le choix de huit positions différentes, qui est le nombre des sons de l’octave : ainsi on pourroit noter un air entier sur la même ligne, en changeant la clé à chaque note.

La fig. 7. Plan. I. montre par la suite des clés la suite des notes, ré, fa, la, ut, mi, sot, si, ré, montant de tierce en tierce, & toutes placées sur la troisieme ligne.

La figure suivante (8.) représente sur la suite des mêmes clés la note ut, qui paroît descendre de tierce en tierce sur toutes les lignes de la portée & au-delà, & qui cependant, au moyen des changemens de clés, garde toûjours l’unisson.

Il y a deux de ces positions, savoir la clé de sol sur la premiere ligne, & la clé de fa sur la troisieme, dont l’usage paroît s’abolir de jour en jour. La premiere peut sembler moins nécessaire, puisqu’elle ne rend qu’une position toute semblable à celle de fa sur la quatrieme ligne, dont elle differe pourtant de deux octaves. Pour la clé de fa, en l’ôtant tout-à-fait de la troisieme ligne, il est évident qu’on n’aura plus de position équivalente, & que la composition du clavier qui est complette aujourd’hui, deviendra défectueuse en cela. (S)

Clé transposée, est en Musique toute clé accompagnée de dièses ou de bémols. Ces signes y servent à changer le lieu des deux semi-tons de l’octave, comme je l’ai dit au mot Bémol, & à établir l’ordre naturel de l’octave sur tous les differens degrés de l’échelle.

La nécessité de ces altérations naît de la similitude des modes dans tous les tons ; car comme il n’y a qu’une formule pour le mode majeur, il faut que tous les sons de ce mode dans chaque ton se trouvent ordonnés de la même maniere sur leur tonique ; ce qui ne peut se faire qu’à l’aide des dièses ou des bémols. Il en est de même du mode mineur : mais comme la même combinaison de sons qui donne la formule pour un ton majeur, la donne aussi pour le mode mineur d’un autre tonique (Voyez Mode), il s’ensuit que pour les vingt-quatre modes il suffit de douze combinaisons : or si avec la gamme naturelle, on compte six modifications par dièses (Voyez Dièse), & cinq par bémols (Voyez Bémols), ou six par bémols & cinq par dièses ; on trouvera ces douze combinaisons, auxquelles se bornent toutes les variétés possibles des tons dans le système établi.

Nous expliquerons aux mots Dièse & Bémol l’ordre selon lequel ils doivent être placés à la clé. Mais pour transposer la clé convenablement à un ton ou mode quelconque, voici une formule générale trouvée par M. de Boisgelou conseiller au grand-conseil, & qu’il a bien voulu me communiquer.

Je commence par le mode majeur.

Prenant la note ut pour terme de comparaison, nous appellerons intervalles mineurs la quarte ut fa, & tous les intervalles d’ut à une note bémolisée quelconque ; tout autre intervalle est majeur. Remarquez qu’on ne doit pas prendre par dièse la note supérieure d’un intervalle majeur, parce qu’alors on feroit un intervalle superflu ; mais il faut chercher la même chose par bémol, ce qui donnera un intervalle mineur. Ainsi on ne composera pas en la dièse, parce que la sixte ut la étant majeure naturellement, le dièse de la la rendroit superflue : mais on prendra la note si bémol, qui donne la même touche par un intervalle mineur ; ce qui rentre dans la regle.

Voici donc comment le mode majeur doit s’appliquer sur chacun des douze sons de l’octave, divisé par intervalles majeurs & mineurs.

Pour transposer la clé convenablement à une de ces douze notes prise à volonté, comme tonique ou fondamentale, il faut d’abord voir si l’intervalle qu’elle fait avec ut est majeur ou mineur : s’il est majeur, il faut des dièses ; s’il est mineur, il faut des bémols.

Pour déterminer maintenant combien il faut de dièses ou de bémols, soit a le nombre qui exprime l’intervalle d’ut à la note en question ; la formule par dièses sera , & le reste donnera le nombre de dièses, qu’il faut joindre à la clé ; la formule par bémols sera , & le reste sera le nombre des bémols qu’il faut joindre à la clé.

Je veux, par exemple, composer en la mode majeur ; il faudra des dièses, parce que la fait un intervalle majeur avec ut. L’intervalle est une sixte dont le nombre est six : j’en retranche un ; je multiplie le reste cinq par deux, & du produit dix rejettant sept autant de fois qu’il se peut, le reste trois est le nombre des dièses qu’il faut à la clé pour le ton majeur de la.

Que si je veux prendre fa mode majeur, je vois que l’intervalle est mineur, & qu’il faut par conséquent des bémols. Je retranche donc un du nombre quatre de l’intervalle ; je multiplie par cinq le reste trois, & du produit quinze rejettant sept autant de fois qu’il se peut, j’ai un de reste ; c’est un bémol qu’il faut à la clé.

On voit par-là que le nombre de dièses ou de bémols de la clé ne peut jamais passer six, puisqu’ils doivent être le reste d’une division par sept.

Pour les tons mineurs il faut appliquer la même formule des tons majeurs, non sur la tonique, mais sur la note qui est une tierce mineure au-dessus de cette même tonique, c’est-à-dire sur sa médiante.

Ainsi pour composer en si mineur, je transposerai la clé comme pour le ton majeur de ré ; pour fa dièse mineur je la transposerai comme pour la majeur ; pour sol mineur, comme pour si bémol majeur, &c.

Les Musiciens ne déterminent les transpositions qu’à force de pratique, ou en tâtonnant : mais la regle que nous donnons est démontrée générale, & sans exception. (S)

On voit aisément par la méthode que nous proposons ici, que l’on doit mettre un bémol à la clé dans le mode mineur de ré, quoique presque tous les Musiciens François, si on en excepte M. Rameau, ne mettent rien à la clé dans ce mode. La méthode de M. Rameau est pourtant fondée sur cette regle très-simple & très-vraie, que dans le mode majeur il faut mettre autant de dièses ou de bémols à la clé que l’échelle du mode en contient en montant ; & que dans le mode mineur il faut mettre autant de dièses ou de bémols à la clé, que l’échelle du mode en contient en descendant. Voyez Echelle, ou Gamme. (O)

Clé, terme de Polygraphie & de Stéganographie, c’est-à-dire de l’art qui apprend à faire des caracteres particuliers dont on se sert pour écrire des lettres qui ne peuvent être lûes que par des personnes qui ont la connoissance des caracteres dont on s’est servi pour les écrire ; c’est ce qu’on appelle lettres en chiffres. Voyez Chiffre & Déchiffrer.

Or les personnes qui s’écrivent de ces sortes de lettres ont chacune de leur côté un alphabet où la valeur de chaque caractere convenu est expliquée : par exemple, si l’on est convenu qu’une étoile signifie a, l’alphabet porte *,… a ; ainsi des autres signes.

Or ces sortes d’alphabets qu’on appelle clés en terme de Stéganographie, c’est une métaphore prise des clés qui servent à ouvrir les portes des maisons, des chambres, des armoires, &c. & nous donnent ainsi lieu de voir le dedans ; de même les clés ou alphabets dont nous parlons donnent le moyen d’entendre le sens des lettres & chiffres ; elles servent à déchiffrer la lettre ou quelqu’autre écrit en caracteres singuliers & convenus.

C’est par une pareille extension ou métaphore qu’on donne le nom de clé à tout ce qui sert à éclaircir ce qui a d’abord été présenté sous quelque voile, & enfin à tout ce qui donne une intelligence qu’on n’avoit pas sans cela. Par exemple, s’il est vrai que la Bruyere, par Ménalque, Philémon, &c. ait voulu parler de telle ou telle personne, la liste où les noms de ces personnes sont écrits après ceux sous lesquels la Bruyere les a cachés ; cette liste, dis-je, est ce qu’on appelle la clé de la Bruyere. C’est ainsi qu’on dit la clé de Rabelais, la clé du Catholicon d’Espagne, &c.

C’est encore par la même figure que l’on dit que la logique est la clé des Sciences, parce que comme le but de la Logique est de nous apprendre à raisonner avec justesse, & à développer les faux raisonnemens, il est évident qu’elle nous éclaire & nous conduit dans l’étude des autres Sciences ; elle nous en ouvre, pour ainsi dire, la porte, & nous fait voir ce qu’elles ont de solide, & ce qu’il peut y avoir de défectueux ou de moins exact. (F)

Clé d’or, (gentilshommes de la) Hist. mod. ce sont de grands officiers de la cour d’Espagne ou de celle de l’empereur, qui portent à leur ceinture une clé d’or, signe du droit qu’ils ont d’entrer dans la chambre de ces princes.

Clé, terme de Blason : on dit clés en pal ou en sautoir, couchées ou adossées, selon que les pannetons sont disposées. Diction. de Trév.

Clé, (Venerie.) clés de meute ; ce sont les meilleurs & les plus sûrs de la meute.

Clés, (Fauconn.) ce sont les ongles des doigts de derriere de la main d’un oiseau de proie.

Clé, terme d’Architecture ; clé d’un arc, d’une voûte ou croisé, plein ceintre, ou autrement, est la derniere pierre qu’on met au haut pour en fermer le ceintre, laquelle étant plus étroite par en bas que par en-haut, presse & affermit toutes les autres. La clé, selon Vignole, est différente selon les ordres : au toscan & au dorique, ce n’est qu’une simple pierre en saillie ou bossage : à l’ionique, la clé est taillée de nervure en maniere de console avec enroulement : au corinthien & au composite, c’est une console riche de sculpture, avec enroulemens & feuillages de refend. En cela les anciens étoient plus prudens que nous, & affectoient toûjours de rendre les sculptures analogues à l’architecture. Voyez l’abus que les modernes en font, aux articles, Claveau, Agraffe. (P)

Clé, en terme de Bottier, c’est un morceau de bois plat, & plus mince en-bas qu’en-haut, que l’on enfonce à force dans l’embouchoir pour en faire prendre la forme à la botte. Voyez la fig. 29. Pl. du Cordonnier-Bottier.

Clé, c’est le nom que les Bourreliers, Selliers, & Carrossiers donnent aux manivelles dont ils se servent pour démonter les écrous des essieux à vis, ou pour tourner les roues & pignons à crémaillere, sur lesquels ils bandent les soûpentes qui portent le corps des carrosses. Une des extrémités de cette clé est une ouverture quarrée, & l’autre une ouverture octogone ; elles servent l’une & l’autre pour serrer les écrous des mêmes formes. Il y en a de différente grandeur. Voyez la fig. 22. Pl. du Bourrelier.

Clé, en termes de Brasserie, est une planche d’un pié de long sur huit à neuf pouces de large, percée d’un trou semblable à celui du fond de la cuve, & de la maîtresse piece du faux-fond ; de façon que le trou de la maîtresse piece & celui de la clé soient un peu plus grands, pour que la rape puisse passer aisément, & boucher exactement le trou du fond de la cuve,

Clés petites & grandes, outil de Charron ; c’est un morceau de fer qui est plus ou moins gros & long, selon l’usage de la clé. Par exemple pour une clé à cric, le fer est de cinq à six piés de long sur deux pouces d’épaisseur ; & pour une clé à vis ordinaire, il y en a depuis un pié & au-dessus.

C’est un morceau de fer rond par le corps, un peu applati des deux bouts, & large dans le milieu où il est percé d’un trou quarré de la grosseur des vis que l’on veut serrer dans l’écrou.

Cette clé sert aux Charrons pour serrer les vis dans les écrous, pour monter & tendre les soûpentes d’un carrosse sur les crics, & enfin pour visser tous leurs ouvrages. Voyez la figure 13. Planche du Charron.

Clés, (Grosses forges.) Voyez cet article.

Clé du trépan, instrument de Chirurgie qui sert à monter & démonter la pyramide du trépan couronné. Voyez Trépan.

Clé, (Fontainier.) ce sont de grosses barres de fer ceintrées, dont on fourre la boîte dans le fer d’un regard pour tourner les robinets. Ce fer est montant & se divise en parties plates qui embrassent les branches d’un robinet, au moyen d’un boulon claveté qui passe à-travers. (K)

Clé, en terme de Formier, c’est un morceau de bois un peu aigu par un bout en forme de coin, qu’on introduit dans la forme brisée pour l’ouvrir autant que l’on veut. Voyez Pl. du Cordonnier-Bottier.

Clé ou Accordoir : les faiseurs d’instrumens de musique ont des clés pour monter & desserrer les chevilles, auxquelles sont attachées les cordes des clavecins, psaltérions, épinettes, &c. Ces clés sont composées d’une tige de fer ou de cuivre AB, percée par en-bas d’un trou quarré, dans lequel on fait entrer la tête des chevilles ; & elles sont surmontées d’un petit marteau de fer ou de cuivre cC qui tient lieu de poignée, & qui sert à frapper les chevilles & les affermir quand elles sont montées. Voy. la fig. 27. Pl. XVII. de Lutherie.

Il y a de plus aux accordoirs, clés, ou marteaux des clavecins, épinettes, psaltérions, un crochet D qui sert à faire les anneaux, par le moyen desquels on accroche à leurs chevilles les cordes de laiton & d’acier. Pour faire ces anneaux, on commence par ployer le bout de la corde ensorte qu’elle forme une anse, que l’on tient avec les doigts pollex & indicator de la main gauche ; on fait passer ensuite le crochet D du marteau que l’on tient de la main droite, dans l’anse de la corde, & on tourne la tige du marteau pour faire entortiller l’extrémité de la corde qui forme l’anse autour de cette même corde, laquelle se termine ainsi en un anneau, par le moyen duquel on peut l’accrocher où l’on veut.

Clé des étains, (Marine.) « c’est une piece de bois triangulaire qui se pose sur le bout des étains & qui les entretient avec l’étambord : on l’appelle aussi contrefort ». Voyez la forme de cette piece de bois Pl. VI. Marine, fig. 12.

« La clé des étains a un pouce d’épaisseur moins que l’étrave ; elle est renforcée de deux courts bâtons, & jointe à l’étrave par quelques chevilles de fer qui passent au-travers dans son milieu ; & il y en a quatre autres à chaque côté ». (Z)

Clés du guindas, (Marine.) « ce sont de petites pieces de bordage entaillées en rond, qui tiennent les bouts du guindas sur les cotes. » (Z)

Clé de fond de mât, clé de mât de hune, (Marine.) « c’est le bout d’une barre de fer, ou une grosse cheville de bois qui entre dans une mortaise, au bout d’en-bas du mât de hune, & qui sert à le soûtenir debout, & que l’on ôte chaque fois qu’il faut amener ce mât ; ou bien c’est une cheville quarrée de fer ou de bois, qui joint un mât avec l’autre vers les barres de hune, & que l’on ôte quand il faut amener le mât ». Dictionn. de Marine. (Z)

Clé, (Menuiserie.) c’est un morceau de bois large & mince, que l’on insere dans des mortaises faites à des planches, pour les joindre ensemble. Voyez fig. Pl. IV. de Menuiserie.

Clé, se dit aussi de pieces de bois en forme de coin, que l’on fait entrer dans des mortaises faites au bout des tenons qui excedent l’épaisseur du bois, dans lesquels ils sont assemblés ; comme on voit aux tablettes de bibliotheques, &c.

Clé, en termes d’Orfevre-Bijoutier, est un morceau de bois plat, quarré, large par un bout, & qui va en retrécissant jusqu’à l’autre bout ; il arrête les poupées sur le banc, en passant dans leur tenon. Voyez Banc.

Clé, (Plombier.) ce sont de grosses manivelles de fer : l’ouverture s’applique aux robinets des regards quand il s’agit de donner ou de soustraire l’eau aux fontaines ; la queue fait la fonction de levier, & donne au plombier la facilité de tourner les robinets.

Clé, (Relieur.) ces ouvriers en ont une qui leur sert à desserrer ou à serrer leur couteau. Voyez Pl. I. du Relieur, fig. 13. voyez aussi l’article Relier. Ils appellent cette clé, clé du fust ; elle doit être de fer.

Clé, (Manufact. en soie.) ces ouvriers ont une clé qui n’a rien de particulier. Voyez son usage à l’article Clé, (Tourneur.) coin de bois placé sous les jumelles & dans la mortaise pratiquée à la queue des poupées, qu’il tient fermes & solides. Voyez Tour.

Clés, (Jurispr.) mettre ou jetter les clés sur la fosse du défunt, étoit une formalité extérieure qui se pratiquoit anciennement par la femme après la mort de son mari, en signe de renonciation à la communauté. Chez les Romains, dont nos peres imiterent les mœurs, la femme avoit le sein des clés : c’est pourquoi, dans le cas du divorce, le mari ôtoit à la femme les clés, suivant la loi des douze tables ; & la femme qui se séparoit de son mari, lui renvoyoit ses clés. En France, il n’y avoit anciennement que les femmes des nobles qui avoient la faculté de renoncer à la communauté ; ce qui leur fut accordé en considération des dettes que leurs maris contractoient la plûpart aux voyages & guerres d’Outremer ; & en signe de cette renonciation, elles jettoient leur ceinture ou bourse & les clés sur la fosse de leur mari. Cet usage est remarqué par l’auteur du grand coûtumier, ch. xlj. Marguerite, veuve de Philippe duc de Bourgogne, mit sur la représentation du défunt sa ceinture avec sa bourse & les clés. Monstrelet, ch. xvij. Bonne, veuve de Valeran comte de Saint-Pol, renonçant aux dettes & biens de son mari, mit sur sa représentation sa courroie & sa bourse. Monstrelet, chap. cxxxix. Dans la suite, le privilége de renoncer à la communauté fut étendu aux femmes des roturiers, & établi par plusieurs coûtumes qui ont prescrit la même formalité, c’est-à-dire de jetter les clés sur la fosse du défunt en signe que la femme quittoit l’administration des biens de son mari, & la ceinture ou bourse, pour marquer qu’elle ne retenoit rien des biens qui étoient communs. C’est ce que l’on voit dans la coûtume de Meaux, art. xxxiij. & lij. Lorraine, tit. 2. art. iij. Malines, art. viij. L’ancienne coûtume de Melun, art. clxxxiij. Chaumont, vij. Vitri, xcj. Laon, xxvj. Châlons, xxx. Duché de Bourgogne, art. xlj. Namur, art. ljv.

Présentement la femme, soit noble ou roturiere, a toûjours la faculté de renoncer à la communauté ; mais on ne pratique plus la vaine cérémonie de jetter la bourse ni les clés sur la fosse du défunt. (A)