L’Encyclopédie/1re édition/TOUR
TOUR, s. f. (Archit.) corps de bâtiment fort élevé, de figure ronde, quarrée ou à pans, qui flanque les murs de l’enceinte d’une ville ou d’un château, auquel il sert de pavillon : il est quelquefois seigneurial, & marque un fief. (D. J.)
Tour du chat, (Archit.) les ouvriers appellent ainsi un demi-pié d’isolement, & un pié de plus en épaisseur, que le contre-mur des fours & des forges doit avoir, selon la coutume de Paris : ils le nomment aussi ruelle. (D. J.)
Tour de dôme, (Archit.) c’est le mur circulaire ou à pans, qui porte la coupe d’un dôme, & qui est percé de vitraux, & orné d’architecture par-dedans & par-dehors. (D. J.)
Tour d’église, (Architect.) c’est un gros bâtiment, presque toujours quarré, qui fait partie du portail d’une église. Ce bâtiment est accompagné d’un autre pareil qui lui fait symmétrie, & ces deux tours sont ou couvertes, ou en terrasse, comme à Notre-Dame de Paris, ou terminées par des aiguilles ou fleches, comme à Notre-Dame de Rheims.
On appelle tour chaperonnée, celle qui a un petit comble apparent, comme à saint Jean en Grève, à Paris. (D. J.)
Tour isolée, (Archit.) tour qui est détachée de tout bâtiment, & qui sert de clocher, ainsi que la tour ronde panchée de Pise ; de fort, comme celles qui sont sur les côtes de mer, ou sur les passages d’importance ; de fanal, telles que les tours de Cordouan & de Genes ; de pompe, comme la tour de Marly, &c. (D. J.)
Tour de moulin a vent, (Archit.) mur circulaire qui porte de fond, & dont le chapiteau de charpente, couvert de bardeau, tourne verticalement, pour exposer au vent les volans ou les aîles du moulin. (D. J.)
Tour ronde, (Coupe des pierres.) ne signifie pas toujours une tour, mais tout parement convexe de mur cylindrique ou cônique. Tour creuse est le concave.
Tour de la souris, (Archit.) les ouvriers appellent ainsi deux à trois pouces d’isolement, qu’un contre-mur doit avoir pour les poteries d’aisance, & contre-mur d’un pié d’épaisseur contre un mur mitoyen pour la fosse, & entre deux fosses, quatre piés, &c. (D. J.)
Tour, (Fortification.) bâtiment fort élevé & de plusieurs étages, dont la figure est ordinairement ronde, & quelquefois quarrée ou polygone. Chambers.
Avant l’invention du canon, on fortifioit les places avec les tours jointes à leur enceinte ; elles étoient éloignées les unes des autres de la portée de la fleche, & beaucoup plus élevées que les courtines ou les murailles de l’enceinte, afin de dominer par-tout sur le rempart & de le défendre plus avantageusement.
Pour empêcher qu’on ne pût s’insinuer d’une courtine dans toute l’étendue du reste de l’enceinte, on observoit en bâtissant la place, de couper le rempart en-dedans vis-à-vis les tours ; on y substituoit, pour la communication, une espece de petit pont de bois qu’on pouvoit ôter très-promptement dans le besoin. Voyez Fortification.
On construisoit aussi des tours de charpente dans les sieges ; on les faisoit avancer auprès des murailles pour en chasser les assiégés : il y avoit de ces tours qui avoient des béliers, & on les nommoit tortues bélieres. Voyez Helépole, Bélier & Tortues. (Q)
Tours bastionnées, (Fortification.) espece de petits bastions de l’invention de M. le maréchal de Vauban. Elles contiennent des souterrains voutés à l’épreuve de la bombe, dont l’usage est de mettre la garnison & les munitions de la place à couvert des bombes dans un tems de siege. Voyez leur construction dans le second & le troisieme système de M. de Vauban, à la suite du mot Fortification. (Q)
Tour marine, (Architect. milit.) c’est une tour qu’on bâtit sur les côtes de la mer, pour y loger quelques soldats & découvrir les vaisseaux ennemis. Ces tours ordinairement n’ont point de porte, & on y entre par les fenêtres, qui sont au premier ou au second étage, avec une échelle qu’on tire en haut quand on est dedans : on fait quelquefois de semblables tours dans la fortification des places. (D. J.)
Tour a feu, (Marine.) Voyez Phare.
Tour de bitte au cable, (Marine.) c’est un tour de cable par-dessus les bittes.
Tour de cable, (Marine.) on appelle ainsi le croisement de deux cables près des écubiers, lorsqu’un vaisseau est affourché.
Tour, s. m. terme de Boulangers, c’est une petite table quarrée, ferme & solide, placée auprès de leur paîtrin, sur laquelle ils dressent & tournent les morceaux de pâte qu’ils ont coupés & pesés, & leur donnent la figure qui convient à la qualité du pain qu’ils veulent faire : c’est au sortir de dessus le tour que l’on met le pain sur la couche pour le faire lever.
Tour, en terme de Boutonnier, c’est une machine qui ne differe de celle du tourneur, que par les pieces dont sont garnies les poupées : celle à gauche l’étant d’un fer gravé en creux de la forme d’un bouton, & celle à droite vis-à-vis d’une vis qui s’approche vers le bouton & le contient dans son trou, tandis qu’on serre & qu’on rabat le bouton en faisant la piece gravée avec une bascule au pié. Ce tour a un support sur le devant pour appuyer & la main & l’outil, & au-dessous des poupées d’une peau qui reçoit les recoupes.
Tour ou Treuil, (Charpent.) c’est un gros cylindre ou essieu en forme de rouleau, qui sert aux machines pour élever des fardeaux, & qui se remue avec une roue, ou des leviers sur lesquels la corde tourne. (D. J.)
Tour mobile, (Charpent.) grand assemblage de charpente à plusieurs étages, que les anciens faisoient mouvoir avec des roues pour assiéger les villes, avant l’invention du canon. Voyez l’architecture de Vitruve, & le dictionnaire universel de Mathématique & de Physique, article architecture militaire.
On fait aujourd’hui des tours mobiles de charpente, pour servir à réparer, à peindre les voûtes, & à tondre & dresser les palissades des jardins ; les jardiniers les nomment chariots.
On fait encore des tours fixes de charpente pour élever des eaux ; telle est celle qui servoit à la machine de Marly, & qui est à présent à l’observatoire de Paris. (D. J.)
Tour, les Chaudronniers appellent ainsi la machine dont ils se servent pour donner aux chaudrons & aux poëlons leur derniere façon.
Les principales parties de ce tour sont la grande roue, l’établi, la petite roue, la noix & le coin. La grande & la petite roue sont semblables à celles des Couteliers, l’établi est un chassis de bois fait comme le pié d’une table.
La noix est en plateau de bois tourné en rond, qu’on applique fortement sur le fond de l’ouverture qu’on veut tourner ; enfin, le coin est une piece aussi de bois, avec laquelle on serre l’espece d’arbre ou de mandrin que les roues font tourner.
On tourne les ouvrages de chaudronnerie avec le grattoir à étamer, & c’est avec cet instrument que se font ces traces circulaires que l’on voit sur les poëlons & les chaudrons neufs. Voyez les Planches & les figures du Chauderonnier, parmi lesquelles il y en a une qui représente le tour en particulier.
Tour, en terme de Cirier, n’est autre chose qu’un gros cylindre tournant sur un arbre, monté sur deux piés. A une des extrémités de cet arbre est une manivelle pour mouvoir le cylindre : le tour sert à devider la bougie filée, en sortant de la filiere. Il en faut deux pour filer la bougie ; l’un chargé de la méche non enduite, & l’autre sur lequel elle se tourne quand elle est imbibée. Voyez Pl. du Cirier.
Il y a encore un tour plus petit que ceux-ci, mais de la même forme, sur lequel on fait les pelotes de coton. Voyez Doubler.
Tour, terme de Corderie. Voyez Rouet.
Tour de l’échelle, (Terme de Couvreur.) les Couvreurs appellent ainsi un espace entre deux mazures, assez large pour y placer leurs échelles afin d’en réparer les toits. (D. J.)
Tour, en Epicerie, est une roue de bois toute d’une piece, dont l’arbre est plus ou moins épais ; on le charge de la bougie qu’on a ôtée de dessus le rouet, Voyez les Pl.
Tour, (Outil d’Horlogerie.) Description du tour dont les Horlogers se servent, représenté dans les figures & les Planches de l’Horlogerie, GH, partie principale de cette instrument, est une longue barre d’acier trempé, épaisse d’environ trois lignes & large de six ; son extrémité sur laquelle est adaptée une poupée GPC, est garnie de deux plaques de cuivre, afin que la taille de l’étau ne soit point endommagée, lorsqu’on serre le tour par sa partie G, & EDO est une poupée ajustée fort exactement sur la barre précédente, elle y est mobile : au moyen de la vis T, on la fixe à différentes distances de la poupée GPC ; AB sont des pointes de fer ou d’acier très-mou, leurs extrémités ont plusieurs petits trous dans lesquels on fait entrer les pointes des pieces qu’on tourne : enfin SNLLP est le support, composé ; 1°. de la partie P ajustée sur la branche HG, en telle sorte qu’elle n’ait de jeu considérable que dans sa hauteur MK ; 2°. de la piece NLL, dont les branches LL portent un canon N, dans lequel s’ajuste la tige FY de la piece SFY : c’est sur cette derniere en S, qu’on appuie le burin ou l’échoppe avec lesquels on veut tourner, & c’est elle qu’on appelle particulierement le support.
Maniere de se servir de l’instrument précédent.
Je suppose qu’on ait un arbre, par exemple, à tourner ; par le moyen de la vis T, on fixera d’abord les poupées à la distance nécessaire ; détournant ensuite la vis R, on ne laissera déborder la pointe B de son canon, qu’autant qu’il sera nécessaire, & on la fixera par la vis. On détournera X, puis faisant entrer une pointe de l’arbre ordinairement, celle qui est la plus éloignée du cuivrot dans un des petits trous de la pointe B ; on approchera l’autre pointe A & on la fixera de façon que l’arbre puisse tourner sans jeu dans les trous des pointes du tour ; on mettra l’archet sur le cuivrot. Cela fait ; on fera glisser la piece P sous la partie à tourner, on avancera le support vers l’arbre en faisant glisser les branches LL dans leur coulisse ; on fixera ensuite les parties PLLN avec la vis V, enfin on élevera le support S, puis le faisant tourner dans son canon, on l’arrêtera dans la situation requise au moyen de la vis Q.
Si ce sont des bouts de pivots ou d’arbres, que l’on ait à tourner, on se servira d’une pointe à lunette Z laquelle porte une plaque Z, percée de divers trous à-travers lesquels on fera passer les pivots. Pour des pieces délicates & fort petites ; les Horlogers se servent quelquefois de petits tours dont les deux poupées, figures, sont fixes. Le support qu’ils emploient dans ces cas est un morceau de bois ou de cuivre qu’ils mettent dans l’étau avec le tour.
Tour, s. m. (terme de Pâtissier.) ils donnent ce nom à une forte table qui a des bords de trois côtés ; c’est sur cette table qu’ils paitrissent leur farine & tournent leur pâte, soit pour ce qu’on appelle des pains bénits, soit pour faire des croûtes, des pâtés, tourtes & autres pieces de four. (D. J.)
Tour de cheveux, (terme de Perruquier.) c’est une tresse de cheveux qui fait tout le tour de la tête, & qui mêlée adroitement avec les cheveux naturels, les alonge & les épaissit ; ces sortes de tours sont pour les hommes. Les femmes se servent aussi de tours & faux-cheveux, ou pour cacher leur âge, ou pour suppléer à la rareté de leurs cheveux sur le devant de la tête & sur les tempes ; ils s’attachent sous leurs coëffures. La forme en est différente suivant les modes, tantôt frisés & élevés, tantôt plats & couchés modestement le long du front ; quelquefois ce ne sont que de simples crochets un peu tournés en croissant ; & quelquefois aussi lorsque les dames se coëffent en cheveux, ce qui est devenu rare depuis la fin du seizieme siecle, ce sont de longues boucles qui leur pendent plus ou moins, & souvent jusque sur les épaules. (D. J.)
Tour de chapeau, (Plumassier.) voyez Plumet.
Tour, s. m. (Poterie de terre.) les Potiers de terre donnent ce nom à une des roues sur lesquelles ils tournent & forment les ouvrages de poterie qui doivent être de figure sphérique ; c’est sur ce tour que se font les petits ouvrages, les grands s’exécutent sur la roue. (D. J.)
Tour de Potier d’étain, instrument ou bien outil du métier le plus composé de tous de différentes pieces, qui sert à tourner tous les ouvrages de ce métier qui sont destinés pour être tournés.
Le tour est premierement composé d’une selle de bois forte & solide, formée de deux pieces de bois qui sont séparées l’une de l’autre environ de quatre pouces pour y introduire trois poupées ; cette selle est portée sur quatre piés d’environ un pié & demi de haut, & est longue de quatre à cinq piés ; sur cette selle sont posées les poupées, savoir deux à main gauche pour l’arbre du tour, & une à main droite pour porter un bout de la barre qui est devant le tour, pour servir d’appui à l’ouvrier ; ces poupées ont environ un pié & demi ou deux piés d’élévation au-dessus de la selle, dans laquelle elles ont un tenon qui passe par-dessous, & qui a une mortaise où on passe un coin de bois qui les arrête. L’arbre du tour qui est de fer, passe horisontalement dans les deux poupées à gauche dans une échancrure au haut de chaque poupée ; cette échancrure est garnie de deux collets d’étain, un à chaque poupée, dans lesquels les deux oignons de l’arbre sont enfermés sur lesquels ils roulent ; l’arbre est garni d’une poulie entre les deux poupées ; il sort hors de la poupée en-dedans du tour environ trois ou quatre pouces ; & ce bout est ordinairement creux pour y introduire un morceau de fer quarré qui s’ôte & se remet quand on veut ; ce morceau de fer se nomme mandrin ; il sert à faire les gaines des empreintes & calibres qui se montent sur le tour pour toutes sortes de pieces ; car il faut savoir qu’il faut autant d’empreintes & calibres de bois qu’il y a de différentes pieces à tourner ; & comme les gaines sont faites avec le même mandrin, on monte toutes les empreintes sur lui ; les collets qui sont ordinairement coupés ou de deux pieces par lesquels l’arbre du tour passe, doivent être arrêtés par un boulon de fer qui les traverse chacun par-dessus, ou par deux liens de fer qui couvrent les collets par-dessus avec chacun deux vis & écrous posés sur le haut des poupées que l’on serre ou lâche à son gré. L’ouvrier seul ne peut rien faire sans avoir un homme qui tourne une roue qui fait aller le tour par le moyen d’une corde de boyau qui passe croisée dans la poulie de l’arbre ; cette roue est montée sur une chaise comme celle des Couteliers, ou entre deux poteaux bien solides.
Il y a des tours de potiers d’étain dont la forme est un peu différente, & des poupées tout d’une piece qui portent l’arbre, &c. Voyez le tour & toutes les pieces qui le composent & en dépendent, aux fig.
Tour, machine dont les Tourneurs se servent pour faire leur ouvrage. Il y en a de différentes sortes.
La premiere & la plus simple est celle des Tourneurs en bois représentée, Planche I. fig. 1. du tour. Elle consiste en un fort établi, dans lequel est une fente ou rainure F, qui traverse de part en part. C’est dans cette rainure que l’on fait entrer les tenons T des poupées, lesquelles sont retenues sur l’établi par le moyen de la clavette V, faite en forme de coin. Les poupées ont chacune à leur tête A, B, une pointe d’acier a, b ; la pointe a de figure conique tient dans sa poupée par le moyen d’une queue, qui la traverse entierement ; elle y est retenue par un écrou. L’autre pointe est l’extrémité d’une vis taraudée dans le bois de la poupée, l’autre extrémité de cette vis est une tête percée d’un trou pour recevoir le barreau c, qui donne le moyen de la pouvoir tourner.
Chaque poupée est encore percée de deux trous, l’un pour recevoir les crochets E du support D, & l’autre pour recevoir la clavette H, fig. 2. qui sert à fixer le crochet où l’on veut.
Lorsque l’on veut tourner un morceau de bois G, on commence par le dégrossir ou arrondir avec la hache ou quelques autres ferremens ; puis aux deux extrémités de la ligne qui doit servir d’axe, on donne un coup de pointeau, qui est un petit poinçon conique ; ensuite on avance ou on éloigne la poupée B dans la rainure F, ensorte que la distance ab soit seulement de quelques lignes plus grande que l’axe de la piece que l’on veut tourner. On la présente ensuite entre les pointes, ensorte que la pointe a entre dans un des coups de pointeaux, l’autre extrémité de la piece tournée vers la vis que l’on fait tourner alors, ensorte que la pointe b vienne se placer dans le trou de pointeau destiné à la recevoir.
Lorsque tout est ainsi disposé, le tourneur prend la corde QK, fig. 2. & l’enveloppe deux ou trois fois à-l’entour de la piece G qu’il faut tourner ; ensorte cependant que la corde commence & finisse de toucher la piece par le côté qui est tourné vers lui, ainsi qu’il est représenté dans la figure. Le bout supérieur de la corde est attaché à une perche QQ qui passe par un piton R, qui lui sert de point d’appui ; elle est dolée ou applatie à la partie inférieure pour en faciliter la flexion. Le bout inférieur de la corde est attaché à l’extrémité de la pédale ou marche KL, qui est un triangle de bois, dont un côté LL est terminé par deux tourillons, autour desquels elle fait charniere. Il est sensible que si avec le pié on appuie sur la marche, ensorte que l’on fasse baisser la partie K, que la corde KQ se développera vers la partie inférieure, & s’enveloppera vers la partie supérieure ; ce qui fera tourner l’ouvrage & fléchir la perche. Si on lâche ensuite le pié, la perche en se rétablissant par son élasticité tirera la corde à elle, & fera tourner l’ouvrage en sens contraire. On continue ainsi alternativement les deux actions, jusqu’à ce que l’ouvrage soit entierement achevé. On se sert aussi au-lieu de perche d’un arc d’acier, NMN, fig. 1. qui traverse un morceau de bois M, scellé dans la muraille. Aux deux extrémités N de cet arc sont attachés les bouts d’une corde ; au milieu de cette corde est une poulie mouflée, par laquelle passe la corde KOY, qui s’attache à un crochet scellé dans le mur, ou cloué dans l’établi ; on entoure cette corde sur l’ouvrage, comme il vient d’être dit de la corde KQ, fig. 2. ce qui produit le même effet.
Mais comme il ne suffiroit pas d’imprimer à l’ouvrage un mouvement de rotation, mais qu’il faut opérer immédiatement dessus, on se sert à cet effet de différens outils : tels sont les biseaux, bec-d’âne, gouges, grains-d’orge, & autres ; on a de ces sortes d’outils de toutes sortes de grandeurs & formes.
Les biseaux, ainsi que tous les autres outils, sont de bon acier, trempés au même degré que les épées.
Le tranchant de ces sortes d’outils est formé par l’arête d’une des surfaces de la longueur, & celle que l’on a formée en aiguisant : l’angle que font les deux surfaces est plus ou moins grand, mais toujours moindre que le droit, ainsi qu’on le peut voir fig. 3. n°. b.
Becs-d’âne sont une espece particuliere de biseaux ; il y en a de deux sortes, de droits marqués f, & de ronds marqués g. Le bec-d’âne droit ne differe des biseaux dextre & gauche que par la disposition de l’arête du tranchant, qui est perpendiculaire à la longueur de l’outil.
Gouge, représentée fig. 5. est une espece de gouttiere, en quelque façon semblable aux tarieres des charpentiers ; c’est le premier outil dont on se sert en tournant l’ouvrage.
Grain-d’orge (fig. 6.) est un outil qui réunit en lui seul les avantages des biseaux droits & gauches, dont il paroît être composé. Tous ces outils sont emmanchés, comme les figures représentent, dans des manches de bois garnis de viroles.
Lorsque l’on veut se servir de ces outils, on les prend de la main droite par le manche, on les pose (les biseaux en-dessous) sur le support D, ensorte que le point d’appui soit le plus près qu’il est possible de l’extrémité de l’outil ; comme, par exemple, d’environ un pouce plus ou moins, selon que les matieres sont dures ou tendres, & on l’y retient avec la main gauche en appuyant sur l’outil & contre le support. Si alors l’ouvrage vient à tourner, il est manifeste que l’outil emportera toutes les parties qui seront plus éloignées de l’axe que ne l’est le tranchant de l’outil. On observe de ne point prendre trop de matiere à-la-fois, & de diriger l’outil selon qu’il convient aux matieres.
Dans quelques-unes un bec-d’âne droit doit être dirigé vers l’axe de la piece, & avoir son tranchant parallele à C ce même axe : dans d’autres, la direction de la longueur de l’outil doit passer au-dessus, quelquefois au-dessous, observant toujours que le tranchant des outils soit parallele à l’axe : d’autres fois aussi il faut que le tranchant soit oblique à l’axe ou à l’horison, comme lorsqu’il faut tourner du fer aigre ou autres matieres dures sur lesquelles il faut opérer, comme en sciant. Lorsque l’ouvrage est achevé, on le polit, si c’est du bois, avec de la peau de chien-de-mer ou des mêmes copeaux ; si c’est d’autres matieres, avec les polis qui leur sont convenables, ainsi qu’il est expliqué au mot Polir.
La seconde espece de tour est le tour à lunette, autrement nommé tour en l’air ; il est composé de même que le précédent d’un fort établi H à rainure, dans laquelle les poupées sont retenues par des clavettes.
La poupée A a une cavité eikn, fig. 3. un bout de cette cavité est fermé par les collets f g, fig. 4. dont les parties saillantes ou languettes h entrent dans une rainure ; ils y sont retenus au moyen du chaperon e, qui est lui-même retenu par les vis & écrous bc. Les vis A & B qui traversent les chaperons, servent à serrer le collet supérieur contre l’inférieur : cette construction se trouve aux deux poupées. Outre les collets, la poupée A a encore plusieurs autres pieces ad, fig. 3. qu’on appelle clavettes ; elles sont assemblées à la poupée par la cheville d, qui les traverse toutes, & autour de laquelle elles peuvent se mouvoir du mouvement de charniere dans leurs coulisses. La partie a qui sort hors de la poupée sert pour les pouvoir lever ; on les fait rester levées par le moyen d’un petit coin de bois que l’on met dessous. La portion des clavettes qui répond au centre s de la lunette eikn, est une portion concave de cercle ; la lunette de la poupée B garnie de ses collets y est attachée par le moyen des vis mm, fig. 1. & 5.
Les collets qui laissent entr’eux un vuide circulaire sS, & qui sont de cuivre ou d’étain, sont traversés par l’arbre de fer DE, fig. 1. & 2. Les parties cylindriques Ff sont celles qui passent par les trous des collets, l’arbre a dans la partie du milieu une poulie cylindrique, que l’on appelle noix, qui est de cuivre & quelquefois de la même piece que l’arbre ; au bout qui passe par la poupée B est une espece de disque Q, qu’on appelle assiette, & une vis R qui sert à monter les mandrins ; à l’autre bout de l’arbre sont plusieurs vis abcd de différentes grosseurs & largeurs, qui répondent chacune aux clavettes abcd de la fig. 1. dont les parties concaves sont autant d’écrous qui se rapportent aux vis de l’arbre. Lorsque les clavettes sont baissées, elles ne touchent point l’arbre : mais lorsqu’on en leve une par le moyen du petit coin de bois dont on a parlé, les pas d’écrou dont elle est empreinte dans sa partie concave, reçoivent les pas de vis qui lui répondent, ce qui produit le même effet que si la vis de l’arbre passoit par un écrou entier ; il faut remarquer qu’il ne doit jamais y avoir deux clavettes levées à-la-fois, & que la derniere du côté des collets n’a point de pas d’écrou, mais seulement un tranchant qui entre dans une rainure faite à l’arbre. Cette clavette est toujours levée lorsque l’on veut tourner rond, les autres ne servent que lorsque l’on veut tourner des vis.
Le support de cette sorte de tour est plus composé que celui du précédent, la partie BC, fig. 6. Pl. II. du tour, qu’on appelle proprement support, & qui est de cuivre a, le biseau B de fer & la partie horisontale C, percée d’un trou dans lequel passe la vis de la fourchette de fer CEE, la clé A sert à serrer l’écrou C qui affermit le support sur la fourchette. Pour s’en servir, on pose la fourchette sur l’établi, ensorte que ses branches croisent la rainure M, qui est plus longue que la figure ne représente. On prend ensuite une piece de fer DH, que l’on appelle à cause de sa figure un T, que l’on fait passer entre les branches de la fourchette, & au-travers de la rainure de l’établi, les crochets du T sur les branches de la fourchette, ainsi que la figure représente, on enfile ensuite par-dessous l’établi la rondelle F, & l’écrou à oreilles G, avec laquelle on arrête fermement la fourchette & le support.
On fait tourner l’arbre de ce tour par les mêmes moyens que l’ouvrage dans le précédent, en enveloppant la corde autour de la poulie ou noix C, fig. 1. & 2. dont le bout supérieur est attaché à la perche, & l’inférieur qui passe par la grande rainure de l’établi à la pédale ou marche.
Pour appliquer l’ouvrage sur le tour, on commence par faire un mandrin. Le mandrin est une piece de bois ordinairement de hêtre ou de poirier de forme cylindrique, dans le milieu de la base duquel on perce un trou où l’on fait un écrou du même pas ; & pour recevoir la vis R, fig. 1. & 2. on visse le mandrin sur l’assiette Q, & ensuite on le tourne en creux pour recevoir les pieces convexes, & en relief pour les pieces concaves. On observe que l’ouvrage entre un peu à force, afin qu’il semble faire une seule piece avec le mandrin & l’arbre. On opere dessus par le moyen des outils, dont il a été parlé ci-devant, ou avec des burins & échopes, si les matieres que l’on travaille sont métalliques.
Outre les moyens ci-devant expliqués, d’imprimer à l’ouvrage le mouvement de rotation, on se sert d’une grande roue D, Pl. II. fig. 7. composée d’un moyeu traversé d’un essieu de fer, dont les tourillons portent sur les collets des jumelles, & de plusieurs rayons OP, dont un bout entre dans le moyeu, & l’autre dans le cercle de la roue, sur l’épaisseur duquel il y a une rainure gravée ; ensorte que la roue ressemble à une poulie, dont en effet elle fait la fonction. Environ aux deux tiers des rayons, il y a une autre poulie E sur laquelle on passe la corde abcd, lorsque l’ouvrage que l’on tourne demande plus de force que de vîtesse. Il y a quelquefois aussi de l’autre côté de la roue, & au premier tiers des rayons, une autre petite poulie, qui sert à tourner les ouvrages qui demandent encore plus de force. Toute cette machine qui a environ six piés de diametre porte par son axe, qui est horisontal, sur un support composé de deux couches C, & de deux jumelles ou poinçons A, & de quatre étais ou fiches B. Les deux côtés du support sont entretenus ensemble par les traverses G. Les jumelles ont des coussinets f pour recevoir les tourillons de l’axe, qui sont recouverts par le chaperon F mobile en charniere, à une de ses extrémités : au bout de l’axe prolongé est un quarré fait pour recevoir la clé ou manivelle M, voyez Manivelle, par le moyen de laquelle un homme fait tourner la machine. Pour se servir de cette machine, il faut avoir une poulie P même figure, d’un diametre proportionné à celui de la roue & à celui de l’ouvrage, que l’on tourne presque toujours entre deux pointes, comme il a été expliqué ci devant à l’article Tour en bois, sur lequel on peut tourner toute autre matiere que du bois. Lorsque la nature de l’ouvrage exige d’être tourné entre deux pointes, on attache cette poulie sur l’arbre lorsque l’ouvrage doit être tourné sur le tour à lunette, voyez P, Planche II. fig. 2. ou sur l’ouvrage même, lorsque l’ouvrage demande d’être tourné entre deux pointes, ou à une corde sans fin abcd, dont les bouts sont soudés ensemble de la même maniere que les cordiers soudent deux cables ensemble, on passe la corde sur la poulie de l’ouvrage avant qu’elle soit montée sur le tour, & dans une des poulies de la roue qui doit être placée ; ensorte que son plan soit dans le même plan que celui de la poulie, & perpendiculaire à l’axe de l’ouvrage, ensorte que la corde se croise, ainsi que la figure 7. représente. Il est sensible, si l’on tourne la manivelle M du côté où il faudroit ajouter, si on vouloit achever la courbe dont elle n’est qu’une partie, que la roue se remue, selon la suite des lettres DcbAD, & la corde selon celle de lettres abADcdPa, & par conséquent la poulie & l’ouvrage selon les lettres dPa.
L’avantage de cette maniere de tourner est que l’ouvrage va toujours du même sens. Le tems des retours qui est perdu dans les autres manieres est mis ici-à profit ; aussi est-elle la plus expéditive. Son désavantage est qu’elle exige deux ouvriers, l’un pour tourner la roue, & l’autre pour travailler sur l’ouvrage. Cet ouvrier-ci est placé entre la roue & la poulie, ensorte que la croisée de la corde est à son côté ; l’autre ouvrier est placé à côté du support de la roue, le devant du corps tourné vers l’ouvrage, dont il est un peu plus éloigné que les jumelles.
La troisieme espece de tour est le tour figuré ou à figurer, représenté en perspective, Pl. III. du tour, & dont les différentes parties sont détaillées dans la Planche IV. il est composé de deux fausses poupées AB, placées en travers de la rainure de l’établi, ainsi qu’il sera expliqué : & de deux autres poupées à lunetes CD, mobiles autour d’un axe DD, auquel elles sont fermement attachées, ainsi qu’on le peut voir dans la fig. 1 & 3. Pl. IV. aux deux extrémités de l’axe DD, sont deux trous coniques destinés à recevoir les pointes f des vis F taraudées dans les fausses poupées dont la longueur est dirigée suivant la grande rainure de l’établi, au niveau de la surface supérieure duquel elles sont placées, ensorte que lorsque l’axe DD est monté sur les pointes ff, la moitié de cet axe soit au-dessus de la surface de l’établi, & l’autre moitié au dessous, plongée dans la rainure : au milieu de l’axe, est une branche ou barre de fer DE qui descend en en-bas, dont la longueur prise depuis le centre de l’axe, jusqu’au milieu de la mortaise E, est égale à celle des poupées prise depuis le centre de ce même axe, jusqu’au centre de leurs lunettes. La mortaise E doit être percée dans la barre DE, en sorte que sa direction soit perpendiculaire au plan qui passe par l’axe & la barre ; c’est par cette mortaise que passe la verge ou cramaillere PO, dont l’extrémité O est attachée à l’extrémité O de ressort serpentin VO, dont nous expliquerons l’usage. Ce ressort est attaché à la surface inférieure de l’établi TT, par la vis V. Voyez Pl. IV. fig. 3.
L’axe CC qui passe par le centre des lunettes est composé de plusieurs pieces ; la piece fondamentale CabCR (fig. 5.) qui est véritablement l’axe, a deux parties, ou tourillons cylindriques CC, qui passent par les collets des lunettes ; à une des extrémités est une assiete Q & une vis R, qui servent pour monter les mandrins, comme dans le simple tour à lunette ; à quelques pouces de distance est une piece e, que sa forme & sa situation ont fait appeller contre assiette ; l’espace compris entre l’assiette Q & la contre-assiette e, est le tourillon C. A l’autre extrémité de l’axe est l’autre tourillon C, & la vis d, la partie de l’axe ab comprise entre la vis d & la contre assiette e, est un prisme poligone ordinairement à huit pans ; on enfile sur ce prisme qui est de fer, un cylindre ABDE de cuivre ; ce cylindre est percé d’un trou dans toute sa longueur, qui se rapporte exactement avec les faces du pan de l’axe, son diametre est d’environ un pouce moindre que celui de la contre-assiette e ; il a dans sa longueur un filet ou moulure, saillant de deux lignes de gros ou environ : sur ce cylindre, ainsi construit, on enfile une rosette ou disque de fer I, (Pl. IV. fig. 1.) qui a, ainsi que toutes les autres pieces que l’on enfile sur le cylindre, une entaille convenable, ensorte que le filet qui est sur le cylindre, puisse s’y placer ; il sert en cette occasion d’arrêt pour empêcher les rosettes & viroles de tourner sur lui : après qu’on a enfilé une rosette, on enfile une piece K, qu’on appelle virole, qui a un renfort, ou anneau, à une de ses extrémités, ensorte que la partie de la virole qui a le renfort, soit appliquée sur la rosette ; après celle-ci on en met une autre, mais en observant de la tourner en sens contraire, pour que les deux parties des viroles qui n’ont point de renfort, se touchent, comme on le voit dans la figure. Après cette autre virole, on passe une rosette figurée, ensorte que la partie de la rosette qui a un creux ou excavation, soit tournée vers K, ou vers les viroles : après cette rosette on en met une autre, tournée en sens contraire H, puis deux viroles K, ainsi de suite alternativement, dans toute la longueur du cylindre ABDE, sur lequel on a soin de réserver une place pour l’assiette P, la grande poulie O, la petite poulie G, & la contre-assiette P, au-delà de laquelle on met l’écrou m, que l’on visse sur la vis d (fig. 5.), par le moyen de laquelle on affermit les unes contre les autres, toutes les pieces comprises entre les contre-assiettes e, p.
Il y a aussi une autre construction d’arbre, dans laquelle la partie de l’axe qui répond dans le cylindre, depuis l’assiette e jusqu’à l’assiette P, que l’on a dit être à huit pans, est exactement cylindrique ; & la partie de l’arbre qui répond aux poulies O, G, P, quarrées ou à pans ; ensorte que le cylindre avec les rosettes & viroles, peut tourner sur l’arbre, sans que les poulies ni l’arbre tournent : pour le fixer où l’on veut, il y a sur la contre-assiette P, qui est la derniere piece enfilée sur le cylindre, un rochet taillé à la circonférence, & qui s’applique contre le côté de la poulie O, où il est arrêté par un cliquet muni de son ressort. On change les rosettes de position sur l’arbre, selon que l’on veut varier le dessein.
Sur le chassis CDDC, (fig. 1. Pl. IV.) du côté de l’assiette des mandrins, est un ressort Xx, dont la fonction est de repousser l’arbre ou axe de R vers C, ensorte que les tourillons glissent dans les collets des lunettes ; quelquefois, selon que l’on donne de la force au ressort Xx, on le fait pousser l’arbre de C en R, ce qui sert lorsque l’on travaille avec les rosettes qui regardent vers l’assiette Q : le bout x du ressort est fourchu, & prend entre ses branches le tourillon qui a une rainure circulaire pour le recevoir.
Toute cette machine est entourée d’une autre LMML (Pl. III. fig. 1.), que l’on appelle cage, qui est de fer & d’une forte consistance ; les barres horisontales MM ont le milieu de leur épaisseur au même niveau que le centre des lunettes. Voyez Pl. IV. fig. 3.
Les quatre montans LM de la cage, ont une queue Le, qui traverse l’épaisseur de l’établi auquel ils sont perpendiculaires ; l’extrémité e de cette queue est faite en vis, par le moyen de laquelle, & d’un écrou, on vient à bout d’affermir la cage sur l’établi ; les deux côtés de la cage sont entretenus ensemble par le moyen de deux traverses, l’une droite qui passe au-dessous de l’axe, dans l’espace PK (fig. 1.) & une courbe dans la concavité de laquelle passe le ressort Xx ; ces deux traverses sont assemblées avec tenons & mortaises dans les montans de la cage.
On a dit que la branche DE (Pl. IV. fig. 1 & 3.), passoit par la grande rainure de l’établi, & que la verge ou cramaillere PO passoit par sa mortaise, que l’extrémité O de la verge étoit attachée à l’extrémité O du ressort VO que l’on fait en serpentant, afin que dans l’espace VO, il soit équivalent au ressort plus long & qu’il soit plus flexible ; si donc on pousse la verge PO de P en O, d’une quantité suffisante pour donner assez de bande au ressort VO, & que l’on mette une cheville qui traverse la barre DE & la verge PO, il est sensible que lorsqu’on abandonnera la machine à elle-même, que le ressort VO, tendant à le rétablir, poussera de toute sa force la verge OEP vers P, mais le point E de la barre DE, ne sauroit le mouvoir vers P, sans que le point C qui lui est opposé, ne se meuve vers M. Tous les chassis CDEDC, faisant charniere aux points DD : si au-lieu de pousser la verge PO, on l’avoit tiré à soi par la mortaise E suffisamment pour donner de la bande au ressort en sens contraire, en se rétablissant il tireroit à lui le point E, ce qui feroit aller la lunette C en sens opposé, vers l’autre côté de la cage.
On fait tourner l’arbre ou axe sur lui-même, par un moyen différent des autres, & qui réunit en lui seul tous leurs avantages ; ce moyen est l’application d’un volant H (Pl. III. fig. 1.) dont le plan est perpendiculaire à l’horison ; sur l’axe de ce volant qui traverse la boëte K, est une poulie G attachée par le moyen d’un quarré ; par-dessus cette poulie & une de celles qui sont montées sur l’arbre, passe une corde sans fin, qui le croise, ainsi qu’il a été dit ci-devant dans la description de la roue des tourneurs. Si on fait tourner le volant, la poulie G qui est fixée sur son arbre, ne manquera pas de tourner aussi, & par conséquent de faire tourner la poulie F, qui est une de celles qui sont montées sur l’axe du tour : on observera qu’il faut toujours faire tourner le volant en sens contraire à celui auquel on veut que l’ouvrage tourne, & qu’il tourne toujours du même sens : ce qui est l’avantage d’une des méthodes de tourner, ci-devant expliquées.
L’autre avantage, c’est qu’il ne faut qu’un seul ouvrier, qui par le moyen d’une marche, où l’extrémité Y de la corde va s’attacher, entretient le mouvement du volant, de même qu’un gagne-petit entretient le mouvement de sa meule ; la seule attention à avoir, c’est de donner à propos le coup de pié ; la seule regle que l’on puisse donner là-dessus, est de n’appuyer que lorsque la cheville excentrique, ou l’extrémité de la manivelle, commence à descendre, & de lâcher ou mollir le pié, comme les ouvriers s’expriment, aussitôt qu’elle commence à remonter ; mais c’est une chose d’habitude qui s’acquiert assez facilement.
La vis P sert à élever ou à baisser le long du pié PS, la boëte K, afin de tendre la corde sans-fin sur les poulies : la hauteur du pié SP doit être telle qu’avec celle de l’établi, un homme de taille ordinaire ne court point le risque de se casser la tête contre le volant.
Lorsque l’on veut travailler sur le tour, on met une piece N (fig. 1. Pl. III. & fig. 4. Pl. IV.), qu’on appelle porte roulette, sur une des barres horisontales MM de la cage, le long de laquelle elle peut couler, y étant retenue par le petit crochet b auquel on a ménagé un passage m au haut de chacun des montans de la cage, & on le fixe où l’on veut par le moyen de la vis C ; la fourchette a porte une roulette que l’on présente à la rosette dont on veut se servir, ensorte qu’elle porte sur la circonférence, & le ressort VO, dont on a parlé, l’y retient continuellement appliquée ; si alors on fait tourner l’arbre, chaque point de la rosette s’appliquera successivement sur la roulette a ; mais comme les rosettes sont figurées, & qu’elles ont des points, les uns plus près, les autres plus éloignés de l’axe, & tous ces points devant toucher la roulette, ils ne pourront le faire sans que l’axe s’approche & s’éloigne alternativement du porte-roulette ; ce qui fera paroître les poupées DC, DC, dans un balancement continuel, & tous les points de l’ouvrage montés sur l’assiette Q des mandrins, comme dans le simple tour à lunette, décriront une courbe semblable à celle de la circonférence de la rosette : pour guillocher sur le plat, on se sert de l’autre porte-roulette N (fig. 4. n°. 2. Pl. IV.), dont le nez en fourchette a est recourbé, ensorte que le plan de la roulette soit parallele à la longueur de la coulisse : on le met sur un côté de la cage, en sorte que la fourchette a soit dans l’espace que laissent entre elles deux paires de rosettes, la roulette tournée vers le renfort de la rosette dont on veut se servir ; si alors on fait tourner l’arbre, les rosettes tourneront aussi, & le ressort Xx poussant contre la roulette, pour faire appliquer dessus, les uns après les autres, tous les points de la rosette, l’arbre aura un petit mouvement dans les collets des poupées de R en C, & de C en R, mouvement qui se communiquera aussi à l’ouvrage.
Le support de cette sorte de tour, représenté Pl. III. fig. 2. est le plus composé de tous, il consiste ainsi que celui du précédent, en une fourchette D qui est recouverte, & en une piece BC qui est fixée de quel côté on veut, par le moyen de la vis E ; ces pieces sont de cuivre ; aux deux côtés de la partie verticale B sont des coulisses dans lesquelles la piece de fer F, qui est fendue dans sa partie horisontale & à ses extrémités, peut se mouvoir & être arrêtée par les écrous f. Pour fixer les outils sur ce support, car dans cette sorte d’ouvrage ils demandent d’être bien affermis, on se sert d’une piece A qu’on appelle crochet, dont on fait passer les extrémités ab par la fente de la partie horisontale du support, de sorte qu’il soit accroché au dessous ; on place ensuite un outil I, que l’on tient de la main droite sur le support, le manche H du crochet par dessus, sur lequel on appuie fortement de la main gauche, ce qui affermit l’outil. Voyez la fig. 2. Pl. III. n°. G.
On affermit aussi l’outil sur le support, par le moyen d’une boëte ou noix semblable à celle qui retient la fourchette du tour des horlogers. Voyez dans les outils d’horlogerie.
L’ouvrage que l’on applique sur le tour à figurer, doit être dégrossi & arrondi auparavant sur le tour à lunette, où il se monte sur des mandrins ; les outils avec lesquels on travaille, sont des biseaux ou becs d’âne, figurés ainsi que le dessein que l’on veut exécuter exige. Voyez les noms & la description de tous ces outils, ci-devant & Pl. I. du tour, & à leur article.
Tour elliptique, ou à tourner des ellipses, est une machine qui s’adapte sur le tour à lunette : il est composé de deux platines & d’un anneau. La grande platine qui est ronde, Planche V. fig. 1. est percée de deux tours, qu’on appelle fenêtres, marquées dans la figure SS. Elle a deux coulisses, AB, CD, qui sont retenues sur la platine par le moyen de quatre vis ABCD, qui ont leurs têtes gaudronnées afin d’avoir plus de prise. Les trous des coulisses par où passent les vis, sont de forme elliptique pour que les deux coulisses puissent se rapprocher l’une de l’autre ; ce qui se fait par le moyen des quatre pilons & des quatre vis ABCD. L’espace que laissent entr’elles les coulisses, est occupé par la petite platine, fig. 2. qui est un cercle dont on a retranché deux segmens. Les côtés AB, CD, sont en biseau incliné au plan de la platine de 45 ; cette platine coule entre les coulisses AB, CD, fig. 1. dom les biseaux recouvrent exactement ceux de la platine, comme on le peut voir par les lignes ef, du profil fig. 3. Les écrous EF, fig. 2. retiennent les petits T, fig. 6. ainsi nommés à cause de leur figure, à la platine mobile. La partie quarrée des petits T glisse dans les fenêtres SS de la grande platine ; l’assiette G, & la vis H servent pour monter les mandrins. On voit comment les petits T traversent la grande platine dans la figure 4. qui est l’envers de la premiere ; l’assiette i & l’écrou k que l’on y voit, servent pour monter toute cette machine sur l’arbre.
L’anneau que l’on voit représenté, figure 5. est une portion O de cylindre concavo-convexe ou cylindre creux. Elle est attachée sur une plaque NN, perpendiculaire à l’axe du cylindre qui est parallele à celui du tour. Les parties NN de la plaque, & qu’on appelle oreilles, sont percées par des fenêtres dont la longueur s’étend du même sens que celle de la plaque. Toute cette piece s’applique contre la poupée à lunette A, qui a deux oreilles PP, ensorte que l’assiette i & la vis k des mandrins, passent dans la concavité du cylindre, ensorte cependant que la vis k n’outrepasse point la base antérieure du cylindre. Cette piece est retenue appliquée contre la poupée par le moyen des vis à tête LM, dont la tige traverse les fenêtres NN de la plaque de l’anneau, & vont pénétrer dans les oreilles de la poupée, où ils sont retenus par des pas d’écrous.
On visse ensuite les deux platines assemblées sur l’assiette I des mandrins. Le côté de la figure 4. tourne vers l’anneau, ensorte que les T, EF, le touchent extérieurement, voyez fig. 7. Si alors on fait tourner l’arbre ik, & par conséquent les platines montées dessus, & que l’anneau soit excentrique à l’arbre, c’est-à-dire n’ait point l’arbre à son centre, on verra la petite platine sur laquelle l’ouvrage est monté, glisser alternativement dans les coulisses de l’autre qui tourne rond avec l’arbre.
Pour bien entendre comment cette construction donne des ellipses, il faut remarquer, figure 7. que si autour du point k, qui est le centre de l’arbre, on fait tourner un plan dans lui-même, c’est-à-dire comme tourne un plan perpendiculaire à l’axe, que tous les points de ce plan décriront des cercles ; que si on a la pointe d’un burin au point B, que le point A également éloigné du centre k, que la pointe B viendra la trouver en décrivant l’arc AB, ce qui reviendra au même que si la pointe B avoit parcouru le même arc AB, en allant de B en A.
Il en sera de même d’un autre point a, qui décrira un arc de cercle ag, concentrique au premier ; mais si le rayon ka se raccourcissoit en s’inclinant au rayon kg, ensorte que le point a passât par b, moins éloigné du centre k, la courbe que décriroit ce point ne seroit point un arc de cercle ; c’est ce que fait notre machine dont l’anneau est représenté par le cercle excentrique dnyez, ces petits T qui comprennent l’anneau par ux, la direction des coulisses par ux. Il est sensible que si en tournant, on fait incliner la ligne xu à l’horisontale gf, que l’extrémité e du Tx glissera sur l’axe ez du cercle excentrique ; ce qui ne pourra se faire lorsque le point u s’approche du point k, les deux T ne quittant jamais la circonférence de l’anneau, ensorte que lorsque la ligne ux coincidera avec l’horisontale gf, les Tux auront pris la position yz, ce qui fera parcourir à un point a, monté sur la même platine que les T, un arc ab d’ellipse, au lieu d’un arc de cercle ag. Ce qui revient au même que si la pointe du burin placée en b, décrivoit ce même arc en allant de b en a. Présentement si la machine continue de tourner, le rayon uk, qui par mk, nk, est devenu yk, s’alongera en passant par les degrés ok, vk, & deviendra xk. C’est cet alongement & ce racourcissement qui font la différence des deux axes, qui est toujours double de l’excentricité de l’anneau.
Tour, s. f. (Hist. mod.) on donne aussi quelquefois ce nom à une forteresse qui sert de prison d’état, telle que la tour de Londres.
Cette fameuse tour est non seulement une citadelle qui défend & commande la ville, la Tamise, &c. mais c’est encore une maison royale où les rois d’Angleterre ont quelquefois tenu leur cour ; un arsenal royal qui renferme des armes & des munitions de guerre pour 60000 hommes ; un trésor où l’on garde les joyaux & les ornemens de la couronne ; une monnoie où l’on fabrique les especes d’or & d’argent. Là sont aussi les grandes archives du royaume, où l’on conserve tous les anciens registres de la cour de Westminster, & les rôles ou terriers de tout ce que les rois d’Angleterre possédoient autrefois en Normandie, en Guienne, & les fiefs de leur mouvance, &c. Enfin c’est la prison principale où l’on renferme les criminels d’état, ou comme on dit de haute trahison. Voyez Arsenal, Monnoie, &c.
Au milieu est la grande tour blanche & quarrée, qui fut bâtie par Guillaume le conquérant. Dans l’enceinte de la tour est une église paroissiale exempte de toute jurisdiction de l’archevêque, & une chapelle royale où l’on ne fait plus de service.
Le principal officier de la tour est le connetable, qui a sous lui un lieutenant qui lui est entierement subordonné, & n’agit que par ses ordres, même en son absence. Différens rois d’Angleterre ont attribué au connetable le droit de prendre un flacon tenant deux gallons & une pinte de vin, sur chaque tonneau, & une certaine quantité d’écrevisses, d’huitres, & d’autres poissons à coquille, sur chaque bâtiment anglois chargé de ces marchandises ; & le double sur tout vaisseau étranger qui passe devant la tour. Il jouit aussi d’un honoraire de 200 livres pour chaque duc que l’on y constitue prisonnier, 100 livres pour chaque pair qui n’est pas duc, & 50 livres pour tout autre particulier de quelque qualité ou condition qu’il soit. Voyez Connetable.
Sous cet officier, & en son absence sous le lieutenant, est un gentilhomme de la porte, avec plusieurs gardes. Ce gentilhomme a la charge d’ouvrir & de fermer les portes, de remettre tous les soirs les clés au connetable ou au lieutenant, de les aller prendre le matin chez l’un ou chez l’autre. Il commande les gardes qui sont en faction le jour ; & à l’entrée de chaque prisonnier, il a pour son honoraire le vêtement de dessus, ou un équivalent : lequel pour un pair du royaume, est ordinairement de 30 livres, & de 5 pour tout autre particulier.
Autrefois le roi accordoit à un duc ou marquis prisonnier à la tour, 12 livres sterlings par semaine, ce qui est aujourd’hui réduit à 4 livres ; à tous les autres pairs, 10 livres par semaine, qui sont réduites maintenant à 2 livres 4 schelins 5 deniers ; aux chevaliers & gentilshommes, 4 livres, réduites à 13 schelins 4 deniers ; & aux personnes du commun, il ne donne maintenant que 10 schelins par semaine : pour ce qui est des gardes de la tour, Voyez Gardes.
Dans l’ancienne franchise qui joint la tour, on comprenoit aussi l’ancien parc d’artillerie, près de la place nommée spittle field, comme aussi ce qu’on appelle les petites minories, où le gentilhomme de la porte exerce la même autorité que les shérifs dans leur ressort. Voyez Artillerie, &c.
Tour, (Jurisp.) signifie en Angleterre la cour d’un shérif, laquelle se tient deux fois par an dans chaque canton de la province ; savoir un mois après Pâques, & un mois après la S. Michel. Voyez Shérif.
Personne n’est exempt de cette jurisdiction que les archevêques, les évêques, comtes, barons, religieux, religieuses, & tous ceux qui possedent des cantons en propre, & les font valoir par eux-mêmes.
On l’appelle tour du shérif, parce que ce magistrat fait une tournée dans la province, & tient sa cour en différens endroits.
Tour, (Art numismatiq.) la tour sur les médailles, désigne un magasin fait pour le soulagement du peuple ; mais on ne trouve de tours sur les médailles que depuis Constantin. (D. J.)
Tour de couvent, (Charpent.) c’est dans un couvent de filles, une espece de machine en forme de boisseau, ouverte en partie, & posée verticalement à hauteur d’appui dans la baie d’un mur de refend, où elle tourne sur deux pivots pour faire passer diverses choses dans le couvent, & les en faire sortir. On appelle aussi tour la chambre où est cette machine. Il y a des religieuses préposées au tour, qui parlent au tour, & qu’on appelle dames du tour. Voyez Touriere. (D. J.)
Tour de Léandre, (Archit. turq.) c’est une petite forteresse, située sur un rocher dans le canal de Constantinople, entre cette ville & celle de Scutari en Natolie. On voit de cette tour toute la ville de Constantinople, Péra, Galata, & plusieurs autres édifices qui font une très-belle perspective. Les Turcs nomment cette tour Khes-calesi, c’est-à-dire tour de la pucelle ; mais les Francs ne la connoissent que sous le nom de la tour de Léandre, & c’est sous ce nom que j’en ai parlé avec un peu plus d’étendue, quoique je sache bien que les amours d’Héro & de Léandre se soient passés bien loin de là, sur les bords du canal des Dardanelles. (D. J.)
Tour de Mécene, (Littérat.) maison très haute de Mécene, que les Poëtes ont chantée, parce que c’étoit la maison du protecteur des lettres ; molem propinquam nubibus, disoit Horace en parlant de cette maison : elle donna vraissemblablement le desir & l’envie aux autres grands seigneurs de Rome, ou aux gens riches de l’imiter. Quel devoit être le fracas d’une ville où l’on pouvoit, dit-on, compter près de 3000000 d’habitans ? une ville, qui selon la supputation de Pline, comprenoit avec ses fauxbourgs quarante-huit milles de tour, & dont les maisons pouvoient avoir jusqu’à sept étages, chacun de dix piés de hauteur ? Enfin cette passion d’élever des palais jusqu’aux nues, alla si loin en peu d’années, & les chûtes des maisons devinrent si fréquentes, qu’Auguste fut obligé de porter une loi qui défendoit aux particuliers d’élever aucun édifice qui eût plus de 70 piés romains de hauteur, ce qui revient à 65 de nos piés de roi & 3 pouces. (D. J.)
Tour d’ordre, (Littérat.) nom que porte le phare de Boulogne, & que M. de Valois rend par les mots de turris ordinis ; cependant ni le mot françois ordre, ni le latin ordo, ne paroissent être l’origine d’une pareille dénomination. Ce phare est très-ancien, & ayant été construit pour diriger le cours des vaisseaux qui abordoient à Boulogne, ville autrefois célebre par son commerce ; il fut réparé par les soins de Charlemagne. Son ancien nom étoit Ordrans, comme on l’apprend de la vie de S. Folenin évêque de Terrouenne ; mais Ordrans paroît une légere corruption d’Ordans. Plusieurs croient avec assez d’apparence, que turris Ordans s’étoit fait de turris ardens, la tour ardente, ce qui convenoit parfaitement à une tour où le feu paroissoit toutes les nuits. Voyez Phare. (D. J.)
Tour de porcelaine, (Hist. de la Chine.) cette fameuse tour est de figure octogone, large d’environ quarante piés, de sorte que chaque face en a quinze. Elle est entourée par-dehors d’un mur de même figure, éloigné de deux toises & demie, & portant à une médiocre hauteur un toit couvert de tuiles vernissées ; ce toit paroît naître du corps de la tour, & forme au-dessous une galerie assez propre.
La tour a neuf étages dont chacun est orné d’une corniche de trois piés à la naissance des fenêtres, & distingué par des toits semblables à celui de la galerie, à cela près qu’ils ont beaucoup moins de saillie, parce qu’ils ne sont pas soutenus d’un second mur ; ils deviennent même beaucoup plus petits, à mesure que la tour s’éleve & se rétrecit.
Le mur a du-moins sur le rez-de-chaussée douze piés d’épaisseur, & plus de huit & demi par le haut. Il est incrusté de porcelaines posées de champ ; la pluie & la poussiere en ont diminué la beauté ; cependant il en reste encore assez pour faire juger que c’est en effet de la porcelaine quoique grossiere ; car il y a apparence que la brique, depuis trois cens ans que cet ouvrage dure, n’auroit pas conservé le même éclat.
L’escalier qu’on a pratiqué en-dedans, est petit & incommode, parce que les degrés en sont extrèmement hauts ; chaque étage est formé par de grosses poutres mises en-travers, qui portent un plancher, & qui forment une chambre dont le lambris est enrichi de diverses peintures, si néanmoins les peintures de la Chine sont capables d’enrichir un appartement.
Les murailles des étages supérieurs sont percées d’une infinité de petites niches qu’on a remplis d’idoles en bas-relief, ce qui fait une espece de marquetage très-propre. Tout l’ouvrage est doré, & paroît de marbre ou de pierre ciselée ; mais je crois que ce n’est en effet qu’une brique moulée & posée de champ ; car les Chinois ont une adresse merveilleuse pour imprimer toute sorte d’ornemens dans leurs briques, dont la terre fine & bien sassée est plus propre que la nôtre à prendre les figures du moule.
Le premier étage est le plus élevé, mais les autres sont entr’eux d’une égale distance. On y compte cent quatre-vingt-dix marches presque toutes de dix bons pouces, ce qui fait cent cinquante-huit piés ; si l’on y joint la hauteur du massif, celle du neuvieme étage qui n’a point de degré, & le couronnement, on trouvera que la tour est élevée sur le rez-de-chaussée de plus de deux cens piés.
Le comble n’est pas une des moindres beautés de cette tour : c’est un gros mât qui prend au plancher du huitieme étage, & qui s’éleve plus de trente piés en-dehors. Il paroît engagé dans une large bande de fer de la même hauteur, tournée en volute, & éloignée de plusieurs piés de l’arbre, de sorte qu’elle forme en l’air une espece de cône vuide & percé à jour, sur la pointe duquel on a posé un globe doré d’une grosseur extraordinaire. Voilà ce que les Chinois appellent la tour de porcelaine, & que quelques européens nommeroient peut être la tour de brique. Quoi qu’il en soit de sa matiere, c’est assurément l’ouvrage le mieux entendu, le plus solide, & le plus magnifique qui soit dans l’orient, à ce que nous assurent les rr. pp. Jésuites. (D. J.)
Tour, (Jurisprud.) est le rang dans lequel plusieurs personnes ont droit de nommer ou présenter successivement aux bénéfices qui viendront à vaquer.
La présentation ou collation par tour dépend des titres & de la possession.
Quelquefois l’évêque nomme par tour avec le chapitre.
Les chanoines entr’eux présentent ou conferent certains bénéfices par tour.
Entre plusieurs co-patrons ecclésiastiques, chacun d’eux nomme à son tour.
On appelle tournaires ceux qui présentent ou conferent par tour.
La maniere de compter le tour dépend aussi des titres & de la possession ; en quelques endroits chacun nomme pendant une année, en d’autres pendant six mois ou un mois, en d’autres chacun des tournaires a sa semaine.
Il n’y a que les lettres de nomination ou collation qui fassent tour.
La collation nécessaire entre collateurs qui conferent alternativement, fait tour.
Une collation nulle remplit même le tour du collateur.
Mais le roi ne perd point son tour pour avoir présenté un incapable.
Une collation faite pour cause de permutation fait tour, quoiqu’elle n’ait pas été suivie de possession, ce qui s’entend pourvu que la collation ait été faite par l’ordinaire & du consentement du patron.
Le chanoine tournaire est le vrai collateur ordinaire, & la résignation faite entre ses mains est canonique. Voyez Rebuffe sur le concordat, Jovet au mot bénéfice, la bibliotheque canonique, du Luc, & les mots Bénéfice, Collation, Collateur, Nomination, Patron, Présentation. (A)
Tour de l’echelle, (Jurisprud.) est un certain espace que celui qui fait construire un mur du côté du voisin, laisse entre ce mur & l’héritage voisin pour pouvoir poser une échelle contre ce mur en-dehors & le réparer.
Suivant un acte de notoriété du chatelet du 23 Août 1701, le tour de l’échelle est de trois piés, ce qui n’est pas un droit de servitude, mais un droit de propriété, tellement que celui qui a laissé ces trois piés, peut ensuite les enclorre, si c’est dans une ville où tous les bâtimens se joignent.
Ce droit de trois piés au-delà du mur ne s’établit pas sans titre, d’autant que celui qui bâtit, peut pousser son bâtiment jusqu’à l’extrémité de son héritage, on faire un mur mitoyen, auxquels cas il n’y a pas de tour de l’échelle.
Par rapport aux maisons royales & autres édifices royaux, les officiers du roi prétendent que le tour de l’échelle est de dix-huit piés, à cause de l’importance de ces bâtimens qui demandent ordinairement plus de place pour les réparer ; ces officiers prétendent aussi que les échoppes ou boutiques adossées contre ces bâtimens royaux & comprises dans l’espace de dix-huit piés, font partie de l’enclos de la maison royale, & sont soumises à la même jurisdiction. Voyez le praticien de Couchot & les lois des bâtimens. (A)
Tour quarrée, (Jurisprud.) étoit une chambre ou commission établie par François I. pour la réformation de ses finances & la recherche des financiers ; il en est parlé dans l’édit de Château-Briant du 8 Juin 1532, art. 4, 9 & 11. Cette chambre fut ainsi nommée, parce qu’elle tenoit ses séances dans une tour quarrée qui étoit en l’île Notre-Dame ou du palais. Voyez Sauval aux preuves, pag. 124, la conférence de Guénois & Chambre de la tour quarrée. (A)
Tour, (Critiq. sacrée.) l’Ecriture fait mention de plusieurs tours destinées à divers usages. Il y en avoit pour fortifier les villes, comme celles de Phanuel, de Sichem, de Thèbes, de Tyr, de Syène & toutes celles de Jérusalem. D’autres servoient à découvrir de loin, comme celle de Jézraël, d’où la sentinelle apperçut l’armée de Jéhu qui s’avançoit, IV. Rois ix. 17. On élevoit aussi des tours dans les campagnes pour garder les fruits & les troupeaux, Is. v. 2. C’est pour veiller à la conservation du bétail que le roi Osias fit bâtir des tours dans le désert, II. Paral. xxvj. 10 ; & comme il y avoit des gardes dans ces tours pour défendre les pasteurs & les troupeaux contre les courses des voleurs, cet usage a donné lieu à une façon de parler souvent usitée dans l’Ecriture, par exemple, IV. Rois, xvij. 9, depuis la tour des gardes jusqu’à la ville fortifiée, pour marquer généralement tous les lieux du pays depuis le plus petit jusqu’au plus grand. (D. J.)
Tour, (terme de Blason.) il y a en blason différentes especes de tours ; on les appelle rondes, quarrées, crevées, carnelées ou crenelées. Les unes sont sans portes, les autres avec la porte grillée, les unes sont maçonnées, quelques autres sont couvertes ; & il y en a de sommées de girouettes, ou d’autres pieces. (D. J.)
Tour, ou Tambour, s. m. en méchanique, est une roue ou un cercle concentrique à la base d’un cylindre, avec lequel il peut se mouvoir autour d’un même axe. Telle est la roue AB, Pl. méchan. fig. 44. qui est mobile sur l’axe EF.
L’axe, la roue & les leviers qui y sont attachés pour se mouvoir en même tems, forment la puissance méchanique, appellée axis in peritrochio, axe dans le tambour, ou simplement tour. Voyez Axe dans le tambour.
Cette machine s’appelle proprement tour, ou treuil, lorsque l’axe ou arbre EF est parallele à l’horison ; lorsque cet arbre est perpendiculaire à l’horison, la machine s’appelle alors vindas, ou cabestan. Ces deux machines sont employées fréquemment aux puits, aux carrieres, aux bâtimens pour élever les pierres & les autres matériaux, sur les vaisseaux & dans les ports pour lever les ancres, &c. & quand on y fait attention, on les retrouve en petit dans une infinité d’autres endroits, où elles ne sont différentes que par la façon ou par la matiere dont elles sont faites. Les tambours, les fusées, les bobines sur lesquelles on enveloppe les cordes ou les chaînes pour remonter les poids ou les ressorts des horloges, des pendules, des montres mêmes, doivent être regardés comme autant de petits treuils ou de petits cabestans. (O)
Tour, (jeu des Echecs.) piece du jeu des échecs qui est posée aux extrémités du tablier, & qui ne se remue qu’à angles droits : il y a deux tours à ce jeu. Voyez Echecs, jeu des.
Tours doubles au Médiateur, ce sont ordinairement les derniers tours de la partie, où l’on double le jeu, les matadors, la consolation, la bête, la vole, &c. ou simplement telle de ces choses dont on sera convenu avant de commencer à jouer.
Tour, au Trictrac, signifie la partie composée de douze trous, dont chaque vaut douze points.
Tour irrégulier élégant, (Gram. franç.) il y a un tour irrégulier élégant, qui consiste à mettre le cas devant le verbe. Les orateurs s’en servent souvent avec beaucoup de grace : exemple en prose. « Celui qui nous a donné la naissance, nous l’évitons comme une embuche ; cependant cette souveraine, les nouvelles constitutions la dégradent ; toute son autorité est anéantie, & pour toute marque de sa dignité, on ne lui laisse que des révérences ; la supérieure ne fait rien qu’on ne condamne, les plus innocentes actions on les noircit ».
Exemple en poésie :
Ces moissons de lauriers, ces honneurs, ces conquêtes,
Ma main en vous servant, les trouve toutes prêtes.
Il semble qu’il faudroit dire régulierement : « nous évitons, comme une embuche, celui qui nous a donné la naissance ; cependant les nouvelles constitutions dégradent cette souveraine ; on noircit les plus innocentes actions ». Et quant aux vers, la construction naturelle seroit, « ma main trouve toutes prêtes ces moissons de lauriers, &c ». On parle dans la conversation & dans un livre tout simplement ; mais dans une action publique qui est animée de la voix, & qui demande une éloquence plus vive, le tour irrégulier a bien une autre force.
Il y a un autre tour irrégulier, qui consiste à mettre le nominatif après son verbe ; ce renversement, bien loin d’être vicieux, a de la grandeur, & est quelquefois absolument nécessaire : exemple. « Ils n’eurent pas les barbares, le plaisir de le perdre, ni la gloire de le mettre en fuite ». Cette expression est bien plus belle que de dire, « mais les barbares n’eurent pas le plaisir, &c. Déja frémissoit dans son camp l’ennemi confus & déconcerté ; déja prenoit l’essor pour s’avancer dans les montagnes, cet aigle dont le vol hardi avoit d’abord effrayé nos provinces ».
Il est quelquefois indispensable de mettre le nominatif après le verbe, si l’on ne veut pas tomber dans un style fade & languissant : exemples. « Il s’éleve du fond des vallées des vapeurs sulphureuses dont se forme la foudre qui tombe sur les montagnes ». Autre exemple. « Voilà le livre que me donna hier le grand homme qui n’a jamais rien fait que le public n’ait reçu avec admiration ». Il seroit bien moins noble de dire, « dont la foudre qui tombe sur les montagnes se forme ; le grand homme qui n’a jamais rien fait que le public n’ait reçu avec admiration, me donna hier ce livre, &c ».
Il y a encore un autre tour irrégulier, qui est fort élégant dans un discours oratoire : exemple. « Il l’avoit bien connu, messieurs, que cette dignité & cette gloire dont on l’honoroit, n’étoit qu’un titre pour sa sépulture ». Autre exemple. « Je l’avois prévu, que ce haut degré de grandeur seroit la cause de sa ruine ». Ces expressions sont sans doute plus pathétiques que de dire simplement, « il l’avoit bien connu messieurs, que cette dignité, &c. J’avois prévu que ce haut degré de grandeur, &c ». (D. J.)
Tours de cartes et de mains, (art d’Escamotage.) Les tours de cartes sont des tours de gibeciere ou d’esprit. Il ne faut pas charger cet ouvrage d’exemples de ces bagatelles, mais on en doit citer quelques-uns pour apprendre aux hommes à chercher les causes de plusieurs choses qui leur paroissent fort surprenantes.
Les joueurs de gibeciere font changer en apparence une carte dans une autre ; par exemple un as de cœur en un as de trefle.
Pour en faire autant qu’eux, vous prendrez ces deux as, vous collerez un petit morceau de papier blanc bien mince sur vos deux as avec de la cire blanche ; sur l’as de cœur vous collerez un trefle, & sur l’as de trefle vous collerez un cœur. Vous montrerez ces deux as collés à tout le monde avec un peu de vîtesse. Vous montrerez d’abord l’as de cœur, & vous direz ; messieurs, vous voyez bien que c’est l’as de cœur. Vous ferez mettre le pié dessus ; & en mettant l’as sous le pié, vous tirerez avec le doigt le petit papier qui est attaché sur la carte. Vous montrerez ensuite l’as de trefle ; & en le faisant mettre sous le pié d’une autre personne qui soit éloignée de la premiere, vous ôterez aussi le papier de dessus la carte. Vous commanderez ensuite à l’as de cœur de changer de place, & d’aller à celle de l’as de trefle, & à l’as de trefle, d’aller à celle de l’as de cœur. Enfin vous direz à celui qui aura mis le pié sur l’as de cœur, de montrer sa carte, il trouvera l’as de trefle, & celui qui a mis le pié sur l’as de trefle, trouvera l’as de cœur.
Autre tour de carte. Après avoir fait battre un jeu de cartes, vous en ferez tirer une du jeu, puis vous disposerez les cartes en deux tas, & vous ferez poser celle que l’on a tirée sur un des deux tas. Ayant cependant mouillé le dos de votre main droite de quelque eau gommée, & mis les deux mains l’une dans l’autre, vous poserez le dos de votre main droite sur le tas où l’on a mis la carte : par ce moyen vous l’enleverez, & en tournant au-tour, vous la mettrez dans votre chapeau, la figure tournée de votre côté, afin de voir quelle elle est. Vous ferez poser une main sur le tas où l’on a mis la carte que vous avez tirée ; pendant ce tems-là vous prendrez l’autre tas, & le mettrez sur votre carte dans votre chapeau. Vous remettrez le second tas sur la table avec la carte dessus. Vous demanderez ensuite à la personne où il a mis sa carte ; il vous dira, sur le tas où j’ai la main : vous lui répondrez qu’elle est sous l’autre, & vous lui direz quelle est cette carte avant que la lever.
Pour deviner toutes les cartes d’un jeu les unes après les autres, il faut d’abord en remarquer une, & battre les cartes, en sorte que celle qu’on a remarquée se trouve dessus ou dessous. Je suppose qu’on ait remarqué le roi de pique ; ensuite il faut mettre les cartes derriere son dos, & annoncer qu’on va tirer le roi de pique. On tire effectivement le roi de pique qu’on a remarqué ; mais en le tirant on en tire une seconde que l’on cache dans sa main, & que l’on regarde en jettant la premiere que j’ai supposée être le roi de pique. Supposé que la seconde qu’on a regardée en jettant la premiere soit une dame de cœur, on annonce qu’on va tirer une dame de cœur ; mais en la tirant, on en tire une troisieme qu’on regarde pendant qu’on jette la seconde, & ainsi de suite jusqu’à la derniere.
Si vous voulez deviner la carte qu’on aura touchée, il faut faire tirer une carte du jeu, la faire mettre sur la table, & remarquer quelque tache particuliere sur cette carte (cela est facile, car il n’y a pas une carte qui n’ait une marque particuliere) ; vous dites ensuite qu’on la mette dans le jeu, & qu’on batte les cartes. Quand elles sont bien battues, vous les prenez & montrez la carte qu’on a touchée.
Pour trouver la carte que quelqu’un aura pensée, il faut premierement diviser ces cartes en cinq ou six tas, & faire ensorte qu’il n’y ait que cinq ou sept cartes à chaque tas. Secondement il faut demander en montrant ces tas les uns après les autres, dans quel tas est la carte qu’on a pensée, & en même tems compter combien il y a de cartes dans ce tas. Troisiemement il faut mettre ces tas les uns sur les autres, en sorte que celui où est la carte pensée soit dessous. Quatriemement, il faut encore faire autant de tas qu’il y avoit de cartes dans le tas où étoit la carte pensée, sans y employer tout le jeu, mais garder autant de cartes qu’il en faut pour en mettre une sur chaque tas. Cinquiemement, il faut montrer les tas les uns après les autres, & demander une seconde fois dans quel tas est la carte pensée. Elle sera précisément la premiere du tas qu’on vous indiquera.
Il est aisé de deviner les cartes de dessus trois tas de cartes. Pour cet effet, remarquez une carte dans le jeu que vous faites trouver dessus en battant. Après cela vous faites trois tas sur l’un desquels se trouve la carte que vous connoissez. Il faut appeller la carte que vous connoissez la premiere, & au-lieu de la prendre, vous en prenez une autre, que vous regardez, laquelle vous appellez en prenant celle du second tas ; enfin vous appellez celle-ci en prenant celle que vous connoissez d’abord. Ayant donc en votre main les trois cartes que vous avez appellées, vous les faites voir selon l’ordre que vous les avez appellées.
Pour faire trouver trois valets ensemble avec une dame, quoiqu’on ait mis un valet avec la dame sur le jeu, un valet dessous & l’autre dans le milieu du jeu, voici ce qu’on fait. On ôte trois valets & une dame du jeu que l’on met sur la table ; ensuite on dit, en montrant les trois valets : « messieurs, voilà trois drôles qui se sont bien divertis au cabaret ; après avoir bien bu & bien mangé, ils se demandent l’un à l’autre s’ils ont de l’argent ; il se trouve que tous trois n’ont pas un sou. Comment faire, dit l’un d’eux ? Il faut demander encore du vin à l’hôtesse, & tandis qu’elle ira à la cave, nous nous enfuirons ». Tous trois y consentent, appellent l’hôtesse, qui est la dame qu’on montre, & l’envoient à la cave. Pour cela vous renversez la dame sur la table, après quoi vous dites : « Allons, il faut faire enfuir nos trois gaillards ». Vous en mettez un sur le jeu, un dessous, & l’autre au milieu. Notez qu’avant que vous fassiez le tour, il faut faire en sorte que le quatrieme valet se trouve dessous, ou sur le jeu de cartes. L’hôtesse étant de retour, & ne trouvant pas ses trois gaillards, se met en état de courir après. « Faisons-la courir, dites-vous ; voyons si elle pourra attraper nos trois drôles ». Pour cela vous la mettez sur le jeu ; après quoi vous donnez à couper à quelqu’un de la compagnie : il est certain qu’en jettant les cartes les unes après les autres, on trouvera trois valets avec la dame.
Le dernier tour que je vais décrire est le tour des jetons. Vous faites compter par une personne dix-huit jetons ; vous en prenez 6 pendant ce tems-là dans la bourse, & vous les cachez entre le pouce & le premier doigt de votre main droite : ensuite vous dites, « monsieur, vous avez compté dix huit jetons » ; vous dit qu’oui : pour lors vous ramassez les jetons, & en les ramassant vous laissez tomber les six que vous avez dans votre main avec les dix-huit ; vous les mettez tous dans la main de la personne qui les a comptés ; ainsi il y en a vingt-quatre : ensuite vous lui dites : « Combien souhaitez-vous qu’il y en ait dans votre main, entre dix-huit & vingt-quatre » ? Si l’on dit : « je souhaite qu’il y en ait vingt-trois », vous dites : « monsieur, rendez-moi un de vos jetons », & vous lui faites observer qu’il en reste dix-sept, parce que vous lui avez fait croire que vous ne lui en avez donné que dix-huit. Enfin vous prenez des jetons dans la bourse, & vous comptez 18, 19, 20, 21, 22 & 23 ; vous ramassez ces six jetons en faisant semblant de les mettre dans votre main gauche ; mais vous les retenez dans la droite, que vous fermez, & vous faites semblant de les faire passer avec les dix-sept, en ouvrant votre main gauche : vous tenez cependant les six jetons dans votre main droite, & vous dites à la personne de compter ces jetons ; il trouve le nombre qu’il a demandé, qui est vingt-trois.
Vous mêlez vos six jetons parmi les vingt-trois en les ramassant, & vous remettez le tout ensemble dans la bourse, ou les remettant secretement dans la main de la même personne avec six autres jetons : vous lui dites de fermer la main, & vous lui demandez combien il veut qu’il s’y en trouve de vingt-trois à vingt-neuf. S’il en demande, par exemple, vingt-six, vous lui dites de vous en donner trois ; puis de vingt-trois à vingt-six vous comptez trois, que vous faites semblant de faire passer dans la main avec les autres, comme vous avez fait ci-dessus ; alors vous lui dites de compter, il s’en trouve vingt six : vous les ramassez, & en les ramassant vous remettez les trois que vous avez dans votre main avec les autres, & vous serrez le tout ensemble.
Comme il y a des personnes qui se trouveroient embarrassées, si au-lieu de vingt-trois jetons que j’ai supposés, l’on en demandoit dix-neuf, combien il faudroit demander des jetons ? on remarquera dans ce cas combien il faut de jetons depuis le nombre que la personne demande jusqu’à vingt-quatre ; ce qu’il y aura est le nombre qu’il faut demander, ce qu’on comprend sans peine.
Il ne sera pas fort difficile de deviner la plûpart des autres tours de cette espece, dès qu’on en cherchera vivement la clé. Mais il se présente quelquefois en public des hommes qui font des tours fort surprenans d’un autre genre, & que les physiciens eux-mêmes ont bien de la peine à expliquer. Il n’entre dans ces tours point d’esprit, de ruse ou d’escamotage ; ce sont des épreuves vraies, & qu’aucun spectateur ne peut imiter. En un mot ces tours dépendent nécessairement d’une conformation d’organes particuliers, fortifiée par une prodigieuse habitude, & accompagnée quelquefois d’une adresse merveilleuse.
Ce que le sieur Richardson, anglois, faisoit en public à Paris en 1677, étoit assurément fort étonnant : cet homme qu’on appelloit le mangeur de feu, faisoit rôtir une tranche de viande sur un charbon dans sa bouche, allumoit ce charbon avec un soufflet, & l’enflammoit par un mélange de poix noire, de poix résine & de soufre enflammé ; ce mélange allumé dans sa bouche produisoit le même frémissement que l’eau dans laquelle les forgerons éteignent le fer, & bien-tôt après il avaloit ce charbon enflammé, cette poix, ce soufre & cette résine. Il empoignoit un fer rouge avec sa main, qui n’étoit pas cependant plus calleuse que celle d’un autre homme, enfin il tenoit un autre fer rouge entre ses dents.
M. Dodart a fait de grands efforts dans les anciens mémoires de l’académie des Sciences pour expliquer tous ces faits dont il avoit été témoin avec ses collegues, & avec tout Paris. Il cite des choses approchantes sur le témoignage de Busbeque, d’un M. Thoisnard d’Orléans, & d’une dame de la même ville ; mais de tels témoignages particuliers n’ont pas grande force ; & d’ailleurs M. Dodart lui-même convient qu’il n’étoit pas possible de soupçonner aucune préparation secrete dans les épreuves du sieur Richardson, comme dans le charlatan de Busbeque & son moine turc. Richardson faisoit également ses épreuves dans les occasions les plus imprévues, comme dans celles qu’il pouvoit prévoir, à la cour, à la ville, en public & en particulier, en présence des gens les plus éclairés comme devant tout un peuple.
M. Dodart dit aussi qu’il y a des plombiers qui vont quelquefois chercher au fond du plomb récemment fondu des pieces de monnoie que l’on y jette, & qu’on leur donne pour les engager à faire cette épreuve, qui a été souvent répétée dans les jardins de Versailles & de Chantilly ; mais vraissemblablement ces plombiers usoient auparavant de quelque ruse pour ne se pas brûler, ou-bien avoient les doigts fort calleux, ce qui n’étoit point, selon M. Dodart lui-même, le cas du sieur Richardson, en sorte que ce dernier exécutoit apparemment son épreuve du fer chaud par de certaines mesures qu’il prenoit pour le poser entre ses dents & sur sa main, foiblement & avec une grande prestesse.
Le charbon allumé m’étonne peu ; il n’est presque plus chaud dès le moment qu’il est éteint ; l’anglois pouvoit alors l’avaler ; le soufie ne rend pas le charbon plus ardent, il ne fait que le nourrir : sa flamme brûle foiblement ; le soufflet avec lequel cet anglois industrieux allumoit ce charbon, souffloit apparemment beaucoup plus sur sa langue que sur le charbon même. Le mélange de poix-résine, de poix noire & de soufre allumé n’est pas si chaud qu’une bouche calleuse & abreuvée de salive ne puisse bien le souffrir. Les résines ne se fondoient sans doute, & le soufre ne brûloit qu’à la surface, ce qui ne faisoit qu’une croûte, & néanmoins la tranche de viande se grilloit à merveille. Le bruit que faisoit le mélange allumé dans la bouche du mangeur de feu n’étoit pas l’effet d’une extrème chaleur, mais de l’incompatibilité du soufre allumé avec la salive, comme avec toutes les autres liqueurs aqueuses.
Outre que le mélange dont nous venons de parler n’est pas extrèmement chaud, il est gras, & par conséquent il ne peut toucher immédiatement, ou du moins il ne touche que légerement la langue qui est abreuvée de salive.
Mais pour conclure, puisque personne ne pouvoit faire les mêmes épreuves que cet anglois, il en faut toujours revenir à une conformation singuliere d’organes fortifiée par l’habitude, l’adresse & le tour de main. S’il étoit vrai qu’il y eût eu quelque secret dans les tours du sieur Richardson, comme il avoit intérêt de le laisser croire, il eût rendu quelqu’un capable de soutenir les mêmes épreuves. En ce cas son secret eût mérité une grande récompense, parce qu’on l’auroit appliqué à des usages plus importans & plus sérieux ; cependant il n’a donné ni vendu ce prétendu secret à personne, car depuis plus d’un siecle personne ne s’est présenté dans le public faisant les mêmes choses que faisoit à Londres & à Paris le sieur Richardson en 1677. (Le chevalier de Jaucourt.)
Tour de Londres, (Géog. mod.) forteresse d’Angleterre, ainsi nommée à cause d’une grande tour blanche & quarrée qui est au milieu. Cette forteresse a été bâtie en 1077 par Guillaume le conquérant, & son fils Guillaume II. l’environna d’un mur en 1098. Elle est située près de la Thamise, au-dessous du pont, & à l’orient de Londres. Aussi j’en ai déja parlé en décrivant cette ville.
Mais je dois ajouter ici, que c’est dans cette prison d’état, qu’est né le premier jour de l’année 1656. Fleetwood (Guillaume), savant théologien, mort évêque d’Ely en 1723. dans la soixante-septieme année de son âge.
C’étoit un homme d’un rare mérite, profond antiquaire, & en même tems habile prédicateur. Il étoit fort touché de voir que la différence d’opinions en matiere de religion, causoit tant de troubles ; persuadé que toute erreur qui n’influe point sur la pratique, devroit être parmi les hommes un objet de tolérance. L’histoire de sa vie est à la tête du recueil de ses sermons, imprimés en 1736. in-fol.
Son inscriptionum antiquarum sylloge, parut à Londres en 1691. in-8°. Ce recueil est en deux parties. La premiere contient des inscriptions payennes remarquables, tirées de Gruter, de Reinesius, de Spon, & d’autres auteurs, & rangées sous cinq classes : la premiere classe regarde les dieux ; la seconde les ouvrages publics ; la troisieme les empereurs ; la quatrieme les prêtres, les magistrats, les soldats, &c. & la derniere les particuliers, comme des peres & des meres, des enfans, des maris, des femmes, des freres ; des sœurs, &c.
On trouve dans la seconde partie, les anciens monumens chrétiens. Les remarques sont fort concises, formées des observations des autres, & de celles de l’auteur. Dans une nouvelle édition de cet ouvrage, il seroit nécessaire d’y ajouter des tables exactes, sur-tout des noms propres, car il n’y en a qu’une seule qu’on pourroit appeller un glossaire des antiquités, contenues dans les inscriptions. Il seroit encore bon qu’on mît au titre des inscriptions, la lettre G, ou R, ou S, ou A, ou B, ou P, ou F, ou W, pour indiquer qu’elles sont tirées de Gruter, ou de Reinesius, ou de Spon, Aringhus, Baronius, Papebroch, Ferretius, Wheler, &c. parce qu’on pourroit avoir recours aux sources, lorsqu’on soupçonneroit quelque faute d’impression, ou qu’on voudroit de plus amples éclaircissemens.
Son Essai sur les miracles fut imprimé à Londres en 1701, in-8°. Il y attaque les systèmes défectueux ou insoutenables de plusieurs théologiens modernes, lesquels attribuent au diable une puissance, qui détruit la plus forte preuve que les miracles fournissent en faveur du christianisme. C’est dommage que ce traité soit fait en forme de dialogues, qui ne conviennent guere aux matieres sérieuses.
En 1707 le docteur Fleetwood donna un petit livre d’un tout autre genre, mais dont on peut tirer de l’utilité ; c’est son chronicum pretiosum, ou histoire de la monnoie d’Angleterre, du prix du blé & d’autres denrées pour les six derniers siecles.
En 1712, il mit au jour, sans nom d’auteur, le jugement de l’église d’Angleterre, touchant le baptême des laïques & des non-conformistes. Il soutient dans cet ouvrage, que l’église anglicane n’a jamais décidé que le baptême des laïques est invalide. (Le chevalier de Jaucourt.
Tour de Roussillon, (Géog. mod.) tour de France dans le Roussillon, près de la Tet, à 2 milles de Perpignan. Ce sont les restes infortunés de l’ancienne ville de Ruscino, qui a donné le nom à tout le pays. Tite Live nous apprend que c’étoit une ville célebre du tems d’Annibal, où les petits rois des pays voisins s’assembloient pour délibérer sur leurs affaires. L’illustre & savant M. de Marca, croit que cette ville fut détruite vers l’an 828. lorsque Louis le Débonnaire châtia ceux auxquels la garde de la frontiere avoit été confiée, & qui l’avoient mal défendue contre les Sarrasins. (D. J.)