L’Encyclopédie/1re édition/HELEPOLE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 99-100).

HELEPOLE, s. m. (Art milit. & Hist.) machine militaire des anciens propre à battre les murailles d’une place assiégée.

Ce mot vient du grec ἑλέπολις, qui est composé des mots ἑλεῖν, prendre, & πόλις, ville.

L’hélépole étoit une tour de bois composée de plusieurs étages, qui avoit quelquefois des ponts qu’on abattoit sur les murailles des villes & sur les breches, pour y faire passer les soldats dont cette machine étoit remplie.

Parmi les auteurs qui ont écrit de l’hélépole, il y en a plusieurs qui prétendent qu’il y avoit un bélier au premier étage.

Diodore de Sicile & Plutarque ont donné la description du fameux hélépole de Démétrius le Poliorcete au siége de Rhodes. Voici celle de Diodore.

« Démetrius ayant préparé quantité de matériaux de toute espece, fit faire une machine qu’on appelle hélépole, qui surpassoit en grandeur toutes celles qui avoient paru avant lui. La base en étoit quarrée. Chaque face avoit 50 coudées. Sa construction étoit un assemblage de poutres équarries, liées avec du fer ; les poutres distantes les unes des autres, d’environ une coudée, traversoient cette base par le milieu pour donner de l’aisance à ceux qui devoient pousser la machine. Toute cette masse étoit mise en mouvement par le moyen de huit roues proportionnées au poids de la machine, dont les jantes étoient de deux coudées d’épaisseur, & armées de fortes bandes de fer.

… » Aux encoignures il y avoit des poteaux d’égale longueur, & hauts à peu-près de cent coudées, tellement panchés les uns vers les autres, que la machine étant à neuf étages, le premier avoit quarante-trois lits, & le dernier n’en avoit que neuf ». (On croit que par ces lits il faut entendre les solives qui soutenoient le plancher de chaque étage, c’est le sentiment de M. de Folard.) « Trois côtés de la machine étoient couverts de lames de fer, afin que les feux lancés de la ville ne pussent l’endommager. Chaque étage avoit des fenêtres sur le devant d’une grandeur & d’une figure proportionnée à la grosseur des traits de la machine. Au-dessus de chaque fenêtre étoit élevé un auvent, ou maniere de rideau fait de cuir, rembourré de laine, lequel s’abaissoit par une machine, & contre lequel les coups lancés par ceux de la place perdoient toute leur force. Chacun des étages avoit deux larges échelles, l’une desquelles servoit à porter aux soldats les munitions nécessaires, & l’autre pour le retour. Pour éviter l’embarras & la confusion, trois mille quatre cens hommes poussoient cette machine, les uns par dedans, les autres par dehors. C’étoit l’élite de toute l’armée pour la force & pour la vigueur ; mais l’art avec lequel cette machine avoit été faite, facilitoit beaucoup le mouvement ».

Vegece donne aussi une sorte de description de ces especes de tours, qu’on va joindre à celle de Demetrius. Ceux qui voudront entrer dans un plus grand détail de ces tours & des autres machines de guerre des anciens, pourront consulter le traité de l’attaque & de la défense des places des anciens, par le chevalier Folard.

« Les tours, dit Vegece, sont de grands bâtimens assemblés avec des poutres & des madriers, & revêtus avec soin de peaux crues ou de couvertures de laine, pour garantir un si grand ouvrage des feux des ennemis ; leur largeur se proportionne sur la hauteur : quelquefois elles ont trente piés en quarré, quelquefois quarante ou cinquante, mais leur hauteur excede les murs & les tours de pierre les plus élevés. Elles sont montées avec art sur plusieurs roues, dont le jeu fait mouvoir ces prodigieuses masses. La place est dans un danger évident, quand la tour est une fois jointe aux murailles : ses étages se communiquent en-dedans par des échelles, & elle renferme différentes machines pour prendre la ville. Dans le bas étage est un bélier pour battre en breche. Le milieu contient un pont fait de deux membrures, & garni d’un parapet de clayonnage. Ce pont poussé en-dehors, se place tout d’un coup entre la tour & le haut du mur, & fait un passage aux soldats pour se jetter dans la place. Le haut de la tour est encore bordé de combattans armés de longs épieux, de fleches, de traits & de pierres pour nettoyer les remparts. Dès qu’on en est venu là, la place est bien tôt prise. Quelle ressource reste-t-il à des gens qui se confioient sur la hauteur de leurs murailles, lorsqu’ils en voyent tout-à-coup une plus haute sur leur tête ». Vegece, traduction de Segrais. Voyez (Pl. XII. de fortification) une tour avec son pont & son belier. (Q)