L’Encyclopédie/1re édition/PARTIE
PARTIE, s. f. (Métaphysique.) c’est une quantité qui, prise d’un tout, lui est inférieure, & combinée avec ce dont elle a été prise, redevient égale au tout. On reconnoît pour axiomes les propositions, qui affirment que le tout est plus grand que sa partie, que toutes les parties réunies sont égales au tout, & qu’enfin le tout & ses parties prises ensemble peuvent être substitués réciproquement l’un à l’autre.
On distingue entre partie aliquote & partie aliquante. Partie aliquote, c’est celle qui étant répétée un certain nombre de fois, fait une somme précisément égale au tout. Partie aliquante, c’est celle dont la répétition ne produit jamais qu’une somme inférieure ou supérieure au tout. Trois est partie aliquote de douze, parce que répété quatre fois, il produit exactement ce nombre ; mais trois n’est que partie aliquante de seize, car cinq fois trois sont quinze ; & six fois trois sont dix-huit, deux nombres, l’un au-dessus, l’autre au-dessous de seize.
Tout nombre moindre est partie d’un plus grand. Ce qui est partie d’une partie, est par-là même partie du tout. Les parties égales de tous égaux, sont égales entr’elles.
Les parties des tous sont actuelles ou simplement possibles. Une partie actuelle, c’est celle qui a ses bornes déja distinctes & déterminés. Une partie possible, c’est celle qu’on peut désigner arbitrairement. Les parties d’une montre, par exemple, ont chacune leur grandeur & leur figure déterminée, qui en font l’actualité ; mais une masse de plomb ou une regle de bois n’ont encore que des parties possibles, & les ouvriers qui les employeront peuvent les former à leur gré. Le continu conçu d’une maniere abstraite n’offre que des parties possibles. Il y a une étendue entre Berlin & Paris : je la conçois d’abord en général comme continue, & alors je ne détermine point combien de lieues séparent ces deux villes. Mais ensuite, en faisant attention aux villes, villages, rivieres, campagnes, montagnes, bois, & autres choses interposées, les parties actuelle, se tracent sous mes yeux, & en les comparant à une mesure commune, j’assigne la distance de ces deux lieux. Dans les contigus au contraire les parties sont toutes faites.
Parties d’oraison, (Gram.) voyez Discours, Langue, Oraison.
Partie, en Anatomie, est un terme général dont on se sert pour nommer chaque partie du corps, & les parties de ces parties. Le foie est une partie organique, dont une partie est située dans l’hypocondre droit, & l’autre dans l’épigastre. Les parties secretes ou naturelles, que le peuple appelle les parties honteuses, sont celles qui servent à la génération.
Parties génitales de l’homme, qui comprennent le pénil & les testicules. Voyez Penil, Testicule, Génération, &c.
Bracton dit que l’amputation de ces parties étoit félonie ou un crime capital, suivant le droit commun, soit que ce fût du consentement du patient ou non. Voyez Eunuque & Castration, comme il paroît par ce passage.
« Henri Hall & A. sa femme ont été arrêtés & enfermés dans la prison d’Evilchester, comme accusés d’avoir coupé les parties génitales de Jean Moine, que ledit Henri a surpris avec sadite femme A. ». Rot. claus. 13. hen. III.
Parties égales, (Pharmacie.) expression dont on se sert dans les prescriptions des remedes composés & qui n’a pas besoin d’être définie : l’égale quantité se détermine toujours par le poids. Cette expression s’abrege dans les formules par les lettres initiales des deux mots P. E. & en latin P. Æ. partes æquales. (b)
Partie de fortune, dans l’Astrologie judiciaire, est l’horoscope lunaire, ou le point dans lequel est la lune dans le tems que le soleil est dans le point ascendant de l’Orient.
Le soleil dans son ascendant est supposé donner la vie, & la lune donne l’humide radical, & est une des causes de la fortune ; dans les horoscopes, la partie de fortune est représentée par un cercle divisé en croix.
Partie, (Jurisprud.) en terme de palais signifie tout plaideur ; l’avocat ou le procureur, en parlant de son client, l’appelle sa partie ; ce qui vient de ce que dans l’ancien style où les plaidoyers étoient relatés, dans les jugemens on disoit ex parte N .... c’est-à-dire de la part d’un tel a été dit, &c.
Partie adverse est celui qui plaide contre un autre, le défendeur est la partie adverse du demandeur, & vice versâ.
Partie civile, en matiere criminelle, c’est celui qui se déclare partie contre celui qu’il accuse d’avoir commis un crime.
On l’appelle partie civile, parce qu’en concluant sur la plainte, il ne peut demander qu’une réparation civile & des intérêts civils ; c’est à la partie publique à prendre des conclusions pour la vengeance & la punition du crime.
Celui qui a rendu plainte n’est pas pour cela réputé partie civile ; car si la plainte ne contient pas une déclaration expresse que le plaignant se porte partie civile, elle ne tient lieu que de dénonciation, ordonnance de 1670, tit. III. art. 5. & néanmoins si la plainte est calomnieuse, le plaignant peut être poursuivi comme calomniateur.
Pour pouvoir se porter partie civile, il faut avoir un intérêt personnel à la réparation civile du crime, comme sont ceux qui ont été volés, ou bien l’héritier de celui qui a été tué ; ceux qui n’ont à réclamer que pour l’intérêt public, peuvent seulement servir d’instigateurs & de dénonciateurs.
Quand la partie civile est satisfaite, elle ne peut plus agir, il n’y a plus que le ministere public qui puisse poursuivre la vengeance du crime, bien entendu qu’il y ait un corps de délit constant. Voyez Accusation, Crime, Délit, Dénonciation, Intérêts civils, Plainte, Réparation civile.
Partie comparante est celle qui se présente en personne, ou par le ministere de son avocat ou de son procureur, soit à l’audience, soit devant le juge ou autre officier public pour répondre à quelque interrogation ou assister à quelque procès-verbal. Voyez Partie défaillante.
Parties contradictoires, c’est lorsque les deux parties qui ont des intérêts opposés & qui contestent ensemble, se trouvent l’une & l’autre en personne, ou par le ministere de leur avocat ou de leur procureur devant le juge & prêtes à plaider ou à répondre s’il s’agit d’interrogation, ou pour assister à un procès-verbal. Voyez ci-devant Partie comparante, & ci-après Partie défaillante.
Partie défaillante, est lorsqu’une des personnes qui plaident ou qui sont assignées pour comparoître devant un juge, commissaire ou autre officier public, fait défaut, c’est-à-dire ne comparoît pas en personne, ni par le ministere d’un procureur.
Partie intervenante, c’est celle qui de son propre mouvement se rend partie dans une contestation déja pendante entre deux autres parties.
Parties litigantes, sont ceux qui sont en procès ensemble.
Parties ouïes, c’est lorsque les parties qui plaident ensemble ont été entendues contradictoirement. Ces termes parties ouïes sont de style dans les jugemens contradictoires, où ils précedent ordinairement le dispositif.
Partie plaignante est celui qui a rendu plainte en justice de quelque tort ou grief qu’on lui a fait. Voyez Plainte.
Partie principale est celui qui est le plus intéressé dans la contestation ; cette qualité se donne aussi ordinairement à ceux entre lesquels a commencé la contestation pour les distinguer de ceux qui ne sont que parties intervenantes.
Parties publiques, c’est celui qui est chargé de l’intérêt public, tels que sont les avocats & procureurs généraux dans les cours, les avocats & procureurs du roi dans les autres sieges royaux, les avocats & procureurs fiscaux dans les justices seigneuriales, & autres personnes qui ont un caractere pour exercer le ministere public, comme le major dans les conseils de guerre. Voyez Avocat fiscal, Avocat général, Gens du roi, Ministere public, Parquet, Procureur général, Procureur du roi, Procureur fiscal. (A)
Parties casuelles, (Jurisprud.) On entend par ces termes, la finance qui revient au roi des offices vénaux qui ne sont pas héréditaires.
On entend aussi quelquefois, par le terme de parties casuelles, le bureau où se paye cette finance. Le trésorier des parties casuelles est celui qui la reçoit.
Les officiers de judicature & de finances, auxquels le roi n’a pas accordé l’hérédité, doivent payer aux parties casuelles du roi, au commencement de chaque année, l’annuel ou paulette, à fin de conserver leur charge à leurs veuve & héritiers, & aussi pour jouir de la dispense des 40 jours qu’ils étoient obligés de survivre à leur résignation, suivant l’édit de François I. sans quoi la charge seroit vacante au profit du roi ; ce qu’on appelle tomber aux parties casuelles. Ceux qui veulent racheter un tel office, le peuvent faire moyennant finance ; ce que l’on appelle lever un office aux parties casuelles. Le prix des offices est taxé aux parties casuelles, voyez Paulette.
Le droit qui se paye aux parties casuelles, a quelque rapport avec celui que l’on appelloit chez les Romains, casus militiæ, qui se payoit aux héritiers pour les milices vénales & héréditaires, dont il est parlé en la novelle 53, ch. v. Ce n’est pourtant pas précisément la même chose. Voyez Loyseau, des Offices, Liv. II. ch. viij. n. 31 & suiv.
Les princes apanagistes ont leurs parties casuelles pour les offices de l’apanage auxquels ils ont droit de pourvoir.
M. le chancelier a aussi ses parties casuelles pour certains offices qui sont à sa nomination.
Il y a de même certains offices de la maison du roi qui tombent dans les parties casuelles des grands offices de la couronne dont dépendent ces offices. (A)
Parties, (Commerce.) On nomme ainsi dans le commerce, tant en gros qu’en détail, aussi-bien que parmi les artisans & ouvriers, les mémoires des fournitures de marchandises ou d’ouvrages qu’on a faits pour quelqu’un. Voyez Mémoire.
Parties arrêtées ; ce sont les mémoires au bas desquels ceux à qui les marchandises & ouvrages ont été livrés & fournis, reconnoissent qu’ils les ont reçus, qu’ils sont contens du prix, & promettent d’en faire le payement, soit que le tems de faire ce payement soit exprimé, soit qu’il ne le sont pas ; cette reconnoissance met les marchands & ouvriers à couvert de la fin de non-recevoir, & leur donne contre les débiteurs une action qui subsiste trente années.
Partie d’apoticaire, est le nom qu’on donne à des mémoires enflés, & où les ouvrages ou marchandises sont estimés beaucoup au-delà de leur juste valeur.
Parties simples, parties doubles, termes de marchands, négocians, banquiers, teneurs de livres, &c. Ils se disent des différentes manieres de tenir des livres de commerce & de dresser des comptes. Voyez Comptes, Livres de marchands , &c. diction. de commerce.
Parties doubles, (Comm. Fin.) L’ordre des parties doubles distingue une recette d’une autre recette, une dépense d’une autre dépense, l’argent des autres effets, la nature & le sort de ces divers effets. Chaque article dans les parties doubles, opere tout-à-la-fois recette & dépense ; c’est d’où elles prennent leur nom : ainsi il porte avec soi la vérification & la balance. Quelqu’étendue que l’on suppose à un compte général, on peut en un instant, & d’un clin d’œil, former un compte particulier du plus léger article, en suivant son issue : compte qui sera lumineux sans coûter des efforts & des recherches pénibles. Dès-lors il seroit possible chaque jour, de compter d’une caisse, où tout l’argent du Royaume entreroit. Les Italiens ont imaginé ce bel ordre ; ils s’en servent même généralement dans le détail des biens de campagne qu’ils font valoir : & si l’on y prenoit garde, par-tout où il se fait de grandes consommations, quelqu’immense qu’en fût le détail, il seroit facile de se procurer une connoissance intime & journaliere de chaque emploi.
Pendant long-tems les négocians ont été les seuls à adopter cet usage, parce qu’il leur importe de connoître à chaque heure du jour leur situation véritable. Ils seroient bien-tôt ruinés, si leurs caissiers ou conmptables se trouvoient chargés de debets inconnus, ou s’ils pouvoient faire valoir à leur insçu quelque somme jusqu’au moment de la reddition des comptes. « Cette même exactitude, disoit en 1607 Simon Stevin de Bruges à M. de Sully, n’est pas moins intéressante pour un prince. » Cependant son inexécution dans le maniment des finances jusqu’à ce jour, a presque réduit en probleme cette question, savoir si entre deux points donnés, la ligne droite est plus courte que la ligne courbe. (D. J.)
Partie de Musique, est le nom de chaque voix ou mélodie séparée, dont la réunion forme l’harmonie ou le concert. Pour constituer un accord, il faut au moins que deux sons se fassent entendre à-la-fois ; ce qu’une seule voix ne sauroit faire. Pour former une harmonie ou une suite d’accords, il faut donc plusieurs voix : le chant qui appartient à chacune de ces voix, s’appelle partie, & la collection de toutes les parties s’appelle partition. Voyez Partition.
Comme un accord complet est composé de quatre sons, il y a aussi dans la Musique quatre parties principales, dont la plus aiguë s’appelle dessus, & se chante par des voix de femmes, d’enfans, ou de musici ; les trois autres sont la haute-contre, la taille & la basse, qui toutes appartiennent à des voix d’hommes. On peut voir dans nos Pl. de Musiq. l’étendue de voix de chacune de ces parties, & la clé qui lui appartient. Les notes blanches montrent les sons pleins où chaque partie peut arriver, tant en haut qu’en bas ; & les croches qui suivent, montrent les sons où la voix commenceroit à se forcer, & qu’elle ne doit former qu’en passant.
Plusieurs de ces parties se subdivisent en deux, quand on compose à plus de quatre parties. Voyez Dessus, Taille, Basse, Voix.
Il y a aussi des parties instrumentales. Il y a même des instrumens, comme l’orgue, le clavessia, la viole qui peuvent faire plusieurs parties à la fois. En général on divise aussi la musique instrumentale en quatre parties, qui répondent à celles de la musique vocale, & qui s’appellent dessus, quinte, taille & basse. On en trouvera aussi les clés & l’étendue. Pl. de Musiq. Mais il faut remarquer que la plupart des instrumens n’ont pas de bornes precise dans le haut, & qu’on les peut faire démancher autant qu’on veut, aux dépens des oreilles des auditeurs ; au lieu que dans le bas ils ont un terme fixe qu’ils ne sauroient passer, & qui est la note que j’ai marquée.
Il y a des parties qui ne doivent être chantées que par une seule voix, ou jouées que par un seul instrument ; & celles-là s’appellent parties récitantes. D’autres parties s’exécutent par plusieurs personnes, chantant ou jouant à l’unisson, & on les appelle parties de chœur.
On appelle encore partie, le papier de musique sur lequel est écrite la partie séparée de chaque musicien. Quelquefois plusieurs chantent ou jouent sur le même papier ; mais quand ils ont chacun le leur, ce qui se fait ordinairement dans les grandes musiques, on peut dire en ce sens, qu’il y a autant de parties que de concertans. (S)
Partie, (Ecriv) Ce mot est aussi en usage dans l’écriture pour exprimer le vice ou la beauté d’un caractere ; comme voilà de bonnes ou de mauvaises parties, des parties maigres, plates, pleines, bien touchées, &c.
Parties similaires, (Jard.) sont les parties d’une même nature, tissure & substance qui se trouvent dans une graine, telles que la cuticule, le parenchyme ou la chair, & la racine séminale.
Parties dissimilaires, sont celles qui étant de différente nature, sont composées de diverses especes, telles qu’on les remarque dans une plante ; savoir, la racine, le tronc, les feuilles, les fleurs & les fruits.
Parties ligneuses ; ce sont les parties même du bois, telles que la tige intérieure & l’écorce.
Partie de jeu, c’est une convention en conséquence de laquelle le jeu finit ; & celui qui se trouve alors avoir l’avantage, marque & gagne. La partie est composée d’un certain nombre de tours de jeux, de points, de coups, &c. Ainsi au billard la partie est ordinairement de seize points, à moins qu’un des joueurs, ou tous les deux, ne se soient interdit quelques-uns des coups ordinaires du jeu de billard, auquel cas la partie n’est que de douze points.
Au trictrac la partie est de douze coups.
Au piquet, de cent points.
Au piquet à écrire, de vingt-quatre rois.