L’Encyclopédie/1re édition/VOIX

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VOIX, (Physiologie.) c’est le son qui se forme dans la gorge & dans la bouche d’un animal, par un méchanisme d’instrumens propres à le produire. Voyez Son.

Voix articulées sont celles qui étant réunies ensemble, forment un assemblage ou un petit système de sons : telles sont les voix qui expriment les lettres de l’alphabet, dont plusieurs, jointes ensemble, forment les mots ou les paroles. Voyez Lettre, Mot, Parole

Voix non articulée, sont celles qui ne sont point organisées ou assemblées en paroles, comme l’aboi des chiens, le sifflement des serpens, le rugissement des lions, le chant des oiseaux, &c.

La formation de la voix humaine, avec toutes ses variations, que l’on remarque dans la parole, dans la musique, &c. est un objet bien digne de notre curiosité & de nos recherches ; & le méchanisme ou l’organisation des parties qui produisent cet effet, est une chose des plus étonnantes.

Ces parties sont la trachée artere par laquelle l’air passe & repasse dans les poumons ; le larynx qui est un canal court & cylindrique à la tête de la trachée ; & la glotte qui est une petite fente ovale, entre deux membranes sémi-circulaires, étendues horisontalement du côté intérieur du larynx, lesquelles membranes laissent ordinairement entre elles un intervalle plus ou moins spatieux, qu’elles peuvent cependant fermer tout-à-fait, & qui est appellée la glotte. Voyez la description de ces trois parties aux articles Trachée, Larynx, & Glotte

Le grand canal de la trachée qui est terminé en-haut par la glotte, ressemble si bien à une flûte que les anciens ne doutoient point que la trachée ne contribuât autant à former la voix, que le corps de la flûte contribue à former le son de cet instrument. Galien lui-même tomba à cet égard dans une espece d’erreur ; il s’apperçut à la vérité que la glotte est le principal organe de la voix, mais en même-tems il attribua à la trachée artere une part considérable dans la production du son.

L’opinion de Galien a été suivie par tous les anciens qui ont traité cette matiere après lui, & même par tous les modernes qui ont écrit avant M. Dodart : mais ce dernier ayant fait attention que nous ne parlons ni ne chantons en respirant ou en attirant l’air, mais en soufflant ou en expulsant l’air que nous avons respiré, & que cet air en sortant de nos poumons, passe toujours par des vésicules qui s’élargissent à mesure qu’elles s’éloignent de ce vaisseau ; & enfin par la trachée même, qui est le plus large canal de tous, de sorte que l’air trouvant plus de liberté & d’aisance à mesure qu’il monte le long de tous ces passages, & dans la trachée plus que par-tout ailleurs, il ne peut jamais être comprimé dans ce canal avec autant de violence, ni acquérir là autant de vîtesse qu’il en faut pour la production du son ; mais comme l’ouverture de la glotte est fort étroite en comparaison de la largeur de la trachée, l’air ne peut jamais sortir de la trachée par la glotte, sans être violemment comprimée, & sans acquérir un degré considérable de vîtesse ; de sorte que l’air ainsi comprimé & poussé, communique en passant une agitation fort vive aux particules des deux levres de la glotte, leur donne une espece de secousse, & leur fait faire des vibrations qui frappent l’air à mesure qu’il passe, & forment le son. Voyez Vibration.

Ce son ainsi formé passe dans la cavité de la bouche & des narines, où il est réfléchi & où il résonne ; & où M. Dodart fait voir que c’est de cette résonnance que dépend entierement le charme de la voix. Les différentes conformations, consistences, & sinuosités des parties de la bouche, contribuent chacune de leurs côtés à la résonnance ; & c’est du mélange de tant de résonnances différentes, bien proportionnées les unes aux autres, que naît dans la voix humaine une harmonie inimitable à tous les musiciens : c’est pourquoi lorsqu’une de ces parties se trouve dérangée, comme lorsque le nés est bouché, ou que les dents sont tombées, &c. le son de la voix devient désagréable.

Il semble que cette résonnance dans la cavité de la bouche, ne consiste point dans une simple réflexion, comme celle d’une voute, &c. mais que c’est une résonnance proportionnée aux tons du son que la glotte envoie dans la bouche : c’est pour cela que cette cavité s’alonge ou se raccourcit à mesure que l’on forme les tons plus graves ou plus aigus.

Pour que la trachée artere produisît cette résonnance, comme c’étoit autrefois l’opinion commune, il faudroit que l’air modifié par la glotte au point de former un son, au-lieu de continuer sa course du dedans en dehors, retournât au-contraire du dehors en dedans, & vînt frapper les côtés de la trachée artere, ce qui ne peut jamais arriver que dans les personnes qui sont tourmentées d’une toux violente, & dans les ventriloques. A la vérité dans la plûpart des oiseaux de riviere qui ont la voix forte, la trachée artere résonne, mais c’est parce que leur glotte est placée au fond de la trachée, & non pas à la sommité, comme dans les hommes.

Aussi le canal qui a passé d’abord pour être le principal organe de la voix, n’en est pas seulement le second dans l’ordre de ceux qui produisent la résonnance : la trachée à cet égard ne seconde point la glotte autant que le corps d’une flûte douce seconde la cheville de son embouchure ; mais c’est la bouche qui seconde la glotte, comme le corps d’un certain instrument à vent, qui n’est point encore connu dans la musique, seconde son embouchure : en effet la fonction de la trachée n’est autre que celle du porte-vent dans une orgue, savoir de fournir le vent.

Pour ce qui est de la cause qui produit les différens tons de la voix, comme les organes qui forment la voix font une espece d’instrument à vent, il semble qu’on pourroit se flatter d’y trouver quelque chose qui pût répondre à ce qui produit les différences de tons dans quelques autres instrumens à vent ; mais il n’y a rien de semblable dans le hautbois, dans les orgues, dans le clairon, &c.

C’est pourquoi il faut attribuer le ton à la bouche, ou aux narines qui produisent la résonnance, ou à la glotte qui produit le son : & comme tous ces différens tons se produisent dans l’homme par le même instrument, il s’ensuit que la partie qui forme ces tons doit être susceptible de toutes les variations qui peuvent y répondre : nous savons d’ailleurs que pour former un ton grave, il faut plus d’air que pour former un ton aigu ; la trachée, pour laisser passer cette plus grande quantité d’air, doit se dilater & se raccourcir, & au moyen de ce raccourcissement, le canal extérieur, qui est le canal de la bouche & du nés, à compter depuis la glotte jusqu’aux levres, ou jusqu’aux narines, se trouve alongé : car le raccourcissement du canal intérieur, qui est celui de la trachée, fait descendre le larynx & la glotte, & par conséquent sa distance de la bouche, des levres, & du nés, devient plus grande : chaque changement de ton & de demi-ton opere un changement dans la longueur de chaque canal ; de sorte que l’on n’a point de peine à comprendre que le nœud du larynx hausse & baisse dans toutes les roulades ou secousses de la voix, quelque petite que puisse être la différence du ton.

Comme la gravité du ton d’un hautbois répond à la longueur de cet instrument, ou comme les plus longues fibres du bois dont les vibrations forment la résonnance, produisent toujours les vibrations les plus lentes, & par conséquent le ton le plus grave, il paroît probable que la concavité de la bouche, en s’alongeant pour les tons graves, & en se raccourcissant pour les tons aigus, peut contribuer à la formation des tons de la voix.

Mais M. Dodart observe que dans le jeu d’orgue, appelle la voix humaine, le plus long tuyau est de six pouces, & que malgré cette longueur, il ne forme aucune différence de ton, mais que le ton de ce tuyau est précisément celui de son anche : que la concavité de la bouche d’un homme qui a la voix la plus grave, n’ayant pas plus de six pouces de profondeur, il est évident qu’elle ne peut pas donner, modifier, & varier les tons. Voyez Tons.

C’est donc la glotte qui forme les tons aussi bien que les sons, & c’est la variation de son ouverture qui est cause de la variation des tons. Une piece de méchanisme si admirable mérite bien que nous l’examinions ici de plus près.

La glotte humaine représentée dans les Planches anatom. est seule capable d’un mouvement propre, savoir de rapprocher ses levres, en conséquence les lignes de son contour marquent trois différens degrés d’approche. Les anatomistes attribuent ordinairement ces différentes ouvertures de la glotte à l’action des muscles du larynx ; mais M. Dodart fait connoître par leur position, direction, &c. qu’ils sont destinés à d’autres usages, & que l’ouverture & la fermeture de la glotte se fait par d’autres moyens, savoir par deux cordons ou filets tendineux, renfermés dans les deux levres de l’ouverture.

En effet chacune des deux membranes semi-circulaires, dont l’interstice forme la glotte, est pliée en double sur elle même, & au-milieu de chaque membrane ainsi pliée, se trouve un paquet de fibres qui d’un côté tient à la partie antérieure du larynx, & de l’autre côté à la partie postérieure : il est vrai que ces filets ressemblent plutôt à des ligamens qu’à des muscles, parce qu’ils sont formés de fibres blanches & membraneuses, & non pas de fibres rouges & charnues ; mais le grand nombre de petits changemens qui doivent se faire nécessairement dans cette ouverture pour former la grande variété de tons, demande absolument une espece de muscle extraordinaire, par les contractions duquel ces variations puissent s’exécuter ; des fibres charnues ordinaires, qui reçoivent une grande quantité de sang, auroient été infiniment trop matérielles pour des mouvemens si délicats.

Ces filets qui dans leur état de rélaxation forment chacun un petit arc d’une ellipse, deviennent plus longs & moins courbes à mesure qu’ils se retirent, de sorte que dans leur plus grande contraction, ils sont capables de former deux lignes droites, qui se joignent si exactement, & d’une maniere si serrée, qu’il ne sauroit échapper entre deux un seul atome d’air qui partiroit du poumon, quelque gonflé qu’il puisse être, & quelques efforts que puissent faire tous les muscles du bas ventre contre le diaphragme, & le diaphragme lui-même contre ces deux petits muscles.

Ce sont donc les différentes ouvertures des levres de la glotte, qui produisent tous les tons différens dans les différentes parties de la musique vocale, savoir la basse, la taille, la haute-contre, le bas-dessus, & le dessus ; & voici de quelle maniere.

Nous avons fait voir que la voix ne peut se former que par la glotte, & que les tons de la voix sont des modifications de la voix, qui ne peuvent être formées non plus que par les modifications de la glotte ; s’il n’y a que la glotte qui soit capable de produire ces modifications, par l’approche & l’éloignement réciproque de ses levres, il est certain que c’est elle qui forme les sons différens.

Cette modification renferme deux circonstances, la premiere & la principale est que les levres de la glotte s’étendent de plus en plus en formant les tons, à commencer depuis le plus grave jusqu’au plus aigu.

La seconde, que plus ces levres s’étendent, plus elles se rapprochent l’une de l’autre.

Il s’ensuit de la premiere circonstance, que les vibrations des levres deviennent promptes & vives à mesure qu’elles approchent du ton le plus aigu, & que la voix est juste quand les deux levres sont également étendues, & qu’elle est fausse quand les levres sont étendues inégalement, ce qui s’accorde parfaitement bien avec la nature des instrumens à cordes.

Il s’ensuit de la seconde circonstance que plus les tons sont aigus, plus les levres s’approchent l’une de l’autre : ce qui s’accorde aussi parfaitement avec les instrumens à vent gouvernés par anches ou languettes.

Les degrés de tension dans les levres sont les premieres & les principales causes des tons, mais leurs différences sont insensibles ; les degrés d’approche ne sont que les conséquences de cette tension, mais il est plus aisé de rendre sensibles ces différences.

Pour donner une idée exacte de la chose, nous ne pouvons mieux y réussir, qu’en disant que cette modification consiste dans une tension, de laquelle résulte une ample subdivision d’un très-petit intervalle ; car cet intervalle, quelque petit qu’il soit, est cependant susceptible, physiquement parlant, de subdivisions à l’infini. Voyez Divisibilité.

Cette doctrine est confirmée par les différentes ouvertures que l’on a trouvées en disséquant des personnes de différens âges, & des deux sexes, l’ouverture est plus petite, & le canal extérieur est toujours plus bas dans les personnes du sexe, & dans celles qui chantent le dessus. Ajoutez à cela que l’anche du hautbois, séparée du corps de l’instrument, se trouvant un peu pressée entre les levres du joueur, rend un son un peu plus aigu que celui qui lui est naturel ; si on la presse davantage, elle rend un son encore plus aigu, de-sorte qu’un habile musicien lui fera faire ainsi successivement tous les tons & demi-tons d’une octave.

Ce sont donc les différentes ouvertures qui produisent, ou du-moins, qui accompagnent les tons différens dans certains instrumens à vent, tant naturels qu’artificiels, & la diminution ou contraction de ces ouvertures, hausse les tons de la glotte aussi bien que de l’anche.

La raison pourquoi la contraction de l’ouverture hausse le ton, c’est que le vent y passe avec plus de vélocité : & c’est pour la même raison que lorsqu’on souffle trop doucement dans l’anche de quelqu’instrument, il fait un ton plus bas qu’à l’ordinaire.

En effet, il faut que les contractions & dilatations de la glotte soient infiniment délicates ; car il paroît par un calcul exact de M. Dodart, que pour former tous les tons & demi-tons d’une voix ordinaire, dont l’étendue est de douze tons, pour former toutes les particules & subdivisions de ces tons en commas, & autres tems plus courts, mais toujours sensibles, pour former toutes les ombres ou différences d’un ton, quand on le fait résonner plus ou moins fort, sans changer le ton même, le petit diametre de la glotte, qui n’excede pas la dixieme partie d’un pouce, mais qui dans cette petite étendue varie à chaque changement, doit être divisée actuellement en 9632 parties, lesquelles sont encore fort inégales, de-sorte qu’il y en a beaucoup parmi elles qui ne font point la partie d’un pouce. On ne peut guere comparer une si grande délicatesse qu’à celle d’une bonne oreille, qui dans la perception des sons est assez juste pour sentir distinctement les différences de tous ces tons modifiés, & même celles dont la base est beaucoup plus petite que la 963200e partie d’un pouce. Voyez Ouie.

La diversité des tons dépend-elle uniquement de la longueur des ligamens de la glotte, longueur qui peut varier suivant que le cartilage scutiforme est plus ou moins tiré en-devant, & que les cartilages aryténoïdes le sont plus ou moins en arriere ? Suivant cette loi, les tons qui se forment lorsque ces ligamens sont très-tendus, doivent être très-aigus, parce qu’ils font alors de plus fréquentes vibrations : c’est ce que quelques modernes ont voulu confirmer par de l’expérience.

Ce n’est pas à moi, dit M. Haller, physiq. §. 331, à décider une question que mes expériences ne m’ont pas encore éclaircie : mais la glotte immobile, cartilagineuse & osseuse des oiseaux, & qui en conséquence ne peut s’étendre, la voix plus aiguë dans le siflement, qui très-certainement dépend du seul rétrécissement des levres ; l’exemple des femmes qui ont la voix plus aiguë que l’homme, quoiqu’elles aient la glotte & le larynx plus courts ; les expériences qui constatent que les sons les plus aigus se forment par les ligamens de la glotte, approchés l’un de l’autre autant qu’ils le peuvent être ; l’incertitude des nouvelles expériences confirment ce système ; le défaut des machines propres à tirer le cartilage scutiforme en-devant ; le soupçon évident que l’auteur de l’expérience a cru que le cartilage scutiforme étoit porté en-devant, tandis qu’il étoit certainement élevé ; toutes ces choses font naître des doutes très-grands. Il paroît donc qu’on doit examiner de plus près cette observation, sans cependant blâmer les efforts de l’auteur, & sans adhérer trop précisément à son sentiment.

Rapprochons sous les yeux le morceau qu’on vient de lire, pour faciliter au lecteur avec plus de précision, l’intelligence de ce phénomene merveilleux qu’on nomme la voix, & qui est si nécessaire aux hommes vivans en société.

On sait que la partie supérieure de la trachée-artere s’appelle larynx, lequel est composé de cinq cartilages : au haut du larynx est une fente nommée la glotte, qui peut s’alonger, se raccourcir, s’élargir, s’étrécir, au moyen de plusieurs muscles artistement posés ; il y a d’autres muscles qui font monter cette flûte, & d’autres qui la font descendre : l’air venant heurter contre ses bords, se brise & fait plusieurs vibrations qui forment le son de la voix ; plus l’ouverture de la glotte est étroite, plus l’air y passe avec rapidité, & plus le son est aigu : on voit par-là que ceux qui s’efforcent à donner à leur voix un son fort aigu, seroient enfin suffoqués, s’ils continuoient long-tems ; car, comme ils rétrécissent la glotte presqu’entierement, il ne peut sortir que peu d’air ; il leur arrive donc la même chose qu’à ceux en qui on arrête la respiration ; mais si on élargit trop l’ouverture de la glotte, l’air qui passera sans peine, & sans beaucoup de vîtesse, ne se brisera point ; ainsi il n’y aura pas de frémissemens ; de là vient que ceux qui veulent donner à leur voix un ton trop grave, ne peuvent former aucun son.

L’air qui revient lentement des poumons, passe avec violence par la fente de la glotte, parce qu’il marche d’un espace large dans un lieu fort étroit ; l’espace de la bouche & des narines ne contribue en rien à le produire, mais il lui donne diverses modifications : c’est ce qu’on voit par l’altération de la voix dans les rhumes, ou lorsque le nez est bouché. Le son forme la parole, & les tons, dont la variété offre tant d’agrémens à l’oreille.

Il y a plusieurs instrumens qui servent à la parole, la langue est le principal, les levres & les dents y contribuent aussi beaucoup, l’expérience le montre dans ceux qui perdent les dents, ou qui ont des levres mal configurées ; la luette paroît aussi, selon plusieurs savans, être d’usage pour articuler ; car ceux à qui elle manque, ne parlent pas distinctement.

Il y a sur la glotte une languette nommée épiglotte, qui par ses vibrations différentes peut donner à l’air beaucoup de modifications ; les cartilages aryténoïdes qui sont renversés sur la glotte, peuvent produire un effet semblable par les divers mouvemens dont ils sont capables. Ensuite la bouche modifie, augmente, tempere le son, selon les proportions qu’elle observe en se raccourcissant. Enfin la glotte a une faculté étonnante de se resserrer & de se dilater ; ses contractions & ses dilatations répondent avec une exactitude merveilleuse à la formation de chaque ton.

Supposons avec l’ingénieux docteur Keill, que la plus grande distance des deux côtés de la glotte, monte à la dixieme partie d’un pouce, quand le son qu’elle rend, marque la douzieme note à laquelle la voix peut atteindre facilement ; si l’on divise cette distance en 12 parties, ces divisions marqueront l’ouverture requise pour telle ou telle note, poussée avec telle ou telle force : si l’on considere les subdivisions des notes que la voix peut parcourir, il faudra un mouvement beaucoup plus subtil & plus délicat dans les côtés de la glotte ; car si de deux cordes exactement tendues à l’unisson, on raccourcit l’une d’une 2000 partie de sa longueur, une oreille juste distinguera la discordance de ces deux cordes ; & une bonne voix fera sentir la différence des sons qui ne différeront que de la 190e partie d’une note. Mais supposons que la voix ne divise une note qu’en 100 parties, il s’en suivra que les différentes ouvertures de la glotte diviseront actuellement la dixieme partie d’un pouce en 1200 parties, dont chacune produira quelque différence sensible dans le ton, qu’une bonne oreille pourra distinguer ; mais le mouvement de chaque côte de la glotte étant égal, il faudra doubler ce nombre, & les côtés de la glotte diviseront en effet par leur mouvement la dixieme partie d’un pouce en 2400 parties.

Il est aisé maintenant de définir ce que c’est que la voix & le chant, car nous avons déjà vu ce que c’étoit que la parole.

La voix est un bruit que l’air enferme dans la poitrine excite en sortant avec violence, & frottant les membranes de la glotte, il les ébranle & les froisse, ensorte que le retour cause un trémoussement capable de faire impression sur l’organe de l’ouïe. Or cet air agité avec promptitude, va frapper la cavité du palais & la membrane dont il est revêtu, ce qui produit la réflexion du son ; la modification de ce son ainsi réfléchi, se fait par le mouvement des levres & de la langue, qui donnent la forme aux accens de la voix, & aux syllabes dont la parole est composée.

Pour que la voix se forme aisément, il faut 1°. de la souplesse dans les muscles qui ouvrent & resserrent la glotte ; s’ils devenoient paralytiques, on ne pourroit plus former de son.

2°. Il faut que les ligamens qui unissent les pieces du larynx obéissent facilement.

3°. Il faut une liqueur qui humecte continuellement le larynx ; peut-être que le suc huileux de la glande tyroïde exprimé par les muscles qu’on nomme sternotyroïdiens, contribue à rendre la surface interne du larynx glissante, & par conséquent plus propre à former la voix.

4°. Il faut que le nez ne soit pas bouché, autrement l’air qui se réfléchit & se modifie diversement dans le fond de la bouche qui conduit au nez, forme un son désagréable ; on appelle cela parler du nez, mais mal-à-propos, car alors tout l’air passe par la bouche, & le nez bouché n’en reçoit que peu ou point.

5°. Il faut que le thorax puisse avoir une dilatation considérable ; car si les poumons ne peuvent pas bien s’étendre ; il faudra reprendre haleine à chaque moment, ainsi la voix tombera, ou s’interrompra désagréablement.

Remarquons encore que la pointe de la langue prend quelquefois part à la formation des tons ; car quand ils se suivent de bien près, la glotte labiale n’étant pas assez déliée pour prendre si promptement les différens diametres nécessaires, la pointe de la langue vient se présenter en-dedans à cette ouverture, & par un mouvement très-preste, la retrécit autant qu’il faut, ou la laisse libre un instant pour revenir aussitôt la retrécir encore. A l’égard du sifflement, on sait qu’il n’est formé que par les seules vibrations des parties des levres alors extrémement froncées & agitées par le passage précipité de l’air qui les fait frémir. Voilà les principales merveilles de la voix, il nous reste à répondre à quelques questions qu’on fait à son sujet.

On demande ce qui cause la différence de la voix pleine & de la voix de fausset qui commence au plus haut ton de la voix pleine, & ne lui ajoute que trois tons au plus. M. Dodart a observé que dans tous ceux qui chantent en fausset, le larynx s’éleve sensiblement, & par conséquent, le canal de la trachée s’alonge & se retrécit, ce qui donne une plus grande vitesse à l’air qui y coule. Cela seul suffiroit pour hausser le ton ; mais d’ailleurs il est très-vraissemblable que la glotte se resserre encore, & plus que pour les tons naturels. Peut-être aussi le musicien pousse l’air avec une plus grande force, & par-là le ton devient plus aigu, comme il le devient dans une flûte sur un même trou lorsque le souffle est plus fort. Mais comme la disposition du larynx qui est élevé, ne permet à l’air que d’enfiler la route du nez, & non pas celle de la bouche, cela fait que la voix n’est pas désagréable, mais elle est toujours plus foible, & n’est, pour ainsi dire, qu’une demi-voix.

La voix fausse est différente du fausset ; c’est celle qui ne peut entonner juste le ton qu’elle voudroit. M. Dodart en rapporte la cause à l’inégale constitution des deux levres de la glotte, soit en épaisseur, soit en grandeur, soit en tension. L’une fait, pour ainsi dire, la moitié d’un ton, l’autre la moitié d’un autre, & l’effet total n’est ni l’un, ni l’autre ; mais M. de Buffon ayant remarqué dans plusieurs personnes qui avoient l’oreille & la voix fausse, qu’elles entendoient mieux d’une oreille que d’une autre, l’analogie l’a conduit à faire quelques épreuves sur des personnes qui avoient la voix fausse, il a trouvé qu’elles avoient en effet une oreille meilleure que l’autre ; elles reçoivent donc à-la-fois par les deux oreilles deux sensations inégales, ce qui doit produire une discordance dans le résultat total de la sensation ; & c’est par cette raison qu’entendant toujours faux, elles chantent faux nécessairement, & sans pouvoir même s’en appercevoir. Ces personnes dont les oreilles sont inégales en sensibilité, se trompent souvent sur le côté d’où vient le son si leur bonne oreille est à droite, le son leur paroîtra venir plus souvent du côté droit que du gauche. Au reste, il ne s’agit ici que des personnes nées avec ce défaut ; ce n’est que dans ce cas que l’inégalité de sensibilité des deux oreilles, leur rend l’oreille & la voix fausses. Or ceux auxquels cette différence n’arrive que par accident, & qui viennent avec l’âge à avoir une des oreilles plus dure que l’autre, n’auront pas pour cela l’oreille & la voix fausses, parce qu’ils avoient auparavant les oreilles également sensibles, qu’ils ont commencé par entendre & chanter juste, & que si dans la suite leurs oreilles deviennent inégalement sensibles, & produisent une sensation de faux, ils la rectifient sur le champ par l’habitude où ils ont toujours été d’entendre juste, & de juger en conséquence.

On demande enfin pourquoi des personnes qui ont le son de la voix agréable en parlant, l’ont désagréable en chantant, ou au contraire. Premierement le chant est un mouvement général de toute la région vocale, & la parole est le seul mouvement de la glotte ; or puisque ces deux mouvemens sont différens, l’agrément ou le désagrément qui résulte de l’un par rapport à l’oreille, ne tire point à conséquence pour l’autre. Secondement, on peut conjecturer que le chant est une ondulation, un balancement, un tremblement continuel, non pas ce tremblement des cadences qui se fait quelquefois seulement dans l’étendue d’un ton, mais un tremblement qui paroît égal & uniforme, & ne change point le ton, du-moins sensiblement : semblable en quelque sorte au vol des oiseaux qui planent, dont les aîles ne laissent pas de faire incessamment des vibrations, mais si courtes & si promptes qu’elles sont imperceptibles. Le tremblement des cadences se fait par des changemens très-prestes & très-délicats de l’ouverture de la glotte ; mais le tremblement qui regne dans tout le chant, est celui du larynx même. Le larynx est le canal de la voix, mais un canal mobile, dont les balancemens contribuent à la voix de chant. Cela posé, on voit assez que si les tremblemens qui ne doivent pas être sensibles le sont ; ils choqueront l’oreille, tandis que dans la même personne la voix, qui n’est que le simple mouvement de la glotte, pourra faire un effet qui plaise.

Ce détail nous a conduits plus loin que nous ne croyons en le commençant, mais il amuse, & d’ailleurs le sujet sur lequel il roule est un des plus curieux de la Physiologie.

Nous avons suivi pour l’explication des phénomenes de la voix, le système de M M. Dodart & Perrault, par préférence à tout autre, & nous pensons qu’il le mérite. Nous n’ignorons pas cependant que M. Ferrein est d’une opinion différente, comme on peut le voir par son mémoire sur cette matiere, inséré dans le recueil de l’académie des Sciences, année 1741. Selon lui, l’organe de la voix est un instrument à corde & à vent, & beaucoup plus à corde qu’à vent ; l’air qui vient des poumons, & qui passe par la glotte, n’y faisant proprement que l’office d’un archet sur les fibres tendineuses de ses levres, qu’il appelle cordes vocales ou rubans de la glotte : c’est, dit-il, la collision violente de cet air & des cordes vocales qui les oblige à frémir, & c’est par leurs vibrations plus ou moins promptes qu’ils les rendent différens, selon les lois ordinaires des instrumens à cordes.

Voix des animaux, (Physiolog.) le son que rendent les animaux, insectes, oiseaux, quadrupedes, est bien différent de la voix de l’homme.

Il y a dans quelques insectes un son qu’on peut appeller voix, parce qu’il se fait par le moyen de ce qui leur tient lieu de poumons, comme dans les cigales & les grillons qui ont une espece de chant.

Il y a un autre son commun qu’on trouve dans les insectes aîlés, & qui n’est autre chose qu’un bourdonnement causé par le mouvement de leurs aîles, ce qui se démontre, parce que ce bruit cesse aussi-tôt que ces insectes cessent de voler.

Il y a un petit animal nommé grison qui forme un son, en frappant avec sa tête sur des corps minces & resonnans, tels que sont des feuilles seches & du papier, ce qu’il exécute par des coups fort fréquens & espacés assez également. Ces animaux sont ordinairement dans les fentes de vieilles murailles.

Le chant du cygne, dont la douceur est si vantée par les poëtes, n’est point produit par leur gosier, qui ne fait ordinairement qu’un cri très-rude & très désagréable ; mais ce sont les aîles de cette espece d’oiseau, qui étant à demi levées & étendues lorsqu’il nage, sont frappées par le vent, qui produit sur ces aîles un son d’autant plus agréable, qu’il ne consiste pas en un seul ton, comme dans la plûpart des autres oiseaux, mais est composé de plusieurs tons qui forment une espece d’harmonie, suivant que par hazard, l’air frappant plusieurs plumes diversement disposées, fait des tons différens ; mais il résulte toujours que ce son n’est point une voix.

La voix prise dans sa propre signification est de trois especes ; savoir la voix simple qui n’est point articulée, celle qui ne l’est qu’imparfaitement, & celle qui l’est parfaitement qu’on appelle parole.

La voix simple est un son uniforme qui ne souffre aucune variation, telle qu’est celle des serpens, des crapauds, des lions, des tigres, des hiboux, des roitelets. En effet, la voix des serpens n’est qu’un sifflement qui sans avoir d’articulation, ni même de ton, est seulement ou plus fort, ou plus foible. Celle des crapauds est un son clair & doux qui a un ton qui ne change point. Les tigres, les lions, & la plûpart des bêtes féroces ont une voix rude & sourde tout ensemble, sans aucune variation. Le hibou, le roitelet, & beaucoup d’autres oiseaux ont une voix très-simple, qui n’a presque point d’autre variation que celle de ses entrecoupemens ; car quoique les oiseaux soient fort recommandés pour leur chant, on doit pourtant convenir qu’il n’est que foiblement articulé, excepté dans le perroquet, le sansonnet, la linote, le moineau, le geai, la pie, le corbeau, qui imitent la parole & le chant de l’homme.

Il faut même remarquer que dans toutes les infléxions du chant des oiseaux qui font une si grande diversité de sons, il ne se trouve point de ton ; ce n’est que la diversité de l’articulation qui rend ces infléxions différentes, par la différente promptitude de l’impulsion de l’air, par ses entrecoupemens, & par toutes les autres modifications, qui peuvent être diversifiées en des manieres infinies, sans changer de ton.

Les organes de la voix simple, sont les parties qui composent la glotte, les muscles du larynx & du poumon. Les membranes cartilagineuses de la glotte produisent le son de la voix, lorsqu’elles sont secouées par le passage soudain de l’air contenu dans le poumon. Les muscles du larynx servent à la modification de ce son, & aux entrecoupemens qui se rencontrent dans la voix simple. L’usage du poumon pour la voix est principalement remarquable dans les oiseaux, où il a une structure particuliere, qui est d’être composé de grandes vessies capables de contenir beaucoup d’air ; ce qui fait que les oiseaux ont la voix forte & de durée.

Dans les oyes & les canards, ce n’est point la glotte qui produit le son de leur voix, mais ce sont des membranes mises à un autre larynx qui est au bas de leur trachée-artere. L’effet de cette structure se fait aisément connoître, si après avoir coupé la tête à ces animaux & leur avoir ôté le larynx, on leur presse le ventre ; car alors on produit en eux la même voix que lorsqu’ils étoient vivans, & qu’ils avoient un larynx. Il y a encore un autre effet de cette structure qui est le nazard particulier au son de la voix de ces animaux, & que les anciens nommoient gingrisme : on imite ce gingrisme dans les cromornes des orgues par une structure pareille, en mettant par-dessus les anches un tuyau de la longueur de l’âpre-artere au-delà des membranes qui tiennent lieu d’anche.

Les grues ont le tuyau de l’âpre-artere plus long que leur col, & en même tems redoublé comme celui d’une trompette.

La structure du larynx interne qui est particuliere aux oyes, aux canards, aux grues, &c. consiste en un os, & en deux membranes, qui sont dans l’endroit où l’âpre-artere se divise en deux pour entrer dans le poumon. L’os est fait comme un hausse-col. La partie supérieure de leur larynx est bordée de trois os, dont il y en a deux longs & un peu courbés, & le troisieme qui est plat sort entre les deux qui forment la fente ou la glotte ; de maniere que le passage de la respiration est ouvert ou fermé, lorsque le larynx s’applatissant ou se relevant, fait entrer ou sortir ce troisieme os d’entre les deux autres, pour empêcher que la nourriture ne tombe dans l’âpre-artere & pour laisser passer l’air nécessaire à la respiration.

Quelques animaux terrestres ont la voix plus articulée que les autres, & la diversifient non-seulement par l’entrecoupement du son, mais encore par le changement de ton. Et cette articulation leur est naturelle ; ensorte qu’ils ne la changent & ne la perfectionnent jamais, comme certains oiseaux. Les chiens, & sur-tout les chats, ont naturellement une diversité de ports de voix & d’accens qui est admirable ; cependant leur voix n’est articulée que très imparfaitement, si on la compare avec la parole.

C’est la parole qui est particuliere à l’homme. Elle consiste dans une variation d’accens presque infinie ; toutes leurs différences étant sensibles & remarquables, dépendent d’un grand nombre d’organes que la nature a fabriqués pour cet effet.

Cependant la parole dans l’homme dépend beaucoup moins des organes que de la prééminence de l’être qui les possede ; car il y a des animaux comme le singe qui ont tous les organes de même que l’homme pour la parole, & les oiseaux qui parlent n’ont rien approchant de cette structure. C’est une chose remarquable que la grande différence qu’on voit entre la langue du perroquet & celle de l’homme qui est assez semblable à celle d’un veau, tandis que celle du perroquet est ordinairement épaisse, ronde, dure, garnie au bout d’une petite corde, & de poil par-dessus.

On fait parler des chats & des chiens, en donnant à leur gosier une certaine configuration dans le tems qu’ils crient. Cela ne doit pas paroître surprenant depuis qu’on est venu à bout de faire prononcer une sentence assez longue à une machine, dont les ressorts étoient certainement moins déliés que ceux des animaux. On doit être encore moins surpris de ce phénomene dans ce siecle, après qu’on a vû le flûteur de M. de Vaucanson.

Remarquons enfin, que dans chaque créature on trouve une disposition différente de la trachée-artere, proportionnée à la diversité de leur voix. Dans le hérisson qui a la voix très-petite, elle est presqu’entierement membraneuse ; dans le pigeon, qui a la voix basse & douce, elle est en partie cartilagineuse, en partie membraneuse : dans la chouette dont la voix est haute & claire, elle est cartilagineuse : mais dans le geai, elle est composée d’os durs, au lieu de cartilages : il en est de même de la linotte, & c’est à cause de cela que ces deux oiseaux ont la voix plus haute & plus forte, &c.

Les anneaux de la trachée-artere sont très-bien appropriés pour la modulation différente de la voix. Dans les chiens & les chats, qui comme les hommes, diversifient extrèmement leur ton, pour exprimer diverses passions, ils sont ouverts & fléxibles, de même que dans les hommes. Par-là, ils sont tous, ou la plûpart, en état de se dilater ou de se resserrer plus ou moins, selon qu’il est convenable à un ton plus ou moins élevé & aigu, &c. au lieu qu’en quelques autres animaux, comme dans le paon du Japon, qui n’a guere qu’un seul ton, ces anneaux sont entiers, &c. voyez de plus grands détails dans la cosmolog. sacr. de Grew. (D. J.)

Voix des oiseaux, (Anatom. comparée.) la voix, le cri des oiseaux approche beaucoup plus de la voix humaine que celle des quadrupedes, que nous examinerons séparément ; il y a même des oiseaux qui parviennent à imiter assez passablement notre parole & nos tons. Cependant leur voix differe beaucoup de celle de l’homme, & présente un grand nombre de singularités qui ne sont pas épuisées ; mais on en a découvert quelques-unes qu’il convient d’indiquer dans cet ouvrage.

Les oiseaux ont comme les hommes, une espece de glotte placée à l’extrémité supérieure de la trachée-artere ; mais les levres de cette glotte, incapables de faire des vibrations assez promptes & assez multipliées, ne contribuent presque en rien à la formation des sons : le principal & le véritable organe qui les produit, est placé à l’autre extrémité de la trachée-artere. Ce larynx, que nous nommerons interne d’après M. Perrault, est placé au bas de la trachée-artere, à l’endroit où elle commence à se séparer en deux, pour former ce qu’on appelle les bronches : du-moins M. Hérissant, de l’académie des Sciences de Paris, dit ne l’avoir encore vu manquer dans aucun des oiseaux qu’il a disséqués. Cet organe, au reste, n’est pas le seul qui soit employé à la formation de la voix des oiseaux ; il est ordinairement accompagné d’un nombre plus ou moins grand d’organes accessoires, qui sont probablement destinés à fortifier les sons du premier, & à les modifier.

L’organe principal de la voix varie dans les différens oiseaux ; dans quelques-uns, comme dans l’oie, il n’est composé que de quatre membranes disposées deux à deux, & qui font l’effet de deux anches de haut-bois, placées l’une à côté de l’autre aux deux embouchures osseuses & oblongues du larynx interne, qui donnent entrée aux deux premieres bronches ; mais, comme nous l’avons dit, ces anches membraneuses ne sont pas le seul organe de la voix des oiseaux ; M. Hérissant en a découvert d’autres, placés dans l’intérieur des principales bronches de ce poumon des oiseaux, que M. Perrault nomme poumon charnu.

On trouve dans ces canaux une grande quantité de petites membranes très-déliées en forme de croissant, placées toutes d’un même côté les unes au-dessus des autres, de maniere qu’elles occupent environ la moitié du canal, laissant l’autre libre à l’air, qui ne peut cependant y passer avec vîtesse, sans exciter dans ces membranes ainsi disposées des trémoussemens plus ou moins vifs, & par conséquent des sons.

Dans quelques oiseaux aquatiques du genre des canards, on découvre encore un organe différent, composé d’autres membranes posées en divers sens, dans certaines parties osseuses ou cartilagineuses. La figure de ces parties varie dans les différentes especes, & on les rencontre ou vers la partie moyenne de la trachée-artere, ou vers sa partie inférieure.

Mais il est un organe qui se trouve dans tous les oiseaux, & qui est si nécessaire à la formation de leur voix, que tous les autres deviennent inutiles lorsqu’on abolit ou qu’on suspend les fonctions de celui-ci. C’est une membrane plus ou moins solide, située presque transversalement entre les deux branches de l’os connu sous le nom d’os de la lunette ; cette membrane forme de ce côté-là une cavité assez grande, qui se rencontre dans tous les oiseaux à la partie supérieure & interne de la poitrine, & qui répond à la partie externe des anches membraneuses, dont nous venons de parler.

Lorsqu’un oiseau veut se faire entendre, il fait agir les muscles destinés à comprimer les sacs du ventre & de la poitrine, & force par cette action l’air qui y étoit contenu à enfiler la route des bronches du poumon charnu, où rencontrant d’abord les petites membranes à ressort dont nous avons parlé, il y excite certains mouvemens & certains sons destinés à fortifier ceux que doivent produire les anches membraneuses que le même air rencontre ensuite ; mais ces dernieres n’en rendroient aucun, si une partie de l’air contenu dans les poumons ne passoit par de petites ouvertures, dans la cavité située sous l’os de la lunette. Cet air aide apparemment les anches à entrer en jeu, soit en leur prêtant plus de ressort, soit en contrebalançant par intervalles l’effort de l’air qui passe par la trachée-artere. De quelque façon qu’il agisse, son action est si nécessaire, que si l’on perce dans un oiseau récemment tué la membrane qui forme cette cavité, & qu’ayant introduit un chalumeau par une ouverture faite entre deux côtes, dans quelqu’un des sacs de la poitrine, on souffle par ce chalumeau, on sera maître, avec un peu d’adresse & d’attention, de renouveller la voix de l’oiseau, pourvû qu’on tienne le doigt sur l’ouverture de la membrane ; mais sitôt qu’on l’ôtera, & qu’on laissera à l’air contenu dans la cavité la liberté de s’échapper, l’organe demeurera absolument muet, quelque chose qu’on puisse faire pour le remettre en jeu. Il n’est pas étonnant que l’organe des oiseaux, destiné à produire des sons assez communément variés, & presque toujours harmonieux, soit composé avec tant d’art & tant de soin. Hist. de l’acad. des Scienc. ann. 1753. (D. J.)

Voix des quadrupedes, (Anatom. comparée.) la différence qui se trouve entre la voix humaine & les cris des différens animaux, & sur-tout ceux de ces cris qui paroissent composés de plusieurs sons différens produits en même tems, auroit dû depuis longtems faire soupçonner que les organes qui étoient destinés à les produire, étoient aussi multipliés que ces sons. Cette réflexion si naturelle a échappé ; on regardoit les organes de la voix des animaux, & surtout de celle des quadrupedes, comme aussi simples & presque de la même nature que l’organe de la voix de l’homme.

Il s’en faut cependant beaucoup que dans plusieurs des quadrupedes, & plus encore dans les oiseaux, l’organe de la voix jouisse d’une aussi grande simplicité : la dissection anatomique y a découvert des parties tout à fait singulieres, & qui n’ont rien de commun avec l’organe de la voix humaine.

Les quadrupedes peuvent se diviser à cet égard en deux classes ; les uns ont l’organe de la voix assez simple, les autres l’ont fort composé.

Du nombre de ces derniers est le cheval. On sait que le hennissement de cet animal commence par des tons aigus, tremblottans & entrecoupés, & qu’il finit par des tons plus ou moins graves. Ces derniers sont produits par les levres de la glotte, que MM. Dodard & Ferrein nomment cordes dans l’homme ; mais les sons aigus sont dûs à un organe tout à fait différent, ils sont produits par une membrane à ressort, tendineuse, très-mince, très fine & très-deliée. Sa figure est triangulaire, & elle est assujettie lâchement à l’extrémité de chacune des levres de la glotte du côté du cartilage thyroïde ; & comme par sa position elle porte en partie à faux, elle peut facilement être mise en jeu par le mouvement de l’air qui sort rapidement de l’ouverture de la glotte.

On peut aisément voir tout le jeu de cette membrane, en comprimant avec la main un larynx frais de cheval, & en faisant souffler par la trachée fortement & par petites secousses. On verra alors la membrane faire ses vibrations très-promptes, & on entendra le son aigu du hennissement. Pour se convaincre que les levres de la glotte n’y contribuent en rien, on n’aura qu’à y faire transversalement une légere incision qui en abolisse la fonction, sans permettre à l’air un cours trop libre ; l’on verra pour lors que la membrane continuera son jeu, & que le son aigu ne cessera point, ce qui devroit nécessairement arriver s’il étoit produit par les levres de la glotte.

L’organe de la voix de l’âne offre encore des singularités plus remarquables : la plus grande partie de cette voix est tout à fait indépendante de la glotte ; elle est entierement produite par une partie qui paroît être charnue. Cette partie est assujettie lâchement, comme une peau de tambour non tendue, sur une cavité assez profonde qui se trouve dans le cartilage thyroïde. L’espece de peau qui bouche cette cavité est située dans une direction presque verticale, & l’enfoncement qui sert de caisse à ce tambour, communique à la trachée-artere par une petite ouverture située à l’extrémité des levres de la glotte ; au-dessus de ces levres se trouvent deux grands sacs assez épais, placés à droite & à gauche ; & chacun d’eux a une ouverture ronde, taillée comme en bizeau, & tournée du côté de celle de la caisse du tambour.

Lorsque l’animal veut braire, il gorge ses poumons d’air par plusieurs grandes inspirations, pendant lesquelles l’air entrant rapidement par la glotte qui est alors rétrécie, fait entendre une espece de sifflement ou de râle plus ou moins aigu. Alors le poumon se trouvant suffisamment rempli d’air, il le chasse par des expirations redoublées ; & cet air, en trop grande quantité pour sortir aisément par l’ouverture de la glotte, enfile en grande partie, l’ouverture qui communique dans la cavité du tambour, & mettant en jeu sa membrane, & les sacs dont nous avons parlé, produit le son éclatant que rend ordinairement cet animal.

Tout ce que nous venons de dire se prouve aisément, si tenant un larynx d’âne tout frais, on le comprime vers ses parties latérales, & qu’on pousse l’air avec force par un chalumeau placé un peu au-dessous de l’ouverture qui communique dans le tambour, on verra alors distinctement le jeu du tambour & des sacs. Pour se convaincre que les cordes de la glotte n’y jouent pas un grand rôle, il ne faudra que les couper, & répéter l’expérience en comprimant seulement le larynx avec la main ; on verra que quoique l’incision faite aux levres de la glotte les ait rendues incapables d’action, le même son se fera entendre sans aucune différence.

Le mulet engendré, comme on sait, d’un âne & d’une jument, a une voix presque semblable à celle de l’âne ; aussi lui trouve-t-on presque le même organe, & rien qui ressemble à celui du cheval : réflexion importante, & qui semble justifier que l’examen des animaux nés du mélange de différentes especes, est peut-être le moyen le plus sûr pour faire connoître la part que chaque sexe peut avoir à la génération.

La voix du cochon ne dépend pas beaucoup plus que celle de l’âne, de l’action des levres de la glotte ; elle est dûe presqu’entierement à deux grands sacs membraneux, décrits par Casserius ; mais ce que le larynx de cet animal offre de plus singulier, c’est qu’à proprement parler, sa glotte est triple : outre la fente qui se trouve entre les bords de la véritable glotte, il y en a encore une autre de chaque côté, & ce sont ces deux ouvertures latérales qui donnent entrée dans les deux sacs membraneux, dont nous venons de parler.

Lorsque l’animal pousse l’air avec violence en rétrécissant la glotte, une grande partie de cet air est portée dans les sacs, où il trouve moins de résistance ; il les gonfle, & y excite des mouvemens & des tremblemens d’autant plus forts, qu’il y est lancé avec plus de violence, d’où résultent nécessairement des cris plus ou moins aigus.

On peut aisément voir le jeu de tous ces organes, en comprimant avec la main un larynx frais de cochon ; & soufflant avec force par la trachée-artere, on y verra les sacs s’enfler, & former des vibrations d’autant plus marquées, que l’action de l’air qui entre dans les sacs, se trouve contrebalancée jusqu’à un certain point par le courant de celui qui s’échappe en partie par la glotte, & force par ce moyen les sacs à battre l’un contre l’autre, & à produire un son.

Si on entame les levres de la glotte par une incision faite près du cartilage aryténoïde, sans endommager les sacs, en soufflant par la trachée-artere, on entendra presque le même son qu’auparavant. Nous disons presque le même, car on ne peut nier qu’il n’y ait quelque différence, & que la glotte n’entre pour quelque chose dans la production de la voix de cet animal ; mais si on enleve les sacs, en prenant bien garde de détruire la glotte, les mêmes sons ne se feront plus entendre, preuve évidente de la part qu’ils ont à cette formation. Hist. de l’acad. des Scienc. ann. 1753. (D. J.)

Voix, (Médecin. semeiotiq.) les signes qu’on peut tirer de la voix pour la connoissance & le prognostic des maladies sont assez multipliés ; nous les devons tous à Hippocrate ; cet illustre & infatigable observateur que nous avons eu si souvent occasion de célébrer, & qui ne sauroit l’être assez, est le premier & le seul qui les ait recueillis avec exactitude ; Galien n’a fait que le commenter sans l’etendre, & Prosper Alpin s’est contenté d’en donner un extrait qui est très-incomplet. Nous nous bornerons dans cet article à ramasser dans ses différens ouvrages les axiomes qui concernent le sujet que nous traitons, ne présentant, à son exemple, que les vérités toutes nues, sans les envelopper du frivole clinquant de quelque théorie hazardée.

Le voix ne peut être le signe de quelque accident présent ou futur, qu’autant qu’elle s’éloigne de l’état naturel, qui peut arriver de trois façons principales : 1°. lorsque cette fonction s’exécute autrement qu’elle ne devroit, comme dans la voix rauque, grêle, entrecoupée, plaintive, tremblante, &c. 2°. lorsqu’elle n’a pas l’étendue, la force & la rapidité qui lui conviennent, telles sont les voix obscures, foibles, bégayantes, tardives, &c. 3°. lorsqu’elle est tout-à-fait interceptée : ce vice est connu sous les noms synonymes d’aphonie, perte, extinction, interruption de voix, mutité, qu’il ne faut pas confondre avec le silence qui suppose la liberté des organes & le défaut de volonté, au lieu que l’aphonie est toujours l’effet d’un dérangement organique, & par conséquent n’est jamais volontaire.

1°. La voix rauque qui se rencontre avec la toux & le dévoiement, n’est pas long-tems sans être suivie d’expectoration purulente ; elle est toujours un mauvais signe, lorsqu’en même tems les crachats sont visqueux & salés. Hippoc. coac. prænot. cap. xvj. n°. 30 & 38. Parmi les signes d’une phthisie tuberculeuse commençante, il n’y en a point d’aussi certain, suivant l’observation de Morton, excellent phthisiologiste, conforme à celle d’Hippocrate, que la raucité de la voix jointe à la toux ; l’expérience journaliere confirme cette assertion. La voix aiguë accompagne ordinairement la rétraction des hyppocondres en dedans. Prorrhet. lib. I. sect. II. n°. 9. Il y a plusieurs degrés ou différences de voix aiguë ; quand ce vice augmente, la voix prend le nom de clangor ; le son qu’elle rend, ressemble au cri des grues. Ce même vice étant porté à un degré plus haut, la voix devient lugubris, flebilis, κλαγγώδης, semblable à celle d’un enfant qui pleure, ensuite prolabunda, querula, stridula. Il n’y a point de mots françois qui rendent bien la signification de ces termes latins ; c’est pourquoi nous ne balançons point à les conserver ; en général toutes ces dépravations de voix sont très-mauvaises, sur-tout dans les phrénésies & les fievres ardentes. La voix aiguë, clangosa, fournit un présage sinistre. Prorrhet. lib. I. sect. II. n°. 11. La voix clangosa ou tremblante, & la langue en convulsion sont des signes de délire prochain (coac. prænot. cap. ij. n°. 24.) ; de même, lorsqu’à la suite d’un vomissement nauséeux la voix ressemble à celle des grues, & que les yeux sont chargés de poussiere, il faut s’attendre à l’aliénation d’esprit. Tel fut le sort de la femme d’Hermogyge, qui eut cette dépravation de voix, délira ensuite, & mourut enfin muette. Prorrhet. lib. I. sect. I. n°. 17. Du délire les malades passent souvent à la raucité accompagnée de toux. Coac. prænot. cap. xxij. n°. 9. La voix aiguë semblable à celle de ceux qui pleurent, jointe à l’obscurcissement des yeux, annoncent les convulsions. Ibid. cap. ix. n°. 13. La voix tremblante avec un cours de ventre survenu sans raison apparente, est un symptome pernicieux dans les maladies chroniques. Ibid. n°. 14.

2°. La foiblesse de la voix est toujours un mauvais signe ; elle dénote pour l’ordinaire un affaissement général. Sa lenteur doit faire craindre quelque maladie soporeuse, l’apoplexie, l’épilepsie, ou la léthargie, sur-tout si elle est accompagnée de vertige, de douleur de tête, de tintement d’oreille & d’engourdissement des mains. Coac. prænot. cap. iv. n°. 2.

3°. L’extinction de voix ou l’aphonie est une des suites fréquentes des commotions du cerveau. Aphor. 58, lib. VII. Elle est presque toujours un signe funeste, & même mortel dans les maladies aiguës, surtout quand elle est jointe à une extrème foiblesse, ou qu’elle est accompagnée de hoquet. Prorrhet. lib. I. sect. I. n°. 23. Ceux qui perdent la voix dans un redoublement après la crise, meurent dans peu attaqués de tremblement ou ensévelis dans un sommeil apoplectique. Ibid. sect. II. n°. 58. Les interceptions de voix sans crise annoncent aussi les mêmes accidens & la même terminaison. Coac. præn. cap. ix. n°. 3. L’aphonie est mortelle, lorsqu’elle est suivie de frisson ; ces malades ont une légere douleur de tête. Ibid. n°. 11. Les délires avec perte de voix sont d’un très mauvais caractere. Ibid. n°. 10. Dans les épidémies, Hippocrate rapporte l’histoire de deux phrénétiques qui moururent avec ce symptome ; l’extinction de voix dans la fievre en forme de convulsion, est mortelle, sur-tout si elle est suivie de délire silentieux. Ibid. n°. 4. La malade dont il est fait mention dans le cinquieme livre des épidémies, attaquée d’angine, tomba dès le quatrieme jour dans les convulsions, perdit la voix ; il y eut en même tems grincement des dents & rougeur aux mâchoires ; elle mourut le cinquieme jour. La mutité qui se rencontre dans une affection soporeuse, dans la catalepsie, est d’un très mauvais augure. Ibid. n°. 6. Ceux que la douleur prive de la voix, meurent avec beaucoup d’inquiétudes & de difficulté. Prorrhet. lib. I. sect. II. n°. 19. La perte de voix dans une fievre aiguë avec défaillance, est mortelle, si elle n’est point accompagnée de sueur ; elle est moins dangereuse si le malade sue ; mais elle annonce que la maladie sera longue. N’arrive-t-il pas que ceux qui éprouvent cet accident dans le cours d’une rechûte, sont beaucoup plus en sûreté ? mais le danger est pressant & certain, si l’hémorrhagie du nez ou le dévoiement surviennent. Coac. prænot. cap. ix. n°. 12. Lorsque les pertes de voix sont l’effet & la suite d’une douleur de tête, & que la fievre avec sueur est suivie de dévoiement, les malades lâchent sous eux sans s’en appercevoir, χαλῶντα ἐπ’ αὐτούς ; ils risquent de retomber & d’être longtems malades ; le frisson survenant là-dessus n’est point fâcheux. Ibid. n°. 9. Si le frisson a produit l’aphonie, le tremblement la fait cesser ; & le tremblement joint ensuite au frisson est critique & salutaire. Ibid. cap. j. n° 27. Les douleurs aux hypocondres dans le courant des fievres accompagnées d’interception de voix, sont d’un très-mauvais caractere, si la sueur ne les dissippe pas ; les douleurs aux cuisses survenues à ces malades avec une fievre ardente sont pernicieuses, surtout si le ventre coule alors abondamment. Prorrhet. lib. I. sect. II. n°. 57. La mutité qui vient tout-à-coup dans une personne saine, avec douleur de tête & ralement, ne cesse que par la fievre ou par la mort du malade, qui arrive dans l’espace de sept jours. Aphor. 51, lib. VI. De même l’yvrogne qui perd subitement la voix, meurt dans les convulsions, si la fievre ne survient, ou si à l’heure que l’ivresse a coutume de se dissiper, il ne récouvre la parole. Aphor. 5, lib. V. L’extinction de voix qui est l’effet ordinaire des douleurs de tête, du fondement & des parties génitales extérieures, n’est pas bien à craindre : ces malades tombent au neuvieme mois dans l’assoupissement, & ont le hoquet, & bientôt après la voix revient, & ils rentrent dans leur état naturel. Coac. prænot. cap. iv. n°. 5. Il n’en est pas de même de celle qui vient à un phthisique confirmé, elle est un signe certain d’une mort prochaine.

Nous pouvons conclure de ces différentes observations que la perte de voix toujours par elle même de mauvais augure, est un signe sûrement mortel, quand elle se rencontre avec d’autres signes pernicieux ; & en considérant les cas où elle n’est pas aussi dangereuse, nous voyons que c’est sur-tout quand les sueurs ou la fievre surviennent ; d’où nous pouvons tirer quelques canons pratiques pour le traitement des maladies où ce symptome se rencontre. Il faut bien se garder de s’opposer aux efforts de la fievre, de la diminuer, de l’affoiblir, moins encore de tâcher à la faire cesser tout-à-fait, suivant la pratique routiniere & très-nuisible de la plûpart des médecins, qui ne sauroient s’accoutumer à regarder la fievre comme un remede assuré, & qui la redoutent toujours comme un ennemi dangereux. En second lieu, il faut tâcher de pousser les humeurs vers la peau, de favoriser & déterminer la sueur, ou au moins il faut prendre garde de ne pas empêcher cette excrétion par des purgatifs qu’un autre abus de cette aveugle routine malheureusement encore trop suivie fait si souvent réitérer, au point que dans la plûpart des fievres aiguës on purge tous les deux jours. Le dévoiement est, comme on a pu le remarquer, une excrétion très-désavantageuse dans les extinctions de voix.

Aux trois dérangemens de voix que nous avons parcourus, il me semble qu’on en pourroit ajouter un quatrieme, savoir l’augmentation de la voix. J’ai souvent observé que les malades qui étoient sur le point de délirer, ou qui étoient même déja dans un délire obscur, avoient la voix grosse, brusque, plus ferme & plus nette, &, si je puis ainsi parler, plus arrondie. (m)

Voix maladies de la, (Médec.) l’air reçu dans les poumons, & qui en est chassé par la compression de la poitrine, venant à passer par la fente du larynx légérement rétrécie, rend un son, qui ensuite par la modulation de la langue & des autres parties de la bouche, forme la voix ; mais comme plusieurs choses concourent à cette formation, savoir la poitrine, le diaphragme, le poumon, le larynx, le gosier, la luette, le palais, la langue & la mucosité qui enduit ces parties ; comme toutes sont sujettes à grand nombre de maladies aiguës & chroniques, il ne s’agit pas ici de les rapporter, mais seulement de parcourir les principaux accidens de la voix en général ; ceux qui viennent de naissance, sont incurables.

Dans les maladies inflammatoires, lorsque la voix vient à manquer, qu’elle est foible, aiguë (ce qui désigne ou la débilité des forces, ou bien une métastase sur les organes de la voix, & quelquefois une constriction spasmodique), c’est toujours un mauvais présage.

Quand ces accidens arrivent dans les maladies chroniques, la convulsion, la passion hystérique, la mobilité des esprits, c’est une marque d’un resserrement spasmodique, qu’il faut traiter par les remedes opposés aux causes.

Dans les pituiteux, les hydropiques, les maladies soporeuses, les apoplectiques, dans l’engourdissement & la catalepsie, le défaut de voix tire son origine de la surabondance ou vices de la pituite, ou de la compression du cerveau ; cet accident présage tantôt la longueur, tantôt le danger de la maladie ; il faut employer dans le traitement, les résolutifs externes & les dérivatifs.

Si la voix se supprime dans la céphalalgie, le délire, la phrénésie, comme cette suppression marque l’affaissement du cerveau, le péril est encore plus grand ; cependant on ne doit pas recourir à un traitement palliatif, c’est le mal même qu’il faut guérir.

Lorsque la voix est supprimée dans la péripneumonie, la pleurésie, l’empyème, l’hydropisie de poitrine, l’asthme humoral, c’est un symptome dangereux, parce qu’il doit sa naissance à la réplétion ou à l’oppression du poumon. Il faut en chercher le remede dans l’évacuation ou la dérivation de cette matiere dont le poumon est abreuvé.

L’enflure inflammatoire, érésipélateuse, œdémateuse, catharreuse du palais, de la luette, de la langue, du larynx, suivie de la suppression de la voix, comme les aphthes & les croûtes varioliques, n’exige pas seulement les remedes généraux propres à ces maladies, mais en outre l’application des topiques internes au gosier & externes sur le col, de même que dans les angines. (D. J.)

Voix, s. f. en Musique. La voix d’un homme est la collection de tous les sons qu’il peut tirer, en chantant, de son organe ; ainsi on doit appliquer à la voix tout ce que nous avons dit du son en général. Voyez Son.

On peut considérer la voix selon différentes qualités. Voix forte, est celle dont les sons sont forts & bruyans : grande voix, est celle qui a beaucoup d’étendue : une belle voix, est celle dont les sons sont nets, justes & harmonieux. Il y a dans tout cela des mesures communes dont les voix ordinaires ne s’écartent pas beaucoup. Par exemple, j’ai trouvé que généralement l’étendue d’une voix médiocre qui chante sans s’efforcer, est d’une tierce par-dessus l’octave, c’est-à-dire, d’une dixieme.

Des voix de même étendue n’auront pas pour cela le même diapason, mais l’une sera plus haute, l’autre plus basse, selon le caractere particulier de chaque voix.

A cet égard, on distingue génériquement les voix en deux classes, sçavoir ; voix aiguës ou féminines, & voix graves ou masculines, & l’on a trouvé que la différence générale des unes & des autres, étoit à-peu-près d’une octave, ce qui fait que les voix aiguës chantent réellement à l’octave des voix graves, quand elles paroissent chanter à leur unisson.

Les voix graves sont celles qui sont ordinaires aux hommes faits ; les voix aiguës sont celles des femmes ; les eunuques & les enfans ont aussi à-peu-près le diapason des voix féminines. Les hommes même en peuvent approcher en chantant le fausset ; mais de toutes ces voix aiguës, je ne crains point de dire, malgré la prévention des Italiens, qu’il n’y en a nulle d’espece comparable à celle des femmes, ni pour l’étendue, ni pour la beauté du timbre ; la voix des enfans a peu de consistance, & n’a point de bas ; celle des eunuques n’est supportable non plus que dans le haut ; & pour le fausset, c’est le plus désagréable de tous les timbres de la voix humaine. Pour bien juger de cela, il suffit d’écouter les chœurs du concert spirituel de Paris, & d’en comparer les dessus avec ceux de l’opéra.

Tous ces diapasons différens réunis forment une étendue génerale d’à-peu-près trois octaves qu’on a divisées en quatre parties, dont trois appellées haute-contre, taille & basse appartiennent aux voix masculines, & la quatrieme seulement qu’on appelle dessus est assignée aux voix aiguës, sur quoi se trouvent plusieurs remarques à faire.

1°. Selon la portée des voix ordinaires qu’on peut fixer à-peu-près à une dixieme majeure, en mettant deux tons d’intervalles entre chaque espece de voix, & celle qui la suit, ce qui est toute la différence réelle qui s’y trouve ; le système général des voix qu’on fait passer trois octaves ne devroit renfermer que deux octaves & deux tons ; c’étoit en effet à cette étendue générale que se bornerent les quatre parties de la musique, long-tems après l’invention du contre point, comme on le voit dans les compositions du quatorzieme siecle, où la même clé sur quatre positions successives de ligne en ligne sert pour la basse qu’ils appelloient tenor, pour la taille qu’ils appelloient contra-tenor, pour la haute-contre qu’ils appelloient motetus, & pour le dessus qu’ils appelloient triplum, comme je l’ai découvert dans l’examen des manuscrits de ce tems-là. Cette distribution devoit rendre à la vérité la composition plus difficile, mais en même tems l’harmonie plus serrée & plus agréable.

2°. Pour pousser le système vocal à l’étendue de trois octaves avec la gradation dont je viens de parler, il faudroit six parties au-lieu de quatre, & rien ne seroit si naturel que cette division, non par rapport à l’harmonie qui ne comporte pas tant de sons différens, mais par rapport à la nature des voix qui sont actuellement assez mal distribuées. En effet, pourquoi trois parties dans les voix d’hommes, & une seule dans les voix de femmes ; si l’universalité de celles-ci renferme une aussi grande étendue que l’universalité des autres ? Qu’on mesure l’intervalle des sons les plus aigus des plus aiguës voix de femmes aux sons les plus graves des voix de femmes les plus graves ; qu’on fasse la même chose pour les voix d’hommes ; je m’assure que non-seulement on n’y trouvera pas une différence suffisante pour établir trois parties d’un côté, & une seule de l’autre, mais même que cette différence, si elle existe, se réduira à très-peu de chose. Pour juger sainement de cela, il ne faut pas se borner à l’examen des choses qui sont sous nos yeux ; mais il faut considérer que l’usage contribue beaucoup à former les voix sur le caractere qu’on veut leur donner : en France où l’on veut des basses & des hautes-contres, & où l’on ne fait aucun cas des bas-dessus, les voix d’hommes s’appliquent à différens caracteres, & les voix de femmes à un seul ; mais en Italie où l’on fait autant de cas d’un beau bas-dessus que de la voix la plus aiguë, il se trouve parmi les femmes de très-belles voix graves qu’ils appellent contr’alti, & de très-belles voix aiguës qu’ils appellent soprani ; mais en voix d’hommes récitantes ils n’ont que des tenori ; de sorte que s’il n’y a qu’un caractere de voix de femmes dans nos opéra, il n’y a dans les leurs qu’un caractere de voix d’hommes. A l’égard des chœurs, si généralement les parties en sont distribuées en Italie comme en France, c’est un usage universel mais arbitraire qui n’a point de fondement naturel. D’ailleurs n’admire-t-on pas en plusieurs lieux, & singulierement à Venise, des musiques à grand chœur exécutées uniquement par des jeunes filles ?

3°. Le trop grand éloignement des parties entre elles qui leur fait à toutes excéder leur portée, oblige souvent d’en diviser plusieurs en deux ; c’est ainsi qu’on divise les basses en basses-contres, basse-tailles, les tailles en hautes-tailles & concordans, les dessus en premiers & seconds ; mais dans tout cela on n’apperçoit rien de fixe, rien de déterminé par les regles. L’esprit général des compositeurs est toujours de faire crier toutes les voix, au-lieu de les faire chanter. C’est pour cela qu’on paroît se borner aujourd’hui aux basses & haute-contres. A l’égard de la taille, partie si naturelle à l’homme qu’on l’a appellée voix humaine par excellence, elle est déja bannie de nos opéra où l’on ne veut rien de naturel, & l’on peut juger que par la même raison elle ne tardera pas à l’être de toute la musique françoise.

On appelle plus particulierement voix, les parties vocales & récitantes pour lesquelles une piece de musique est composée ; ainsi on dit une cantate à voix seule, au-lieu de dire une cantate en récit, un motet à deux voix, au-lieu de dire un motet en duo. Voyez Duo, Trio, Quatuor, &c. (S)

Voix, s. f. (Gram.) c’est un terme propre au langage de quelques grammaires particulieres, par exemple, de la grammaire grecque & de la grammaire latine. On y distingue la voix active & la voix passive.

La voix active est la suite des inflexions & terminaisons entées sur une certaine racine, pour en former un verbe qui a la signification active.

La voix passive est une autre suite d’inflexions & de terminaisons entées sur la même racine, pour en former un autre verbe qui a la signification passive.

Par exemple, en latin, amo, amas, amat, &c. sont de la voix active ; amor, amaris, amatur, &c. sont de la voix passive : les unes & les autres de ces inflexions sont entées sur le même radical am, qui est le signe de ce sentiment de l’ame qui lie les hommes par la bienveillance : mais à la voix active, il est présenté comme un sentiment dont le sujet est le principe ; & à la voix passive, il est simplement montré comme un sentiment dont le sujet en est l’objet plutôt que le principe.

La génération de la voix active & de la voix passive en général, si on la rapporte au radical commun, appartient donc à la dérivation philosophique ; mais quand on tient une fois le premier radical actif ou passif, la génération des autres formes de la même voix est du ressort de la dérivation grammaticale. Voyez Formation.

J’ai déja remarqué ailleurs que ce qu’on a coutume de regarder en hébreu comme différentes conjugaisons d’un même verbe, est plutôt une suite de différentes voix. La raison en est que ce sont autant de suites différentes des inflexions & terminaisons verbales entées sur un même radical, & différenciées entre elles par la diversité des sens accessoires ajoutées à celui de l’idée radicale commune.

Par exemple, מסר (mésar, en lisant selon Masclef,) tradidit ; נמסר (noumesar) traditus est ; המסיר (hémésir) tradere fecit ; המסר (hémesar) tradere factus est, selon l’interprétation de Masclef, laquelle veut dire effectum est ut traderetur ; התמסר (héthamésar, ou hethmésar) se ipsum tradidit.

« On voit, dit M. l’Abbé Ladvocat (Gramm. hebr. pag. 74.) que les conjugaisons en hébreu ne sont pas différentes, selon les différens verbes, comme en grec, en latin ou en françois ; mais qu’elles ne sont que le même verbe conjugué différemment, pour exprimer ses différentes significations, & qu’il n’y a en hébreu, à proprement parler, qu’une seule conjugaison sous sept formes ou manieres différentes d’exprimer la signification d’un même verbe ».

Il est donc évident que ces différentes formes différent entre elles, comme la forme active & la forme passive dans les verbes grecs ou latins ; & qu’on auroit pû, peut-être même qu’on auroit dû, donner également aux unes & aux autres le nom de voix. Si l’on avoit en outre caractérisé les voix hébraïques par des épithetes propres à désigner les idées accessoires qui les différencient ; on auroit eu une nomenclature plus utile & plus lumineuse que celle qui est usitée. (B. E. R. M.)

Voix, (Critique sacrée.) ce mot marque non-seulement la voix de l’homme, des animaux, mais aussi toutes sortes de sons, & le bruit même que font les choses inanimées. Ainsi l’abyme a fait éclater sa voix, Habacuc, iij. 10. le prophete veut dire, le son a retenti jusqu’au fond de l’abyme. De même dans l’Apoc. x. 41. les tonnerres proférerent leur voix, pour dire qu’on entendit le bruit du tonnere. Rien n’est plus commun dans l’Ecriture que ces expressions, la voix des eaux, la voix de la nue, la voix de la trompette. Ecouter la voix de quelqu’un, est un terme métaphorique, qui signifie lui obéir. Ecouter la voix de Dieu, c’est suivre ses commandemens. (D. J.)

Voix, (Jurisp.) signifie avis, suffrage. Dans toutes les compagnies les voix ou opinions ne se pesent point, mais se comptent à la pluralité.

En matiere civile, quand il y a égalité de voix, l’affaire est partagée ; une voix de plus d’un côté ou d’autre suffit pour empêcher le partage ou pour le départage.

En matiere criminelle, quand il y a égalité de voix, l’avis le plus doux prévaut ; une voix ne suffit pas en cette matiere, pour que l’avis le plus sévere prévale sur le plus doux ; il en faut au-moins deux de plus.

Celui qui préside la compagnie, recueille les voix, & donne la sienne le dernier ; il lui est libre ordinairement de se ranger à tel avis que bon lui semble. Néanmoins, selon la discipline de quelques compagnies, lorsqu’il y a une voix de plus d’un côté que de l’autre, il doit se joindre à la pluralité, afin que son a vis n’occasionne point de partage. Voyez Avis, Juges, Opinion, Suffrage.

Voix active en matiere d’élection, est la faculté que quelqu’un a d’élire. Voyez Voix passive.

Voix active & passive, est la faculté que quelqu’un a d’élire & d’être élu soi-même.

Voix conclusive, est celle qui a l’effet de départager les opinions.

Voix consultative, est l’avis que quelqu’un donne sans être juge, comme font les experts, les interpretes, & autres personnes qui font quelque rapport.

Voix délibérative, est l’avis que quelqu’un donne dans une assemblée, & qui est compté pour l’élection, jugement ou autre affaire dont il s’agit. Dans les tribunaux, les jeunes officiers qui sont reçus par dispense d’âge avant d’avoir atteint leur majorité, n’ont point voix délibérative, si ce n’est dans les affaires qu’ils rapportent, suivant la déclaration du 20 May 1713.

Voix excitative & honoraire, est celle que les magistrats ont à certaines assemblées, comme aux élections des docteurs-régens & aggrégés de droit, le droit d’élire appartenant aux seuls docteurs-régens, suivant un arrêt du parlement de Paris du 25 Juin 1626. Filleau.

Voix mi-parties, c’est lorsque les voix sont partagées. Voyez Partage.

Voix passive, est la faculté que quelqu’un a d’être élu pour remplir quelque dignité ou fonction. Voyez Voix active.

Voix du peuple, on entend par-là non pas l’opinion du vulgaire, mais l’opinion commune & la plus générale.

Voix publique, c’est le bruit public, la commune renommée.

Voix par souches, sont celles d’une branche d’héritiers qui tous ensemble n’ont qu’une voix, comme quand ils nomment avec d’autres à quelque office ou bénéfice.

Voix uniformes, sont celles qui tendent au même but. Dans les tribunaux les suffrages uniformes entre proches parens, comme le pere & le fils ou le gendre, les deux freres ou beaux-freres, ne sont comptés que pour un. Voyez les déclarations du 25 Août 1708, & 30 Septembre 1738. (A)

Voix, (Marine.) on sous-entend à la. Commandement aux gens de l’équipage de travailler à la fois lorsqu’on donne la voix.

On appelle donner la voix, lorsque par un cri, comme oh hisse, &c. on avertit les gens de l’équipage de faire tous leurs efforts tous à la fois.

Voix angelique, jeu d’orgue, qui est d’étain ; il ne differe de la voix humaine, qu’en ce qu’il est plus petit, & qu’il sonne l’octave au-dessus, & l’unisson du prestant.

Voix humaine, jeu d’orgue, ainsi nommé, parce qu’il imite assez bien, quand le jeu est bien fait, la voix de l’homme, est un jeu de la classe des jeux d’anches : il est d’étain, & sonne l’unisson de la trompette, aux anches de laquelle les anches sont égales ; mais son corps qui est de plus grosse taille, & n’a que le quart de longueur. (Voy. la fig. 40. Pl. d’orgue a b,) est le corps du tuyau qui est à moitié fermé par le haut avec une plaque d’étain a, dont la forme est un demi-cercle. c la noix soudée à l’extrémité inférieure du tuyau, laquelle porte l’anche & la languette 3, qui est reglée par la rosette 2 1, qui, après avoir passé dans la noix c, passe par un trou fait au tuyau, pour sortir par l’ouverture supérieure. Le tout est placé dans une boîte d’étoffe de qui porte le vent du sommier à l’anche. Voyez Trompette, & la table du rapport & de l’étendue des jeux de l’orgue.

Voix du cerf, (Venerie) on connoît les vieux cerfs à la voix, plus ils l’ont grosse & tremblante, plus ils sont vieux ; on connoît aussi à la voix s’ils ont été chassés, car alors ils mettent la gueule contre terre, & ruent bas & gros, ce que les cerfs de repos ne font pas, ayant presque toujours la tête haute.