L’Encyclopédie/1re édition/PAROLE

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PAROLE, s. m. (Gramm.) mot articulé qui indique un objet, une idée. Il n’y a que l’homme qui s’entende & qui se fasse entendre en parlant. Parole se dit aussi d’une maxime, une sentence. Le chrétien doit compter toutes ses paroles. Cet homme a le talent de la parole comme personne peut-être ne l’eut jamais. Les paroles volent, les effets restent. Les Théologiens appellent l’Evangile la parole de Dieu. Donner sa parole, c’est promettre. Estimer sur parole, c’est estimer sur l’éloge des autres. Porter des paroles de mariage, & en entamer les propositions, c’est la même chose.

Parole enfantine, (Lang. franç.) nous appellons au propre paroles enfantines, ces demi-mots par lesquels les enfans qui n’ont pas encore l’usage libre de leur langue, expriment leurs pensées. Rien n’est plus joli que de converser avec eux dans ces premieres années où ils commencent à prononcer à moitié plusieurs mots, dont la prononciation imparfaite donne une grace infinie à tous leurs petits discours, dimidiata verba, dùm tentant integra pronuntiare, loquelam ipso offensantis linguæ fragmine dulciorem, auscultantibus præbent. Mais ce langage imparfait, ce ton enfantin, cette voix à demi-basse, que quelques jolies femmes affectent d’imiter, est ridicule quand on n’est plus dans cet âge tendre où la nature en faisoit tout le charme. C’est ainsi que les mines dans un âge avancé, sont des grimaces.

Parole, (Critique sacrée.) en hébreu dabar ; ce mot se prend dans l’Ecriture, outre le sens propre, pour doctrine, pour parole de Dieu, pour la prédication de cette parole, pour une promesse ; ma promesse, verbum, ne sera pas vaine. Ce même mot se trouve encore employé pour menace, avertissement, ordonnance, volonté, priere, sentence, &c. (D. J.)

Paroles de mauvais augure, (Littérature.) male ominata verba. Les Grecs avoient une crainte superstitieuse sur certaines paroles de mauvais augure. Proférer des paroles de cette espece, s’appelloit βλασφημεῖν. Cette superstition régnoit particulierement dans les sacrifices, où le héraut avoit grand soin d’avertir de s’abstenir de tout mot qui portât malheur. C’est ce que l’on doit entendre par favere linguis, qui signifie autant, s’abstenir de tout terme malencontreux, que se taire. L’attention à n’en point laisser échapper s’observoit ailleurs qu’au temple. Démosthènes dans la harangue contre Leptine, parlant de l’ancienne splendeur d’Athènes, y employe le mot βλασφημεῖν, dont il s’agit ici de déterminer la vraie signification : l’orateur athénien dit, « alors la république jouissoit d’une pleine opulence ; mais aujourd’hui elle doit seulement se promettre qu’un jour elle en jouira ; car c’est ainsi qu’il faut » parler, & non présager rien de sinistre. Le scoliaste grec l’explique de la sorte ; & cependant Wolfius traduit βλασφημεῖν, conviciari, invectiver. Mais Casaubon redresse justement le traducteur.

Nous aurions le catalogue des paroles où l’usage attachoit un mauvais augure, si l’ouvrage que Suétone avoit composé, de male ominatis verbis, fût parvenu jusqu’à nous. On peut, faute de mieux, consulter sur ce point, Artémidore, liv. III. chap. xxxviij. c’est peut-être ce genre de superstition qui pour éluder le mot de mort, a fondé en latin les formules, si quid humanitus contigerit ; si vivere desierit. Nous disons aussi, si Dieu l’appelle à lui, si Dieu dispose de lui mais il faut convenir que le mot vixit, il a vécu, a une toute autre grace que le terme françois, il est mort. (D. J.)

Paroles de présent, (Jurisprud.) sont une déclaration que deux personnes, après s’être présentées à l’église & à leur curé, feroient devant un notaire, qu’ils se prennent pour mari & femme.

Ces sortes de déclarations sont présentement nulles, & il est défendu aux notaires de les recevoir. Voyez le mot Mariage. (A)

Paroles, c’est le nom qu’on donne en Musique au poëme sur lequel le compositeur travaille, & en général au texte, vers ou prose, qui répond aux notes de la musique. Ainsi on dit d’un opéra que la musique en est passable ou bonne ; mais que les paroles en sont détestables. Il arrive rarement qu’on dise le contraire. Voyez Opera. (S)

Parole, adj. dans l’Art militaire, se dit d’un prisonnier de guerre qui obtient la liberté de retourner dans son pays, ou vers ceux de son parti, après avoir promis de revenir dans un tems prescrit, s’il n’est point échangé ; on dit qu’il s’en va sur sa parole. Chambers.