L’Encyclopédie/1re édition/ELLIPSE

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ELLIPSE, s. f. terme de Grammaire ; c’est une figure de construction, ainsi appellée du grec ἔλλειψις, manquement, omission : on parle par ellipse, lorsque l’on retranche des mots qui seroient nécessaires pour rendre la construction pleine. Ce retranchement est en usage dans la construction usuelle de toutes les langues ; il abrege le discours, & le rend plus vif & plus soûtenu : mais il doit être autorisé par l’usage ; ce qui arrive quand le retranchement n’apporte ni équivoque ni obscurité dans le discours, & qu’il ne donne pas à l’esprit la peine de deviner ce qu’on veut dire, & ne l’expose pas à se méprendre. Dans une phrase elliptique, les mots exprimés doivent réveiller l’idée de ceux qui sont sous-entendus, afin que l’esprit puisse par analogie faire la construction de toute la phrase, & appercevoir les divers rapports que les mots ont entr’eux : par exemple, lorsque nous lisons qu’un Romain demandoit à un autre, où allez-vous ? & que celui-ci répondoit ad castoris, la terminaison de castoris fait voir que ce génitif ne sauroit être le complément de la préposition ad, qu’ainsi il y a quelque mot de sous-entendu ; les circonstances font connoître que ce mot est ædem, & que par conséquent la construction pleine est eo ad ædem Castoris, je vais au temple de Castor.

L’ellipse fait bien voir la vérité de ce que nous avons dit de la pensée au mot Déclinaison & au mot Construction. La pensée n’a qu’un instant, c’est un point de vûe de l’esprit ; mais il faut des mots pour la faire passer dans l’esprit des autres : or on retranche souvent ceux qui peuvent être aisément suppléés, & c’est l’ellipse. Voyez Elliptique. (F)

Ellipse, s. f. en Géométrie, est une des sections coniques qu’on appelle vulgairement ovale. Voyez Conique & Ovale.

L’ellipse s’engendre dans le cone, en coupant un cone droit par un plan qui traverse ce cone obliquement, c’est-à-dire non parallelement à la base, qui ne passe point par le sommet, & qui ne rencontre la base qu’étant prolongé hors du cone, ou qui ne fasse tout-au-plus que raser cette base. La condition que le cone soit droit, est nécessaire pour que la courbe formée comme on vient de le dire, soit toûjours une ellipse ; car si le cone est oblique, en coupant ce cone obliquement, on peut quelquefois y former un cercle (voyez la fin de l’article Conique, & Sous-contraire ou Anti-parallele, au mot Parallele) ; or la nature de l’ellipse est d’être ovale, c’est-à-dire d’avoir deux axes inégaux.

Ce mot est formé du grec ἔλλειψις, défaut ; les anciens géometres grecs ont donné ce nom à cette figure, parce que entr’autres propriétés elle a celle-ci, que les quarrés des ordonnées sont moindres que les rectangles formés sous les parametres & les abscisses, ou leur sont inégaux par défaut.

En effet l’équation de l’ellipse, en prenant les abscisses au sommet, est celle-ci , a étant l’axe, & b son parametre. (voyez Parametre, Courbe, & Equation ; voyez aussi la suite de cet article.) ; donc  ; donc, &c. Voy. enfin Parabole & Hyperbole.

L’ellipse, pour la définir par sa forme, est une ligne courbe, rentrante, continue, réguliere, qui renferme un espace plus long que large, & dans laquelle se trouvent deux points également distans des deux extrémités de sa longueur, & tels, que si on tire de ces points deux lignes à un point quelconque de l’ellipse, leur somme est égale à la longueur de l’ellipse. Ces deux points sont éloignés de l’extrémité du petit axe d’une quantité égale à la moitié du grand axe.

Ainsi dans l’ellipse AEBDA (Planche de sect. conique, fig. 21.) les lignes Fa & Fa, tirées des deux points F, f, également distans des deux points A & B, forment une somme égale à AB ; & la distance des points F, f, au point E, est = CA.

Souvent les Géometres prennent l’ellipse pour l’espace contenu ou renfermé dans cette courbe. Elle a, comme on vient de le dire, deux axes inégaux AB & ED. Le grand axe AB s’appelle quelquefois axe ou diametre transverse, & le petit axe DE s’appelle quelquefois l’axe conjugué ou second axe. Mais on appelle en général diametres conjugués ceux dont l’un est parallele à la tangente menée à l’extrémité de l’autre, & réciproquement, soit que leurs angles soient droits, ou non. Les deux axes se coupent toûjours à angles droits. Voyez Axe.

Les deux axes sont le plus grand & le moindre des diametres de l’ellipse ; mais l’ellipse a une infinité d’autres diametres différens. Voyez Diametre, &c.

Le centre d’une ellipse est le point C dans lequel se coupent les deux axes. Voyez Centre.

Les deux points F, f, pris dans le grand axe, également distans de ses deux extrémités A & B, & distans chacun du point D de la valeur de AC, sont nommés foyers de l’ellipse, ou en latin umbilici. Voy. Foyer.

Mais l’ellipse considérée comme une section conique, c’est-à-dire comme une courbe provenant de la section d’un cone, se définit encore mieux par sa génération dans ce solide, que par la maniere dont elle peut être produite sur un plan. C’est la ligne courbe DQE qu’on forme en coupant le cone droit ABC (fig. 21. n. 2.) de la maniere expliquée ci-dessus.

Ou en la définissant par une de ses propriétés supposée connue, c’est une ligne courbe dans laquelle le quarré de la demi-ordonnée PM (fig. 21.) est au rectangle des segmens AP, & BP de l’axe, comme le parametre est à l’axe ; ainsi supposant AB = a, le parametre=b, PM = y, AP = x, on aura , & par conséquent .

Nous ne donnons point la démonstration de cette propriété, parce qu’elle se trouve par-tout. Nous avons exposé les différentes définitions qu’on peut donner de l’ellipse, & cette derniere propriété peut être regardée, si l’on veut, comme une des définitions qu’on peut en donner, auquel cas la démonstration en seroit superflue. Mais la meilleure maniere de traiter de l’ellipse & de toutes les sections coniques géométriquement, est de les considérer d’abord dans le cone, d’en déduire leur équation, & de les transporter de-là sur le plan, pour considérer plus facilement leurs propriétés, & pour trouver, si l’on veut, la maniere de les décrire par un mouvement continu, ou par plusieurs points. Ainsi des propriétés de l’ellipse transportée & considérée sur le plan, résulte la description de l’ellipse telle que nous l’avons donnée au mot Conique.

J’ai dit que la meilleure maniere de traiter géométriquement les sections coniques, & en particulier l’ellipse, étoit de les faire naître dans le cone ; car si on veut les considérer algébriquement par la nature & les différences de leurs équations, la meilleure maniere est celle dont j’ai parlé au mot Conique. Voy. aussi les articles Courbe & Construction.

Si on prenoit les abscisses x au centre C, on trouveroit . Quelquefois cette équation est plus commode que .

De cette derniere équation il s’ensuit, 1o. que , c’est-à-dire que le quarré de la demi-ordonnée est égal au rectangle du parametre par l’abscisse, moins un autre rectangle formé par la même abscisse, & une quatrieme proportionnelle à l’axe, au parametre, & à l’abscisse.

2o. Le parametre, l’abscisse, & la demi-ordonnée d’une ellipse, étant donnés, on trouvera l’axe en faisant ces proportions , & . Voyez Construction.

3o. L’abscisse AP, l’axe AB, & l’ordonnée PM, étant donnés, on trouve le parametre en faisant , & construisant ensuite cette valeur de b suivant les regles expliquées au mot Construction.

4o. Si du grand axe AB comme diametre (figure 22.), on décrit un cercle ACB, & que par le foyer F on mene FC ordonnée à l’axe, FC sera la moitié du petit axe, & FD la moitié du parametre du grand axe. Car l’abscisse , pa étant le quarré du petit axe. V. Parametre & Foyer. Or , par la propriété du cercle ; donc moitié du petit axe. Or est à , comme la moitié du grand axe est au demi-parametre, c’est-à-dire comme le quarré de la moitié du petit axe est au quarré de la moitié du parametre ; donc DF = la moitié du parametre. Le cercle qui a pour diametre le grand axe de l’ellipse, est appellé circonscrit à l’ellipse ; le cercle qui a pour diametre le petit axe, est appellé cercle inscrit : en effet le premier de ces cercles est extérieur, le second intérieur à l’ellipse.

5o. Le parametre & l’axe AB étant donnés, on trouvera facilement l’axe conjugué, puisque c’est une moyenne proportionnelle entre l’axe & le parametre ; à quoi il faut ajoûter que le quarré du demi-axe conjugué est égal au rectangle formé sur Bf & fA (fig. 21.) ou sur AF & BF.

6o. Dans une ellipse quelconque, les quarrés des demi-ordonnées PM, pm, &c. sont entr’eux comme les rectangles formés sur les segmens de l’axe : d’où il s’ensuit que , & par conséquent  ; c’est-à-dire que le quarré du petit axe est au quarré du grand, comme le quarré de la demi-ordonnée est au rectangle formé sur les segmens de l’axe.

7o. La droite FD (fig. 24.) tirée du foyer F à l’extrémité du demi-axe conjugué, étant égale à la moitié de l’axe transverse AC, il s’ensuit que les axes conjugués étant donnés, on peut aisément déterminer les foyers. Pour cela on coupera le grand axe AB en deux parties égales en C, on élevera du point C la perpendiculaire CD égale au demi-axe conjugué ; enfin du point D pris pour centre, & de l’intervalle CA, on décrira un arc de cercle, il déterminera les foyers F & f par ses intersections avec le grand axe.

8o. Comme la somme des deux droites FM & fM, tirées des deux points F & f, au même point de la circonférence M, est toûjours égale au grand axe AB, il s’ensuit de-là que les axes conjugués d’une ellipse étant donnés, on peut facilement décrire l’ellipse. Voyez Conique.

9o. Le rectangle formé sur les segmens de l’axe conjugué est au quarré de la demi-ordonnée, comme le quarré de l’axe conjugué est au quarré du grand axe ; d’où il s’ensuit que les coordonnées à l’axe conjugué ont entr’elles un rapport analogue à celui qui regne entre les coordonnées au grand axe.

10o. Pour déterminer la soûtangente PT (figure 23.) & la soûnormale PR dans une ellipse quelconque, on fera : comme le premier axe est au parametre, ainsi la distance de la demi-ordonnée au centre est à la soûnormale. Voyez Soûnormale.

11o. Le rectangle sous les segmens de l’axe est égal au rectangle formé de la distance de la demi-ordonnée au centre & de la soûtangente. Voyez Soûtangente.

12o. Le rectangle fait de la soûtangente & de la distance de l’ordonnée au centre, est égal à la différence du quarré de cette distance & du quarré du demi-axe transverse.

13o. Dans toute ellipse le quarré de la demi-ordonnée à un diametre quelconque, est au quarré du demi-diametre conjugué, comme le rectangle fait sous les segmens du diametre est au quarré du diametre ; & par conséquent le rapport des demi-ordonnée, des diametres est le même que celui des ordonnées des axes ; le parametre d’un diametre quelconque est aussi une troisieme proportionnelle à ce diametre & à son conjugué.

Nous avons rapporté ces propriétés de l’ellipse la plûpart sans démonstration, pour deux raisons : la premiere, afin que le lecteur ait sous les yeux dans un assez petit espace les principales propriétés de l’ellipse, auxquelles il peut joindre celles dont on a déjà fait mention à l’article Conique. La seconde raison est de donner au lecteur l’occasion de s’exercer en cherchant la démonstration de ces propriétés. Toutes celles que nous venons d’énoncer se déduisent aisément de l’équation ou , selon qu’on prendra les abscisses au centre ou au sommet, pour démontrer plus simplement ces propriétés. Pour démontrer les propriétés des foyers, on nommera CF (fig. 21.) f ; & on remarquera que si e est le second axe, on aura . En voilà plus qu’il n’en faut pour mettre le lecteur sur la voie. On peut remarquer ici en passant que le cercle est une espece d’ellipse dans laquelle les foyers coïncident avec le centre.

Pour trouver les tangentes de l’ellipse, rien n’est plus simple & plus commode que d’employer la méthode du calcul différentiel ; on a  ; donc  ; donc la soûtangente . Voyez les articles Soûtangente & Tangente. A l’égard de la soûperpendiculaire ou soûnormale, elle est ou . En voilà assez pour démontrer les propositions énoncées ci-dessus au sujet des tangentes de l’ellipse.

Nous avons déjà vû au mot Conique, & nous prouverons encore au mot Quadrature, que la quadrature de l’ellipse dépend de celle du cercle, puisque l’ellipse est au cercle circonscrit en raison du petit axe au grand. A l’égard de la rectification de l’ellipse, c’est un problème d’un genre supérieur à celui de la quadrature du cercle, ou du moins tout-à-fait indépendant de cette quadrature. Voyez Rectification ; voyez aussi dans les mémoires que j’ai donnés à l’académie de Berlin pour l’année 1746, & dans le traité du calcul intégral de M. de Bougainville le jeune, les différentielles qui se rapportent à la rectification de l’ellipse.

Au lieu de rapporter l’ellipse à des coordonnées rectangles ou à des ordonnées paralleles, on peut considérer son équation par rapport à l’angle que font avec l’axe les lignes menées du foyer. Cette considération est utile dans l’Astronomie, parce que les planetes, comme l’on sait, décrivent des ellipses dont le soleil est le foyer. Or si on nomme a la moitié du grand axe d’une ellipse, f la distance du foyer au centre, q le cosinus de l’angle qu’une ligne menée du foyer à l’ellipse, fait avec l’axe, r la longueur de cette ligne ; on aura , si on rapporte l’équation au foyer le plus éloigné, & , si on la rapporte au foyer le plus proche. De-là on peut tirer la solution de plusieurs problèmes astronomiques, comme de décrire une ellipse dans laquelle trois distances au foyer sont données, &c. Voyez les mémoires de l’académ. de Berlin pour l’année 1747, & plusieurs autres ouvrages d’Astronomie.

Mais la maniere la plus générale de considérer l’ellipse en Géométrie, est de la considérer par l’équation aux ordonnées paralleles. Nous allons entrer dans quelques considérations sur ce sujet, qui pourront être utiles aux commençans, peut-être même aux géometres plus avancés.

L’équation d’une ellipse rapportée aux axes, les coordonnées étant prises au centre, est , k exprimant un quarré ou rectangle connu, & g un nombre constant & connu ; cela résulte de ce qu’on a vû ci-dessus. Transformons les axes de cette courbe, de maniere qu’ils ne soient plus rectangles, si on veut, mais qu’ils ayent la même origine, & servons-nous pour cela des regles expliquées aux articles Courbe & Transformation, on verra qu’en supposant un des axes dans une position quelconque, il sera possible de donner une telle position à l’autre, que l’équation transformée soit de cette forme , m & n marquant aussi des constantes déterminées. En effet supposons que l’angle des premiers axes soit droit, que E soit l’angle du nouvel axe avec l’un des axes primitifs, & F l’angle que l’axe cherché fait avec l’axe conjugué à l’axe primitif ; soit sinus , cosinus , on aura sinus , cosin.  ; soit sinus , & cosinus , on trouvera , & . Or (Voyez Sinus) . Substituant ces valeurs, & chassant x & y, on aura une équation en z & en u, qui sera la transformée de l’équation  ; & supposant dans cette transformée que les termes où se trouve uz se détruisent, on aura la valeur de f en e convenable pour cela, & l’équation . Cela posé,

Il est visible que pour chaque z, u a toûjours deux valeurs égales, l’une positive, l’autre négative ; que lorsque , on a u=0 dans chacune de ces deux valeurs, & qu’ainsi la tangente à l’extrémité d’un des deux axes est parallele à l’autre axe, & réciproquement ; car la tangente est une ordonnée qui coupe la courbe en deux points coïncidens. Voyez Tangente & Courbe. On verra de plus que f=0 rend e=0 ; que f=1 rend e=1, 1 représentant le sinus total, que f=−1 rend e=−1, & qu’ainsi il n’y a que deux axes dans l’ellipse qui se coupent à angles droits ; mais que fr, r étant moindre que 1, donne deux valeurs de e aussi égales entr’elles, & qu’ainsi il y a toûjours deux diametres différens qui sont avec leur conjugué le même angle, si cet angle est moindre qu’un droit. On peut aussi déduire des valeurs de f en e, & de celles de m & n, que le rectangle des deux axes est égal au parallélogramme formé sur deux diametres conjugués, & que le quarré des deux axes est égal au quarré des deux diametres. Mais ces propositions peuvent encore se démontrer de la maniere suivante, qui est bien plus simple.

Pour démontrer que les parallélogrammes formés autour des deux diametres conjugués sont égaux, imaginez un diametre infiniment proche d’un des conjugués, & ensuite imaginez le conjugué à ce diametre infiniment proche. Achevez les deux parallélogrammes, ou plûtôt le quart de ces parallélogrammes, vous verrez à l’instant, & pour ainsi dire à l’œil, par le parallélisme des tangentes aux diametres conjugués, que ces deux parallélogrammes infiniment proches sont égaux ; leur différence, s’il y en avoit, ne pouvant être qu’infiniment petite du second ordre par rapport à eux. Donc, &c.

Pour démontrer maintenant que la somme des quarrés des diametres conjugués est constante, conservez la même figure, appellez a un des demi-diametres, b son conjugué, a+da, le demi-diametre infiniment proche de a, b−db le demi-diametre conjugué ; il faut donc prouver que (voyez Différentiel) ou que . Or traçant du centre de l’ellipse & des rayons a, b, deux petits arcs de cercle x, z, on verra d’abord évidemment que les deux quarts d’ellipse renfermés entre les demi-diametres conjugués, sont égaux, & qu’ainsi . Or x est à da & z est à db, comme le sinus de l’angle des diametres est au cosinus du même angle ; donc  ; donc puisque , on aura .

On objectera peut-être que ces deux démonstrations sont tirées de la considération des quantités infiniment petites, c’est-à-dire d’une géométrie transcendante supérieure à celle des sections coniques. Je réponds que les principes de cette géométrie sont simples & clairs, & qu’ils doivent être préférés dès qu’ils fournissent le moyen de démontrer plus aisément. Voy. Infini & Différentiel. En effet, pourquoi ne mettra-t-on pas à la tête d’un traité des sections coniques des principes de calcul différentiel, lorsque ces principes simplifieront & abregeront les démonstrations ? J’ose dire que l’opinion contraire ne seroit qu’un préjugé mal fondé. Il y a cent raisons pour la détruire, & pas une pour la soûtenir. Les principes de la géométrie de l’infini étant applicables à tout, on ne sauroit les donner trop tôt ; & il est bien aisé de les expliquer nettement. On doit traiter le problème des tangentes d’une courbe par le calcul différentiel, celui de la quadrature & de sa rectification par le calcul intégral, & ainsi du reste, parce que ces méthodes sont les plus simples & les plus aisées à retenir. Voyez Elémens & Mathématiques.

La maniere dont nous venons de démontrer l’égalité des parallélogrammes circonscrits à l’ellipse, a donné occasion à M. Euler de chercher les courbes qui peuvent avoir une propriété semblable. Voyez les mém. de Berlin, année 1745.

Au lieu de considérer d’abord l’ellipse par rapport à ses axes, on peut la considérer, comme nous avons fait dans l’article Conique, par rapport à son équation envisagée de la maniere la plus générale. Cette équation, comme on le peut voir à l’article cité, se réduira toûjours à l’équation des diametres , en ne faisant même changer de position qu’une des coordonnées. Voyez Courbe, &c.

Le sphéroïde formé par une ellipse autour de son axe, est à la sphere qui a cet axe pour diametre, comme le quarré de l’axe est au quarré de son conjugué ; c’est une suite du rapport des ordonnées correspondantes de l’ellipse & du cercle qui a le même axe. Voyez Sphéroïde ; voyez aussi les articles Cœur (Géométrie) & Conoïde.

Nous avons dit ci-dessus & au mot Conique, comment on décrit l’ellipse par un mouvement continu ; cette maniere de la décrire est la plus simple qu’on puisse employer sur le terrein, & même sur le papier : mais toutes les descriptions organiques de courbes sur le papier sont incommodes. Voyez Compas elliptique. La description par plusieurs points doit être préférée. Voyez Description & Courbe. On peut décrire l’ellipse par plusieurs points, en divisant en raison du petit axe au grand les ordonnées du cercle circonscrit. Voyez à la fin du II. livre des sections coniques de M. de l’Hopital, plusieurs autres méthodes très-simples de décrire l’ellipse par plusieurs points. Il y a des géometres qui enseignent à décrire l’ellipse sur le papier par un mouvement continu, suivant la méthode qui sera expliquée à l’article Ovale ; mais cette méthode est fautive : ce n’est point une ellipse qu’on décrit, c’est un composé d’arcs de cercle qui forment une ovale à la vûe, & qui n’est pas même proprement une courbe géométrique. Aucune portion d’ellipse n’est un arc de cercle. La preuve en est, que le rayon de la développée de cette courbe n’est constant en aucun endroit. On peut le démontrer d’une infinité d’autres manieres. Voyez Développée & Osculateur.

On a déjà dit un mot de l’usage de l’ellipse dans l’Astronomie, & on a vû ci-dessus que z étant l’anomalie vraie, a la distance moyenne, & f l’excentricité (Voyez Anomalie & Excentricité), on a la distance r de la planete au foyer  ; or supposant f très-petite par rapport à a, on peut aisément réduire en série cette valeur de r. Voyez Binome, Développement, & Série ; de plus l’élément du secteur qui représente l’anomalie moyenne (Voyez Loi de Kepler & Anomalie) est proportionnel à  ; d’où il est aisé de conclure par les séries & le calcul intégral, que si ζ est l’anomalie moyenne, on aura , &c. & par la méthode du retour des suites (Voyez Suite & Retour), on aura , &c. ainsi on a également la valeur de l’anomalie moyenne par la vraie, ou celle de la vraie par la moyenne, ce qui donne la solution du problème de Kepler développé au mot Anomalie. J’ai mis ici ces formules, afin que les Astronomes puissent s’en servir au besoin. Voyez Equation du centre.

Si l’ellipse est peu excentrique, & qu’une des lignes menées au foyer soit a + z, l’autre sera a − z, z étant une très-petite quantité ; donc le produit aa − zz de ces deux lignes peut être regardé comme constant & égal à aa, à cause de la petitesse de zz. Or si des deux extrémités d’un arc infiniment petit d’ellipse on mene des lignes à chaque foyer, on trouvera, après avoir décrit de petits arcs du foyer comme centre & des rayons a + z, a − z, que ces petits arcs sont égaux ; nommant donc α chacun de ces petits arcs, on trouvera que le secteur qui a a + z pour rayon, est , & que l’angle qui a a − z pour rayon, est  ; donc le rapport du secteur à l’angle est  ; donc il peut être censé constant, sur quoi voyez l’article suivant Ellipse de M. Cassini.

De ce que la somme des lignes menées aux foyers est constante, il s’ensuit, comme il est aisé de le voir, que menant deux lignes d’un même point aux deux foyers, la différentielle de l’une est égale à la différentielle de l’autre prise négativement. Or on conclura de-là très-aisément, & par la plus simple géométrie élémentaire, que les deux lignes dont il s’agit font des angles égaux avec la tangente qui passe par le point d’où elles partent. Donc un corps partant du foyer d’une ellipse & choquant la surface, sera renvoyé à l’autre foyer. Voyez Réflexion. De-là l’usage de cette propriété dans l’Acoustique & & dans l’Optique. Voyez Miroir, Echo, Cabinets secrets. Voilà encore une propriété de l’ellipse que le calcul différentiel, ou plûtôt le simple principe de ce calcul démontre très-élégamment & très-simplement. Si les deux foyers d’une ellipse s’éloignent jusqu’à arriver aux extrémités du grand axe, l’ellipse devient alors une ligne droite ; & si un des foyers restant en place, l’autre s’en éloigne à l’infini, elle devient parabole. Voyez Parabole.

Ellipses à l’infini ou de tous les genres, ce sont celles qui sont désignées par les équations générales , & que quelques-uns appellent elliptoïdes. Voyez Elliptoïde. Mais ces mots ou façons de parler sont peu en usage.

L’ellipse ordinaire est nommée ellipse apollonienne ou d’Apollonius, quand on la compare à celles-ci, ou qu’on veut l’en distinguer. V. Apollonien. (O)

Ellipse de M. Cassini, autrement nommée cassinoïde, est une courbe que feu M. Jean Dominique Cassini avoit imaginée pour expliquer les mouvemens des planetes ; cette courbe a deux foyers F, f (fig. 24.), dont la propriété est telle que le produit FM ✕ Mf de deux lignes quelconques menées de ces foyers à un point quelconque M de la courbe, est toûjours égal à une quantité constante ; au lieu que dans l’ellipse ordinaire ou d’Apollonius, c’est la somme de ces lignes, & non leur produit, qui est égale à une quantité constante. M. l’abbé de Gua dans ses usages de l’analyse de Descartes, a déterminé les principales propriétés de cette courbe. Il y examine les différentes figures qu’elle peut avoir, & dont nous avons rapporté quelques-unes à l’article Conjugué, & il conclud que cette courbe n’a pas été bien connue par ceux qui en ont parlé avant lui, si on en excepte cependant l’illustre M. Grégory. Voyez astron. physiq. & géométr. élément. page 33’. édit. de Geneve, 1726, ou les trans. phil. Sept. 1704.

Pour avoir une idée des propriétés de cette courbe, soit a son demi-axe, f la distance d’un des foyers au centre, x l’abscisse prise depuis le centre, y l’ordonnée, on aura, comme il est aisé de le prouver par le calcul , par la propriété de cette courbe, ou , ou enfin  ; donc, 1°. cette équation ne donnera jamais que deux valeurs réelles tout au plus pour y, l’une positive, l’autre négative, & égale à la positive ; car les deux valeurs qu’on auroit en mettant le signe − devant seroient imaginaires, puisque y seroit la racine d’une quantité négative. 2°. En supposant même le signe + devant cette derniere quantité, il est visible que la valeur de y ne sera réelle que quand sera > ou , c’est-à dire quand sera > ou = 0. Donc si est ou , l’ordonnée sera réelle, sinon elle sera imaginaire.

Donc si , l’ordonnée sera nulle au centre, & la courbe aura la figure d’un 8 de chiffre ou lemniscate (Voyez Lemniscate) ; car on aura alors ou , condition pour que l’ordonnée soit nulle ou réelle. Si , les ordonnées réelles ne commenceront qu’au point où , & elles finiront au point où  ; car doit aussi être > ou . Ainsi dans ce cas la courbe sera composée de deux courbes conjuguées & isolées, distantes l’une de l’autre de la quantité  ; & si dans cette supposition on a de plus ou , la courbe se réduira à deux points conjugués uniques. Si , la courbe sera totalement imaginaire. Enfin si , la courbe sera continue, & aura toutes ses ordonnées réelles, égales & de signe contraire, depuis jusqu’à .

Cette courbe que M. Cassini avoit voulu introduire dans l’Astronomie, n’est plus qu’une courbe purement géométrique & de simple curiosité, car on sait que les planetes décrivent des ellipses apolloniennes ou ordinaires. On demandera peut-être par quelle raison M. Cassini avoit substitué cette ellipse à celle de Kepler. Voici ma conjecture sur ce sujet. On sait que la plûpart des planetes décrivent des ellipses peu excentriques. On sait aussi, & on peut le conclure de l’article ellipse qui précede, que dans une ellipse peu excentrique les secteurs faits par les rayons vecteurs à un foyer sont proportionnels à très-peu-près aux angles correspondans faits à l’autre foyer ; & c’est sur cette propriété que Ward ou Sethus Wardus a établi sa solution approchée du problème qui consiste à trouver l’anomalie vraie d’une planete, l’anomalie moyenne étant donnée. Voyez Ellipse & Anomalie. Voyez aussi les instit. astronomiq. de M. le Monnier, page 506, & suiv. Le rapport du secteur infiniment petit à l’angle correspondant, est comme le rectangle des deux lignes menées au foyer, & dans une ellipse peu excentrique, ce rectangle est à-peu-près constant : voilà le principe de Ward. Or M. Cassini paroît avoir raisonné ainsi : Puisque le rapport des secteurs élémentaires aux angles correspondans est comme ce rectangle, il sera constant dans une courbe où le rectangle seroit constant ; il a en conséquence imaginé sa Cassinoïde.

Mais, 1°. quand la Cassinoïde auroit cette propriété de la proportionnalité des secteurs aux angles, ce ne seroit pas une raison pour l’introduire dans l’Astronomie à la place de l’ellipse conique que les planetes décrivent en effet ; que gagne-t-on à simplifier un problème, lorsqu’on change l’état de la question ? 2°. Si dans l’ellipse conique le rapport des secteurs aux angles est comme le rectangle des deux lignes menées aux foyers, c’est que la somme de ces deux lignes est constante (Voyez Ellipse) ; sans cela la proportion n’a plus lieu. Ainsi même dans l’ellipse cassinienne les secteurs ne sont pas comme les angles. J’ai crû cette remarque assez importante pour ne la pas négliger ici. (O)

ELLIPSE, nom que les Horlogers donnent à une piece adaptée sur la roue annuelle d’une pendule d’équation. Voyez la figure 41. Planche d’Horlogerie. C’est une grande plaque de laiton dont la courbure est irréguliere, mais ressemblant à-peu-près à celle d’une ellipse. Cette piece sert à faire avancer ou retarder l’aiguille des minutes du tems vrai selon l’équation du soleil. Voyez là-dessus l’article Pendule d’équation, où l’on explique comment cela se fait, & de quelle maniere on donne à cette plaque la courbure requise. (T)